:
Je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de la 94 e séance du Comité permanent du commerce international. La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Par conséquent, les membres y participent en personne dans la salle ou à distance à l'aide de l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui sont en ligne, veuillez désactiver votre micro lorsque vous ne parlez pas. Pour l'interprétation en ligne, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
Je demanderais à tous les participants d'être prudents lorsqu'ils manipulent les écouteurs afin d'éviter la rétroaction acoustique, qui peut être extrêmement dommageable pour nos interprètes et causer de graves blessures. Veuillez parler seulement dans le microphone auquel votre casque d'écoute est branché. Veuillez placer vos écouteurs loin du microphone lorsque vous ne les utilisez pas.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Les membres présents dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Les membres sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous le pourrons. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension.
Si des problèmes techniques surviennent, veuillez nous en informer immédiatement. Nous devrons peut-être suspendre la séance pour nous assurer que l'interprétation est correctement rétablie avant de reprendre les travaux.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 6 février, le Comité reprend son étude des négociations de libre-échange entre le Canada et l'Équateur.
Nous accueillons aujourd'hui, du ministère de l'Emploi et du Développement social, Pierre Bouchard, directeur des Affaires bilatérales et régionales du travail.
Du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, nous accueillons Son Excellence Stephen Potter, ambassadeur du Canada en Équateur; Doug Forsyth, directeur général de l'Accès aux marchés; Dean Foster, directeur de la Politique et des négociations commerciales; et Reuben East, directeur adjoint de la Politique commerciale sur l'investissement.
Avant de passer aux commentaires et aux observations, je mentionne que l'ambassadeur du Canada en Équateur n'a pas de casque d'écoute adéquat. Il ne pourra donc pas participer à la séance d'aujourd'hui.
Après en avoir parlé avec M. Cannings, en particulier, qui aimerait beaucoup que vous participiez à notre étude, monsieur l'ambassadeur, nous nous demandons si ce qui suit serait possible. Vous pourriez écouter la discussion de cet après-midi. Vous ne pourrez pas faire de commentaires tout de suite, mais si vous souhaitez que nous prenions des dispositions pour que vous comparaissiez à une autre occasion lorsque vous aurez le casque d'écoute approprié, nous pourrions le faire.
Que souhaite le Comité? Inviterons-nous l'ambassadeur à revenir à une autre réunion lorsqu'il aura le casque d'écoute approprié?
M. Cannings dit oui.
:
Merci, madame la présidente. Je suis heureux d'être ici de nouveau et de revoir tous les membres du Comité.
Je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour m'adresser au Comité et je me réjouis de votre étude sur les négociations de libre-échange entre le Canada et l'Équateur.
[Français]
Votre étude arrive à point nommé, car les experts commerciaux du gouvernement responsables des différents domaines des accords de libre-échange sont actuellement engagés dans des travaux d'élaboration de politiques en vue de proposer des chapitres pour les négociations prévues.
Notre équipe achève également le travail sur les objectifs de négociation de haut niveau, qui devraient être présentés au Parlement d'ici la fin du mois, afin que vous puissiez transmettre vos commentaires avant le début des négociations.
Permettez-moi maintenant d'évoquer le contexte du lancement éventuel de ces négociations.
[Traduction]
À 116 milliards de dollars américains, le PIB de l'Équateur représente environ 3 % du produit intérieur brut de l'Amérique du Sud. C'est le seul pays de la côte pacifique de l'Amérique du Sud avec lequel le Canada n'a pas encore d'accord de libre-échange, étant donné qu'il y a déjà un ou plusieurs accords en vigueur avec le Chili, le Pérou, la Colombie et le Panama.
Le gouvernement actuel de l'Équateur, dirigé par le président Daniel Noboa Azin, est l'un des plus favorables à la libéralisation du commerce dans la région. Il appuie également les concepts de commerce inclusif dans des domaines comme le commerce et le genre, le commerce et les peuples autochtones, les droits des travailleurs et l'environnement. Il convient de souligner que l'Équateur partage les points de vue du Canada sur des questions comme les droits de la personne, la guerre en Ukraine et l'importance capitale d'un ordre international fondé sur des règles. Il voit la contribution d'un ALE à une prospérité économique accrue comme un moyen de faire progresser ses politiques nationales en matière de sécurité et de bien-être social.
Comme vous le savez peut-être, les représentants commerciaux du Canada et de l'Équateur ont mené des discussions exploratoires pendant une bonne partie de 2023 avant de prendre la décision mutuelle de procéder au lancement des négociations. Ces discussions exploratoires ont révélé un vaste alignement sur le plan de l'approche et une forte volonté de part et d'autre de faire preuve de souplesse et de faire avancer les négociations rapidement. De plus, les deux parties ont l'intention de mener les négociations en grande partie en mode virtuel, avec un minimum de déplacements physiques, dans un but d'efficacité et de célérité.
L'objectif du Canada est de négocier un accord commercial ambitieux et de qualité avec l'Équateur. Nous chercherons à conclure un accord qui procurera aux entreprises canadiennes un accès préférentiel au marché équatorien, ainsi qu'une transparence et une certitude accrues pour les fournisseurs de services et les investisseurs canadiens.
Nous chercherons à conclure un accord fidèle aux stratégies les plus récentes du Canada dans des domaines comme le commerce numérique, le commerce inclusif, la conduite responsable des affaires, l'environnement et les droits des travailleurs. Nous chercherons à conclure un accord qui profite au plus grand nombre, y compris aux groupes généralement sous-représentés comme les femmes, les Autochtones et les petites et moyennes entreprises.
[Français]
Nous savons que cet accord bénéficie déjà d'un soutien. Dans le cadre du processus de consultation, nous avons reçu des commentaires favorables de la part de parties prenantes, notamment des secteurs agricole et minier.
Nous avons également entendu ce qu'avait à dire un certain nombre de provinces et de territoires, qui ont tous soutenu l'initiative comme moyen de créer des possibilités économiques accrues pour les Canadiens et de forger des relations commerciales plus étroites avec l'Équateur.
De plus, les parties prenantes nous ont fait part de leurs préoccupations au sujet de certaines dispositions telles que l'investissement. Nous réfléchissons toujours à la meilleure façon de répondre à ces commentaires au moyen du travail d'élaboration de politiques en cours sur nos différents modèles de chapitres de l'accord de libre-échange et grâce à des initiatives en dehors de l’accord.
[Traduction]
C'est dans cet esprit que nous accueillerons et examinerons vos recommandations une fois votre étude terminée.
En ce qui concerne les répercussions économiques, je commencerai par souligner que le commerce bilatéral de marchandises entre le Canada et l'Équateur a augmenté de 11 % par année en moyenne depuis 2010, pour atteindre 1,3 milliard de dollars en 2022. Près de 40 % des exportations canadiennes vers l'Équateur et près de 90 % des importations actuelles du Canada en provenance de l'Équateur sont déjà exemptes de droits. Une analyse préliminaire effectuée par le bureau de l'économiste en chef d'Affaires mondiales Canada a permis d'établir qu'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Équateur générerait des avantages économiques modestes, mais positifs pour les deux pays. Le Canada devrait réaliser des gains en matière d'exportation dans un vaste éventail de domaines comme le blé, les légumineuses et les produits manufacturés, ainsi que dans le commerce de services.
Dans l'ensemble, selon les estimations préliminaires, un accord commercial ambitieux permettrait au Canada de faire croître son PIB d'environ 83 millions de dollars américains d'ici 2030, tandis que le PIB de l'Équateur pourrait augmenter d'environ 49,3 millions de dollars américains au cours de la même période.
À l'aube de ces négociations, nous nous intéressons particulièrement à l'investissement. En 2022, le Canada avait le stock d'investissements étrangers directs en Équateur le plus important au monde, à hauteur de 2,6 milliards de dollars, grâce à ses investissements dans le secteur minier. Le Canada se soucie tout particulièrement de l'application des obligations prévues au chapitre sur l'investissement du Règlement des différends entre investisseurs et États, le RDIE, pour les entreprises canadiennes.
En 2017, sous le règne d'un gouvernement précédent, l'Équateur avait signalé son intention de mettre fin à l'Accord de protection des investissements étrangers de 1997 avec le Canada. Il a été résilié en 2018, bien que les investissements existants restent protégés jusqu'en 2033. Cependant, nous constatons que la Cour constitutionnelle de l'Équateur a dernièrement jugé inconstitutionnelle l'inclusion d'un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États à l'ALE de l'Équateur avec le Costa Rica. Les discussions se poursuivent en Équateur pour déterminer s'il existe des options qui lui permettraient tout de même d'aller de l'avant en ce sens à certaines conditions, et ce processus se poursuivra pendant les premiers mois des négociations en vue d'un accord de libre-échange avec le Canada.
Nos négociateurs évalueront les options en ce sens avec l'Équateur lorsque les négociations commenceront, et nous avons l'intention de fonder notre position sur le dernier modèle d'accord d'investissement du Canada, qui précise notamment que les parties conservent leur droit de réglementer et la souplesse nécessaire pour décider de leurs politiques dans des domaines comme l'environnement, la santé, la sécurité, les droits des Autochtones, l'égalité des sexes et la diversité culturelle.
[Français]
En conclusion, Affaires mondiales Canada et les autres ministères impliqués dans notre politique commerciale considèrent que, dans l'ensemble, un accord de libre-échange entre le Canada et l'Équateur serait économiquement bénéfique et fournirait un moyen de soutenir un gouvernement de cette région qui partage les mêmes idées et valeurs.
[Traduction]
J'attends avec impatience les commentaires et les questions des membres du Comité aujourd'hui, et j'ai hâte d'examiner les résultats de vos travaux une fois que votre étude sera terminée.
:
Merci, madame la présidente.
Monsieur Forsyth, je suis heureux de vous revoir parmi nous.
Lors de notre dernière réunion, quelqu'un a déclaré: « Les échanges entre le Canada et l'Équateur sont si modestes. Pourquoi aurions-nous besoin d'un tel accord? » C'est ce que l'on pourrait penser, mais nous devons conclure des accords commerciaux tant avec les grands marchés qu'avec les petits marchés. Nous devons en conclure avec tous les marchés. Je pense que nous avons 15 accords qui couvrent 51 pays. Plus nous en aurons, mieux ce sera. Chaque petit ajout est utile.
Encore une fois, je pense que le processus de négociation est souvent bénéfique. Peut-être que les négociations commerciales entre le Canada et le Royaume‑Uni ont été suspendues, tout comme celles entre le Canada et l'Inde. Plus précisément, il y a deux jours, j'ai appris que l'une des demandes faites par le Canada à l'Inde concernait des exonérations fiscales pour les investissements des fonds de pension. On m'a dit que sur les 75 milliards de dollars investis par le Canada en Inde, la majeure partie provient de nos régimes de pension. On m'a dit que le dernier budget de l'Inde — je crois qu'il a été publié ce mois‑ci — prévoit l'exemption des fonds de pension des dispositions relatives à l'impôt sur le revenu, et que les seuls fonds de pension qui investissent en Inde sont canadiens, ce qui constitue donc un avantage supplémentaire. J'estime que quel que soit le marché — qu'il s'agisse de l'Équateur ou de tout autre marché, petit ou grand —, nous devons continuer d'avancer.
J'ai plusieurs questions. Je vais les regrouper et vous pourrez ensuite y répondre.
Tout d'abord, lors de la dernière réunion, certaines personnes nous ont dit: « Nous ne devrions pas avoir de règlement des différends entre investisseurs et États ». Mon point de vue sur les dispositions du règlement des différends entre investisseurs et États est que nous devons protéger les intérêts du Canada, de notre économie, de nos sociétés et de nos entreprises. Pouvez-vous préciser l'importance du règlement des différends entre investisseurs et États? Elle peut varier d'un marché à l'autre. Ce mécanisme n'est peut-être pas pertinent pour tous les marchés avec lequel nous négocions, mais pourquoi est‑il important en général?
D'autre part, vous avez mentionné que les avantages attendus seront modestes. Même si les avantages sont modestes, quelle est l'importance, dans le contexte général du Canada, de conclure des accords de libre-échange avec différents pays dans différentes parties du monde?
:
Je vais citer quelques-unes des raisons pour lesquelles nous aimons inclure le règlement des différends entre investisseurs et les États dans notre modèle. Cette liste n'est pas exhaustive, mais en voici quelques-unes.
Tout d'abord, un chapitre sur l'investissement comportant des dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États s'est avéré être un moyen d'attirer les investissements parce qu'il offre plusieurs avantages. Il fournit un environnement stable et prévisible aux investisseurs canadiens lorsqu'ils investissent à l'étranger. Les parties prenantes nous ont dit qu'il était très important de poursuivre dans cette voie.
En outre, si un chapitre sur l'investissement contient une série d'obligations, et c'est l'approche que nous avons adoptée, nous estimons qu'il est également important de disposer d'un moyen de faire respecter ces obligations, et le règlement des différends entre investisseurs et États en est un. Il est très important d'avoir les deux. Une fois encore, nos parties prenantes nous ont dit très clairement que, si nous devons établir un ensemble d'obligations, il est important de disposer d'un moyen de les faire respecter.
La troisième raison est que le seul moyen de faire respecter l'ensemble des obligations prévues dans un chapitre sur l'investissement est de recourir au mécanisme des traités. Je vais prendre l'exemple d'un accord existant, l’Accord économique et commercial global, notre accord avec l'Union européenne. À l'avenir, si un investisseur canadien tentait d'invoquer les obligations de ce traité devant un tribunal de l'un des pays de l'Union européenne, il ne pourrait pas le faire, parce que le traité lui‑même stipule qu'il s'agit du mécanisme à utiliser, et que ces tribunaux nationaux n'ont pas la compétence juridique pour entendre ces plaintes. Sans ce mécanisme, il n'y aurait aucun moyen de faire respecter ces obligations.
Je vous remercie de votre présence. Je suis heureux de vous revoir.
Après la conclusion de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique en 2018, la , qui était entre autres à l'époque ministre du Commerce international, a déclaré qu'elle était très fière du fait que nous n'ayons pas inclus le règlement des différends entre investisseurs et États dans cet accord. Elle a déclaré ce qui suit: « Le mécanisme faisait passer les droits des entreprises au‑dessus de ceux des gouvernements souverains. En l’abolissant, nous renforçons le droit du gouvernement de réglementer, dans l'intérêt du public, pour protéger la santé publique et l’environnement ».
Au Canada, il y a eu un certain nombre de cas qui ont coûté très cher aux Canadiens, et d'autres cas sont survenus dans d'autres pays sous prétexte de protéger les investissements canadiens. Comme on l'a mentionné, l'Équateur, face à l'un de ces problèmes, s'est en fait retiré de ses accords, parce qu'il n'aimait pas les effets que les gouvernements étrangers pouvaient avoir sur la législation et le travail en matière d'environnement et de droits de la personne en Équateur. Aujourd'hui, nous avons un autre gouvernement.
Je me demande simplement pourquoi le Canada semble avoir changé d'avis sur le règlement des différends entre investisseurs et États. Le monde semble s'en éloigner, mais nous semblons redoubler d'efforts, en particulier dans le cas de l'industrie minière canadienne et de certains de ses acteurs. Pourquoi y tenons-nous toujours autant aujourd'hui, alors que d'autres pays semblent s'en éloigner?
:
Excusez‑moi. Puis‑je vous interrompre?
M. Reuben East: Bien sûr.
M. Richard Cannings: Nous entendons dire que le nouveau règlement des différends entre investisseurs et États contient des protections qui n'empêchent pas l'une ou l'autre partie de légiférer en matière de protection des droits de la personne ou d'environnement.
En Équateur, le mégaprojet minier Loma Larga, détenu par Dundee Precious Metals, concerne près de 8 000 hectares de paramo. Deux référendums exécutoires ont été organisés auprès des citoyens équatoriens. Plus de 80 % d'entre eux sont favorables à l'arrêt de ces projets miniers, car ils ont une incidence sur l'approvisionnement en eau de la ville de Cuenca, qui compte 600 000 habitants. Pourtant, le gouvernement équatorien et cette entreprise s'obstinent à faire avancer le projet, ce qui viole le droit à la participation politique.
Je suis sceptique. Imaginons qu'un nouveau gouvernement équatorien arrive et dise: « Désolé, Dundee, vous ne pouvez pas aller de l'avant. Nous avons organisé ces référendums et nous éliminons les droits d'exploitation minière ici. » Protégerions-nous le peuple équatorien ou continueraient‑ils d'exploiter les mines? Il semble que dans d'autres situations, cette disposition n'empêche pas les gouvernements de légiférer en matière de droits de la personne ou d'environnement.
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J'ai quelques remarques à formuler.
Tout d'abord, dans la situation actuelle, l'Équateur nous a fait savoir qu'il souhaitait discuter avec nous d'un chapitre sur l'investissement. Dans le cadre de nos discussions, nous leur avons envoyé un modèle qui inclut le règlement des différends entre investisseurs et États. Ils sont conscients de ce point. En premier lieu, vous aurez entendu dire que le Canada, si je ne me trompe pas, est le principal investisseur de l'Équateur, et il y a donc un intérêt mutuel à disposer d'un chapitre sur les investissements prévoyant la protection des investissements.
Cependant, le modèle actuel est très différent de celui du Forum interparlementaire des Amériques de 1997. Nous avons créé un nouveau modèle — un accord de protection des investissements étrangers — qui a été rendu public, je crois, en 2021. Il s'agit d'un modèle très différent. Il s'appuie sur plus de 30 années d'expérience au cours desquelles nous avons reçu des plaintes, par exemple dans le cadre de l'ALENA, ainsi que sur d'autres accords et chapitres d'investissement avec des partenaires comme l'Union européenne.
Ce chapitre présente un bon équilibre entre, d'une part, le droit de réglementer et de protéger des éléments comme les droits de la personne, l'environnement, etc. et la capacité de protéger ces éléments, tout en prévoyant des dispositions pour les investisseurs.
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J'espère avoir bien compris votre question.
[Traduction]
Du point de vue des négociations commerciales en général, je pense que nous nous appuyons sur une bonne base de connaissance. Nos négociateurs acquièrent de l'expérience dans le cadre des différentes négociations, qu'il s'agisse du Royaume‑Uni, de l'Inde, de l'Indonésie ou de l'Association des nations de l'Asie du Sud‑Est. Nous pouvons ainsi renforcer nos positions à mesure que nous avançons.
Si, au cours des négociations, nous obtenons un résultat favorable pour le Canada dans le cadre d'un accord — quel que soit le domaine concerné —, nous tirons parti de cette expérience et nous l'utilisons dans toute la mesure du possible avec le partenaire de négociation suivant.
Dans ce cas‑ci, certains des domaines dans lesquels nous avons mené des négociations, pas tellement avec le Royaume‑Uni, mais peut-être avec certains partenaires de plus petite taille, bénéficieront de notre expérience en matière de négociation et nous envisageons de conclure ce type d'accord dans le cadre des négociations de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Équateur.
:
J'aimerais d'abord revenir sur les chiffres, puis je vais répondre à la seconde partie de votre question.
Comme je l'ai dit, cinq affaires ont été réglées. Sept d'entre elles étaient inactives, terminées ou retirées. Lorsqu'elles ont été retirées — et je peux vous le dire, car dans deux de ces cas, j'étais directement conseiller commercial —, il s'agissait d'affaires dans le cadre d'une consultation, par exemple. Deux d'entre elles ont été retirées par l'investisseur, qui espérait, à ce moment‑là, obtenir un règlement. Nous lui avons répondu que nous comptions nous défendre vigoureusement. L'investisseur a décidé d'abandonner l'affaire afin d'éviter des frais à sa charge, notamment.
Je pense qu'un volet de votre question concernait les mesures et leur retrait. Est‑ce exact?
D'après ce que j'ai compris, aucune mesure n'a été retirée. En vertu des mécanismes de règlement des différends investisseur-État, un tribunal ne dispose que d'une seule prérogative s'il constate un non-respect du règlement, à savoir accorder des dommages et intérêts. Par contre, le tribunal ne peut pas ordonner à un pays signataire d'un traité avec le Canada de retirer une mesure.
Monsieur Forsyth, vous avez mentionné au début de votre intervention qu'il y aurait des chapitres ou des formulations sur les peuples autochtones, les droits de l'homme, l'environnement, et pourtant il y aura aussi un chapitre sur les investisseurs avec des mécanismes de RDIE.
Il me semble que nous sommes en présence d'un cas en Équateur où certains des principaux conflits concernant les droits de l'homme et l'environnement, les peuples autochtones en Équateur, se produisent, malheureusement, à cause d'investisseurs canadiens. Les mécanismes de RDIE sont utilisés pour les protéger des efforts du gouvernement équatorien pour légiférer afin de protéger ses propres populations et son propre environnement.
Je me demande simplement pourquoi nous faisons cela. Comment aidons-nous le peuple équatorien en combinant ces deux aspects?
On parle de droit de réglementer, mais en Colombie, nous avons un accord et ce langage s'est avéré inutile. Lorsque le gouvernement colombien a tenté de réglementer l'activité de la société minière canadienne Eco Oro, il a utilisé cette disposition des RDIE et le gouvernement colombien a perdu alors qu'il estimait que cette société minière portait atteinte à l'environnement.
J'ai vraiment du mal à comprendre en quoi cela aide le Canada ou l'Équateur. Comment pouvons-nous réglementer la DNUDPA dans cette situation, alors que nous avons un cas clair d'un gouvernement équatorien et d'une entreprise canadienne qui bafouent tout l'aspect du consentement libre, préalable et éclairé de la DNUDPA ?
Je ne comprends plus. Je ne vois même pas pourquoi nous envisageons d'entamer ce genre de négociations si c'est là notre ligne de conduite.
:
Je pense que dans le cadre de notre modèle actuel, et du modèle que nous avons proposé de mettre au point avec l'Équateur, nous veillons à trouver un équilibre, comme je l'ai mentionné précédemment, entre les droits des investisseurs par le biais d'obligations et d'un mécanisme de protection, et le droit de réglementer la protection dans des domaines tels que l'environnement, le travail, les droits de la personne, et ainsi de suite.
Nous pensons que le modèle dont nous disposons aujourd'hui, et qui est très différent de celui de 1997, permet d'atteindre cet équilibre.
Je vais vous donner quelques exemples. Nous avons parlé à plusieurs reprises des dispositions relatives au droit de réglementer. Celles‑ci ne figuraient pas dans notre ancien modèle. Elles figurent aujourd'hui, à partir de l'AECG, dans tous nos accords de libre-échange, et pas seulement en matière d'investissement.
J'ai parlé d'équilibre. Nous avons renforcé les dispositions de fond, par exemple dans le chapitre sur l'investissement, comme l'expropriation. Par exemple, le simple fait d'affecter l'investissement d'un investisseur n'équivaut pas à une expropriation. C'est un point que nous avons clarifié dans nos dispositions et qui n'existait pas dans le passé.
Enfin, les deux parties à un traité peuvent émettre des réserves afin de protéger leur espace politique public dans des domaines qu'elles estiment devoir être protégées. Nous le faisons régulièrement, tout comme nos partenaires.
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Merci, madame la présidente.
Il y a au Canada quelques organisations non gouvernementales bien intentionnées qui défendent les intérêts du peuple équatorien. Il n'est pas question de tout le monde, car il est évident que le gouvernement et la majorité du peuple équatorien accueillent favorablement les accords de commerce extérieur. Pour donner un exemple parallèle, quelques centaines de personnes au Québec, dirigées par Greenpeace, ont protesté contre l'investissement de 7 milliards de dollars de Northvolt au Québec, qui emploiera 3 000 personnes pour fabriquer des batteries. Sur cette base, si les Suédois faisaient savoir à leur gouvernement que les Canadiens protestent, ils cesseraient de parler de commerce avec le Canada ou d'investissements au Canada...
Nous devons comprendre que le Sud global est en train de changer. Je sais que vous avez mentionné les droits de la personne, l'égalité des sexes et d'autres questions sociales. J'espère que nous sommes conscients que le Canada, en tant que pays développé, ne peut être perçu comme un donneur de leçons ou un prêcheur. Je pense que nous devons utiliser les mots avec précaution. Nous devons être plus prudents et plus pragmatiques. Or, les arguments bien intentionnés qu'on oppose aux entreprises canadiennes, aux intérêts canadiens et à l'accord de libre-échange que nous avons l'intention de conclure avec l'Équateur sont, à mon avis, quelque peu problématiques.
Lorsque des investissements canadiens ou tout autre investissement sont réalisés dans un pays comme l'Équateur... C'est un pays à revenu moyen. Ce n'est pas un pays pauvre comme beaucoup de pays d'Asie ou d'Afrique. Néanmoins, lorsque des investissements sont réalisés dans ce pays, le Canada étant le plus grand investisseur étranger, cela crée des possibilités de développement économique. Ces investissements créent de l'emploi pour les Équatoriens. Ils permettent l'érection d'infrastructures — des routes, des centrales électriques, des hôpitaux, des écoles. Voilà le genre d'effet multiplicateur positif que pourraient avoir les investissements dans ce pays. C'est quelque chose dont nous devrions également tenir compte.
En parlant de considérations, vous avez dit que l'économiste en chef avait mesuré les avantages que cet accord peut apporter au Canada et que ces avantages sont apparemment modestes. Cet économiste a‑t‑il calculé les coûts des possibilités économiques qui seront perdues si nous ne concluons pas d'accord de libre-échange avec l'Équateur alors que nos concurrents, eux, en auraient un? Je prends l'exemple de l'exportation de lentilles ou de blé. En l'absence d'un tel accord, quelle sera l'ampleur des pertes que subiront nos échanges économiques avec ce pays?
:
Le troisième essai sera le bon.
On sait qu'il y a des scandales entourant les comportements des compagnies minières en Équateur, comme dans plusieurs pays d'Amérique latine et comme dans plusieurs pays du monde, tout simplement. Plusieurs se militarisent. Il y a donc des altercations entre les services de sécurité de ces minières et les populations locales, souvent autochtones. Il en a été question un peu plus tôt.
Comment peut-on s'assurer qu'il y aura de vraies mesures de diligence raisonnable, de surveillance des comportements des compagnies minières canadiennes?
On le sait — l'ambassadeur de l'Équateur l'a dit —, cet accord va développer le potentiel minier. Or, quand il y a un développement minier, on risque d'imposer des projets. Comme on le dit en bon québécois, on va « tordre des bras ».
Qu'est-ce qui garantit que, dans le cadre de cet accord, les entreprises canadiennes vont respecter les droits de la personne?
Je vais poursuivre avec ce que je crois être une question similaire.
Nous avons entendu dire que le Canada est le plus important partenaire commercial de l'Équateur. La plupart de ces échanges se font dans le secteur minier. Nous avons des chapitres à mon sens admirables sur les droits des peuples autochtones, sur l'environnement, etc., et, apparemment, il y a des mécanismes de règlement des différends qui vont de pair avec ces chapitres, mécanismes que le Canada pourrait invoquer pour se plaindre si l'Équateur ne respectait pas les dispositions de l'accord.
Je m'interroge à ce sujet, car il semble que la plupart des violations des droits de la personne et des problèmes environnementaux dont s'inquiètent les Équatoriens sont le fait de sociétés minières canadiennes protégées par une disposition du règlement des différends entre investisseurs et États. Qui dépose ces plaintes et comment sont-elles jugées? J'ai l'impression que nous travaillions à contre-courant.
Par ailleurs, pour que je puisse faire valoir ceci avant que mon temps de parole ne soit écoulé, l'une des choses qui pourraient aller de pair avec ce projet serait de donner plus de pouvoirs à l'ombudsman canadienne de la responsabilité des entreprises, de faire en sorte qu'elle puisse exiger des documents et contraindre les personnes concernées à témoigner? Elle a dit au Comité qu'elle devait apporter les changements nécessaires.
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À ce sujet, je ferai simplement remarquer que la question porte sur un régime mondial beaucoup plus large de conduite responsable des affaires au Canada. À l'heure actuelle, le Canada a mis en place des mesures et des cadres pour encourager les entreprises canadiennes actives à l'étranger à adopter une conduite responsable.
Le gouvernement dispose de deux mécanismes non judiciaires de règlement des différends: notre point de contact national pour la conduite responsable des entreprises et l'ombudsman canadienne de la responsabilité des entreprises.
Il convient également de mentionner la Loi canadienne sur la corruption d'agents publics étrangers, qui continue de veiller à ce que les entreprises canadiennes procèdent de manière responsable dans leurs relations avec les agents publics étrangers.
En ce qui concerne l'accord de libre-échange dont nous sommes saisis, nous travaillons sur un chapitre au sujet duquel nous serions heureux de recevoir des conseils. J'ajouterais que nous avons un certain nombre d'autres initiatives en cours en dehors de l'accord de libre-échange qui sont dignes d'intérêt.
La semaine prochaine débutera un projet dans le cadre duquel une société canadienne de développement international conseillera et assistera le gouvernement équatorien pour l'élaboration d'une loi sur le consentement préalable, libre et éclairé. Je pense qu'il s'agit là d'une belle occasion pour le Canada d'apporter une contribution de bon aloi à ces enjeux en Équateur et qui, à mon avis, complète l'accord de libre-échange.