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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 133e réunion du Comité permanent du commerce international.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 23 mai 2024, le Comité reprend son étude des répercussions commerciales du leadership du Canada en matière de réduction des émissions.
Nous accueillons parmi nous aujourd'hui, de l'Association de l'aluminium du Canada, Jean Simard, président et chef de la direction, par vidéoconférence, de l'Institut climatique du Canada, Dave Sawyer, économiste principal, et du Congrès du travail du Canada, Elizabeth Kwan, chercheuse principale. Bienvenue à vous tous.
Nous allons commencer les déclarations liminaires.
Monsieur Simard, je vous invite à prendre la parole pour au plus cinq minutes, je vous prie.
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Merci, madame la présidente.
L'industrie canadienne de l'aluminium primaire présente au Québec et en Colombie-Britannique produit 3,2 millions de tonnes de métal, tout en ayant une empreinte carbone parmi les plus faibles au monde.
Nous appuyons, depuis les tout débuts, les mécanismes de tarification carbone mis en place au Canada, le Système de plafonnement et d'échange de droits d'émission du Québec, mieux connu sous l'acronyme SPEDE, et le mécanisme de taxation en Colombie-Britannique. Nous reconnaissons, par ailleurs, la valeur du système fédéral, bien que nous n'y soyons pas assujettis, puisque l'entièreté de nos activités est couverte par les systèmes provinciaux mentionnés précédemment.
En effet, le système fédéral demeure la référence obligatoire des systèmes provinciaux, qui s'y mesurent afin de demeurer équivalents et se maintenir à l'intérieur de leurs compétences. C'est aussi la seule référence utilisée par les mécanismes d'ajustement carbone à la frontière de pays étrangers, afin d'étalonner, à leur arrivée, les produits de source étrangère sur le marché d'importation, ces mécanismes ne reconnaissant pas à ce jour les systèmes de compétences autres que ceux relevant des États.
Notre empreinte réduite est un avantage concurrentiel considérable dans un monde qui tend de plus en plus, et de façon accélérée, vers la décarbonation, que ce soit en Amérique, par exemple, ou en Europe.
À court terme, cependant, cet avantage ne se matérialise pas dans le cadre de la mise en place du Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières en Europe, mieux connu sous l'acronyme MACF, puisque ce dernier ne reconnaît, pour le moment, que les émissions de la portée 1 émanant des procédés industriels. Or, comme l'industrie mondiale de l'aluminium utilise le même procédé, tous ont la même empreinte. Ce n'est qu'à partir de la prise en compte des émissions de la portée 2, celles provenant de la source énergétique, que notre avantage concurrentiel lié à notre source d'énergie pourra se matérialiser.
Il faut aussi retenir le fait que, mis à part de faibles volumes d'exportations vers l'Europe, plus de 90 % de nos exportations sont destinées au marché américain qui, de toute évidence, n'est pas près de mettre en place un tel mécanisme.
Nous devons donc faire face à la concurrence provenant de régions du monde sans tarification carbone sur le plan national, donc sans tous les coûts additionnels liés à de telles exigences.
Dans notre cas, nous internalisons, depuis déjà 2013, les exigences liées à cette dynamique de marché et le maintien des systèmes existants au Canada. Ce sont deux éléments fondamentaux dans notre analyse de compétitivité.
C'est là l'autre avantage du mécanisme en place qui, au moyen des équivalences des mécanismes provinciaux, demeure l'incitatif fondamental au maintien de nos réductions dans le temps.
En terminant, nous désirons insister sur le paradoxe auquel l'industrie canadienne de l'aluminium est maintenant confrontée et que vous devez absolument prendre en compte.
Il faut maintenir la tarification carbone pour les raisons exposées plus haut, alors que notre faible empreinte carbone témoigne du défi considérable auquel nous sommes exposés. Contrairement à nos concurrents ailleurs dans le monde, qui doivent relever le défi de la transition énergétique pour passer du charbon ou du gaz naturel à des énergies renouvelables, par exemple, nous sommes confrontés à une transition industrielle d'une ampleur sans précédent. Nous devons élaborer et mettre en place, à l'échelle industrielle, des technologies dites de rupture, encore en recherche-développement, qui changent la façon de produire de l'aluminium, afin de passer de deux tonnes d'émissions à zéro.
Dans l'évolution du mécanisme canadien et de la réglementation afférente, il faut donc trouver le point d'équilibre qui maintient notre compétitivité, reconnaît notre avantage carbone pour ce qui est du niveau d'émission, tout en maintenant une trajectoire réaliste de réduction dans le temps, prenant en compte les délais requis pour déployer et mettre en place les nouvelles technologies.
Merci.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Comité aujourd'hui.
Je me concentrerai sur les risques croissants des ajustements à la frontière pour le carbone, du rôle des systèmes canadiens de tarification du carbone ou des systèmes d'échange des grands émetteurs. Il s'agit de marchés commerciaux après tout, et ils sont conçus pour réduire les coûts grâce aux échanges. Ce sont essentiellement des marchés. Ces systèmes constituent une protection efficace, et il faut renforcer la coordination fédérale-provinciale afin de mettre toutes les chances de notre côté pour coordonner les mesures visant à minimiser les coûts pour l'industrie et réduire les risques.
Je suis l'économiste principal à l'Institut climatique du Canada. J'ai dirigé EnviroEconomics, une petite entreprise de consultation, pendant des décennies. Je suis commissaire à la Commission canadienne sur la compétitivité en matière de carbone et j'ai travaillé avec la plupart des gouvernements sur la conception de systèmes de grands émetteurs industriels, si bien que je comprends comment ils fonctionnent et ce qu'ils essaient de faire dans la pratique.
Les ajustements à la frontière pour le carbone, ou AFC, représentent un risque croissant pour les exportations canadiennes. Comme on vous l'a souvent dit, ils sont en train de remodeler rapidement le commerce mondial. Des mécanismes come le mécanisme d'adjustement carbone aux frontières, MACF, de l'Union européenne et la loi PROVE IT proposée aux États-Unis représentent tous une tendance croissante à relier la politique climatique et la politique commerciale. Bien que ces mesures visent à réduire les fuites de carbone et à uniformiser les règles du jeu, elles présentent des risques croissants pour l'économie canadienne, très orientée sur l'exportation. Nous nous en tirons très bien grâce au commerce ouvert, n'est‑ce pas?
À quoi ressemblent ces risques?
Dans le cadre du MACF à l'heure actuelle, nous estimons qu'environ 64 millions de dollars de droits de douane sont susceptibles d'être prélevés sur environ 3 milliards de dollars et plus d'exportations à destination de l'Union européenne. Ce montant concerne 81 groupes de produits et représente une augmentation des coûts d'environ 1,6 % par rapport à la valeur des exportations. Ce risque ne semble pas important maintenant, mais il augmente considérablement si l'on tient compte des quelque 30 milliards de dollars d'échanges avec l'Union européenne, ce qui fait grimper les coûts potentiels — si tout est couvert — à environ 1 milliard de dollars en droits de douane à l'avenir. Ce n'est pas négligeable.
La loi PROVE IT proposée aux États-Unis pourrait adopter une perspective encore plus vaste en évaluant l'intensité des gaz à effet de serre d'un plus grand nombre de produits de base. Il est question d'environ 200 produits — environ 180 produits énumérés dans la loi bipartisane PROVE IT — qui couvrent au moins 30 % de nos échanges commerciaux. C'est vraiment difficile à évaluer, mais quand on regarde les catégories de produits, cela représente environ 30 milliards de dollars d'échanges commerciaux.
Si la loi PROVE IT va de l'avant, il y aura beaucoup de formalités administratives sur la divulgation de l'intensité des émissions pour une grande partie de nos exportations, y compris l'aluminium, le pétrole brut, les engrais et les minéraux critiques. Il est important de noter que la loi étend son champ d'application aux produits fabriqés — non seulement à l'acier brut, mais aussi aux produits d'acier, et non seulement au mâchefer brut, mais aussi aux produits du ciment. Son champ d'application est assez important. Ce milieu en évolution fait ressortir la nécessité pour le Canada de réagir de manière stratégique, essentiellement pour protéger les industries, maintenir l'accès au marché et réduire les risques.
Les programmes pour les grands émetteurs industriels — les systèmes d'échange des grands émetteurs — constituent un mécanisme de protectio contre ces droits de douane. Malgré ces défis, le Canada possède un avantage important dans ces systèmes. Des programmes tels que le programme TIER en Alberta, le système fédéral de tarification fondé sur le rendement et tous les systèmes provinciaux et territoriaux au pays sont en place et peuvent protéger contre les frais punitifs.
Pourquoi sont-ils de bons mécanismes de protection?
Premièrement, ces systèmes fédéraux-provinciaux sont conçus pour imposer un coût modeste. Nous avons fait beaucoup de travail à ce sujet et vous pouvez consulter notre site Web et voir les coûts moyens pour l'industrie. Ils ne sont pas très élevés. Je me ferai un plaisir d'en parler plus tard. Il y a des coûts, mais ils ne sont pas exorbitants.
Deuxièmement, de nombreux secteurs bénéficient de crédits vendables. Ces systèmes sont conçus pour aider les grands émetteurs. Ils reçoivent de généreux crédits, qui sont vendables. Dans bien des cas, l'industrie gagne plus qu'elle doit payer, si bien que ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde.
Enfin, ces systèmes réduisent les émissions. Ils font leur travail. Ils ont besoin d'ajustements et peuvent être améliorés, mais c'est un processus d'amélioration continue qui est mis en place.
L'équilibre entre la réduction des émissions et le maintien de la compétitivité est un point fort de l'approche du Canada, et il est essentiel que les partenaires commerciaux étrangers et les décideurs politiques d'autres pays comprennent ce que nous faisons dans notre pays avec ces programmes.
Je vais parler de la coordination des politiques fédérales et provinciales et de la manière dont elle peut réduire le risque.
Bien que les systèmes d'échange des grands émetteurs fournissent une base solide, il reste encore du travail à faire. Pour optimiser l'efficacité de ces programmes et réduire les risques des AFC, le Canada a besoin de mesures mieux coordonnées. Je sais que nous sommes une fédération et que nous sommes fragmentés, mais il est question de commerce et d'industrie.
À quoi cela ressemble‑t‑il?
Tout d'abord, il faut unifier les données et les messages — les rouages des systèmes. À quoi cela ressemble‑t‑il? Les gouvernements ont un rôle à jouer pour le souligner à nos partenaires. Le Canada doit présenter des données claires et cohérentes sur les systèmes et les coûts que les industries paient déjà. Cela aide nos partenaires commerciaux à comprendre ce que nous faisons et les coûts que nous imposons.
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Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis Elizabeth Kwan, chercheuse principale au Congrès du travail du Canada. Je suis également la coprésidente du groupe consultatif national canadien de l'AECG pour le travail. Le Congrès du travail du Canada est la plus grande organisation syndicale au Canada, regroupant des dizaines de syndicats nationaux et internationaux, des fédérations provinciales et territoriales du travail et des conseils du travail communautaires. Nous représentons plus de trois millions de travailleurs dans ce pays.
Je vais commencer par six recommandations que j'aimerais présenter au Comité.
Premièrement, le gouvernement devrait élaborer et mettre en œuvre une stratégie industrielle robuste et favorable aux travailleurs et un mécanisme d'ajustement à la frontière pour le carbone — ou AFC — dans le cadre d'une stratégie plus vaste pour renforcer la base industrielle du Canada, favoriser l'innovation et créer un environnement propice à la création d'emplois syndiqués de qualité.
Deuxièmement, dans le cadre de cette stratégie industrielle, le gouvernement devrait bâtir une économie en aval qui ajoute de la valeur à la production de biens, en s'éloignant de l'exportation de produits bruts et semi-transformés.
Troisièmement, les mesures et investissements du gouvernement doivent être mis en place pour aider les travailleurs à s'adapter aux incertitudes du commerce avec les États-Unis et à la transition vers une économie durable à faibles émissions de carbone.
Quatrièmement, le gouvernement devrait s'engager à accélérer l'établissement et la mise en œuvre d'un AFC canadien comme outil pour uniformiser les règles du jeu entre le Canada et d'autres pays aux vues similaires en matière de commerce et pour permettre d'atteindre les cibles climatiques du Canada.
Cinquièmement, le gouvernement devrait publier un rapport sur les commentaires des intervenants à la consultation de 2021 sur les AFC au plus tard le 1er avril 2025.
Enfin, le gouvernement devrait s'engager à élaborer un mécanisme d'AFC canadien qui s'harmonise avec celui de l'Union européenne et devrait mener des consultations auprès des intervenants sur le nouveau mécanisme canadien d'AFC en 2025.
Partout au Canada et dans le monde, des gens subissent les effets sans précédent des changements climatiques dans leur travail et leur vie quotidienne. De nombreux pays dans le monde s'empressent de faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Notre économie doit s'adapter et être en mesure de tirer parti des énormes possibilités industrielles et économiques qui découlent du virage mondial vers une économie à faibles émissions de carbone.
Comment pouvons-nous tirer parti de la situation actuelle dans le monde du commerce?
Comme nous le savons tous, les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Canada, représentant 77 % du total des exportations canadiennes. Cependant, de nombreuses incertitudes pèsent sur les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis, avec la menace de droits de douane de 10 à 25 % et l'appel à une renégociation rapide de l'ACEUM. Nous savons tous que l'administration Trump se retirera de diverses solutions en matière de lutte contre les changements climatiques. La réponse du Canada doit être ferme. Nous devons tous travailler ensemble pour protéger les intérêts du Canada et accorder clairement la priorité aux intérêts des travailleurs, de leur famille et de leur communauté.
Par ailleurs, l'Union européenne, avec ses 27 États membres, est le deuxième partenaire commercial en importance du Canada. Depuis 2017, date de l'entrée en vigueur provisoire de l'AECG, l'Union européenne a enregistré des excédents commerciaux pour les marchandises, tandis que le Canada a connu des déficits commerciaux qui ont continué d'augmenter au fil du temps.
Nous avons l'occasion d'élaborer une stratégie industrielle solide qui diversifie l'économie et les partenaires commerciaux du Canada et qui inclut un programme favorable aux travailleurs dans le cadre d'une transition plus rapide vers une économie à faibles émissions de carbone. Le mécanisme d'ajustement à la frontière est un outil commercial qui nous permettra d'atteindre cet objectif. Il s'agit d'un mécanisme équitable et prévisible qui permet aux entreprises canadiennes de rester compétitives et de conserver de bons emplois dans nos communautés.
Nos homologues de l'Union européenne m'ont fait part, en tant que coprésidente du groupe consultatif canadien de l'AECG pour le travail, qu'ils s'intéressent vivement aux produits propres en provenance du Canada en raison de nos normes élevées en matière de travail et d'environnement. L'une des priorités immédiates du gouvernement doit être d'élaborer un AFC canadien qui cadre avec les MAFC de l'Union européenne et du Royaume-Uni. Cela ouvrira la voie à davantage de commerce et d'emplois bien rémunérés. Il ne fait aucun doute qu'un AFC canadien sera avantageux pour les relations commerciales du Canada avec l'Union européenne, le Royaume-Uni et d'autres économies à faibles émissions de carbone aux vues similaires.
Je vous remercie.
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Oui, et je vais vous expliquer pourquoi.
Aux fins de la discussion, disons qu'on produit 50 % de valeur ajoutée et 50 % de ce qu'on appelle le lingot de commodité.
La valeur ajoutée, c'est ce qui est destiné à des clients. C'est façonné, c'est allié de façon à répondre à un besoin précis et dans un contexte d'entente contractuelle. Ce n'est donc pas un produit qu'on peut déplacer du jour au lendemain selon les aléas du marché, parce qu'on répond à des obligations contractuelles.
Par contre, l'autre 50 % peut aller à peu près n'importe où dans le monde. C'est cet élément-là qui peut aller vers l'Europe, dans la mesure où les conditions de marché sont en faveur de l'Europe, c'est-à-dire que, quand on fait l'arbitrage des prix, il faut que le prix payé par l'Europe, selon la dynamique de marché du moment, justifie d'envoyer le produit là-bas pour aller chercher un meilleur rendement sur le produit plutôt que de l'envoyer aux États‑Unis. Ce n'est pas le cas au moment où nous nous parlons.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins du temps qu'ils nous consacrent aujourd'hui dans le cadre de cette étude très importante sur les mécanismes d'ajustement carbone aux frontières.
Monsieur Sawyer, vous avez mentionné que le Canada jouit d'un avantage important du fait que nous avons des programmes fédéraux et provinciaux en place pour réduire les émissions. L'un de nos programmes est, bien sûr, la tarification fédérale du carbone, qui a déjà permis de réduire les émissions de près de trois millions de tonnes au cours des quatre dernières années. Cela équivaut à peu près au retrait de nos routes de 11 millions de voitures à essence. Le Canada est un chef de file en matière de réduction des émissions parmi les pays du G7.
Vous avez parlé de ce que notre pays a fait, de notre avantage concurrentiel et de la compilation des données. Vous avez dit qu'il fallait veiller à ce que les gouvernements fédéral et provinciaux mettent en commun leurs données pour mettre en évidence les mesures que nous avons prises en vue de réduire les émissions de carbone. En fait, cela permet d'attirer des investissements au sein de notre économie. Plus de 50 milliards de dollars ont ainsi été investis dans notre pays. Des entreprises ont ouvert leurs portes et ont créé des emplois pour les Canadiens.
Que recommanderiez-vous en ce qui concerne les données que nous mettons en commun? Est‑ce dans la perspective de l'industrie? Du point de vue des consommateurs? Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
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Je vous remercie de votre question.
Je vous corrige d'entrée de jeu, parce qu'on ne peut pas dire que l'aluminium est vert au Canada. Le projet de loi , qui a été adopté cet été, fait que ce serait de l'écoblanchiment. C'est pour cette raison qu'on utilise le libellé « aluminium à faible empreinte carbone ». C'est ce libellé que je vais utiliser aux fins de la discussion.
Depuis la mise en place des systèmes de tarification carbone au Québec, en 2012, nous avons développé une approche au sein de l'industrie, afin de réduire le plus rapidement possible nos émissions de gaz à effet de serre.
Dans ce contexte, nous avons signé deux ententes de réduction volontaire, notamment avec le gouvernement du Québec. Chaque fois, nous avons dépassé nos engagements. Nous avons enregistré plus de réductions que ce qui était prévu. Cela fait de nous, aujourd'hui, le secteur industriel canadien ayant le plus contribué à la réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada.
Nous émettons environ deux tonnes équivalentes de CO2 par tonne d'aluminium produite, alors qu'une aluminerie au charbon comparable en Inde ou en Chine émet entre 17 et 21 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium. Aujourd'hui, compte tenu de cette moyenne, nous émettons l'un des plus faibles niveaux d'émissions comparativement au reste de la production mondiale.
Quand nous regardons les trajectoires de réduction des prochaines décennies, tout le monde a le même objectif, celui d'atteindre la carboneutralité d’ici 2050, comme dans le secteur industriel. La moyenne mondiale tient compte des émissions liées à l'hydroélectricité, au gaz naturel et au charbon, qui sont des émissions beaucoup plus importantes. Or elle est se situe autour de neuf tonnes.
Celle du Canada est de deux tonnes, c'est-à-dire là où le reste de la planète veut se retrouver autour de 2045. Nous sommes donc très en avance. La difficulté à laquelle nous faisons face, c'est que, pour réduire encore nos émissions, il faudrait changer notre façon de produire de l'aluminium.
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En ce qui concerne l'écoblanchiment, il faut revoir certains termes. Comme je vous le signalais tout à l'heure, nous n'utilisons pas le terme « aluminium vert ». En fait, nous ne l'avons jamais vraiment utilisé. Ce sont les gouvernements qui l'ont fait. Il est plus facile pour les gouvernements, en ce qui a trait aux perceptions du public, d'utiliser le libellé « aluminium vert » ou « notre aluminium vert » que pour l'industrie de parler d'aluminium vert, parce que ce que cela veut dire pour nous est très relatif.
Le Moyen‑Orient peut dire que son aluminium est vert parce qu'on s'y alimente en gaz naturel et non en charbon, et ainsi de suite. C'est trop relatif. Là où cela nous dérange, c'est que la concurrence étrangère peut faire des représentations contre lesquelles les autorités au Canada pourraient très difficilement avoir des recours, alors qu'à l'inverse, cette concurrence étrangère aurait accès à ces recours si nous tenions le même langage.
La capacité d'appliquer ces nouveaux paramètres est très relative, d'autant plus que nous devons nous référer à des méthodologies internationalement reconnues. C'est surtout là que le bât blesse dans ce nouveau contexte réglementaire.
Nous verrons à l'usage où cela va nous mener. De notre côté, nous n'avons pas de pratique à changer dans notre façon de faire parce que nous avons toujours très bien documenté nos positions et nos affirmations.
La deuxième partie de votre question portait sur le défi que nous pose le fait d'atteindre nos cibles de 2050. Il nous faut développer et déployer des technologies de rupture, comme l'anode inerte ou le projet ELYSIS au Saguenay, ou essayer d'amener d'autres technologies qui n'ont pas été développées pour notre secteur. Je pense ici, par exemple, à la capture et à la séquestration du carbone.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Nous étudions, bien sûr, les énormes répercussions économiques et commerciales des changements climatiques. C'est un sujet on ne peut plus grave. À la Chambre, et au sein de ce comité en particulier, nous parlons souvent du coût de la menace que fait peser sur nous le président élu des États-Unis, Donald Trump, en brandissant un éventuel tarif de 25 %, ce qui est très préoccupant et fortement problématique.
Comparativement à cette menace tarifaire en provenance des États-Unis, les répercussions des changements climatiques sont extrêmement et extraordinairement plus inquiétantes. Je crois que cela met en contexte la réalité très grave à laquelle nous sommes confrontés. Je pense en particulier aux jeunes Canadiens, à tous ces jeunes travailleurs — la prochaine génération — qui cotisent actuellement à des régimes de retraite, qui mettent les bouchées doubles et qui se demandent si le fruit de leur travail aura de la valeur à l'avenir.
Nous avons reçu il y a quelques semaines des producteurs forestiers du Québec, et je leur ai demandé quelle était la plus grande menace pour leur industrie. Ils ont dit que les feux de forêt de l'année dernière ont paralysé l'ensemble de l'industrie forestière pendant tout l'été, ce qui a généré des pertes énormes. C'est un problème grave, et nous devons le prendre davantage au sérieux dans notre rôle de parlementaires. J'espère vraiment que nous pourrons prendre le temps de discuter des raisons pour lesquelles nous en sommes rendus à avoir cette conversation.
Nous nous intéressons en fait à l'importance de faire preuve de leadership à l'échelle planétaire en matière de réduction des émissions, y compris en utilisant des mécanismes de tarification de la pollution qui profiteront aux relations commerciales du Canada avec l'Union européenne et d'autres pays. À mon avis, c'est une façon positive d'aborder un problème très grave. Nous vivons une crise climatique qui a forcément des conséquences, mais qui offre également certaines possibilités.
Madame Kwan, vous avez mentionné certaines de ces possibilités, et vous nous avez fait part des recommandations formulées par le Congrès du travail du Canada, et j'adhère particulièrement à l'une d'entre elles. J'ai entendu d'autres parties prenantes, y compris de l'Alberta Federation of Labour, faire la même suggestion. Il s'agit de la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle stratégie industrielle.
Selon vous, en quoi une telle stratégie pourrait-elle aider les Canadiens et les travailleurs canadiens? Est‑ce que cela leur permettrait non seulement de continuer à avoir des emplois syndiqués bien rémunérés, mais aussi de contribuer à un avenir dont leurs enfants pourront être fiers?
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Ce n'est pas d'hier que les syndicats réclament une stratégie industrielle.
Si vous considérez l'ensemble des mesures qui ont été prises, vous constaterez qu'il y a différentes composantes et divers éléments stratégiques, mais pas de plan visionnaire que l'on puisse suivre. Je dis cela parce que nous avons vraiment besoin d'un cadre pour pouvoir aller de l'avant. J'ai mentionné la politique industrielle, et elle figure dans le « Plan directeur pour des emplois durables Partie II: placer les travailleurs et les collectivités au cœur de l'économie carboneutre du Canada », un document que le Congrès du travail du Canada a publié en décembre 2023. Parmi les recommandations axées sur l'économie, il y a celle qui préconise l'élaboration d'une politique industrielle carboneutre qui crée des conditions propices à la prospérité des industries.
J'ai toujours eu l'impression que nous parlons du travail que nous faisons en faveur d'une économie à faibles émissions de carbone. C'est vraiment bien, mais d'un autre côté, il faut aller un peu plus loin, et ce, sans nécessairement emprunter la même direction que les États-Unis. Nous pouvons faire ce que nous voulons. Nous produisons l'acier le plus propre qui soit, et il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions pas l'utiliser dans nos infrastructures publiques. Pourquoi n'obligeons-nous pas les gens à utiliser cet acier, ou encore le bois d'œuvre local?
Tout cela s'inscrit dans la nécessité de repenser notre politique industrielle, tout comme nous devons le faire pour la diversification de notre économie. Nous avons un modèle fortement axé sur l'extraction et l'expédition, qui consiste en grande partie à extraire les matières premières et à les expédier à l'étranger. Cela n'ajoute aucune valeur pour nous. Nous devons développer des activités en aval à valeur ajoutée afin de créer de bons emplois. Je ne peux pas traiter de tous les éléments, mais c'est certainement ce qu'on entend généralement par là.
Nous devons créer des emplois, mais sans nous limiter à ceux qui existent déjà. L'économie à faibles émissions de carbone donnera naissance à de nouveaux emplois que, très franchement, nous ne pouvons même pas encore imaginer, tout comme c'est le cas avec le développement de l'intelligence artificielle. Il y a de nouveaux emplois qui s'en viennent, et nous devons vraiment fournir du soutien aux travailleurs qui font la transition vers d'autres secteurs, qu'il s'agisse d'emplois traditionnels ou de nouveaux emplois à faibles émissions de carbone. Nous devons également leur offrir de la formation pour leur permettre de se perfectionner, de se recycler et d'améliorer l'ensemble de leurs compétences.
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À bien des égards, vous parlez d'un nombre accru d'emplois — davantage d'emplois syndiqués bien rémunérés pour les Canadiens.
Je vais donner l'exemple des spécialistes du forage de précision en Alberta. J'ai déjà travaillé dans le secteur pétrolier en Alberta, et il y a bon nombre de ces travailleurs qui forent les puits dont nous avons besoin pour extraire le pétrole. Imaginez si l'une des plus grandes entreprises de l'Alberta pouvait utiliser la technologie et les compétences de ces travailleurs, qui en tireraient non seulement de la fierté, mais aussi de bons salaires, pour diversifier son offre de services. Au lieu qu'une société pétrolière, par exemple, leur demande de forer un puits, que se passerait-il si une autre entreprise faisait appel à eux pour le forage nécessaire à la construction d'une centrale géothermique? Imaginez si cette possibilité leur était offerte.
En fait, cela s'est produit en 2014 et en 2015. Un projet pilote mené en Alberta a permis de convertir un puits de pétrole abandonné en utilisant les compétences et la technologie existantes au sein du secteur pétrolier. C'est ainsi que l'on a pu créer le tout premier puits géothermique en Alberta. Est-ce un exemple du genre de technologie qui non seulement fournit des emplois syndiqués bien rémunérés, mais qui permet aussi d'intensifier et de diversifier l'exploitation des excellentes ressources humaines et technologiques dont nous disposons déjà?
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Merci, madame la présidente.
Madame Kwan, vous avez déjà comparu devant le Comité à quelques reprises. Je suis persuadé que vous trouverez un moyen de le faire. Je vous souhaite de nouveau la bienvenue au Comité.
Monsieur Simard, nous sommes également heureux de vous revoir.
Monsieur Sawyer, je ne sais pas si je vous ai déjà vu au Comité, mais je vous souhaite de toute manière la bienvenue.
J'aimerais tout d'abord vous poser une question à tous les trois. En 2020, la politique d'ajustement carbone aux frontières a été annoncée pour la première fois par le gouvernement actuel et, en 2021, elle a été incluse dans la plateforme du Parti libéral. Puis, en 2022, le gouvernement a entrepris des consultations à ce sujet.
J'aimerais tout d'abord savoir si votre avis à tous les trois a été sollicité dans le cadre de ces consultations? Je vais commencer par vous, madame Kwan.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Pour poursuivre sur la lancée de mon collègue du Bloc Québécois concernant les produits à valeur ajoutée en aval, nous savons que cela créera de bons emplois. Un bon exemple de cela est l'industrie forestière, l'une des plus grandes industries de l'Ouest canadien. Nous sommes confrontés à de graves problèmes de résilience de la chaîne d'approvisionnement en raison des droits de douane imposés par les États-Unis, un différend qui dure depuis toujours.
Serait‑il important de voir, dans le cadre d'une stratégie industrielle, un objectif pour le bois d'œuvre, comme exemple dans cette discussion, afin d'ajouter de la valeur aux produits? Il s'agit de quelque chose comme la production de bois de masse, qui peut servir à la construction de bâtiments résidentiels très hauts et très denses, par exemple? Ce n'est qu'un objectif. Si l'objectif est de construire plus de logements au Canada et qu'il existe une stratégie industrielle pour y parvenir, elle impliquerait le bois d'œuvre et impliquerait de s'assurer que ces produits puissent être fabriqués ici, au Canada.
Est‑ce un bon exemple de ce que vous entendez par une stratégie industrielle à valeur ajoutée?
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Très bien, je vous remercie.
Je poursuivrai avec Mme Kwan. Nous avons discuté de la nouvelle réalité, à savoir la mise en place d'une nouvelle administration américaine au cours des prochaines semaines. De ce que j'ai cru comprendre, les choses risquent d'être différentes, et notamment sur le plan commercial. En effet, nous entendons déjà parler de nouveaux droits de douane, voire d'un processus de renégociation de l'ACEUM.
La question de l'alignement est essentielle en matière de politiques commerciales avec les États-Unis, notre plus important partenaire. Je tiens effectivement à rappeler que le Canada entretient davantage de liens commerciaux avec les États-Unis qu'avec le reste du monde réuni. Quelque 31 États américains représentent à eux seuls les principaux partenaires commerciaux du Canada; c'est tout simplement incroyable.
L'harmonie réglementaire que nous avions réussi à établir dans le secteur automobile a permis à ce dernier de se développer de manière considérable. À une certaine époque, le Canada possédait trois usines à St. Catharines, ce qui permettait d'offrir de bons emplois à plus de 10 000 personnes. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'une seule usine, qui compte un peu moins de 1 000 travailleurs.
Je m'inquiète pour le sort de tous ces emplois. Pour répondre à la question de Mme Kwan, je souhaite que le Canada continue de créer des emplois de qualité dans ce secteur. Mais en étant déconnectés avec ce qui se passe chez notre principal partenaire commercial, comment pourrons-nous améliorer notre compétitivité?
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Merci, madame la présidente. Je vais prendre volontiers une minute et demie.
Je sais que nous parlons de ce que font les États-Unis, et nous voulons être au diapason. Nous avons entendu parler de la loi américaine PROVE sur les TI. Les législateurs américains, républicains et démocrates, s'intéressent à l'industrie et à l'efficacité en matière de tarification du carbone.
Cette loi a reçu l'appui de la Chambre de commerce des États-Unis, de l'American Iron and Steel Institute, ainsi que de l'American Petroleum Institute. De nombreuses autres organisations appuient ce projet de loi parce qu'elles savent qu'il risque de conférer un avantage concurrentiel aux pays qui ont mis en place des mécanismes de tarification du carbone, ainsi que d'autres types de politiques environnementales progressistes.
Nous entendons depuis longtemps le proposer d'abolir la taxe sur le carbone, mais je vous rappelle que dès 2021, la tarification du carbone figurait au sein de la plateforme du Parti conservateur. En vérité, les conservateurs ont changé leur fusil d'épaule. Évidemment, un tel manque de fiabilité génère de l'incertitude pour tout éventuel partenaire industriel qui cherche à investir au Canada, car nous sommes considérés comme un pays progressiste. En effet, des sociétés de partout dans le monde viennent s'établir au Canada pour créer des emplois.
Je pense qu'il est très important que les membres du Comité et ceux qui nous regardent comprennent que nous avons une longueur d'avance par rapport aux autres membres du G7. Grâce à l'implantation d'une taxe sur le carbone, nous sommes en fait en avance sur de nombreux autres pays.
Il est important d'évaluer ce que font les États-Unis. Le projet de loi américain a été appuyé par des républicains de la Floride, de l'Indiana, de l'Oregon, et de plusieurs autres États. Cependant, je ne pense pas que ce soit la fin du processus.
En guise de bref commentaire, je tiens à remercier M. Sawyer d'avoir soulevé le fait que le PROVE IT Act des États-Unis n'est qu'une des façons dont les États-Unis envisagent la question. Elle est à l'étude, alors nous verrons ce qui se passera à partir d'ici, mais je sais qu'il y a beaucoup d'organisations et d'institutions aux États-Unis qui l'appuient.
Merci, madame la présidente.
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Nous reprenons nos travaux.
Nous accueillons, à titre personnel, M. Neil Campbell, associé chez McMillan LLP. Du Syndicat canadien de la fonction publique, nous accueillons Mme Angella MacEwen, économiste principale, Services nationaux. Du Syndicat des Métallos, nous accueillons M. Troy Lundblad, chef de département, Recherche, politiques publiques et soutien à la négociation, et M. François Soucy, représentant du personnel législatif, Action politique et communications.
Bienvenue à tous.
Nous vous écoutons, monsieur Savard-Tremblay.
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Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je suis avocat et ma pratique concerne principalement le commerce international, ainsi que les examens en matière de concurrence et d'investissement étranger. J'ai déjà écrit et parlé des ajustements à la frontière pour le carbone, ou AFC, y compris du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières en Europe, mieux connu sous l’acronyme CBAM, du point de vue du droit commercial. Ma déclaration liminaire portera sur six points concernant les cas où les AFC peuvent être utiles et la manière dont ces ajustements peuvent être mis en œuvre.
Tout d'abord, à mon avis, il y a deux conditions qui font des AFC un instrument de droit commercial potentiellement important et susceptible de profiter aux producteurs nationaux et à l'économie canadienne. La première est qu'une part importante des coûts liés au carbone est imposée à certains secteurs nationaux. La seconde est que ces secteurs nationaux font face à une concurrence importante au Canada de la part de produits importés dont les fabricants sont vraisemblablement avantagés du fait que les coûts liés au carbone qu'ils doivent assumer sont modestes, voire nuls.
Deuxièmement, je pense que la valeur optimale d'une redevance cible pour l'ACF devrait correspondre à ce que l'industrie nationale se voit imposer par tonne d'émissions. Et ce, pour deux raisons. Tout d'abord, un prix plus élevé risque d'être contesté en vertu du droit commercial sous prétexte qu'il contrevient aux dispositions relatives au traitement national ou à la non-discrimination de l'OMC et d'autres accords commerciaux bilatéraux et régionaux. Deuxièmement, tout montant inférieur à la valeur optimale ne fera que léser les producteurs canadiens sur leur propre marché intérieur.
Troisièmement, pour la conception de l'ACF, je crois qu'il est important de permettre une réduction des redevances à la frontière pour les exportateurs qui peuvent établir qu'ils sont soumis à des coûts réglementaires liés au carbone dans leur pays d'origine. Fondamentalement, cette disposition permettrait d'éliminer le problème du double paiement ou du double comptage, problème qu'il serait difficile de justifier dans le cadre d'une norme de traitement national. En reconnaissant ces coûts imposés à l'étranger, vous alignez le paiement total effectué pour le produit entrant sur les dispositions de la réglementation climatique choisi dans votre pays. Le CBAM de l'Union européenne utilise cette approche. Fondamentalement, les coûts carbone locaux vérifiés sont compensés par les montants que l'exportateur devrait autrement payer lors de l'achat de certificats dans le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne.
Par rapport aux exportateurs qui vendent à l'Union européenne à partir de pays sans réglementation sur le carbone, les exportateurs canadiens ont quelques avantages, même si la taille de ces derniers peut varier. Tout d'abord, ils effectuent déjà, dans une perspective nationale, une partie du travail de mesure, de comptabilité et d'information sur le climat dont il a été question avec le groupe d'experts de tout à l'heure. Le fait que l'Union européenne puisse vouloir quelque chose de plus ou de différent peut ajouter certaines difficultés, mais par rapport aux pays sans tarification sur le carbone, nous avons une longueur d'avance. Deuxièmement, nous paierons moins de taxes dans l'Union européenne qu'un pays sans tarification sur le carbone.
L'un des développements intéressants qui se sont produits depuis l'apparition du CBAM, c'est que, bien que la Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres pays affirment qu'ils le contesteront aux termes du droit commercial, tous ne manquent pas également de redoubler d'efforts pour mettre en place chacun à sa manière leur propre système national de tarification du carbone. La logique intuitive de cette démarche est, dans une certaine mesure, de garder les recettes au pays plutôt que de les verser à la Commission européenne.
Le quatrième point est que le CBAM a reçu beaucoup d'attention. Je vous encourage à reconnaître — et je sais que cela figure dans votre avis de motion — qu'il s'agit d'une conception ou d'une approche particulière pour la mise en œuvre d'un ajustement carbone aux frontières. Pour ce qui est de la conception, il existe un grand nombre d'autres options et de choix.
Un exemple rapide qui me semble particulièrement important pour les producteurs canadiens est la question des exemptions ou des quotas gratuits dans un régime de réglementation du carbone. Dans le cadre d'une analyse du traitement national, ces exemptions et ces quotas sont souvent perçus comme étant source de problèmes en matière de droit commercial pour un ACF. Ce que fait l'Union européenne, c'est qu'elle supprime ces quotas — elle le fait progressivement —, mais ce choix peut en fait être autant ou davantage motivé par les objectifs de la politique climatique à long terme de l'Union européenne que par le simple respect du droit commercial. En termes plus clairs, je pense qu'il est défendable de maintenir les quotas ou les exemptions en vigueur pour autant que le montant de l'ajustement carbone à la frontière est fixé à un niveau qui tient compte de la moyenne ou des prix nets imposés par l'administration nationale.
Voici un exemple rapide avec des calculs simplifiés. Si vous imposez un coût de 100 $ par tonne d'émissions, mais que les quotas ne permettent de facturer que 75 % des émissions, vous pourriez imposer un ajustement carbone à la frontière de 75 $ la tonne et traiter les étrangers sur un pied d'égalité, puisque le coût moyen qu'ils paient sera comparable au coût moyen que vous imposez à vos producteurs nationaux. Un ACF n'obligera pas le Canada à renoncer à ses quotas dans le Système de tarification fondé sur le rendement, ou à d'autres conditions de ce type. Il pourra nécessairement le faire par choix, mais ce n'est pas une obligation.
Cinquièmement, je pense que les charges réglementaires peuvent être un aspect très important à prendre en considération pour la conception des ACF. Pour les producteurs canadiens, le coût supplémentaire d'un ACF canadien est assez faible, en partie parce qu'ils produisent déjà beaucoup de mesures et de rapports sur leurs clients, et en particulier parce que les obligations liées à un ACF canadien ne seront pas imposées aux Canadiens. Elles seront imposées aux exportateurs ou importateurs étrangers.
Je vais faire un bref détour pour parler de ce que Mme Lamoureux a dit au sujet de l'accent mis sur le contrôle de l'interopérabilité. Il n'est pas nécessaire que les choses soient identiques, puisqu’il est possible d'avoir recours à des mécanismes d'accords de reconnaissance mutuelle et à d'autres choses semblables.
Je représente ici le Syndicat canadien de la fonction publique, ou SCFP. C'est le plus grand syndicat au Canada. Il compte plus de 750 000 membres à l'échelle du pays. Les membres du Syndicat canadien de la fonction publique sont très fiers de fournir des services de qualité aux collectivités dans un large éventail de secteurs de l'économie, dont l'énergie, les services publics, les transports et le trafic aérien.
À l'échelle mondiale, nous subissons les effets sans précédent des changements climatiques, et bon nombre de nos membres sont aux prises avec ce problème, tant dans leur travail que dans leur vie privée. Pour répondre à ce défi, de nombreux pays mettent en œuvre des stratégies qui visent à accélérer la transition vers une économie à faible émission de carbone.
Il est clair que l'économie mondiale évolue vers une réalité où des mécanismes d'ajustement basés sur le carbone commencent à s'appliquer aux frontières. Au Canada, nous devons faire face au problème supplémentaire que représentent les incertitudes liées à la menace de droits de douane des États-Unis et à la révision prochaine de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM. Il est important de se rappeler que les États et les industries des États-Unis peuvent avoir des priorités et des approches différentes de celles de M. Trump. Comme mon collègue l'a dit, on ne sait pas encore très bien ce que signifie le fait d'être en phase avec les États-Unis.
Notre économie doit cependant s'adapter et se positionner de manière à tirer profit des énormes possibilités industrielles et économiques qui découlent du passage à une économie à faible émission de carbone. Nous pouvons y parvenir en nous dotant d'une stratégie industrielle globale. Cela signifie que nous devons travailler tous ensemble pour protéger les intérêts du Canada et pour donner clairement la priorité aux intérêts des travailleurs, de leurs familles et de leurs collectivités. Un bon exemple de ce que nous avons déjà fait est la façon dont notre transition vers l'abandon de la production d'énergie à partir du charbon a contribué à assainir la production manufacturière dans la plupart des secteurs, ce qui, dans la réalité actuelle, donne un avantage à notre pays.
L'Union européenne est le deuxième partenaire commercial du Canada pour les biens et les services, et elle a déjà mis en place un outil d'ajustement à la frontière. Cela nous fournit une occasion de mettre au point une stratégie industrielle robuste apte à diversifier notre économie et nos partenaires commerciaux, stratégie qui inclura un programme favorable aux travailleurs.
Je fais également partie du groupe consultatif national pour l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne. Comme la représentante du Conseil national du travail l'a mentionné lors du segment précédent, nos homologues de l'Union européenne ont exprimé un vif intérêt pour l'achat de produits propres en provenance du Canada en raison de nos normes rigoureuses en matière de travail et d'environnement. L'une des priorités immédiates du gouvernement devrait être d'élaborer d'urgence un mécanisme canadien d'ajustement à la frontière qui s'alignera sur ceux de l'Union européenne et du Royaume-Uni. Cela nous aidera à multiplier les débouchés commerciaux et les emplois bien rémunérés au Canada ainsi qu'à atténuer les conséquences des pratiques commerciales déloyales des États-Unis.
En particulier dans le contexte de notre tarification du carbone et d'autres tarifications nationales du carbone, un ACF contribuera à protéger les industries et les emplois canadiens et à réduire les émissions mondiales de carbone. Un tel cadre veillera à ce que les producteurs étrangers assument des coûts carbone équivalents et contribuera à prévenir la concurrence déloyale sur notre marché intérieur. Un tel mécanisme permettra d'uniformiser les règles du jeu et d'assurer que les importateurs évaluent avec précision les coûts environnementaux de leurs activités.
Cette mesure incarne les principes qui s'alignent parfaitement sur les objectifs du Canada en matière de climat et de commerce. Nous savons que le coût de l'inaction est énorme et que le statu quo présente de sérieux risques. En l'absence de mesures équivalentes, les importations à faible coût et à fortes émissions continueront à nuire aux producteurs canadiens et à mettre en péril des milliers d'emplois bien rémunérés. Compte tenu des défis qui se présentent et des possibilités qui s'offrent à nous, un mécanisme d'ajustement à la frontière constitue un moyen équitable et prévisible de préserver la compétitivité des entreprises canadiennes et de maintenir les emplois dans nos collectivités.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de m'exprimer à ce sujet.
Je m'appelle Troy Lundblad. Je suis chef du service Recherche, politique publique et soutien à la négociation du Syndicat des Métallos. Je suis accompagné de mon collègue François Soucy, qui est représentant du personnel législatif de notre bureau d'Ottawa.
Notre syndicat représente plus de 225 000 travailleurs au Canada. Il compte pas moins de 850 000 membres en Amérique du Nord, répartis dans pratiquement tous les secteurs de l'économie, y compris l'acier, l'aluminium et la fabrication — des secteurs généralement considérés comme de grands producteurs d'émissions et comme étant fortement axés sur le commerce. Mon exposé d'aujourd'hui concerne les propositions portant sur la mise en œuvre par le Canada d'un mécanisme d'ajustement du carbone à la frontière, ou ACF.
S'il était mis en œuvre, cet ajustement garantirait que le prix des produits importés soit soumis aux mêmes coûts de carbone que ceux qu'assument les producteurs canadiens. Le Syndicat des Métallos plaide depuis de nombreuses années en faveur de la mise en œuvre d'un mécanisme d'ajustement du carbone à la frontière. Dans le contexte de la mise en œuvre d'une tarification du carbone à l'échelle nationale, un mécanisme d'ajustement du carbone à la frontière contribuera à protéger les industries et les emplois canadiens et à réduire les émissions de carbone au niveau mondial.
Un tel régime assurerait que les producteurs étrangers assument des coûts de carbone équivalents à ceux que doivent assumer les producteurs canadiens et découragerait la concurrence déloyale sur notre marché intérieur. Nous sommes d'avis que l'ACF peut et doit être utilisé en conjonction avec d'autres mesures politiques afin de donner à nos industries un avantage concurrentiel dans la production à faible émission de carbone tout en protégeant les bons emplois canadiens comme il y en a par exemple dans les secteurs de l'acier et de l'aluminium. Le coût associé à la perspective de ne rien faire à cet égard est énorme et le statu quo présente de sérieux risques. En l'absence de mesures équivalentes, les importations à faible coût et à fortes émissions continueront de nuire aux producteurs canadiens et de mettre en péril les emplois canadiens.
En effet, sur la question des émissions de carbone, les secteurs canadiens de l'acier et de l'aluminium jouissent déjà d'un net avantage par rapport aux producteurs étrangers. L'intensité en carbone de notre production d'aluminium est la plus faible au monde. Les émissions représentent environ un dixième des gaz à effet de serre émis par la production de l'aluminium chinois. Notre industrie sidérurgique, en particulier notre production par four à arc électrique, a l'une des plus faibles empreintes carbone au monde. Elle peut pour cela compter sur une technologie de pointe et sur l'accès aux réseaux électriques à faibles émissions du Québec et de l'Ontario.
Toutefois, il est essentiel qu'un mécanisme canadien d'ajustement du carbone à la frontière soit mis au point afin de tenir compte des réalités de l'industrie canadienne et de nos relations commerciales avec les États-Unis. Alors que l'économie mondiale évolue rapidement vers la décarbonisation des chaînes d'approvisionnement, le Canada doit rationaliser ses politiques pour maintenir l'accès à ses marchés vitaux aux États-Unis et dans l'Union européenne. L'adoption à l'échelle nationale de principes similaires, mais non identiques à ceux de l'Union européenne contribuera également à protéger les industries canadiennes ainsi que les emplois et les collectivités dont elles dépendent. C'est ce que nous attendons d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières
Outre la conception et la mise en œuvre d'un tel mécanisme, le Syndicat des Métallos demande instamment à ce comité d'envisager d'autres politiques, telles que celles qui encouragent le recours à des approvisionnements propres dans les marchés publics afin que la priorité soit donnée aux matériaux à faible teneur en carbone, tels que l'acier et l'aluminium canadiens, dans les projets d'infrastructure. Nous devons également faire davantage pour renforcer l'application des règles commerciales en donnant à l'Agence des services frontaliers du Canada plus de ressources pour surveiller et empêcher le dumping d'importations à fortes émissions qui déstabilisent les marchés et sapent la production nationale.
Il ne s'agit pas de renforcer le protectionnisme, mais d'endiguer la concurrence déloyale tout en favorisant la réduction des émissions. Toutes choses étant égales par ailleurs, l'une des contributions les plus importantes que le Canada puisse apporter à la réduction des émissions est de réduire de manière significative les importations sur nos marchés d'acier et d'aluminium produits de façon polluante. Un mécanisme d'ajustement du carbone à la frontière peut contribuer à uniformiser les règles du jeu et à faire en sorte que les pays qui exportent au Canada évaluent avec précision les coûts environnementaux de leurs activités.
Le Canada se trouve à un moment charnière. Nous avons besoin de politiques qui garantissent que nous aurons accès à des marchés clés sans être soumis à l'ajustement carbone, tout en préservant nos relations commerciales vitales avec les États-Unis. Nos propositions contribueraient à la croissance de notre industrie, à la création d'emplois bien rémunérés et à la consolidation de la position du Canada en tant que chef de file dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le Syndicat des Métallos vous demande instamment d'agir avec détermination pour garantir que les industries canadiennes prospèrent dans un marché mondial plus équitable et plus vert.
Merci de votre écoute. Nous nous ferons une joie de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
C'est un sujet très intéressant que nous examinons. Toutefois, je dirais qu'il est un peu dépassé dans la mesure où les choses ont changé au cours des dernières semaines compte tenu de la nouvelle administration américaine qui entrera en fonction en janvier. Nous faisons face à de grandes incertitudes. Nous entendons déjà parler de tarifs douaniers sur certains produits et de certains problèmes connexes. Il est question de la renégociation de l'ACEUM. Il y a des problèmes qui découlent des 390 milliards de dollars que l'administration Biden s'est engagée à consacrer à l'Inflation Reduction Act — la loi sur la réduction de l'inflation — sur une période de 10 ans. Il y a un nouveau président qui s'apprête à entrer en fonction, et l'administration sortante n'avait pas instauré de tarification sur le carbone.
Du côté de la réglementation, le Canada doit‑il faire fi de ce qui se passe aux États-Unis? Nous venons d'entendre le Syndicat des Métallos parler du besoin d'assurer une concurrence loyale et de maintenir un avantage concurrentiel.
Si nous mettons en place un mécanisme axé sur le carbone sans les États-Unis, quel impact cela aura‑t‑il sur le Canada? Les États-Unis sont notre principal partenaire commercial. Nous commerçons davantage avec les États-Unis qu'avec tous les autres pays du monde réunis. Environ 50 % de notre acier est exporté vers les États-Unis, contre 0,1 % vers l'Union européenne. Comment pouvons-nous conserver un avantage concurrentiel?
Je m'adresse d'abord à vous, monsieur Campbell.
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Je vous remercie de votre question.
Je pense qu'il y a de la concurrence sur notre marché et sur celui des États-Unis, une concurrence à laquelle nous devons réfléchir en ce qui concerne nos producteurs. Un AFC vous aide à préserver la concurrentialité de vos entreprises nationales sur votre marché national. La plupart des fabricants américains sont des concurrents sur notre marché qui ne paient pas pour le carbone à l'heure actuelle. Si vous mettez en place un AFC, vous les obligerez à payer pour le carbone et vous égaliserez les chances jusqu'au niveau choisi pour le carbone canadien.
En ce qui concerne le marché américain, je pense que la façon dont nous gérons la situation en ce moment est liée à la quantité de quotas d'émissions que nous autorisons dans notre système. Cette quantité est un choix que vous pouvez continuer à faire à mesure que vous avancez. Il s'agit essentiellement de choix en matière de politique climatique que vous faites en premier lieu. Par conséquent, l'AFC a pour rôle d'égaliser les chances.
Je pense que votre question porte sur le fait que nous pourrions faire face à des conséquences si nous agissions de la sorte. Dans le contexte d'incertitude actuel, c'est une question tout à fait légitime, et il est juste de prendre cette question en considération. Je vais essayer d'être bref, mais j'estime que, dans le monde dans lequel nous vivons, un monde que vous avez décrit, vous pouvez céder à l'intimidation, vous pouvez négocier ou vous pouvez exercer des représailles. La première administration Trump en a donné des exemples. À mon avis, le fait de travailler à la mise en oeuvre d'un AFC crée une dimension supplémentaire que le Canada peut envisager d'utiliser dans un processus de négociation avec les États-Unis à l'avenir.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie également nos témoins d'être présents cet après-midi, alors que nous parlons du mécanisme d'ajustement à la frontière pour le carbone que l'Union européenne met en place et de la manière dont nous pouvons prendre les prochaines mesures.
Monsieur Campbell, vous avez fait une excellente déclaration préliminaire. Vous avez mentionné qu'il valait mieux faire les investissements qui s'imposent maintenant plutôt que de payer des droits de douane à d'autres pays. Ainsi, nous investirons dans notre propre pays au lieu d'envoyer de l'argent ailleurs.
Je vais me tourner vers M. Lundblad qui est en ligne. Vous avez dit que votre industrie pourrait souffrir si elle était soumise à des ajustements à la frontière pour le carbone. Il est important que je mentionne que notre gouvernement investit pour aider les industries de l'acier et de l'aluminium. Nous avons investi près de 1 milliard de dollars à Sault Ste. Marie et à Hamilton, en Ontario, tout près de là, pour que ces industries passent à l'arc électrique afin qu'elles émettent moins de carbone. Vous avez mentionné que l'aluminium produit au Canada a la plus faible intensité carbonique au monde.
Comme nous l'avons déjà entendu dire par un grand nombre de personnes qui ont témoigné dans le cadre de cette étude, la mise en place d'une tarification du carbone nous donne un avantage concurrentiel face aux autres pays qui produisent de l'acier et de l'aluminium. Pourriez-vous nous parler de certains des avantages concurrentiels dont nous bénéficions, que ce soit grâce à l'innovation ou grâce à la tarification du carbone? Il est plus que probable que, grâce à notre tarification du carbone, nous pourrions éviter d'être soumis au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ou MACF, de l'Union européenne lorsqu'il entrera en vigueur en 2025.
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Oui, il ne fait aucun doute que l'acier et l'aluminium produits au Canada sont parmi les plus écologiques du monde. Ils sont au même niveau que ceux des États-Unis. Dans certains secteurs, ils sont même plus écologiques que l'acier produit aux États-Unis.
Nous ne nous opposons pas à ce qu'une taxe sur le carbone ou une tarification du carbone soit mise en oeuvre dans l'économie canadienne, mais nous aimerions voir une sorte d'ajustement à la frontière, qu'il s'agisse d'une taxe sur le carbone ou d'un ajustement à la frontière pour le carbone, afin de garantir que le prix des marchandises — l'acier et l'aluminium, en particulier, mais aussi les marchandises importées sur le marché canadien — reflète les mêmes coûts que ceux qui sont imposés à l'acier et à l'aluminium produits au Canada. Cela garantira des conditions de concurrence équitables.
En ce qui concerne l'exportation de l'acier et de l'aluminium vers l'Union européenne, dont je suis le mieux placé pour parler, nous n'exportons pas de grandes quantités d'acier et d'aluminium vers ces marchés, comme l'ont indiqué les témoins précédents. Toutefois, le Syndicat des Métallos reconnaît que d'autres fabricants seront exposés à des coûts supplémentaires liés au MACF de l'Union européenne. Il y aurait des avantages supplémentaires à mettre en œuvre un programme semblable ici.
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À long terme, nous verrons un nombre de plus en plus important de pays adopter des mesures de réduction des émissions de carbone liées au commerce. Bon nombre de ces mesures pourraient être des ajustements à la frontière pour le carbone, c'est‑à‑dire des MACF, ou des mesures fondées sur des modèles différents. Il est également possible que les États-Unis prennent des mesures, mais, permettez-moi de le dire, elles ne seront peut-être pas aussi axées sur le climat, ou du moins pas aussi ancrées à l'échelle nationale. Une demi-douzaine de projets de loi présentant différentes suggestions avaient déjà été proposés aux États-Unis avant le changement d'administration.
Je pense que Mme Cobden, dont le témoignage a été mentionné, parlait d'une approche axée sur l'intensité carbonique. Il existe une autre approche fondée sur les coûts implicites du carbone, selon laquelle nous incitons nos fabricants à dépenser beaucoup aux États-Unis, même si nous n'imposons pas de prix sur le carbone.
Je pense que, du point de vue du droit commercial, l'approche fondée sur les coûts implicites du carbone est beaucoup plus draconienne. Je pense que les approches axées sur l'intensité carbonique pourraient fonctionner et être jumelées à une tarification du carbone qui est déclenchée quand une certaine intensité carbonique est dépassée. Cela permettrait au Canada d'envisager un régime qui va de pair avec la politique climatique du Canada, avec peut-être un peu d'adaptation, mais qui viendrait en quelque sorte compléter une conception américaine, même si les États-Unis utilisent une conception qui ne reconnaît pas nécessairement le mérite d'autres personnes.
En tant que personnes ayant déjà entrepris la tâche difficile de commencer à mesurer le carbone, à le surveiller, à en rendre compte et à fixer son prix, nous sommes, à mon avis, dans une meilleure position que d'autres personnes.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie l'ensemble des témoins de leurs présentations.
Ma première question s'adressera aux deux représentants du Syndicat des Métallos, dont l'un participe en ligne, et l'autre, en personne.
Je vous laisse décider de la façon dont vous voulez procéder pour répondre aux questions.
Dans votre témoignage, vous avez mentionné que l'industrie de l'aluminium au Canada a l'intensité carbone la plus faible au monde. En grande partie, c'est grâce à l'hydroélectricité disponible au Québec.
Maintenant, faisons le lien avec le mécanisme qui nous est proposé ici et auquel vous semblez plutôt favorable.
Comment ce mécanisme pourrait-il aider ou pourrait-il être avantageux sur le plan de la compétitivité des producteurs québécois?
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Je vous remercie de votre question, monsieur Savard‑Tremblay.
Il s'agit de valoriser un avantage compétitif que nous avons déjà au Québec ou au Canada, notamment en ce qui concerne l'électricité et l'énergie. Nos émissions de carbone sont parmi les moins élevées au monde. Il faut protéger les producteurs québécois dans les régions du Québec.
Tout à l'heure, en posant des questions à d'autres témoins, vous avez mentionné que vous valorisiez beaucoup les emplois dans les régions du Québec.
Cela dit, partout au Canada, des communautés survivent grâce à une industrie. Nous voulons donner de la valeur à ces industries. Nous voulons sauver les communautés. Nous voulons garder des emplois au Canada. Nous voulons valoriser l'aluminium, qui est propre au Québec. Nous voulons également protéger les communautés et les emplois qui sont liés à ce domaine.
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Oui, tout à fait. C'est une des choses dont nous avons aussi parlé.
Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est un outil parmi d'autres. Si nous nous donnons de tels outils pour protéger nos industries et nos emplois, il faut aussi nous donner les moyens de nos ambitions.
Le Canada a imposé des tarifs de 25 % sur les importations d'acier et d'aluminium. Le Syndicat des métallos a travaillé fort pour contrer le dumping qui venait de la Chine. Nous avons aussi demandé d'élargir cela à la protection des emplois dans l'acier et l'aluminium.
Si on ne donne pas à l'Agence des services frontaliers les moyens de connaître la provenance de l'acier qui est importé, on risque d'avoir un problème. On ne sera pas capable d'imposer les tarifs.
Il y a toutes sortes de moyens de contournement pour faire en sorte que l'acier et l'aluminium se retrouvent quand même ici. Puisque l'acier et l'aluminium provenant de la Chine sont à forte teneur en carbone, ce serait un peu en contradiction avec ce qu'on implante.
Récemment, il y a aussi eu de nouvelles règles pour les pays qui fondent et qui coulent l'acier. Il y a là aussi toutes sortes de façons de contourner les règles, par exemple en faisant transiter l'acier par un autre pays avant de le faire entrer au Canada.
Il faut donner à l'Agence des services frontaliers le pouvoir de déterminer d'où cela vient pour imposer les tarifs appropriés.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie mes collègues d'être présents. Lorsque de nombreux représentants syndicaux viennent nous aider à parler de ce sujet, c'est toujours une occasion en or.
Bien sûr, monsieur Campbell, il est toujours bon d'avoir l'avis d'un expert. Je vous remercie tous d'être présents pour aborder cet enjeu.
Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que le plus important est de protéger les emplois canadiens. Il s'agit là d'un élément vraiment important, et je crois que c'est dans ce contexte que vous intervenez tous. Je comprends ce contexte, car nous faisons face à de sérieux problèmes, comme la crise climatique et, bien sûr, d'éventuels droits de douane. Le bois d'œuvre est déjà touché par certains de ces droits de douane. J'aimerais donc connaître votre point de vue sur la recommandation de Mme MacEwen concernant les raisons pour lesquelles le Canada devrait mettre en œuvre un MACF.
Il s'agit d'une question importante, car j'estime que nous pouvons très facilement adopter une approche différente. Il y a deux ou trois étapes à franchir pour comprendre pourquoi un Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ou MACF, est important. Je voudrais donc conclure certains des sujets abordés par mon collègue conservateur et essayer de trouver certaines réponses à ces questions.
Je pense que sa question mérite qu'on lui consacre davantage de temps. J'aimerais donc vous demander à tous, en commençant par Mme MacEwen, pourquoi la création d'un MACF est une demande et une recommandation qu'il est juste d'adresser à notre comité et d'inclure dans notre rapport en tant que moyen de protéger les emplois et les industries du Canada et, en particulier, d'écarter les menaces potentielles.
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Je pense que c'est une perspective fantastique que je partage avec vous tous.
Ce qui me préoccupe, en partie, c'est le cadre national qui existe déjà. Il y a beaucoup d'analyses qui jouent un rôle dans le suivi et même dans la déclaration de la quantité de carbone que les entreprises produisent — dans la transparence à cet égard. Il s'agit là d'un travail considérable qui a déjà été accompli. C'est un élément précieux, et M. Campbell a vraiment insisté sur ce point.
Je voudrais maintenant me concentrer sur une autre raison importante pour laquelle nous avons commencé à tarifier le carbone, c'est-à-dire le fait que le coût de la crise climatique est très élevé. Si nous avions pu nous débarrasser de la crise climatique, nous l'aurions fait. Tout le monde ici aurait dit qu'étant donné il n'y a pas de crise climatique, il n'y aura pas de tarification de la pollution ou de quoi que ce soit d'autre.
C'est le genre de monde dans lequel certaines personnes croient, mais la réalité, c'est que nous ne vivons pas dans ce monde. Nous vivons dans un monde où les émissions de carbone nuisent à nos industries. L'industrie forestière, par exemple, nous a dit qu'elle n'avait pas réalisé de revenus au Québec l'année dernière parce que les incendies de forêt avaient arrêté ses activités. Il s'agit là de répercussions majeures. Cela a eu une énorme incidence sur les moyens de subsistance et le bien-être des habitants du Québec et de l'ensemble de l'industrie forestière.
Cela fait partie d'un plan, je dirais, qui s'inscrit en quelque sorte dans l'ABC de ce qui doit être fait non seulement pour lutter contre la crise climatique, mais aussi pour protéger nos industries à long terme. J'estime que c'est la pièce manquante dans cette conversation.
Quelqu'un voudrait-il expliquer pourquoi il s'agit là d'un élément essentiel?
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous d'avoir pris le temps de comparaître un mercredi soir, juste avant la pause hivernale.
J'aimerais obtenir quelques éclaircissements et je vais donc commencer par vous, monsieur Campbell, puis je passerai peut-être à vous, madame MacEwen.
Monsieur Campbell, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure et aller droit au but. Seriez-vous favorable à ce que le gouvernement adopte ces mesures de manière unilatérale sans les États-Unis et le Mexique?
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Il serait judicieux de les élaborer en parallèle avec la stratégie de négociation de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique et de pouvoir déterminer si nous voulons nous en passer ou si nous voulons introduire des possibilités très intéressantes dans le cadre de cette négociation.
Les États-Unis pourraient vouloir prendre des mesures allant au‑delà d'une norme particulière pour bloquer le carbone. Ils pourraient prendre des mesures non conformes aux règles de l'OMC. Nous pourrions décider de prendre des mesures allant dans le même sens, dans une certaine mesure, et qui soient conformes aux règles de l'OMC. Je parle, par exemple, d'une norme et d'un prix connexe qui mettraient tous les produits nationaux et étrangers sur un pied d'égalité, même s'ils choisissaient de ne pas le faire. Je ne peux pas garantir que cette solution fonctionnerait, mais on pourrait envisager de conclure un accord commercial bilatéral ou régional prévoyant une différence de traitement spécifique.
Cette mesure pourrait faire l'objet d'une résolution négociée avec les États-Unis et le Mexique dans le cadre d'une négociation de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, et serait différente de ce que le Canada fait ailleurs. Cette solution est délicate, mais elle n'est pas exclue du point de vue du droit commercial.
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Merci beaucoup à tous nos intervenants. Leurs témoignages ont été très instructifs jusqu'à présent.
M. Sidhu a mentionné les investissements que nous réalisons dans les fours électriques à arc, dont l'intensité en carbone a été jugée beaucoup plus faible. À Sault Ste. Marie, l'investissement de 420 millions de dollars permettra, une fois le projet achevé, de réduire les émissions de 70 %. C'est comme si l'on retirait de la circulation un million de voitures à essence. Il s'agit d'un financement générationnel, car le monde change. Nous avons demandé à l'Association canadienne des producteurs d'acier pourquoi l'industrie sidérurgique avait réalisé ces investissements. Nous avons posé la question à Catherine Cobden. Elle a répondu que c'était la direction que prenait le marché. C'est la voie sur laquelle nous sommes engagés.
Ma première question s'adresse au Syndicat des Métallos.
J'ai écouté votre témoignage, ainsi que celui de M. Warren, sur la possibilité de considérer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières comme un moyen de nous aider à continuer à mettre fin au dumping d'acier chinois à bas prix. Nous avons créé un tarif de 25 %, qui correspond à celui appliqué par les Américains à l'heure actuelle — et j'aimerais que vous m'expliquiez ce point — mais est‑ce qu'un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourrait éventuellement apporter une autre couche de protection?
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Je ne suis pas un expert en politique climatique, mais j'aimerais faire quelques commentaires du point de vue du droit commercial.
Si l'on procède à un ajustement carbone aux frontières, il n'y a aucune raison pour que le Canada ne reconnaisse pas le carbone dont le prix est fixé aux États-Unis... dans le système californien ou dans la douzaine d'autres États. Nous pourrions utiliser cet élément dans le cadre d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. De notre point de vue, du point de vue du droit commercial canadien, en gardant à l'esprit le traitement national, nous devrons probablement nous efforcer d'appliquer un ajustement carbone aux frontières qui corresponde au point de référence fédéral. Les étrangers doivent avoir droit au traitement national, au meilleur traitement, comme n'importe qui au Canada.
Nous ne nous baserions probablement pas précisément sur le Québec. Cela ne veut pas dire que nous ne nous en approcherions pas. Nous travaillerions simplement à partir d'une norme fédérale minimale, si je peux m'exprimer ainsi.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie mon collègue du Bloc québécois pour ses commentaires. C'est une question très intéressante, et je pense que nous devrons examiner le modèle existant au Québec et son intégration potentielle dans le cadre de cette étude. C'est un enjeu assez vaste, mais ce n'est pas la question qui nous intéresse et je m'écarte du sujet.
Pour bien insister sur nos recommandations, j'aimerais souligner l'importance des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières en tant qu'élément de la trousse d'outils des Canadiens. Il est vrai que nous sommes à l'aube d'une crise climatique. Nous devons mettre en place une tarification du carbone dans notre pays. Les néo‑démocrates, en particulier, étaient préoccupés par le type de tarification du carbone qui existe aujourd'hui au Canada, mais dans l'ensemble, nous acceptons le principe de la tarification du carbone, car elle doit atteindre et, plus particulièrement, viser les producteurs et les industries qui émettent le plus de gaz à effet de serre. C'est là que nous pensons que la tarification du carbone sera la plus efficace, mais si elle doit exister, elle devra s'accompagner d'une série d'autres solutions politiques.
L'autre solution est bien sûr la position des conservateurs, qui consiste à ne pas mettre en place de mécanisme de tarification du carbone au Canada. La proposition des conservateurs entraînerait évidemment, selon moi, une accélération de la crise climatique. Les industries forestières du Québec ne pourraient peut-être pas récolter de bois pendant plusieurs saisons. Les répercussions sur l'agriculture pourraient également être considérables pendant plusieurs saisons. Si nous ne réglementons pas ou n'essayons pas de réglementer les émissions considérables qui polluent notre atmosphère.
Je pense que les Canadiens sont actuellement coincés entre ces deux positions. Que conseillez-vous aux Canadiens lorsqu'ils entendent ces deux solutions, et quelles conséquences auront-elles sur leur emploi et leur avenir?
Allez‑y, madame MacEwen.