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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 135 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

     Avant d'en arriver à l'objet de la réunion, je veux faire le point dans deux dossiers avec le Comité.
    Premièrement, le Comité de liaison nous a demandé où nous allions nous rendre entre mars et juin. J'ai parlé de la Nouvelle-Zélande, mais les membres n'étaient pas d'accord. Je présume que nous allons simplement indiquer que nous n'avons pas besoin d'argent pour cela.
    Et deuxièmement — et cela concerne principalement David Graham —, vous vous souviendrez que les Services de la Cité parlementaire avaient indiqué dans le budget qu'ils allaient acheter des voitures banalisées avec les nouveaux fonds. Vous avez sans doute remarqué la présence de nouvelles voitures identifiées. Les Services de la Cité parlementaire tenaient à vous informer qu'elles avaient été achetées avec les anciens fonds. Les nouvelles voitures banalisées ne sont pas encore arrivées.
    De plus, il a été convenu que dans la seconde moitié, plutôt que d'aller en sous-comité, nous allons poursuivre en comité complet, puisqu'il faudrait passer en sous-comité de toute façon.

[Français]

     Bonjour, je vous souhaite la bienvenue à la 135e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
    Aujourd'hui, nous allons examiner le quatrième rapport du Sous-comité des affaires émanant des députés présenté au greffier du Comité, le jeudi 22 novembre. Le Sous-comité a recommandé que le projet de loi C-421, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (connaissance suffisante de la langue française au Québec) soit désigné non votable.
    Conformément à l'article 92(2) du Règlement, nous sommes heureux d'avoir parmi nous le parrain du projet de loi, M. Mario Beaulieu, député de La Pointe-de-l'Île, pour expliquer pourquoi il estime que ce projet de loi devrait pouvoir être mis aux voix. Il est accompagné de M. Marc-André Roche, recherchiste au Bloc québécois.
    Je vous remercie d'être ici, monsieur Beaulieu. À titre informatif, la correspondance que vous avez envoyée mardi a été distribuée aux membres du Comité. Vous pouvez maintenant faire votre présentation au Comité.
     Monsieur le président et chers membres du Comité, je vous remercie de nous recevoir.
    Comme je vous l'ai indiqué dans ma lettre, le Sous-comité a eu beau juger que mon projet de loi C-421 était clairement inconstitutionnel, il n'a pas spécifié à quel article de la Constitution ou de la Charte il aurait supposément contrevenu. Faute d'indication précise, je vais faire un survol de l'ensemble des dispositions qui pourraient être pertinentes. J'espère que cela va répondre à votre questionnement. Sinon, je suis à votre disposition pour répondre aux questions.
    Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de M. Marc-André Roche, l'adjoint de mon collègue le député de Joliette. Comme nous n'avons pas d'équipe de recherche, il m'a donné un coup de main.
    Comme vous le savez, la norme utilisée pour évaluer si un projet de loi est inconstitutionnel n'est pas très élevée. À la page 1143, le Bosc et Gagnon indique:
Les projets de loi et les motions ne doivent pas transgresser clairement les lois constitutionnelles de 1867 à 1982, y compris la Charte canadienne des droits et libertés;
    J'insiste sur les mots « transgresser clairement les lois constitutionnelles ». Il est établi de longue date qu'un désaccord sur la constitutionnalité d'un projet de loi ne suffit pas à le rendre non votable. J'ai l'impression que votre décision ne sera pas difficile à prendre.
    À l'heure actuelle, les résidents permanents doivent respecter un certain nombre de critères pour obtenir la citoyenneté canadienne. Parmi ceux-ci, ils doivent réussir deux tests de compétence: un test de connaissances générales sur leur société d'accueil et un test de compétences linguistiques, où ils doivent démontrer qu'ils possèdent une connaissance suffisante du français ou de l'anglais.
    Le projet de loi C-421 est assez simple. Il modifie la Loi sur la citoyenneté pour faire en sorte que les résidents permanents qui résident habituellement au Québec doivent démontrer qu'ils ont une connaissance suffisante du français.
    Le premier critère de constitutionnalité est le partage des compétences. La citoyenneté relève de la compétence fédérale en vertu de l'article 91.25 de la Loi de 1867 sur l'Amérique du Nord britannique, qui précise que la naturalisation et les aubains relèvent de la compétence du Parlement. Manifestement, mon projet de loi satisfait à cette condition.
    Il reste la Charte. Comme le Sous-comité n'a indiqué aucune disposition précise pour appuyer sa décision, je vais faire le tour aussi rapidement que possible.
     D'abord, il y a la liberté de circulation et d'établissement. Le paragraphe 6(2) de la Charte précise que les citoyens et les résidents permanents ont le droit de se déplacer partout au Canada, de s'établir dans n'importe quelle province et d'y gagner leur vie. Que le projet de loi C-421 soit adopté ou non, rien n'empêcherait un résident permanent qui résiderait dans une autre province de déménager au Québec, de s'y établir et d'y travailler. Rien n'empêcherait un résident permanent qui réside dans une autre province d'y obtenir la citoyenneté canadienne, puis de déménager au Québec et de jouir de tous les droits et privilèges associés à la citoyenneté canadienne.
     Comme le projet de loi C-421 est sans effet sur la liberté de circulation et d'établissement, j'en comprends que ce n'est pas sur cette base que le Sous-comité a jugé que le projet de loi était « clairement inconstitutionnel ».
    Ensuite, il y a la langue de communication avec les institutions fédérales. Le paragraphe 20(1) de la Charte précise que la population peut communiquer à son choix en français ou en anglais avec l'administration fédérale, et que celle-ci doit être en mesure de lui fournir les services en français ou en anglais lorsque le nombre ou la nature du service le justifie.
    Le projet de loi C-421 est sans effet sur la langue de communication entre la population et l'administration fédérale. Que ce projet de loi soit adopté ou non, un résident permanent pourra toujours communiquer soit en français, soit en anglais avec l'administration fédérale.
    De même, la prestation du serment de citoyenneté pourra continuer à s'effectuer soit en français, soit en anglais, au Québec comme ailleurs au Canada. J'aurais préféré qu'il en soit autrement, mais cela aurait rendu mon projet de loi inconstitutionnel. C'est pourquoi je ne l'ai pas proposé.
(1105)
     Le projet de loi C-421 se contente d'exiger que le résident permanent qui habite au Québec démontre qu'il possède des connaissances suffisantes de la langue française, la langue officielle et la langue normale des communications au Québec.
    Je vous rappelle qu'il existe déjà une dose d'asymétrie dans l'application de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Au Québec, c'est le gouvernement du Québec qui sélectionne et qui accompagne les immigrants et qui met en place les programmes d'intégration. La connaissance du français occupe une place de premier ordre dans toutes ces étapes.
    Le projet de loi C-421 vient appuyer les efforts du Québec et étendre l'octroi de la citoyenneté, ce qui existe déjà aux étapes précédentes, soit la sélection, l'accompagnement et l'intégration. La sélection, l'accueil et l'intégration des immigrants et l'octroi de la citoyenneté sont quatre éléments d'un même processus. Je vois mal comment la connaissance du français serait constitutionnelle aux trois premières étapes, mais inconstitutionnelle à la quatrième. De toute façon, le projet de loi C-421 est sans effet sur la langue de communication entre la population et les institutions fédérales, ce qui règle la question de sa conformité au paragraphe 20(1) de la Charte.
    Restent les dispositions sur les langues officielles.
    Le paragraphe 16(1) de la Charte précise ceci:
Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.
    J'insiste sur les mots « droits et privilèges égaux quant à leur usage ». Le projet de loi C-421 ne contient aucune disposition ou prescription à propos de l'usage du français ou de l'anglais. Il ne concerne que la connaissance du français. La connaissance et l'usage, ce sont deux choses complètement différentes. De plus, le paragraphe 16(3) précise la portée de la Charte:
    
La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais.
    Ce paragraphe de la Charte parle de « l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais » au Canada. La Cour suprême reconnaît même que c'est le français qui est minoritaire au Canada. Elle reconnaît que, pour que le français et l'anglais progressent vers l'égalité au Canada, il faut que le français prédomine au Québec. Dans l'arrêt de l'affaire Nguyen, en 2009, elle a statué ceci:
[...] notre Cour a déjà reconnu que l'objectif général de protection de la langue française représentait un objectif important et légitime [...] eu égard à la situation linguistique et culturelle particulière de la province de Québec [...]
    Cela permet à la Cour de conclure que:
la politique linguistique sous-tendant la Charte de la langue française vise un objectif important et légitime. [Les documents] révèlent les inquiétudes à l'égard de la survie de la langue française et le besoin ressenti d'une solution législative à ce problème [...]
    C'est d'un jugement à portée constitutionnelle que je parle ici.
    Les mesures pour assurer la primauté du français au Québec viennent, dans les faits, favoriser l'égalité de statut ou d'usage du français au Canada. On pourrait même estimer que la pratique actuelle du gouvernement visant à rendre le Québec bilingue y contrevient, puisqu'en affaiblissant le français au Québec, elle ne favorise pas l'égalité des deux langues au Canada. Cela dit, il s'agit d'un débat qu'il est inutile d'entreprendre ici.
    Je devais vous démontrer que mon projet de loi n'est pas « clairement inconstitutionnel ». Je pense que c'est fait.
    Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Merci, monsieur le président et membres du Comité.
(1110)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je ne procéderai pas comme d'habitude aux séries de questions. Je vais simplement donner la parole à qui la demande. Laissez-le-moi savoir.
    Madame Lapointe.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Soyez le bienvenu au Comité, monsieur Beaulieu.
    Je suis la présidente du Sous-comité des affaires émanant des députés du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui se penche sur tous les projets de loi. La semaine dernière, nous avons examiné 15 projets de loi, l'un après l'autre, avec l'analyste responsable de faire des propositions et de donner des explications. Nous avons étudié votre projet de loi en long et en large pour vérifier tout cela.
    Savez-vous où est située ma circonscription, Rivière-des-Mille-Îles?
     Rivière-des-Mille-Îles, oui, je le sais.
    Elle comprend les villes de Deux-Montagnes, Saint-Eustache, Boisbriand, Rosemère.
    C'est la Rive-Nord.
    Oui, c'est dans la couronne nord de Montréal.
    Dans ma circonscription, il y a plusieurs résidents permanents.
    Je vais vous poser une question en ce qui concerne votre projet de loi.
    Proposez-vous que ces gens qui demeurent dans ma circonscription, qui sont anglophones, qui sont des Américains devenus résidents permanents, aillent passer leur test de citoyenneté en Ontario, parce qu'ils ne pourraient pas le faire au Québec faute d'une connaissance suffisante du français?
    Essentiellement, je crois que cela les inciterait à apprendre le français pour en avoir une connaissance suffisante. Ce serait une très bonne chose, parce que cela leur permettrait de s'intégrer encore plus facilement au marché du travail.
    Au Québec, il est vital que le français soit la langue commune pour assurer son propre avenir. Le Québec est la seule province majoritairement francophone, la seule où on peut réussir à faire en sorte que les nouveaux arrivants connaissent le français. Cela ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas connaître l'anglais.
    Prenez mon cas, je suis francophone. Il n'y a pas plus francophone que le nom Lapointe. J'ai été élevée à Laval, j'ai toujours travaillé à Boisbriand, je fais la promotion du français à la Chambre auprès de tous mes collègues.
    N'est-ce pas, chers collègues? Dites oui. Dites que je vous parle en français tout le temps. Même quand vous ne comprenez pas, vous réussissez à comprendre.
    Je fais la promotion du français et je fais tout pour que les gens puissent devenir bilingues. Selon moi, le plus haut sera le taux de bilinguisme au Canada, le mieux ce sera.
    J'ai siégé au Comité permanent des langues officielles aux côtés de M. Nater et de Mme Kusie. Ce sont des gens qui sont convaincus autant que moi de la valeur du bilinguisme.
(1115)
    Je veux dire que nous sommes des promoteurs du bilinguisme et, selon moi, en ce qui concerne le français, il faut aller encore plus loin. Votre projet de loi me met mal à l'aise.
    Je ne suis pas une spécialiste de la Constitution. Il y a des gens qui sont justement là pour nous aider au besoin. Les gens qui travaillent à la Bibliothèque du Parlement peuvent nous aider. Je suis simplement mal à l'aise devant ce projet de loi.
    Ce n'est pas moi qui décide. Si on me dit qu'un projet de loi n'est pas constitutionnel, je ne peux pas le contester comme le ferait un avocat. J'ai fait un baccalauréat en administration des affaires. Je n'ai pas du tout la prétention d'être avocate.
    Je me vois mal dire aux citoyens anglophones de ma circonscription, qui ont le droit d'être résidents permanents au Québec, qui contribuent à la société à leur façon même s'il parlent anglais, qu'ils ne deviendront pas citoyens canadiens et qu'ils vont simplement demeurer des résidents permanents.
    Je ne sais pas si des collègues veulent ajouter quelque chose.
    J'aurais peut-être un élément à ajouter.
    Oui, allez-y, M. Roche.
    Le compte rendu officiel du Sous-comité n'est pas encore disponible, mais les « bleus » le sont. Je vous rappelle que votre analyste recommandait que le projet de loi soit votable. Je comprends de votre intervention que vous avez hâte de pouvoir intervenir à la Chambre et de voter contre. C'est précisément l'objet de notre discussion.
    D'après les discussions que nous avons eues et qui ont été rapportées dans les « bleus », nous avons considéré que c'était inconstitutionnel.

[Traduction]

    Je n'ai pas très bien compris, mais selon moi, lorsque l'analyste vient au sous-comité, il ne donne pas son avis sur ce qui peut ou ne peut pas faire l'objet d'un vote. Il ne fait que donner les faits selon son point de vue.
    L'analyste a dit essentiellement que cela pouvait aller dans les deux sens.
    Nous passons à M. Graham.
    Si vous ne comprenez pas ce qu'il dit... Je ne sais pas en quelle langue il le dira.

[Français]

    Non, c'est parfait.

[Traduction]

    Aucun de nous n'a compris ce qu'il a dit également.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

     Monsieur Beaulieu, que diriez-vous si un projet de loi venant de l'Alberta, par exemple, parlait des personnes de moins de 65 ans à la date de leur demande de citoyenneté, qui résident habituellement en Ontario et qui ont une connaissance suffisante de la langue anglaise?
    Serait-ce inconstitutionnel? Serait-ce une attaque contre le français? Serait-ce la guerre au Québec?
    Je crois que ce serait probablement constitutionnel. Par contre, le français et l'anglais n'ont pas un statut égal en ce moment.
    Ils l'ont dans la Constitution.
    C'est cela.
    La Constitution vise à ce qu'il y ait égalité.
    Toutefois, on essaie d'enlever au fédéral un pouvoir que lui donne la Constitution.
    Dans les faits, le français est en déclin à peu près partout au Canada. Tous les indicateurs linguistiques le démontrent. L'objectif est d'assurer la diversité linguistique au Canada, donc d'assurer le maintien du français, l'égalité de statut du français. C'est ce que mon projet de loi vise.
    C'est le français qui est menacé au Canada, pas l'anglais. Vous soulevez une question politique. Je pense qu'en ce qui touche la Constitution, ce n'est pas inconstitutionnel de soulever cette question.
     Je ne suis pas du tout d'accord avec vous.
    La Constitution est très claire à ce sujet. Un exemple en est la communication avec un fonctionnaire. Vous semblez dire que pour pouvoir parler à un fonctionnaire dans notre langue maternelle, il faut déménager dans la province appropriée et y séjourner assez longtemps. Cela remplacerait la liberté de voyager au Canada par une obligation de voyager, ce qui n'est pas conforme à la Constitution. Je ne vois pas comment vous réussirez à harmoniser ce projet de loi avec la Constitution.
    Cela ne touche pas l'usage de la langue.
    Vous exigez que je communique avec vous en français pour prouver que j'en suis capable.
    C'est cela.
    Pourtant, il est obligatoire de communiquer avec le gouvernement.
    Cela ne veut pas dire que vous ne connaissez pas l'anglais si vous communiquez avec moi en français, pas plus que cela voudrait dire que je ne connais pas l'anglais si je communique avec vous en français.
    Cela vise à encourager les nouveaux citoyens à apprendre le français. Je pense que c'est tout à fait légitime. Le Québec est la seule province où le français est la langue de la majorité et c'est en quelque sorte le foyer des francophones en Amérique du Nord. Il est donc nécessaire d'encourager l'usage du français et d'en faire la langue commune. Cela ne veut pas dire que l'on ne reconnaît pas les droits de la minorité anglophone; ce n'est pas du tout la question. Si le français n'est pas la langue commune au Québec, par contre, cela ne sera pas la langue qui va permettre d'intégrer les nouveaux arrivants et de faciliter les échanges entre tous les citoyens du Québec.
(1120)
    La seule façon de juger cela constitutionnel serait si l'anglais et le français n'avaient pas un statut égal dans la Constitution. Or leur statut est bel et bien égal dans la Constitution. Par ailleurs, il n'y a pas une seule province au Canada, pas une, qui ne compte pas de francophones dans sa population.
    Si un projet de loi exigeait d'être capable de parler anglais dans toute la province du Québec, il n'augmenterait pas les droits des francophones, on les attaquerait plutôt. Quand on attaque l'anglais au Québec, on attaque le français dans le reste du Canada.
    J'aimerais moi aussi augmenter l'importance du français partout au Canada. Je suis bilingue, j'ai grandi dans une famille dont les deux parents étaient francophones. J'ai cependant été élevé en anglais, car ma famille n'avait pas le droit à l'école francophone parce qu'elle n'était pas catholique. Je suis maintenant anglophone parce que je n'étais pas catholique. Cela n'a aucun sens.
    Pour augmenter l'importance du français partout au Canada, par contre, il faut voir les deux langues comme vraiment égales. Si vous me permettez ce commentaire, votre projet de loi va entièrement et complètement à l'encontre des objectifs de la Constitution. Il n'est en rien constitutionnel.
    En suivant ce raisonnement, les critères de sélection des nouveaux arrivants au Québec seraient anticonstitutionnels, tout comme le serait toute forme d'asymétrie. Dans le fond, entre le faible et le fort, il est dit que la loi protège le faible. Dans les faits, les deux langues n'ont pas un statut égal. La loi sert à établir cette égalité de statut pour favoriser le français en tant que langue commune au Québec. La Constitution reconnaît que la situation du français mérite et justifie qu'il y ait des mesures législatives pour la protéger et pour assurer son épanouissement partout au Canada.
    Parlez-vous de partout au Canada ou seulement du Québec?
    Je veux que le français soit parlé partout au Canada. Nous défendons toutes les communautés francophones et acadiennes. Le Québec, c'est un peu le foyer de la langue française.
    Je ne veux pas trop m'aventurer dans le débat politique. Je pense qu'il est préférable de rester dans le débat constitutionnel. Partout au monde, les régimes basés uniquement sur un bilinguisme institutionnel, mur à mur, finissent toujours par constater l'assimilation des langues minoritaires.
    Il y a plusieurs pays où il se parle plus d'une langue nationale. En Belgique, en Suisse ou au Cameroun, par exemple, il y a une langue commune pour un territoire donné. Cela n'empêche pas les gens de très bien connaître cinq ou six langues secondes, mais cela fait en sorte de protéger leur langue. Si vous allez en Belgique flamande, vous constaterez que le néerlandais — qui n'est guère parlé dans le monde — n'est pas menacé dans cette partie de la Belgique, où il est la langue commune.
    De façon générale, la Constitution a pour principe de protéger la dualité linguistique. Au Canada, la langue menacée est le français. Il faut que cette langue puisse continuer d'exister et de s'épanouir dans notre pays, ce qui explique les pouvoirs supplémentaires qui ont été accordées au Québec, notamment par l'entente Cullen-Couture sur l'immigration.
     La Charte de la langue française du Québec, dont certains ont dit qu'elle était une grande loi canadienne, vise à faire du français la langue commune au Québec pour permettre aux francophones de travailler et de vivre dans leur langue. Je ne crois pas qu'elle soit anticonstitutionnelle.
     Je vous ramène à la Constitution, car c'est ce qui est en cause ici.
    Je siège aussi au Sous-comité des affaires émanant des députés, où j'ai déjà parlé de ma femme. Elle est arrivée au Canada en 2005, et elle parlait cinq langues, mais pas le français. Juste avant d'obtenir sa citoyenneté, elle est déménagée au Québec pour être avec moi. Si ce projet de loi avait été adopté, elle n'aurait pas pu le faire. Elle aurait été obligée de rester en Ontario parce qu'elle ne parlait pas un mot de français. Elle est en train de l'apprendre, mais ce n'est pas facile comme sixième langue. L'objectif du projet de loi est anticonstitutionnel, parce qu'il n'y a aucune demande faite au gouvernement qui soit plus importante que celle de la citoyenneté.
    L'alinéa 20(1)a) de la Charte canadienne des droits et libertés se lit comme suit:
l'emploi du français ou de l'anglais fait l'objet d'une demande importante;
    Une demande de citoyenneté est une demande importante. Vous ne pouvez pas dire que ce n'est pas assez important pour être dans la Constitution. C'est ma position, et nous serons d'accord pour dire que nous sommes en désaccord.
(1125)
    Si nous ne sommes qu'en désaccord, alors le projet de loi est votable et c'est à la Chambre d'en disposer. Ce n'est pas parce qu'on n'aime pas une loi qu'elle est anticonstitutionnelle pour autant. Toutes les lois contiennent un élément de contrainte. Votre conjointe aurait probablement pu réussir le test de français. Demander qu'on favorise les gens ayant une connaissance suffisante du français n'est pas une exigence exagérée.
    Vous reconnaissez donc que votre projet de loi transgresse la Constitution, mais pas gravement. Est-ce bien ce que vous me dites?
    Non. Je ne crois pas que mon projet de loi soit inconstitutionnel, et il répond encore moins au critère permettant de juger qu'un projet de loi est non votable. À mon avis, il ne transgresse pas la Constitution. Ce que vous soulevez concerne davantage l'aspect politique que l'aspect constitutionnel, et c'est au Parlement de prendre une décision au sujet de l'aspect politique.
    Je suis membre du Sous-comité des affaires émanant des députés du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui a tenu 18 réunions depuis le début de cette législature. Je crois n'avoir manqué qu'une seule réunion. À ce jour, nous avons refusé deux projets de loi. En fait, je pense que c'est trois — pour l'un d'entre eux, c'était assez clair.
    C'est notre travail de faire cela. Chaque projet de loi émanant d'un député adopté à la Chambre des communes a d'abord été étudié par ce sous-comité, y compris le projet de loi du Bloc québécois. Nous l'avons analysé — vous avez lu les « bleus » de nos délibérations — et nous étions d'accord que votre projet de loi n'était pas votable à cause de son caractère inconstitutionnel.
    Il y a ce processus et c'est à nous de décider s'il est votable ou non. Si vous n'êtes pas d'accord sur notre décision, vous pouvez en appeler à la Chambre, qui procédera à un vote secret; vous avez ce droit.
    Ma recommandation à mes collègues est de considérer que votre projet de loi ne passe pas le test de la Constitution.
    Je pense qu'il est constitutionnel. Les arguments que vous avez soulevés sont davantage d'ordre politique. Vous avez donné l'exemple de votre conjointe, qui est un cas particulier, mais la Constitution vise toute la collectivité et l'ensemble de la population du Canada.
    Selon votre raisonnement, vous seriez contre toutes les mesures qu'a prises le Québec pour favoriser le français parce que vous les jugeriez anticonstitutionnelles. Vous diriez que le critère lié à la connaissance du français pour sélectionner des immigrants au Québec est anticonstitutionnel. C'est la même chose.
    Nous n'empêchons pas les gens de communiquer en anglais ou en français avec le gouvernement. Tout ce que nous voulons, c'est un incitatif. Nous voulons que les gens démontrent qu'ils connaissent le français. La Loi sur la citoyenneté exige déjà une connaissance du français ou de l'anglais, et si une personne n'a pas de connaissance d'une de ces langues, sa demande est rejetée.
    Nous croyons qu'au Québec, la connaissance du français devrait être exigée des immigrants parce que c'est la langue commune. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas important de connaître l'anglais ou d'être bilingue sur le plan individuel. Au Québec, il faut renforcer le français. Je ne veux pas entrer dans un débat politique, mais à Montréal, le français est en déclin. Les indicateurs démontrent qu'il y a un déclin du français parce qu'on ne réussit pas à franciser suffisamment les nouveaux arrivants. Ce n'est pas une exigence farfelue que nous voulons utiliser pour écraser qui que ce soit, c'est une exigence qui vise à assurer l'avenir du français au Québec.
    Cela nous ramène encore à la Constitution. C'est une question de communication entre le gouvernement fédéral et un citoyen aspirant, si je peux l'appeler ainsi, et non entre lui et une province ou une entreprise privée. C'est dans ce cadre seulement que ce n'est pas constitutionnel. Votre projet de loi forcerait les gens à choisir une langue plutôt qu'une autre, ce qui irait à l'encontre des valeurs de l'article 20 de la Charte. Pour moi, c'est noir sur blanc et il n'y a pas d'ambiguïté. Si c'était un projet de loi du gouvernement du Québec, il n'y aurait pas de problème, mais ce projet de loi concerne le gouvernement fédéral et la Constitution.
     Je vous répondrais que notre projet de loi ne porte pas sur les communications entre une personne et le gouvernement.
    Oui, il porte là-dessus.
    Il porte sur les compétences linguistiques.
    Pour démontrer une compétence linguistique, il faut établir une communication avec le gouvernement.
    Je cède la parole à mon collègue parce qu'on pourrait en parler jusqu'à cinq heures du matin.
(1130)

[Traduction]

    Merci, monsieur Graham.
    J'ai une question.

[Français]

    Je m'excuse de parler en anglais.

[Traduction]

    Non, ça va.
    Vous avez dit que le Québec peut décider qui a le droit d'immigrer, alors le gouvernement peut déjà s'assurer que seuls des francophones font une demande. Pourquoi avez-vous besoin du test en français? Vous avez déjà réglé la question.
    Ce n'est pas exclusif. Un des critères est de connaître le français. Si une personne connaît l'anglais, cela donne d'autres points. Ce n'est pas exclusif.
    Dans le cadre du processus d'intégration, il y a l'apprentissage du français, mais on se rend compte que ce n'est pas suffisant. Selon nous, comme il faut déjà avoir une connaissance suffisante de l'anglais ou du français, nous disons qu'au Québec il serait approprié que la connaissance du français soit un critère de citoyenneté. C'est un autre incitatif pour s'assurer que les gens ont une connaissance suffisante du français.
    Dans les jugements de la Cour suprême comme l'affaire Nguyen, on reconnaît que le français au Québec a besoin d'un soutien législatif pour s'assurer que les gens peuvent travailler et vivre en français et pour assurer la survie de la langue française au Québec et au Canada.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre sur la liste?
    Monsieur Bittle.
    Stephanie, avez-vous des questions? Nous avons la parole depuis assez longtemps.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Beaulieu, je vous remercie d'être ici, aujourd'hui. Nous n'avons plus de questions.
    Bien sûr, nous avions des questions à propos de la constitutionnalité du projet de loi et des consultations que vous avez tenues lors de la création du projet de loi. Nous avons eu toutes les réponses dont nous avions besoin. Il n'y a donc plus de questions.
    Je vous remercie encore une fois d'être venu ici aujourd'hui, monsieur Beaulieu.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Bittle.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les deux d'être avec nous. Je reconnais les mérites de la discussion.
    Parlons de la Constitution, et concentrons-nous sur l'aspect juridique, même si, avec tout le respect que je vous dois, votre exposé semble beaucoup plus... Je comprends la passion — le discours passionné et politique par opposition au discours juridique — mais concentrons-nous sur l'aspect juridique.
    J'ai eu l'occasion de siéger au comité de la justice et j'ai entendu beaucoup d'arguments constitutionnels. Je n'en ai entendu aucun dans votre déclaration préliminaire. J'ai regardé votre déclaration subséquente, et on y parle de l'affaire Nguyen, qui porte sur l'article 23 de la Charte, mais vos arguments portent sur les articles 16 et 20.
     Pourquoi ne pas présenter d'affaires qui portent sur ces articles? Si on traite d'une question juridique très particulière, pourquoi choisissez-vous un paragraphe dans une affaire qui porte sur un article différent de la Charte pour appuyer des arguments à propos des articles 16 et 20?
    Je vais laisser M. Roche répondre.

[Français]

     En fait, les extraits choisis ont été pris dans la section préliminaire du jugement, où des observations de portée générale sont émises et sur lesquelles on s'appuie pour porter un jugement par la suite.
     Nous en avons compris que c'était une observation de portée générale et qu'elle s'appliquait tout aussi bien à l'ensemble des articles.

[Traduction]

    J'ai fait une recherche rapide dans Google. Vous n'êtes pas membre ni l'un ni l'autre du Barreau du Québec, n'est-ce pas?
(1135)

[Français]

     Non.

[Traduction]

    Y a-t-il des experts constitutionnels qui appuient votre position et qui vous ont fourni des arguments? Je n'ai rien vu. Encore une fois, c'est une réponse politique que j'entends. Vous nous demandez de fournir un argument juridique, mais vous ne le faites pas. Avez-vous des arguments provenant d'un expert reconnu?
    Je ne suis pas un expert de la Constitution — mes collègues avocats à St. Catharines vous le confirmeront —, mais avez-vous des experts constitutionnels qui appuieraient votre position?
    Naturellement.

[Français]

    Nous en avons consulté trois, et je suis sûr qu'avec le budget de recherche d'un parti reconnu, nous aurions été prêts à les payer pour avoir un avis juridique en bonne et due forme.
    Qu'ont dit ces trois personnes?
    Selon deux d'entre eux, c'était absolument clair.
     Le troisième avait un doute mais, à son avis, les contraintes passaient le test de la contrainte raisonnable, étant donné que cela s'appuyait sur un objectif de politique publique qui avait déjà été reconnu dans de précédents jugements de la Cour suprême.
     Pour ma part, j'ai consulté un avocat au sujet de la partie sur la liberté de circulation et d’établissement, soit le droit d'aller d'une province à l'autre. Il ne m'a pas donné un avis juridique, mais il m'a quand même fourni une réponse écrite.
    Selon lui, cela ne contrevenait pas à la liberté d'un citoyen d'aller d'une province à l'autre, parce que si quelqu'un réussissait son test de citoyenneté en Ontario, il pourrait venir au Québec. De même, si quelqu'un réussissait son test de citoyenneté au Québec, il pourrait très bien s'installer en Ontario ou ailleurs.
    Cela ne porte donc pas atteinte à cet article de la Constitution.

[Traduction]

    Je comprends la réponse, mais nous n'avons pas de nom. Comme l'a dit le juriste des Simpsons, Lionel Hutz, les ouï-dire et les conjectures sont des types de preuves, mais ce ne sont pas nécessairement de bonnes preuves.
    Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que vous nous ayez fourni des preuves juridiques à l'appui de votre position. Je suis conscient des contraintes budgétaires, mais si vous avez parlé à des juristes, ils sont habitués à fournir des affidavits ou des documents d'appui. Mais nous n'avons rien vu. Cela n'aurait rien coûté.
    Je suis conscient du temps. Merci, monsieur le président.
    De notre point de vue, c'est à vous de faire la preuve que c'est inconstitutionnel.
    L'avocat que j'ai contacté s'appelle François Côté. Je pourrais vous faire parvenir...

[Français]

    Je vous remercie.
    Y a-t-il d'autres questions?

[Traduction]

    J'aimerais remercier sincèrement les témoins. La discussion a été très intéressante. Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, avant de passer aux affaires du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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