RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 7 février 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Je vous remercie d'être des nôtres cet après-midi.
Au cours de la première partie de notre séance, nous entendrons deux témoins. Nous menons une étude sur les pratiques exemplaires utilisées dans le monde et nous accueillons aujourd'hui nos premiers témoins d'autres pays. Mme Turi est ici avec nous et M. Hernes est en Norvège.
Quelle heure est-il chez vous, monsieur? Je crois qu'il se fait assez tard là-bas, non?
Nous vous sommes très reconnaissants de prendre le temps de témoigner, surtout à cette heure-là.
Je vous explique le déroulement de la séance. Chacun de vous aura l'occasion de faire une déclaration préliminaire d'au plus 10 minutes. Lorsque vous aurez tous les deux terminé, nous vous poserons des questions.
Madame Turi, puisque vous êtes parmi nous, pourquoi ne commencerions-nous pas par vous?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Permettez-moi de dire tout d'abord que c'est un honneur pour moi de comparaître devant le Comité. Je fais des recherches sur le savoir autochtone et la gouvernance environnementale dans les pays nordiques. Je suis également Autochtone, soit Samie, et j'ai grandi dans une famille d'éleveurs de rennes dans le Nord de la Norvège.
Je vois votre mandat et j'ai réfléchi un peu à ce que je peux apporter à vos travaux. Je ne sais pas si je serai en mesure de vous parler de pratiques exemplaires. Mon exposé portera plutôt sur les difficultés liées à l'inclusion du savoir autochtone et à la gouvernance et à la planification en matière environnementale dans les pays nordiques.
Mon témoignage d'aujourd'hui reflète les recherches et les échanges que mes collègues scientifiques et moi avons menés en partenariat avec des éleveurs de rennes et des dirigeants autochtones au cours de la dernière décennie. Je tiens particulièrement à remercier la Sámi University of Applied Sciences, le Centre international pour l'élevage des rennes et l'Association mondiale des éleveurs de rennes, des institutions de premier plan dans ces travaux.
Je parlerai surtout de l'expérience des pays nordiques et je mentionnerai tout particulièrement les difficultés que nous avons relevées concernant la participation des peuples autochtones et l'inclusion du savoir autochtone dans les processus de gouvernance. Il sera plus particulièrement question de l'élevage des rennes.
Je vais vous parler très brièvement de l'élevage des rennes, car peut-être que certains d'entre vous n'en savent pas beaucoup à ce sujet. Il s'agit du principal moyen de subsistance de plus de 20 peuples autochtones dans le Nord circumpolaire. Cela inclut plus de 100 000 personnes et environ 2,5 millions de rennes semi-domestiqués dans neuf États-nations. La plupart sont en Eurasie, mais il y a également un petit troupeau de rennes au Canada.
L'élevage des rennes est un moyen de subsistance nomade qui se caractérise par une utilisation importante des terres qui a toutefois peu de répercussions. La Norvège, pays sur lequel portent mes recherches, compte quelque 250 000 rennes sur environ 150 000 km2, ce qui équivaut à 40 % de la superficie terrestre du pays, mais cela concerne seulement 3 000 personnes environ.
L'élevage des rennes est un moyen de subsistance qui nécessite l'utilisation d'une grande partie des terres, mais peu de gens le pratiquent et il ne s'agit pas d'une énorme économie. Il peut être considéré comme un écosystème associé à l'humain très résilient à la variabilité et aux changements climatiques, et c'est un modèle autochtone pour la gestion durable des régions limitrophes dans l'Arctique. Le savoir autochtone qui a été acquis au fil des générations est une source principale de résilience pour l'élevage des rennes.
Dans ce contexte, je vais vous expliquer ce que j'entends par « savoir autochtone » — et la définition découle des travaux des participants permanents du Conseil de l'Arctique.
... [c'est] une façon systématique de penser et de savoir qui est élaborée, puis appliquée à des phénomènes sur les plans biologique, physique, culturel et linguistique. Le savoir [autochtone] appartient aux détenteurs de ce savoir, souvent de façon collective, et est exprimé et transmis uniquement au moyen des langues autochtones. Il s'agit d’un ensemble des connaissances acquises par l’intermédiaire de pratiques culturelles et d’expériences vécues, notamment des observations, des leçons et des compétences étendues et multigénérationnelles. Ce savoir a été établi et vérifié pendant des millénaires et continue à évoluer selon un processus dynamique, ce qui comprend le savoir acquis aujourd'hui et demain, et est transmis de génération en génération.
Dans l'élevage des rennes, d'importantes connaissances ont été acquises au fil du temps, tant sur les rennes que sur les liens entre l'humain et les rennes et entre les animaux et l'environnement. Des connaissances ont été accumulées sur les changements radicaux qui s'opèrent dans l'environnement naturel et sur les stratégies d'adaptation à de tels défis.
Ce type de savoir constitue toujours le principal fondement de la survie pour les éleveurs de rennes. Il n'a pas été remplacé par un savoir axé sur la recherche ou suspendu. Il est très accessible et il est utilisé tous les jours, mais un tel savoir est négligé depuis longtemps dans la recherche et les politiques. En nous basant sur nos recherches, nous disons que le savoir autochtone est peut-être maintenant plus que jamais essentiel à la survie de l'élevage des rennes compte tenu des changements majeurs.
Comme vous le savez tous, les régions arctiques subissent un certain nombre de changements — sociaux et environnementaux — qui peuvent avoir des effets néfastes sur les moyens de subsistance traditionnels. Puisque l'élevage des rennes est d'une grande portée et qu'il est axé sur la nature, il est directement touché par ce qu'on appelle les tendances lourdes, et je parle ici des changements climatiques, de la perte de la biodiversité et du changement d'utilisation des terres. Les répercussions de ces tendances lourdes sont inséparables.
Permettez-moi de vous l'expliquer.
Les scénarios du climat à venir indiquent que les températures moyennes en hiver pourraient augmenter de 7 à 8 °C au cours du prochain siècle dans les pâturages où les Samis font l'élevage de rennes et que la saison d'enneigement pourrait être raccourcie de un à trois mois. Cela représente un changement important et les fluctuations rapides et variables concernant le passage entre le gel et le dégel s'observeront vraisemblablement de plus en plus. Pourquoi est-ce important? L'élevage des rennes est un moyen de subsistance qui dépend des conditions de neige; il faut que les rennes soient capables d'atteindre la nourriture en dessous. Le réchauffement et la fonte de la neige ont créé périodiquement de mauvaises années de pâturage dans l'élevage des rennes des Samis. Les conditions de pâturage extrêmement mauvaises, que nous appelons goavvi en langue samie, causent la famine et la perte des rennes, ce qui a des répercussions négatives sur la communauté et l'organisation des éleveurs de rennes.
Au cours du dernier siècle, ces conditions que nous appelons goavvi ont été créées à environ 12 reprises à Guovdageaidnu, mais les projections climatiques nous indiquent que ce ce type de conditions météorologiques deviendra probablement plus fréquent.
Souvent, des éleveurs samis diront qu'ils sont beaucoup plus préoccupés par la perte de pâturages que par les changements climatiques. Pourquoi? Entre autres, la mobilité, soit le déplacement du troupeau d'un endroit à un autre, est une stratégie d'adaptation clé concernant les conditions de neige difficiles. Par conséquent, l'accès aux ressources en pâturages sera encore plus important compte tenu des changements climatiques. C'est ce qu'a reconnu le Groupe d'experts intergouvernemental des Nations unies sur l'évolution du climat dans son cinquième rapport d'évaluation, qui signale que la protection des pâturages sera la stratégie d'adaptation la plus importante pour les éleveurs de rennes concernant les changements climatiques.
La perte de pâturages pose un défi de taille pour l'élevage des rennes partout où on le pratique, mais particulièrement dans les pays nordiques. La perte de pâturages est causée par toutes sortes d'éléments: routes, infrastructure, activités militaires, lignes de transport d'électricité, pipelines, barrages, loisirs et activités connexes; ils contribuent tous au déclin des pâturages des rennes.
La perte de pâturages se produit principalement de deux façons: la destruction physique des pâturages; et la suppression réelle, mais non destructrice, de l'habitat ou la réduction de sa valeur en tant que ressource. J'entends par là l'abandon graduel par les rennes de zones auparavant très utilisées en raison des perturbations causées par les activités humaines. Les chiffres sont alarmants. Des études révèlent qu'environ 25 % des pâturages dans le Nord de la Norvège sont maintenant fortement perturbés, ce qui inclut 35 % des principales zones côtières. On estime que cette proportion pourrait atteindre 78 % d'ici 2050 si aucun changement n'est apporté aux politiques nationales et régionales. Cela signifie qu'on perd jusqu'à 1 % des pâtis d'été utilisés par les éleveurs samis de rennes le long de la côte de la Norvège chaque année.
Un problème majeur qui se pose concernant l'élevage des rennes, c'est que la majorité des pertes de pâturages se produit par la perte fragmentaire. Par exemple, bien que la Norvège a ratifié la Convention no 169 de l'Organisation internationale du Travail sur les droits des peuples autochtones et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, jusqu'à présent, les éleveurs de rennes samis ont eu très peu d'influence sur les droits territoriaux et le développement fragmentaire. Malgré le fait que des groupes d'éleveurs de rennes et des individus s'expriment dans le cadre des processus décisionnels — par exemple, dans le cadre de processus participatifs — le savoir autochtone des éleveurs de rennes n'est pas inclus dans le fondement du processus décisionnel.
Nos recherches indiquent que l'obstacle à l'utilisation du savoir autochtone dans la gouvernance n'est pas lié qu'à un conflit quant à ce qui est connu — un conflit épistémologique — mais également à un conflit quant à la logique de ce qui constitue des échelles de gouvernance fonctionnelles et géographiques appropriées et, surtout, ce qui constitue une utilisation appropriée des terres. La fragmentation sectorielle de l'administration gouvernementale mène à une situation dans laquelle les évaluations des effets cumulatifs de l'ensemble des projets ne sont pas prises en compte dans le processus décisionnel. Autrement dit, un ministère est responsable de l'infrastructure, un autre est responsable du développement hydroélectrique, un autre, des forêts, etc., tandis que l'élevage des rennes, d'autre part, en raison de son étendue et de sa dépendance à différents types de pâturages, surveille et enregistre constamment tout changement dans l'utilisation des terres.
Je dis que le fait qu'on n'intègre pas ces approches dans les systèmes de gouvernance peut être considéré comme une occasion perdue de tenir compte des effets cumulatifs à long terme des changements dans l'utilisation des terres dans la prise de décisions.
Nos recherches semblent indiquer que l'utilisation du savoir autochtone dans la gouvernance doit se faire dès l'étape de l'élaboration des politiques; c'est-à-dire, lorsque le savoir autochtone n'est pas inclus dans le processus de l'élaboration des politiques. Si l'on attend à l'étape de la mise en oeuvre des politiques pour le faire, il sera difficile, voire carrément impossible...
Oui.
Je vais terminer mon exposé en vous donnant un exemple très concret. Il s'agit de ce qu'a dit Aslak Ante Sara, un éleveur de rennes de Hammerfest, la ville dans le nord du pays où l'on trouve une usine de gaz naturel liquéfié de Statoil. Voici comment il décrit son expérience dans le processus de planification pour le projet Snøhvit:
On nous a en quelque sorte oubliés dans le processus, et nos points de vue n'étaient pas une préoccupation centrale. Parce que l'usine de gaz naturel liquéfié n'était pas située directement sur les pâturages des rennes, nous n'avons pas participé pleinement au processus de réglementation. Et après ce départ [où] on ne se souciait pas de nous, nous prenions continuellement du retard dans le processus, incapables de suivre correctement... Le développement s'est traduit par une explosion inattendue des activités humaines. Il y a plus de concurrence pour nos pâturages maintenant... Lorsque ce type de projet de développement industriel majeur est mené à Hammerfest, la région environnante devient alors très attrayante pour d'autres types de projets de développement. De plus, la société de Hammerfest prend de l'expansion rapidement en raison du développement.
Il est maintenant question de plusieurs projets et la planification a commencé: exploitation pétrolière, nouvelles lignes de transport d'énergie, éoliennes, développement de l'infrastructure, routes, etc. Ce sont de gros investissements motivés par des sources économiques indépendantes et influentes, également en partie indépendantes de Statoil. Nous constatons également que de plus en plus d'activités de loisir ont lieu dans nos zones de pâturages.
Merci beaucoup.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à participer à votre séance. C'est pour moi un très grand honneur.
Le contenu de mon exposé se fonde sur des projets de recherches menés ici, à l'Université de l'Arctique de la Norvège. Ils sont réalisés dans le cadre d'une collaboration entre des chercheurs norvégiens, suédois, canadiens et australiens.
Je dois dire également que j'ai réfléchi un peu aux leçons que le Canada peut tirer de l'expérience de la Norvège. C'est en quelque sorte ce à quoi j'ai pensé en premier. Or, j'enseigne également dans un programme de maîtrise conjoint avec une université canadienne, et je vois que nous pouvons apprendre d'exemples très différents. Je vais alors parler de la situation en Norvège. J'ai des exemples norvégiens, et peut-être que nous pourrons discuter de la façon dont ils peuvent servir dans le contexte canadien.
Comme vous le savez peut-être, la Norvège est un pays très riche en ressources. Je ne parlerai pas du secteur pétrolier, mais la Norvège est riche en énergie depuis environ 100 ans; à l'époque, elle a commencé à produire de l'énergie hydroélectrique avec l'utilisation de chutes d'eau, la construction de barrages et l'utilisation de rivières. C'était important pour le développement de la Norvège en tant que nation indépendante. Après la Seconde Guerre mondiale, c'était très important sur le plan du revenu et de l'État providence. Aujourd'hui, 95 % de l'électricité est produite par l'hydroélectricité en Norvège.
Il s'agit d'une ressource publique; 50 % de la production d'électricité appartient à l'État, 40 % aux municipalités et aux cantons et seulement 10 % à des intérêts privés. De nos jours, si on fait une demande de permis pour construire une nouvelle centrale, il faut une prise en charge et un financement publics équivalant à deux tiers. En Norvège, il y a eu une longue lutte politique concernant la propriété publique de l'électricité et de la production électrique et la propriété nationale de la ressource perpétuelle que ces rivières et ces barrages représentent.
L'électricité est importante pour l'infrastructure, les services sociaux en Norvège, l'industrie de la construction, l'emploi et les revenus d'exportation, et elle est importante en tant que source de revenu supplémentaire pour les municipalités. À l'heure actuelle, les municipalités norvégiennes reçoivent environ un milliard de couronnes norvégiennes chaque année en revenu en raison des conditions de concession pour l'électricité.
Pendant de nombreuses années, l'électricité a été gérée par le gouvernement. C'est toujours le cas, mais dans l'entre-deux-guerres et après la Seconde Guerre mondiale, l'État était l'acteur principal. Il avait le contrôle et il essayait de contrôler le système.
En 1991, une nouvelle loi en matière d'énergie a été adoptée, ce qui a changé radicalement le système, en ce sens que le système d'électricité se baserait alors sur le marché. La Norvège est alors reliée au marché nordique de l'électricité et plus tard, au marché européen de l'électricité. Les différents producteurs se livrent concurrence dans ce marché, tandis qu'en Norvège, il y a un monopole sur les réseaux de distribution, les lignes de transport d'énergie.
De nos jours, le débat ne porte pas tellement sur les grands projets hydroélectriques. Cette époque semble révolue. Ce qui fait l'objet de débats aujourd'hui, ce sont les énergies éolienne et solaire, et il s'agit du développement de nouvelles sources d'énergie renouvelable. Les parcs éoliens en particulier font l'objet de débats tout comme, dans une certaine mesure, les centrales solaires. Des parcs éoliens surgissent à bien des endroits au pays. La production d'électricité à partir de l'énergie éolienne est en hausse. Selon les données des services de statistique de la Norvège, il y a eu une hausse de 36 % en 2018, mais l'énergie éolienne ne représente toujours que 2,5 % de la production d'électricité au pays.
Un autre débat ou enjeu concerne les réseaux ou les lignes de transport d'énergie. L'objectif est de renforcer le réseau électrique de la Norvège pour connecter le pays. Comme la première intervenante l'a dit, cela exerce des pressions sur l'utilisation des terres dans différentes régions de la Norvège, mais surtout dans le Nord de la Norvège, en raison des pâturages dont se servent les éleveurs de rennes.
En ce qui concerne l'énergie et le rôle des peuples autochtones, l'histoire est jalonnée de conflits. En Norvège, cette situation est surtout illustrée par le conflit entre l'État et le peuple sami au sujet de la rivière Alta au début des années 1980. L'État souhaitait bâtir un gros barrage et les Samis ont dit qu'ils n'avaient pas été invités à participer au processus. Les Samis et ceux qui s'opposaient au projet, notamment les membres du mouvement écologiste, ont perdu cette bataille, mais cet événement a marqué la fondation des principales institutions samies en Norvège.
Je parlerai un peu des trois modèles de relations entre les peuples autochtones et l'énergie. Le premier est le conflit lié à la rivière Alta, lorsque les peuples autochtones rejettent des projets énergétiques. Il y a alors un conflit, une participation très limitée ou nulle et des luttes incessantes entre l'État ou le gouvernement et les peuples autochtones. Dans le deuxième modèle, il y a une participation aux processus décisionnels et des exigences liées à cette participation. Dans le troisième modèle, les peuples autochtones ou les communautés locales s'approprient la production énergétique et l'utilisent pour le développement local et possiblement pour engendrer des revenus.
Selon moi, le troisième modèle n'est pas utilisé pour l'énergie éolienne ou solaire en Norvège. À ma connaissance, il est un peu utilisé au Canada, mais pas dans les pays nordiques. Je pourrais offrir plusieurs explications pour cette situation, mais je ne le ferai pas ici. Nous n'avons pas d'ententes sur les répercussions et les avantages, mais les municipalités dans lesquelles se trouvent de grandes centrales hydroélectriques reçoivent une indemnisation. C'est le modèle utilisé depuis environ 100 ans.
Si vous souhaitez étudier un modèle norvégien, je vous suggère le deuxième, c'est-à-dire celui de la participation. Je le présenterai brièvement. En Norvège, les droits et les politiques relatives aux Autochtones se fondent en grande partie sur le droit international, qui les a beaucoup influencés. La DNUDPA est un bon exemple, mais le Bureau C169 de l'Organisation internationale du Travail est l'organisme principal. En effet, depuis 2005, ce bureau occupe une place importante dans l'élaboration de consultations à titre d'outil de communication et de coopération entre l'État norvégien et le Parlement sami. L'entente de consultation actuellement en vigueur indique que l'État doit informer le Parlement sami ou d'autres intervenants samis des projets à venir. Le Parlement sami peut ensuite exiger la tenue de consultations et on devrait idéalement échanger des opinions. L'objectif est de conclure une entente ou d'obtenir le consentement de tous les intervenants.
Où en sommes-nous aujourd'hui? Nous avons des processus officiels. Les intervenants du Parlement sami et les éleveurs de rennes sont invités à participer à ces processus, et ils le font. Il faut cependant préciser que les représentants samis et ceux de l'État norvégien sont en désaccord et qu'ils n'arrivent donc pas à conclure une entente ou à obtenir le consentement de toutes les parties, comme le demande l'objectif des processus de consultation. On peut observer que dans le cadre des consultations, la Direction générale des ressources et de l'énergie de la Norvège pose un défi pour le Parlement sami. En effet, cet organisme met d'abord l'accent sur les économies en matière d'énergie et les obligations liées à l'accroissement de la production d'énergie renouvelable avant d'aborder la question des droits du peuple sami et la situation des éleveurs de rennes.
De grands projets d'éoliennes ou de parcs éoliens sont à l'étape de la planification ou de la construction. Les conflits liés à ces projets pourraient se retrouver devant les tribunaux. Cela alimente le conflit lié aux régions où le taux de prise en charge locale n'est pas très élevé.
Donc, si je reviens aux trois modèles, on pourrait faire valoir que nous sommes actuellement sur la limite entre le rejet et la participation. Toutefois, la voie suivie par la Norvège est toujours la coopération informée par des consultations. Le gouvernement a déclaré qu'il souhaite modifier la façon dont le système d'opposition par le Parlement sami peut être géré. Il s'agit cependant d'accroître l'efficacité du système, et pas nécessairement de trouver des solutions au conflit. Le problème, c'est qu'il faut gérer à la fois la demande et les pressions relatives à la production accrue d'énergie renouvelable en Europe tout en respectant les droits des Autochtones à l'échelon international. En même temps, il y a très peu d'avantages pour les collectivités locales et les collectivités samies, car les prix de l'énergie sont assez bas, ce qui réduit considérablement les taxes sur la production d'énergie par les parcs éoliens.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Il est intéressant d'avoir une perspective internationale sur la façon dont les gouvernements mobilisent adéquatement ou ne mobilisent pas adéquatement leurs peuples autochtones lors de la mise en valeur des ressources.
Nous examinons certains des enjeux, Ellen, dont vous avez parlé plus tôt. En plus de tenter d'atteindre un équilibre entre le point de vue largement majoritaire de l'État sur la façon d'accroître la prospérité du pays et les droits de propriété ou l'absence de ces droits chez les peuples autochtones — et les droits culturels qui ne sont pas faciles à indemniser avec de l'argent —, on doit relever des défis comme la perte de territoires pour l'élevage de caribous, une activité qui nécessite un vaste territoire, ou la perte du respect entre les cultures.
Quelle serait la meilleure pratique à adopter, selon vous, relativement à cet enjeu lié à l'accroissement de l'usage? Quand les peuples autochtones devraient-ils participer aux mégaprojets, afin que nous puissions mieux comprendre comment protéger les droits culturels et les droits qui sont moins économiques et qui sont donc plus difficiles à respecter lorsque les gens n'ont pas une vue d'ensemble du projet et de ses conséquences, ainsi que des développements connexes qui suivront?
Comme je l'ai dit au début de mon exposé, l'élevage de rennes est un moyen de subsistance peu courant qui touche très peu de gens, et il est peut-être compréhensible que nous ne puissions pas remporter tous les cas liés à l'utilisation des terres. Toutefois, mes partenaires de recherche me disent également que si on les avait consultés beaucoup plus tôt dans le processus, avant même de commencer à dresser des cartes, on aurait pu, à l'aide de rajustements mineurs, éliminer les répercussions les plus graves. Autrement dit, par exemple, si vous planifiez la construction d'un nouveau tunnel sous-marin... C'est un exemple concret dans le Nord de Tromsø. Les éleveurs de rennes qui habitent là-bas ont affirmé que s'ils avaient participé au processus suffisamment tôt pour être en mesure d'influencer l'emplacement de ce tunnel en le déplaçant d'un seul kilomètre, cela aurait évité des répercussions majeures. Toutefois, dans le cadre du plan actuel, ces éleveurs risquent de perdre des régions de mise bas très importantes.
Plus on consulte les gens tôt dans le processus, plus il est possible d'arranger la situation en apportant de petits rajustements comme celui-là.
Vous avez parlé un peu de la définition des connaissances autochtones. C'est aussi une question qui soulève quelques difficultés au Canada, et nous tentons donc de veiller à consulter les peuples autochtones sur leurs pratiques traditionnelles et de nous informer sur leurs connaissances orales. Comment les Samis recueillent-ils, emploient-ils et utilisent-ils les connaissances autochtones de façon longitudinale et comment appliquent-ils la méthode scientifique à leur savoir traditionnel?
Malheureusement, il n'y a pas eu de recensement systématique à grande échelle des connaissances autochtones traditionnelles en Norvège. Toutefois, il y a quelques bons exemples sur la façon de faire cela. En effet, le Parlement sami a entrepris quelques petits travaux pour documenter les connaissances autochtones sur des sujets particuliers. De plus, selon notre expérience, lorsqu'il s'agit de planifier, par exemple, un projet de mise en valeur des ressources dans une certaine région, il faut s'adresser aux gens qui exploitent les terres dans cette région. Les meilleurs exemples dont nous disposons aujourd'hui sont peut-être ceux des groupes d'éleveurs de rennes ou des chercheurs qui ont choisi de mener des évaluations d'impacts spéciales pour documenter les connaissances traditionnelles.
Une fois que ces connaissances sont recueillies ou utilisées pour un projet précis, peuvent-elles être utilisées comme point de départ pour d'autres projets? Serait-il approprié de retourner voir le peuple autochtone qui a fourni ces connaissances pour obtenir d'autres renseignements qui visent plus précisément les différences entre un projet secondaire et le projet initial? Avez-vous eu des expériences de consultations secondaires liées à des connaissances autochtones dans la même région, mais pour différents types de développement économique?
Malheureusement, je n'ai eu aucune expérience liée à une évaluation secondaire. Les types de connaissances autochtones qui ont été bien documentées, selon mes observations, et qui ont peut-être été utiles dans ces types de processus sont liés à l'utilisation traditionnelle des terres et à l'utilisation potentielle future des terres pour l'élevage des rennes, ce qui permet de comprendre comment la région est utilisée. Ce type de connaissances est manifestement utile pour l'avenir, car il ne vise pas seulement le projet potentiel.
Monsieur Hernes, vous pourrez peut-être m'aider à comprendre un peu mieux les raisons historiques pour lesquelles les pays scandinaves n'utilisent pas les ententes sur les répercussions et les avantages. En effet, selon un témoignage que nous avons entendu plus tôt cette semaine, ces ententes sont formidables. Les plus gros problèmes liés à ces ententes au Canada émergent lorsqu'elles ne sont pas respectées. Toutefois, elles servent de fondement à tout développement qui a des répercussions sur les droits traditionnels au Canada.
J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi le régime législatif qui régit les relations entre la Norvège et les Samis n'inclut pas le partage des revenus pour les mégaprojets qui sont construits sur les terres des Samis.
La grande différence avec le Canada, c'est que le peuple sami n'est pas propriétaire de ces terres. Nous n'avons pas les types d'ententes que vous avez conclues. C'est l'une des raisons.
De plus, l'énergie est considérée comme étant une ressource nationale, et les revenus sont donnés ou transférés à l'État. L'État retransfère ensuite une partie de cet argent. Le peuple sami, par exemple, ne participe pas aux échanges directs avec les entreprises ou avec les constructeurs de nouveaux parcs éoliens, par exemple. Le peuple sami fait affaire avec l'État. C'est l'État qui prend des règlements et qui s'occupe des formalités.
Afin de m'aider à comprendre le reste de votre témoignage, j'aimerais que vous approfondissiez vos explications. J'ai tenté de comprendre l'article 1-4 sur la responsabilité financière de l'État dans la Loi sur les Samis. Pourriez-vous décrire comment l'État — et je présume qu'il s'agit de la Norvège — transfert des fonds au Sameting, le Parlement sami, pour qu'ils soient utilisés dans les affaires municipales des Samis? Si Ellen pouvait aussi répondre à cette question, je crois que cela nous aiderait vraiment à comprendre le reste de votre témoignage.
L'État ou le Parlement national norvégien établit le budget annuel du Parlement sami. Il transfère — plutôt que de donner — des fonds au Parlement sami dans le cadre du budget de l'État. C'est la façon dont cela fonctionne. Cela fait partie du budget de l'État. Il y a quelques consultations au sujet du budget, mais c'est surtout le Parlement national norvégien qui prend ces décisions.
Merci, monsieur le président.
Pour revenir aux questions de M. Whalen, le budget est établi par l'État, mais le Parlement sami a-t-il la possibilité d'opposer un veto...? Vous pouvez tous les deux répondre à cette question. Je sais que vous avez mentionné quelque chose à cet égard, monsieur Hernes, dans votre témoignage. Je crois comprendre que le Parlement ne peut pas opposer son veto à un projet. Est-ce exact?
Si je vous ai bien compris, vous avez mentionné que le Parlement sami avait formulé, pour une série de raisons, des objections à l'égard de certains projets et qu'il avait présenté ses préoccupations au gouvernement, mais que le processus est tout de même allé de l'avant, pour une raison quelconque.
À votre avis, quelles sont les lacunes de ce processus, étant donné que les membres d'un organe élu ont participé au processus, mais que leur avis n'a pas été pris en compte, je présume, à défaut d'une expression plus appropriée? Je présume qu'il a été pris en compte, car il a fait l'objet d'un débat, mais la décision a emprunté une voie différente.
Dans certains cas, l'État et le Parlement sami ne s'entendent pas après un échange d'opinions, mais ce sont les processus qui causent des difficultés au Parlement sami, car les membres du Parlement ont l'impression que leurs arguments ne sont pas écoutés et que l'État lance ces processus simplement pour satisfaire à l'exigence officielle en matière de consultations. Je crois que c'est aussi l'un des défis liés aux enjeux relatifs à l'énergie.
Lorsque vous parlez des transferts de la Norvège au Parlement, la formule utilisée est-elle fondée sur le développement économique ou s'agit-il seulement d'un transfert fixe qui ne tient pas compte de la situation favorable d'une région sur le plan de l'infrastructure énergétique ou d'autres facteurs?
Il s'agit surtout d'un transfert au Parlement sami et ce transfert se fonde sur les diverses tâches que doit accomplir le Parlement. Il se peut que le Parlement se voit confier de nouvelles tâches et il obtiendra alors plus d'argent. Par exemple, si le Parlement travaille sur des questions liées à la langue, il obtiendra probablement plus d'argent pour ces travaux et pour les travaux liés aux Samis ou à la langue des Samis. C'est la même chose pour les musées, etc. Toutes ces décisions sont prises par le Parlement norvégien dans le cadre d'un long processus qui se fonde également sur les conseils du Cabinet ou du gouvernement.
D'accord.
Simplement par curiosité, en ce qui concerne les projets énergétiques — vous en avez mentionnés quelques-uns dans votre témoignage —, connaissez-vous, de mémoire, le temps qui s'est écoulé entre la présentation d'une demande par un promoteur de projets et la décision qui a permis de commencer les travaux de construction?
Je dirais qu'il a fallu au moins cinq ans dans le cas de certains projets éoliens, selon nos renseignements, mais le gouvernement a également tenté d'établir d'autres limites dans ces processus, car certains de ces permis ont été délivrés, mais les travaux de construction n'ont pas commencé, et ces permis ont été retirés. En effet, les travaux doivent être menés dans un délai d'un certain nombre d'années.
Je dirais qu'il a fallu cinq ans, et parfois beaucoup plus de temps, car il est difficile d'obtenir du financement pour certains projets. Un projet peut commencer à l'échelle locale. Par exemple, un grand parc éolien est maintenant en construction à l'extérieur de Tromsø. Cela représente environ 3 milliards de couronnes norvégiennes, c'est-à-dire environ 500 millions de dollars canadiens. Au départ, il s'agissait d'un projet local, mais il appartient maintenant à une caisse de retraite de médecins allemands. Les gestionnaires de cette caisse de retraite ont donc pris les commandes, ce qui a accéléré le processus, car les habitants de l'endroit ne pouvaient pas amasser les fonds nécessaires.
À votre avis, la vaste majorité de ces projets d'infrastructure ont-ils été lancés par le secteur privé ou le secteur public?
Certains d'entre eux ont été lancés par des sociétés énergétiques appartenant à une municipalité. L'État participe aussi à certains grands projets par l'entremise de son propre Statkraft. Le projet à l'extérieur de Tromsø est un exemple de projet privé. En Norvège, les parcs éoliens profitent d'un modèle de propriété mixte plus souvent que les projets d'énergie hydroélectrique, car ces derniers appartiennent à l'État.
Il y a des parcs éoliens dans ma région; je serais donc curieux de savoir si vous savez ceci. Vous avez dit que certains projets avaient été approuvés, mais que le début de la construction avait été retardé pour des raisons quelconques. Savez-vous quelles étaient ces raisons? Étaient-elles économiques? Y avait-il d'autres facteurs tels que des manifestations publiques?
Les manifestations publiques sont un des facteurs, mais la raison principale est financière, je crois. Dans certains cas, on a découvert que la région n'était pas si bonne que cela pour la production. De plus, certains retards sont causés par les nouvelles technologies que nous pouvons développer. Nous pouvons construire de plus grandes éoliennes, ce qui vient modifier le projet; nous devons alors le resoumettre au gouvernement, ce qui peut aussi entraîner un retard.
Merci à vous deux de vous joindre à nous. C'est très intéressant de découvrir une perspective internationale, et je suis certain que nous en apprenons tous beaucoup sur le peuple sami et sur sa façon de gérer les interactions avec l'État.
Le but de notre étude est de trouver les meilleures façons possibles, pour toutes les parties concernées, de faire participer les peuples autochtones. Je vais m'adresser d'abord à Mme Turi. Les Samis habitent non seulement la Norvège, mais aussi la Suède, la Finlande et la Russie. Certains pays réussissent-ils mieux que d'autres à faire participer les Samis et à mettre leur savoir à contribution avant le début des projets d'exploitation des ressources?
Je ne vous demande pas si certains pays sont meilleurs que d'autres; je voudrais savoir s'il y a des différences dans leur approche.
Je pense que de nombreux Samis considèrent la Norvège comme étant le pays le plus avancé sur le plan de l'élaboration d'approches favorisant la participation des peuples autochtones, mais il reste encore beaucoup d'obstacles.
Je dirais que je suis d'accord avec Mme Turi. Le Parlement sami de la Norvège est plus fort et il a plus de ressources que ceux de la Suède et de la Finlande. La Norvège est aussi le seul de ces pays à avoir signé la Convention 169 de l'OIT et à avoir mis en place des outils tels que la consultation. La Norvège a établi des procédures et posé des jalons importants. C'est peut-être lié au conflit qui a mené à la création du Parlement sami, à la modification de la Constitution et à l'adoption de la loi sur les Samis.
D'après mon expérience et selon ce que les gens me disent, il y a une meilleure relation entre le Parlement sami de la Norvège et les décideurs d'Oslo (la capitale de la Norvège) qu'entre le Parlement sami de la Suède et les politiciens de Stockholm (la capitale de la Suède). Je pense que la Norvège a une légère longueur d'avance sur les autres.
Je voulais aussi revenir sur la Convention 169 de l'OIT, que vous avez mentionnée. Nous n'entendons pas beaucoup parler de cet accord ici parce que le Canada et une grande partie des pays du monde ne l'ont pas ratifié. La plupart des pays d'Amérique latine l'ont ratifié, ainsi que la Norvège, l'Islande, l'Espagne, je crois, et le Bhoutan. Cet accord est-il considéré comme le prédécesseur de la DNUDPA? Quelles sont les différences? Vous avez aussi laissé entendre que la Norvège n'avait peut-être pas respecté ses engagements en vertu de la Convention 169 de l'OIT; pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
La Norvège a été le premier pays à ratifier la Convention 169 de l'OIT. La convention a joué un rôle important dans les décisions et le processus relatifs à la propriété ou à l'utilisation des terres et des cours d'eau situés dans le Nord de la Norvège. Elle a aussi beaucoup influencé l'élaboration de la Finnmark Act, qui a été adoptée par le Parlement en 2005. À ces égards, elle a joué un rôle important.
Elle a aussi eu une grande influence sur la mise en place du processus de consultation. La Norvège a conclu un accord sur la consultation en 2005, et cet accord est basé sur l'article 6 de la Convention 169 de l'OIT; elle a donc été importante pour la Norvège sur ce plan. L'OIT a beaucoup travaillé à l'élaboration et à l'établissement de normes relatives à la consultation, ainsi qu'aux processus liés à la propriété des terres et des cours d'eau. À ma connaissance, ce sont là les résultats principaux de la Convention 169. Je pense que la Norvège ne parle pas autant de la DNUDPA que le Canada, par exemple.
Merci.
Madame Turi, j'aimerais revenir sur un sujet abordé par M. Whalen, soit le savoir autochtone. J'ai déjà été écologue. J'ai dirigé une équipe de rétablissement des écosystèmes qui avait le mandat de mettre le savoir autochtone à contribution en Colombie-Britannique. C'était il y a 20 ans, et c'était extrêmement difficile.
Vous avez mentionné les difficultés liées à la propriété du savoir. Dans mon domaine, chaque type de savoir appartient, en quelque sorte, à certaines familles. De plus, il y a le conflit inévitable qui survient lorsque le savoir autochtone et les connaissances scientifiques occidentales se contredisent. Pouvez-vous nous parler des solutions que les Samis ont trouvées pour surmonter ces difficultés? C'est peut-être plus simple s'il est seulement question de l'élevage des rennes. De quels types de savoir est-il question? S'agit-il seulement de l'élevage des rennes ou parle-t-on aussi, par exemple, des changements climatiques?
Je dirais d'abord que j'ai l'impression que le Canada est bien plus avancé que la Norvège en ce qui a trait au savoir autochtone. En Norvège, même pour les chercheurs, il s'agit d'un concept relativement nouveau qui n'a pas reçu autant d'attention qu'au Canada. Nous, les chercheurs, nous inspirons donc beaucoup des chercheurs canadiens.
En ce qui concerne l'inclusion du savoir autochtone dans l'élaboration des politiques, nous ne sommes pas très avancés sur ce plan non plus. Les exemples de pratiques exemplaires les mieux réussies qui incluent l'élevage des rennes et le savoir autochtone, et qui ont au moins une certaine influence sur les politiques sont peut-être les descriptions de la Norvège contenues dans les documents du Conseil de l'Arctique. C'est peut-être parce que le Conseil de l'Arctique a plus l'habitude de travailler avec le savoir autochtone que les gouvernements de la Norvège. Toutefois, il existe des processus, mis en oeuvre surtout par le Parlement sami, qui visent à créer des documents de base dans lesquels on explique ce qu'est le savoir autochtone, comment le mettre à contribution et les avantages qu'il peut apporter. Il peut s'agir de savoir intéressant l'ensemble de la société — par exemple, le savoir relatif aux changements climatiques — ou de savoir très précis concernant une seule région d'élevage des rennes.
Or, de façon générale, d'après mon expérience et le travail que j'ai fait dans le domaine du savoir autochtone relatif à l'élevage des rennes, je dirais que vous avez raison: il y a parfois des contradictions entre les propos d'un scientifique et ceux d'un éleveur de rennes autochtone. Toutefois, si l'on prend le temps de bien s'expliquer, on a tendance à se rapprocher.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Hernes, je vais commencer par vous. M. Cannings a parlé de la convention de l'OIT. Il l'a comparée rapidement à la DNUDPA, en mentionnant ses faiblesses potentielles relativement à la DNUDPA. Je ne veux pas vous demander de les comparer; j'aimerais plutôt connaître votre opinion. Premièrement, croyez-vous que les objectifs de la convention ont été atteints? Deuxièmement, même si vous pensez que l'ensemble des objectifs n'ont pas été atteints, croyez-vous néanmoins que les avantages tirés de la convention ont servi l'intérêt général?
Merci. Ce sont de grandes questions.
À mon avis, la convention de l'OIT a porté des fruits; elle a servi d'outil qui a permis au Parlement sami d'établir des consultations, tant par rapport au processus de la Finnmark Act du Parlement norvégien [Difficultés techniques] 2003 [Difficultés techniques] et avant l'adoption de la loi.
La consultation a été très importante pour le Parlement sami, sur les plans de la communication, de la coopération et de la participation aux processus décisionnels. La consultation touche non seulement les dossiers liés aux terres et aux cours d'eau, mais aussi ceux relatifs à l'éducation, aux questions linguistiques, à l'environnement et plus encore. Le Parlement sami est devenu un réel participant à plusieurs processus politiques de la Norvège et il collabore avec le gouvernement norvégien. On peut donc dire, d'après moi, que la convention a été un succès.
Je suis désolé, j'ai oublié votre deuxième question.
La deuxième partie de la question est: d'après vous, qu'on ait réussi ou non à atteindre l'ensemble des objectifs, la convention a-t-elle été avantageuse, de façon générale, pour la relation entre le peuple sami et l'ensemble de la Norvège?
Je pense qu'elle a été avantageuse pour le Parlement sami, et le Parlement sami souhaite poursuivre sa collaboration. Le Parlement norvégien est saisi actuellement d'un projet de loi sur la consultation ou sur l'inclusion de la consultation dans la loi sur les Samis. Le Parlement sami souhaite continuer à collaborer. Selon lui, il s'agit d'une façon d'être inclus dès les premières étapes des processus et d'être en contact direct avec le gouvernement. L'entente comprend aussi l'obligation pour le président du Parlement sami de la Norvège de rencontrer le ministre responsable des affaires régionales de la Norvège deux fois par année. C'est une façon de rendre officielle la manière dont le Parlement sami travaille avec le gouvernement norvégien.
Madame Turi, d'après votre expérience, la convention a-t-elle aidé à améliorer la relation entre les Samis et le gouvernement de la Norvège? Si l'on n'a pas réussi à atteindre l'ensemble des objectifs de la convention, les Samis sentent-ils tout de même, de façon générale, qu'ils avancent progressivement?
À mon avis, la convention a aidé à améliorer la relation entre le Parlement sami et le gouvernement norvégien. Bien sûr, les Samis ne sont pas tous pareils. Ils ont divers moyens d'existence, qui ne peuvent pas tous être représentés aussi fortement par le Parlement sami. Le Parlement sami est une organisation relativement jeune qui continue à prendre forme, et la place qu'il occupe chez les Samis continue aussi à prendre forme. Selon moi, il a fait de grands bonds, surtout dans les dernières années. Or, il y a eu des moments où, par exemple, les éleveurs de rennes samis se sont demandé si le Parlement sami était l'institution la plus apte à les représenter dans les négociations sur l'utilisation des terres.
C'est pour cette raison que je dis que je suis d'avis que la convention a aidé à améliorer la relation entre le Parlement sami et le gouvernement norvégien. Dans une certaine mesure, oui, le Parlement sami représente les Samis, mais il y a des domaines où cette représentation est remise en question.
D'accord.
Quelles seraient les trois meilleures mesures que le gouvernement de la Norvège, en collaboration avec le Parlement sami, pourrait prendre pour répondre aux préoccupations des groupes marginalisés de la population samie et pour s'employer à résoudre les problèmes qui, selon ces groupes, sont ignorés?
Je pense que je peux en trouver une ou deux.
À l'heure actuelle, en Norvège, les décisions relatives aux projets d'infrastructure sont prises en fonction des évaluations environnementales. Si le Parlement sami et le gouvernement norvégien décidaient de s'efforcer d'améliorer le régime d'évaluation environnementale, cela pourrait vraiment aider.
Aussi, le savoir autochtone est toujours enraciné, entre autres, dans les langues autochtones. Une mesure positive pourrait être d'accorder plus d'importance à la réalisation, par des chercheurs autochtones, d'évaluations des répercussions sur les langues autochtones.
Malheureusement, notre temps est écoulé. Merci à vous deux de vous être joints à nous par téléconférence. Vous avez grandement contribué à notre étude, et nous vous en sommes reconnaissants.
Nous allons suspendre la séance afin de nous préparer à recevoir les deux prochains témoins.
Reprenons. Deux autres témoins se joignent à nous pour la deuxième heure de la séance. Nous accueillons M. Greg Poelzer, professeur à l'Université de la Saskatchewan.
Merci d'être des nôtres. Compte tenu des conditions météorologiques, vous devez être heureux d'être ici et non à la maison.
Mme Dalee Sambo Dorough se joint à nous par vidéoconférence d'Hawaï, bien qu'elle soit professeure à l'Université de l'Alaska. Félicitations et joyeux anniversaire! On m'a dit de ne pas dire cela, mais je l'ai fait tout de même. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous accordez, surtout comme vous êtes à Hawaï.
Nous entendez-vous?
Oui, je vous entends bien. J'allais justement remercier les techniciens qui ont fait l'essai hier. Je crois que tout fonctionne bien.
Nous allons commencer sans tarder. Chacun de vous a droit à 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite à la période de questions.
Puisque vous êtes ici, monsieur Poelzer, voulez-vous commencer?
Je vous remercie de nous permettre de témoigner sur ce sujet évidemment très important pour notre pays, mais aussi pour nos pays voisins dans le Nord circumpolaire.
Je souhaite saluer ma collègue de l'Alaska, où j'ai participé au programme Fulbright. Les gens là-bas m'ont très bien traité; c'est pourquoi j'affectionne l'Alaska.
Je sais que lorsqu'on pense à des projets énergétiques d'envergure, le pétrole vient à l'esprit de bien des gens. C'est un sujet d'actualité, comme vous pouvez l'imaginer, dans ma province natale, la Saskatchewan. Mais je veux m'attarder brièvement sur ce qui adviendra, à long terme, des importants projets d'infrastructures énergétiques qui seront menés dans le secteur de l'électricité. Je me ferai un plaisir de parler de n'importe quel sujet, mais je veux me concentrer sur celui-là, plus particulièrement parce qu'il se rapporte aux peuples autochtones au Canada.
Lorsque nous pensons à cette transition énergétique mondiale, je crois qu'elle nous offre l'occasion la plus importante au XXIe siècle de renouveler nos relations avec les Autochtones par l'entremise d'énergies renouvelables. Nous pourrons y parvenir si nous faisons les choses correctement. Autrement, la transition vers des énergies plus vertes serait seulement un autre secteur de conflits inutiles et évitables et des occasions ratées pour la création de richesses durables dans les collectivités autochtones. Cela limiterait les progrès pour lutter contre le défi environnemental le plus important de notre époque: les changements climatiques.
Si nous pensons au chemin de fer national du XIXe siècle comme étant le projet d'infrastructure clé qui a contribué à constituer le Canada d'un océan à l'autre, je dirais que la transition énergétique mondiale offre au Canada la même occasion au XXIe siècle, qui est d'unir le Canada d'un océan à l'autre.
Je pense que l'édification de la nation par l'entremise de l'énergie pourrait régler deux dimensions importantes, et je parle en tant qu'habitant des Prairies, de la Saskatchewan. Je pense qu'elle nous offre une occasion qui ne se présente qu'une fois par génération de mieux respecter notre promesse selon laquelle nous nous considérons tous comme étant des personnes visées par les traités. La transition énergétique peut être un projet d'édification de la nation qui peut inclure tous les partenaires fondateurs et contribuer à notre cheminement vers la réconciliation, par l'entremise de l'acier enfoui dans le sol.
En permettant aux Premières Nations et aux communautés métisses d'être des producteurs d'énergie indépendants, on leur offre des possibilités réelles de détenir une participation au capital, en partie ou en totalité. Ces possibilités fournissent des sources de revenus durables, des emplois et de nouveaux projets commerciaux.
Par ailleurs, je pense que la transition énergétique jette des assises solides pour procéder à l'édification de la nation, surtout dans les territoires et le Nord des provinces. L'accès à l'énergie et la sécurité énergétique sont des problèmes quotidiens dans presque toutes les collectivités éloignées et rurales dans les territoires et le Nord des provinces. Le coût élevé de l'énergie contribue souvent à une pauvreté accablante et au dilemme de choisir entre « manger ou chauffer » dans de nombreuses communautés. Le manque d'alimentation énergétique stable nuit au développement des entreprises et aux investissements.
Ce sont des problèmes auxquels la grande majorité des Canadiens ne pensent jamais. Ce ne sont pas des problèmes qui se posent pour nous. Mais si nous voulons parvenir à une édification complète de la nation, je pense que le secteur énergétique est important, pour ce qui est de l'infrastructure, pour bâtir l'Est, l'Ouest et le Nord du Canada. Il améliorera l'égalité des chances, surtout pour les Premières Nations et les Canadiens métis et inuits, car leur manque d'accès à l'égalité des chances repose grandement sur l'énergie. La transition énergétique dont nous sommes saisis fournit ce projet d'édification de la nation à grande échelle.
Il y a quatre leçons.
Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé en Sibérie au cours des 30 dernières années. J'ai effectué 30 sorties sur le terrain. Je lis, j'écris et je parle le russe. J'ai mené beaucoup de travaux plus récemment en Scandinavie, et plus particulièrement en Norvège et en Suède, et maintenant en Alaska. Je pourrais vous parler de 20 ou de 40 leçons, mais je vais m'en tenir à quatre.
L'une est de porter attention aux répercussions sociales, et pas seulement aux répercussions physiques et environnementales, lorsque nous effectuons des évaluations. Je pense que c'est extrêmement important. Un endroit où le Canada pourrait tirer des leçons est la République de Sakha — la Iakoutie —, dans l'Est de la Sibérie. Elle avait une délégation — certains membres étaient des collègues, en fait — qui examinait les processus d'évaluation environnementale au Canada, qui avaient tendance à mettre l'accent dans le passé sur les répercussions physiques et environnementales. Malheureusement, nous n'avons pas de processus robuste entourant les répercussions sociales, culturelles et économiques pour les collectivités autochtones.
Ces gens trouvaient que notre processus laissait à désirer. Lorsqu'ils ont examiné à nouveau les processus, ils ont intégré — oui, ils ont les normes physiques et environnementales dans leurs processus d'AIE — et créé un processus pour examiner les répercussions sociales et culturelles, puis ils l'ont déployé. Ils l'ont déployé dans le cadre de deux projets de chemins de fer au Sud-Ouest de la Iakoutie et d'un projet d'aménagement hydroélectrique. Les rapports ont révélé que ces projets ont été en grande partie fructueux. Oui, la rémunération et l'indemnisation ne ressemblent en rien à ce à quoi on s'attendrait au Canada, mais on a pris conscience que ces projets peuvent être menés à bien.
L'autre leçon que je veux aborder — et je suis ravi que nos collègues norvégiens ouvrent la voie — porte sur la décentralisation de l'électricité. C'est un phénomène de plus en plus mondial, mais il offre des possibilités de démocratisation dans la prise de décisions à l'échelle locale. Je pense que ce qui se passe en Norvège est intéressant, surtout dans le comté de Finnmark, le plus grand comté dans le Nord de la Norvège. Il compte la population autochtone la plus importante. À un moment donné, 90 % des terres appartenaient à l'État, l'État national, ce qui n'était pas habituel dans les autres comtés en Norvège. Il y avait le Finnmark Estate, qui permettait une gouvernance ou une gestion conjointe — nous pourrions utiliser ce jargon au Canada —, et le comté et le Parlement sami effectuaient le même nombre de nominations.
Je pense que ce contexte est très important lorsqu'on examine ce type de décentralisation de l'électricité. Selon les normes canadiennes, c'est une petite région. Selon les normes norvégiennes, c'est une vaste région. Selon les normes canadiennes, c'est une population assez dense et, selon les normes norvégiennes, c'est une population clairsemée. Il y a sept ou huit services publics locaux, appartenant à des intérêts privés, à la municipalité ou à une coopérative, et ils relèvent tous d'une seule entité: Finnmark Kraft. L'un des faits intéressants est qu'il devait y avoir une mise en valeur nationale de l'énergie éolienne à grande échelle. Ces projets font encore l'objet de débat, mais le fait que le Finnmark Estate existe et que Finnmark Kraft exerce ses activités a ralenti le processus, si bien que l'on peut désormais permettre la prise de décisions à l'échelle locale au sujet de la mise en valeur de l'énergie éolienne, ce qui n'aurait autrement pas été possible. C'est une autre leçon à laquelle le Canada peut réfléchir.
La troisième leçon est que les peuples autochtones peuvent détenir et exploiter des services publics. Je vais vous dire ceci. Je porte un autre chapeau, et c'est celui de négociateur pour SaskPower. Je suis donc du côté de l'industrie et, depuis les huit dernières années, je négocie un règlement global sur une installation hydroélectrique dans le Nord de la Saskatchewan. Lorsqu'on travaille avec des installations électriques, je pense que l'un des mythes au Canada est que les peuples autochtones n'ont pas les capacités de détenir et d'exploiter des services électriques, mais on peut examiner l'État de l'Alaska et des entités comme l'Alaska Village Electric Cooperative, AVEC, qui a été fondée en 1967. Nous n'avons que 50 années de retard sur l'Alaska, mais nous nous rattraperons un jour. Tout a commencé avec quelques collectivités et, maintenant, 57 collectivités autochtones de l'Alaska détiennent et exploitent des services et effectuent des investissements. C'est la coopérative d'électricité la plus importante dans le monde. Il y a des leçons à tirer pour le Canada. Nous pouvons le faire.
Je travaille et négocie avec SaskPower pour trouver les services de première génération et de distribution qui seraient détenus par des Premières Nations au Canada. Il y a près de 200 projets de propriété pour l'électricité, mais il n'y a rien en ce qui a trait aux services. Ce n'est pas inhabituel aux États-Unis.
Le dernier point que je veux soulever est l'importance de la coopération internationale dans le développement énergétique dirigé par les Autochtones. Là encore, je vais revenir aux États-Unis, à notre voisin. L'Alaska Centre for Energy and Power à l'UAF, conjointement avec nos amis en Islande et avec l'aide du financement des gouvernements canadien et américain, a mis sur pied l'Arctic Remote Energy Network Academy. Il a réuni des champions de l'énergie de collectivités autochtones d'un peu partout — Groenland, Canada, Alaska — pour travailler à des projets énergétiques et renforcer leurs capacités.
Nous avons travaillé en Saskatchewan avec la coopérative AVEC et la nation crie de Peter Ballantyne à la conception d'un service appartenant à la localité et à une évaluation du type de système axé sur l'énergie propre qui pourrait fonctionner et la façon dont il pourrait être financièrement viable. Nous avons pris ces recherches, notamment celles menées dans le cadre de l'Initiative de recherche arctique Fulbright, et avons créé un réseau thématique UArctic pour mener à bien ce type d'initiative dans le futur.
J'ai une dernière remarque dont je veux vous faire part à propos de cette occasion. Je pense qu'elle est significative. Parfois, le Canada — et je dois dire ceci à propos de notre pays, même si j'aime ce pays, et sans vouloir offenser ma collègue de l'Alaska —, mais je pense que nous vivons dans le meilleur pays au monde...
D'accord. J'ai un dernier point.
Que pouvons-nous faire? Il y a environ deux milliards de personnes sur cette planète qui... environ 1,3 milliard de personnes qui n'ont pas d'électricité, et un autre milliard de personnes qui sont branchées au réseau ou îlotées. Imaginez des économies de gamme comme l'Alaska, le Canada, la Norvège, la Suède et le Groenland qui travaillent ensemble pour créer un marché d'exportation et des économies de gamme qui sont administrés par des Autochtones. C'est ce que l'avenir nous réserve.
Merci.
Merci beaucoup.
Je veux seulement souligner quelques observations que M. Poelzer a formulées. En fait, mon père a travaillé pour l'Alaska Village Electric Cooperative. Je veux également ajouter que je suis entrepreneure, en plus d'avoir une carrière politique et universitaire.
Je vous ai remis différents documents et ma déclaration par écrit. J'entends faire mes remarques à plein régime. J'espère que tout le monde pourra me suivre.
Je suis ravie d'avoir été invitée à comparaître et j'aimerais féliciter le Comité de l'intérêt qu'il porte aux points de vue des peuples autochtones concernant l'exploitation des ressources naturelles et les projets énergétiques d'envergure. Même si je suis la présidente internationale de la Conférence circumpolaire inuite, la CCI, j'espère avoir été invitée à participer à votre étude en raison de mon expérience dans le domaine des droits de la personne internationaux et de ma participation à la rédaction de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. J'ai choisi de témoigner à titre personnel et de faire part de mes opinions sur l'intégration de la déclaration des Nations unies dans votre étude et vos travaux.
La déclaration des Nations unies et les droits qu'elle reconnaît sont le fruit de négociations et de discussions de bonne foi entre les peuples autochtones et les États membres des Nations unies. Le Canada a joué un rôle important pour influer sur ces normes exhaustives, et les libéraux et les conservateurs ont dirigé pendant 25 ans les négociations sur la déclaration.
Comme le paragraphe 7 du préambule le souligne, les droits affirmés sont inhérents ou préexistants. La déclaration des Nations unies a fait l'objet d'un consensus universel et a été réaffirmée à l'unanimité dans un vaste éventail de résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies depuis son adoption en 2007. De plus, les droits affirmés dans la déclaration des Nations unies sont les normes minimales.
Les juristes et les tribunaux ont reconnu que même si la déclaration des Nations unies dans son ensemble n'est pas juridiquement contraignante, bon nombre de ses dispositions clés constituent des dispositions du droit international général et coutumier et créent des obligations juridiquement contraignantes en faveur des peuples autochtones. L'Association du droit international a conclu que les articles de la déclaration des Nations unies confirment que le droit à l'autodétermination, le droit à la culture, les droits fonciers et le droit au recours et à la réparation font partie du droit international coutumier. De plus, les droits dans la déclaration des Nations unies sont interreliés, indivisibles et interdépendants, et la modification de l'un de ses éléments a des répercussions sur l'ensemble.
J'attire votre attention également sur la Convention no 169 de l'OIT et sur la Déclaration américaine des droits des peuples autochtones de l'Organisation des États américains en raison de leur nature compatible et complémentaire, sur le renvoi explicite à la déclaration des Nations unies, ainsi que sur leur statut en tant qu'instruments internationaux relatifs aux droits de la personne des peuples autochtones.
La Cour interaméricaine des droits de l'homme a statué, par l'entremise d'opinions qui lient la vaste majorité des États américains qui relèvent de sa compétence, que les droits des peuples autochtones à l'égard des terres, des territoires et des ressources signifient que les États et les entreprises — les tiers qui exploitent des installations dans ces États — doivent respecter les droits des peuples autochtones.
Les pactes internationaux affirment le droit à l'autodétermination, qui est considéré comme étant un prérequis ou une condition préalable à l'exercice et à la jouissance de tous les autres droits de la personne. Ce même droit est affirmé à l'article 3 de la déclaration des Nations unies. Les juristes ont qualifié le droit à l'autodétermination comme étant le libre choix des peuples. Ce faisant, le droit au consentement préalable, libre et éclairé fait partie intégrante du droit à l'autodétermination.
L'exploitation des ressources naturelles et les projets énergétiques sont souvent liés aux terres, aux territoires et aux ressources des peuples autochtones. La déclaration des Nations unies affirme non seulement les droits à l'égard des terres, des territoires et des ressources, mais reconnaît aussi la relation profonde que les peuples autochtones ont avec leur environnement. Ces liens coutumiers et historiques sont également liés aux systèmes autochtones de prise de décisions, tel qu'énoncé à l'article 18 de la déclaration des Nations unies concernant le droit « de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles », d'où l'importance des droits des peuples autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé, ou CLPE.
Outre le renvoi explicite au CLPE dans la déclaration des Nations unies, il existe un consensus clair en droit international des droits de la personne concernant l'obligation des États de consulter dans le but de parvenir à un consensus, surtout dans le secteur des projets de développement et des activités de l'industrie extractive qui, dans la plupart des cas, requièrent le consentement des peuples autochtones concernés.
Par conséquent, les États doivent dialoguer et négocier de bonne foi pour qu'il y ait consentement.
Plusieurs autres dispositions de la déclaration de l'ONU exigent des États qu'ils prennent des mesures en collaboration avec les Autochtones ou qu'ils les consultent. De plus, en vertu du paragraphe 2 de l'article 26: « Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur appartiennent ou qu’ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu’ils ont acquis. »
Ici, le verbe contrôler signifie le pouvoir d'influer, de gérer, de maîtriser, de limiter ou de prévenir. Il ne signifie en aucun cas que les Autochtones ont un droit de veto, ce qu'a fait valoir l'ancien gouvernement du Canada en faisant référence au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Il était dans l'erreur. Il y a une grande différence entre les éléments procéduraux et les éléments substantifs du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et la notion relative au droit de veto. Ce droit est souvent réservé à l'autorité législative ou constitutionnelle et revient à un leader politique comme le président ou le gouverneur d'un État.
Par contre, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause comprend la négociation, le dialogue, les partenariats, la consultation et la collaboration de bonne foi entre les parties concernées, dans l'objectif d'obtenir le consentement. Même là, les personnes concernées peuvent choisir de donner ou de refuser leur consentement au sujet de ce qui se passe ou non au sein de leur territoire.
La mise en oeuvre des procédures associées au droit de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause doit être réalisée par ceux qui sont concernés par l'autodétermination et abordée au cas par cas selon les conditions et la situation des Autochtones. Les États doivent reconnaître que les droits de la personne ne sont pas absolus et qu'une tension constante s'exerce entre les droits et les intérêts des Autochtones et ceux de tous les autres. Dans certains cas, cette tension se manifeste parmi les Autochtones concernés.
Sous l'égide de l'actuel premier ministre, le gouvernement du Canada se préoccupe de respecter les droits des Autochtones, ce qui peut comprendre — et qui comprend — le droit de déterminer nos propres priorités en matière de développement. En plus du droit à l'autodétermination, l'article 32 de la déclaration de l'ONU affirme ce qui suit:
Les peuples autochtones ont le droit de définir et d’établir des priorités et des stratégies pour la mise en valeur et l’utilisation de leurs terres ou territoires et autres ressources.
Dans le contexte des industries extractives et du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, l'ancien rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, James Anaya, a fait référence au développement des terres et des ressources axé sur les Autochtones à titre de modèle privilégié. Les résultats du développement amorcé et contrôlé par les Autochtones correspondront davantage aux priorités, aux intérêts, aux préoccupations, aux valeurs culturelles et aux droits des Autochtones. De plus, il propose que les États lancent des programmes d'aide pour les Autochtones qui choisissent de créer des entreprises de développement.
Toutefois, une grande partie de son rapport se centre sur le scénario habituel du développement imposé que de nombreux Autochtones ont subi et sur les obligations des États et des tiers d'atténuer les répercussions, de surveiller les activités extraterritoriales des tiers, d'agir avec diligence raisonnable et de conclure des accords équitables.
Le développement durable et équitable représente une dimension importante du droit des Autochtones et des ressources naturelles. Le préambule de la déclaration de l'ONU mentionne explicitement que les savoirs, les cultures et les pratiques traditionnelles autochtones contribuent à une mise en valeur durable et équitable de l’environnement et à sa bonne gestion.
En effet, « L'avenir que nous voulons », la résolution adoptée par l'Assemblée générale en 2012, énonce ce qui suit au paragraphe 49:
Nous insistons sur l’importance de la participation des peuples autochtones à la réalisation du développement durable. Nous reconnaissons également l’importance de la Déclaration des Nations Unies [...] dans le contexte de la mise en œuvre des stratégies de développement durable aux niveaux mondial, régional, national et infranational.
Le Programme de développement durable d'ici 2030 représente un engagement important pour le gouvernement du Canada, le Comité et les Autochtones. L'un de ses principaux objectifs est de mettre fin à la pauvreté et à la faim partout d'ici 2030, de protéger les droits de la personne et de protéger la planète et ses ressources naturelles de façon durable.
Il est important de tenir compte des travaux du Groupe de travail de l'ONU sur les entreprises et les droits de l'homme et aux importantes lignes directrices qu'il a élaborées. Je vous exhorte aussi à lire la Déclaration inuite circumpolaire sur les principes de mise en valeur des ressources dans l’Inuit Nunaat, de 2011.
Enfin, étant donné les récents dialogues tenus au Canada et la désignation de 2019 à titre d'Année internationale des langues autochtones par l'ONU, je tiens à souligner l'importance des langues autochtones dans tous les processus d'engagement et aussi de la réalité des infrastructures de télécommunication, qui sont insuffisantes. J'écoutais le témoignage de Duane Smith lundi. Je crois qu'il a dit que nous avions d'excellentes ressources énergétiques, mais que nos infrastructures étaient déficientes.
De façon plus importante, nous devons tous reconnaître les obligations solennelles du Canada en ce qui a trait à l'élaboration d'un plan d'action national pour la mise en oeuvre de la déclaration de l'ONU, en collaboration avec les peuples autochtones concernés. Cet engagement volontaire permettrait d'assurer et de renforcer l'exploitation durable et équitable des ressources naturelles des Autochtones de manière importante, si tel est leur souhait, ce qui profiterait au Canada et à tous les Canadiens.
Je crois que les enjeux associés aux langues autochtones, qui ont fait l'objet de discussions au Canada, et ceux associés aux infrastructures, dont a parlé M. Poelzer, sont importants et doivent faire l'objet d'un suivi dans le cadre du dialogue à venir.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence, que ce soit ici en personne ou par vidéoconférence.
Comme vous êtes tous deux des universitaires et que vos sujets de recherche se chevauchent peut-être, ma question s'adresse à vous deux.
Elle porte sur les règlements et les conseils autochtones. Vous en avez tous deux parlé dans vos déclarations; vous nous avez fait part de vos craintes et de vos idées. Que pouvons-nous apprendre en comparant les divers règlements, comme celui des Autochtones de l'Alaska, celui des Indiens et des Inuits de la baie James et celui des Inuits de l'Ouest canadien? Quelle est votre expérience et que pourrions-nous améliorer?
Je crois qu'il est important de reconnaître qu'il serait très utile — peut-être par l'entremise du Comité permanent, dans une certaine mesure — de réaliser une analyse comparative des accords sur les revendications territoriales et de l'Alaska Native Claims Settlement Act of 1971. Aux fins des projets énergétiques et du travail du Comité permanent des ressources naturelles, je crois qu'il serait très utile d'explorer plus en détail le réel potentiel des activités axées sur les Autochtones en ce qui a trait aux ressources énergétiques, comme l'a fait valoir M. Poelzer, et de le faire dans le cadre d'une analyse comparative.
Les possibilités pour les sociétés autochtones de l'Alaska émanant de l'Alaska Native Claims Settlement Act et celles pour les sociétés de développement économique émanant des revendications territoriales globales dans l'Arctique canadien offrent un réel potentiel puisque, comme je l'ai fait valoir dans mon exposé, du point de vue des Autochtones — et surtout du point de vue des Inuits —, la déclaration circumpolaire sur la mise en valeur des ressources se veut une réelle tentative d'atteindre un équilibre entre le développement possible et les ressources énergétiques, tant celles qui sont renouvelables que celles qui ne le sont pas.
C'est un domaine qui mériterait une analyse comparative constructive, qui profiterait aux Inuits et aux autres peuples autochtones.
Vous avez parlé du règlement circumpolaire. Le Conseil circumpolaire inuit du Canada est une organisation sans but lucratif gérée par des directeurs, notamment par les leaders élus de quatre régimes de règlement de revendications territoriales. Après 40 ans, le Conseil est devenu une ONG internationale représentant environ 160 000 Inuits de l'Alaska, du Canada, du Groenland et de la Russie.
Que peut offrir ce modèle aux autres pays, notamment le Canada, qui cherchent une façon efficace d'engager les communautés autochtones?
À titre de précision, le Conseil circumpolaire et une organisation non gouvernementale internationale, comme vous l'avez dit, qui compte environ 160 000 Inuits répartis dans quatre pays membres. Je crois que les déclarations que nous avons adoptées, y compris celle à laquelle j'ai fait référence, la déclaration sur le développement des ressources et la déclaration sur la souveraineté de l'Arctique, et nos intérêts particuliers dans l'ensemble de la région arctique peuvent être très instructifs en vue d'accroître notre autonomie. Lorsqu'on associe cela aux ententes sur les revendications territoriales globales et à l'Alaska Native Claims Settlement Act, on obtient des droits et des titres clairs à l'égard des terres, des territoires et des ressources, mais aussi des responsabilités. Certaines de ces responsabilités ont déjà été soulignées par le Comité. Elles visent à accroître et à améliorer la qualité de vie de nos membres et de nos communautés.
Le Conseil circumpolaire inuit n'est pas détenteur de droits, mais les objectifs que nous avons tenté de mettre de l'avant — notamment ces déclarations, mais aussi le sommet économique inuit circumpolaire — avaient trait aux possibilités de développement durable et équitable axé sur les Inuits, dans le but d'atteindre l'autonomie. L'exploitation des ressources énergétiques naturelles peut en faire partie; cela dépend des personnes concernées.
Il me reste 30 secondes pour poser une courte question à M. Poelzer, parce qu'il n'a pas encore eu l'occasion de répondre à mes questions.
C'est une question d'ordre national. Vous avez parlé des pratiques exemplaires des autres pays. Vous nous avez aussi fait part de certaines recommandations, mais quelle est la situation au Canada? Avons-nous des pratiques exemplaires? Est-ce que nous excellons dans un certain domaine? Pourrions-nous transmettre nos pratiques exemplaires à d'autres pays?
Bien sûr. Parfois, on s'attarde surtout à ce qui ne fonctionne pas, mais je crois que nous réussissons dans bon nombre de domaines.
Par exemple, il est difficile de trouver un autre pays doté de meilleurs droits que le Canada.
Pour revenir à votre question précédente au sujet de l'évolution des divers accords sur les revendications territoriales et règlements, on commence par le modèle de l'Alaska, qui a aussi servi à la baie James dans une certaine mesure, et avec les leçons qu'on a tirées. Ensuite, on pense à ce qui s'est passé avec la nation Nisga'a en Colombie-Britannique. Certains pourraient plaider pour un troisième ordre de gouvernement à cet égard. Nous avons aussi une expérience en matière de cogestion, surtout dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai vu cela en action dans le delta du Mackenzie. La réussite est possible. Je crois qu'il est important d'en prendre note.
Je pense aussi à d'autres expériences que nous réalisons. Prenons la First Nations Power Authority, en Saskatchewan, qui a été construite par l'ancien premier ministre Brad Wall.
Merci, monsieur le président.
Vous aurez probablement l'occasion de poursuivre.
Monsieur Poelzer, je m'adresse à vous en premier. J'ai été très impressionné par votre optimisme en ce qui a trait aux possibilités que nous avons d'entreprendre des projets d'édification de la nation.
Vous avez établi un lien avec le développement des chemins de fer. J'aime votre enthousiasme et votre positivisme. Je crois que vous êtes sur la bonne voie.
En fait, il y a quelque temps, le Comité a étudié les interconnexions électriques. Nous voulions savoir si nous avions la capacité de déplacer l'électricité de manière efficace au pays. Je crois que vous avez effleuré ce sujet. J'aimerais que vous nous en parliez, en 30 secondes, si c'est possible. J'aurai ensuite une autre question.
En ce qui a trait à l'électricité, je crois que l'interconnexion entre la Saskatchewan et le nord du Manitoba est un exemple de réussite à étudier. Pour ce qui est d'un projet d'édification de la nation en vue de déplacer les électrons, il serait avantageux pour les collectivités nordiques.
J'aimerais aussi aborder le sujet des partenariats entre le secteur privé et le secteur public, rapidement. Prenons votre province de résidence: le Manitoba. La North West Company dispose d'un soutien logistique phénoménal. Elle pourrait — comme elle l'a fait récemment à Inuvik — conclure un partenariat avec les Premières Nations, acheter de l'énergie renouvelable en gros et offrir un soutien. Les collectivités autochtones de son réseau pourraient lui acheter de l'électricité... ou la North West Company pourrait acheter de l'électricité à titre d'investissement en capitaux, qu'elle pourrait vendre à un prix beaucoup moins élevé que ce que les collectivités autochtones paieraient d'elles-mêmes.
Nous avons les infrastructures nécessaires en vue de ces partenariats public-privé.
Très bien. Merci.
Il y a quelque temps, le Saskatoon StarPhoenix a publié un article sur l'exploitation de l'uranium... en partenariat encore une fois. Lorsqu'on vous a interviewé, vous avez dit qu'il serait erroné de considérer le devoir de consulter à titre de droit de veto des Autochtones sur l'exploitation des ressources ou comme un ensemble de cerceaux à travers lesquels il faut passer pour aller de l'avant. Vous avez dit qu'il fallait plutôt établir une relation.
Pourriez-vous nous en parler davantage? Nous avons un projet prêt à être lancé: le gouvernement a déjà engagé des fonds à cet égard et 117 collectivités des Premières Nations seront touchées. Parmi elles, six ne sont pas d'accord et...
Non, je sais. Encore une fois, il y a cette fausse idée voulant que le devoir de consulter donne automatiquement lieu à un droit de veto. Ce n'est pas le cas. Bien sûr, il y a certains seuils dans les collectivités à proximité. Il faut tenir compte des répercussions. Mais je dirais une chose: pour réussir, il faut d'abord ne pas avoir peur de la propriété des terres autochtones. Je crois que Trans Mountain a démontré que les peuples autochtones s'intéressaient grandement à la participation aux capitaux dans les projets énergétiques, que ce soit dans le domaine des combustibles fossiles ou des énergies renouvelables.
Ensuite, il faut prendre des mesures significatives... On ne peut pas atterrir là comme cela. Il faut travailler dur. Cela vaut tant pour les gouvernements provinciaux que pour le gouvernement fédéral. Il ne faut pas oublier que nous sommes tous liés par des traités. Il faut bâtir ces relations.
Bien sûr, à un certain point, les gens ne seront pas tous d'accord. Certaines personnes me demandent: « Pourquoi les Autochtones ne peuvent-ils pas tous être d'accord sur un sujet? » À cela, je réponds que ce serait comme de demander au premier ministre Trudeau ou à l'un de ses prédécesseurs de veiller à ce que tous les députés de la Chambre soient d'accord sur tous les sujets.
Ce n'est tout simplement pas réaliste. Et ce n'est pas humain. Vous avez soulevé un point au sujet de l'établissement des relations. Voilà ce qui est important.
Vous avez évoqué cette question dans le cadre du premier des quatre points que vous avez abordés concernant la réalisation d'évaluations de l'impact environnemental. Vous avez dit que nous ne devions pas cesser de tenir compte de l'impact social et culturel sur toutes les personnes concernées, ou omettre d'y prêter attention.
Absolument. Je vais vous raconter une anecdote. Lorsque j'ai commencé à négocier avec SaskPower, mon collègue de l'époque — Tom Molloy, qui m'a depuis laissé tomber pour le poste de lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan — et moi-même nous sommes réunis avec eux, et nous n'avons initialement pas réussi à conclure de marché relativement à la gestion de la végétation dans l'expansion d'une installation de transmission. Il existe des documents historiques à ce sujet, car, lorsque le barrage a été commandité, dans les années 1920, nous ne réalisions évidemment aucune consultation. Nous avons dû dire aux gens — et il y a eu une évolution très positive au sein de SaskPower — ce qui suit: « Vous pensez peut-être que les années 1920 et 1930 remontent à bien longtemps, mais lorsque vous vous rendez dans ces communautés, je vous assure que c'est comme si ce barrage avait été construit hier. »
Ce type d'impact socioculturel est intergénérationnel et historique, chose que bien des membres de la société ne comprennent pas réellement. C'est pourquoi j'estime que cette dimension est si importante.
Je sais qu'au Manitoba, nous avons dû retourner dans certaines communautés des Premières Nations longtemps après les faits pour régler des revendications territoriales et offrir des indemnisations pour l'inondation de propriétés et de terrains...
M. Greg Poelzer : D'accord.
M. Ted Falk :... causée par nos barrages.
Il me reste à peu près une minute?
Vous avez également fait une brève allusion à l'idée que lorsque l'on parle de nos évaluations de l'impact environnemental, on s'attend à une indemnisation.
Voici un fait au sujet des évaluations de l'impact environnemental. Souvent, lorsqu'il est possible de tenir des consultations, même si les évaluations de l'impact environnemental portent habituellement sur des questions physiques et environnementales, les communautés adoptent une perspective générale. C'est l'une des principales difficultés auxquelles nous faisons habituellement face dans le cadre de ces processus d'évaluation. Cela a causé beaucoup de consternation, parce qu'il y a un malentendu, et parce que nous ne disposons d'aucun mécanisme pour régler ces autres problèmes.
Je ne sais pas si le Comité est au courant... Avez-vous déjà entendu parler du projet de loi C-69?
Des voix : Ah! Ah!
M. Greg Poelzer: Vous savez ce que...
Non, c'est un travail en cours. Ce projet comporte des objectifs essentiels. Les éléments liés à ce que l'on pourrait appeler les aspects social et culturel doivent y être intégrés. Une grande partie de ce document reste assez vague. Nous ne savons pas à quoi cela va aboutir. C'est notre problème. Si l'on se concentre uniquement sur les aspects physique et environnemental, et que nous n'établissons pas de mécanisme à cette fin, nous n'irons nulle part. Nous devons trouver une façon constructive et acceptable d'atteindre notre but.
Merci à vous deux d'être présents aujourd'hui.
Je vais commencer avec M. Poelzer. J'ai été très intrigué par la dernière déclaration que vous avez faite dans votre exposé au sujet des possibilités à l'échelle mondiale ou en matière de consolidation nationale. Pouvez-vous développer cette idée et nous dire quel est le lien avec les communautés autochtones, et ce que le gouvernement devrait faire?
Certainement. Je vais revenir sur une chose.
L'un des principaux indicateurs d'entrepreneuriat est le nombre d'entreprises en démarrage. Chez les Premières Nations, celui-ci est cinq fois supérieur au nombre d'entreprises traditionnelles. TD Waterhouse a récemment réalisé une étude sur le développement économique dans les communautés des Premières Nations. Nous connaissons tous le stéréotype selon lequel la Chine, l'Inde, etc., connaissent une croissance de plus de 8 % mais, ces 10 dernières années, la croissance des entreprises des Premières Nations s'est élevée à 8,2 %, ce qui est nettement supérieur aux résultats des pays de l'OCDE.
Ce que je veux dire, c'est que si vous voulez investir dans la tranche de la population canadienne la plus entreprenante, investissez dans les Premières Nations. L'avenir de la croissance est dans le passage à l'énergie verte et renouvelable, qui est en cours dans le monde entier. Il s'agit d'un marché gigantesque. Est-ce que les Népalais ou les Samoans veulent parler à des personnes situées à New York? Non. Ils veulent faire affaire avec des personnes en Alaska ou dans le Nord du Canada, et c'est ce que font aujourd'hui les habitants de l'Alaska. Si nous réalisions des investissements en vue de faciliter et de promouvoir ces débouchés, de travailler avec l'Alaska dans tout le Canada... Nous avons déjà démontré, notamment avec l'ICC, que nous pouvions travailler ensemble. Je pense qu'il s'agit d'une occasion en or de promouvoir notre savoir-faire dans le monde et de bâtir un avenir électrique dirigé par des Autochtones et des habitants du Nord.
D'accord. Je voulais juste vérifier que vous n'imaginiez pas d'énormes lignes électriques polaires ou quelque chose du genre.
D'accord.
Je reviens à vous, monsieur Dorough. Vous êtes passé très rapidement sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le consentement libre, préalable et en connaissance de cause. Pourriez-vous parler de la façon dont le gouvernement canadien a exprimé son souhait d'intégrer la déclaration à ses lois et à son fonctionnement?
La Chambre des communes a adopté le projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue Romeo Saganash, le projet de loi C-262. Celui-ci demandait au gouvernement d'intégrer ces dispositions aux lois de notre pays. Pourriez-vous nous parler de ce processus, nous dire où nous en sommes et, peut-être, où en sont les autres pays qui ont signé la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et nous indiquer les leçons que nous pourrions en tirer?
Je pense que les efforts déployés par le Canada dans le cadre de cette initiative politique visant à intégrer les normes de la déclaration des Nations unies aux lois et politiques nationales constituent, dans une grande mesure, la réponse à certaines des questions qui ont été posées à M. Poelzer relativement à l'utilisation des ressources naturelles. Le but ultime est le respect des Autochtones, la reconnaissance de leurs droits, et leur prise en compte à tous dans les avancées que nous réalisons.
À titre d'observateur externe de la scène politique canadienne, et de l'objectif visant à mettre en oeuvre la déclaration des Nations unies, je pense qu'il serait très utile, non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour tous les autres intervenants du Canada, d'intégrer les normes d'une façon qui permette de faire progresser le dialogue, notamment au sujet des soins de santé, des ressources naturelles et des principaux projets énergétiques, et au sujet du logement ou de l'éducation, pour que les normes établies dans la déclaration des Nations unies puissent faire fonction de directives instructives et utiles relativement à toutes les questions qui concernent les Canadiens et, plus important encore, les Autochtones de tout le Canada: Premières Nations, Métis et Inuits.
Je pense que pour toutes les questions que votre collègue a posées au sujet de l'énergie et des énergies de remplacement, nous devrions réaliser des activités de sensibilisation en utilisant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour encadrer le dialogue. Cela pourrait être très utile.
Contrairement à d'autres régions du monde... nous n'avons malheureusement pas observé ce type d'engagement politique ou la réalisation d'efforts en vue de concrétiser cette vision, et j'espère que d'ici juin ou novembre, des mesures concrètes seront prises à cet égard. Malheureusement, les gouvernements d'autres parties du monde se sont engagés davantage dans un ritualisme des droits que dans la prise de mesures concrètes en vue du respect et de la reconnaissance des droits affirmés dans la déclaration des Nations unies. Lorsque je parle de ritualisme des droits, je veux dire que les gouvernements et les États membres des Nations unies prennent des mesures et produisent des rapports extrêmement positifs au sujet de leur merveilleux bilan en matière de droits de la personne relativement aux Autochtones, mais ne font rien de concret pour y donner suite.
Merci.
Brièvement, pour en revenir à un exemple très précis, il a été question de l'Alaska Village Electric Cooperative.
Je me demande simplement si le Canada pourrait en tirer des leçons.
Lorsque M. Poelzer parlait, je pensais à Buckminster Fuller et à sa nouvelle conception d'un réseau énergétique mondial, alors qu'en fait, je crois que dans le cas de l'Alaska Village Electric Cooperative et de ses premières initiatives, il était vraiment question de petits réseaux énergétiques au sein des collectivités.
Avec la technologie d'aujourd'hui, je pense qu'il est possible de réexaminer ce qui se passe dans nos petites collectivités rurales et éloignées dans l'Arctique, lesquelles sont éparpillées aux quatre coins de l'Arctique circumpolaire, et d'étudier les solutions de rechange pour rehausser ces petits réseaux énergétiques mis en place, à l'origine, par des institutions comme l'AVEC.
Je pense que les possibilités sont extraordinaires et que le partenariat public-privé dont a parlé M. Poelzer est primordial. Ce type de partenariat vise aussi les peuples autochtones, pas seulement comme groupes ou collectivités, mais aussi comme titulaires de droits qui ont droit à l'autodétermination.
Nos derniers témoins venaient de Norvège, qui est un pays vraiment intéressant.
Comme vous le savez sans doute, la Norvège est dotée d'un fonds du patrimoine approximativement deux fois et demie plus élevé que son PIB, d'environ 1 billion de dollars.
Avons-nous déjà fait quelque chose de semblable au Canada? Avons-nous déjà mis de côté les recettes tirées de nos ressources pour construire quelque chose comme l'infrastructure énergétique dont vous dites qu'il s'agit du prochain chemin de fer?
Il y a le Fonds du patrimoine de l'Alberta, qui a bien commencé à l'époque du premier ministre Lougheed, bien sûr, et qui a ensuite été pillé.
En Saskatchewan, le gouvernement Blakeney en a démarré un, mais il s'agissait vraiment d'un compte courant. À l'heure actuelle, il y en a un aux Territoires du Nord-Ouest.
J'ai, en fait, rédigé un article sur ce sujet en particulier. Honnêtement, nous avons intérêt à le faire dans chaque province qui exploite des ressources naturelles. Nous vendons les meubles de la maison sans réinvestir l'argent. Nous vendons des biens. Je trouve que cela n'a absolument aucun sens.
L'argument que l'on fait valoir en défaveur du fonds est qu'il nous faut investir dans d'autres choses en ce moment. Faites confiance aux gens. C'était pareil en Norvège. Les politiciens avaient peur de la même chose à l'époque, mais les gens y étaient favorables.
L'exemple que j'utilise est celui du Fonds du patrimoine. Un fonds souverain est comme votre REER. Ensuite, vous avez une hypothèque, qui est comme une dette. Les gens disent que vous devez rembourser votre dette avant de pouvoir commencer. Est-ce que quelqu'un dit qu'il va finir de payer son hypothèque et attendre 25 ans pour commencer à cotiser à son fonds de retraite? Non, il fait les deux. Les gens le font tout le temps. Nous pouvons le faire et nous avons intérêt à le faire.
Exactement. Le fonds permanent est essentiellement un fonds souverain. Cependant, au chapitre de l'infrastructure, ce n'est pas un des éléments auxquels s'est attardé le fonds permanent ou la réserve de fonds générés par l'exploitation pétrolière en Alaska pour traiter la question de l'infrastructure ou les questions relatives à l'énergie.
Je voulais formuler un autre commentaire. Il me semble que le Conseil de l'Arctique est parfaitement placé pour se pencher sur la question de l'infrastructure dans l'ensemble de l'Arctique circumpolaire, du moins pour ce qui concerne les États ayant la même optique: les États nordiques, y compris le Groenland et le royaume danois; le Canada; l'Alaska et les États-Unis. Ils pourraient évaluer les besoins en matière d'infrastructure et collaborer de façon à nous aider à effacer les frontières qui étouffent l'innovation et nous empêchent de trouver les solutions originales qui nous permettraient d'atteindre une partie des objectifs que chaque nation-État en bordure de l'Arctique s'est engagée et s'est contrainte à atteindre, comme les objectifs de développement durable. Je pense qu'il y a là un potentiel extraordinaire. Le Conseil de l'Arctique devrait vraiment examiner le rôle de leader qu'il peut jouer et, État par État, prendre l'engagement important de créer une réserve de fonds qui permette de régler certaines de ces questions.
Nous avons eu des témoignages philosophiques vraiment très bien ici, et je comprends ce que vous dites, mais nous essayons de couvrir une bonne partie des questions pratiques, des pratiques exemplaires qui sont en place. Revenons à l'Alaska. Quelle est l'interaction entre le gouvernement de cet État et les peuples autochtones dans ces dossiers? Qu'en est-il du gouvernement fédéral des États-Unis? Quelles sont les différences entre les deux ordres? S'entendent-ils de façon utile?
À l'échelon fédéral, soit l'échelon national, une Inuite du versant nord de l'Alaska a récemment été nommée secrétaire adjointe aux Affaires indiennes, alors il sera intéressant de voir ce qui en ressortira, non seulement en ce qui concerne les Inuits dans l'Arctique et les questions auxquelles ils sont confrontés, mais aussi en ce qui touche les peuples autochtones partout aux États-Unis.
On a réalisé des avancées concernant l'Alaska. Quand Bill Walker était gouverneur, le dialogue dynamique et les discussions concernant les priorités étaient monnaie courante. Reste à voir quelle direction prendra le nouveau gouvernement, dirigé par le gouverneur Dunleavy, mais j'ai espoir que nous puissions poursuivre le dialogue, surtout dans nos collectivités rurales. Malheureusement, il y a eu un certain clivage entre nos collectivités urbaines et rurales, peut-être semblable à un clivage Nord-Sud au Canada. J'ignore si c'est exact. Espérons que nous arriverons à surmonter une partie de ces difficultés et à prendre des décisions plus adaptées à tous les résidants de l'Alaska, y compris à ses peuples autochtones.
Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un point en particulier pour nos collègues canadiens en ce qui concerne l'État de l'Alaska et les relations fédérales. La majorité des terres en Alaska appartiennent au gouvernement fédéral. Dans certains États de l'Ouest du pays, le gouvernement est propriétaire d'une très grande partie des terres, ce qui n'est pas le cas dans le Midwest et vers l'Est des États-Unis, où très peu de terres appartiennent au fédéral.
Vous pouvez imaginer les types de conflits que cela crée entre l'État, le gouvernement fédéral et les sociétés autochtones lorsqu'il faut prendre des décisions concernant les types d'exploitation des ressources... Qu'il s'agisse de ressources naturelles comme les combustibles fossiles ou même la gestion des mammifères marins et autres, cela rend la situation beaucoup plus compliquée que ce serait le cas dans une province canadienne.
Je suis originaire du Québec. J'ai du mal à imaginer le moindre conflit entre les gouvernements fédéral et provinciaux.
Des députés: Oh, oh!
M. David de Burgh Graham: Monsieur Poelzer, dans vos remarques liminaires, vous avez parlé des répercussions sur le plan social et pas seulement environnemental. Vous avez parlé du cas de Yakutia. Pourriez-vous nous donner des précisions sur l'impact social et nous dire comment le quantifier et l'aborder?
Bien sûr. Il n'est pas facile à quantifier, contrairement à ce que certains pourraient prétendre.
Si je devais faire une distinction, l'impact se fait sentir sur les personnes et les collectivités. Si on prend les répercussions du passage d'un oléoduc, la première étape de nos études d'impact environnemental habituelles est d'examiner la situation et de se demander quelles seront les répercussions sur l'environnement naturel, les terres, les cours d'eau et, potentiellement, l'air. Cependant, il arrive souvent que l'étape qui n'y est pas solidement intégrée soit celle de s'interroger à propos des répercussions sur les collectivités locales, leurs moyens de subsistance, comme la chasse ou la pêche — si elles mènent des activités économiques traditionnelles, en fait — et leur culture. Certains endroits ont aussi une grande valeur spirituelle pour ces collectivités.
Ce sont ces types de choses qui doivent être soulevées et évaluées. Certaines peuvent être mesurées, comme les répercussions sur les troupeaux de caribous ou les populations d'orignaux ou de poissons. Certaines choses pourraient probablement être quantifiées parce qu'elles se rapportent à ces économies et aux revenus des collectivités. D'autres choses ne peuvent simplement pas l'être...
En effet.
Merci beaucoup à vous deux de vous être joints à nous aujourd'hui. Vos témoignages ont bien éclairé notre étude. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de participer à notre réunion. Malheureusement, notre temps est écoulé. Nous allons donc devoir nous arrêter ici.
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