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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 098 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 mai 2018

[Énregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue, nous menons une étude sur la situation actuelle des données nationales sur l'énergie, sujet qui s'est avéré très intéressant.
    Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Nous accueillons Kevin Goheen et Kathleen Vaillancourt de l'Académie canadienne du génie ainsi que Joy Romero du Réseau d'innovation en ressources propres.
    Je suis content de vous revoir. Merci à tous d'être venus.
    Joy, je crois que vous connaissez déjà la procédure.
    Chaque groupe dispose de 10 minutes au maximum pour présenter son exposé. Ensuite, les membres du Comité auront des questions à vous poser. Vous pouvez choisir de présenter votre allocution et de répondre aux questions en français, en anglais ou dans les deux langues. Il y a des écouteurs à votre disposition si vous voulez écouter les interprètes.
    Allons-y. Qui veut briser la glace?
    Bonjour, et merci de nous avoir invités.
    Je suis le directeur exécutif de l'Académie canadienne du génie. À titre indicatif, l'ACG est l'une des trois académies nationales canadiennes, les deux autres étant la Société royale du Canada et l'Académie canadienne des sciences de la santé.
    Revenons à l'année 2011; l'un de nos membres, Lorne Trottier, croyait à l'importance de mettre en oeuvre un projet qui pourrait aider le Canada à réduire considérablement ses émissions de gaz à effet de serre. Par l'intermédiaire de sa fondation familiale, il a décidé de financer un tel projet, le Projet Trottier pour l'avenir énergétique. Le projet a duré environ cinq ans et s'est conclu en 2016. À cette époque, le projet était géré par le président du comité de gestion du projet ainsi que par quelques entrepreneurs que nous avions engagés pour le rapport de projet. Les résultats finaux ont fait l'objet d'un examen par les pairs et ont été publiés en 2016.
    Pour le projet, deux équipes principales ont été chargées des modèles mathématiques, l'entreprise de Kathleen Vaillancourt ainsi qu'une autre entreprise du nom de whatIf? Technologie établie ici à Ottawa.
    Je ne veux pas parler en détail du rapport ni de ses conclusions. L'information est sur notre site Web, si cela vous intéresse. Il y a toutefois une chose que je tiens à souligner: les équipes de modélisation étaient chargées d'élaborer les modèles, d'établir des liens entre les modèles et d'en extraire des résultats concrets. Pendant ce processus, les équipes ont cerné un certain nombre de lacunes importantes en ce qui concerne les données disponibles. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour vous parler des problèmes que nous avons connus dans le cadre de cette initiative.
    Sur ce, je vais céder la parole à Kathleen.
    Encore une fois, nous vous remercions de votre invitation à venir témoigner.
    Nous sommes surtout ici pour vous parler, bien sûr, de la façon dont nos activités de modélisation — nos principales activités — peuvent éclairer la situation actuelle et future des données nationales sur l'énergie. Les modèles sont des outils très efficaces qui étayent l'élaboration des politiques, mais ils sont surtout utiles quand vient le temps d'analyser des sujets très complexes, par exemple la gestion des grandes transitions énergétiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre sans nuire à la croissance économique et en tenant compte des préférences de la société.
    Pour un grand nombre de raisons, les modèles de systèmes énergétiques revêtent une importance particulière. La première des deux raisons principales, c'est que l'ampleur du problème n'est pas nécessairement évidente ni pour le grand public, ni pour les fonctionnaires gouvernementaux avec qui nous travaillons. Deuxièmement, les modèles servent à explorer et à cerner les moyens les plus rentables que nous pouvons prendre pour atteindre des cibles ambitieuses en matière de réduction des gaz à effet de serre, comme celles que le Canada a proposées pour 2050, et pour instaurer une économie saine à faibles émissions de carbone.
    D'un bout à l'autre du monde, les résultats produits par ces modèles sont de plus en plus souvent utilisés pour éclairer les décideurs, les entreprises et toute organisation ou personne qui pourrait être touchée par une variation de la dynamique de l'offre et de la demande dans le secteur énergétique, par les prix ou par les émissions de gaz à effet de serre et leurs impacts. De fait, les catégories particulières de modèles que nous utilisons sont aussi employées présentement dans plus de 70 pays afin d'orienter les politiques en matière d'énergie et de changements climatiques. Cependant, la pertinence et l'utilité de ces modèles dépendent grandement des données utilisées. Pour cette raison, nous croyons qu'il est extrêmement important et urgent pour le Canada d'instaurer un programme ou de mettre sur pied une organisation — ou une entité quelconque — qui veillera à ce que nous ayons facilement accès à des données uniformes et exhaustives, répondant à nos besoins. Ainsi, nous serons mieux placés pour soutenir l'élaboration des politiques et aider le public à comprendre les enjeux des changements climatiques et l'ampleur du problème à résoudre.
    Dans notre mémoire, nous avons dressé une liste des lacunes les plus importantes avec lesquelles nous avons dû composer dans le cadre du Projet Trottier pour l'avenir énergétique ainsi que dans d'autres projets. Cela fait 15 ans maintenant que nous réalisons des analyses de ce genre. Je ne compte pas toutes les passer en revue... vous pouvez consulter le mémoire pour cela.
    Essentiellement, il existe des lacunes dans à peu près toutes les dimensions des données dont nous avons besoin, y compris dans notre tout premier ensemble de données, le rapport de Statistique Canada sur les bilans énergétiques, intitulé « Bulletin sur la disponibilité et écoulement d'énergie au Canada ». Des bulletins sont produits pour les 13 provinces et territoires. Malheureusement, ils sont incomplets. Les bulletins ne contiennent pas de données sur les sources d'énergie émergentes comme les biocombustibles, l'énergie éolienne, etc. Il y a énormément de renseignements manquants, en particulier au niveau provincial. À l'échelle du Canada, quand les données sont regroupées, ça n'est pas trop pire, mais le niveau provincial présente énormément de problèmes, en particulier en ce qui concerne le secteur industriel, tout spécialement la production et le commerce de produits pétroliers raffinés, etc. Cela n'existe pratiquement plus dans les provinces de l'Atlantique ou même dans les provinces de l'Ouest.
    Il n'y a pas de données statistiques fiables et plus détaillées pour étayer les rapports sur les ressources technologiques qui sous-tendent les données sur la consommation énergétique. L'Office de l'efficacité énergétique, par exemple, ventile ses données sur la consommation énergétique par sous-secteur et ainsi de suite, mais pour ce qui est des ressources technologiques, les données sont tirées d'une enquête qui ne couvre pas le secteur entier. Pour cette raison, nous ne pouvons jamais vraiment savoir si les statistiques sont fiables ou non.
    Nous avons besoin de l'ensemble des données sur les caractéristiques techniques et économiques des technologies dont nous nous servons dans nos modèles.
(0855)
    Les modèles que nous utilisons actuellement au Canada montrent que 5 000 technologies sont exploitées dans chaque région, dans chaque province où il y a de la technologie. Nous devons examiner chaque paramètre un à un au regard de données de toutes sortes de sources, comme des rapports, des articles scientifiques, des thèses de doctorat et les sites Web des détaillants. Parfois, nous devons même nous rendre en personne chez le détaillant. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai dû me rendre chez Réno-Dépot pour étudier les caractéristiques d'une nouvelle technologie, par exemple le prix de la fournaise résidentielle la plus vendue. Même dans un monde idéal, ce serait énormément de travail de constituer une base de données pour ces modèles. Ces modèles dépendent énormément des données, et cela prend énormément de temps.
    Présentement, nous devons consacrer beaucoup de temps à la recherche de données lorsque celles-ci sont difficiles à trouver. Nous passons aussi beaucoup de temps à concilier des données contradictoires, à formuler des suppositions pour combler les lacunes, et à consulter les experts du domaine pour valider nos suppositions, et ainsi de suite. Si nous avions accès à de meilleures données, nous pourrions passer plus de temps à la conception du modèle lui-même et à la mise en oeuvre de choses sophistiquées comme un réseau ou des immeubles intelligents; le genre de choses que nous n'avons pas vraiment le temps de faire parce que nous devons mettre à jour notre base de données. Nous pourrions passer plus de temps à étudier le problème et à fournir des pistes de solution.
    Cela dit, je crois que nous avons très bien réussi à constituer une bonne base des données pour le Canada, mais cela a exigé des efforts considérables pendant plus de 10 ans, ainsi que des consultations et des projets de recherche. Grâce à cela, nous pouvons aujourd'hui utiliser le modèle pour effectuer des analyses politiques. Cependant, notre travail s'arrête jamais, puisque nous devons chaque année mettre à jour les données et les bilans énergétiques. Nous devons aussi mettre à jour la base des données dès qu'une nouvelle technologie arrive sur le marché. Par exemple, il y a eu récemment une grande annonce à propos d'une nouvelle technologie de production d'aluminium sans émissions de gaz à effet de serre. Nous voulons tenir compte de cette technologie dans nos modèles, mais nous n'avons présentement aucune donnée à son sujet.
    Pour conclure, je tiens à dire quelque chose qui ne figure pas dans notre mémoire. Outre le besoin de mettre sur pied une organisation dont le mandat serait d'améliorer l'accès aux données et la qualité des données, nous devons renforcer la collaboration entre les fournisseurs et les utilisateurs de données, parce qu'elle est un peu difficile présentement. Nous envoyons des courriels et des lettres à certains fournisseurs de données, Statistique Canada en particulier. Parfois, nous n'obtenons pas de réponse. D'autres fois, nous obtenons une réponse trois semaines plus tard, mais il ne s'agit que des notes de bas de page d'un tableau copié d'un rapport que nous avons déjà consulté 10 fois.
    C'est donc un peu difficile pour nous d'obtenir plus d'information à propos de certains types de données, alors ce serait bien de promouvoir la collaboration, nous pourrions ainsi avoir une meilleure compréhension des données et de la façon dont nous pouvons les utiliser. Ce serait mieux aussi pour le gouvernement, car de cette façon, vous seriez davantage au courant de nos besoins et vous pourriez orienter les priorités en conséquence, puisque nous ne serions pas les seuls à utiliser ces données, évidemment. Beaucoup de personnes souhaitent la réalisation de que ce que nous recommandons ou de quelque chose de semblable.
    Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.
(0900)
    Je crois que nous sommes à court de temps. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Madame Romero, vous avez la parole.
    Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui à témoigner au nom du Réseau d'innovation en ressources propres.
    Je suis la directrice générale du RIRP. Je suis également la vice-présidente, technologie et innovation, de Canadian Natural Resources Limited, quatrième investisseur en importance au Canada en R-D, toutes industries confondues en 2016, et premier investisseur dans le secteur pétrolier et gazier.
    Tous les jours, nous appuyons nos décisions sur des données et des faits. C'est pourquoi nous voulons pouvoir compter sur l'intégrité et la pertinence des données. Nous devons savoir toutes sortes de choses, ce qui peut être difficile: quel est notre objectif; que devons-nous mesurer pour savoir si nous avons atteint notre objectif; quels sont les principaux indicateurs que nous pouvons mesurer pour assurer un contrôle et confirmer que nous progressons vers notre objectif; quels outils nous pouvons utiliser pour analyser les données qui nous permettront de prendre des décisions en vue de l'atteinte de notre objectif; et quelles mesures de contrôle nous pouvons prendre pour continuer de réaliser notre objectif ou le dépasser.
    L'objectif du RIRP est que le Canada devienne un chef de file mondial en ce qui concerne la production propre d'hydrocarbures, de l'extraction jusqu'à l'utilisation. Le RIRP est un réseau. Nous sommes le centre nerveux qui unit des organisations innovatrices incroyables, par exemple des universités, des industriels, des organes de recherche gouvernementaux, des entrepreneurs, des incubateurs, des accélérateurs et des financiers de partout au Canada.
    J'ai consulté les rapports de votre comité et je sais que vous comprenez que le secteur énergétique du Canada est un exemple de réussite en matière d'innovation, et vous croyez que cela va continuer. Nous, représentants de l'industrie, par l'intermédiaire du RIRP, accélérons la commercialisation des technologies en créant un bassin de technologies, en parlant de nos lacunes ouvertement et en détail comme jamais auparavant. Les données que nous obtenons de la COSIA — l'Alliance pour l'innovation des sables bitumineux — ont révélé que nous pouvons améliorer considérablement la qualité des solutions proposées lorsque nous faisons les choses de cette façon.
    Lorsque nous, l'industrie, prenons des mesures pour commercialiser une technologie avec un entrepreneur, nous cherchons immédiatement à atténuer les risques liés à cette technologie et nous facilitons le financement, que l'on parle de fonds privés ou gouvernementaux. Les technologies propres canadiennes peuvent être commercialisées à l'échelle mondiale et permettront d'édifier une économie canadienne forte, compétitive, diversifiée et à faibles émissions de carbone.
    Même dans les temps difficiles, nous avons continué d'investir dans la technologie et l'innovation. En 2016, le secteur pétrolier et gazier a utilisé 75 % des 2 milliards de dollars investis au Canada dans la recherche sur les technologies propres. Selon le rapport L'état des lieux, les investissements en R-D ont augmenté dans le secteur pétrolier et gazier de 1 400 % entre 2009 et 2015, alors qu'ils diminuaient à l'échelle du pays.
    Pour accélérer la commercialisation, il est absolument fondamental de s'appuyer sur les connaissances produites par d'autres. Jusqu'ici, ce n'est pas quelque chose que nous faisons bien au Canada. D'un bout à l'autre du pays, j'ai vu de nombreux cas où nos organisations de recherche inventaient la même chose à tour de rôle.
    Notre pays ne peut se permettre de gaspiller des ressources humaines, du capital financier ou même du temps. C'est en renforçant la compréhension des priorités et des lacunes du secteur, en améliorant les liens et en favorisant les échanges de connaissances dans l'ensemble du réseau que nous permettrons aux innovateurs, aux gouvernements, aux établissements d'enseignement, aux investisseurs et aux utilisateurs de mettre leurs efforts en commun. Ainsi, nous pouvons utiliser de façon plus efficace et efficiente notre temps, notre argent et notre talent et obtenir de meilleurs résultats.
    L'objectif pour 2050, selon le World Business Council on Sustainable Development, c'est que les neuf milliards de personnes qui vivront sur la planète y vivront bien et respecteront ses limites.
    La demande de combustibles fossiles va probablement diminuer dans les pays membres de l'OCDE, mais on prévoit qu'elle va augmenter pour l'ensemble des sources d'énergie dans les pays non membres. Le Canada doit jouer son rôle habituel et répondre à la demande énergétique accrue sur la scène mondiale. Imaginez la réduction éventuelle des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale lorsque les technologies mises au point au Canada — des technologies qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre de 20 %, de 40 %, de 60 %, de 80 % ou même de 100 % — seront adoptées dans le monde entier.
    La technologie et l'innovation nous permettent non seulement d'être compétitifs à l'échelle mondiale dans le domaine des technologies à faibles émissions carboniques, mais aussi de jouer un rôle de premier plan dans la réduction des émissions au Canada et à l'étranger. Nous voulons que l'ensemble des ressources énergétiques du Canada — renouvelables et non renouvelables — soient utilisées au Canada et à l'étranger, grâce au savoir-faire canadien.
    L'innovation dans le secteur pétrolier et gazier est notre force. Cette innovation peut engendrer un nouveau secteur des technologies propres visant à régler certains des problèmes mondiaux les plus importants liés aux combustibles fossiles non renouvelables. Le secteur pétrolier et gazier du Canada entre dans une nouvelle phase. Il perturbe les règles du jeu, et les effets progressifs de l'innovation et de la technologie commencent à se faire sentir. Le rôle de chef de file du Canada comme exploitant responsable de nos ressources naturelles n'est plus à prouver. L'innovation permettra au Canada de devenir un fournisseur d'énergie responsable à l'échelle mondiale et de répondre à des besoins croissants tout en réduisant de façon notable les émissions de gaz à effet de serre.
(0905)
    En réaction au rapport du comité d'experts sur la modernisation de l'Office national de l'énergie, l'Association canadienne des producteurs pétroliers a tenu à exprimer la position du secteur sur les données sur l'énergie.
    Le secteur fournit une quantité importante de données au gouvernement, par exemple à Statistique Canada, à Environnement et Changement climatique Canada, à Ressources naturelles Canada, à l'Office national de l'énergie et aux autorités provinciales. Nous pouvons utiliser plus efficacement les données mises à la disposition du public et du gouvernement. Les données sur l'énergie fournies au gouvernement devraient être regroupées et rationalisées de façon à éviter les doublons au niveau fédéral. Le gouvernement fédéral devrait également s'efforcer d'échanger des données et de l'information avec les autorités provinciales et ainsi optimiser la valeur de l'information et des analyses déjà à sa disposition.
    L'un des problèmes les plus importants dans le domaine de la technologie et de l'innovation, c'est l'absence de données en temps réel. C'est un obstacle pour l'ensemble de l'écosystème de l'innovation, y compris pour le gouvernement. Le gouvernement est un partenaire efficace du secteur, mais, même s'il s'acquitte bien de la tâche de surveiller les résultats financiers, il a beaucoup plus de difficultés à documenter et à suivre les résultats en matière d'innovation. Les mesures traditionnelles comme les brevets et les programmes de recherche scientifique et de développement expérimental ne suffisent pas à brosser un portrait global de la situation. Par exemple, de plus en plus, le secteur ne brevette pas les technologies. Au lieu de cela, il les place dans le domaine public afin que l'ensemble du secteur puisse en tirer parti.
    Les données utilisées dans les rapports L'état des lieux du CSTI remontent à plusieurs années. Nous devons savoir où nous en sommes présentement et où nous allons. Nous avons besoin d'une plateforme pour communiquer les données et pour effectuer des recherches en temps réel, une plateforme qui analyse les données et qui met en relation toutes les supergrappes et tous les innovateurs afin de brosser un portrait global de l'innovation au Canada. Nous avons besoin d'une connectivité en temps réel qui englobe toutes les activités de R-D, y compris les activités qui se déroulent dans les entreprises de moins de 20 employés, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ces entreprises font beaucoup de R-D au Canada, et il faut les prendre en considération et les connecter au reste de l'écosystème.
    Les données statistiques traditionnelles sont toujours importantes, mais nous devons à tout moment pouvoir prendre le pouls de l'écosystème de l'innovation au Canada afin de savoir si nous avons atteint ou presque atteint notre objectif, transformer nos PME en grandes entreprises multinationales qui aideront le Canada à diversifier son économie et à créer des emplois.
    Chaque jour, notre secteur crée des technologies novatrices révolutionnaires. Nous avons des technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous créons de la valeur. Pour ces raisons, je suis fier de travailler dans le secteur pétrolier et gazier.
    Si vous me demandez pourquoi je suis fier de travailler dans le secteur pétrolier et gazier, je vous répondrai que c'est parce que je suis au courant des faits. Le Canada et le reste du monde ne connaissent tout simplement pas suffisamment les faits, et c'est pourquoi de fausses informations circulent à propos de notre secteur. Des renseignements non fondés sont diffusés à grande échelle et ternissent la réputation des gouvernements, de secteur et des gens qui travaillent dur dans le secteur pétrolier et gazier. Il est donc important pour nous d'avoir des données à jour, exactes et concrètes dont toutes sortes de publics pourront se servir, autant au Canada qu'à l'étranger.
    Même s'il est important d'avoir de bonnes données, il est encore plus important de les utiliser correctement. Il revient au gouvernement et au secteur de faire connaître notre histoire. La dernière partie de tout plan consiste à trouver une façon de raconter notre histoire aux gens et de renouveler leur confiance envers le Canada et le secteur énergétique canadien.
    Selon moi, la meilleure chose que le gouvernement puisse faire pour collaborer avec notre secteur serait de mettre au point une plateforme durable pour la communication de données où les recherches peuvent être effectuées en temps réel. La plateforme doit analyser les données et être connectée à toutes les supergrappes et tous les innovateurs afin de brosser un portrait fidèle de l’innovation au Canada. Ainsi, il sera plus facile de prendre de meilleures décisions et de promouvoir l’innovation. Le gouvernement et le secteur, en finançant l’innovation, en auront plus pour leur argent, et les Canadiens et le monde verront mieux les moyens que prend le Canada pour rester un chef de file dans le domaine des technologies propres qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre produites par les combustibles fossiles non renouvelables. Nous voulons que l’ensemble des ressources énergétiques soient utilisées au Canada et à l’étranger grâce au savoir-faire canadien.
    Merci.
(0910)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Tan, c'est vous qui ouvrez le bal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Joy Romero. Vous avez dit dans votre déclaration que nous n'avions pas de données en temps réel. Selon vous, quels sont les principaux obstacles qui nous empêchent d'avoir accès plus facilement et plus rapidement à des données sur l'énergie au Canada?
    D'après vos notes d'allocution, votre réseau est d'avis que la société tire de plus grands avantages des technologies nouvelles et novatrices lorsque chaque partie du secteur — l'ensemble du secteur pétrolier et gazier — travaille efficacement avec l'autre.
    Vu la nature hautement compétitive du secteur énergétique au Canada, de quelle façon sera-t-il possible, selon vous, de convaincre les acteurs de ce secteur de diffuser leurs données afin que l'industrie fonctionne plus efficacement?
    La collaboration dans notre secteur ne date pas d'hier. Par exemple, les entreprises du secteur des sables bitumineux collaborent depuis plus de 30 ou 40 ans. Nous collaborons et communiquons de façon très étroite, par exemple en ce qui concerne l'innovation dans les technologies des sables bitumineux du Canada. Nous nous sommes engagés à ce que toutes les technologies puissent être utilisées ouvertement par tout le groupe.
    Nous nous sommes aussi rendu compte que nous pouvons obtenir des solutions beaucoup plus efficaces, par exemple en ce qui concerne nos besoins liés à la réduction des gaz à effet de serre, lorsque nous rendons les données accessibles au public. Nous montons des projets pilotes pour près de 30 % des solutions proposées, alors qu'en temps normal, la proportion tourne autour de 2 %. Nous recevons une solution et, dans les trois à six mois suivants, nous publions des données très claires pour le public, et nous obtenons des solutions encore plus efficaces en retour.
    Les avantages de cette façon de fonctionner l'emportent sur la compétitivité; au Canada, nous ne sommes pas en concurrence les uns avec les autres. Nos concurrents appartiennent à d'autres groupes. Par exemple, si le prix est de 20 $ à Eagle Ford, nous essayons de trouver une façon de produire à 20 $ au Canada. Nous croyons qu'il est possible de produire à 20 $ en émettant beaucoup moins de gaz à effet de serre. Rien que pour l'exploitation des sables bitumineux, nous en sommes déjà à moins de 5 % d'un baril moyen. Cela vaut aussi pour les barils moyens à l'échelle mondiale. L'empreinte carbonique du secteur pétrolier et gazier du Canada est déjà très faible.
    Nous savons déjà que nous sommes très efficaces lorsque nous collaborons. Cela n'est rien de nouveau. La nouveauté, présentement, c'est que cinq supergrappes sont en train de se former au Canada, par exemple. Chaque supergrappe — et j'en suis certaine parce que j'ai discuté avec chacune d'entre elles, le RIRP étant une supergrappe subventionnée par des organisations non gouvernementales — est en train de mettre au point des plateformes de communication et des plateformes d'échange de données.
    Si chaque supergrappe continue de travailler dans son coin, nous allons nous retrouver avec cinq plateformes de communication différentes et dissociées, sans compter que la plateforme du secteur des technologies propres de Ressources naturelles Canada est déjà en cours d'élaboration. Nous pourrions regrouper toutes ces plateformes en une plateforme nationale, parce que nous savons ce qui arrive aux organisations parrainées par le gouvernement. Qu'on le veuille ou non, à un moment donné, certaines supergrappes vont disparaître. Lorsque cela va arriver, qu'adviendra-t-il de leurs données et de leurs plateformes d'échange?
    Le Canada doit faire preuve de leadership et créer et développer une plateforme durable pour la communication et l’échange de données en matière d’innovation. Même si de nouvelles organisations gouvernementales, des accélérateurs ou des supergrappes apparaissent, nous pourrons toujours compter sur une base de données permanente, comme celle dont Kathleen parlait. L’absence d’une telle base de données nous nuit à tous. Tout le monde pourra tirer parti de la connaissance qui s’y trouve, pourvu que nous puissions y ajouter des jeux de données ouverts. Les données sont protégées par la personne qui les a produites. Ces mesures de protection sont en place. Il est vital que nous puissions prendre ces données, les diffuser et les utiliser. C’est ainsi que nous créons des choses. Nous pouvons collaborer, mais si les données ne sont pas échangées, la collaboration ne sera ni concrète, ni réelle.
(0915)
    Merci.
    Ma deuxième question s'adresse à l'Académie canadienne du génie. Je suis content d'apprendre que votre modèle a été utilisé dans 17 pays.
    Après avoir écouté votre témoignage et ceux des autres témoins, il semble que le besoin de mettre sur pied un nouvel office canadien de renseignement énergétique est de plus en plus pressant. D'après ce que vous avez vu dans le cadre des activités de l'Académie, à quel point est-il important et urgent pour le Canada de se doter d'un office national d'information sur l'énergie? Il sera sans doute très coûteux de mettre sur pied un office d'information ou d'administration de ce type. Avons-nous les moyens d'établir et de maintenir ce genre de système?
    C'est crucial pour un grand nombre de raisons. Nous ne sommes pas les seuls au Canada qui élaborons des modèles. Il existe d'autres équipes de modélisation très compétentes; elles ont le même problème que nous. Les équipes de modélisation doivent s'appuyer sur les analystes en énergie. Nous avons tenu quelques réunions à l'Université de Montréal avec différents intervenants. Tout le monde était d'accord pour dire que c'est quelque chose de nécessaire.
    En ce qui concerne la forme, le budget et tout le reste, je n'ai pas étudié la question, alors je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus. Idéalement, ce devrait être une version miniature de l'Energy Information Administration des États-Unis. Nous savons que nous ne pouvons pas créer quelque chose d'aussi grand, et que cela ne peut pas être mis sur pied du jour au lendemain, mais il nous faudrait quelque chose de similaire.
    Kevin pourra peut-être vous présenter une ébauche de budget.
(0920)
    L'un des documents mentionnés dans notre mémoire est un article de Michael Moore intitulé « A Proposal to Create a Pan-Canadian Energy Information Organization », où il propose de créer une organisation pancanadienne d'information sur l'énergie. Selon cet article, l'EIA des États-Unis avait un budget annuel de 122 millions de dollars américains à l'exercice 2016. Selon moi, une organisation similaire au Canada devrait avoir un budget moins élevé. Je ne sais pas si vous voulez utiliser le modèle du « un dixième » que j'utilise tout le temps, mais je crois que si l'on prend en considération l'ensemble des problèmes au Canada et dans le monde, 13 millions de dollars par année, ce n'est pas beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Falk.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus ici ce matin pour nous présenter vos témoignages. Nous avons appris beaucoup de choses.
    Madame Vaillancourt, dans votre exposé, vous avez dit que vous avez accès à des données, mais qu'il y a beaucoup de données contradictoires. Pouvez-vous donner au Comité des exemples de données contradictoires?
    Il y en a à différents niveaux. Parfois, je crois que c'est parce que certaines organisations mettent leurs données à jour plus tôt que les autres. Par exemple, l'Office de l'efficacité énergétique utilise les données de Statistique Canada, mais, si Statistique Canada met à jour ses données plus souvent que l'Office, les données relatives à la consommation pétrolière dans un secteur seront différentes.
    Il y a aussi beaucoup de contradictions entre les sources de données provinciales et nationales. Il arrive parfois que les données sont complètement incompatibles, autant en ce qui concerne l'énergie que les émissions. L'inventaire des émissions du Québec ne reflète pas du tout la section sur le Québec du rapport d'inventaire national. C'est pourquoi il est très difficile d'établir des correspondances entre les données.
    Il serait donc utile d'établir des normes pour les rapports.
    Oui, aux échelons provincial et national.
    Très bien.
    Lorsque vous calculez la diminution des gaz à effet de serre dans une industrie ou dans un secteur, prenez-vous aussi en considération la séquestration assurée par nos grandes forêts et la végétation naturelle?
    Ce serait possible. Nous n'avons pas pris cela en considération dans le Projet Trottier pour l'avenir énergétique, mais ce serait possible, dans nos modèles. Habituellement, nous travaillons en collaboration avec des gens dont les modèles sont mieux adaptés à cela, mais nous utilisons dans nos modèles leurs données sur la courbe des capacités de séquestration.
    Pouvez-vous obtenir des données exactes sur cette ressource?
    Je m'y connais moins dans ce domaine, mais je suis convaincue que c'est aussi un problème, puisque nous utilisons les résultats des autres modèles pour ce secteur.
    Vous avez dit que certains secteurs ne fournissent pas des données acceptables, comme les secteurs du biocombustible et de l'énergie éolienne. Est-ce vrai aussi pour le secteur de l'énergie solaire? Avez-vous des données sur l'énergie solaire?
    Tout dépend du genre de données. Nous avons de l'information sur toutes les centrales à énergie éolienne ou solaire du Canada. Ce n'est pas un problème. Cependant, le bilan énergétique produit par Statistique Canada pour tous ces types d'énergie, la production, l'importation, l'exportation, la conversion en énergie et le secteur d'utilisation finale... Je ne l'ai pas consulté récemment, mais il n'y est jamais question des sources d'énergie émergentes. Même un biocarburant comme l'éthanol n'y était pas mentionné. Il est uniquement question des sources de données classiques.
    Je crois également que les données sur l'électricité renouvelable sont regroupées. Il n'y a qu'une seule colonne, alors il faut les interpréter différemment.
    D'accord.
    Selon vous ou selon votre organisation, comment devrions-nous procéder? À quoi ressemblerait une bonne source de données claires, fiables et accessibles?
    Nous devrions avoir un bilan énergétique exhaustif ventilé par province, pour commencer. Pour l'instant, nous n'avons rien d'autre. Nous essayons de combler les manques en regardant les années précédentes. Les X ne sont pas toujours au même endroit d'une année à l'autre. Nos amis et collègues de whatIf? Technologies ont un modèle de simulation qui couvre une plus longue période que le nôtre. En nous appuyant sur les données des années précédentes, nous pouvons essayer de combler les manques. Nous pourrions utiliser l'information des années où il y avait plus de données. Nous pourrions faire des références croisées et utiliser d'autres trucs pour...
(0925)
    Madame Romero, j'ai quelques questions à vous poser à vous aussi.
    Vous avez parlé, dans votre exposé, des données en temps réel. J'imagine que votre secteur fournit une quantité monstre de données, que ce soit aux échelons municipal, provincial ou fédéral. Tout le monde veut consulter vos données. Croyez-vous que l'industrie pourrait trouver de meilleures solutions si les données étaient regroupées?
    Oui, pourvu que les données soient regroupées et comprises ou calculées de la même façon. Il ne faut pas négliger l'importance des différences entre les données provinciales et les données fédérales. Ce qui est bien, avec notre secteur, c'est qu'absolument tous les points de mesure de nos centrales et de nos installations font l'objet d'un compte rendu. Tout est ouvert. Cependant, ce n'est pas toujours le cas pour les calculs, et quand ils sont communiqués aux gouvernements provinciaux... nous avons des normes pour les calculs. C'est important. Il y a des comptes rendus mensuels pour nos données opérationnelles et tout ce genre de choses. Nous avons un accès en temps réel à ce genre de choses, mais ce n'est pas aussi facile à trouver que ce devrait l'être pour des gens comme Kathleen.
    Le problème que nous avons, comme secteur, tient à la façon dont les données sont utilisées ou reçues. Si les données ne sont pas comprises à la source, elles risquent d'être mal interprétées, en particulier lorsqu'elles sont utilisées dans divers types de modèles. C'est que les gens doivent prendre des décisions et que le processus n'est pas nécessairement transparent. Je crois sincèrement que nous pouvons mieux faire en regroupant ce genre de données.
    Quand il est question des données en temps réel de grands secteurs comme le nôtre, la situation est simple, mais c'est plus compliqué lorsqu'il s'agit des données en temps réel des petites entreprises novatrices... À dire vrai, la majorité des entreprises au Canada sont des PME, et les données qu'elles produisent sur leurs activités d'innovation et d'amélioration des nouvelles technologies ou même à leurs processus opérationnels sont pratiquement introuvables.
    J'imagine que, pour les petites entreprises, c'est un fardeau de fournir des données et cela représente une partie importante...
    C'est le cas.
    ... de leur coût d'exploitation total. Croyez-vous qu'il y aurait un moyen, dans l'avenir, pour ce genre d'entreprise de fournir des données à un coût raisonnable?
    Même s'il s'agit d'une petite entreprise, si elle est en activité, elle doit produire un bilan de matière et d'énergie... excusez-moi, je suis aussi ingénieur.
    Il est impossible d'exploiter une entreprise efficacement sans produire de données. Ce qui est important, c'est que les données soient facilement communiquées et accessibles. Avoir un entrepôt central permet de regrouper les données.
    Ce n'est pas difficile. Toutes les entreprises en activité produisent un document résumant leur rendement sur une base mensuelle, sinon hebdomadaire. La plupart d'entre nous ont un processus de contrôle ou quelque chose du genre. Avec des données en temps réel, nous pouvons prendre des décisions à n'importe quel moment et prévoir avec plus d'exactitude ce qui s'en vient.
    Quand je travaillais avec le Conseil des sciences, de la technologie et de l'innovation et que nous étudiions les données pour le rapport L'état des lieux — quelque chose qui ressemble à beaucoup de documents que nous avons ici —, la question était de savoir où trouver les données et comment formuler les objectifs. Les données tirées de Statistique Canada sont vieilles. C'est une source de données fantastique, mais les données ne sont pas d'actualité.
    Maintenant, à la vitesse à laquelle se fait l'innovation, si vous voulez connaître la situation actuelle au Canada ou quelles sont les possibilités d'avenir, vous devez savoir ce qui se fait au Canada aujourd'hui. Si, comme Kathleen l'a dit, il y a un nouveau processus pour produire de l'aluminium sans émettre de gaz à effet de serre — je crois que c'est ce qu'elle a dit —, mais qu'il n'y a pas de données à ce sujet dans votre modèle pour l'avenir du Canada, votre modèle ne sera pas fidèle à la réalité et la situation actuelle et future du Canada paraîtra beaucoup plus sombre.
(0930)
    J'ai d'autres questions, mais j'ai l'intuition que le président va me dire que je suis à court de temps.
    Quelle perspicacité.
    Monsieur Cannings, c'est votre tour.
    Merci, et merci à tous ceux qui sont avec nous aujourd'hui.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Vaillancourt. Ma question concerne la diffusion des données et les données ouvertes. C'est quelque chose dont nous avons beaucoup entendu parler aujourd'hui et au cours des dernières séances. Dans mon ancienne carrière en écosystémologie, j'ai vu à quel point il pourrait être frustrant, à tous les niveaux, de chercher des données. Parfois, il fallait débourser des sommes exorbitantes pour les obtenir, et dans d'autres cas, comme Mme Romero l'a mentionné, les données étaient envoyées en retard et étaient incomplètes.
    Il existe des différences entre les provinces. Je sais qu'en Colombie-Britannique, il était facile d'obtenir des données cartographiques. Parfois, cela coûtait beaucoup d'argent, mais je pouvais aller aux États-Unis et obtenir tout ce dont j'avais besoin rapidement et gratuitement. En Alberta, il fallait débourser des centaines de dollars simplement pour obtenir une carte des limites municipales.
    Je me demandais si vous pouviez nous dire s'il ne faudrait pas conclure une sorte d'entente pancanadienne sur la communication des données. Est-ce que cela atténuerait notre problème de données sur l'énergie? J'aurai d'autres questions sur d'autres problèmes, ensuite, mais je veux avant tout savoir si, selon vous, cela pourrait nous aider dans l'avenir.
    Oui. Nous avons aussi discuté et beaucoup entendu parler de transparence. C'est un besoin réel. Cela nous permettrait en outre de dire que nos modèles sont documentés, puisque présentement, nous devons tirer nos données de-ci et de-là, d'innombrables sources de données. Chaque fois que quelqu'un me demande si des documents ont servi à élaborer la base de données, je réponds: « Non, je n'ai pas de temps pour cela. » Ensuite, on me demande: « Où avez-vous obtenu ces données? » Je réponds: « Ici et là. » Ce serait plus facile s'il y avait un entrepôt central réunissant des données transparentes et accessibles au public.
    Le problème, je crois, c'est que les données du secteur industriel sont confidentielles, en particulier lorsqu'une entreprise n'existe que dans une province. Si cette entreprise publie ses données, tout le monde saura d'où elles viennent. Dans le même ordre d'idées, nous avons mené beaucoup de projets avec le secteur, et nous avons accès à ses données, mais nous ne pouvons pas les rendre publiques. Dans certains cas, nous ne pouvons pas les utiliser pour le projet suivant.
    Je ne suis pas sûre qu'il soit possible de convaincre le secteur d'afficher publiquement ses données. Cependant, il pourrait certainement tirer parti des résultats des analyses. Par exemple, si nous avons des données sur une nouvelle technologie permettant de produire de l'aluminium tout en contribuant grandement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, c'est bon pour le secteur. Si le secteur en sait davantage sur ce que nous faisons et sur la façon dont il peut tirer parti de nos résultats, je suis sûre qu'il sera disposé à communiquer ces données.
     Madame Romero, en ce qui a trait à la nature exclusive de certaines de ces données, nous avons la COSIA qui nous permet d'échanger des idées et des résultats en matière d'innovation, mais il y a aussi des cas où les entreprises veulent retenir un certain nombre de données. Je me demande simplement si vous avez une idée de la façon dont le Canada se compare, par exemple, aux États-Unis au chapitre des données exclusives et de la gestion de l'information sur l'énergie dans ce pays, et de ce que nous pouvons faire au Canada pour améliorer cette situation.
    Personnellement, je ne fais pas beaucoup de comparaisons avec les États-Unis ou le Canada. Mais, dans le cadre de mon travail, j'évalue d'innombrables technologies régulièrement.
    Inévitablement, lorsqu'une personne veut échanger quelque chose avec vous, elle vous demande de signer une entente de confidentialité. La toute première chose que je réponds à cela c'est non, je veux qu'on me dise tout ce qui appartient au domaine public et qu'on me convainque de signer une entente de confidentialité. En réalité, pour la majorité des gens, si leurs brevets sont en place, toutes leurs données sont déjà publiques. S'ils parlent de la technologie, ils ont déjà toute une série de brevets et, surtout, les données financières et relatives au rendement sont déjà publiques. Si un professeur publie déjà des ouvrages, ses données sont publiques.
    Je crois qu'il y a beaucoup de faux renseignements quant à ce qui n'est pas public en fait. Lorsqu'il est question des données d'exploitation, comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a pas un seul processus d'exploitation dans une usine qui ne fait pas l'objet d'un rapport au Canada, et ce n'est pas seulement dans le secteur pétrolier et gazier. J'ai travaillé dans les ressources naturelles toute ma vie à l'échelle du pays. Nous faisons preuve de beaucoup de transparence dans nos rapports au pays, donc ces renseignements à propos de ce qui n'appartient pas au domaine public sont en fait trompeurs.
    Toutefois, les données ne sont pas assez regroupées et transparentes pour permettre aux gens de les utiliser. C'est là la différence.
(0935)
    Pour revenir à Mme Vaillancourt, j'aimerais seulement parler de la normalisation des données au lieu de l'échange de données et vous demander à quel point il est difficile présentement d'avoir deux sources de données différentes au lieu d'une et si vous devez souvent manipuler ces données pendant des mois pour qu'elles soient justes. Encore une fois, j'ai travaillé entre les provinces, et c'est l'enfer.
    Vous pourriez peut-être formuler un commentaire à cet égard et me dire en quoi une norme nationale en matière de données pourrait aider.
    Oui, c'est nécessaire également, car c'est notre point de départ. Personnellement, je préfère toujours commencer par les sources de données nationales qui couvrent toutes les provinces, même s'il manque beaucoup d'information, puis je complète avec les sources provinciales. À tout le moins, je commence avec une plateforme uniforme pour toutes les provinces, mais il manque énormément de renseignements.
    Le problème se présente lorsque vient le temps de réaliser un projet pour une province en particulier. Nous travaillons avec le gouvernement du Québec à l'heure actuelle pour l'aider à atteindre sa cible en matière d'émissions de gaz à effet de serre pour 2030 et 2050, et j'ai dû rajuster tout le modèle en fonction de son inventaire d'émissions, qui ne ressemble pas du tout à celui du Canada. J'ai restructuré et renommé presque tous mes secteurs, et il m'a presque fallu préparer un nouveau modèle juste pour cela, qui ne correspond plus au reste du modèle canadien. C'est très compliqué.
    Je vais devoir vous arrêter ici. Je suis désolé.
    Monsieur Whalen.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Goheen, vous avez dit plus tôt lors de votre déclaration liminaire que les États-Unis dépensaient 120 millions de dollars pour l'agence d'information sur l'énergie, et que nous devrions en quelque sorte viser le dixième de cette somme.
    Selon moi, c'est totalement insuffisant. Il me semble que cet exercice doit être adapté non pas en fonction de la population, mais en fonction du travail qui doit être fait. Nous voulons produire les mêmes données. Nous avons pratiquement le même nombre d'exploitants. Notre secteur énergétique compte pour environ 10 % de notre PIB, et le leur, pour environ 5 % de leur PIB.
    Voulez-vous revoir ce commentaire ou apporter d'autres précisions?
    Avec plaisir.
    Ce n'est pas une étude que j'ai entreprise, donc je parle peut-être à tort et à travers.
    D'accord.
    Comme on dit, un ordre de grandeur serait probablement une bonne estimation, donc cela se situerait entre le dixième du budget américain et 10 fois ce budget.
    Des voix: Ha, ha!
    D'accord, très bien. J'aimerais seulement apporter des précisions. Je ne voulais pas que les analystes croient qu'il s'agit d'une évaluation, car cela fait partie d'une de nos questions.
    L'autre question concerne la façon de financer cette mesure.
    J'aimerais simplement m'adresser à vous, madame Romero. Vous avez mentionné une excellente statistique dans votre déclaration liminaire, soit qu'en 2016, 75 % de la recherche sur les technologies propres au pays était financée par le secteur pétrolier et gazier. Cela nous ramène à certains points qui ont été soulevés dans les médias hier par la première ministre Notley contre le chef fédéral du NPD, Jagmeet Singh, selon lesquels le fait de ne pas comprendre que l'économie et l'environnement vont de pair risque de mener à un échec dans les deux cas.
    Existe-t-il une manière d'extraire une partie de cette dépense en énergie propre, une partie de ces fonds de recherche ou certaines contributions de l'industrie pour nous permettre de financer adéquatement une organisation, peut-être à hauteur de 50 à 70 millions de dollars par année, qui pourrait nous aider à mettre à profit la valeur de toutes ces données, de les entreposer de manière appropriée et de créer les outils de données dont ont besoin les Canadiens et l'industrie pour être concurrentiels?
    En tant qu'industrie, nous contribuons à l'économie canadienne. Manifestement, nous serions ravis d'y contribuer davantage. Je crois que l'une des choses qu'il faut comprendre lorsqu'on examine le financement à cet égard, c'est qu'il ne faut probablement pas trouver de nouvelles sources de revenus. Je crois que presque toutes les organisations font quelque chose du genre et y consacrent de l'argent.
    En formant un groupe central et en éliminant ce rôle des innombrables domaines où on procède ainsi, vous ne serez probablement pas loin du montant nécessaire, selon moi. Manifestement, cela doit être fait.
    Mais il est certain que, dans le financement des supergrappes seulement, par exemple, il y a un certain pourcentage accordé pour ces travaux. J'imagine que, au lieu que ce soit fait de manière distincte par chacune des supergrappes, si vous alliez au CNRC, à RNCan et dans des groupes provinciaux à l'échelle du pays, vous verriez que tout le monde fait quelque chose du genre, mais sur une plateforme isolée, chacun ayant ses propres promoteurs. Si vous pouviez rassembler tout le monde et aller chercher l'argent nécessaire, alors, avec tous les nouveaux fonds, tous ceux d'entre nous qui en profitent devraient trouver un moyen...
(0940)
    J'ai entendu dans certains des témoignages plus tôt que près de 86 % du temps des chercheurs dans le domaine des données sur l'énergie était consacré à la collecte de données. Leur travail de production compte seulement pour environ 14 % du temps. Leur facteur d'économie est peut-être de cinq pour un, et ils pourraient en tirer parti dans le cadre de leur travail. Ils doivent tout de même passer du temps à faire la collecte, mais il y a peut-être certaines possibilités d'économie de temps.
    C'est ce dont vous parliez à propos de la consolidation et de la rationalisation à l'échelle du gouvernement pour centraliser les services.
    Même en ce qui concerne la rationalisation, nous nous servons de normes ASTM pour calculer une multitude d'autres choses. Je vais porter le chapeau d'ingénieure encore une fois, mais pourquoi ne pouvons-nous pas établir des normes quant à la façon dont ces choses sont calculées? Cela simplifierait la vie de Kathleen, et on saurait aussi qu'on nous raconte toujours la même histoire.
    À l'heure actuelle, j'entends des choses qui sont illogiques à mes yeux, car les calculs sont faits selon différentes méthodes. Il y a tant de possibilités, et tout cela est gaspillé. Si vous pouvez baliser le processus et éliminer ce qui ne va pas dans le système, je ne suis pas certaine que vous y trouverez beaucoup de nouveaux fonds.
    D'accord.
    Je ne sais pas si, dans la déclaration que vous avez préparée, vous abordez entièrement l'histoire de Titanium Corporation et de son travail en ce qui concerne les émissions de méthane provenant de l'exploitation des sables bitumineux. Je me demande comment l'administration de l'énergie et de l'information au Canada pourrait aider une entreprise comme Titanium à mieux travailler ou simplement aider le Canada à assurer une meilleure surveillance quant à l'atteinte des objectifs. En quoi exactement une telle agence, dans cet exemple particulier, pourrait-elle aider?
    Je connais bien Titanium. J'ai pris part à ses activités pendant 16 ans environ, alors qu'elle faisait progresser ses technologies.
    Il s'agit d'un exemple assez caractéristique d'une infrastructure technologique construite au Canada. Si d'emblée, l'entreprise avait eu accès plus facilement aux travaux disponibles, manifestement, elle aurait perdu moins de temps au début, et sa capacité à communiquer...
    C'est excellent. Je veux donner à Mme Vaillancourt la possibilité de répondre à la même question essentiellement.
    En quoi l'administration de l'information sur l'énergie au Canada aide-t-elle votre organisation à faire son travail? Y a-t-il autre chose que les données recueillies aux États-Unis qui pourrait aider, comme des listes d'études scientifiques peut-être, ou d'autres types de renseignements que les États-Unis ne recueillent pas déjà? En quoi cela aiderait-il votre organisation?
    Cela nous aidera, vous et moi, à passer moins de temps à constituer nous-mêmes une base de données censées venir de sources officielles. Particulièrement si les données sont dans un format compatible avec Excel ou d'autres logiciels, tout serait plus facile, car nous pourrions écrire des scripts pour importer ces données automatiquement dans notre modèle plutôt que de les interpréter une à une et d'essayer de combler les vides, et ainsi de suite.
    Y a-t-il un ensemble de données dont ne disposent pas les États-Unis que vous aimeriez avoir?
    Les États-Unis possèdent beaucoup plus de données que nous en ce qui a trait au stock de technologies, donc ce serait une bonne chose si nous pouvions avoir les mêmes données, oui. L'agence internationale, au moyen de l'IRENA, l'agence internationale de l'énergie renouvelable située dans les Émirats, tente de créer quelque chose que l'EIA des États-Unis n'a pas, soit des mémoires technologiques. Pour toute innovation technologique, quelqu'un prend... En réalité, j'en ai déjà fait quelques-uns. Vous prenez un secteur — par exemple, une raffinerie, un réfrigérateur ou des appareils propres au secteur — et vous rédigez un mémoire dans lequel vous décrivez les différentes versions de la technologie en ce qui a trait à son efficience, à son coût et à la façon dont les coûts pourraient évoluer avec le temps. On écrit deux ou trois pages pour chaque technologie. Cela devrait arriver sur le marché tôt ou tard. Personne ne dispose vraiment de tels documents.
(0945)
    Merci beaucoup.
    C'est parfait. Merci.
    Merci à vous trois de vous être joints à nous ce matin. Vos exposés étaient très utiles et très informatifs. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons.
    Nous allons suspendre la séance pour deux minutes et nous préparer à recevoir nos prochains témoins.
(0945)

(0950)
    Nous sommes prêts à reprendre.
    Nous avons avec nous, par vidéoconférence, Karine Péloffy, directrice générale du Centre québécois du droit de l'environnement. Nous sommes en compagnie de Patrick DeRochie, de Protection environnementale.
    Vous disposerez chacun de 10 minutes pour présenter votre déclaration liminaire, puis nous passerons à la période de questions. Vous pouvez faire votre exposé et répondre aux questions en français et/ou en anglais, car il y a des oreillettes servant à l'interprétation à votre disposition si vous en avez besoin.
    Monsieur DeRochie, pourquoi ne commençons-nous pas par vous, puisque vous êtes ici présent?
    Bonjour, monsieur le président, madame la vice-présidente, monsieur le vice-président et membres du Comité. Merci de me donner l'occasion de commenter la situation des données nationales sur l'énergie au Canada et de formuler mes recommandations aux fins d'améliorations futures.
    Je m'appelle Patrick DeRochie. Je suis responsable du programme climat et énergie, à Protection environnementale du Canada. Nous nous portons à la défense de l'eau potable, d'un environnement climatique sécuritaire et de collectivités saines, et nous proposons et inspirons des changements au sein du gouvernement, dans les entreprises et chez les personnes pour assurer une vie plus saine, plus écologique et plus prospère pour tous.
    Aujourd'hui, les recommandations de mon exposé porteront sur trois aspects clés: premièrement, améliorer la collecte et la qualité des données sur l'énergie et sur le climat, de même que leur indépendance et leur harmonisation au sein des ministères, des organismes, des provinces et des territoires; deuxièmement, harmoniser les données nationales sur l'énergie avec les engagements nationaux et internationaux du Canada en matière de climat; et troisièmement, améliorer les données nationales sur le transport ferroviaire de pétrole.
    À l'heure actuelle, les Canadiens, y compris les entreprises, l'industrie, les universitaires, les gouvernements et les ONG comme celui pour lequel je travaille, n'ont pas suffisamment de données de grande qualité sur l'énergie et le climat. Nous dépendons des données du gouvernement du Canada, qui sont limitées, incomplètes et non transparentes dans ses hypothèses, ou nous avons recours aux données d'autres organismes gouvernementaux, comme l'Energy Information Administration des États-Unis, ou de cabinets privés, comme Rystad Energy. Cela ne sert pas les intérêts nationaux du Canada et n'est pas utile pour les entreprises qui essaient d'investir au Canada, les gouvernements qui tentent d'élaborer de bonnes politiques publiques ou les organisations de la société civile qui essaient de s'assurer que nos systèmes énergétiques protègent l'environnement et la santé humaine.
    Nos systèmes énergétiques changent rapidement. Nous avons besoin de données sur l'énergie et le climat crédibles et fiables afin de prendre des décisions éclairées, transparentes et responsables qui respectent les sciences du climat tout en permettant au Canada de prospérer dans une économie à faibles émissions de carbone.
    À l'heure actuelle, le Canada est le théâtre de querelles interprovinciales et d'impasses politiques en raison de désaccords sur la planification énergétique, les projets de pipeline et l'action climatique. Cela pourrait être évité si nous avions des données nationales sur le climat et l'énergie qui sont indépendantes, harmonisées, facilement accessibles et crédibles pour guider nos décisions.
    Avec ce potentiel de ressources énergétiques renouvelables et illimitées, imaginez ce que le Canada pourrait accomplir avec des données de qualité pour soutenir une transition rapide vers les énergies renouvelables. Imaginez les désaccords que nous pourrions éviter si l'ONE, par exemple, avait un processus d'examen des pipelines qui était fondé sur des données énergétiques et économiques provenant d'un organisme fédéral crédible et indépendant plutôt que sur un modèle économique découlant d'un rapport commandé par une compagnie de pipeline. Imaginez les possibilités économiques qui s'offriraient si nous mettions en place les modèles nécessaires afin de réaliser notre plein potentiel au chapitre des technologies propres et des énergies renouvelables au lieu de nous appuyer sur de vieux modèles relatifs aux combustibles fossiles qui supposent l'échec de l'Accord de Paris.
    Le Canada peut faire de cette idée une réalité, mais il doit commencer par des données sur l'énergie indépendantes, fiables et harmonisées. Pour y arriver, je vais formuler les recommandations suivantes.
    D'abord, il faut donner suite à la recommandation du groupe d'experts sur la modernisation de l'ONE de créer une nouvelle agence canadienne d'information sur l'énergie. L'agence doit avoir une gouvernance indépendante, être ouverte et transparente et disposer d'un mandat visant à fournir un accès public rapide aux données de grande qualité. Elle doit présenter des rapports trimestriels sur les sources énergétiques, l'offre, la demande et la consommation en aval, et elle devrait mettre à disposition des experts gouvernementaux indépendants qui peuvent agir à titre de témoins experts dans le cadre d'audiences relatives à des projets sur l'énergie.
    En outre, le Canada doit s'assurer que les données sur l'énergie sont gratuites, transparentes et accessibles au public, qu'elles sont très détaillées et qu'elles peuvent être analysées et ventilées. Nous devons réduire le délai entre la collecte et la publication des données sur l'énergie. Par exemple, je viens de consulter ce matin le site Web de Statistique Canada pour suivre l'offre des produits pétroliers raffinés au Canada, et les données les plus récentes que je pouvais obtenir remontaient à février, alors elles datent d'il y a déjà trois mois.
    Une des recommandations clés que j'aimerais souligner, c'est la nécessité d'harmoniser les données nationales sur l'énergie avec les engagements nationaux et internationaux sur le climat. Comme vous le savez, le Canada a signé l'Accord de Paris pour limiter le réchauffement de la planète à 2 °C et viser 1,5 °C. En vertu de l'Accord, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % sous les niveaux de 2005 d'ici 2030, et sa stratégie pour le milieu du siècle vise une réduction des émissions de 80 % sous les niveaux de 2005 d'ici 2050, alors nous parlons essentiellement de décarbonisation vers le milieu du siècle.
     La ministre de l'Environnement et du Changement climatique a affirmé que ces objectifs sont un plancher, non pas un plafond, car l'Accord de Paris exige une augmentation progressive de l'ambition de la part de pays développés ayant une forte empreinte carbone, comme le Canada.
    Malheureusement, les données sur l'énergie produites par le gouvernement fédéral ne correspondent pas à l'objectif de réduction du carbone qu'il s'est fixé. Chaque année, le gouvernement fédéral de même que des investisseurs et des entreprises dépendent des données sur l'offre et la demande d'énergie du Canada, qui supposent que l'Accord de Paris se soldera par un échec. Je vous rappellerais que l'échec de l'Accord de Paris signifierait que les effets des changements climatiques deviendront catastrophiques et irréversibles. Ce n'est pas seulement moi qui le dis; c'est l'avis général des climatologues dans le monde.
(0955)
    Par exemple, le rapport Avenir énergétique le plus récent de l'ONE, publié vers la fin de 2017, comporte un scénario de modélisation de référence qui suppose que le Canada diminuera ses émissions de seulement 5 % sous les niveaux de 2005 d'ici 2030. C'est seulement un sixième de notre objectif en vertu de l'Accord de Paris. Le scénario de référence suppose également que le Canada aura, en 2030, augmenté son utilisation d'énergie sous forme de combustibles fossiles en général de 9 %. Ce n'est pas du tout en phase avec l'Accord de Paris et les objectifs déjà faibles du Canada en vertu de cet accord.
    Même s'il projette une utilisation de combustibles fossiles qui suppose l'échec de l'Accord de Paris, le rapport Avenir énergétique ne publie pas de scénarios variables quant au prix du pétrole. L'ONE a produit un seul scénario de prix du pétrole en 2017, lequel était assez élevé pour justifier plus de pipelines et une expansion du secteur des sables bitumineux.
    Compte tenu des difficultés auxquelles font face les gouvernements, les collectivités et les familles dont le moyen de subsistance dépend de l'industrie pétrolière, il me semble que le Canada devrait produire des données sur l'énergie qui prévoient des variations du prix du pétrole comme celle que nous avons observée en 2014 avec l'effondrement du prix du pétrole. L'ONE ne rend pas service aux investisseurs, aux entreprises, aux gouvernements et aux travailleurs en n'élaborant pas de scénarios dans lesquels les prix du pétrole demeurent trop bas pour justifier une nouvelle expansion du pétrole et du gaz et un investissement dans les sables bitumineux, comme nous l'observons aujourd'hui.
    Il y a deux ou trois exemples du type de données intégrées sur l'énergie et le climat dont le Canada a besoin pour faire des choix éclairés concernant son avenir énergétique. Supposer que l'Accord de Paris se soldera par un échec est irresponsable. Présumer que l'industrie pétrolière et gazière poursuivra sa croissance pendant des décennies ne concorde pas avec les propres objectifs climatiques du gouvernement. Une agence de l'énergie qui néglige d'élaborer un modèle pour la transition vers une économie à faibles émissions de carbone actuellement en cours partout dans le monde assombrit les possibilités du pays d'exceller dans une économie mondiale à faibles émissions de carbone.
    Il y a de bonnes personnes intelligentes et dévouées qui travaillent à l'ONE, mais elles doivent avoir l'obligation d'inclure des scénarios sur l'offre et la demande d'énergie qui sont harmonisés avec l'Accord de Paris et les objectifs climatiques du Canada en vertu de cet accord.
    Mes derniers commentaires à propos des données nationales sur l'énergie sont un peu plus ciblés, mais néanmoins importants compte tenu de l'ampleur médiatique du dialogue public entourant cette question, et cela concerne le transport ferroviaire de pétrole. Le Canada a récemment vécu des accidents tragiques, comme le déraillement de train à Lac-Mégantic, qui fait du transport ferroviaire de pétrole une question qui divise l'opinion. Les Canadiens ont raison d'être préoccupés par le transport ferroviaire de marchandises dangereuses et inflammables dans leur collectivité. On invoque souvent l'augmentation du transport ferroviaire de pétrole comme raison de construire plus de pipelines en soutenant que le volume de pétrole transporté par pipeline et par voie ferroviaire peut être substitué. Nous entendons souvent des promoteurs de l'industrie, des représentants du gouvernement et certains médias dire ce qui suit: « Si nous ne transportons pas le pétrole par pipeline, il devra plutôt être transporté par voie ferroviaire, ce qui mettra plus de collectivités à risque d'un déraillement. » Mais les données sur le transport ferroviaire de pétrole que nous avons au Canada donnent à penser que ce n'est pas vrai. Si nous voulons être certains, nous devons améliorer considérablement la qualité de nos données sur le transport ferroviaire de pétrole.
    Actuellement, l'ONE publie mensuellement des chiffres sur le volume de pétrole brut canadien qui est exporté aux États-Unis par voie ferroviaire. Toutefois, les données de l'ONE sont présentées de façon agrégée et ne sont pas assez détaillées pour être utiles. Par exemple, l'ONE ne suit ni ne publie l'origine du pétrole brut, sa destination aux États-Unis ou le type de pétrole qui est transporté, que ce soit du bitume, du pétrole brut de synthèse ou du pétrole brut léger.
    Pendant ce temps, Statistique Canada recueille des données sur le transport ferroviaire de combustibles liquides au Canada. Comme dans le cas de l'ONE, il n'y a aucune donnée détaillée sur le type de combustible qui est transporté, sa destination, son origine ou s'il est transvidé dans un pétrolier, un terminal d'exportation, une barge ou un pipeline ou s'il est transporté vers une raffinerie. Statistique Canada utilise une méthode rudimentaire pour suivre les transports ferroviaires est-ouest de pétrole brut au Canada; les chargements de Thunder Bay, en Ontario, destinés à la côte du Pacifique sont classés dans la division de l'Ouest et ceux d'Armstrong, en Ontario, destinés à la côte de l'Atlantique sont classés dans la division de l'Est. En fait, ce n'est pas très utile, et nous ne connaissons pas exactement la destination du pétrole que les trains transportent au Canada ou aux États-Unis.
    Entre l'ONE et Statistique Canada, de même que le Bureau de la sécurité des transports, il y a une pénurie importante d'information accessible au public sur le transport ferroviaire de pétrole brut au Canada. Vu qu'il y a des préoccupations généralisées en matière de sécurité publique, d'économie et d'environnement concernant le transport ferroviaire de pétrole brut partout au Canada, une nouvelle agence d'information sur l'énergie pourrait publier de l'information plus utile et plus accessible. C'est essentiel pour un débat éclairé sur l'avenir du transport du pétrole au Canada. Sans ces données de base sur la quantité de pétrole transporté par voie ferroviaire et sa destination, nous ne pouvons pas protéger adéquatement la sécurité publique tout en veillant au transport sécuritaire des marchandises et des matières premières.
    Les Canadiens ont le droit de savoir ce qui est transporté dans leurs collectivités par voie ferroviaire ainsi que la quantité de marchandises et le moment du transport. L'ONE, Statistique Canada et le BST devraient considérer l'EIA comme un modèle. L'organisme publie chaque mois des données sur le transport de différents types de carburant entre des destinations de la Petroleum Administration for Defence Districts des États-Unis de même que sur les exportations au Canada et les importations du Canada. Souvent, les chiffres de l'EIA ne concordent pas avec ceux que publient l'ONE et Statistique Canada.
(1000)
    Les trois organismes gouvernementaux canadiens devraient également envisager de regrouper toutes les données sur le transport ferroviaire de pétrole brut au sein d'une seule agence, qui serait la nouvelle agence d'information sur l'énergie. Les données recueillies par Statistique Canada et l'ONE, par exemple, devraient utiliser les mêmes classifications, les mêmes paramètres et les mêmes mesures afin de faciliter les comparaisons entre les transports.
    En terminant, j'aimerais remercier le Comité d'avoir entrepris cette étude. S'assurer d'avoir des données et des analyses sur l'énergie de grande qualité est essentiel à un bon processus décisionnel, et c'est particulièrement indispensable dans le contexte actuel d'un système énergétique qui change rapidement. J'ai hâte de lire les recommandations qui découleront de cette étude et de commenter celle-ci.
    Je serais heureux de répondre, au mieux de ma connaissance, aux questions que le Comité peut avoir.
    Merci.
    Merci.
    Maître Péloffy, c'est à vous.
    Je suis désolée, je n'ai pas pu préparer de mémoire scientifique pour mon exposé d'aujourd'hui, mais je vais essentiellement présenter certains des points saillants d'un projet de recherche conjoint et multidisciplinaire sur la façon de traduire nos engagements internationaux en matière de climat en une orientation quant à la façon dont nous évaluons les projets, les politiques et les programmes au pays. C'est un projet qui a été financé par la Fondation Metcalfe.
    Je vais également essayer de ne pas répéter ce que mes collègues ont dit parce que certains des aspects abordés par Mme Vaillancourt et M. DeRochie chevauchent ce que j'allais présenter. Je vais me concentrer principalement sur l'information climatique, qui est, selon moi, l'envers de la médaille de l'information sur l'énergie, dans la mesure où il s'agit des coûts et des dommages qui sont en général encore refilés de manière invisible à l'ensemble de la société. À mon avis, ce qui est considéré comme une analyse économique ici au Canada pourrait être mieux décrit comme une liste d'avantages. À moins que nous divulguions les coûts et les dommages refilés à la société dans le cadre de la privatisation de ces avantages, nous ne faisons que dresser une liste d'avantages sans vraiment effectuer d'analyses économiques.
    J'ai deux remarques préliminaires à faire avant d'aborder le climat. J'imagine que la norme de référence en droit — parce que je suis avocate — pour ce qui est de fournir de l'information serait probablement d'adopter la convention d'Aarhus, qui a été ratifiée par des pays européens. Elle prévoit un droit à l'information et un droit de la personne en matière d'information en ce qui a trait aux questions environnementales.
    J'appuie également, comme l'a souligné M. DeRochie, une des principales recommandations du groupe d'experts sur la modernisation de l'ONE, qui vise la création d'une agence indépendante d'information sur l'énergie qui pourrait fournir des données crédibles et essentielles et des analyses connexes pour guider les politiques et les stratégies en matière d'énergie. Je soutiens sans réserve cette recommandation et je suis un peu triste qu'on n'en tienne pas compte dans la réforme actuelle du droit entreprise par le gouvernement fédéral.
    En bref, je crains que le fait de ne pas avoir de bonnes informations climatiques permette ce que j'appelle la deuxième vague de déni climatique, en ce sens que presque tout le monde s'entend pour dire que le problème est réel — en fait, peut-être pas tout le monde au sud de la frontière —, mais nous ne reconnaissons pas toujours l'ampleur et la vitesse des changements nécessaires afin d'essayer d'éviter les aspects les plus dangereux des changements climatiques. Cela signifie que nous risquons de concentrer nos mesures sur les mauvaises priorités. Nous risquons de nous attacher à faire des réductions en marge en essayant de rendre notre pétrole un peu plus écologique et un peu plus efficace, alors que ce dont nous avons vraiment besoin à l'heure actuelle, c'est un changement transformationnel.
    Nous risquons de figer les infrastructures « à forte intensité de gaz à effet de serre », ce qui fera en sorte qu'il sera presque impossible pour nous de respecter nos engagements dans l'avenir. Par exemple — ce qui fait beaucoup les manchettes ces jours-ci —, le pipeline Trans Mountain actuel se trouve sous terre depuis 1950. Ça fait environ 70 ans. Si nous en installons un autre dans le sol, j'imagine que l'entreprise s'attendra à l'exploiter au cours des 50 à 70 prochaines années, et c'est bien au-delà de l'échéance à laquelle nous devrons avoir atteint une décarbonisation complète. Sans cette information, certaines personnes peuvent proposer que ce pipeline va de pair avec l'environnement. Je pense qu'avoir une bonne information écarterait une affirmation du genre.
    Très brièvement, nous pouvons comprendre les changements climatiques et ce que nous pouvons faire à cet égard en utilisant des modèles. Je suis très heureuse de voir que Mme Vaillancourt a témoigné pour le projet Trottier. Je vais sauter les citations tirées de ce projet que j'allais utiliser.
    En gros, les modèles sont essentiels pour comprendre les systèmes climatique et énergétique. Toutefois, les paramètres, les données et les hypothèses utilisés dans ces modèles influent grandement sur leurs extrants. Dans ce contexte, la transparence est absolument cruciale.
    Je ne vais pas répéter ce que les représentants de l'Institut Trottier ont dit, mais je vais résumer les paroles de Catherine Potvin et des universitaires qui ont publié Rebâtir le système énergétique canadien: Vers un avenir sobre en carbone. La leçon à retenir numéro deux indiquait que les gouvernements devraient « financer la création et l'amélioration de modèles et de scénarios à la fine pointe des connaissances, bien documentés et s'appuyant sur des données et des codes sources ouverts et accessibles à tous ».
(1005)
    Comme il a été mentionné, les modèles qui sont utilisés au Canada, que ce soit par l'Office national de l'énergie ou Environnement et Changement climatique Canada, sont davantage comme des boîtes noires. Ils sont considérés comme exclusifs, et nous ne pouvons pas vraiment voir ce qui est allé dans la machine. Nous recevons seulement un résultat et nous ne pouvons pas vérifier s'il est fiable. Cela entraîne des évaluations des décisions loin d'être idéales.
    Il convient de noter que, dans le cadre de notre projet de recherche, nous avons communiqué avec toutes les équipes qui effectuent des modèles de trajectoires de décarbonisation, comme le Projet Trottier pour l'avenir énergétique. Elles ont toutes été heureuses de nous transmettre leurs données afin que nous puissions les comparer. Le seul qui n'a pas répondu à notre appel est Environnement et Changement climatique Canada. Tout se joue dans les détails, et les détails ne sont pas accessibles.
    En revanche, je dirais brièvement que les pratiques exemplaires dans ce domaine semblent se fonder sur la façon dont le Royaume-Uni appuie sa politique climatique sur des bilans de carbone et sur la façon dont il collabore avec des universités à propos de l'utilisation de modèles. Je vais également faire référence aux ressources du California Air Resources Board, qui semble être plus transparent que ce que nous avons à l'heure actuelle au pays.
    Un autre aspect qui est manquant — je laisse maintenant de côté les aspects techniques — , c'est une analyse de l'économie politique des systèmes énergétiques, des structures du pouvoir, des intérêts directs et ainsi de suite. On a constaté qu'il s'agissait d'un facteur très important dans la transition vers une énergie à faible teneur en carbone en Allemagne, et il semble que ce soit un problème auquel le Canada fait face. Des juristes, comme Jason MacLean, écrivent sur le problème de capture réglementaire. Certains disent maintenant que l'industrie pétrolière a peut-être créé un état profond au sein du Canada. Je crois que ces déclarations méritent une enquête et sont peut-être une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas de bonnes informations.
    Maintenant, je vais essayer d'entrer un peu plus dans les détails; il y a deux questions qui, à mon avis, mettent en évidence d'importantes lacunes dans le système canadien lorsqu'il s'agit du climat. L'une d'elles concerne le carbone attribuable à l'utilisation des terres. À l'échelle internationale, il devient de plus en plus évident que le carbone séquestré dans les forêts et la biomasse est très important, et on reconnaît de plus en plus l'importance des sols comme une très grande source de séquestration de carbone.
    Le Canada, avec son énorme territoire, vient au deuxième rang des pays ayant le plus de tourbières. Nous séquestrons jusqu'à 150 gigatonnes de carbone, et c'est probablement une sous-estimation parce que nous n'avons pas de carte qui indique les tourbières au Canada. Je crois qu'on a commencé à déployer des efforts au Québec et qu'on en déploiera bientôt en Ontario, mais, en général, nous ne savons pas vraiment où elles se trouvent. D'autres administrations connaissent leur emplacement. Une région qui regorge particulièrement de tourbières et qui, par conséquent, est un important réservoir de carbone, c'est la région où on exploite les sables bitumineux.
    Il s'agit d'une question importante. Les États-Unis, sous l'administration Obama, ont mesuré les émissions attribuables à l'utilisation des terres associées à l'exploitation des sables bitumineux lorsqu'ils ont évalué les émissions en amont associées au pipeline Keystone à l'époque. La Californie a également fait la même chose lorsqu'elle a élaboré ses normes de propreté du carburant en évaluant l'ensemble du cycle de vie des carburants au moyen d'un modèle transparent et accessible qui s'appuie sur des codes sources accessibles à tous. Elle n'a analysé que 67 types de pétrole brut canadien, et leurs valeurs d'intensité carbonique sont parmi les plus élevées au monde. Peut-être que certaines valeurs du Nigéria sont supérieures, mais nous avons les valeurs carboniques les plus élevées au monde. Une des raisons, c'est l'importance de ces émissions attribuables à l'utilisation des terres associées à l'exploitation.
    La recherche la plus récente que j'ai examinée, datant de 2015, encore une fois aux États-Unis, indiquait qu'on avait auparavant sous-estimé l'association des gaz à effet de serre à la perturbation liée à l'utilisation des terres. On a prédit que, selon la production prévue dans des mines à ciel ouvert et des installations sur place en Alberta entre 2012 et 2030, le résultat se situerait entre 107 et 187 millions de tonnes de gaz à effet de serre seulement pour la perturbation liée à l'utilisation des terres. Je le répète, aucune administration au Canada n'évalue ces émissions ni ne les mesure, et ces émissions n'ont pas non plus été comprises dans l'évaluation des émissions en amont pour le pipeline Trans Mountain. Je ne vois pas comment une administration étrangère est mieux placée que nous pour évaluer ce qui se passe dans notre pays.
    Un autre exemple...
(1010)
    Je vais devoir vous demander de conclure assez rapidement.
    D'accord.
    Très rapidement — nous pouvons peut-être approfondir le sujet au cours de la période des questions —, les coûts sociaux du carbone sont une façon d'essayer d'évaluer les dommages dans l'avenir associés aux émissions d'une tonne de carbone d'une année donnée pour ensuite l'actualiser afin d'obtenir une valeur actuelle qu'on peut comparer avec les coûts et les avantages d'aujourd'hui.
    C'est largement utilisé dans l'analyse coûts-avantages. En réalité, c'est le fondement de l'étude d'impact de la réglementation pour l'action climatique au Canada. Alors, du moment qu'on l'utilise, je crois qu'une modernisation concrète sera de mise, dans la même veine que ce qu'a recommandé la National Academy of Sciences des États-Unis en 2017.
    C'est controversé, d'abord, parce qu'un climat stable n'est pas une marchandise dont on peut faire le commerce. C'est le fondement des sociétés qui désirent survivre — on pourrait dire —, mais tant et aussi longtemps que l'analyse des avantages économiques demeure à la mode, je crois qu'il est important de placer un coût sur les dommages climatiques et de le faire d'une manière transparente qui montre en réalité les compromis en matière d'éthique et de justice qui s'ensuivent lorsqu'on tient compte de ces aspects.
    Très brièvement...
    Vraiment très brièvement, s'il vous plaît.
    En réalité, je vais m'arrêter ici et en dire plus lorsque je répondrai aux questions si quelqu'un s'intéresse à ce sujet.
    Parfait. Merci.
    Monsieur Serré.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Péloffy et monsieur DeRochie, je vous remercie de vos témoignages, ainsi que de votre travail de recherche et de collecte de données.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur DeRochie.
    Certains témoins nous ont dit que les autres pays sont beaucoup plus avancés que le Canada au chapitre de la collecte de données sur le secteur de l'énergie renouvelable. Êtes-vous d'accord sur cet énoncé? Avez-vous des recommandations de choses spécifiques que pourrait faire le gouvernement pour améliorer la collecte de données dans le secteur de l'énergie renouvelable?
(1015)

[Traduction]

    Une grande partie de ma recherche porte beaucoup plus sur l'industrie pétrolière et gazière que sur le secteur de l'énergie renouvelable. Je peux formuler de brèves recommandations à cet égard, mais je ne connais pas le secteur de l'énergie renouvelable aussi en détail que le secteur des combustibles fossiles. La réponse courte est que, oui, d'autres pays disposent d'information globale de bien meilleure qualité et beaucoup plus fiable et crédible sur l'énergie renouvelable, y compris l'EIA des États-Unis. L'Allemagne et le Royaume-Uni sont également de bons exemples.
    Je crois qu'un aspect que le Canada pourrait améliorer, c'est l'évaluation du partage de l'électricité entre les provinces. On peut réaliser beaucoup d'économies en transmettant l'électricité entre les provinces, par exemple en transmettant de l'hydroélectricité de la Colombie-Britannique et du Manitoba vers les provinces qui utilisent des centrales thermiques à charbon ou des centrales électriques au gaz pour réduire leurs émissions. Cela permettrait aussi à plusieurs provinces de réaliser des économies, car l'hydroélectricité est extrêmement bon marché.
    L'autre chose, c'est que je ne crois pas que nous avons harmonisé le cadre pancanadien avec le potentiel d'énergie renouvelable du Canada. Si vous prenez le potentiel éolien du Canada dans les Prairies, le potentiel solaire dans nombre de régions et le potentiel marémoteur du Canada sur la côte Est, par exemple, nous ne tenons pas vraiment compte de l'utilité qu'ils pourraient avoir en 2030 ou en 2050. Je crois que nous devrions examiner la possibilité économique de créer des emplois associés à l'énergie renouvelable au lieu de porter autant d'attention sur les coûts et les avantages économiques de l'expansion des combustibles fossiles.
    Nous parlons du Nord du Canada et nous regardons le Nord de l'Ontario. Je sais que vous avez travaillé davantage sur l'industrie pétrolière et gazière. Je ne sais pas si vous vous êtes penché sur l'industrie minière ou la possibilité d'exploiter davantage le Nord. Il s'agit d'un potentiel énorme dans l'avenir. Croyez-vous que nous devrions réaliser plus d'investissements dans les données et la géocartographie afin d'essayer d'exploiter ce potentiel dans le Nord et partout au Canada?
    D'abord, je suis désolé de ne pas répondre à votre question en français. Vous avez probablement supposé que je pouvais parler français en raison de mon nom de famille.
    Je ne fais pas beaucoup de recherches sur l'industrie minière. Je recommanderais au Comité de parler à une personne de Clean Energy Canada. Cette année, l'organisme a publié un rapport qui...
    Qu'en est-il du potentiel pétrolier et gazier dans le Nord du Canada?
    La question vise-t-elle à savoir si nous avons besoin de plus de données à cet égard?
    Oui. Nous avons besoin d'investissements pour que le gouvernement obtienne plus de données.
    Je dirais que l'exploration et l'exploitation pétrolière accrues dans le Nord du Canada, que ce soit sur la terre ferme ou dans l'Arctique, ne sont pas négociables. C'est un obstacle. Nous ne devrions pas mener plus d'activités d'exploration pétrolière à l'heure actuelle, compte tenu du fait que le Canada est déjà bien loin de ses objectifs climatiques et qu'il n'est pas près de les respecter.
    Nous devons commencer à nous pencher sur le fait que la demande mondiale de pétrole va diminuer dans un proche avenir. Il n'y a pas que les organismes environnementaux qui le disent, des entreprises comme Shell ont commencé à en parler. On s'attend à ce que la demande mondiale de pétrole atteigne son sommet d'ici 2025. C'est donc une terrible idée de dépenser de l'argent et des ressources pour effectuer plus de prospection de pétrole dans les régions éloignées ou dans l'Arctique. Vous allez simplement finir avec d'autres actifs délaissés, ou de l'argent gaspillé, car nous n'aurons pas besoin de nouveau pétrole si nous respectons nos engagements en vertu de l'Accord de Paris.

[Français]

     Madame Péloffy, pour ce qui est des données sur l'énergie, croyez-vous que, si nous investissons dans une meilleure collecte de données, cela va nous aider à atteindre nos cibles en vertu de l'Accord de Paris?
    Dans un monde idéal, ce serait le cas.
    Si nous avions plus de données, je crois que, à court terme, cela démontrerait à quel point nous sommes loin d'atteindre les objectifs et cela démontrerait que, malheureusement, nous avons probablement plus de problèmes que nous l'avions cru.
    En effet, nous ne comptons pas plusieurs sources d'émissions: les émissions fugitives et les émissions liées aux changements d'affectation des terres. Si nous nous penchions vraiment sur cela, nous nous rendrions compte que notre défi est probablement encore plus grand. Cependant, cela pourrait sûrement nous donner une idée beaucoup plus claire de la direction dans laquelle nous devons aller pour que notre action soit plus efficace.
    Je vais brièvement revenir sur les questions que vous avez posées à M. DeRochie. Moi non plus, je ne suis pas une experte de ce qui se fait dans les autres pays, mais je peux dire qu'au Royaume-Uni, au Danemark et en Allemagne, la transition est beaucoup plus avancée, et je crois que c'est sur la base d'informations et de systèmes d'information beaucoup plus robustes.
    Pour ce qui est d'aller chercher de l'information sur le Nord, j'espère que cela se fera en collaboration avec les peuples qui habitent le Nord. Ils n'ont peut-être pas les mêmes idées sur le développement qu'ils souhaitent. L'une des quêtes d'information devrait, selon moi, chercher à savoir où sont les réservoirs, les fameuses tourbières et les grands réservoirs de carbone, et essayer d'éviter ces endroits pour faire du développement. Si nous allions dans ces endroits, nous risquerions carrément de laisser s'échapper une bombe climatique dans l'atmosphère.
(1020)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Falk.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins de leurs exposés devant le Comité ce matin.
    Monsieur DeRochie, je vais commencer par vous poser quelques questions. Vous avez dit qu'il y avait une moins grande demande de pétrole à l'avenir. Pouvez-vous nous citer une étude qui démontre cela?
    Bien sûr. Je peux citer les études annuelles de Carbon Tracker Initiative. Je peux citer un rapport récent produit par Shell, la société pétrolière.
    Statoil a récemment publié un rapport annuel montrant qu'elle s'attend à une baisse de la demande. Elle a aussi changé son nom pour Equinor, car elle reconnaît que l'avenir reposera sur l'énergie renouvelable. L'entreprise veut se défaire de l'étiquette de société pétrolière.
    Pouvez-vous m'expliquer pourquoi on voudrait continuer d'exploiter les sables bitumineux si on s'attend à une diminution de la demande de pétrole? Vous laissez entendre que c'est jeter l'argent par les fenêtres. Pour quelles raisons ferait-on cela dans un contexte où le pétrole connaît une diminution?
    Comme vous le savez, la majorité des grandes sociétés pétrolières de la planète, que ce soit Statoil, Repsol, ExxonMobil ou ConocoPhillips, se sont en fait retirées des sables bitumineux. Elles ont vendu tous leurs éléments d'actif à des entreprises canadiennes, reconnaissant que ce n'était pas rentable d'investir davantage dans l'exploration et la production. Ces grandes sociétés pétrolières ont déjà laissé tomber les sables bitumineux, admettant qu'il existe des champs pétrolifères ailleurs qui coûtent moins cher à exploiter et dont le pétrole est plus facile à obtenir et à transporter.
    Est-ce attribuable au fardeau de la réglementation qui pèse ici?
    Non. Je dirais que c'est parce que la teneur en carbone des sables bitumineux est une des plus élevées...
    Que diraient les sociétés?
    Elles diraient que c'est parce que le pétrole des sables bitumineux du Canada a une teneur élevée en carbone — elle est parmi les plus importantes au monde — et qu'il est difficile à transporter.
    Je crois qu'elles diraient cela en raison de l'environnement réglementaire au Canada à l'heure actuelle, il n'est pas possible sur le plan économique de poursuivre l'exploitation en ce moment. J'ai rencontré ces gens.
    Je les ai rencontrés aussi, et c'est peut-être ce qu'ils disent, mais je crois qu'ils envisagent une analyse de rentabilisation.
    Exactement. Rien de tel n'existe dans ce contexte.
    Rien de tel n'existe, non pas à cause de l'environnement réglementaire, mais plutôt à cause des coûts liés à la production du pétrole. Il est extrêmement coûteux d'investir dans les sables bitumineux, et c'est un investissement à long terme, donc lorsque les entreprises déterminent où elles mettront leur pétrole en vue de la production actuelle et future de pétrole, qui devient plus limitée, elles vont se tourner vers des régions comme le Texas, comme le bassin Permien, par exemple, où elles peuvent forer pour extraire le gaz de schiste, l'obtenir rapidement; il n'est pas nécessaire d'attendre 30, 40 ou 50 ans pour obtenir un rendement sur le capital investi. Elles vont chercher des endroits comme la Norvège ou l'Arabie saoudite, où il suffit de creuser le sol pour voir le pétrole jaillir. Il n'est pas nécessaire d'avoir d'énormes mines ni d'investir massivement dans des projets in situ comme c'est le cas au Canada.
    Dans l'une de vos recommandations, vous dites que la production de rapports devrait se faire trimestriellement, puis quelques points plus loin, vous dites que le délai est trop long, même si vous avez téléphoné à Statistique Canada ce matin et que vous avez reçu les renseignements trimestriels. Il semble y avoir une contradiction entre ce que vous dites qui ne se produit pas et la réalité.
    Oui, je crois que nous pouvons faire une distinction. Les chiffres de Statistique Canada auxquels nous nous sommes reportés concernaient l'approvisionnement en combustible liquide au Canada. Je pense que cela peut se faire sur une base mensuelle, ce que l'EIA des États-Unis fait déjà.
    Mais vous avez demandé des rapports trimestriels.
    En ce qui a trait aux rapports trimestriels, j'aimerais voir des mises à jour quant à l'harmonisation des cibles du Canada avec notre scénario d'offre et de demande d'énergie. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable de faire ce genre de travail une fois par mois, mais je pense qu'il est logique de le faire chaque trimestre, avec un investissement accru dans l'information sur l'énergie.
    Vous avez aussi dit que vous connaissez bien les solutions relatives à l'eau potable ou que vous avez travaillé dans ce domaine. En Saskatchewan, SaskPower et le gouvernement de la Saskatchewan ont réalisé leur projet de barrage Boundary. Ils ont investi, je crois, 1,4 milliard de dollars en captage du carbone. Qu'avez-vous à dire à propos de ce projet?
(1025)
    Sur le captage du carbone...?
    Non, précisément au sujet du projet du barrage Boundary près de Estevan, en Saskatchewan.
    Je ne peux pas parler de ce projet en particulier. Mon organisation est située en Ontario et elle ne fait pas beaucoup de travaux dans les provinces des Prairies, mais en ce qui concerne le captage et le stockage du carbone en général, ces investissements requièrent des subventions fédérales ou des subventions gouvernementales dans d'autres pays. Rien ne prouve que cela est efficace ou que cela contribue à la réduction des émissions. On ne sait pas si cela peut se faire à grande échelle commerciale. Si nous voulons chercher des moyens de diminuer les émissions, il existe des façons de faire moins dispendieuses qui créent plus d'emplois et plus d'activités économiques; il suffit d'investir dans les énergies renouvelables ou dans l'efficacité énergétique plutôt que dans le captage et le stockage du carbone.
    Vos calculs concernant l'atteinte de nos objectifs climatiques tiennent-ils compte du stockage de carbone engendré par notre grande étendue géographique, nos forêts et notre végétation, comme la tourbe mousseuse dont a parlé Mme Péloffy? Ces aspects sont-ils pris en considération dans vos calculs quant au respect de nos engagements en matière de carbone?
    Non. Ce ne serait pas conforme avec le cadre des Nations unies relatif à l'évaluation des émissions de carbone pays par pays, et le Canada n'est pas responsable de faire cela pour diminuer les émissions. Il ne s'agit que de la forêt existante et du stockage du carbone, donc le simple fait de ne pas couper à blanc une forêt qui stocke le carbone ne constitue pas une action climatique de la part du Canada.
    Je m'en remettrais à Karine pour cette question également, car elle en sait probablement plus que moi au sujet des forêts boréales et de leurs bénéfices sur le plan climatique.
    Certainement. Je vais maintenant adresser mes questions à Karine.
    Karine, vous avez dit que les données canadiennes sur l'énergie étaient difficiles à trouver et que nous n'étions peut-être pas aussi transparents que beaucoup d'autres pays. Sur la côte Est, nous importons beaucoup de pétrole du Moyen-Orient, qui n'est pas assujetti au même environnement réglementaire que nos sociétés pétrolières canadiennes et qui n'adhère pas nécessairement aux objectifs climatiques de l'Accord de Paris. Selon vous, comment cela peut-il avoir une incidence négative sur notre industrie canadienne?
    Je vais répondre à la question au sujet des forêts d'abord, puis je vais m'attaquer à celle-ci.
    Malheureusement, depuis quelques années, en raison des changements climatiques, nous sommes aux prises avec des feux de forêt plus intenses et des infestations d'insectes plus nombreuses, ce qui veut dire que, à l'heure actuelle, nos forêts sont une source d'émissions. Malheureusement, elles émettent et n'absorbent pas. C'est quelque chose que nous devrons possiblement examiner, particulièrement lorsqu'on pense à créer des industries extractives massives dans ces forêts.
    L'incendie de Fort McMurray a causé des dommages s'élevant à près de 9,9 milliards de dollars, il s'agit donc peut-être d'un aspect que nous devrions examiner, et pas seulement du point de vue climatique. À l'avenir, nous devrons étudier la question, car l'Accord de Paris vise l'atteinte d'un équilibre entre les sources et les puits d'émissions, donc, sur le plan technique, si nous apportons des améliorations permanentes, vérifiables et crédibles à des puits naturels, nos actions pourraient peut-être être reconnues, mais il n'y a encore rien à ce sujet dans le cadre de l'accord de Paris.
    Quant au pétrole du Moyen-Orient, je suis en désaccord avec tout ce qui se passe au Moyen-Orient, principalement parce que les femmes comme moi n'auraient pas de droits, mais c'est un enjeu complètement différent. Il demeure que, pour obtenir du pétrole, ils n'ont qu'à creuser un trou dans le sol et le pétrole jaillit; par conséquent, ce pétrole génère beaucoup moins d'émissions de gaz à effet de serre au cours de son cycle de vie que notre propre pétrole. C'est quelque chose que les travaux...
    Êtes-vous favorable à l'importation de pétrole du Moyen-Orient?
    Nous allons devoir conclure, donc pouvez-vous répondre à la question très rapidement s'il vous plaît?
    Je crois que, pendant la période où nous ne pouvons pas éviter l'utilisation du pétrole, nous devrions utiliser les formes de pétrole qui émettent le moins de gaz à effet de serre, mais je suis d'avis que l'on devrait laisser tomber le pétrole le plus rapidement possible.
    Monsieur Cannings.
    Merci à tous les deux d'être venus ici aujourd'hui.
    Je vais commencer par poser une question de haute volée à M. DeRochie, et peut-être que Mme Péloffy pourrait intervenir également.
    J'ai été frappé par votre commentaire selon lequel les bonnes données pourraient mener à moins d'impasses politiques. Je pense que nous aimerions tous que ce soit vrai. Je pourrais peut-être simplement vous donner le contexte. Nous parlons d'un éventuel nouveau système d'information sur l'énergie au Canada. Vous pourriez peut-être nous dire quel type de système d'information pourrait accroître la confiance des gens à l'égard des décisions politiques concernant l'avenir énergétique, tant du côté des gens préoccupés par l'environnement que du côté de ceux préoccupés par l'industrie.
    Par exemple, quelle sorte de données de qualité pourrions-nous envoyer à la Colombie-Britannique et à l'Alberta pour qu'elles soient sur la même longueur d'onde et qu'elles disent oui, nous devrions faire ceci au lieu de cela? J'en demande peut-être trop, mais pourriez-vous nous dresser un portrait général du type de données dont nous avons besoin?
(1030)
    C'est une bonne question. Pourquoi ne pas utiliser Kinder Morgan comme exemple, puisque c'est un sujet tout à fait d'actualité et que vous avez évoqué cette impasse politique entre l'Alberta et la Colombie-Britannique.
    Dans son examen des projets de Kinder Morgan, l'ONE n'a pas tenu compte de la demande mondiale de pétrole ni des scénarios d'approvisionnement dont nous parlons, qui sont harmonisés avec l'Accord de Paris, ainsi qu'avec les politiques et les engagements du Canada. Il n'a pas tenu compte des données économiques qui montrent les coûts et les bénéfices découlant de cet investissement au lieu de solutions de rechange. Il n'a pas pris en considération l'incidence des pétroliers qui circulent le long de la côte de la Britannique. Il n'a pas tenu compte des émissions en aval des projets. Il n'a pas permis le contre-interrogatoire des témoins qui voulaient comparaître et des avocats de Kinder Morgan.
    Il a tenu compte des émissions en amont, mais pas de celles en aval. Le processus entier se résumait à la présentation par Kinder Morgan de données probantes, puis à la réaction des autres intervenants, pour ou contre le pipeline, aux données probantes présentées par Kinder Morgan. Les données probantes n'ont pas été évaluées. Les hypothèses n'ont pas été vérifiées.
    Je crois que nous avons besoin d'une agence d'information sur l'énergie ou d'un organisme de réglementation qui fournit les renseignements de manière indépendante et qui, ensuite, permet aux deux parties, les promoteurs ainsi que le public et les intervenants, de réagir à ces données probantes, crédibles et indépendantes d'une tierce partie, lesquelles pourraient venir du gouvernement et des témoins experts, au lieu de les forcer à réagir avec peu de ressources à un rapport commandé par les promoteurs de l'entreprise, qui, manifestement, ont intérêt à fausser les chiffres et à cacher les ensembles de données qu'ils utilisent.
    Maître Péloffy.
    Je suis d'accord avec tout ce qui s'est dit jusqu'à maintenant. Selon moi, les analyses de solutions de rechange aux projets, aux plans et aux politiques sont une fonction qui serait très importante pour une agence d'information indépendante, car, à l'heure actuelle, il arrive trop souvent que l'élaboration d'un scénario de rechange est laissée entre les mains d'un promoteur qui a tout intérêt à dire que les solutions de rechange au projet ne sont pas faisables ou sont impossibles.
    À quel genre de système pouvons-nous faire confiance? Lorsqu'il est question des données scientifiques, l'examen par les pairs est souvent une méthode digne de confiance. C'est là un des principaux éléments. Assurer l'indépendance de l'institution serait essentiel. Je crois que nous sommes en train de commettre une erreur sur toute la ligne avec la réforme du droit fédéral. Cela devrait être indépendant du gouvernement et de l'industrie, de sorte que nous puissions avoir plus confiance en ce qu'ils font.
    Pour en revenir au fait que nos renseignements actuels ne sont pas transparents et qu'ils sont exclusifs, Thomas, l'apôtre, a cru en Jésus seulement lorsqu'il a vu ses blessures. Je crois que si nous pouvons avoir accès à ces modèles et voir en quoi ils consistent, nous serions plus en mesure de leur faire confiance. Cela vaut mieux que d'entendre quelqu'un nous dire que, même si on n'a pas l'intention de nous dire de quoi il en retourne, nous devrions tout de même aller de l'avant et avoir confiance, puisque le résultat est bon. Cela ne fonctionne plus.
    J'aimerais intervenir sur cette question si j'ai le temps.
    Puis-je la reformuler un peu? Vous avez parlé de données détaillées et d'établissement de modèles. J'aimerais savoir si vous pourriez tous les deux commenter l'importance d'avoir des données détaillées sur lesquelles tout le monde peut s'entendre. Cette agence pourrait établir certains modèles, mais elle permettrait également aux gens d'un côté ou de l'autre d'établir leurs propres modèles, et les données seraient les mêmes.
    J'aimerais laisser la parole à Karine en ce qui a trait à la question des données détaillées, mais je veux formuler un commentaire sur la remarque qu'a passée le député Falk au sujet du système de réglementation. Je dirais que si le système était dysfonctionnel et que nous sommes aux prises avec la présente impasse, c'est parce que nous n'avons pas intégré les données énergétiques et climatiques. Lorsque nous avons évalué ces pipelines, il n'existait pas de cadre holistique obligatoire quant à l'harmonisation des émissions de gaz à effet de serre associées à ces projets avec les cibles du Canada.
    À l'heure actuelle, nous avons encore trois pipelines. Sur la canalisation 3 d'Enbridge, nous parlons de 565 000 barils par jour. Pour ce qui est de l'oléoduc Keystone XL, nous parlons de 830 000 barils par jour, puis pour Kinder Morgan, nous parlons de 600 000 barils de plus par jour. Il s'agit d'environ 2 millions de barils de pétrole de l'Alberta de plus par jour que le Canada souhaite exporter. Comment cela peut-il s'harmoniser avec les objectifs climatiques du Canada? Dans quel monde y aura-t-il une demande pour ce pétrole coûteux à teneur élevée en carbone?
    À moins qu'il y ait réellement en place un organisme de réglementation de l'énergie et une agence d'information sur l'énergie qui fourniront au public l'information quant à la façon dont vous comptez intégrer ces deux intérêts divergents, le dysfonctionnement que nous avons constaté persistera. Un examen réglementaire du pipeline ne devrait pas être un forum où on discute des données climatiques et énergétiques. Ce genre de forum devrait être tenu par une agence indépendante, et non dans le contexte accusatoire de l'examen d'un pipeline.
(1035)
    Maître Péloffy, voudriez-vous commenter cela et nous dire pourquoi il est nécessaire d'avoir de bonnes données pour établir et surveiller notre objectif climatique?
    En ce qui a trait à la précision des données, je poserais la question aux personnes qui établissent les modèles, mais je crois que c'est une bonne chose. L'idée de rendre tout cela public ne vise pas seulement à renforcer la confiance, c'est aussi parce que nous composons avec le problème possiblement le plus complexe auquel nous avons fait face dans l'histoire de l'humanité. Il est forcément profitable de regrouper de nombreuses personnes pour examiner le même enjeu et peut-être en arriver à différents points de vue.
    Je suis d'accord avec ce que M. DeRochie a dit. L'idée des évaluations stratégiques est une des choses importantes qui ressort de toute cette réforme du droit au sujet de l'évaluation environnementale, c'est l'un des aspects qui suscitent un grand consensus au sein de l'industrie, des représentants des peuples autochtones et des organisations environnementales, mais le gouvernement ne semble pas chaud à cette idée. La mise en place d'une agence d'information indépendante permettrait d'alimenter les évaluations stratégiques, de sorte que nous ayons une vue générale des sources de technologies à notre disposition et des technologies qui devraient passer au niveau supérieur. Nous pourrions ainsi éviter ces débats dans le cadre des processus réglementaires ou d'évaluation de l'impact sur l'environnement, qui ne servent pas à cela.
    Merci.
    Madame Ng, vous avez la parole.
    Merci à tous les deux de nous avoir donné votre point de vue aujourd'hui dans le cadre de l'étude.
    Je vais poursuive sur la lancée de mon collègue M. Cannings, soit votre avis sur un système de données qui fournira des données crédibles auxquelles font confiance les Canadiens et tous les intervenants, ceux qui tiennent beaucoup à ce que le pays atteigne ses objectifs en matière de changement climatique de même que ceux qui sont dans les industries et qui feront nécessairement partie de la transition. En effet, au pays, il doit y avoir une transition. C'est la chose responsable à faire.
    Avez-vous des conseils en matière d'indicateurs de données? Vous avez parlé du caractère inadéquat des données disponibles, ou du fait qu'elles ne tiennent pas compte des autres aspects, c'est-à-dire ce sur quoi nous devrions nous pencher, ce que nous devrions suivre et l'endroit où peuvent se trouver certaines de ces sources de données. Nous avons entendu nombre de gens dire que les sources existent, ce qui manque, c'est l'analyse ou l'aboutissement de ces sources.
    Vous pourriez peut-être tous les deux parler de certains des indicateurs sur lesquels nous devrions nous pencher dans le cadre du processus de mise en place d'un système de données fiables pour le pays.
    Bien sûr. Je vais mentionner quelques exemples.
    L'un d'eux concerne les émissions de méthane provenant de l'industrie pétrolière et gazière. Il s'agit d'un gaz environ 80 fois plus puissant dans l'atmosphère que le dioxyde de carbone. C'est extrêmement important d'éviter cela pour diminuer les émissions, pour éviter le changement climatique. Des études scientifiques, des études par des pairs et des études universitaires montrent que les émissions de méthane provenant de l'industrie pétrolière et gazière, qu'il s'agisse de fuites ou de rejets intentionnels, sont considérablement plus élevées que ce que les organismes provinciaux et fédéraux déclarent dans leurs rapports.
    Nous devons commencer...
    Ces données ne sont-elles pas recueillies à l'heure actuelle? Ne s'agit-il pas d'un indicateur dont on tient compte?
    Oui, mais la collecte n'est pas faite de manière adéquate.
    D'accord.
    Nous avons des données recueillies par satellite. Nous avons ces études indépendantes qui montrent que les émissions sont de 7 à 15 fois plus importantes que ce qui est mesuré par le gouvernement fédéral.
    Cela ne veut pas seulement dire qu'il y a plus d'émissions, mais aussi que le colmatage de ces fuites, les réparations, les améliorations du système pétrolier et gazier permettraient de réduire les émissions de méthane et de gaz et de créer des emplois, d'effectuer des réparations et d'améliorer les opérations dans le cadre du processus.
    L'autre aspect que je veux aborder, c'est les bilans de carbone. À l'heure actuelle, le Royaume-Uni est un bon exemple de pays à cet égard. Essentiellement, nous devons examiner les cibles du Canada, déterminer où nous devons nous situer en 2050, puis attribuer un bilan d'émissions de gaz à effet de serre à chaque secteur, ou peut-être même à chaque province, qui diminue lentement et régulièrement jusqu'en 2050, et déterminer de quelle manière nous allons obtenir cette diminution de 80 ou de 100 %.
(1040)
    Quel serait l'indicateur de données à recueillir dans ce cas-là?
    Nous l'avons déjà. Nous avons l'inventaire des gaz à effet de serre. Nous avons les émissions à l'échelle des établissements provinciaux et les émissions à l'échelle de l'industrie.
    D'accord.
    Nous devons établir un cadre obligatoire afin que l'on puisse voir comment se font l'interaction et l'élimination.
    Je crois que dans l'avenir, dans 10 ou 20 ans, nous verrons des litiges entre les secteurs et entre les provinces. Si je représente une province qui fait un bon travail au chapitre de la réduction des émissions et qui atteint ses cibles climatiques, alors qu'une autre province autorise certaines industries à croître et à dépasser ces cibles, cela devient un problème d'équité entre les provinces et entre les secteurs, alors qu'une industrie ou un secteur fait sa part et en fait plus, alors que l'autre est épargné et n'atteint pas les objectifs du Canada pour cette raison.
    Et les bonnes données?
    Maître Péloffy.
    Je suis d'accord avec ce qui a été dit auparavant. J'aimerais aussi insister sur les émissions attribuables à l'utilisation des terres. Nous pouvons simplement demander aux Américains ce qu'ils font, puis le faire ici.
    Je ne sais pas s'il s'agit d'un indicateur de données, et dans une certaine mesure, mais il y a le concept de coût social du carbone qui est utilisé dans le cadre de l'étude d'impact de la réglementation pour les mesures réglementaires visant à réduire le changement climatique. Je crois que cet outil devrait être perfectionné, mais il devrait être utilisé de manière plus généralisée. J'ai le sentiment qu'on se dit souvent: « Mon Dieu. Faire quelque chose pour lutter contre le changement climatique sera beaucoup trop dispendieux. » Nous devrions peut-être plutôt nous dire: « Ne rien faire pour lutter contre le changement climatique va nous coûter très cher. »
    Je crois que cet outil est très important. Comme le changement climatique est très intangible et que personne ne peut voir une tonne de gaz à effet de serre, il est difficile pour les gens de comprendre dans quelle situation nous nous trouvons. Nous vivons au sein d'un système capitaliste. Nous comprenons l'argent. Si on attribuait une valeur monétaire aux coûts liés au changement climatique, cela favoriserait grandement la prise de décisions plus éclairées. En fait, nous pourrions réaliser une analyse économique qui porte non seulement sur la perte d'emplois et le PIB, mais aussi sur ce que nous perdons de l'autre côté.
    J'ai posé cette question à d'autres qui ont comparu devant nous. Cela concerne notre capacité d'analyser les données. Imaginons que, dans l'avenir, nous possédons cette capacité merveilleuse de coordonner la collecte de données, et que les bonnes données sont recueillies à l'échelle nationale en collaboration avec les autres administrations.
    D'après vous, où se situe le besoin d'analyser le modèle? Dites-moi rapidement ce que vous en pensez. L'avons-nous? Nous manque-t-il...?
    J'aimerais seulement dire que je félicite le gouvernement pour les investissements prévus au budget de 2018 pour renforcer la capacité et les données scientifiques, pas seulement en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, mais en ce qui concerne également les eaux, les pêches et l'agence d'évaluation environnementale. L'investissement représente 1 milliard de dollars. Nous aimerions que cet investissement soit assuré et prolongé de sorte que nous puissions avoir cette capacité relative à l'établissement de modèles scientifiques et économiques et aux données.
    Maître Péloffy.
    Oui, je crois que nous devons absolument accroître notre capacité d'analyse, et aussi inclure l'analyse de l'économie politique. Je travaille surtout dans le domaine des évaluations environnementales, et lorsque je compare ce que nous produisons au Canada avec ce qui est produit aux États-Unis, j'ai honte. Le niveau et la profondeur de l'analyse sont beaucoup plus élevés aux États-Unis, même si je ne suis pas d'accord avec eux pour bien d'autres choses.
    Lorsque je regarde l'analyse en amont des gaz à effet de serre pour le pipeline Trans Mountain, par exemple, je vois un chiffre qui est utilisé hors contexte. Nous ne connaissons ni la raison d'être de l'analyse, ni la méthode utilisée, ni la nature ou se qui se cache derrière. Je crois que cela pourrait être beaucoup plus rigoureux, mais, pour être indulgente, nous sommes aux prises avec le problème le plus complexe au monde. Il y a des pratiques exemplaires, mais nul n'a jamais accédé à la perfection. En fait, nous pourrions être un chef de file mondial dans ce domaine.
    Parlant de pratiques exemplaires, pourriez-vous nous en nommer une ou deux. Nous ne sommes pas parfaits. Que devons-nous envisager?
    Aux États-Unis, il y avait une évaluation particulière dans le contexte de la règle concernant les régions non desservies par des routes au Colorado. Il était question d'une mine. Il y a eu des poursuites judiciaires à ce sujet. La cour a rejeté l'évaluation initiale. La deuxième évaluation qui a été réalisée comprenait le coût social du carbone et constituait une analyse beaucoup plus rigoureuse et très détaillée. Dans ce pays, lorsqu'on se penche sur les emplois, on ne fait pas que dire qu'il y a 15 emplois pour deux ans. On regarde l'effet à long terme de ces emplois et on détermine si les gens de la région auraient d'autres emplois.
    L'évaluation était beaucoup plus détaillée que ce que nous faisons ici.
(1045)
    Merci beaucoup à tous les deux de vous être joints à nous ce matin. C'était très utile dans le cadre de notre étude.
    Nous allons lever la séance pour la journée, et nous nous reverrons tous mardi.
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