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Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous. Je prie les témoins de nous excuser de commencer la réunion tardivement. Des votes avaient lieu et les votes régissent notre existence ici.
Je vais faire quelques observations initiales.
Bienvenue à la 19e séance du Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité poursuit son étude visant à favoriser une transformation juste et équitable du secteur de l'énergie du Canada.
Les témoins comparaîtront jusqu'à environ 16 h 30. Je vais essayer de faire en sorte que nous ayons une première série de questions complète, ce qui représente environ 24 minutes, en plus des déclarations préliminaires. Nous verrons où cela nous mènera. Ensuite, il est prévu que nous passions à huis clos pour la dernière partie de la réunion afin de continuer nos travaux au sujet d'un rapport. Ce ne sera assurément pas à 16 h 30, mais nous prévoyons tout de même siéger à huis clos à un moment donné cet après-midi.
La réunion se déroule selon une formule hybride. Il est interdit de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de votre écran pendant que nous siégeons.
Nous demandons aux gens qui assistent à la réunion en personne de porter un masque lorsqu'ils se déplacent dans la salle.
J'aimerais mentionner aux témoins et aux membres du Comité que je vais vous nommer avant que vous preniez la parole. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, vous devez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et n'oubliez pas de l'éteindre lorsque vous n'avez plus la parole.
Des services d'interprétation sont à votre disposition. Vous avez le choix entre la transmission du parquet, l'anglais ou le français. Nous vous demandons de parler sur un ton de conversation normal et pas trop rapidement, de sorte que nos interprètes puissent suivre la conversation. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si quelqu'un dans la salle souhaite prendre la parole, il suffit de lever la main. Les personnes qui participent par vidéoconférence devront utiliser la fonction « Lever la main ».
Conformément à nos motions de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion nécessaires avant la réunion.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui participent à notre étude visant à favoriser une transformation juste et équitable du secteur de l'énergie du Canada.
Nous avons deux invités en ligne. Nous accueillons M. Éric Pineault, professeur et économiste à l'Institut des sciences de l'environnement de l'Université du Québec à Montréal, qui témoigne à titre personnel. Nous recevons également M. Sandeep Pai, responsable principal de la recherche du Global Just Transition Network au Centre for Strategic and International Studies.
Deux invités sont présents dans la salle. C'est formidable d'accueillir à nouveau des gens dans notre salle de comité. Il s'agit de M. Hadrian Mertins-Kirkwood, recherchiste en chef au Centre canadien de politiques alternatives; et de Mme Nichole Dusyk, conseillère principale en matière de politiques à l'Institut international du développement durable.
Si je n'ai pas bien prononcé le nom de qui que ce soit, veuillez m'en excuser. Vous pouvez nous corriger lorsque vous aurez la parole.
Nous allons maintenant passer aux déclarations préliminaires de cinq minutes.
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Je veux juste clarifier quelque chose, monsieur le président. Je ne prendrai pas beaucoup de temps.
Je sais que mes collègues conservateurs ont dit que cette étude devait être axée sur les travailleurs et je crois que mes collègues libéraux étaient d'accord avec eux. Nous avons perdu environ une heure lors de la comparution des représentants de syndicats la semaine dernière. J'ai été en contact avec le Congrès du travail du Canada. Il a demandé à venir témoigner. Il était sur notre liste de témoins, mais on lui a dit qu'il pouvait présenter un mémoire.
Je ne pense pas vraiment que cela envoie un très bon message si la plus grande organisation de travailleurs du pays, qui a fait beaucoup de travail, ne vient pas discuter avec notre comité.
J'ai deux questions à poser. Premièrement, le Congrès du travail du Canada sera‑t‑il invité à participer? Deuxièmement, si vous ne pouvez pas inviter cette organisation, cela signifie‑t‑il que la liste de témoins est complète? Nous n'avons pas vu cette liste et j'aimerais savoir qui d'autre n'y figure pas.
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Nous allons entendre tout d'abord nos invités qui sont en ligne. Il est toujours bon de se lancer lorsque la connexion est stable.
Monsieur Pineault, si vous êtes prêt, je vais vous céder la parole.
Je précise également que je communiquerai par cartons. Lorsqu'il vous restera 30 secondes, je vous montrerai le carton jaune. Lorsque votre temps sera écoulé, ce sera le carton rouge. Ne vous arrêtez pas au milieu d'une phrase, mais concluez vos remarques. Ensuite, nous poursuivrons.
Monsieur Pineault, la parole est à vous.
Je vais faire ma déclaration en français, mais je peux répondre aux questions en anglais pendant la discussion. Je peux le faire dans l'une ou l'autre des deux langues.
[Français]
Je vais parler un peu de mes activités professionnelles. Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant qu'économiste en sciences de l'environnement et en tant qu'expert universitaire en ce domaine.
Mes travaux ont porté, pendant plusieurs années, sur les sables bitumineux, et, plus récemment, sur la filière du gaz naturel liquéfié, ou GNL. J'ai aussi beaucoup travaillé comme accompagnateur du Front commun pour la transition énergétique, FCTE, dans sa démarche de création de la « Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité ». Autour d'un projet de carboneutralité, cette association a réuni à la fois toutes les grandes centrales syndicales, à savoir la Confédération des syndicats nationaux, ou CSN, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ou FTQ, et la Centrale des syndicats démocratiques, ou CSD, ainsi que les mouvements environnementaux, les groupes communautaires et les groupes de citoyens.
J'ai accompagné le FCTE pendant deux ans dans le processus de rédaction, pour le Québec, d'un plan de transition tenant compte des problèmes relatifs à la transition juste comme l'entend le Bureau international du Travail, ou BIT. Je suis donc très sensible à ce dont vous discutez en ce moment au Comité.
Je veux parler brièvement de deux points, soit la définition d'une transition juste et le contexte économique actuel de la transition. Je vais commencer par le premier point. Plutôt que d'en faire un long développement, j'aimerais juste attirer votre attention sur le rapport publié il y a quelques semaines par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC. Ce document porte sur l'atténuation des changements climatiques, et il définit, parmi les scénarios de transition possibles, un scénario basé sur la réduction de la demande énergétique. Cela me semble être le seul scénario compatible avec une compréhension solide de la notion de transition juste et qui tient compte de l'ensemble des critères définissant ce qu'est la justice climatique.
Je vous invite donc à lire le chapitre 5 du rapport du GIEC, qui porte sur la réduction de la demande énergétique. Les auteurs proposent des solutions et une vision de la transition qui me semblent compatibles avec cette notion.
J'aimerais maintenant dire quelques mots sur le contexte économique actuel de la transition. À mon avis, la question centrale pour une transition énergétique juste est celle touchant le secteur des hydrocarbures, soit le secteur pétrolier et gazier.
La transition doit-elle être considérée comme quelque chose qui doit compenser l'expansion des sables bitumineux et de ses émissions ou, au contraire, un plan de transition juste doit-il passer par la transformation de l'économie canadienne pour réduire sa dépendance relativement à l'extraction d'hydrocarbures, accompagnée d'une intervention auprès des travailleurs, des travailleuses et des communautés qui sont en situation de dépendance économique quant à ce secteur pour les aider à réduire cette dépendance?
J'aimerais vous présenter brièvement quelques chiffres. Depuis 2005, dans le secteur des sables bitumineux, la production a été multipliée par un facteur qui varie entre 2,5 et 3,4 en fonction des critères utilisés. Les émissions ont suivi cette augmentation, et il n'y a pas de réduction des émissions rattachées à ce secteur. Il n'y a une réduction des émissions que pour la valorisation du produit. L'investissement dans le secteur des sables bitumineux connaît une réduction depuis 2015. Le nombre d'emplois subit un recul depuis 2014, essentiellement à cause des gains de productivité immenses qui se font. On ne parle plus d'un secteur dynamique qui crée de l'emploi. Il s'agit maintenant d'un secteur où l'emploi diminue. Les contributions fiscales du secteur s'amenuisent. En ce moment, les hausses de revenus produites par la montée du prix du baril se traduisent, dans l'industrie, par une augmentation des dividendes plutôt que par des augmentations de salaire.
Il faut donc prendre ce secteur en main et planifier sa transition. Ce que je crains, c'est que les efforts mis dans un plan de transition qui n'examinerait pas sérieusement ce secteur soient minés ou grevés lorsque nous devrons compenser exagérément les émissions de gaz à effet de serre qui vont augmenter dans le secteur des sables bitumineux.
J'ajoute un dernier élément concernant la conjoncture. Quand nous envisageons la transition, aujourd'hui, en 2022, il faut tenir compte du fait que nous ne sommes pas dans une conjoncture où l'économie a besoin que des emplois soient créés. Nous sommes dans une économie qui connaît une pénurie de main-d'œuvre d'un océan à l'autre. Nous nous arrachons les travailleurs de qualité. Nous nous arrachons, en particulier, les travailleurs du secteur de la construction et du secteur manufacturier. Les travailleurs et les travailleuses des secteurs de l'extraction gazière, des sables bitumineux et du pétrole traditionnel seraient et sont nécessaires dans tous les autres secteurs de l'économie canadienne. Le défi n'est pas de créer des emplois. Le défi est d'accompagner les communautés qui dépendent trop du secteur pétrolier. Il faut aider les travailleurs qualifiés à se réorienter vers les secteurs où nous en avons besoin de manière urgente.
Je suis prêt à répondre à vos questions sur l'ensemble des aspects que je viens de soulever.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup de me donner cette occasion, monsieur le président. C'est vraiment un honneur pour moi d'être parmi vous.
Je m'appelle Sandeep Pai. Je suis responsable principal de la recherche au sein du Global Just Transition Network, à Washington, D.C. Je fais de la recherche et j'écris au sujet de questions relatives à la transition équitable depuis de nombreuses années maintenant. J'ai récemment obtenu mon doctorat sur ce sujet à l'Université de la Colombie-Britannique.
Je tiens à souligner qu'il y a déjà des transformations du secteur de l'énergie en cours dans le monde. Nous devons reconnaître qu'elles feront disparaître de nombreux emplois dans les secteurs traditionnels, comme ceux du pétrole, du gaz, du charbon et de l'automobile, mais l'économie verte créera des millions d'emplois dans divers secteurs, allant de l'énergie solaire à l'efficacité énergétique.
S'il y a déjà eu des transitions industrielles dans le passé, l'ampleur et le rythme de la transition actuelle ne seront aucunement comparables à ce que nous avons connu auparavant. Je le dis en me basant sur mes recherches, qui portent sur bon nombre de pays, dont le Canada. L'ampleur et le rythme de la transition transformeront des vies dans toutes les collectivités du Canada. Même si un grand nombre de Canadiens bénéficieront sans aucun doute de cette transition, ne vous y trompez pas: sans une planification adéquate, bien des provinces, des collectivités et des travailleurs pourraient être laissés pour compte.
Étant donné l'ampleur considérable de la transition, je souhaite présenter au Comité quatre éléments clés à prendre en considération.
Premièrement, je pense qu'il est important de comprendre que la question de la transition équitable ne concerne pas seulement les travailleurs. Elle touche les collectivités.
Nous faisons toujours l'erreur de ne penser qu'aux travailleurs à cet égard. Ils sont au cœur de cet enjeu, mais ce n'est pas le seul élément. Toutes les grandes industries existantes, comme celles du pétrole, de l'automobile ou du charbon, créent généralement un écosystème local de dépendance socioéconomique qui englobe des emplois locaux, des revenus locaux et régionaux et des dépenses de développement social et communautaire des entreprises. Par conséquent, le premier point que je veux soulever, c'est que pour comprendre comment effectuer une transition équitable, il est très important de commander des études détaillées des collectivités et des secteurs touchés afin de comprendre l'écosystème, les dépendances et les vulnérabilités régionales.
Deuxièmement, l'un des problèmes, lorsqu'on parle de transition équitable, c'est la confiance. À l'échelle mondiale — y compris, dans une certaine mesure, au Canada —, nous n'avons jamais réalisé de bonnes transitions équitables. Les travailleurs ont toujours eu l'impression d'être laissés pour compte. Ma deuxième recommandation, c'est que le Canada mène des projets sur des interventions de transition équitable, comme il l'a fait pour le secteur du charbon. Toutefois, ce faisant, il devrait se concentrer sur quelques collectivités énergétiques pour montrer que la transition équitable n'est pas une idée théorique et qu'elle peut être réalisée dans la vraie vie. C'est très important, car sinon, les collectivités auront l'impression qu'il s'agit encore juste de grands mots.
Troisièmement, dans toute transition équitable, le dialogue social est très important. La première étape, avant même que le dialogue social ne s'engage, consiste à mener une analyse des intervenants pour comprendre quels intervenants et quelles collectivités seront touchés. Il s'agit notamment de déterminer quels intervenants sont sous-représentés. Dans de nombreux pays, il est souvent arrivé que certains groupes industriels ou d'autres groupes dominent le débat sur la transition équitable. C'est le cas aux États-Unis, en Afrique du Sud et même dans l'Union européenne. Pour éviter de commettre cette erreur, il est important de déterminer qui sont les intervenants sous-représentés et comment nous pouvons collaborer avec eux tout au long du processus.
Ma dernière recommandation est la suivante: pour effectuer une transition équitable, il est nécessaire d'adopter une approche pangouvernementale à long terme. La planification et la mise en œuvre font partie d'un processus qui nécessitera la coordination entre les ministères, les gouvernements et les divers services à l'échelle locale, provinciale et nationale. Le Canada devrait envisager de créer un comité interministériel auquel participeraient le gouvernement fédéral et des représentants des principales provinces productrices d'énergie. Un tel comité doit favoriser un dialogue social continu et des transformations canadiennes justes et équitables.
Merci beaucoup. Je serai ravi de répondre à vos questions.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner cet après-midi. Je m'appelle Nicole Dusyk. Je suis conseillère principale en matière de politiques à l'Institut international du développement durable.
L'Institut possède une vaste expérience en ce qui a trait aux transitions équitables, tant au Canada qu'à l'étranger: nous faisons des recherches sur le sujet et nous préconisons les transitions équitables. Notre plus récent rapport a été publié il y a quelques mois à peine. Il s'intitule Making Good Green Jobs the Law: How Canada can build on international best practice to advance just transition for all. Le rapport et la recherche qui le sous-tend constituent le fondement de mon témoignage d'aujourd'hui.
Comme l'ont fait les intervenants précédents, je veux tout d'abord souligner que le Canada a déjà connu des transitions difficiles dans le monde du travail. Qu'il s'agisse des cycles d'expansion et de ralentissement du secteur pétrolier ou encore de l'effondrement de la pêche à la morue, nous avons de l'expérience et nous comprenons les enjeux et nous savons à quel point il est important de planifier les choses et de nous assurer que des mesures de soutien sont en place pour soutenir les travailleurs et les collectivités.
Nous entrons dans une autre transition majeure dans le monde du travail. Le coût des énergies renouvelables et des technologies de batteries est en baisse. À mesure que des pays mettront en place des exigences relatives aux véhicules sans émissions et d'autres politiques climatiques, la demande mondiale de pétrole et de gaz diminuera. Nous le savons. Nous savons que la transition énergétique est en cours. Nous savons également qu'il est nécessaire d'adopter d'autres politiques climatiques pour accélérer cette transition.
En fin de compte, les politiques climatiques et les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques auront des avantages économiques, sociaux et environnementaux nets pour les Canadiens, mais nous savons aussi que certaines collectivités et certains travailleurs seront touchés de façon disproportionnée. Il est donc très important que nous soyons proactifs sur le plan de la planification et que nous commencions à y réfléchir dès maintenant.
Dans ce contexte, je voulais remercier le Comité d'avoir entrepris cette étude. Il s'agit de travaux importants, et j'attends avec impatience de voir, je l'espère, des recommandations fermes sur la façon dont nous pouvons nous assurer qu'aucun Canadien n'est laissé pour compte dans l'inévitable transition énergétique.
J'aimerais faire quatre recommandations générales.
Premièrement, pour que la transition soit équitable, il est essentiel d'adopter le bon processus. Pour obtenir de bons résultats pour les travailleurs canadiens, on doit recourir à de bons processus inclusifs. Plus précisément, les processus devraient être fondés sur ce que l'Organisation internationale du Travail appelle le « dialogue social » et un processus tripartite auquel participent les travailleurs, les employeurs et les gouvernements, y compris les gouvernements autochtones, pour élaborer et mettre en œuvre des solutions.
Nous recommandons qu’au Canada, les processus de transition équitable soient fondés sur un processus tripartite élargi. Il réunit les acteurs principaux, soit les trois acteurs ou intervenants principaux, mais il s’agirait d’un processus « élargi » parce que d’autres intervenants, comme les collectivités et les organisations de la société civile y participeraient également.
Deuxièmement, je recommande que la planification inclue une stratégie de transition large et équitable dont les mesures législatives ne constituent qu'une partie. Des mesures complémentaires devront être prises également. Je pense notamment à l'adoption de politiques industrielles vertes, à la planification du marché du travail et au renforcement de la protection sociale.
Troisièmement, il est important de nommer les choses telles qu'elles sont lorsqu'on parle de la transition: il s'agit de la transition d'une économie fondée sur les combustibles fossiles vers une économie fondée sur les énergies propres. Pour saisir l'ampleur et les répercussions de cette transition et pour mettre en œuvre des programmes et des mesures de soutien efficaces, nous devons bien comprendre quelles sont les industries dont les perspectives d'emploi sont en déclin et quelles sont celles qui stimuleront la croissance de l'emploi dans l'avenir.
À cette fin, il est essentiel que le gouvernement donne suite à son engagement d'élaborer des scénarios énergétiques fondés sur un monde dans lequel le réchauffement planétaire est limité à 1,5 °C. Ces scénarios seront très importants dans l'établissement d'une compréhension commune de notre objectif final — notre orientation — et fourniront également l'analyse nécessaire pouvant aider au travail de planification.
Enfin, pour ce qui est du financement de la transition équitable, il faut adopter une approche proactive. Le financement doit être flexible et coordonné à l'échelle nationale et soutenir la prise de décisions à l'échelle locale. De plus, il doit être suffisamment important pour que nous puissions relever l'immense défi qui nous attend. Les processus de financement doivent respecter les droits et l'autorité des Autochtones, et ils doivent être définis selon le processus tripartie élargi, dans lequel toutes les parties concernées collaborent pour établir les priorités relatives au financement et définir les besoins de financement. Un financement public substantiel sera nécessaire, mais en même temps, le gouvernement fédéral doit s'assurer que le secteur privé participe au financement d'une transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Il doit également s'assurer que les entreprises rendent des comptes et que le principe du pollueur-payeur est respecté, tout en réduisant au minimum la responsabilité financière publique.
En conclusion, nous avons également quelques recommandations sur ce que devraient contenir des mesures législatives pour une transition équitable. J'y reviendrai pendant la partie de la réunion qui est consacrée aux questions, si des membres du Comité le souhaitent.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je remercie le Comité de m'avoir invité à discuter de cette étude importante.
Au cours des cinq dernières années, les recherches que j'ai menées au Centre canadien de politiques alternatives ont porté précisément sur la question de la transition équitable. Je suis heureux d'avoir l'occasion de faire connaître à ce comité certaines leçons qui ont été tirées de ces travaux.
Le point le plus important — et on vous l'a déjà dit aujourd'hui —, c'est que la transition vers une économie à faibles émissions de carbone est déjà en cours. Il ne s'agit pas d'un problème futur ou théorique; le monde abandonne progressivement les combustibles fossiles, que nous le voulions ou non. Le Canada a le choix entre, d'une part, une transition...
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Nous avons le choix entre, d'une part, une transition juste et organisée vers une économie à plus faibles émissions de carbone et, d'autre part, un effondrement non planifié qui rappelle les nombreux autres effondrements de ressources. Le statu quo, notamment en ce qui concerne la production de pétrole et de gaz, n'est tout simplement pas tenable à long terme.
Comment réaliser cette transition? Eh bien, il y a quatre éléments clés sur lesquels il faut mettre l'accent.
Premièrement, quand on parle de transition énergétique, il faut cesser de parler de réduire les émissions en faisant abstraction d'un objectif final clair. Pour respecter nos engagements nationaux et internationaux en matière de climat d'ici 2050 — et je serai moins diplomate que mes collègues ici — il ne peut pas y avoir d'industrie des combustibles fossiles au Canada. Point final.
La question est de savoir ce que nous faisons maintenant pour nous préparer à cet avenir. Jusqu'à présent, le gouvernement du Canada s'est surtout appliqué à développer l'économie propre, ce qui est une bonne chose, mais il n'a pas encore osé se doter d'un véritable plan pour l'industrie des combustibles fossiles. En revanche, pour l'abandon du charbon, le gouvernement a fixé l'échéance à 2030. Cette échéance claire était essentielle, non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi parce qu'elle fournit aux travailleurs concernés, à leurs collectivités et à l'industrie des certitudes quant à l'avenir. Cela leur permet de planifier la suite. Nous ne pouvons pas planifier pour 2050 si nous n'avons pas une idée claire de ce à quoi l'avenir ressemblera.
Le deuxième élément clé, en matière de transition énergétique, c'est qu'il faut reconnaître qu'il y a en fait deux transitions qui se produisent ici. Il y a l'abandon graduel des combustibles fossiles, qui a un impact disproportionné sur les travailleurs et les collectivités qui en dépendent, puis il y a la transition vers une économie plus propre qui a lieu dans toutes les collectivités du pays.
C'est un mythe de croire que les travailleurs des combustibles fossiles vont intégrer le secteur de l'économie propre. De nombreux travailleurs de l'industrie du charbon, du pétrole et du gaz naturel vont exercer leur métier jusqu'à la retraite ou se tourner vers des emplois hors du secteur de l'énergie. Ainsi, la plupart des personnes occupant des emplois verts dans 10 ans n'auront jamais travaillé dans le secteur des combustibles fossiles. Nous avons besoin de politiques très différentes pour soutenir ces deux transitions, qui touchent différents types de travailleurs dans différentes régions du pays.
Le troisième élément clé, pour emprunter une expression de mon collègue Seth Klein, c'est que le Canada doit « dépenser ce qu'il faut pour gagner ». La transition économique pour nous affranchir d'une industrie d'exportation de 100 milliards de dollars par an tout en essayant de décarboniser tous les autres secteurs sera, bien sûr, extrêmement coûteuse. Selon le dernier budget fédéral, il faudrait dépenser entre 100 et 125 milliards de dollars de plus par an au Canada pour atteindre la carboneutralité.
Bien qu'il n'incombe pas au gouvernement fédéral d'absorber toutes ces dépenses à lui seul, il devra dépenser beaucoup plus pour accélérer la transition, notamment par des investissements destinés aux collectivités et aux régions qui dépendent actuellement du pétrole et du gaz. Elles ont besoin de solutions.
Le quatrième et dernier point, c'est que pour assurer une transition vraiment équitable, il faut regarder au‑delà...
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Il reste une minute et demie pour les déclarations préliminaires, après quoi nous aurons 24 minutes. Nous pourrions toujours revenir après.
On me dit que comme nous avons commencé en retard, nous avons les ressources nécessaires, avec des interprètes dans la salle jusqu'à 17 h 55. Nous sommes en train de vérifier si nous pourrions siéger même un peu plus tard, compte tenu de ce vote. Nous verrons jusqu'à quand nous pouvons siéger, mais nous terminerons cela, puis passerons à la première série de questions.
Si les députés estiment avoir assez de 10 minutes pour se rendre à la Chambre, je vous en informerai quand ce sera le temps. Je m'excuse.
Nous revenons à vous, monsieur.
Le quatrième et dernier point, c'est que pour une transition vraiment équitable, il faut penser au‑delà des travailleurs directement touchés et tenir compte des répercussions de la transition sur tous les membres de leurs collectivités. En Alberta, par exemple, la transition est amorcée pour nous affranchir du charbon. Il y a un soutien du revenu, de l'argent pour le recyclage professionnel, pour la réinstallation et d'autres avantages pour les travailleurs du charbon, et ces travailleurs le méritent. Cependant, les entrepreneurs qui font des affaires avec ces installations, les travailleurs à temps partiel et les autres personnes qui dépendent indirectement de cette industrie ne reçoivent pas le même genre de soutien.
Il importe d'offrir un vaste soutien pour assurer l'équité, car si les personnes qui travaillent aujourd'hui dans l'industrie de l'énergie sont en grande majorité des hommes blancs à haut revenu nés au Canada, les personnes qui dépendent indirectement de cette industrie — celles qui, par exemple, préparent les repas des travailleurs de l'énergie et perdent également leur emploi lorsqu'une installation ferme — sont plus susceptibles d'être des femmes à faible revenu, des travailleurs racialisés et des immigrants. Des politiques de transition juste trop étroites peuvent aggraver les inégalités et marginaliser davantage les groupes les plus souvent exclus.
La leçon à en tirer n'est pas que les travailleurs de l'énergie ne méritent pas d'être soutenus dans cette transition. Bien sûr qu'ils le méritent. La leçon, c'est qu'il faut réfléchir de façon plus globale et plus complète aux effets de la transition sur les collectivités dans leur ensemble afin que les coûts de cette transition inévitable vers une économie propre soient partagés équitablement et que les bénéfices en soient partagés équitablement avec tout le monde.
C'est tout aussi important d'en tenir compte dans l'élimination progressive d'une industrie que dans la formation, parce que nous avons encore bien du pain sur la planche pour inclure les groupes de la diversité dans les professions comme les métiers spécialisés qui sont appelés à croître au cours des prochaines décennies.
Je m'arrêterai là.
Je vous remercie encore une fois de votre invitation. Je suis prêt à répondre aux questions des membres du Comité.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
J'ai entendu beaucoup de choses avant de poser cette question. Je dirais qu'il y a ici tout un discours construit. Je ne m'éterniserai pas à le démystifier, mais il est fondé sur l'idée fantaisiste selon laquelle il y aurait suffisamment d'argent dans le monde pour essayer d'accomplir ce que décriront certains des témoins.
J'adresserai mes questions à Mme Dusyk, elles porteront sur le groupe de travail pour une reprise résiliente.
Il y a deux ans, l'IIDD, l'Institut international du développement durable, a participé au groupe de travail pour une reprise résiliente à un moment où le Parlement ne siégeait pas. Quinze membres, dont vos représentants, ont élaboré un plan pour le Canada, qui s'est retrouvé dans le discours du Trône, puis dans le budget, mot pour mot, pour orienter la façon dont le Canada allait effectuer la transition, au coût de centaines de milliards de dollars. Personne au Parlement ni personne, apparemment, au ministère de l'Environnement ou au gouvernement du Canada n'a eu son mot à dire à ce sujet.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi vous pensez qu'il s'agit d'une contribution démocratique, ou s'agit‑il simplement d'une démocratie dirigée uniquement par les ONG, les organisations non gouvernementales?
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En effet, c'est pour cela que nous essayons de résoudre le problème ici, si l'on veut. Nous devons déterminer quelle direction nous allons prendre à cet égard. Est‑ce que les Canadiens seront privés d'un approvisionnement énergétique suffisant ou est‑ce que nous produirons de l'énergie de plus en plus écologique au fil du temps?
Je ne suis pas d'accord avec l'autre témoin ici présent pour dire que l'élimination du pétrole et du gaz dans le monde se profile à l'horizon, parce qu'en fait, comme nous l'apprend l'Agence internationale de l'énergie, les 34 pays les plus développés au monde n'ont à ce jour réduit leur consommation d'énergie fossile que de 77,9 % globalement à l'heure actuelle, et ce, après avoir déjà reçu des billions de dollars en subventions des gouvernements pour adopter d'autres sources d'énergie.
J'aimerais bien que les choses évoluent plus vite, mais je ne trouve pas que les faits que vous avancez ici portent à tirer cette conclusion.
Dans le rapport dont j'ai parlé, Making Good Green Jobs the Law, nous formulons différentes recommandations relativement à une éventuelle loi. Il est notamment préconisé qu'une loi sur la transition équitable s'inscrive dans une stratégie plus vaste. Nous devons réfléchir à une stratégie de plus grande portée, laquelle, de façon détournée, devrait être articulée dans la loi, entre autres parce que nous n'avons pour l'instant qu'un engagement du gouvernement actuel à adopter une loi pour une transition équitable. Ce sera sans doute l'une des premières choses à faire. Nous devons bien y réfléchir et nous engager à élaborer cette stratégie plus vaste, assortie de mesures complémentaires, dans le cadre de la loi.
La loi devrait en outre refléter ce qu'on retrouve dans les principaux accords et principes adoptés à l'échelle internationale, et notamment les principes d'une transition équitable tels qu'articulés par l'Organisation internationale du Travail. Elle devrait également tenir compte du scénario d'un réchauffement de 1,5°, car c'est celui qui nous permettra d'éviter une catastrophe climatique.
Comme je l'indiquais dans mes observations préliminaires, une loi devrait adopter une approche tripartite élargie s'appuyant en permanence sur un dialogue social fort et mettant l'accent sur l'équité. On devrait y retrouver le nom des partenaires dans le cadre de ce processus tripartite élargi. La loi devrait tous les nommer.
La loi devrait aussi prévoir la création d'un organe consultatif en lui conférant un rôle clairement défini et en précisant bien la forme qu'il prendra. De préférence, cet organe consultatif devrait aussi disposer d'un pouvoir de négociation.
La loi devrait enfin inclure des plans détaillés de mise en oeuvre et de reddition de comptes. Il faut absolument établir des paramètres d'évaluation clairs pour l'ensemble des programmes et des mesures de soutien qui sont mis en place ainsi que pour le cadre législatif lui-même. Ce cadre doit indiquer clairement qui est responsable du déploiement des programmes et de l'obtention de résultats grâce à ces programmes.
Voilà donc nos cinq recommandations.
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Il y a une chose qu'il est particulièrement important de savoir. Si vous pouvez déjà compter, d'une part, sur des politiques sociales et un filet de sécurité sociale suffisamment efficaces et, d'autre part, sur une politique d'écologisation industrielle permettant la mise en place des solutions de rechange nécessaires, vous n'avez pas besoin d'une transition équitable. Les choses vont se faire d'elles-mêmes. C'est ce qui est arrivé au Danemark. Les Danois n'ont pas eu à se préoccuper d'une transition équitable; il leur a suffi de déployer leur industrie éolienne à plus grande échelle et de venir en aide à tous ceux qui ont été touchés par le changement.
Plus récemment, des pays comme la Nouvelle-Zélande et l'Écosse ont d'abord eu recours, comme on vient de l'indiquer, à des commissions ou des agences de consultation et de coordination spécialement créées pour superviser le processus de transition équitable. Comme nous venons de l'entendre, c'est en effet une démarche extrêmement complexe faisant intervenir tous les ordres de gouvernement, ce qui exige une forme quelconque de coordination.
Il faut enfin pouvoir s'en remettre à une réglementation claire en matière d'environnement qui s'harmonise avec notre objectif de carboneutralité et avec nos cibles climatiques. À titre d'exemple, la Nouvelle-Zélande et le Danemark se sont tous les deux engagés à réduire ou à éliminer progressivement leur production pétrolière, ce qui leur procure un cadre pour guider la conception de leurs politiques sociales et industrielles.
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Il a dit qu'il pouvait être des nôtres jusqu'à 17 h 30, alors nous allons simplement…
J'ai arrêté le chronomètre, monsieur Simard.
On indique que M. Pineault est encore connecté. Monsieur Pineault, si vous pouvez nous entendre, veuillez allumer votre caméra, car nous avons un député qui aimerait beaucoup échanger avec vous.
Monsieur Simard, y a‑t‑il un autre témoin auquel vous voudriez poser d'abord une question pendant que nous essayons de rétablir la communication avec M. Pineault?
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais attirer l'attention de mon ami M. McLean, que j'aime beaucoup, sur un point particulier. Je sais qu'il a à cœur les finances publiques du Canada. S'il cherche des dépenses inutiles en matière de soutien financier, je lui souligne que, dans le secteur gazier et pétrolier, 750 millions de dollars sont consacrés entièrement au Fonds de réduction des émissions, ce qui est un peu plus embêtant que le soutien à certains organismes, à mon avis. Nous pourrons en reparler.
Monsieur Pineault, je pense que tous les intervenants s'entendent pour dire que le gouvernement canadien n'a pas de plan pour mettre fin à l'exploitation des énergies fossiles.
Vous soutenez qu'il y a une diminution des retombées fiscales du secteur gazier et pétrolier, de même qu'une baisse des emplois. Vous mentionnez deux avenues qui sont à considérer, soit nous élaborons un plan pour compenser la production pétrolière, soit nous en élaborons un qui vise plutôt la transformation de l'économie. Pour ma part, j'ai l'impression que, pour en arriver à un véritable plan de transition juste, c'est plutôt sur la transformation de l'économie qu'il faut insister.
Voyez-vous des signes indiquant que le gouvernement fédéral va dans ce sens, présentement?
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Je ne dirais pas qu'il y a un plan, mais qu'il y a des éléments positifs.
D'une part, je vois des politiques visant à soutenir le développement des énergies vertes, comme les politiques destinées à soutenir la rénovation verte. D'autre part, je vois une politique visant à soutenir l'expansion du secteur des hydrocarbures au Canada. Cela prend la forme du crédit d'impôt pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ou CUSC. Cette mesure a essentiellement pour but de protéger le secteur pétrolier canadien contre les politiques climatiques des autres pays.
Les autres pays vont dire qu'ils ne veulent plus d'un baril de pétrole dont l'intensité des émissions de carbone est aussi élevée. De notre côté, nous allons dépenser de l'argent d'ici 2030 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le baril de pétrole, et non pour réduire ces émissions, point final. Or, on parle ici d'un secteur qui est en expansion.
Je ne vois donc pas de plan. En effet, un véritable plan qui viserait la carboneutralité en 2050 devrait s'employer à plafonner la production pétrolière et gazière et à transformer les économies régionales qui en dépendent. Comme on le sait, la situation est dramatique dans le cas de Terre‑Neuve, étant donné que 50 % des investissements vont dans le secteur pétrolier. Il y a donc un vrai travail à faire relativement à cette économie. En revanche, les gisements éoliens constituent un immense potentiel.
L'économie de l'Alberta, par ailleurs, est déjà plus forte et plus diversifiée, mais elle devrait être accompagnée. Selon moi, il faudrait un accompagnement sérieux et un plafond de production à la baisse et prévisible. C'est exactement ce que nous avons fait dans le cas du charbon. Au Québec, nous avons connu le cas de l'amiante. À un moment donné, il faut mettre la clé dans la porte.
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Comme je le soulignais précédemment, il y a des forces mondiales qui agissent en dehors du contexte strictement canadien. Le Canada n'est bien sûr pas le seul pays à adopter des politiques climatiques, et nous pouvons déjà en observer les effets. On voit de plus en plus de véhicules électriques. Ces véhicules voient leur part de marché s'accroître partout dans le monde, un phénomène qui aura ses propres répercussions.
Au Canada, la politique climatique visera essentiellement à réduire la demande nationale de pétrole et de gaz. Cette politique est déjà en vigueur dans une large mesure, comme en témoignent les exigences pour des véhicules sans émission et l'engagement à mettre en place un réseau électrique carboneutre d'ici 2035. Nous avons adopté différentes mesures ayant pour but de faire baisser la demande au Canada.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour nous interroger sur les répercussions de ces politiques pour les travailleurs et sur les moyens à mettre en oeuvre pour nous assurer que ces travailleurs ne sont pas laissés pour compte et qu'aucune collectivité n'est abandonnée à son sort.
Je tiens vraiment à insister sur le fait qu'il nous faut agir proactivement pour planifier la suite des choses. Nous devons réfléchir à ce que l'avenir nous réserve. Pour pouvoir mettre en place les mesures de soutien nécessaires pour nos travailleurs et nos collectivités, nous devons tous bien comprendre en quoi consiste le grand objectif à atteindre.
Monsieur Pai, je veux d'abord explorer avec vous la perspective internationale. Vous nous avez dit que la transformation est en marche.
Je sais que mes collègues conservateurs y voient une forme quelconque de complot visant l'Association canadienne des producteurs pétroliers, et que mes collègues libéraux ne semblent pas savoir où l'on peut trouver de bons emplois verts. Ils ne cessent pas de s'interroger à ce sujet.
La transition est donc en cours à l'échelle mondiale. Comment pensez-vous que les choses vont se dérouler au Canada si nous commençons à investir dans une économie axée sur l'énergie propre, et que se passera‑t‑il si nous ne le faisons pas?
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Merci pour cette question.
D'un point de vue planétaire, nous pourrions songer à commencer par l'Asie, car les gens pensent que la plus grande partie de la demande énergétique proviendra désormais de ce continent. On croit que c'est en Asie que l'on consommera le plus de pétrole, de gaz et de charbon. On peut ainsi noter que des pays comme l'Inde et la Chine se sont engagés à cesser de construire des centrales au charbon. Même si cet engagement n'est pas entièrement respecté, on construit de moins en moins de ces centrales.
Si quelqu'un vous avait dit il y a 10 ans que l'Inde ou encore la Chine n'allait plus construire de centrale au charbon après 2020, vous l'auriez difficilement cru. Ces deux pays déploient déjà à grande échelle des technologies solaires et éoliennes. Ils ont exprimé leur volonté de réduire leur utilisation de combustibles fossiles à long terme. Même du point de vue de la demande, on peut constater que des pays que l'on aurait pu considérer comme des débouchés d'avenir pour ces technologies ne seront pas nécessairement intéressés à acquérir certaines de ces ressources que le Canada essaie d'exporter. C'est un peu le portrait général de la situation.
Il est bien certain que tous les pays ont pris d'une façon ou d'une autre des engagements en matière d'énergie propre. C'est une distinction très importante si l'on considère les choses avec un recul de 10 ans. Ainsi, le Canada pourrait choisir de maintenir ses secteurs traditionnels en essayant de retarder la transition le plus longtemps possible, mais il entrerait alors en concurrence avec des pays pouvant produire du pétrole à un coût nettement inférieur. Il serait ainsi très difficile pour un pays comme le Canada d'exporter son pétrole face à des compétiteurs comme l'Arabie saoudite. Vu ces contraintes, j'estime qu'un pays riche comme le Canada a aujourd'hui l'occasion d'investir sérieusement dans un avenir axé sur l'énergie propre en planifiant avec soin les transformations requises à court, moyen et long terme.
Dans ce contexte, j'estime également important de prendre les mesures qui s'imposent pour appuyer les travailleurs et les collectivités. Comme je le disais dans mes observations préliminaires, je pense que les transitions à venir vont toucher des centaines de collectivités canadiennes. Au fil de cette transformation, nous devrons bien analyser les différents types d'emploi pouvant être créés à l'échelon local et les compétences qui seront requises pour occuper ces emplois.
En terminant, je dirais qu'un exercice de schématisation sera peut-être nécessaire pour cerner les possibilités de créer localement des emplois dans le secteur de l'énergie propre, bien que cela ne sera pas envisageable pour tous les emplois.
Madame Dusyk, j'ai fait une petite recherche sur votre organisation pour voir si vos visées étaient aussi répréhensibles que mon collègue semblait vouloir le laisser entendre. Vous travaillez avec les Nations unies et vous bénéficiez d'un financement international provenant de différentes sources, mais je dois avouer que j'ai été vraiment stupéfait de retrouver une citation de Brian Mulroney sur votre site. Il ne faut pas s'étonner que mes collègues conservateurs soient vexés à ce point, car ils ont tourné le dos au parti conservateur de cette époque‑là au profit de l'extrême droite conservatrice d'aujourd'hui.
Cela dit, vous avez indiqué, si je ne m'abuse, avoir six recommandations à soumettre à notre comité. Pouvez-vous maintenant nous les exposer ou tout au moins nous les transmettre, si jamais vous manquez de temps?
Soit dit en passant, je ne voudrais pas que vous pensiez que je n'ai rien à redire de Brian Mulroney. Je pourrais lui reprocher bien des choses, mais je lui concède qu'il a été actif dans le dossier de l'environnement pour faire progresser certains enjeux.
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Je peux vous rappeler rapidement nos recommandations. Nous en avons cinq.
Premièrement, une loi sur la transition équitable doit refléter les engagements pris et les modalités établies à l'échelle internationale. Elle doit indiquer clairement la nécessité de renoncer aux combustibles fossiles de telle sorte que nous sachions où nous nous en allons, que nous connaissions les principes que nous allons appliquer pour y parvenir et que nous fassions le lien avec les lois importantes déjà en vigueur comme la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité.
La loi devrait également articuler la teneur du processus tripartite élargi en désignant à la fois les partenaires et les autres parties prenantes qui y contribueront. Elle doit s'engager à assurer le respect des droits autochtones, et ce, de façon non équivoque, en précisant bien que personne ne sera laissé pour compte.
La loi devrait en outre prévoir la création d'un organe consultatif ayant un rôle clairement défini, préciser le mandat de cette instance et en établir la composition. Tout cela devrait être inscrit dans la loi pour que ce soit bien clair pour tout le monde. Il faut de plus fournir à cet organe consultatif les ressources nécessaires pour accomplir son travail.
Comme je l'ai indiqué en citant le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable sur la transition équitable, la loi doit étayer un plan pour la mise en oeuvre et la reddition de comptes. Elle doit préciser les structures de gouvernance à mettre en place et fournir le cadre permettant de savoir qui est responsable de quoi. Elle devrait aussi faire en sorte que des méthodes d'évaluation soient déployées pour s'assurer que les politiques et les programmes mis en oeuvre permettent d'obtenir les résultats escomptés et que le financement octroyé permet d'aider les personnes qui en ont besoin.
Enfin, la loi doit s'inscrire dans une stratégie de transition plus vaste. Il convient d'intégrer des mesures complémentaires de plus large portée sans se limiter à la loi elle-même. Comme l'indiquait mon collègue, ce n'est pas nécessairement suffisant. Nous devons considérer les choses dans une perspective plus globale. Nous devons réfléchir aux mécanismes de financement et aux stratégies de diversification économique qu'il faudrait mettre en place. Nous devons nous assurer que des programmes adéquats sont offerts pour la formation et le recyclage des travailleurs et s'accompagnent des mesures de contrôle et d'évaluation nécessaires.
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Nous en sommes arrivés à la fin du temps prévu.
J'aimerais remercier tous nos témoins pour le temps qu'ils nous ont consacré aujourd'hui. Merci de votre compréhension alors que nous avons débuté avec du retard pour ensuite partir voter au milieu de vos témoignages. Comme je le dis toujours à nos témoins, si vous avez des renseignements additionnels à nous fournir ou si vous souhaitez réagir à quelque chose que vous auriez entendu, nous vous invitons à soumettre au Comité un nouveau mémoire d'un maximum de 10 pages. Vous n'avez qu'à communiquer avec notre greffière si vous avez quoi que soit à nous transmettre.
Sur ce, nous vous permettons à ce moment‑ci de quitter la séance. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
Je m'adresse maintenant aux membres du Comité. Nous avons la salle et les interprètes à notre disposition jusqu'à 17 h 55. Si tout le monde est d'accord, nous pourrions passer à huis clos pour commencer à discuter de nos directives concernant le rapport à produire.
Merci.
Bonne fin de journée à nos témoins.
[La séance se poursuit à huis clos.]