Je vous souhaite la bienvenue à la 76e réunion du Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes. Nous nous réunissons aujourd'hui pour discuter de la crise climatique et du secteur de l'énergie au Canada, conformément à la motion adoptée le 18 septembre 2023.
Puisque la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, j'aimerais faire quelques remarques à l'intention des membres et des témoins.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur le symbole du microphone pour l'activer et veuillez mettre votre microphone en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour ce qui est de l'interprétation pour ceux sur Zoom, vous avez le choix entre parquet, anglais ou français au bas de votre écran. Les participants dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal de leur choix.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. De plus, les captures d'écran ou la prise de photos sont interdites.
Conformément aux motions de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins de la journée. Nous accueillons Rich Kruger, président et directeur général, et Arlene Strom, chef du développement durable, tous les deux de la Suncor Énergie Inc.
Nous vous souhaitons la bienvenue au Comité et vous remercions de prendre le temps de comparaître aujourd'hui. Vous disposez de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire.
Monsieur Kruger, je vous souhaite la bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Mes objectifs aujourd'hui comportent deux volets: expliquer comment Suncor perçoit l'avenir mondial de l'énergie, notamment le rôle du pétrole et du gaz naturel au Canada, et communiquer les mesures prises par Suncor aujourd'hui pour relever le double défi de répondre aux besoins énergétiques mondiaux tout en gérant les émissions de gaz à effet de serre et les changements climatiques.
Notre monde évolue rapidement, la population mondiale augmente, l'économie est en croissance, la sécurité énergétique est menacée par les conflits régionaux, les changements climatiques se produisent et la demande en énergie continue d'augmenter. L'accès à une énergie abordable et fiable est au centre de chaque indice de développement humain: qualité de vie, espérance de vie, éducation et revenus. La consommation d'énergie et le développement humain sont inextricablement liés. Là où il y a une pénurie d'énergie, la qualité de vie est inférieure. Depuis plus d'un siècle, le pétrole et le gaz naturel ont joué un rôle transformationnel pour alimenter les besoins énergétiques mondiaux, améliorer le niveau de vie et favoriser la croissance économique.
Toutefois, nous constatons aujourd'hui une hausse des émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement de notre planète et, de plus en plus, les conséquences préoccupantes des changements climatiques. Cependant, toutes les prévisions plausibles liées à l'énergie mondiale prévoient que le pétrole et le gaz resteront parmi les plus importantes sources d'énergie dans le monde au cours des prochaines décennies, des sources reconnues pour leur fiabilité et leur polyvalence. C'est là que réside le dilemme: décarboner efficacement et de manière abordable le secteur pétrolier et gazier, non pas l'éliminer.
Ayant les réserves parmi les plus importantes au monde, le Canada a une occasion majeure d'être un chef de file et de prospérer, en fournissant du pétrole et du gaz sobres en carbone au pays et à l'étranger. Ayant travaillé, d'une certaine façon, dans plus de 20 pays pendant ma carrière, je crois que le monde bénéficie du fait que le pétrole et le gaz soient produits au Canada, plus que lorsqu'ils sont produits dans la plupart des autres pays. Mais la réalisation du potentiel énergétique du Canada requiert une vision commune, incluant le soutien des pouvoirs publics, des avancées technologiques, des investissements concurrentiels et un leadership efficace. Autrement dit, un effort collectif est requis, entre le gouvernement, l'industrie et la société.
Suncor s'engage à participer à ces efforts et à faire partie de la solution en aidant à décarboner le secteur pétrolier et gazier canadien aujourd'hui, et en participant à la transition énergétique pour préparer l'avenir. Aujourd'hui, nous prenons des mesures tangibles et importantes pour décarboner nos activités existantes liées aux hydrocarbures en investissant dans une faible empreinte carbone, la substitution de carburants et la capacité de cogénération aux installations de sables bitumineux, en mettant à l'essai des technologies d'injection sobres en carbone utilisées dans nos installations in situ, en installant des bornes de recharge pour les voitures électriques à nos stations Petro-Canada d'un océan à l'autre, en faisant évoluer les carburants d'aviation durables, et en exploitant la plus importante usine de production d'éthanol au Canada afin de produire des carburants de transport renouvelables. Dans chacun des cas, nous joignons l'acte à la parole.
Nous travaillons également avec cinq autres entreprises dans le cadre de l'Alliance nouvelles voies pour approfondir la capture et la séquestration du carbone à grande échelle, à l'appui de notre objectif visant à atteindre la carboneutralité dans le cadre de nos activités d'ici 2050. L'Alliance nouvelles voies représente une collaboration sans précédent entre l'industrie et de nombreux ordres de gouvernement.
Pour ce qui est de la transition vers la carboneutralité grâce à des occasions non liées au pétrole et au gaz, nous axons nos efforts sur des secteurs où nous avons des compétences fondamentales, comme la production d'électricité, les carburants renouvelables, les systèmes de livraison aux clients, l'exploitation d'une grande usine et les processus de fabrication. Inversement, nous n'axons pas nos efforts sur les aspects de l'énergie pour lesquels nous n'avons pas les compétences fondamentales ou l'expertise pertinente. Nous sommes sélectifs et ciblés, pour nous assurer d'avoir ce qu'il faut pour être concurrentiels et créer des occasions de développement durable.
Nous nous engageons à faire en sorte que l'entreprise soit rentable et hautement performante aujourd'hui afin de pouvoir avoir une entreprise rentable, hautement performante et durable dans l'avenir. À Suncor, l'important est ce qui se passe aujourd'hui et demain, non pas l'un ou l'autre.
À mes collègues de Suncor, je suis fier de ce que vous faites: développer les ressources naturelles du Canada, fournir de l'énergie qui améliore la vie de millions de personnes, renforcer l'économie du Canada à l'échelle du pays, fournir des dizaines de milliers d'emplois bien rémunérés, appuyer les collectivités partout au pays, développer des relations significatives avec les peuples et les entreprises autochtones, et travailler ensemble pour créer un avenir durable.
Monsieur le président, je suis prêt à répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
On ne peut pas passer sous silence naturellement le fait que nous nous réunissons ici un jour ouvrable après que la Cour suprême du Canada a statué que la pièce maîtresse de la loi qui régit la réglementation des projets d'exploitation des ressources naturelles ratisse large, englobe de nombreux autres projets et empiète sur les compétences... Nous savons aujourd'hui que c'est le cas. Il est donc nécessaire, dans ce contexte, que vous soyez ici aujourd'hui pour répondre à nos questions, car cela prouve à quel point le gouvernement a créé de l'incertitude dans l'industrie au cours des huit dernières années.
Monsieur Kruger, vous avez mentionné avoir travaillé dans 20 pays au cours de votre longue carrière en tant qu'expert dans ce domaine. J'aimerais que vous étoffiez vos propos et votre point de vue sur le rôle du pétrole et du gaz canadiens dans le monde, les possibilités que cela présente pour le Canada sur les scènes nationale et internationale, et l'importance de donner aux promoteurs du secteur privé la clarté et la certitude dont ils ont besoin pour atteindre les objectifs.
Notre vision de l'avenir et nos engagements n'ont pas changé: nos engagements à décarboner nos activités pétrolières et gazières de base existantes, et nos engagements à jouer un rôle dans la transition à long terme. Je vous remercie de la question, car je crois que si je suis ici aujourd'hui, c'est en partie en raison de mes commentaires relativement à un appel aux investisseurs.
Je vais utiliser une analogie à propos de mes commentaires. Lorsque j'ai décidé de reprendre le collier, je suis allé voir mon médecin de famille pour lui dire que j'allais renoncer à quelques années de ma retraite pour retourner au travail et que je voulais vivre longtemps et en santé. Je lui ai demandé quel était le meilleur conseil qu'il pouvait me donner, et il m'a répondu de prendre soin de moi aujourd'hui.
Lors de cet appel, j'ai dit aux investisseurs que pour que notre entreprise fasse partie de la solution à long terme, il faut que nous soyons compétents dans ce que nous faisons aujourd'hui. Si on regarde le bilan de Suncor au cours des dernières années, on ne peut pas dire que c'était le cas. Nous avons la possibilité d'accroître la sécurité et l'intégrité opérationnelle de nos activités, afin de pouvoir poursuivre nos efforts de décarbonation et jouer un rôle dans la transition à long terme.
Lorsque j'ai fait mes commentaires, j'ai dit précisément que l'on met un peu trop l'accent sur le futur, car il faut s'assurer d'être solide aujourd'hui pour pouvoir être solide demain. Nos engagements à l'égard de la décarbonation et du rôle que nous voulons jouer dans la transition n'ont pas changé du tout depuis que j'ai pris le relais à ce poste il y a six mois.
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Je vous remercie de cette précision.
Auriez-vous autre chose à ajouter, notamment en comparant la politique et le cadre réglementaire et fiscal canadiens sur le développement des ressources et de l'énergie à ceux, par exemple, du client et concurrent le plus important du Canada, les États-Unis, de même qu'à d'autres qui font partie des 10 principaux régimes producteurs d'énergie dans le monde, dont la majorité sont bien sûr, des régimes d'État?
Pouvez-vous nous parler de l'importance des dommages, par exemple, qui ont été causés par huit années de flou politique, conjugué à ce qui est devenu une empilade de taxes, d'interdictions, de normes et de coups durs, en l'absence presque complète d'incitatifs, et des répercussions que cela a sur la compétitivité du Canada et le rôle que nous pouvons jouer pour assurer l'autosuffisance énergétique et la sécurité à nos propres citoyens et nous acquitter de l'obligation cruciale et, à mon avis, morale qu'a le Canada sur la scène internationale de fournir notre technologie et nos produits, les meilleurs, à d'autres pays dans le monde?
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Très bien. Il y a beaucoup d'éléments dans votre question, alors laissez-moi revenir un peu en arrière.
Ce que les marchés de capitaux recherchent notamment, à mon avis, c'est un rendement raisonnable pour un risque raisonnable. Ce qui est important pour eux au moment de procéder à des investissements importants, c'est d'avoir un certain niveau de prévisibilité, de stabilité et de certitude. Si la barre est mise à un certain niveau, c'est bien. Nous voulons simplement qu'on nous dise que ce n'est pas une cible mouvante.
Je pense que l'un des problèmes auxquels nous nous heurtons ici — et c'est le cas depuis un certain temps maintenant —, c'est l'imprévisibilité et l'incertitude qui, honnêtement, font fuir les capitaux. Compte tenu des ressources et des possibilités, à mon avis, dont dispose le pays, et le rôle de chef de file que nous pouvons jouer au pays et à l'étranger, je salue tous les efforts visant à accroître le niveau de prévisibilité et de certitude, afin que ceux d'entre nous qui sommes présents sur les marchés des capitaux puissent faire ce qu'ils font de mieux: fournir la technologie et les investissements nécessaires pour développer les ressources de ce grand pays.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Kruger et madame Strom, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
J'ai trouvé très intéressants les commentaires qui ont été publiés dans les médias en août, et dont vous avez parlé, à la suite d'entrevues que vous avez données. Je suis ce qui se passe dans le secteur de l'énergie dans l'Ouest canadien depuis quelques années, et je pense que Suncor a toujours été considérée comme un chef de file dans le secteur de l'énergie durable. J'ai été très surpris, comme beaucoup de Canadiens je crois, de voir ce que je considère être un retrait très agressif de certaines des entreprises d'énergie éolienne et solaire qui ont été créées au fil des années.
J'aimerais tenter de comprendre quel futur vous voyez pour l'énergie au Canada. Vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire que le pétrole et le gaz sont encore là pour longtemps, alors que j'ai vu des commentaires disant qu'ils atteindront leur pic au cours des 10 prochaines années et qu'ils commenceront ensuite à décliner. Il semble que vous tentiez le tout pour le tout actuellement, en essayant de tirer jusqu'au dernier dollar du secteur pétrolier et gazier.
Selon vous, où se dirige le secteur pétrolier et gazier traditionnel par rapport à celui des énergies renouvelables au pays? C'est en quelque sorte la première partie de la question.
La deuxième est la suivante: quelle place y occupera Suncor en raison de la nouvelle vision que vous semblez avoir pour la compagnie?
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Permettez-moi de commencer par le secteur pétrolier et gazier. Les prévisions varient beaucoup — à savoir si et quand le pic sera atteint, etc. —, mais je pense que l'important est de se rendre compte que le pétrole et le gaz sont des ressources qui s'épuisent. Si nous n'agissons pas, si le monde n'agit pas, selon... dans le cas du gaz, le déclin naturel serait de 5 % par année, et dans le cas du pétrole, de 7 % par année. Il faut des investissements continus juste pour répondre aux niveaux de demande actuels.
La question qui se pose à mon avis est la suivante: où ces investissements seront-ils faits? Si la demande existe, je crois que, même si nous décidons en tant que pays de produire moins de pétrole, le monde n'en consommera pas moins pour autant. Je pense que c'est l'occasion pour le Canada d'examiner où il soutient la concurrence dans le secteur pétrolier et gazier. Je crois que, compte tenu des efforts que nous déployons — j'ai parlé de I'Alliance nouvelles voies, du mélange des énergies renouvelables, etc. —, nous pouvons continuer à soutenir la concurrence dans ce secteur.
Je pense que le secteur pétrolier et gazier est là encore pour longtemps. C'est la manière de procéder qui le rendra plus acceptable socialement, plus acceptable socialement au Canada.
Au sujet des énergies renouvelables, je pense que ces énergies ont un grand rôle et un rôle de plus en plus important à jouer dans l'équation énergétique. La demande mondiale d'énergie ne cesse de croître. Je ne pense pas qu'il existe une seule source d'énergie qui réussira à la combler. Je ne pense pas que ce soit « l'un ou l'autre ». Je pense que c'est « l'un et l'autre », qu'il s'agisse des énergies renouvelables, des investissements continus dans les hydrocarbures, etc.
Suncor a bien l'intention d'être là encore longtemps. Nous sommes là depuis longtemps. Nous sommes une grande entreprise, une entreprise bien connue au pays, et nous avons l'intention de le demeurer. Nous avons l'intention non seulement de continuer à tirer de la valeur de nos entreprises existantes, mais aussi à faire croître de nouvelles entreprises.
Dans quoi sommes-nous compétents? Vous avez parlé de l'énergie solaire. Quand on regarde en arrière, on constate que nous avons été un pionnier. Nous nous sommes lancés dans l'énergie solaire et éolienne il y a environ 20 ans. À peu près au même moment, nous avons construit une usine d'éthanol, de carburants renouvelables de 250 millions de dollars, la plus importante au Canada aujourd'hui. Elle fournit des carburants renouvelables à notre réseau de stations Petro-Canada d'un océan à l'autre.
Il y a un an, avant mon arrivée, la décision a été prise de vendre les entreprises d'énergie éolienne et solaire à des gens qui, selon nous, pouvaient les exploiter mieux que nous. Toutefois, en parallèle, nous investissons dans nos installations d'énergie renouvelable, car nous pensons que c'est là où nous sommes compétents.
Il s'agit pour nous de choisir ce que nous savons faire de mieux pour jouer un rôle dans la transition.
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Je suis député de la Colombie-Britannique, où il y a bien des incendies et des inondations. Les changements climatiques sont bien réels et nous menacent.
Vous avez parlé de l'« acceptabilité sociale ». Les gens font notamment état des profits faramineux que le secteur pétrolier génère à l'heure actuelle. Il y a un article qui a été publié sur Suncor. Au deuxième trimestre, l'entreprise a enregistré 1,88 milliard de dollars de revenus; elle avait enregistré 4 milliards de dollars au cours de la même période l'an dernier. Les Canadiens se demandent — et mes électeurs se posent la même question — où vont ces profits pour nous aider à faire face aux changements climatiques et à leurs effets. Le secteur dans lequel vous travaillez a eu des répercussions très réelles sur la planète jusqu'ici, et il continue d'en avoir.
Quelle sera la prochaine série d'investissements visant à réduire l'incidence des changements climatiques et à atteindre l'économie carboneutre dont nous avons besoin d'ici 2050?
Ma prochaine question serait la suivante: Suncor s'engage‑t‑elle toujours à effectuer cette transition d'ici 2050, et à quoi servira la prochaine série d'investissements? Ce que nous faisons présentement ne suffit pas pour relever les défis qui se présentent à nous.
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C'est une bonne question. Concernant notre industrie, la nature de... Nous sommes une grande société, et il s'agit de grandes sommes d'argent. Je vais vous donner quelques chiffres pour mettre de la chair autour de l'os.
Au cours des trois dernières années, nous avons fait 9 milliards de dollars de profits. Nous avons versé 10 milliards de dollars en impôts, taxes et redevances aux gouvernements fédéral et provinciaux pour bâtir des ponts, des hôpitaux et des écoles. Toujours au cours de ces trois ans, nous avons investi 13 milliards de dollars de plus que les revenus que nous avons engrangés. Une partie des investissements sert à maintenir la santé de nos entreprises à l'heure actuelle, à assurer la sécurité et l'intégrité opérationnelle et à assumer notre responsabilité environnementale. Une part croissante va aux nouvelles entreprises. L'an dernier, nous avons dépensé 540 millions de dollars dans des projets de décarbonisation.
Dans notre industrie et notre société, les chiffres sont impressionnants, mais lorsqu'on les répartit et qu'on les examine... Nous versons plus de 50 % de nos revenus — et nous en sommes fiers — en impôts et en redevances. Nous réinvestissons non seulement dans la prospérité de notre société, mais dans la création de nouvelles entreprises qui — je pense que nous pouvons en convenir — sont importantes pour le pays.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Kruger, nous avons une chose en commun, puisque je suis aussi daltonien.
Dans votre présentation, tout à l'heure, vous avez parlé de vision d'avenir et de mesures prises par Suncor. Même si je ne suis peut-être pas d'accord avec vous, votre volonté de décarboner le secteur gazier et pétrolier semble ferme.
Sommes-nous d'accord là-dessus, vous et moi?
Vous allez voir où je veux en venir.
On dit que le Règlement sur les combustibles propres aura des répercussions et que ce sont les consommateurs qui en paieront le prix à la pompe, puisque cela aura un coût pour les pétrolières. Dans le cadre de l'Alliance nouvelles voies, les coûts associés à la décarbonation du secteur gazier et pétrolier sont énormes. On parle de 24 milliards de dollars d'investissements. À qui allez-vous refiler cette facture? Allez-vous la refiler aux consommateurs? Le pétrole propre est-il rentable sans l'apport de fonds du gouvernement?
Si, à propos de quelque chose d'aussi simple que le Règlement sur les combustibles propres, certains disent, en particulier mes collègues conservateurs, que la facture va être refilée aux consommateurs, moi, je suis persuadé que la facture associée à vos stratégies de captation de carbone va aussi être refilée aux consommateurs.
Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
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Cet enjeu me tient effectivement très à cœur. Tellement de personnes ont été évacuées. Certaines ont dû fuir les incendies de forêt en canot cet été à la baie James. C'est du jamais vu, donc c'est un enjeu qui nous tient à cœur.
Toutefois, je voudrais vous demander... Vous avez été vice‑président d'Exxon. J'ai des documents de cette société sous la main. Vos rapports scientifiques internes vous avertissaient que ce serait « en effet catastrophique... pour une grande partie de la population [mondiale] », si vous ne changiez pas de cap. Un an plus tard, votre société — et vous faisiez partie de la direction — a préparé un document d'information dans lequel on retrouvait le terme « catastrophique » pour caractériser ce que vous faites.
Compte tenu de votre propre participation et de celle de votre société à la suppression de données scientifiques, quelle serait votre responsabilité juridique? On ne peut pas juste dire que tout le monde a un rôle à jouer. Sur le plan scientifique, vous saviez que l'exploitation du pétrole et du gaz déstabilisait la planète.
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Je respecte très bien le sujet à l'étude.
Vous dites donc que je devrais m'adresser aux représentants d'Exxon. Présentement, les poursuites contre votre industrie se comptent par centaines, et il y en a une qui est assez accablante contre Suncor au Colorado.
Vous dites que j'ai des documents que vous n'avez pas eu la chance de consulter. Je vais vous les donner. Tous ces documents viennent de votre entreprise.
Cette étude concerne notamment la responsabilité. C'est ce qui m'intéresse ici. Lorsque vous en étiez vice‑président, Exxon a publié une déclaration selon laquelle « prendre des mesures draconiennes immédiates serait inutile », parce que « les indicateurs montrent qu'un climat plus chaud ne serait pas si dommageable » et que « le réchauffement climatique ferait baisser le taux de mortalité aux États‑Unis ». Cet énoncé est erroné.
Selon une lettre que des médecins canadiens ont adressée au gouvernement récemment, « un décès prématuré sur sept au Canada est lié à la pollution de l'air par les combustibles fossiles ». Diriez‑vous que votre industrie risque fort de faire l'objet d'autres poursuites du genre, qui prolifèrent, parce que vous êtes au courant des dommages et que vous refusez d'y remédier et de révéler les risques qui pèsent sur la population?
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Absolument. Ce qui me préoccupe, monsieur Kruger, c'est que des éléments d'information nous indiquent que votre industrie savait que l'augmentation de la production et de l'utilisation des combustibles fossiles déstabilisait la planète. J'ai vu des gens être évacués, des gens qui ne peuvent pas rentrer chez eux. Des personnes ont perdu leurs biens à cause de cela et nous avons la preuve que votre industrie savait. Je suis stupéfait que tout cela soit nouveau pour vous, car c'est une question de responsabilité.
J'ai constaté, par exemple — je vais changer de sujet, si vous le voulez bien —, qu'une plainte a été déposée auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta, selon laquelle vous avez laissé tomber la question de la responsabilité à l'égard des investisseurs. C'est une question très préoccupante, car l'Agence internationale de l'énergie a publié un rapport dans lequel elle nous dit à nous, les législateurs, qu'il ne faut pas investir davantage en raison des actifs délaissés, mais depuis que vous êtes à la tête de Suncor, vous avez abandonné la question de la responsabilité.
N'avez-vous pas l'obligation de vous assurer que le public est conscient des responsabilités et des risques qui sont liés à de nouveaux investissements et des dommages causés à la planète, que votre industrie connaît depuis le début?
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Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui, monsieur Kruger.
Tout d'abord, j'aimerais vous présenter des excuses au nom des Canadiens pour le temps qu'on vous a fait perdre ici. Des personnes soulèvent des questions qui n'ont rien à voir avec la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui ou avec ce pour quoi vous avez été convoqué ici aujourd'hui.
Sur ce, j'aimerais commencer, monsieur Kruger.
On vous a posé une question, à laquelle vous avez commencé à répondre, au sujet de la hausse des coûts associés à la production de pétrole et de carburants au Canada, mais on vous a interrompu avant que vous ne puissiez terminer. Je me demandais si vous pouviez expliquer à ce comité quels sont certains de ces coûts plus élevés et peut-être parler de certains coûts qui existent ici au Canada, mais pas dans d'autres pays avec lesquels vous êtes en concurrence, afin que nous puissions bien comprendre ce qui se passe de sorte qu'une entreprise comme la vôtre, qui essaie de soutenir la concurrence aujourd'hui, puisse également être pertinente à l'avenir.
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Nous dépensons actuellement 1,5 milliard de dollars pour remplacer, à nos installations de sables bitumineux, le coke, que nous utilisons comme source de combustible pour fournir de la chaleur et de la vapeur, par du gaz naturel. Il s'agit d'une substitution de carburants qui permet de réduire considérablement les émissions de carbone.
Dans nos activités in situ, celles qui consistent à forer des puits et à produire à partir de réservoirs, nous dépensons actuellement plusieurs centaines de millions de dollars dans des travaux pilotes pour examiner la possibilité de remplacer la vapeur par des solvants, là encore pour réduire considérablement la teneur en carbone. J'ai fait des observations à ce sujet.
À St. Clair, nous avons une usine d'éthanol qui produit du carburant renouvelable, la plus grande du pays. Nous sommes en train d'examiner ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses.
Je pense que c'est comme cela partout. Nous nous concentrons sur l'amélioration de nos activités de base et le développement de nouvelles activités dans le domaine des énergies renouvelables.
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Je vous remercie de cette précision.
En fait, je vous ai entendu dire tout à l'heure que vous êtes allé voir votre médecin, qui vous a conseillé de prendre soin de vous aujourd'hui. Cela m'a interpellée, car lorsque je pense aux Canadiens qui prennent soin d'eux aujourd'hui, je pense au fait que nous avons vu des habitants de Fort McMurray fuir littéralement les incendies de forêt. Leurs maisons ont été brûlées. Ils ont été confrontés à de grands bouleversements à la suite de catastrophes naturelles. De plus, cet été, nous avons vu le phénomène se produire partout au pays. Il y a eu des feux de forêt, des ouragans, des sécheresses et des inondations.
Au moment où vous avez fait votre déclaration, qui est vraiment l'élément à l'origine de notre étude, des gens fuyaient littéralement Yellowknife, passant tout près des sables bitumineux, pour se réfugier plus au sud, en Alberta. Comprenez-vous au moins que le fait de dire à ce moment‑là qu'il fallait changer de ton et d'orientation n'était pas une façon de prendre soin de nous à ce moment‑là? N'êtes-vous pas d'accord?
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Monsieur Kruger, je dois vous dire que je suis un peu perplexe. Je vous parlais, tout à l'heure, du Règlement sur les combustibles propres, qui s'applique à votre secteur d'activité. Vous m'avez dit que vous n'en aviez pas pris connaissance et que vous n'en aviez pas fait d'analyse. Il me semble que, si un règlement s'appliquait à un secteur d'activité duquel je suis partie prenante, cela m'intéresserait. C'est le premier élément qui me rend perplexe.
Par ailleurs, je sais très bien que le Règlement sur les combustibles propres aura une incidence sur vos coûts de production. Cela dit, je sais très bien aussi que cette incidence est sans commune mesure avec votre volonté de décarboner le secteur pétrolier.
Alors, de deux choses l'une: ou bien votre volonté et celle de l'Alliance nouvelles voies de décarboner le secteur pétrolier n'est que de la fumisterie et on utilise cela pour faire de l'écoblanchiment tout en continuant à produire du pétrole; ou bien vous êtes un bien piètre gestionnaire, puisque vous n'avez pas pris la peine de regarder les règlements sur les combustibles que va appliquer le gouvernement canadien.
J'aimerais que vous m'expliquiez cette logique.
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Le lien est assez simple, monsieur: le lien est dû au fait qu'on tente de réduire l'intensité des émissions de votre secteur d'activité. Ce que vous cherchez à faire, au moyen de stratégies de captage du carbone, c'est atteindre la carboneutralité d'ici à 2050. Ce que le Règlement sur les combustibles propres cherche à faire, c'est réduire l'intensité des émissions de votre secteur.
Pourquoi, d'une part, refuseriez-vous une solution qui vous coûte moins cher, soit celle du Règlement sur les combustibles propres, mais, d'autre part, choisiriez-vous une solution consistant à consacrer 10 % de vos dépenses en immobilisation à la réduction de votre empreinte carbonique? Je ne comprends pas cela. Je vois l'incidence de la mise en place de stratégies de captage du carbone sur vos coûts de production comme étant exponentielle et très élevée. Cela vous apparaît logique, mais le Règlement sur les combustibles propres vous apparaît illogique.
Je vous demande pardon pour ce que je vous ai dit tout à l'heure, mais...
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Merci, Monsieur Kruger. Le temps est écoulé.
Je demanderais à tous les membres du Comité de ne pas parler en même temps, car cela complique le travail des interprètes. Veuillez faire vos commentaires et vos déclarations, puis donner aux témoins la possibilité de répondre.
Le temps est écoulé, mais vous aurez peut-être l'occasion, au cours des discussions, de faire des observations à ce sujet.
Merci, monsieur Simard.
Nous passons à M. Angus, qui dispose de deux minutes et demie.
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Je vous remercie, monsieur Angus.
Je suis Albertaine et mère de famille. Je suis d'accord avec certains des témoignages selon lesquels le secteur pétrolier et gazier a grandement contribué à l'économie canadienne, mais je dirai aussi que nous savons depuis des décennies que ce secteur fait également bouillir notre planète.
Monsieur Kruger, l'an dernier, les profits de Suncor — pas les revenus, mais les profits — ont dépassé les 27 milliards de dollars, et il semble que cette année sera une autre année de profits record. En effet, cette année, plus de 5 milliards de dollars de profits ont été enregistrés pour le deuxième trimestre seulement. Pourtant, vous avez réduit les contrats avec les entreprises canadiennes l'année dernière et vous allez mettre à pied 1 500 autres travailleurs cette année.
Combien de ces entrepreneurs et combien de ces travailleurs étaient des Albertains?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
C'est un honneur d'être ici pour écouter votre témoignage, monsieur Kruger.
Il y a deux ou trois points que je tiens à aborder.
Je sais que le secteur de l'énergie est très malmené par nos groupes environnementaux. À titre d'Albertain qui est fier des contributions et des progrès réalisés dans le secteur de l'énergie en matière de réduction des émissions et de développement des technologies de pointe, je suis toujours peiné de voir que nous devons lutter si fort pour quelque chose que nos alliés mondiaux réclament avec insistance afin de stabiliser leurs besoins en énergie. Nous ne suivons pas adéquatement l'impact des développements énergétiques sur l'ensemble du cycle de vie, et j'ai donc du mal à croire que notre gouvernement a une idée précise de notre position.
Vous avez parlé de vos projets éoliens. Nous avons reçu des représentants d'ATCO et je leur ai demandé combien d'argent était mis de côté une fois que les centrales sont démantelées, afin que nous sachions que ces sites demeureront sans danger pour l'environnement, etc.
J'aimerais savoir si vous avez ces chiffres pour vos exploitations qui se trouvent en Alberta.
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Vous abordez un sujet très important pour moi.
J'ai quelques statistiques à vous communiquer. Environ 5,5 % de notre main-d'œuvre est autochtone. L'an dernier, nous avons effectué des transactions d'une valeur de 3,1 milliards de dollars avec des entreprises appartenant à des Autochtones. Ces deux chiffres ne cessent d'augmenter au fil du temps. Je pense qu'il s'agit d'une excellente occasion de participer et de faire quelque chose de bien pour les collectivités au sein desquelles nous menons nos activités, mais aussi, bien honnêtement, quelque chose de bien pour le pays à long terme.
Il y a quelques semaines, Mme Strom a organisé une journée nationale de la vérité et de la réconciliation au bureau. Trois aînés étaient présents. Le membre autochtone de notre conseil d'administration a facilité cette journée.
À titre de dirigeant d'une entreprise, j'ai une énorme responsabilité, non seulement de créer des emplois et des possibilités commerciales, mais aussi d'aller plus loin et de voir comment l'entreprise peut établir de véritables partenariats et renforcer la collaboration. Je suis très fier de ce que cette entreprise a accompli et continue d'accomplir dans ce domaine.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Kruger, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit ceci: « Là où il y a une pénurie d'énergie, la qualité de vie est inférieure ». J'étais heureuse de vous entendre dire que la qualité de vie des gens est importante pour vous. Je présume que cela s'étend à vos employés. Cependant, les rapports sur la sécurité au travail indiquent qu'il y a un problème à Suncor dans ce domaine. En effet, il y a eu six accidents mortels sur les lieux de travail depuis 2020 et plus de 30 atteintes à la sécurité.
Je suis députée de Sudbury, une ville minière. La sécurité au travail est donc extrêmement importante pour nous, et les accidents peuvent entraîner des décès. Pouvez-vous nous dire quelles mesures vous avez prises pour assurer la sécurité de vos employés sur les lieux de travail?
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Oui, je peux vous en parler et je vous remercie de votre question.
Je partage votre engagement et votre passion quant à l'importance de cette question. Je considère qu'assurer la sécurité sur les lieux de travail est, fondamentalement, une responsabilité morale qui m'incombe. Lorsque je fais le bilan des dernières années de l'entreprise, je le trouve assez triste à bien des égards. C'est une priorité absolue pour moi.
Par exemple, l'une des raisons pour lesquelles on m'a demandé de comparaître ici aujourd'hui, c'est que lors d'un dévoilement des résultats, j'ai dit qu'il fallait se concentrer sur les éléments fondamentaux. Pour moi, les éléments fondamentaux commencent par la sécurité du personnel. Le 7 juillet dernier, j'ai parlé au père d'un jeune homme qui a perdu la vie dans notre exploitation le 7 juillet de l'année précédente. Je lui ai promis de toujours placer la sécurité de nos employés en tête de mes priorités.
Nous prenons de nombreuses mesures en ce sens, et tout commence avec moi. Il faut d'abord faire preuve de leadership, s'engager dans ce domaine et ne confier à personne une tâche que je ne ferais pas moi-même ou que je ne confierais pas à mes enfants. La sécurité me passionne, car je pense que c'est là que tout commence. En effet, sans un lieu de travail sécuritaire, nous ne devrions pas avoir d'autres priorités que la sécurité.
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Chers collègues, je demanderais à tout le monde, une fois de plus…
Je suis désolé, monsieur Aldag, mais nous n'avons pas le consentement unanime.
Malheureusement, madame May, vous ne pouvez pas avoir la parole aujourd'hui. J'espère que ce sera possible à un autre moment.
Monsieur Kruger et madame Strom, nous vous remercions beaucoup de votre présence et de vos témoignages aujourd'hui. J'espère que nous aurons l'occasion de vous revoir. Je vous remercie sincèrement.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, c'est avec plaisir que je vous présente mes réflexions sur la crise climatique et le secteur de l'énergie au Canada. Mes 11 années d'expérience comme professeur et chercheur universitaire, notamment sur l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, nourrissent mon point de vue.
Les émissions de gaz à effet de serre générées par les activités économiques sont un problème classique d'externalité négative: les consommateurs et les producteurs n'ont pas d'incitatifs économiques privés à prendre en compte l'impact de leurs émissions sur le climat. L'efficience économique peut être restaurée en introduisant une tarification des émissions, en incitant les consommateurs à réduire leur demande de produits intensifs en émissions et en incitant les producteurs à changer leurs processus de production et la gamme de leurs produits.
Évidemment, il existe des impératifs autres qu'économiques qui peuvent amener les individus et les organisations à agir sur leurs émissions de gaz à effet de serre. Des considérations morales ou liées à la réputation ou à l'image, entre autres, entrent en ligne de compte. Dans le monde des affaires, ces autres considérations peuvent prendre la forme de divers critères normes, ou certifications. Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, soit les ESG, en sont un bon exemple. À une autre époque, on parlait de triple bilan pour représenter les objectifs de développement durable mis en œuvre dans un contexte d'affaires.
Néanmoins, les récents commentaires de M. Kruger, directeur général de Suncor, illustrent que les questions économiques, notamment la profitabilité, demeurent au centre des décisions des entreprises canadiennes, dont celles du secteur de l'énergie. C'est pourquoi il est, à mon avis, fondamental de maintenir des incitatifs économiques à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, si le Canada veut respecter ses engagements internationaux.
Ces incitatifs économiques prennent diverses formes, notamment celles des taxes et des subventions. Les taxes et les subventions ont des implications fiscales différentes pour les gouvernements, mais elles ont aussi des particularités différentes dans le cas des ressources naturelles non renouvelables, comme le pétrole et le gaz naturel. En effet, comme les politiques de lutte contre les changements climatiques ont généralement des niveaux croissants avec le temps, celles-ci peuvent représenter, pour les exploitants de ressources fossiles, un environnement compétitif plus difficile, voir une menace implicite d'expropriation. En réponse à ces politiques graduelles, les exploitants pourraient donc choisir d'accélérer leur extraction de combustibles fossiles pendant qu'il en est encore temps. Cette extraction accélérée entraîne également une accélération des émissions de gaz à effet de serre, et, donc, des changements climatiques.
Ce phénomène, nommé « paradoxe vert », ne se produit pas également dans toutes les situations. Il est plus prononcé lorsque les politiques de transition énergétique sont basées sur des approches réglementaires et sur des subventions. À l'inverse, lorsque les politiques sont basées sur des approches de tarification, les possibilités de voir émerger un paradoxe vert sont beaucoup moins grandes, voire inexistantes. Il est à noter que les systèmes de plafonnement et d'échange de droits d'émissions, comme celui qui prévaut au Québec, permettant la mise en banque de droits d'émission, mais pas leur emprunt, contribuent à réduire le phénomène de paradoxe vert. En effet, ce mécanisme encourage les émetteurs à réduire leurs émissions au-delà des objectifs fixés par les gouvernements au début des politiques, pour avoir une plus grande flexibilité au fur et à mesure que les politiques deviennent plus contraignantes.
Je souligne que le phénomène de paradoxe vert n'est pas suffisamment important pour remettre en cause le gradualisme des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La nécessité de donner du temps aux innovations technologiques, aux réorganisations des chaînes d'approvisionnement, aux remplacements de biens durables, aux changements des habitudes de consommation, entre autres, milite en faveur de politiques qui deviennent graduellement plus contraignantes. Les investissements à long terme que les entreprises et les ménages doivent faire pour s'adapter efficacement à ces politiques militent également en faveur d'annonces anticipées comportant des objectifs clairement définis à long terme.
Ces éléments renforcent la prépondérance à accorder aux politiques de tarification du carbone dans l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Celles-ci permettent une approche graduelle, avec des objectifs à long terme, tout en minimisant les risques de paradoxe vert. Les qualités des politiques de tarification du carbone sont à garder en tête, alors que nous ne sommes pas encore sortis du contexte inflationniste. Il pourrait être tentant d'y substituer des politiques de subvention, des politiques réglementaires, et même l'absence complète de politiques, dans le but de réduire le fardeau pour les consommateurs. Il serait, à mon avis, préférable d'offrir un soutien ponctuel aux consommateurs, le temps que les entreprises s'ajustent aux nouveaux modes de production sobre en carbone et que les consommateurs changent certaines de leurs habitudes et remplacent certains de leurs biens durables. Ainsi, les politiques de tarification du carbone permettront une transition plus efficace de la production des entreprises. Les consommateurs auront des produits plus abordables, parmi lesquels ils pourront choisir.
Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Je suis journaliste et auteur indépendant à Vancouver. Mon travail se fonde sur des preuves et des faits. Il y a environ un millier de notes en fin d'ouvrage, de notes de bas de page et de citations dans ce livre. Fire Weather est actuellement un succès de librairie et un finaliste pour des prix nationaux dans trois pays différents. À mon avis, c'est parce que les gens sont très sensibles au sujet — la façon dont notre appétit pour le pétrole a surchargé l'atmosphère, ce qui nous met tous en danger —, surtout après le terrible été de chaleur et d'incendies causés par le CO2 que nous venons de vivre.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à dire à quel point je suis honoré d'être ici. Je viens en toute bonne foi, en tant que fier Canadien qui aime son pays et qui est reconnaissant pour tout ce que le pétrole nous a apporté. Le Canada et l'industrie pétrolière ont à peu près le même âge, et tous deux ont parcouru beaucoup de chemin en peu de temps. Malheureusement, il en va de même pour notre climat.
Quand Fort McMurray a pris feu en mai 2016, j'ai été aussi choqué que n'importe qui d'autre. L'hiver était à peine terminé. Les lacs environnants étaient encore gelés, et pourtant la température dans le nord de l'Alberta atteignait 33 °C. Ce qui était encore plus inquiétant, c'était le taux d'humidité relative de 11 %. Savez-vous où il est normal d'avoir un taux d'humidité de 11 %? Dans la vallée de la Mort, en juillet. Transposez le climat de l'endroit le plus chaud et le plus sec d'Amérique du Nord dans la forêt boréale canadienne, un écosystème notoirement inflammable, et vous pouvez vous attendre à des phénomènes extrêmes. C'est ce qui s'est produit.
Je vais vous donner une petite leçon de science. La chaleur rayonnante, celle qui vous incite à ne pas toucher la flamme d'une bougie, se propage à la vitesse de la lumière. Le 3 mai 2016, la chaleur rayonnante émanant de l'incendie de Fort McMurray, qui s'étendait sur 10 kilomètres de large avec des flammes de 100 mètres, atteignait 500 °C. C'est plus chaud que sur Vénus. C'est ce qui s'est passé à Fort McMurray le 3 mai, le 4 mai et les jours suivants. C'est la même chose qui s'est produite cet été en Colombie‑Britannique, en Alberta, au Québec et dans les Territoires du Nord‑Ouest.
Les pompiers de Fort McMurray ont raconté que des maisons avaient été entièrement rasées par les flammes en l'espace de cinq minutes. Je pensais qu'ils exagéraient. Ce n'était pas le cas. J'ai parlé à des physiciens. C'est ce que le feu peut faire à 500 °C. Par conséquent, le travail de lutte contre le feu est devenu une opération de sauvetage, car le temps manquait pour faire quoi que ce soit d'autre.
Ce qui surprend tout le monde à propos des incendies du XXIe siècle, c'est la vitesse à laquelle ils se déplacent. Parlez‑en à n'importe qui à Slave Lake, Fort Mac, Kelowna ou Enterprise, dans les Territoires du Nord‑Ouest: on voit un panache de fumée au loin, et il faut déjà fuir pour sauver sa peau.
Cela se produit parce que plus l'air et la forêt sont chauds et secs, plus le feu est rapide et explosif. La science du climat n'a rien de sorcier. Dès les années 1770, on comprenait le principe de l'effet de serre. Dans les années 1850, on avait établi que le CO2 retenait la chaleur. Dans les années 1890, les scientifiques envisageaient la possibilité que le CO2 industriel puisse modifier le climat de la Terre. Dans les années 1930, les relevés de température à l'échelle mondiale témoignaient d'un réchauffement. Dans les années 1950, les spectromètres de masse pouvaient mesurer le CO2 en nombre de parties par million, d'où la fameuse courbe de Keeling.
Dans les années 1970, Exxon, l'ancienne société de Rich Kruger, était à la pointe de la science climatique. Des notes de service internes révélaient des prévisions d'une précision chirurgicale concernant la relation entre l'augmentation du CO2 et le dérèglement climatique que nous connaissons aujourd'hui. Exxon le savait, tout comme Suncor.
Puis, en 1989, ces entreprises se sont détournées de leur propre science. Elles l'ont fait parce qu'elles étaient plus intéressées par l'argent. Elles l'ont fait parce qu'elles savent que l'industrie pétrolière est fondamentalement une industrie du feu. C'est donc une industrie qui produit du CO2, ce qui veut dire qu'elle altère le climat. C'est de la chimie et de la physique élémentaires. Nous ne pouvons pas nier ce fait, ni le détourner, ni lui donner un éclairage vert.
Soyons clairs: le pétrole est un combustible du XIXe siècle. Le prototype du moteur à combustion interne a été mis au point en 1860. Pourquoi diable l'utilisons-nous encore?
Deux cent mille Canadiens ont été chassés de chez eux par des incendies de forêt cet été. Des dizaines de millions de Nord-Américains ont été enveloppés de fumée toxique. Le fleuve Amazone est en train de s'assécher. Si nous ne réduisons pas les émissions maintenant, nous allons rendre cette planète inhabitable. Le leadership du Canada est important. Notre survie en dépend.
Voici le côté positif de la situation. En ce qui concerne les possibilités en matière d'énergies renouvelables, le Canada est vraiment une superpuissance. À l'heure actuelle, nous sommes parfaitement préparés à saisir la plus grande occasion de produire de l'énergie verte que le monde n'ait jamais connue.
Qui nous en empêche?
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis heureux d'être ici aujourd'hui au nom de l’Alliance nouvelles voies.
L’Alliance représente les six plus grands producteurs de sables bitumineux du Canada, dont Suncor, qui a pris la parole plus tôt ce matin, ainsi que Canadian Natural, Cenovus, ConocoPhillips Canada, Imperial et MEG Energy. Collectivement, nos six sociétés exploitent 95 % de la production des sables bitumineux au Canada, soit la majorité de la production totale de pétrole et de gaz du Canada. La contribution de nos entreprises au PIB du Canada et aux revenus fédéraux et provinciaux s'élève à des dizaines de milliards, et elles emploient des dizaines de milliers de Canadiens.
Cependant, nous reconnaissons que nous contribuons largement aux émissions de gaz à effet de serre et au problème du changement climatique. L’exploitation des sables bitumineux émet environ 80 mégatonnes d’équivalent CO2 par année, ce qui représente environ 11 % des émissions totales de GES du Canada. Nous contribuons dans une grande mesure au problème des émissions du Canada et nous devons donc faire partie de la solution.
C’est la raison pour laquelle, en 2021, nos six entreprises ont décidé d'unir nos forces pour relever le défi de la réduction des émissions. Toutes les entreprises de l'Alliance ont pour objectif de réduire à zéro les émissions nettes de leurs activités liées aux sables bitumineux, c’est‑à‑dire d’éliminer toutes les émissions de portées 1 et 2 d’ici 2050.
Nous avons, à court terme, un plan de réduction des émissions de 22 mégatonnes d'ici à 2030, à commencer par notre projet fondamental, soit la création d'un réseau de captage et de stockage du carbone qui sera le plus important au Canada et l'un des plus grands au monde. Ce projet permettra de piéger le carbone provenant de 16 sites différents d'exploitation des sables bitumineux, dont 14 seront reliés par un pipeline de 400 kilomètres de long allant de Fort McMurray au sud de Cold Lake, dans l'Est de l'Alberta, où le CO2 sera séquestré sous terre dans des aquifères salins profonds. Ce projet permettra dans un premier temps de stocker 14 mégatonnes de carbone par an, chiffre qui pourrait être porté à 40 ou 50 mégatonnes par an à mesure que s'ajouteront de nouvelles capacités de captage dans les années 2030 et 2040.
Notre projet fondamental ajoutera 16 milliards de dollars au PIB du Canada et créera des emplois pour plus de 100 000 années-personnes pendant la phase de construction, d'ici à 2030. Donc, en plus de permettre une réduction importante des émissions, ce projet constituerait un énorme levier économique pour l'Alberta et le Canada.
Nous étudions d'autres technologies, telles que la cogénération d'électricité, l'efficacité énergétique et l'utilisation de solvants dans le processus d'extraction, ainsi que des technologies plus récentes comme l'utilisation de l'hydrogène comme source de carburant, les petits réacteurs nucléaires modulaires et, à terme, le captage direct dans l'air afin d'extraire le CO2 directement de l'atmosphère. Nous aurons besoin de tous ces leviers si nous voulons atteindre notre objectif d'une exploitation carboneutre d'ici à 2050.
La technologie du captage et du stockage du carbone a fait ses preuves — nous avons déjà quatre grands projets de CSC au Canada —, mais c'est une technologie coûteuse. Pour assurer notre compétitivité, il faudra que les gouvernements fédéral et provinciaux investissent conjointement avec l'industrie dans cette importante activité.
Nous avons eu un dialogue solide avec les deux ordres de gouvernement ainsi qu'avec 26 communautés des Premières Nations et des Métis de la région où se réalise le projet. Les gouvernements fédéral et albertain ont contribué au projet. Le crédit d'impôt à l'investissement pour le captage et le stockage du carbone, annoncé par le gouvernement fédéral il y a deux ans, sera essentiel à la réalisation de tels projets, tout comme la mesure d'incitation au captage du carbone annoncée récemment par l'Alberta.
Nous sommes également heureux que le gouvernement fédéral ait annoncé qu'il étudiait la possibilité de conclure des contrats sur différence pour le carbone comme mécanisme permettant de renforcer le prix du carbone industriel au Canada, ce qui contribuerait à soutenir les activités courantes de captage du carbone.
Il s'agit d'excellentes propositions, mais aucune de ces mesures n'est actuellement en place. D'autres pays, comme les États-Unis avec leur loi sur la réduction de l'inflation, mais aussi le Royaume-Uni, la Norvège et les Pays-Bas, notamment, ont adopté, pour le captage du carbone, des mesures incitatives beaucoup plus généreuses que celles dont disposent actuellement le Canada et l'Alberta. Lorsque les entreprises canadiennes sont en concurrence pour obtenir des investissements à l'échelle mondiale, nous devons être en mesure de démontrer que nous disposons d'un environnement aussi attrayant que possible pour le captage du carbone et d'autres nouvelles technologies.
Le gouvernement fédéral et les gouvernements de l'Ontario et du Québec ont pris la décision de s'aligner sur la loi américaine sur la réduction de l'inflation en ce qui concerne la technologie des batteries pour les véhicules électriques. Nous pensons qu'il faut traiter de la même manière le captage du carbone, une technologie dans laquelle le Canada est déjà un leader mondial et qui représente probablement la plus grande possibilité de réduction des émissions dont dispose le Canada.
Grâce à la bonne combinaison de crédits d’impôt à l'investissement et d’autres mesures incitatives du gouvernement fédéral, de mesures incitatives de l'Alberta, de contrats sur différence pour le carbone et d’autres mesures visant à soutenir les coûts d’exploitation courants, nous pensons que le Canada peut rivaliser avec n’importe qui dans le monde.
Sur ce, je vais me faire un plaisir de répondre à toutes vos questions.
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Merci et bonjour. Merci de m'avoir invité à vous parler.
Au cours des huit dernières années, ma famille et moi avons lancé trois projets afin de tenter d'apporter notre contribution pour faire du Canada un chef de file dans la lutte contre les changements climatiques et le problème urgent de pauvreté énergétique.
Le premier projet, que nous avons lancé en 2015, est celui de la voie ferroviaire entre l'aéroport de Calgary et Banff, le projet CABR, qui nous donnera le premier réseau ferroviaire de transport de passagers à l'hydrogène et carboneutre en Amérique du Nord, et le premier réseau ferroviaire construit de toutes pièces au Canada pour assurer le transport intermunicipal de passagers.
Pour situer le contexte, ma femme, Jan, et moi vivons à Banff depuis 26 ans, et nous nous inquiétons de plus en plus des répercussions des véhicules personnels sur le parc national Banff. Le retour du transport ferroviaire de passagers à Banff était la solution transformative évidente, mais le gouvernement n'était pas en mesure de le faire. Ma femme et moi avons donc décidé de relever le défi et de voir si le secteur privé pouvait mettre sur pied un réseau fiable à grande fréquence qui utiliserait une nouvelle voie réservée dans le corridor ferroviaire du Canadien Pacifique Kansas City, ou CPKC.
Pour faire avancer le projet, nous avons d'abord travaillé avec le CPKC afin de louer la gare ferroviaire de Banff, et nous avons ensuite conclu un protocole d'entente pour louer l'espace nécessaire à la construction de la voie dans le corridor. Nous avons opté pour un partenariat public-privé et retenu les services de la filiale consacrée aux infrastructures de la Caisse de dépôt et placement du Québec en tant que partenaire de développement.
Nous avons obtenu l'appui des maires des quatre municipalités le long du trajet. Le gouvernement fédéral, par l'entremise de la Banque de l'infrastructure du Canada, s'est révélé être un formidable partenaire et a accepté d'assumer la moitié du coût en capital. Nous effectuons actuellement une étude avec le gouvernement de l'Alberta pour optimiser le lien ferroviaire à l'aéroport. Si tout se déroule comme prévu, nous espérons commencer la construction, qui durera trois ans, d'ici 24 mois, ce qui signifie que la voie ferroviaire entre l'aéroport de Calgary et Banff serait en service à la fin de 2028.
Le deuxième projet, que nous avons entamé il y a trois ans, est le Banff National Park Net Zero 2035, un effort pour faire de Banff la première collectivité carboneutre d'Amérique du Nord. Jan et moi avons créé l'initiative après avoir travaillé avec l'Accélérateur de transition pour déterminer que les visiteurs et les habitants au parc national Banff émettaient 105 tonnes métriques par année en se déplaçant, ce qui est de loin la plus grande quantité d'émissions de tous les parcs nationaux de la planète. Pour mettre les choses en perspective, nous pouvons faire une comparaison avec le parc national de Zion, le parc national américain qui ressemble le plus au parc national Banff pour ce qui est du nombre de visiteurs. Au parc national de Banff, les émissions liées au transport pour chaque visiteur étaient 63 fois plus élevées.
Il était clair que Parcs Canada ne pouvait pas réduire à lui seul les répercussions des véhicules personnels. Nous avons vu la possibilité de transformer le parc national Banff et de le faire passer du dernier au premier rang grâce à la collaboration de leaders du monde des affaires, du milieu universitaire et du gouvernement. Les priorités à court terme de l'initiative Banff National Park Net Zero 2035 comprennent la réalisation de projets comme la création de zones réservées aux piétons dans la ville et le remplacement des véhicules personnels pour se rendre aux points d'intérêt populaires du parc en utilisant plutôt des navettes. La transition vers l'hydrogène pour répondre aux besoins de chauffage de Banff est une priorité à court terme. Une technologie novatrice permettrait de transformer le gaz naturel en hydrogène dans des installations situées dans la collectivité. Comme nous aimons le dire, si Banff ne peut pas devenir carboneutre d'ici 2035, Toronto n'a pas la moindre chance de le faire d'ici 2050.
Le troisième projet que nous avons lancé en 2017 est Strathcona Resources Ltd., qui deviendra probablement l'une des premières pétrolières en Amérique du Nord à capter et à stocker du carbone à grande échelle. À titre d'information, Strathcona a été créé à l'aide du financement du fonds pour l'énergie propre de l'État de Washington. C'est une entreprise de capital-investissement qui compte, entre autres professionnels, mes trois fils et moi. Au cours des six dernières années et demie, nous en avons fait la cinquième pétrolière du Canada en importance. Le plan d'affaires de Strathcona aidera à pallier les problèmes urgents de pauvreté énergétique pour faire passer structurellement la production de 185 000 à 325 000 barils par jour au cours des huit prochaines années.
Strathcona doit principalement sa croissance au regroupement de trois domaines clés rendu possible grâce à l'acquisition de 10 petites entreprises secondaires pour n'en faire qu'une seule entité. Aucune de ces petites entreprises n'était en mesure de financer les investissements de capitaux nécessaires à la réduction des émissions de CO2. Les actifs thermiques de Strathcona, qui permettent actuellement de produire 9 000 barils par jour, se situent dans le Sud de l'Alberta et de la Saskatchewan, ce qui nous permet de capter le CO2 directement dans des réservoirs sous ces installations, contrairement à ce qui se fait aux sables bitumineux de l'Athabasca, où on a dû construire un pipeline pour acheminer le CO2 vers le sud de l'Alberta.
Strathcona pourrait réduire ses émissions de 60 % d'ici 2030 grâce au captage et au stockage du carbone, et les réduire ensuite de 90 %. Strathcona a déjà franchi les premières étapes réglementaires pour capter et stocker le carbone et a reçu les premières autorisations pour creuser des puits d'essais pour le stockage en Alberta et en Saskatchewan. Nous attendons que les gouvernements fédéral et provinciaux règlent les derniers détails d'un régime fiscal pour mettre pleinement en œuvre le captage et le stockage du carbone.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Malheureusement, j'espère que nous pourrons faire revenir les témoins, car je dois maintenant parler de la motion pour laquelle j'ai présenté un avis. C'est ce que je vais faire maintenant. Ce que j'espère, c'est qu'Adam Waterous, à un moment donné aujourd'hui ou à l'avenir, pourra en dire plus long sur l'importance du pétrole et du gaz pour sortir de la pauvreté tous les Canadiens ainsi que les gens vulnérables partout dans le monde, grâce à un meilleur niveau de vie et à une meilleure qualité de vie.
Je mentionnerais aussi à M. Vaillant... et, bien entendu, il a longuement parlé d'une région d'où je viens. Ma circonscription était en première ligne pour aider les évacués de Fort McMurray. Bien entendu, les enquêteurs ont dit que cet incendie avait été causé par une combinaison d'activités humaines liées aux véhicules récréatifs, les lignes électriques, des actes criminels et d'autres facteurs humains. J'espère qu'on pourra approfondir la question plus tard dans le cadre d'une discussion axée sur les faits, car cet incendie a eu des conséquences pour les collectivités et les Autochtones que je représente.
En ce moment, je veux parler d'une motion qui doit selon moi devenir la priorité absolue du Comité, car la Cour suprême a statué vendredi que le projet de loi , qui fait force de loi depuis cinq ans et que les libéraux et les néo-démocrates ont appuyé à la Chambre des communes, mais auquel toutes les provinces et tous les territoires se sont opposés, catégoriquement ou en demandant des changements majeurs...
C'est pourquoi je veux parler de la motion pour laquelle j'ai déposé un avis. Elle demande au Comité de reconnaître que la Cour suprême du Canada a jugé inconstitutionnel le projet de loi ...
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Merci, monsieur le président.
Ma question est pour M. Vaillant.
Je pense que nous pouvons tous nous entendre pour dire que, de manière générale, le dernier été a indéniablement permis de confirmer sans l'ombre d'un doute les dommages attribuables aux changements climatiques. D'un côté, nous avons vu d'horribles catastrophes naturelles, ce qui nous fait ressentir l'urgence d'apporter de grands changements. De l'autre côté, nous avons des familles, des collectivités et des villes qui dépendent actuellement d'une source d'énergie qui, nous le savons, est dangereuse pour la planète.
Que recommandez-vous aux membres du Comité — à nous en tant que législateurs — pour trouver un équilibre entre ces deux réalités qui s'opposent?
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Merci de poser la question. C'est le cœur du problème que nous devons résoudre.
Ce dont nous avons besoin, tout d'abord, c'est que l'industrie des combustibles fossiles reconnaisse de bonne foi qu'elle est fondamentalement létale pour la stabilité actuelle de la planète. Tous les indicateurs des perturbations climatiques, que ce soit la glace en Antarctique, la fonte des glaciers ou la température de la surface de la mer — qui est plusieurs degrés au‑dessus de la normale partout dans le monde en ce moment... Nous observons des pertes massives de coraux et voyons carrément des dauphins mourir de chaleur à mesure que l'Amazone s'évapore.
Nous traversons une crise. Les écosystèmes disparaissent carrément tout autour de nous. Nous sommes tous touchés. Nous faisons partie de ces écosystèmes. L'industrie des combustibles fossiles et le secteur financier ont de la difficulté à l'accepter. Nous dépendons de lois plus importantes que la loi de l'offre et de la demande. Nous sommes tributaires des lois de la physique et de la chimie. C'est un exercice d'humilité, mais nous devons nous concentrer là‑dessus.
À l'heure actuelle... Ce que j'entends depuis une heure et demie, c'est une négociation dans laquelle on cherche à ignorer les conséquences des changements climatiques, ou la physique et la chimie qui régissent nos vies, pour tout simplement mettre l'accent sur le statu quo en apportant quelques petits changements.
Ce ne sera pas assez. Nous devons appuyer sans réserve une transition pour réduire immédiatement les émissions de carbone.
Je remercie nos témoins.
Monsieur Vaillant, j'ai lu Fire Weather, et je dois dire que j'ai rarement eu aussi peur à la lecture d'un livre. Je vis dans la forêt boréale, et je pensais bien comprendre les incendies.
Dans votre livre, vous parlez de l'héroïsme de personnes qui, à Fort McMurray, lors de l'incendie de Slave Lake, se sont carrément rendues en première ligne pour évacuer des gens et les mettre en sécurité. Vous avez mentionné le feu à Chisholm qui a dégagé autant de chaleur qu'une bombe nucléaire. C'est une chose que je ne pourrais même pas commencer à imaginer.
Je sais que Danielle Smith et mes collègues conservateurs disent toujours que les incendies sont d'origine criminelle. Il y a uniquement des entreprises qui pourraient atteindre ce niveau de criminalité, n'est‑ce pas?
Je veux poser la question, car vous avez mentionné le fait que l'industrie des combustibles fossiles crée des incendies. C'est fondamental pour sa production. Vous avez entendu M. Kruger aujourd'hui. Il a semblé très surpris, en tant qu'ancien président d'Exxon, d'apprendre que des milliers de documents auraient été produits, lorsqu'ils étaient aux commandes, sur la capacité de son industrie à déclencher des incendies. Pouvez-vous parler de ce que vous avez entendu et nous dire ce que nous devrions faire en tant que législateurs?
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Je pense que l'excellent travail fait par Exxon dans les années 1970 et 1980 sur la science du climat, ce qui était tout à fait avant-gardiste, crée maintenant une énorme discordance pour les gens de l'industrie du pétrole, car les conclusions de ce travail ont été publiées. On a ensuite consciemment et systématiquement cherché à les réfuter et à les dénigrer. Nous vivons encore dans cette époque d'écoblanchiment, de manipulation et de désaveu.
Que l'incendie soit attribuable à un véhicule tout-terrain ou à un acte criminel n'a pas vraiment d'importance lorsque le climat a changé au point où la chaleur est retenue et reflétée beaucoup plus puissamment. J'aurais pu lancer une allumette sur le sol de la forêt dans les années 1980, et même si un incendie aurait pu se déclarer, les températures n'auraient pas atteint 500°C. Il n'y aurait pas eu de tempête de feu. Il n'y aurait pas eu de tornade de feu comme celle que nous avons vue à Redding, en Californie. C'était une tornade de feu de catégorie EF3. Il y a des photographies dans le livre, si vous voulez voir les dommages causés. Cela ressemblait à Nagasaki lorsque je me suis rendu sur place.
C'est ce qui est différent. Nous devons comprendre que, en tant qu'humains, nous avons changé les choses. L'industrie des combustibles fossiles — qui cause des incendies et émet du CO2 — a modifié notre climat.