RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 16 février 2022
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bonjour à tous. Je m'excuse de notre retard. Nous avons dû participer à un vote. Je remercie les témoins de nous avoir attendus.
Je ferai d'abord le petit préambule d'usage. Nous pourrons ensuite entrer dans le vif du sujet le plus vite possible.
Bienvenue à la huitième réunion du Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité poursuit son étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier. Nous en sommes aujourd'hui à la quatrième de nos huit réunions avec témoins pour cette étude.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Les membres peuvent y participer en personne ou à distance avec l'application Zoom. Ils peuvent y participer d'une façon ou de l'autre. Veuillez noter que la webdiffusion montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'entièreté du Comité. J'aimerais rappeler à tous les participants qu'il est interdit de prendre des captures d'écran ou des photos de votre écran. Les délibérations seront télévisées et diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Je pense que tout le monde connaît déjà les règles sur la santé et la sécurité. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à venir me voir pendant les exposés. Nous passerons directement à cette partie.
J'aimerais mentionner aux témoins et aux députés quelques règles à suivre. Des services d'interprétation sont à votre disposition si vous vous joignez à nous en ligne. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Les membres et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Pour les membres présents en personne dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Nous ferons de notre mieux, en ligne, pour respecter l'ordre des interventions. Pour les participants sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main » si vous avez quelque chose à dire.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Sur Zoom, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour désactiver la sourdine. Si vous êtes dans la salle, l'équipe technique s'occupera de vous. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre micro doit être éteint. Je vous rappelle que tous les commentaires des députés et des témoins doivent être adressés à la présidence.
Nous accueillons quelques témoins aujourd'hui dans le cadre de notre étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier.
Nous en entendrons deux à titre personnel, soit Angela Carter, professeure agrégée à l'Université de Waterloo, et Bruno Detuncq, professeur à la retraite de l'École Polytechnique de Montréal.
Nous entendrons Gil McGowan, président de l'Alberta Federation of Labour.
Nous accueillons également la cheffe Sharleen Gale, présidente du conseil d'administration de la First Nations Major Projects Coalition. Je crois que Mme Gale doit nous quitter à 17 heures aujourd'hui, mais Mark Podlasly, directeur des politiques et initiatives économiques, pourra rester parmi nous jusqu'à la fin de la réunion.
Malheureusement, nous n'avons pas réussi à établir la connexion avec notre prochain témoin, Dale Swampy, qui représente la Coalition nationale des chefs, en raison de problèmes technologiques chez lui. Nous avons fait plusieurs tentatives. Nous essaierons de trouver un autre endroit d'où il pourrait participer à notre étude une autre fois. Nous ferons de notre mieux pour l'inclure à un autre groupe.
Finalement, nous entendrons Meredith Adler, directrice exécutive de Student Energy.
Nous commençons en retard, mais nous entendrons un témoin de moins et un autre doit partir à 17 heures. J'espère que nous pourrons poser le plus grand nombre de questions possible, si nous respectons scrupuleusement les limites de temps, de manière à clore la réunion à 17 h 30. Je serai ravi de réévaluer le tout quand arrivera 17 h 30. Sur ce, je suis prêt à m'élancer.
Monsieur Morrice, je vous souhaite la bienvenue. Vous être un participant assidu. C'est bon de vous voir de nouveau parmi nous.
J'informe les témoins que nous utilisons un système de cartons. Quand vous voyez un carton jaune, cela veut dire qu'il vous reste 30 secondes. Quand vous voyez un carton rouge, cela veut dire que votre temps est écoulé. Quand vous ne voyez plus de carton, vous êtes prié de conclure et d'arrêter de parler. Il y a beaucoup de choses dont nous voulons discuter aujourd'hui.
Sur ce, nous entendrons d'abord Mme Carter.
Je vous donne cinq minutes.
Merci de votre invitation, monsieur le président et mesdames et messieurs.
Je m'adresse à vous depuis la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Je me trouve sur l'île de Terre-Neuve, qui est le territoire traditionnel non cédé des Béothuks et des Mi'kmaqs.
Au cours des 20 dernières années, l'économie de ma province a acquis une forte dépendance à la production pétrolière. Cela suivait immédiatement les énormes bouleversements provoqués par l'effondrement de la pêche à la morue. Aujourd'hui, comme vous le savez, nous sommes dans une grande détresse économique.
J'aimerais vous donner une idée de ma perspective de départ avant d'entrer dans le vif du sujet, car je pense que les perspectives sont importantes pour situer l'information présentée.
Je viens d'une famille de la classe ouvrière. Tous les hommes de ma famille immédiate ont travaillé directement dans l'industrie pétrolière en tant que gens de métier en Alberta et à Terre-Neuve-et-Labrador. Aujourd'hui, je suis chercheure universitaire. Cela signifie que j'ai le privilège de choisir mes domaines de recherche librement et de façon indépendante. Je ne suis pas payée pour transmettre un message particulier, mais plutôt pour mener des recherches fondées sur des faits.
En ce qui concerne la promesse du premier ministre de plafonner aujourd'hui les émissions de pétrole et de gaz et de veiller à ce qu'elles diminuent demain pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050, j'ai deux points à soulever.
Le premier concerne la structure du plafonnement et de la réduction. Il y a urgence. Comme l'a signalé cet été le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, l'intensification de la crise climatique est un « code rouge pour l'humanité ». Les émissions humaines sont à l'origine de toutes sortes de choses que nous commençons à trouver vraiment pénibles, comme les vagues de chaleur, les sécheresses, les feux de forêt, les inondations, les tempêtes extrêmes, etc. Ce n'est pourtant qu'un prélude à ce qui s'en vient, parce que les émissions et la température continuent d'augmenter.
L'essentiel à retenir, c'est que la grande majorité des émissions à l'origine de la crise climatique proviennent du pétrole, du gaz et du charbon. En fait, ce secteur est responsable de 86 % des émissions mondiales de la dernière décennie.
La crise climatique et le problème des combustibles fossiles sont indéniables au Canada. Comme vous l'avez entendu, le secteur pétrolier et gazier est la source d'émissions la plus importante et celle qui croît le plus vite au pays. Cette croissance supplante les efforts ambitieux de réduction des émissions dans d'autres secteurs. C'est la principale raison pour laquelle nous n'avons pas atteint un seul de nos objectifs climatiques depuis 30 ans.
Le plafonnement est un moyen de nous assurer que le secteur pétrolier et gazier fasse sa part, mais pour que ce soit efficace et crédible, il faut nous y mettre bientôt, d'ici 2023. Nous devons plafonner nos émissions aux niveaux de 2019, puis les réduire chaque année, idéalement plus vite encore les premières années afin d'accélérer le processus.
Au minimum, si nous voulons atteindre les objectifs du gouvernement fédéral d'une réduction de 45 % par rapport aux niveaux de 2005, il faut plafonner nos émissions à environ 88 mégatonnes d'ici 2030. Il faut s'attendre à plus de la part du secteur pétrolier et gazier, compte tenu de la contribution hors norme de ce secteur aux émissions globales et du fait que le Canada doit mieux respecter ses engagements en matière de climat à partir de maintenant.
L'analyse du Réseau Action Climat Canada nous donne un plafond beaucoup plus bas d'environ 64 mégatonnes d'ici 2030. Ce plafond doit être ferme et ne pas être basé sur l'intensité des émissions, mais sur les émissions absolues. Il doit tenir compte de tous les aspects, des émissions fugitives aux puits orphelins, en passant par la production, la valorisation et le raffinage — tout le cycle. Il doit aussi y avoir des mesures d'application suffisamment robustes pour dissuader tous ceux qui ne voudraient pas se conformer aux exigences, et ce, sans soutien financier ni subventions.
Surtout, et j'ai hâte d'entendre ce que M. McGowan a à dire à ce sujet, il faut que ces exigences soient intégrées aux politiques sur une transition juste, pour que les travailleurs et les collectivités qui dépendent du pétrole, en particulier les communautés autochtones, ne souffrent pas à cause de ce plafond.
Mon deuxième point concerne tout ce qui entoure ce plafond. Il faut patiner pour suivre la rondelle de la politique climatique. Il faut aller bien au‑delà d'un plafond d'émissions, parce que ce serait faire fi de l'éléphant dans la pièce, à savoir la production. Le monde doit respecter certaines limites de carbone pour limiter le réchauffement à 1,5°. Cela signifie qu'il faut limiter la production de combustibles fossiles.
Selon une analyse actualisée, pour que nous ayons seulement 50 % de chances de maintenir le réchauffement à 1,5°, la production mondiale de pétrole et de gaz doit diminuer de 4 % par année jusqu'en 2050. D'après le rapport intitulé « Net Zero by 2050 » produit par l'Agence internationale de l'énergie, qui vient de paraître, cela signifie qu'il ne peut plus y avoir d'exploration ni d'augmentation de la production de combustibles fossiles.
Cette réalité est en train de transformer la politique climatique mondiale. Nous observons donc une hausse des interdictions nationales d'extraction de combustibles fossiles, par application du traité de non-prolifération des combustibles fossiles et par la Beyond Oil and Gas Alliance, dont le Québec est signataire.
Malgré cela, la Régie de l'énergie du Canada prévoit toujours une augmentation de la production. Le Canada fonce à pleins gaz dans la mauvaise direction. Il y a un problème climatique, mais c'est aussi une occasion manquée pour les travailleurs et les collectivités qui bénéficieraient de la transition vers un monde à faibles émissions de carbone ou qui risquent fort de souffrir de la non-réalisation de cet objectif.
J'ai hâte de pouvoir approfondir la discussion avec vous au cours de la prochaine heure et demie.
Merci encore.
C'est excellent. Vous terminez juste à temps, sous la barre des cinq minutes. Je vous en suis très reconnaissant.
J'aurais dû mentionner à nos témoins que comme nous offrons des services d'interprétation simultanée, il faut essayer de ne pas parler trop vite. Le rythme des observations que nous venons d'entendre était très bien, très convenable.
De plus, quand nous commencerons à interagir, si nous parlons l'un par-dessus l'autre, comme cela arrive parfois, les interprètes ne pourront évidemment pas interpréter les deux conversations. Nous accordons habituellement le bénéfice du doute aux députés qui sont en train de poser des questions. Si vous êtes un témoin, que vous êtes en train de parler et que l'un des députés intervient, nous vous encourageons à vous arrêter, afin que le député puisse réorienter la conversation. Ce n'est pas pour être impoli. J'apprends à connaître les membres du Comité; c'est un groupe très sympathique. Cela ne fait que faciliter le travail des témoins.
Passons maintenant à M. Detuncq pour cinq minutes.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous remercie d'inviter des citoyens à dialoguer avec des élus sur un thème essentiel pour l'avenir.
D'entrée de jeu, je vous présenterai deux points saillants.
Premièrement, si les acteurs du secteur le plus important en matière d'émissions de gaz à effet de serre, ou GES, ne fournissent pas leur part d'efforts, il sera impossible d'atteindre la cible de la carboneutralité.
Deuxièmement, les filières d'énergies renouvelables, l'efficacité énergétique dans tous les secteurs et la sobriété énergétique sont les voies à suivre pour un avenir viable.
Je vais vous brosser un portrait de la situation mondiale. Depuis 1990, les changements climatiques se sont accélérés, les émissions de GES n'ont pas cessé de croître et la concentration de CO2 atmosphérique est passée de 350 ppm en 1990 à 420 ppm actuellement. Cette augmentation est due en grande partie à l'utilisation des combustibles fossiles.
La planète Terre a des limites biophysiques qu'il est essentiel de connaître et de respecter. Une vision globale et à long terme est nécessaire. Plusieurs personnes utilisent comme référence le rapport de l'Agence internationale de l'énergie, ou AIE, datant de l'an dernier, pour avancer que certains scénarios permettraient de produire encore plus d'hydrocarbures. Toutefois, ce qu'il faut noter, c'est que l'AIE n'est pas un organisme spécialiste du climat. D'autre part, choisir un scénario qui convient à des intérêts économiques à court terme, c'est regarder le ciel avec un microscope.
Une analyse sérieuse doit se baser sur le rapport intermédiaire de 2019 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GIEC, et sur la première partie du sixième rapport du GIEC publié en août dernier. Je vous rappelle trois conclusions essentielles: l'influence humaine est la cause principale du réchauffement du climat; la trajectoire actuelle des émissions de GES nous dirige vers une augmentation de température la plus probable de l'ordre de 2,6 degrés Celsius; et la réduction des émissions de GES est un impératif.
En ce qui concerne la situation canadienne, les émissions de GES au Canada en 2019 ont été de 730 mégatonnes d'équivalent en CO2, une augmentation de plus de 21 % depuis 1990. En 2019, le secteur de l'exploitation pétrolière et gazière a émis 192 mégatonnes de GES, soit 26 % des émissions totales. C'est le secteur où la quantité d'émissions est la plus importante du pays. L'augmentation de ces émissions de GES a été d'à peu près 87 % entre 1990 et 2019. Selon le rapport qui s'intitule « Contribution déterminée au niveau national 2021 du Canada en vertu de l'Accord de Paris », le pays devrait diminuer de 40 % à 45 % ses émissions de GES sous le niveau de 2005 d'ici 2030.
Dans le rapport de la Régie de l'énergie du Canada publié l'an dernier, il est mentionné, à la page 12, que la production de pétrole brut atteindra un sommet de 5,8 millions de barils par jour en 2032, et qu'à partir de cette date, la production diminuera graduellement pour se situer à environ 4,8 millions de barils par jour en 2050. C'est à peu près la même évolution pour la production du gaz naturel. Cependant, à la page 4 du rapport, on peut lire ceci: « malgré la forte réduction des émissions de GES d'ici 2050, l'atteinte de zéro émission nette exigera vraisemblablement des changements plus profonds que ceux envisagés dans ce scénario. »
La production d'hydrocarbures exportée par le Canada pénalise l'ensemble de l'humanité. La responsabilité n'est pas une question de géographie, mais de comportement. Il est donc essentiel de plafonner rapidement la production des hydrocarbures et d'imposer une décroissance planifiée pour que tous les acteurs puissent s'arrimer à un scénario cohérent quant à la réalité climatique. De cette façon, les communautés autochtones, les travailleurs, les entreprises et les différents ordres de gouvernement pourront s'ajuster à une évolution qui est inévitable. Il ne reste que 28 ans avant 2050.
Un critère important à considérer pour tout développement de projet énergétique est l'évaluation du taux de retour énergétique, ou TRE. La production d'hydrogène à partir de gaz naturel ou de pétrole des sables bitumineux et en séquestrant le CO2 sous terre est une aberration, tant sur le plan énergétique que sur le plan économique. Le but premier de cette filière est de continuer à extraire des hydrocarbures. Enfouir le CO2 est une fausse solution semblable à celle de l'enfouissement des déchets nucléaires. C'est considérer le sous-sol comme une poubelle dont les futures générations devront s'occuper.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Je vous remercie de cette déclaration préliminaire.
Monsieur McGowan, nous allons maintenant passer à vous pour vos cinq minutes. La parole est à vous.
Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
Vous m'avez demandé d'intervenir sur la question d'un plafond d'émissions pour le secteur pétrolier et gazier du Canada. Je ne suis pas ici pour dissuader qui que ce soit de donner suite à cet engagement, mais plutôt pour vous exhorter à faire preuve de prudence et à vous assurer de consulter les travailleurs du secteur et de communiquer clairement avec eux tout au long du processus.
Certains pourraient trouver surprenant qu'un dirigeant syndical de l'Alberta ne soit pas automatiquement opposé à un plafond d'émissions pour le pétrole et le gaz. Vous ne devriez pourtant pas être surpris, et ce, pour deux raisons. Premièrement, les travailleurs de l'Alberta, y compris la majorité des travailleurs du secteur pétrolier et gazier, acceptent à la fois la science des changements climatiques et la nécessité de politiques visant à réduire les émissions. Les changements climatiques sont réels, ils sont graves, et le Canada doit faire sa part.
Deuxièmement, ici en Alberta, nous avons l'expérience des plafonds d'émissions, et cette expérience nous montre qu'ils peuvent être utiles à l'industrie pétrolière et gazière. Cela peut sembler un peu contre-intuitif, donc permettez-moi de m'expliquer. En 2015, quand le gouvernement albertain précédent a présenté son plan de leadership en matière de climat, il prévoyait un plafond de 100 mégatonnes sur les émissions provenant des sables bitumineux. Beaucoup de gens le savent, mais ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que les principaux producteurs de sables bitumineux du Canada l'avaient demandé. Il ne figurait pas dans le plan initial. Des dirigeants d'entreprises comme Suncor, Cenovus et CNRL ont demandé qu'il y soit ajouté.
Pourquoi faire une telle chose? Ils voyaient bien ce qui se dessinait. Même à cette époque, il y a huit ans, les investisseurs mondiaux commençaient à se méfier des combustibles fossiles. Les entreprises canadiennes d'exploitation des sables bitumineux craignaient de devenir des parias de l'investissement mondial. Elles ont donc adopté les politiques contenues dans le plan de leadership en matière de climat, notamment celles sur la tarification du carbone, les allocations fondées sur le rendement et le plafond d'émissions, afin de montrer aux investisseurs que le Canada prenait le changement climatique au sérieux. Et cela a fonctionné. Ce plafond et les autres politiques ont incité concrètement les entreprises à réduire leurs émissions par baril. Les investisseurs ont ainsi gagné en confiance, et l'industrie s'est engagée à atteindre la carboneutralité d'ici 2050.
Les plafonds d'émissions et les politiques connexes ne sont pas un sinistre complot visant à tuer l'industrie pétrolière et gazière du Canada. Si ces politiques sont appliquées correctement et avec prudence, ce sont simplement des politiques raisonnables, voire nécessaires, pour aider l'industrie à s'adapter aux circonstances changeantes. Mais pour être honnête, du point de vue des travailleurs albertains, le plafond d'émissions n'est pas le plus grand problème du secteur pétrolier et gazier de la province. Loin de là. Le principal enjeu est la transition énergétique mondiale à l'oeuvre actuellement.
Contrairement à ce que répètent certains politiciens et experts...
Je m'excuse, monsieur McGowan. Je vais intervenir une petite seconde.
Votre audio coupe un peu. Je me demande si vous pourriez éteindre votre caméra vidéo pour l'instant, simplement pour économiser de la bande passante et voir si cela aide à stabiliser le son pour nous.
Désolé de vous avoir interrompu en plein milieu d'une phrase.
Vous pouvez peut-être reprendre une ou deux phrases avant que je vous interrompe. J'ai arrêté le chronomètre, de sorte que vous n'avez pas perdu le temps que nous venons de prendre pour cela.
Mais pour être honnête, du point de vue des travailleurs albertains, le plafond d'émissions n'est pas le plus grand problème du secteur pétrolier et gazier de la province. Loin de là. Le principal enjeu est la transition énergétique mondiale à l'œuvre actuellement.
Contrairement à ce que répètent certains politiciens et experts, la transition énergétique est bien réelle, elle s'opère qu'on le veuille ou non, et elle ne dépend pas des politiques des gouvernements canadiens. Il s'agit plutôt d'un phénomène mondial qui échappe essentiellement à notre gouverne. Nous pouvons l'ignorer ou le nier, et nous retrouver avec des économies régionales dignes de la ceinture de rouille du Midwest américain après que des accords commerciaux malavisés aient envoyé des centaines de milliers de bons emplois manufacturiers à l'étranger, ou nous pouvons reconnaître que la transition est bien réelle et mettre en place des plans pour aider les travailleurs touchés par la transition et nous réinventer pour saisir les occasions économiques qu'elle crée.
En tant que président du plus grand groupe de défense des travailleurs de l'Alberta, je crois fermement que l'adaptation et la planification valent mieux que le déni et le retard. Cela dit, je ne veux pas laisser entendre que la transition énergétique sera facile. Il y a 140 000 travailleurs en Alberta qui occupent directement un emploi dans le secteur du pétrole et du gaz, et 50 000 autres qui travaillent dans la construction liée aux sables bitumineux. La valeur créée par ces travailleurs représente plus de 25 % de notre PIB provincial. C'est également le mode de subsistance d'innombrables familles et collectivités albertaines.
Quoi qu'il en soit, le changement arrive et il arrive vite. Le nombre d'emplois dans le secteur pétrolier et gazier de l'Alberta a déjà baissé de 42 000 par rapport au sommet atteint en 2013. Malgré des prix et des profits records au cours des six derniers mois, l'emploi dans ce secteur n'augmente pas. C'est l'avenir. Si vous voulez vraiment aider les travailleurs albertains, je vous exhorte à cesser d'essayer de marquer des points politiques et à commencer plutôt à parler d'une politique industrielle ambitieuse pour les provinces touchées par la transition énergétique, qui serait comparable à la mobilisation déployée pendant la Seconde Guerre mondiale, au plan Marshall après la guerre ou au programme de conquête de la lune, aux États-Unis, dans les années 1960. Si ce n'est pas la priorité de ce gouvernement, alors il me sera difficile d'appuyer vos plans, y compris la proposition de plafonnement des émissions.
Merci.
Je vous remercie.
Encore une fois, je m'excuse d'avoir dû vous interrompre, mais nous avons bien compris la dernière partie, donc c'était excellent.
Nous allons maintenant entendre la cheffe Gale et Mark Podlasly, qui représentent la First Nations Major Projects Coalition.
Si vous êtes prêts, la parole est à vous pour cinq minutes.
Je suis la cheffe Sharleen Gale de la Première Nation de Fort Nelson. Je suis également présidente du conseil d'administration de la First Nations Major Projects Coalition.
C'est en ma qualité de présidente de la First Nations Major Projects Coalition que je comparais devant vous. Je suis accompagnée de M. Marc Podlasly, de la Première Nation des Nlaka'pamux, aussi connue sous le nom de bande de Cook's Ferry. Il est directeur des politiques et des initiatives économiques pour la coalition.
Il est important de souligner que je vous parle depuis ma résidence dans la Première Nation de Fort Nelson sur le territoire visé par le Traité no 8.
Je dois d'abord vous dire que la First Nations Major Projects Coalition soutient le gouvernement du Canada dans son engagement à atteindre la carboneutralité d'ici 2050. Nos membres en Colombie-Britannique ont vécu une année record pour ce qui est des catastrophes climatiques, le résultat de décennies d'inaction à l'égard des changements climatiques au Canada et ailleurs dans le monde. C'est dans notre province qu'ont frappé ces catastrophes dont la majorité des Canadiens ont entendu parler. Les Premières Nations vivant le long de la route 8 ont vu les voies d'accès à leurs communautés être détruites par des inondations qui ont également ravagé la plupart des grandes routes de la Colombie-Britannique. La ville de Lytton a été complètement rasée au cœur d'une saison des feux de forêt qui a été dévastatrice pour l'ensemble de la province et suivie d'un dôme de chaleur sans précédent en Amérique du Nord.
Les Premières Nations sont aux premières loges pour observer les changements climatiques. La perte d'habitats, l'extinction d'espèces, la mauvaise qualité de l'air, la perte d'infrastructures et les conditions météorologiques extrêmes ont un impact direct sur les communautés des Premières Nations. Tous ces phénomènes ont des répercussions financières, sanitaires, économiques et psychologiques sur nos communautés, et les Premières Nations sonnent l'alarme depuis des décennies déjà.
Nous devons nous assurer que les mesures mises en place pour atteindre l'objectif de carboneutralité d'ici 2050 établi par le gouvernement du Canada ne désavantagent pas les communautés des Premières Nations en exacerbant les difficultés qu'elles vivent déjà. Les différentes politiques, y compris le plafond des émissions de gaz à effet de serre, ne devraient pas affecter de façon disproportionnée les communautés des Premières Nations, y compris celles qui sont actives dans le secteur pétrolier et gazier. Si les multinationales sont mieux à même d'absorber les coûts de transition nécessaires pour respecter de tels plafonds, ce n'est généralement pas le cas des Premières Nations.
Nous recommandons que des possibilités soient offertes aux Autochtones dans le cadre du plan du Canada pour plafonner ses émissions. Nous préconisons tout particulièrement des débouchés dans le secteur des énergies propres avec participation financière des Autochtones dans les nouveaux projets et financement ou garanties du gouvernement pour les investissements. Nous soulignons qu'un tel degré de participation autochtone aux investissements dans les projets d'énergie propre et dans le secteur pétrolier et gazier serait bénéfique non seulement pour les Premières Nations elles-mêmes, mais aussi pour l'ensemble de l'économie canadienne en inspirant confiance aux investisseurs.
Dans ma propre communauté de la Première Nation de Fort Nelson, le projet de centrale géothermique Tu Deh-Kah est un excellent exemple d'investissement dans l'énergie propre qui permet de s'affranchir de la génération d'électricité à partir des combustibles fossiles, de miser sur la participation financière des Premières Nations, de créer des emplois pour les Autochtones qui travaillaient auparavant dans le secteur du pétrole et du gaz, de confier la prise de décisions à un conseil d'administration autochtone et de trouver une nouvelle vocation géothermique à un ancien site d'exploitation pétrolière et gazière. Voilà donc les cinq principaux objectifs que devrait viser une politique canadienne pour la carboneutralité, en incluant un plafond des émissions.
Nous devrions tous nous rappeler que la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité exige une approche fondée sur la reconnaissance des droits, une mise en œuvre conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la prise en compte des connaissances autochtones lors de l'établissement des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous recommandons que votre comité se base sur les mêmes critères pour son étude sur l'établissement d'un plafond des émissions pour le secteur pétrolier et gazier.
Nous souhaitons insister en terminant sur l'importance du développement des capacités pour aider les Premières Nations à participer efficacement à la transition vers les énergies propres dans le contexte de l'établissement d'un plafond des émissions. Pour vous donner une meilleure idée de la forme que cela pourrait prendre, j'invite les membres du Comité ainsi que les autres personnes qui nous regardent à participer à la conférence sur l'objectif de carboneutralité d'ici 2050 que la First Nations Major Projects Coalition tiendra en format hybride à Vancouver les 25 et 26 avril prochains. C'est donc en ligne et en personne que des ministres provinciaux et fédéraux, des sénateurs, des chefs d'entreprise et des leaders autochtones pourront discuter des aspects les plus avant-gardistes de la participation financière autochtone à des projets carboneutres.
Mahsi cho, hai hai. Merci.
Merci pour vos observations préliminaires.
Le dernier exposé que nous allons entendre sera celui de Mme Adler.
Vous avez cinq minutes.
Merci de m'avoir invitée à être des vôtres aujourd'hui. J'ai l'honneur de vous parler depuis le territoire non cédé de la nation des Squamish de la Colombie-Britannique.
Student Energy a été fondée en 2019 à Calgary par de jeunes Canadiens qui voulaient justement trouver une façon de participer à la création de systèmes énergétiques durables qui ne contribueraient plus aux changements climatiques et aux inégalités que l'on peut observer de par le monde.
[Français]
Madame Adler, je m'excuse de vous interrompre.
Monsieur le président, il n'y a plus d'interprétation.
[Traduction]
[Français]
L'interprète me dit que son micro s'était éteint, mais qu'elle est maintenant en mesure de recommencer à faire l'interprétation. Le problème est donc réglé.
[Traduction]
Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir recommencer du début. Je vais remettre le chronomètre à zéro. Il semblerait que le microphone de l'interprète n'était pas en fonction.
D'accord, excellent.
Merci de m'avoir invitée à être des vôtres aujourd'hui. J'ai l'honneur de vous parler depuis le territoire non cédé de la nation des Squamish de la Colombie-Britannique.
Student Energy a été fondée en 2019 à Calgary par de jeunes Canadiens qui voulaient justement trouver une façon de participer à la création de systèmes énergétiques durables qui ne contribueraient plus aux changements climatiques et aux inégalités que l'on peut observer de par le monde. Nos fondateurs n'étaient pas les seuls à penser ainsi, et nous représentons aujourd'hui plus de 50 000 jeunes de 120 pays. Au Canada, nous avons 10 sections locales, 30 boursiers et des milliers de membres dans toutes les provinces et tous les territoires. Nous avons en outre le plaisir d'être l'organisation hôtesse du Sommet SevenGen, un regroupement de jeunes des Premières Nations, métis et inuits de tout le Canada qui s'emploient à habiliter leurs pairs à devenir des chefs de file de notre avenir énergétique.
J'ai la ferme conviction que les jeunes Canadiens sont les premiers intéressés lorsque le Canada prend des mesures pour réduire ses émissions. En 2050, nous, les jeunes d'aujourd'hui, occuperons encore des emplois à temps plein, élèverons des enfants et façonnerons l'économie canadienne. Pour nous, il est essentiel d'établir un plafond rigoureux pour les émissions du secteur pétrolier et gazier. Si le Canada ne fait rien, c'est notre avenir immédiat qui est en jeu. Nous nous retrouverons avec les fardeaux économiques des changements climatiques et des actifs désuets dont nous-mêmes et nos collectivités ne saurons que faire dans l'économie de demain.
La très vaste majorité des jeunes Canadiens souhaitent voir leur pays et leurs dirigeants politiques, dont vous faites partie, agir rapidement pour décarboniser notre économie. En 2021, Student Energy a produit le rapport Global Youth Energy Outlook, le premier en son genre, à partir d'un sondage réalisé auprès de plus de 42 000 jeunes dans 123 pays du monde. Nous pouvons ainsi compter sur une solide base de données pour mieux comprendre la manière dont les jeunes entrevoient l'avenir de leur système énergétique. Les résultats ne laissent planer aucun doute. À l'échelle mondiale, plus de 80 % des jeunes souhaitent que leur pays se donne une cible de décarbonisation, et 92 % veulent voir leur pays atteindre la carboneutralité d'ici 2050 ou avant.
Les jeunes sont prêts à travailler pour que leurs souhaits se concrétisent. Ils sont une vaste majorité à vouloir faire carrière dans le secteur de l'énergie durable, et 82 % font part de leur intention de voter pour un candidat qui mettrait de l'avant une politique d'énergie durable.
On entend souvent des gens se demander si un petit pays comme le Canada devrait passer à l'action. Les données de notre sondage montrent bien clairement qu'il faut répondre par l'affirmative à ce questionnement. Le Canada a la possibilité d'agir en chef de file en faisant montre d'un leadership que la prochaine génération s'exprimant d'une seule voix ne manquera pas de récompenser à l'échelle planétaire.
Dans le cadre de notre recherche, nous avons également accordé une attention particulière à la situation au Canada en sondant des jeunes de 18 à 30 ans et en organisant des dialogues régionaux sur la transition des industries à forte intensité d'émissions, les perspectives d'innovation et l'accès à l'énergie dans les communautés éloignées et autochtones. Les jeunes Canadiens se sont montrés encore plus favorables à la transition énergétique. Pas moins de 82 % d'entre eux plaident pour la décarbonisation, alors qu'ils sont 97 % à vouloir que le Canada se donne un système énergétique carboneutre d'ici 2050.
Les jeunes Canadiens ont indiqué que le manque de volonté politique et l'absence de politiques et de règlements appropriés sont les principaux obstacles se dressant devant l'avenir énergétique souhaité. L'établissement d'un plafond rigoureux pour les émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier est la première mesure à prendre pour faire montre du leadership politique exigé par les électeurs, les travailleurs et les consommateurs de demain au Canada.
Un plafond des émissions permet à l'industrie, aux travailleurs et aux collectivités touchées de savoir à quoi s'en tenir. Sans un plan clair et transparent, il sera difficile pour tout le monde de savoir exactement ce que l'avenir nous réserve. Nous voyons déjà les jeunes tourner le dos à des carrières dans le secteur pétrolier et gazier comme en témoigne le très faible nombre d'inscrits en génie pétrolier qui a incité l'Université de Calgary à suspendre le programme. De très nombreux travailleurs de cette industrie indiquent en outre qu'ils cherchent activement à réorienter leur carrière dans un autre secteur.
Les Canadiens sont des gens intelligents. Ils savent très bien que les changements climatiques auront, et ont déjà, des répercussions sur eux-mêmes et sur leur carrière. Par ailleurs, les compétences et les connaissances déjà à notre disposition dans l'industrie canadienne du pétrole et du gaz peuvent nous être grandement bénéfiques si nous arrivons à en tirer parti pour effectuer tous ensemble une transition énergétique efficace.
Du point de vue de la formation, c'est l'occasion rêvée de nous montrer novateurs et d'aider les jeunes à accéder à des carrières qui vont dans le sens d'un système énergétique carboneutre. Le Canada est prêt à former la prochaine génération d'entrepreneurs dont nous aurons besoin pour guider notre avenir énergétique. Nous pouvons travailler tous ensemble pour préparer nos jeunes à tirer parti de ces merveilleuses possibilités, mais c'est à vous qu'il incombe d'offrir la certitude nécessaire sur le plan politique pour permettre cet investissement dans leur talent et leur potentiel.
Les jeunes veulent que leur pays et leurs dirigeants prennent des décisions fondées sur des valeurs fortes mettant de l'avant l'équité, les droits des Autochtones et les possibilités d'épanouissement pour les générations futures. Une transition équitable doit être une priorité pour tous les Canadiens, et doit s'appuyer au départ sur un leadership politique fort. Le plan établi ne doit permettre aucune échappatoire. Il doit plutôt montrer que vous, nos dirigeants politiques, croyez en l'ingéniosité du Canada et en la capacité de nos gens, de notre pays et de notre prochaine génération de profiter de cette occasion qui s'offre à nous de devenir tous ensemble des chefs de file à l'échelle planétaire.
Merci de m'avoir invitée aujourd'hui et de faire en sorte que les jeunes aient leur mot à dire à l'égard de ces enjeux cruciaux qui vont façonner notre avenir.
Excellent. Merci à tous nos témoins pour vos observations préliminaires.
Pour le premier tour de questions, le représentant de chacun des partis aura droit à six minutes.
Nous débutons par M. Melillo.
À vous la parole pour les six prochaines minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui pour discuter de cet enjeu capital.
Je vais d'abord m'adresser à la cheffe Gale. Comme je sais que vous êtes un peu pressée par le temps, je vais vous permettre de nous en dire davantage dès maintenant.
Je vous remercie pour vos observations préliminaires, mais je ne sais pas si vous pourriez nous donner de plus amples détails sur le projet Coastal GasLink. Je sais que votre organisation appuie un partenariat formé de 12 Premières Nations qui s'efforcent d'acquérir des parts dans ce projet.
Pourriez-vous nous en dire plus long sur l'importance de ce projet pour les Premières Nations?
M. Podlasly serait sans doute mieux placé pour répondre à cette première question, car il a travaillé directement auprès de nos communautés.
Merci pour la question et merci, cheffe Gale.
Je vais traiter d'une manière générale des projets de pipeline et de la participation des Autochtones, surtout du point de vue financier.
Vous avez parlé des 12 Premières Nations qui s'intéressent au projet Coastal GasLink. Il y a un autre projet d'oléoduc en cours en Colombie-Britannique, le Pacific Trails Pipeline. Seize Premières Nations envisagent d'acquérir des parts dans ce projet. Je vous signale que je suis le président du partenariat commercial réunissant ces 16 Premières Nations. Le processus est en cours avec Enbridge et le pipeline va éventuellement alimenter l'usine de gaz naturel liquéfié Kitimat sur le littoral.
Les Premières Nations souhaitent participer financièrement à ces projets d'abord et avant tout parce que cela nous permet d'avoir notre mot à dire quant à la manière dont la construction se fait, à l'endroit où ils sont réalisés et au tracé qui est retenu.
C'est aussi pour nous une source de revenus. De nombreuses Premières Nations au pays, surtout en région éloignée et dans les endroits n'ayant pas facilement accès aux secteurs urbains et aux perspectives d'emploi qu'ils offrent, ont besoin d'une source de revenus pour financer la quête de leurs objectifs prioritaires aux fins de l'autodétermination. Il n'y a jamais assez d'argent qui vient d'Ottawa pour des enjeux comme le rétablissement des langues ou les problèmes du système de santé. On peut certes parfois regretter un financement insuffisant pour donner suite aux priorités énoncées dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans l'état actuel des choses.
Je veux être sûr de bien comprendre votre question. Voulez-vous savoir si les Premières Nations cherchent à s'assurer une participation financière aux projets de pipeline ou si elles souhaitent obtenir autre chose?
Je voulais en fait savoir ce que vous pensiez des avantages de ces projets, mais je vais plutôt passer à un autre sujet, car je dispose de très peu de temps.
Je vais m'adresser de nouveau à la cheffe Gale.
Je viens de Kenora, une région du nord-ouest de l'Ontario où l'on trouve les territoires visés par les traités nos 3, 5 et 9. Bien que le pétrole et le gaz soient assurément plutôt rares dans notre secteur, je crois qu'un grand nombre de chefs et de gens de ma région s'intéressent à la manière dont ce processus se déroule, en particulier du point de vue des consultations, vu que le gouvernement désire se conformer à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Je voudrais simplement que vous me disiez si vous estimez que le gouvernement devrait demander le consentement des communautés autochtones de tout le pays avant d'aller de l'avant avec un plafond des émissions tel que proposé.
Je crois certes que le gouvernement devrait le faire. Les Autochtones occupent le territoire depuis des milliers d'années et nous sommes laissés pour compte depuis des décennies.
Il est vraiment crucial que nous ayons un grand rôle à jouer dans les décisions qui seront prises pour faire évoluer nos politiques, car ces choix ont un impact sur nos territoires.
Nous savons que le marché de l'énergie renouvelable exigera à l'avenir un accès accru aux ressources minières pour faire la transition vers les piles au lithium et toutes les autres nouvelles technologies. Comme ces ressources se trouvent sur les terres ancestrales de nos territoires, il faudra toujours dorénavant que nous ayons notre mot à dire dans les décisions qui sont prises, les changements stratégiques et les grands débats.
Il faut donc effectivement que nous ayons un rôle à jouer.
Merci. Je comprends.
C'est encore à vous, cheffe Gale, que je veux poser ma prochaine question qui m'amènera sans doute au bout du temps qui m'est alloué.
Il y a souvent des interprétations différentes de ce qu'est une consultation et de la forme que cela devrait prendre. Que pourriez-vous dire à notre comité quant à la manière dont nous devrions, selon vous, nous y prendre pour optimiser l'exercice et le rendre aussi inclusif que possible?
Au bénéfice de ceux qui viennent investir dans nos territoires, je dirais qu'un véritable partenariat est un partenariat établi avec les communautés autochtones qui sont touchées. Selon moi, c'est en acceptant de travailler avec nos communautés que l'on peut le mieux démontrer qu'il y a consentement véritable.
J'aimerais céder la parole à M. Podlasly, s'il a quelque chose à ajouter
Il faudra que des consultations soient tenues et qu'un consentement soit accordé. Les Premières Nations devront donner leur consentement, car c'est ce qu'exige la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. La cheffe Gale a raison. Les ressources nécessaires pour un avenir carboneutre se trouvent sur nos territoires et dans nos réserves.
Il me reste encore un peu de temps.
Je vais continuer avec vous, monsieur Podlasly. Vous nous dites que le consentement est nécessaire. Auriez-vous des suggestions ou des recommandations plus précises à nous faire quant à la façon dont le gouvernement devrait s'y prendre pour obtenir ce consentement?
La participation financière à un projet est la forme la plus pure du consentement. La Première Nation devient alors l'un des promoteurs du projet. C'est un signe de consentement dont personne ne peut douter.
Je pourrais par ailleurs vous recommander de rendre du capital accessible aux Premières Nations à un coût raisonnable, car le financement est le principal obstacle à surmonter pour celles qui veulent participer à des grands projets.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins. Que de témoignages intéressants! Il faudrait nous accorder plus de temps pour les questions.
Je vais essayer d'en caser au moins trois.
Madame Carter, je vous pose la première.
Je suis la députée de la circonscription de Labrador, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, sur les terres non cédées des Innus et des Inuits du Labrador.
Cette province dépend beaucoup du pétrole qu'elle produit. Vous avez évoqué votre propre famille et les travailleurs. Manifestement, ce que nous proposons et ce que nous devrons faire pour protéger la planète exigera beaucoup de la part de tous, et ça exigera sûrement de nous tous des changements notables.
D'après la dépendance envers l'industrie et votre connaissance de l'industrie et de nos objectifs à fixer relativement aux changements climatiques, comment le gouvernement du Canada devrait‑il unir ses efforts à ceux des grandes entreprises du secteur pétrolier et gazier pour non seulement plafonner et réduire les émissions, mais, également, aider à la transition des communautés, des familles et des travailleurs devenus dépendants? Quelles sont les étapes de cette transition et de l'atteinte des objectifs? Que doit‑il arriver?
Je suis vraiment heureuse que, pour notre première conversation, vous me posiez sous cette forme et sur cet enjeu cette vaste question.
Vous mettez en relief l'importance d'une transition équitable pour les Terre-Neuviens et Labradoriens, et je suis sûre que M. McGowan en aura beaucoup à ajouter sur le sujet. Ça montre que nos gouvernements doivent collaborer avec le mouvement ouvrier, les travailleurs, les syndicats et les communautés touchées pour élaborer un plan pour nous affranchir de notre grande dépendance du pétrole et nous donner la possibilité de profiter des avantages d'une économie axée sur les énergies propres.
Disons tout de suite que, dans la dernière année, à peu près, nous avons assisté à d'importants transferts de fonds fédéraux vers Terre-Neuve-et-Labrador, 320 millions de dollars censés appuyer les travailleurs et nous mettre sur la voie d'une économie axée sur les énergies nouvelles. Au lieu de ça, la plus grande partie de cette subvention massive est allée à des multinationales qui, en retour, n'ont garanti la protection d'aucun emploi. Quelle déception! Aucun accord contraignant n'a été signé pour protéger les emplois.
Nous devons nous assurer que, désormais, les fonds fédéraux — et il me semble qu'il y en aura, si nous adoptons des lois pour une transition équitable en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador — serviront à aider les travailleurs et les communautés à opérer la transition.
Les exemples de transition équitable qui peuvent nous inspirer ne manquent pas dans l'OCDE: on en voit au Danemark, en Écosse, en Espagne, en France, en Allemagne, en Suède. L'Union européenne en a une foule pour nous. Nul besoin pour nous de réinventer la roue. Nous pouvons également prendre exemple sur des États des États-Unis, comme l'Illinois et New York, qui créent des coalitions, pour des emplois verts, avec les syndicats, les pouvoirs publics et les peuples autochtones ou d'autres groupes de la société qui pourraient souffrir de ces changements.
J'y vois d'énormes occasions à saisir.
Merci. Ah! Si nous disposions de plus de temps pour poser plus de questions, mais je tiens à interroger la cheffe Gale. Son témoignage comportait lui aussi tellement d'éléments intéressants.
C'est connu, tout changement dans ce secteur exposera les Autochtones du Canada à un risque. Je vis dans une circonscription très industrialisée, en territoire autochtone. Les événements, qui se précipitent, toucheront le plus les Autochtones. Qu'il s'agisse de développement ou d'un ralentissement du développement, ils sont souvent les plus vulnérables, ceux qui se retrouvent entre le marteau et l'enclume.
Quels risques guetteront principalement ces gens et leurs communautés pendant cette transition économique et comment pourrons-nous la faciliter sans qu'il y ait des laissés pour compte? Je connais la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Mais même chez les instances autochtones — même de celle dont je fais partie et, j'en suis sûre, de la vôtre — les opinions divergent souvent. Nous devons avancer en terrain sûr.
Comment entrevoyez-vous la collaboration du gouvernement du Canada avec les Autochtones pour que la transition se fasse convenablement et pour leur épargner la plus grande partie des risques.
Il n'y a certainement pas de solution unique pour rendre les émissions carboneutres. Il faut suivre plusieurs parcours et employer plusieurs technologies. La Coalition des Premières Nations pour les grands projets ne prend pas position sur le plafonnement des émissions d'autres secteurs, mais nous offrons souvent le meilleur conseil, celui de faire participer les Premières Nations au processus, dans tous les secteurs.
Nous n'avons pas encore vu les conséquences dans toutes leurs modalités, mais j'estime que les Premières Nations ont globalement besoin de participer dans tout ce qui touche la reconnaissance fondamentale de leurs droits dans des partenariats, de participer à l'économie et de profiter de la transition vers une économie carboneutre.
Au moment de prendre ce genre de décisions, nous agissons prudemment. Ceux de la nation de Fort Nelson prennent toujours leurs décisions sur leur territoire d'après leurs… et les conseils de leurs sages. Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. Chaque communauté est différente, particulièrement dans chaque province, sous des régimes réglementaires différents et ainsi de suite.
J'espère avoir bien répondu.
[Français]
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Detuncq. Je suis content de pouvoir associer un visage à de nombreux articles que j'ai lus.
Vous avez parlé tout à l'heure du critère du taux de retour énergétique. J'aimerais que vous m'en donniez une explication plus étoffée. Je voudrais surtout que vous nous parliez de la volonté qui sous-tend la Stratégie canadienne pour l'hydrogène, soit de ne pas faire de distinction entre l'hydrogène bleu, l'hydrogène gris et l'hydrogène vert.
Je vous remercie de votre question, qui est très intéressante.
Il y a effectivement différentes filières en matière de production de l'hydrogène. Au Québec, la filière la plus naturelle est celle de l'hydroélectricité, qui permet la transformation de l'eau en hydrogène et en oxygène. Ce procédé est appelé l'électrolyse de l'eau.
On peut aussi produire de l'hydrogène par la fracture d'hydrocarbure. D'ailleurs, c'est la méthode la plus utilisée dans le monde. En effet, 95 % de l'hydrogène est produit selon cette méthode. Il s'agit de choisir un hydrocarbure, que ce soit le gaz naturel ou le pétrole, et de le mettre dans des réacteurs chimiques pour en extraire l'hydrogène, après quoi on obtient du CO2.
Que fait-on du CO2? Si le CO2 est envoyé dans l'atmosphère, on l'appellera « hydrogène gris ». Si l'on essaie de le capter et de le séquestrer sous le sol, on l'appellera « hydrogène bleu ».
Un rapport très intéressant a été publié tout récemment par le CFA Institute, un institut de recherche américain en économie et en analyse financière qui est financé par The Rockefeller Foundation. Il démontre très bien que, sur le plan économique, l'hydrogène bleu n'est pas rentable, surtout avec des éléments pétroliers aussi lourds que les sables bitumineux. En effet, la production de pétrole à partir de sables bitumineux demande beaucoup d'énergie. C'est donc un rapport entre l'énergie qu'on y met et l'énergie qu'on obtient. À partir du pétrole produit, il faut maintenant entamer une autre phase, soit la séparation du pétrole en vue d'obtenir de l'hydrogène. En plus, il faut séquestrer le CO2. Il y a donc une perte d'énergie à chaque étape. Ces pertes d'énergie font que le taux de retour énergétique, ou TRE — aussi connu sous l'acronyme anglais EROI —, devient très faible. À ce moment là, il faut se demander s'il est nécessaire de le faire.
De plus, de récentes études montrent qu'il y a actuellement très peu de travaux pertinents qui nous assurent qu'il n'y a pas de risques à long terme à séquestrer du CO2 sous le sol. Le CO2 est un corps qui n'est pas neutre. Lorsqu'il y a de l'humidité, il peut y avoir lien avec de la vapeur d'eau et formation d'acide faible, c'est-à-dire de l'acide carbonique. Cet acide peut, à la longue, avoir un effet sur les cavernes ou les espaces dans lesquels il sera séquestré ou sur les aquifères salins. On n'a absolument aucune information quant à ce qui se passera à long terme.
Le taux de retour énergétique nous permettrait d'avoir au moins une étude complète du processus. Ce n'est pas fait actuellement, et c'est vraiment dommage.
Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais cela veut donc dire que la notion de taux de retour énergétique n'est pas prise en considération dans la politique canadienne.
Est-ce exact?
Cela répond à ma question. Vous êtes un témoin intéressant, puisque vous répondez à nos questions avant que nous les posions.
J'aimerais revenir sur les stratégies de captation du carbone.
Comme vous le savez, deux grands projets sont en cours en Alberta. On parle de projets qui coûteront 2,5 milliards de dollars. De cette somme, 57 % viennent du gouvernement de l'Alberta et du gouvernement fédéral. Personnellement, j'ai des réserves, parce que j'ai l'impression que, en pareille situation, ce sont les contribuables qui assurent le risque.
Monsieur Detuncq, j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
De plus, ces stratégies de captation de carbone ont-elles une chance d'être un jour rentables, tant sur le plan économique que sur le plan de l'environnement?
Je ne veux pas me prononcer personnellement sur l'aspect économique, mais je peux renvoyer au rapport de l'institut en économie et en analyse financière dont j'ai parlé plus tôt. Selon les recherches de cet institut, elles ne seront pas rentables.
Sur le plan scientifique, il y a d'autres critères, comme la quantité d'énergie nécessaire pour faire ce travail d'enfouissement et les lieux potentiels d'enfouissement.
Actuellement, très peu de travail pertinent a été fait à ce sujet. Depuis trois ouquatre ans, je m'emploie à fouiller la littérature scientifique pour trouver des renseignements à ce sujet. Je me suis rendu compte que 85 % de tous les articles produits avaient été faits par des gens financés par des pétrolières dans le but d'augmenter la production pétrolière.
Rien ne nous permet donc de dire que le fait d'enfouir du CO2 sous la terre ne présente pas de risques. Le problème vient donc du fait que les risques ne sont pas évalués.
Vous avez dit, lors de votre présentation, que c'était comme de regarder le ciel avec un microscope.
Je vais faire une autre analogie. Est-ce que je fais fausse route en disant que les connaissances techniques que nous avons sur l'enfouissement du carbone ressemblent étrangement à celles que nous avions sur les cancers provoqués par la cigarette au début des années 1970?
De l'information neutre, sur l'enfouissement du carbone, est difficile à trouver.
[Traduction]
Il y avait peu de temps pour une réponse. Toutes mes excuses.
Monsieur Angus, vous disposez de six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins. Quelle discussion fascinante.
Monsieur McGowan, commençons par vous. Serait‑il juste de dire que la transition dont nous parlons depuis si longtemps a déjà commencé?
Sans aucun doute.
Par exemple, dans le secteur des combustibles fossiles de l'Alberta, pris dans son ensemble, vous verriez qu'on ne produit déjà plus d'électricité à partir du charbon. J'ai été intimement mêlé à la décision en ce sens en ma qualité de président de l'Alberta Federation of Labour. J'étais également coprésident d'une Coal Transition Coalition, une coalition de syndicats représentant les travailleurs du secteur de l'électricité produite par la combustion du charbon, qui rassemblait les centrales à charbon et les mines de charbon. Ensemble, nous avons négocié la première entente groupée sectorielle vers une transition équitable pour les travailleurs qui avaient perdu leur emploi du fait de ce changement. Des milliers de ces emplois étaient déjà perdus.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les effectifs du secteur pétrolier et gazier de l'Alberta, ceux qui y étaient directement employés, ont atteint un sommet d'environ 182 000 en 2013 et, depuis, ils ont baissé d'environ 42 000. La transition est déjà commencée, du fait de l'abandon des combustibles fossiles. Les gros investisseurs hésitent à y mettre de l'argent. Il y a ensuite la question de l'automatisation.
Oui, et c'est un gros enjeu, parce que les pertes, jusqu'en 2019, ont été de 17 %. Nous en prévoyons d'autres et, à la faveur de leur réoutillage, les compagnies se tournent vers l'automatisation.
Je tiens à le faire ressortir. J'ai vécu des transitions injustes. J'ai fait partie de l'une des dernières équipes de travail sous terre, à Elliot Lake, avant notre perte de 4 000 emplois dans le secteur de l'uranium, et je n'ai jamais assisté à de bonnes transitions. Comme je l'ai dit, c'est la fuite, au milieu de la nuit, avec son butin. Habituellement, c'est la catastrophe économique.
Le plus sidérant, dans l'Ouest, c'est que nous ayons eu une si belle occasion d'investir maintenant dans le changement. J'ai sous les yeux le rapport de décembre dernier de Calgary Economic Development and Global Edmonton, où je lis qu'on offre à l'Alberta 61 milliards de dollars et la création de 171 000 emplois dans les technologies propres. Mais ça nécessitera des changements majeurs, d'abord dans ce en quoi la province investit actuellement, une augmentation majeure, puis à l'échelon fédéral, pour que, plutôt de raconter les histoires habituelles de chagrins immenses causés par les fermetures et les départs forcés, nous entreprenions cette transition maintenant. La présence fédérale ne me semble pas assez à la hauteur. Que devons-nous faire pour que ça ait lieu?
Pour commencer, nous devons nous fixer sur la notion de transition équitable, à laquelle Mme Carter vient déjà de faire allusion.
Je crains que l'expression ne soit galvaudée. Certains l'assimilent à des mesures d'ajustement pour les travailleurs qui perdent leurs emplois dans les secteurs touchés. D'autres la font équivaloir à une transformation économique à venir.
Qu'il soit seulement entendu que, pour le mouvement ouvrier de l'Alberta, la transition équitable englobe les deux. Les deux sont reliés.
À court terme, il faut des mesures pour les travailleurs menacés de perdre leurs emplois. Ça signifie former les jeunes travailleurs, verser des prestations de retraite de raccordement aux travailleurs âgés, prévoir des indemnités de déménagement. Ce sont les avantages que nous avons négociés avec le gouvernement antérieur de l'Alberta, dans le cadre de l'entente groupée pour une transition équitable pour les travailleurs touchés du secteur de la production d'électricité à partir du charbon. Il y a des leçons à en tirer.
Ensuite, il y a l'aspect, plus grand, de transformation économique, qui peut susciter des occasions pour les personnes déplacées, mais également pour celles qui ne sont même pas dans le secteur, simplement pour faire croître l'économie.
Pour ce dernier volet de la transition équitable, je ne mâcherai pas mes mots. Il faut passer à la caisse. Si nos gouvernements, celui de la province et celui du Canada, sont sérieux à l'égard de la transformation énergétique et l'assurance d'une transition équitable pour les travailleurs et les régions, nous devons voir grand, autant, toutes proportions gardées, que le plan Marshall, la mobilisation pour la Seconde Guerre mondiale, les missions d'exploration lunaire Apollo. Ça signifie que l'État doit miser beaucoup d'argent.
Ce qui m'inquiète, ce n'est pas l'argent en soi, mais son détournement. Par exemple, l'industrie pétrolière a réclamé 75 milliards au gouvernement fédéral pour la capture et la séquestration du carbone. À mon avis, nous devons modéliser ces opérations et trouver les endroits où l'argent serait le mieux dépensé — à aider à séquestrer le carbone ou à construire véritablement une transition vers une économie plus verte.
Les Canadiens méritent de le savoir avant que nos gouvernements ne commencent à signer les chèques.
C'est vraiment important. Le point de vue du NPD est que, sans l'Alberta, il n'y a pas d'avenir avec les énergies propres. Malgré nos potentialités et nos talents, il faudra une vision nationale.
Il est question de capture du carbone et des milliards que nous devrons ne jamais cesser de verser en subventions, alors que nous sommes en mesure de mieux employer cet argent, en trouvant de l'emploi à plus de personnes.
À quel point est‑il important que les travailleurs soient présents aux discussions?
Une transition équitable est impossible sans les travailleurs et, d'après moi, un nouveau transfert fédéral consacré aux provinces productrices d'énergie, principalement l'Alberta, mais également la Saskatchewan et Terre-Neuve. Nous sommes celles qui feront les plus gros sacrifices dans la transition vers une économie verte, et le gouvernement fédéral ainsi que les autres Canadiens doivent nous appuyer dans cette transition.
Voilà pourquoi j'ai recommandé un transfert consacré à ces provinces pour une transition équitable en plus des autres transferts fédéraux vers les provinces touchées.
Je sais que mon temps est écoulé, mais pouvez-vous nous envoyer des notes sur tout ce que vous possédez sur votre perception d'une transition équitable, pour que nous l'examinions dans notre étude?
À ce sujet, que tous les témoins sachent, s'ils possèdent des renseignements supplémentaires, que nous pouvons accepter jusqu'à 10 pages supplémentaires de renseignements. Donc, n'hésitez pas à nous en envoyer, en tenant compte de la teneur de nos discussions d'aujourd'hui.
Entamons le prochain tour. La parole est à Mme Goodridge.
Soyez la bienvenue. Je vous ai oubliée dans mes observations du début. Vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup.
Je remercie les témoins pour leurs déclarations et leurs observations.
Je suis très fière d'être la députée de Fort McMurray—Cold Lake.
Monsieur Podlasly, je tiens à vous remercier, vous et la cheffe Gale, de vos remarques. Dans ma région, le nord de l'Alberta, les réconciliations économiques se sont multipliées. Je me demande si vous avez entendu parler de l'AIOC, l'Alberta Indigenous Operations Corporation et je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Oui, et c'est moi qui répondrai, puisque la cheffe Gale doit partir.
Cet organisme met des capitaux à la disposition des organisations autochtones, à un coût modique, pour qu'elles deviennent propriétaires et s'intègrent davantage dans l'économie de l'énergie en Alberta.
Un programme semblable existe en Ontario, le programme de garanties d'emprunt pour les Autochtones. C'est la même chose. Il permet aux Autochtones d'accéder à du capital dont le coût est concurrentiel.
Oui, c'est une idée fabuleuse, et notre organisation en fait la promotion pour que ça devienne une initiative nationale, qui ferait des merveilles pour faire obtenir aux Autochtones des capitaux à investir dans les infrastructures du Canada.
Fantastique!
Si vous deviez faire une recommandation à notre comité, relativement à la réconciliation économique dont vous parliez, le feriez-vous pour un programme semblable à celui de l'AIOC?
Fantastique!
D'autres obstacles empêchent‑ils les Autochtones d'obtenir des capitaux pour devenir propriétaires de projets énergétiques?
L'accès aux capitaux est le principal problème qu'affrontent les Autochtones de notre pays, désireux de participer aux infrastructures énergétiques, à celles des énergies propres et à d'autres infrastructures de transport de notre pays, à cause du régime sous lequel la Loi sur les Indiens les a placés. Nous sommes asservis à une loi fédérale qui n'a pas été conçue pour une transition énergétique moderne.
Je tiens à vous remercier du travail que vous faites. Je pense que c'est spectaculaire. Dans le nord-est de l'Alberta, nous voyons ce que vous faites, et nous approuvons assurément en grande partie ce que vous faites.
Je vais m'adresser à Mme Adler.
Vous avez beaucoup parlé du plafonnement des émissions. Je me demandais si vous pensiez que nous devrions plafonner toutes les émissions, selon une approche par secteur.
Nos recherches montrent que les jeunes sont vraiment préoccupés par toute la pollution. Ce n'est pas seulement le CO2, mais aussi le méthane et tout le reste. Nous devrions certainement adopter une approche par secteur.
Croyez-vous, par exemple, que l'industrie du ciment au Québec devrait être soumise à un plafond d'émissions qui serait propre à ce secteur?
Je crois que tous les secteurs émetteurs de l'industrie lourde au Canada doivent essentiellement assumer la responsabilité de leurs émissions et chercher à créer une économie carboneutre.
Je n'ai pas d'opinion bien arrêtée sur la question, à la lumière de nos recherches, mais ce que je sais, c'est que les jeunes sont très attachés à l'objectif de la carboneutralité, et je sais que de nombreux autres témoins à ce comité ont formulé des recommandations fondées sur leurs propres recherches.
C'est fantastique.
Je reviens à vous, monsieur Podlasly. Que pensez-vous de l'idée de plafonner les émissions par secteur?
La coalition n'a pas de position sur la question de savoir si les plafonds doivent être établis par secteur. Nous savons qu'il y a des secteurs dont les émissions sont considérables, mais nous nous attachons à faire en sorte que les populations autochtones ne soient pas lésées par les changements qui se produiront dans ces industries à mesure qu'elles s'orienteront vers un avenir axé sur la limitation des émissions de carbone.
Selon vous, est‑ce que le plafonnement changerait les perspectives économiques et influerait sur le développement économique des communautés autochtones, en particulier dans les régions nordiques ou dans les régions productrices d'énergie?
Tout ce que nous envisageons pour un avenir carboneutre dans le domaine de l'énergie exigera de tous les secteurs qu'ils apprennent à s'adapter afin de saisir les possibilités qui en découlent.
En Alberta, cela émerge dans des endroits où l'on commence à proposer des pipelines pour le carbone. On commence à voir des solutions énergétiques de rechange et des technologies de séquestration. Il ne s'agit pas d'une seule solution, mais d'une multitude de solutions. Du point de vue des Autochtones, tant que les peuples autochtones bénéficient des mêmes possibilités que les autres Canadiens, c'est une excellente chose.
Merveilleux.
Savez-vous si on a réalisé des analyses juridiques pour déterminer si le gouvernement fédéral a le pouvoir d'imposer un plafond d'émissions sur les terres des Premières Nations?
Nous n'avons pas mené de recherches à ce sujet, et ce n'est pas une question que nous avons explorée en profondeur.
Merci, monsieur le président.
Je tiens également à remercier tous les témoins de leurs témoignages d'aujourd'hui.
Je vais commencer par M. McGowan.
Vous avez beaucoup parlé de l'importance d'une transition équitable. D'après votre expérience, quel devrait être, selon vous, le rôle du gouvernement fédéral dans cette transition équitable? Quel est également le rôle de la province — de l'Alberta, en ce qui nous concerne, vous et moi — et des municipalités?
Nous sommes convaincus que cette responsabilité doit être partagée, surtout lorsqu'il s'agit de fixer des objectifs nationaux de réduction des émissions. Si le gouvernement fédéral propose des mesures législatives qui auront des répercussions sur nos emplois et nos collectivités en Alberta, il a la responsabilité de nous aider à faire face aux conséquences.
À titre d'exemple, lorsque j'étais président de la Coal Transition Coalition et que nous nous adressions au gouvernement provincial pour obtenir des politiques visant une transition équitable, nous avons déployé des efforts pour travailler non seulement avec la province, mais aussi avec les employeurs et les municipalités, car lorsqu'il s'agit des besoins d'adaptation des travailleurs qui pourraient être déplacés en raison d'une politique, il ne s'agit pas seulement des travailleurs individuels. Vous parlez de leurs familles et de leurs collectivités.
Dans bien des cas, les collectivités qui seront les plus touchées sont les plus petites qui dépendent le plus de ces industries. Les municipalités doivent être présentes à la table. Nous avons besoin des employeurs, des travailleurs et du gouvernement fédéral. Il faut que ce soit une responsabilité partagée.
Vous parlez aussi d'un transfert réservé aux provinces productrices d'énergie. En Alberta, le gouvernement provincial actuel a donné plus d'un milliard de dollars à une société privée.
Croyez-vous que des transferts devraient être accordés sans qu'un plan soit en place? À quoi ressemble la politique industrielle dont vous avez parlé précédemment? Quelles leçons avez-vous tirées de votre expérience antérieure concernant le remplacement du charbon en Alberta, et dont nous pouvons nous inspirer? Quelles mesures pouvons-nous prévoir dans la politique future?
Ce sont d'excellentes questions.
Pour ce qui est d'un plan, c'est impératif. J'ai parlé de la distinction entre une transition équitable visant l'adaptation des travailleurs et une transition équitable visant la transformation économique. Il faut des plans dans les deux cas. C'est particulièrement vrai si nous parlons de transformer l'économie afin de générer une activité économique qui remplace le pétrole... Parce que le pétrole et le gaz ne seront plus le moteur de l'activité économique et de la création d'emplois qu'ils ont déjà été, si nous essayons de les remplacer à une échelle telle que celle dont nous parlons en Alberta, nous avons besoin d'une stratégie industrielle de transition.
La situation évolue rapidement. On ne peut pas compter sur les marchés pour régler le problème parce que, comme je l'ai dit au début, sans orientation gouvernementale et sans plan venant d'en haut, où le gouvernement établit l'orientation en collaboration avec les travailleurs et les employeurs, je crains qu'on se retrouve dans la même situation que le Midwest américain, où le secteur manufacturier s'est effondré sans que rien ne vienne le remplacer.
C'est ce que nous essayons d'éviter en Alberta. Nous avons donc besoin d'une vision et d'un plan qui doivent être facilités aux échelons provincial et fédéral, mais nous avons besoin d'argent pour effectuer cet énorme virage — colossal pour une province comme l'Alberta — et ce, rapidement, car tout se passe très vite. C'est pourquoi nous parlons d'un nouvel apport très important de fonds provenant du gouvernement fédéral, sous la forme d'un transfert pour la transition équitable.
Je sais que le temps dont nous disposons est limité, alors pour ce qui est des leçons, je n'en mentionnerai qu'une. L'Alberta recevait de l'argent de la province pour la transition équitable, mais il y avait aussi un montant d'argent destiné aux employeurs, pour qu'ils puissent garder les lumières allumées pendant la transition du charbon au gaz naturel, et il y avait un montant pour les travailleurs et les collectivités. L'argent qui est allé aux grandes compagnies d'électricité a été versé sans aucune condition, et on a raté une occasion en or de soutenir les travailleurs et les collectivités dans la transition en exigeant essentiellement que l'employeur contribue à la transition. Si de l'argent doit être versé, il doit être lié à un plan, et il doit y avoir des conditions qui faciliteront une transition réussie à la fois pour les travailleurs...
Pour faire court, la réponse est oui. Le gaz naturel est un combustible fossile, mais il produit moins d'émissions. Le gaz naturel pourrait être utilisé, par exemple, comme matière première pour les produits pétrochimiques.
Il pourrait faire partie de la transition, mais je pense qu'il faudrait plutôt miser sur ce que j'appelle les technologies de transition « sûres », des technologies déjà inventées, comme le solaire, l'éolien, les batteries, les véhicules électriques et la réduction du méthane. Il s'agit de technologies éprouvées et faciles à mettre en œuvre. Si nous investissons dans ces technologies plutôt que dans des technologies plus coûteuses et non éprouvées — comme la capture et la séquestration du carbone, même —, nous optimiserons les investissements.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais poser une autre question à M. Detuncq. Mme Carter pourra peut-être ajouter des commentaires par la suite.
Monsieur Detuncq, je vais vous donner des chiffres. Je ne sais pas si vous le savez, mais, pendant la pandémie de COVID‑19, le gouvernement fédéral aura investi 30,9 milliards de dollars uniquement pour soutenir les secteurs pétrolier et gazier. Selon Oil Change International, une somme de 14 milliards de dollars par année est dirigée vers ces secteurs par l'intermédiaire d'Exportation et développement Canada. Les responsables d'Oil Change International ont établi que, en essayant de tenir compte de toutes les subventions visant les secteurs des énergies fossiles, la somme était de 78 milliards de dollars pour l'année 2018.
Le ministre Guilbeault a dit qu'il allait mettre fin aux subventions inefficaces accordées aux secteurs gazier et pétrolier d'ici 2023. Ma question est en lien avec une notion dont vous avez parlé tout à l'heure, soit le taux de retour énergétique.
Si l'on met fin aux subventions inefficaces et qu'il nous faut des subventions qui soient efficaces, est-ce que l'on peut considérer que les stratégies de captation du carbone sont des subventions efficaces?
Est-ce que les subventions que le gouvernement fédéral pourrait accorder aux secteurs liés à l'hydrogène bleu seraient des subventions efficaces?
En me basant sur les lectures que j'ai faites, je vous dirais que l'hydrogène bleu n'est pas ce sur quoi nous pouvons tabler. Il faudrait que nous nous tournions vers l'hydrogène vert. L'Ouest canadien possède un excellent potentiel, qu'il s'agisse de l'énergie éolienne ou de l'énergie solaire. À partir de ces énergies renouvelables, il s'agirait de produire de l'hydrogène pouvant être utilisé localement, au Canada, ou être exporté. Ce serait l'avenue la plus prometteuse.
Il ne faut pas oublier que la production d'hydrogène à partir de méthane ou de sables bitumineux donne des taux de retour énergétique très faibles. En revanche, la production d'énergie à partir de l'énergie éolienne de grande puissance donne à l'heure actuelle des taux de retour énergétique de 70 pour 1. Autrement dit, l'utilisation d'une unité énergétique permet d'obtenir un gain énergétique de 70 kilowatts, ce qui est un rendement beaucoup plus intéressant. Il faudrait plutôt se concentrer sur ces filières.
Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Detuncq, mais je voudrais permettre à Mme Carter d'intervenir brièvement.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup de cette question.
Je voulais juste dire deux ou trois choses sur le captage, l'utilisation et la séquestration du carbone, ou CUSC, parce que je pense que c'est urgent et important.
Je fais partie des professeurs et des universitaires qui ont rédigé la lettre signée par 400 scientifiques et universitaires et adressée à la ministre Freeland pour lui faire part de leurs inquiétudes quant à l'octroi de nouveaux fonds, d'un nouvel allégement fiscal, pour le CUSC. Si nous avons écrit cette lettre et attiré l'attention sur le sujet, c'est parce que nous sommes préoccupés de constater que le CUSC sert principalement à accroître la production pétrolière. Quatre-vingts pour cent du carbone capturé sert à la récupération assistée des hydrocarbures. Il est en fait injecté dans les réserves souterraines de pétrole pour en augmenter la production.
Il faut comprendre ce qu'est réellement le CUSC. Le but est surtout de stimuler la production de pétrole. Il ne s'agit pas d'une solution aux problèmes de changements climatiques. Comme vous l'avez tous souligné, je pense, ces projets sont extrêmement coûteux pour le public, et au point où nous en sommes dans la crise climatique, nous avons besoin de tous ces fonds maintenant pour la transition, pour les choses que M. McGowan évoque: des solutions éprouvées et rentables que nous connaissons déjà, comme les énergies renouvelables, l'électrification et l'efficacité énergétique. Le CUSC est une diversion.
[Français]
[Traduction]
Nous avons dépassé le temps imparti d'une minute.
Je vais donner la parole à M. Angus.
Monsieur Angus, je vous donne trois minutes et demie parce que tous les intervenants, sauf les conservateurs, ont utilisé une minute de plus pour ce tour.
Je vais accorder aussi une minute de plus à Mme Rempel Garner pour son tour.
Monsieur Angus, c'est à vous.
Merci, monsieur le président. Je suis si timide, alors je suis ravi que vous défendiez mes intérêts.
Madame Adler, je suis vraiment content que vous soyez ici, parce que lorsque nous parlons de ces questions, nous recevons les types de l'industrie et les personnes qui ont des intérêts économiques, mais c'est de votre planète qu'il s'agit. C'est avec votre avenir que nous jouons. Quand je parle à ma fille, qui appartient à la tranche supérieure de la génération Z, elle ressent une réelle colère, car elle voit que notre génération échoue non seulement sur le plan fondamental, mais aussi sur le plan profondément existentiel. On joue avec votre avenir. C'est un fossé générationnel sans précédent.
J'aimerais vous interroger à ce sujet. Année après année, le gouvernement fait des promesses que le Canada ne tient pas. Il n'y a eu aucune diminution et nous fonçons à toute allure, sans même être près de respecter la cible de 1,5 °C. Quel est le stress — je veux en parler à un niveau personnel — que cela fait subir à votre génération quand vous contemplez un avenir que notre génération gère si mal?
Le stress qui pèse sur notre génération est très palpable. Je pense que de nombreuses personnes de ma tranche d'âge se demandent sérieusement si elles auront un jour des enfants, par exemple, et si c'est une décision sûre ou sage compte tenu de l'avenir que nous risquons de connaître sur le plan climatique. Cela me brise le cœur, mais c'est une réalité à laquelle nous devons réfléchir. Je pense que c'est la raison pour laquelle il nous faut ce degré de certitude politique.
C'est aussi la raison pour laquelle les jeunes Canadiens demandent vraiment plus de cohésion. Ils ne sont pas aussi intéressés par les querelles provinciales ou d'autres aspects de ce genre. Ils veulent vraiment voir une orientation politique claire qui leur permette de planifier leur avenir, car à l'heure actuelle, les choses sont très incertaines. Les principaux facteurs en jeu sont la trajectoire de notre économie, mais aussi la trajectoire de notre climat et la volonté de voir le Canada devenir un chef de file dans l'établissement d'un avenir sans danger pour le climat.
Merci beaucoup.
Je ne pense pas que le comité des ressources naturelles ait déjà discuté de la décision d'avoir des enfants ou pas. Je suis heureux que vous ayez soulevé la question, car en tant qu'homme blanc plus âgé, j'étais réticent à le faire. J'entends tout le temps des jeunes gens me dire qu'ils ne sont pas prêts à donner la vie à des enfants dans un monde aussi menacé. Les années filent, littéralement, sous nos yeux, et pourtant nous avons des gens qui viennent témoigner devant notre comité et qui parlent d'augmenter la production de pétrole d'un million de barils par jour. Notre organisme national de réglementation en parle. Ils en font la promotion.
Dans quelle mesure est‑il important que les jeunes participent à la discussion sur ce que sera leur avenir, afin d'apporter un peu de bon sens à cette discussion?
Il est crucial que nous tirions parti de l'engagement des jeunes, car il s'agit de leur avenir. Ce sont aussi eux qui vont mettre en œuvre tous les plans qui sont établis.
Je suis heureuse d'avoir été invitée ici. Je pense que c'est la première fois que Student Energy est invitée. Il y a tellement de choses que nous pouvons faire. C'est formidable de voir de nombreux députés et ministres créer des conseils de la jeunesse. Nous pouvons faire beaucoup pour intégrer de manière plus constructive la voix des jeunes, en particulier celle des jeunes Autochtones, qui souhaitent vraiment participer à cette discussion. La First Nations Major Projects Coalition a parlé d'un bon nombre des projets qu'elle souhaite mener dans ses communautés.
C'est excellent. Merci.
C'est maintenant au tour de Mme Rempel Garner.
Vous auriez normalement cinq minutes, mais nous avons un peu débordé lors du dernier tour. Je vais vous donner six minutes, mais vous pouvez donner votre dernière minute à Mme Goodridge, si vous le souhaitez, parce qu'elle n'a pas eu droit à une minute de plus.
C'est un sujet important.
Je vais poser quelques questions à M. McGowan.
Monsieur McGowan, vous savez que le précédent gouvernement de l'Alberta a mis en place un plafond d'émissions de 100 mégatonnes. Pensez-vous que c'est suffisant et que le cadre qui a été mis en place par l'ancien gouvernement néo-démocrate de l'Alberta devrait être repris dans la politique fédérale?
Il est évident que le cadre élaboré par le précédent gouvernement albertain constitue la base de la politique du gouvernement fédéral en matière de climat. C'est le cas pour la tarification du carbone, pour les allocations fondées sur les résultats et, maintenant, pour le plafonnement des émissions. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, l'industrie elle-même n'a pas seulement accueilli favorablement le plafonnement des émissions, elle l'a préconisé. Le plafonnement a incité les compagnies pétrolières à réduire les émissions par baril. C'est une bonne chose pour l'environnement, mais c'est aussi une bonne chose pour les entreprises, car elles ont pu continuer à attirer des investissements.
Le monde est en train de se détourner des combustibles fossiles. La question n'est pas de savoir si cela va se faire, mais quand. Les répercussions sur la demande seront énormes. Si la demande diminue, il en sera de même pour l'investissement et l'emploi...
Merci.
Tout est question de temps, monsieur McGowan. Je vous remercie de votre réponse.
J'ai lu votre plan en 12 points de mars 2019 pour une transition équitable. Vous parlez, dans l'une des sections, de « réduire autant que possible les émissions de carbone de chaque baril de pétrole produit en Alberta afin que nous puissions préserver notre accès aux marchés dont les normes d'émission sont de plus en plus strictes ».
Compte tenu de cette préoccupation particulière, je me demandais si votre organisation préconisait un plafonnement absolu des émissions ou plutôt une approche par baril ou une approche de décarbonisation.
Le gouvernement fédéral n'en est qu'à ses débuts. Il a pris l'engagement de fixer un plafond d'émissions et il entame des discussions. Nous n'avons pas pris de position ferme sur les mesures de plafonnement que nous aimerions voir le gouvernement fédéral prendre, si ce n'est que nous sommes d'accord avec l'idée.
Parlons‑en. Assurons-nous que les travailleurs participent à la discussion. Honnêtement, si les travailleurs ne sont pas consultés, s'il y a un silence sur la façon dont une chose aussi importante que celle‑ci pourrait les affecter, alors ce silence sera rempli d'anxiété et de colère, et nous voyons déjà à quel point cela peut être dangereux.
Je suis tout à fait d'accord. Nous essayons simplement de formuler des recommandations ici pour orienter les résultats.
D'après votre connaissance du plafond actuel des émissions en Alberta, qui a été mis en place par l'ancien gouvernement néo-démocrate, y a‑t‑il quelque chose que vous changeriez?
Il est intéressant de noter que ce plafond n'a jamais été pleinement mis en œuvre. Les règlements n'ont jamais été promulgués. Il s'agit donc surtout d'un plafond théorique.
Pour être honnête, l'objectif ici est de fournir notre part d'efforts pour lutter contre les changements climatiques et réduire les émissions. L'important, c'est que le plafond soit clair et qu'il diminue au fil du temps pour donner à l'industrie la possibilité de réagir et de corriger le tir.
C'est très bien. Je vous remercie.
C'est justement à cela que je voulais en venir. Je crois que si l'on examine le projet des filières en Alberta — et vous parlez à juste titre de certitude pour l'industrie et les travailleurs —, la plupart des décisions qui sont prises reposent probablement sur le cadre de plafonnement des émissions qui a été élaboré sous le gouvernement précédent.
Y a‑t‑il des changements que vous recommanderiez, ou diriez-vous que le cadre est suffisant et qu'il faut l'adopter?
C'est un début, mais comme je l'ai dit, pour que le plafond soit efficace, il faudrait qu'il diminue avec le temps.
Pour ce qui est de la clarté, c'est vraiment important pour la prise de décisions des entreprises et des investisseurs. Tant qu'il y a de la clarté, je pense que les entreprises seront en mesure de s'adapter tout en respectant l'objectif de réduction des émissions.
Il y a quelques domaines où les choses ne sont pas claires en ce moment, et je me demande si votre organisation pourrait donner sa position à ce sujet.
Tout d'abord, il s'agit de savoir si le plafond devrait ou non s'appliquer aux projets approuvés qui n'ont pas encore commencé dans le secteur de l'énergie. Qu'en pensez-vous?
Une grande préoccupation pour nous, c'est le raffinage. Le plafond albertain ne s'applique pas à l'industrie du raffinage. Je pense que le gouvernement fédéral voudra l'étendre pour couvrir également le raffinage.
À ce sujet, dans le temps qu'il me reste, pouvez-vous me dire si votre organisation appuierait une recommandation selon laquelle, si le gouvernement fédéral envisage d'imposer un plafond au secteur pétrolier et gazier, il devrait imposer en même temps des plafonds à tous les autres grands secteurs émetteurs du pays, afin que nous puissions avoir une stratégie plus cohérente en matière d'émissions de carbone?
La réponse courte est oui. Je ne pourrais pas, en toute bonne foi, dire autre chose. Chaque industrie doit fournir sa part d'efforts.
Madame Adler, dans l'une de vos réponses à mon collègue, M. Angus, vous avez parlé de la volonté de voir le Canada devenir un chef de file et de la nécessité d'une orientation politique claire. Pourriez-vous nous dire quels seraient, à votre avis, les principaux éléments clés de cette clarté dans l'orientation des politiques?
Un des principaux éléments clés consiste certainement à accélérer la création d'un plafond pour le secteur pétrolier et gazier. Parallèlement, il faut aussi examiner d'autres secteurs qui sont de gros émetteurs et créer des plans, peut-être assortis de plafonds, pour ces secteurs.
Par ailleurs, je crois qu'il ne faut pas avoir peur de prendre une position de chef de file mondial, comme nous avons pu le constater à la COP26, en ce qui concerne les mesures à prendre pour atteindre notre contribution déterminée à l'échelle nationale, conformément à l'engagement que nous avons pris dans le cadre de l'Accord de Paris.
Enfin, nous nous posons beaucoup de questions sur les meilleures ressources pétrolières au monde. Tout compte fait, nous savons, comme cela a été souligné, que la production de pétrole doit diminuer. Par conséquent, le leadership ne consiste pas à essayer d'être le dernier producteur de pétrole, mais plutôt à essayer d'être une économie qui montre comment nous pouvons faire une transition cohésive, en partenariat avec les communautés autochtones et d'autres collectivités mal desservies au Canada, et qui montre que nous pouvons travailler ensemble partout au pays pour être l'un des modèles de réussite en matière de transition.
Plus tôt cette semaine, lorsque le Comité s'est réuni, nous avons entendu Mme Merran Smith, qui est la directrice générale de Clean Energy Canada. Lors de la réunion de notre comité, elle a déclaré que les batteries seront l'élément central du nouveau système énergétique.
Pouvez-vous nous parler du travail effectué par Student Energy pour passer d'un système énergétique basé sur les combustibles fossiles à des systèmes énergétiques plus propres comme les batteries pour alimenter les véhicules?
La majeure partie de notre travail s'effectue à l'échelle mondiale. Nous nous sommes penchés sur les intentions des jeunes et, en fait, il s'agit de faire la transition vers un avenir carboneutre. Selon moi, il est clair que la technologie des batteries y jouera un rôle important, mais il existe également beaucoup d'autres technologies qui ont été mises en évidence dans d'autres rapports. Ce que les jeunes recherchent vraiment, c'est la possibilité de faire partie de la transition. Le principal problème à l'heure actuelle, c'est qu'il n'existe pas de voies claires pour accéder aux emplois verts et devenir des entrepreneurs en énergie propre, pour ainsi dire.
Un autre élément important de la transition équitable, c'est la collaboration avec les travailleurs actuels du secteur pétrolier et gazier et d'autres secteurs qui produisent beaucoup d'émissions afin d'assurer leur avenir.
Par ailleurs, il faut s'assurer que le Canada intensifie la formation et le renforcement des capacités, notamment en ce qui a trait à l'apprentissage par l'expérience. Nous avons d'excellentes capacités de recherche et développement au pays, et nous avons de bonnes universités, mais malheureusement, à l'heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de préparer les gens à occuper de tels emplois. Nous devons vraiment saisir l'occasion de préparer les gens à cette nouvelle réalité et de renforcer notre réserve de talents pour prendre les devants à l'avenir.
Merci. Vous soulevez un très bon point à propos de nos universités.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Carter.
Plus tôt cette semaine, j'ai posé cette question à un témoin et, compte tenu de votre expertise, j'aimerais également connaître votre point de vue là‑dessus.
Pouvez-vous me dire ce que vous pensez des différents scénarios, celui où il y a un plafond sur les émissions seulement, et celui où il y a un plafond sur les émissions et simultanément un plafond sur la production du secteur pétrolier et gazier? À quoi cela ressemblerait‑il en ce qui concerne l'incidence sur l'environnement et l'incidence sur les emplois du secteur?
Cela fait beaucoup de questions en rafale.
Tout d'abord, je dirais que nous sommes bien loin d'un plafonnement de la production. Comme vous le savez, j'en suis sûre, c'est une discussion très difficile dans notre contexte actuel.
Ce que nous devons faire au Canada, à tout le moins, c'est modéliser et prévoir à quoi ressemblera une production adaptée aux changements climatiques. À l'heure actuelle, la Régie de l'énergie du Canada montre une tendance continuellement à la hausse. Bien entendu, cela n'est pas sans danger pour le climat. Ce n'est pas possible et, en raison de tous les risques économiques, ce n'est pas de bon augure pour les travailleurs des collectivités. Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve, et il faudra trouver une solution. Nous devons agir rapidement.
Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais c'est ce que je dirais. Nous ne faisons que commencer ce périple. Nous devons, à tout le moins, modéliser le tout et faire savoir à l'industrie à quoi s'en tenir.
Merci.
Je suis désolé, madame Lapointe. Nous n'avons plus de temps.
Pour la gouverne de notre groupe de témoins, nous en sommes à la fin du deuxième tour, et il est maintenant 17 h 30. Je propose que nous nous arrêtions ici.
Chers témoins, je tiens à vous remercier tous de votre présence et des excellentes idées que vous nous avez fournies sur un sujet très important. Comme je l'ai mentionné, je vous invite à nous faire parvenir toute information supplémentaire en réponse aux questions ou aux excellentes discussions que nous avons eues aujourd'hui.
Pour ce qui est de la suite des choses pour les membres du Comité, nous serons dans nos circonscriptions la semaine prochaine; nous ne nous réunirons donc pas. La prochaine séance aura lieu le lundi 28 février, et nous poursuivrons notre étude. Jusqu'à présent, nous avons cinq témoins. L'avis de convocation de cette réunion sera affiché très bientôt. La greffière envisage également d'organiser une réunion du Sous-comité après la séance du 28 février pour discuter des travaux du Comité. Cela reste à confirmer, alors surveillez bien vos courriels.
Sur ce, je remercie infiniment les témoins, et merci aussi aux membres du Comité.
Madame Rempel Garner, je vous cède la parole pour une minute.
Ce n'est pas pour présenter une motion ou quoi que ce soit, monsieur le président. C'est simplement pour dire que, si l'on cherche à obtenir plus de commentaires dans le cadre de l'étude, je m'en remettrai à vous et au greffier, mais sachez que si vous voulez publier un communiqué de presse pour solliciter des observations écrites sur le sujet à l'étude, nous vous appuierions également. Je sais qu'il y a beaucoup de témoins qui n'ont pas pu comparaître ou qui ont demandé à comparaître, mais que nous ne serons pas en mesure de rejoindre.
C'est une excellente suggestion. Je vais travailler avec le greffier à cet égard.
J'espère avoir un rapport, pour la semaine où nous serons de retour, sur ce que nous avons fait jusqu'à présent. Cela comprendrait les témoins de chaque parti que nous avons pu confirmer et ceux que nous avons eu du mal à rejoindre. Si nous devons lancer un appel pour des témoignages supplémentaires, nous le ferons. Nous recueillerons cette information pendant la semaine de relâche.
Sur ce, merci à tous.
La séance est levée.
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