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La réunion numéro 55 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 7 octobre 2022, nous poursuivons aujourd'hui notre étude de la réponse du gouvernement au rapport final du Comité spécial sur l'Afghanistan.
Nous accueillons l', ministre des Affaires étrangères, et ses collaborateurs, au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je vous remercie, madame la ministre, de votre présence aujourd'hui. Nous vous savons gré de nous consacrer du temps.
La ministre est accompagnée de Weldon Epp, sous-ministre adjoint, Asie; Julie Sunday, sous-ministre adjointe, Services consulaires, Sécurité et gestion des urgences; Jennifer Loten, directrice générale, Crime international et terrorisme; et Stephen Salewicz, directeur général, Assistance humanitaire internationale.
Je vous souhaite à tous la bienvenue au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
Madame Joly, vous disposez de cinq minutes pour vos observations préliminaires. Ensuite, nous passerons aux séries de questions. Vous avez la parole.
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Je vous remercie, madame la présidente.
[Français]
Bonjour, chers collègues. Je suis heureuse de vous voir aujourd'hui.
Cela fait presque un an que j'ai comparu devant le Comité spécial sur l'Afghanistan et plus de neuf mois que le Comité a présenté son rapport. Notre gouvernement est très reconnaissant du travail accompli par ce comité. C'est pourquoi nous avons répondu de façon détaillée aux recommandations, en octobre dernier, et c'est aussi pourquoi je suis contente que votre comité soit en train de poursuivre une étude sur nos démarches jusqu'à maintenant.
Il s'agit d'un effort coordonné de plusieurs ministres, dont moi-même, le , le , le , la et le .
De mon côté, j'aimerais vous parler des progrès réalisés en ce qui a trait à la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité spécial sur l'Afghanistan dans son rapport final lié aux affaires étrangères. Je tiens à signaler les domaines sur lesquels nous avons axé nos efforts depuis le début de la réponse du gouvernement.
Mon ministère continue de soutenir Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dans son engagement à accueillir au moins 40 000 réfugiés afghans dans notre pays.
Dans un avenir prévisible, assurer un passage sécuritaire pour quitter l'Afghanistan demeure difficile. Il n'existe pas d'itinéraire sûr, sécuritaire et fiable pour quitter le pays. Les conditions sont instables et les exigences en matière de documents d'entrée et de sortie changent constamment. Malgré des défis particuliers et complexes, nous collaborons sur le plan diplomatique avec des gouvernements enclins à trouver des solutions, comme le Pakistan, le Qatar et les Émirats arabes unis, afin de respecter l'engagement du Canada en matière de réinstallation.
En plus de nos efforts de diplomatie, nous continuons aussi de travailler avec nos partenaires non gouvernementaux afin de relever ces défis.
[Traduction]
Le gouvernement, comme tous les Canadiens, reste profondément préoccupé par l'aggravation de la situation humanitaire en Afghanistan. Aux côtés de la communauté canado-afghane, nous voyons évoluer une situation terrible dans ce pays dont les habitants ne cessent d'endurer des épreuves. Je sais qu'ils sont présents dans le cœur des familles, tandis qu'elles célèbrent le Norouz.
Beaucoup ont dû faire des périples éprouvants pour fuir le pays, et d'autres, innombrables, vivent dans la peur des persécutions. Les Canadiens ont ouvert leur cœur pour aider tant de ces personnes à reconstruire leur vie au Canada.
Les gains chèrement acquis en ce qui concerne la démocratie, l'éducation, les droits de la personne et les droits des femmes se sont détériorés après la chute de l'Afghanistan. Les talibans restreignent de plus en plus les droits et libertés des femmes et des filles d'apprendre, de travailler et simplement de participer à la vie publique.
Il est de notre devoir à tous de soutenir le peuple afghan et nous demandons aux talibans d'honorer leurs obligations en matière de droits de la personne, mais soyons clairs: le Canada n'a aucune intention de reconnaître le gouvernement taliban de l'Afghanistan et il continuera de juger les talibans sur leurs actes et pas sur leurs paroles.
Nous entendons répondre aux besoins urgents des personnes les plus vulnérables en Afghanistan, notamment les femmes et les filles, dont nous continuons de plaider vigoureusement la cause à la moindre occasion, au nom du Canada et dans le cadre d'un effort coordonné et soutenu de la communauté internationale.
Le mois dernier, j'ai réuni, à la Conférence de Munich sur la sécurité, les femmes ministres des Affaires étrangères et nous avons vivement condamné les restrictions imposées aux femmes et aux filles par les talibans. Quand les talibans ont interdit aux femmes de travailler pour des ONG nationales et internationales, puis d'aller à l'université, nous nous sommes élevés contre ces mesures avec nos partenaires internationaux.
Avec mes homologues du G7, nous gardons cette question à l'ordre du jour et nous continuons de discuter des façons dont nous continuons d'apporter notre soutien. J'ai soulevé la question des droits des femmes en Afghanistan dans des entretiens bilatéraux avec nombre de mes collègues, y compris britannique, français, néo-zélandais, pakistanais et américain.
Le gouvernement a fourni plus de 143 millions de dollars en financement pour apporter une aide d'urgence en Afghanistan et dans les pays voisins, et nous savons que les Canadiens veulent également aider. C'est pourquoi mon collègue a proposé une modification au Code criminel qui aidera les organisations canadiennes à mieux faire leur travail humanitaire et en faveur des droits de la personne essentiel en Afghanistan. J'aimerais aussi remercier les nombreuses organisations qui ont formulé des recommandations pour faire en sorte que cette initiative avance.
Les changements concilient deux besoins importants: des dispositions fermes contre le financement du terrorisme et la possibilité d'apporter légalement une aide internationale à des populations dans le besoin dans des endroits qui se trouvent de facto sous le contrôle d'organisations terroristes, comme en Afghanistan.
[Français]
En conclusion, le gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre les recommandations formulées dans le rapport du Comité spécial sur l'Afghanistan, et il s'attache à y donner suite. De plus, il réitère son appui au peuple afghan et demeure déterminé à défier les talibans dans leur abus de pouvoir.
Je vous remercie de votre attention.
Je répondrai à vos questions avec plaisir.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Madame la ministre, je vous remercie de votre présence.
Il y a deux ans, le gouvernement s'est engagé à accueillir 40 000 Afghans au Canada. De plus, le gouvernement s'est toujours targué de considérer la politique étrangère d'un point de vue féministe. Malgré tout cela, et alors qu'il s'est engagé à accueillir 40 000 Afghans, seuls 27 000 sont arrivés. Il s'est engagé à considérer la politique étrangère d'un point de vue féministe, mais deux ans plus tard, beaucoup d'Afghans continuent de languir en Afghanistan, notamment des Afghans envers qui nous avons une obligation. Il y a quelques semaines à peine, une ancienne avocate afghane du nom de Mursal Nabizada a été abattue par des tireurs à Kaboul. Huit autres anciennes avocates afghanes sont toujours bloquées en Afghanistan.
Ma question est simple. Prendrez-vous l'engagement de faire venir ces Afghanes au Canada avant qu'elles soient tuées?
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Madame la ministre, cette évaluation n'est pas... Le point de vue du ministère et du gouvernement semble être que tout s'est très bien passé pendant cette évacuation. En fait, je citerai la réponse du gouvernement au rapport du Comité spécial sur l'Afghanistan:
En ce qui concerne la crise en Afghanistan [...] le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes [...] ont établi une relation de travail efficace et efficiente avec AMC et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [...], ce qui a permis l’évacuation en toute sécurité de près de 3 700 évacués de Kaboul [...]
Cette évaluation est troublante, car elle est erronée. Nous avons entendu des dizaines de témoins qui ont dit que l'évacuation de Kaboul était un véritable fiasco.
D'après le major-général à la retraite Dean Milner, l'administration à Immigration Canada et les problèmes de coordination des hauts responsables ont beaucoup compliqué la tâche sur place de l'équipe d'évacuation stratégique chargée d'appuyer et d'aider la mission.
Wendy Long, qui est directrice d'Afghan-Canadian Interpreters, a déclaré ce qui suit à propos d'IRCC, d'Affaires mondiales Canada et du ministère de la Défense nationale:
Toutes [...] doivent collaborer efficacement, et ce n'est pas ce qui s'est produit depuis le début. Il n'y a pas eu de partenariat efficace. Ces trois entités n'ont pas vu cela comme une mission à laquelle elles devaient toutes participer dans le but de faire revenir nos ressortissants au Canada.
Il est préoccupant que le gouvernement considère l'évacuation et la coordination interministérielle comme un succès, alors que les faits disent le contraire. Le fait que nous ayons évacué beaucoup moins de gens que nos alliés ne vient pas confirmer le succès. À la fin du mois d'août 2021, nous avions évacué 3 700 personnes. Les États-Unis en avaient évacué 122 000 et le Royaume-Uni, 15 000. Proportionnellement, d'après le modèle américain, nous aurions dû évacuer 12 000 personnes. Nous en avons évacué 3 700. D'après le modèle britannique, nous aurions dû en évacuer 10 000. Nous en avons évacué 3 700.
Ce que je veux dire c'est que, si le ministère et le gouvernement ne sont pas prêts à reconnaître que l'évacuation de Kaboul et de l'Afghanistan en général était un fiasco, rien ne changera dans les crises que nous réserve l'avenir. Nous continuerons de répéter les mêmes types d'erreurs.
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Je vous remercie de votre question. Elle est très pertinente.
Comme je l'ai mentionné à propos de vos questions précédentes, je pense que nous avons beaucoup appris à l'époque en Afghanistan. Depuis, nous avons fait face à des situations très difficiles. Nous avons pu tirer quelques enseignements de ce qui s'est passé afin de toujours mieux réagir. Personne n'est parfait autour de cette table, et je crois que nous pouvons toujours faire mieux. Nous nous y attachons. Pour cela, nous devons disposer des ressources voulues. C'est pourquoi je suis heureuse que nous ayons obtenu plus de fonds dans le dernier budget.
Il me semble aussi que nous devons tous nous rappeler qu'à l'époque, les membres des Forces armées canadiennes avaient quitté Kaboul depuis des années, ce qui n'était pas nécessairement le cas de nos alliés qui avaient alors plus de moyens et d'effectifs militaires sur le terrain.
Bref, je pense que votre travail est important, parce que c'est ce que vous faites — faire la lumière sur ce qui est arrivé et voir ce que nous pouvons faire pour que les choses se passent mieux à l'avenir.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Madame la présidente, tout d'abord, je tiens à féliciter et à remercier la ministre pour tout le travail qu'elle accomplit et pour sa disponibilité lorsqu'il s'agit d'avoir des conversations sur des questions que les Canadiens estiment prioritaires.
Je vous remercie, madame la ministre.
L'hon. Mélanie Joly: Je vous remercie. Je vous en sais gré.
M. Sukh Dhaliwal: Madame la ministre, dans vos observations, vous mentionniez les femmes et les filles afghanes et, bien entendu, M. Chong en a parlé aussi. Je suis certain que le sujet tient beaucoup à cœur à tous les membres du Comité. Au Comité spécial sur l'Afghanistan, nous avons entendu des témoins raconter les mêmes histoires inquiétantes sur ce qui arrive aux femmes et aux filles en Afghanistan. On entendait alors dire que les talibans fermaient les écoles, que les femmes ne pouvaient pas se déplacer sans être accompagnées par un homme et que les programmes scolaires reposaient tous sur la religion, sans matières scolaires.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, ce que le Canada fait, entre autres, par rapport à cette situation?
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Je vous remercie, vous et votre collègue, pour cette question importante.
Dire que la situation des femmes et des filles en Afghanistan est très difficile est un euphémisme. Je sais qu'elle vous préoccupe toutes et tous. Vous avez évoqué cette situation, et elle est on ne peut plus prioritaire. Toutefois, il y a tellement de crises dans le monde que nous devons continuer d'attirer l'attention sur ce qui se passe en Afghanistan. Si nous ne continuons pas d'informer les Canadiens à ce sujet, nous ne pourrons pas nous assurer que les gens à l'extérieur de l'Afghanistan savent ce qui se passe.
Quand j'étais à l'ONU à New York avec le Secrétaire général Guterres récemment, nous en avons parlé. Nous avons investi près de 150 millions de dollars pour soutenir les femmes et les filles en Afghanistan. Notre collègue, le , se concentre sur ce dossier. Parallèlement, nous devons faire en sorte de continuer d'aider les organisations qui fournissent cette aide.
En raison de nos lois et des dispositions du Code criminel, nous travaillons, pour le moment, par l'intermédiaire des Nations unies et de la Croix-Rouge. Nous pensons que, le projet de loi devant être adopté rapidement à la Chambre — je vous remercie tous de votre soutien à ce sujet —, nous pourrons travailler avec plus d'organisations qui bénéficient peut-être d'un soutien encore plus grand sur le terrain pour aider les femmes et les filles.
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Merci, madame la présidente.
Madame la ministre, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je sais que vous avez un horaire chargé, vu la visite du président américain, entre autres. Votre présence est très importante pour nous.
Je vais beaucoup parler du projet de loi , puisque le sujet qu'il traite a été mon cheval de bataille lors du Comité spécial sur l'Afghanistan. Tous les ministres qui y ont témoigné étaient d'accord avec moi. D'ailleurs, vous avez aussi témoigné publiquement en disant que les dispositions du Code criminel restreignaient l'aide humanitaire canadienne en Afghanistan.
Il y a un an, presque jour pour jour, j'ai déposé à la Chambre une motion demandant un consentement unanime, mais cette dernière a été rejetée par le gouvernement, et ce, même si tous les ministres étaient en faveur de celle-ci lors de leur passage en comité.
Les organisations non gouvernementales, les ONG, vont devoir obtenir une recommandation du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et, dans certains cas, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, en plus de recevoir une autorisation du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Le projet de loi fait que trois ministères sont impliqués lorsqu'il est question du travail des ONG.
Ne pensez-vous pas que cela risque d'être long avant que les ONG puissent obtenir les autorisations nécessaires? Si oui, environ combien de temps cela prendrait-il, selon vous?
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Je vous remercie de votre question.
Cela revient essentiellement à la question que mon collègue m'a posée, à savoir comment on peut atteindre un équilibre. Le but était de continuer à avoir une approche extrêmement stricte, afin de contrer toute forme de financement des organisations terroristes, tout en s'assurant d'être en mesure de soutenir les organisations qui font de l'aide au développement.
Présentement, notre objectif est de mettre en avant le projet de loi , afin qu'il devienne une loi. J'en profite d’ailleurs pour remercier tout le monde, parce qu'il me semble qu'il a été déposé à la Chambre des communes. Par ailleurs, tantôt, la Chambre a adopté une motion à l'unanimité, ce qui est une bonne nouvelle.
Mes collègues le et le vont s'assurer que l'autorisation est donnée à ces organisations. Nous sommes disposés à entendre les commentaires des organisations, afin de nous assurer, par exemple, que l'autorisation est maintenue. Bref, il faut faire en sorte qu'il n'y a pas trop de paperasse.
Je comprends votre préoccupation, monsieur Brunelle‑Duceppe, d'ailleurs, j'ai la partage. Quand la bureaucratie est trop lourde, on n'arrive parfois pas à prendre des décisions rapidement. J'écouterai vos recommandations et celles des organisations internationales avec plaisir.
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J'ai parlé à l'organisation Médecins sans frontières, qui s'est rapidement prononcée après avoir appris les détails du projet de loi .
L'organisation plaide en faveur d'une exemption humanitaire, dans le Code pénal, afin d'éliminer tout risque que leur personnel ou l'organisation soit accusé d'une infraction pénale. Cependant, les changements au Code criminel ne lèvent pas cette incertitude, selon l'organisation. Je tiens à préciser qu'il s'agit tout de même d'une organisation crédible.
Je comprends que le Comité veuille faire les choses rapidement, mais je veux m'assurer qu'il ne perdra pas son temps. Il faut absolument que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. De plus, je veux m'assurer que tous les partis s'entendent sur des amendements sur lesquels il n'y aura pas de débats.
Pouvons-nous compter sur la collaboration du gouvernement, pour que nous nous entendions sur ces amendements le plus rapidement possible, et ce, sans débat?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie la ministre et ses collaborateurs de leur présence aujourd'hui.
Dans son introduction, la ministre a parlé des lois qui doivent être modifiées. Le projet de loi a été présenté. Dans la recommandation 11, le Comité spécial sur l'Afghanistan demande que le gouvernement « revoie les dispositions du Code criminel interdisant le financement du terrorisme et prenne de toute urgence les mesures législatives requises afin de les modifier de manière à ne pas restreindre indûment l'action humanitaire légitime menée dans le respect des principes et du droit humanitaires internationaux ».
Médecins sans frontières a exprimé des réserves. L'organisation n'est pas favorable aux modifications proposées par le gouvernement. Elle l'encourage plutôt à mettre en œuvre une exemption humanitaire complète, comme le recommande son comité. Selon elle, l'idée que quelqu'un puisse être accusé d'un crime pour avoir dispensé des soins médicaux à un patient dans un hôpital pendant un conflit est ridicule et va à l'encontre du droit humanitaire international qui interdit explicitement de punir une personne pour avoir respecté l'éthique médicale:
La législation proposée aujourd'hui exige que les organisations humanitaires demandent une autorisation au gouvernement canadien avant d'envoyer du personnel médical pour répondre à certaines crises humanitaires. Et si la demande est rejetée? Devrons-nous nous retirer des maternités ou des cliniques de soins de santé primaires? Les Conventions de Genève et le droit international humanitaire stipulent clairement que les pays ont l'obligation de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et de ne pas criminaliser le travail effectué conformément à l'éthique médicale, mais c'est exactement ce que fait cette législation.
Je cite Jason Nickerson, représentant humanitaire au Canada pour Médecins sans frontières.
Voici ma question à la ministre: pourquoi le gouvernement n'a‑t‑il pas mis en œuvre une exemption humanitaire complète?
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C'est la question que votre collègue M. Brunelle‑Duceppe me posait tout à l'heure, madame Kwan.
Notre objectif était de réussir à trouver un équilibre entre veiller, d'une part, à adopter une attitude très ferme et à ne financer aucune sorte d'organisation terroriste et, d'autre part, à soutenir l'aide humanitaire en Afghanistan.
Si vous-même et le Comité avez de bonnes recommandations à formuler, il est évident que nous les étudierons, comme nous l'avons fait pendant l'étude sur l'Afghanistan. Nous voulons travailler avec les organisations humanitaires parce que nous voulons que cela fonctionne. Bien entendu, nous estimons Médecins sans frontières. C'est une organisation reconnue dans ma province. Nous continuerons de faire en sorte de pouvoir la soutenir et de faire en sorte qu'elle puisse bénéficier de l'aide humanitaire canadienne et, en même temps, qu'elle puisse aider les Afghans qui ont besoin de son aide dans des circonstances très difficiles.
Je vous dis cela, mais mon collègue, le , est le mieux placé pour expliquer cet aspect avec beaucoup plus de détails. Il aura, évidemment, tout mon soutien.
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Je vous remercie, madame la ministre.
Tout le dossier afghan demande un effort pangouvernemental. Je me rappelle que lorsque nous avons posé cette question au au comité sur l'Afghanistan, il a répondu que ce n'était pas de son ressort et que nous devrions parler avec le ministère de la Justice. Tout le monde s'est renvoyé la balle et voilà où nous en sommes.
Nous avons un projet de loi qui laisse à désirer et qui ne correspond pas aux recommandations. Je suppose qu'il faut en conclure, ce qui me réjouit en partie, que peut-être le gouvernement est prêt à envisager des amendements pour voir comment nous pouvons modifier ce texte, parce que Médecins sans frontières dit clairement que cela ne marchera pas. Si cela ne marche pas, nous devons mieux faire. Nous sommes à la traîne, à vrai dire, et pour bien des personnes qui avaient besoin d'aide, le Canada n'était pas là, alors que d'autres pays ont réussi à aider.
Je vais en rester là, mais je veux attirer l'attention sur ce point, et je pense que des organisations et des ONG l'ont fait elles aussi pour dire que la consultation n'a pas été très bien menée. Avec tout le temps qui a passé, elles ont aussi signalé ce problème. Nous aurons plus le temps de nous pencher dessus quand le projet de loi sera renvoyé au Comité, j'en suis certaine.
Je tiens à parler une minute de la question des Afghans abandonnés sur place. Beaucoup ont travaillé pour AMC et beaucoup étaient soutenus par AMC, avec des fonds du gouvernement canadien. Il s'agit d'ONG et notamment d'organisations qui aidaient des femmes et se battaient pour les droits des femmes et pour la démocratie, et on les a abandonnées sur place. Ce nombre arbitraire de 40 000 vient de je ne sais où.
La ministre est-elle favorable à l'idée de lever ce nombre arbitraire pour que plus de personnes qui ont participé et travaillé avec le Canada puissent se mettre en sécurité?
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Je dirai deux ou trois choses. Pour finir sur le dernier point, notre aide au peuple afghan se chiffre à 150 millions de dollars. Ce n'est donc pas comme si nous n'avions rien fait. Nous avons fait des choses et nous en ferons plus, et je tenais à le dire.
Sur la question des amendements, madame Kwan, nous sommes toujours prêts à voir ce qui peut être fait et nous vous sommes reconnaissants de votre travail. Vous pouvez toujours compter sur moi pour avoir de bonnes discussions pour améliorer des projets de loi. Il me semble que le fait que le , le et le aient fait cette annonce ensemble montre combien tous trois ont travaillé en coordination.
Sur la question des Afghans qui veulent venir au Canada, je crois que 40 000 est un nombre important et un objectif ambitieux qu'il me semble important d'atteindre, et nous sommes d'ailleurs maintenant aux trois quarts. Près de 30 000 Afghans sont arrivés au Canada, et il est réconfortant de voir comment les Canadiens ont répondu, comme toujours, en ouvrant leur coeur et leur foyer pour faire en sorte que des Afghans puissent venir au Canada.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre présence et de tout le travail que vous faites à l'échelle internationale comme cheffe de la diplomatie canadienne. On sait très bien que cela contribue énormément à faire rayonner l'image du Canada sur la scène internationale.
Madame la ministre, comme vous le savez, la difficulté que les gens ont à quitter l'Afghanistan est notable et représente un des principaux enjeux dans ce dossier. Le Pakistan, pays voisin, joue un rôle clé dans l'acheminement d'aide aux sans-papiers. Le Canada a de très bonnes relations avec des pays alliés qui sont également des amis du Pakistan, comme le Qatar, le Koweït et les Émirats arabes unis.
A-t-on fait un travail multilatéral avec ces pays afin d'améliorer la situation pour aider les gens qui quittent l'Afghanistan?
Oui, nous avons travaillé à plusieurs reprises avec le Pakistan, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et les États‑Unis pour trouver des façons d'atteindre notre cible et d'accueillir 40 000 réfugiés afghans. Encore hier, comme je le mentionnais un peu plus tôt dans le cadre de mon témoignage, nous avons été en mesure d'accueillir plus de 360 Afghans arrivant du Pakistan.
Travailler aux questions d'immigration et de passage sécuritaire est une chose, mais c'en est une autre de travailler avec des collègues, sur le plan diplomatique, pour s'assurer que la question de l'Afghanistan continue d'être une priorité parmi les dossiers internationaux, qui sont plus que nombreux. On peut penser à l'invasion illégale et injustifiée de l'Ukraine, aux tensions dans la région indo‑pacifique et aux graves crises humanitaires qu'on voit en Afrique, au Venezuela et en Haïti, entre autres.
Notre objectif est de dénoncer les talibans à chaque occasion et de travailler avec d'autres collègues. Le forum que je préfère est celui des femmes ministres des Affaires étrangères, parce que nous pouvons y soulever des questions qui nous préoccupent à l'international sous une lentille féministe.
Comme ces femmes ministres des Affaires étrangères proviennent de l'Europe, des Amériques, de l'Asie et de l'Afrique, ce qui nous permet d'avoir un bon réseau international.
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Nous avons pu offrir beaucoup d'aide humanitaire. Comme je le mentionnais un peu plus tôt, cela représente environ 150 millions de dollars.
Toutefois, le défi du Canada était assez unique, étant donné les dispositions du Code criminel qui nous empêchaient, de façon directe et surtout indirecte, de financer quelque organisation terroriste que ce soit, les talibans dans ce cas. Cela faisait en sorte que toute organisation humanitaire qui payait un loyer, des taxes ou quoi que ce soit sur leur territoire, soutenant indirectement le gouvernement en place, contrevenait au Code criminel. C'est pourquoi toute notre aide humanitaire a été envoyée à l'ONU ou à la Croix‑Rouge.
Maintenant, l'objectif du projet de loi est d'aller plus loin et d'aider des organisations qui sont très présentes sur le terrain, comme celle que Mme Kwan et M. Brunelle‑Duceppe mentionnaient, soit Médecins sans frontières.
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Merci, madame la présidente.
Madame la ministre, je vais vous poser une question qui est peut-être un peu hors contexte, mais qui m'intéresse beaucoup.
Vous dénoncez, avec raison, les violations des droits de la personne par les talibans. D'ailleurs, je vous en félicite et je vous en remercie. Il faut se tenir droit devant cela et le dénoncer sur toutes les tribunes. Cela dit, je pense à d'autres violations des droits de la personne qui ont lieu sur d'autres territoires. On sait que les Qataris, par exemple, aident le gouvernement du Canada à transmettre ses messages aux talibans. C'est une aide diplomatique qu'ils nous offrent.
Cette aide est-elle la raison pour laquelle le gouvernement du Canada n'a jamais dénoncé publiquement, sur quelque tribune que ce soit, les violations des droits de la personne au Qatar, surtout lorsqu'il en a eu l'occasion lors de la dernière Coupe du monde?
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J'aimerais parler de l'aide à apporter aux personnes qui veulent quitter l'Afghanistan. Beaucoup de gens sont coincés.
Je maintiens que le gouvernement doit lever le quota arbitraire. De nombreuses personnes financées par Affaires mondiales Canada, par le gouvernement canadien, ont été laissées pour compte. J'ai en mains toute une pile de feuilles de calcul remplies de noms de personnes qui ont suivi les directives du gouvernement pour tenter de se procurer une demande et d'obtenir une recommandation, le tout en vain, et qui sont actuellement dans une situation périlleuse. J'y reviendrai dans une minute.
Un des enjeux, bien sûr, est de faire sortir les gens d'Afghanistan, ainsi qu'une partie de ceux qui ont réussi à se rendre dans un pays tiers, comme le Pakistan. En décembre dernier, le Pakistan a décrété que les personnes dont le visa est expiré seront soit arrêtées et emprisonnées, soit renvoyées en Afghanistan.
Sous cet angle, que font la ministre et ses fonctionnaires pour travailler avec ces pays tiers et permettre aux gens de sortir?
Si ces personnes ne détiennent pas de visa valide, elles ne pourront pas non plus obtenir de visa de sortie. Que fait‑on pour résoudre le problème?
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Il y a deux réponses à vos deux questions.
Madame Kwan, je suis quelqu'un de très pragmatique. Mon objectif est de faire sortir 40 000 personnes, et je suis convaincue que nous y arriverons. S'il faut travailler davantage, nous le ferons. Avec mon collègue le , je verrai ce qui peut être fait. Je reconnais avec vous que la situation en Afghanistan demeurera périlleuse.
Pour votre seconde question, la réponse est... Votre question est d'après moi très pertinente. Le problème à l'heure actuelle, c'est que l'Afghanistan est un pays où nous avons énormément de difficulté à opérer. Nous n'avons actuellement pas d'ambassadeur. Il n'y a personne à notre ambassade. Notre problème porte effectivement sur le passage sécuritaire.
C'est exactement ce que je fais quand je traite avec le Pakistan, quand je traite avec le Qatar, quand je traite avec les Émirats arabes unis et quand je traite avec le Koweït. Comment pouvons-nous faire en sorte que les Afghans qui quittent leur pays et qui ont l'occasion de venir au Canada puissent le faire? C'est mon travail, et c'est ce que je fais.
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Lorsque j'ai été nommée ministre des Affaires étrangères, en octobre 2021, je me suis donné rapidement comme objectif de travailler avec le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, et ce, pour trouver des façons de faire venir plus d'Afghans au Canada.
Cependant, en raison du manque de représentation diplomatique en Afghanistan, donc aucun ambassadeur à Kaboul, et du fait que peu de nos alliés avaient encore des représentants en Afghanistan, j'ai voulu travailler avec d'autres pays qui recevaient des réfugiés afghans et qui avaient potentiellement un lien avec le Canada. C'est pour cela que nous avons travaillé avec le Pakistan. Au cours des premières semaines de mon mandat, j'ai parlé à des représentants du Pakistan, du Koweït, des Émirats arabes unis et du Qatar pour trouver des façons de faire venir des Afghans au Canada et, ultimement, d'atteindre l'objectif d'accueillir 40 000 réfugiés que nous nous étions fixé comme gouvernement, soit.
Notre collègue M. Fayçal El‑Khoury a posé une très bonne question, tantôt. Il a demandé quelle était la différence entre la Syrie et l'Afghanistan. Lorsque nous avons travaillé avec la Syrie, nous avons aussi travaillé avec l'ONU, qui avait des camps de réfugiés au Liban, en Jordanie et en Turquie. L'ONU était, en effet, capable de faire la sélection de réfugiés et de mettre en place des mesures pour s'assurer d'une évaluation de sécurité bien faite dans le cas de chacun des réfugiés. Nous n'avons pas pu travailler de cette façon dans le cas des Afghans, parce que les camps de réfugiés étaient organisés différemment. C'est l'un des problèmes de logistique auxquels mon collègue a été confronté, tout comme moi-même, d'ailleurs.
C'est aussi pour cela que j'ai travaillé avec les Américains, qui avaient plusieurs Afghans sur leurs différentes bases militaires, ce qui nous a permis d'en faire venir. Chaque semaine, chaque mois, nous recevons encore des réfugiés afghans venant de différents pays avec lesquels je suis en contact depuis mon arrivée en fonction en 2021.
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Je vous remercie de cette réponse.
[Traduction]
L'organisme Canadian Women for Women in Afghanistan, avec qui je collabore étroitement, est basé dans ma circonscription. J'ai observé — tout comme, j'en suis sûre, bien des gens partout au pays — le leadership dont vous avez fait preuve auprès des dirigeants du G7 en matière de politique étrangère et de politique féministe.
Ce groupe de femmes est vraiment déterminé à aider les filles afghanes à poursuivre leurs études. Elles ont utilisé tous les outils à leur disposition pour venir en aide à la population féminine afghane. Elles parlent de recourir à la technologie pour permettre aux filles de continuer à s'instruire en toute sécurité. Elles parlent de créer des espaces où les femmes afghanes pourront continuer de réfléchir en quelque sorte à ce que le régime taliban leur a infligé.
Dans vos conversations avec les autres ministres des Affaires étrangères, êtes-vous en mesure d'aborder certaines des façons novatrices dont nous pourrions continuer d'aider les femmes et les filles afghanes qui doivent poursuivre leur scolarité? En outre, à mesure que se poursuit l'effacement des femmes en Afghanistan, quels types de conversations avez-vous avec vos homologues sur ce sujet précis?
Nous avons les fonctionnaires avec nous pour les 50 prochaines minutes. En plus des fonctionnaires faisant partie du premier groupe de témoins, nous accueillons M. Christopher Gibbins, directeur exécutif, Afghanistan-Pakistan.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Gibbins.
Nous allons entamer directement nos tours de questions, en commençant par M. Chong.
Monsieur Chong, vous avez six minutes.
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Merci, madame la présidente.
J'espère que je ne serai pas interrompu cette fois. Depuis 19 ans qui je siège ici, je n'interromps pas les autres membres quand ils utilisent leur temps de parole. Mon expérience au sein des comités m'a appris que les députés qui interrogent les ministres disposent souvent d'une grande marge de manœuvre, et j'espère qu'on fera preuve à l'avenir de la même courtoisie à mon égard.
J'aimerais revenir à la question que je posais à la ministre au sujet de l'Afghanistan. Je crois, à l'instar d'après moi de beaucoup de gens qui suivent ce dossier, que la manière dont le Canada a quitté l'Afghanistan en août 2021 a été une catastrophe qui nuira durant des années à nos intérêts. Pour être équitable, j'ajouterai que cette catastrophe est également imputable à la façon dont l'alliance occidentale, nos alliés, a quitté l'Afghanistan. Nos alliés non plus n'ont pas quitté l'Afghanistan d'une manière qui correspond à nos valeurs et nos intérêts.
J'estime que notre départ de l'Afghanistan a été particulièrement bâclé. Quand la ministre a comparu devant le Comité, j'ai souligné les témoignages entendus par le Comité spécial sur l'Afghanistan concernant le total manque de coordination de la réponse du gouvernement du Canada, comme en témoigne le fait que nous avons évacué proportionnellement beaucoup moins d'individus que nos plus proches alliés.
Les États-Unis ont évacué 122 000 personnes durant la période allant jusqu'à la fin d'août 2021. Le Royaume-Uni en a évacué 15 000. Proportionnellement, cela indique que nous aurions dû évacuer entre 10 000 et 12 000 personnes, mais nous n'en avons fait sortir que 3 700. À mes yeux, cela s'inscrit dans un pattern plus global, dans l'incapacité d'agir de l'ensemble du gouvernement face aux dossiers importants et aux crises majeures.
Nous avons reçu la réponse du gouvernement au rapport spécial sur l'Afghanistan. La réponse donnée à la recommandation 2, voulant que le groupe de travail interministériel a établi « une relation de travail efficace et efficiente » entre tous les ministères pendant la crise, semble particulièrement aller à l'encontre de ce qu'on a dit au comité spécial.
Comme première question, comment évaluez-vous la façon dont le gouvernement du Canada, et en particulier le ministère, a géré le processus d'évacuation durant cette période?
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Madame la présidente, je commencerai à répondre puis je donnerai la parole à ma collègue Julie Sunday, qui complétera.
C'est là une question très importante, une question que les ministères partenaires et Affaires mondiales Canada se sont évidemment posée, et à laquelle ils ont entrepris de répondre dans le cadre de l'examen « après action », non seulement dans le cadre d'un examen interne mais aussi en donnant suite aux recommandations issues des travaux vraiment importants menés par votre comité. Je pense, comme la ministre l'a dit plus tôt, qu'ils ont investi de nouvelles ressources dans l'amélioration de leurs capacités non seulement d'intervention mais aussi de coordination.
Le fait est que, comme l'a mentionné la ministre — et pour revenir à la prémisse de certains de vos commentaires antérieurs —, la situation était très chaotique, elle présentait des caractéristiques uniques en leur genre. En ce qui concerne les ressources présentes sur le terrain, le Canada était dans une position différente de celles de certains de nos alliés.
Simplement pour parler de la comparabilité de notre action, je pense que toutes ces questions sont valables et qu'elles ont toutes été prises en compte dans la façon dont nous analysons, évaluons et examinons notre mode d'opération futur. En même temps, nous espérons ne jamais revoir certaines particularités de la situation.
Tout cela se résume à la capacité d'intervenir plus agilement. Je pense que la réponse du gouvernement à la recommandation 2 a été d'accepter la prémisse tout en examinant la trousse d'outils que la loi actuelle met déjà à notre disposition.
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Je peux parler de ce qui est en place pendant une crise, c'est-à-dire qu'Affaires mondiales Canada, en tant que ministère responsable des urgences internationales, établira alors un groupe de travail interministériel réunissant tous les ministères concernés. Dans le cas de l'Afghanistan, nous avons tenu des rencontres quotidiennes, depuis le début juillet jusqu'en novembre. Du point de vue gestion des urgences, c'était un groupe de travail qui a duré très, très longtemps.
Pendant la crise d'août, IRCC, le MDN et d'autres organisations étaient intégrés à notre équipe d'intervention d'urgence à Affaires mondiales Canada; nous avions donc une salle entière, une salle de crise, où tout le monde travaillait de concert.
Un des grands problèmes a été la rapidité d'émergence de la crise. Bien entendu, nous étions depuis longtemps en mode de planification d'urgence, et au plus fort le volume de demandes était vraiment important. Pour notre part, nous avons un centre de surveillance et d'intervention d'urgence qui fonctionne 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Au plus fort de la crise, nous recevions 70 000 courriels par jour. Malgré les 200 personnes qui travaillaient dans notre centre des opérations, cette semaine‑là a été très difficile.
Cela dit, l'avant-crise a clairement permis de forger entre IRCC, le MDN et Affaires mondiales des liens qui sont restés en place par la suite. Dans la phase qui a immédiatement suivi le pont aérien, nous nous sommes concentrés à faire tout notre possible pour évacuer les citoyens canadiens, en travaillant en collaboration avec le Qatar et d'autres partenaires. Nous sommes ensuite rapidement arrivés à une phase fortement axée sur les MSI, les mesures spéciales d'immigration, et l'équipe de M. Epp a très activement entrepris des discussions bilatérales avec des partenaires clés à Doha, aux Émirats arabes unis et ailleurs pour pouvoir faciliter les moyens d'évacuation. Encore une fois, c'était très difficile. La documentation posait alors un énorme problème, un problème qui a perduré tout au long de la crise. Tout le monde travaillait en collaboration pour résoudre ces enjeux.
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C'est une excellente question.
En fait, le pays voisin le plus touché, le Pakistan, compte la plus grande population de réfugiés au monde. Une partie de cette population y demeure depuis très longtemps, mais il y a eu une hausse marquée après la chute de Kaboul. Le gouvernement du Canada collabore étroitement avec celui du Pakistan pour assurer un passage et une transition sécuritaires vers le Canada aux personnes qui sont invitées dans le cadre des programmes discutés par ce comité, et aussi pour fournir un soutien visant à stabiliser la situation et à permettre au gouvernement pakistanais de subvenir aux besoins humanitaires de cette grande communauté.
Bien sûr, des réfugiés afghans ont fui vers d'autres pays voisins. Comme la ministre l'a mentionné précédemment, nous avons étroitement collaboré avec les gouvernements du Qatar et des Émirats arabes unis, et bien sûr avec nos partenaires, pour faire ce que nous pouvons pour atteindre nos propres objectifs et pour soulager la pression tout en satisfaisant, comme l'a dit ma collègue, aux diverses exigences applicables, par exemple fournir les données biométriques requises pour faciliter le processus.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous d'être ici avec nous aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
Au Bloc québécois, nous avons cerné deux éléments pour la suite des choses. Je comprends que Kaboul soit tombée. Ce qui nous intéresse beaucoup, au Bloc québécois, c'est de savoir ce qu'on fait maintenant, ce qu'on fait pour l'avenir et quelles leçons on a tirées de ce qui s'est passé lors de la chute de Kaboul.
Vous avez dit que vous avez eu beaucoup de discussions bilatérales avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Vous n'aviez pas le choix, vous étiez en plein milieu de la crise. Une des recommandations du Comité spécial sur l'Afghanistan demandait que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration mette en place un système permanent d'urgence, c'est-à-dire un mécanisme d'urgence dont on peut actionner les boutons rapidement lorsqu'une crise internationale survient, qu'il s'agisse d'un conflit armé ou d'une catastrophe naturelle comme, par exemple, le tremblement de terre en Haïti. Le est venu à quelques reprises devant ce comité. Il a dit qu'il avait mandaté ses fonctionnaires pour éventuellement mettre en place un tel mécanisme au sein d'IRCC. Je pense que vous en avez déjà un, à Affaires mondiales Canada.
Trouvez-vous que c'est une bonne idée de mettre en place un tel mécanisme?
Le projet de loi a été présenté au Parlement assez récemment. Il suivra le processus et je pense que nous allons examiner la façon dont la loi s'applique. Les organisations qui ont participé au processus et qui ont travaillé avec nous pour mettre au point ces solutions auront évidemment des réactions. Nous sommes très intéressés de les entendre afin de voir comment nous pouvons mettre en oeuvre cet amendement pour qu'il fasse le travail que nous voulons qu'il fasse. J'ai utilisé le terme « habilitation » il y a un instant, et je vais l'utiliser à nouveau. Notre intention est de faire en sorte que ces organisations puissent faire l'excellent travail que nous voulons qu'elles fassent, et nous avons travaillé main dans la main avec elles tout au long du processus de révision pour nous assurer que c'est bien le cas.
Cependant, je dirais que la manière dont il est mis en place actuellement, et la raison pour laquelle il ne s'agit pas simplement d'une exemption humanitaire, est qu'il permet une catégorie d'engagement plus large que ce qui serait simplement envisagé dans une exemption humanitaire, de sorte que nous pouvons travailler, dans ce cas, sur les aspects éducation, soins de santé et moyens de subsistance. Tout cela est précisé dans la loi à l'heure actuelle. Nous attendons avec impatience de connaître la réaction des organisations concernées et nous espérons continuer à travailler en partenariat avec elles pour que cela fonctionne comme prévu.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je note que tous vos témoignages, aujourd'hui, s'appuient vraiment sur des faits. Ils sont aussi empreints de beaucoup de compassion, et je constate également un désir profond de continuer à améliorer la situation.
Vous avez fait allusion à la nécessité de bonifier les nouvelles ressources, particulièrement en ce qui a trait au personnel consulaire. Lors de son témoignage, la ministre a fait référence à des fonds en lien avec son rôle premier.
Pouvez-vous nous parler un peu de ces nouvelles ressources? J'aimerais avoir un peu plus de précisions à ce sujet.
Comment cela va-t-il améliorer les choses par rapport à tout ce que nous avons appris et ce que nous devons continuer de faire non seulement pour l'Afghanistan, mais aussi pour d'autres pays?
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Merci pour la question, madame la présidente.
Oui, nous avons été très heureux de recevoir des ressources. Une partie importante de ces ressources sera consacrée au renforcement de notre capacité de réaction en cas d'urgence. Il est important de noter que nous aurons une équipe permanente d'intervention en cas d'urgence qui s'attachera à être prête à agir rapidement. Elle assurera une formation dans l'ensemble de notre réseau. Nous continuerons également à renforcer nos ressources et notre capacité d'intervention consulaire en cas d'urgence dans les missions.
Il est important de noter que nous nous efforçons également de moderniser nos outils. Il s'agit de mieux communiquer avec les Canadiens, d'utiliser de nouvelles plateformes numériques pour ce faire — nous utilisons déjà WhatsApp en cas d'urgence — et d'essayer de devenir un peu plus agiles.
Bien sûr, nous fournissons d'excellents conseils de voyage. Nous avons la liste du ROCA, le Registre consulaire des Canadiens à l'étranger. Nous voulons pouvoir joindre les Canadiens, en particulier en situation de crise, afin de leur fournir les renseignements les plus pertinents.
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Merci pour cette question.
Je voudrais commencer par dire ce que je pense que nous ressentons tous, à savoir que tous les Canadiens condamnent fermement les actions du régime taliban, dont la plus récente date de décembre, visant à restreindre radicalement les droits des femmes et des jeunes filles à participer à la vie publique et à travailler. Comme la ministre l'a déclaré plus tôt, cela a également eu un impact considérable sur la façon dont nous travaillons avec les canaux et les partenaires que nous avons déjà et avec lesquels nous pouvons travailler dans ces circonstances.
Pour répondre à la question, nous avons fait un certain nombre de choses. Tout d'abord, la ministre s'est placée en tête de proue pour le Canada, en collaboration avec d'autres gouvernements et d'autres ministres, condamnant à chaque occasion les violations des droits de la personne commises par le régime taliban, qui ont atteint de nouveaux sommets. Je pense qu'elle en a parlé tout à l'heure.
En outre, pour compléter ce qu'elle a dit, nous avons un représentant spécial pour l'Afghanistan, l'ancien ambassadeur, M. Sproule. Il est basé à Doha et travaille sans relâche avec d'autres représentants spéciaux en coordination avec les agences des Nations unies pour communiquer, le cas échéant, avec les représentants des talibans dans des circonstances très difficiles afin de comprendre et de s'assurer qu'ils comprennent les conséquences de ces actions.
Enfin, nous avons été en contact étroit avec une série d'organisations non gouvernementales qui sont toujours actives sur le terrain — par exemple, la Fondation Aga Khan.
Ce que je dirais, c'est que la situation est terrible et qu'elle s'est aggravée et devient plus difficile, mais en même temps, l'Afghanistan n'est pas une zone d'opération unitaire. Il existe une certaine différence entre la manière dont ces nouveaux décrets sont mis en oeuvre à Kaboul et dans certains centres métropolitains, si vous voulez, et dans d'autres parties du pays. Nous suivons de près la situation avec nos partenaires pour voir dans quelle mesure l'aide humanitaire, l'aide à la santé et l'aide à l'éducation peuvent continuer à être fournies aux femmes et par leur intermédiaire, même si la position officielle des talibans a changé.
Nous continuons à suivre la situation de près et nous cherchons à travailler autant que possible avec ces partenaires.
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Merci, madame la présidente.
Il m'arrive parfois d'être d'accord avec mon amie Mme Rempel Garner, et je tiens à vous dire que la plaque commémorative est, à mon avis, un beau geste de reconnaissance envers les gens qui ont travaillé jour et nuit et qui ont mis tout leur cœur et leur énergie à essayer de sauver le plus de gens possible. Elle a le soutien du Bloc québécois à cet égard.
En vertu du projet de loi , votre ministère ou celui de la Citoyenneté et de l'Immigration aura la responsabilité de déterminer si les activités proposées répondent à un besoin réel et important dans une zone signalée comme étant sous le contrôle d'un groupe terroriste.
Comme c'est vous qui jugerez s'il y aura ou non des autorisations, je voudrais savoir si vous avez déjà établi les critères qui seront utilisés pour déterminer si les objectifs sont atteints.
J'invite Mme Loten à répondre, étant donné sa connaissance approfondie du projet de loi C‑41.
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Oui, c'est une excellente idée.
Nous nous efforçons — une fois que la loi sera achevée et qu'elle aura franchi toutes les étapes du processus parlementaire — d'être en mesure de l'appliquer le plus rapidement possible.
Oui, trois ministères sont concernés. Je peux vous assurer que nous travaillons en étroite collaboration. L'idée est que l'élément qui s'adresse au public soit un visage unique. À partir de là, les différents ministères assumeront le contrôle des éléments liés à leur mandat.
Par exemple, le ministère des Affaires mondiales s'occupera en premier lieu de la question. Si une demande doit être transmise à IRCC, c'est ce que nous ferons. Ensuite, nous examinons les éléments qui se rapportent à notre travail. Nous formulons ensuite une recommandation qui sera transmise à Sécurité publique.
Nous essayons autant que possible de rationaliser. Lorsque nous le pouvons, nous cherchons également à...
Je pose cette question parce que le a déclaré publiquement que toute personne qui n'a pas de visa valide ne serez pas considérée comme ayant une demande valide au Canada. J'espère que cette position a changé, car, en raison même de leur situation, les personnes qui sont des réfugiés et qui fuient la persécution n'ont pas nécessairement des papiers en règle. J'espère donc que le ministère collaborera avec le ministère de l'Immigration pour régler cette question, car cela n'a aucun sens.
Puis‑je demander aux fonctionnaires de fournir au Comité des renseignements sur le nombre de personnes, en particulier les organisations de femmes, qui ont reçu des fonds d'Affaires mondiales Canada ou du gouvernement canadien pour faire avancer les droits? Combien y en a‑t‑il?
Combien de personnes le ministère a‑t‑il orientées vers la mesure spéciale d'immigration pour faire venir 40 000 réfugiés afghans?
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Merci pour cette question.
Je vais essayer d'y répondre. J'ai quelques données ici, alors je fais donc appel à votre patience. Je fournirai ce que je peux.
En ce qui concerne la première partie de la question, avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que nous serons en mesure de répondre dans le sens de... Compte tenu des décennies pendant lesquelles le Canada a travaillé dans le pays, une liste complète de tous les bénéficiaires des programmes que nous avons mis en œuvre serait énorme.
Dans le cadre du rôle joué par Affaires mondiales, nous nous efforçons d'évaluer les critères au fur et à mesure que les dossiers nous parviennent, que directement par l'intermédiaire de tiers. Parmi ces dossiers, Affaires mondiales a été en mesure d'aiguiller des milliers de personnes vers IRCC...
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais poursuivre les questions que j'ai posées plus tôt au sujet de notre réponse future aux crises d'évacuation.
Je me souviens très bien de l'évacuation d'urgence des Canadiens du Liban en 2006 et de son caractère chaotique. Je me souviens évidemment très bien des événements survenus il y a deux ans. Nous vivons à l'ère des migrations. Des millions de personnes sont déplacées, l'Amérique latine s'approchant de la frontière sud des États‑Unis, des personnes au Canada traversant au chemin Roxham, des migrations du Moyen‑Orient vers l'Europe et des migrations de l'Afrique du Nord vers l'Europe. Ce problème n'est pas près de disparaître. Nous devrons probablement y faire face dans un avenir proche.
J'aimerais comprendre: si cela se reproduit, qu'est‑ce qui sera différent cette fois‑ci?
Mme Sunday a mentionné que des ressources supplémentaires ont été mises en place, des ressources consulaires. Pouvez-vous nous dire ce qui sera différent la prochaine fois? Qu'avons-nous changé pour mieux répondre aux évacuations d'urgence?
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Voilà un bon exemple de ce dont je parle.
Lors de l'évacuation de l'Afghanistan, on nous a dit qu'IRCC était débordé par le nombre de courriels qui arrivaient pendant l'évacuation. Il n'y avait qu'une poignée de personnes. En fait, on nous a dit qu'il y avait deux personnes à IRCC qui traitaient les courriels qui arrivaient, des volumes énormes de courriels. Ils n'arrivaient pas à suivre.
IRCC a demandé aux employés du gouvernement du Canada de se porter volontaires pour travailler à IRCC afin d'aider à résorber l'arriéré. J'espère qu'à l'avenir, le BCP ordonnera aux employés du gouvernement du Canada dans d'autres ministères de répondre au besoin de traitement des courriels à IRCC.
Je me demande ce qui a changé pour que nous ne nous retrouvions pas dans une telle situation à l'avenir, qu'il s'agisse de l'évacuation de quelque 300 000 citoyens de Hong Kong ou de l'évacuation d'autres points chauds dans le monde. Je me demande quelles leçons nos erreurs passées nous ont apprises.
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Depuis la chute de Kaboul en août 2021, le Canada fait partie intégrante de la conversation au sein de la communauté internationale en matière de réponse, qu'il s'agisse de notre engagement diplomatique, de l'aide internationale ou de l'aide humanitaire. Et ce, depuis les dirigeants — le ministre des Affaires étrangères et les ministres — jusqu'aux échelons inférieurs.
Une partie de cette coordination, comme l'a mentionné M. Weldon, est assurée par notre représentant spécial basé à Doha. Doha est devenue une plaque tournante de l'engagement diplomatique après la chute de Kaboul. Au moins 18 autres pays y sont représentés. C'est aussi un espace et une occasion de dialoguer directement avec les talibans, qui s'y trouvent également. Certains messages sont coordonnés par nos alliés de manière très insistante et cohérente.
En ce qui concerne la coordination internationale, les conversations se poursuivent. Des réunions ont eu lieu récemment à Dubaï entre personnes partageant les mêmes idées afin d'examiner comment nous pouvons répondre aux actions les plus récentes des talibans, qu'il s'agisse de l'interdiction faite aux femmes de travailler dans des ONG ou des restrictions imposées à l'éducation dans tous les domaines. Toutes ces mesures ont un impact très sérieux sur notre capacité à fournir de l'aide.
Cela dit, comme l'a souligné la ministre, le Canada a été en mesure d'avoir une contribution importante et substantielle, ce qui est tout à fait remarquable dans ces conditions. Nous l'avons fait aux côtés de nos partenaires. Les conversations se poursuivent au sein de la Banque mondiale, et ainsi de suite.
Je vais peut-être m'arrêter là au cas où d'autres souhaiteraient ajouter quelque chose.
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Merci pour cette question. Je vous en suis reconnaissant.
Pour confirmer ce que mes collègues ont dit, nous avons effectivement participé à une réponse coordonnée. Sur le plan humanitaire, dont je suis responsable, nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres pays donateurs pour coordonner notre réponse à la crise.
Le Canada a été un donateur important qui a grandement contribué à cette réponse. L'année dernière, nous avons été le cinquième plus grand donateur à l'appel de fonds pour la réponse humanitaire. Nous sommes un contributeur important.
Nous nous sommes attachés à répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables en Afghanistan. Nous avons principalement apporté un soutien en matière de sécurité alimentaire par l'intermédiaire du Programme alimentaire mondial et de l'UNICEF. Notre intervention permet d'atteindre des millions d'enfants.
Il s'agit d'un effort coordonné. Pour en revenir à la prémisse de votre question, nous travaillons en étroite collaboration avec les Nations unies et d'autres pays pour apporter ce soutien.