:
Merci, monsieur le président, et merci au Comité de m'avoir invité à prendre la parole.
Je m'appelle André Côté. Je suis directeur des politiques et de la recherche au Dais, un groupe de réflexion de l'Université métropolitaine de Toronto. Dans une vie antérieure, j'ai également été conseiller principal auprès d'un ministre de l'enseignement supérieur de l'Ontario, donc j'apporte en quelque sorte ce point de vue également.
Je vais juste dire quelques mots à propos du Dais. Nous sommes à l'Université métropolitaine de Toronto. Notre travail se concentre vraiment sur les politiques publiques à l'intersection de l'éducation, de la technologie et de la démocratie. Ce sont en quelque sorte nos trois grands domaines. Dans ce cadre, nous avons fait beaucoup de travail sur l'éducation internationale, y compris un projet que nous avons lancé au printemps pour réfléchir à l'avenir de l'éducation internationale au Canada, vraiment dans la foulée de l'annonce de janvier, qui — je crois pouvoir l'affirmer — a plongé le système dans une certaine crise et découlait de l'énorme augmentation des inscriptions internationales et tout cela.
Ce projet a été réalisé avec le Centre de politique publique du Groupe CSA et quelques autres partenaires. L'objectif était en grande partie la recherche, mais il s'agissait également d'organiser des tables rondes avec un large éventail d'autres partenaires et intervenants dans ce domaine. Mes remarques sont éclairées par une bonne partie du travail que nous avons fait là‑bas. Le rapport sera également publié bientôt.
Je vais juste soulever quelques points, puis je serai heureux d'en parler plus en détail lors des questions.
Le premier point est que nous devons vraiment nous concentrer sur ce que nous devons faire afin de réparer le système d'éducation internationale du Canada pour l'avenir, plutôt que de blâmer quiconque pour les erreurs passées. Je pense que la grande frustration et la colère sont très compréhensibles. J'ai certainement entendu de nombreux intervenants du milieu parler de ce qui s'est passé au cours de la dernière année. En tant qu'observateur dans ce domaine depuis environ dix ans, je pense qu'il y a de quoi blâmer beaucoup de monde, et, franchement, à certains égards, c'était prévisible il y a des années. Certes, une partie de la situation est imputable au gouvernement fédéral, mais aussi en grande partie aux provinces et à certaines provinces en particulier qui gèrent conjointement le système. Une partie est imputable aux universités et aux collèges, dont beaucoup ont choisi de poursuivre des stratégies de croissance vraiment ambitieuses. Il y avait aussi de nombreux autres acteurs du système qui avaient un intérêt réel dans cette poussée de croissance, et ils y ont donc contribué.
D'abord, selon moi, plutôt que de nous attarder à cet état de choses, nous devons vraiment concentrer nos énergies sur la réparation du système pour le bien du Canada et aussi, surtout, sur la bonne façon de traiter les étudiants étrangers qui viennent au Canada. C'est le premier point.
Deuxième point: nous soutenons globalement les réformes du gouvernement. J'émettrai quelques réserves dans un instant.
Cette année — comme les diverses annonces ont été faites au fil du temps, de janvier au printemps, puis en septembre —, il a été difficile d'avoir une vue d'ensemble. Cependant, si l'on considère la réforme principale, celle‑ci avait manifestement trait au système de permis d'études. Je pense que les réformes l'ont fait passer d'un modèle plutôt laxiste, axé sur la demande, à un système d'offre de taille appropriée et plafonné, lié aux objectifs de résidence temporaire du plan des niveaux d'immigration. Cela me semble logique. On peut ergoter sur les chiffres et l'approche, mais cela apporte globalement une certaine structure et l'élément de viabilité du Programme dont on a parlé.
Encore une fois, on peut ergoter sur les chiffres, mais je pense que les mesures visant à resserrer l'admissibilité aux permis de travail postdiplôme, la mise en place d'un plus grand nombre de mécanismes d'intégrité et de reddition de comptes du système, les lettres d'attestation, davantage de leviers pour surveiller les établissements d'enseignement désignés, ou EED, les changements apportés à la politique des heures de travail — qui étaient bien trop élevées à 40 heures — et l'augmentation des exigences en matière d'actifs liés au coût de la vie étaient, dans l'ensemble, des mesures qui devaient être prises.
Troisièmement, je dirais que j'ai l'impression que les réformes fédérales ont outrepassé certains domaines qui sont mieux gérés par les provinces et les établissements postsecondaires. Je pense que les sujets de préoccupation particuliers concernent les réformes visant à lier l'admissibilité au permis de travail postdiplôme pour les collèges aux programmes en demande et les changements touchant les étudiants diplômés, notamment l'inclusion de ces derniers dans le plafond de réception des demandes et des choses qui semblent relativement mineures, comme la limitation de l'admissibilité au permis de travail aux conjoints d'étudiants diplômés dont le programme est plus court.
L'un des aspects, c'est que ces réformes utilisent en réalité les leviers de l'immigration pour dicter, d'une certaine manière, la politique d'enseignement postsecondaire, ce qui me semble problématique. Cet aspect devrait être en grande partie laissé aux provinces.
Ce sont également des instruments très approximatifs pour essayer de faire ces choses. Franchement, en ce qui concerne l'admissibilité au permis de travail postdiplôme, par exemple, IRCC est‑il le mieux placé pour prévoir les besoins du marché du travail dans l'ensemble du pays ou pour cerner les programmes admissibles? De nombreux intervenants avec qui nous avons discuté ont des inquiétudes à ce sujet.
À l'avenir, nous recommandons que cela soit fait en collaboration avec les provinces ou, franchement, que cela soit éventuellement confié aux provinces, dorénavant. C'est une question que nous pouvons étudier plus à fond. Nous considérons que ces établissements sont beaucoup mieux outillés pour comprendre les marchés du travail locaux et les besoins en matière de développement régional et pour superviser la politique d'enseignement postsecondaire.
Quatrième point: le Programme des étudiants étrangers, ou PEE, est un système géré conjointement, et il doit y avoir une meilleure coordination et consultation. Il faut reconnaître que cette crise est, dans une large mesure, un échec du fédéralisme. Le gouvernement fédéral et les provinces n'ont pas suffisamment travaillé ensemble à cet égard.
Selon moi, une grande partie de la frustration suscitée par les réformes de cette année se résume à un manque apparent de consultation entre les intervenants dans de nombreux milieux. Pour réparer le système, il faudra des mesures coordonnées dans un certain nombre de domaines dont nous traitons dans nos rapports. Il s'agit notamment d'assurer l'intégrité de la protection des consommateurs et du recrutement, d'améliorer la surveillance et l'assurance de la qualité des EED, d'améliorer le soutien et les services universitaires pour les étudiants étrangers et bien d'autres choses encore. Je pourrai en parler un peu plus en détail au moment des questions.
Mon dernier point est que les efforts visant à renouveler le système devraient s'appuyer sur une nouvelle stratégie d'éducation internationale à long terme, ainsi que sur des efforts ou un plan visant à rebâtir l'image de marque du Canada à l'échelle internationale. Bref, de nombreuses personnes avec lesquelles nous avons discuté estiment que le Canada s'est égaré en matière d'éducation internationale. Le système canadien est devenu progressivement trop axé sur les revenus à court terme, au détriment des objectifs nationaux et de la qualité des résultats pour les étudiants. Nous avons besoin d'une vision renouvelée, d'objectifs plus clairs et d'une stratégie actualisée. Cette vision doit être éclairée et guidée par un vaste processus de consultation. Elle doit refléter ce contexte qui a changé considérablement en alignant les objectifs de l'enseignement postsecondaire sur nos objectifs nationaux plus vastes pour ce qui est de l'immigration, du marché du travail, du développement régional et des affaires mondiales.
Enfin, il faut que le gouvernement répare les dommages causés à notre image de marque à l'échelle internationale au cours de la dernière année et qu'il réfléchisse à des approches coordonnées pour rétablir la réputation du Canada et restaurer la confiance des étudiants étrangers, qui avaient une très grande estime pour le Canada. Les données d'enquête révèlent que ces éléments se sont érodés assez rapidement.
Merci beaucoup. Je serai heureux d'en dire davantage pendant la période de questions.
:
Bonjour. Merci beaucoup, président Dhaliwal, de me donner l'occasion de présenter un exposé au nom du Collège communautaire de Vancouver.
Nous sommes situés sur le territoire traditionnel non cédé des peuples Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh, qui sont les gardiens de ces terres depuis des temps immémoriaux.
Comme je l'ai mentionné, je suis le président du Collège communautaire de Vancouver, mais j'aimerais vous faire part de quelques autres fonctions que j'occupe.
Je suis membre du conseil d'administration d'Invest Vancouver, qui est un comité permanent du district régional du Grand Vancouver. Je suis membre du conseil d'administration de Collèges et instituts Canada, administrateur de World Education Services, ancien président du Bureau canadien de l'éducation internationale, membre exécutif de BC Colleges et membre du conseil d'administration du BC Council for International Education. Avant d'occuper mon poste ici au Collège communautaire de Vancouver, j'ai été responsable du portefeuille de l'éducation internationale au sein de mes portefeuilles administratifs, pendant environ 12 ans. Je pense que ces rôles, combinés à mon rôle actuel au Collège communautaire de Vancouver, ou CCV, me donnent un point de vue vaste et unique sur l'intersection de l'éducation, de l'immigration et du développement du marché du travail au Canada.
Le CCV est le plus ancien établissement d'enseignement postsecondaire public de la Colombie‑Britannique. Nous comptons environ 13 000 apprenants dans divers domaines, notamment les soins de santé, l'hôtellerie, la cuisine, la technologie et les métiers. De ces 13 000 apprenants, environ 30 % sont des immigrants nouvellement arrivés au Canada, et 30 % sont des étrangers. Nous travaillons en étroite collaboration avec les employeurs pour nous assurer que nos diplômés sont prêts à occuper un emploi. L'âge moyen de nos étudiants se situe dans la mi‑trentaine, et la plupart d'entre eux ont déjà un diplôme. Parmi nos diplômés, tant étrangers que nationaux, 92 % trouvent un emploi dans les mois qui suivent la fin de leurs études au CCV. Un grand nombre de nos diplômés répondent à des besoins essentiels du marché du travail dans les secteurs des soins de santé, de l'hôtellerie, de l'automobile et de la technologie.
Les répercussions des réformes récentes mises en œuvre par IRCC au cours de la dernière année ont créé des défis importants pour des institutions comme le CCV, entre autres.
Le premier est la réduction du plafond d'admission. Je serai très clair. Beaucoup d'entre nous conviennent qu'il fallait mettre en place un plafond. Cependant, depuis que le plafond a été annoncé en janvier, nous avons constaté une baisse des demandes d'admission dans les collèges publics de la Colombie‑Britannique allant jusqu'à 90 %, ce qui menace notre offre de main-d'œuvre dans des secteurs comme les soins de santé, la technologie et l'hôtellerie. C'est l'un des résultats imprévus.
Le deuxième est la réforme des permis de travail postdiplôme. Les nouveaux critères d'admissibilité ne tiennent pas compte des besoins régionaux en main-d'œuvre et excluent de manière disproportionnée les professionnels formés dans les collèges qui sont essentiels à l'économie canadienne.
Permettez-moi de vous donner trois exemples précis pour mettre les choses en contexte. Nos diplômés en cuisine et en hôtellerie, qui sont essentiels à nos économies touristiques dans les régions métropolitaines et rurales, sont exclus, même si les résidents non permanents représentent plus des deux tiers des deux millions de personnes dans ce secteur de la main-d'œuvre, selon Statistique Canada. Les hygiénistes et assistants dentaires titulaires d'un diplôme collégial ne sont pas admissibles au permis de travail postdiplôme, malgré le nouveau programme national de soins dentaires. L'éducation de la petite enfance, qui était initialement exclue, est un autre exemple. Nous sommes très heureux que celle‑ci soit maintenant réexaminée.
Ce ne sont là que trois exemples précis de l'impact de ces réformes. Ces exclusions, sans consultation appropriée, entravent notre capacité à remédier aux pénuries de main-d'œuvre et, à mon avis, nuiront au bout du compte aux petites et moyennes entreprises.
Le troisième défi concerne l'inégalité entre les collèges publics et les universités. Le fait de traiter les diplômes des collèges publics différemment des diplômes de programme universitaire porte atteinte au rôle essentiel que jouent les collèges pour répondre aux besoins du marché du travail, ainsi qu'à la réputation du Canada en matière d'éducation. Nos diplômés sont tout aussi essentiels à la croissance économique du Canada.
Le quatrième défi dont je parlerai concerne les répercussions régionales. En Colombie‑Britannique, les étudiants étrangers contribuent à hauteur de plus de 8 milliards de dollars par année à l'économie de la Colombie‑Britannique et soutiennent près de 80 000 emplois. Avec plus de un million d'emplois prévus au cours de la prochaine décennie, ces réformes, sans consultation adéquate, risquent d'aggraver nos pénuries de main-d'œuvre.
Quant au cinquième défi, M. Côté l'a déjà mentionné: la réputation du Canada est en jeu. Ces réformes politiques qui se chevauchent et qui sont parfois perçues comme précipitées ont affaibli la réputation mondiale du Canada en tant que destination d'étude de premier plan. Nous devons remédier à ce problème.
Pour relever ces défis, j'exhorte le Comité à recommander au gouvernement, premièrement, de travailler avec les provinces pour mettre à jour la liste des programmes admissibles au permis de travail postdiplôme afin de mieux refléter les besoins du marché du travail régional. Deuxièmement, de traiter les diplômes des collèges publics de la même manière que ceux des universités pour l'admissibilité au permis de travail postdiplôme. Troisièmement, de collaborer avec tous les intervenants pour renforcer les partenariats avec les établissements, les provinces, le gouvernement fédéral et IRCC. Nous avons tous un rôle à jouer dans cette réussite. Quatrièmement, de mettre en œuvre progressivement toute réforme politique afin que l'on puisse établir des échéanciers clairs et mener des consultations approfondies pour éviter les effets imprévus.
Le CCV, de concert avec les nombreuses organisations que je représente et notre secteur public ici en Colombie‑Britannique, s'engage à soutenir un programme viable pour les étudiants étrangers qui profite aux étudiants, aux collectivités et à l'économie canadienne dans son ensemble.
J'attends avec impatience d'entendre le Comité.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous devons nous demander si les États-Unis sont encore un tiers pays sûr. Il faut poser la question non seulement à nous-mêmes, mais aussi à la communauté internationale. Nous avons des responsabilités en tant que députés et nous avons des responsabilités en tant que pays, un pays que j'aime considérer comme empathique, un pays pour qui la vie humaine et les droits de la personne priment sur tout le reste, et pas seulement pour faire de la petite politique ou pour gagner des faveurs politiques. J'ai trop souvent l'impression que les effets théâtraux des députés et du Parlement, à cette table, concernent uniquement la politique.
Nous devons cesser tous ces effets et voir qui se cache derrière les politiques. Sinon, que faisons-nous ici? J'espère que nous sommes ici parce que nous voulons vraiment créer un monde meilleur. J'espère que nous sommes ici parce que le Canada a un rôle à jouer dans la lutte contre ce genre de régression et d'attaque contre la communauté migrante et immigrante.
La communauté immigrante a aidé le Canada à créer et à construire notre pays. Je me souviens encore de la contribution des travailleurs migrants chinois, relatée dans les livres d'histoire. Nous avons été amenés ici, au Canada, pas parce que nous étions désirés, mais parce que nous étions une main-d'œuvre bon marché. Nous avons été envoyés ici pour construire le chemin de fer afin de relier la côte Ouest au reste du pays, un pays qui allait d'un océan à l'autre. Les travailleurs migrants chinois étaient affectés aux tâches les plus dangereuses. Ils étaient moins bien payés, ils étaient victimes de discrimination, et beaucoup sont morts au travail.
Où en sommes-nous aujourd'hui? Nous disons que nous reconnaissons l'histoire et nous nous excusons du traitement horrible et des pratiques discriminatoires du passé, mais pourtant, nous continuons. Nous permettons encore à cette situation de perdurer. On pourrait même dire que l'immigration d'aujourd'hui, à de nombreux égards, surtout pour les immigrants à bas salaire avec un permis de travail fermé, est tout simplement une version moderne du traitement d'autrefois. C'est encore et toujours la même histoire. Nous sommes encore à la case de départ. C'est comme si le temps s'était arrêté, et nous n'avons rien appris.
Pour ce qui est de la situation aux États-Unis, je crois que nous pouvons anticiper ce qui est à venir, c'est‑à‑dire qu'il y a des gens, aux États-Unis, qui ont peut-être très peur. Imaginez que vous êtes un migrant, ou une personne qui a ou qui n'a pas de statut et que vous entendez le président désigné dire que vous êtes un poison pour le pays? Comment vous sentiriez-vous? Auriez-vous l'impression de faire partie du pays? Je ne crois pas. Je croirais plutôt que le gouvernement dit très clairement aux migrants et aux immigrants qu'ils ne sont pas les bienvenus.
Dans les faits, je crois que les États-Unis dénigrent ces gens et leurs contributions au pays, et certains pourraient se sentir de trop et quitter le pays.
Ne devrions-nous pas nous demander si les États-Unis sont un tiers pays sûr? Le Canada ainsi que la communauté internationale ne devraient-ils pas examiner la question? J'irais même jusqu'à dire que le HCR devrait également se poser la question.
À l'heure actuelle, étant donné son approche, les États-Unis ne sont pas un pays particulièrement sûr. Il n'est pas sûr pour les migrants, les immigrants ou les nouveaux arrivants. On leur dit qu'ils n'ont pas leur place dans le pays. On leur dit qu'ils « empoisonnent » le sang des Américains. Vous rendez-vous compte?
Toutefois, à certains égards, ce n'est pas très différent du discours du gouvernement canadien et du premier ministre. Le gouvernement diffuse des publicités pour informer les demandeurs d'asile sur le processus de demande d'asile. Je ne crois pas que l'objectif est d'informer les gens sur le processus; je crois que l'objectif est plutôt de dissuader les gens de faire des demandes d'asile. Je crois que c'est ce qui se passe réellement.
Le Canada est, en quelque sorte, influencé par les discours et la mentalité de l'administration Trump et des États-Unis. Ça me jette à terre. Je ne croyais jamais voir cela ici, au Canada. Je ne l'ai jamais cru.
Je n'aurais jamais cru entendre le dire que le robinet des travailleurs migrants et des immigrants doit être fermé, comme si nous étions une sorte d'extraterrestres qui n'ont pas leur place dans le pays, qui ne contribuent pas à la société canadienne et qui sont, en quelque sorte, simplement une unité économique. Nous ne sommes pas de vraies personnes avec de vraies vies et de vraies familles qui ont fait du Canada leur maison et qui ont contribué à bâtir le pays. C'est la mentalité qui s'annonce.
J'ai vécu beaucoup de discrimination dans ma vie. J'ai toujours cru que j'allais être la dernière génération à le vivre. Mes grands-parents l'ont vécue. Des gens les poussaient hors de l'autobus. Mon grand-père, qui est maintenant décédé, me racontait des histoires, son expérience. Mes parents l'ont vécue. Je l'ai vécue.
Je n'aurais jamais cru que mes enfants le vivraient eux aussi, mais, oui, c'est le cas. Tout juste après la COVID, quelqu'un a craché sur ma fille, qui était dans l'autobus, en chemin vers l'école, et on lui a crié des insultes racistes. Elle avait 18 ans. Je souhaite désespérément que ni ma famille ni personne d'autre au Canada ne vivent ce genre de choses.
Nous avons l'habitude, à la Chambre, de nous serrer les coudes et de dire que nous ne tolérerons pas la haine et la discrimination et que nous allons lutter contre cela. Monsieur le président, où est passé ce courage?
Croyons-nous qu'il est acceptable que le président désigné des États-Unis, pendant sa campagne électorale, puisse dire que les immigrants et les migrants empoisonnent le sang des États-Unis? Ne croyons-nous pas que cela encourage la haine?
Et maintenant, de quoi parlons-nous? Nous parlons de sécuriser les frontières pour ne pas laisser entrer des gens indésirables et maltraités. Nous parlons de construire un mur. Cela ne va pas sans rappeler le mur physique que Trump voulait construire pendant son premier mandat. Le Canada a érigé un mur invisible avec l'entente sur les tiers pays sûrs, et il est de plus en plus large...
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous reprenons le débat sur la motion, et la motion, bien sûr, concerne la situation ou la situation anticipée aux États-Unis, puisque l'administration Trump a été élue une deuxième fois.
Pendant la dernière séance, je parlais des répercussions de la première administration Trump. Souvenez-vous que les Canadiens étaient extrêmement préoccupés et choqués par le décret anti-immigration épouvantable pris par Trump pendant son premier mandat. Je partage ces préoccupations, et je crois fermement que le Canada ne doit pas tolérer l'interdiction de voyager promulguée par notre plus proche voisin, qui discrimine selon la race, la religion ou le pays d'origine. Cette politique extrêmement malavisée a favorisé la montée de l'intolérance partout dans le monde, mais je crois aussi qu'elle a sanctionné le racisme et contribué à des actes de racisme décomplexé.
Dans les faits, je l'ai moi‑même vécu. Je travaille depuis plus de 30 ans en tant qu'élue et j'ai toujours été victime de racisme. J'ai reçu des messages horribles et haineux, souvent anonymes. Quoi qu'il en soit, après que l'administration Trump a été élue, j'ai participé à un rassemblement dans ma circonscription pour fêter la journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Je marchais avec un grand groupe de familles, d'enfants et de personnes âgées en direction de Victory Square. J'étais prête à faire mon discours et à écouter les autres orateurs. Il y avait là des gens qui avaient été victimes de racisme, surtout les aînés de la communauté japonaise canadienne, qui avaient été victimes des horribles politiques canadiennes qui avaient séparé les familles et leur avaient même fait perdre leur propriété. À Vancouver, ils avaient été envoyés au parc Hastings, où se trouvaient les écuries et les étables, les chevaux et les bovins. Bref, nous nous étions rassemblés pour célébrer la journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale.
Mais des suprématistes blancs sont apparus. Ils nous ont encerclés; parmi eux se trouvaient par exemple des membres des Proud Boys. La situation était très tendue. J'étais sur le point de commencer mon discours, et le responsable de l'événement, très inquiet, m'a demandé si nous ne devrions pas plutôt y mettre fin immédiatement. J'ai dit non, parce que c'est exactement ce qu'ils veulent: nous bâillonner et nous empêcher de dénoncer la discrimination, la haine et la suprématie raciale et de défendre l'égalité.
Je suis montée sur la scène, et savez-vous ce qu'ils ont fait? Ils ont lancé une bombe fumigène dans la foule. Tout était recouvert d'un brouillard violet. Voilà ce qui est arrivé. Ils voulaient interrompre l'événement. Ils voulaient m'empêcher de parler, et peut-être me faire passer un message. Je ne sais pas. Malgré cela, nous n'avons pas flanché. La police était là. Je n'allais pas rester sans rien dire pendant que des personnes pleines de haine, faisant la promotion du racisme et de la discrimination, essayaient de nous intimider, de nous menacer et de nous bâillonner.
J'ai prononcé mon discours, et l'événement s'est terminé. Entretemps, les responsables avaient dû demander des renforts, parce que nous nous inquiétions beaucoup pour les personnes qui étaient présentes. Les enfants étaient en larmes. Les aînés aussi. Les gens étaient clairement bouleversés.
Nous avons demandé des renforts pour aider les gens à retourner à leur voiture, à l'arrêt d'autobus ou au quai du SkyTrain. C'est ce qui est arrivé après que l'administration Trump a annoncé l'interdiction de voyage et ses politiques d'immigration haineuses. J'ai vu de mes propres yeux le racisme décomplexé des suprématistes blancs se manifester dans la communauté.
J'ai toujours été fière du fait que le Canada a toujours été une terre d'accueil pour les personnes dans le besoin. Pendant cette période historique, le Canada a solidement défendu ses convictions. Je me souviens encore du message clair du .
Je ne suis pas souvent d'accord avec les libéraux, mais à ce moment‑là, il a clairement dit: « Vous êtes les bienvenus au Canada. » Selon moi, cela signifie que nous sommes un pays qui ne fait pas de discrimination, qui accueille tout le monde et qui reconnaît la contribution des communautés multiculturelles, des communautés ethniques, des migrants, des immigrants, des étudiants internationaux et des nouveaux arrivants. Nous disons que la couleur de la peau importe peu; nous avons tous notre place, ici.
Malgré le passé trouble du Canada et ses lois racistes et discriminatoires, comme, par exemple, la taxe d'entrée imposée aux immigrants d'origine chinoise, une fois le chemin de fer construit au prix de la vie des travailleurs, mais grâce à une main-d'œuvre bon marché. Une fois le projet terminé, le Canada a pris tous les moyens possibles pour se débarrasser de nous, y compris nous imposer une taxe d'entrée.
De grands pans de l'histoire du Canada sont sombres, mais malgré tout, à ce moment‑là, j'ai pensé que c'était un message important. Il était extrêmement important de montrer clairement que le Canada allait intervenir et faire sa part.
Je crois que tous les membres du Comité connaissent très bien la situation. Nous l'avons tous vécue. Nous l'avons tous vue. Les gens ont risqué leur vie pour venir au Canada. Pourquoi? Tout simplement parce qu'ils ne croyaient pas que les États-Unis étaient un pays sûr.
Quand un président, c'est‑à‑dire Trump, à ce moment‑là, dit clairement qu'il allait essentiellement interdire aux gens de certaines races de venir au Canada et qu'ils n'étaient pas les bienvenus, vous saisissez le message. Imaginez ce que les gens aux États-Unis ont vécu à ce moment‑là. Si la haine se propage au Canada, où j'ai moi‑même été victime de discrimination, vous comprenez très bien cela.
Le 11 janvier 2017, les Canadiens ont entendu l'histoire de Seidu Mohammed, un réfugié de 24 ans qui a failli mourir en traversant à ses risques et périls la frontière canado-américaine, par le Manitoba, la veille de Noël. Pouvez-vous imaginer cela? Noël approche. Nous sommes au début du mois de décembre. Ici, à Ottawa, je dois dire que le froid a tardé. Je crois que la première neige est tombée hier, à Ottawa, ce qui m'inquiète en raison des changements climatiques. Cela étant dit, il fait froid, au Manitoba.
Je suis allée au Manitoba avec ma collègue, . Nous avons tenu une conférence de presse à la frontière, à l'endroit même où M. Mohammed avait traversé. Mon Dieu, comme il faisait froid ce jour‑là. Le vent hurlait. Nous étions dehors, à la merci des éléments. J'avais tellement froid que j'avais l'impression que mon visage était gelé et que je ne pouvais pas parler. Pourquoi nous sommes-nous rassemblés là? Nous nous sommes rassemblés là pour parler de l'entente sur les tiers pays sûrs et de ce que les changements apportés par le gouvernement canadien voulaient dire pour l'avenir.
Monsieur le président, vous faites des signes de la main. Je ne suis pas certaine de comprendre.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je sais que vous essayez simplement de faciliter le processus, et je comprends qu'il était prévu que tous ces fonctionnaires comparaissent lundi, mais, d'après votre clarification, ce n'est certainement pas le cas. Je crois qu'il y a du travail à faire pour qu'ils comparaissent devant nous.
Pour revenir à l'amendement et à la motion sur la frontière américaine, avant le débat et avant le vote, je parlais de ce qui s'était passé pendant l'administration précédente. J'ai parlé de l'histoire de M. Seidu Mohammed. J'ai dit que j'ai discuté en tête‑à‑tête, à de nombreuses occasions, avec M. Seidu Mohammed, de son expérience et de ce qu'elle signifie pour lui.
Je suis ravie de pouvoir dire au Comité que j'ai appris, lors de notre dernière rencontre, qu'il travaille et qu'il fait en plus du bénévolat pour entraîner de jeunes joueurs de soccer. C'est sa profession. Il était joueur de soccer professionnel avant de venir au Canada. Non seulement il travaille, mais il fait aussi du bénévolat pour soutenir la communauté en tant qu'entraîneur de jeunes joueurs de soccer. Puis, bien sûr, il essaie de communiquer avec d'autres réfugiés pour s'assurer que leur engagement communautaire est soutenu.
Je crois que c'est une information importante. Présentement, nous parlons des immigrants, des migrants et des réfugiés comme s'ils étaient un fardeau pour la société, qu'ils étaient mauvais et que nous devons leur fermer nos frontières. Les gens disent que nous devons nous en débarrasser et les déporter, que nous devons les blâmer pour tous les problèmes créés par le gouvernement, par exemple la crise du logement et ainsi de suite. Lorsque les gens viennent s'installer au Canada, ils contribuent non seulement au Canada, mais ils contribuent également à leur communauté autant économiquement que socialement, et ils font du bénévolat.
Il y a d'autres histoires de personnes persécutées, désespérées par leur situation; que font-elles? Nous avons entendu une autre histoire crève-cœur. Le 8 février 2017, nous avons appris qu'un enfant de deux ans était parti avec un groupe de plus de 20 personnes pour passer du Minnesota au Manitoba. Selon les médias, les températures, à ce moment‑là, étaient de -20 °C. Vous pouvez vous imaginer que le froid était impitoyable.
La famille, tous les gens qui essayaient de se rendre en lieu sûr étaient épuisés par ce long voyage, et ils étaient mal équipés. L'enfant surtout n'en pouvait plus de cette marche insoutenable. On raconte qu'il a dit à sa mère: « Maman, je veux mourir, tu peux aller dans le Canada. Je veux mourir dans la neige, maman, tu peux aller dans le Canada. » C'est ce qu'a dit un enfant qui était en route vers un lieu sûr.
Je veux que les membres du Comité y réfléchissent une minute et comprennent ce que cela veut dire. Lorsque nous parlons de la sécurité des frontières, lorsque nous parlons de l'intensifier, qu'est‑ce que cela signifie pour les personnes persécutées? Quelles sont les répercussions pour ces personnes? Quelles épreuves doivent-elles traverser pour se rendre en lieu sûr? Si vous étiez la mère d'un enfant persécuté dans un pays qui ne veut pas de vous et que vous risquez d'être déportés dans le pays que vous avez fui en raison de la violence, ne feriez-vous pas tout votre possible pour protéger votre enfant et l'amener en lieu sûr? Je le ferais sans aucune hésitation. Je sais que je le ferais. Je suis prête à marcher sur des charbons ardents pour protéger ma famille.
C'est ce que ces personnes font. Elles ont, dans ce cas‑ci, marché dans la neige à des températures de -20 °C. Je ne suis pas résistante au froid. S'il fait 0 °C, j'ai l'impression que je vais mourir, même si je porte un manteau d'hiver très chaud, des bottes d'hiver et tout ce qu'il faut.
Imaginez ce que vous ressentez lorsque vous êtes dehors, dans un froid glacial, pendant plusieurs heures et que vous êtes mal habillé. Même si vous portez des bottes, si vous marchez dans la neige, elles deviendront mouillées et vos pieds auront froid. Si vous êtes petit, si vous êtes un enfant, votre capacité à conserver la chaleur est réduite. C'est la réalité à laquelle ces gens doivent faire face.
J'espère réellement que nous n'allons pas devenir un pays qui oblige les gens à prendre des mesures aussi désespérées, mais c'est ce que nous faisons. C'est le résultat de l'Entente sur les tiers pays sûrs. C'est ce qui s'est produit pendant le premier mandat de Trump. Vous pouvez bien imaginer jusqu'où ira ce deuxième mandat.
Le 22 février 2017, les médias ont rapporté une autre histoire. CBC/Radio-Canada a rapporté l'histoire de Naimo Ahmed.
Mme Ahmed, alors âgée de 23 ans, appartenait à une minorité ethnique du sud de la Somalie. Elle devait se marier en juillet, mais les membres de sa communauté s'y sont opposés parce que son futur époux ne faisait pas partie de la même minorité ethnique. Le jour de ses noces, un groupe d'hommes armés est entré chez sa mère et a assassiné sa mère, son époux et les autres membres de sa famille. Mme Ahmed a passé le jour de ses noces et de nombreux autres jours à fuir en espérant pouvoir rebâtir sa vie dans la sécurité.
Après avoir voyagé de la Somalie jusqu'à l'Équateur, puis à la Colombie et au Costa Rica, elle a fini par arriver au Texas, où elle a été placée en détention et transportée jusqu'à Minneapolis en attendant l'audition de sa demande d'asile. Craignant les politiques discriminatoires de l'administration Trump envers des Somaliens comme elle, Mme Ahmed croyait qu'elle n'avait pas d'autre choix que de se rendre au Canada.
Elle a déclaré: « Je suis noire; je suis Somalienne; je suis musulmane — les trois choses que le président n'aime pas. À ses yeux, je suis une terroriste. Mais ce n'est pas vrai. Je ne veux nuire à personne; c'est bien la dernière chose que je voudrais faire. Je cherche seulement une protection. » C'est pourquoi, en raison de ces circonstances, elle devait chercher un pays sûr. C'est pourquoi, pour elle, les États-Unis n'étaient pas un pays sûr.
Ce ne sont là que quelques-unes des histoires de gens qui estiment ne pas avoir d'autre choix. Ce sont des exemples parmi tant d'autres de gens qui se sentent obligés d'entreprendre cette dangereuse expédition. Ce n'est pas une promenade de santé. Ce n'est pas du tout une promenade du soir ou quelque chose du genre.
Ils doivent partir des États-Unis pour faire ce dangereux voyage vers le Canada parce qu'ils ne se sentent pas en sécurité aux États-Unis. Ils ne pensent pas avoir une chance équitable d'avoir une audience et d'obtenir l'asile et la sécurité, parce qu'ils ont l'impression qu'ils n'ont pas leur place. Ils ne se sentent pas bienvenus. Ils ont peur d'être déportés un jour ou l'autre dans leur pays d'origine.
Pouvez-vous imaginer un instant que cette femme, qui, le jour de ses noces, a vu des intrus entrer dans sa maison et tuer sa famille et son nouvel époux, craint maintenant d'être renvoyée dans son pays? Monsieur le président, pouvez-vous vous mettre à sa place et imaginer ce qui va lui arriver?
Je ne peux pas l'imaginer. Toute cette peur, cette anxiété, ce désespoir. Honnêtement, c'est du désespoir. Soit elle est déportée et tuée violemment, soit elle fait ce dangereux voyage en espérant arriver un jour à vivre en sécurité et protégée.
C'est tout ce qu'elle cherchait. Elle n'est pas une terroriste. Elle ne veut tuer personne.
N'est‑ce pas là l'essence même de l'humanité, lutter contre de telles situations? N'est‑ce pas ce que nous devrions essayer de faire pour nous soutenir les uns les autres?
À cette époque, en plus des bouleversements politiques et sociaux qui se poursuivent et qui ont poussé d'innombrables Somaliens à fuir, la Somalie faisait face à une importante sécheresse. En plus de la violence potentielle, il y avait une autre difficulté à laquelle non seulement elle, mais tous les Somaliens devaient composer, c'est-à-dire cette grave sécheresse.
Les Nations unies estimaient que 363 000 enfants souffraient de malnutrition aiguë et que 270 000 autres étaient en danger d'en souffrir. C'était en 2017. L'organisme a également indiqué qu'il ne restait que deux mois pour éviter une catastrophe due à la sécheresse. Telle était la réalité.
Il faut que ce soit très clair, quand nous parlons des personnes qui abandonnent une demande d'asile aux États-Unis pour venir au Canada. Elles ont déjà fui des situations graves et, dans de nombreux cas, des situations qui menaçaient leur vie, dans l'espoir de trouver la sécurité. Dans ces circonstances, leurs craintes de ne pas avoir accès à une audience ou à une procédure juste et équitable ne sont pas sans fondement, étant donné ce que vous avez vu aux États-Unis avec l'administration Trump, avec son interdiction de voyager et la propagation de sa haine envers ces personnes.
Le 30 janvier 2017, Amnistie internationale a écrit une lettre ouverte au ministre de l'Immigration de l'époque, le , ainsi qu'au premier ministre et à la . Il invitait le gouvernement canadien à « annuler immédiatement la désignation des États-Unis » comme un tiers pays sûr.
Dans cette lettre, Amnistie internationale dit clairement ceci:
Il ressort clairement de tous les faits nouveaux que ces mesures drastiques violent de façon flagrante de nombreuses obligations juridiques internationales à l'égard des réfugiés et des droits de la personne, y compris la Convention de 1951 sur les réfugiés et son Protocole de 1967, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture.
:
Comme je le disais, il y a des gens qui qualifient régulièrement ces pratiques d'illégales alors qu'elles ne le sont pas. Lorsqu'ils le font de façon délibérée, c'est, à mon sens, du harcèlement à l'égard des demandeurs d'asile qui cherchent la sécurité. Nos règlements, nos lois et notre droit prévoient clairement que, lorsque des personnes entrent au Canada de façon irrégulière, ce n'est pas un acte illégal.
Je parlais d'Amnistie internationale et de sa mission de recherche des faits. Elle a eu des entretiens avec les demandeurs d'asile et a formé les observations suivantes. Entre autres, il y a la notion d'abandon des rêves de liberté aux États-Unis. Les personnes interrogées ont déclaré que, quand elles arrivaient aux États-Unis, leur optimisme initial quant à la possibilité de trouver la liberté et la sécurité était remplacé par un sentiment de vulnérabilité et d'absence de protection.
Cela ne découle pas uniquement des actions politiques directes de la première administration Trump, cela tient aussi au changement de l'atmosphère publique introduite par la rhétorique et le climat que l'administration Trump avait créés. Nous le constatons nous aussi, aujourd'hui. Le point de vue antimigrant, antidemandeur d'asile, anti-immigré devient de plus en plus extrême, au point où les gens se sentent encouragés dans leurs opinions discriminatoires et racistes et n'essaient même plus de les cacher. C'est, essentiellement, ce dont ces gens parlaient.
Lorsque la première administration Trump crée cette atmosphère, poursuit dans sa voie raciste en ciblant les migrants, les immigrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés, vous pouvez imaginer ce que le public en pense. Les membres du public croient que, si le président peut faire cela, que si le président peut dire cela, alors il n'y a rien de mal à ce qu'ils expriment leurs opinions racistes publiquement et ouvertement.
Voilà ce qu'ont dû endurer ces gens. Je suis triste de dire — et de craindre — que cela va encore empirer pendant la deuxième administration Trump. Je suis également triste, de notre point de vue, de voir que le gouvernement du Canada est entré dans le jeu et a adopté l'approche du , qui a modifié les niveaux et blâmé les migrants et les étudiants étrangers pour la crise du logement. Nous participons à ce type de discours, à ce type d'approches et à ces attitudes racistes à l'égard des migrants, des étudiants étrangers, des immigrés, des réfugiés et d'autres personnes.
Selon moi, c'est inacceptable. Nous sommes tout simplement... C'est le gouvernement, alors je ne devrais pas dire « nous », car je ne suis absolument pas dans cet espace, mais le , le et les libéraux jouent avec ce genre de rhétorique. Je ne sais même pas s'ils savent à quel point ce serait dangereux. Il est politiquement pratique pour eux d'accuser les migrants et les étudiants étrangers d'être responsables de la crise du logement, mais je crois qu'il y a un prix à payer. Il y a un prix à payer pour la communauté et pour les gens qui me ressemblent. C'est ce que cela voudra dire pour eux, en fin de compte, avec le racisme, la discrimination et la haine qui déferleront contre nous.
Amnistie internationale a également constaté, pendant sa mission de recherche des faits, des préoccupations concernant des mesures d'immigration arbitraires. Les personnes originaires de Somalie ont expliqué que, même si elles avaient déposé leurs demandes d'asile avant l'arrivée de l'administration Trump, leur audience avait été annulée sans explication, et dans certains cas, n'avait pas été reportée. Voilà ce qui attendait les gens à l'époque de la première administration. Ils n'ont pu obtenir aucune assurance, y compris de la part de leur conseiller juridique. Ils ne savaient même pas si leurs demandes seraient instruites. Elles ont été annulées de façon arbitraire sans aucune information sur l'état de leur demande.
Vous pouvez imaginer ce que cela voulait dire pour eux. Beaucoup avaient peur. Disons que c'est une façon de décrire la situation, peut-être la meilleure façon de décrire cette incertitude, ne pas savoir ce qui va vous arriver. Qu'est‑ce que cela veut dire, quand votre demande d'asile est annulée et que vous n'avez pas de date d'audience? Ces gens ne savent même pas quelles autres mesures ils peuvent prendre. Ils ne savent pas à quoi ressemblera leur vie, à ce moment‑là. Cela crée beaucoup de stress, d'anxiété et de peur dans le cœur et la tête des gens qui attendent que leur demande d'asile soit instruite, que leur statut soit déterminé et que le processus procédural équitable soit mis en œuvre.
Les États-Unis prétendaient qu'ils étaient un pays sûr. Mettez-vous à la place d'un demandeur d'asile dont la demande a été annulée de façon arbitraire, et qui ne sait pas si sa demande d'asile sera instruite un jour. Qu'est‑ce qu'il fait en attendant?
Une autre chose qu'Amnistie internationale a formulée dans ses observations, relativement à sa mission, concernait les détentions liées à l'immigration. Cette forme de détention est bien documentée aux États-Unis depuis des dizaines d'années, et l'administration Trump en a rajouté avec sa façon haineuse et discriminatoire de cibler les immigrants au moyen de politiques sur les déplacements et de politiques d'immigration racistes. Plusieurs des personnes interrogées ont expliqué qu'elles ont été détenues dès leur arrivée et le sont restées tout au long du traitement de leur demande d'asile. Cela veut dire qu'elles n'ont jamais pu aller dans la collectivité. Elles ont été détenues tout ce temps‑là.
Comme il est expliqué dans le rapport de Harvard, les personnes détenues pour ce motif sont beaucoup moins susceptibles d'avoir accès à un conseil ou à des consultations juridiques et risquent beaucoup plus de voir leur demande d'asile rejetée.
Les chercheurs d'Amnistie internationale ont dit clairement que les gens, y compris les enfants, qui ont été détenus aux États-Unis, ne l'auraient tout simplement pas été au Canada. Cette détention enfreint clairement les normes juridiques internationales et les obligations régissant la détention des demandeurs d'asile et des immigrants.
C'est ce qui est arrivé aux gens pendant cette première administration. Il en a beaucoup été question dans les nouvelles. Comme je l'ai dit, j'ai demandé un débat d'urgence à la Chambre, et le président y a consenti, afin de faire la lumière sur la situation alarmante au sud de la frontière, quand l'administration Trump a accédé au pouvoir.
Je m'en souviens comme si c'était hier. Cela me rappelle un peu ce qui se passe aujourd'hui. Il faisait froid. C'était l'hiver, ici, au Canada. Je me rappelle que les gens faisaient la file pour entrer dans la galerie et assister au débat. J'ai eu l'occasion de parler à certains d'entre eux, et je leur ai demandé pourquoi ils étaient là. Ils m'ont tous dit qu'ils étaient préoccupés par ce qui se passait aux États-Unis. Certains m'ont parlé du racisme et de la discrimination dont ils avaient eux-mêmes été victimes. Beaucoup m'ont dit qu'ils souhaitaient que le Canada se tienne debout, qu'il soit fort et qu'il se place du bon côté de l'histoire. J'ai parlé à beaucoup d'entre eux. Les gens ont bravé le froid afin d'entrer dans la galerie et assister au débat de la Chambre.
Maintenant, bien entendu, c'est ce qui se passait, donc les gens n'avaient pas accès aux services d'un conseil juridique. Ils étaient détenus de façon arbitraire. Leurs demandes d'audience étaient annulées, et ils ne savaient pas ce que leur avenir leur réservait et quand leur audience aurait lieu.
Amnistie internationale a aussi souligné que des demandes d'asile étaient rejetées.
Il est bien expliqué dans le rapport de Harvard que les demandes d'asile, même fondées, étaient souvent rejetées de façon sommaire aux États-Unis. C'était essentiellement dû à tout ce qui empêchait les demandeurs d'asile, qui étaient détenus, de préparer leur dossier.
Voici un exemple troublant: une personne qui a été interrogée par Amnistie internationale a déposé aux États-Unis une demande d'asile fondée sur son orientation sexuelle. Il a été détenu, et sa demande d'asile a été rejetée. Par chance, il a pu amasser les fonds nécessaires pour obtenir une caution et être remis en liberté. Puis, il a décidé d'emprunter le chemin dangereux qui permet de traverser la frontière du Canada de façon irrégulière. Sa demande d'asile a été instruite par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, la CISR. L'affaire de cet homme était si claire que sa demande d'asile a été accueillie dès la fin de l'audience.
C'est toute une différence, n'est‑ce pas? Les États-Unis ont rejeté la demande d'asile. Le Canada, de son côté, l'a accueillie immédiatement. Normalement, dans la procédure devant la CISR, la décision peut prendre un certain temps avant, mais, dans ce cas précis, la décision a été rendue immédiatement parce qu'il a été conclu que la personne était exposée à un risque si elle retournait dans son pays. La persécution dont elle était victime était réelle.
En passant, la CISR est la commission indépendante qui effectue ce travail. Elle n'est soumise à aucune influence politique. Les gens qui font ce travail et cette évaluation le font en toute indépendance. En quelque sorte, je présume que les gens suivent un processus quasi judiciaire.
En ce qui concerne cet homme, s'il n'avait pas emprunté ce chemin dangereux pour venir au Canada, il aurait été expulsé, et sa vie aurait été exposée à un réel danger. Puisque l'Entente sur les tiers pays sûrs est en vigueur, le Canada aurait été complice de la mort de cet homme. C'est un cas factuel qu'Amnistie internationale a rapporté.
Pendant ce temps, Amnistie internationale a aussi observé, durant une mission d'enquête, une augmentation des descentes des services d'immigration. Bon nombre des personnes interrogées ont dit avoir constaté récemment une augmentation importante des descentes des services d'immigration. Ce sont les demandeurs d'asile somaliens qui en ont vécu le plus. C'est ce qu'a découvert Amnistie internationale. Les gens ont dit que des amis et des voisins avaient soudainement été arrêtés et détenus quand ils se présentaient à leurs rendez-vous d'immigration habituels, et que leurs milieux de travail et leurs immeubles d'habitation avaient aussi été la cible de descentes, et ainsi de suite. C'est un facteur clé qui incitait les gens à faire ce voyage dangereux pour venir au Canada.
Je devrais m'arrêter ici pour dire que je sais que certains pensent que ces personnes entrent au Canada ainsi parce qu'elles veulent passer en avant de tout le monde et profiter du système canadien. Soyons clairs. Les gens ne font pas ce parcours dangereux en plein milieu de l'hiver, ils ne bravent pas la neige pour le plaisir. Les gens ne font pas ça pour le plaisir. Ce n'est pas comme aller jouer dans la neige avec la famille et les amis. Ce ne sont pas des vacances de ski de fond. Les gens empruntent ce chemin parce que leur vie est en danger. Ils n'ont pas d'autre choix. Ils ont l'impression que, s'ils étaient renvoyés dans leur pays d'origine, ils pourraient mourir. C'est loin d'être une partie de plaisir. Ce n'est pas un voyage d'agrément.
Beaucoup de reportages des médias font état des descentes importantes qui ont lieu et du fait que l'on ne semble plus seulement cibler les gens ayant un casier judiciaire, mais plutôt n'importe qui. Nous risquons en fait vraiment que l'histoire se répète, pendant la deuxième administration Trump, et que cela soit peut-être même pire.
Un peu plus tard, je vais exposer, aux fins du compte rendu, ce qui se dit dans les médias à l'heure actuelle et ce à quoi nous pourrions nous attendre au cours de la deuxième administration Trump.
Durant cette période, Amnistie internationale soulignait que, selon de nombreux rapports, les communautés d'immigrants craignaient vraiment que la première administration Trump mette en œuvre sa mesure d'expulsion forcée, et c'est une crainte que les communautés d'immigrants ressentent actuellement. C'était la réalité à laquelle faisaient face les gens. C'était très réel pour eux.
Nous, qui sommes ici en sécurité au Canada, nous ne connaissons peut-être rien de cela. Nous n'éprouvons peut-être pas ce genre de crainte dans nos cœurs et dans nos esprits. Nous ne comprendrons peut-être jamais cela, sauf si nous sommes persécutés, sauf si nous vivons cette situation.
Toutefois, une chose est sûre. Je peux les entendre. Je peux entendre leurs cris. Je les vois crier. Je pense que, en tant que Canadiens, en tant que pays qui prône l'égalité et la justice, nous devons nous assurer de faire notre part.
J'en ai encore plus à dire à ce sujet, surtout maintenant que l'administration Trump va reprendre le pouvoir.
Amnistie internationale a aussi constaté qu'il y avait de l'exploitation et du danger aux frontières. Compte tenu du voyage que les demandeurs doivent faire pour déposer une demande d'asile au Canada, en raison de l'Entente sur les tiers pays sûrs, les demandeurs d'asile, en plus d'être exposés aux conditions climatiques difficiles, risquent aussi d'être exploités par les soi-disant consultants et agents qui leur demandent des sommes assez importantes pour les amener près de la frontière.
Il est arrivé que des gens se soient retrouvés dans des situations si difficiles que l'on a profité d'eux. Dans de tels cas, ils dépenseraient vraiment ces sommes — je crois que c'est parce qu'ils sont désespérés — en croyant que ces personnes, dont le but est en réalité de faire un coup d'argent et de profiter de la situation, et qui ne se soucient pas du tout de leur sécurité, font vraiment ce genre de travail.
On craint aussi que ces personnes, qui sont dans une situation désespérée, puissent être victimes de trafic de personnes.
Amnistie internationale a conclu cette mission d'enquête en demandant, encore une fois, que le Canada suspende l'Entente sur les tiers pays sûrs. C'était la fin de la mission d'enquête, et c'est ce que l'organisation demandait.
Malheureusement, comme nous le savons maintenant, en plus de ne pas prendre cette mesure, le Canada a mis d'autres obstacles sur la route de ceux qui cherchent la sécurité. Nous avons vu un certain nombre de ces mesures être mises en œuvre aussi après cela. Amnistie internationale a demandé au gouvernement canadien de suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs. Elle a aussi proposé que le gouvernement invoque au moins l'article 10 de l'Entente qui permet de suspendre l'Entente pendant trois mois.
Cela nous aurait donné le temps de discuter de la situation avec notre homologue canadien, pour voir comment nous aurions pu traiter cet enjeu d'une façon réfléchie. Malheureusement, le gouvernement canadien n'a pas écouté ce conseil, n'a pas suspendu l'Entente, et nous avions tout à fait le pouvoir de le faire. Le Canada aurait pu le faire lui-même conformément à l'article de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Nous n'avions pas besoin de l'accord des États-Unis. Nous aurions pu faire cela unilatéralement.
Amnistie internationale était tellement préoccupée par le nombre de demandeurs d'asile qui traversaient la frontière qu'elle s'est sentie obligée d'envoyer des gens sur le terrain pour mieux comprendre ce qui s'y passait. C'est l'incroyable travail que ces gens ont fait.
Malgré ce que semble affirmer l'ancien ministre de l'Immigration, à savoir que rien n'a changé, il est important de noter que de nombreuses personnes, y compris des experts, ne sont pas d'accord avec lui.
J'étais à l'époque porte-parole en matière d'immigration, et je peux vous parler du volume de communications que j'ai reçues des gens de tous les milieux et de partout au pays, et en fait, j'en ai même reçu de l'étranger. Il y a des gens qui sont vraiment des experts en la matière, qui connaissent l'Entente sur les tiers pays sûrs, et ses incidences, sa légitimité, beaucoup mieux que moi. Ce sont de vrais experts, et ils m'ont tous dit la même chose.
Ils ont tous dit qu'ils croyaient que l'Entente sur les tiers pays sûrs mettait les gens en danger et que, en fait, elle violait les droits des immigrants et des demandeurs d'asile.
De plus, il est de plus en plus évident que les gens qui ont affaire au système d'asile étaient au courant de la situation sur le terrain. Pour eux, c'était clair comme de l'eau de roche que la situation aux États-Unis avait changé du tout au tout. C'était essentiellement ce qui les avait motivés à prendre leur vie en main et à faire ce voyage dangereux.
Beaucoup de reportages dans les médias, comme ceux que j'ai cités précédemment, mentionnent tant le nombre d'heures que les demandeurs d'asile ont passé à marcher dans la neige que les températures glaciales. Il faisait souvent environ ‑20° C. Je pense qu'à Ottawa aujourd'hui, il fait environ ‑5° C, ou quelque chose comme cela. Je porte des bottes de neige et un gros parka et j'ai eu froid toute la journée. J'ai bu de l'eau chaude toute la journée. Pour ma part, je n'ai eu qu'à marcher environ 15 minutes de chez moi à la Chambre des communes. Je ne peux même pas m'imaginer être exposée à des températures de ‑20° C pendant des heures interminables, d'être prise dans la neige jusqu'à la taille et de tenter d'avancer dans ces conditions. Je ne peux même pas l'imaginer. Je suis pas mal certaine que, si on me mettait dans ce genre d'environnement, je ne survivrais pas.
Malgré ces conditions, et même si bon nombre de ces personnes ne sont pas bien préparées et n'ont pas les bons manteaux et les bonnes bottes et ainsi de suite pour braver les conditions, elles décident de tenter leur chance. Pour tous ceux qui pensent que ces gens font cela pour le plaisir, rien n'est plaisant là‑dedans. Les gens qui font cela s'exposent à de grands risques. Cela veut dire que leur situation les a rendus désespérés. Je ne peux pas imaginer pour quelle autre raison quelqu'un déciderait de faire un tel voyage.
Compte tenu de la situation actuelle, je ne sais pas ce qui va arriver aux gens qui se trouveront là. Nous entendons aux nouvelles que l'administration Trump est en train d'élaborer un plan d'expulsion massive. Qu'arrivera‑t‑il à ces gens cette fois‑ci? C'est la grande question. Au bout du compte, on parle de la vie des gens. C'est ce dont on parle.
Durant la première administration Trump, beaucoup de particuliers et d'organisations ont fait part de leurs préoccupations. Ils n'étaient pas seulement préoccupés par l'hiver. Beaucoup étaient préoccupés par le moment où la température se réchaufferait. Quand il fait chaud, quand la neige fond, ce qui préoccupe les gens, ce sont les risques d'inondation et la dangerosité de ce terrain. Il serait détrempé. Il est tout à fait possible que la saison des inondations pourrait aussi créer un environnement dangereux pour les gens.
Je me dis que de nombreux demandeurs d'asile ne seront pas familiarisés avec les conditions météorologiques et ce qu'elles supposent. C'est le genre de chose qui attend les demandeurs d'asile. Leur situation est si désespérée que, souvent, ils décident de faire le voyage dans l'espoir de trouver la lumière au bout du tunnel et de trouver, d'une façon ou d'une autre, un endroit sécuritaire.
À ce moment‑là, nous avons parlé de nous préparer à l'arrivée de l'administration Trump, compte tenu des répercussions des politiques d'immigration discriminatoires de la première administration Trump. Je crois fermement que, à l'époque, tout le monde voulait réagir convenablement à la situation.
Il faut noter que, au Québec, de nombreux résidants ont ouvert leur cœur et leur esprit, et en passant, certains d'entre eux ont même ouvert leur porte aux demandeurs d'asile qui faisaient le voyage vers le Canada.
Je sais que les responsables de l'ASFC et de la GRC ont magnifiquement bien traité les demandeurs d'asile qui étaient dans des situations désespérées à l'époque. On a entendu beaucoup d'histoires disant que les gens étaient traités avec une certaine dignité, quand ils réussissaient à venir au Canada. Plus tard, ces gens ont pu déposer leur demande d'asile et suivre le processus.
Je pense que personne ne voulait que la situation ne s'aggrave. Je croyais sincèrement à l'époque que cela incluait tous les membres de tous les comités, peu importe le parti politique. Les gens ne voulaient pas que la situation s'aggrave.
Des organisations de réinstallation au service des collectivités peinaient elles aussi à répondre à la demande, en passant, compte tenu de la grosse promesse du gouvernement, qui a augmenté ces cibles d'immigration, mais n'a pas financé adéquatement les services.
Monsieur le président, laissez-moi vous raconter une histoire.
Durant cette première administration, bien des gens ont emprunté le chemin Roxham à la recherche de la sécurité. C'était d'abord le Manitoba, et plus tard, c'était le chemin Roxham. La Colombie-Britannique, à l'époque, se classait au deuxième rang pour le nombre de demandeurs d'asile qui traversaient la frontière. Des demandeurs d'asile réussissaient à entrer au Canada.
C'est ça, la beauté du genre humain. Il y a une petite organisation dans ma circonscription. Je ne vais pas la nommer. Elle n'a pas été grandement financée par le gouvernement, c'est le moins que l'on puisse dire. À l'époque, il y avait des demandeurs d'asile qui arrivaient. Bon nombre d'entre eux, quand ils arrivaient, étaient incapables d'accéder aux ressources et au soutien du gouvernement. Ils n'avaient pas de logement. Ils étaient incapables de survivre. Savez-vous ce qui est arrivé? D'eux-mêmes, les gens qui travaillaient dans cette organisation les ont invités chez eux, les ont logés, quoique temporairement, pour les sortir du froid glacial et d'un environnement où ces gens n'avaient aucun recours ni aucun moyen de survivre.
Ils n'étaient pas financés par le gouvernement. Ils ne l'ont fait que par charité et compassion. Ils ont vu l'humanité. Ils ont agi. C'est ce que l'organisation a fait. Certains membres de son personnel ont fini par accueillir des demandeurs d'asile chez eux. Il n'y avait aucun soutien ailleurs. Ils ne pouvaient pas comprendre comment on pouvait tout simplement déplacer ces demandeurs d'asile, les déplacer davantage, d'ailleurs, parce qu'ils ont été déplacés de leur pays d'origine. Ils ont fui aux États-Unis à la recherche de la sécurité, et ils ont été encore une fois forcés de fuir. Des gens étaient forcés de fuir et étaient constamment déplacés.
Ces personnes sont chères à mon cœur. J'ai vu la beauté de leur geste, leur compassion, leur gentillesse et leur humanité dans la façon dont ils ont traité un autre humain en détresse.
Durant cette période, mon bureau a parlé à M. Greg Janzen, le préfet d'Emerson, au Manitoba. Il nous a dit que des gens ne traversaient plus seulement certaines nuits. À mesure que la situation s'aggravait, les gens ont commencé à traverser toutes les nuits. Les refuges temporaires pour loger les gens commençaient à être un problème. Comme nous le savons aujourd'hui, c'est toujours un problème.
On pense aux gens d'Emerson, qui est un petit village d'environ 600 habitants. Le préfet a noté que quelque 300 personnes, à l'époque, avaient traversé la frontière et étaient arrivées dans le village depuis le 3 février. Le centre de l'ASFC était complet, le local de l'Armée du Salut aussi. Ce qui l'inquiétait, c'était que, si cette tendance persistait ou augmentait, il faudrait mettre quelque chose en place, comme un village de tentes, pour loger ces gens.
Les gens ne faisaient que désespérer davantage et ils continuaient de traverser la frontière; les demandeurs d'asile et les ONG sur le terrain faisaient de leur mieux. En passant, certaines ONG, sans aucun financement gouvernemental, ont ouvert leurs portes et leurs refuges pour loger certains de ces demandeurs d'asile. Le gouvernement a dit qu'il verserait des fonds rétroactivement à ces organisations au Manitoba. Je ne crois pas qu'elles ont touché cet argent, dans les faits, même si le gouvernement leur a dit qu'il les rembourserait pour les services qu'elles ont fournis aux demandeurs d'asile. Je ne crois pas que cela se soit réalisé.
La situation pourrait très bien se répéter dans la deuxième administration Trump. La question est donc la suivante: qu'avons-nous appris la première fois, et qu'a fait le gouvernement pour se préparer? Plutôt que d'adopter une approche humanitaire, bien entendu, ce que j'ai vu, c'est que le gouvernement a secrètement négocié une entente, l'Entente sur les tiers pays sûrs, avec l'administration Biden.
À plusieurs occasions, le Comité a posé des questions, quand le ministre de l'époque a comparu et que les membres du Comité lui ont demandé ce qui se passait et quels étaient les plans. Le ministre a maintenu qu'il ne se passait rien, qu'il n'y avait pas de négociations en cours et ainsi de suite. Bien entendu, derrière les portes closes, on négociait activement. Nous avons vu cela quand M. Biden est venu au Canada. Ce jour‑là, soudainement, le gouvernement a annoncé qu'il y avait eu des négociations secrètes.
Les Canadiens n'ont jamais été mis au courant. Les députés n'ont jamais été mis au courant non plus. Personne ne savait ce que le gouvernement planifiait de faire. Ce que nous savons maintenant, bien entendu, c'est que le gouvernement a en quelque sorte bâti un mur invisible, disons. Ce n'est pas le mur dont parlait M. Trump, un mur de briques et de mortier, mais plutôt un mur invisible qui instituait l'Entente sur les tiers pays sûrs tout le long de la frontière, ce qui n'est pas peu dire. C'est ce que nous avons fini par apprendre. On y a inclus des dispositions qui faisaient en sorte qu'il était plus difficile pour les gens de trouver un endroit sécuritaire. Je crois que cela les a enfoncés davantage.
Monsieur le président, je sais que les membres du Comité se demandent pourquoi je parle de cela. Je raconte tout cela parce que je dois leur rappeler que ce sont de vraies personnes qui ont de vraies vies. Nous avons tous des espérances et des rêves quand nous arrivons au Canada. Je suis une immigrante. Mes parents avaient des espérances et des rêves pour moi et mes frères et sœurs, c'est certain. Nous sommes tous des êtres humains. J'ai appris cela des aînés autochtones qui m'ont appris que nous étions tous liés et que nous ne formons qu'un. Je suis reconnaissante de leurs enseignements. Il y a une phrase pour exprimer cela dans leur langue autochtone, dans toutes leurs langues. On m'a dit que n¢ç¢mat t¢ ßx∑q∑el¢w¢n ct: nous sommes tous unis et ne formons qu'un. J'espère que j'ai prononcé cela correctement, j'ai fait du mieux que j'ai pu.
C'est essentiellement ce que je voulais dire. C'est pour cette raison que je vous dis cela, parce que ce n'est pas parce qu'on ne le voit pas que ça n'existe pas. Nous ne devrions pas non plus penser seulement à nous-mêmes. Nous devons regarder ce qui se passe ailleurs aussi et savoir que nous faisons tous partie de la race humaine.
Souvent, quand j'examine la situation, je me demande ce que je ferais. J'essaie de me mettre à leur place et d'imaginer ce que ce serait et ce qu'ils espéreraient, pour mieux comprendre la situation et me motiver à faire la bonne chose en tant que décideuse, législatrice et parlementaire. J'ai le privilège de faire cela depuis plus de 30 ans, maintenant, à différents postes et dans différents ordres du gouvernement.
Dans le cadre de ce processus, j'essaie de me mettre à la place de quelqu'un d'autre — non pas que je pourrais comprendre complètement sa situation, puisque je ne suis pas là pour la vivre vraiment. Je fais de mon mieux pour tenter de la comprendre. Je parle à ces gens, j'écoute leurs histoires, et ils peuvent me dire dans leurs propres mots ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils pensent. Je peux ainsi mieux expliquer ce qu'ils vivent et me servir de cette tribune pour faire entendre leurs voix.
Selon moi, c'est vraiment ce en quoi consiste mon travail. Je dois faire entendre leurs voix. Je dois utiliser cette tribune pour leur donner une voix pour qu'ils puissent être entendus. J'espère qu'ils le seront. J'espère que tous les partis pourront travailler en collaboration pour trouver une façon d'avancer dans l'intérêt de l'humanité.
C'est toujours à cela que je reviens. La vie ne se résume pas à grand-chose, à l'exception de notre propre humanité et de la façon dont nous la recevons, la respectons et l'honorons.
Je me sers de cela comme ligne directrice pour faire mon travail, surtout dans ce dossier, parce que c'est ce dont nous parlons. Il est question de gens qui n'ont pas les libertés dont je jouis et qui n'ont pas les mêmes privilèges que moi. Ce sont ceux qui ne sont pas en sécurité. Une des choses essentielles pour nous, c'est de nous sentir en sécurité et entiers et de savoir que des mesures de sécurité et de protection existent.
C'est ce que j'essaie de faire. C'est ce que j'espère que nous pourrons faire. Je l'espère toujours, quoiqu'il y a de nombreux signes qui me montrent le contraire. Peut-être que certaines personnes ne se soucient plus de cela maintenant.
C'est peut-être pour cette raison que les gens se demandent « mais où veut-elle en venir? » En fait, je pense que nous en sommes à un moment décisif, et que nous devons nous souvenir de cela. Je dois me souvenir de cela. J'essaie de me le rappeler chaque jour. Je crois que nous devons nous le rappeler les uns les autres.
Je ne pense pas que les gens font cela pour mal faire. J'espère que ce n'est pas le cas, mais parfois, les approches que nous adoptons m'attristent, parce que je me dis que nous avons oublié pourquoi nous sommes ici et quel est notre objectif. Je pense que nous avons oublié l'humanité, monsieur le président. Quand j'y pense, cela m'attriste.
Sur ce, monsieur le président, je vais céder la parole. J'en ai beaucoup plus à dire. J'aimerais voter sur le sous-amendement et voir où cela va nous mener. Je sais que d'autres députés aimeraient prendre la parole. Après, j'aimerais que l'on inscrive de nouveau mon nom sur la liste des intervenants, après le vote sur le sous-amendement, monsieur le président.