Bonjour à tous et bienvenue à la 16e réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
Afin d'assurer la santé et la sécurité de tous, le Bureau de régie interne exige que les comités adhèrent aux protocoles sanitaires suivants, qui sont en vigueur jusqu'au 23 juin 2022. Toutes les personnes qui souhaitent entrer dans l'enceinte parlementaire doivent être entièrement vaccinées contre la COVID‑19. Toutes les personnes présentes doivent porter un masque, à l'exception des membres qui sont à leur place pendant les délibérations. Veuillez communiquer avec la greffière du Comité pour obtenir de plus amples renseignements sur les mesures préventives pour la santé et la sécurité. En tant que présidente, je ferai appliquer ces mesures. Je vous remercie de votre coopération.
En ce qui concerne l'information sur les réunions hybrides, la réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre des communes le 25 novembre 2021.
J'aimerais énoncer quelques règles à suivre.
Des services d'interprétation sont disponibles pour cette réunion. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, le français ou l'anglais. Si vous souhaitez prendre la parole, la fonction « Lever la main » se trouve sur la barre d'outils principale. Je vous rappelle que toutes les interventions doivent se faire par l'entremise de la présidence. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être en sourdine.
La greffière du Comité et moi allons tenir une liste des intervenants pour tous les membres afin de nous aider à gérer notre temps et d'éviter de devoir couper la parole à quelqu'un. Je brandirai un carton jaune lorsqu'il restera une minute, puis 30 secondes, et un carton rouge pour indiquer que votre temps est écoulé. Je vous demande d'y être attentifs.
Madame Lalonde, vous avez levé la main.
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Merci, madame la présidente.
Je n'ai rien contre en principe, mais je pense que nous tenons aussi à nous assurer que nous sommes en mesure de poursuivre nos activités régulières.
J'aimerais proposer un amendement pour ajouter à la fin de la motion, « pendant le congé de Pâques », afin de tenir la réunion pendant le congé de Pâques et nous éviter de perdre du temps pour nos travaux importants. J'aimerais également proposer que nous ajoutions « le ministre et » avant « les représentants d'IRCC ». Bien sûr, le n'est pas obligé de venir, mais il est pertinent de lui offrir la chance de se présenter avec ses fonctionnaires. Au bout du compte, le ministre est responsable des décisions du ministère et je ne vois pas pourquoi nous ne lui offririons pas cette possibilité.
Voilà les amendements que je propose. Si nous les acceptons, nous pourrons poursuivre.
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Pour organiser cette séance pendant la pause de Pâques, il faudrait quand même fixer une date aujourd'hui étant donné qu'il ne nous reste plus beaucoup de semaines dans nos circonscriptions.
J'enverrai mon horaire à mon ami M. Genuis, mais je peux vous dire que j'ai beaucoup de travail à faire dans ma circonscription, parce que nous voulons profiter de tous les moments que nous avons là-bas. Si on me donnait au moins une date précise, je pourrais plus facilement accepter cet amendement, mais, « pendant la pause de Pâques », c'est trop vague.
Comme vous le savez, je suis près de mes concitoyens, qui s'attendent à ce que je les rencontre pendant cette pause. Je voudrais qu'on me donne une date, car c'est beaucoup trop vague pour moi si on se contente de dire que cette rencontre aura lieu pendant la pause de Pâques.
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Merci, madame la présidente.
Respectueusement, le contexte est que les membres du gouvernement présentent une motion. J'ai pensé qu'à un moment où il y a déjà... Je ne sais pas ce que je peux dire, étant donné que...
Il est consigné officiellement dans le préavis qu'une ébauche de rapport a été examinée lors de la dernière réunion, de sorte que les gens savent déjà qu'une ébauche de rapport a été examinée à ce sujet. Nous avons une proposition pour convoquer un autre témoin, et je veux bien l'accepter, si c'est le souhait des membres, mais je suis d'avis, puisque le gouvernement a présenté cette proposition de témoins supplémentaires, que nous ne devrions pas ralentir les travaux du Comité qui doivent se faire. Nous avons des créneaux horaires limités pendant les semaines parlementaires. J'essaie d'accommoder ce que le gouvernement et les membres veulent en disant que nous pourrions réserver deux heures sur une période de deux semaines.
Madame la présidente, je ne sais pas si je peux amender mon propre amendement. Je pense que c'est peut-être permis. Je pense que j'aimerais ajouter après « pendant le congé de Pâques » les mots « après consultation des membres sur leur disponibilité ».
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Y a‑t‑il consentement unanime à la suggestion de M. Genuis de tenir la réunion sur la motion proposée par Mme Lalonde pendant les semaines parlementaires, mais pas pendant les heures normales du CIMM? Si c'est la volonté du Comité, je devrai travailler avec la greffière pour voir quel créneau horaire serait disponible, en fonction des services.
Ai‑je le consentement unanime sur ce point? D'accord?
Tout le monde semble d'accord pour que nous disposions du sous-amendement et de l'amendement.
(Les amendements sont retirés.)
La présidente: Nous avons maintenant à l'ordre du jour la motion proposée par Mme Lalonde.
Comme il n'y a pas d'autre débat, ai‑je le consentement unanime sur cette motion?
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: La motion est adoptée.
Allez‑y, monsieur Genuis.
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Je vais reprendre à b):
b) une liste des bureaux des visas qui utilisent actuellement l'analytique avancée pour trier les demandes et une liste des demandes ainsi triées; c) une liste indiquant le nombre de modèles de triage par analytique avancée en place et quels modèles sont utilisés par quel bureau des visas; d) tout rapport d'assurance de la qualité relativement à chaque modèle d'analytique avancée utilisé par un bureau des visas; e) les instructions à jour données aux décideurs concernant la mise en œuvre du modèle pilote d'analytique avancée pour tout centre de traitement qui utilise cet outil; f) tout manuel de formation ou toute étude concernant Watch Tower et une liste de tous les indicateurs de priorité qui ont été utilisés dans Chinook; g) les manuels d'utilisation de Chinook+ et de Chinook dans le Système mondial de gestion des cas; h) tous les manuels de formation et documents produits et utilisés dans le cadre de la formation du personnel d'IRCC sur Chinook; i) tous les contrats qu'a conclus IRCC avec Deloitte and Touche s.r.l., Accenture inc. et McKinsey relativement à l'intelligence artificielle, la modernisation de la plateforme numérique, Chinook et le projet de réponse aux services numériques; j) l'analyse des facteurs relatifs à la vie privée réalisée sur Chinook; k) les contrats entre IRCC et ApplyBoard ainsi qu'IRCC et ApplyProof depuis 2015; l) les documents sur le lancement du projet, les modalités et le plan de la « Stratégie de transformation des services d'IRCC et de la feuille de route »; le « Projet de stratégie et de feuille de route sur la GI‑TI »; la « Stratégie d'innovation » du Secteur de la transformation et des solutions numériques (STSN); m) l'Énoncé de politique sur l'aide à la décision automatisée pour la prise de décisions d'IRCC (toutes les éditions); n) toute autre information et instruction de programmation utilisée pour les systèmes d'analytique avancée; o) les réponses brutes et complètes fournies par les employés d'IRCC à Pollara Strategic Insights dans le cadre de l'étude sur l'antiracisme; p) les délais de traitement actuels et passés pour chaque bureau et catégorie de visas, de 2015 à aujourd'hui; q) le contenu des cours et le matériel utilisé pour toute formation ou séance d'information sur l'antiracisme organisée pour les employés de l'IRCC, r) tout le matériel produit pour le Comité consultatif interministériel sur la transformation numérique d'IRCC (niveau SMA) et que lesdits documents soient remis au Comité dans les 40 jours, accompagnés de toute proposition de caviardage; les versions des documents comportant les caviardages proposées seront publiées sur le site Web du comité dans les 10 jours suivant leur réception; le comité publiera un communiqué de presse soulignant la publication de ces documents, et les documents non expurgés seront distribués aux membres du comité dans le même délai; les documents caviardés et non caviardés seront communiqués au légiste parlementaire, qui qui sera ensuite invité à rencontrer le comité à huis clos afin de le conseiller sur le caractère approprié des caviardages proposés; le comité peut alors décider de publier tous les documents caviardés, certains d'entre eux ou aucun.
Madame la présidente, je tiens à souligner que la liste des éléments que je demande n'est pas la mienne. J'ai communiqué avec les témoins qui avaient soulevé devant nous des préoccupations à propos de la transparence et je les ai simplement invités à me dire de quels renseignements ils auraient besoin pour faire leur travail de façon plus transparente.
Les membres peuvent avoir des préoccupations concernant un ou deux points de la lettre, et nous pouvons certainement amender la motion, mais de nombreux témoins nous ont fait part de préoccupations concernant la transparence et l'accès à l'information, alors je leur ai demandé de quels renseignements ils avaient besoin et ils m'ont fourni une liste.
Je reviens maintenant devant le Comité pour lui demander d'utiliser ses pouvoirs pour faire quelque chose de concret, c'est‑à‑dire relever les défis en matière de transparence, réunir ces renseignements, donner au gouvernement toute la latitude de caviarder les documents là où il le juge pertinent, publier les documents non caviardés et pouvoir ensuite examiner nous-mêmes les documents caviardés pour évaluer la pertinence de ces caviardages.
Je pense qu'il s'agit d'une procédure raisonnable qui tente de répondre à un problème très réel soulevé par les témoins. J'espère que cette motion aura l'appui de mes collègues.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Respectueusement, je sais que Mme Kwan a toujours été une grande championne de la transparence sur ces questions et j'espère que nous la verrons continuer à le faire.
Écoutez, cette motion est très différente d'une demande de comparution de fonctionnaires. Des fonctionnaires qui viennent répondre à nos questions, ou du moins qui répondent à nos questions, c'est loin d'être la même chose que de demander des documents de source primaire et de les rendre publics. Maintenant, je suppose que je pourrais proposer cette motion à nouveau, une fois que les fonctionnaires seront ici, mais les fonctionnaires ne vont pas venir les bras chargés de ces documents. Si nous voulons que les fonctionnaires le fassent, disons‑le explicitement dans cette motion, même si celle‑ci leur donne beaucoup plus de temps pour le faire. Encore une fois, je pense que dans l'intérêt de la transparence, reconnaissons que les demandes de documents sont très différentes des réponses verbales des fonctionnaires.
C'est vraiment tout ce que j'ai à dire. Nous pouvons procéder au vote. Les parties prenantes pourront voir, bien sûr, qui les appuie dans leur désir de transparence.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Il est difficile de ne pas se rallier aux arguments de M. Genuis; je pense qu'il a tout à fait raison. Nous n'obtiendrons jamais les mêmes informations qui sont demandées dans cette motion auprès des fonctionnaires qui viendront comparaître devant nous. C'est évident, me semble-t-il.
Depuis le début des travaux de notre comité, dans les deux études que nous avons faites, il a été question du manque de transparence et de l'opacité à IRCC. Cette motion nous permettra de recueillir des informations importantes auprès de ce ministère. Je ne vois pas comment on pourrait voter contre une motion visant à obtenir plus d'information. C'est un boni pour nous tous en tant que membres de ce comité. Cela nous permettra de faire notre travail adéquatement.
Je vois très difficilement comment on pourrait voter contre une motion qui demande des documents à IRCC, si l'on veut contrer le manque de transparence et l'opacité au sein de ce ministère.
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Merci, madame la présidente.
Je tiens simplement à dire très clairement que la motion que nous venons d'adopter ne vise pas seulement à inviter des fonctionnaires à comparaître devant nous. Elle comporte un élément qui stipule clairement qu'ils devront prendre des engagements concernant les documents publics que les membres du Comité demandent. Certains des documents que M. Genuis a demandés dans sa motion sont des documents que j'aimerais recevoir. J'ai bien l'intention de faire ces demandes aux fonctionnaires et de leur demander de nous remettre officiellement ces documents, dans un souci de transparence.
Je rejette l'idée que si je vote contre la motion de M. Genuis, je suis en quelque sorte contre la transparence. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Nous aurons l'occasion d'entreprendre ces travaux. Si les fonctionnaires se manifestent après que nous ayons demandé de recevoir officiellement la documentation avant que nous rédigions notre rapport et que la documentation se révèle déficiente, il sera toujours possible de faire un suivi à cet égard.
Je pense que, de ce point de vue, j'aimerais donner une chance aux fonctionnaires et au ministère de faire leur travail. Pour cette raison, je pense que nous pouvons suspendre cette motion. C'est ce que je suggère.
En fait, je propose d'ajourner le débat sur la motion de M. Genuis.
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La motion est adoptée. Il n'y a plus de débat sur cette motion. Le débat est ajourné.
Nous allons maintenant passer à nos témoins.
La réunion d'aujourd'hui porte sur les résultats différentiels dans les décisions d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Nous avons deux groupes de témoins. En fonction du temps disponible, nous recevrons le premier groupe pendant 45 minutes, puis le deuxième groupe pendant 45 minutes. En raison du budget, nous n'avons pas accès à des services.
Je profite de ce moment pour souhaiter au nom de tous les membres la bienvenue à nos témoins du premier groupe.
Nous accueillons Mario Bellissimo, spécialiste certifié en droit de la citoyenneté et de l'immigration et en protection des réfugiés, représentant la Bellissimo Law Group Professional Corporation. Nous accueillons également Jeric Mendoza, consultant en immigration, représentant le J. Mendoza & Associates Canada Immigration Consulting Group. Le troisième témoin du premier groupe est Vishal Ghai, représentant Voices4Families.
Je souhaite la bienvenue aux témoins. Chacun disposera de cinq minutes pour sa déclaration liminaire, puis nous passerons à la série de questions.
Nous pouvons commencer par monsieur Bellissimo. Vous disposez de cinq minutes. Vous pouvez commencer.
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Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés et collègues témoins. Je vous remercie de l'invitation à comparaître.
L'étude des résultats différentiels dans les décisions d'IRCC est certainement un sujet vaste et complexe. Je suis heureux de répondre aux questions sur ce sujet en général, mais pour les besoins de ma déclaration liminaire, je vais me concentrer sur l'analyse avancée dans le cadre des solutions d'IA, ou d'intelligence artificielle.
Ma carrière professionnelle a été consacrée à la pratique et à l'étude du droit de l'immigration, de la citoyenneté et des réfugiés, ou du droit de l'immigration pour faire court. Depuis près de 25 ans, j'accompagne les demandeurs dans leur parcours, de l'étape de la demande à la Cour suprême du Canada et inversement, et je m'efforce de défendre la préservation des droits fondamentaux que sont l'égalité, l'équité et l'individualisation dans le droit et la politique en matière d'immigration.
L'IA fait intervenir tous ces éléments. En fait, pour ceux qui, comme moi, sont aux prises avec l'énormité des implications entourant le recours accru à des solutions d'IA, nous pouvons à la fois en être émerveillés et craintifs. En termes simples, l'émerveillement est dû aux possibilités excitantes et transformatrices, notamment l'accélération du traitement, la réduction des erreurs ou des préjugés des agents, l'amélioration de l'accès des utilisateurs et de la collecte de renseignements, entre autres gains potentiels. Cependant, une partie de la crainte provient de l'inquiétude que l'IA ne fasse que perpétuer les divisions et la discrimination raciales, socio-économiques et politiques qui sont si profondément ancrées dans notre société.
Comme nous le savons tous, l'IA est déjà utilisée pour trier les demandes, mais le potentiel est beaucoup plus grand et les projets vont bien au‑delà du tri.
L'espoir est que si l'IA est bien employée, nous pourrons éviter les écueils que nous avons vus et constatés à l'échelle nationale et internationale lorsque l'IA a reproduit des préjugés, comme dans l'affaire Ewert à la Cour suprême du Canada. Parmi d'autres exemples à l'étranger, citons l'outil d'évaluation de la classification des risques utilisé pour la détention aux États-Unis ou le détecteur de mensonges iBorderCTRL que l'Union européenne a utilisé aux frontières ou encore la technologie néo-zélandaise permettant d'identifier les personnes susceptibles de dépasser la durée de séjour autorisée. Il ne s'agit là que d'un petit nombre d'exemples de recours à l'IA qui ont mal tourné. À la base, tant que la loi ne nous oblige pas tous à nous situer à un niveau informationnel abordable, les demandeurs, le grand public et de nombreuses parties prenantes sont désavantagés lorsqu'il s'agit de comprendre comment l'IA peut réorganiser certaines parties de leur vie.
Je reste optimiste en pensant que des améliorations sont possibles. Les recommandations qui vous ont déjà été formulées concernant la désignation d'un ombudsman et l'amélioration de la formation à IRCC, telles qu'elles sont énoncées dans le rapport de Pollara, sont des étapes potentielles importantes, mais il faudra faire encore plus en présence d'une technologie perturbatrice pour éviter les conséquences discriminatoires potentielles.
Comme nous le soulignons dans les 10 recommandations de notre mémoire, les efforts visant à transformer la prestation des services d'immigration doivent comporter des mesures législatives pour une gouvernance transparente, explicable et équitable de l'IA, étant entendu que la technologie n'est pas neutre et que les valeurs et normes historiques des données propulsent l'IA. La formation des programmeurs, des analystes et des faiseurs d'opinion en matière d'IA, par exemple, doit non seulement être réfléchie et adaptée aux personnes et aux groupes vulnérables, mais elle doit aussi être prescrite par la loi pour assurer le maintien de l'équilibre de la diversité et de l'inclusion pour ceux qui entraînent et alimentent la technologie. Une charte des algorithmes comme celle de la Nouvelle-Zélande, des audits externes assortis de pouvoirs d'exécution et des consultations externes obligatoires sont des mesures reconnues à l'échelle internationale comme efficaces et essentielles pour une saine gouvernance de l'IA.
Nous ne pouvons pas nous contenter de regarder où en est l'utilisation de la technologie aujourd'hui. La nécessité de collaborer avec toutes les parties prenantes et de les mettre à contribution est aiguë, compte tenu de l'évolution rapide des défis à relever. IRCC est doté d'un effectif constitué de nombreuses personnes travailleuses et bien intentionnées qui souhaitent apporter un changement positif. Notre conseil, le milieu universitaire et la communauté de l'IA au Canada sont également bien placés pour apporter une contribution utile au recours à l'IA par IRCC.
Si nous travaillons ensemble maintenant, en insistant sur un cadre législatif solide et moderne fondé sur la collaboration, la surveillance, la transparence et une mise en œuvre responsable, nous avons la possibilité de devenir un chef de file mondial. Il y a beaucoup de travail à faire, mais le moment est venu de réimaginer, de révolutionner et de réorganiser le processus décisionnel en matière d'immigration au Canada en nous appuyant sur une base juridique et technologique solide, ancrée dans un cadre législatif, dans des fondements qui ne seront pas perturbés, quelles que soient les pressions internationales et technologiques qui pointent à l'horizon.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'offrir l'occasion de participer à votre réunion.
Je suis Jeric Mendoza de J. Mendoza & Associates, basé ici à Saskatoon, en Saskatchewan.
Le récent rapport de Pollara sur le racisme systémique au sein d'IRCC est un triste rappel que le racisme n'a pas quitté le système d'immigration canadien. Il est encore plus troublant de constater qu'il se produit en coulisses. Aujourd'hui, j'aimerais exposer d'autres politiques ou questions discriminatoires qui, à mon avis, nous sont dissimulées sous nos yeux.
Le premier point que je voudrais soulever est l'exigence relative à l'équivalence d'études canadiennes dans la plupart des demandes d'immigration. Qu'est‑ce qui peut être plus raciste que d'exiger une évaluation pour voir si les études d'un ressortissant à l'étranger sont équivalentes à des études canadiennes? Comment définir « études canadiennes »? Y a‑t‑il une sauce spéciale à trouver? Comment se fait‑il que, dans la plupart des cas, un diplôme d'études postsecondaires de deux ans obtenu aux Philippines, par exemple, soit réduit à un diplôme d'études secondaires? Cela signifie‑t‑il que si une personne suit, par exemple, un cours en mécanique automobile de deux ans aux Philippines, elle a déjà oublié ce qu'elle a appris? Même parmi les écoles au Canada, différents facteurs font qu'il est difficile de dire si un baccalauréat est identique ou non à un autre. Si nous ne pouvons pas mesurer cette équivalence de façon fiable, alors pourquoi exiger cette évaluation? De plus, pourquoi la mesurer en premier lieu? Quel problème, révélé par des données, essayons-nous de résoudre?
Je recommande donc d'éliminer les exigences relatives à l'évaluation de l'équivalence des études dans tous les programmes d'immigration, tant à l'échelle provinciale que fédérale, car cette politique est raciste.
Le deuxième point que j'aimerais soulever concerne les exigences partiales des différents programmes d'immigration en matière de compétences linguistiques. Je comprends parfaitement la nécessité de communiquer efficacement pour réussir partout dans le monde. Cependant, le fait d'exiger un examen linguistique en anglais ou en français est manifestement discriminatoire pour les personnes dont la langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français, comme moi.
Comment concilions-nous cette exigence? Voici mes recommandations.
Tout d'abord, il faut éliminer le système de pointage progressif qui permet à un anglophone ou à un francophone de naissance d'obtenir un meilleur pointage en raison de ses compétences linguistiques, même si un non-anglophone ou un non-francophone possède plus de compétences ou d'expérience professionnelle.
Par exemple, à l'heure actuelle, si une personne présente une demande dans le cadre du programme fédéral des travailleurs qualifiés, elle peut obtenir un maximum de 28 points pour ses compétences linguistiques, contre un maximum de 15 points seulement pour son expérience professionnelle. Où est passée l'expression « l'expérience est la meilleure école »? Devrait‑on plutôt dire « la langue est la meilleure école »? Un cuisinier ayant un NCLC de 8 est‑il meilleur qu'un cuisinier ayant un NCLC de 4? Demandons-nous aux citoyens ou aux résidents canadiens le résultat à un examen de l'IELTS ou du CELPIP lorsque nous embauchons un mécanicien ou un soudeur? Si ce n'est pas le cas, c'est du racisme.
Comme compromis, je suggère d'utiliser plutôt un système de réussite/échec en fonction d'un niveau de compétences linguistiques minimal, en dessous duquel il est difficile pour une personne de survivre au Canada. Je crois qu'il s'agit au minimum d'un NCLC 3 ou au maximum d'un NCLC 4.
Ensuite, il faut permettre aux employeurs de certifier les compétences linguistiques en remplacement d'un examen linguistique officiel s'ils font une offre d'emploi. De plus, laissez les employeurs ou les organismes de réglementation professionnelle, et non le système d'immigration, exiger un niveau de compétences linguistiques plus élevé, s'ils le jugent nécessaire, pour leur profession.
Enfin, supprimez l'expiration des examens linguistiques. Actuellement, les examens linguistiques sont valides deux ans. Si je peux bien parler l'anglais ou le français aujourd'hui, cela signifie‑t‑il que je perdrai cette capacité dans deux ans ou plus?
Le troisième et dernier point que j'aimerais soulever me ramène au rapport de Pollara. Comme ce rapport le démontre, le racisme dans l'immigration canadienne se produit en coulisses. À cet égard, je vous ferais la suggestion suivante.
Premièrement, exigez l'approbation du superviseur pour tous les refus. Ainsi, un agent raciste, partial ou incompétent aura un rappel ferme que sa décision sera soumise à un examen plus approfondi, ce qui, espérons‑le, le dissuadera de prendre des décisions fondées sur des préjugés.
Ensuite, fournissez aux demandeurs ou à leur représentant un accès immédiat aux notes de cas. Qui peut être de meilleurs gardiens contre le racisme que les demandeurs eux-mêmes? Si les demandeurs ou leurs représentants ont un accès immédiat aux notes de cas, ils peuvent éventuellement reconnaître les problèmes, y compris le racisme, dès le début du traitement et non après qu'une décision est rendue.
Enfin, mettez en place un système de plainte ou de grief permettant aux demandeurs ou aux travailleurs d'IRCC de soulever des problèmes de racisme, de partialité générale ou d'incompétence du personnel de l'immigration.
En outre, prévoyez un moyen par lequel les agents préposés aux cas peuvent être tenus responsables des mauvaises décisions qu'ils prennent à l'égard de demandes.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous accorder ce temps de parole.
Je représente un groupe d'entraide qui compte plus de 6 000 victimes du système raciste d'IRCC. J'emploie le mot « raciste », en effet, surtout pour les familles que le et IRCC ont séparées de force.
Ce système est inéquitable, archaïque et systématiquement partial. Nous avons soumis des recommandations dans une pétition signée par plus de 5 600 personnes qui inclue leurs commentaires.
En tant que groupe, nous avons fait pression en faveur du regroupement immédiat des familles. Le a prouvé à maintes reprises que s'il y a une volonté, il y a un moyen, tout comme l'instruction ministérielle, l'IM, qui permet à des Ukrainiens d'entrer au Canada dans les 15 jours, en écartant les autres réfugiés et en renonçant à tous les frais juste à cause du privilège blanc. Des Afghans, des Hongkongais et des victimes de l'explosion massive au Liban n'ont pas bénéficié du même traitement de la part du ministre de l'Immigration.
Nous nous occupons essentiellement des conjoints dans le volet des demandes présentées à l'étranger. Aujourd'hui, je voudrais souligner que le racisme systémique et le racisme existent presque jusqu'à la porte d'entrée de ce système et de ce processus.
Grâce à beaucoup de contributions participatives, nous avons maintenant cerné de l'âgisme dans le processus de demandes présentées à l'étranger. Si vous avez une différence d'âge, vous serez victime de discrimination. Un statut conjugal antérieur, une personne divorcée, sont automatiquement signalés par l'IA. Les différences de statut social, éducatif ou économique sont signalées par l'IA. Les différences culturelles et religieuses sont elles aussi signalées par l'IA.
Qu'est‑ce que l'IA? L'IA est un programme, et un programme n'est aussi bon que la personne qui le code. Si la personne qui le code est raciste ou suit inconsciemment des données sur six ans, elle va faire ruisseler ce racisme jusqu'à la porte d'entrée, malheureusement.
Aujourd'hui, nous sommes heureux que les victimes du processus de traitement des demandes pour conjoints présentées à l'étranger puissent enfin se représenter.
Je suis porteur d'un message de l'un des plus jeunes défenseurs, Tito. Il a 10 ans et est autiste. Il est séparé de son père, Carlos, depuis plus de quatre ans. Ils ont obtenu un entretien grâce à un bref de mandamus visant les normes de service. Cependant, ils n'ont pas accès à des médecins autorisés pour faire leurs examens médicaux préalables, donc ils sont coincés encore une fois. Dans ses propres mots, il dit: « Pouvez-vous s'il vous plaît dire au Comité et au que les familles sont faites d'amour, et non de noir, de blanc, de brun, d'il ou d'elle? » C'est un enfant de 10 ans qui le dit. Il aimerait que son père l'emmène un jour à l'école pour que les gens puissent croire qu'il a bel et bien un père.
Je répondrai volontiers aux questions. Je vous donnerai des exemples concrets d'obstacles racistes auxquels sont confrontés les auteurs de demandes présentées à l'étranger, avec des preuves noir sur blanc que le personnel recruté sur place a mises par écrit dans des notes versées au SMGC que nous pouvons vous fournir. C'est la porte d'entrée de l'organisation raciste. Le racisme est profondément ancré dans le système d'immigration, de haut en bas, et il est grand temps que nous nous penchions sur la façon dont nous allons résoudre ces problèmes.
Le pouvoir discrétionnaire exclusif conféré au personnel recruté sur place et l'application de normes culturelles constituent les principaux obstacles pour les époux de Canadiens qui veulent immigrer au Canada…
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Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Toutes nos excuses pour le retard, mais nous allons essayer d'optimiser le temps dont nous disposons.
À ce sujet, monsieur Ghai, j'aurais une petite remarque à vous faire. Vous avez dit que vous aviez des exemples à nous donner, et nous vous poserons peut-être des questions à ce sujet, mais je vous inviterais à les noter par écrit et à soumettre le document au Comité. Ce genre d'exemples pourraient nous être très utiles, mais il se peut que nous n'ayons pas le temps d'en parler aujourd'hui. C'est ce que je vous suggère.
Monsieur Mendoza, merci d'être des nôtres.
Au troisième point de vos remarques sur le racisme, vous proposez qu'on exige l'approbation d'un superviseur, que les notes de cas soient accessibles et qu'un système de griefs soit établi. De toute évidence, ces recommandations sont fondées sur vos expériences et certains cas dont vous vous êtes occupés. Pouvez-vous nous donner des exemples de cas qui nous permettront de mieux comprendre le contexte?
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J'aimerais maintenant aborder le sujet de la traite des personnes.
Plusieurs personnes nous ont parlé de la traite des personnes et des mariages par correspondance. Nous avons reçu Arlene Ruiz, de Saskatoon, lors de notre dernière réunion. Elle a parlé de ce problème avec notre collègue. Dans ma circonscription, une ressortissante des Philippines a été abandonnée par son mari parce qu'elle avait un cancer du sein en phase terminale, et elle a été déportée.
J'ai demandé à des fonctionnaires d'IRCC pourquoi les lois canadiennes sur la traite des personnes ne sont pas respectées, mais je n'ai pas reçu de réponse claire. Avez-vous déjà eu connaissance de ce genre de situation? Est‑ce qu'Immigration Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, ont des mesures pour protéger les femmes vulnérables?
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Merci de poser cette question.
En fait, il faudrait le faire en deux volets. À mon avis, le Canada doit adopter une législation pour encadrer le domaine général de l'IA, mais également des mesures qui s'appliqueront expressément au domaine de l'immigration. Le Plan d'action économique adopté en 2015 remonte à sept ans. La législation qui s'applique à l'IA est très large, très peu détaillée. C'est ce qui encadre la manière dont l'IA est utilisée actuellement, mais il n'y a jamais eu de débat à ce sujet. C'était un domaine tout à fait nouveau, mais il n'y a eu aucune discussion.
Pour ce qui a trait aux entreprises et à ceux qui sont au premier plan dans le domaine de la technologie, l'important est de bien comprendre l'utilisation par des tiers de technologies comme l'AI. Je dois préciser, et c'est tout à son honneur qu'IRCC développe ses propres applications d'IA, ce qui n'est pas toujours le cas. Par exemple, l'Agence des services frontaliers du Canada ou Emploi et Développement social Canada recourent à des sous-traitants. C'est beaucoup plus difficile de garder le contrôle quand des tiers sont impliqués. À qui appartiennent les actifs? Qui détient les droits?
Concernant la législation de portée générale, nous pouvons nous inspirer de pays plus avancés que nous et des mesures qu'ils ont déjà mises en place, comme la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ou l'Australie. En matière législative, nous devons commencer par adopter une charte pour les algorithmes, qui définira les types d'algorithmes. J'ai remarqué que le débat aujourd'hui porte beaucoup sur les modèles, alors que ce qui compte le plus, ce sont les algorithmes et, dans le cas d'Immigration Canada, les règles secrètes des agents. Ces règles ne sont même pas dévoilées aux agents qui statuent sur les demandes, même si elles sont à la base du triage qu'ils font. Il reste beaucoup à faire pour atteindre les normes éthiques et les normes recommandées en matière de gouvernance ailleurs dans le monde.
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Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd’hui. Leur expertise va améliorer notre étude et nous allons pouvoir rédiger un meilleur rapport.
Monsieur Ghai, je pense même que vous avez été bouleversé pendant votre témoignage. En tout cas, moi, cela m’a ému. Vous nous avez parlé de cas de racisme probant. IRCC, pour sa part, nous dit qu’il y a des biais inconscients. À mon avis, il y a une différence entre un biais inconscient et le racisme.
Un précédent témoin nous a déjà dit qu’il fallait appeler un chat un chat, même si cela crée un malaise, et qu’il y avait du racisme à IRCC. J’aimerais donc savoir s'il y a bel et bien du racisme à IRCC ou simplement des biais inconscients, selon vous.
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Ghai, vous avez été bouleversé pendant votre témoignage lorsque vous avez parlé de cas probants de racisme. Pour ma part, je dois vous dire que cela m'a ému.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada nous dit qu'il y a des biais inconscients au sein du ministère. Cependant, il y a une différence entre un biais inconscient et le racisme.
Lors d'une séance de ce comité, un témoin nous a dit au sujet du racisme qu'il fallait appeler un chat un chat, à savoir qu'il y avait bel et bien du racisme à IRCC, même si cela rendait les gens mal à l'aise. Je pense qu'il faut d'abord et avant tout être capable de nommer un problème, si nous voulons le régler.
Faites-vous une différence entre un biais inconscient et le racisme? Êtes-vous en désaccord avec IRCC sur ce point?
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Merci beaucoup, monsieur Ghai. Je voulais absolument vous donner la parole sur ce point.
Monsieur Bellissimo, c'est fantastique, parce que, lors du dernier tour de questions des libéraux, je les ai entendus parler d'un poste d'ombudsman. Je me dis que l'idée doit être en train de faire son chemin, même chez les membres du parti qui forme présentement le gouvernement. Je voulais entendre vos commentaires à cet égard.
Plusieurs personnes nous ont dit, étude après étude, séance après séance, qu'un ombudsman à l'immigration nous aiderait à faire avancer le processus beaucoup plus rapidement et réglerait beaucoup de problèmes.
J'aimerais vous entendre sur la possibilité de créer un poste d'ombudsman à l'immigration au gouvernement du Canada.
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Merci de poser cette question. J'y répondrai en deux volets.
Il faut tout d'abord s'assurer que le bureau d'ombudsman disposera des ressources et des pouvoirs d'exécution nécessaires pour faire bouger les choses si nous ne voulons pas qu'il devienne un autre organisme qui suscitera des centaines de milliers de plaintes et qui sera enseveli sous les arriérés. Tout sera une question d'efficacité.
Ensuite, comme je l'ai mentionné en introduction, nous devons saisir l'occasion pour repenser et restructurer notre manière d'envisager l'immigration au Canada. J'entends par là qu'au lieu de chercher des solutions aux problèmes ou aux symptômes, nous devons trouver où le bât blesse, prendre les choses par l'autre bout de la lorgnette. Plutôt que de multiplier les mesures de redressement, nous devons tirer parti de la technologie de manière efficace.
Par exemple, il y a 15 ans environ, l'Australie a créé un collège spécialisé en immigration où tous les agents suivent des cours de recyclage et se font rappeler que leur travail est d'offrir du soutien, pas de faire de la coercition. Beaucoup de méthodes novatrices s'offrent à nous pour changer, et même pour révolutionner nos façons de voir.
Chaque fois que j'entends parler de nouveaux groupes d'experts ou de la création d'un poste d'ombudsman, je me dis qu'on ajoute un autre pansement plutôt que de faire le travail de fond nécessaire pour régler les problèmes, c'est-à-dire une restructuration et une réinvention du programme. Les possibilités sont extraordinaires actuellement, et il faut les saisir.
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Je vais commencer, si vous me le permettez.
Nous parlons de transparence, ou de l'absence de transparence. C'est encore plus flagrant aux derniers échelons, quand c'est un demandeur ou un répondant qui cherche des réponses. Quand nous soumettons des demandes d'accès à l'information, nous n'obtenons même pas de réponse. Elles se perdent dans les limbes. Si c'est un avocat qui soumet la demande d'accès à l'information, il est plus susceptible d'obtenir une réponse. Est‑ce qu'on peut parler d'un mécanisme d'accès à l'information juste? Est‑ce qu'il sert tout le monde? Non, absolument pas.
Apparemment, les entrevues ne sont pas enregistrées et on ne peut pas être accompagné par un avocat. Si, par malheur, la demande est refusée, il faut un mois ou presque pour obtenir la transcription, et elle contient seulement ce que l'agent des visas qui a mené l'entrevue veut bien porter à la connaissance de la commission ou du tribunal. Ce n'est pas du tout le reflet de ce qui s'est réellement passé. De nombreuses personnes l'ont confirmé. Vous entendrez probablement des témoignages à ce sujet plus tard.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci également aux témoins.
Monsieur Ghai, j'aimerais poursuivre la discussion au sujet des entrevues. Dans le mémoire présenté par Voices4Families, vous demandez
que le gouvernement enjoigne à IRCC de suspendre le processus d'entrevue. Il est permis de penser que des agents choisissent qui sera convoqué en entrevue suivant les pratiques culturelles ou sociales des employés de l'immigration recrutés sur place. Beaucoup de demandeurs attendent d'être convoqués à une entrevue pendant des années.
Monsieur Ghai, vous avez dit que vous attendiez depuis cinq ans de retrouver votre famille. Vous venez d'avoir une entrevue, après cinq ans d'attente, et cette entrevue a duré 10 minutes.
Pouvez-vous expliquer vos demandes au Comité? Demandez-vous au gouvernement de suspendre le processus d'entrevue et qu'une exemption soit accordée si l'entrevue n'a pas lieu dans un délai de 30 jours, comme c'est le cas pour les demandes de documents supplémentaires?
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Absolument. Quand IRCC demande un document ou des renseignements supplémentaires, le délai est de 30 jours. Par contre, pour l'entrevue, le délai est indéfini. Malheureusement, quand un dossier est signalé comme étant « complexe », il n'y a aucun échéancier. C'est une pratique notoirement raciste puisque le délai de traitement d'une demande standard pour toute personne de moins de 30 ans est de 12 mois. Malheur aux demandeurs plus âgés, et malheur à ceux qui trouvent l'amour et dont le conjoint doit présenter une demande à l'extérieur du Canada et a besoin d'un visa. La demande restera bloquée. Nous avons attendu trois ans. Certaines de ces entrevues durent cinq minutes.
Nous pourrions faire deux demandes.
La première serait que le processus soit virtuel. L'honorable Marco Mendicino a affirmé que ce devrait être le cas, mais le processus n'est pas virtuel. En Inde, plus de 30 entrevues ont lieu chaque jour, dont certaines durent à peine 5 minutes. Les seules questions posées concernent le lieu de travail du conjoint et son salaire. C'est tout. Il faut attendre trois ans, pour qu'on vous pose trois questions et qu'on vous dise si votre demande est approuvée.
On constate aussi que les demandes approuvées qui proviennent de l'arriéré de 2018-2019 ont seulement accès aux services pré-arrivée. On ne nous envoie pas de demande de passeport, alors que d'autres personnes dans la salle d'entrevue la reçoivent dans la semaine.
La réponse est donc oui, nous aimerions bénéficier d'une exemption étant donné les longs délais.
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Monsieur Ghai, pouvez-vous nous transmettre cette information par écrit pour que les membres puissent en prendre connaissance?
M. Vishal Ghai: Oui, sans faute.
La présidente: De nouveau, je remercie tous les témoins d'avoir comparu devant le Comité. C'est ce qui met fin au segment avec notre premier groupe de témoins.
Les témoins du second groupe sont déjà connectés. Nous allons donc commencer la seconde partie de la réunion. Je souhaite la bienvenue aux témoins de ce groupe.
Nous accueillons l'imam Yusuf Badat, de Toronto, Mme Debbie Douglas, la directrice générale de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, ainsi que Mme Marie Carmel Bien-Aimé, qui est co‑administratrice de l'organisme Spousal Sponsorship Advocates.
Je vous souhaite la bienvenue à notre réunion. Vous aurez chacun cinq minutes pour nous présenter vos remarques liminaires, et nous procéderons ensuite à la période des questions. Nous entendrons l'imam Yusuf Badat en premier.
Imam Badat, soyez le bienvenu. Merci beaucoup de vous présenter devant le Comité en cette période de ramadan. J'imagine que vous êtes fort occupé. Vous disposez de cinq minutes pour nous présenter vos remarques liminaires.
Nous vous écoutons.
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Merci de m'offrir l'occasion de m'adresser au Comité et de présenter mes observations.
Je suis un imam au sein de la communauté de l'une des plus importantes mosquées de Toronto, et j'entends souvent de la part de nombreuses personnes qui ont soumis des demandes pour faire venir ici un conjoint ou des membres de leur famille qu'après des mois, voire des années d'attente, leur famille ne peut pas les rejoindre.
Les membres de la congrégation se plaignent de trois choses en particulier: les questions d'Immigration Canada concernant l'authenticité de leur mariage; le genre de questions posées aux personnes censées venir rejoindre un conjoint ou des membres de leur famille au Canada, et les longs délais de traitement de certains dossiers.
Concernant l'authenticité du mariage, il arrive qu'il y ait des mariages arrangés entre des adeptes de l'islam très conservateurs ou très attachés aux traditions. Dans ces cas, il n'y a pas de fréquentations avant le mariage. Les familles se rencontrent et arrangent un mariage. Quand les époux sont interrogés sur le moment où les fréquentations ont commencé ou les lieux où ils se rencontraient avant le mariage, ils ne savent pas quoi répondre. Ces personnes n'adhèrent pas aux normes culturelles auxquelles nous sommes habitués au Canada et selon lesquelles les couples se fréquentent et apprennent à se connaître avant de se marier.
C'est la même chose pour les unions de fait. Dans plusieurs cultures musulmanes et lieux où l'islam est pratiqué, les couples ne cohabitent pas avant de se marier. Ces différences peuvent avoir pour effet de prolonger considérablement le processus de parrainage d'un conjoint légitime.
Des membres de ma congrégation sont venus me raconter qu'ils ont eu un premier enfant et qu'ils attendent depuis trois ou cinq ans qu'une demande d'immigration soit approuvée.
Les embûches sont nombreuses. Je fais écho aux sentiments partagés par un témoin du groupe précédent concernant les difficultés particulières pour les personnes divorcées. Les efforts que beaucoup doivent déployer pour prouver qu'ils sont divorcés prennent des proportions démesurées et peuvent rallonger considérablement les délais de traitement.
Les différences culturelles peuvent faire en sorte qu'il est particulièrement difficile pour les femmes de répondre à certaines questions.
Je vais vous donner un exemple assez simple. Dans certaines cultures où l'islam est pratiqué, il est d'usage de baisser les yeux quand on s'adresse à une personne respectée. Dans certaines des cultures dont nous sommes issus, les femmes en particulier auront tendance à baisser les yeux devant l'agent qui leur fait passer une entrevue. Un agent qui ne connaît pas leur culture peut supposer qu'une femme baisse les yeux parce qu'elle essaie de lui cacher quelque chose ou qu'elle fait une fausse déclaration. En fait, dans la culture de cette femme, c'est simplement un signe de respect à l'égard de la personne qui l'interroge.
Ces différences peuvent compliquer les choses s'il est tenu pour acquis que toutes les cultures sont semblables à la culture canadienne ou que le contexte est partout le même que le contexte canadien. La manière dont nous envisageons le mariage, les fréquentations et les unions de fait dans le contexte canadien n'est pas universelle. L'évaluation de toutes les demandes à travers le prisme de la culture canadienne peut retarder le processus et rendre des agents très réticents à accepter la demande de quelqu'un qui est un époux légitime ou un membre légitime de la famille.
Voilà. Je vous ai présenté un résumé des observations que je souhaite porter à l'attention du Comité.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous. Merci de nous donner la possibilité de contribuer à cette étude d'une grande importance.
Je suis la directrice générale de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants. Notre organisme-cadre regroupe les organismes qui travaillent avec les immigrants et les réfugiés en Ontario. Je vais énoncer les quatre mesures que le gouvernement devrait prendre pour éradiquer les injustices raciales et le racisme dans le système d'immigration.
Premièrement, le gouvernement devrait réaliser un examen exhaustif axé sur l'égalité raciale dans la législation, la réglementation, les politiques et les pratiques. Deuxièmement, il devrait recueillir des données désagrégées et intersectionnelles sur la race pour l'ensemble des activités d'IRCC. Troisièmement, il devrait réaliser un examen exhaustif axé sur l'égalité raciale dans les mécanismes de financement des programmes d'établissement et d'intégration d'IRCC. Quatrièmement, le gouvernement devrait établir un bureau d'ombudsman indépendant d'IRCC.
Le rapport Pollara a confirmé ce que des observateurs savaient et ce que beaucoup d'entre nous soupçonnent depuis longtemps: le racisme, la discrimination raciale et les préjugés entachent le système d'immigration et des employés d'IRCC en sont victimes. C'est évident dans les hauts rangs d'IRCC, où il n'y a pas d'employés racisés, et c'est fort probable que le processus décisionnel en matière d'immigration soit aussi touché si on en juge par les témoignages entendus et ce que nous rapportent de nombreuses communautés.
Premièrement, pour ce qui concerne la conduite d'un examen de la législation axé sur l'égalité raciale, nos organismes membres nous ont souvent fait part des défis que rencontrent leurs clients racisés dans le système d'immigration. Selon les témoignages reçus, les doutes quant à l'authenticité des relations et les refus de demandes de parrainage d'un conjoint sont plus fréquents quand les personnes en cause viennent de certaines parties du monde. Très souvent aussi, l'authenticité des liens de filiation est remise en question et des preuves d'ADN sont exigées, ce qui mène fréquemment au refus des demandes. Ces exigences sont souvent imposées à des personnes d'origine africaine, de la même façon que les demandes de parrainage de conjoints originaires d'Asie du Sud suscitent souvent des doutes.
Il y a beaucoup d'autres problèmes, mais mon temps est limité. Un examen exhaustif axé sur l'égalité raciale dans les lois, les politiques et les pratiques est nécessaire pour cerner les préjugés systémiques et les aspects du processus décisionnel susceptibles d'être teintés par les préjugés individuels ou le racisme.
Deuxièmement, la collecte de données désagrégées intersectionnelles sur la race pour l'ensemble des activités d'IRCC est essentielle pour appuyer un examen exhaustif axé sur l'égalité raciale. Les données recueillies permettront de cerner les tendances en matière de discrimination systémique et les préjugés. Les données devront être recueillies pour tous les motifs de discrimination énoncés à l'article 15 de la Charte canadienne, mais également pour le statut au regard de l'immigration, qui n'est pas visé à l'article 15 actuellement. IRCC recueille déjà des données liées à la plupart de ces éléments, y compris le statut au regard de l'immigration, mais aucune donnée n'est recueillie sur la race, l'origine ethnique, la religion ou les croyances. Et si je ne me trompe pas, IRCC ne recueille pas non plus de données sur la sexualité ou l'orientation sexuelle. Les données recueillies devront être accessibles au public.
Troisièmement, un examen exhaustif axé sur l'égalité raciale des mécanismes de financement sera nécessaire pour savoir qui sont les bénéficiaires et quelles activités sont privilégiées. En 2011, Citoyenneté et Immigration Canada, l'ancêtre d'IRCC, a cessé de financer 13 organismes d'aide à l'établissement en Ontario. Parmi ces organismes, six travaillaient directement avec des communautés racisées et, sur ces six organismes, quatre offraient des services à la communauté africaine. Il n'y a eu ni explication ni avertissement. Le financement a cessé du jour au lendemain durant le cycle 2011‑2012.
Les organismes d'aide à l'établissement des immigrants et des réfugiés sont au cœur des activités et du leadership communautaires. Ils ne sont pas uniquement des fournisseurs tiers de services. Ils connaissent les communautés et elles leur font confiance, ce qui est essentiel pour assurer la prestation fiable et efficace des services. Je compare souvent les organismes communautaires, et surtout ceux qui sont au service de communautés ethniques particulières, à des médiateurs culturels. Ils font le pont entre les nouveaux arrivants et les communautés dans lesquelles ils comptent s'établir. Nous devons savoir à qui et à quoi le financement est destiné pour déterminer si les communautés racisées sont traitées équitablement et si la répartition des ressources entre les organismes communautaires est équitable.
Enfin, nous demandons instamment la création d'un bureau d'ombudsman indépendant pour IRCC. Ce bureau devra être extérieur au ministère, avoir des ressources suffisantes et se voir confier le mandat législatif de prendre les mesures requises pour éliminer la discrimination et les préjugés individuels et systémiques.
Je suis consciente que la création d'un bureau d'ombudsman a été recommandée dans le cadre de plusieurs études précédentes du Comité. Compte tenu de l'importance du programme d'immigration pour le Canada et des pouvoirs décisionnels très larges dont jouissent les agents d'IRCC à l'égard des demandes, la création d'un tel bureau serait dans l'intérêt de toute la population canadienne.
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Madame la présidente, honorables membres du Comité, bonjour.
Je me présente devant vous au nom de Spousal Sponsorship Advocates. Je suis honorée d’être ici pour vous présenter un aperçu de la situation et des recommandations que nous jugeons importantes.
Selon les résultats du rapport de Pollara Strategic Insights, les employés racisés sont marginalisés à cause de leur lieu de naissance ou de la couleur de leur peau. Leurs candidatures ne sont pas prises en considération en vue de promotions, et on les maintient dans des postes sous contrat temporaire. Conséquemment, ils ne peuvent pas dénoncer les incidents discriminatoires ou racistes dont ils sont témoins, par peur de représailles. Le personnel et les gestionnaires visés ont-ils été pénalisés depuis la sortie du rapport?
De plus, il est évident que les préjugés systémiques intégrés jouent un rôle lors des prises de décision concernant les dossiers d’immigration. Les agents de l’immigration ont des idées préconçues sur les demandeurs provenant des pays racisés. Par exemple, on désigne certains pays d’Afrique comme faisant partie des 30 nations corrompues, et on dit des Nigériens qu'ils sont des gens corrompus ou peu dignes de confiance. Selon un article de CIC News daté du 15 mars, IRCC a une accumulation de plus de 1,8 million de demandes. Pour la réunification familiale, l’arriéré est de 55 301 dossiers d’époux et de conjoints de fait.
En janvier dernier, le a annoncé que le processus de demande de parrainage de conjoint était redevenu de 12 mois pour les nouvelles demandes. Récemment, cela a été changé pour 19 mois. Pourquoi n’y a-t-il pas de solutions offertes aux familles qui souffrent dans l’immédiat? Il faut réduire le blocage bureaucratique afin de résorber l’énorme arriéré.
L’un des problèmes courants de la bureaucratie est l’effacement de l’humanité de ceux qui sont servis. Nous souhaitons faire comprendre au personnel chargé de gérer le processus d’immigration lié à la réunification familiale qu’il s’agit en fait de nos liens personnels les plus irremplaçables, ainsi que de la santé mentale, physique et financière de nos familles.
Cela étant dit, permettez-moi de vous faire part de nos recommandations pour aider à éliminer l'arriéré dans la catégorie des réunifications familiales.
Je vous présenterai d'abord nos recommandations à court terme. Il faut fournir un visa de résident temporaire spécial pour les familles en accordant une exemption de l’alinéa 179b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés et accepter réellement les demandes à double intention. Ensuite, il faut un bureau d’ombudsman pour traiter les plaintes. La création d'un poste d'ombudsman permettrait à la Cour fédérale et à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, la CISR, d’avoir moins de dossiers à traiter. La transparence serait activement démontrée dans les mesures prises pour résoudre les différends, et les familles ne seraient pas mises à rude épreuve financièrement. On doit aussi faire passer des entrevues aux couples lorsqu’ils sont recommandés. Enfin, il faut enregistrer les entrevues pour éviter les malentendus.
Je vous présente maintenant mes recommandations à long terme. D'abord, il faut exiger une rotation des agents de l’immigration tous les deux à cinq ans, afin d’éviter la familiarité et les employés blasés. Cette rotation doit également faire partie des exigences du poste. Il faut augmenter le personnel des missions ou ajouter des missions pour améliorer la situation. Par exemple, le bureau d’Accra s’occupe de 12 pays, et celui de Dakar s’occupe de 16 pays. Il faut aussi instaurer une formation obligatoire sur les différences culturelles qui doit être suivie tous les six mois par le personnel engagé et les agents des visas. Il faut aussi donner la priorité à la transparence.
En bref, nous accueillons favorablement l’étude en cours. Cependant, sachez que de nombreux époux reçoivent des diagnostics de dépression et que les pensées suicidaires continuent d’augmenter. Les citoyens canadiens et les résidents permanents se sentent trahis. La bureaucratie n’a pas sa place dans les affaires familiales, et toutes les familles concernées sont victimes du système.
Pour terminer, rappelez-vous que personne ne naît égal, mais que les personnes nées avec des privilèges doivent montrer l’exemple.
J’attends maintenant vos questions sur les sujets soulevés.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de ce groupe et ceux du groupe précédent de nous avoir parlé des épreuves, mais également des émotions qui sont sans doute le lot de beaucoup de personnes qui font appel à vous. Votre parcours est loin d'être de tout repos.
J'aimerais parler un peu de l'enregistrement des entrevues, un thème récurrent dans vos témoignages et qui revient souvent également dans nos bureaux. Quand une décision est rendue, il peut arriver qu'il y ait des divergences entre les notes de l'agent et ce que nous rapportent nos électeurs.
Imam Badat, vous avez mentionné les différences culturelles et le fait que les agents ne les comprennent pas toujours.
Madame Bien-Aimé, pouvez-vous nous expliquer comment l'enregistrement de ces entrevues favoriserait la transparence et non seulement permettrait d'exiger davantage de comptes des agents, mais donnerait au demandeur un peu plus de pouvoir dans le processus?
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Merci de cette question.
Je pense que les entrevues devraient être enregistrées pour la seule et simple raison que je suis moi-même en plein dans ce processus. Mon mari a eu une entrevue, et le récit qu'il m'en a fait ne concorde pas du tout avec ce que l'agent a inscrit dans le SMGC.
Ce n'est pas la première fois que j'entends une telle chose. Dans mon travail de défense des intérêts des personnes qui présentent une demande de parrainage d'un conjoint, d'administratrice, mais aussi de thérapeute, j'entends sans cesse ce genre d'histoires. Les gens me racontent que ce qu'ils ont dit ne se retrouve pas dans les notes. L'enregistrement des entrevues obligerait les agents des visas à rendre davantage de comptes. Si un agent a des préjugés implicites ou explicites, ils ne pourraient pas les projeter sur la personne qu'il interroge.
Je crois que c'est très important. L'enregistrement de toutes les entrevues devrait être obligatoire.
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Je vous remercie de votre question.
En gros, brièvement, IRCC devrait accorder à tous les conjoints un VRT spécial. Tout d'abord, l'alinéa 179b) ne devrait même pas être pris en compte. Oui, il est évident qu'ils ont des liens avec le Canada, puisque le conjoint est ici, mais pourquoi un agent affirmerait‑il que le conjoint ne retournera jamais dans son pays? Pourquoi un demandeur principal ruinerait‑il ses chances de rester en permanence au Canada après la durée de validité de son visa? Pour moi, cela n'a aucune logique.
Pour répondre à votre question, ils aideraient l'économie, ils paieraient des impôts et ils seraient avec leur famille. Ils verraient aussi s'ils aiment le pays. Peut-être qu'ils ne l'aimeront pas. Peut-être que la famille déménagera et ira dans le pays d'origine du demandeur principal.
Fondamentalement, cela aiderait, parce qu'en ce moment nous avons besoin de main-d'œuvre. Nous avons des tonnes d'emplois, mais personne pour les occuper. Ces personnes sont des conjoints et des personnes qui travaillent très fort. Je ne crois pas qu'elles resteraient étendues sur le canapé à regarder la télévision, donc ce serait certainement bénéfique pour le conjoint, les enfants, les familles et ce pays également.
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Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, je vais faire écho à vos paroles adressées à l'imam Badat au sujet du Ramadan. J'aimerais lui souhaiter Ramadan mubarak en cette occasion religieuse et spirituelle.
J'ai également une question à poser à l'imam. Je sais que de nombreuses demandes sont acceptées, mais beaucoup de personnes viennent à mon bureau avec des problèmes, concernant en particulier le règlement 4, qui a été introduit par le ministre de l'Immigration de l'époque, Jason Kenney, et les conservateurs. J'aimerais beaucoup que le règlement 4 soit aboli aujourd'hui, car il demande aux couples, en priorité, de prouver l'authenticité de leur mariage. Il présente déjà de nombreuses difficultés, non seulement dans la communauté islamique, mais aussi pour les sikhs, les hindous et d'autres personnes en Inde et au Pakistan, ce dont j'ai fait l'expérience.
La première exigence concerne l'authenticité du mariage et la seconde le moment où ce mariage a eu lieu. Si les futurs conjoints ne s'étaient jamais rencontrés auparavant, c'était un mariage de convenance. Je fais également partie de ceux qui ont eu un mariage arrangé il y a 34 ans.
Imam, j'aimerais vous demander combien de cas de ce genre vous voyez, et seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le règlement 4 devrait être aboli?
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En tant qu'imam, à la mosquée où je travaille, nous avons au moins trois ou quatre mille personnes qui viennent pour la prière de Jumu'ah, qui est la principale prière de la semaine. Je dirais qu'au moins un tiers des personnes qui ont fait une demande d'immigration formulent de telles préoccupations et questions concernant le délai et la raison pour laquelle leur mariage n'est pas considéré comme étant valide.
En fait, IRCC m'a demandé de témoigner en tant qu'expert sur un cas. Le conjoint avait été éloigné de l'autre conjoint pendant 10 ans, et ils ont finalement donné le feu vert. Ils ne faisaient pas avancer le dossier parce qu'ils ne croyaient pas qu'ils étaient réellement mariés. Un enfant est également né, et le conjoint qui est ici, un citoyen canadien, allait tous les deux ans passer du temps avec sa conjointe. Ils n'arrivaient tout simplement pas à croire que le mariage avait réellement eu lieu, et la préoccupation était la suivante: « Pourquoi n'avez-vous pas de photos de votre mariage? Où est la carte d'invitation? » Dans certains des villages d'où viennent les gens de chez nous, les mariages tape‑à‑l'oeil n'existent pas. C'est une chose très simple et les conjoints ne se rencontrent pas au préalable. C'était juste un mariage arrangé et, finalement, l'affaire a été réglée, 10 ans plus tard.
Encore une fois, pour répondre à votre question, c'est un nombre considérable. Je dirais qu'au moins un tiers des membres de ma congrégation qui ont une demande d'immigration dans leur dossier attendent, et le délai varie entre deux et dix ans, comme je l'ai dit.
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Monsieur Dhaliwal, je proposerais qu'en plus de ce que l'imam a suggéré, nous nous penchions également sur la collecte de données sur cet aspect.
Nous avons beaucoup de renseignements anecdotiques. Je dis souvent que ce qui est mesuré est traité, alors obtenons des données concrètes afin de pouvoir continuer à prouver que nos communautés ont absolument raison de dire qu'elles font l'objet d'un traitement différencié selon leur pays d'origine, leur religion et leur race. Tant que nous n'aurons pas ces données...
Nous sommes très clairs, en tant que Canadiens: nous attendons du ministère qu'il réponde lorsque nous constatons l'impact disproportionné sur des communautés particulières, puis qu'il règle ces choses. Je crois que l'éducation culturelle est une très bonne chose. Nous devons commencer à tenir ceux qui ont le pouvoir décisionnel responsables des décisions prises par le ministère. Si les gens savent que des emplois sont en jeu, qu'ils devront rendre compte publiquement des décisions et des répercussions sur les diverses communautés qui sont touchées de manière disproportionnée, je crois que cela aussi changera le comportement.
À mon avis, il existe un certain nombre d'outils que nous devons utiliser. L'éducation et la formation culturelle sont effectivement bonnes, mais il faut aussi recueillir les données, les communiquer et demander au ministère de parler de ce qu'il fait pour donner suite aux conclusions de la collecte de données.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Madame Bien‑Aimé, j'ai écouté votre témoignage avec attention. Ce que j'ai particulièrement aimé, c'est que vous avez fait plusieurs suggestions et recommandations au Comité; cela nous sera très utile. J'ai aussi aimé que vous nous fassiez part de votre histoire personnelle.
J'ai quelques questions à vous poser.
Vous avez suggéré que l'on fournisse un visa de résident temporaire spécial aux fins de la réunification des familles, mais avec l'exemption de l'alinéa 179b).
Cela mettrait-il fin aux débats sur la double intention, selon vous?
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Je vais répondre à cette question en disant qu'il faut absolument créer un poste d'ombudsman à l'immigration. Son mandat pourrait être de créer un comité de membres diversifiés qui auraient la tâche de réorganiser les politiques et les programmes. En faisant cela, les agents de l'immigration pourraient faire preuve d'inclusion et d'équité lorsqu'ils prendraient des décisions.
Il faut aussi créer une commission d'examen dont le mandat serait de diriger une commission de révision des demandes de parrainage de conjoints refusées. Son devoir serait de donner aux familles un examen équitable et indépendant, avant le processus d'appel. L'équipe pourrait reconnaître l'oppression systémique envers les gens venant de pays soumis à l'obligation de visa. Elle pourrait aussi remettre en question les hypothèses et interrompre les préjugés implicites et explicites. Enfin, elle devrait également s'engager sur la voie du changement et de la transformation.
Plus tôt, j'ai entendu quelqu'un dire que ce bureau devrait être complètement indépendant. Je suis d'accord là-dessus. Il faudrait aussi investir dans ce projet, parce que, lorsque des demandes sont refusées, le processus d'appel coûte cher à tout le monde. On pourrait donc remettre l'argent au bon endroit, afin que les demandes soient traitées de façon juste et équitable.
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Je vous remercie de votre question.
En effet, lorsqu'un agent de l'immigration est là pendant 5, 10 ou 15 ans, il acquiert de mauvais plis, qu'on le veuille ou non. Ainsi, lorsque cet agent a des décisions à prendre, il se base sur ce que dit l'employé local et sur ce qu'il voit. Le fait d'effectuer une rotation lui évitera de prendre de mauvais plis.
J'ai effectivement dit « blasés », parce que, quand on occupe toujours le même poste et qu'on est toujours en train d'interviewer les gens pour les mêmes raisons, il devient un peu plus facile de refuser des demandes en se basant uniquement sur ses propres biais.
Il faudrait qu'une rotation ait lieu tous les deux ans à cinq ans et que ce soit une exigence liée au poste. Ainsi, les gens qui postuleront et qui feront partie du processus sauront, par exemple, qu'ils devront rester à Accra pendant deux ans et ensuite aller en Égypte ou dans n'importe quel autre pays pendant trois ans. Ils sauront qu'ils devront faire une rotation.
Cela remplira leur bagage de connaissances. Ils deviendront aussi plus ouverts à d'autres cultures, parce que, voyager et voir d'autres gens, c'est également s'éduquer.
Je le sais parce que je suis présentement engagée dans un processus. Mon mari vient de l'un des « 30 pays les plus corrompus ». Il est Nigérien. Je l'attends depuis 35 mois, mais il n'est toujours pas arrivé ici.
Oui, c'est vrai. J'en suis la preuve. Notre groupe est composé de 5 000 à 8 000 membres qui nous disent tous la même chose. Ils disent tous que c'est long et qu'ils ne comprennent pas pourquoi cela se passe plus vite lorsqu'il s'agit de pays blancs.
Je vois qu'il y a un délai. Je vois aussi que certains biais ont une grande incidence sur les décisions.
Pourquoi ne gère-t-on pas les demandes venant de pays qui ont besoin de visas de la même façon que celles qui viennent de pays qui n'en ont pas besoin?
Cela devrait être homogène. Le traitement devrait être le même. Malheureusement, ce n'est pas le cas. J'en suis la preuve: j'attends depuis 35 mois.
Ramadan mubarak, Imam Badat.
Imam Badat, je suis tout à fait d'accord avec vous: le gouvernement Harper a compliqué le processus, et c'était terrible. Depuis 2015, le gouvernement en place l'a réformé — et je pourrais vous donner des exemples — en réduisant le temps de réunification des conjoints à 12 mois et en continuant sur cette lancée, mais la COVID a compliqué les choses.
Je comprends votre douleur, car j'ai beaucoup de communautés musulmanes dans ma circonscription. Remarquez, quand on met le doute dans l'esprit de l'agent, il doit aller plus loin dans les demandes. Honnêtement, dans ma circonscription, nous avons trouvé quelques mariages qui étaient faux. Lorsque cela vient à l'esprit de l'agent, il doit vérifier, pour des motifs de sécurité, si une activité terroriste se dissimule.
Cependant, afin d'arriver à résoudre ce problème, je vous demanderai, si possible, de soumettre par écrit au Comité vos préoccupations et vos recommandations pour résoudre ce problème et nous guider dans nos efforts pour résoudre ce problème.
Je vous remercie.
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Absolument. Je vous remercie pour cette question.
Nous applaudissons particulièrement le gouvernement pour l'élargissement de la définition de la « famille ». C'est une chose que nous soutenons absolument, mais ces mesures de regroupement familial doivent également être étendues à d'autres communautés, aux Afghans et à d'autres populations de réfugiés et d'autres personnes qui sont également déplacées.
Je pense qu'il est grand temps pour nous de reconnaître que la famille nucléaire est une notion occidentale. Elle ne représente pas nécessairement la majorité du monde. Si les familles sont prêtes à se soutenir mutuellement pour faire venir les autres au Canada, il est tout à fait logique qu'elles soient soutenues pour le faire.
Je crois qu'après avoir redéfini la « famille » aux fins de l'Ukraine, le gouvernement doit étendre cette redéfinition à toutes les communautés qui veulent venir au Canada, qu'elles viennent ici en tant que réfugiés ou par le truchement du regroupement familial.