:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la troisième séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
Compte tenu de la pandémie en cours, des recommandations des autorités sanitaires et des directives publiées par le Bureau de régie interne le 19 octobre 2021, pour rester en sécurité et en bonne santé, toutes les personnes qui assistent à la réunion en personne doivent maintenir entre elles une distance de deux mètres et doivent porter un masque non médical lorsqu'elles circulent dans la salle. Il est fortement recommandé aux participants de porter un masque en tout temps, y compris lorsqu'ils sont assis. Vous devez maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant pour les mains fourni à l'entrée de la salle.
En tant que présidente, j'appliquerai ces mesures pendant toute la durée de la réunion, et je remercie à l'avance les députés de leur coopération.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous présenter quelques règles à suivre.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts dans le cadre de la réunion. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français. Si vous cessez d'entendre les interprètes, veuillez m'en informer immédiatement, et nous veillerons à ce que l'interprétation soit rétablie avant de reprendre nos délibérations. La fonction « Lever la main » qui se trouve au bas de votre écran peut être utilisée à tout moment si vous souhaitez prendre la parole ou alerter la présidence.
Les députés qui assistent à la réunion en personne doivent procéder comme ils le feraient habituellement si tous les membres du Comité se réunissaient en personne dans une salle de comité. N'oubliez pas les directives que le Bureau de régie interne a données au sujet de l'utilisation des masques et des protocoles sanitaires.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone afin de l'activer. Le microphone des députés présents dans la salle sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification. Lorsque vous vous exprimez, veuillez parler lentement et clairement. Veuillez mettre votre microphone en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole.
Je rappelle à tous que tous les commentaires des députés et des témoins doivent être adressés à la présidence.
En ce qui concerne la liste des intervenants, la greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre de parole unifié pour l'ensemble des députés, qu'ils participent à la réunion virtuellement ou en personne.
Aujourd'hui, le Comité poursuit son étude sur le recrutement et les taux d'acceptation des étudiants étrangers. C'est avec plaisir que je vous présente les témoins d'aujourd'hui.
Le premier groupe se compose de trois témoins. Je souhaite la bienvenue à Lou Janssen Dangzalan, avocat en droit de l'immigration; à Wei William Tao, avocat canadien en droit de l'immigration et cofondateur de la Fondation Arenous; ainsi qu'à Christian Fotang, président du conseil d'administration de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, qui est accompagné de Jared Maltais, directeur général intérimaire.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui et les remercie de comparaître devant le Comité pour la poursuite de notre étude sur le recrutement et les taux d'acceptation des étudiants étrangers.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Quand vous êtes prêts à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone afin de l'activer.
L'interprétation pendant cette vidéoconférence fonctionnera à peu près comme pendant les réunions ordinaires du Comité.
Lorsque vous vous exprimez, veuillez parler lentement et clairement. Veuillez mettre votre microphone en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole.
Chacun des témoins disposera de cinq minutes pour nous présenter une déclaration préliminaire, après quoi il y aura une période de questions des députés.
Sur ce, je souhaite de nouveau la bienvenue à nos témoins et je cède la parole à M. Lou Janssen Dangzalan, avocat en droit de l'immigration.
Vous avez cinq minutes pour nous présenter votre exposé. Je vous prie de commencer.
:
Merci, madame la présidente.
Bonjour, je m'appelle Lou Janssen Dangzalan et je vous parle de Toronto. Je reconnais que je me trouve sur le territoire traditionnel des Mississaugas de New Credit.
J'ai fourni un bref mémoire qui comprend des annexes et des tableaux fournissant plus de détails sur les données tirées des divulgations par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC.
Je me base sur les statistiques et je souligne quelques faits marquants.
J'aimerais éclaircir quelques points de statistique troublants, et je vous renvoie à l'annexe A du mémoire.
Ainsi à l'annexe B, on trouve une carte du monde qui démontre une tendance de refus très élevé pour les pays africains, surtout en Afrique de l'Ouest, où se trouvent les pays francophones. La raison de la sous-performance en Afrique est un mystère. Je vous renvoie à nouveau à l'annexe A. Nous avons analysé s'il existe un lien entre le taux d'acceptation...
:
Merci, madame la présidente. Je vais reprendre le paragraphe du début.
Nous avons fait une analyse pour savoir s'il existait un lien entre le taux d'acceptation et les facteurs économiques, comme le PIB par habitant, tout en considérant la parité de pouvoir d'achat. Il y a effectivement une corrélation positive.
Cependant, cette corrélation est limitée: elle s’applique uniquement aux montants se situant entre 3 000 $ et 15 000 $. Cela veut dire que la règle ne s’applique pas aux pays africains francophones, car la grande majorité desdits pays ne tombe pas dans cette plage. Il faut faire plus d’analyse là-dessus, et j’espère que le Comité va demander à IRCC de produire des données en ce sens.
C'est la raison pour laquelle j'ai essayé de trouver d'autres facteurs qui peuvent expliquer cette divergence. Voici donc quelques hypothèses.
Les médias ont laissé entendre que Chinook, un outil de traitement développé par IRCC, était responsable de cette baisse. Mon confrère Me Wei William Tao discutera du traitement des demandes effectué par Chinook, un logiciel basé sur Excel dont le but est le traitement des demandes de visa en vrac. À l’annexe C, on indique si Chinook est utilisé dans un bureau donné.
En résumé, à ce stade-ci, selon nos informations limitées, il n’est pas clair si un lien de causalité existe ou non entre Chinook et le taux d'acceptation. Ce qui est clair, c'est que nous constatons un déclin de la confiance à l'égard du système quand nous en discutons avec les clients, les étudiants internationaux. Encore une fois, j’espère que le Comité va demander à IRCC de produire des données en ce sens.
Existe-t-il d'autres facteurs? Je me demande si le bureau des visas en Afrique manque de ressources, parce que les demandes de permis d'études provenant des pays africains ne sont pas traitées dans le même pays, comme c'est indiqué à l'annexe C.
À l'inverse, des demandes provenant des pays sources principaux, comme la Chine, l’Inde, les Philippines et les États‑Unis, sont traitées sur place. Certains de ces pays ont même plusieurs bureaux. En revanche, en Afrique francophone, la plupart des demandes sont traitées à Dakar, Accra ou Dar es-Salaam. La majorité d'entre elles sont traitées à Dakar.
L'avantage de faire traiter une demande dans son propre pays, c'est que les décideurs sur place sont plus à l'écoute des réalités sur le terrain. De plus, le racisme interafricain existe et ce n'est pas un secret. Mélanger les demandes comme si les dossiers étaient homogènes pose un grand problème. S'agit-il de racisme? La question se pose.
Tout cela a pour toile de fond le récent rapport d'IRCC sur l'antiracisme. Des références internes ont désigné certaines nations africaines comme faisant partie des « 30 sales ». Le Comité peut se renseigner davantage auprès d'IRCC, qui pourra lui donner la liste de ces pays. Il serait intéressant de voir s'il s'agit de pays francophones.
Tout cela expose IRCC à un litige coûteux. Faire trancher les demandes de permis d'études par les tribunaux constitue un gaspillage des impôts des contribuables et des ressources judiciaires.
J'ai donc quatre recommandations à faire.
Premièrement, il faut allouer plus de ressources au traitement des demandes de visa.
Deuxièmement, il faut collecter des données sur la race, comme nous l'avons suggéré au Comité l’année dernière.
Troisièmement, les bureaux ayant un taux de refus élevé devraient faire l'objet d'une vérification automatique. Cette vérification devrait être effectuée par une tierce partie. Si le Comité recommande la création d'un poste d'ombudsman de l’immigration, cette fonction pourrait être intégrée à son mandat. Le Parlement pourrait aussi confier ces enquêtes au vérificateur général. Nous voyons que la grande majorité des demandes venant de l'Afrique francophone sont traitées à Dakar et nous nous interrogeons. Qu’est-ce qui se passe dans ce bureau? Y a-t-il des mesures visant à prévenir la partialité? De telles mesures existent-elles?
Quatrièmement, IRCC doit entreprendre de véritables consultations publiques sur le déploiement de nouvelles technologies telles que Chinook et l'intelligence artificielle. Il faut plus de transparence. L'engagement des parties prenantes est essentiel, et IRCC devrait s'engager auprès des avocats spécialisés en droit de l'immigration et en matière de protection de la vie privée.
Merci beaucoup, madame la présidente.
:
Merci, madame la présidente.
Je vous parle aujourd'hui depuis les territoires traditionnels, ancestraux, non cédés des nations Musqueam, Squamish, Tsleil-Waututh et Qayqayt, à Burnaby, en Colombie-Britannique.
Pendant les cinq minutes qui me sont imparties, je vous présenterai les principaux éléments que j'expose dans mon mémoire écrit, en décrivant plus en détail mes trois grandes recommandations.
Comme le il y a quelques années, je commence à peine à apprendre le français, mais c'est important pour moi de vous dire ceci.
[Français]
Nous ne devons pas oublier l'intersectionnalité des francophones africains. Autrement dit, il y a des éléments de nature raciale, linguistique et géographique, et souvent aussi des éléments liés au genre et à l’âge, qui ont des répercussions. Nous ne pouvons pas oublier l'importance de ces problèmes pour les Québécois et pour les francophones canadiens, puisque cela a touché ces communautés de manière disproportionnée.
[Traduction]
Mon postulat aujourd'hui, c'est en gros que nous avons rompu avec une histoire de racisme et de discrimination contre les Noirs pour nous ancrer dans un système qui discrimine de façon disproportionnée les candidats de tous les pays du Sud. Cela risque de s'enraciner dans le système de demain, fondé sur l'intelligence artificielle.
J'expose le contexte historique dans mon mémoire, mais je commencerai ici par souligner l'importance pour ce comité de comprendre le contexte actuel des demandeurs, pour faire contrepoids à la rhétorique d'IRCC sur la vie privée, la sécurité et l'efficacité.
Les demandeurs de l'Afrique et des pays du Sud sont confrontés à des obstacles démesurés pour prouver leurs affirmations, à des exigences documentaires plus élevées et à des taux de refus supérieurs, comme mon collègue, M. Dangzalan, vient de l'expliquer. Les refus sont motivés par des raisons financières obscures ou des préjugés selon lesquels les demandeurs ne retourneront pas dans leur pays d'origine après leurs études.
Ne nous leurrons pas, je suis peut-être idéaliste, mais je ne crois pas qu'on puisse éliminer entièrement la discrimination en matière d'immigration, parce que l'immigration est un processus de discrimination approuvé par l'État et fondé sur la nationalité et les exigences en matière de documents de voyage. Malgré cela, je crois qu'il nous faudrait des garanties et une transparence accrues.
De plus, pour répondre à la question posée au lors d'une conférence de presse, récemment, IRCC utilise un outil appelé Chinook. Nous savons à ce jour que Chinook est surtout utilisé dans les bureaux des visas à fort volume situés dans des pays du Sud. Il permet de refuser en bloc des centaines de demandes, les demandeurs étant triés au moyen d'un outil Excel en fonction de leur pays de nationalité, de leur âge, de leur sexe et de leur état civil. Les notes de travail des agents, qui comprennent souvent des évaluations factuelles individuelles, sont supprimées des dossiers. Ainsi, les indicateurs de risque et les mots-clés ciblés par les bureaux des visas locaux, qui ne font l'objet d'aucune vérification experte indépendante, ont pour ainsi dire force de loi.
Les demandeurs reçoivent donc souvent des lettres de refus types et n'ont d'autre recours que la Cour fédérale, une démarche dont les coûts sont souvent prohibitifs, bien qu'elle puisse porter fruit.
Les demandeurs de l'Afrique et des pays du Sud n'ont pas d'autre option non plus pour immigrer ici, de façon temporaire ou permanente. Les permis d'études sont devenus leur seul espoir, mais ils sont également convoités par les recruteurs et les agents d'immigration non autorisés.
C'est dans ce contexte qu'IRCC se tourne vers l'intelligence artificielle, qui menace d'intégrer davantage au système les préjugés et les failles de critères créés par l'homme, de le rendre moins transparent encore et de soustraire le traitement des demandes à un examen minutieux. C'est sur les demandeurs de l'Afrique et des pays du Sud que ce système aura le plus d'incidence. Les histoires de suicide, de préjudice financier et d'étudiants incapables de composer avec les exigences de l'immigration canadienne s'aggraveront si nous ne faisons rien.
Ainsi, j'ai trois recommandations à vous présenter.
Premièrement, il faut s'assurer que Chinook, qui se fonde sur des processus automatisés et l'intelligence artificielle, si je ne me trompe pas, fasse l'objet d'une évaluation rigoureuse de l'impact algorithmique, ou EIA, et d'autres mesures de protection, notamment d'un examen indépendant de l'équité raciale.
Il doit y avoir une évaluation de l'impact algorithmique plus transparente et accessible au public avant d'adopter à plus grande échelle l'intelligence artificielle qui est actuellement utilisée dans...
:
Merci, madame la présidente.
Ainsi, j'ai trois recommandations à vous présenter. Premièrement, il faut s'assurer que Chinook, qui se fonde sur des processus automatisés et l'intelligence artificielle, si je ne me trompe pas, fasse l'objet d'une évaluation rigoureuse de l'impact algorithmique (EIA) et d'autres mesures de protection, notamment d'un examen indépendant de l'équité raciale. Il doit y avoir une évaluation de l'impact algorithmique plus transparente et accessible au public avant d'adopter à plus grande échelle l'intelligence artificielle qui est actuellement utilisée dans les bureaux des visas de l'Afrique et des pays du Sud.
Deuxièmement, je serais favorable à la réglementation des consultants et du recrutement d'étudiants. J'adopte cette position même si je sais qu'elle est probablement impopulaire pour des raisons économiques et de partage des compétences, mais on parle ici de jeunes et de familles vulnérables, souvent de personnes racisées, à qui des agents d'immigration non autorisés travaillant à l'étranger imposent des frais de scolarité exorbitants. Nos établissements d'enseignement sont beaucoup trop complices de ce système.
Troisièmement, il conviendrait d'étudier adéquatement le racisme contre les Noirs, afin de tirer des leçons des erreurs commises dans le passé pour guider nos stratégies futures et de tenir compte de problèmes comme le vol de capital social, le colonialisme et la migration climatique. Il faut étudier l'incidence de ces enjeux sur l'immigration. Il faut désagréger les données modernes à notre disposition selon la race et le bureau des visas avant même d'essayer de mettre en place de nouvelles politiques.
Enfin, comme vous pouvez le constater de mes recommandations, je ne pense pas qu'il soit avisé de nous concentrer uniquement sur l'amélioration des chiffres, quel que soit le pourcentage, sans nous attaquer aux problèmes sous-jacents. Pour emprunter des termes au vocabulaire médical, en ces temps particuliers, il faut traiter la cause et non les symptômes du problème.
Si je devais résumer et choisir une première mesure à privilégier, une bonne mesure globale et tangible, je dirais qu'il faut nommer un ombudsman indépendant ou une commission de l'immigration...
:
Merci, et bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés et les témoins.
J'aimerais commencer ma déclaration en reconnaissant que je vous parle aujourd'hui d'Amiskwaciy-wâskahikan, ou Beaver Hill House, qui s'appelle maintenant Edmonton, sur le territoire du Traité no 6.
Je m'appelle Christian Fotang et je suis président de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, l'ACAE. Je suis également vice-président des affaires extérieures de l'association des étudiants de l'Université de l'Alberta. Je suis en quatrième année du baccalauréat en sciences, je fais une majeure en biologie et une mineure en psychologie. Je suis accompagné aujourd'hui de notre directeur général intérimaire, Jared Maltais, qui m'aidera à répondre à vos questions importantes.
L'ACAE est un organisme national de défense non partisan et sans but lucratif qui représente les étudiants des collèges, des écoles polytechniques et des universités d'un océan à l'autre. Si l’on tient compte de son partenariat avec l’Union étudiante du Québec, l’ACAE représente un total de 365 000 étudiants à l’échelle du pays et est une voix nationale pour les étudiants de niveau postsecondaire.
Je tiens à remercier le Comité de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui sur ce thème particulièrement important, déterminant pour l'avenir de l'enseignement postsecondaire canadien et pour l'économie canadienne en général. Comme vous le savez, les étudiants étrangers constituent un groupe essentiel parmi la communauté étudiante postsecondaire au Canada. Ils enrichissent l'expérience éducative sur les campus et créent une tribune internationale propice au partage d'idées, de compétences, de recherches et de bourses d'études.
Les étudiants étrangers contribuent aussi beaucoup aux économies régionales. En dépit des frais de scolarité beaucoup plus élevés qui leur sont imposés, le nombre d'étudiants internationaux au Canada augmente plus vite que le nombre d'étudiants canadiens. En 2019, 827 000 étudiants étrangers étudiaient au Canada, ce qui générait près de 170 000 emplois au Canada et une valeur de 21,6 milliards de dollars au titre du PIB. Outre leur apport à l'économie canadienne, les étudiants internationaux qui décident de rester au Canada après leurs études sont essentiels pour remédier à la perpétuelle pénurie de travailleurs qualifiés qui s'observe partout au pays. Ce problème n'ira qu'en grandissant au fur et à mesure que les baby-boomers prendront leur retraite et qu'un nombre croissant d'emplois qualifiés resteront vacants en raison de la diminution du bassin de main-d'œuvre au Canada.
Il est donc important que le gouvernement du Canada se dote d'une stratégie claire de recrutement et de maintien en poste pour remédier à la perpétuelle pénurie de main-d'œuvre canadienne qualifiée. Selon une enquête réalisée en 2018, 60 % des étudiants étrangers affirment prévoir rester et travailler au Canada après l'obtention de leur diplôme. Pour le recrutement, il importe de souligner que le système d'enseignement postsecondaire du Canada se frotte à une concurrence internationale de plus en plus forte pour les talents. Un avantage à souligner est le caractère officiellement bilingue du Canada et notre aptitude à offrir une éducation de grande qualité aux étudiants internationaux francophones du monde entier. Il s'agit d'une occasion unique pour le Canada.
Le Québec est la principale destination de bon nombre des étudiants internationaux francophones, mais il existe d'autres établissements francophones ailleurs au pays. Au Campus Saint-Jean, en Alberta, d'où je vous parle, nous ressentons également les effets de ces disparités dans le traitement des demandes. Pour accroître le recrutement et la rétention des étudiants internationaux francophones, il faudra apporter des changements fondamentaux au processus canadien de délivrance de permis d'études et d'immigration.
Comme l'a entendu le Comité à la fin de 2020, un nombre disproportionné de demandes de permis d'études des étudiants internationaux francophones africains sont refusées, en comparaison avec les demandes en provenance de pays non africains. Une réévaluation des ressources d'IRCC sera nécessaire pour rééquilibrer le système afin de servir les étudiants internationaux qui cherchent à étudier dans l'une ou l'autre des langues officielles du Canada.
Cela dit, les étudiants internationaux des deux langues officielles sont confrontés à de nombreux autres obstacles lorsqu'ils demandent un permis d'études. Le processus demeure extrêmement difficile à comprendre pour tout jeune adulte qui n'est pas familier avec le système d'immigration canadien. L'ACAE croit qu'IRCC doit déployer des ressources supplémentaires pour le traitement des demandes de permis d'études pendant la période de pointe et chercher à simplifier ses messages aux étudiants internationaux pour les rendre plus faciles à comprendre.
Il y a de multiples réformes que le gouvernement du Canada pourrait mettre en œuvre immédiatement pour faire du Canada une destination plus attrayante pour les étudiants internationaux des deux langues officielles. Il s'agirait, premièrement, de permettre aux étudiants internationaux de participer à un stage ou à un programme coopératif avec leur permis d'études existant. Deuxièmement, une coordination accrue pourrait contribuer à ce que tous les permis d'études soient assortis des mêmes conditions de travail et à ce que ceux qui sont autorisés à travailler puissent obtenir sans délai un numéro d'assurance sociale. Troisièmement, il conviendrait de reconnaître davantage l'expérience éducative canadienne dans le programme Entrée express. Quatrièmement, il faudrait élargir l'admissibilité à un emploi hors campus aux étudiants internationaux qui étudient à temps partiel. Enfin, la réforme du programme Emplois d'été Canada permettrait aux étudiants étrangers vivant au Canada d'occuper des emplois d'été financés par le gouvernement fédéral.
Ces recommandations sont essentielles pour faire du Canada une destination plus attrayante pour les étudiants internationaux des deux langues officielles.
Je vous remercie de votre attention et j'ai hâte de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
Tout cela est très intéressant. J'aimerais que l'on parle un peu de l'outil Chinook, que je ne connais pas.
Mardi, le Comité a entendu que le taux de rejet des demandes des étudiants de pays africains francophones est passé d'environ [difficultés techniques] depuis 2015 et se situe maintenant à 80 ou 83 %. De plus, j'apprends aujourd'hui que le logiciel Chinook a été adopté en 2018. À mon avis, il semble que le logiciel Chinook…
Je ne peux confirmer l'existence d'un lien direct, mais il semble que ce soit fort probable.
Je sais que vous avez parlé d'une évaluation de l'incidence algorithmique. Quelles données faudrait‑il obtenir d'IRCC afin de confirmer que le logiciel Chinook fait partie du problème?
Libre à vous tous de répondre.
:
Je peux bien sûr parler des statistiques, et ensuite j'expliquerai ce que nous pouvons demander, comme l'a suggéré M. Seeback.
Vous avez raison. Le taux de refus a grimpé. Je viens de désagréger les données pour l'Afrique francophone, et selon mes calculs, le taux d'approbation pour l'Afrique francophone se situait à 27 % de 2016 à 2020. Or, ce taux est d'environ 70 % pour les principaux pays sources du Canada. L'écart est beaucoup trop grand.
En ce qui a trait à ce que nous voulons savoir sur Chinook et une éventuelle reddition de comptes, malheureusement, je suis navré de vous dire que nous n'en savons pas suffisamment pour poser des questions pertinentes. Cependant, nous avons une bonne idée de ce à quoi ressemblerait une saine gouvernance de l'IA, ce qui nous servira lorsque nous commencerons à poser des questions sur Chinook.
À titre d'exemple, lors d'une conférence organisée par l'AQAADI à Montréal en novembre, M. Kurland, un autre avocat spécialisé en immigration de Vancouver, a suggéré qu'il fallait un genre de filet de sécurité, ne serait‑ce qu'au sein d'IRCC, afin d'exiger une certaine reddition de comptes du fonctionnement des algorithmes. Comment leur fonctionnement est‑il évalué?
Je vais mettre en opposition les deux logiciels que j'ai mentionnés dans ma déclaration. Le premier est Chinook, le deuxième est l'analyse avancée des données par l'intelligence artificielle, dont M. Tao pourra vous en dire plus. L'analyse avancée des données permet d'effectuer un contrôle de la qualité, alors que dans le cas de Chinook, nous l'ignorons complètement.
Nous faisons des demandes d'AIPRP depuis 60 jours et nous éprouvons beaucoup de résistance. Les délais de traitement sont prolongés d'environ 180 jours, voire même d'un an, essentiellement pour nous mettre des bâtons dans les roues. Le corollaire, c'est que nous ne pouvons pas vraiment savoir quelles sont les variables que nous recherchons.
Votre comité serait peut-être capable d'obtenir les données…
:
Merci, monsieur Seeback.
À mon avis, nous devons passer au crible le discours officiel d'IRCC, qui affirme qu'il n'est pas question d'automatiser les refus, et la politique officieuse, comme je l'ai indiqué dans mon mémoire.
Je crois qu'IRCC cherche à automatiser à l'interne les refus et tente d'éliminer le rôle des humains dans le processus. Ce qui me préoccupe, c'est que tant et aussi longtemps que nous ne pouvons pas examiner Chinook et mener des consultations indépendantes en bonne et due forme, au moyen peut-être d'une commission ou d'un ombudsman, les décisions seront programmées par l'intelligence artificielle et des algorithmes qui deviennent ensuite impénétrables, notamment lorsqu'il faut passer par les tribunaux avec les outils dont nous disposons.
Si nous n'avons pas les données, nous ne pouvons pas agir. J'appuie ce que vient de dire mon collègue, et je crois que les données doivent être divulguées.
Nul besoin de les rendre publiques. On peut le faire à huis clos dans un cadre sûr, mais elles doivent être divulguées afin que nous puissions décider comment procéder dans le cas de Chinook et du logiciel qui le remplacera.
Merci.
:
Merci à vous, madame la présidente, ainsi qu'à tous les témoins.
Je vais demander à tous les témoins de se prononcer sur trois observations exprimées dans un courriel, reçu par mon bureau, du personnel d'une université d'Ottawa chargé de recruter des étudiants internationaux.
Premièrement, le personnel a remarqué la difficulté éprouvée par les Africains ayant demandé un permis d'études au cours des trois dernières années. Il a souligné la difficulté connue par les demandeurs francophones de la République démocratique du Congo, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire et du Sénégal. Du côté des candidats anglophones, les demandeurs du Nigeria ont eu des difficultés semblables.
Deuxièmement, les auteurs du courriel se sont dits préoccupés par le fait que les demandeurs semblaient recevoir deux messages, à savoir: « le Canada a besoin d'immigrants et offre des permis de travail postdiplôme, mais n'indiquez pas que vous voulez rester au Canada après vos études. » Bon nombre d'étudiants africains ne savent pas quoi penser de ces messages.
Troisièmement, les auteurs ont indiqué que les demandeurs africains croient que les universités canadiennes ont leur mot à dire dans l'approbation ou le refus des demandes d'immigration. Selon eux, il serait utile de faire savoir que les deux processus, à savoir la demande de permis d'études et de résidence permanente, sont indépendants. Comment réagissez-vous?
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Je vais réagir à un élément de la question et permettre aux autres témoins de parler des autres aspects.
Je pense que l'intention double est certainement une grande préoccupation. Une disposition dans [difficultés techniques] sur l'intention double. Ainsi, si je désire faire un séjour temporaire au Canada et si j'ai l'intention de devenir résident permanent dans l'avenir, c'est permis, pourvu que je puisse fournir la preuve que je suis en mesure de quitter le Canada à la fin de mon séjour autorisé.
Malheureusement pour les étudiants, la voie vers la résidence permanente peut commencer cinq, six ou sept ans plus tard, ce qui fait que l'intention double n'est pas vraiment un facteur dont on tient compte dans les bureaux de visa.
Il y a ensuite les présomptions faites au sujet du pays des étudiants, des conditions économiques et des membres de la famille qui voudront suivre, ce qui fait pencher la balance vers un refus. Je crois que l'intention double doit être revue afin que la disposition soit respectée.
:
Je voulais également parler de l'intention double, car elle est reliée à de nombreux problèmes auxquels sont confrontés les étudiants africains, notamment ceux des pays francophones, qui souhaitent venir au Canada pour leurs études.
Fait intéressant, cette situation est aux antipodes des efforts déployés par le gouvernement du Canada à l'étranger pour recruter des étudiants internationaux. Tout récemment, mon stagiaire, Andrew Koltun, et moi-même avons participé virtuellement à une conférence tenue à Manille et portant sur les possibilités de venir au Canada. L'ambassadeur, Peter MacArthur, a encouragé de nombreux candidats à venir au Canada en dépensant beaucoup d'argent.
Des représentants du ministère de l'Immigration ont aussi loué la facilité du processus sans jamais évoquer la possibilité que cela puisse devenir une voie fort difficile.
La question de l'intention double, qui a été soulevée à votre dernière réunion, ne repose pas sur la présomption que les étudiants internationaux violeront les lois canadiennes, mais il me semble, à la lumière de la situation de mes clients africains, que cette présomption est plus évidente dans leur cas que dans celui des gens venant d'autres régions du monde.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie infiniment les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui. Vous savez à quel point cette étude est importante pour les étudiants étrangers, pour nos sociétés et pour nos institutions scolaires. Je suis vraiment content de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Vous savez, cette étude me tient vraiment à cœur.
Nous entendons beaucoup parler du système Chinook aujourd'hui. J'aimerais continuer la discussion à ce sujet parce que, mardi, on nous a souligné l'importance de comprendre qu'avant l'arrivée de Chinook, déjà, on voyait une différence du côté des pays francophones d'Afrique, surtout en Afrique de l'Ouest.
Est-il possible que Chinook, en automatisant une partie de la tâche des agents d'IRCC, ait cristallisé une iniquité qui était déjà existante?
J'aimerais vous entendre à ce sujet, monsieur Dangzalan.
:
Merci, monsieur Brunelle‑Duceppe. C'est une question très intéressante.
La façon dont l'intelligence artificielle fonctionne au fil du temps, c'est que nous avons les préjudices humains qui sont encadrés dans le système automatisé. Comme Me Tao l'a déjà mentionné, le problème de la façon dont IRCC procède avec ce système, c'est qu'il n'y a pas de contrepoids, il n'y a pas de poids et de contrepoids, il n'y a pas de contrôle de la qualité comme on le voit dans le déroulement et le déploiement de l'analyse avancée des données.
En effet, c'est un problème parce que nous n'avons pas de données de l'Afrique de l'Ouest et, surtout, nous n'avons pas de données sur la façon dont fonctionne le système Chinook.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, tout ce que nous avons obtenu depuis deux mois, ce sont des échanges de courriels dans la divulgation des données tirées par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Il y a donc plus de questions que de réponses en ce qui a trait au point que vous avez soulevé, monsieur Brunelle‑Duceppe.
:
Parfait, merci beaucoup.
Il y a un autre sujet que je veux aborder. Six minutes, cela passe vite.
M. Dangzalan et M. Fotang pourraient répondre à cette question. Je crois que le Québec consacre 15 millions de dollars à des bourses pour des étudiants étrangers. Je pense que cela équivaut à deux fois plus que ce que le reste du Canada consacre en bourses aux étudiants. On voit donc que le Québec croit en ces étudiants et qu'il met les ressources nécessaires pour qu'ils viennent ici. Or, en fin de compte, ces étudiants se font refuser par Ottawa.
La semaine dernière, un membre de ce comité a laissé entendre que ce serait peut-être la faute de Québec s'il y a autant de refus. Cela me semble être une déduction qui ne se fonde pas sur grand-chose.
J'aimerais que vous commentiez cela.
C'est exact, mais j'ajouterai qu'il y a aussi un manque de ressources sur le terrain dans certains pays francophones d'Afrique. Nous l'entendons de la part d'étudiants prospectifs qui cherchent à venir au Canada en présentant une demande à partir de ces pays francophones. Comme vous l'avez entendu dans les déclarations, il y a un manque de ressources. Le traitement des demandes de visas est envoyé en sous-traitance à des centres de réception situés dans divers pays, alors que ce n'est pas ce qui se fait dans d'autres régions du monde.
Quant à la proportion d'étudiants internationaux francophones, c'est surtout un problème de ressources sur le terrain et un problème de communication. On n’indique pas exactement ce que les étudiants internationaux doivent fournir à titre de preuve qu'ils sont prêts à venir au Canada et ont les moyens financiers nécessaires.
Nous revendiquons davantage de transparence et de communication quant aux preuves exactes que doivent fournir les étudiants internationaux aux centres de réception des demandes de visa et plus de ressources sur le terrain. Nous n'avons pas les connaissances techniques du logiciel Chinook que d'autres témoins semblent avoir. Nous entendons de façon anecdotique des étudiants dire que c'est un problème de manque de ressources sur le terrain.
Je vais céder la parole à un autre témoin.
À ce sujet, une des évaluations qu'IRCC fait à partir des demandes est de déterminer si les demandeurs ont des liens étroits dans leur pays d'origine. Ont-ils suffisamment de ressources financières? De quel pays viennent-ils? De quelle région viennent-ils? Et ainsi de suite. Il s'agit d'éléments déclencheurs qui entraînent, je crois, un refus au motif que le personnel d'IRCC ne croit pas qu'ils retourneront à la maison à la fin de leurs études. C'est le résultat que nous constatons, n'est‑ce pas? Le taux d'acceptation de 26 % parle de lui-même.
À ce sujet, le fait d'être étudiant et d'être rendu à cette étape de la vie peut vouloir dire qu'on n'est pas marié. Cela n'indique‑t‑il pas en soi que le système d'IRCC est empreint d'un préjugé inhérent [Difficultés techniques] vérifier?
Je m'adresse à M. Tao, puis je passerai à M. Dangzalan.
:
Je déclare la séance à nouveau ouverte. Bonjour à tous.
Nous allons écouter les témoignages de trois témoins dans ce groupe. Au nom de tous les membres du Comité, j'aimerais remercier nos témoins de comparaître devant nous.
Nous avons tout d'abord parmi nous Alain Dupuis, le directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Le deuxième témoin est Martin Normand, le directeur de la recherche stratégique et des relations internationales de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Le troisième témoin de ce groupe est Thibault Camara, le président de Le Québec c'est nous aussi.
J'aimerais faire quelques commentaires pour la gouverne de nos témoins.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole en vous nommant. Lorsque vous êtes prêts à intervenir, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour allumer votre micro.
J'aimerais vous rappeler que tous les commentaires doivent s'adresser à la présidence.
L'interprétation pour cette vidéoconférence fonctionnera pratiquement de la même façon que pour une réunion de comité ordinaire.
Lorsque vous intervenez, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous n'intervenez pas, votre microphone devrait être en sourdine.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour sa déclaration liminaire, puis nous commencerons la série de questions.
Monsieur Dupuis, vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Veuillez commencer.
:
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je vous remercie d'avoir invité la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, la FCFA, à comparaître devant le Comité aujourd'hui.
Je m'adresse à vous depuis Ottawa, soit depuis un territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
La FCFA est la voix nationale et internationale de 2,7 millions de Canadiens et de Canadiennes d’expression française vivant en situation minoritaire dans neuf provinces et trois territoires. Elle est aussi le principal maître d’œuvre du dossier de l’immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire.
Depuis 2002, l’appui au développement et à l’épanouissement de nos communautés fait partie des objectifs de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du Canada. En 2003, le gouvernement fédéral s’est donné comme cible que 4,4 % des immigrants et immigrantes admis à l'extérieur du Québec soient d’expression française et s’établissent dans nos communautés. Or le gouvernement n’a jamais réussi à atteindre cette cible. Selon le commissaire aux langues officielles, si le Canada s’était donné les outils pour le faire, il aurait pu accueillir, depuis 2008, 76 000 immigrants d’expression française à l’extérieur du Québec.
En réalité, le poids démographique de la francophonie canadienne a chuté de 4,4 %, en 2001, à moins de 3,8 %, en 2016. Si cette tendance se maintient, Statistique Canada estime que cette proportion fondra à 3,1 % d’ici 2036.
Ce constat est fait alors que la francophonie canadienne vit une grave pénurie de main-d’œuvre. Cette pénurie touche tous les secteurs. C’est ce qui rend d’autant plus frustrant le problème du refus de candidatures de francophones provenant de l’Afrique qui veulent étudier au Canada.
Il y a bien sûr un aspect humain: ces personnes investissent des efforts et des ressources considérables dans ces demandes. Pour elles, un refus est à la fois incompréhensible et amèrement décevant. Ces personnes proviennent du continent qui compte aujourd’hui 60 % des locuteurs francophones du monde, et où la francophonie est appelée à vivre une croissance fulgurante d’ici 2050. Elles ont souvent fréquenté des universités réputées, dans leur pays d’origine. Elles possèdent des compétences qui sont recherchées au Canada et dans nos communautés.
Or on leur ferme les portes. Déjà, on crée un goulot d’étranglement. Le Bureau des visas du Canada à Dakar dessert un total de 16 pays et un bassin de 276 millions de personnes. C’est l'un des ratios les plus élevés pour un bureau des visas canadien dans le monde.
Ensuite, il y a les raisons que l’on donne à ces candidats et ces candidates lorsqu’on rejette leur dossier. Essentiellement, on leur dit qu’ils n’ont pas fait la démonstration qu’ils retourneront dans leur pays d’origine après leurs études.
Cette façon de faire va carrément à l’encontre des objectifs du gouvernement en matière d’immigration francophone et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il est incompréhensible que le gouvernement ne cherche pas plutôt à retenir ces étudiants et ces étudiantes et à favoriser leur passage vers la résidence permanente, afin qu’ils puissent accroître la vitalité de la francophonie canadienne. Ces refus de visas sont le genre de petits gestes dont la somme totale contribue à éroder les communautés francophones et acadienne, au lieu de contribuer à leur épanouissement.
Cela illustre par ailleurs combien la cible de 4,4 % en matière d’immigration francophone ne fait pas suffisamment partie des priorités globales du ministère. Pour atteindre cette cible, il faut appliquer une lentille francophone avec des objectifs chiffrés à toutes les voies potentielles vers l’immigration, y compris les étudiants internationaux, les travailleurs temporaires, les réfugiés et la réunification familiale.
Aujourd'hui, nous recommandons les quatre éléments suivants.
Premièrement, nous recommandons de procéder à un examen des critères d'admissibilité des visas étudiants en utilisant une lentille francophone et géographique, afin d'identifier et de corriger les discriminations systémiques qui pourraient exister à l'endroit des étudiants africains d'expression française.
Deuxièmement, nous recommandons d’augmenter substantiellement la capacité de traitement de visas dans les pays de l'Afrique francophones, afin de faciliter le traitement des demandes.
Troisièmement, nous recommandons d’émettre, à l’ensemble des bureaux des visas canadiens, une directive rappelant les obligations du gouvernement en matière d’immigration francophone et l’objectif visant à favoriser la rétention de ces étudiants au Canada après l’obtention de leur diplôme.
Quatrièmement, nous recommandons de rendre permanente la passerelle temporaire ouverte en 2021 entre la résidence temporaire et la résidence permanente pour les personnes d'expression française qui veulent s'établir à l'extérieur du Québec.
Essentiellement, nous demandons que les mesures en place pour le traitement des visas d'études appuient les objectifs en matière d'immigration francophone du Canada au lieu de leur nuire. Nous demandons de la cohérence de la part du gouvernement du Canada.
Madame la présidente, membres du Comité, bonjour.
L'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, ou ACUFC, regroupe les 22 établissements d'enseignement postsecondaire francophones ou bilingues situés dans huit provinces. Nos activités internationales se déploient en trois temps: le positionnement marketing, l'appui au recrutement d'une clientèle internationale et le démarchage auprès des institutions fédérales ayant des mandats internationaux pour faire connaître la réalité de notre réseau d'établissements.
Dans une déclaration, le 1er décembre dernier, nous avons indiqué que les établissements membres de l'ACUFC composaient avec les mêmes difficultés que les établissements québécois pour faire admettre au Canada des étudiants étrangers francophones pour lesquels des offres d'admission ont été confirmées. Qui plus est, cette situation est documentée au sein de notre réseau depuis longtemps. Par exemple, certains établissements ont commencé, après 2006, à recevoir un appui financier du gouvernement fédéral pour faire du recrutement international. Toutefois, ils ont rapidement été confrontés au problème dont on discute aujourd'hui. Beaucoup d'étudiants qu'ils recrutaient durant ces activités et à qui ils faisaient des offres d'admission se voyaient refuser leur permis d'études.
Les établissements ne savent pas toujours les raisons pour lesquelles leurs offres d'admission ne se concrétisent pas en inscriptions, à moins que les personnes refusées ne les leur fassent savoir, ce qu'elles ne font pas toutes, naturellement. D'autres pistes devront être explorées pour colliger ces données, mais le portrait partiel que nous commençons à brosser est éloquent.
Je vais vous donner l'exemple des programmes de premier cycle universitaire des cinq dernières années d'un de nos établissements. De toutes les candidatures pour lesquelles une offre d'admission a été faite, 77 % des candidatures de pays africains ne se sont pas concrétisées en inscriptions, alors que cette proportion tombe à 39 % dans le cas des étudiants d'autres pays. Bref, les candidatures africaines ne se concrétisent pas en inscriptions deux fois plus souvent que celles des étudiants d'autres pays. Si le taux de conversion des offres en inscriptions est si bas pour les candidatures de pays africains, c'est dans une forte proportion parce que les permis d'études ont été refusés.
L'un des points contentieux dans l'évaluation des dossiers est celui sur la possibilité de rester au Canada à la fin des études. Nous sommes encouragés, autant nous que nos établissements, par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, à faire la promotion de la possibilité de faire une demande d'accès à la résidence permanente à la fin des études, notamment pour combler des besoins ciblés en main-d'œuvre, mais aussi pour appuyer les efforts gouvernementaux visant à atteindre la cible fixée en matière d'immigration francophone.
Or, fréquemment, la raison utilisée pour rejeter des demandes de permis d'études est que la personne qui a fait la demande n'arrive pas à convaincre, par son dossier, qu'elle a l'intention de quitter le Canada à la fin de sa période de séjour. Vous comprendrez que l'utilisation répétée de cette raison pour refuser un permis d'études n'est pas du tout cohérente avec le message qu'on nous demande de véhiculer à l'étranger.
Toutefois, un autre élément propre à notre réseau d'établissements doit être ajouté à cette situation: sa méconnaissance dans l'appareil public. Des établissements nous ont rapporté que des demandes avaient déjà été refusées parce que l'agent évaluant le dossier ne considérait pas que le fait de vouloir étudier en français à l'extérieur du Québec constituait un parcours légitime. Il s'agit là d'un désavantage substantiel qui peut avoir des conséquences importantes pour nos établissements.
Cette situation peut engendrer des risques touchant la réputation. D'une part, nos établissements membres mettent leur propre réputation en jeu quand ils font du recrutement à l'international, mais qu'à répétition, les personnes qui s'engagent dans le processus et qui reçoivent des offres d'admission se voient refuser l'entrée au pays. D'autre part, beaucoup d'activités de recrutement international se font sous l'égide de la marque ÉduCanada, qui relève d'Affaires mondiales Canada. Cette marque court aussi des risques touchant la réputation quand des personnes qui la voient comme un gage de confiance sont déçues et doivent revoir leur plan d'études.
Nos analyses démontrent qu'en dépit des politiques gouvernementales et d'interpellation de longue date, les candidats francophones souhaitant étudier en français au Canada et les établissements postsecondaires en contexte francophone minoritaire [difficultés techniques]. Seule une intervention politique et administrative réglera ce problème.
C'est pourquoi nous recommandons que, de concert avec Affaires mondiales Canada, IRCC et d'autres ministères concernés par la question, le Bureau du Conseil privé voie à la mise en place d'une approche cohérente et systémique afin d'assurer l'égalité réelle dans le traitement par le gouvernement canadien des demandes d'étudiants internationaux voulant étudier en français dans les établissements postsecondaires en contexte francophone minoritaire.
Si le Comité le souhaite, nous nous ferons un plaisir de vous présenter certaines des pistes à considérer pour définir cette approche.
Je vous remercie.
:
Bonjour, madame la présidente. Je vous parle de Montréal, située sur le territoire traditionnel non cédé de la nation Kanien'kehá:ka.
Je tiens à remercier les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de nous donner l'occasion de leur présenter les recommandations de notre organisation, Le Québec c'est nous aussi. Nous sommes un organisme à but non lucratif qui œuvre pour la défense des droits et des conditions de vie des personnes immigrantes au Québec en portant de manière non partisane les voix de nos communautés, en valorisant l'immigration dans la société québécoise et en créant les conditions pour bâtir un Québec diversifié et inclusif.
Aujourd'hui, si je prends la parole, c'est au nom de dizaines de milliers de personnes qui vivent des injustices, des délais déraisonnables et des décisions arbitraires d'un ministère qui ne semble plus avoir les moyens de ses ambitions. Ma voix est sûrement plus forte et émotive, car nous vivons ces drames au plus proche des membres de notre communauté, et je veux tant bien que mal décrire leur détresse.
Aujourd'hui, on parle du taux extrêmement élevé de refus de permis d'étude pour des étudiants francophones de certains pays d'Afrique. Dans un premier temps, je veux m'attarder sur le principe sous-jacent de ce refus, c'est-à-dire le fait que le Canada ne croit pas que ces étudiants vont quitter le pays après leurs études. Ainsi, l'agent applique à la lettre la disposition 179b) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Pourtant, le Canada fait tout en son pouvoir pour que les étudiants internationaux demeurent ici après avoir obtenu leur diplôme, par exemple à l'aide d'outils spécifiquement conçus pour favoriser la rétention des étudiants internationaux, comme des permis post-diplôme et des programmes comme...
:
Il est clair que la notion de double intention accorde un pouvoir discrétionnaire disproportionné aux agents d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, laissant place à l'expression de biais discriminatoires, car ce règlement ne s'applique qu'à une partie des étudiants, en général ceux qui ont besoin d'un visa. C'est d'ailleurs un problème qu'on retrouve aussi dans le traitement des dossiers de parrainage des époux, touchant toujours les mêmes personnes.
Dans un second temps, je souhaite alerter le Comité sur le manque de transparence et le caractère arbitraire des décisions prises par les agents d'IRCC. En effet, il est impossible de savoir de façon précise comment les décisions sur les permis d'études sont prises, et certaines décisions de la Cour fédérale montrent que ces décisions ne sont parfois pas justifiées.
L'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration montre que, sur 25 refus de visas d'études émanant du bureau d'Accra, au Ghana, qui ont fait l'objet de contestation devant la Cour fédérale, la Cour en a accueilli 23. Cela veut donc dire que la presque totalité des demandes qui s'étaient vu refusées auraient dû, en fait, être acceptées. Ce n'est qu'un échantillon du problème majeur auquel nous faisons face aujourd'hui. Chaque dossier refusé ne devrait pas devoir aller à la Cour fédérale pour ce qui devrait être une simple demande de permis d'études.
Les préoccupations liées à la transparence ne s'arrêtent pas là. Le système d'intelligence Chinook, mis en place pour accélérer le traitement des demandes, semble renforcer, à l'abri de tout soupçon, des biais discriminatoires. L'utilisation de cet outil ne semble pas avoir fait l'objet de consultations et, s'il augmente le rythme de traitement des dossiers, il semblerait qu'il mène à davantage de refus, sans besoin de justifier son fonctionnement.
Un rapport des employés sur l'antiracisme montrait que des personnes employées par IRCC étaient préoccupées par le fait que certaines manifestations de racisme, même subtiles, pouvaient avoir une incidence sur le traitement des cas d'immigration. Le taux de refus qui diffère d'un pays à l'autre y a même été donné à titre d'exemple. Nous avons donc ici la preuve que des biais racistes ont des incidences sur le traitement des dossiers et que des discriminations selon le pays de résidence existent à IRCC.
Aujourd'hui, nous arrivons devant vous avec des préoccupations très importantes, mais nous apportons des solutions pragmatiques et structurelles.
À court terme, nous recommandons un arrêt immédiat de l'utilisation du logiciel Chinook, une publication claire et explicite des directives données aux agents d'IRCC, et la mise en place d'un mécanisme de remboursement des frais de scolarité encourus pour les personnes dont les permis d'études ont été refusés.
À moyen terme, nous recommandons une augmentation substantielle du budget accordé à IRCC chaque année. IRCC a besoin de plus de moyens pour atteindre ses propres cibles de traitement, mais également pour le faire avec humanité et décence, pour les agents et les personnes candidates.
Enfin, pour conclure, nous recommandons le dépôt d'un projet de loi créant un poste d'ombudsman d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Plus de clarté et de transparence ne peuvent que servir à la fois au Canada [difficultés techniques] déjà contacté l'honorable ministre de l'Immigration ainsi que sa secrétaire parlementaire...
:
Je vous remercie de votre question.
Désormais, nous reconnaissons que le manque de ressources amène possiblement les agents à traiter les dossiers le plus rapidement possible, et ce, avec le moins de délicatesse et d'humanité possible.
Ce n'est donc pas qu'il existe des comportements racistes, mais on revient sans doute malheureusement avec des partis pris discriminatoires parce qu'on veut faire les choses rapidement et qu'on ne prend pas le temps de bien les faire.
Notre recommandation est claire: il doit y avoir un investissement massif pour permettre un meilleur traitement des demandes, avec humanité, mais aussi pour permettre aux agentes et aux agents d'IRCC de prendre le temps de traiter les dossiers avec célérité et humanité, car ils en ont besoin aussi.
:
Je vous remercie de votre question, qui porte sur l'outil Chinook.
La situation actuelle est un peu complexe en raison de la rentrée parlementaire, mais nous avons remis un mémoire à tous les membres, et chacun pourra le lire. Je reste entièrement disponible pour répondre à d'autres questions à ce sujet.
Certains exemples démontrent que l'outil Chinook, qui est utilisé depuis 2018, manque de transparence. Un article révélait que, depuis le début, l'outil Chinook, qui a été créé sans surveillance légale, ne conserve pas les notes au sujet des décisions des agents d'immigration et n'oblige pas ces derniers à ouvrir les preuves présentées par les candidats pour le séjour temporaire.
Notre recommandation est claire. Il s'agit de l'arrêt immédiat de l'utilisation du système Chinook afin de prendre le temps de comprendre les algorithmes sur lesquels on s'est basé pour créer l'intelligence artificielle et faire les sélections. Une fois que l'absence de partis pris aura été prouvée, on pourra utiliser Chinook de nouveau.
Nous collons cette recommandation à une deuxième, que nous, les personnes immigrantes, demandons depuis des années à IRCC. Nous voulons la publication claire de toutes les règles et tous les règlements sur lesquels se fondent les décisions des agents, lesquels prennent des décisions arbitraires et manquent extrêmement de transparence.
:
Je vous remercie de votre question.
Effectivement, nous avons une recommandation à faire et je vais me permettre d'insister sur celle-ci, sachant qu'elle a déjà été faite au Comité. Il s'agit de la création d'un poste d'ombudsman d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Nous recommandons cela afin qu'il y ait plus de clarté et de transparence. Cela peut servir à la fois le Canada et les personnes qui souhaitent s'y installer temporairement ou de façon permanente.
Le projet de loi existe, des demandes de rencontres ont été faites et nous serons heureux de collaborer avec le et la .
La création d'un poste d'ombudsman permettrait effectivement de faire des prévisions, de revoir les décisions et de prendre des décisions sans judiciariser quoi que ce soit. On gagnerait du temps et de l'argent. On réduirait les répercussions sur les bureaux de circonscription de l'ensemble des députés du Canada. Cela permettrait d'analyser les problèmes systémiques et de faire des rapports sur celles-ci. On pourrait ainsi analyser ce qui se passe.
Cela assurerait une transparence envers tout le public et, de surcroît, cela répondrait à une des recommandations du rapport déposé par le Comité en mai 2021, dans lequel on demandait déjà la création d'un poste d'ombudsman.
:
Merci, madame la présidente.
[Français]
Je vais commencer par remercier les témoins d'être ici et de nous présenter leurs recherches.
Je poserai d'abord une question à M. Dupuis.
Vous avez parlé des données sur l'immigration francophone. S'il n'y a pas de mesure concrète, ces chiffres vont continuer de diminuer d'ici 2036. Est-ce bien le cas?
Monsieur Dupuis, selon vous, de quelle façon les taux de refus de demandes d'immigration d'étudiants francophones africains affecteront-ils ce déclin? Quel est le chiffre que nous devons atteindre afin de nous assurer de mettre fin à ce déclin?
:
La cible relative à l'immigration francophone, qui est de 4,4 %, a été établie en 2003. C'était équivalent ou presque au poids démographique de la francophonie figurant dans le recensement de 2001.
Fixer la cible à 4,4 % a été une erreur. En effet, le rapport du commissaire aux langues officielles de l'automne dernier démontre que, pour maintenir le poids démographique à 4,4 %, il aurait fallu une cible beaucoup plus élevée, simplement pour maintenir la population francophone hors Québec.
Selon moi, cela démontre à quel point il importe de revoir cette cible à la hausse. Il va falloir établir une cible à des fins de rattrapage. Comme l'a mentionné le commissaire, le fait de ne pas avoir atteint la cible en 2008, ce qui était l'objectif premier, a causé un déficit de 76 000 personnes dans nos communautés. C'est l'équivalent de toute la population francophone que compte la Colombie‑Britannique à l'heure actuelle. C'est [difficultés techniques] française, très vibrante, que nous n'avons pas pu accueillir au cours des 20 dernières années.
Il est clair que ces objectifs doivent aussi s'appliquer aux étudiants internationaux. C'est cette situation que nous dénonçons aujourd'hui. C'est comme si on faisait fi des objectifs en matière d'immigration francophone lorsqu'on analyse les demandes de visas. Le critère qui contribue souvent à un refus est l'obligation pour le demandeur de prouver qu'il va retourner dans son pays. Pourtant, nous souhaiterions que ces nouveaux diplômés restent au Canada, contribuent à la vitalité de nos communautés et trouvent un emploi dans des domaines où il y a une pénurie de main-d'œuvre.
Nous voudrions que les politiques liées au traitement des visas cadrent avec nos objectifs en matière d'immigration francophone. Souhaitons que cela se concrétise. La recommandation à ce sujet est qu'IRCC fasse un examen formel des critères d'admissibilité et détermine s'il faut changer le critère exigeant le retour au pays des demandeurs. Cela ne correspond aucunement aux objectifs du Canada en matière de langues officielles.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie M. Camara et tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour cette étude très importante, qui me tient infiniment à cœur. J'ai écouté les trois témoins.
Monsieur Camara, j'ai beaucoup aimé votre exposé, en particulier le fait que vous proposez des recommandations claires, nettes et précises au Comité. D'ailleurs, certaines se retrouveront sûrement dans le rapport final du Comité.
Quand le gouvernement fédéral travaille à contre-courant de l'intention du Québec, laquelle est d'accueillir potentiellement à long terme des étudiants étrangers francophones, comme M. Feze, qui a vu sa demande être refusée et qui a dû en subir les conséquences dramatiques la semaine passée, je trouve cela choquant. Il me semble que la compétence partagée en immigration devrait signifier que le fédéral et le provincial travaillent main dans la main.
J'aimerais vous entendre à ce sujet.
:
Monsieur le député, je vous remercie de votre question.
Vous le savez, beaucoup d'étudiants africains francophones obtiennent parfois des bourses du gouvernement du Québec. En plus d'obtenir une bourse de financement, ils bénéficient de la gratuité des frais de scolarité ou encore paient les mêmes frais que ceux payés par les Québécois. Ce sont donc des bourses d'excellences qui sont accordées à ces étudiants.
Or on se rend compte que, malgré l'obtention de ces bourses dans le système québécois, le gouvernement du Canada refuse parfois le permis d'études à ces personnes pour des raisons financières.
Nous nous posons deux questions. Premièrement, alors que le Québec vérifie la situation financière du demandeur et l'accepte, pourquoi IRCC, donc le Canada, refuse-t-il le permis pour des raisons financières, alors que la demande avait été acceptée pour des raisons financières? C'est un des premiers déclics. Deuxièmement, pourquoi les étudiants qui sont sélectionnés par des établissements désignés au Québec se font-ils parfois refuser le permis par le Canada, alors qu'ils ont des bourses?
Cela démontre, à nos yeux, un manque de cohérence entre les critères de sélection du Québec et ceux du Canada. Si les critères de refus des permis d'études étaient liés à des vérifications de casiers judiciaires et ainsi de suite, cela serait normal. Par ailleurs, lorsque ces refus sont liés à la croyance de l'agent selon laquelle l'étudiant ne repartira pas dans son pays, alors même que le Québec et toutes les provinces du Canada mettent en place des stratégies pour les garder, cela est vraiment dérangeant.
Nous proposons donc une recommandation claire, nette et précise: un dialogue accru entre les gouvernements du Québec et du Canada accompagné d'un respect rigoureux des responsabilités prévues dans l'Accord Canada-Québec de 1991 pour chacune des parties, en soulignant la sélection qui est effectuée par le Québec.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins pour leurs exposés.
Mes questions s'adressent à M. Camara.
Vous recommandez au gouvernement de suspendre l'utilisation de Chinook. On a entendu dire que le système d'intelligence artificielle avait peut-être certains biais intégrés, qui seraient notamment déclenchés par certains mots à risque [difficultés techniques] donnant lieu au rejet de la majorité des demandes.
Selon vous, est‑ce que le gouvernement doit tenir des séances de consultation exhaustives avec les intervenants en ce qui a trait aux systèmes d'intelligence artificielle qu'il possède? Est‑ce qu'il faudrait procéder à une évaluation indépendante de ces outils?
:
Je vous remercie, madame la députée.
En effet, nous recommandons d'assurer un suivi strict et rigoureux du paragraphe 22(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, dans lequel on peut lire que l'intention de s'établir au Canada n'empêche pas l'étranger de devenir résident temporaire. Le problème, c'est que l'alinéa 179b) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés accorde un pouvoir discrétionnaire disproportionné aux agents d'immigration, qui s'en servent pour discriminer une certaine partie de la population, notamment des étudiants francophones africains, et pour en laisser passer une autre partie. C'est vraiment délétère.
Il faut se [difficultés techniques] aujourd'hui qu'on mette tous les programmes de rétention des étudiants internationaux et que, en contrepartie, on discrimine ces étudiants internationaux parce qu'ils vont peut-être vouloir rester au Canada après leurs études.
Vous avez donc totalement raison.
:
Durant la pandémie, il y a eu un important changement de cap. En fait, IRCC a demandé aux étudiants de payer les frais de scolarité à l'avance, et ce, même s'ils n'avaient pas encore obtenu leur permis d'étude. C'est ce qu'ont fait des milliers d'étudiants internationaux. En parallèle, IRCC continuait le traitement des demandes de permis d'étude.
Le problème, c'est que plusieurs personnes se sont vu refuser le permis d'études. Certaines personnes avaient déjà payé 16 000 $, par exemple, pour une année d'études, mais elles se sont vu refuser leur permis d'étude au mois d'octobre ou de novembre, soit une fois la rentrée universitaire entamée.
IRCC a créé cette règle et a forcé les demandeurs à payer à l'avance, mais il n'a pas proposé de remboursement aux étudiants qui se sont vu refuser leur permis d'études. Des milliers d'étudiants qui ont payé une certaine somme en attente d'une réponse positive ont reçu une réponse négative, et ils n'ont jamais été remboursés.
Nous recommandons que IRCC mette en place, le plus rapidement possible, un mécanisme de remboursement pour toutes les personnes ayant engagé des frais de scolarité, à la demande d'IRCC, avant de se voir refuser leur permis d'études. Il s'agit d'une demande importante pour l'ensemble des étudiants internationaux. De plus, cela porte atteinte à la réputation du Canada à l'étranger.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
C'est vraiment un plaisir de vous revoir. Je vous souhaite une bonne année.
Je ne dispose que de quatre minutes. Je m'adresserai d'abord à M. Normand.
Monsieur Normand, vous avez parlé de pistes à considérer. J'aimerais que vous nous en disiez davantage. De plus, sachant que le Canada est de plus en plus populaire comme destination pour les étudiants étrangers, ce qui est une bonne chose, j'aimerais connaître vos suggestions afin d'améliorer l'efficacité du processus et de diminuer ce taux de refus dont nous discutons abondamment aujourd'hui.
:
Je suggérerais tout d'abord qu'IRCC veille à ce qu'il y ait une cohérence entre les messages que les équipes de promotion lui demandent de véhiculer à l'étranger et les raisons utilisées pour refuser des permis d'études.
IRCC nous demande d'ajouter à nos présentations à l'étranger la possibilité de faire une demande de résidence permanente à la fin des études, à la fois pour les besoins de main-d'œuvre, mais aussi dans l'objectif d'atteindre [difficultés techniques].
Nous faisons cet effort, et nos établissements le font aussi. Cependant, nos établissements reconnaissent également qu'ils investissent des efforts dans plusieurs pays où les taux de refus sont faramineux.
Devant la rareté des ressources dans les établissements membres des communautés francophones en situation minoritaire, [difficultés techniques] cesser de faire de la promotion dans certains pays, parce qu'ils savent que le retour sur l'investissement sera beaucoup trop faible. Il ne vaut donc plus la peine de s'investir dans certains pays si tout le temps qu'on y consacre...
Il y a donc une incohérence entre les motifs de refus et les messages que les équipes de promotion nous invitent à véhiculer à l'étranger.
Comme on a commencé à en parler un peu plus tôt avec M. Brunelle-Duceppe, il s'agit aussi de mieux faire connaître le réseau d'établissements au sein de l'appareil public fédéral, afin qu'il n'y ait pas d'autres occasions où on juge non crédible une demande qui fait état d'un parcours d'études dans un de nos établissements. En soi, structurellement, cela nuit à la possibilité pour nos établissements de faire du recrutement à l'étranger. [Difficultés techniques] accompagner ces étudiants dans un processus de transition vers la résidence permanente.
Selon une étude qu'on a menée il y a deux ans, 90 % des étudiants étrangers qui étudient dans les institutions de la francophonie canadienne souhaitent demeurer au Canada à la fin de leurs études. C'est donc un bassin très important de candidats potentiels à la résidence permanente.
:
Effectivement, il y a un problème. Les taux de refus sont majeurs pour les établissements postsecondaires de la francophonie canadienne.
En terminant, j'ai deux recommandations à formuler.
Premièrement, il faut étudier la possibilité de suspendre cette obligation de prouver que les candidats retourneront dans leur pays. Cela nuit à l'atteinte des objectifs d'immigration francophone au Canada.
Deuxièmement, il faut favoriser une collaboration et un meilleur échange d'information entre les établissements postsecondaires et les bureaux des visas du Canada. On a vu des projets pilotes dans certains de nos collèges communautaires qui ont permis de confirmer, avec l'appui de l'établissement, que les étudiants avaient les fonds nécessaires pour étudier au Canada. Il y a même eu un programme où on transférait des fonds par l'entremise de l'université le temps que la demande de visa de l'étudiant soit confirmée. Cela a aidé à prouver la capacité financière de l'étudiant. De plus, l'établissement fournissait toutes les informations requises aux bureaux des visas à Dakar et à Rabat pour s'assurer que les informations précises associées aux dossiers étaient disponibles.
:
Merci, madame la présidente.
J'abonde dans le même sens que M. Seeback. J'ai constaté — et non seulement pour la présente réunion, mais aussi pour la précédente — que nous recevions la documentation après le début de la réunion. Comme j'y participe par Zoom, je dois utiliser plusieurs ordinateurs et vérifier quels documents nous sont transmis. Il serait très important d'envoyer ces documents aux membres du Comité au moins une journée à l'avance, de sorte que nous puissions les lire et être bien informés, pour poser de bonnes questions et tirer le meilleur parti du temps que nous avons avec les témoins.
J'aimerais souligner un autre point, madame la présidente. D'après les témoignages de nos deux groupes d'experts, il apparaît évident que le système Chinook et son utilisation présentent des problèmes généralisés en ce qui a trait aux taux de refus. Il serait très utile, pour les membres du Comité, d'obtenir des données afin de procéder à une évaluation en ce sens.
J'aimerais, par votre entremise, madame la présidente, demander au ministère de nous transmettre ces données. Depuis le lancement de Chinook, combien de demandes ont été évaluées pour chaque volet? Combien de ces demandes ont été rejetées, selon chaque pays?
J'aimerais aussi connaître les mots ou les phrases à risque dans les demandes qui soulèvent un drapeau rouge, pour chaque volet également.
Je crois que ces renseignements nous seraient très utiles, madame la présidente.