FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 23 avril 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): J'ouvre la séance et je souhaite à tous la bienvenue. L'ordre de renvoi est le projet de loi C-36 qui est, comme vous le savez, une loi de mise en oeuvre de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 24 février 1998.
Nous accueillons ce matin les témoins suivants: Mme Maria Conti, de Kids First; le Dr Mark Genuis, de la National Foundation for Family Research; et M. Mike Farrell, directeur exécutif par intérim, Organisation nationale anti-pauvreté.
Vous avez tous déjà témoigné devant un comité parlementaire, je suppose. Ce n'est pas votre cas madame Conti?
Essentiellement, vous disposez de cinq à dix minutes pour votre exposé, après quoi il y a une période de questions et de réponses. Nous allons commencer avec la représentante de Kids First.
Mme Maria Conti (représentante de l'Ontario, Kids First): Il y a quelques semaines, la comédienne Mary Walsh a présenté à l'émission humoristique de la CBC This Hours Has 22 Minutes un pastiche hilarant de la façon dont le budget fédéral récent touche les familles dont un parent reste à domicile. La situation est devenue tellement outrageante que les Canadiens rient maintenant du traitement réservé à 35 p. 100 des Canadiens. Tout cela n'a rien d'amusant.
Dans sa couverture des réactions au budget, l'émission de la CBC The National a mis l'accent sur la famille comptant un seul soutien. Depuis novembre, le Globe and Mail aborde le problème ouvertement. Dans l'édition du 27 mars, Canadian Business, fait état de la discrimination flagrante contre ces familles dans un bref article de Mme Donna Green. Un étudiant de niveau collégial au Southern Alberta Institute of Technology à Calgary a fait de même quand le ministre des Finances, l'honorable Paul Martin, a visité sa région quelques jours après le dépôt du budget au Parlement.
• 0905
Les parents qui demeurent à la maison n'ont pas la chance de
rencontrer le ministre, bien entendu, ce qui explique pourquoi, à
titre de représentante de Kids First, je témoigne devant votre
comité. Depuis le milieu des années 70, une succession de
gouvernements fédéraux ont mis en oeuvre des stratégies fiscales
qui font en sorte qu'une famille comptant un seul soutien paie
davantage d'impôts qu'une autre où les deux conjoints travaillent,
et cela pour un même revenu familial. Il ne s'agit pas de montants
insignifiants, mais bien de milliers de dollars par famille par
année. Cela peut suffire à déterminer si les enfants iront à la
prématernelle, s'ils iront dans un camp d'été.
L'augmentation de 40 p. 100 de la déduction pour frais de garde d'enfants, c'est-à-dire de 5 000 $ à 7 000 $, par enfant de moins de sept ans et de 33 p. 100, soit de 3 000 $ à 4 000 $, pour les enfants âgés de sept à 16 ans est incroyable, surtout que cette déduction est inversement proportionnelle aux besoins et qu'elle peut être utilisée pour diverses activités allant du camp de hockey à la prématernelle. Dans le dernier budget, l'âge limite a été porté de 12 à 16 ans malgré le fait que les enfants de plus de 12 ans ont rarement besoin d'être gardés. Cette déduction a plus à voir avec le subventionnement d'activités parascolaires d'enfants riches que toute autre chose. Les familles dont un des conjoints reste à domicile doivent payer eux-mêmes pour ces luxes. Ils n'ont droit à aucune déduction.
Bien que le gouvernement prétende aider les familles qui ont des enfants, on constate l'application manifeste de deux poids, deux mesures. D'une part, la prestation fiscale pour enfants représente une petite partie des frais mensuels réels encourus pour élever ses enfants, et elle est versée uniquement si le revenu de la famille se situe sous certains niveaux. D'autre part, une déduction d'impôt précieuse est disponible, peu importe le revenu, pour les frais de garde de l'enfant, pourvu que la personne qui fournit les soins à l'enfant ne soit pas le parent.
Le fait que la déduction pour frais de garde d'enfants serve à réduire le revenu imposable est un autre aspect qui souligne cette injustice. Nous savons tous que le revenu imposable sert à déterminer l'admissibilité de la prestation fiscale pour enfants et aussi l'ampleur de la surtaxe abrogée dans le nouveau budget. Par conséquent, la famille qui se prévaut de la déduction paiera moins d'impôt et touchera une prestation fiscale pour enfants plus importante que plusieurs familles qui s'occupent de leurs propres enfants. De plus, la surtaxe de ces familles sera totalement ou partiellement éliminée.
Kids First est extrêmement troublé dans le message que le nouveau crédit d'impôt pour la garde d'enfants envoie à la société canadienne. Tout cela ressemble beaucoup à la motion du député libéral Paul Szabo adoptée dans le cadre de la dernière législature et qui prévoyait cette mesure, sauf que M. Szabo a eu la décence de reconnaître la contribution inestimable des familles à notre société quand l'un des parents reste à la maison pour s'occuper des enfants d'âge préscolaire. Le député avait inclus ce groupe dans sa motion. Le ministre des Finances l'a retirée de son projet de budget tout en laissant intactes les autres groupes mentionnés par M. Szabo.
Mme Hedy Fry, ministre responsable du Statut de la femme, a reconnu les répercussions politiques des données sur le travail non rémunéré publiées par Statistique Canada, le 17 mars. La garde d'enfants représente une partie importante de ce travail non rémunéré. Le crédit d'impôt pour la garde d'enfants indique clairement que le gouvernement libéral est disposé à reconnaître la valeur de certains types seulement de travail rémunéré. Les soins à un parent plus âgé sont importants. Les soins que l'on donne à un membre de la famille qui est invalide ou infirme, sont importants. Manifestement, les soins que l'on donne aux enfants qui ne sont pas handicapés ne sont importants que s'ils sont dispensés par quelqu'un qui est payé pour le faire, c'est-à-dire une personne autre que le parent de l'enfant.
Bien que l'effort visant à augmenter de 500 $ l'exemption personnelle et le crédit de conjoint soit noble, il indique toujours que les personnes sont importantes en fonction de leur contribution à l'économie du marché et non de leur contribution pour leurs enfants et à leurs familles. Malgré les prétentions du ministre Martin concernant les bénéficiaires du crédit d'impôt, le dernier budget est très éloquent. La personne qui est l'unique soutien d'une famille de quatre personnes et dont le revenu est de 50 000 $ aura droit au maximum de 238 $ en économie d'impôt. Dès que le revenu de cette personne atteint 65 000 $, ce montant est réduit à 29 $. Pourtant, une famille de quatre personnes comptant deux salariés réalisera une économie de 198 $ pour un revenu combiné de 100 000 $ et économisera 305 $ si le revenu se situe à 75 000 $. Est-ce là la façon d'aider les personnes qui sont vraiment dans le besoin?
En toute déférence, il est évident pour les parents qui restent à la maison que le dernier budget du gouvernement n'est pas du tout conçu pour corriger une injustice fiscale et qu'il vise plutôt à maintenir la discrimination à l'égard des parents qui restent à la maison. Dans ces circonstances, il n'est guère surprenant que cette mesure soit en contradiction directe des efforts de Santé Canada pour promouvoir le rôle parental positif et l'allaitement maternel et fasse abstraction des recommandations du Comité permanent de la santé soumises en avril 1997. Toutefois, ces politiques fiscales feront en sorte qu'il sera de plus en plus difficile pour une famille ayant de jeunes enfants de laisser un parent à la maison, et cela nous préoccupe grandement.
Les sondages d'opinion montrent que les parents font de grands sacrifices pour être avec leurs enfants dans les années de formation, et les études montrent que c'est exactement ce qu'ils devraient faire.
• 0910
Le Canada est devenu un pays qui s'efforce d'augmenter le
revenu des riches familles à double revenu aux dépens de celles qui
peuvent le moins se le permettre, c'est-à-dire les familles dont un
des parents reste à la maison pour s'occuper, gratuitement, de
leurs propres enfants.
Le gouvernement canadien indique clairement dans son budget qu'il est acceptable d'exercer une discrimination à l'endroit de ces familles. Après tout, comme Kids First l'a appris en contestant la Loi de l'impôt sur le revenu en 1993, on ne peut distinguer ces familles par la race, la religion ou l'origine ethnique. Par conséquent, comme elles ne sont pas protégées en vertu de la Charte des droits et libertés, il est tout à fait légal de les traiter de cette manière, une attitude inimaginable à l'endroit de toute minorité identifiable.
Kids First Parent Association met le gouvernement fédéral au défi de viser l'équité, de traiter les familles également, sans égard aux choix faits concernant la garde des enfants. De toute évidence, les personnes qui sont prêtes à faire les sacrifices financiers nécessaires pour qu'un des parents reste à domicile ne méritent pas d'être punies par leur propre gouvernement au moment des impôts.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie madame Conti.
La National Foundation for Family Research nous présente le prochain exposé. Bienvenue.
M. Mark Genuis (directeur, National Foundation for Family Research): Si vous me le permettez, je vous exposerai brièvement ma perception de l'objectif du projet de loi C-36 et de sa partie 9, puis je vous ferai part de nos recommandations et de nos réactions.
Nous sommes sous l'impression que le projet de loi vise à fournir un paiement direct aux familles du Canada afin qu'elles puissent mieux orienter leur vie, pour inciter les familles à délaisser le système du bien-être social et à se trouver un emploi et pour donner plus d'indépendance aux familles et aussi pour accroître le montant des fonds disponibles pour les pauvres du Canada. Si notre perception est bonne, nous aimerions faire quelques observations.
Premièrement, nous pensons qu'il s'agit d'une directive bien intentionnée qui profitera vraisemblablement aux Canadiens vivant dans la pauvreté. Nous croyons aussi qu'il s'agit d'une décision respectueuse du gouvernement fédéral pour donner aux provinces une plus grande marge de manoeuvre, car c'est vraisemblablement ce qui se produira quand les provinces proposeront une variété de programmes, dont certains connaîtront plus ou moins de succès. Ce sera aussi une excellente occasion d'examiner attentivement les modalités qui profitent aux familles canadiennes et celles qui profitent aux familles des différentes provinces. Si tout cela peut se matérialiser, l'exercice permettra d'en apprendre davantage pour exécuter des programmes avantageux pour les pauvres du Canada.
Nous trouvons aussi que le principe et l'orientation sont plutôt respectueuses des parents canadiens parce que, en toute honnêteté, les parents savent ce qui est le mieux pour leur famille. Ils aiment leur famille et leurs enfants plus que toute autre personne. Si on leur laisse un peu plus d'argent, elles sauront comment l'utiliser au mieux pour leur famille.
La réserve que nous avons concernant cette directive est que la disposition de récupération est plutôt sévère. Je crois comprendre que ce régime de récupération ne s'appliquera plus aux familles dès que leur revenu atteindra environ 27 000 $. Plusieurs familles qui vivent dans la pauvreté sont dans cette situation à la suite d'un éclatement, et la responsabilité du conjoint qui n'a pas la garde des enfants dans ces cas doit être abordée de manière beaucoup plus sérieuse.
Je passe maintenant aux recommandations. Nous recommandons fortement d'augmenter la limite d'application de la clause de récupération à environ 30 000 $. Selon la Loi de l'impôt sur le revenu, nous payons 17 p. 100 jusqu'à un plafond de 30 000 $ de revenu. Dans ce cas, pourquoi les familles ayant un revenu de 26 000 $ sont-elles privées des avantages d'un tel système qui vise essentiellement à les aider à quitter leur état de pauvreté?
Deuxièmement, la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas indexée en fonction de l'inflation. Par conséquent, nous sommes sous l'impression—et je serai très heureux d'examiner cette question de manière plus directe—qu'une partie de cet avantage aura pour effet de relever légèrement le seuil de la tranche de revenu imposable des Canadiens, et que vous percevrez de ces mêmes familles un peu plus que ce qu'on leur donnerait. Tout cela est une hypothèque qu'il faudra vérifier. Il faut examiner cette avenue parce que, dans les faits, nous contribuerons probablement à réduire la capacité des familles de s'occuper d'elles-mêmes, si je comprends bien.
Ma troisième recommandation correspond à celle de Kids First. Il y a plusieurs raisons qui expliquent la pauvreté, mais il y en a deux qui sont plus particulièrement pertinentes. Il y a l'éclatement de la famille dont nous avons parlé et aussi les pathologies émotives générales dont nous n'avons pas encore parlé, qui font que les gens sombrent dans la pauvreté.
• 0915
Une des meilleures façons de prévenir la pauvreté au Canada
serait de s'occuper de la santé et de la stabilité des personnes.
Si les gens sont en meilleure santé, ils seront plus stables et
plus sûrs d'eux, ils seront plus portés à faire de meilleures
études et ils seront beaucoup plus portés à échapper à la pauvreté
et à être indépendants de tout, comme d'un gouvernement ou d'un
système social.
Nous avons deux recommandations à formuler dans la mesure où nos efforts visent sérieusement à aider les Canadiens à se développer de manière positive. En ce qui a trait aux familles éclatées, il faudrait examiner de beaucoup plus près les responsabilités financières des parents qui n'ont pas la garde des enfants afin de s'assurer que l'autre conjoint et ses enfants peuvent vivre de la manière la plus saine et la plus productive possible. Si on ne s'occupe pas de cet aspect, les personnes qui quittent leurs familles n'auront vraiment aucun incitatif à assumer leurs responsabilités.
Cela étant dit, je dois ajouter que plusieurs personnes qui n'ont pas la garde des enfants sont aussi dans une situation difficile. Leurs enfants aussi souffrent parce qu'ils ont besoin des deux parents. Ils doivent avoir accès à leurs deux parents. Le fait pour les enfants de pouvoir accéder plus librement aux deux parents, à celui qui a la garde des enfants comme à celui qui ne l'a pas, contribuerait grandement à la santé et au bien-être de ces enfants qui souffrent de l'éclatement de leur famille.
Récemment, Statistique Canada indiquait que le taux de divorces au Canada a grandement diminué au cours des dernières années. Bien que les calculs soient exacts, les données qu'on nous a fournies ne sont que des chiffres qui établissent la proportion de mariages par rapport aux divorces sur une base annuelle au Canada.
Arrêtons-nous à ce qui suit. Chaque année, on enregistre 4,6 divorces pour 10 mariages chez les familles dont les conjoints ont entre 20 et 49 ans, c'est-à-dire la catégorie d'âge considérée comme la principale pour procréer et élever des enfants. Si on examine ces données de plus près, je crois que l'âge moyen de la naissance d'un premier enfant dans une famille au Canada est de 28,6 ans. Si on établit le ratio mariage-divorce entre les âges de 25 et 49 ans—ce qui peut être trop restrictif, je l'admets, et c'est pourquoi j'ai fourni l'autre donnée—on obtient un taux réel d'environ 64 p. 100.
Il y a donc un grand nombre de familles éclatées au pays. Plusieurs enfants en souffrent et plusieurs ont besoin d'un meilleur accès à leurs parents. De nombreuses familles se retrouvent sans raison dans un état de pauvreté.
L'autre recommandation est basée sur toutes les données auxquelles nous avons pu accéder de par le monde et sur une méta-analyse. Des gens ont fait de ces données une méta-analyse fondée sur des formules statistiques évoluées pour analyser les travaux de recherche. Des gens de partout au monde ont fait ce travail indépendamment et de manière uniforme pour en arriver à la conclusion que personne ne saurait remplacer les parents pour prendre soin des enfants. Les parents font un très bon travail. Ils sont très compétents et ils agissent avec rigueur pour produire de très bons résultats pour notre société.
Tout effort visant à empêcher les parents de consacrer du temps à leurs enfants nous inquiéterait parce que ce serait là compromettre très gravement le développement des enfants.
J'aimerais clore mon intervention avec deux brèves recommandations finales. Dans toute la mesure du possible et en tenant compte de la recommandation précédente, il faudrait d'abord réduire l'impôt des familles ou à tout le moins fournir des règles du jeu équitables pour les familles à simple et à double revenu.
Finalement, comme il y a un changement de programme au niveau provincial et au niveau fédéral, je vous demande d'en faire une évaluation sérieuse. Nous avons une occasion merveilleuse de vérifier que ces mesures donnent des résultats. Malheureusement, certaines des provinces avec lesquelles nous avons communiqué ne portent pas une grande attention à cet aspect.
Les ressources financières sont limitées partout dans le monde et nous devons nous assurer que nos précieuses ressources servent à faire le plus de bien possible. La seule façon d'y arriver est de procéder à une évaluation très sérieuse, très attentive et complète des systèmes, non pas de manière vague et générale, mais de manière beaucoup plus détaillée. Cela est tout à fait possible sans qu'il en coûte une fortune.
Ce sont là les quatre ou cinq recommandations que nous demandons au gouvernement de considérer très sérieusement.
Le président: Je vous remercie.
Nous passons maintenant à l'exposé de M. Mike Farrell, de l'Organisation nationale anti-pauvreté.
M. Mike Farrell (directeur par intérim, Organisation nationale anti-pauvreté): Je vous remercie monsieur le président. Je vous remercie d'avoir invité l'ONAP à témoigner aujourd'hui.
Je précise d'abord que je vous ai remis un document pour lequel je n'ai pu obtenir de traduction française. Je tiens à m'en excuser. J'ai manqué de temps.
L'ONAP est une organisation qui représente les pauvres et qui cherche à exprimer l'opinion des pauvres sur différentes politiques, plus particulièrement les politiques fédérales.
Aujourd'hui, j'aimerais vous entretenir de deux réserves que nous avons au sujet de la prestation fiscale pour enfants. Il y a certainement d'autres préoccupations, mais je veux m'en tenir à deux aspects particuliers aujourd'hui.
• 0920
Du point de vue de plusieurs personnes et de plusieurs
familles qui comptent sur l'aide sociale, la prestation fiscale
pour enfants est une des dispositions législatives les plus
insultantes qui soit. Le fait que cette mesure ait été proposée
pour traiter des enfants les plus pauvres au Canada et qu'elle
n'apporte rien aux personnes qui vivent d'aide sociale signifie
que, pour ces gens, le gouvernement fédéral—et je crois aussi les
gouvernements provinciaux—estime qu'il ne vaut pas la peine
d'investir pour ces gens, et qu'ils ne valent pas les fonds qu'on
pourrait dépenser pour eux. Un certain nombre de personnes m'en ont
parlé et j'ai pu lire l'indignation sur leur visage. À ce stade-ci,
je crois que nous devrions faire quelque chose à ce sujet, et le
plus tôt sera le mieux.
La première de ces deux préoccupations particulières est en quelque sorte liée à une question de mise en oeuvre. On m'a rapporté la possibilité d'un délai de 18 mois avant qu'une famille touche sa prestation pour enfants. Supposons qu'un parent travaille en 1997 et que son revenu ne lui ouvre pas droit à la prestation pour enfants, et que ce parent perde son emploi en juin 1998. Ce parent ne serait alors pas admissible à la prestation pour enfants pendant le reste de l'année 1998 et pourrait ne pas y être admissible en 1999 non plus.
On m'a expliqué que les provinces sont supposées en tenir compte et ne pas déduire la prestation pour enfants du chèque d'aide sociale, contrairement à ce qu'elles prévoient faire à l'heure actuelle.
C'est le processus d'appel qui me préoccupe. Si un gouvernement provincial commet une erreur, le chèque d'aide sociale de ces gens pourrait être amputé de ce montant. Je n'ai plus aucune confiance au processus d'appel au niveau provincial. J'ai incorporé à mon mémoire deux exemples du fonctionnement actuel du processus d'appel. Ces dernières années, je crois que la notion d'appel équitable a disparu des programmes d'aide sociale à l'échelle du pays.
J'ai le sentiment que le gouvernement fédéral a une responsabilité dans tout cela. Il a pris l'engagement qu'aucune famille ne se retrouverait en plus mauvaise posture financière à la suite de l'adoption de la prestation pour enfants. Cela dit, je crois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le processus d'appel. En cas de différend, par exemple si un parent affirme ne pas toucher la prestation à laquelle il a droit, le gouvernement fédéral doit intervenir. On ne saurait laisser cette question aux ministères provinciaux chargés de l'aide sociale.
Ma deuxième préoccupation concerne la prestation pour enfants considérée comme subvention salariale. Je n'ai rien contre une subvention salariale, mais je trouve quand même répréhensible d'utiliser des fonds publics pour subventionner un salaire qui est trop faible pour que les gens ne sombrent pas dans la pauvreté. Je ne peux pas comprendre que l'on tolère que des employeurs versent un salaire qui maintient les gens dans un état de pauvreté.
Comme le gouvernement fédéral et les provinces se sont concertés pour élaborer une prestation pour enfants, ils devraient également collaborer pour trouver une façon de relever graduellement le salaire minimum. Je sais que nombreuses sont les personnes qui croient qu'un relèvement du salaire minimum compromettrait le niveau d'emploi ou le réduirait, et c'est pourquoi j'ai incorporé à mon document une déclaration de 100 économistes des États-Unis. Ils affirment que tel n'est pas le cas et qu'il y a une abondance de faits démontrant qu'une augmentation du salaire minimum, si elle se fait de façon progressive, n'affectera pas le niveau d'emploi. J'aimerais que l'on tienne compte aussi de cet élément.
Essentiellement, j'ai trois recommandations à formuler: premièrement, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle dans la recherche d'une solution aux pouvoirs en appel de personnes qui vivent d'aide sociale pour s'assurer qu'elles ne seront pas dans une plus mauvaise situation financière après l'adoption de la prestation pour enfants; deuxièmement, les familles qui vivent d'aide sociale devraient être autorisées à conserver la totalité de la prestation pour enfants; troisièmement, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux devraient entamer des discussions sur la façon de relever le taux du salaire minimum à l'échelle du pays.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Farrell.
Nous allons maintenant passer à la période de questions et de réponses. Monsieur Breitkreuz, voudriez-vous commencer?
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Je vous remercie de vos exposés, et je puis vous assurer que je les ai appréciés.
• 0925
J'ai quatre questions à formuler. Vous pouvez choisir celles
auxquelles vous aimeriez répondre. Je vous les poserai toutes, puis
je laisserai chacun de vous y répondre.
Certains d'entre vous ont fait observer que l'éclatement de la famille, la rupture des mariages et ainsi de suite contribuent grandement aux problèmes actuels de notre société. En ce qui a trait à ces éclatements et à ces ruptures, il conviendrait que vous expliquiez en quoi le gouvernement peut contribuer à cette situation. Si la raison pour laquelle de nombreux enfants ont des difficultés est attribuable à l'éclatement de la famille, je me demande bien quelles sont les politiques du gouvernement qui contribuent aux problèmes des enfants. Vous y avez fait allusion. Par exemple, vous avez parlé de réduire le fardeau fiscal des familles. En quoi le niveau élevé des impôts contribue-t-il à ce problème? C'est ma première question.
Pour poursuivre dans la même veine, selon vous quelles mesures devraient être adoptées pour rendre le régime fiscal plus équitable pour les familles ayant un seul revenu? Dans ma circonscription, on me dit très souvent que le régime fiscal n'est pas vraiment équitable pour les familles à revenu unique. Quelles mesures pourraient être adoptées pour corriger cette situation? Selon vous, qu'est-ce qui devrait être fait?
Ma troisième question va dans le même sens. Quel est le fardeau fiscal supplémentaire que le gouvernement impose à une famille à revenu unique comparativement à une famille à double revenu? Il semble y avoir un écart à ce sujet. Avez-vous fait des calculs? Avez-vous réfléchi à l'importance de l'écart? Diriez-vous que le régime fiscal actuel avantage les familles qui paient des tiers pour s'occuper de leurs enfants au détriment de familles qui choisissent de s'occuper de leurs propres enfants à la maison? L'un d'entre vous a affirmé que les parents sont plus aptes à s'occuper de leurs enfants qu'une tierce personne. Le système actuel récompense-t-il ces parents? Vous avez abordé cette question brièvement, mais j'apprécierais que vous élaboriez un peu.
Je vous remercie.
Le président: Qui veut intervenir en premier?
Mme Maria Conti: J'ai quelques brèves suggestions à faire.
Vous demandez quel genre d'équité une famille à revenu unique souhaite dans le système fiscal? J'ai quelques idées à ce sujet. Faites en sorte que toutes les familles ayant des enfants puissent réclamer une déduction pour frais de garde d'enfants. Modifiez cette déduction pour en faire un crédit d'impôt. Selon moi, la déduction d'impôt a des effets contraires à l'intention prévue au départ. Elle n'aide pas les gens qui ont les revenus les plus faibles. Je crois que si on parlait de crédit, on aiderait davantage les gens à faible revenu. Je ne suis pas fiscaliste, par conséquent, ne reprenez pas mes propos textuellement.
Une famille à revenu unique qui touche 60 000 $ par année paie environ 6 700 $ de plus en impôt qu'une famille à double revenu où les deux conjoints gagnent chacun 30 000 $ par année, c'est-à-dire un revenu global d'environ 60 000 $ également.
M. Garry Breitkreuz: Vous dites 6 000 $?
Mme Maria Conti: C'est à peu près 6 700 $. Nous estimons que cela est tout à fait injuste. Je crois que tout revient à la déduction pour frais de garde d'enfants. Les familles qui engagent des frais pour la garde d'enfants peuvent déduire ces dépenses.
Comme c'est le cas pour la déduction pour frais de garde d'enfants, un couple qui gagne 200 000 $ peut aussi réclamer cette déduction. En a-t-il besoin? Peut-être bien que oui et peut-être bien que non.
Voilà, c'est tout.
M. Mark Genuis: J'ai quelques remarques à faire et j'apprécierais que l'on m'accorde une heure pour répondre aux quatre questions. Je vous remercie.
La première question est de savoir si le gouvernement contribue à cette situation de fait. Je ne crois pas que le gouvernement y contribue de manière délibérée ou autre. Toutefois, en ce qui a trait à l'aspect fiscal que vous avez soulevé, je vous dirai qu'une compagnie d'Ottawa, Compas Inc., a mené un sondage d'opinion auprès des Canadiens, tout comme Decima et Angus Reid. Dans tous les cas, les résultats ont été essentiellement les mêmes. Les Canadiens disent que leurs impôts ont tellement augmenté au cours des dernières années, au cours des dernières décennies, qu'ils doivent avoir des revenus bien supérieurs pour arriver à joindre les deux bouts. Littéralement, nous n'avons plus le choix de n'avoir qu'un seul revenu familial. Nous ne pouvons plus nous permettre qu'un des parents se consacre entièrement à la famille. En conséquence, nous n'avons plus de choix, nous sommes maintenant des familles à double revenu.
• 0930
Ensuite, Compas a posé une question directe aux familles: Si
vous aviez le choix, aimeriez-vous qu'une plus grande part de vos
impôts servent à financer un système qui maintienne la réalité
actuelle où vous n'avez plus d'option, ou préféreriez-vous que la
situation change un peu, que votre taux d'imposition change, afin
que vous ayez davantage d'options pour vous occuper à plein temps
des enfants, ou aimeriez-vous aller sur le marché du travail et
faire appel à des services de garde d'enfants.
La grande majorité des répondants aimeraient qu'il leur reste davantage d'argent pour faire les choix qui s'imposent. De fait, 77 p. 100 des familles où les deux conjoints travaillent à temps plein au Canada ont dit que si le système leur laissait un peu plus d'argent, elles préféreraient qu'il n'y ait qu'un seul revenu dans la famille.
On constate donc un désir marqué chez les Canadiens de s'occuper de leurs enfants. Cela fait-il une différence? Comme j'y ai fait allusion plus tôt, je crois véritablement que si. Nulle part au monde a-t-on pu remplacer la garde des enfants par les parents par des garderies de grande qualité et par des fournisseurs de soins de grande qualité. Cela n'est tout simplement pas possible.
Par conséquent, les parents font un bon travail et la société en retire des avantages à court et à long terme.
En ce qui a trait à des types de politiques particuliers, je crois que diverses politiques pourraient, à des degrés divers, offrir des options et des possibilités aux familles. Cela comprend la conversion de la déduction de frais pour garde d'enfants en crédit d'impôt accessible à tous, peu importe que le revenu familial soit élevé ou faible. Ce crédit pourrait être indexé si le gouvernement le jugeait à propos, et ainsi de suite. Et de un.
Une seconde approche serait le partage du revenu familial. Essentiellement, on pourrait adopter progressivement un système fiscal où les familles combineraient leurs revenus. Dans le fond, cela montrerait qu'il y a une famille, qu'elle constitue une unité, qu'elle a un travail important à faire et qu'elle rend un service important à la société. Ajoutez un crédit.
Les réserves concernant le partage de revenu sont que cette mesure est extrêmement coûteuse. Il y a environ un mois et demi, des économistes de l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario ont dit publiquement qu'un programme national de garderie de haute qualité coûterait environ 5,5 milliards de dollars par année. Un programme de partage de revenu complet et approprié au Canada coûterait beaucoup moins et offrirait un plus vaste choix.
Je serais heureux de vous fournir les données. Nous avons fait l'analyse. Nous en sommes à revoir nos résultats et c'est pourquoi je n'ai pas les données aujourd'hui. Je regrette, mais on m'a donné un très court préavis de ma comparution. Je vous prie de m'excuser de ne pas avoir ces chiffres pour vous, mais je serais heureux de vous les fournir à une date ultérieure ou, pour reprendre les propos de Mme Anne McLellan, en temps utile.
Les familles à double revenu profitent-elles des dépenses engagées pour la garde de leurs enfants? Premièrement, la plupart des familles ne veulent pas de cette solution. Est-ce qu'elles tirent un avantage? La famille A renonce à un plein salaire et a quand même des dépenses pour la garde des enfants. La famille B n'y renonce pas, peu importent les raisons, par choix ou par manque de choix, et elle a un second revenu. Cette dernière famille aura probablement un revenu global plus élevé et profitera de la déduction sur son salaire brut.
Ainsi, les deux familles tirent avantage de la situation. Bien sûr, c'est injuste. De fait, un certain nombre de ministères du gouvernement l'ont dit et un certain nombre de députés ont abordé cette question en Chambre. Il est sûr que la situation est absolument injuste.
M. Garry Breitkreuz: Puis-je avoir des précisions en ce qui a trait au partage des revenus, avant la mention d'une tierce partie?
Vous avez dit que le partage des revenus coûterait moins cher. Je suis perplexe. Croyez-vous que les politiques fiscales visent à accroître les coûts dans d'autres domaines—peut-être la représentante de Kids First aimerait elle aussi apporter une réponse à cette question—comme l'éducation, la justice, les jeunes contrevenants et ainsi de suite, les frais médicaux? Ces dépenses augmentent-elles? Peut-être bien que les dépenses d'aide sociale augmentent à cause des politiques fiscales qui obligent les deux parents à travailler, et ainsi de suite.
Je me demande si nous n'avons pas une approche à courte vue. Nous croyons économiser de l'argent dans un domaine, mais nous augmentons les coûts dans plusieurs autres domaines, de telle sorte que la mesure est contre-productive.
M. Mark Genuis: Lorsque nous disons que les parents fournissent le produit, qu'est-ce que nous voulons dire par là? Ce que nous voulons dire c'est que quand les enfants sont séparés avant l'âge de cinq ans, quand de jeunes enfants sont régulièrement séparés de leurs parents pendant plus de 20 heures par semaine—nous parlons donc ici d'un système de garde habituelle pendant de longues périodes et non d'un système de garde ponctuelle ou accidentelle—nous découvrons qu'indépendamment de tous les autres domaines, il existe un risque statistiquement significatif, et dans certains cas substantiel, d'insécurité affective ou de perturbation des liens affectifs.
• 0935
Ces liens affectifs constituent une variable clé du
développement de l'enfant. Quand une relation se poursuit dans un
climat d'insécurité, on peut parler de risques directs de
développement pathologique, de comportement déficient,
d'aggravation des problèmes médicaux et d'éducation médiocre.
Ainsi, la probabilité que les coûts augmentent est très élevée et,
on peut l'affirmer, le risque est considérable.
Le président: Monsieur Farrell, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Mike Farrell: Oui, je voudrais faire une brève intervention. Je ne suis pas vraiment spécialiste des questions familiales, mais il me semble que ce que nous voulons faire, c'est donner le choix aux gens pour qu'ils puissent décider de rester chez eux ou d'aller travailler.
J'aborderai la chose sous deux angles, celui d'une famille recevant des prestations d'aide sociale, et celui d'une famille active à faible revenu. Je pense qu'un des problèmes inhérents à la situation des familles monoparentales assistées socialement tient au fait que le travail rémunéré est, pour elles, obligatoire. Je pense que nous devrions examiner si nous voulons, ou non, aider un parent célibataire assisté socialement à prendre soin de ses propres enfants s'il le souhaite plutôt que de le forcer à s'intégrer au marché du travail.
M. Mark Genuis: C'est une excellente remarque.
M. Mike Farrell: Ma deuxième remarque concerne les familles actives à faible revenu. À mon avis, au sein d'une famille canadienne de quatre personnes, deux adultes et deux enfants, si un seul parent travaille au salaire minimal, on peut dire que cette famille est réduite à la pauvreté, même si elle est totalement exonérée d'impôt.
Ainsi, même s'il peut s'avérer nécessaire d'apporter des ajustements au régime fiscal, les gens ne sont pas suffisamment rémunérés pour pouvoir rester chez eux s'ils le désirent. Un tel choix dépend d'une augmentation des salaires et les gens n'auront pas le choix à moins que les salaires n'augmentent.
Le président: Les membres présents ont-ils d'autres points à faire valoir?
M. Mark Genuis: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose, plus particulièrement à l'égard des familles qui vivent dans la pauvreté. Je comprends que le gouvernement fédéral—de même que bon nombre de gouvernements provinciaux—a fait l'objet de fortes pressions de la part de personnes qui prétendent qu'en dépensant un seul dollar pour un programme de garde d'enfants de qualité, on récolterait sept dollars en retour.
Ces chiffres sont fondés sur des recherches entreprises à Ypsilanti, au Michigan, dans le cadre du programme préscolaire Perry. À l'époque, ces gens-là ne se sont pas limités à offrir un programme de garde de jour de qualité; ils offraient un encadrement aux familles les plus menacées et les plus appauvries de la région.
Pourquoi avoir entrepris ce genre de recherche? À cause des graves problèmes qu'ont affrontés ces enfants en vieillissant. Ils s'entre-tuaient, abandonnaient leurs études, s'adonnaient au crime; les filles devenaient enceintes, et ainsi de suite. Ils ont appliqué ce programme d'amélioration de la qualité de vie familiale là où ils enseignaient et ils ont aidé les familles à devenir indépendantes.
Ils ont lancé le programme lorsque les enfants avaient trois ans, pas pendant la prime enfance. Et ils l'ont poursuivi pendant deux ans, après quoi ils se sont retirés et ont observé l'évolution de la situation. Je serais heureux de vous fournir de plus amples détails sur ce programme mais, par souci de concision, je me limiterai ici à réitérer qu'il a été appliqué pendant deux ans, et que ses effets ont été observés pendant 26 ans.
Ce programme familial a permis aux familles de devenir indépendantes. Elles ont pris soin d'elles-mêmes. Les enfants de ce groupe ont été parmi ceux qui ont terminé leurs études. Ils ne se sont pas appauvris comme adultes, de sorte qu'ils ont réussi à sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Ces gens sont devenus des membres actifs et productifs de la société; ils étaient en meilleure santé et plus heureux.
Ce programme est le seul en son genre qui ait été mené à bien jusqu'ici. Pour chaque dollar investi, sept dollars ont été économisés. Toutefois, il s'agissait d'un programme de soutien familial et pas simplement d'un programme de garde d'enfants. Loin de là, puisque beaucoup moins de 20 heures étaient consacrées à la garde proprement dite.
Merci de votre attention.
M. Garry Breitkreuz: Je pense que vous devriez nous fournir ce document; il pourrait nous être utile.
M. Mark Genuis: Je le ferai avec plaisir, monsieur.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Bonjour. Je suis heureuse de vous rencontrer aujourd'hui.
Vous avez soulevé la question des crédits d'impôt pour les frais de garde. C'était l'une des recommandations que le Bloc québécois avait faites au comité. Nous espérons que le gouvernement consentira à accepter quelques-unes des suggestions que nous lui avons faites.
Pour ce qui est de la prestation fiscale pour enfants, on n'a pas indexé les tables d'imposition. J'ai fait faire une étude, et on dit que ce sont les familles à faible revenu, qui ont de 20 000 à 25 000 $ de revenu, qui écopent le plus de la non-indexation des tables d'imposition. Dans cette recherche que j'ai fait faire, on dit qu'en quatre ans, les familles ont reçu en moyenne 222,24 $ de moins à cause de la non-indexation.
• 0940
Est-ce que vous avez des analyses? Quelle catégorie de gens
est le plus touchée?
S'agit-il, selon vous, des familles ayant un revenu de 20 000 à 25 000 $?
Êtes-vous d'accord sur cette analyse qu'on a faite?
[Traduction]
M. Mark Genuis: À ce sujet, j'aimerais ajouter quelques éléments... D'abord, nous savons que le Bloc a recommandé des crédits d'impôt. La proposition a été assez bien documentée et on devrait vous féliciter sur ce point.
Deuxièmement, en ce qui a trait à l'indexation, nous n'avons pas encore procédé à l'analyse du dossier. J'ai lu le texte des analyses réalisées par plusieurs autres organismes qui y souscrivent sans réserve et nous serions heureux de fournir les références. Toutefois, la National Foundation for Family Research and Education vient d'adopter un indice annuel de la santé familiale. Nous établirons notre premier indice en novembre 1998 et nous espérons pouvoir y annexer les résultats de l'analyse. Nous espérons être en mesure de vous fournir ce document à la mi-novembre de cette année.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: C'est un dossier que j'ai défendu à la Chambre des communes, parce que pendant mon premier mandat, j'étais porte-parole de la condition féminine et je demandais souvent au ministre d'indexer en fonction de l'inflation. On me disait qu'on indexerait, mais quand l'inflation aurait atteint 3 p. 100. On est toujours en-deçà de 3 p. 100. Donc, cela veut dire qu'on ne pourra peut-être jamais indexer les tables d'imposition. Ne pensez-vous pas qu'on vise un objectif qui ne sera jamais atteint? On sait que l'inflation est à 1,4 p. 100 ou 1 p. 100. On est près du zéro. Donc, les tables ne seront jamais indexées, mais pendant ce temps, le coût de la vie augmente.
Les familles à faible revenu sont doublement pénalisées. Les salaires n'augmentent pas alors que le coût de la vie augmente. À quoi faudrait-il se raccrocher pour indexer les tables d'imposition?
M. Mark Genuis: Vous avez raison. Pardonnez-moi, mais
[Traduction]
Si vous jetez une grenouille dans l'eau chaude et augmentez lentement la température, la grenouille finira par bouillir. Si on a un faible taux d'inflation chaque année, il n'en affectera pas moins les gens après un certain nombre d'années. Au cours des quelque dix dernières années, l'inflation a grimpé d'environ 20 p. 100. Pourquoi? Simplement parce que si on additionne 2 p. 100 par année pendant 10 ans, on obtient 20 p. 100.
Vous soulevez un point important. C'est rigoureusement exact. Oui, cela a grandement affecté les familles. Vous avez bien raison.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Je voudrais, pour continuer dans la même veine, faire remarquer que le ministre des Finances a indiqué que lorsque le nouveau régime d'avantages sociaux pour les aînés sera introduit, il sera indexé. Je présume que si le gouvernement veut indexer les avantages sociaux des personnes âgées, il modifiera également le régime destiné aux enfants. C'est là une question à suivre, et qui ne manque pas d'intérêt.
J'ai une question pour vous, Mark. Vous avez souligné la pénurie d'argent qui affecte tout le monde, tous les gouvernements. Je suppose que c'est vrai jusqu'à un certain point. Mais plus tard au cours de cette session, nous allons entendre les représentants de la Fédération des contribuables canadiens qui vont nous rappeler, du moins de leur point de vue, les versements de millions de dollars à une panoplie de grandes sociétés. Rolls Royce, par exemple, nous diront-ils, a reçu du gouvernement fédéral quelque 50 millions de dollars, sous une forme ou sous une autre. Par ailleurs, le gouvernement fédéral a décidé, dans sa grande sagesse, que nous avons un urgent besoin de quatre sous-marins pour nous protéger de quelque attaque possible.
C'est une des prérogatives d'un gouvernement de choisir comment dépenser son argent. Que pensez-vous de cette décision de dépenser pour des sous-marins et pas pour nos enfants?
M. Mark Genuis: N'étant pas un expert des questions militaires, je n'ai pas eu l'occasion d'examiner l'affaire des sous-marins, mais je dirai, en réponse à...
M. Nelson Riis: Nous n'avons pas eu l'occasion non plus.
M. Mark Genuis: D'accord. Très bien.
M. Nelson Riis: Aucun d'entre nous ne sommes des experts militaires, mais la décision n'en a pas moins été prise.
M. Mark Genuis: Oui, la décision est prise.
M. Nelson Riis: Je vais poser la question à chacun des témoins.
M. Mark Genuis: J'aimerais répondre dans une perspective légèrement plus large parce qu'à mon avis, ce que vous venez de soulever revient à s'interroger sur les priorités du gouvernement.
Il est clair que celui—-ci semble avoir l'intention de soutenir les familles, et je pense que certaines mesures ont été prises en ce sens. C'est ce dont on a besoin ici, j'en conviens.
• 0945
Remettons ceci en contexte. Avons-nous des problèmes sociaux
au Canada? Souffrons-nous des répercussions de la dissociation
familiale, d'une sorte de mépris de la société pour le rôle
parental, et ainsi de suite? Statistique Canada a signalé qu'au
pays, au cours des 40 dernières années, le taux de suicide des
enfants pré-adolescents a grimpé non pas de 10 ou de 20 p. 100,
mais de 1 367 p. 100. Le taux de suicide chez les adolescents est
un des plus élevés du monde industrialisé—au troisième rang—avec
une augmentation de 620 p. 100 durant les 40 dernières années. Ce
taux de suicide est supérieur à celui des États-Unis. De même, le
taux de crimes accompagnés de violence chez les adolescents est
supérieur à celui des États-Unis. L'augmentation des crimes
accompagnés de violence chez les adolescents au cours des 10
dernières années—il s'agit de renseignements fournis par
Statistique Canada—est de 135 p. 100, comparativement à 60 p. 100
aux États-Unis.
Nous faisons face à des problèmes sociaux. Nous devons nous demander quand nous allons finir par nous pencher sérieusement sur la prévention du problème au lieu de tenter de panser les plaies sociales qui en résultent.
Je peux, comme psychologue spécialisé en counseling, vous dire que nous sommes bien formés, attentifs, laborieux et dévoués, que nous consacrons notre vie à nos clients. Mais notre société est loin des succès qu'elle pourrait remporter si nous faisions porter nos efforts sur la prévention et si nous lui accordions la priorité. Je pense que c'est ce qui est visé, mais nous pourrions aller beaucoup plus loin.
Votre argumentation est donc concluante. Nous devons examiner froidement nos priorités et octroyer nos subventions ou changer notre régime fiscal en conséquence. La situation est critique, monsieur.
M. Mike Farrell: Je voulais ajouter un certain nombre de choses. La première, c'est que je suis tout à fait en faveur de l'indexation des avantages sociaux octroyés aux enfants. Je sais que l'affaire n'est pas close à la Chambre. Je ne vois pas pourquoi on n'indexerait pas ces avantages si on prend la chose au sérieux.
Sur la question des sous-marins, je vais élargir le débat comme l'a fait Mark. Je ne sais pas si l'argent devrait être affecté aux sous-marins ou pas. Mais j'ai le sentiment qu'actuellement, la situation au Canada...
M. Nelson Riis: Est-ce que vous êtes sérieux?
M. Mike Farrell: Oui.
M. Nelson Riis: Vous avez dit que cette Loi, dans l'état où elle se présente actuellement, est une insulte à nos enfants—une insulte.
M. Mike Farrell: Oui, une insulte aux familles bénéficiant de l'assistance sociale.
M. Nelson Riis: Est-ce que vous prétendez vraiment qu'avec presque un million et demi d'enfants vivant dans la pauvreté, l'achat de ces sous-marins en ce moment peut être une décision raisonnable alors que personne ne nous menace actuellement? Je ne peux pas croire que vous êtes sérieux lorsque vous dites cela, Mike.
M. Mike Farrell: J'ignore totalement pourquoi on achète ces sous-marins. Je n'y ai pas du tout prêté attention. Je ne sais pas ce qui motive cette décision, de telle sorte que je ne peux pas me prononcer sur sa valeur. Je ne peux tout simplement pas la commenter. Je comprends toutefois votre point de vue. Cela ne semble pas être une très haute priorité. Par ailleurs, je ne peux m'engager à faire un commentaire si j'ignore pourquoi la décision a été prise.
Ce que je peux dire c'est qu'à mon avis, le Canada dispose d'amplement d'argent pour résoudre les problèmes auxquels nous faisons face. Je crois que le Canada est en pleine crise. De toute ma vie, je n'ai jamais connu de situation aussi grave. J'ai vécu à Montréal, à Vancouver et à Ottawa, et j'ai visité Toronto à plusieurs reprises. Quand je marche dans les rues de ces villes aujourd'hui et que je vois des gens couchés sur le sol, je ne peux pas croire que ça arrive au Canada, alors que nous avons assez d'argent pour régler le problème.
Je ne prétendrai pas que l'argent doit venir du budget des sous-marins, mais, de toute évidence, nous disposons de l'argent nécessaire pour régler la question. Il faut s'attaquer au problème. Nous sommes en pleine crise.
Mme Maria Conti: Vous avez retenu la question des sous-marins, et sans doute n'est-t-il pas indispensable de dépenser l'argent des contribuables pour acheter ces navires. Mais le gouvernement, année après année, jette l'argent par les fenêtres. Je pourrais rester assise parmi vous pendant les deux prochaines heures et vous énumérer, en maugréant, tous les secteurs où, à mon avis, le gouvernement gaspille notre argent. Je pense que toute personne dotée de sens commun peut voir où il gaspille.
Ma bête noire, ce sont les groupes d'intérêts particuliers que le gouvernement n'arrête pas de subventionner. Kids First n'a jamais reçu de subventions fédérales. Lorsque Kids First a vu le jour, il y a des années, nous avons demandé une subvention fédérale pour nous aider à démarrer, mais elle nous a été refusée. Quelqu'un, quelque part, avait l'impression que nous ne faisions rien pour l'avancement de la cause des femmes. C'est la raison de leur refus.
Nous sommes toujours là et nous avons survécu par nos propres moyens sans subvention gouvernementale, dieu merci. Nous sommes très heureux d'y être parvenus sans leur aide. Il s'agit juste d'une des choses, parmi d'autres—comme les sous-marins—, pour lesquelles le gouvernement gaspille l'argent des contribuables.
M. Mike Farrell: Puis-je risquer un commentaire? J'ai beaucoup entendu parler de taxes et j'ai juste envie d'intervenir.
Selon moi, les Canadiens disent qu'ils veulent des réductions d'impôt. Mais les motifs de cette exigence tient au fait qu'ils ne reçoivent pas les retombées des taxes qu'ils paient. S'ils bénéficiaient des avantages découlant des taxes qu'ils paient, la question perdrait de son importance.
Je ne pense pas que nous devrions nous sentir forcés de trouver les moyens de réduire les impôts juste parce que nous avons examiné la question et conclu que les Canadiens veulent une réduction d'impôts. Je pense que ce que nous devrions faire c'est prendre les mesures qui s'imposent pour offrir aux contribuables la contrepartie de l'argent qu'ils dépensent. Je ne sais pas s'il s'agit de sous-marins, mais je pense que si les Canadiens voient des améliorations dans leur système de soins de santé, s'ils voient que chacun peut accéder à des études postsecondaires, s'ils voient que les chômeurs reçoivent réellement des prestations d'assurance-emploi, ils ne seront plus tellement préoccupés par la question de la réduction des impôts.
Deuxièmement, l'ONAP reçoit des subventions du gouvernement et cela ne soulève aucun problème à mes yeux. Les personnes à faible revenu ne peuvent certainement pas s'organiser à l'échelle nationale, et créer leur propre mécanisme de financement. Nous devons nous battre pour collecter notre droit d'adhésion de deux dollars auprès de nos membres. Il est important que la voix des Canadiennes et des Canadiens à faible revenu soit entendue par les décideurs fédéraux. Je pense que le gouvernement fédéral a la responsabilité d'y veiller.
M. Mark Genuis: Permettez-moi, monsieur, d'intervenir. Même si bon nombre de gens étaient d'accord avec l'hypothèse que les Canadiens ne reçoivent pas la juste contrepartie de leurs contributions fiscales, quand il s'agit de travailler en collaboration avec les familles canadiennes, il est évident, comme nous l'avons souligné, que si les parents sont les plus aptes à s'occuper de leurs propres enfants, ils ont besoin d'un mécanisme qui leur permet d'y parvenir. La diminution de l'impôt dû est le seul mécanisme que leur offre le gouvernement et qu'ils peuvent utiliser afin de disposer d'un supplément d'argent dont ils peuvent se servir.
Les membres des familles sont intelligents. Les parents sont des gens intelligents et attentifs. Ils savent ce qui convient le mieux à leur famille, et ils sont probablement dans la meilleure position pour affecter l'argent au bien-être d'enfants qu'ils chérissent.
Deux de nos organismes sur trois reçoivent des subventions du gouvernement. Il convient de noter que la NFFRE a refusé tout financement public. Elle n'acceptera pas les subventions du gouvernement sauf pour des contrats de recherche sur des questions non directement liées aux politiques. Si on nous pose la question, on répondra qu'on préférerait voir l'argent parvenir directement aux familles plutôt qu'à des groupes d'intérêt particuliers et, comme vous l'avez dit, M. Riis, à diverses sociétés par l'entremise de ces groupes.
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): J'apprécie votre intervention ce matin.
Dans le dernier budget, l'exemption personnelle de base a été augmentée, comme vous le savez, de 500 $ pour atteindre 7 000 $. Notre parti a fait des pressions pour la faire grimper jusqu'à 10 000 $, ce qui aurait permis de radier deux millions de Canadiens à faible revenu du rôle d'imposition. Je voudrais avoir vos commentaires sur le récent budget, particulièrement sur l'exemption personnelle de base et sur cette maigre augmentation.
Deuxièmement, pour quelqu'un qui gagne 10 000 $ par année au Canada, le budget fédéral offre 80 $ par année de dégrèvement fiscal. Il s'agit, en fait, de l'équivalent d'un café par semaine chez Tim Hortons ou du même café, une fois par mois, chez Starbucks. J'aimerais avoir vos commentaires sur les priorités et sur le régime fiscal, dans cette perspective, sans oublier l'exemple particulièrement ahurissant que je vous ai donné.
Vous êtes au courant de la réindexation des avantages sociaux destinés aux enfants. Diane St-Jacques, de notre parti, a déposé récemment un projet de loi d'initiative parlementaire qui a eu quelque succès, ce qui a constitué pour Diane et également pour le parti, une source de gratification. Nous continuerons à appuyer cette indexation dans l'avenir tout comme le feront certains députés libéraux d'arrière-ban envers qui nous sommes reconnaissants.
Enfin, j'aimerais obtenir vos commentaires sur la question suivante. Je suis un ardent partisan de la libre entreprise, mais le fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres m'inquiète, tant au Canada qu'aux États-Unis, particulièrement aux États-Unis; ainsi que toute cette notion de collectivité en vase clos où chacun prend soin de sa famille, paie ses propres services de police et ses enseignants et ne se préoccupe nullement de ce qui se passe ailleurs.
• 0955
C'est très dangereux. En fait, je crois personnellement que la
viabilité du système de la libre entreprise est menacée par ce
fossé entre les riches et les pauvres et par le manque d'accès des
membres les plus pauvres de la société aux leviers de la libre
entreprise. C'est quelque chose qui me préoccupe.
Je l'ai mentionné hier. Je viens de lire un article dans lequel un négociant en obligations de Wall Street laissait entendre que si Marx s'était trompé sur le communisme, il avait pu avoir raison à propos du capitalisme, tout au moins s'il est question du vrai capitalisme. J'aimerais entendre vos observations à ce sujet.
La structure familiale traditionnelle a évolué. Vous avez signalé un certain nombre de changements démographiques, monsieur Genuis. Se pourrait-il que le gouvernement finisse par être forcé de reconnaître que la nature même de la famille a subi des changements systémiques et qu'il soit tenu de mettre sur pied un régime fiscal qui vienne en aide, non seulement à la famille traditionnelle, mais également aux familles qui, d'un point de vue social, ne sont pas traditionnelles?
La revue The Economist publiait à la une, il y a deux ans je pense, un éditorial sur la reconnaissance légale, sur le plan fiscal, du mariage des personnes de même sexe. La position de l'auteur était qu'en reconnaissant le mariage des personnes de même sexe, par l'entremise du régime fiscal, on pourrait encourager des modes de vie davantage compatibles avec l'euphémisme «valeurs familiales ». Il s'agissait là d'une position intéressante, compte tenu du fait que la revue The Economist est plutôt de droite.
Est-il possible que nous puissions, en reconnaissant les changements de société dans le cadre du régime fiscal, des politiques gouvernementales et des politiques publiques en général, prévenir une bonne partie des perturbations et des difficultés auxquelles nous sommes actuellement confrontés?
M. Mark Genuis: Vous avez fait quelques excellentes interventions. La première concernait la recommandation de votre parti d'augmenter l'exemption personnelle de base jusqu'à environ 10 000 $. À titre de fondation, nous avons entrepris certaines analyses sur ce thème, il y a environ un an. Je vous ferai parvenir cette information avec plaisir.
Si l'exemption personnelle de base avait été adéquatement indexée—je pense qu'elle ne l'a pas été au cours des 10 dernières années—elle se situerait actuellement entre 9 000 $ et 10 000 $. De telle sorte que dans cet exemple, la proposition de votre parti revenait essentiellement à faire respecter les principes de justice et d'honnêteté. De toute évidence, le gouvernement fédéral est dans la bonne voie, mais il peut, dans ce cas, faire un pas de plus vers l'équité.
L'autre facette de cette proposition tient au fait qu'elle permettrait de radier du rôle d'imposition un grand nombre de Canadiens à faible revenu. Il faut donc se demander si la stratégie la plus efficace n'est pas, tout simplement, de permettre à ces gens de garder leur argent plutôt que de le verser au gouvernement, de le faire transiter dans un système onéreux, avant d'en récupérer une minime partie. Il s'agit simplement d'un mécanisme efficace et efficient qui permettrait de maximiser les avantages octroyés à ces familles à faible revenu.
M. Scott Brison: J'ai hâte de lire votre rapport.
M. Mark Genuis: Je vous en ferai parvenir un exemplaire avec plaisir, monsieur.
Quant aux changements systémiques que subit la famille, notre Fondation est en train de mener à bien une étude nationale sur les éléments constitutifs de la structure familiale et sur l'influence qu'exercent ces éléments sur le développement de l'enfant. Nous devons en effet découvrir ce qui, en tant que société, nous intéresse le plus. S'agit-il surtout de la famille ou plutôt du produit de la famille. En réalité, il s'agit du produit, puisque nous voulons assurer la santé des générations futures. Nous examinons donc cette question particulière.
À noter que la NFFRE définit la famille non pas comme entité composée d'une mère, d'un père et d'enfants, mais comme n'importe quel genre d'entité qui élève des enfants. Quiconque a pris en charge l'éducation d'enfants a un rôle crucial dans notre société et tirera, nous l'espérons, profit de cette information.
Ceci étant dit, il y a un certain nombre d'éléments à prendre en considération. Bien sûr, quiconque élève des enfants devrait être en mesure d'agir au mieux. Deuxièmement, dans le cas des familles dissociées, nous devons examiner froidement et sans complaisance ce qui arrive aux enfants et aux conjoints qui ont la garde dès lors que ceux qui n'ont pas la garde sortent, font d'autres enfants et poursuivent leur chemin. Cela ne se passe pas ainsi dans tous les cas, mais c'est un très sérieux dilemme, qui a des répercussions profondes et dévastatrices sur les enfants privés, par la force des choses, d'un soutien.
M. Mike Farrell: Sur la question du rehaussement de l'exemption, je pense que c'est une bonne idée et qu'il est grand temps.
Ce que je voudrais également proposer, qui pourrait être un peu plus controversé, c'est d'augmenter le nombre de tranches à l'extrémité supérieure de l'échelle d'imposition. Je ne comprends pas pourquoi quelqu'un qui gagne 60 000 $ par année est dans la même fourchette fiscale que quelqu'un qui en gagne 200 000 $. Pas seulement parce que le taux d'imposition produit des recettes fiscales, mais tout simplement par souci d'équité. Il me semble que les gens qui gagnent plus devraient payer un taux plus élevé—avec un plafond inférieur à 100 p. 100 bien sûr—et que notre régime fiscal pourrait tirer profit de l'ajout d'une ou deux tranches à l'extrémité supérieure de l'échelle.
Vous avez parlé des disparités entre les riches et les pauvres; c'est une chose qui me préoccupe beaucoup. Je ne suis pas du tout communiste, mais je ne crois pas non plus qu'une forme pure de capitalisme puisse résoudre la question. Je pense que les gens les plus raisonnables cherchent une solution intermédiaire où les rôles des secteurs public et privé sont définis de telle sorte qu'ils deviennent acceptables pour la majorité de la population. Je pense que le débat doit porter sur le genre de règles, de règlements et de lois dont nous avons besoin pour disposer d'un système fonctionnel, mais dont les résultats sont équitables. Quand je parle d'équité, je ne parle pas d'une distribution en parts égales; je parle de résultats équitables et d'un système où règne la justice.
M. Scott Brison: L'égalité d'accès, les chances égales...
M. Mike Farrell: Exactement. Je pense que la façon dont les choses fonctionnent actuellement profite aux gens qui ont le plus d'argent. Je pense qu'il est beaucoup plus facile pour les gens fortunés que pour les pauvres d'augmenter leur avoir. Au chapitre de l'égalité des chances, un enfant né dans une famille qui vit des prestations du bien-être social et un autre enfant né dans une famille dont le revenu annuel se situe entre 200 et 300 000 $ n'ont pas les mêmes chances d'avancement dans la vie. À mon avis, ce n'est pas juste.
Sur la question des familles, oui, je pense que nous devons examiner le cas des familles non traditionnelles. Je suis d'accord avec Mark: nous devons essayer de faire ce qu'il faut pour aider les familles, sous quelque forme qu'elles se présentent. Je ne crois pas que nous pouvons priver les gens du droit de faire des choix, mais je pense que si les gens ont un plus large éventail d'options nous devons être là pour les aider.
Le président: Merci, monsieur Brison. Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.
D'abord, je m'adresserai à la National Foundation for Family Research. Vous avez cité un grand nombre de statistiques, des taux de suicide chez les enfants et toutes sortes d'autres données. Pourriez-vous s'il vous plaît fournir la source de ces citations? Je pense qu'autrement, ce n'est pas très approprié.
M. Mark Genuis: Absolument.
Mme Paddy Torsney: Je m'adresse à l'ONAP. Monsieur Farrell, vous serez heureux d'apprendre qu'en fait, lorsque le comité des finances a élaboré ses rapports en vue de la préparation du budget, on ne trouvait, d'un océan à l'autre, guère d'appui aux réductions d'impôt. En fait, les gens voulaient que nous travaillions à réduire davantage la dette tout en augmentant les dépenses dans les domaines de la santé et de l'éducation. Toutefois, certaines personnes ont mentionné qu'elles souhaitaient des réductions d'impôt. La répartition des votes sur le plan national est également conforme à ces tendances: environ un tiers, un tiers, un tiers. Sans aucun doute, en Ontario, les gens découvrent que les coupes fiscales leur coûtent beaucoup plus cher qu'ils ne l'avaient prévu.
L'autre question que vous avez soulevée est celle du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. Sans le moindre doute, toute cette question d'indexation doit être abordée; nous en avons d'ailleurs parlé un peu dans le rapport du comité des finances.
Une autre observation que je veux faire concerne les enfants qui sont nés dans ces différentes familles. Frank McKenna a quelque peu contribué au débat hier soir en abordant la question des ordinateurs et de l'Internet, de l'accès à l'apprentissage et à l'information, et en nous présentant ces outils comme des instruments capables d'aplanir les inégalités entre les enfants et de créer ainsi une toute nouvelle génération qui dispose en fait, au-delà des disparités de fortune, de chances plus égales d'avancement.
• 1005
Quand nous parlons dans l'abstrait de seuil de pauvreté et de
faible revenu, les gens sont parfois confus quant au sens à
attribuer à ces expressions. Quel est le seuil de pauvreté au
Canada?
M. Mike Farrell: Il y a certes quelques malentendus à ce propos. J'essaierai de vous donner la réponse la plus concise possible.
Actuellement, la pauvreté est le plus communément mesurée grâce aux seuils de faible revenu de Statistique Canada, lesquels, comme les statisticiens de cet organisme le disent eux-mêmes, ne sont pas des seuils de pauvreté mais les mesures les plus communément utilisées au Canada pour mesurer la pauvreté. Il existe toute une variété de seuils de pauvreté, selon la taille de la famille et de la collectivité concernées. Pour une personne seule dans une ville dont la population est supérieure à 500 000 habitants, le seuil de pauvreté est d'environ 17 000 $. Il existe environ 36 de ces seuils. Je ne les connais pas par coeur.
Mme Paddy Torsney: Et pour une famille de quatre—deux enfants, deux adultes...?
M. Mike Farrell: Pour une famille de quatre, il est d'environ 30 000 $.
Mme Paddy Torsney: Si je me souviens bien, le problème qui se pose ne vient pas tant du fait que les gens vivent en bas de ce niveau; ce qui est préoccupant, c'est qu'ils vivent à des niveaux tellement bas par rapport à ces seuils.
M. Mike Farrell: Beaucoup plus bas. En moyenne, leur revenu se situe à environ 9 000 $ en dessous du seuil.
Mme Paddy Torsney: Le Conseil canadien de développement social a laissé entendre qu'à partir du mercredi de chaque semaine, une foule de gens n'ont plus suffisamment d'argent pour acheter leur nourriture. Qu'en pensez-vous?
M. Mike Farrell: Je n'en suis pas sûr. Je sais qu'il y a eu une augmentation phénoménale du nombre de familles qui font appel aux banques d'alimentation dans tout le Canada.
Une des statistiques qui, à mon avis, est des plus choquantes est que la première banque d'alimentation a été fondée au Canada en 1981 et qu'il y en a aujourd'hui plus de 900 dans tout le pays. Ce nombre ne cesse d'augmenter. Juste cette année, des gens me disaient qu'ils ont ouvert des banques d'alimentation sur plusieurs campus universitaires parce que les étudiants sont en train de mourir de faim.
Mme Paddy Torsney: Nous en avons entendu parler, nous aussi, lorsque nous avons sillonné le pays.
Vous avez fourni, à l'annexe 2, quelques diagrammes que vous n'avez pas commentés dans votre présentation. Je me demande si vous pourriez simplement fournir de plus amples renseignements sur leur signification.
M. Mike Farrell: Oui. Le premier concerne un citoyen qui vit seul; le deuxième une famille de quatre. Ce que j'ai tenté de montrer c'est que, si on voit le salaire minimum comme ce qui permet à une personne ou à une famille de se tirer d'affaire au sein de la société canadienne, le pouvoir d'achat des gens qui ont un salaire minimum a diminué. La situation s'est détériorée. À l'échelle nationale, le revenu d'un travailleur à temps plein rémunéré au salaire minimum se situait généralement à 90 p. 100 du seuil de pauvreté reconnu. Aujourd'hui, il s'agit d'environ 70 p. 100.
C'est la même chose pour une famille de quatre. Si les deux adultes actifs d'une famille de quatre personnes occupaient, à temps plein, en 1975, des emplois rémunérés au salaire minimum, le revenu de cette famille se situait généralement à environ 90 p. 100 du seuil de pauvreté établi. Aujourd'hui, le revenu d'une telle famille se situe à 70 p. 100 de ce seuil.
Le salaire minimum n'a tout simplement pas suivi l'évolution du coût de la vie.
Mme Paddy Torsney: Je suis étonnée qu'en Ontario, l'écart entre ces deux chiffres soit si faible.
M. Mike Farrell: C'est parce que lorsque le précédent gouvernement était au pouvoir, il a rehaussé le salaire minimum; Cette hausse n'a pas été abrogée par le gouvernement actuel.
Mme Paddy Torsney: Mon autre question se rapporte à l'annexe 3, laquelle concernait les économistes américains. Je pense que cela remonte à 1995, mais vous avez signalé qu'il y avait eu plusieurs augmentations du salaire minimum. Des économistes canadiens ont-ils entrepris quelque chose de similaire?
M. Mike Farrell: Pas que je sache.
Mme Paddy Torsney: Votre institut a-t-il quelque chose à dire à ce sujet?
M. Mike Farrell: Je ne suis pas familier avec cette question.
Mme Paddy Torsney: Ce serait intéressant de voir...
M. Mike Farrell: Il y a eu une étude par-ci par-là, mais pas un effort concerté comme celui-ci où un nombre considérable d'économistes, dont trois prix Nobel de la paix, ont appuyé le projet.
Mme Paddy Torsney: Aux États-Unis?
M. Mike Farrell: Oui.
Mme Paddy Torsney: L'autre chose qui manque dans ce document, c'est justement ce changement. Où en était leur salaire minimum par rapport au nôtre, quand on sait qu'une augmentation à partir du seuil le plus bas a de toute évidence un autre impact que la même augmentation appliquée à un échelon plus élevé? Je ne sais pas comment comparer les exemples canadiens et américains.
M. Mike Farrell: Je pense que ce qui est significatif, c'est l'augmentation relative, de telle sorte qu'il s'agit de l'augmentation du taux par rapport à la situation actuelle, et non pas par rapport au niveau absolu.
Mme Paddy Torsney: D'accord.
M. Mike Farrell: Je ne pense pas que le fait qu'on parte de 3 $ ou de 6 $ ait la même importance que si, par exemple, on augmente d'un dollar à l'heure au lieu de 20 cents à l'heure. Je pense que c'est ça qui compte. Si vous essayiez de relever le salaire minimum d'une province de 100 p. 100 ou quelque chose d'approchant, cela aurait un impact. Si vous l'augmentiez de 25 cents à l'heure une année et de 25 à l'heure l'année suivante... C'est juste une approximation; je ne sais pas combien.
Mme Paddy Torsney: Enfin, je veux vous dire qu'à mon avis vous avez soulevé d'importantes questions quant au mécanisme du processus d'appel et toute cette affaire d'être bloqué pendant 18 mois parce qu'on s'est basé sur les déclarations de revenus de l'année précédente. Je soulèverai ces questions auprès des deux ministres concernées parce que je pense qu'il s'agit là de deux points que nous devons examiner. S'il existait un moyen, durant la poursuite des négociations et des discussions, de minimiser les dommages et de s'assurer que les processus sont justes et équitables, ce serait une excellente chose.
Je n'ai pas eu le temps de lire du début à la fin l'énorme brique de Penny Frazier.
M. Mike Farrell: Il s'agit d'un bon exemple. J'ai écrit à Revenu Canada pour leur demander des explications, parce qu'ils savent qu'ils vont être chargés de la mise en oeuvre, mais ils ne m'ont pas encore répondu. J'ai entendu dire que ça allait être laissé aux provinces, et cela me préoccupe.
Mme Paddy Torsney: Oui. Je crois qu'une autre source de préoccupation pourrait venir du fait qu'après avoir accordé un bonus d'une main, on le réclame de l'autre. Cela souligne la nécessité pour les collectivités d'offrir une aide véritable à ces gens. Nous disposons de cliniques de préparation des déclarations dans nos bureaux pour aider les gens qui n'ont peut-être pas les ressources ou les moyens de remplir la leur de manière à en retirer un avantage optimal. Nous essayons de souligner le fait que si on remplit sa déclaration à temps c'est déjà, en soi, avantageux. En procédant ainsi, on n'omet aucun paiement et on évite d'autres problèmes. De toute évidence, nous devons prendre cela en considération.
J'ai relevé dernièrement, madame Conti, qu'on a fait allusion au fait que Kids First et d'autres groupes d'intérêts particuliers ne recevaient pas de subvention. Je veux confirmer que la National Foundation for Family Research and Education est toujours un organisme de charité de sorte qu'elle peut émettre des reçus officiels et recevoir des subventions gouvernementales.
M. Mark Genuis: Nous donnons, aux sociétés, des reçus à des fins fiscales. Nous sommes un organisme de charité. C'est vrai. Ainsi, dans ce sens...
Mme Paddy Torsney: donc quelque chose comme un groupe d'intérêts particuliers...
Mme Maria Conti: Permettez-moi de préciser que Kids First vient de se voir octroyer le statut d'organisme de charité pour être en mesure d'obtenir une aide financière et de faire ce genre de chose.
Mme Paddy Torsney: D'accord.
M. Mark Genuis: De toute évidence, il y a des exonérations pour les sociétés qui soutiennent financièrement les travaux de la Fondation. C'est tout à fait exact.
Mme Paddy Torsney: Je voudrais simplement m'assurer que tout le monde comprend qu'il s'agit là d'une aide à des groupes d'intérêts particuliers.
Mme Maria Conti: Vous avez raison. Nous venons à peine d'en bénéficier.
M. Mark Genuis: Mais j'avancerai qu'il s'agit de quelque chose de tout à fait différent d'un don en espèces versé directement à un autre organisme de charité. Mais ce que vous dites est parfaitement vrai.
Mme Paddy Torsney: Merci.
Le président: Maintenant que nous avons établi la véracité de vos propos, madame Torsney, nous pouvons remercier les témoins de leur présentation rigoureuse.
Vous nous avez fourni tout un éventail de choses à examiner. Il se peut que nous fassions à nouveau appel à vos services pour obtenir d'autres avis. Merci infiniment.
Nous suspendons la séance pour une période de 10 à 15 minutes.
Le président: Je voudrais ouvrir la séance et accueillir les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec et de l'Alliance of Manufacturers and Exporters Canada.
Je souhaite la bienvenue à M. Manuel Dussault et M. Jayson Myers, premiers vice-présidents. Comme vous le savez, vous disposez d'environ dix minutes pour présenter votre mémoire. Nous passerons ensuite à une période de questions. Soyez les bienvenus.
M. Jayson Myers (premier vice-président, Alliance of Manufacturers and Exporters Canada): Merci infiniment monsieur le président. Merci de l'occasion que vous nous offrez de comparaître devant ce comité pour discuter du projet de loi C-36, particulièrement des aspects de ce projet de loi qui concernent la Fondation des bourses d'études du millénaire.
[Français]
Je m'appelle Jayson Myers et je suis premier vice-président et économiste en chef de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada.
[Traduction]
Je suis accompagné aujourd'hui par mon collègue Manuel Dussault. M. Dussault est directeur de la recherche et de l'analyse à notre division du Québec, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec.
Les 3 500 membres de l'Alliance représentent une bonne partie des secteurs de l'économie canadienne, mais, très certainement, tous les secteurs de l'industrie et de l'exportation. Ils proviennent de toutes les provinces du pays. Nos membres contribuent à environ 80 p. 100 de la production industrielle du Canada et à environ 90 p. 100 de nos exportations. La majorité de nos membres sont des entreprises de petite taille et de taille moyenne.
Nos membres sont parfaitement sensibilisés aux problèmes auxquels fait face le Canada lorsqu'il s'agit d'assurer un niveau d'éducation et de compétence susceptible de répondre aux besoins d'une économie mondiale contemporaine tributaire de l'innovation, de la connaissance et probablement de l'intelligence. Ils travaillent activement, de concert avec les établissements d'enseignement, les gouvernements provinciaux et les chefs de file du monde de l'éducation, de même qu'avec les organismes de recherche et les centres d'excellence, à concevoir et à construire des programmes et à négocier des arrangements financiers pour que les jeunes soient en mesure de réagir aux exigences extrêmement changeantes du monde des affaires et aux écarts entre l'offre et la demande qui existent d'un bout à l'autre du pays dans le domaine des compétences.
L'éducation et le développement des compétences sont d'une importance primordiale si on veut assurer l'avenir de l'industrie canadienne, soutenir notre capacité d'exploiter au maximum les débouchés de nos marchés d'exportation et la croissance potentielle de l'économie canadienne, et garantir la qualité de vie de toute la population canadienne. Nous félicitons le gouvernement pour avoir pris l'initiative d'offrir ces bourses d'études du millénaire, pour avoir reconnu l'importance de l'éducation et de la compétence dans notre économie mondiale et pour avoir mis la priorité sur cet aspect critique de l'emploi chez les jeunes.
Laissez-moi vous donner, du point de vue de l'industrie, une idée des défis auxquels sont confrontées les sociétés d'aujourd'hui dans un environnement où la compétence et la créativité de la main-d'oeuvre déterminent entièrement la compétitivité et le potentiel de croissance des entreprises.
En septembre dernier, l'Alliance a mené auprès de ses membres un sondage dont les résultats ont été publiés. Nous avons demandé à nos membres d'énumérer les principales questions affectant le rendement des entreprises. Cinq cent dix-sept entreprises de toutes les régions du pays ont répondu à ce sondage. Trente et un pour cent d'entre elles ont signalé qu'elles n'avaient pas seulement fait face à des difficultés pour le recrutement d'employés ayant la compétence voulue, mais que le manque de main-d'oeuvre qualifiée et d'expertise commençait à entraver sérieusement l'amélioration du rendement. Parmi les domaines de compétence recherchés, on peut citer la commercialisation, la conception, le génie, la gestion de la fabrication et des exportations, certaines compétences techniques telles que la soudure, la fabrication d'outils et de matrices, l'usinage et bien entendu les habiletés requises pour l'élaboration du logiciel et de la technologie de l'information.
Nos membres travaillent en collaboration avec les dirigeants des écoles et du monde de l'éducation pour réduire les écarts de compétence. Bien sûr, ils font face à tout un éventail de défis. Parmi ces défis, la nécessité de convaincre les établissements d'enseignement de répondre aux besoins de la clientèle et des entreprises. Ce qui n'est pas une mince affaire! Il s'agit donc de définir les besoins futurs de nos manufacturiers et exportateurs et d'administrer la correspondance entre les connaissances théoriques et les exigences professionnelles.
• 1025
Nos membres sont également confrontés au mode de financement
de l'éducation. En fait, il est plus coûteux de former un élève
dans le domaine du génie civil ou dans tout autre domaine technique
que dans celui des arts ou de l'économie. Je pense qu'il s'agit là
d'un facteur dont il faudrait tenir compte dans toute réforme des
systèmes d'éducation. Il ne s'agira pas d'une solution miracle mais
cela pourra contribuer quelque peu à convaincre les écoles
d'affecter une plus grande part de leurs subventions à l'innovation
et à la croissance, dans le but de changer les choses.
Il va sans dire que nos membres contribuent grandement aux régimes de financement des études postsecondaires déjà en place dans la plupart des provinces. Dans certains cas, il pourrait y avoir des écarts à combler. Dans d'autres, les intéressés sont largement satisfaits, du moins pour ce qui est des priorités et des mécanismes d'octroi des subventions aux étudiants; ils sont également satisfaits des liens solides construits au fil des ans entre les responsables du monde des affaires et de l'éducation des provinces.
Nos sources de préoccupation aujourd'hui sont triples: d'abord, nous souhaitons que les retombées de la Fondation des bourses d'études du millénaire soient orientées de telle sorte qu'elles ne fournissent pas seulement des subventions supplémentaires aux étudiants mais qu'elles améliorent également le contenu, la qualité et l'accessibilité de l'éducation et des programmes de perfectionnement des compétences afin de pouvoir répondre, à l'issue des cycles scolaires, aux exigences des postes qui sont vacants dans les secteurs de l'industrie et de l'exportation. Deuxièmement, comme l'a précisé sans ambiguïté le gouvernement, nous ne devrions pas réinventer la roue, et il faut éviter le dédoublement des efforts ou l'établissement de systèmes concurrentiels ou parallèles pour l'établissement des priorités de financement et des mécanismes de distribution fédéraux et provinciaux. Nous pensons qu'il est essentiel dès le départ, que la Fondation des bourses d'études du millénaire soit établie en collaboration avec les provinces afin de s'appuyer sur les mécanismes en place, si de tels mécanismes existent, et de laisser aux entreprises et aux autres intervenants le soin de calquer leurs propres priorités sur les besoins locaux pour l'établissement des mécanismes de distribution et d'utilisation des fonds affectés à ces bourses.
Nous appuyons sans réserve l'article 28 du projet de loi proposé. Nous soulignons que le gouvernement fédéral doit négocier une entente avec chacune des provinces en ce qui concerne l'administration et l'allocation des subventions octroyées sous le régime de la Fondation afin qu'il puisse atteindre ses propres objectifs d'emploi pour les jeunes.
Notre troisième préoccupation tient au fait que ce ne sont pas toutes les provinces qui accepteront de négocier avec le gouvernement fédéral sur cette question. Nous pensons que la question de l'éducation et du perfectionnement des compétences des jeunes destinés au marché du travail est un problème urgent et important, qui doit être résolu grâce à un effort coopératif. Nous aimerions voir conclure un arrangement en vertu duquel le gouvernement canaliserait les subventions aux étudiants vers les mécanismes provinciaux qui fonctionnent aujourd'hui et qui jouissent, en raison de leur efficacité, de la faveur du monde des affaires. Nous sommes préoccupés par le gaspillage des fonds alloués en vertu de cette importante initiative fédérale qui pourrait se produire si une province et le gouvernement fédéral n'arrivaient pas à s'entendre sur la structure bureaucratique à mettre en place en vue de verser aux étudiants les subventions dont ils ont besoin pour tirer profit des occasions qui leur sont offertes aujourd'hui sur le marché canadien du travail.
L'Alliance voudrait que la Fondation des bourses d'études du millénaire soit un succès et elle est prête à appuyer les efforts du gouvernement pour que cela fonctionne. Toutefois, cette initiative doit être mise en oeuvre dans le contexte des mécanismes de financement des études et du système d'éducation, qui sont actuellement en place dans les provinces. À nouveau, je pense qu'il s'agit d'un projet trop important pour qu'il soit compromis par un manque d'entente entre le gouvernement fédéral et les provinces et ces dernières préoccupations sont plus vives chez nos membres du Québec, bien qu'on les retrouve aussi ailleurs.
[Français]
Mon collègue vous donnera des explications.
M. Manuel Dussault (directeur, Recherches et analyses, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec): Merci, monsieur le président, membres du comité.
L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec est la division québécoise de l'Alliance canadienne et compte plus de 600 membres. Nous sommes voués à l'amélioration continue de la compétitivité de l'industrie et à la croissance de ses exportations.
De tout temps, l'AMEQ, au Québec, s'est intéressée aux questions d'éducation et de formation puisqu'il s'agit d'enjeux d'une importance vitale pour la survie des entreprises. L'AMEQ, au Québec, est un des principaux partenaires du marché du travail et, à ce titre, est appelée régulièrement à donner son opinion sur les questions relatives à l'éducation.
Les membres de l'association sont ainsi favorables aux nouvelles dépenses publiques annoncées dans le domaine de l'éducation, tout en étant préoccupés par la dette publique et le niveau général des dépenses.
• 1030
La division du Québec espère donc que les 2,5
milliards de dollars qui sont prévus pour des bourses
seront utilisés efficacement afin de préparer une
main-d'oeuvre compétente et innovatrice. Nos membres
jugent donc qu'un investissement en éducation de la
part du gouvernement du Canada est un investissement
très raisonnable dans l'avenir des jeunes et de
l'économie.
Dans un souci d'utilisation judicieuse de l'argent public, cependant, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec craint la duplication du programme des bourses d'études du millénaire avec les structures et les programmes existant au Québec. Ainsi, la mise en place d'une nouvelle structure de gestion et de priorités risque de dédoubler le régime de prêts et bourses du Québec créé en 1964.
Pour cette raison, le conseil d'administration de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec a adopté à l'unanimité la résolution d'appuyer la demande formulée par le gouvernement du Québec au gouvernement du Canada après l'annonce du Fonds des bourses d'étude du millénaire. Vous pourrez trouver à l'annexe 1 la résolution de notre conseil d'administration.
Il existe un système d'aide financière pour les étudiants du Québec qui fonctionne bien, selon l'avis des membres de l'AMEQ, des entreprises, des manufacturiers et des exportateurs. L'argent disponible devrait donc être utilisé afin d'améliorer le système actuel, autant en ce qui concerne les priorités que les structures. Les membres croient que la meilleure utilisation des nouveaux fonds serait à l'intérieur de la structure existante, ce qui éviterait toute forme de duplication.
Bien évidemment, une solution négociée entre les gouvernements du Canada et du Québec doit intervenir le plus rapidement possible. C'est la solution préférée de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Il pourrait s'agir d'ailleurs d'un transfert de fonds soumis à des conditions et à des modalités à être déterminées. Il nous fera plaisir, à l'Alliance, d'aider les gouvernements à atteindre une entente si notre aide était désirée.
Faute d'un accord avant l'adoption du projet de loi, le projet de loi devra être modifié de façon à permettre une compensation financière du gouvernement du Québec en lieu des activités de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec juge ces fonds trop importants pour que le Québec, dans son ensemble, ne puisse en profiter pleinement.
En terminant, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs croit à l'éducation et à la formation comme moyens de créer de la richesse, de mettre en oeuvre une économie forte et solidaire et d'assurer la compétitivité des entreprises. Dans le contexte actuel, elle croit que les fonds de la Fondation des bourses d'études du millénaire devraient être utilisés le plus efficacement possible.
Merci, monsieur le président, membres du comité. Nous allons répondre à vos questions si vous le désirez.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Ça me fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui en tant que membre du comité. D'ailleurs, je suis contente de votre position parce que j'avais un peu peur, devant l'exubérance suscitée par le Fonds du millénaire, que vous vous opposiez à la volonté d'opting out du Québec dans ce domaine.
Vous avez soulevé, entre autres, une problématique très importante au Québec. On sait qu'on a beaucoup coupé dans le Transfert social canadien et que cela affecte l'éducation, et on sait combien il est important de maintenir le gel des frais de scolarité. Devant le manque à gagner engendré par les coupures au Transfert social canadien, il est certain que les bourses du millénaire constituaient un affront, particulièrement au Québec, où il existe déjà des mécanismes et structures pour les bourses.
J'aimerais parler plus largement de la façon d'agir du gouvernement dans ce dossier des bourses du millénaire. Le vérificateur général a fait une sortie sur la façon dont les fonds seraient utilisés et aussi sur la non-transparence dans les dépenses qui seront encourues par cette fondation. On sait qu'il n'y a pas beaucoup de contrôle. Le mandat du conseil d'administration est très large.
On a essayé de demander des chiffres sur le coût de l'administration des bourses aux fonctionnaires qui sont venus nous rencontrer au comité, mais c'est difficile. On dit qu'on veut aider les étudiants. Vous êtes très sensibles au dédoublement. Souvent, dans le domaine de l'entreprise, on est très efficace et le dédoublement coûte très cher.
Je regarde cela d'un point de vue global. Il est certain que les bourses du millénaire, pour les provinces qui n'ont pas de structure, sont un pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas le cas là où il y a déjà des structures. La façon de faire du gouvernement est aussi ciblée par le vérificateur général, qui se dit qu'il y a une pratique qui a cours depuis 20 ans au Québec et qu'on a peur que cette pratique se fasse à d'autres paliers de gouvernement.
• 1035
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette
pratique administrative.
Même pour nous, au comité, il est difficile
de savoir comment l'argent sera dépensé,
combien on va avoir d'employés, etc. Tout cela est
un peu flou.
M. Manuel Dussault: Il y a deux volets à votre question. Il y a un aspect général et un aspect particulier au Québec.
[Traduction]
M. Jayson Myers: Je pense qu'en termes très généraux, bien sûr, nous voudrions veiller à ce que les frais d'administration de ce fonds et d'autres programmes gouvernementaux soient réduits au minimum. Il ne fait aucun doute que la meilleure façon d'y parvenir est de mettre à profit le système existant chaque fois qu'une entente peut être conclue à cette fin, et on devrait disposer d'un système de financement sans faille, qui soit élaboré à un coût minimal.
Naturellement, dans tout système de distribution de fonds publics ou privés, on veut qu'il y ait des mécanismes de contrôle et je pense que vous voulez qu'on adopte des mesures du rendement et des mécanismes de contrôle dès le début du processus. Ce n'est rien d'autre qu'une affaire de bonne gestion. Nous voulons également que les frais d'administration soient réduits de telle sorte que les retombées directes soient optimales.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Que serait, pour vous, une bonne administration à un coût minimum? Quand on a posé la question, les fonctionnaires ont mis beaucoup de temps à nous répondre que les frais d'administration représenteraient probablement 5 p. 100 du coût global et pourraient même dépasser 5 p. 100. Les députés du Bloc québécois ont demandé aux fonctionnaires s'ils avaient des mécanismes ou des solutions au cas où les coûts d'administration des bourses seraient très élevés. Nous leur avons demandé quelles décisions on prendrait si les bourses coûtaient trop cher à administrer.
M. Manuel Dussault: Je vais enchaîner. Évidemment, dans la loi, on exige un rapport sur les bourses. Dans le mémoire de l'Alliance canadienne, il y a des recommandations sur ce que devrait contenir ce rapport.
Sur votre première question, qui concernait les mécanismes qui existent au Québec, je pense qu'on exprime notre satisfaction générale quant aux mécanismes existants pour l'attribution de bourses et la possibilité d'appel au Québec. Le Québec a aussi une tradition de partenariat dans les questions d'éducation. Il y a eu les états généraux sur l'éducation il y a deux ans, je crois, où il y avait des représentants du milieu des affaires. L'Alliance y a soumis un mémoire. Il y a donc des changements qui vont dans la bonne direction.
Je ne pense pas, cependant, que notre mémoire ait pour objectif d'endosser complètement tout ce qui est fait au Québec pour les frais de scolarité. Par exemple, je crois que l'Alliance a une position différente et verrait d'un bon oeil une augmentation des frais de scolarité à l'avantage du système d'éducation actuel.
Dans le mémoire de l'Alliance canadienne, on recommande que le rapport de la Fondation contienne une évaluation des objectifs atteints et on précise les objectifs en termes des habiletés qui auraient pu être apprises, de l'éthique du travail, qui est une considération importante pour nos membres, de la lecture et de l'écriture. Avec des rapports rendus publics, on va faire un bon bout de chemin.
Cependant, la division québécoise préfère qu'on conserve les structures qui sont déjà en place au Québec pour administrer ce programme.
[Traduction]
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci de nous avoir présenté votre exposé ce matin. La fuite des cerveaux et toute la question de l'exode des jeunes Canadiens les plus brillants est un problème que nous connaissons tous, et qui s'explique principalement par la lourdeur relative de notre fiscalité, en particulier l'impôt sur le revenu mais également les charges sociales.
• 1040
Après le budget, Sherry Cooper de Nesbitt Burns a parlé de la
Fondation des bourses d'études du millénaire et elle a soutenu que
cette initiative risquait d'aggraver l'exode des cerveaux parce
qu'elle allait donner aux Canadiens une meilleure formation, ce qui
les inciterait à rechercher des possibilités de travail dans un
environnement fiscal moins lourd au sud de la frontière. J'aimerais
savoir ce que vous pensez de tout cela et connaître vos suggestions
sur les politiques fiscales que l'on pourrait adopter pour résoudre
cette question de l'exode des cerveaux.
Pour ce qui est de la Fondation des bourses d'études du millénaire, j'aimerais savoir ce que vous pensez des critères assez vagues qui seraient utilisés pour évaluer les besoins et le mérite. C'est une fondation indépendante qui va distribuer 2,5 milliards d'argent des contribuables avec une grande marge de manoeuvre. Certains craignent que, sans l'intervention d'un vérificateur nommé par le gouvernement, par exemple, et en l'absence de critères précis en matière de besoins et de mérite, la mission de cette fondation ne change de façon dramatique au cours des prochaines années.
Vous proposez que l'on adopte des critères très précis en matière d'attribution de bourses, et pour définir la mission de la fondation et vous affirmez que progressivement le contrôle qu'exercera en fait le gouvernement sur tous ces aspects ira en s'amenuisant. C'est pourquoi j'aimerais savoir quelle est votre position sur l'idée que cette fondation pourrait devenir de plus en plus indépendante avec le temps.
Voilà les sujets qui me préoccupent. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Jayson Myers: Je pourrais peut-être vous répondre en premier. Je sais que Manuel s'intéresse de près aux questions liées à l'éducation au Québec et qu'il est certainement en mesure de vous répondre là-dessus.
L'exode des cerveaux s'accélère. Je suis revenu hier de Saskatoon où j'assistais à une réunion d'une journée où le seul sujet à l'ordre du jour était la difficulté de recruter des travailleurs spécialisés pour le secteur industriel et à peu près tous les aspects de ce problème ont été abordés. Il ne s'agit pas seulement de l'exode des cerveaux du Canada vers les États-Unis ou d'autres pays, mais il y a aussi l'exode des cerveaux vers l'Alberta, vers d'autres provinces et régions.
La fondation des bourses du millénaire est un investissement dans l'éducation et la formation; cela est évident. Ce n'est pas une initiative qui, à elle seule, va empêcher l'exode des cerveaux. Si l'on ne met pas en place des mesures qui vont inciter les Canadiens ayant une formation très spécialisée à rester au Canada, il est évident que l'exode va se poursuivre. Je suis donc d'accord avec Sherry Cooper sur ce point.
La fiscalité est bien sûr un problème ainsi que les taux d'imposition relativement élevés—non seulement le taux d'impôt personnel mais le fait que comparé aux États-Unis, on passe au Canada beaucoup plus rapidement à des taux d'imposition marginale plus élevés.
Un autre aspect du problème est le dollar canadien. La faiblesse du dollar profite certes aux exportateurs mais elle explique également qu'il soit très difficile de retenir les spécialistes au Canada.
Une partie de la responsabilité revient également à l'industrie, puisque c'est à elle de créer un environnement de travail qui favorise la créativité et l'excellence et qui puisse retenir les travailleurs une fois embauchés. C'est un projet à long terme et je reconnais que les bourses du millénaire ne vont pas à elles seules régler ce problème.
Pour ce qui est de la question du mérite et des besoins, je dirais que, oui, il ne s'agit pas uniquement de distribuer de l'argent. Il s'agit concrètement d'améliorer la qualité de l'éducation et de veiller à ce que la formation offerte corresponde à ce dont a besoin notre économie. En se plaçant du seul point de vue de l'administration de cette fondation, il faut en définir clairement la mission et mettre en place des mécanismes de contrôle et d'évaluation de sa performance.
• 1045
C'est là je crois le point essentiel pour nous, c'est la
raison pour laquelle le gouvernement fédéral et les provinces
doivent s'entendre, parce que c'est au niveau local et provincial
que les choses se passent, que les gens sont formés, que les
établissements d'enseignement définissent les programmes. C'est
pourquoi je pense qu'il faut que les deux parties travaillent
ensemble. S'il n'y a pas d'entente, nous risquons de dépenser
beaucoup d'argent et d'attendre longtemps les retombées.
Manuel, je ne sais pas si tu as quelque chose à ajouter.
[Français]
M. Manuel Dussault: J'aimerais ajouter quelque chose sur l'aspect de la relation entre la Fondation et le gouvernement. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je vais tout de même essayer de vous parler de l'expérience du Québec.
Au Québec, l'entreprise, le gouvernement et les fonds privés essaient de plus en plus de travailler en partenariat. Je pense que c'est une façon d'innover en administration publique et d'impliquer la société. Je ne pense pas que ce soit quelque chose à rejeter.
Il va falloir, bien évidemment, des structures différentes, une adaptation différente. Les règles comptables dans le secteur public sont différentes des règles comptables dans le secteur privé. Vous allez probablement devoir faire de l'innovation, mais il ne faut pas rejeter l'approche qui consiste à faire collaborer des mondes qui sont peu habitués à collaborer pleinement.
[Traduction]
Le président: Dernière question, M. Brison.
M. Scott Brison: J'aimerais savoir ce que vous pensez des charges sociales et savoir si vous avez des suggestions à ce sujet.
Il y a également beaucoup de gens qui pensent que le dollar canadien reflète la productivité canadienne. Existe-t-il d'après vous des façons d'utiliser les politiques fiscales pour améliorer la productivité et d'imprimer à long terme un mouvement ascendant à notre dollar canadien?
M. Jayson Myers: Eh bien, d'une façon très générale, je vais commencer par le dollar canadien. Je crois que le dollar a faibli depuis un an à cause de la forte reprise économique que nous avons connue au Canada en 1997. Nous vivons aujourd'hui dans une économie très intégrée, celle du Canada et des États-Unis. La faiblesse des taux d'intérêt au Canada a favorisé les consommateurs canadiens et notre économie nationale est très forte.
Les facteurs qui font baisser le dollar ont été jusqu'ici beaucoup plus forts que les bénéfices découlant de nos exportations. Les investisseurs voient uniquement les problèmes que nous avons connus avec l'excédent commercial; l'excédent commercial a été réduit.
Le dollar canadien va remonter cette année mais les investisseurs regardent cet aspect. De nos jours, avec une économie intégrée, lorsque l'économie nationale est très forte, il n'est pas possible d'utiliser la production intérieure pour absorber nos dépenses pour acheter des produits canadiens. Comme nous le faisions auparavant, en fait, la prospérité de notre économie se traduit par une augmentation des importations. Cela nous amène à nous demander si la Banque du Canada est vraiment capable d'adopter des politiques monétaires beaucoup plus souples que celles de notre principal partenaire commercial. C'est un grave problème qui concerne la possibilité d'adopter des politiques monétaires différentes des autres.
Compte tenu de cette situation, la seule solution, si nous voulons préserver des politiques monétaires plus favorables est de renforcer nos exportations. C'est l'envers de la médaille. C'est ce problème commercial qui explique en grande partie les difficultés du dollar. Le dollar était tombé à 71¢ avant la crise en Asie. Cette crise n'a fait qu'aggraver la situation.
Il faut, je crois, féliciter le gouvernement d'avoir réussi à supprimer le déficit. Cela a permis de ramener les taux d'intérêt au niveau où ils sont aujourd'hui et je crois que nous allons devoir être prudents avec notre politique monétaire.
L'amélioration de la productivité est la seule solution, si l'on tient compte de la situation du dollar, de ce que coûte un dollar aussi faible aux importateurs ainsi qu'aux entreprises qui essaient de conserver les investissements et les travailleurs spécialisés. La faiblesse du dollar doit être compensée par l'amélioration de la productivité. Un dollar fort doit être compensé par l'amélioration de la productivité chez les exportateurs.
• 1050
Le budget cherche à favoriser l'innovation à long terme,
aspect qui est crucial pour l'amélioration de la productivité à
long terme. Mais là encore, il faut que les entreprises canadiennes
réussissent à s'adapter aux nouvelles conditions économiques. C'est
là que jouent les charges sociales, parce qu'elles représentent une
composante importante du coût de la main-d'oeuvre. Avec le régime
fiscal que nous avons pour les charges sociales, les entreprises
ont beaucoup de mal à s'adapter aux conditions économiques
internationales parce qu'elles ne disposent pas d'une latitude
suffisante en termes de main-d'oeuvre et de productivité.
C'est pourquoi nous aurions aimé que le budget prévoie une réduction des charges sociales. Je crois que cela joue un rôle important et c'est un fardeau pour de nombreuses entreprises. C'est un aspect qui est constamment mentionné. C'est un sujet qui revient toujours, avec les autres aspects de la fiscalité.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Myers, vous avez parlé dans votre exposé du fait qu'il y avait d'autres questions à aborder que la fondation du millénaire, notamment la restructuration des établissements et le contenu des programmes. Le gouvernement sait que l'éducation relève des provinces. Pensez-vous que le gouvernement fédéral a également un rôle à jouer dans ce domaine?
M. Jayson Myers: Il existe un problème grave au Canada, pour ce qui est de l'éducation et de la formation. Le gouvernement fédéral doit s'attaquer à ce problème en collaboration avec les provinces. Je crois que le financement de l'éducation et les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent être négociés en tenant compte des mécanismes provinciaux de financement et des priorités provinciales.
Mais il est vrai que l'éducation souffre de problèmes. L'infrastructure actuelle de l'éducation, en particulier dans le domaine de l'industrie et de l'exportation, n'offre pas la formation dont les étudiants ont besoin pour obtenir du travail de nos jours et ne suit pas l'évolution de la technologie. Il y aura beaucoup de changements à apporter dans ce domaine et certains d'entre eux sont de nature financière.
J'ai parlé du fait qu'il coûtait plus cher de former des ingénieurs, ce qui soulève un problème lorsqu'il s'agit de créer des places pour les étudiants des universités ou des collèges techniques. Il y a donc ces problèmes mais je crois que la Fondation des bourses d'études du millénaire peut donner au gouvernement fédéral et aux provinces l'occasion de collaborer de façon plus étroite, et nous insistons sur le fait que, sans cette collaboration, cela ne fonctionnera pas.
M. Tony Valeri: Bien sûr. Il a été clair depuis le début que le gouvernement fédéral aurait un rôle à jouer dans ce domaine, à savoir garantir à tous les Canadiens l'accès à l'éducation en mettant en place des mécanismes de financement.
Je crois que vous dites, et je veux simplement vérifier si j'ai bien compris la position de votre organisme, qu'il peut aller plus loin que cela en collaborant aussi pour ce qui est des problèmes plus fondamentaux de l'éducation.
M. Jayson Myers: Notre contribution porte uniquement sur ce qui est proposé dans le projet de loi sur la Fondation des bourses d'études du millénaire.
M. Tony Valeri: Je réagis uniquement à ce qui figure dans votre mémoire. Je suis surpris par son contenu.
M. Jayson Myers: Pour ce qui est d'utiliser cette fondation pour financer les études, notre position est que cette mesure va permettre de renforcer les mécanismes de financement existants.
Lorsque l'on parle de réforme de l'éducation, il me paraît essentiel de travailler avec les institutions qui existent. Je tiens à souligner que nous participons à un certain nombre de réformes qui sont actuellement en voie de réalisation.
Nous aimerions que ces bourses soient utilisées pour financer, sur une base de collaboration, les initiatives qui sont prises en ce moment avec les provinces. Je ne pense pas que nous souhaitions que le gouvernement fédéral prenne davantage d'initiatives dans ce domaine pour essayer d'influencer ce qui se fait à l'échelon local. Son rôle va déjà assez loin.
M. Tony Valeri: Ce n'est pas ce que je propose. Je dis simplement que le gouvernement fédéral a toujours soutenu que l'éducation, pour ce qui est des programmes et des responsabilités dans ce domaine, relève des provinces. Nous l'avons toujours reconnu très clairement.
Il y a d'autres aspects de la fondation du millénaire et de la position du gouvernement qui ont été clairement précisés. J'espère que vous avez eu connaissance de ces commentaires et je crois que cela se reflète dans ce que vous avez dit jusqu'ici, à savoir que le gouvernement fédéral veut éviter de faire double emploi avec ce qui se fait déjà au niveau provincial, il veut s'appuyer sur les mécanismes provinciaux d'évaluation des besoins pour ne pas à avoir à exposer des dépenses supplémentaires pour mettre sur pied cette fondation.
Mais ce que je crois avoir compris, et vous pouvez me corriger si je me trompe, et je vous paraphrase ici, c'est que cette question revêt une importance capitale non seulement pour les membres de votre association mais pour tous les Canadiens. Il s'agit de donner à nos jeunes la formation et la spécialisation dont ils ont besoin pour obtenir du travail et pour être compétitifs. Nous avons en fait essayé d'évacuer l'aspect politique et de fournir la possibilité à un groupe d'experts de décider comment cela devrait fonctionner, en consultation avec les provinces.
Je cherche à vérifier si c'est bien ce que vous dites. Je ne souhaite absolument pas à vous faire des choses que vous ne voulez pas dire.
M. Jayson Myers: Non, c'est une question essentielle et elle est tellement essentielle que nous voulons être sûrs que ces fonds seront utilisés de la meilleure façon possible. C'est là notre principal souci. Nous craignons que les aspects politiques prennent le pas sur les autres aspects; nous ne voudrions pas que cela ralentisse l'utilisation de ces fonds dans un domaine aussi crucial.
M. Tony Valeri: Je suis sûr qu'il n'y a pas une personne ici ni à la Chambre des communes qui voudrait que cela se produise.
M. Manuel Dussault: Si je peux ajouter quelque chose, je dirais que notre position n'est pas une position constitutionnelle; il s'agit de savoir ce qui est bon pour les entreprises, où elles exercent leurs activités et de quel genre d'employés elles ont besoin. Par exemple, au Québec, il y a déjà un système de bourses, il y a des fonds et nous travaillons déjà à l'améliorer. Nous craignons qu'il y ait double emploi et également un manque d'harmonisation. C'est donc en fait la position des entreprises que nous adoptons ici.
M. Tony Valeri: Il est bien certain que tout le monde veut éviter le double emploi et c'est pourquoi l'on déploie tous ces efforts. Les ministres, et le premier ministre en fait, ont indiqué clairement qu'ils faisaient tout leur possible pour éviter le double emploi, parce que personne ne gagne lorsqu'il y a double emploi.
M. Manuel Dussault: Mais nous avons déjà une structure au Québec.
M. Tony Valeri: Mais il y a des négociations en cours actuellement qui visent à éviter les chevauchements.
M. Manuel Dussault: C'est exact.
M. Tony Valeri: J'espère que vous reconnaissez au moins ce fait.
M. Manuel Dussault: Oui, c'est vrai, et nous sommes tous disposés à faire ce que nous pouvons pour la réussite de cette initiative.
M. Tony Valeri: Cela serait très apprécié. Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Je vais donner la parole à Madame Gagnon qui va certainement être d'accord avec M. Valeri.
[Français]
Mme Christiane Gagnon:
[Note de la rédaction: Inaudible] ...de M. Valeri. Justement, on veut nous faire adopter assez rapidement ce projet de loi, et ça va peut-être se faire en-deçà des négociations qu'il y a entre le fédéral et le provincial. On sait que selon la partie 1 du projet de loi, il n'y aura aucune latitude pour transférer au gouvernement du Québec la part sur laquelle la négociation est en train de se faire. Ce sera impossible de le faire parce que l'article 1 ne le permettra pas.
On a vu les avocats du ministère, qui nous ont dit que ce serait impossible. Il faudrait modifier la loi s'il y avait une entente entre le Québec et le fédéral, ce dont je doute fort, mais que je souhaiterais. Il serait impossible d'avoir droit à cette compensation parce que l'article 1 ne le permet pas. La seule chose qu'on pourrait permettre, ce serait, en vertu du paragraphe 29(1), la conclusion d'un accord sur les critères d'évaluation et sur la communication d'une liste de personnes qui seraient admissibles à la bourse. Mais cela n'enlèverait pas le dédoublement que la loi créerait par ces bourses du millénaire.
• 1100
Je reconnais la bonne foi de M. Valeri, mais ce n'est
pas ce que veulent les dirigeants de son
gouvernement. Pourquoi
adopter ce projet de loi rapidement alors que les
négociations avec le Québec sont en train de se faire?
Si jamais on arrivait à négocier ce transfert au
Québec—il est permis
de rêver—, il faudrait modifier l'article
1. Il ne nous sert à rien
de nous presser à adopter cette loi-là.
Elle ne serait pas applicable.
Le transfert des sommes d'argent et de la gestion au Québec que vous souhaitez, ne serait pas applicable. On est venu nous dire que ce serait impossible à faire, cela dès la première journée, quand on a commencé à recevoir des témoins sur les bourses du millénaire, sur le projet de loi C-36.
Je ne sais pas si vous le savez, mais une des critiques du Bloc québécois est de soulever ce problème qui existe dans le projet de loi. Pourquoi devrions-nous proposer un amendement? Nous n'allons pas travailler à un projet de loi quand déjà, au départ, la souplesse que vous désirez pose problème.
Au Québec, il y a déjà des mécanismes qui sont en place. On a assez coupé dans le Transfert social canadien. L'éducation a écopé. Nous, nous sommes la voix du Québec. Il y a une large coalition, et vous le savez car vous en faites partie, qui désire que les sommes soient transférées pour arrêter les dédoublements et les chevauchements. Quand on a été élus pour notre premier mandat, c'était justement pour arrêter ces chevauchements. On paye des impôts au fédéral. Qu'on nous les retourne pour qu'on puisse les gérer. Le Québec aurait une marge de manoeuvre s'il pouvait en prendre une partie, et cela coûterait peut-être moins cher parce que les mécanismes sont déjà là.
Il y a d'autres problèmes en éducation, notamment celui du décrochage scolaire. On est confrontés à toute la problématique de l'éducation au Québec.
Vous faites mieux d'écouter, monsieur le président, parce que c'est vous qui allez conseiller votre ministre.
Est-ce que vous êtes au courant de ce problème, de cet article de loi qui pose problème pour tout l'assouplissement que vous désirez?
M. Manuel Dussault: En fait, ce que nous souhaitons, c'est une solution négociée. Nous pensons bien que les deux parties sont de bonne foi et essaient de trouver une solution. Si on peut contribuer à l'atteinte d'une solution, cela va nous faire plaisir.
C'est un sujet extrêmement sérieux et extrêmement important pour les manufacturiers et les exportateurs du Québec. Ma réaction, c'est qu'il y a beaucoup de procédure parlementaire pour moi. Le Parlement est souverain. Je pense qu'on peut vous exprimer nos besoins du point de vue de nos membres. C'est ce qu'on peut faire de plus utile.
Mme Christiane Gagnon: Je suis heureuse de vous parler ce matin parce que je veux vous dire que si le projet de loi qu'on est en train d'étudier est adopté en Chambre, il n'y aura aucune possibilité de vous satisfaire en donnant au Québec la compensation qu'il désirerait pour gérer. Selon l'article 1 du projet de loi, ce n'est pas possible.
La seule chose qui est possible selon le projet de loi, c'est une entente avec le Québec sur les critères d'évaluation et sur la communication d'une liste. On est venu nous dire que la Fondation n'aura pas le pouvoir ou la mission d'accorder des bourses d'études à des étudiants et de faire gérer cela par le Québec. Oubliez cela. Si ce projet de loi est adopté, ce ne sera pas possible. Donc, on dit au gouvernement d'attendre que la négociation avec le Québec ait eu lieu. Pourquoi adopter un projet de loi quand il faudra modifier la loi? Vous savez combien c'est compliqué. Une fois que le projet de loi aura été adopté, on va dire: «Non, on ne le peut pas. C'est entre les mains de la Fondation.» Je voulais seulement vous dire que selon le projet de loi, il n'y aura aucun assouplissement possible pour le Québec.
M. Manuel Dussault: À la page 5 de notre mémoire, on dit:
-
Faute d'un accord avant
l'adoption du projet de loi, le projet de loi devrait
être modifié de façon à permettre une compensation
financière du gouvernement du Québec en lieu des
activités de
la Fondation canadienne des bourses du millénaire.
Mme Christiane Gagnon: Nous allons nous faire votre porte-parole. Nous allons avoir des débats en Chambre et nous allons nous faire le porte-parole du Québec là-dessus afin que ce projet de loi ne soit pas adopté avant qu'il y ait certitude que le Québec puisse avoir sa compensation en matière de bourses du millénaire.
Merci.
Le président: Merci, madame Gagnon.
[Traduction]
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président. Je vous demande tout d'abord bien vouloir m'excuser parce que je n'ai pas entendu votre exposé et j'espère que ma question ne fait pas double emploi avec ce qui a déjà été dit.
Je comprends de votre exposé que vous vous intéressez à la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire parce que cette fondation permettrait de renforcer la formation des Canadiens et de répondre ainsi à une critique que formulent de nombreux industriels et exportateurs canadiens. Dans votre exposé, vous avez mentionné certains domaines: solution de problèmes, éthique du travail, communication, créativité et responsabilité. Cela revient pratiquement à condamner notre système d'éducation actuel, n'est-ce pas? Ce sont des compétences que notre système enseigne depuis longtemps, notamment la capacité de résoudre des problèmes, de créer, d'être responsable et de prendre des initiatives. Ce n'est peut-être pas exactement ce que vous dites mais pensez-vous vraiment que les étudiants qui sortent de nos collèges et de nos universités ne possèdent pas ces compétences? Parce que si c'est bien le cas, ce n'est pas la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire qui va changer quoi que ce soit.
M. Jayson Myers: Malheureusement, cela revient à condamner le système actuel. Avec l'enquête que nous avons effectuée en automne dernier, nous avons essayé de savoir quel était le degré de satisfaction de nos membres à l'égard des diplômés des écoles secondaires, des collèges et des universités qu'ils avaient embauchés. Les résultats n'ont pas été très bons. Je crois que 36 p. 100 seulement d'entre eux ont déclaré qu'ils étaient tout à fait satisfaits des nouveaux employés qui avaient terminé leurs études secondaires. Ce pourcentage n'était guère supérieur dans le cas des universités, et il était légèrement plus faible pour les collèges. Je crois que pour les universités, 48 p. 100 des répondants ont déclaré que le niveau des compétences était bon et les autres ont mentionné qu'il était moyen ou médiocre. Cela ne suffit pas de nos jours. Cela revient à condamner le système si l'on tient compte de nos capacités en matière de communication et de résolution de problèmes.
Les entreprises doivent elles aussi assumer une part de responsabilité à l'égard de la situation parce que l'organisation du travail est un aspect très important de la nouvelle économie basée sur la connaissance. Il est certain que les problèmes de compétence et de formation ne se limitent pas aux spécialisations qui sont offertes et qu'ils touchent l'ensemble de notre système d'éducation. C'est là qu'il va falloir introduire des réformes. Il va falloir repenser tout cela si l'on veut résoudre ces problèmes. Ce sont des problèmes à long terme et il n'y aura pas de solution miracle. Parallèlement, nous ne pourrons nous attaquer à ces problèmes si nous ne donnons pas aux étudiants les moyens de profiter pleinement de ce que notre système d'éducation peut leur offrir à l'heure actuelle. Il va bien sûr falloir améliorer la façon dont nous formons les jeunes mais je ne pense pas que ce mécanisme de financement, cette fondation, va résoudre les problèmes structurels sont souffre le système.
Le président: Merci.
Je vais donner la parole à M. Szabo et ensuite à M. Solberg pour une brève question.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, messieurs, de votre exposé.
Est-ce que l'un d'entre vous pourrait nous parler de la capacité excédentaire qui existe actuellement dans notre système, dans le secteur manufacturier, pour ce qui est de la capacité de produire davantage des biens et des services? Nous sommes prêts à démarrer, ce sont simplement les commandes qui manquent. Avez-vous une idée de la situation?
M. Jayson Myers: Manuel va répondre pour le Québec et je vais vous parler de la situation du reste du Canada.
[Français]
M. Manuel Dussault: Au Québec particulièrement, ce qui manque, ce sont de bons techniciens, des chaudronniers, des soudeurs spécialisés, des gens ayant une bonne formation technique, en ajoutant les compétences que mon confrère Jayson Myers a nommées, soit un genre d'éthique du travail.
Il y a des chiffres qui circulent. On essaie d'évaluer au Québec présentement, au sein de nos associations, avec les partenaires du marché du travail, combien d'emplois seraient disponibles, mais je ne crois pas qu'il y ait d'évaluation de l'excess capacity, comme vous dites, de ce qu'on pourrait produire.
• 1110
D'autre part, il y a une chose que je peux mentionner.
Si, au Québec, on fait des produits de
qualité à des prix abordables, avec une
main-d'oeuvre spécialisée à valeur ajoutée, il n'y a
pas de limite au marché qu'on peut aller conquérir.
C'est comme ça qu'il faut voir l'éducation, je crois. Il faut la voir comme un ajout à notre capacité de faire fonctionner l'économie et non pas simplement comme un ajout à ce qui existe déjà.
[Traduction]
M. Jayson Myers: Je peux vous dire que dans l'ensemble des secteurs, nous avons constaté qu'il est de plus en plus difficile d'amener les entreprises à assister à nos réunions et à nos stages parce que tous nos membres sont trop occupés à essayer de répondre aux besoins de leurs clients. Dans bien des secteurs, les carnets de commandes sont remplis. Cela va alimenter la production industrielle pendant une bonne partie des six prochains mois. Il y a beaucoup de facteurs qui limitent notre production à l'heure actuelle. Dans certains domaines, c'est l'accès aux matières premières, par exemple, qui est le grand problème, en particulier pour les aciéries.
Mais il y a d'autres possibilités de croissance. Je crois que, de nos jours, l'expansion de l'industrie ne dépend pas seulement des investissements en équipement et en installations; l'expansion consiste aussi à investir dans la main-d'oeuvre. Il arrive souvent à l'heure actuelle, en particulier dans les petites entreprises, et j'ai entendu d'autres histoires de ce genre à Saskatoon hier, que les entreprises renoncent à essayer d'embaucher des gens, des concepteurs de logiciels ou des directeurs d'usine, pour la simple raison qu'ils n'arrivent pas à en recruter. Cela les empêche de profiter des opportunités qui s'offrent à eux en ce moment.
Bien sûr, il faut quand même financer l'expansion. Mais il n'y a pas que le financement qui soulève des problèmes; c'est aussi un problème commercial dans le sens qu'il faut convaincre les établissements financiers de la rentabilité de l'expansion projetée. Mais il y a des contraintes. Il existe de nombreuses opportunités, en particulier dans le domaine des exportations. Nous évaluons à près de 62 p. 100 le pourcentage des biens fabriqués au Canada aujourd'hui qui sont exportés. Dans le cas des fournisseurs qui produisent pour les principaux exportateurs, ce pourcentage est sans doute plus proche de 80 p. 100. L'élargissement du marché offre toutes sortes d'opportunités aux entreprises. Le problème est de trouver les ressources pour pouvoir les exploiter.
M. Paul Szabo: Compte tenu du fait que, selon votre évaluation, les entreprises ont déjà fait ce qu'elles pouvaient pour contrôler les coûts, compte tenu du fait que l'offre et la demande sont relativement équilibrées et que nous pourrions produire davantage si nous trouvions les gens dont nous avions besoin, il faut se poser des questions sur notre taux de chômage de 8,5 p. 100, et sur les compétences des personnes qui sont au chômage au Canada.
M. Jayson Myers: Oui, c'est vrai.
M. Paul Szabo: C'est ce qui crée ce dilemme, les gens qui recherchent du travail n'ont pas les compétences qu'exigent les emplois disponibles.
M. Jayson Myers: Vous avez parfaitement raison. C'est un grave problème. Le taux de chômage dans le secteur manufacturier est inférieur à 5 p. 100. C'est pratiquement le taux naturel de chômage. C'est pourquoi 31 p. 100 des entreprises affirment ne pouvoir trouver des personnes compétentes alors que nous avons, d'une façon générale, un taux de chômage qui est encore trop élevé. Mais de nos jours, il n'est pas possible d'embaucher un étudiant qui vient de terminer ses études secondaires pour le placer sur une chaîne de montage, je ne parle pas des systèmes automatisés de haute technologie, comme ceux qui existent dans le secteur du meuble. Cela a beaucoup changé depuis 10 ans.
C'est une des causes des problèmes que connaît notre système d'éducation: le changement. Tout d'abord, il faut convaincre les jeunes, et c'est à nous d'essayer de le faire, que s'ils veulent voyager dans le monde, s'ils veulent travailler dans les technologies de pointe, dans le secteur de l'économie où la croissance est la plus rapide, c'est le secteur industriel qu'il faut choisir, parce que c'est là qu'il y a du travail. Mais il faut commencer par sensibiliser les jeunes du secondaire à ces questions. Il faut des programmes qui vont faciliter l'acquisition des compétences dont nous avons besoin pour réduire l'écart entre les emplois et le taux de chômage général. C'est bien évidemment l'un des grands problèmes que nous devrons résoudre.
M. Paul Szabo: Merci.
Le président: Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Je suis curieux de savoir dans quelle mesure le manque de main-d'oeuvre qualifiée est aggravé par l'exode des cerveaux, en particulier chez les spécialistes. Quelle est l'importance de ce problème parmi vos membres?
M. Jayson Myers: C'est un problème très grave. Nous en avons parlé un peu tout à l'heure.
Il ne suffit pas de découvrir les spécialistes dont nous avons besoin, il faut également les retenir. Le taux de roulement est très élevé et pas seulement dans le secteur industriel. Nous représentons de nombreux autres secteurs commerciaux, en plus de l'industrie: le secteur des banques, le secteur des technologies de l'information et des logiciels, le secteur des télécommunications. Dans tous ces secteurs, il est non seulement difficile d'attirer les gens mais il est encore plus difficile de les retenir.
M. Monte Solberg: Si les entreprises n'arrivent pas à attirer ces personnes et à les retenir, elles sont finalement obligées de déménager. Est-ce bien ce qui se passe?
M. Jayson Myers: Cela se passe aussi. Un des facteurs essentiels dont les entreprises tiennent compte pour choisir un lieu d'implantation est l'accès à une main-d'oeuvre qualifiée.
M. Monte Solberg: Y a-t-il des différences régionales lorsqu'on pense à la formation et à l'existence de travailleurs spécialisés? Est-ce plus facile dans certaines régions du pays?
M. Jayson Myers: Je crois qu'il existe de grandes différences régionales. Cela s'explique en partie par la nature de l'industrie et par la formation. Au Québec et en Ontario, on s'occupe davantage de formation technique parce que c'est là que se trouve l'infrastructure industrielle; il existe donc de nombreuses écoles techniques et d'instituts d'ingénieurs qui offrent de la formation dans ce domaine.
Lorsque l'on passe aux provinces Maritimes, lorsque l'on passe, là encore je pense à ce que j'ai entendu hier à Saskatoon, à la Saskatchewan, il devient plus difficile d'attirer des gens dans ces régions, parce qu'on n'y trouve pas le système d'éducation, de formation, ni l'infrastructure dont a besoin le secteur des technologies modernes, l'un des secteurs de l'économie de l'Ouest qui est en pleine croissance à l'heure actuelle.
Je suis convaincu qu'il y a de grandes différences. Là encore, vu de Saskatoon, il se pose deux problèmes. Premièrement, je ne vais pas trouver de directeurs d'usine ici. Il n'existe pas dans cette province de gens ayant l'expérience requise. Je dois faire venir ces directeurs d'usine de l'Ontario, du Québec ou des États-Unis. Mais c'est presque comme si je demandais à Wayne Gretzky de venir s'occuper de mon usine. Il faut que je leur paie un salaire qui les motive à venir ici et cela représente un coût important. Deuxièmement, j'ai perdu mon soudeur qui est parti travailler pour les pétrolières parce qu'elles lui offrent un meilleur salaire. Je n'arrive même pas à conserver les gens que j'espérais retenir l'année dernière.
Peut-être que Manuel peut intervenir.
M. Manuel Dussault: Oui, c'est une excellente question.
Au Québec, il y a effectivement une fuite des cerveaux. Mais notre marché du travail est plus restreint, les Québécois sont moins mobiles à cause de la langue et nous avons constaté que la présence au Québec de gens bien formés attire les entreprises. C'est un des arguments que nous utilisons pour amener les investisseurs au Québec.
La situation varie beaucoup, selon la région considérée.
Le président: M. Myers et M. Dussault, merci beaucoup d'être venus. Vos commentaires ont suscité beaucoup d'intérêt. Nous aimerions beaucoup vous revoir lorsque nous aborderons d'autres questions. Merci.
Nous allons prendre une pause d'environ trois à cinq minutes et nous reprendrons ensuite.
Le président: Reprenons. Je souhaite la bienvenue à M. Robinson de la Canadian Taxpayers' Federation.
Vous avez déjà souvent comparu devant le comité et vous savez donc que vous disposez d'une dizaine de minutes pour présenter votre exposé et que nous passerons ensuite à une période de questions. Allez-y.
M. Walter Robinson (directeur national, Canadian Taxpayers' Federation): Merci, monsieur le président. En tant que directeur national de la Canadian Taxpayers' Federation, c'est effectivement avec un grand plaisir que je me trouve ici ce matin.
[Français]
Ma présentation de ce matin sera seulement en anglais, mais je vais essayer de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
[Traduction]
Monsieur le président, avant de commencer à commenter la partie 1 du projet de loi C-36, j'aimerais régler une question pratique avec le comité. Lorsque j'ai comparu devant vous l'automne dernier, j'avais parlé en détail des entreprises parasites et des limites que le gouvernement ne devait pas dépasser en matière d'aide financière directe aux entreprises. Nous avons publié la semaine dernière une étude sur les entreprises parasites qui porte sur une période de 16 ans. J'avais promis à MM. Solberg et Riis de déposer cette étude pour les membres du comité. Je la remettrai au greffier à la fin de la séance.
Pour en venir à la Loi d'exécution du budget, le projet de loi C-36, je vais faire précéder mes remarques de quelques observations.
Nous nous félicitons de ce que M. Martin ait réussi à équilibrer nos comptes pour la première fois en 28 ans mais le chemin qu'il a suivi pour y parvenir n'est pas celui qu'il avait décrit aux contribuables il y a cinq ans. En 1994, on avait promis aux Canadiens que pour chaque augmentation d'impôt de 1 $ il y aurait une réduction des dépenses de 5 $. Malheureusement, c'est le contraire qui s'est produit: pour chaque dollar de réduction des dépenses, les impôts ont augmenté de 4 $.
En outre, les recommandations particulièrement importantes et constructives qu'a transmises votre comité dans son rapport Maintenir l'équilibre n'ont pas été mises en oeuvre. Plus précisément, je pense à vos recommandations préconisant une augmentation importante de l'exemption personnelle de base, le blocage des tranches d'imposition et le choix de ratios dette/PIB qui soient réalistes. Je pourrais peut-être revenir sur ces questions après mon exposé.
Pour ce qui est du projet de loi C-36 et de la partie 1, la fondation des bourses d'études du millénaire, nous estimons que cette mesure soulève des questions fondamentales.
Je tiens tout d'abord à vous dire que nous sommes en faveur du principe d'une aide directe accordée aux étudiants canadiens, tel que le prévoit le fonds du millénaire. Il y a longtemps que nous préconisons qu'à partir du moment où le gouvernement se prépare à effectuer des versements dans le cadre d'un programme ou d'un fonds de dotation, il faut que ces versements se fassent de la manière la plus directe possible. Pour employer le langage du commerce, je dirais que ce qui caractérise le mieux notre soutien au versement direct des crédits du gouvernement aux bénéficiaires, c'est la formule: «supprimons les intermédiaires».
Cette solution serait en fait le moyen le plus rentable, transparent et responsable de verser l'argent du gouvernement. J'aimerais bien que le gouvernement utilise la même méthode pour verser des crédits aux Autochtones, par exemple, mais je m'égare. C'est là un sujet qui devra être traité plus tard et, il faut l'espérer, devant un autre comité permanent.
Certes, nous sommes favorables au principe d'une aide directe, mais nous ne pouvons pas appuyer le fonds du millénaire tel qu'il est proposé à l'heure actuelle. Notre opposition s'explique tout d'abord par le traitement comptable défectueux qui est accordé au fonds, tel qu'il a été énoncé lors du discours budgétaire du 24 février et, en second lieu, par le fait que l'on empiète sur les compétences exclusives accordées aux provinces par la Constitution.
Les représentants des provinces seront les mieux placés pour aborder les questions provinciales et constitutionnelles, mais laissez-moi cependant vous rappeler une évidence. L'article 92 de la Loi de 1867 sur l'ANB, et de celle qui lui a succédé, la Loi constitutionnelle de 1982, dispose clairement que l'éducation relève de la compétence exclusive des provinces. Il est tout à fait symptomatique que le gouvernement du Québec ait clairement dénoncé le fonds du millénaire, déclarant qu'il empiétait sur sa compétence provinciale.
Nous considérons que ce projet pêche en fait au niveau des détails et que les provinces ne vont pas manquer de réclamer la possibilité de s'en retirer en contrepartie d'une augmentation des crédits accordés aux provinces au titre des TCSPS. Cela pourrait faire capoter ce projet du fonds du millénaire.
Toutefois, mesdames et messieurs les membres du comité, les problèmes que je viens d'évoquer au sujet du financement direct et de la Constitution ne sont rien en comparaison de ce qui fait l'objet de notre opposition, que je qualifierais de résolue, concernant le traitement comptable du fonds proposé.
Je m'explique. Le fait de comptabiliser le fonds du millénaire au chapitre des dépenses plutôt que de l'inscrire en note comme il se doit en tant qu'élément du passif ne fait, et je cite le vérificateur général, «qu'affaiblir la crédibilité des résultats communiqués par le gouvernement fédéral».
Voilà une critique sévère de la propension du gouvernement fédéral à se moquer des critères comptables objectifs recommandés par le Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public, le CCVOSP, qui relève de l'Institut canadien des comptables agréés.
Cela fait 20 ans que le CCVOSP élabore des directives pour s'assurer que la comptabilité du gouvernement du Canada conserve la plus grande intégrité et soit jugée avec respect. Trois vérificateurs généraux qui se sont succédé ont travaillé d'arrache-pied pour que cela devienne une réalité, en s'appuyant sur les gouvernements de l'époque, et pourtant on fausse aujourd'hui cette réalité. Le ministre des Finances, son sous-ministre ainsi que le secrétaire du Conseil du Trésor ne se rendent pas compte à quel point il est grave de remettre en cause 20 ans de travail et de collaboration entre la profession comptable et les responsables de la vérification dans la fonction publique.
D'aucuns y verront une dispute entre comptables, mais laissez-moi vous présenter la chose d'une autre manière. Si je suivais l'exemple du gouvernement, je pourrais alors demander la déduction dans ma déclaration d'impôt de 1997 d'un versement de 2 500 $ effectué dans le REEE de mon fils de sept ans, même si je n'ai aucunement l'intention d'effectuer réellement ce versement ou de contribuer à un REEE avant l'an 2000. Revenu Canada se ferait un plaisir de me bloquer net et, le temps de le dire, je serais l'heureux bénéficiaire d'un contrôle fiscal. Pourtant, c'est à cet expédient que recourt le gouvernement fédéral en comptabilisant le fonds du millénaire qui est proposé.
• 1130
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que le gouvernement
fédéral s'est délibérément moqué à maintes reprises des normes du
CCVOSP. Que ce soit à l'occasion du fonds du millénaire de cette
année, du fonds d'aide à l'innovation de l'année dernière ou du
fonds d'harmonisation TPS-TVP de l'année antérieure pour compenser
les trois provinces des Maritimes, le vérificateur général, à mon
avis et de l'avis général, a eu raison de tirer la sonnette
d'alarme. Selon lui, cette politique comptable, je le cite à
nouveau:
-
permettra aux gouvernements d'influer sur les résultats présentés.
Il leur suffira d'annoncer leurs intentions dans leurs budgets et
de décider ensuite des éléments à inclure dans le déficit ou
l'excédent après la fin de l'exercice, une fois les chiffres
préliminaires connus.
Mesdames et messieurs les membres du comité, c'est précisément ce qui s'est passé. En comptabilisant le fonds du millénaire au titre de l'exercice 1997-1998, on a en fait refusé aux contribuables canadiens la possibilité de profiter d'un dégrèvement fiscal et (ou) d'une réduction de la dette d'un montant de 2,5 milliards de dollars.
Si je puis m'écarter un instant de mon texte—et sans vouloir me faire le porte-parole du NPD—on peut aussi considérer, en adoptant un autre point de vue politique, que les contribuables canadiens se sont vu refuser 2,5 milliards de dollars de crédits pouvant être affectés à la santé ou à l'éducation.
C'est une politique tout à fait erronée qui remet sérieusement en cause la légitimité du bureau du ministre des Finances, alors que le ministre Martin jouit à nos yeux d'une grande crédibilité et bénéficie de tout notre respect.
J'insiste sur la gravité de cette situation. Les dépenses comptabilisées lors d'un exercice donné doivent être des dépenses réelles correspondant à cet exercice. Les caisses noires constituées avec les dollars durement gagnés par les contribuables violent le contrat explicite passé entre les 22 millions de contribuables du Canada et leur gouvernement, même si la cause est noble. Cela revient à appliquer un impôt sans représentation et sans résultat.
Je terminerai sur une dernière préoccupation politique. En plus des arguments comptables essentiels et sans réplique que je viens d'avancer, je considère qu'il vous faut aussi tenir compte de l'argument politique suivant. En comptabilisant le fonds du millénaire au titre de l'exercice 1997-1998, le gouvernement a en fait consigné une dépense qui, nous le savons, n'en est pas une; il s'agit finalement d'un tour de passe-passe comptable. Cette dépense a été comptabilisée dans le budget du dernier gouvernement, dont la légitimité et le mandat découlent de l'élection générale de 1993 et de la 35e législature. Pourtant, le fonds du millénaire est un projet correspondant au nouveau mandat conféré aux libéraux le 2 juin 1997 et un produit du discours budgétaire de 1998, le premier discours budgétaire du gouvernement du Canada de la 36e législature. Autrement dit, cela revient à faire du révisionnisme budgétaire et à attribuer à la législature antérieure un projet de la présente législature.
Où va nous mener une telle irresponsabilité? Allons-nous laisser le gouvernement réécrire les comptes publics des 5, 10 ou 50 dernières années? Non, bien entendu, mais voilà justement le précédent que nous établissons en laissant le gouvernement suivre une pente aussi glissante. Je répète que l'affaire est grave et que nous ne pouvons pas appuyer le fonds du millénaire tel qu'il est proposé actuellement.
Nous incitons votre comité à s'en tenir à ses principes et à une politique que j'estime non partisane pour dire au ministre des Finances que le gouvernement du Canada doit respecter les normes comptables établies. Sinon, le risque, à notre avis, c'est que la population ne fasse plus confiance à la comptabilité de la nation.
Cela étant dit, j'attends avec impatience vos questions. Si j'en juge par mes comparutions antérieures, la séance des questions devrait être très animée.
[Français]
Merci de votre attention. J'attends avec impatience toutes vos questions.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Robinson.
Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Robinson, de votre exposé, et je vous félicite de votre rapport sur l'aide sociale accordée aux entreprises. C'était particulièrement excellent.
Je m'intéresse bien entendu à ce que vous avez dit du conflit entre le vérificateur général et le ministre des Finances. Le ministre des Finances a justifié l'inscription du fonds des bourses du millénaire dans le budget de l'année antérieure en alléguant que c'était une méthode pratiquée par les entreprises. Est-ce que cela vous paraît logique?
M. Walter Robinson: J'ai pris connaissance, monsieur Solberg, de la correspondance échangée entre le vérificateur général et M. Clark, le sous-ministre des Finances, ainsi que M. Harder, le secrétaire du Conseil du Trésor. Ces deux derniers semblent se réclamer des mêmes normes comptables de la fonction publique en avançant d'excellents arguments.
Toutefois, ce qui vaut pour les entreprises n'est pas justifié à notre avis dans le cas du gouvernement du Canada parce que l'on n'a pas affaire au secteur privé, qui possède ses propres règles comptables.
• 1135
La section PS 3410 du manuel du Conseil sur la comptabilité et
la vérification dans le secteur public précise que lorsqu'une
dépense est comptabilisée, il doit s'agir d'une dépense effective.
L'erreur, à notre avis, porte ici sur la question fondamentale de
l'application d'un impôt sans représentation. À partir du moment où
l'on applique un impôt à 22 millions de contribuables canadiens,
qui accordent de leur plein gré au souverain le droit de les
imposer et acceptent de se soumettre sans restriction au pouvoir
exercé par le gouvernement du Canada et par Revenu Canada, il faut
qu'il y ait une certaine garantie que cet argent est bien dépensé
au cours de l'exercice et affecté à un certain projet. C'est là, à
notre avis, la différence fondamentale. Nous n'avons pas affaire à
de l'argent privé, mais à de l'argent public. Je pense que c'est là
l'essentiel de l'argumentation qui résulte de la correspondance
envoyée par le vérificateur général pour répondre à M. Clark et à
M. Harder.
J'ai bien peur, c'est une façon de parler, que le vérificateur général, dans le rapport qu'il va présenter mardi prochain, ne tance vertement au chapitre 9 le gouvernement du Canada en lui reprochant de s'être moqué de cette réglementation. Voilà deux décennies que nous nous efforçons de faire en sorte que la comptabilité du gouvernement du Canada soit respectée dans le monde entier. Nous aurions vite fait d'en arriver à la triste situation de la Colombie-Britannique, province dans laquelle nombre de financiers refusent d'investir parce que M. Clark et Mme MacPhail jouent avec leur comptabilité.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur Solberg?
M. Monte Solberg: Je pense. Vous estimez qu'en conséquence, la population ne fera plus confiance à la comptabilité.
Il y a ici une question importante qui est de savoir si le Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public est encore responsable de l'établissement des règles comptables et de la vérification comptable des services du gouvernement, ou si le gouvernement va tout simplement choisir d'appliquer les règles qui lui conviennent.
M. Walter Robinson: La question est là. Si le gouvernement souhaite modifier sa comptabilité en accord avec les membres de la profession comptable, il en a parfaitement le droit. Cela s'est fait par le passé. Notre comptabilité est différente de celle de la plupart des pays de l'OCDE, ce qui fait qu'en réalité nous avons enregistré un excédent l'année dernière et non pas un simple équilibre de nos comptes. Nous avons fait preuve d'une très grande prudence de ce point de vue.
Toutefois, dans la mesure où ces normes sont en place et où le vérificateur général, qui est le gardien le plus impartial de l'intégrité budgétaire... Nous nous targuons d'être non partisans, mais le vérificateur général l'est bien plus encore, et à partir du moment où le gouvernement du Canada n'écoute pas son gardien et conseiller, c'est très inquiétant.
Le président: Merci, monsieur Solberg.
[Français]
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Vos propos s'unissent à ceux du Bloc québécois. Au lendemain du dépôt du budget du ministre, on avait fait la critique de cette somme de 2,5 milliards de dollars qui était déjà inscrite dans les dépenses sans avoir été dépensée. Je suis d'accord avec vous que c'est démontrer qu'on joue avec les livres.
La population n'a pas le droit de faire cela dans ses propres déclarations d'impôt, mais le gouvernement s'en donne le droit. Ensuite on s'étonne que la population n'ait plus confiance aux politiciens. Quand le gouvernement n'est pas capable de donner l'exemple, eh bien, il ne faut pas s'étonner du manque de respect de la population pour les politiciens.
Vous dites que vous n'êtes pas d'accord sur la façon dont le gouvernement va dépenser cet argent, mais est-ce que vous avez une solution à proposer? Il y a eu d'autres critiques. Quand on a une fondation, on a de la difficulté à savoir quels seront les coûts d'administration, les dépenses, le nombre d'employés qui y seront rattachés et les salaires qui seront donnés. Donc, nous sommes assez inquiets quant à l'administration. Est-ce une fondation qui va coûter très cher à administrer? Est-ce que, finalement, les étudiants vont en profiter peu?
On sait que dans certaines provinces, il va y avoir dédoublement parce que des mécanismes sont déjà en place et que la loi ne permettra pas de transfert de pouvoir afin que la province puisse administrer les fonds. Nous regardons tout cela et nous nous disons que la population a assez souffert des coupures faites par le gouvernement fédéral et que les provinces vont encore souffrir de ces coupures dans l'éducation, dans la santé et dans l'aide sociale. Pour une fois qu'il y a un surplus—et on devrait avoir l'honnêteté de dire qu'il y a des surplus—, nous sommes inquiets de voir que cette somme de 2,5 milliards de dollars sera dépensée dans tous les azimuts.
On a reçu différents témoins, notamment les professeurs d'université qui ont conseillé le ministre, et on leur a demandé quels avis avaient été donnés au ministre, mais on n'a pas réussi à obtenir une réponse là-dessus.
• 1140
Donc, je doute qu'on puisse avoir un suivi concret de
cette administration.
Je leur ai aussi demandé s'il y avait des mécanismes de
prévus au cas où les dépenses administratives seraient
excessives et comment
on allait évaluer les coûts,
mais ils n'ont pas été capables de nous répondre
là-dessus. Donc, je suis assez inquiète quant à
l'administration de ces bourses. Ce n'est pas
une bourse de visibilité qu'on veut. On veut
aider les étudiants et aussi aider les provinces
qui sont mal prises aujourd'hui à cause des coupures.
Merci.
M. Walter Robinson: Merci de votre question. Vous avez soulevé beaucoup de questions. J'ai quatre réponses.
Concernant le gouvernement du Canada, je suis d'accord avec vous qu'il doit donner l'exemple aux contribuables. Maintenant, il donne le mauvais exemple avec son traitement du fonds.
La deuxième question concernait les coûts du programme. Dans chaque programme du gouvernement, il y a des coûts. Le but est de réduire les coûts et les dépenses d'administration. Il n'y a pas actuellement de détails concernant le fonds. Il y a des plans jour après jour. Je n'ai pas une bonne idée des coûts et des structures de gestion du fonds actuellement.
La troisième question concernait la duplication entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, qui a déjà la même sorte de programme. Ce n'est pas une réforme fiscale qui est favorable aux contribuables. On n'a pas de plan exact pour restructurer le fonds. Je n'ai jamais vu de plan et je n'ai aucune idée des avis qu'on donnés les experts, tant au ministre des Finances qu'à M. Pettigrew, le ministre du Développement des ressources humaines. Je suis très inquiet, parce qu'il n'y a pas actuellement d'entente entre le premier ministre du Québec et le premier ministre du Canada concernant ce fonds.
[Traduction]
Tout le monde reconnaît qu'il y a un problème.
C'est pourquoi c'est dans les détails que le projet pêche et c'est pourquoi je considère que ce fonds du millénaire va soulever les provinces, qui ont des inquiétudes au sujet de leurs compétences constitutionnelles et de la façon dont ce fonds va être structuré par le ministre des Finances et par M. Pettigrew.
Le gouvernement du Québec, a déjà fait savoir, à titre de monnaie d'échange, si vous voulez, qu'il ne voulait pas y participer. On a déjà vu souvent le gouvernement du Québec refuser par le passé de prendre part à des programmes de partage des coûts avec le fédéral, si c'est ainsi que vous voulez les appeler, et recevoir un paiement compensatoire parce qu'il administre déjà des programmes répondant en quelque sorte à des normes nationales. Il y a des exemples illustres, qu'il s'agisse de la formation de la main-d'oeuvre, du Régime de rentes du Québec, qui s'appliquent tout à fait ici. Je considère donc que le gouvernement du Québec—sans vouloir m'en faire le porte-parole—a ici des arguments très valables. Je pense que d'autres gouvernements vont éventuellement faire preuve de la même volonté d'autonomie et exercer avec la même force leurs droits et leurs privilèges constitutionnels.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Une dernière petite question. Le projet de loi qui nous a été présenté ne permettra pas à la Fondation de déléguer aux provinces qui ont déjà des mécanismes en place le pouvoir d'accorder des bourses du millénaire. On nous presse d'adopter le projet de loi alors qu'une négociation est en cours, et on se vante de ce que le fédéralise est flexible. Nous, nous en doutons. Ce n'est pas ça, un fédéralisme flexible.
J'espère que d'autres provinces pourront se doter de mécanismes semblables à ceux que nous avons au Québec, parce que c'est le gouvernement qui est le plus près de la population. Il est déjà difficile de faire certains constats par rapport à une population. Le Canada est un grand pays et il y a des provinces qui ont peut-être déjà des analyses. Il faut agir très rapidement pour bien desservir la population et apporter des correctifs en temps opportun.
Les bourses du millénaires sont peut-être un bon programme pour les provinces où il n'y a pas de programme semblable, mais pas pour les provinces où il y en a déjà. Si on se préoccupe vraiment de ne pas dépenser trop d'argent pour l'administration et d'éviter le dédoublement et le chevauchement, on devrait respecter les provinces et leur autonomie en matière d'éducation.
M. Walter Robinson: Permettez-moi de clarifier une chose.
[Traduction]
Je ne dis pas que je souhaite que les provinces fassent état de ces préoccupations; je signale simplement ce danger. Je ne peux parler au nom des provinces. J'évoque simplement les mêmes sujets de préoccupation que le gouvernement du Québec.
Je conviens avec vous qu'on peut penser que ce projet va exacerber les tensions au sein de la Confédération et empiéter sur les compétences provinciales. Toutefois, j'applaudis à nouveau à l'initiative du gouvernement dans ce domaine si important de l'éducation. Il a pris l'initiative. Je pense simplement qu'il n'a pas choisi le bon mécanisme d'administration, le bon véhicule et le bon traitement comptable.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.
Je sais que l'on peut avancer avec force l'argument constitutionnel et alléguer éventuellement que l'on empiète sur la compétence des provinces. Je sais aussi que l'on peut alléguer avec tout autant de force que nous avons besoin d'un projet national de financement de l'éducation et des programmes de formation, de normes nationales tant pour l'éducation que pour la formation. Je sais que c'est l'une des difficultés auxquelles doit faire face notre pays et que nos divisions constitutionnelles nous compliquent quelque peu la tâche de ce point de vue. Toutefois, vous l'avez dit, ce n'est pas pour cela que nous sommes ici.
Je ne commenterai pas les observations que vous avez faites au sujet du vérificateur général. On peut penser que j'aurai la chance mardi prochain de revenir sur ce sujet.
J'ai deux questions à vous poser. Pour ce qui est de l'affectation des bourses, pensez-vous qu'il y ait des difficultés à accorder des bourses par province en fonction de leur population? Autrement dit, pour que les bourses soient distribuées de manière juste et équitable, serait-il raisonnable de décréter que si la province X a 6 ou 20 p. 100 de la population, il faudra qu'elle reçoive 6 ou 20 p. 100 des bourses, par exemple? Est-ce que cette méthode vous paraît avoir des inconvénients?
M. Walter Robinson: Je n'ai pas beaucoup réfléchi à la question, monsieur Riis. Il s'agit ici d'attribuer les bourses en fonction de la population. C'est justement la raison pour laquelle nous avons 103 députés qui représentent l'Ontario au Parlement. Parallèlement, on peut aussi alléguer qu'il y a d'autres régions défavorisées du pays qui ont peut-être moins de chance en matière d'éducation. On assiste à une migration des étudiants des Maritimes en Saskatchewan ou en Alberta ou de la Colombie-Britannique en Alberta. Il pourrait donc être justifié de procéder à quelques ajustements.
Je pense que la solution la plus équitable est probablement celle de la représentation en fonction de la population. Notre fédération n'est pas égalitaire. Il y a bien des inégalités dans ce que nous faisons au sein de notre fédération. Il nous faut trouver un dénominateur commun et nous en tenir là. Il semble que ce soit le plus juste. C'est ainsi qu'est conçu notre système électoral.
M. Nelson Riis: Bien, merci. Je conçois que vous n'ayez pas eu le temps d'y réfléchir et que cela ne fait pas nécessairement partie de vos compétences.
Vous avez mentionné tout à l'heure l'étude que vous avez rendue publique l'autre jour. Nous avons entendu plus tôt aujourd'hui des témoins intervenant en faveur des familles et des enfants pauvres, qui nous ont parlé des projets de prestations pour enfants qui figurent dans cette loi. Des quantités de gens sont venus nous dire que le financement n'était pas suffisant dans leur domaine. J'imagine que ce sera la même chose pour le groupe qui va vous suivre.
L'étude que vient de publier votre organisation nous enseigne essentiellement, si vous me permettez de la résumer, que tous ces gens du secteur des entreprises qui demandent au gouvernement de se serrer la ceinture et d'être plus prudents dans ses dépenses sont... Non seulement ils se sont jetés sur l'assiette au beurre, mais ils s'en mettent jusqu'au coude et engouffrent des milliards de dollars. Comme l'indique votre rapport, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Selon votre étude, dans le moindre secteur, ces entreprises incroyablement riches continuent à recevoir des cadeaux, et des cadeaux énormes. Vous vous demandez si Rolls Royce a bien besoin de cadeaux. Est-ce que General Motors a besoin de cadeaux? Est-ce que tous ces gens en ont vraiment besoin? C'est là, à mon avis, la question que vous posez.
Votre étude se termine en quelle année?
M. Walter Robinson: En 1997.
M. Nelson Riis: En 1997. Nous parlons ici du passé, il faut le reconnaître; c'est ce qui s'est passé sous différents gouvernements pendant un certain nombre d'années.
Étant donné que vous comprenez probablement mieux le système que personne, dans quelle mesure estimez-vous que l'on continue à faire ces cadeaux, à consentir des prêts à des entreprises en sachant pertinemment qu'elles n'en rembourseront jamais la totalité, ni même une partie? Est-ce que ça continue? Parce que c'est...
• 1150
Nous allons voter la semaine prochaine pour savoir si nous
avons les moyens d'aider les victimes de l'hépatite C. Le
gouvernement nous dit que nous n'avons pas l'argent. Ce que vous
nous dites, de votre côté, c'est que nous n'avons peut-être pas
l'argent pour aider les victimes de l'hépatite C, mais que nous
disposons de fonds illimités, de centaines de millions de dollars,
et même de milliards de dollars, pour subventionner des gens qui,
à votre avis, n'ont apparemment besoin d'aucune aide. Pouvez-vous
plus précisément nous aider à comprendre dans quelle mesure cette
tendance se poursuit ou si finalement nous avons plus ou moins
fermé le robinet?
M. Walter Robinson: Pour répondre très brièvement à votre question, notre étude a établi à 11 milliards de dollars le total de l'aide autorisée en subventions, prêts, contributions, prêts remboursables, prêts conditionnels et garanties d'emprunt—toute la gamme de l'aide financière gouvernementale—aux entreprises, et à d'autres ordres de gouvernement, il faut être juste, au cours des 16 dernières années. Près de 50 p. 100 de ce montant de 11 milliards de dollars est allé à 75 des compagnies les plus prospères du pays; cinq sociétés ont reçu 18 p. 100 de cette aide. À nos yeux, je ne mâcherai pas mes mots, cela est scandaleux.
Pour ce qui est des priorités, c'est une question de priorités. Le comité a très justement cerné, et je cite de la page 62 de Maintenir l'équilibre: «Le comité estime qu'en 1995 l'indexation partielle avait déjà ajouté plus de 840 000 familles à faible revenu»—je dis bien des familles, pas des particuliers—«au rôle des contribuables» de notre pays.
Le comité a fait une déclaration très courageuse. Il a affirmé, «Monsieur le ministre des Finances, s'il vous plaît, mettez fin au non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. Vous causez un grave préjudice aux familles canadiennes à faible revenu». Pourtant, le ministre des Finances a ignoré cet appel du comité. Pour chaque point de pourcentage de l'inflation, il entre 700 millions de dollars de plus dans les coffres des gouvernements fédéral et provinciaux. Le comité était très clair là-dessus.
Alors, en ce qui concerne les priorités, est-ce que nous aidons les familles canadiennes à faible revenu? Je n'ai pas pour mandat de parler des victimes de l'hépatite C; je ne peux, à titre personnel, qu'implorer les députés de voter suivant leur conscience. Est-ce que nous allons distribuer de l'argent aux grandes sociétés ou est-ce que nous allons accorder la priorité à des questions qui figuraient aussi dans le budget, l'éducation par exemple? C'est là le défi, M. Riis, et nous pensons qu'il faut mieux axer l'intervention sur les particuliers à cet égard.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Riis.
Je vous signale que nous accueillons aujourd'hui une délégation du comité des comptes publics de l'assemblée législative de la province du Nord-Ouest, en Afrique du Sud, en visite au Parlement du Canada.
Nous leur souhaitons la bienvenue. Aujourd'hui, le comité des finances étudie le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget. Nous avons entendu plusieurs témoins. Vous assistez maintenant à nos délibérations, et nous allons écouter le représentant de la Canadian Taxpayers' Federation. Soyez le bienvenu.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Je veux d'abord demander s'il est agréable de travailler pour Stephen Harper. Oh non, je suis désolé!
Des voix: Oh, oh!
M. Scott Brison: Soyons sérieux. La fondation des bourses d'études du millénaire et le peu de participation du vérificateur général à la façon dont les fonds seront distribués, cette tendance de l'intervention de tiers ou de fondations indépendantes est effectivement inquiétante, et votre organisation a manifesté une grande vigilance et une grande détermination à ce sujet.
Est-ce que vous avez de la difficulté à accepter que le vérificateur de la fondation des bourses du millénaire soit nommé par le conseil d'administration de cette fondation, quand 2,5 milliards de dollars provenant des impôts des Canadiens sont distribués? C'est ma première question.
Deuxièmement, le mandat de la fondation est plutôt nébuleux: le besoin et le mérite. Cela peut varier notablement, selon la composition, par exemple, du conseil, au fil des ans, et pourrait bien ne pas toujours refléter les besoins d'une période donnée en matière d'éducation, selon la composition du conseil.
Troisièmement—et nous avons abordé cette question précédemment aujourd'hui—il y a le problème de l'exode des cerveaux. Je sais que votre organisation s'est penchée sur les effets des impôts élevés au Canada. Après le dernier budget, Sherry Cooper a mentionné que la fondation des bourses du millénaire pouvait transformer l'exode des cerveaux en une véritable débandade en augmentant le nombre de jeunes personnes très instruites que le Canada peut envoyer aux États-Unis. Voilà donc déjà quelques questions.
• 1155
Finalement, au sujet des tests nationaux, je sais que cette
question ne touche pas directement le budget, mais je me demandais
si votre organisation l'avait examinée et avait adopté une position
au sujet des tests au primaire et au secondaire dans le domaine de
l'éducation.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Monsieur Robinson.
M. Walter Robinson: Monsieur Brison, pour commencer, je ne travaille pas pour Stephen Harper. La NCC et la CTF sont deux organisations distinctes, quoique...
Mme Paddy Torsney: C'est une question d'opinion.
Des voix: Oh, oh!
M. Walter Robinson: Monsieur Brison, en passant, j'ai entendu votre nom comme candidat éventuel au leadership, alors vous serez peut-être en compétition avec lui. Qui sait?
Le président: Très bien, parlons un peu du projet de loi C-36 maintenant.
M. Walter Robinson: En ce qui concerne le vérificateur général, ce passage aux conseils et organismes quasi judiciaires fait partie intégrante de la réorientation du gouvernement, qui adopte une approche plus inspirée du secteur privé pour administrer les affaires de la nation, et personne ne peut reprocher cela au gouvernement. La même chose se passe dans le cas du conseil du Régime de pension du Canada.
Le canal qui donne accès à l'argent des contribuables est toujours un impôt, et les personnes sur qui les contribuables comptent encore sont M. Szabo, M. Valeri, M. Solberg, vous et M. Bevilacqua, qui demandez où va l'argent. À cet égard, vous avez besoin du vérificateur général, qui est le chien de garde des contribuables, pour vérifier les livres. Si ces conseils veulent examiner d'autres aspects et retiennent les services d'un autre vérificateur pour vérifier leurs livres, c'est très bien, mais je crois que le vérificateur général devrait toujours avoir accès à cette information, parce que c'est encore l'argent des contribuables qui servira à payer toutes ces structures quasi judiciaires.
Et il y a aussi Mme Torsney. Je ne vous ai pas oubliée. J'ai gardé le meilleur pour la fin. Lorsque vous nommez quelqu'un, vous risquez de faire du tort à quelqu'un si vous ne le dites pas.
Mme Paddy Torsney: Je pensais que vous vouliez peut-être simplement considérer les hommes.
M. Walter Robinson: Ma femme va me faire ma fête ce soir.
En ce qui concerne le mandat du conseil, là encore, nous ne nous opposons pas au principe du financement direct dans le cas de ces bourses. Elles équivalent un peu à des bons de formation. C'est comme si vous disiez «Voici l'argent; choisissez l'établissement que vous voulez fréquenter». En ce sens, c'est une mesure très progressiste que le gouvernement a adoptée. Cependant, le mandat, j'en conviens, est un peu obscur, et ce projet n'en est encore qu'aux premières étapes. Je ne peux donc pas le commenter tant que je n'aurai pas vu l'ensemble.
En ce qui concerne l'exode des cerveaux, qui se transformera en débandade—je n'avais jamais entendu cette métaphore—jusqu'à New York ou à Charlotte, où que ce soit, si je peux diviser cette question en deux, l'exode des cerveaux dans la fonction publique est en partie la conséquence des programmes d'incitation au départ et à la retraite anticipée, mis en oeuvre par le gouvernement à l'époque des compressions. Vous aviez quelques hauts fonctionnaires essentiels et très efficaces qui ont accepté la prime de départ en sachant très bien qu'ils étaient responsables du renouvellement des programmes et de certains des projets essentiels prévus dans le budget de 1995, la restructuration de la fonction publique, ils savaient très bien qu'ils reviendraient la semaine ou le mois suivant, avec une indemnité journalière tout à fait généreuse, parce que les projets relatifs à l'exécution des programmes et à la restructuration étaient dans leur tête et non pas sur le papier.
Nous avons donc exclu de la fonction publique les éléments les plus talentueux, et les voilà de retour, à titre d'experts-conseils de la fonction publique. En ce sens, il y a un problème pour lequel nous devons tous assumer une part de responsabilité collective parce qu'il y a eu erreur de panification.
Les diplômés en informatique de Carleton, qui coûtent 80 000 $ par année, acceptent des emplois à Charlotte plutôt qu'à Kanata en raison du régime fiscal, il y a donc un véritable problème d'exode des cerveaux, mais je ne crois pas que ce soit un problème que je doive vraiment aborder aujourd'hui. J'ai exposé au comité, par le passé, ce que je pense des taxes élevées et de ce qu'il conviendrait d'en faire.
Pour ce qui est des tests nationaux, la fédération n'a pas d'opinion. Je me suis présenté comme candidat à un conseil scolaire, dans un moment d'égarement, je crois, quand j'étais très jeune. Dieu merci, j'ai perdu, compte tenu de la restructuration maintenant en cours dans les commissions scolaires. Personnellement, je suis favorable aux tests nationaux. On vous dira qu'il faut élaborer les tests en fonction de certaines normes. Eh bien, si nous définissons ces normes, que vous soyez dans Surrey, Kings—Hants, Medicine Hat, Mississauga-Sud, Kamloops ou Burlington, vous allez vouloir que l'on enseigne en fonction de certaines normes, alors nous avons tous les mêmes règles du jeu pour ce qui est des habiletés arithmétiques, des capacités de lecture et d'écriture, ce genre de choses.
Les tests nationaux, s'ils sont bien menés, ne me créent aucune difficulté, et je ne crois pas que l'on empiète sur les compétences provinciales, car Ressources humaines, de concert avec le Conseil des ministres de l'Éducation, a déjà administré certains tests dans l'ensemble du pays.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: J'aimerais bien avoir une heure, mais je m'en tiendrai à mes cinq minutes.
Vous avez parlé de la «crédibilité du ministre des Finances». Je crois comprendre, d'après nombre de vos commentaires, que les questions de crédibilité, de responsabilité financière, etc. vous tiennent à coeur. Vous nous avez dit que vous avez un jeune bébé à la maison. Vous avez dit que si vous deviez inscrire quelque chose dans votre déclaration du revenu au sujet d'un REEE, auquel vous n'avez pas l'intention de contribuer cette année mais plutôt en l'an 2000, vous feriez l'objet d'une vérification tout comme si vous l'aviez fait réellement. J'aimerais que vous expliquiez au comité à quel endroit exactement dans la Loi de l'impôt sur le revenu, la loi actuelle ou la loi proposée, on indique que la contribution à un REEE donne droit à une déduction fiscale.
M. Walter Robinson: Premièrement, en ce qui concerne la question de la crédibilité, mes remarques précisent bien que cela mine gravement la crédibilité de la fonction de ministre des Finances. Je veux qu'il ne subsiste aucune ambiguïté: c'est la fonction et non pas le titulaire. J'essaie de ne pas entraîner le débat sur le plan personnel. Je l'ai bien indiqué, par écrit, au ministre des Finances, alors je maintiens ce que j'ai dit.
En ce qui concerne la déduction pour un REEE, je crois que cette mesure a été proposée dans le présent budget—permettre aux Canadiens de déduire ces contributions. Il y avait certaines mesures positives dans le budget. Par exemple, la possibilité de retirer de l'argent d'un REER pour financer vos études est une initiative dont il convient certainement de féliciter le gouvernement. Je crois que c'est une mesure très sage.
Si je peux trouver mes notes au sujet du budget, il y avait une disposition prévoyant que vous pouviez faire des contributions à un REEE dans le cadre du budget de 1998 qui a été proposé.
M. Paul Szabo: Il y a bien des années que les REEE existent, et à l'heure actuelle aucune déduction n'est autorisée et il n'y a pas de projet en ce sens. Je tiens à ce que cela soit bien clair. Contrairement au REER, vous n'avez pas droit à une sorte de remboursement parce que vous avez fait cette...
M. Monte Solberg: Là n'est pas la question. Qu'en est-il des REER?
M. Paul Szabo: Je m'adresse au témoin, d'accord?
Il demeure que ce que vous avez dit ici ne semble pas exact. Vous avez dit quelque chose—si vous voulez le vérifier, allez-y—et fourni de fausses informations, que ce soit parce que vous êtes mal informé à ce sujet ou... Je soulève la question parce qu'il y a d'autres exemples dans le témoignage que vous avez présenté au comité aujourd'hui qui laissent croire à la possibilité d'une habitude. Je soulève la question dans le contexte de la crédibilité du témoignage, parce que votre témoignage contient quelques erreurs.
Ainsi, vous affirmez que le fait de comptabiliser une charge à payer pour la fondation des bourses du millénaire enlève au gouvernement la possibilité d'accorder des allégements fiscaux ou de réduire la dette, ce qui est faux. Comptabiliser ou calculer un poste n'a vraiment aucun effet sur l'encaisse. Cela n'influe pas sur la capacité de financer, d'augmenter ou de réduire une autre dépense. Que vous comptabilisiez ou non une charge à payer pour la fondation des bourses du millénaire n'a aucune incidence sur les sommes disponibles, sur la situation de trésorerie du gouvernement. De fait, les dollars dont vous parlez ont été utilisés pour rembourser des dettes ou réduire les besoins d'emprunt. Vous soutenez que nous avons agi ainsi et que cela nous empêche de faire autre chose, mais cet argument n'est pas valable, et cela m'amène à la question de la crédibilité, puisque l'affirmation est fausse.
Dans ce rapport sur les subventions aux entreprises, vous affirmez également, et si l'article du Ottawa Citizen est exact et si les déclarations que vous avez faites à Don Newman au réseau Newsworld sont exactes... Vous avez dit que moins de 10 p. 100—je crois que c'était environ 6 p. 100—de ces prêts ont été remboursés, pourtant, des 3,2 milliards de dollars prêtés dont vous parliez, 1,2 milliard de dollars dans le cadre des PTC, deux milliards de dollars au titre du PPIMD—aucune partie de ce montant de 1,2 milliard de dollars n'est encore due. Il n'aurait pas fallu le mentionner ici, mais cela avantageait votre position. En outre, Industrie Canada, qui vous a fourni les chiffres nécessaires à une bonne partie de votre étude, a confirmé non seulement que vos nombres étaient incorrects, mais encore que 70 p. 100 des prêts allaient être remboursés. C'est ce qu'a déclaré Industrie Canada.
• 1205
Vous et M. Riis avez décrit cette aide comme une forme de
cadeaux, des dons, et pourtant vous savez—je dois supposer que
vous en êtes conscient—que ces sommes sont entièrement
remboursables. Il ne s'agit pas de cadeaux inconditionnels. De
fait, pour chaque dollar de contribution aux PTC, on reçoit 4,25 $
d'investissement privé. Cela donne 1,6 milliard de dollars la
première année des PTC, 30 milliards de dollars en ventes et
environ 10 000 emplois.
Monsieur le président, je crois que cet aspect est extrêmement important.
Si vous voulez que le comité croie ce que vous dites, comment pouvez-vous vous présenter ici et fournir une information partielle?
Monsieur le président, en ce qui concerne la question comptable, cela n'a rien à voir avec la trésorerie, même si on veut nous inciter à le croire.
Le deuxième point que je voulais soulever a trait à la compétence. Je suis convaincu que ce monsieur peut comprendre que le gouvernement fédéral n'a pas à intervenir dans les domaines de l'enseignement postsecondaire et de la santé. Il est venu ici et a affirmé que l'enseignement secondaire relevait de la compétence provinciale et que, par conséquent, nous ne devrions pas créer la fondation des bourses du millénaire. Est-ce qu'il irait jusqu'à affirmer aussi que les soins de santé sont de compétence provinciale? Est-ce qu'il s'attaquerait aussi au gouvernement parce que celui-ci a proposé l'assurance-médicaments, les soins à domicile et toutes les autres mesures qui visent à améliorer la santé et le bien-être des Canadiens.
Monsieur le président, je crois que les questions que j'ai soulevées se rapportent nettement à l'aspect crédibilité. Je n'ai pas entendu de témoignage de la Canadian Taxpayers' Federation lorsque le gouvernement a pris des dispositions dans ses comptes pour réduire la taille de la fonction publique, ce qui a été fait au moment du budget. Je n'ai pas entendu non plus la Canadian Taxpayers' Federation s'attaquer à la comptabilité de la Fondation pour l'innovation—800 millions de dollars—lorsque l'on a annoncé cette mesure dans le cadre d'un budget. Mais aujourd'hui, elle se présente tout à coup, et nous sommes en plein cirque.
Je crois que vous devez comprendre que si, à titre de député, je dois essayer de prendre quelques décisions, je demande aux témoins de nous apporter des faits, des renseignements exacts, complets et clairs, plutôt que des arguments et une rhétorique non fondés.
Le président: Monsieur Robinson.
M. Walter Robinson: Merci.
Monsieur Szabo, vous avez soulevé cinq points très importants.
En ce qui concerne les REEE, je me suis trompé. Je vais reprendre mon exemple. Qu'il s'agisse de REER ou d'achat d'équipement pour une entreprise—le fait de l'inscrire comme dépense dans la déclaration de revenu cette année, mais de n'acheter les ordinateurs qu'en l'an 2000—la question que je vous soumets demeure la même.
Quant à la deuxième question, je vais vérifier la question de la situation de trésorerie.
Troisièmement, en ce qui concerne la crédibilité et les rapports avec Industrie Canada—je vous ai vu à la chaîne Newsworld, je crois que c'était là. Vous y avez fait une apparition et vous connaissiez extrêmement bien les arguments de M. Deacon en faveur des PTC.
Traitons rapidement cette question et permettez-moi de corriger une inexactitude factuelle de votre déclaration. Les prêts des PTC ne sont pas à 100 p. 100 remboursables. D'après Industrie Canada, il s'agit de contributions remboursables sous condition. Vous pouvez obtenir plus que 100 p. 100 ou beaucoup moins que 100 p. 100, parce que ces contributions sont accordées en fonction des ventes réalisées, des niveaux de revenu et des redevances d'un certain nombre de produits vendus au-delà d'un certain seuil.
Permettez-moi aussi de corriger une inexactitude factuelle, que l'argent du secteur privé est investi en premier et l'argent du gouvernement en second. Nous soutenons que si ces possibilités de R-D de quasi-marché existent et que l'argent du secteur privé a déjà été trouvé, le projet a semblé viable aux investisseurs en capital-risque, alors pourquoi est-ce qu'il faudrait que le gouvernement participe aux investissements de R-D en capital-risque?
En ce qui concerne le rendement de ces investissements, les incohérences viennent du ministère de l'Industrie. Son premier rapport annuel sur les PTC précise qu'il reviendra 1,12 $ pour chaque dollar d'argent public investi. Pourtant, en réponse à notre étude, Bruce Deacon, directeur exécutif des PTC, affirme que l'organisme va toucher 1,73 $ pour chaque dollar investi. Si les rendements augmentent à ce rythme, je ne comprends pas pourquoi Warren Buffett et les financiers de Wall Street ne sont pas venus investir dans ce programme qui semble si prometteur.
Par ailleurs, les auteurs du rapport annuel affirment que ce projet va s'autofinancer à 50 p. 100. Nous avons donc trois chiffres différents que nous proposent les spécialistes du conditionnement médiatique d'Industrie Canada.
• 1210
Permettez-moi d'aborder encore la question du PPIMD de deux
milliards de dollars. Le chiffre que donne Industrie Canada pour
les dépenses est de 2,2 milliards de dollars—des dépenses
autorisées de 2,2 milliards de dollars. Jusqu'à maintenant, 81
milliards de dollars ont été distribués au cours des 17 dernières
années par un programme qui était déjà sur pied il y a un quart de
siècle. Pourtant, les représentants de l'industrie
aérospatiale—M. Smith, de l'AIAC—affirment que tout l'argent sera
remboursé d'ici 2005. M. Deacon et M. Manley ont cependant déclaré
qu'il serait remis d'ici 2025.
Voilà une incohérence. Voilà un manque de crédibilité de la part d'Industrie Canada, en ce qui concerne ses chiffres.
Et si on me permet d'aller plus loin, nous avons englobé les PTC et nous n'avons pas affirmé que des sommes fournies en vertu de ce programme n'avaient pas encore été remises. Ce que nous avons dit, c'est que nombre de ces mêmes entreprises-j'en ai dressé la liste ici et je vais la déposer pour que le comité puisse l'étudier—qui reçoivent des fonds en vertu du PPIMD continuent de recevoir de l'argent dans le cadre des PTC. Comme, d'après le calendrier de remboursement, 6,35 p. 100 devait être remboursé au cours des 17 dernières années du PPIMD, nous savons que l'argent n'a pas encore été remis.
Le vérificateur général lui-même a affirmé que ces prêts étaient accordés, et je cite le rapport du vérificateur général de 1995—je vous demande un peu de patience, monsieur le président, parce que je crois que c'est une question de crédibilité, et M. Szabo a soulevé quelques points importants. On y lit:
-
[...] Notre examen de l'évaluation des considérations stratégiques
et des avantages économiques par le ministère a néanmoins révélé
que l'information figurant dans les demandes présentées par les
entreprises repose souvent sur des prévisions optimistes des ventes
et des avantages économiques. En règle générale, les fonctionnaires
du ministère n'ont pas la possibilité de vérifier cette
information. Ils se fondent donc sur leurs connaissances et leur
expérience personnelles ainsi que sur d'autres données économiques
et commerciales se rapportant à des projets et à des entreprises
similaires.
Ce rapport remonte à 1995, et le vérificateur général a, depuis, produit le rapport sommaire de 1997, où il affirme qu'il semble que le ministère de l'Industrie a finalement compris ce qu'il fallait faire. Il affirme essentiellement qu'une grande partie de cela ne s'est pas produit lors du mandat du présent gouvernement; cela s'est produit auparavant. Pourtant, le programme de prestige dont le ministre est si fier, les PTC, est fondé sur les mêmes critères fragiles de remboursement conditionnel qui nous ont créé tant de difficultés en 18 ans dans le contexte du PPIMD.
Voilà les faits, et ils ne disparaîtront pas simplement parce qu'on refuse de les reconnaître.
Je vais ajouter encore quelque chose, nous avons demandé un résumé en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Le ministère de l'Industrie, sous la direction de M. Manley, a chargé Conseils et Vérification Canada d'examiner la façon dont cet argent est remboursé. Pourriez-vous nous donner une idée du montant qui devrait effectivement nous revenir d'après le calendrier de remboursement d'ici 15 ou 20 ans, d'ici l'année 2025, si l'on en croit le ministre?
Ce document sera aseptisé. Les contribuables canadiens n'auront pas le droit de voir quelles sociétés y figurent. Nous savons, grâce à des sources internes—et nous diffuserons cette information en mai—qu'il existe un tel document aseptisé. On y parle des entreprises qui font preuve de mauvaise volonté, ne remboursent pas les prêts et masquent les chiffres, et nous présenterons cette information à la population du Canada.
Voilà les faits au sujet des entreprises qui vivent des subventions. Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la nécessité de révéler ces informations, voilà les faits. Personne n'a posé de question au gouvernement au sujet de ce que nous avons constaté à Industrie Canada grâce à la Loi sur l'accès à l'information.
Le dernier point qu'il convient de signaler est que nous avons lancé un défi au ministre. J'ai proposé de le rencontrer, mais il n'a guère manifesté d'empressement jusqu'à maintenant. Nous avons mis le ministre au défi de venir et de déposer ses calendriers de remboursement au Parlement ou à une autre tribune, afin que nous puissions voir s'il s'agit de Pratt et Whitney, de Bombardier, d'Air Ontario ou de Canadair... Voilà quelques-unes des entreprises très prospères dont nous sommes tous très fiers.
Voyons un peu quel est leur calendrier de remboursement. Quels sont leurs antécédents pour ce qui est de respecter leurs prévisions et combien d'argent elles ont rendu? Nous sommes certains de ce que nous avançons, nous savons, monsieur Szabo, je crois que les faits révéleront que les calendriers de remboursement n'ont pas du tout été respectés. Ce sont les faits en ce qui concerne Industrie Canada et le subventionnement des entreprises.
J'ai consacré six mois à l'examen minutieux de ces chiffres. J'ai fouillé les contrats et j'ai déposé demande après demande d'accès à l'information.
Nous sommes fort découragés de ce que le ministre et le personnel d'Industrie Canada aient lancé des chiffres venus pratiquement de nulle part—nous sommes mardi, alors le rendement doit être de 1,82 $ aujourd'hui. C'est ce qui nous a vraiment choqués, et j'espère que cela vous choquerait aussi, vous et tous les membres du comité.
Le président: Merci, monsieur Robinson.
Monsieur Valeri, une dernière question.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
Monsieur Robinson, j'ai deux ou trois commentaires à faire.
Au sujet du vérificateur général, comme l'a indiqué M. Riis... j'attends mardi avec impatience, quand nous examinerons cette question plus en profondeur, alors je ne vais pas la développer aujourd'hui.
Pour ce qui est de l'autre question, et je crois que vous avez mentionné cela dans votre témoignage, alors je veux être certain que nous nous entendons—le gouvernement du Canada est toujours intervenu pour donner aux Canadiens un accès égal à l'éducation. Je pensais que vous aviez affirmé dans votre témoignage—et dites-moi si je me trompe—que la fondation du millénaire empiétait sur les compétences des gouvernements provinciaux.
• 1215
Nous reconnaissons tous sans hésitation, et le gouvernement
fédéral a certainement affirmé cela fort clairement, que le
programme d'éducation et tout ce qui est nécessaire à l'éducation
est de compétence provinciale, mais le financement de l'éducation
a toujours été un domaine que se partagent le gouvernement fédéral
et les gouvernements provinciaux; par conséquent, la fondation du
millénaire s'inscrit dans cette catégorie particulière.
Vous avez fait une autre affirmation au sujet du désengagement du programme fédéral. Essentiellement, la fondation du millénaire n'est pas un programme fédéral; c'est une fondation indépendante. Il n'y a donc pas de disposition de désengagement puisqu'il ne s'agit pas d'un programme fédéral.
Je voulais simplement vérifier si nous nous entendons bien sur ces deux questions.
M. Walter Robinson: Pour répondre à la question constitutionnelle, j'ai soutenu que d'autres personnes étaient plus aptes que moi à la défendre. Je suis heureux que vous souleviez la question, car je n'ai pas répondu à l'un des points de M. Szabo, qui touchait le financement, et je suis content de pouvoir y revenir.
Nous nous entendons sans difficulté au sujet du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui a remplacé le financement établi des programmes. Ce concept de financement global représente une autre initiative heureuse du gouvernement pour ce qui est de dire «Vous voulez plus d'autonomie, voici votre subvention globale, distribuez-la comme bon vous semble, compte tenu des secteurs où vous exécutez des services de santé dans la sphère provinciale et de ceux où vous exécutez des services d'éducation dans la sphère provinciale», et ainsi le financement sera maintenu. Nous reconnaissons tous que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, qu'il lève des impôts qui alimentent les paiements de transfert.
M. Tony Valeri: Comme il le fait par l'entremise du Programme canadien de prêts aux étudiants, qui est essentiellement...
M. Walter Robinson: Le Programme canadien de prêts aux étudiants est un programme établi. Il existe déjà une entente avec le gouvernement du Québec, qui a son propre programme de prêts. C'est ce que le gouvernement du Québec soutient au sujet de la fondation du millénaire. Nous avons une infrastructure spécifique; nous préconisons une culture spécifique dans ce contexte. Est-ce qu'il y a une solution? C'était le but de la visite de M. Bouchard au premier ministre, d'après ce que je sais, il y a moins d'un mois.
M. Tony Valeri: Il faut comprendre que le Programme canadien de prêts aux étudiants est un programme fédéral et que, par conséquent, il existe une disposition de désengagement. Nous parlons maintenant d'une fondation indépendante.
M. Walter Robinson: Il s'agit d'une fondation indépendante, mais qui respecte les accords et les ententes qui étaient en place entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Je ne peux pas parler au nom du gouvernement du Québec. C'est simplement la façon dont je comprends les choses et le fruit de mes recherches dans ce domaine, c'est ce que le Québec veut faire. Je dis que le diable se cache dans les détails. Vous verrez peut-être d'autres provinces, comme nous le voyons au sein de la fédération... D'autres provinces sont toujours prêtes à affirmer leur autonomie et, parfois, à taper un peu sur Ottawa lorsqu'elles croient... Et à d'autres moments, c'est Ottawa qui dit «Attendez un instant, le fédéral a un rôle à jouer».
M. Tony Valeri: Je suis convaincu que vous savez aussi que le gouvernement fédéral affirme qu'il fera tout en son pouvoir pour éviter les dédoublements, et le fait que des négociations soient en cours actuellement...
M. Walter Robinson: Et c'est pourquoi je n'ai pas répondu directement à la question du représentant du Bloc sur le caractère définitif de tout cela. Vous pouvez le graver dans la pierre, mais il y a toujours des modifications aux lois, progressivement, au moment de la mise en oeuvre. Aucun programme n'est parfait, et les députés les révisent pour les améliorer, d'après ce que les électeurs veulent.
M. Tony Valeri: Très bien, merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Valeri.
Monsieur Robinson, merci beaucoup de cet exposé fort réfléchi et très intéressant. Il a certainement suscité un débat, ce qui est toujours sain en démocratie.
M. Walter Robinson: Monsieur le président, j'ai toujours plaisir à croiser le fer avec M. Szabo. J'ai le plus grand respect pour les demandes qu'il présente et pour les démarches qu'il fait au nom des résidents de Mississauga-Sud.
Merci beaucoup.
Le président: Nous allons interrompre la séance une minute.
Le président: Nous reprenons nos travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue à la représentante du Child Poverty Action Group, Mme Christa Freiler; au représentant de Tristat Resources, M. Richard Shillington; et à M. Ken Battle, du Caledon Institute.
Vous avez tous assisté à des audiences de comité parlementaire auparavant, alors il n'est vraiment pas nécessaire que je vous explique comment les choses se déroulent. Vous disposez de cinq à dix minutes pour présenter un exposé, puis nous passons aux questions.
Nous allons commencer par Mme Freiler.
Mme Christa Freiler (directrice du programme, Child Poverty Action Group): Merci beaucoup.
J'ai apporté mes notes en vue de l'allocution. Malheureusement, elles sont uniquement en anglais, et je tiens à vous présenter mes excuses. Je n'ai pas eu le temps de les faire traduire.
J'ai aussi demandé à la greffière de distribuer un exemplaire d'un rapport que Condition féminine Canada a publié la semaine dernière, et j'en ai apporté des exemplaires en anglais et en français. Les commentaires que je m'apprête à vous présenter aujourd'hui sont tirés de ce document, vous pouvez donc les lire en français.
Nous soutenons que l'absence de politiques solides de soutien aux familles demeure un obstacle important à l'égalité sociale et économique des Canadiennes qui ont des enfants. Nous avons donc choisi de mettre l'accent sur le régime national de prestations pour enfants de deux points de vue qui se recoupent mais ne se correspondent pas entièrement. L'un est l'opportunité d'un régime national de prestations pour enfants en tant que base d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté des enfants. Le second est l'efficacité de cette initiative pour ce qui est de favoriser l'établissement de politiques solides de soutien aux familles, afin de promouvoir l'égalité des femmes.
Je veux dire d'abord que nous avons vu dans l'annonce du régime national de prestations pour enfants, à l'occasion du budget de 1997, le premier signe prometteur depuis longtemps, et ce pour deux raisons que je vais mentionner.
Premièrement, cette annonce signalait le retour du gouvernement fédéral sur la scène de la politique sociale.
Deuxièmement, si les prestations pour enfants étaient élargies et améliorées, elles formeraient un important volet dans une stratégie de lutte contre la pauvreté chez les enfants.
Pour commencer, examinons le régime national de prestations pour enfants comme fondement d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté des enfants. Même s'il s'agit d'une prestation liée au revenu, accordée à tous les parents indépendamment de la source du revenu, c'est déjà une vaste amélioration relativement à ce que nous avons maintenant, c'est-à-dire une aide sociale liée aux ressources, mais l'approche présente certaines faiblesses lorsqu'on l'évalue comme base d'une stratégie plus large de lutte contre la pauvreté des enfants. Je vais les passer en revue rapidement.
La première et la plus évidente est le sous-investissement marqué. Les 850 millions de dollars de 1997, les 850 millions de dollars de 1998, soit un total de 1,7 milliard de dollars, sont insuffisants pour même permettre de réaliser les objectifs limités que le régime national de prestations pour enfants s'est fixés, c'est-à-dire élargir la prestation aux familles pauvres qui travaillent. C'est encore plus insuffisant, évidemment, pour atteindre les buts d'une véritable stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et de mesures de soutien aux familles.
• 1225
Deuxièmement, les buts sont trop limités et trop restrictifs.
La réduction de la pauvreté chez les enfants est ramenée à la
réduction du nombre de cas inscrits à l'aide sociale. Il est
évidemment important de réduire le nombre de cas à l'aide sociale,
mais cela n'équivaut pas à réduire la pauvreté des enfants. Plus
précisément, la prestation n'est pas accordée aux familles
prestataires de l'aide sociale ni aux familles à faible revenu, ce
qui englobe les familles dont le revenu combiné s'élève à 30 000 $
et qui ont de la difficulté à boucler leur budget. Ces familles
sont au-dessus du seuil de la pauvreté et elles n'auront pas droit
à la prestation. Cela fait partie du problème que créent des
objectifs très limités.
Troisièmement, la réduction de l'ampleur de la pauvreté, c'est-à-dire le relèvement du niveau de vie des personnes pour le rapprocher du seuil de la pauvreté, n'est pas un but très ambitieux puisque même une amélioration marginale aurait cet effet. Nous proposons, comme l'ont fait un certain nombre d'autres groupes, une réduction du taux, c'est-à-dire de la proportion des enfants pauvres par comparaison à l'ensemble des enfants du Canada, ce qui serait un objectif plus valable pour un gouvernement qui désigne cette approche de «stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants».
Quatrièmement, l'approche que l'on envisage pour compléter la prestation pour enfants est fondée sur certaines hypothèses fausses au sujet du marché du travail. Je ne veux pas insister lourdement là-dessus, mais l'une de ces hypothèses est que le secteur peu rémunéré est en mesure de réduire ou de prévenir la pauvreté chez les enfants. Cette hypothèse de la stratégie est non seulement sans fondement mais aussi probablement contredite par les faits.
L'effet dissuasif que l'on suppose, ce que l'on appelle le mur de l'aide sociale, découragerait les gens. Les économistes ont des approches théoriques de ce phénomène qui permettent de démontrer certains avantages qu'il y a à se tourner vers l'aide sociale. Que ces avantages chiffrés se traduisent nécessairement par des comportements est tout à fait contestable, et les études ne corroborent pas cette hypothèse.
La cinquième faiblesse est que le gouvernement ne s'est pas engagé à long terme à lutter contre la pauvreté des enfants—il n'y a pas de carnet de route, aucun plan précis, aucun objectif ni calendrier.
Finalement, il y a eu—et c'est là que je dis non, et c'est probablement un euphémisme—un manque de leadership de la part du gouvernement fédéral pour assurer aux femmes et aux enfants des niveaux de vie adéquats et constants. Nous soutenons que les besoins développementaux des enfants, et donc de leurs parents, et les besoins économiques des parents ne sont pas si différents d'une province à l'autre. Une stratégie qui délègue une grande partie de la responsabilité à l'égard du type de programmes qui seront offerts aux provinces ne reflète pas l'existence de conditions communes qu'il faut satisfaire. Compte tenu des capacités financières et des cultures politiques distinctes des provinces, une mosaïque de programmes provinciaux se dégage maintenant, sans trop d'égard aux besoins communs des familles et des enfants.
Je sais que certains d'entre vous ne seront pas d'accord avec nous, mais nous sommes absolument convaincus qu'à défaut de leadership fédéral, la province de résidence pourrait à l'avenir devenir un meilleur prédicteur que le pays de citoyenneté quand il s'agit du niveau de vie des enfants et de leurs parents.
Le deuxième ensemble de considérations a trait à l'efficacité de ce régime national de prestations pour enfants pour ce qui est de promouvoir des politiques de la famille qui favorisent l'égalité sociale et économique des femmes ou de préparer le terrain à cette fin. Nous reprenons ici certains des thèmes, mais nous nous faisons plus précis et nous rattachons la question aux femmes.
Le montant de la prestation, d'après ce que l'on en sait pour l'instant, ne peut suffire à corriger la vulnérabilité économique des femmes. Les mères seules, en particulier, sont parmi les plus vulnérables, sinon les plus vulnérables, sur le plan économique dans notre société et pourtant elles sont sous-représentées dans les groupes qui vont bénéficier de cette mesure.
En fait, selon certaines estimations, environ 10 p. 100 seulement des mères seules sous le seuil de la pauvreté vont profiter de la prestation nationale pour enfants, et ce pour une raison bien simple: elles sont généralement surreprésentées dans les groupes inscrits à l'aide sociale et sous-représentées dans le groupe des pauvres qui travaillent. On peut logiquement soutenir que toute prestation qui cible les pauvres qui travaillent sans englober les bénéficiaires de l'aide sociale pour accroître leur revenu établit une discrimination contre les mères seules.
• 1230
Pour en revenir à un aspect que j'ai mentionné précédemment,
la mise en oeuvre de stratégies visant à permettre aux prestataires
de l'aide sociale de retourner sur le marché du travail pourrait
s'avérer inutile en l'absence d'une solide évaluation de la
capacité du marché du travail à régler le problème de la pauvreté
et de la vulnérabilité économique des femmes.
Voici quelques statistiques qui ne sont pas nouvelles mais qui étonnent toujours quand on les rapproche. Au Canada, près de 17 p. 100 des femmes qui travaillent à temps plein ont un revenu annuel inférieur à 15 000 $. Plus de 35 p. 100 des mères seules ont des emplois qui les paient moins de 10 $ de l'heure. Voilà ce qui attend les femmes.
Le Canada vient au deuxième rang, derrière les États-Unis, pour ce qui est des emplois à temps plein mal rémunérés, aussi bien pour les hommes que pour les femmes, mais la situation est plus grave dans le cas des femmes. Ce n'est donc pas un hasard que le Canada se classe au deuxième rang des pays industrialisés, après les États-Unis, au chapitre de la pauvreté des enfants.
L'approche complémentaire, basée sur un régime national de prestations pour enfants, ne reconnaît pas non plus la valeur et la légitimité des soins dispensés aux jeunes enfants. Les provinces sont maintenant autorisées à déduire entièrement les suppléments alloués par le fédéral, y compris les sommes destinées aux mères seules. Cela vaut même si, dans bien des cas, ces mères seules ne satisfont même pas aux critères d'employabilité et, par conséquent, ne sont pas tenues de chercher du travail en vertu des règles provinciales en matière d'aide sociale.
Nous disons donc que cette approche semble appuyer ce que nous considérons comme une dénigration accrue des mères seules tributaires de l'aide sociale. Cela ne reconnaît certainement pas la valeur du travail qu'elles accomplissent en tant que mères.
Finalement, le soin des enfants n'est pas reconnu comme un soutien essentiel. Il s'agit là encore d'un très important soutien du marché du travail si nous voulons faire passer des prestataires de l'aide sociale à la population active.
Nous concluons que pour corriger la pauvreté des enfants il faut mettre l'accent aussi bien sur la réduction du taux de pauvreté de ceux qui sont actuellement sous le seuil de la pauvreté bien sûr, pour les rapprocher de ce seuil, mais aussi se tourner vers les familles à faible revenu. Ce sont les personnes qui gagnent entre 25 000 $ et 45 000 $ qui sont le plus susceptibles de tomber sous le seuil de la pauvreté en cas de dérèglement économique. Ce sont ces personnes qui ont dû recourir à l'aide sociale ou vivre sous le seuil de la pauvreté lors de la dernière récession.
Nous soutenons que la politique publique n'a rien à gagner à dresser l'une contre l'autre les familles à revenu modeste qui ont de la difficulté à boucler leur budget et les familles pauvres qui travaillent ou, tant qu'à faire, les familles pauvres qui travaillent et les familles tributaires de l'aide sociale. Ce genre d'approche ciblée est non seulement fractionnelle, mais en outre inefficace comme stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants. Nous le savons parce que c'est l'approche appliquée aux États-Unis, et les taux de pauvreté dans ce pays sont encore plus élevés que les nôtres.
La première série d'investissements—c'est-à-dire les 850 millions de dollars de 1997 et les 850 millions de dollars de 1998—devrait être considérée comme une première étape. Nous recommandons un engagement véritable ou la promesse d'envisager une deuxième série d'investissements.
Finalement, nous sommes d'avis que les politiques gouvernementales actuelles condamnent les femmes à la pauvreté, qu'elles soient mères ou travailleuses, et l'approche que l'on nous propose pour lutter contre la pauvreté des enfants ne réglera pas la situation.
Nos recommandations sont donc d'améliorer la prestation nationale pour enfants afin que les familles tributaires de l'aide sociale, les femmes économiquement vulnérables et les autres familles à faible revenu constatent une amélioration notable des prestations d'ici l'an 2000. Cela nécessiterait sans doute un engagement dès le prochain budget.
L'élargissement de la prestation de base pourrait se faire en même temps que l'expansion de l'allocation complémentaire, et non pas, comme certaines organisations et certains particuliers l'ont suggéré, lorsque le régime sera opérationnel. Nous risquons de diviser gravement les citoyens si nous continuons à accorder de l'argent seulement sous forme de prestations qu'une partie des pauvres peut toucher, tandis que l'autre partie n'y a pas droit du tout et que les familles à faible revenu n'en voient pas le moindre sou. Je crois qu'une telle approche soulève ce grave problème. Il nous faut donc travailler sur les deux fronts en même temps.
Deuxièmement, afin de reconnaître la valeur et la légitimité des soins dispensés aux jeunes enfants ainsi que les difficultés particulières des femmes qui élèvent seules leurs enfants, nous recommandons que les mères seules qui ont des enfants d'âge préscolaire et qui sont prestataires de l'aide sociale bénéficient immédiatement de la totalité des améliorations fédérales. Cela signifie que les gouvernements provinciaux ne devraient pas être autorisés à déduire entièrement les suppléments de prestation destinés aux mères seules qui ont de jeunes enfants.
• 1235
Dans certaines provinces, notamment en Alberta, on exige des
femmes dont le plus jeune enfant à six ans qu'elles intègrent le
marché du travail. Dans d'autres provinces, par exemple en
Colombie-Britannique, cette exigence s'applique quand l'enfant à
sept ans. Les règles diffèrent donc largement. Il faudrait
évidemment adopter un ensemble de principes nationaux pour
signifier que nous considérons la prestation de soins aux jeunes
enfants comme une fonction importante, que nous n'allons pas punir
les mères seules et que nous n'allons pas nécessairement leur
demander de retourner rapidement sur le marché du travail.
Il convient aussi de souligner que les études ont révélé que la grande majorité des mères seules retournent sur le marché du travail avant que leur plus jeune enfant n'ait sept ans, de toute façon, avec ou sans encouragement.
Finalement, il faut engager le dernier versement pour l'allocation complémentaire. Nous plafonnons à 1,7 milliard de dollars dans un avenir prévisible. Même pour atteindre l'objectif modeste qui consiste à élargir la prestation aux familles pauvres qui travaillent, il faudrait, selon les gouvernements provinciaux, environ 2,5 milliards de dollars d'investissement du gouvernement fédéral.
Les trois autres recommandations ne portent pas directement sur la prestation nationale pour enfants, mais s'inscrivent dans une stratégie complète de lutte contre la pauvreté des enfants. Deux d'entre elles sont plutôt évidentes. La première consiste à élaborer un plan d'action, c'est-à-dire un plan comportant des mesures véritables, sur les garderies. Le deuxième a trait à la définition de stratégies et de cibles pour accroître l'offre d'emplois bien rétribués dans les collectivités de tout le Canada.
Finalement, et je ne m'attarderai pas sur ce point parce qu'il est complexe: il faut explorer la possibilité d'instaurer un type de congé familial ou de supplément de soins familiaux qui accompagnerait le régime national de prestations pour enfants. Cela servirait de solution de rechange à l'aide sociale, surtout pour les femmes, mais aussi pour d'autres parents qui ont de jeunes enfants, et permettrait de prolonger le congé parental.
Je vous remercie beaucoup. Je crois que je vous ai déjà dit que j'avais apporté des exemplaires du rapport complet, en français et en anglais. Si vous voulez d'autres exemplaires, vous pouvez vous adresser à Condition féminine Canada. Merci.
Le président: Merci beaucoup de cette précision.
Notre prochain témoin est M. Shillington.
Soyez le bienvenu.
M. Richard Shillington (Tristat Resources): Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner devant vous. Je remercie aussi la greffière, qui m'a aidé à faire traduire mon mémoire. Cela m'a beaucoup aidé. Je ne représente aucune organisation, je n'ai pas de personnel et je ne suis pas payé pour venir témoigner ici.
Je ne vais pas lire mon mémoire, mais simplement en résumer l'essentiel en quelques minutes. Je ne vais pas parler beaucoup des détails de la prestation pour enfants, des familles qui en profitent et de celles qui n'y ont pas droit. Je me contenterai d'aborder cette question un peu plus tard, mais à cette étape de mon exposé je vais simplement vous parler de l'indexation et vous expliquer pourquoi l'indexation est importante.
À la fin de mon mémoire figure mon nom, mon adresse et l'adresse d'un site Web. Si vous visitez ce site Web, vous pourrez y lire jusqu'à l'écoeurement mes commentaires au sujet de la prestation pour enfants.
L'indexation est absolument essentielle pour inverser une tendance, la tendance à la baisse du soutien amorcée par la prestation pour enfants à l'intention des enfants à faible revenu.
Les changements qui ont été annoncés au sujet de la prestation pour enfants dans les deux derniers budgets sont les plus récents d'une longue série de modifications qui a débuté lors du budget de 1985 et s'est poursuivie en 1989, en 1992 et en 1996. Tous ces budgets avaient un même thème. Je vais vous en lire quelques extraits.
En 1985: «Les changements qui pourraient être apportés à ces programmes à la suite de l'examen devraient améliorer les prestations de ceux qui en ont le plus besoin.»
En 1985: «Les changements permettront de mieux aider les familles à faible revenu...»
En 1989: «Le gouvernement fédéral s'engage, au cours des prochaines années, à réduire la prestation pour enfants de famille aisée et à augmenter celle destinée aux enfants dans le besoin.»
In 1992: «Les familles à faible revenu qui ont un enfant recevront un paiement mensuel pouvant atteindre 144 $, soit sensiblement plus que les 35 $ qu'elles touchent mensuellement à l'heure actuelle», ce qui donne l'impression que le soutien aux familles pauvres est multiplié par quatre.
En 1997: «Environ 1,4 million de familles comptant 2,5 millions d'enfants bénéficieraient des prestations fédérales améliorées.»
En 1998: Le budget et la prestation pour enfants vont «... assurer un meilleur soutien aux familles à faible revenu qui ont des enfants... À la longue, cette initiative garantira plus fermement les prestations et les services destinés aux enfants du Canada qui en ont le plus besoin.» On nous dit que si la prestation n'est pas indexée à l'inflation, à la longue, elle fournira une assise plus solide aux prestations.
Ces 15 dernières années, une succession de changements ont été apportés à la prestation pour enfants, chacun, à ce que l'on nous dit, devant profiter aux familles à faible revenu qui ont des enfants.
• 1240
On n'a annoncé aucune réduction des prestations accordées aux
familles à faible revenu qui ont des enfants. Aucun budget ne
mentionnait que le gouvernement allait réduire le soutien aux
familles à faible revenu qui ont des enfants, et pourtant ce
soutien est inférieur aujourd'hui à ce qu'il était en 1984-1985
pour la plupart des familles pauvres et certainement pour la grande
majorité des familles qui ont des enfants.
Il n'y a eu aucun débat à ce sujet. Comment cela a-t-il pu se produire? Voyons un peu. Nous consacrons aujourd'hui moins d'argent aux prestations pour enfants que nous ne le faisions en 1984 ou en 1985. La majorité des enfants reçoivent moins de soutien.
Le tableau qui figure à la page 4 de mon mémoire contient des faits fort intéressants. On y retrace le niveau de soutien d'une famille qui n'a aucun revenu, ce que l'on appelle la famille assistée sociale. Vous pouvez voir qu'en 1984 et en 1985, il était d'environ 1 075 $. Ce graphique a été indexé.
Dans le budget du 23 mai 1985, on annonçait des augmentations du soutien aux familles pauvres, et c'est ce que vous verrez entre 1985 et 1988. On annonçait aussi dans ce très important budget de mai 1985 la disparition de la protection contre l'inflation dans le cas des prestations familiales et des prestations pour enfants ou dans le système fiscal, le régime de sécurité de la vieillesse. Le gouvernement est revenu sur sa décision en ce qui concerne la sécurité de la vieillesse et il a rétabli l'indexation complète.
Vous voyez donc l'effet à long terme; les prestations ont été augmentées au moment de l'adoption du budget, puis, après 1988, l'absence d'indexation s'est fait sentir. Dès 1992, on était revenu au niveau de soutien de 1984; après 1992 et jusqu'en 1997, on constate une érosion continue du soutien accordé aux familles les plus pauvres.
Les déclarations qui accompagnent chaque budget... et, évidemment, chaque budget est abondamment commenté dans les médias, les communiqués de presse, les discussions. Chaque budget parle du soutien accru accordé aux familles pauvres, tout comme le présent budget a suscité ce type de discussions. L'érosion continue attribuable à l'inflation n'est à peu près jamais mentionnée par les médias ni dans les études. Les dix personnes qui, au pays, savent ce qui se passe doivent se battre pour essayer de faire comprendre cela, mais sans grands résultats.
Le déclin, depuis 1988, correspond à environ 200 $ par enfant, et la tendance se maintient. Tant que l'inflation n'est que de 1 ou 2 p. 100, cette diminution représentera 10 ou 20 $ par année. Le budget actuel ne fait rien pour modifier les choses. Le gouvernement veut évidemment préserver cette tendance. De quelle façon peut-on accepter un tel écart entre les annonces publiques et la réalité? L'inflation est l'outil qui permet de procéder subrepticement à des coupures. C'est le seul outil dont disposent les gouvernements qui veulent paraître accroître le soutien accordé aux familles pauvres alors qu'en fait, ils ne le font pas, mais c'est certainement un outil fort efficace.
En raison d'un projet de loi émanant d'un député, le gouvernement a dû nous expliquer son opposition à l'indexation complète de la prestation pour enfants. On nous dit que cela ne peut être indexé parce qu'il faudrait modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Eh bien, le projet de loi que vous avez devant vous modifie la Loi de l'impôt sur le revenu, alors je ne pense pas qu'il s'agisse d'une explication honnête, cela n'est pas la raison pour laquelle on ne peut pas entièrement indexer la prestation pour enfants.
On nous dit que l'on ne peut pas indexer la prestation pour enfants sans indexer l'ensemble du système fiscal et qu'on ne peut se permettre d'indexer l'ensemble du système fiscal. Pourtant, les prestations aux personnes âgées ont été entièrement indexées sans entraîner de conséquences pour le système fiscal. Mon mémoire mentionne l'explication du gouvernement au sujet de l'importance que présentait la pleine indexation des prestations aux personnes âgées. Je ne pense pas que quiconque ici s'oppose à cette mesure, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi les mêmes arguments ne tiennent plus quand il s'agit de la prestation pour enfants.
En outre, l'indexation du système fiscal dans son entier est une question tout à fait distincte de l'indexation des prestations pour enfants. Vous pouvez indexer les prestations pour enfants sans indexer tout le système fiscal. L'une des principales raisons pour lesquelles cette modification s'impose, c'est que l'absence d'indexation dans le système fiscal n'a aucun effet sur les enfants pauvres. Cela ne touche pas les enfants assistés sociaux. Ils ne paient pas d'impôt.
Le fait que la prestation pour enfants ne soit pas indexée se répercute sur les enfants assistés sociaux, d'après mes estimations cela représente 200 $ par année. Alors si vous voulez une bonne raison d'indexer entièrement la prestation pour enfants, en voici une, même si vous ne voulez pas indexer l'ensemble du système fiscal.
Pourquoi est-ce que le gouvernement ne veut pas indexer entièrement la prestation pour enfants? Je ne saurais vraiment pas quoi vous répondre, si ce n'est qu'on peut trouver certains motifs politiques qui expliquent l'utilité de ne pas indexer la prestation pour enfants en fonction de l'inflation.
Je crois que cette protection contre l'inflation est essentielle parce que cela permettra de mettre fin à une campagne de désinformation qui accompagne les changements apportés à la prestation pour enfants depuis 15 ans. Cette campagne a réduit le soutien du revenu pour la grande majorité des enfants, même si on peut se vanter que le soutien a effectivement augmenté.
• 1245
Pour ceux qui cherchent un rayon d'espoir, il faut reconnaître
que le projet de loi émanant d'un député qui portait sur
l'indexation de la prestation pour enfants a été appuyé par une
majorité des députés à la Chambre. Malheureusement, le
gouvernement, le Cabinet, s'y est opposé.
Je reconnais que l'absence de protection contre l'inflation est d'une grande utilité sur le plan politique. Je ne pense pas que ce soit un hasard que les budgets où l'on prévoit une augmentation modeste et appropriée des prestations pour enfants aient été des budgets préélectoraux. Sans indexation, vous pouvez augmenter les prestations pour enfants juste avant les élections, vous pouvez vous donner l'air d'appuyer les pauvres et vous pouvez compter sur l'inflation au cours des trois ou quatre années qui suivent pour compenser cette hausse.
De fait, des 850 millions de dollars dont on entendra souvent parler au cours des prochains jours, j'affirme que la première tranche de 850 millions de dollars annoncée en 1997 et la deuxième tranche annoncée maintenant sont, à défaut d'indexation complète, totalement illusoires. Le gouvernement a en effet affirmé que le coût de l'indexation complète s'établissait à environ 160 millions ou 170 millions de dollars par année. Sur cinq ans, cela fait 800 millions de dollars. La plus grande partie de l'augmentation du soutien qui sera, par l'entremise de la prestation pour enfants, accordée aux familles pauvres qui travaillent vient d'autres familles qui ont des enfants—des familles qui vivent de l'aide sociale et des familles vulnérables—, parce que celles-là vont perdre du terrain en raison de l'inflation, et personne ne le sait, pour libérer les fonds nécessaires qu'on veut distribuer aux familles pauvres qui travaillent.
C'est pour ces raisons que l'indexation est essentielle à un soutien assuré et à long terme et à un soutien assuré pour les enfants les plus vulnérables. Je vous demande de recommander l'indexation complète.
Merci.
Le président: Je vous remercie de vos observations, monsieur Shillington.
Monsieur Battle.
M. Ken Battle (Caledon Institute): Merci. Je suis heureux de pouvoir comparaître à nouveau devant votre comité.
Je voudrais vous parler aujourd'hui de questions tout à fait différentes de celles qui ont été évoquées par mes collègues. Auparavant, je tiens à dire que la prestation nationale pour enfants est une question qui a profondément divisé les analystes, c'est le moins qu'on puisse dire. Nous partageons un certain nombre d'opinions très importantes sur le rôle des prestations pour enfants et sur l'urgence d'une réforme dans ce domaine. En revanche, nous ne sommes pas du tout d'accord sur la méthode à employer, je ne veux pas m'engager immédiatement dans ce débat mais je tiens à dire que je suis d'accord avec deux ou trois remarques faites par Christa et par Richard.
Commençons par ce que disait Richard au sujet de l'indexation. Lorsque Richard mentionne les dix personnes qui discutent de cette question, je crois qu'en fait, en dehors du gouvernement, il n'y a que lui et moi à avoir consacré autant de temps à la question. Au fil des années, j'en ai parlé un nombre incalculable de fois.
Nous préparons un nouveau rapport consacré à l'effet de la désindexation partielle sur le crédit pour TPS, sur le régime d'impôt sur le revenu des particuliers, et sur les prestations pour enfants. Sans trop vouloir jouer au suceur de sang, j'avoue que ce sont des questions qui nous ont donné du travail pendant de nombreuses années.
Je suis d'accord avec Richard sur le rôle de la politique dans tout cela. C'est ce que j'appellerais une façon sournoise d'imposer politique sociale. C'est un mécanisme qui existe toujours et qui a un profond effet de distorsion et d'érosion sur le régime de transfert fiscal. Christa sera certainement d'accord avec moi.
Il est très important de le répéter constamment si l'on veut se faire une idée juste et réaliste de l'utilisation possible de ces prestations, quelle que soit la manière dont elles sont structurées. Aucun d'entre nous n'a jamais essayé de faire passer la réforme des prestations pour enfants pour le Saint-Graal qui permettra de vaincre la pauvreté infantile. Il est hors de question qu'un problème aussi profond, aussi complexe, aussi persistant et aussi ancien que la pauvreté chez les familles avec enfants et la pauvreté en général puisse être résolu grâce à un programme de sécurité du revenu unique. C'est tout simplement impossible.
• 1250
La prestation pour enfants représente donc un pas très
important en avant et, comme le disait Christa, c'est une première
lueur au bout du tunnel, après des années de repli de notre
politique sociale. Il n'est certainement pas question d'essayer de
faire passer cela comme une sorte de recette magique, mais je crois
qu'il est bon de le dire.
Dans leur vision à long terme des prestations pour enfants, tous nos groupes sont d'accord sur un point important. Nous croyons tous que la prestation devrait être portée très au-delà du niveau requis pour remplacer l'aide sociale aux enfants, qui est de l'ordre de 2 500 $ par enfant.
À défaut d'un meilleur chiffre, le Caledon Institute a proposé comme objectif un maximum de 4 000 $ par enfant, ce qui ne couvrirait pas totalement les coûts d'éducation des enfants pour les familles à faible revenu mais constituerait un apport appréciable. Il s'agit d'un objectif à long terme, même si nous avons dit qu'il devrait être atteint au cours de la première décennie du siècle prochain. Cela représenterait vraiment un grand progrès.
Ce dont nous parlons sort donc du simple cadre des prestations pour enfants. Une formule de prestation considérablement étoffée, qui accroîtrait les prestations aux familles assistées ainsi qu'aux autres familles à faible revenu, est un élément très important de l'indispensable restructuration du système de sécurité sociale au Canada. C'est un pas très important sur la voie du démantèlement du système d'aide sociale, seule solution raisonnable. Nous ne parviendrons jamais à réformer le système tel qu'il existe aujourd'hui.
Revenons un peu à la politique. La prestation nationale pour enfants est un grand pas sur la voie de la reconstruction de la fédération. C'est un facteur très important de renouvellement du fédéralisme de concertation.
Je vais maintenant changer de braquet et aborder quelques questions plus techniques.
Premièrement, je tiens à présenter mes excuses au comité. Je n'ai travaillé à la préparation de mon exposé qu'hier soir et ce matin et j'ai été obligé de le structurer de manière un peu hâtive. Il n'est donc pas aussi élégant dans la forme que je le souhaiterais, mais je crois pouvoir vous présenter mes arguments avec suffisamment de clarté.
Ce dont je voudrais parler d'abord c'est de l'utilisation des seconds 850 millions de dollars dont la mise en place—et je m'en réjouis—a été annoncée dans le budget fédéral de cette année.
Christa et Richard ont fait allusion à l'existence d'objectifs contradictoires dont la poursuite a été freinée par la longue période de restrictions budgétaires dont j'espère que nous émergeons actuellement. Au fil des années, de difficiles compromis ont été nécessaires.
Indiscutablement, il y a eu une nette érosion des prestations pour enfants en ce qui concerne les familles qui ne vivent pas dans la pauvreté, en particulier si l'on remonte au début des changements que j'ai étudiés depuis 1984 et que j'ai comparés avec ceux de 1998. Michael Mendelson et moi-même avons préparé un assez long rapport sur l'établissement d'un cadre d'évaluation de la nouvelle prestation pour enfants. Comme cette étude est très détaillée, je n'en répéterai pas le contenu.
Il y a donc eu un effet d'érosion. À long terme, on a pu noter de modestes améliorations des prestations pour enfants pour les familles à faible revenu, mais cela s'est accompagné d'une érosion des prestations aux familles à revenu modeste ou moyen et à revenu élevé. C'est un problème persistant que nous voudrions éliminer lors de la réorganisation du régime.
La difficulté est, naturellement, de savoir combien de temps il nous faudra avant de pouvoir rétablir les prestations aux familles non pauvres. Cela pose en effet un problème, lorsque l'on ne dispose que d'un montant supplémentaire de 850 millions de dollars, ce dont je vais parler maintenant. Le gouvernement n'a pas annoncé de troisième versement, alors qu'un troisième, un quatrième, un cinquième et même un sixième versement étaient indispensables. Je m'en tiendrai au second versement; le choix du processus crée des tensions.
Je vais essayer d'expliquer les choses simplement avant d'entrer dans le détail. Si nous nous en tenons à la théorie de la prestation nationale pour enfants... Je vous rappelle qu'il s'agit d'une entente politique entre les deux ordres de gouvernement, aux termes de laquelle, lorsque le gouvernement fédéral augmente sa prestation fiscale pour enfants, les provinces sont autorisées à déduire l'aide sociale pour les enfants, même si elles ont accepté d'investir dans d'autres programmes et services à l'intention des familles à faible revenu avec enfants. Ce processus semble être engagé.
• 1255
Le problème est de savoir comment nous allons réinvestir cet
argent, et je tiens absolument à souligner combien il est important
de continuer à augmenter les prestations pour les familles à faible
revenu. Il serait tentant d'essayer de rétablir les prestations
pour les familles non pauvres. L'ennui, c'est que si nous utilisons
le second versement de 850 millions de dollars pour les familles à
revenu modeste ou moyen, l'augmentation des prestations aux
familles à faible revenu ne pourra pas être aussi importante.
C'est un compromis qui pose problème car si le gouvernement fédéral revient sur son engagement de relever le plafond de la prestation nationale pour enfants, les provinces seront en droit de répondre, «vous avez encore une fois manqué à votre parole. Nous avions une entente politique»—ce n'était pas un accord légiféré, mais je crois que selon les principes du nouveau fédéralisme—«vous deviez relever le plafond des prestations pour enfants et nous renoncerions à notre tour à l'aide sociale au profit d'autres programmes».
Si le gouvernement fédéral ne respecte pas son engagement, il viole un contrat politique implicite avec l'autre gouvernement, ce qui me paraîtrait être une erreur tragique car il s'agit là d'une des premières entreprises en coopération que nous voyons depuis bien des années.
Allons un peu plus loin. Comment répartir ce second montant de 850 millions de dollars; le plus simple, naturellement, serait de nous contenter de faire la même chose que la fois précédente—autrement dit, de nous en tenir à la première version de la prestation nationale pour enfants—et de consacrer l'essentiel de cette somme aux familles à faible revenu en maintenant un régime selon lequel toutes les augmentations sont destinées aux familles dont le revenu est inférieur à 25 921 $. Ce serait certainement une façon de respecter l'engagement pris de continuer à investir plus d'argent fédéral au profit des familles à faible revenu.
Le problème, comme je vais vous le montrer dans un instant, est que nous serons obligés de continuer à augmenter le taux de réduction, autrement dit, le taux de diminution de la prestation pour les revenus entre 20 921 $ et 25 921 $. Nous sommes obligés d'utiliser une courbe beaucoup plus marquée. Plus vous augmentez le maximum, plus vite vous êtes obligé de le réduire si vous ne voulez pas dépasser le plafond de 25 921 $.
Les économistes en font toute une affaire—Christa y a fait allusion—mais je ne suis guère partisan de cette obsession des taux marginaux d'imposition. Il est cependant indiscutable que si nous utilisions la totalité du second versement de 850 millions de dollars au profit des familles à faible revenu, la courbe serait nettement plus accusée que celle qui existe actuellement. Les familles comprises dans cette fourchette de revenu assez étroite seraient assujetties à des taux marginaux d'imposition plus élevés. C'est l'effet de la prestation fiscale pour enfants sur les impôts que ces familles paient actuellement, Régime de pension du Canada, assurance-emploi, impôt fédéral sur le revenu, impôt provincial sur le revenu, et autres éléments qui influent sur les taux marginaux d'imposition.
J'essaie de montrer l'avantage d'un compromis qui permettrait de consacrer la plus grande partie de l'augmentation—les seconds 850 millions de dollars—aux familles à faible revenu, mais on utiliserait également une part de ce montant pour les familles dans le revenu plafonne entre 29 000 et 30 000 $. Ce sont des estimations faites un peu au jugé et il ne s'agit donc aucunement de chiffres définitifs.
Cela aurait les deux effets suivants. Premièrement, l'essentiel de l'augmentation des prestations continuerait à aller aux familles à faible revenu, conformément à l'accord sur le régime national de prestations aux enfants, mais certaines familles à revenu modeste bénéficieraient aussi d'une légère augmentation. Comme Richard et Christa nous le rappelaient, il y a plusieurs années que ces familles n'ont pas obtenu d'augmentation dans ce domaine. En réalité, du fait d'une indexation partielle, les prestations ont progressivement diminué. Ce que je propose permettrait donc d'atteindre en partie les deux objectifs. Le second objectif qui intéresse les familles à revenu moyen ne serait pas totalement atteint, mais ce serait un début et cela nous donnerait une courbe qui aurait un peu moins la forme d'un tremplin de ski.
Je vais essayer d'illustrer cela car il est difficile de l'expliquer simplement avec des mots. Reportez-vous à la figure 2 du document qui vous a été remis et qui contient un certain nombre de graphiques.
• 1300
Je m'en suis tenu aux familles avec deux enfants dont le
revenu s'inscrit entre 20 000 et 30 000 $ afin de rendre le
graphique un peu—ce sont les familles dont nous parlons plus
particulièrement. La ligne très fine, au bas, juste au-dessous de
3 000 $ représente le montant de la prestation fédérale pour
enfants dans l'ancien régime—celui que nous allons remplacer en
juillet. Pour ces familles, le montant était d'environ 2 900 $—je
ne vais pas entrer dans le détail de tous les taux de prestation—depuis,
il est tombé à 2 592 $ et continue à diminuer. Cela
représente donc la courbe d'évolution de la prestation.
Je voudrais maintenant parler de la nouvelle prestation fiscale nationale pour enfants, représentée par la grosse ligne noire. Il y a une autre ligne qui se greffe sur elle et dont je vous parlerai dans un instant. Voilà le nouveau régime qui, comme vous pouvez le voir, amènera une modeste augmentation des prestations aux familles. Juste au-dessous de 26 000 $, il n'y a plus d'augmentation. C'est à ce niveau qu'elle prend fin.
J'illustre ici deux options différentes d'utilisation du second versement de 850 millions de dollars, seconde phase du versement de la subvention fédérale pour enfants. La ligne en pointillé, tout en haut du graphique, montre ce qui se passerait si nous augmentions uniquement la prestation pour les familles à faible revenu. Cette prestation passerait des 3 300 $ actuels à environ 4 100 $. Une augmentation assez sensible serait donc possible. Elle serait de l'ordre de 400 $ par enfant—c'est un chiffre très approximatif—et prolongerait la première étape.
La seconde option serait de faire l'inverse en permettant à toutes les familles de bénéficier d'une augmentation au lieu de la réserver uniquement aux pauvres. Cela représenterait une augmentation plus modeste pour toutes les familles bénéficiant de la prestation pour enfants. Cette augmentation serait si faible—environ 130 $ par enfant—qu'elle ne se distingue même pas du régime actuel. Ce n'en serait pas moins une petite augmentation accordée à toutes les familles, même à celles dont le revenu serait proche de 70 000 $.
Il y a enfin le compromis que je propose et qui consiste à accorder une augmentation aux familles à faible revenu tout en relevant aussi un peu les prestations aux familles d'un revenu moyen de 29 000 $ à 30 000 $. Voilà comment cela se présenterait.
La figure 3, qui va vous embrouiller encore un peu plus, illustre les taux marginaux d'imposition. Par taux marginal d'imposition nous voulons dire que chaque dollar...
Une voix: Nous le savons.
M. Ken Battle: D'accord, nous n'en parlerons donc pas.
Donc, pour chaque 1 000 $ de gains, combien reversez-vous aux gouvernements fédéral et provincial? Dans le cas présent, j'utilise comme modèle le régime d'imposition du revenu de l'Ontario. La ligne très fine qui court au bas du tableau représente les taux marginaux d'imposition combinés sous l'ancien régime de prestations fiscales pour enfants, versées à ces familles. Encore une fois, la grosse ligne noire représente les taux marginaux à compter de juillet prochain, en vertu du crédit national pour enfants. La ligne en pointillé, dans le haut du tableau, représente ce que vous seriez obligé de...
Si nous voulions consacrer la totalité de ces seconds 850 millions de dollars à une augmentation destinée aux familles à faible revenu, nous serions obligés d'accroître sensiblement le taux de réduction pour les familles dont le revenu est de 20 921 $ à 25 921 $, ce qui porterait leurs taux marginaux d'imposition à près de 70 p. 100 dans certains cas. Cela représenterait une bien forte augmentation pour les familles dont le revenu se situe dans cette étroite fourchette, et qui sont d'ailleurs fort nombreuses.
Si nous adoptions le genre de compromis que je proposais, une formule un peu plus souple qui permettrait d'éviter une augmentation aussi brutale du taux de réduction et d'accroître les prestations jusqu'à ce que le revenu atteigne environ 30 000 $, nous serions en fait obligés de... Je m'explique. Les taux marginaux d'imposition actuels seraient maintenus pour les familles à faible revenu. Pour les familles dont le revenu s'inscrit entre 26 000 $ et 2 000 $ ou 30 000 $, ces taux devraient être un peu relevés. C'est à ce prix qu'elles pourraient bénéficier de prestations fiscales pour enfants plus importantes.
• 1305
Dans l'ensemble, je crois que cela améliorerait la situation.
Si vous y voyez une sorte de compromis, celui-ci serait plus facile
à accepter pour les économistes que les taux marginaux d'imposition
obsèdent; ils se plaindraient peut-être du traitement réservé à la
famille dont le revenu est de 26 000 $ à 30 000 $, mais c'est cela
le compromis. Nous engagerions prudemment le processus de
réinvestissement dans les prestations pour enfants au profit des
familles non pauvres, mais ce serait au moins un commencement.
M. Paul Szabo: D'après votre tableau, si votre revenu familial net est de 25 000 $, votre taux marginal d'imposition est-il de l'ordre de 50 p. 100?
M. Ken Battle: C'est cela.
M. Paul Szabo: En Ontario?
M. Ken Battle: Oui.
M. Paul Szabo: C'est une vaste plaisanterie, monsieur le président. C'est absolument faux. Pour un revenu de 25 000 $, le taux fédéral d'imposition est de 17 p. 100, et en Ontario, le taux est d'environ 58 p. 100. Même si vous prenez un taux de 60 p. 100...
M. Ken Battle: Et vous ajoutez le RPC, l'AC, la réduction d'impôt de l'Ontario et la nouvelle disposition fédérale... Il s'agit du taux marginal d'imposition global. J'ai tout inclus parce qu'il y a interaction entre ces diverses prestations.
M. Paul Szabo: Continuez.
M. Ken Battle: Je suis assez sûr de ces chiffres.
Pardonnez-moi toutes ces lignes et toute cette complexité. Reprenons la discussion car, sans cela, nous risquons de nous noyer dans les détails.
Revenons aux questions d'argent. Si nous pouvions investir autant d'argent frais que nous voulions dans la prestation nationale pour enfants, et cela, aussi rapidement que nous le désirions, la plupart de ces problèmes seraient probablement évitables. Nous pourrions réindexer le régime de prestations pour enfants. Nous pourrions sensiblement augmenter les prestations pour toutes les familles à faible revenu, y compris les familles assistées avec enfants qui ne bénéficient d'aucune augmentation au stade actuel de la réforme. Nous pourrions commencer à essayer d'assouplir les dispositions relatives au taux marginal d'imposition. Nous pourrions commencer à rétablir les prestations pour enfants en faveur des familles à revenu modeste et moyen. Si nous avions de l'argent à ne plus savoir qu'en faire, il nous serait très facile de repartir de zéro et, au lieu d'une courbe très raide du taux marginal, nous pourrions tracer une courbe beaucoup plus progressive et équitable, et cela nous épargnerait toutes ces difficultés. Ce serait l'idéal, et je ne pense pas que ce soit totalement irréaliste. Cela ne se ferait pas du jour au lendemain, mais ce serait faisable.
La question est de savoir combien d'argent le gouvernement fédéral est prêt à consacrer à la réforme des prestations pour enfants au cours des cinq à dix prochaines années. Je me contenterai de répéter ma première remarque. Je crois que cela en vaut la peine. Je crois que c'est très important. Ce n'est pas la seule chose qu'on puisse faire, mais c'est un composant important des efforts pour régler les problèmes de pauvreté chez les enfants, ainsi que les problèmes auxquels les familles à revenu modeste et moyen sont confrontées lorsqu'elles essaient d'élever leurs enfants. Cela nous ramène à certains des premiers objectifs du régime national de prestations pour enfants, mais je crois que cela nous aiderait à créer un régime de sécurité sociale plus rationnel dans l'ensemble car nous pourrions alors commencer à démanteler le système d'aide sociale.
J'ai terminé.
Le président: Merci, monsieur Battle.
Passons maintenant aux questions et réponses; je donne la parole à monsieur Solberg.
M. Monte Solberg: Je vous remercie de votre exposé. Il est intéressant. La question extrêmement complexe car elle fait intervenir une foule de variables allant du problème du chômage aux diverses prestations et à la manière dont elles s'intègrent à un ensemble. C'est très compliqué. Pour m'en tenir à ce dont vous parliez, ce qui n'est d'ailleurs pas facile, je dirai que le fait que vous avez tenu compte du problème des taux marginaux d'imposition. C'est un problème dont j'ai déjà parlé à des économistes. Je crois que ces derniers ont assez clairement montré que lorsque vous combinez toutes les prestations, cela crée un taux marginal très élevé pour les familles à faible revenu.
En ce qui concerne ces 850 millions de dollars, je crois qu'il serait bon d'envisager une plus longue période de transition menant à un plafond de 30 000 $. Cela me paraît assez logique.
• 1310
Une autre question se pose cependant. Supposez que vous
introduisiez d'autres changements dans le régime, pas par le biais
de la prestation pour enfants mais en modifiant l'exemption
personnelle de base, par exemple. Si vous commencez à relever
celle-ci, le taux marginal diminuera beaucoup plus et les
contribuables ne tarderont pas à se retrouver avec beaucoup plus
d'argent en poche.
Que pensez-vous de l'idée suivante: Au lieu de nous contenter d'adopter un système progressif qui permettrait un jour de verser la prestation pour enfants aux familles dont le revenu atteindrait 30 000 $, nous ferions aussi tout notre possible pour dispenser des impôts fédéraux sur le revenu les personnes à faible revenu. Quel effet auraient de telles mesures?
M. Ken Battle: Je vous dirai tout de suite que je ne saurai être plus complètement d'accord avec vous. Vous avez tout à fait raison de dire que tout est lié. C'est cela le maudit problème: le régime fiscal, le régime national de prestations pour enfants, les crédits pour TPS, et le bien-être social sont tous liés, mais il n'y a pas d'intégration.
M. Richard Shillington: C'est cela le problème: il n'y a pas d'intégration.
M. Ken Battle: C'est exact. Je soutiens depuis un certain temps que nous avons besoin de ce que j'appellerais, faute de mieux, un régime de crédit d'impôt intégré. Cela permettrait d'examiner la question du crédit d'impôt pour les cotisations d'assurance-chômage, autre question à laquelle je pourrais aisément consacrer une demi-heure. C'est un impôt très régressif. Ce sont les travailleurs à faible revenu qui vont être les principales victimes des augmentations du RPC. L'érosion du crédit à la TPS est un autre problème grave, qui est totalement négligé. Il y a aussi l'impact de l'indexation partielle des tranches de revenu et des crédits.
Tout cela se tient. Je crois que l'on pourrait très bien soutenir, ce qui est important, que le moment est venu—je le dis pour deux raisons—pour le gouvernement fédéral d'envisager une nouvelle réforme du régime fiscal, ce que nous n'avons pas fait depuis 1988. Premièrement, à cause de l'érosion du système fiscal au cours des 10 ou 11 dernières années provoquée par l'indexation partielle.
Deuxièmement, il est certain qu'un certain nombre de provinces veulent jouir de plus de latitude afin de réorganiser leur propre régime d'impôt sur le revenu. Dans le système actuel, elles n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre pour modifier les définitions de base, ce qui n'est d'ailleurs pas nécessairement un mal. Nous pourrions nous retrouver avec un système d'impôt sur le revenu plus disparate que celui que nous avons aujourd'hui. J'hésite donc à me prononcer.
Sur le plan politique, je crois qu'il est très important que les deux ordres de gouvernement s'efforcent de tenir compte de ce que vous dites, à savoir: quel est le poids de la fiscalité pour les personnes à faible revenu? Nous avons effectué des estimations afin de montrer que le «seuil de la douleur» causée par l'impôt fédéral est aujourd'hui plus bas. Le récent allégement fiscal prévu dans ce budget ne représente qu'un minuscule sursaut sans effet sensible.
Je crois donc en effet qu'il faut tenir compte de tout. C'est le problème qui se pose lorsqu'on essaie de considérer la réforme des prestations pour enfants séparément de la réforme de l'impôt sur le revenu. On risque d'apporter des changements incohérents. Je crois donc qu'il faut examiner les deux réformes à la fois.
Cela dit, je ne prétends pas du tout qu'il est impossible de réformer le régime de prestations pour enfants avant de s'attaquer au régime d'impôt sur le revenu, ou vice versa, mais c'est un très sérieux problème. Je crois que si la question du fardeau fiscal qui pèse sur les personnes à faible revenu pouvait être réglée, cela permettrait de rapprocher des personnes représentant des points de vue très différents. Le Globe and Mail en a parlé dans ses éditoriaux.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Vous avez raison de ne pas attendre d'autres réformes, parce qu'à ce moment-là, on serait pas mal en retard pour ce qui est de la prestation fiscale pour enfants. Pendant mon premier mandat, on avait promis 600 millions de dollars, qui ont été retardés parce l'inflation n'avait pas atteint un taux suffisamment élevé. Donc, on est déjà en déficit depuis quatre ans. Les 850 millions de dollars sont déjà en déficit de 600 millions de dollars, qui auraient dû être investis dès 1993. Donc, on est d'accord avec vous sur ce point-là.
J'ai fait faire une étude sur la non-indexation des prestations fiscales pour enfants. C'est une recherche assez approfondie. Quelle catégorie salariale a surtout été affectée? On dit que ce sont les personnes à faible revenu, celles qui gagnent de 25 000 à 30 000 $, qui souffrent le plus du fait qu'il n'y a pas eu d'indexation des prestations fiscales pour enfants et des autres prestations fiscales. Ce sont ces familles qui en souffrent le plus. On dit qu'elles ont 250 $ de moins par année dans leurs poches depuis quatre ans. Donc, on est vraiment en retard.
• 1315
Nous aurions souhaité que
le gouvernement ait une politique beaucoup plus large
concernant la pauvreté, comme le souhaitait Mme Christa
Freiler dans son exposé. Nous avions demandé qu'il y ait
un commissaire à la pauvreté pour étudier d'autres
mesures qui pourraient être mises de l'avant par le
gouvernement pour contrer la pauvreté chez les enfants.
L'économie ne va pas
si mal actuellement. C'est donc un peu anormal
qu'il y ait de
plus en plus d'enfants pauvres et que l'écart entre les
riches et les pauvres s'élargisse. Nous avons un
jeune qui est parti en croisade pour dénoncer les
inégalités du système. Il y a aussi toute la classe
moyenne qui paie énormément d'impôts.
Pour notre part, nous pouvons
vivre, mais je suis très, très inquiète de l'avenir de nos
jeunes. Il faut avoir une
politique familiale et, dans cette politique familiale, il
faut inciter nos jeunes à avoir des
enfants pour qu'il y ait croissance de la population.
De notre côté, nous allons pousser dans le même sens. En tout cas, il y a des chiffres qui concordent avec les vôtres et il y a des situations alarmantes. Le gouvernement est déjà en retard. Je l'ai dit à plusieurs reprises au ministre, qui semble dire que c'est suffisant et qui fait son effort, mais je pense que cet effort n'est pas assez important pour contrer la pauvreté chez les enfants. Donc, on est un peu d'accord sur ce que vous dites ce matin. Il y a des surplus dans la caisse. Je trouve que la population a beaucoup souffert des coupures. On voit, dans nos bureaux de circonscription, que la population s'en va trop rapidement à l'aide sociale.
On pourrait prendre d'autres mesures. Par exemple, on sait qu'il y a des milliards de dollars qui ont été mis de côté dans la caisse de l'assurance-emploi. Cela appauvrit les familles, qui se retrouvent trop rapidement à l'aide sociale. On a dénombré 220 000 familles de plus à l'aide sociale. Il est très difficile de se sortir de la spirale de l'aide sociale. Je le sais, car je connais des gens qui ont vécu de l'aide sociale pendant quatre ans, pour qui il a été très difficile de se raccrocher au marché de l'emploi.
Je voulais apporter mon témoignage. C'est bon de recevoir des groupes comme le vôtre, qui nous encouragent dans notre démarche pour que certains ajustements soient faits. On a souvent l'impression de prêcher dans le désert. Ce comité-là va nous permettre d'étudier ces choses plus à fond. Les sommes d'argent ne sont pas suffisantes. Il faudrait contrer la pauvreté de façon beaucoup plus ciblée. Comme Mme Freiler le disait tout à l'heure dans son exposé, il faudrait avoir des mesures plus globales pour contrer la pauvreté.
Pouvez-vous me donner un chiffre? Il n'y a pas eu d'indexation de la prestation fiscale pour enfants. Combien de dollars le gouvernement a-t-il pu épargner grâce à cette non-indexation? Est-ce que vous avez des chiffres?
[Traduction]
M. Ken Battle: Selon Richard, cela représente environ 170 millions de dollars par an. Cette somme augmentera au même rythme que les prestations. C'est donc un peu compliqué, parce que cela affecte non seulement le montant de la prestation, mais également le seuil et le pourcentage de familles qui touchent la prestation maximum et cet effet se répercute de bas en haut.
Je ne dirai qu'une seule chose au sujet de l'indexation, mais il est très important de s'en souvenir. Elle a des répercussions sur les prestations pour enfants versées aux familles à revenu moyen, pas seulement sur celles que touchent les familles à faible revenu. Il y a un effet d'érosion de bas en haut. Avec le temps, cet effet remonte toute l'échelle des revenus. C'est ainsi que cela se passe.
M. Richard Shillington: Permettez-moi d'ajouter deux ou trois observations; il s'agit bien en effet d'environ 170 millions de dollars par an. Certains disent que pour que l'indexation puisse être complète, il faudrait que l'augmentation des dépenses du gouvernement soit de cet ordre. Je considère moi-même que cela représente en fait le montant escamoté. Nous ne demandons pas qu'on augmente les dépenses; nous voulons simplement que la valeur d'achat soit maintenue.
En 1992, nous avons dit que, cumulativement, et sauf erreur de ma part, 3,1 milliards de dollars avaient ainsi disparu. Les représentants du gouvernement ont dit que c'était faux; ils avaient tort.
Six années ont passé et cela correspond probablement à un milliard par an environ de perdu. En ce moment même, cela représente 800 millions de dollars, selon l'année. Les dépenses sont d'environ un milliard de dollars inférieures à ce qu'elles auraient été si l'indexation avait été complète. Cette situation dure depuis 1992, et relativement, les prestations aux enfants ont perdu près de 10 milliards de dollars.
• 1320
Encore une fois, comme le dit Ken, ce n'est pas seulement le
montant maximum qui n'est pas indexé; ce sont les seuils de revenu.
J'ai oublié les chiffres, mais j'ai eu entre les mains une
estimation du nombre annuel d'enfants pour lesquels des prestations
partielles, au lieu de prestations maximums, étaient versées parce
que le revenu de leur famille avait dépassé 21 921 $, mais ce seuil
était demeuré sans changement. Le montant maximum de la prestation
de base pour enfants est de 1 020 $, et cela, depuis 1991. Ce seuil
de 25 921 $ est demeuré le même depuis 1991.
D'autre part, chaque année, c'est un seuil qui est franchi pour 50 000 à 60 000 enfants. Les prestations versées pour eux ne sont plus que partielles. Apparemment, ils ne sont pas jugés suffisamment méritants.
Cinquante mille autres—j'ai oublié le chiffre exact, mais si cela vous intéresse, je pourrai le vérifier—crèvent le plafond et ne bénéficient plus d'aucune prestation.
Le Canada est pratiquement le seul pays industrialisé où les familles n'ont droit à aucun avantage fiscal lorsqu'elles ont des enfants à charge.
Supposons un instant que la retenue d'impôt dont bénéficient les gens d'affaires autonomes pour une voiture de fonction soit établie selon le critère du revenu. Vous pouvez déduire le coût total de votre voiture de fonction si votre revenu est inférieur à 25 000 $. Mais s'il est supérieur à 25 000 $, nous ne vous laisserons pas tout déduire et vous ne pourrez plus rien déduire du tout si votre revenu est supérieur à 50 000 $. Ce serait jugé ridicule car cela serait contraire aux principes d'un régime fiscal équitable. Cela enfreindrait le principe de l'équité horizontale.
Nous savons tous que, depuis 1989, nous ne respectons plus un des principes fondamentaux de l'équité fiscale puisque nous n'accordons aucun avantage fiscal aux familles dont le revenu dépasse 67 000 $ lorsqu'elles ont un ou deux enfants. Ce ne serait jamais permis s'il s'agissait d'une dépense d'affaires.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: J'ai apprécié votre explication sur les différences existant dans le régime fiscal. Elle nous sera utile.
Je ne sais même pas par quoi commencer et je m'abstiendrai probablement de le faire, car cela n'en vaut pas la peine. Des centaines de questions me viennent à l'esprit, comme c'est certainement le cas pour nous tous. Je n'ai pas le monopole des questions portant sur les points que vous avez soulevés. J'ai cependant deux ou trois remarques à faire et je vous demanderai simplement de nous dire si elles sont justifiées.
Il me semble, Christa, que vous dites que dans l'élaboration de la politique sociale... Vous avez parlé de «sournoiserie» ou de quelque chose de ce genre. C'est un terme que nous entendons souvent utiliser dans les domaines qui nous intéressent. L'élaboration de la politique sociale est un élément. Si je vous comprends bien, il faudrait que le processus soit beaucoup plus global. C'est cependant un pas dans la bonne direction; il faut le reconnaître.
Ce qui m'inquiète particulièrement, ce sont les termes que vous avez utilisés sans vraiment dire... Selon vous, Richard, le gouvernement voudrait continuer à éviter toute indexation, car si nous voulions changer de système, nous voudrions probablement que les prestations soient indexées. Tous ceux qui sont autour de cette table savent que la non-indexation est préjudiciable car elle a un effet d'érosion sur les prestations.
Mais ce qui est peut-être plus important, c'est que c'est de la duplicité pure et simple. Lorsque vous dites que vous allez augmenter les prestations, vous savez fort bien que deux ans plus tard, cette augmentation ne sera plus que fictive. Il n'est pas étonnant que les gens ne nous aiment plus, que nous leur inspirions un sentiment de frustration. Par «nous» je n'entends ni les libéraux ni...
Le président: Vous voulez dire le NPD, n'est-ce pas?
M. Nelson Riis: Oui, j'inclus aussi le NPD.
Le président: Bien. C'est juste.
M. Nelson Riis: En général, les gouvernements font des promesses au moment du budget pour essayer de se faire des alliés, mais plus personne ne nous croit car les gens savent bien que nous les escroquons d'une façon ou d'une autre. D'un côté, nous leur disons qu'ils vont bénéficier du petit soubresaut de l'impôt sur le revenu. Mais un peu plus tard, tout le monde se retrouve au même point. Tout le monde subit les effets de l'érosion du pouvoir d'achat, de la baisse du niveau de vie, etc.
Collectivement, vous nous avez rendu service en nous révélant les graves problèmes qui existent à votre avis. Notre rapport vous a montré que nous étions sensibles à la question de l'indexation et à l'effet d'érosion de l'inflation sur les prestations.
En fin de compte, je n'ai pas de question à poser, mais je voudrais simplement vous remercier de nous avoir aidés à bien comprendre ce qu'il faut faire et à cerner les problèmes auxquels nous devons faire face.
Mme Christa Freiler: Je voudrais répondre à la question au cas où je n'aurais plus l'occasion de le faire.
J'ai deux très brèves remarques à faire. Je voudrais répondre à la proposition de Ken Battle, qui est très concrète.
M. Richard Shillington: Je voudrais moi-même y répondre.
Mme Christa Freiler: Vous pourrez le faire; vous êtes le suivant.
M. Richard Shillington: Oh, merci.
Mme Christa Freiler: Je crois effectivement que c'est un pas dans la bonne direction. Il me paraît très important d'augmenter l'allocation supplémentaire ou relever le seuil afin d'accroître le nombre de bénéficiaires et d'inclure un certain nombre de familles à revenu modeste. Manifestement, une telle mesure ne va pas aussi loin que nous le voudrions, comme en témoignent mes commentaires, mais je crois que cela établit un principe et un précédent importants.
M. Nelson Riis: Quel principe?
Mme Christa Freiler: Le principe est que les familles à faible revenu ne devraient pas être les seules bénéficiaires, même lorsque nous disons que l'argent est rare. Je crois que cela reflète également un certain changement d'orientation de la part de la Caledon Institute en ce qui concerne le facteur temps, mais pas nécessairement en ce qui concerne les principes. Je crois qu'en élargissant le champ d'application du régime afin de tenir compte du fait que les familles à revenu modeste ont beaucoup souffert... Qui connaît les véritables raisons? Pour défendre cette position on peut invoquer une foule d'arguments, que ce soit celui de la cohésion sociale ou la lutte en faveur de l'unité.
Ma deuxième remarque vise Mme Gagnon. S'il est un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec M. Battle, c'est que j'estime que nous devrions probablement adopter une attitude plus ouverte en ce qui concerne le montant d'argent disponible. Si vous croyez que nous sommes limités par le montant engagé jusqu'à présent—et je sais que nous le sommes aujourd'hui dans une certaine mesure—il conviendrait d'engager une discussion sur le genre de compromis nécessaire et sur la manière de répartir cet argent afin d'atteindre les objectifs sans recourir à un saupoudrage qui rendrait l'opération ridicule.
Je ne suis pas d'accord avec Ken lorsqu'il se demande si l'on pourrait avoir plus d'argent. Comme Mme Gagnon l'a fait remarquer, nous nous trouvons dans une situation excédentaire. Les premiers 850 millions de dollars engagés étaient considérés comme une somme modeste; les seconds 850 millions de dollars ont été jugés une somme encore plus modeste, car elle doit maintenant couvrir deux années. Je crois franchement que les familles dont les enfants souffrent de la pauvreté se sont montrées bien indulgentes à l'égard du gouvernement fédéral. Je crois qu'elles le seront moins après le budget de 1999 si celui-ci ne contient pas de mesures plus concrètes à la suite de l'engagement pris.
Le président: Vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Richard Shillington: Je crois que la question de la confiance est très importante, car tout ce qui entoure la nouvelle prestation pour enfants est en grande partie fondé sur la confiance. Les fonctionnaires gouvernementaux et les politiciens déclarent à ceux dont les enfants vivent dans la pauvreté que les provinces vont réinvestir cet argent pour leurs enfants, et selon votre état d'esprit, vous répondrez «Tu parles! Ou, 'peut-être bien qu'elles le feront en effet'».
Ma réaction aux propositions, je l'avoue, tient en grande partie au fait que je suis devenu de plus en plus cynique. Il y a eu trop de situations dans lesquelles les gouvernements ont manifestement menti aux Canadiens en leur disant que les mesures proposées aideraient les enfants pauvres alors que ce n'était pas le cas, et qu'elles n'avaient jamais été prévues pour cela. J'estime que cela compromet le processus tout entier. J'estime d'ailleurs que ce n'est pas une question de parti; le gouvernement sera toujours le gouvernement.
Paul McCrossan, un conservateur de Toronto, a été le premier membre de ce comité, en 1986, à me dire, «Vous prétendez que lorsque nous ne voulons pas indexer la prestation aux enfants, c'est parce que nous ne voulons pas augmenter des niveaux. Faites-nous confiance; nous la réexaminerons.» Dans mon mémoire, je cite un certain nombre de personnes appartenant à divers partis politiques qui m'ont toutes dit, à un moment ou à un autre, que l'indexation n'était pas nécessaire puisqu'elles accroîtraient le montant de l'aide. Elles n'en ont rien fait.
Permettez-moi de vous rappeler un événement de 1992 qui m'avait paru avoir un caractère révolutionnaire. Cette année-là, le budget a modifié les prestations aux enfants de manière à ce que le chèque annuel pour le crédit d'impôt pour enfants soit remplacé par un chèque mensuel. À l'époque, il s'agissait d'environ 500 $. En 1991, une famille assistée touchait la moitié de l'argent grâce au crédit annuel d'impôt pour enfants et l'autre moitié, grâce à l'allocation familiale. Le budget de 1992 a changé tout cela et le chèque annuel a été remplacé par un chèque mensuel.
Voici le livre blanc publié avec ce budget. C'est le plus mince que j'ai jamais vu. Je le conserve toujours dans mon porte-documents et lorsque je parle aux gens d'honnêteté au sein du gouvernement... Voici ce qu'il dit:
-
Les familles à faible revenu avec un seul enfant recevront un
paiement mensuel maximum de 144 $, soit nettement plus que le
versement mensuel actuel de 35 $. Environ deux millions de familles
dont le revenu est inférieur à 50 000 $ toucheront dorénavant des
sommes mensuelles supérieures.
Donc le montant des chèques mensuels augmente. Pourquoi? Tout simplement parce que le gouvernement a fait sauter le chèque annuel. Ces familles n'ont pas reçu plus d'argent sur une année.
• 1330
Si vous lisez l'analyse faite par le ministère des Finances,
vous constaterez qu'elle ne mentionne pas les chèques mensuels.
Elle ne porte que sur les chèques annuels. J'ai cette information
en main.
Qu'a dit le Globe and Mail le lendemain de la présentation du budget?
-
[...] les réformes augmenteront considérablement l'aide aux
familles à faible revenu ayant des enfants. Le régime permettra à
Ottawa de faire des paiements mensuels de 144 $ par enfant aux
familles à faible revenu, soit le quadruple de l'allocation
familiale actuelle. Environ deux millions de familles dont le
revenu annuel est inférieur à 50 000 $ recevront des chèques
mensuels plus importants que ce n'est actuellement le cas.
Où donc ai-je déjà lu cela? Ce budget n'a pas augmenté le montant de l'aide aux familles assistées, pas même d'un sou. C'est une sorte de... J'appellerais cela de la désinformation active. D'ailleurs, nulle part dans le document on ne reconnaît que les familles assistées ne toucheront pas un sou de plus—nulle part. Le document en donne simplement l'impression, et le Globe and Mail a avalé le leurre. Je pourrais m'époumoner autant que je voudrais, ou écrire une lettre au rédacteur en chef mais vous savez comme moi quels résultats cela donne. Deux ans plus tard, les fonctionnaires qui ont rédigé ce document s'assoiront encore devant nous et nous diront «faites-nous confiance; nous allons vraiment verser cet argent aux familles qui ont des enfants».
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Je tiens aussi à vous remercier vivement de votre exposé, ce matin. Je crois qu'il fait bien ressortir l'absence de transparence du régime fiscal. Si vous combinez les effets des taxes à la consommation, des charges sociales, des impôts sur le revenu, des crédits d'impôt, des avantages fiscaux, etc., c'est terriblement difficile.
Lorsque vous regardez la figure 3, par exemple, qui illustre les taux marginaux d'imposition... Je ne suis pas d'accord avec M. Szabo lorsqu'il dit que c'est une vaste plaisanterie. Je prends la chose tout à fait au sérieux, car j'estime que cette combinaison de taxes et impôts divers crée beaucoup de confusion, et je pense que rares sont les gens qui comprennent le caractère insidieux de certains types de taxes.
Par exemple, les charges sociales ont un profond effet sur l'emploi et il est logique de penser que l'octroi d'un crédit d'impôt pour enfants à ceux qui ont un certain niveau de revenu et pas à d'autres, crée un climat d'hostilité entre ces gens-là, et qui plus est, tue le désir de mobilité ascendante chez beaucoup de personnes, lorsque le fait de gagner plus d'argent signifie en réalité qu'elles en toucheront moins. Cela me paraît un effet pervers.
Diane St-Jacques, qui est membre de notre parti, et son projet de loi d'initiative parlementaire, ont récemment connu un certain succès et elle m'a longuement parlé de toutes ces questions.
Individuellement ou collectivement, que pensez-vous d'une simplification du code fiscal, de la politique fiscale, d'une uniformisation de ce code et d'une aide financière directe dans des domaines tels que la pauvreté chez les enfants, si l'on part du principe que les impôts sont destinés à recouvrer de l'argent et qu'en dehors de cela, ils devraient être relativement neutres, et que les dépenses sociales, qui sont extrêmement importantes pour assurer l'égalité des chances, devraient être effectuées par le biais d'une aide financière directe du gouvernement, une aide financière ciblée qui reconnaît, par exemple, que l'éradication de la pauvreté chez les enfants est nécessaire? D'un point de vue purement théorique, que pensez-vous d'une simplification du code fiscal et d'un meilleur ciblage des dépenses sociales au lieu du maintien d'un régime fiscal général qui ne fonctionne manifestement pas?
Mme Christa Freiler: Je peux vous répondre très brièvement à ce sujet.
Nous serions certainement favorables à une simplification. En revanche, je crois que nous serions contre un impôt uniforme.
Les taxes et impôts servent à bien des choses; ils permettent aussi de redistribuer le revenu. Ils servent des objectifs en matière de politique sociale, notamment celui de l'augmentation des rentrées d'argent. À mon avis, ils devraient continuer à être utilisés pour poursuivre ces autres objectifs.
Si je suis d'accord avec les objectifs que vous décrivez, je ne suis cependant pas d'accord sur les détails et sur le fond.
M. Richard Shillington: Je suis certainement partisan d'une simplification et d'une clarification du fonctionnement des divers composants, mais le régime fiscal sert à atteindre des objectifs très divers, et si vous voulez imposer les gens en fonction de leur capacité de payer, vous serez obligés de reconnaître l'existence d'une foule de variables. Donc, une simplification qui consisterait à supprimer toute déduction... Que dire d'une déduction pour handicapés? Non, c'est très complexe.
• 1335
À propos du graphique 3 de Ken, prétendez-vous toujours que
c'est une vaste plaisanterie, monsieur Szabo?
M. Paul Szabo: Je suis certain qu'il va nous fournir toutes les données. Il serait utile de pouvoir simplement...
M. Richard Shillington: À vue de nez, nous avons un taux d'impôt fédéral de 17 p. 100 et un taux d'impôt provincial de 8 p. 100. Je crois que le crédit pour TPS a un taux de réduction de 15 p. 100. Dans cette étroite fourchette, le crédit d'impôt pour enfants, lorsque vous avez trois enfants ou plus, est de 26 p. 100, je crois, selon la loi. Il y a un crédit d'impôt foncier et de taxe sur les ventes de l'Ontario qui est, je crois, de 4 ou 5 p. 100; la réduction graduelle d'impôt de l'Ontario, qui disparaîtra à 15 p. 100; les cotisations au RPC, qui sont de 3 à 6 p. 100, selon que vous payez la part patronale ou non, et l'assurance-chômage; il n'est pas difficile d'arriver à 70 p. 100.
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Monsieur le président, si vous me le permettez, je voudrais en appeler au règlement. Je ronge mon frein depuis la remarque de M. Szabo; j'ai trouvé ce qu'il a dit insultant.
J'estime que vous devez des excuses à M. Battle pour avoir déclaré que son information était une «vaste plaisanterie» sans même l'avoir interrogé sur le bien-fondé de ses données. Ce n'est pas un comportement digne d'un parlementaire, et la remarque m'a paru déplacée. Je ne crois d'ailleurs pas que Paul Szabo se comporte habituellement ainsi.
J'estime, monsieur le président, que vous devriez demander à M. Szabo de présenter des excuses à M. Battle.
Le président: Je vous remercie de tous ces conseils, monsieur Brison, mais je laisserai le soin aux membres du comité, qui sont, je crois, des personnes d'honneur, de décider si elles ont commis une erreur ou pas. Je vous laisserai la responsabilité de vos remontrances.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Je voudrais obtenir des informations à ce sujet, car selon le tableau, il s'agit de «taux marginaux d'imposition». Or, ce que M. Shillington vient de décrire, ce sont toutes les taxes et impôts payés par les Canadiens.
L'information fournie par vous me paraît fallacieuse, si j'en juge d'après ce qui est décrit ici et d'après les hypothèses présentées. J'espère que vous fournirez au comité les données nécessaires et la description de chacun des points. Il s'agit d'un document public que les gens vont lire. Et si l'on me répond qu'une personne qui a un revenu de 25 000 $ par an est assujettie à un taux marginal d'imposition de 50 p. 100, le public le croira, à moins d'une mise au point. Nous attendrons donc que vous nous fournissiez les données nécessaires.
Je voudrais faire quelques brèves suggestions au groupe au sujet d'autres façons possibles d'aborder le problème. Je suis d'accord avec vous sur ce point. Il est indiscutable que si nous nous contentons de continuer à augmenter constamment le niveau du crédit d'impôt pour enfants jusqu'à ce que le revenu familial atteigne le seuil de faible revenu, vous ne seriez pas ici. Mais ce n'est pas une bonne stratégie, car nous savons qu'elle est très coûteuse et qu'elle freinera l'initiative personnelle. Ce qu'il faut, c'est un véritable partenariat.
Ce que vous n'avez pas mentionné, et je le regrette, c'est que selon Statistique Canada et l'Institut Vanier de la famille, les parents seuls—je vous remercie d'utiliser ce terme au lieu de parent célibataire car il correspond mieux à la réalité—représentent environ 12 p. 100 de toutes les familles au Canada, c'est chez elles que l'on trouve 46 p. 100 des enfants vivant dans la pauvreté. En dernière analyse, le problème dont vous parlez est dû, presque pour moitié, à la désagrégation de la cellule familiale.
La solution n'est pas simple. Il faut trouver une solution globale faisant appel à de multiples approches. Je crois qu'il faut que vous vous penchiez sur le problème de la désagrégation de la famille canadienne, et sur le fait que nous avons nous-mêmes créé l'état de pauvreté étant donné qu'une famille biparentale avec deux enfants vivant à Ottawa et gagnant 35 000 $ n'est pas dans le besoin mais que lorsque les parents se séparent, tout le monde se trouve plongé dans la pauvreté. C'est en quelque sorte une pauvreté «fabriquée».
Le second point a trait aux taux marginaux d'imposition et si nous répartissons l'argent au profit de tout le monde... C'est certainement astucieux, mais pourquoi ne pas examiner simplement ce qui se passe dans le cas des prestations d'aide sociale? Ces prestations ne sont pas simplement calculées en fonction de votre flux de revenu, mais également en fonction de vos actifs. Il existe une foule de cas dans lesquels les gens n'ont pas de flux de revenu parce qu'elles ont des capitaux importants qui jouissent d'une plus value, sans qu'il y ait de revenu mesurable. Cela règle la question de la disposition de la récupération.
Peut-être devrions-nous reconsidérer l'admissibilité à la prestation d'impôt pour enfants ou son montant de manière à ce qu'elle soit versée à ceux qui en ont légitimement besoin et non à ceux qui en ont mathématiquement besoin.
• 1340
Si l'on prenait des mesures préventives et si on déterminait
les besoins légitimes, cela donnerait de bien meilleurs résultats
que le saupoudrage des fonds que vous proposez.
En deux mots, si vous vous reportez à la page 4 de ce document, vous verrez que la différence de valeur de la prestation d'impôt pour enfants en fonction de l'inflation, différence dont nous parlons, est très proche d'un dollar par semaine et par enfant pour la période de 1984 à 1997.
M. Richard Shillington: Si vous commencez en 1984.
M. Paul Szabo: Oui. Cela fait un dollar par semaine environ. Cela ne va certainement pas changer la qualité de vie d'une personne. Je regrette. Il y a énormément de travail de fait dans ce domaine, mais il n'est pas très rentable.
Il n'est donc pas impossible qu'il y ait des manières plus efficaces de faire profiter de cet argent les personnes qui en ont légitimement besoin, en tenant compte de la réalité sociale dans notre pays et en étudiant des approches fiscales peut-être plus réalistes.
Le président: Quelqu'un a-t-il des remarques à faire à ce sujet?
Mme Christa Freiler: Peut-être pourrions-nous nous partager les réponses. Je voudrais répondre à la première série de questions au sujet de la pauvreté «fabriquée», formule nouvelle pour moi.
M. Paul Szabo: J'en revendiquerai la paternité.
Mme Christa Freiler: Bien. Si je vous cite, je ne manquerai pas de mentionner votre nom.
Premièrement, puisque vous avez parlé de l'Institut Vanier, celui-ci estime que nous avons exactement la même proportion de parents seuls en 1995, dernière année de données statistiques, qu'en 1931. Le problème n'est donc pas nouveau. Les raisons pour lesquelles il y a des parents seuls ont changé, mais il y a toujours eu un nombre important de familles monoparentales. Voilà le premier point.
Deuxièmement, ces dernières années, il y a eu une augmentation du nombre des familles monoparentales dans tous les pays industrialisés du monde. Ce n'est pas un phénomène uniquement canadien. Ce n'est pas non plus un phénomène américain. La même situation se retrouve dans tous les pays européens. Les nations où les taux de pauvreté sont élevés chez les parents seuls sont le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie.
À la page 31 du rapport que j'ai fait circuler, il y a un tableau particulièrement intéressant. Il a été dressé par le Centre de statistiques internationales et montre qu'avant toute intervention des gouvernements, avant la mise en place de crédits pour enfants ou d'autres mesures fiscales et de transfert, la pauvreté chez les mères seules, qui sont les plus vulnérables, est très répandue dans pratiquement tous les pays. Après toutes ces mesures fiscales et de transfert et la mise en place des prestations dont nous parlons, les taux de pauvreté sont de 3, 6 ou 7 p. 100, voire même 10 p. 100 dans un certain nombre de pays européens, alors qu'ils sont de 60 p. 100 et de 64 p. 100 au Canada et aux États-Unis. Cela semble donc indiquer que la pauvreté chez les mères seules est en fait une création artificielle, mais elle n'est pas due à la désagrégation de la famille ou du mariage, mais aux politiques fédérales conduisant à un sous-investissement en faveur des familles avec enfants.
Une des conséquences de ce sous-investissement au Canada et aux États-Unis est que les taux de pauvreté chez les enfants sont extraordinairement élevés, ainsi que chez les mères seules. C'est une situation qui pourrait cependant être évitée.
D'autre part, rien n'indique qu'une politique publique—qu'elle soit punitive ou le contraire—visant à contraindre deux parents à ne pas se séparer, donnerait de bons résultats. Quelles que soient les raisons, nous sommes en 1998 et la situation est différente de ce qu'elle était il y a 30 ans. Les familles éclatent; c'est une réalité. Il serait difficile de soutenir que les enfants doivent faire les frais des décisions prises par leurs parents. En fait, ce sont des décisions que ces parents ne prennent pas à la légère.
Que l'on approuve, ou non, le divorce ou la séparation, c'est une réalité. Ce qu'il faut savoir, c'est pourquoi les femmes et les enfants doivent être les victimes lorsque les parents décident de se séparer ou de divorcer, souvent pour des raisons qui ne sont peut-être même pas évitables.
Voilà ma réponse à ce sujet.
M. Richard Shillington: Je voudrais répondre brièvement à la remarque de la personne qui a dit que l'indexation ne représente qu'une différence d'un dollar par semaine et que ce n'est donc pas une question bien importante. Ce n'est peut-être qu'un dollar par semaine, mais cela représente 170 millions par an. Sur cinq ans, cela fait 800 millions de dollars. Si ce n'est pas important, autant dire que les 850 millions de dollars investis ne représentent pas non plus une somme importante.
Je trouve curieux d'entendre dire cela à Ottawa, où tous les fonctionnaires et tous les députés ont des pensions pleinement indexées. Il est bien évident que pour les personnes âgées, l'indexation était considérée comme une question très importante. Je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même pour les enfants.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Battle, madame Freiler et monsieur Shillington. Votre aide au comité permanent parlementaire a toujours été très appréciée. Je me souviens qu'à l'époque où je travaillais au développement des ressources humaines, beaucoup de ces problèmes étaient déjà évoqués. Malheureusement, certains d'entre eux ne sont pas résolus aussi rapidement que nous le voudrions.
Soyez assurés que notre objectif est d'essayer d'améliorer la qualité de vie des Canadiens. C'est en fait là le test déterminant de toute décision politique gouvernementale prise par nous.
Je vous remercie.
La séance est levée.