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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 octobre 1997

• 0735

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je vous souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici ce matin à St. John's, Terre-Neuve.

Comme vous le savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances procède à des consultations pré-budgétaires nationales pour entendre ce qu'ont à dire les Canadiens au moment où nous nous dirigeons vers un budget équilibré, voire peut-être même très bientôt excédentaire, ce qui constitue pour nous un nouveau défi. Nous sommes à la recherche d'idées sur la façon dont nous devrions utiliser le dividende financier.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de «Coalition for Equality» qui vont prendre la parole en premier. Avant de commencer, je tiens toutefois à vous donner quelques brèves directives.

Voici comment nous fonctionnons. Vous aurez tous cinq minutes pour nous présenter votre exposé ou nous en donner un résumé. Nous passerons ensuite à une période de questions et s'il reste du temps, nous pourrons entamer une discussion, à laquelle pourront aussi participer les invités.

Vous pouvez commencer. Encore une fois, bienvenue.

Mme Bev Brown (Coalition for Equality): Bonjour.

Abolir la pauvreté doit devenir le nouvel objectif du gouvernement fédéral. Le gouvernement canadien doit maintenant annuler les mesures qu'il a prises depuis quelques dizaines d'années et qui ont eu pour effet de réduire le revenu du quintile des Canadiens ayant le revenu le plus faible et d'augmenter celui des plus riches et rembourser la dette sociale qu'a causé le manque d'investissements sociaux. Les réductions budgétaires ont imposé aux pauvres un fardeau disproportionné. On a procédé à des coupures massives dans l'aide sociale et le salaire minimum réel a chuté. Le taux officiel de chômage est de neuf pour cent mais si l'on tient compte des travailleurs découragés, des assistés sociaux et des travailleurs à temps partiel qui voudraient travailler à temps plein parce qu'ils en ont besoin, le taux réel se rapproche plutôt de 19 p. 100, et il est même encore plus élevé ici dans la région de l'Atlantique.

Nous vous demandons de supprimer les coupures opérées par le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. L'année dernière, 3,3 millions de Canadiens ont eu recours aux banques alimentaires. Il y a maintenant plus de 5 millions de Canadiens qui vivent dans la pauvreté. En moyenne, leur revenu est inférieur de 6 700 $ au seuil de la pauvreté, et ce chiffre est certainement encore plus élevé dans la région de l'Atlantique. Cela est inacceptable.

Les gens de Terre-Neuve qui ont de faibles revenus ne reçoivent que 89 $ à 129 $ par mois du ministère des Ressources humaines et de l'Emploi. Le montant accordé à titre de soutien du revenu n'a pas bougé depuis 1989.

À l'heure actuelle, dans cette province, les gens qui préféraient travailler à des emplois rémunérés décemment sont de nos jours obligés de choisir entre le loyer et la nourriture, entre le chauffage et la nourriture et entre les médicaments et la nourriture.

D'après le rapport de 1997 du sénateur Erminie Cohen intitulé, La pauvreté au Canada: le point critique, en 1994, 20 p. 100 des Canadiens gagnaient près de la moitié du revenu alors que le quintile le plus pauvre 20 p. 100 ne recevait que 3,4 p. 100 de l'ensemble du revenu. Cet écart ne fait que se creuser.

Seuls les sociétés et les Canadiens riches ont profité de vos politiques économiques. Nous vous demandons de faire marche arrière et de prendre toutes les mesures nécessaires pour y parvenir.

L'autre budget fédéral contient des suggestions qui peuvent rendre notre économie plus équitable. Nous recommandons la mise en oeuvre de certaines mesures proposées dans ces budgets qui auraient pour effet de répartir les revenus de façon plus équitable.

Par exemple, par rapport à l'impôt des particuliers, l'impôt sur le revenu des sociétés représente une part de plus en plus faible des recettes du gouvernement. L'impôt canadien sur les sociétés est inférieur à celui de la plupart des pays du G-7. Nous voulons que le gouvernement renverse cette tendance. Nous voulons que l'on utilise la fiscalité pour augmenter le revenu du quintile des Canadiens ayant le revenu le plus faible.

Par exemple, nous voulons que les cotisations de sécurité sociale soient restructurées de façon à alléger le fardeau des petits salariés. Les petits salariés ne devraient pas être surimposés et la TPS et la taxe de vente harmonisée, qui les touchent particulièrement, devraient être réduites.

• 0740

Coalition for Equality demande au gouvernement fédéral de se fixer des cibles en matière de réduction du chômage et qu'il s'engage à les respecter tout comme il l'a fait pour la réduction du déficit. La création d'emplois doit être la première priorité pour le Canada—des emplois décents avec des avantages sociaux généreux.

Le taux de chômage canadien est deux fois plus élevé qu'il l'était en 1989 et il a encore augmenté par rapport à l'année dernière. L'accès à l'unique fonds destiné aux chômeurs canadiens, l'assurance-chômage, a été encore restreint de sorte que moins de 40 p. 100 des chômeurs peuvent en bénéficier lorsqu'ils perdent leur emploi. On a utilisé 6 milliards de ce fonds pour rembourser de riches créanciers. Il est mal d'utiliser ces fonds de cette façon alors que ce sont les Canadiens qui l'alimentent et qui en ont besoin. Les prestations devraient être accordées plus facilement pour que davantage de travailleurs puissent profiter des sommes qu'ils ont versées dans ce fonds.

Nous demandons que la nouvelle prestation fiscale pour enfant soit étendue à toutes les familles à faible revenu. Avec le régime actuel, cette prestation serait réservée aux familles de travailleurs à faible revenu, ce qui est injuste pour ceux qui ne peuvent trouver du travail.

Le gouvernement affirme vouloir préparer les Canadiens au marché du travail en leur offrant une bonne instruction, mais il est de plus en plus difficile aux personnes démunies de faire des études postsecondaires. On demande aux gens qui veulent s'instruire et se former d'assumer une dette de plus en plus lourde et pour beaucoup, cette dette constitue un obstacle insurmontable. Les gens hésitent à emprunter des sommes de 20 000 $ à 30 000 $ en vue de se préparer pour le marché du travail, en particulier à un moment où les emplois sont tellement rares. Nous voulons que vous adoptiez des mesures fiscales qui facilitent l'accès à l'éducation postsecondaire pour les Canadiens à faible revenu.

Selon l'indice de développement des Nations Unies, le Canada serait, par rapport à 174 pays, celui qui offre le meilleur niveau de vie. C'est parce que le Canada a obtenu de bonnes notes pour ce qui est des revenus moyens. Mais la situation des Canadiens défavorisés qui représentent 20 p. 100 de la population ne fait que s'aggraver.

Au Canada, la pauvreté et le chômage atteignent des taux records parmi les pays industrialisés. Nous occupons l'avant-dernière place pour ce qui est des travailleurs à faible revenu et de la pauvreté des enfants. Près de 25 p. 100 des travailleurs canadiens sont à la limite de la pauvreté et ce chiffre ne fait que s'accroître avec les emplois temporaires et à temps partiel. Le revenu réel des familles a diminué depuis 15 ans malgré l'augmentation des heures ouvrées et du nombre des membres de la famille qui travaillent. Les tactiques qui visent à comprimer les salaires ne sauraient répondre aux besoins des citoyens les plus pauvres du Canada. Il est temps de rendre notre société plus juste.

Nous demandons au gouvernement fédéral de s'occuper sérieusement de créer des emplois, de lutter contre la pauvreté et de répondre aux besoins de tous les Canadiens. Il est temps de réduire la part du revenu qui va aux riches.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Brown.

Nous allons donner la parole à M. Leonard Winsor, le président de la Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce.

Bienvenue, monsieur.

M. Leonard Winsor (président, Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce): Merci beaucoup.

Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous présenter un exposé. Ce processus de consultation est important et nous espérons vivement que les suggestions qui vous sont faites ne vont pas être mises de côté mais qu'elles seront utilisées pour préparer le budget.

Tout d'abord, il faut dire que le conseil d'administration de la Newfoundland and Labrador Chamber of Commerce est heureux de voir que le gouvernement a réussi à équilibrer son budget. C'est ce que souhaitaient depuis des années mes collègues et les anciens présidents du conseil d'administration. Maintenant que le déficit a été supprimé, nous invitons le gouvernement à s'attaquer à la dette et à la réduire pour que ceux qui vont nous suivre n'aient pas à assumer le fardeau que des gouvernements trop prompts à dépenser et une dette croissante nous ont imposé.

La situation économique de notre province est en voie de s'améliorer mais il existe de nombreux secteurs dans lesquels les décideurs vont devoir prendre des mesures difficiles au cours des prochaines années. À la différence du Canada central et de l'Ouest, notre économie ne croît encore que très lentement.

La croissance économique de notre province a été gravement touchée par le moratoire sur la pêche du poisson de fond. Cela a entraîné la perte de plus de 20 000 emplois ce qui a eu des répercussions sur de nombreux autres secteurs. L'annonce de la fin du programme LSPA en mai doit être accompagnée de la mise en place d'un programme destiné à le remplacer. Nous pensons que ce programme devrait comporter des mesures plus concrètes pour redonner du travail à ces travailleurs licenciés, dans un secteur relié à la pêche ou dans un autre secteur, ce qui redonnera à ces hommes et à ces femmes toute leur dignité.

Une façon d'y parvenir serait d'offrir un incitatif fiscal à toute entreprise qui embauche un pêcheur ou un travailleur licencié. Des représentants des travailleurs eux-mêmes, des hommes d'affaires, des représentants de conseils de zone et des fonctionnaires du gouvernement devraient participer à la création d'un tel programme. Nous sommes convaincus qu'un groupe réunissant des représentants de secteurs aussi divers apporterait des idées qui pourraient améliorer la vie des pêcheurs et stabiliser les collectivités de notre province.

• 0745

Les redevances qui vont provenir des mégaprojets comme Hibernia et Voisey's Bay risquent de réduire les paiements de transfert destinés à notre province et vont pratiquement l'empêcher de retrouver la prospérité économique qui lui permettrait de contribuer à enrichir le pays. Nous estimons que le gouvernement fédéral devrait prévoir dans ses prévisions budgétaires une formule qui permette de reporter à court terme la perte qu'assumerait ainsi la province sur le plan des transferts. Il devrait être possible d'élaborer une formule qui reporte ces réductions et autorise la province à rembourser plus tard ces sommes.

Nous savons, en tant que chefs d'entreprises, que le processus d'ajustement est bien engagé à Terre-Neuve et au Labrador mais qu'il demeure encore beaucoup à faire. Nous vous invitons à continuer d'appuyer ce processus d'ajustement. On peut soutenir que le gouvernement fédéral a encore un rôle à jouer pour ce qui est de fournir une aide ciblée à Terre-Neuve en particulier et à la région de l'Atlantique en général. Nous savons que cette opinion est de plus en plus minoritaire et qu'elle est contraire à l'opinion largement répandue selon laquelle les stratégies de développement économique régionales sont dépassées. Nous estimons toutefois que cette opinion majoritaire ne tient pas compte de la complexité des défis auxquels font face les provinces de l'Atlantique, et plus particulièrement, Terre-Neuve et le Labrador.

Cela revient pratiquement à laisser la province la plus pauvre du Canada gérer seule, avec ses ressources limitées, une restructuration massive de son économie. Cela est d'après nous directement contraire à l'engagement qu'a pris le gouvernement de garantir et de renforcer l'union économique avec le Canada. Notre préférence irait vers un élargissement du mandat des programmes actuels de développement régional dans le but d'enrichir la gamme des programmes et des politiques qui pourraient être adoptés dans ce domaine. C'est pourquoi nous vous demandons de tenir compte de ces dernières remarques dans votre préparation du budget.

Une fois de plus, je vous remercie de l'occasion que vous nous avez donnée et je vous souhaite bonne chance pour la suite de vos travaux.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Winsor.

Nous allons maintenant passer à Communities with Disabilities.

Mary Reid, bienvenue.

Mme Mary Reid (directrice exécutive, Civic #4 Independent Living Resource Centre): Merci, monsieur le président.

Je représente en fait Civic #4 qui est un centre d'information sur la vie autonome. Je ne pense pas que cela a été corrigé dans votre copie.

Je veux dire quelques mots au sujet de notre organisme. Nous fournissons des services aux handicapés et nous sommes en train de devenir un centre d'information sur la vie autonome affilié à l'Association canadienne des centres de vie autonome.

Nous voulons que tous les citoyens de ce pays, de notre province et de nos collectivités aient accès aux mêmes services. Nous luttons contre les obstacles auxquels font face ces personnes et contre la discrimination qui les empêche de participer pleinement à la vie de notre pays. Nous sommes fermement convaincus que tous les citoyens doivent avoir la possibilité de prendre les décisions qui les concernent. Nous estimons avoir le droit d'obtenir des renseignements précis et exacts, d'avoir accès aux connaissances que possèdent nos amis et nos voisins et d'avoir des régimes d'assistance qui nous permettent de contribuer pleinement à la vie de nos collectivités.

Le gouvernement du Canada a souligné la nécessité de lutter contre le déficit et contre la dette et il a insisté sur l'obligation de réduire ses dépenses pour pouvoir renforcer l'économie. Nous estimons que les attaques lancées contre les programmes sociaux et l'assistance fournie aux citoyens sont tout à fait contraires à cette déclaration d'intention. Dans de nombreuses collectivités de cette province, il va falloir obtenir du financement tertiaire à long terme de façon à remédier à l'absence ou à la réduction des services essentiels qui découlent du dogme de la réduction de la dette. Il est paradoxal de constater que ces coûts à long terme vont être supérieurs aux épargnes qui devaient être réalisés initialement.

Il faut aborder la question du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Cette mesure cause encore, dans la plupart des régions de notre province, beaucoup de difficultés et de tensions. Sous prétexte de donner aux provinces davantage de contrôle dans ce domaine tout en réduisant de façon importante les recettes affectées aux programmes sociaux, cette mesure s'est traduite par une diminution des services essentiels et une réduction du niveau minimum de revenu d'une bonne partie de la population.

Les recettes de notre province ne lui permettent pas de fournir des services appropriés. Il est certes toujours possible d'améliorer l'efficacité d'un système mais l'ampleur des réductions est tout à fait irréaliste. Il est tout à fait inacceptable que l'on demande, dans notre contexte politique, aux personnes les plus vulnérables et peut-être les plus démunies de subir le contrecoup de la lutte contre la dette. Une fois de plus, dans notre province, la diminution des recettes a entraîné des coupures dans les programmes sociaux, notamment les services de soutien à domicile, les médicaments et les produits d'hygiène personnelle, les aides techniques, l'équipement spécialisé, les programmes de soutien du revenu, le transport, les services d'interprétation—choses qui ne se sont pas seulement produites dans notre province mais également dans l'ensemble du pays et qui ont pour effet d'aggraver la pauvreté et l'isolement des citoyens. Tout cela a eu un effet dévastateur sur nos collectivités.

• 0750

La perte de la protection législative que nous offrait le Régime d'assistance publique du Canada a eu un effet sur notre identité de citoyens canadiens. On nous a demandé d'appuyer le transfert de certains pouvoirs et de la lutte contre le déficit aux dépens des soins collectifs. Cette mesure a eu pour effet d'affaiblir le pays et de porter atteinte à la fierté qui est la nôtre en tant que citoyens qui veulent partager ce qu'ils ont avec les autres. Les protections dont nous bénéficions s'inspirent des valeurs d'égalité, d'égalité et d'équité et nous estimons que ces valeurs sont toujours populaires auprès des Canadiens.

Il est intéressant de noter que M. Martin a soulevé dans son exposé devant le comité permanent la question des valeurs. Nous vous mettons au défi d'évaluer toutes les décisions en matière de politique et de budget en fonction des valeurs dont elles s'inspirent. Notre pays respecte tout de même certaines valeurs: nous pensons aux autres et nous considérons que l'équité et l'égalité sont des valeurs essentielles; nous estimons également que les décisions budgétaires sont en train de détruire ces valeurs.

Vous nous avez posé une question au sujet des priorités. Notre priorité, ce sont les citoyens. Nous vous mettons au défi, ainsi que le gouvernement du Canada, d'investir dans la capacité des handicapés à jouer un rôle actif dans notre économie sociale. Nous vous invitons à préserver les initiatives stratégiques qui permettent de réseauter les talents cachés et les capacités de tous les Canadiens. Avec une aide convenable, les particuliers, les bénévoles et les collectivités pourraient fort bien participer à la recherche sur la politique sociale et à la diffusion des pratiques appropriées dans ce domaine, démontrant ainsi combien sont vivants et dynamiques ces réseaux de collectivités.

Les handicapés ont beaucoup à offrir; ils sont notamment capables de s'entraider d'un bout du pays à l'autre, de trouver des solutions bien adaptées et de les mettre en oeuvre dans leurs collectivités. Le partage des connaissances, de l'information et des solutions est ce qui fait nos collectivités.

Nous vous invitons vivement à continuer d'apporter un appui important aux organismes nationaux pour les handicapés parce que cela est essentiel si l'on veut amener ces personnes à participer à la croissance économique et sociale de notre pays.

Nous nous félicitons de l'appui aux questions touchant la population qu'apportent le groupe de travail fédéral sur la question des handicapés, la création du fonds d'opportunités et l'appui donné aux organismes nationaux. En tant qu'organismes qui regroupent les handicapés, ces groupes et leurs associations provinciales affiliées permettent aux handicapés de participer davantage à la vie de leurs collectivités.

Nous vous demandons de tenir compte de l'alourdissement des coûts associés aux besoins des handicapés, dans la mesure où pour favoriser leur pleine participation, pour leur permettre de diffuser leurs connaissances, pour favoriser l'accès aux connaissances qu'ils possèdent, il faut que ces coûts soient couverts par des programmes autres que les programmes de revenu.

Pour terminer, nous tenons à vous dire que nous sommes convaincus que les handicapés et tous nos citoyens demandent que l'on revienne à des décisions fondées sur nos valeurs, que l'on en revienne à une prise en charge de ces personnes par la collectivité et aux valeurs que sont l'égalité et l'équité. Nous vous invitons à prendre le risque d'augmenter certaines dépenses dans le but d'assurer la pleine participation de ces personnes, d'assurer que les droits des individus seront protégés et de mettre en oeuvre les décisions récentes de la Cour suprême, comme celles rendues dans l'affaire Eldridge.

Nous vous invitons enfin à réaffirmer votre rôle de leader en tant que citoyens de ce pays et à donner une assise solide à ce pays, pour que nous puissions poursuivre ensemble notre action de fédération qui reconnaît la valeur de la personne et de l'entraide.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Reid.

Je vais maintenant donner la parole aux représentants de «Emmanuel House», Jocelyn Greene et Matthew Dellavalle.

• 0755

M. Matthew Dellavalle (Emmanuel House): Bonjour, chers délégués et membres des collectivités, de la province et de la nation. Je vous parle en mon nom et en celui d'Emmanuel House, un programme communautaire pour les personnes en transition vers leur autonomie personnelle, mentale et affective, ainsi que vers une certaine indépendance financière. Pour reprendre les mots d'Albert Einstein, n'oubliez pas que nous sommes tous responsables de ce que nous faisons et disons.

Nous, les jeunes, les aînés, les handicapés, les démunis, estimons que la réduction du déficit nous a imposé un lourd fardeau. Les coupures opérées dans les prestations sociales tant au palier fédéral que provincial ont eu de graves répercussions dans notre province et dans l'ensemble du pays. Des personnes qui vivaient déjà au-dessous du seuil de la pauvreté ont vu leur situation encore aggravée, à un niveau presque critique.

Nous avons vu ce que donnent des changements profonds apportés trop rapidement. Je pense à la réduction du déficit. Il s'est opéré trop rapidement pour les groupes et les personnes qui se sentent socialement responsables envers l'ensemble de la collectivité. Cette politique a pratiquement entraîné la disparition de certains programmes et a obligé les autres à fonctionner avec des ressources extrêmement réduites. J'estime qu'il faut aujourd'hui réparer les dommages causés à notre filet de sécurité sociale dont j'aimerais, en tant que Terre-Neuvien et Canadien, pouvoir être de nouveau fier. Ce changement a été trop rapide et a visé les personnes vulnérables, ce qui a créé des difficultés injustifiées pour les pauvres. Les gouvernements provinciaux ont été obligés de réduire leurs services, principalement dans le secteur de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale.

Les résidants d'Emmanuel House et du Naomi Centre, dont la plupart sont des victimes d'agression ou souffrent de problèmes psychosociaux graves, ont également été durement touchés. Les coupures effectuées dans les budgets des institutions n'ont pas été accompagnées d'une augmentation du soutien accordé aux programmes communautaires.

J'aimerais faire deux ou trois remarques. La première consiste à demander que l'on augmente les fonds fédéraux et provinciaux accordés aux maisons de transition, aux centres pour itinérants, aux refuges pour hommes et pour femmes, et utilisés pour donner des logements décents aux célibataires employables en passe de devenir des «membres productifs de la société»—des contribuables. Deuxièmement, nous recommandons que l'on augmente l'aide financière accordée aux gouvernements provinciaux de façon à augmenter les prestations sociales destinées à soulager le fardeau des citoyens: des soins médicaux de meilleure qualité, l'intégration sociale et l'intégrité, les programmes permanents d'éducation et de formation, la création de petites entreprises par de jeunes entrepreneurs, les opérations de dépollution et les ressources renouvelables. J'espère que la conscience et le bon sens de notre nation, de notre province, et de nos collectivités vont reprendre le dessus et que nous en arriverons à une étape dans notre pays, notre province et nos collectivités, les déficits, l'injustice sociale et la pauvreté sont des mythes du passé et non une réalité.

En privant d'espoir toute une génération de Canadiens, nous risquons en effet d'amener ces personnes à choisir la violence. Elles n'auront rien à perdre et feront n'importe quoi pour se protéger. Si nous n'aidons pas les gens à devenir des citoyens productifs, c'est nous qui paierons. Cela aura pour effet d'alourdir les coûts du système de justice pénale et du secteur de la santé mentale. Nous pouvons par contre investir ces fonds dans des programmes sociaux qui donnent aux gens la possibilité d'apporter une contribution à la société. Il devrait être relativement simple de faire un tel choix.

Je vous remercie du fond du coeur.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dellavalle.

Nous allons maintenant passer au représentant de la Tenants' Action Association. Monsieur Keith Davis, bienvenue.

M. Keith Davis (président, Tenants' Action Association): Merci beaucoup de m'avoir invité. Je suis président de l'Association de locataires de Brophy Place. Nous habitons tous dans un quartier défavorisé et sommes des locataires de la Newfoundland and Labrador Housing Corporation, la société qui fournit la plupart des logements publics dans notre province.

Le ministre des Finances Paul Martin a réussi à réduire le déficit fiscal, en ne faisant par contre rien pour lutter contre le déficit social. Les coupures imposées par le gouvernement fédéral ont peut-être amélioré notre bilan mais elles ont causé de graves problèmes à de nombreuses personnes. Les services de santé en souffrent. Il y a un manque de médecins dans les régions rurales. On ferme des lits d'hôpitaux et le service d'urgence d'un des hôpitaux de St. John's n'est plus ouvert la nuit. Une femme est morte à Terre-Neuve parce qu'elle se trouvait sur une liste d'attente pour subir une chirurgie cardiaque.

• 0800

Les écoles manquent de fonds. Chaque année, on demande aux parents et aux enfants de participer à des campagnes de levée de fonds pour leurs écoles. On ferme des écoles, on licencie des professeurs, on supprime le ramassage scolaire et les enfants exceptionnels n'ont pas toujours accès aux services dont ils ont besoin.

On a également réduit les fonds attribués aux services sociaux. Dans notre province, cela a entraîné des coupures dans le budget de la protection de l'enfance et une réduction des allocations spéciales, comme les suppléments diététiques, par exemple.

Ce ne sont là que quelques exemples qui illustrent les répercussions dévastatrices qu'ont eu les coupures gouvernementales.

Les résidants de Brophy Place font partie des citoyens canadiens qui ont souffert de ces coupures. Les unités de logement de Brophy Place appartiennent à la Newfoundland and Labrador Housing Corporation. La plupart de ces unités sont occupées par des familles ayant de jeunes enfants. Il s'agit pour la plupart de familles monoparentales. Le taux de chômage dans ce quartier est très élevé et le revenu familial moyen est inférieur à 16 000 $ par an pour les parents qui travaillent et à 11 000 $ pour les parents en chômage.

Il y a dans ce quartier un centre communautaire, un centre d'action sociale pour les parents, dirigé par un frère jésuite, une association de locataires, une banque de vêtements et une banque alimentaire. Ces structures d'appui sont utiles mais elles ne comblent pas entièrement les besoins des résidants.

Le chômage est toujours très élevé et la pauvreté règne encore dans le quartier. Les assistés sociaux n'ont pas reçu d'augmentation depuis des années et certaines prestations ont même été supprimées par le dernier budget provincial.

L'année dernière, à cause des coupures dans l'éducation, le gouvernement provincial a tenté de supprimer le service de ramassage scolaire pour les étudiants de St. John's, y compris ceux de Brophy Place. Il a fallu que les parents manifestent et fassent du lobbying pendant tout l'été pour que le ministre de l'Éducation accepte de réintroduire le ramassage scolaire à la condition que les parents assument une partie des coûts de ce service.

Nous avons constaté récemment autour de Brophy Place une augmentation des actes de vandalisme et de harcèlement. Cela ne devrait pas nous surprendre. Il y a beaucoup de parents de Brophy Place qui ne travaillent pas depuis des années et qui ne voient pas comment ils pourraient trouver un emploi. En plus, ils n'ont jamais suffisamment d'argent pour répondre aux besoins de leur famille. Cette frustration se reporte sur leurs enfants qui grandissent dans une situation sans espoir.

D'après ce que nous avons observé, ce sont les personnes les plus vulnérables qui ont payé le plus pour la réduction du déficit. Dans une économie où les bénéfices des sociétés augmentent constamment, cela nous paraît inacceptable.

Étant donné que Paul Martin a dépassé les cibles qu'il s'était fixées en matière de réduction du déficit, il faut maintenant rétablir et même peut-être augmenter les subventions accordées aux soins de santé, à l'éducation, aux services sociaux et à la création d'emplois. Il est évident que de nombreux citoyens canadiens se trouvent dans une situation difficile et que le gouvernement fédéral est moralement tenu d'aider ces personnes.

Nous aimerions proposer un certain nombre d'initiatives que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour soulager les principaux problèmes de la société canadienne.

L'accès à l'éducation postsecondaire: dans le système actuel, les étudiants terminent leurs études avec des dettes énormes. Cela a un effet dissuasif sur certaines personnes et cela occasionne un lourd fardeau financier à ceux qui souhaitent faire des études supérieures. Cela est inéquitable, en particulier, parce que notre économie n'offre guère de possibilités d'emplois. Dans la plupart des pays industrialisés, les études postsecondaires sont gratuites. Elles devraient l'être aussi au Canada.

Le chômage: les progrès technologiques et les réductions d'effectifs dans les grandes sociétés ont entraîné la disparition de nombreux emplois. Nous entrons dans une nouvelle ère économique où la productivité ne dépend plus de l'existence d'une main-d'oeuvre nombreuse. Il va falloir encourager les employeurs et les syndicats à raccourcir la durée de la semaine de travail et à favoriser le partage d'emploi; il faudra également consacrer davantage de fonds aux secteurs des services communautaires et à la personne pour créer davantage d'emplois.

La pauvreté: l'écart entre les riches et les pauvres s'est multiplié par deux en 30 ans. Le nombre des familles qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté a augmenté. Des programmes sociaux comme l'assurance-chômage et l'aide sociale ne répondent plus aux besoins et devraient être remplacés par un revenu annuel garanti administré directement par Revenu Canada. Ce programme devrait s'appliquer aussi bien aux personnes qui travaillent qu'à celles qui sont au chômage et il devrait fournir des prestations suffisamment élevées pour que tous les Canadiens vivent au-dessus du seuil de la pauvreté.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Davis, de nous avoir présenté un exposé intéressant.

Nous allons maintenant donner la parole à Emma Rooney, qui représente Voice of Justice. Bienvenue.

Mme Emma Rooney (coprésidente, Voices for Justice in Housing): Bonjour. Nous ne sommes pas la Voice of Justice mais les Voices for Justice in Housing. Je serais très heureuse d'être le porte-parole de la justice mais cela me paraît un rôle quelque peu ambitieux.

Des voix: Oh, oh.

Mme Emma Rooney: Nous allons commencer par la question du processus utilisé pour réduire le déficit.

• 0805

La réduction du déficit a causé de graves problèmes à tous les bénéficiaires des programmes sociaux. Cette réduction a principalement visé les personnes démunies et a gravement porté atteinte à notre identité de Canadiens. Nous croyons que nos programmes sociaux reflètent notre volonté de nous entraider entre Canadiens. Dix années de coupures dans les programmes et dans les services ont aggravé la situation de nombreuses familles canadiennes, en particulier ici à Terre-Neuve et au Labrador. Depuis la transformation du Régime d'assistance publique du Canada, Terre-Neuve perd chaque année des millions de dollars en paiements de transfert.

À la suite de toutes ces mesures, en 1994, 4,8 millions de personnes—un Canadien sur six—vivaient dans la pauvreté; à Terre-Neuve, un enfant sur quatre vit dans la pauvreté. Avec l'augmentation des frais universitaires, de nombreux étudiants ont des dettes de plus de 30 000 $ lorsqu'ils terminent leurs études. À Terre-Neuve, le nombre des assistés sociaux est passé de 22 826 en 1990 à 35 875 en 1994.

La situation du logement social s'aggrave chaque année. Parmi les pays du G-7, le Canada est celui qui dépense le moins dans le domaine du logement social, puisque cette dépense représente 1,3 p. 100 des dépenses fédérales, et ce pourcentage ne fait que diminuer. Le logement social apporte une aide à environ un tiers des gens qui connaissent des problèmes de logement. À Terre-Neuve, la liste d'attente compte près de 800 familles, et ce chiffre augmente toutes les semaines.

Le logement est pourtant un droit fondamental. Il figure à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de la personne.

Après avoir parlé de ces mesures et de leurs conséquences, nous voulons parler de nos priorités et voilà ce que nous recommandons au gouvernement: le gouvernement du Canada devrait être aussi enthousiaste et actif dans la lutte contre la pauvreté qu'il l'a été ces dernières années pour lutter contre le déficit; il devrait augmenter les fonds affectés à tous les programmes sociaux où les coupures ont causé des tragédies humaines.

Dans le domaine du logement social, nous recommandons qu'au lieu de réduire progressivement les fonds, il devrait les augmenter pour aider la province à répondre aux besoins causés par l'effondrement du secteur de la pêche et par le chômage et pour démontrer que notre gouvernement est vraiment prêt à s'engager à supprimer la pauvreté chez les jeunes. Le logement est un aspect essentiel de la lutte contre la pauvreté des jeunes.

Le 22 avril de cette année, la province de Terre-Neuve et du Labrador a signé une entente sur le logement social avec la SCHL. Nous recommandons que notre gouvernement joue un rôle très actif et qu'il s'assure que notre province exécute toutes les obligations qui découlent de cette entente pour que celle-ci profite à toutes les personnes à qui étaient destinés au départ ces logements sociaux et pour garantir que les règles concernant l'entretien, la réparation et la vente des logements sociaux soient scrupuleusement respectées.

Au sujet de cette entente, nous adoptons sans réserve la position de l'Association canadienne de rénovation urbaine qui souhaite que l'on modifie l'entente actuelle pour interdire les changements unilatéraux, pour faire en sorte que les renseignements concernant les initiatives, la recherche et les erreurs soient diffusés à l'échelle du pays, ce qui aiderait toutes les provinces à profiter au maximum de cette entente, tant sur le plan social qu'économique, et ce qui nous permettrait de renforcer notre fédération.

En résumé, j'aimerais souligner que, lorsque le logement, un besoin fondamental de la population, n'est pas satisfait, tous les niveaux de gouvernement doivent dépenser davantage dans le domaine de l'éducation, de la santé et des autres services communautaires. Nous estimons qu'il est moralement, socialement et économiquement mauvais que le gouvernement du Canada demeure inactif alors que tant de chômeurs, de personnes sous-rémunérées et de Canadiens handicapés ont besoin d'un logement. S'il est vrai que le Canada est le meilleur pays au monde, cela doit vouloir dire que les Canadiens ont le droit de vivre dans des logements décents et abordables.

Voici quelles sont nos attentes à l'égard du budget fédéral de 1998. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Rooney.

Nous allons maintenant donner la parole à la représentante de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, Elaine Price. Bienvenue.

• 0810

Mme Elaine Price (présidente, Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador): Merci.

J'aimerais, au nom des 40 000 membres de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de participer à cette consultation pré-budgétaire.

En 1993, le déficit canadien, exprimé en pourcentage de l'économie, était largement supérieur à la moyenne des pays du G-7. En 1997, ce pourcentage sera le plus faible. On parle certes de réalisation impressionnante et de victoire sur le déficit mais il est important de rappeler pourquoi le déficit est devenu un tel fardeau. On a sans doute réussi à équilibrer la comptabilité mais il faut poser la question suivante: quel est le prix qu'ont dû payer les Canadiens?

La principale source d'accumulation de la dette a été les récessions anti-inflationnistes que nous avons connues en 1982 et en 1990. À cause de sa politique monétaire anti-inflationniste, la Banque du Canada a maintenu les taux d'intérêt à un niveau élevé et a ainsi augmenté de façon importante les frais de la dette; elle a nui à la croissance économique et à l'emploi, réduisant ainsi la capacité de l'économie d'assumer la dette publique.

En plus d'obliger le gouvernement à payer davantage d'intérêts, ce dernier a vu ses recettes diminuer à cause du chômage important, ce qui a encore aggravé la situation.

Cependant, au lieu de modifier les politiques monétaires et économiques pour s'attaquer directement à la cause du déficit, à savoir les taux d'intérêt élevés, le gouvernement fédéral a plutôt choisi d'utiliser une seule arme et de s'attaquer aux dépenses de programmes; les Canadiens ont payé très cher les conséquences de ce choix.

Pour la grande majorité des Canadiens, le standard de vie réel a fortement diminué au cours des années 90 et la pauvreté et les inégalités de la société canadienne ont beaucoup augmenté.

Le taux de chômage canadien est une honte nationale. En août, le taux national du chômage s'établissait à neuf pour cent et officiellement, il y avait 1,5 million de chômeurs. Ces chiffres ne reflètent pas toutefois l'ampleur du problème du chômage au Canada. Si ce chiffre comprenait les personnes qui ont cessé de chercher du travail et celles qui ont un emploi sous-rémunéré, ce taux serait beaucoup plus élevé; il se situerait en fait entre 14 et 15 p. 100.

À Terre-Neuve et au Labrador, le taux officiel du chômage était de 18,5 p. 100 pour le mois d'août et lorsque l'on tient compte du fait que le taux de participation de la population active n'était que de 52,5 p. 100, la situation apparaît sous un jour encore plus sombre.

Chez les jeunes, la population active est la plus faible depuis 20 ans et le taux moyen annuel de chômage des jeunes s'élève à 16,1 p. 100. Avec un taux de chômage chez les jeunes de 29 p. 100, Terre-Neuve et le Labrador ont le taux le plus élevé du Canada.

La croissance du revenu individuel réel, qui est aujourd'hui de moins six pour cent, a également chuté depuis 10 ans. En fait, la situation est peut-être plus grave qu'elle ne l'était pendant la Dépression des années 30. Les familles à revenu faible ou moyen ont été durement touchées. Une étude effectuée par le Conseil canadien de développement social démontre que le revenu moyen après impôt d'une famille avec enfants a chuté entre 1984 et 1994, que celui d'une famille du quintile le plus pauvre a subi une chute dramatique de près de 30 p. 100 et que les familles faisant partie de la classe moyenne inférieure ont connu une réduction de cinq pour cent.

La pauvreté a atteint des proportions dramatiques; il y a aujourd'hui 5,2 millions de personnes, ce qui représente un Canadien sur six, qui vivent aujourd'hui dans la pauvreté. Depuis 1989, la pauvreté chez les enfants a augmenté de 46 p. 100. Malheureusement, le nombre des personnes vivant en dessous du seuil de la pauvreté va nécessairement augmenter à cause des coupures opérées dans les programmes sociaux et dans l'assurance-chômage.

• 0815

Les jeunes qui ont assumé une part disproportionnée des restrictions découlant des politiques économiques adoptées par le gouvernement fédéral ont été frappés de deux côtés à la fois. D'un côté, on leur dit qu'ils doivent poursuivre leurs études pour acquérir les compétences qu'exige la nouvelle économie, et de l'autre, on augmente les frais de scolarité. Cela revient à refuser l'accès à l'éducation postsecondaire à beaucoup de jeunes, en particulier, à ceux qui viennent de familles pauvres et rurales.

On est en train de démanteler notre système public de santé et les répercussions du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux amènent les provinces à refuser à de nombreux Canadiens l'accès aux services de santé dont ils ont besoin et qu'ils méritent.

Les coupures opérées dans la fonction publique se font encore lourdement ressentir sur l'économie. Des milliers d'emplois ont été supprimés dans le secteur public. Ces coupures ont également réduit le nombre des emplois dans le secteur privé. Au-delà des pressions à la baisse qu'exercent ces coupures sur les taux de croissance et de création d'emplois enregistrés récemment, d'autres répercussions, notamment la réduction des investissements publics dans les infrastructures, dans l'innovation, dans la recherche et le développement, dans la formation et plus important encore, dans l'éducation, vont elles aussi ralentir la croissance économique. En fait, Wood Gundy estime que les coupures opérées dans les fonctions publiques et les programmes sociaux vont diminuer la croissance réelle de 1,5 p. 100 en 1997 et d'encore 1,1 p. 100 en 1998.

Ce qui est triste dans tout ceci, c'est que ces répercussions négatives auraient pu être évitées. Au cours des trois dernières années, le Centre canadien de politiques alternatives a présenté des projets de budget fédéral qui décrivent comment le gouvernement fédéral aurait pu atteindre les buts qu'il s'était fixés en matière de réduction du déficit, tout en créant en même temps des emplois et en améliorant nos programmes sociaux. Le gouvernement fédéral a toutefois suivi aveuglément les politiques de lutte contre l'inflation de la Banque du Canada et n'a pas tenu compte, au détriment des Canadiens, des conséquences négatives qu'avaient les taux d'intérêt élevés et les coupures dans le secteur public sur la création d'emplois et la croissance économique.

Ces politiques de terre brûlée, qui font fi de la croissance économique et de la création d'emplois, ne constituent pas un moyen efficace d'améliorer les finances publiques. Le démantèlement des services et des programmes publics d'importance vitale a eu des répercussions intolérables sur des millions de Canadiens.

Il est également important de noter que l'un des principaux facteurs qui nous a permis de réduire le déficit a été la croissance économique et les faibles taux d'intérêt et non pas les coupures. Le gouvernement fédéral commence aujourd'hui à essayer de réparer les dommages causés par les mauvaises politiques économiques qu'il a appliquées dans le passé.

Avec la perspective d'avoir bientôt un budget équilibré et même peut-être un excédent l'année prochaine, on parle de la possibilité de réduire la dette, d'augmenter les dépenses et de réduire les impôts. La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador estime que l'on devrait axer cette discussion sur la création d'emplois, l'équité et le bien-être social et économique à long terme.

Les économistes prédisent déjà que les excédents budgétaires vont automatiquement être utilisés pour réduire la dette. Je signalerais à ce sujet que les fonds utilisés pour réduire la dette proviennent des impôts et viennent diminuer les fonds utilisables pour les dépenses publiques. La décision d'affecter les sommes dépensées actuellement à la réduction de la dette va nuire à la croissance économique et à la création d'emplois.

C'est ce qui explique que la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador s'oppose à ce que l'on réduise la dette de cette façon. En outre, le remboursement direct de la dette ne s'impose pas, puisqu'une forte croissance réduirait la part que représente le déficit dans l'économie. Au lieu de rembourser la dette, il faudrait plutôt investir les excédents éventuels de façon à répondre aux préoccupations sociales et à favoriser une reprise économique vigoureuse.

• 0820

Nous proposons également qu'au lieu d'introduire des réductions d'impôt générales, le gouvernement fédéral repense notre fiscalité pour mieux répartir le fardeau fiscal, sans modifier la part que représentent les impôts fédéraux dans l'économie. Il est possible de procéder à une réforme fiscale progressive qui prévoit la réduction des taux moyens et marginaux pour les personnes à revenus faible et moyen, de supprimer la TPS sur les produits essentiels, sans affaiblir pour autant les recettes du gouvernement fédéral. Je tiens également à signaler que nous craignons qu'une réduction des impôts nuise encore aux services publics et aux programmes sociaux. Cela toucherait des gens qui connaissent déjà des difficultés très graves à cause des décisions prises dans les budgets antérieurs.

Cela laisse un troisième choix. Comme la plupart des autres intervenants de ce matin, la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador estime que la priorité qu'il faut nous donner pour l'année qui vient est de réinvestir des fonds dans nos programmes sociaux et dans notre population.

Nous pensons qu'il faut améliorer les prestations d'assurance-chômage et rétablir l'ancien régime d'assurance-chômage. Il est plus urgent que jamais d'augmenter les dépenses sociales. Nous devons utiliser les excédents budgétaires pour améliorer les services publics, en particulier, les services de santé, les programmes de main-d'oeuvre et les autres programmes sociaux qui ont été réduits à cause de la lutte contre le déficit.

Nous estimons qu'il est essentiel que le gouvernement fédéral augmente les transferts aux provinces dans le domaine de l'aide sociale et qu'il établisse des normes nationales dans ce domaine. Nous pensons qu'il faut accorder la priorité à l'augmentation du niveau de vie des jeunes. Nous leur avons déjà volé leur avenir.

Il faut donner la priorité à la mise en place d'un programme national de garderies. Il faut que le fédéral investisse davantage dans la recherche, le développement et la formation. Il doit également élaborer une stratégie permettant de conserver à long terme un environnement durable et je suis d'accord avec les représentants de la chambre de commerce lorsqu'ils affirment que le gouvernement fédéral doit s'engager à poursuivre le programme LSPA ou à le remplacer par un autre programme du même genre. La stabilité économique et sociale de notre province en dépend.

En conclusion, j'aimerais citer J.S. Woodsworth qui a dit:

    Le gouvernement est là pour répondre aux besoins de la population. Lorsqu'il s'agit de choisir entre, d'un côté les bénéfices et les droits de propriété, et de l'autre, le bien-être de la population, nous ne devrions avoir aucune hésitation à donner la priorité à la personne et qu'il ne faut pas intervenir pour protéger les droits de propriété et les intérêts financiers.

Le Canada doit maintenant décider de s'occuper des intérêts de la population. Nous devons nous attaquer au déficit social considérable que nous avons nous-mêmes causé en renforçant nos programmes sociaux et nos services publics. Nous avons besoin de faibles taux d'intérêt et d'une forte croissance pour résoudre la crise du chômage et il faut réinvestir les excédents dans l'économie de façon à créer des emplois et à favoriser la croissance à long terme. La création d'emploi, la diminution de la pauvreté, le renforcement des programmes sociaux et des services publics, ainsi que la réduction des inégalités dans la société canadienne doivent être nos priorités pour 1998.

Le président: Merci beaucoup, madame Price.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Nous allons commencer par M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je remercie les invités, qui nous ont présenté des exposés très clairs ce matin. Si vous me le permettez, j'aimerais adresser ma question au représentant de la chambre de commerce.

• 0825

Je suis désolé d'être arrivé en retard, monsieur Winsor. Je parlais au téléphone lorsque vous avez commencé votre exposé.

Je veux vous poser une question sur les possibilités d'emplois qui existent à Terre-Neuve et au Labrador. Voici quelle est ma question. Quels sont, d'après vous, les secteurs de croissance qui permettraient de créer des emplois dans cette partie du pays? Je ne parle pas des programmes ponctuels de création d'emplois. Je veux plutôt savoir s'il existe des secteurs qui peuvent naturellement se développer, et donc, créer de l'emploi? Si c'est le cas, quelles sont les mesures concrètes que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour développer ces secteurs?

M. Leonard Winsor: Merci beaucoup.

Les principales possibilités d'emplois qui s'offrent à Terre-Neuve à l'heure actuelle sont celles que créent les mégaprojets. Le projet Hibernia n'en est pas encore au stade de l'exploitation mais il a déjà créé un certain nombre d'emplois. Les autres gisements pétrolifères voisins vont certainement eux aussi créer de l'emploi. Mais il est probable qu'il n'y a pas suffisamment de gens qui possèdent une formation dans ces domaines. Le gouvernement fédéral devrait peut-être envisager de subventionner cette formation, peut-être au moyen d'incitations fiscales. Cela me paraît être la meilleure façon de le faire.

Je crois que la majorité des membres de mon conseil d'administration qui se sont réunis la semaine dernière et qui ont démarré ce processus estiment qu'il ne serait pas souhaitable de donner de l'argent aux sociétés ou aux individus désireux de recevoir une formation et que cela peut se faire d'une façon plus indirecte. Si l'on accordait, par exemple, aux sociétés une incitation fiscale à l'embauche, même si cela représente une dépense du gouvernement fédéral et que cela ressemble à une subvention à Terre-Neuve, cela serait bien préférable à la méthode qui consiste à leur remettre tout simplement de l'argent, comme cela s'est déjà fait.

M. Dick Harris: Vous envisagez donc un partenariat avec le secteur privé dans le but d'offrir des programmes d'apprentissage, dans lesquels le partenaire du secteur privé bénéficierait d'incitatifs fiscaux mais qui ne seraient offerts qu'à ce type d'entreprise.

M. Leonard Winsor: Oui.

Le tourisme est un autre secteur qui offre un gros potentiel à Terre-Neuve et au Labrador, mais qui est en déclin depuis des années. Je signale aux députés que nous venons d'apprendre tout récemment que nous allons devoir payer 4 $ pour faire laver les voitures, ou 8 $ pour les camions, qui quittent Terre-Neuve et le Labrador que ce soit par Port-aux-Basques ou par Argentia, et...

M. Dick Harris: À quoi correspondent ces frais?

M. Leonard Winsor: Ce sont des frais pour le lavage des voitures. C'est comme cela que nous l'appelons. En fait, je parlerais plutôt d'une taxe, c'est en fait ce que c'est—une taxe.

Tous les gens qui viennent à Terre-Neuve ou au Labrador par la route et qui repartent par la route doivent faire laver leur véhicule, à Port-aux-Basques ou à Argentia. Je crois que c'est à cause du ministère de l'Agriculture et pour lutter contre la brunissure de la pomme de terre à Terre-Neuve. Notre chambre de commerce estime qu'il s'agit là d'une taxe. Cela va alourdir les frais des entreprises, les entreprises reliées au tourisme et toutes les autres, de Terre-Neuve et du Labrador, et elles seront un peu moins concurrentielles que les entreprises du continent.

Je vous demande simplement de refuser que l'on impose cette taxe, si la question est soulevée. Je vous demande de ne pas permettre que l'on impose cette taxe.

Nous pensons que ce sont les personnes qui profitent de ce lavage, des gens comme vous—des gens de l'extérieur comme nous les appelons à Terre-Neuve—qui devraient payer. Mais en fait, nous estimons que c'est le gouvernement fédéral qui devrait payer. C'est lui qui a créé ce système de lavage à Argentia et à Port-aux-Basques. Il devrait donc continuer de s'en occuper. Cela profite à l'ensemble du pays, alors pourquoi demander aux seuls gens de Terre-Neuve et du Labrador de payer?

• 0830

Voilà donc un secteur. Mais ce n'est qu'un petit aspect du tourisme. Notre chambre estime qu'il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de la formation pour le secteur du tourisme. Là encore, nous sommes favorables à l'idée d'offrir des incitations fiscales. Cela me paraît être une façon plus pratique de créer de l'emploi pour les gens de Terre-Neuve.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Puis-je poser une question supplémentaire?

Le président: Allez-y.

M. Nelson Riis: Pour ce qui est des mégaprojets et de la suggestion que vous avez faite d'accorder à ces sociétés des incitations fiscales pour qu'elles forment des travailleurs, pourquoi ne pas rendre cela obligatoire? Si ces grandes sociétés veulent exploiter les ressources pétrolières au large de Terre-Neuve et du Labrador, ne serait-il pas raisonnable de leur demander d'embaucher des gens de la région et de les former, s'ils ne possèdent pas la formation nécessaire? Ce sont finalement ces sociétés qui vont en profiter. Pourquoi ne pas y voir des frais qu'elles doivent assumer pour exercer leurs activités ici?

M. Leonard Winsor: Je suis tout à fait d'accord avec vous mais ce n'est pas la Chambre de commerce qui réussira à faire adopter ce genre de politiques. Il faut que cela soit proposé par des gens comme vous, les décideurs.

M. Nelson Riis: Nous avons besoin de recommandations présentées par des gens comme vous. C'est pour cela que nous sommes ici.

M. Leonard Winsor: Très bien, vous pouvez considérer qu'il s'agit là d'une recommandation. Si cela est obligatoire, si ces sociétés bénéficient d'un incitatif fiscal parce qu'elles embauchent des gens de Terre-Neuve et du Labrador et qu'elles les forment, alors je crois que cela serait une bonne chose.

Le président: Madame Greene, voulez-vous intervenir?

Mme Jocelyn Greene (directrice, Emmanuel House): Oui, c'est vrai. Nous ne savions pas que nous pouvions être plusieurs à prendre la parole, c'est pourquoi Matthew a été notre porte-parole mais j'ai quelques commentaires sur ce sujet.

Je fais partie de l'équipe de transition à titre de représentante des travailleurs sociaux de Terre-Neuve et du Labrador et nous sommes chargés de revoir le programme de soutien du revenu pour Terre-Neuve et le Labrador. Nous avons donc été amenés à examiner toutes ces questions. Un des aspects de la formation est la question de l'augmentation des subventions. Je pense que le secteur privé devrait assumer une partie des coûts de formation.

Il y a beaucoup de choses contradictoires qui se passent. Nous disons que nous voulons investir de nouveau dans la formation et créer des emplois. À l'heure actuelle, nous sommes en train de revoir les programmes de soutien du revenu et de perfectionnement professionnel pour les bénéficiaires de l'aide sociale et nous sommes chargés d'aider ces personnes à trouver du travail, tout en respectant une enveloppe fixe de 11 millions de dollars destinés au perfectionnement professionnel et à de nouvelles initiatives. Ce n'est pas ce que nous allons faire, pour ce qui est de pallier le manque de personnes qualifiées pour la TI ou les mégaprojets; cela est tout simplement impossible.

En plus, pour ce qui est des paiements de transfert, nous dépensons actuellement 250 millions de dollars en prestations d'aide sociale. Ces dépenses s'élevaient à environ 100 millions de dollars, il y a encore six ans. Nous essayons de modifier le système de soutien du revenu en prenant des fonds destinés à une catégorie de pauvres pour les donner à une autre catégorie. Nous disons que nous n'y arriverons pas.

Toutes ces choses sont reliées entre elles. Vous dites que tout cela tourne autour des possibilités de création d'emplois. Je pense qu'il y a d'excellents projets qui sont en train de se réaliser. Il y a l'entente sur la main-d'oeuvre et les accords sectoriels. La province a adopté la cogestion, la main-d'oeuvre avec les fédéraux et la province, mais ils examinent cela sans...

Dans notre province, il nous est impossible de répondre à ce besoin de formation pour les assistés sociaux, qui représentent un fardeau pour l'économie, et on nous donne 11 millions de dollars pour essayer de mettre sur pied des programmes de formation. Cela est impossible. Cela n'est qu'un exemple des répercussions directes qu'ont eues les coupures dans les paiements de transfert. Il est impossible d'obtenir quoique ce soit avec ce programme. Nous avons multiplié par deux et demi nos prestations de l'aide sociale. La province ne dispose pas de fonds pour le perfectionnement professionnel.

Pour tenter de recycler ces personnes, nous essayons d'établir des liens avec les conseils de zones, en mettant sur pied un système qui permettrait de donner aux assistés sociaux une formation qui les prépare aux emplois qui vont être créés dans la région. Les conseils de zones disent que nous pouvons faire du kayak en mer dans le nord, élever des chèvres à Bonavista, et qu'il faut former les gens dans ces domaines. Mais il n'y a pas de fonds pour la formation professionnelle.

M. Dick Harris: Je voulais simplement dire que c'est une excellente chose que de former les gens mais si nous voulons être réalistes, il faut, pour créer des emplois, savoir quelles sont les possibilités de croissance, dans quels domaines il faut faire de la formation. Lorsque l'on donne des milliards de dollars à une province, cela crée des emplois, mais ce sont seulement des emplois à court terme. Ce dont le pays a besoin, d'après moi, c'est d'une vision qui permette de créer des emplois de longue durée. Cela ne sert à rien de repartir à zéro tous les cinq ans. Nous voulons créer des emplois stables dans le secteur des mines, dans le secteur du pétrole, etc.

• 0835

Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue de Kamloops—il nous arrive effectivement d'être parfois d'accord—lorsqu'il dit que pour les mégaprojets, il faudrait inciter ces sociétés à embaucher et à former des travailleurs qui habitent dans la région. Cela est bon pour tout le monde.

Le président: Je crois qu'il y a des invités qui souhaitent intervenir. Mme Price, ensuite Mme Reid et M. Dellavalle.

Mme Elaine Price: J'aimerai faire quelques brefs commentaires.

Tout d'abord, pour avoir une économie vigoureuse, il faut avoir une économie mixte. Il faut un secteur public dynamique et un secteur privé dynamique.

Je n'aime pas beaucoup être obligée de miser sur les mégaprojets à Terre-Neuve. C'est une erreur que nous avons déjà commise dans le passé. Malheureusement, lorsqu'on a exploité nos ressources, cela n'a guère profité aux gens de la province—ils n'en ont guère profité dans le passé et je ne pense pas que cela change à l'avenir.

Pour ce qui est de la création d'emplois, il existe plusieurs façons d'y parvenir et nous devons répondre à des besoins sociaux criants, comme nous l'avons entendu dire autour de la table ce matin. Existe-t-il de meilleures façons de créer des emplois et de fournir un service public utile que, par exemple, des choses comme un programme national de garderies, un programme de rénovation des logements sociaux ou la construction de logements sociaux, ou la mise en oeuvre d'un programme de soins à domicile financé par la régie d'assurance-maladie? Il y a beaucoup de façon de créer des emplois mais il faut que cela vienne autant du secteur public que du secteur privé et il est temps que le gouvernement décide d'aider à nouveau les Canadiens.

Mme Mary Reid: Je dirais très brièvement que la question essentielle est celle de savoir qui profite de ces mesures et qui devrait en profiter. Dans le cas des incitatifs fiscaux, c'est évidemment le secteur privé qui en profite et nous avons vu l'année dernière des sociétés réaliser des bénéfices presque scandaleux, ce qui est très difficiles à accepter pour les personnes qui vivent dans la pauvreté.

Les gens de la province ont beaucoup appris du programme LSPA. Nous avons appris des choses au sujet du recyclage, du gaspillage de fonds. Je crois que la leçon qu'il faut finalement retirer de tout cela est qu'il est préférable de donner de l'argent aux citoyens, pour qu'ils puissent choisir la formation qui leur convient, qu'ils prennent leurs décisions eux-mêmes, et pour favoriser les ressources et les initiatives communautaires.

M. Matthew Dellavalle: Je suis un de ces consommateurs; je suis un assisté social. Je fais des études sans l'aide de qui que ce soit—à l'heure actuelle. Il faut affecter davantage de fonds à l'éducation, davantage que ce que l'on y met aujourd'hui.

J'estime personnellement que tout le monde le dit, mais ce que je voudrais, c'est que cela se produise. Je voudrais que les gens examinent attentivement certaines de ces suggestions au lieu de se contenter d'y jeter un coup d'oeil superficiel, car il s'agit de questions très importantes. Vous n'en entendrez d'ailleurs pas parler seulement par les habitants de Terre-Neuve; vous entendrez dire cela par tout le monde.

J'ai vécu dans de nombreux pays; je me suis rendu d'un océan à l'autre en auto-stop, et partout les gens disaient... Lorsqu'on occupe soi-même une place modeste dans la société, on a des contacts avec beaucoup de personnes à faible revenu, et cela vous aide souvent à découvrir la réalité.

Je crois que nous devrions investir dans le secteur communautaire. Il y a là un travail à faire qui pourrait créer des possibilités d'emploi intéressantes. Je crois que si nous nous tournions du côté des ressources renouvelables...

Il suffirait d'étudier la production d'énergie hydroélectrique—Terre-Neuve est une des provinces les plus venteuses que je connaisse. Nous pourrions y installer une foule de moulins à vent qui utiliseraient les ressources renouvelables—et cela permettrait de créer des emplois. Il y a toutes sortes de façons de créer des emplois qui ne disparaîtront jamais; il suffit pour cela d'utiliser la technologie existante et les personnes disponibles. Il y a de la main-d'oeuvre en abondance et nous devrions donner une chance à tous ces gens-là.

Le président: Merci, monsieur Dellavalle.

[Français]

Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): J'aimerais remercier tous ceux qui sont intervenus ce matin.

J'aimerais m'attarder sur la question de l'industrie de la pêche. J'aimerais vous parler de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Vous savez que le rapport du vérificateur général a clairement déclaré que ce programme prendra fin en mai 1998 parce qu'il n'y a plus d'argent. Toutefois, il faut se rappeler que ce programme, à l'origine, devait se prolonger jusqu'en 1999. Je comprends donc que des milliers de vos concitoyennes et concitoyens soient inquiets face à leur avenir.

• 0840

Encore une fois, le gouvernement fédéral fait la preuve qu'il n'y a pas de planification sérieuse pour aider les régions comme la vôtre.

Premièrement, j'aimerais connaître votre opinion sur les mesures qu'avance le gouvernement fédéral pour tenter de vous aider. Deuxièmement, avez-vous entrepris des démarches pour faire relever le moratoire qui pèse contre vous? Ma question s'adresse au représentant de la Chambre de commerce de Terre-Neuve. Si d'autres intervenants veulent y répondre, ils sont les bienvenus.

[Traduction]

M. Leonard Winsor: Dans mon exposé, j'ai dit que la Chambre de commerce de notre province considérait qu'un programme quelconque—nous ne savons pas encore exactement lequel—devrait remplacer le programme LSPA. C'est indiscutable.

Si, en mai prochain, ce gouvernement fait des assistés sociaux de plus de 20 000 personnes, cela ira encore infiniment plus mal que ce n'est le cas actuellement.

C'est pourquoi notre chambre de commerce estime qu'il faut trouver une solution pratique. Je crois qu'un bureaucrate d'Ottawa est venu à Terre-Neuve la semaine dernière; il me semble l'avoir vu à la télévision et l'avoir entendu à la radio, mais je me demande si c'est aux personnes appropriées qu'il a parlé. Ce bureaucrate devrait essayer de réunir un groupe, comme je le proposais—un groupe de représentants des travailleurs, des entreprises et des gouvernements. Lorsque j'ai dactylographié le texte de mon exposé à deux heures du matin, chez moi à Grand Falls—Windsor, j'avais inclus les travailleurs; je ne les ai pas omis à dessein, Elaine.

Plutôt que de faire uniquement appel aux fonctionnaires du gouvernement qui ont établi le programme LSPA, et seulement à eux, si l'on trouvait suffisamment de gens avec des points de vue divers, je suis absolument convaincu que l'on pourrait organiser un programme très supérieur au LSPA et que ce programme pourrait rendre bien des services aux pêcheurs de la province.

J'ai pris l'exemple de l'encouragement fiscal aux entreprises et à tous ceux qui veulent créer un emploi. S'il y a un emploi à créer, accordons donc l'allégement fiscal à ce groupe. Mais d'autres personnes auront peut-être aussi d'autres idées, et je suis convaincu, et la chambre de commerce à laquelle j'appartiens l'est également, que c'est ainsi qu'il faut procéder. Par contre, cela ne marchera pas si un bureaucrate vient à Terre-Neuve et, après avoir examiné la situation, prend une décision en fonction de ses propres préjugés.

Ce sont des fonctionnaires du gouvernement qui ont établi le programme LSPA et le PARPNM qui l'a précédé. Cela n'a pas marché. Nous avons maintenant besoin de quelqu'un qui apporte des idées nouvelles.

Le président: Merci, monsieur Winsor. Madame Price.

Mme Elaine Price: Merci. Premièrement, il est important de dire que le programme LSPA nous pose un problème car le nombre de personnes touchées par le moratoire a été sous-estimé, et c'est la raison pour laquelle le programme a été sous-financé.

La FFAW, le syndicat qui représente la majorité des pêcheurs, a présenté un certain nombre de propositions. En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite, elle suggère une autre disposition qui permettrait aux personnes âgées de quitter la pêche avec dignité. La FFAW propose une nouvelle série de rachats de permis de pêche.

On reconnaît également que le soutien au revenu est une nécessité, mais qu'il doit être combiné avec un fort composant de création d'emplois. Je suis certain que le mouvement ouvrier serait disposé à collaborer avec la Chambre et avec les deux ordres de gouvernement afin d'élaborer ce composant, Len.

Le président: Merci, madame Price.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Je n'ai pas vraiment de questions à poser.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à rappeler qu'à une époque antérieure de son existence, mon ami, M. Jones, travaillait pour IBM. Cette société assumait la totalité de la formation de ses employés et elle n'avait pas besoin d'encouragements fiscaux pour le faire. Les banques ont elles-mêmes établi leur propre système de formation continue; elles n'ont pas non plus besoin d'encouragements fiscaux.

• 0845

Pourtant, lorsqu'on en vient à l'exploitation des ressources, qu'il s'agisse des ressources minières ou pétrolières, ce sont des industries qui veulent toujours faire appel à des gens de l'extérieur. Elles ne veulent pas faire de recrutement local. Elles ont besoin d'être un peu soudoyées pour former du personnel. Il faudrait que nous nous montrions plus exigeants et que nous leur disions que nos ressources sont à leur disposition mais que c'est donnant donnant; autrement dit, il faut créer des emplois, il faut recruter des gens sur le plan local. Cela dit en passant.

Ma question s'adresse à Bev ainsi peut-être, qu'à Keith.

Bev, dans votre exposé vous avez fait allusion aux revenus des familles vivant dans l'ensemble résidentiel dont vous parliez. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet, afin que les membres de notre comité aient une idée plus précise du revenu de ces particuliers et de ces familles? Vous avez dit que les Terre-Neuviens à faible revenu disposent parfois tout au plus de 89 $ à 129 $ par mois pour vivre. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces chiffres? Ils me paraissent pour le moins surprenants.

Mme Bev Brown: Je vous remercie de votre question.

Emmanuel House, qui est représentée ici aujourd'hui, a effectué une enquête officieuse sur le logement et a demandé aux gens combien d'argent il leur restait pour se nourrir après avoir touché le soutien au revenu et payé leur loyer. La moyenne était de 50 $ par mois pour les assistés sociaux, pour les personnes qui avaient été obligés de venir à Emmanuel House. Ce n'est pas suffisant pour vivre.

Ces gens-là touchent 89 $ par mois s'ils vivent avec des membres de leur famille. C'est donc tout ce qu'ils ont pour couvrir leurs dépenses. S'ils vivent avec des personnes qui ne sont pas membres de leur famille, ils touchent 129 $ par mois. D'autres personnes touchent de 300 $ à 600 $ par mois pour vivre dans des pensions et des meublés qui leur fournissent une nourriture insuffisante. Certains d'entre eux sont même obligés de vider les lieux pendant la journée et n'ont donc nulle part où aller.

Au total, au moins un cinquième des habitants de Terre-Neuve se trouvent dans ces catégories. Ce sont les taux les plus bas du Canada pour les célibataires, et il n'y a qu'un seul autre endroit au Canada où ils sont encore plus faibles pour les familles.

C'est donc le taux le plus faible. C'est absolument insuffisant. Les gens meurent de faim.

Le président: Merci, madame Brown.

M. Keith Davis: Nous vivons dans un logement subventionné, à Brophy Place, et les gens qui vivent de tels logements s'en sortent légèrement mieux que les assistés sociaux vivant dans des logements privés, car leur loyer est subventionné et ils bénéficient d'une allocation de chauffage, ce qui les aide à payer leur chauffage à l'électricité pendant toute l'année. Il y a cependant un plafond, et si vous le dépassez, tout le reste est à votre charge.

À Brophy Place, très rares sont les parents qui travaillent. Ceux qui le font ont habituellement des revenus inférieurs à 16 000 $ par an pour toute une famille. Une famille bénéficiant de l'assistance sociale reçoit moins de 11 000 $ par an, ce qui est très inférieur au seuil de pauvreté.

Prenons un exemple, j'ai quatre enfants; je suis assisté social, je suis parent célibataire et je touche 616 $ par mois pour vivre, en plus de mon loyer et de 370 $ au titre de la prestation pour enfants, et 3 600 $ par an pour la subvention au chauffage. Voilà tout ce dont je dispose pour assurer la subsistance d'une famille de cinq personnes.

La pauvreté est une situation extrême. À Terre-Neuve, elle est probablement beaucoup plus profonde que dans n'importe quelle autre partie de notre pays.

Le président: Merci, monsieur Davis. Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vos exposés m'ont beaucoup intéressée. Je dois vous dire qu'il me paraissait absolument indispensable que le gouvernement parvienne à vaincre le déficit. Ce que nous entendons dire ici aujourd'hui, nous l'avons déjà entendu à Edmonton, à Vancouver et à Toronto. Ce dont nous parlons, c'est du coût sur le plan humain, et c'est pourquoi nous sommes ici: pour vous écouter.

Ce que je vais dire est probablement dans la même ligne que la question de l'intervenant précédent. Une des difficiles questions qu'on nous a posées à Edmonton était la suivante: Qu'est-ce que la pauvreté? Nous ne l'avons pas définie au plan national. J'invite tous ceux qui veulent intervenir à le faire. Mais je m'adresse plus particulièrement à Mme Greene et peut-être aussi, à Mme Rooney. Que faut-il prendre en considération pour cela?

Mme Jocelyn Greene: En fait, il y a des tableaux dans mon rapport. À propos des normes nationales dans ce domaine, il y a eu un débat sur le SFR, c'est-à-dire, sur le niveau de pauvreté réel. Mais comme Bev l'a dit, il varie considérablement. Entre les Territoires du Nord-Ouest et Terre-Neuve, la différence, pour une famille, est de plus de 12 000 $. Et, à Terre-Neuve, un célibataire apte au travail, par exemple a un revenu annuel de 3 700 $. Il est impossible de vivre avec cela.

• 0850

Nos clients, les utilisateurs de nos services, sont maintenant obligés d'aller dans des meublés et des pensions lorsqu'ils nous quittent, à moins d'un traitement spécial... Nous sommes obligés de les faire passer pour des handicapés. Nous sommes contraints d'écrire des lettres dans lesquelles nous déclarons qu'une personne a des problèmes psychiatriques ou des besoins spéciaux afin de lui permettre d'obtenir un logement simple mais décent, à long terme.

Lorsque vous considérez ce qu'est la pauvreté... C'est un problème avec lequel nous nous débattons au sein de ce comité. Nous essayons de régler la question de l'équité. Les célibataires aptes au travail sont classés à un niveau terriblement inférieur à celui d'une famille ou d'un célibataire avec un enfant.

Je suis assise à une table où nous sommes obligés de nous demander comment nous allons régler ce problème. Allons-nous prendre de l'argent aux personnes qui ont un enfant pour le donner aux célibataires aptes au travail alors que nous savons qu'ils sont tous au-dessous du seuil national de pauvreté? C'est totalement inacceptable.

Vous posez ensuite une question au sujet du programme LSPA.

Je vous ai parlé des 250 millions de dollars. Cela représente une augmentation de 250 p. 100 à Terre-Neuve. Vingt mille personnes vont se retrouver à l'assistance sociale, en mai prochain. Autant tout laisser tomber... Charles Lynch ferait aussi bien de nous laisser partir à la dérive, parce que c'est impensable de faire cela.

Qu'est-ce que la pauvreté? Nous avons récemment fait une étude sur ce que cela vous coûte pour vivre dans une région quelconque, mais il existe des normes dont nous pouvons nous approcher. Nous savons qu'en ce moment même, dans cette province, il est impossible de vivre de l'assistance sociale à moins de recourir à la fraude. Sur le plan fiscal, c'est peut-être très bien de la part d'une entreprise, mais à Terre-Neuve, ou pour les assistés sociaux, c'est considéré comme de la fraude pure et simple. Si vous gagnez ne serait-ce que 50 $, vous êtes censé les déclarer.

Les déclareriez-vous si vous aviez deux enfants et si, comme le disait Beth, vous étiez obligé de choisir entre des médicaments ou de la nourriture pour eux? Ce genre de situation est devenu beaucoup plus fréquente, depuis quelques années.

Je ne pense pas qu'il existe de solution toute faite. Je peux cependant vous dire que, selon un communiqué de presse de cette semaine, une étude sur le coût des aliments effectuée par la Newfoundland Dietetic Association a montré que le coût d'un panier d'aliments nourrissants et économiques dépasse 120 $ pour une famille de quatre personnes. Cela signifie que cette famille dépenserait 84 p. 100 de son revenu pour son alimentation si elle voulait nourrir correctement ses enfants.

L'écart est tel que je crois qu'il suffit de dire que cela se situe très au-dessous de la norme de ce qui permet aux gens de vivre.

Le président: Madame Reid, ensuite nous entendrons Mme Price et M. Dellavalle.

Mme Mary Reid: Je ne sais vraiment pas comment vous donner une définition de la pauvreté. Nous savons une foule de choses sur les effets de la pauvreté. Nous savons que les gens ont faim. Nous savons qu'ils meurent de faim.

Je crois qu'il est indispensable de parvenir à une définition, mais il faut que ce soit une définition applicable à l'échelon national. Je crois qu'il faut recommencer à examiner les choses dans une perspective nationale.

Je crois aussi que c'est aux pauvres qu'il appartient de définir ce qu'est la pauvreté. Cela signifie qu'il faut s'assurer de la participation de groupes tels que le NAPO et la coalition, car il y a bien trop longtemps que nous prenons des décisions dans ce domaine sans consulter les véritables intéressés.

Bev a peut-être aussi une remarque à faire à ce sujet. Elle est notre représentante nationale à l'Association nationale antipauvreté.

Mme Bev Brown: Pour moi, la pauvreté signifie ne pas avoir de travail. À mon avis, il n'y a rien de plus important que le travail. Le plus important, c'est de trouver un emploi décent avec un bon salaire—pas un emploi du programme d'assistance-travail. Sans cela, vous êtes un pauvre si vous vous retrouvez dans le quintile des Canadiens à faible revenu.

Mme Elaine Price: Une petite mise en garde. Je sais que les statistiques sur la pauvreté sont extrêmement gênantes et j'espère bien que le gouvernement ne va pas changer la définition de la pauvreté dans le but de réduire les taux de pauvreté dans notre pays. Je n'en dirai pas plus, car c'est un problème très réel.

J'ajouterai cependant, dans la ligne des remarques de Bev, que le fait d'avoir un emploi ne signifie pas que vous êtes au-dessus du seuil de pauvreté. Dans notre pays, 25 p. 100 des travailleurs sont pauvres. Ils se trouvent au-dessous du seuil de pauvreté parce que, dans notre pays, le salaire minimum ne leur assure pas le minimum vital.

Le président: Une dernière remarque, monsieur Dellavalle.

M. Matthew Dellavalle: Moi qui suis bénéficiaire du système, il est arrivé que mon revenu de deux semaines ne dépasse pas 44 $. Autant dire, rien. Cela représente 88 $ par mois. Si vous faites la moyenne, ça représente à peine plus de 2 $ par jour. Personne n'est capable de vivre avec cela. Ce n'est même pas suffisant pour nourrir votre chat.

• 0855

J'estime personnellement que c'est très difficile de s'en sortir ainsi. J'ai tout essayé. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cela représente de gagner plus de 9 000 $, sans même parler de 15 000 $.

J'ai l'impression d'être pris au piège. Si j'essaie de m'en sortir, on va m'enlever ce qui constitue mon seul revenu. Même lorsque j'essaie de trouver un emploi temporaire, que se passe-t-il? L'argent que je gagne est immédiatement déduit de mon chèque—tout simplement. Il n'y a rien à faire ni à dire. Il est déduit.

Comment pourrais-je m'en sortir si je perds cet emploi dans deux jours ou dans une semaine? Le fait de gagner simplement 100 $ pourrait affecter mon revenu pendant un mois entier. C'est terrifiant. J'ai l'impression de me retrouver pris entre deux feux.

Je crois qu'il faut avant tout régler tous les petits problèmes créés par notre filet de sécurité sociale. On va en arriver à un point où notre pays connaîtra des problèmes vraiment graves, pas seulement les provinces.

Le président: À vous, madame Rooney; nous entendrons ensuite M. Winsor.

Mme Emma Rooney: Je ne suis pas certaine d'être capable de définir la pauvreté. La simple idée de le faire me déplaît. On dirait que c'est une maladie, qu'il ne faut pas s'approcher de certaines personnes parce que ce sont des pauvres. Je dirai cependant que les pauvres sont des personnes qui se débattent constamment, 24 heures par jour, pour conserver leur dignité et celle de leurs familles.

Tous les systèmes existants sont conçus pour les empêcher d'échapper à leur condition, pour les maintenir au bas de l'échelle. Nous en avons eu des exemples aujourd'hui. Voilà ce que sont les pauvres. Si leur laveuse ou leur sécheuse tombe en panne, ils n'ont pas d'argent pour la réparer à moins d'utiliser l'argent réservé pour vêtir leurs enfants ou les nourrir. La semaine prochaine, ce sera encore la même chose. Pour tous ces gens-là, cela se paie.

Lorsque la taxe de vente harmonisée de la province s'applique aux vêtements pour les enfants, au chauffage, ou à d'autres domaines, nous avons pu voir combien les décideurs sont prêts à maintenir tous ces gens-là dans la situation indigne qu'est la pauvreté.

Merci.

Le président: Merci, madame Rooney.

Monsieur Winsor, une dernière remarque.

M. Leonard Winsor: Je tiens à vous dire combien la Chambre est soucieuse de remettre les gens au travail. Je peux vous en donner deux exemples.

Un membre de mon conseil d'administration m'en a donné l'exemple, l'autre jour. Il avait investi dans un programme de services sociaux provincial totalement inconnu et avait recruté deux employés, qui avaient donc cessé d'être des assistés sociaux. Il leur a donné un emploi à plein temps dans l'industrie du tourisme où ils touchent de bons salaires. Voilà donc un exemple de deux personnes qui ont cessé de bénéficier de l'assistance sociale et qui ont obtenu un bon emploi. C'est le genre de choses que nous devrions faire.

Je dirige une toute petite société de quatre personnes, moi compris. Pour permettre aux autres employés de continuer à travailler, je ne me verse pas de salaire. Il y a quatre ans, j'ai recruté ces deux employés en même temps, grâce à une subvention fédérale. Je ne croyais pas vraiment à cette subvention car je la considérais comme une aumône faite à un homme d'affaires. Pourtant, ces deux employés continuent à travailler pour moi aujourd'hui, et ils sont productifs. Ces deux personnes étaient sous-employées ou au chômage à l'époque; c'était un des critères d'octroi de cette subvention.

Voilà donc, je crois, le genre de mesures pratiques que nous devrions prendre. Mon conseil d'administration tout entier est du même avis. Il faut trouver des moyens de remettre au travail les habitants de Terre-Neuve et ceux du Labrador. Appelez cela des encouragements fiscaux, si vous voulez, voire des subventions, mais remettez tous ces gens-là au travail. Cessez d'en faire des assistés sociaux et au lieu de personnes sous-employées, faites-en des gens qui occupent un emploi.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Winsor.

Cela conclut notre première tour de table. Au nom du comité, je vous remercie vivement de vos commentaires. Je suis certain que certaines des idées exprimées ce matin trouveront leur place dans notre rapport et feront partie des recommandations que nous soumettrons au ministre des Finances.

Je vais maintenant lever la séance pour faire une pause de quelques minutes. Nous reviendrons avec les participants à la deuxième table ronde.

• 0901




• 0912

Le président: La séance est ouverte.

Soyez tous les bienvenus. Voici la seconde table ronde que nous tenons à St. John's, à Terre-Neuve. Au nom du comité, je vous remercie vivement d'assister au processus de consultations préalables au budget. Il est en effet extrêmement important car notre comité s'efforce de réunir les éléments nécessaires pour présenter des recommandations au ministre des Finances sur les mesures à prendre afin d'améliorer la qualité de vie et la situation économique des habitants du Canada.

Voici quelques brèves instructions sur la manière dont nous allons procéder aujourd'hui: tous les intervenants ou témoins disposeront d'environ cinq minutes. Une minute avant la fin, je frapperai sur cette tasse. Comme je n'aime pas enlever la parole aux témoins, je vous demanderai de respecter cette limite de cinq minutes.

Nous allons tout d'abord entendre le maire intérimaire de la ville de St. John's, Marie White.

Mme Marie White (maire intérimaire, ville de St. John's): Je vous remercie de m'offrir la possibilité de participer à ce débat. Les consultations préalables au budget sont effectivement devenues un événement régulier au cours de ces dernières années. Elles répondent certainement à un besoin car elles permettent aux particuliers et aux groupes de faire des observations sur l'effet des décisions politiques prises sans tenir compte, à notre avis, de leurs répercussions ultimes sur les citoyens de notre pays. Nous espérons sincèrement que vos décisions seront fondées sur l'information présentée à des groupes tels que ceux qui sont intervenus ce matin.

Le comité a relevé un certain nombre de points sur lesquels on nous a invités à faire des commentaires. Les nôtres seront brefs. En ce qui concerne la réduction du déficit, nous ne pensons pas qu'il y ait grand-chose à dire pour le moment. Le récent rapport du ministre des Finances, M. Martin, a montré que le déficit du compte courant appartiendra bientôt au passé et qu'à l'avenir, le gouvernement dépensera moins, ou en tout cas, pas plus que le montant de ses recettes. La façon dont y parviendra est moins importante que ce que le gouvernement fera à l'avenir. Il est temps d'aller de l'avant.

En ce qui concerne les priorités à fixer par le gouvernement, la réduction de la dette nous paraît être une des plus importantes, en particulier la dette contractée à l'égard des investisseurs privés, des institutions et des banques étrangères. Une augmentation des dépenses est nécessaire dans certains domaines mais elle devrait être attentivement surveillée afin de s'assurer que le Canada et les Canadiens en aient pour leur argent, que ce soit sous forme d'une amélioration de services ou de celle de la qualité de vie. Les dépenses faites dans le cadre des programmes existants méritent encore un examen, mais nous espérons que la reventilation des ressources sera faite avec l'intérêt des citoyens à l'esprit, car il constitue notre bien le plus précieux.

• 0915

Vous connaissez certainement bien maintenant les préoccupations communes de la FCM, qui représente les municipalités canadiennes. Elle a présenté des arguments convaincants en faveur du renouvellement et de l'établissement de plans d'infrastructure à long terme, de subventions justes et équitables—je souligne le terme équitable—au lieu de l'engagement de dépenses de structure et de l'élimination du délestage.

Je limiterai mes commentaires aux effets sur la ville de St. John's. La perte des programmes d'infrastructure financés par le gouvernement fédéral et des programmes à coûts partagés dans ce domaine a été très préjudiciable à notre ville. La diminution des recettes due à la réduction des subventions provinciales et à celle des subventions de remplacement, ainsi que les taxes d'affaires, les taxes foncières et immobilières, a contraint la ville de St. John's à ramener son budget de travaux d'immobilisations au niveau permis par ses recettes. Un simple examen du programme de travaux d'immobilisations de la ville montrerait que nous avons du mal, non seulement à progresser et à nous étendre, mais simplement à entretenir nos routes, nos systèmes d'égouts et d'alimentation en eau qui se détériorent, ainsi que le matériel vieillissant utilisé pour le service de ces réseaux.

Une participation du gouvernement fédéral est indispensable si nous voulons pouvoir moderniser notre infrastructure actuelle et poursuivre le développement rationnel de notre ville et de notre région.

La mise en place de fonds pour les travaux d'infrastructure est particulièrement importante dans le cas du nettoyage du port de St. John's. Sous la pression du public, les trois municipalités intéressées se sont associées pour élaborer un plan de restauration de notre égout à ciel ouvert, qui est le plus ancien du pays, afin de le remettre dans un état proche de ce qu'il était il y a 500 ans. Ce plan est coûteux et les gouvernements municipaux ont contribué, mais nous ne parviendrons pas à réaliser ce plan à nous seuls. En 1997-1998, les gouvernements fédéral et provincial ont versé chacun 1,5 million de dollars. Cette aide est fort appréciée, mais cela ne représente qu'une infime partie du projet qui, selon les prévisions, atteindra environ 130 millions de dollars. Ce qu'il nous faut, c'est un engagement à long terme de la part de ces deux ordres de gouvernement.

Un port aux eaux non polluées est non seulement important pour notre environnement et donc, pour nos enfants, mais aussi pour la viabilité d'une industrie que nous développons ici, celle des croisières. Un port aux eaux saines et propres ne peut que nous faciliter la tâche. Si vous me le permettez, je vous suggérerais de faire le tour du port à pied, en particulier au voisinage des émissaires d'évacuation; vous comprendrez mieux ce dont je parle.

Nous sommes d'accord avec la position adoptée par la FCM au sujet du recours à des subventions au lieu de taxes, y compris en ce qui concerne le mode de calcul de ces subventions, leurs niveaux et le moment où elles seront versées. Pourtant, les subventions accordées à St. John's diminuent non seulement à cause du processus lui-même mais du fait que la présence fédérale dans cette ville et dans toute la province est en baisse. On regroupe les divisions opérationnelles de première ligne et on en réduit les effectifs, et beaucoup de fonctionnaires quittent St. John's et d'autres provinces.

À mon avis, qui est aussi celui de la ville, un des principaux problèmes du délestage est peut-être l'effet qu'il a sur les logements sociaux. La SCHL, a déclaré qu'elle n'investira plus d'argent dans la construction de ces logements. J'aimerais savoir où tous ces gens vont aller habiter? Nous avons actuellement des ententes sur l'entretien qui vont expirer. Qui va fournir à la ville, à la province, l'argent nécessaire pour continuer à entretenir ces logements sociaux? Le gouvernement fédéral a fait des enfants une de ses priorités. Où dont iront vivre les enfants des familles à faible revenu? Je crois que c'est une priorité que nous ne pouvons pas nous permettre de négliger.

Je voudrais conclure sur ce point car il est extrêmement important pour notre ville. Est-il logique qu'un gouvernement qui proclame très haut qu'il va mettre fin à la pauvreté chez les enfants n'a pas l'intention de mettre en place un budget supplémentaire pour les logements sociaux? Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame White.

Nous allons maintenant donner la parole au représentant de la NewFoundland and Labrador Federation of Students, Dale Kirby. Soyez le bienvenu.

M. Dale Kirby (président provincial, Newfoundland and Labrador Federation of Students): Bonjour. Je remercie le comité de nous offrir la possibilité de prendre la parole devant lui aujourd'hui. Notre organisation représente environ 25 000 étudiants d'établissements postsecondaires publics de toute la province.

Le budget fédéral de 1996 a sonné le glas des transferts financiers en faveur des programmes établis, notamment, en faveur de l'éducation postsecondaire. La mise en place du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a mis fin à tout cela et nous a créé un certain nombre de problèmes.

• 0920

Les droits de scolarité ont augmenté d'environ 250 p. 100 au collège public et à l'Université Memorial depuis 1990. Si une automobile achetée en 1990 vous coûtait 250 p. 100 de plus sept ans plus tard, cela soulèverait un tollé dans le public. Eh bien, cela nous inquiète aussi beaucoup de voir que les droits de scolarité ont tant augmenté. À notre avis, il faudrait réserver des fonds qui seraient directement destinés à l'éducation dans cette province, sans quoi le cycle va continuer.

Un des résultats directs a été l'augmentation de la dette des étudiants. Je suis certain que vous en avez entendu beaucoup parler. Nous prévoyons qu'à la fin de l'année, la dette moyenne de l'étudiant diplômé sera de 30 000 $. Les effets d'une telle situation sur l'économie sont ridicules, quand on y songe bien. Voilà des personnes qui seront paralysées par cette dette et pour qui il sera impossible d'acheter une voiture, d'obtenir une hypothèque, de fonder une famille, ou tout simplement de se lancer dans la vie. Cette dette les empêchera de prendre un bon départ. Nous estimons que Développement des ressources humaines Canada devrait lancer un programme d'allégement de la dette à l'intention des étudiants afin de les décharger d'une partie de ce fardeau.

Nous avons toujours été vigoureusement opposés au programme de remboursement de la dette en fonction des revenus, que proposait David Stager. Un programme d'allégement de la dette sensible au revenu ne nous paraît pas être une formule favorable. Ce genre de programme a été mis en oeuvre en Australie il y a quelques années et toutes les études effectuées ont montré que ce type de programme de prêt n'était pas efficace.

Nous avons présenté un mémoire au ministère des Finances avant le dernier budget fédéral. Il était le fruit du travail de sept groupes nationaux, représentant tous les secteurs de l'éducation postsecondaire. Nous avons proposé qu'on accorde une subvention aux étudiants ayant des personnes à charge afin de leur permettre de faire des études postsecondaires. Cela n'a pas été repris dans le budget fédéral mais a été retenu dans la plate-forme du Parti libéral au cours des dernières élections fédérales. Nous espérons que le gouvernement demeurera fidèle à la promesse qu'il a faite d'accorder des subventions aux étudiants ayant des personnes à charge, car ils ont déjà suffisamment de difficultés pour fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire.

Un autre problème tient au fait que le montant maximum des prêts aux étudiants est lié à l'indice des prix à la consommation. L'augmentation annuelle de ces prêts correspond à celle de l'IPC moins 3 p. 100. Mais alors qu'il n'y a pas eu d'augmentation, les droits de scolarité ont monté de près de 250 p. 100. Nous considérons que le montant des prêts aux étudiants devrait correspondre au coût effectif de fréquentation d'un établissement postsecondaire.

J'ai deux ou trois dernières remarques à faire. La modification des dispositions législatives régissant le fonctionnement de Développement des ressources humaines Canada a changé la manière dont les fonds sont transférés aux collèges publics pour l'achat de places. Auparavant, c'est le ministère qui achetait directement ces places. Aujourd'hui, cela incombe aux particuliers. Le fonds sera réduit de 25 p. 100 cette année et il tombera à zéro en l'an 2000. Cela va entraîner une énorme perte d'argent pour les collèges publics. Il va falloir tenir compte de cela au moment du transfert des fonds à la province pour l'éducation postsecondaire, l'an prochain.

En outre, le chômage chez les jeunes est passé de 23 p. 100 en 1989 à 29 p. 100, et il continue à croître. La solution est simple: il faut que nous remettions les jeunes au travail dans notre province.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kirby.

Nous allons maintenant entendre le représentant du St. John's, Newfoundland Board of Trade, M. Roger Flood. Soyez le bienvenu.

M. Roger Flood (ancien président, St. John's, Newfoundland Board of Trade): Bonjour; soyez les bienvenus à St. John's.

Je tiens à féliciter le Comité des finances de faire un événement annuel de ses visites à Terre-Neuve et dans tout le pays. J'espère que cela lui permet d'atteindre un de ses objectifs, qui est de mieux apprécier les préoccupations des diverses régions. Le Canada est un pays si vaste qu'il est difficile, pour ceux qui vivent à ses deux extrémités, d'être entendus à Ottawa. Je vous remercie donc de votre visite.

• 0925

Mon message est certainement le même que celui de mes collègues de la Chambre de commerce du Canada et de mes collègues des autres chambres de commerce et organisations commerciales du Canada. Le message ne change pas à Terre-Neuve: il faut que le gouvernement fédéral maintienne ses mesures de restrictions financières et qu'il concentre ses efforts sur l'élimination de la dette nationale.

Le gouvernement a obtenu de bons résultats au cours des dernières années et est parvenu à éliminer le déficit. L'endettement pose cependant un problème beaucoup plus grave. Notre dette nationale dépasse 600 milliards de dollars. Sur chaque dollar recouvré par Ottawa, 30 cents vont au service de la dette.

Les économistes aiment étudier le ratio entre la dette et le PNB afin de se faire une meilleure idée de l'énormité réelle du problème. Ce ratio permet de mesurer le niveau de notre dette par rapport à notre capacité de payer.

Selon le ministre des Finances, le ratio dette-PNB est de 65 p. 100 au Canada. L'an dernier, il avait atteint un pourcentage record de plus de 70 p. 100. On convient en général que le Canada devrait ramener ce ratio au-dessous de 50 p. 100. Les pays européens qui veulent entrer dans la zone de la monnaie européenne unique se sont fixé 60 p. 100 comme objectif. En 1984, le ratio d'endettement du Canada était de 47 p. 100, et il est demeuré inférieur à 50 p. 100, de 1950 à 1984. Nous devrions nous efforcer de revenir à ce niveau.

Un niveau d'endettement aussi élevé compromet les programmes du Canada dans le domaine social ainsi que dans ceux de la santé et de l'éducation. Une part trop importante de cette dette est détenue par les investisseurs étrangers, ce qui est très risqué. Si les investisseurs canadiens ou étrangers perdent confiance dans l'économie canadienne ou dans notre politique économique, les taux d'intérêt vont augmenter et notre niveau d'endettement va encore s'accroître.

Le Canada n'a pas encore suffisamment de latitude pour augmenter les dépenses du programme ou réduire les impôts. Terre-Neuve est un des endroits les plus vulnérables aux effets des restrictions gouvernementales. Nous qui appartenons à la communauté des affaires, savons combien il est important de mettre de l'ordre dans nos finances et de nous protéger contre les risques auxquels peuvent nous exposer les décisions des prêteurs.

Le gouvernement fédéral pourrait certainement prendre certaines mesures pour diminuer les pressions auxquelles les régions telles que Terre-Neuve sont soumises. Il nous faudrait, pour commencer, décentraliser le système d'approvisionnement. Une grande partie des achats du gouvernement se font à Ottawa, ce qui n'offre guère de possibilités aux sociétés régionales d'obtenir des contrats du gouvernement.

Une des autres questions dont notre chambre de commerce discute depuis bien des années est celle de l'installation des bureaux centraux des ministères fédéraux dans les zones les plus logiques et les plus économiques, c'est-à-dire, celles où se déroulent leurs activités. Le commerce et le service hydrographique, Marine Atlantic, Pêches et Océans, sont autant d'administrations dont 80 à 90 p. 100 des activités se déroulent à Terre-Neuve. Pourtant, leurs bureaux centraux se trouvent ailleurs. Marine Atlantic en est un bon exemple; 95 p. 100 environ de ses activités ont lieu à Terre-Neuve. Pourtant, cette société a son siège au Nouveau-Brunswick, où elle a très peu d'activités. Voilà le genre de situations où une intervention du gouvernement lui permettrait d'économiser de l'argent. Dans certains de ces secteurs, il y aurait en fait de véritables dépenses au lieu de transferts.

Le gouvernement fédéral devrait également examiner la question des charges sociales, en particulier les cotisations d'assurance-emploi versées par les employeurs.

Les comptes de AE sont nettement excédentaires aujourd'hui et le fonds de prévoyance est suffisant. Puisqu'il dispose d'une telle réserve, le gouvernement devrait maintenant nettement réduire les cotisations.

Au rythme actuel des restrictions budgétaires, le gouvernement devrait ramener son ratio dette-PNB au-dessous de 6 p. 100 d'ici l'an 2001 ou 2002. Peut-être sera-t-il alors prêt à augmenter les dépenses dans le domaine de la santé et de l'éducation, et d'accorder également un allégement fiscal.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Flood.

Nous allons maintenant passer au représentant du New Democratic Party de Terre-Neuve, M. Jack Harris, MLA. Soyez le bienvenu.

M. Jack Harris (chef du NDP, Newfoundland): Je vais présenter un point de vue quelque peu différent de celui de la personne qui m'a précédée. Je vous remercie de bien vouloir entendre les exposés des diverses personnes présentes. Il est important que vous entendiez ce qui, selon nous, devrait être le contenu du budget fédéral.

• 0930

À propos des politiques de dépenses fédérales, je dois dire que nos prévisions au sujet des changements et du programme adopté par le gouvernement libéral ont créé une situation regrettable pour les Canadiens, mais en particulier, pour les habitants de cette province. Ceux d'entre nous, entre autres, qui travaillent dans le domaine de la justice sociale ont été accusés de créer un climat d'inquiétude, mais la réalité est bien plus mauvaise que ce que nous avions prédit.

Au Canada, on constate aujourd'hui dans l'ensemble que le vieux dicton selon lequel les riches continuent à s'enrichir et les pauvres à s'appauvrir, est confirmé par les rapports de Statistique Canada, notamment le rapport récent sur le revenu après impôt en 1995 au Canada, qui révélait que le revenu des familles les plus pauvres de notre pays avait considérablement baissé et que la tendance de 1989 à 1995 montrait que le cinquième le plus pauvre des familles avait vu son revenu diminuer de 20 p. 100. En comparaison, le revenu d'un cinquième des personnes les plus riches a baissé de 3 p. 100. Il est donc clair que c'est aux dépens des plus pauvres des habitants de notre pays que le Canada a atteint un certain niveau de santé financière.

Pourtant, nous entendons beaucoup parler de notre réussite économique, de l'essor économique au Canada. C'est peut-être un essor dont bénéficient nos grosses sociétés, mais certainement pas les plus pauvres d'entre nous et certainement pas non plus, notre province.

En dehors du grave problème auquel se heurte l'industrie de la pêche du poisson de fond de l'Atlantique, voire même si l'on en fait abstraction, il demeure que c'est chez nous que le taux de chômage est le plus élevé. Les produits alimentaires sont plus chers qu'ailleurs, et dans notre province, un tiers des enfants vivent dans la pauvreté et se couchent et vont à l'école le ventre creux. Il y a là, à notre avis, une situation de crise que le gouvernement a en fait aggravée.

En ce qui concerne les dépenses directes du gouvernement—il ne s'agit pas de la pauvreté chez les enfants mais de l'économie de la province—le gouvernement fédéral a naturellement entrepris un programme de réduction des effectifs de la fonction publique fédérale. Le pourcentage moyen de réduction du nombre des employés fédéraux est de 13 à 14 p. 100; mais à Terre-Neuve, les emplois fédéraux directs ont diminué de plus de 22 p. 100, pourcentage le plus élevé au Canada. Du même coup, l'embauchage direct par le gouvernement fédéral a diminué chez nous, où, par rapport aux autres provinces, la présence fédérale est réduite.

Avant le lancement des programmes de la LSPA, un moratoire a été imposé à la pêche du poisson de fond de l'Atlantique en 1992. Les effets de ce moratoire continuent encore manifestement à être ressentis. Cela a donné lieu à ce qui est probablement la plus grande opération de mise à pied de toute notre histoire. Plus de 20 000 personnes ont perdu leur emploi à la suite de l'effondrement de cette pêche. La LSPA va sans doute prendre fin en 1998, au lieu de 1999, comme on nous l'avait promis. Cela a non seulement un effet sur les familles elles-mêmes mais, bien sûr, sur l'ensemble de l'économie. Nous sommes donc confrontés à un problème très grave; et en 1998, les répercussions vont être considérables.

Cela m'amène au point suivant, celui de la création d'emplois. Apparemment, le gouvernement fédéral s'attendait jusqu'à présent à ce que le secteur privé règle le problème de l'emploi en manipulant les politiques fédérales. Cela ne marche pas dans cette province, cela n'a pas l'effet prévu et, en fait, le secteur privé local n'est pas suffisamment fort pour répondre aux besoins existants.

Il faudrait donc que le gouvernement fédéral concentre ses efforts sur le règlement de certains des problèmes qui existent ici. Il est indispensable que des dépenses supplémentaires soient engagées dans le domaine du logement et de la lutte contre la pauvreté chez les enfants, qui est un problème très réel. Il faudrait que le programme de prestation pour enfants annoncé soit modifié. S'il était appliqué tel quel, les familles monoparentales et les familles à un seul enfant verraient diminuer leurs revenus. Il faut que cela change.

• 0935

Il est indispensable d'inverser l'orientation de notre politique de logements sociaux. L'an dernier, l'autre budget fédéral comportait une proposition très complète dans ce domaine, qui aurait non seulement permis de répondre aux besoins en matière de logement, qui sont élevés à Terre-Neuve, mais également une influence positive sur l'économie, grâce à la création d'emplois.

De nombreux programmes pourraient être lancés. À notre avis, l'attaque du gouvernement fédéral contre le déficit a en fait été, jusqu'à présent, une attaque contre les pauvres et contre les chômeurs.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Harris.

Nous allons maintenant donner la parole aux représentants du Newfoundland and Labrador Building and Construction Trades Council, William Parsons et Vince Burton. Monsieur Parsons, soyez le bienvenu.

M. William A. Parsons (directeur exécutif, Newfoundland and Labrador Building and Construction Trades Council): Merci. Monsieur le président, je suis accompagné de Derm Cain, qui est le président du Oil Development Council.

Premièrement, le Oil Development Council souhaite appuyer les efforts du Ministère qui s'occupe des métiers du bâtiment à Ottawa dans son mémoire au ministre des Finances sur les programmes d'assurance-emploi.

Essentiellement, nous sommes opposés à la réduction de ce programme et à l'utilisation des fonds d'AE à d'autres fins que celles auxquelles ils étaient destinés. Nous ne sommes toujours pas convaincus qu'une telle restructuration du programme permettrait de créer des emplois.

Nous approuvons cependant l'utilisation de ces fonds pour permettre aux travailleurs de faire la soudure entre deux emplois et aussi, pour aider les apprentis qui fréquentent l'école. En outre, nous sommes pleinement partisans de l'idée présentée par le ministère des Travaux publics visant l'utilisation des fonds de l'AE pour aider les jeunes canadiens à participer à des programmes d'apprentissage tout en comblant l'écart pour les travailleurs âgés au moment de la retraite.

Nous voudrions également aborder d'autres questions précises. D'autres personnes que moi, notamment mes homologues d'Ottawa, vous parleront du programme d'AE. Dans notre cas, nous aimerions évoquer la question de l'économie souterraine, l'Accord Atlantique et le partage des recettes, l'effet de l'OCTHE, et l'acquisition de nouvelles compétences.

L'Accord Atlantique, signé en 1985, établissait une compétence commune pour les ressources pétrolières et gazières en mer, exploitées au profit de tous les Canadiens et des habitants de Terre-Neuve et du Labrador en particulier. En résumé, cette loi a donné à la province le droit d'imposer les recettes de toutes les sociétés et d'avoir son mot à dire dans le développement de ces projets.

Parallèlement, des droits ont également été accordés au gouvernement fédéral, ce qui a créé l'illusion que le partage des recettes provenant de l'exploitation de ces gisements pétroliers extracôtiers serait équilibré. En fait, ce n'est pas le cas.

Depuis la signature de l'accord, on a souvent signalé que les recettes seraient presque totalement neutralisées par la réduction des paiements réguliers de péréquation. La province ne recevrait donc qu'une faible partie de sa part, en tant que propriétaire de la ressource, alors que son partenaire réaliserait des gains considérables.

Le déséquilibre de cet accord est confirmé par le fait que les faibles bénéfices que la province réalisera grâce à ces projets devront être utilisés pour soutenir les besoins croissants d'infrastructure et de services de l'industrie.

Malheureusement pour le développement de cette économie, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador ne sera pas en mesure de répondre à tous les besoins, car sa situation financière ne sera pas meilleure qu'elle ne l'était avant la mise en oeuvre de ces projets.

Nous sommes incapables d'expliquer pourquoi le gouvernement fédéral appuie un programme qui freine la croissance de régions de notre pays qui sont en situation économique difficile, alors qu'il a les moyens nécessaires pour investir dans un développement économique à long terme rentable.

Comme nous l'avons déjà dit, le partage des recettes fournies par cette ressource est excessivement favorable au gouvernement fédéral. Dans un article récemment publié dans The Financial Post, le trésor tirera non seulement des recettes directes des propriétaires du projet et de ceux qui y travaillent, mais il doublera ses recettes grâce aux économies qu'il réalisera sur ses paiements de péréquation à Terre-Neuve et au Labrador. En chiffres ronds, le gouvernement fédéral tirera 11 milliards de dollars de l'opération alors que la province ne recevra que deux milliards de dollars.

Du point de vue de l'Oil Development Council, en comparaison des avantages d'un partenariat avec le gouvernement du Canada portant sur le partage de la propriété des ressources extracôtières, le contrat portant sur Churchill Falls est une bonne affaire.

Nous voudrions demander au président de ce comité si c'est la politique de son gouvernement d'équilibrer ses comptes et de s'assurer les faveurs de Bay Street aux dépens des habitants de la province et de la seule réelle possibilité de développement économique durable à Terre-Neuve et au Labrador depuis 20 ans. De plus, le gouvernement du Canada reconnaît-il que, même après avoir investi dans le développement de cette industrie, il décuplera son investissement, alors que le copropriétaire et soi-disant le principal bénéficiaire de l'Accord Atlantique n'en tirera qu'un profit négligeable?

• 0940

En tant que membre de cette industrie et représentant des travailleurs, le Oil Development Council souhaiterait savoir si le gouvernement du Canada a l'intention de corriger ce déséquilibre criant du partage des recettes et d'offrir à Terre-Neuve et au Labrador la possibilité de bénéficier d'un partage plus équitable de la richesse que représentent ces ressources, et de réinvestir ce capital au profit à long terme des Canadiens.

La seconde question que nous souhaitons soulever devant le comité est celle de l'efficacité de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers et la volonté du gouvernement du Canada d'assurer la mise en valeur sûre et économique de nos ressources pétrolières et gazières. Depuis 1992, l'agence créée dans le cadre de l'Accord Atlantique est chargée de gérer conjointement les ressources pétrolières et gazières au large de nos côtes a été systématiquement ramenée à un niveau auquel il lui est actuellement impossible de remplir son mandat.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissez pas cet organisme et en ignore les activités, l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, que nous connaissons mieux sous l'acronyme OCTHE, est chargé de réglementer et de gérer toutes les activités pétrolières dans la zone extracôtière; il doit notamment assurer l'observation de bonnes pratiques sur l'exploitation du gisement pétrolier, la sécurité des travailleurs, la qualité du milieu de travail, et il doit également garantir, dans la mesure du possible, des avantages économiques pour le Canada et pour Terre-Neuve.

Le retrait de l'aide financière à l'OCTHE a plusieurs conséquences évidentes, et constitue donc une source de préoccupations pour l'Oil Development Council. Premièrement, l'établissement de règlements destinés à garantir l'observation de bonnes pratiques d'exploitation du gisement par la société pétrolière nous garantit que la ressource pétrolière et gazière sera exploitée dans l'intérêt bien compris des propriétaires de la ressource: les contribuables. Si ces règlements sont appliqués de manière insuffisante ou incomplète, l'avantage à long terme offert par ces projets de mise en valeur de ressources se trouve compromis. Cela signifierait la perte de milliers d'emplois pour les habitants de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que celle de millions de dollars en redevances et impôts pour les trésors provincial et fédéral.

Deuxièmement, l'établissement, la mise en oeuvre et l'application des normes les plus rigoureuses de sécurité pour les travailleurs et pour le milieu de travail revêtent tant d'importance que nous ne pensons pas que l'un d'entre vous soit prêt à chiffrer la valeur de la prévention et de la formation pour la protection des travailleurs si leur vie se trouve menacée chaque fois que l'aide financière à l'OCTHE est réduite. Un OCTHE fonctionnel et totalement opérationnel doit être créé afin de garantir la sécurité de nos familles et de nos amis. Toute autre solution serait considérée comme un manquement au devoir.

Troisièmement, il est indispensable d'avoir un OCTNHE, avec son personnel de professionnels, qui soit soucieux d'exploiter et de garantir les avantages économiques du développement de nos ressources si notre objectif est de jeter les bases d'un développement économique durable et de créer des possibilités de diversification économique pour les Canadiens, en particulier, pour tous les habitants de Terre-Neuve et du Labrador. L'OCTHE doit avoir la conviction et le courage nécessaires pour s'assurer que le développement de cette industrie ne se fera pas au profit des seules sociétés pétrolières mais aussi des propriétaires de la ressource, les contribuables, de manière à ce que ceux-ci soient adéquatement rémunérés pour les ressources qui leur appartiennent et qu'ils puissent aussi les utiliser.

L'OCTHE a été créé dans le cadre de l'Accord Atlantique. Sa mission est de gérer ces ressources au profit de tous les Canadiens. L'Office n'est cependant pas en mesure de s'acquitter de son mandat car il ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour le faire de manière efficace, et il n'existe pas de président à plein temps pour le diriger. Il serait tout à fait normal que l'OCTHE déclare qu'il lui est impossible d'appliquer les règlements parce qu'il n'a pas les moyens nécessaires, ou que son président refuse de prendre des mesures concrètes, car il n'occupe ce poste qu'à titre intérimaire. Chaque jour, les possibilités et l'atmosphère propice à la participation économique se développent avec rapidité, et cette industrie à croissance rapide se trouve en danger.

L'Oil Development Council demande que l'on renouvelle l'engagement à l'égard de l'OCTHE et de l'Accord Atlantique avant que l'inaction ne conduise à des pertes de vie et (ou) à la perte de débouchés économiques.

Le troisième et dernier point que je voudrais évoquer aujourd'hui concerne le manque de formation professionnelle appropriée pour répondre aux demandes croissantes de l'industrie pétrolière et gazière. L'expérience acquise par l'Oil Development Council en première ligne de cette industrie à Terre-Neuve, ces sept dernières années, l'incite à penser que l'on n'a pas fait suffisamment de recherches sur les exigences professionnelles et les compétences qui seront exigées par l'industrie pétrolière et gazière au cours des 20 à 30 prochaines années. C'est pour cela que, dans le passé, le gouvernement du Canada a offert des ressources financières et autres pour renforcer l'infrastructure de formation dans la province. Grâce à la pleine collaboration de la province, cet effort s'est traduit, dans la pratique, par un excédent de l'offre dans de nombreuses spécialités et par une offre insuffisante dans d'autres. Cela explique l'importation continue de travailleurs dans la province pour soutenir notre industrie.

• 0945

L'Oil Development Council estime que pour tirer le meilleur parti possible de cette industrie sur le plan de l'emploi et du transfert des technologies, il faut que la province parvienne à l'autonomie en ce qui concerne l'offre de travailleurs spécialisés et compétitifs sur le plan mondial.

L'Oil Development Council demande au comité de recommander qu'on répertorie et on évalue les compétences existant dans l'industrie pétrolière et gazière afin de déterminer les domaines dans lesquels l'utilisation des ressources fédérales serait la plus efficace. Pour garantir le succès de cette entreprise, cette évaluation devra cependant être effectuée en pleine consultation avec l'industrie et ses participants.

Un dernier mot, monsieur le président. Nous voudrions poser une question au comité. Dans le budget 1995 du ministre des Finances, M. Martin a évoqué l'existence de l'industrie souterraine. Il a parlé de récupérer ce qui était dû. Nous voudrions savoir où il en est.

Nous remercions les membres du comité de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole devant eux.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Parsons. Nous allons maintenant entendre un autre représentant de PSAC, St. John's Region, M. Mike Stokes.

M. Mike Stokes (représentant régional, St. John's Region, Alliance de la fonction publique du Canada): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de m'avoir permis de comparaître devant vous. Je crois qu'il est bon qu'il soit tenu compte de nos commentaires dans votre budget.

Dans une société démocratique, le rôle du gouvernement est de maintenir la paix, l'ordre et de bonnes pratiques du gouvernement au profit de tous les citoyens. Nous notons, entre autres choses, que notre gouvernement est composé de membres élus de la Chambre des communes, qui sont les décideurs, et de fonctionnaires recrutés pour appliquer vos décisions. Pour qu'une société, un gouvernement ou n'importe quoi d'autre soit valable, il faut que les employés soient traités de manière juste et équitable. Votre gouvernement le fait-il? Je regrette de devoir répondre par la négative.

Vous avez refusé la parité salariale aux groupes suivants: CR, ST, DA, EU, HF et NS. C'est une injustice qui remonte à 1983. La parité salariale a fait l'objet d'interminables négociations et le gouvernement a utilisé diverses techniques dilatoires, les unes après les autres, pour éviter d'avoir à payer. Il est bien long de devoir attendre de 1983 à 1997 pour obtenir un règlement. Ce serait bien long, pour une société privée, si elle était obligée d'attendre aussi longtemps pour que ses factures soient payées.

Vous avez éliminé la clause de sécurité d'emploi de vos contrats. Vous avez eu recours à la sous-traitance, comme cela vous plaisait, sans tenir compte des coûts supplémentaires. Vous avez tellement gelé les salaires que les employés fédéraux n'ont eu qu'une augmentation de 3 p. 100 au cours des six dernières années. Vous avez réduit les effectifs et vous vous êtes délestés de vos responsabilités au point que le stress est devenu insupportable. Et c'est à l'égard de notre province que vous vous êtes montré le plus dur. Vos propres statistiques, présentées aux appendices A et B ci-joints, révèlent qu'il y a eu 24,9 p. 100 de licenciements à Terre-Neuve et au Labrador, le pourcentage le plus élevé au Canada. Ce sont dans les provinces les plus défavorisées qu'il y a eu le plus grand nombre de mises à pied. Est-ce là la marque d'un bon gouvernement? En revanche, vous avez accordé des primes aux cadres et les membres du Cabinet se sont récemment octroyé une augmentation de 15 p. 100.

Je voudrais vous donner brièvement trois exemples de l'effet négatif de la réduction des effectifs.

Premièrement, les employés sont surmenés. Notre province, qui a la superficie combinée de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, a vu réduire les effectifs des services locaux de DRH; en outre, la semaine de travail des employés pour une durée déterminée a été réduite au point où, la semaine dernière, formulaires de demande d'assurance-emploi ont tous disparu du bureau d'accueil. Les personnes qui demandaient de l'aide étaient invitées à utiliser la machine du comptoir de service.

J'ai reçu l'appel de quelqu'un d'ici qui s'est présenté comme étant un travailleur licencié. Ça faisait 60 jours qu'il attendait ses prestations d'assurance-emploi.

Il y a aussi le cas des pompiers de l'aéroport. Dans le passé, pour satisfaire aux normes de sécurité, Transports Canada employait cinq pompiers par quart, un officier et quatre sapeurs. Mais à cause des mesures d'austérité du gouvernement, les règlements ont été modifiés. Il est à présent permis de ne plus avoir que deux pompiers par quart, dont l'un est superviseur, qu'il le veuille ou non. Cette situation a de multiples répercussions, car le service ne peut plus répondre aux urgences nécessitant un effectif complet.

Le Conseil du Trésor juge que c'est là un risque tolérable, mais cela se fait aux dépens des normes de sécurité ainsi que de la santé et de la sécurité de nos membres. C'est à croire que le gouvernement veut en venir à appliquer le même genre de facteur sécurité que dans les pays du tiers monde.

• 0950

Les résidants de Terre-Neuve et du Labrador dépendent beaucoup plus du transport aérien que vos électeurs, dans le centre du pays. La sécurité de ce mode de transport revêt donc une extrême importance.

Pour vous donner un dernier exemple, et parler de ce que j'ai personnellement constaté, sachez que nous avons enregistré, au cours des douze derniers mois, plus de demandes de rentes d'invalidité, de pensions d'invalidité et d'indemnisations au titre des accidents du travail que pour n'importe quelle période équivalente lors des dix dernières années. Et ce phénomène n'est pas dû au fait que les employés veulent percevoir des allocations et ne rien faire. Ils sont bien conscients que, normalement, les prestations ne sont versées que pour de courtes périodes—deux ans au maximum—et que leur emploi risque d'avoir disparu quand ils seront prêts à reprendre le travail. Non! les employés sont stressés et leur santé s'en ressent.

Pour vous répondre au sujet de la rapidité avec laquelle le gouvernement est parvenu à juguler le déficit, je vous dirai que les choses se sont faites trop rapidement. Les gens ont été durement touchés par ce processus beaucoup trop rapide.

Les méthodes employées étaient-elles appropriées? Eh bien non, parce que la réduction du déficit a été réalisée sur le dos des travailleurs, des pauvres et des défavorisés.

Quelles priorités le gouvernement devrait-il établir en matière de diminution de la dette, d'augmentation des dépenses ou d'allégements fiscaux? Eh bien, il vient lui-même d'admettre qu'il est en avance de deux ans par rapport à ses objectifs de réduction de la dette.

La plus grande partie de notre dette nationale a été créée artificiellement. Tout remonte à l'époque où le gouvernement Trudeau a demandé à la Banque du Canada de faire passer les taux d'intérêt nettement au-dessus des 10 p. 100, le premier ministre ayant déclaré que cela était nécessaire pour créer du chômage et ainsi juguler l'inflation. Plus tard, le premier ministre Mulroney a annoncé qu'il fallait augmenter de nouveau les taux d'intérêt pour freiner la surchauffe de l'économie torontoise. Si je comprends bien, le seul problème que nous avions au Canada, c'est que Toronto risquait de surchauffer. Or, pour freiner cette économie locale, nous avons mis les autres régions en faillite, nous avons mis tout le Canada en faillite. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour se rendre compte qu'on aurait pu augmenter les taxes sur les permis à Toronto, par exemple, d'un maximum de 1 000 p. 100. Nous aurions ainsi freiné la surchauffe économique à Toronto et le reste du pays aurait pu conserver tout son dynamisme.

D'après ce que je viens vous dire, il doit maintenant vous être évident que je suis favorable à une augmentation des dépenses. Il est temps de remettre les Canadiennes et les Canadiens au travail. Pour cela, vous devez obtenir que vos employés s'allient à vous. Il ne suffit pas d'adopter de nouveaux slogans du genre «Notre défi, c'est servir», qui a deux jours à peine. Vous devez donner à vos employés les ressources dont ils ont besoin pour faire correctement leur travail. Vous devez régler le problème de l'équité salariale et vous devez autoriser le Conseil du Trésor à négocier des conventions collectives décentes.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stokes.

Nous allons à présent entendre les représentants de la Newfoundland and Labrador Road Builders Association: MM. Leonard Knox, David Burnell et Rick Spracklin. Bienvenue messieurs, vous pouvez commencer.

M. Leonard Knox (président, Newfoundland and Labrador Road Builders Association): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui, à l'heure où vous vous préparez à formuler vos recommandations prébudgétaires au ministre.

Avant de continuer, je tiens à préciser que nous représentons une grande partie du secteur privé de Terre-Neuve. Nous faisons donc partie de Canada Inc., mais notre société, qui est établie ici à Terre-Neuve, attend encore de percevoir ses dividendes de la maison-mère, Canada Inc. Nous n'en avons pas encore vu la couleur.

Je vais essayer d'être bref et de m'en tenir aux quelque cinq minutes qui me sont accordées.

S'agissant de la question qui nous a été soumise—qui consiste à déterminer les moyens de promouvoir la croissance économique et la création d'emplois?—il est généralement reconnu que le meilleur véhicule de la croissance et de la création d'emplois est le secteur privé. Les programmes «miracles» du gouvernement ne permettent généralement que de créer des emplois à court terme, sans avenir.

Il est important que les gouvernements gouvernent, et qu'ils le fassent d'une façon qui soit compatible avec la création d'un climat économique favorable aux investissements. La concurrence que les entreprises se livrent pour obtenir de nouveaux marchés et attirer des investisseurs a évolué dans le temps. Le Canada doit offrir un climat qui reflète, dans le monde entier... Nos entreprises doivent maintenant être prêtes à affronter leurs concurrents partout dans le monde. Il est essentiel de disposer d'une infrastructure de base si l'on veut promouvoir la croissance économique. À long terme, celle-ci permettra de créer des emplois véritables pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens.

Nous, qui sommes les représentant d'une association de grande envergure, sommes grandement préoccupés par la dégradation de notre réseau routier et par son effet négatif sur la compétitivité économique du Canada. Les Canadiens gaspillent de l'essence, du temps et de l'argent, mettent leur santé et la santé de l'environnement en danger, et, comme si ce n'était pas tout, tout le cela leur fait perdre du terrain dans la nouvelle économie mondiale. La dégradation de notre réseau routier ne fait qu'imposer des coûts inutiles sur les sociétés canadiennes et gruger notre capacité compétitive, par une réduction de la demande de nos produits. Terre-Neuve est relativement plus désavantagée que le reste du Canada, parce que nous n'avons de réseau ferroviaire comme ailleurs. Nous n'avons que le réseau routier.

• 0955

Je vais brièvement vous parler de deux secteurs fédéraux, qui sont sans doute les deux plus gros employeurs au Canada: celui du commerce et celui du tourisme.

En 1995, nos échanges commerciaux au Canada ont atteint 31,5 milliards de dollars, soit 20 p. 100 du PIB et près de deux millions d'emplois. La part que représente le commerce international dans l'économie canadienne croît d'année en année. Des données récentes de Statistique Canada indiquent que 1995 a été une année record, le surplus de la balance commerciale étant passé de 15,4 milliards de dollars en 1994 à 28,3 milliards de dollars, soit 32,4 p. 100 du PIB national.

L'incidence du tourisme sur l'économie canadienne continue, elle aussi, d'augmenter. En 1995, ce secteur a rapporté en tout 41,8 milliards de dollars au Canada, soit une augmentation de 69 p. 100 par rapport à 1986. En 1994, les Canadiens ont effectué 76,6 millions de voyages avec nuitée, dont 68,5 millions (ou 89 p. 100) en utilisant l'automobile. Nous avons accueilli 16 millions de visiteurs de l'étranger, les Américains représentant 78 p. 100 du total et le reste venant d'outre-mer; 60 p. 100 des visiteurs américains ont utilisé l'automobile.

Quand l'actuel gouvernement libéral était dans l'opposition, le groupe de travail libéral sur l'infrastructure a reconnu l'importance du réseau routier pour notre économie. Il a donc recommandé que le gouvernement fédéral s'engage à remettre en état et à prolonger la transcanadienne.

Permettez-moi de vous citer un passage de son rapport:

    ... les répercussions économiques d'un réseau routier en mauvais état sont stupéfiantes. Selon certaines études, la productivité des régions dépend énormément de leur réseau de transport. Les embouteillages provoquent une augmentation du coût des matériaux et des biens transportés par la route, réduisant ainsi la compétitivité de l'industrie (...) Le mauvais état du réseau routier et la pollution des voies navigables ont une incidence négative sur le tourisme, secteur important de l'économie canadienne.

Une récente étude de Transports Canada effectue d'ailleurs le même constat.

Quant à nous, un grand point d'interrogation demeure: comment allons-nous payer les travaux nécessaires? Après examen des avis d'experts, dont ceux fournis par les gouvernements, nous proposons que les gouvernements continuent de contribuer à l'entretien du réseau routier national. Les gouvernements sont les principaux propriétaires de l'infrastructure publique, notamment du réseau routier. Il est devenu habituel, pour eux, d'envisager la question du financement des travaux d'infrastructure nécessaires en cherchant une réponse à la question suivante: Comment faire en sorte que le gouvernement, propriétaire d'un ensemble d'infrastructures traditionnelles, en assure la maintenance mais demande à quelqu'un d'autre d'assumer une partie ou la totalité du coût des travaux?

Quand ils se penchent sur la question des investissements dans l'infrastructure, les gouvernements envisagent de plus en plus de conclure des partenariats avec le secteur privé. En général, un partenariat public-privé veut dire que les organismes du secteur public transfèrent leurs responsabilités aux entreprises. Celles-ci assument donc la responsabilité des installations publiques dans le dessein de réaliser des bénéfices en vendant les services normalement offerts par les installations en question. Autrement dit, on demande aux usagers de payer pour utiliser ces installations...

Le président: Monsieur Knox, pouvez-vous ralentir un peu, pour l'interprète?

M. Leonard Knox: Très bien, mais moi aussi, j'ai un problème de temps.

La construction et la réfection du réseau national canadien par les gouvernements fédéral et provinciaux ont toujours été financées par le trésor public. Il n'existe pas de lien direct entre les taxes que le gouvernement prélève sur les carburants et les sommes qu'il investit dans le réseau routier, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis. En d'autres mots, on ne réserve pas, ici, de fonds particuliers à investir dans les routes.

Le gouvernement fédéral perçoit 13,7c. de taxes sur chaque litre d'essence. En 1995, Ottawa a ainsi recueilli 5 milliards de dollars de taxes sur la vente d'essence. Au cours de l'exercice financier 1996-1997, Transports Canada ne dépensera que 5 p. 100 de ces recettes-là.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, le financement du programme national routier du Canada se ramène donc à deux options fondamentales: nous pouvons continuer d'assurer ce financement grâce aux recettes fiscales, ou nous pouvons conclure des partenariats entre le secteur public et le secteur privé, en vertu de quoi les usagers du réseau routier national canadien devront en assumer directement les frais. On pourrait également avoir recours à une combinaison de ces deux formules, mais les gouvernements devraient alors être prêts à imposer un droit d'utilisation du réseau routier, ce qui ne se fait pas actuellement. Selon des travaux récents par Transports Canada et selon l'Étude de la politique sur le réseau routier national, il semble qu'il ne soit pas vraiment possible d'imposer des frais d'utilisateur pour le réseau routier national.

• 1000

En conclusion, monsieur le président, la Newfoundland and Labrador Road Builders Association propose cinq recommandations à ce comité.

Premièrement, nous recommandons que le gouvernement fédéral, par le truchement d'une loi du Parlement, désigne le réseau routier national canadien, conformément à ce qui est décrit dans le rapport sur l'Étude de la politique sur le réseau routier national. Cela officialiserait le statu quo.

Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte une politique nationale relativement au réseau routier, à long terme, prévoyant des améliorations, des travaux de maintenance et d'expansion dans l'avenir. Cela permettra d'utiliser efficacement l'argent des contribuables et d'effectuer des investissements judicieux dans les infrastructures.

Troisièmement, nous recommandons qu'afin de répondre aux besoins immédiats du réseau routier national canadien, le gouvernement fédéral adopte un programme de remise en état de ce réseau.

Quatrièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral augmente la proportion des recettes fiscales de l'essence qu'il consacre au réseau routier, pour répondre à ses besoins immédiats. Notre association estime que si l'on allouait 2c. des recettes fiscales de l'essence, on pourrait payer les coûts d'entretien du réseau national. Nous ne recommandons pas d'augmentation de cette taxe. Il est simplement question d'utiliser une partie des taxes actuellement perçues.

Cinquièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral crée un fonds en fiducie spécial pour le réseau routier. Cela reprend la formule qu'appliquent déjà nos partenaires dans l'ALENA.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous venons de répondre à plusieurs questions au sujet de l'état de notre réseau routier national; outre les besoins, nous avons traité du pourquoi, du où et du quoi. Il ne nous reste qu'à déterminer quand et comment nous financerons le programme routier national.

Le groupe de travail libéral sur l'infrastructure, en 1990, avait formulé une suggestion: qu'on envisage d'appliquer les recettes fiscales de l'essence à la construction et à l'entretien des routes.

Merci de nous avoir donné l'occasion de vous soumettre cet exposé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Knox.

Nous allons à présent passer à la représentante de la Newfoundland and Labrador Federal Joint Adjustment Committee, Jeannie Duffett. Bienvenue.

Mme Jeannie Duffett (Newfoundland and Labrador Federal Joint Adjustment Committee): Merci beaucoup. Je suis très heureuse de faire partie de ce groupe aujourd'hui. Je tiens tout de suite à dire que le Canada ne s'arrête pas à la Nouvelle-Écosse et je suis sûre qu'il était très important, pour nous tous qui sommes assis de ce côté de la table, de vous accueillir à Terre-Neuve-Labrador.

Je suis fière du travail accompli par le Newfoundland and Labrador Federal Joint Adjustment Committee. Ce comité a été mis sur pied en 1995 pour faire quelque chose pour les 55 000 employés fédéraux qui venaient de perdre leur emploi à cause des réductions budgétaires annoncées la même année par le gouvernement. Et ce fut une bonne chose, parce que nous avons vraiment infléchi le cours des événements en permettant à ces gens de ne pas être obligés de quitter la fonction publique fédérale.

Sa structure bicéphale, syndicat-patronat, nous était tout à fait nouvelle; c'était la première fois en effet que nous réunissions quatre organisations multifonctionnelles qui ont accepté de se pencher sur des questions d'intérêt commun.

Au début, le Newfoundland and Labrador Federal Joint Adjustment Committee a dû gagner la confiance de tous. Et quand je parle de «confiance», c'est qu'il ne nous a pas toujours été facile de faire avancer les choses car nous avions affaire, d'un côté, à la partie syndicale et, de l'autre, à la partie patronale. Mais le processus envisagé nous a permis de nous rencontrer dans le cadre de tribunes interministérielles pour discuter de questions d'intérêt commun, de questions touchant aux ressources humaines. Le degré d'engagement, tant de la part des syndicats que de la part du patronat, a augmenté au même rythme que le niveau de confiance.

Au début, huit ministères participaient à ce processus. Nous en comptons maintenant 12.

Je suis venue aujourd'hui vous parler des compressions budgétaires effectuées par le gouvernement fédéral dans la région de Terre-Neuve-Labrador. Nous représentons et nous servons une population de 551 000 âmes. D'une côte à l'autre, on compte plus de 800 collectivités. À cause de nos 29 000 kilomètres de littoral, la géographie de Terre-Neuve et du Labrador a toujours été une gageure pour nous tous.

Malheureusement, 20 p. 100 de nos travailleurs sont au chômage et ce nombre ne cesse d'augmenter de jour en jour. Depuis 1995, la fonction publique fédérale a réduit ses effectifs dans la province de près de 25 p. 100; c'est la plus forte réduction au pays et énormément de personnes sont donc touchées.

• 1005

À propos de ces 25 p. 100 de réduction, je vais vous citer l'exemple du ministère des Transports qui, dans la province, a comprimé ses effectifs de 74,8 p. 100. Voilà une réduction très importante pour notre région. Le ministère des Ressources naturelles a, quant à lui, dégraissé ses effectifs de 61,3 p. 100. Autre exemple, celui de la Commission de la fonction publique, qui a diminué son personnel de 40 p. 100. Je tiens à votre disposition des copies de tout ce document, alors n'hésitez pas à m'en demander une.

Je veux aussi vous parler du cas de la Baie Voisey. Tout le monde a entendu parler de ce dossier, n'est-ce pas? On nous avait promis un tas d'argent, on nous avait parlé de croissance et de création d'emplois.

Malheureusement pour notre région, nous ne sommes pas représentés dans le secteur des mines et de l'énergie. Pour obtenir des renseignements, ou pour avoir quelque contact que ce soit, nous avons dû aller à Ottawa. C'est tout de même ironique que nous ayons dû nous rendre dans la capitale fédérale pour obtenir des informations sur un dossier concernant le secteur des mines et de l'énergie de Terre-Neuve-Labrador.

Approvisionnements et Services Canada a supprimé son imprimerie de chèques dans la région Terre-Neuve-Labrador, pour la relocaliser à Halifax, même si elle fonctionnait très bien ici. Depuis, les chèques de pension destinés à notre région, ou encore les chèques destinés aux personnes en formation, sont maintenant imprimés à Halifax.

Plus tôt, je vous disais que l'effectif de la Commission de la fonction publique dans la région a été réduit de 40 p. 100.

Voici donc quelques-uns des sujets dont je veux vous parler aujourd'hui pour que vous sachiez bien ce que les réductions ont signifié pour la région Terre-Neuve-Labrador.

Je veux aussi vous parler du fait que le gouvernement provincial est en train d'examiner ses programmes, et je vous laisse imaginer ce que cela va donner. Nous en avons à peine terminé avec les réductions du gouvernement fédéral que le gouvernement provincial s'apprête à faire la même chose.

Les réductions ont-elles été trop importantes? Oui, très certainement. Le gouvernement fédéral devrait se faire une idée des conséquences des réductions qu'il envisage, dans des régions où le taux de chômage est aussi élevé, avant de passer aux actes. Voilà un aspect dont je veux vous entretenir, parce que j'estime que les réductions ont été fort mal planifiées.

À l'heure où le gouvernement fédéral envisage de desserrer les cordons de la bourse, je vous invite à songer aux besoins de ma région. Je vous demande, en outre, d'examiner les conséquences des coupures effectuées dans la région. Elles ont été très marquées. Je vous demande de vous y intéresser.

Je vous disais que mon exposé allait être bref, mais comme je suis employée de la fonction publique fédérale et que je me trouve dans cette pièce avec autant de députés... Voyez-vous, je crois qu'il faut savoir être opportuniste dans la vie; eh bien, je veux une augmentation. Je veux être augmentée d'au moins 15 p. 100, comme les ministres du Cabinet, ni plus, ni moins... mais pareil. Je suis surchargée de travail, sous payée et je réclame l'équité salariale.

Merci de m'avoir donné l'occasion de vous soumettre ce point de vue aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.

Le dernier exposé est celui de la Community Alliance for Better Solutions. Nous accueillons donc Mmes Joyce Hancock, Moyra Buchan et Janice Lockyer.

Mme Joyce Hancock (Community Alliance for Better Solutions): Avant de commencer, je tiens à vous dire que la CABS réunit plus de 100 groupes communautaires. La façon dont nous nous sommes assis ici vous donne une idée de tout le temps que vous devriez passer à nous entendre si vous vouliez vraiment savoir ce que les groupes communautaires pensent de l'obsession du gouvernement à lutter contre le déficit et à réduire la dette. Nous n'avons pas mis longtemps à préparer ce que nous voulons vous dire.

Je vais maintenant laisser la parole à Moyra.

Mme Moyra Buchan (Community Alliance for Better Solutions): Je suis membre de l'Association canadienne pour la santé mentale ainsi que de la Community Alliance.

• 1010

Mme Janice Lockyer (Community Alliance for Better Solutions): Je représente le comité de restructuration des services sociaux de Terre-Neuve. Je suis également étudiante à l'université et avant d'en arriver où je suis aujourd'hui, j'ai vécu grâce aux allocations du bien-être social versées par la province.

Mme Joyce Hancock: Je tiens à vous préciser que j'ai également pris part aux consultations de planification stratégique sociale pour la province. J'ai encore tout frais à l'esprit ce que les collectivités de Terre-Neuve et du Labrador estiment être important sur les plans économique et social pour la province, et ce qu'elles ont fait savoir à notre gouvernement.

Pour répondre à votre question au sujet de la rapidité du processus, je dirais, bien sûr, que les choses ont été trop vites. On peut voir, ici, les conséquences des actions du gouvernement fédéral sur le plan de la relocalisation des personnes. Quand tout le monde, à Terre-Neuve et Labrador, se retrouvera dans des centres urbains, vous aurez détruit le tissu de notre province. D'ailleurs, c'est ce qu'on entend dire tous les jours dans nos collectivités, où l'on essaie simplement de survivre. Vous ne prenez pas en compte ni les idées, ni le caractère novateur des solutions que nous proposons à certains de nos problèmes. Tous les jours, nous constatons, impuissants, à ce qu'on appelle la fuite des cerveaux, la migration de nos jeunes, le phénomène de relocalisation. De plus en plus de nos gens quittent les campagnes pour aller dans les villes.

Nous espérons d'ailleurs que cet exercice ne consiste pas simplement, pour vous, à évaluer les conséquences politiques de tout cela. Maintenant que le gouvernement fédéral vient juste d'être réélu, nous souhaitons ardemment que votre comité écoute ce que nous avons à dire et revienne nous voir pour savoir quelle solution créative nos communautés pourraient proposer.

Dans cette province, nous comptons énormément sur les paiements de transfert du fédéral, si bien que les réductions budgétaires et les mesures visant à diminuer la dette ont été lourdes de conséquences pour nous. Dans tout cela, vous n'avez certainement pas tenu compte du haut taux de chômage, ici, et du moratoire qui avait été convenu, avant d'enclencher ce processus. À cause de l'absence de véritables programmes de création d'emplois, fondés sur la capacité de nos collectivités, le programme de réduction du déficit a eu un impact marqué sur nos programmes de santé, d'éducation et sociaux, à une période où notre province dépendait le plus de vous.

Nous estimons que les méthodes appliquées par le gouvernement fédéral étaient complètement inadaptées, qu'elles n'ont pas tenu compte des besoins de la province ni de son potentiel en matière de ressources naturelles et de capacité communautaire.

Pour répondre à certaines de vos questions sur la façon dont le gouvernement fédéral devrait établir ses priorités, sachez d'abord que nous trouvons ce genre de consultations aliénantes et créatrices de divisions, parce que notre province n'est pas uniquement faite de centres urbains. Nous voulons que vous vous mettiez beaucoup plus à l'écoute des solutions que nos collectivités ont à vous proposer. On a l'impression, en fait, que l'industrie et le secteur des affaires parviennent toujours à se faire entendre de vous. Vous risquez de passer à côté de bien des idées et des visions qui pourraient permettre d'accroître la capacité de nos collectivités, si vous ne vous rendez pas là où nos groupes communautaires se sentent à l'aise pour se confier à vous.

Il convient d'admettre que le Canada est constitué de dix provinces et de deux territoires, et que nous avons besoin de collectivités actives, fortes et dynamiques, aptes à contribuer à l'assiette fiscale qui permettra de réduire le déficit. À cause de la réduction des transferts de paiement, l'éducation et la formation sont désormais moins accessibles qu'auparavant; à cause de cela, les jeunes d'aujourd'hui risquent de devoir rembourser des dettes tout au long de leur vie, à moins qu'ils n'aient d'autres choix que de dépendre des programmes de soutien du revenu.

À cause de cette image de province dépendante d'Ottawa et du reste du Canada, les politiciens fédéraux ne sont pas inquiétés, malgré les ravages que la lutte obsessionnelle au déficit a occasionnés dans notre province. Parmi les priorités à adopter pour cette province, il faut prévoir des programmes de formation et d'éducation accessibles et adaptés, ne risquant pas de plonger nos concitoyens dans des dettes permanentes. Nous avons besoin d'un système de services sociaux et de soins de santé respectueux de la dignité et du respect de la personne. Nous avons besoin que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux collaborent à la mise sur pied de programmes de création d'emplois reposant sur les réalités économiques et sociales de la province.

Il est peut être à la mode, en ce moment, d'investir de l'argent dans des programmes comme ceux destinés à lutter contre la pauvreté des enfants, car ils permettent sans doute de marquer des points sur le plan politique quand on veut bien considérer ce genre de programmes à part des autres. Malheureusement, on passe alors à côté du fait que les enfants ne sont pas les seuls à être pauvres, que leurs parents ou leurs collectivités le sont également. Ainsi, il faudrait, dans les programmes destinés à éliminer la pauvreté des enfants, admettre la nécessité de permettre aux parents d'accéder à des emplois véritables, décemment payés.

Enfin, quand je vois qu'on commence à se congratuler pour en être arrivés là où on en est relativement à notre dette ou à nos objectifs de réduction de la dette, je crois qu'il faudrait... J'estime que nous passons trop de temps à analyser notre situation financière, alors qu'en fait nous devrions nous livrer à ce que j'appellerais une analyse des conséquences sociales. À la fin d'un exercice financier, le ministre des Finances devrait commenter notre situation, dire où nous en sommes par rapport à la dette et à nos objectifs de réduction du déficit et parler des conséquences sociales de ces décisions financières... On dirait alors aux Canadiennes et aux Canadiens là où nous en sommes vraiment.

• 1015

Dans cette province, nous constatons quotidiennement les profondes répercussions de ce genre, et les groupes qui sont raccrochés à la Community Alliance for Better Solutions en entendent de plus en plus parler. Je vais vous donner un exemplaire du document intitulé Investing in People and Communities, que nous avons remis à notre gouvernement provincial, pour lui faire savoir ce que les gens pensent à ce sujet. Nous attendons impatiemment de connaître sa position.

Quoi qu'il en soit, sachez que le rôle du gouvernement fédéral n'en est pas moins important, parce que nous dépendons de lui.

Mme Moyra Buchan: Je veux ajouter quelque chose à ce que Joyce vient de dire. Nous avons tiré quelques enseignements plutôt douloureux ces dernières années, quant à l'état de notre capital social, dans le sillage des réductions opérées sur le chapitre du Transfert canadien de santé et des programmes sociaux. Tout a été calculé et exprimé en dollars, mais pas en souffrances humaines. C'est pour cela que nous avons besoin d'une vérification de l'état social des choses, d'une vérification portant sur les répercussions des politiques sociales tout autant que sur les décisions budgétaires.

M. Harris parlait tout à l'heure de la polarisation croissante à laquelle on assiste dans notre province, entre les riches d'un côté, et les pauvres de l'autre. À l'heure où nous sommes confortablement installés dans l'Hôtel Delta, il faut savoir qu'un enfant sur trois, dans notre province, vit dans la pauvreté, autrement dit qu'il est mal nourri. Or, c'est quand les gens sont bien nourris et qu'ils sont aptes à être productifs qu'on peut parler d'une société en santé. Malheureusement, dans notre province, il y a des enfants qui sont mal nourris.

Une enquête récente effectuée par la Newfoundland Dietetic Association a permis de constater qu'il faut consacrer 84 p. 100 des allocations familiales de base pour acheter un panier d'aliments économiques mais nourrissants. Comment les gens font-ils pour répondre à leurs autres besoins? Nous savons que les enfants sont mal nourris.

Sur le plan de la santé mentale, notre association, l'Association canadienne de santé mentale, a donné 170 séminaires au cours des deux ou trois dernières années, dans nos écoles et collectivités. Nous avons pu jauger les répercussions des coupures budgétaires sur les gens, d'après le sentiment de désespoir et d'impuissance que les jeunes éprouvent quant à leur avenir. Le taux de chômage actuel est de 30 p. 100, ici. Les gens ne savent pas ce qu'il va advenir d'eux. Nous sommes très sérieusement en train de gruger notre capital social.

En 1993, au début du moratoire, notre association a effectué une étude auprès de 24 collectivités touchées par la crise des pêcheries, pour savoir comment les gens se sentaient à l'époque. Eh bien, ils ressentaient à peu près la même chose que maintenant, si ce n'est que leurs sentiments sont à présent exacerbés: impression de ne pouvoir infléchir les décisions qui vont affecter leur avenir, impression d'impuissance et de ne rien maîtriser. À l'époque, on avait recommandé que les gens puissent participer à la planification de leur avenir, à l'évaluation des points forts et des points faibles de leurs collectivités, à la recherche de nouvelles activités vitales pour leurs collectivités. Or, ce processus n'a jamais été enclenché. Si nous l'avions fait, nous nous en serions beaucoup mieux sortis.

Mme Janice Lockyer: Je suis essentiellement ici pour chercher des solutions aux problèmes que nous connaissons. On m'a demandé de siéger à un comité à la suite d'un exposé que j'avais fait à certains membres du cabinet, dans un contexte semblable à celui-ci, parce qu'ils avaient beaucoup aimé tout ce que j'avais dit. À l'époque, j'en étais très heureuse. C'est un petit peu comme si l'on m'avait remis mon cadeau de Noël en catimini. Dans ma nouvelle position, je savais ce qui s'en venait. Je voyais les merveilleuses choses qu'on envisageait. Il y avait tout ces gens assis autour de la table qui voulaient de belles et bonnes choses pour la province. Ils voulaient qu'on instaure des liens, qu'on développe les collectivités, ils voulaient que tout soit chouette. Mais, quand on s'en rend compte qu'il n'y a que 250 millions de dollars pour faire tout cela, on s'aperçoit que l'exercice est futile.

Pour l'instant, nous avons 10,9 millions de dollars à consacrer au développement du marché de l'emploi, ce qui pourrait nous permettre d'aider de 2 500 à 3 000 résidants de cette province, alors que nous en avons 60 000 qui dépendent de l'aide sociale ou du soutien au revenu. Alors, dès qu'on se retrouve avec ce genre de données, on commence à raisonner en termes d'objectifs, on se demande qui on va aider et qui on va devoir délaisser, etc.

• 1020

J'ai 27 ans et quand on songe que vous venez de repousser à 30 ans l'âge limite pour la définition d'un «jeune», la coïncidence est intéressante. Je crois que c'est cela, maintenant, n'est-ce pas? Personnellement, je me sens adulte, j'agis comme une adulte, j'ai la plupart des talents et des compétences d'une adulte, mais on continue de me considérer comme une jeune; peut-être a-t-on raison, parce que je n'ai pas d'emploi, que je n'ai pas d'expérience, etc. Mais au rythme où vous allez, vous allez devoir repousser cet âge de la jeunesse à 40 ans. Je dis toujours en plaisantant à ma mère qu'elle sera vraiment fière de moi quand, âgée de 45 ans, j'obtiendrai mon premier bon emploi au bas de l'échelle, à 20 000 $ par an.

Ce que je veux dire, en fait, c'est que si j'ai accepté de siéger en tant que bénévole à ce comité, c'est parce que je voulais vraiment influer sur les changements annoncés. J'ai l'enthousiasme et l'idéalisme de ma jeunesse, j'ai tout ça ici, dans moi, comme d'autres, et je sais que je peux m'en servir, faire des choses, parce que je suis douée. J'ai énormément d'idées, comme bien de mes amis, mais dans ce pays, je suis muselée. Vous dévaluez nos collectivités, vous vous déchargez sur elles, mais vous ne leur donnez pas d'argent pour faire ce qu'elles doivent faire. Quand cela va-t-il changer? Quand ferez-vous en sorte qu'il en soit autrement?

Nous n'avons pas nécessairement besoin d'emplois dans les grandes industries, ou que sais-je encore. Ce qu'il faut, c'est commencer à mettre nos gens en valeur et à exploiter leurs compétences pour qu'ils puissent contribuer utilement à la société. Pour cela, il faut commencer à valoriser nos collectivités et à écouter leurs idées, à créer des emplois permanents pour que les gens, l'année prochaine, ne soient pas obligés de déménager en Colombie-Britannique pour y occuper un poste de directeur de district de clubs de garçons et filles, qu'ils perdront au bout de six mois, après expiration de leur contrat.

Moi, je veux rester à Terre-Neuve. C'est ici que je suis née et que j'ai grandi. Ma mère habite dans un petit village, et ça bousculerait pas mal sa vie si je devais m'en aller. Je ne sais même pas si je vais pouvoir terminer le travail que j'ai entrepris auprès de cette collectivité. Et pourtant, il faudra bien que je bouge, parce que j'ai bientôt 30 ans. Je ne suis plus très jeune.

Mme Moyra Buchan: Pour en terminer, monsieur le président, je dois vous dire qu'il y a du travail à faire à Terre-Neuve. On a toujours tendance à se tourner vers le secteur privé pour créer des emplois. Mais nous, qui travaillons en contact avec la communauté, nous savons qu'il y a beaucoup de travail à y faire: pour satisfaire les besoins sociaux et les besoins de santé des gens qui résident ici, pour travailler auprès des jeunes, pour travailler auprès des personnes âgées, pour travailler auprès des familles. Les résidants des collectivités, eux, savent où il faut intervenir.

Les solutions appliquées par le sommet de la pyramide et l'actuelle structure des programmes de formation professionnelle n'ont pas donné de résultats. La LSPA n'a pas fonctionné. La plus grande partie de l'argent a été dépensé dans le dessein secret de déplacer les gens. Or, on pourrait créer des emplois dans les collectivités, à condition de donner la possibilité aux gens de les inventorier et de leur confier les ressources voulues pour les créer.

Le président: Merci beaucoup.

Je tiens à remercier la Community Alliance for Better Solutions d'être venue nous présenter son point de vue à ce sujet.

Nous allons à présent passer à la période des questions.

[Français]

Monsieur Desrochers, avez-vous des questions?

M. Odina Desrochers: J'aimerais remercier chacune des personnes qui, ce matin, nous ont fait connaître leur état d'âme. Chacune de vos présentations démontre clairement que vous êtes très sensibilisés au drame social qui affecte profondément votre province.

J'aurais deux courtes questions pour M. Roger Flood. L'une a trait à la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique et l'autre, à l'assurance-emploi.

Monsieur Flood, je suis d'accord avec vous que le gouvernement fédéral devrait décentraliser davantage ses opérations, ce qui lui permettrait de planifier un meilleur programme pour venir en aide aux pêcheurs de votre province.

Comme vous le savez, un seul fonctionnaire en provenance d'Ottawa a pensé la Stratégie du poisson de fond, programme qui a été fortement critiqué par le vérificateur général et l'ensemble des intervenants socioéconomiques de Terre-Neuve. Ce programme aurait-il été plus efficace s'il avait été créé de concert avec les gens de votre milieu et administré par le gouvernement provincial?

Deuxièmement, vous dites clairement que le gouvernement fédéral devrait diminuer les cotisations au régime d'assurance-emploi. Nous, du Bloc québécois, réclamons une baisse minimum de 35 cents. Votre demande rejoint-elle nos objectifs?

• 1025

[Traduction]

M. Roger Flood: Pour répondre à votre première question, si la LSPA, ou tout autre programme d'aide aux pêcheurs à Terre-Neuve avait été mis sur pied par les gens du secteur des pêches et par les autorités provinciales, il est certain que les résultats auraient été beaucoup plus concluants. Je vous réponds donc par l'affirmative.

Je ne sais pas si les primes d'assurance-chômage ont effectivement été réduites de 35c. Je n'en suis pas sûr. Mais c'est certainement un pas dans la bonne direction, et j'y suis favorable.

[Français]

M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président. Vous pouvez donner la parole à mon collègue.

[Traduction]

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Une fois encore, nous venons d'entendre des témoignages très émouvants à propos des préoccupations, parfois teintées de désespoir, des résidants de Terre-Neuve et du Labrador. Notre séance de ce matin ressemblait tout à fait à celle-ci.

Je dois vous dire que je suis un peu perplexe. Ce matin, la Chambre de commerce est venue nous faire part de ses craintes à propos de l'avenir de la LSPA et de la nécessité de maintenir ce programme d'une façon ou d'une autre. L'association des constructeurs routiers nous a dit qu'il est important de développer le réseau routier pour des raisons économiques. On nous a révélé des faits horrifiants: 29 p. 100 de chômage chez les jeunes; des étudiants qui ploient sous le poids des dettes; un port, ici à St. John's, qui est complètement pollué et qu'il faudra nettoyer à coup de 130 millions de dollars; la fuite des cerveaux parce que les gens doivent aller en Colombie-Britannique ou ailleurs pour y trouver des emplois temporaires; un tiers des enfants qui sont dans la pauvreté et 60 000 personnes qui bénéficient d'une forme ou d'une autre de soutien du revenu. Je pourrais continuer ainsi pendant longtemps.

Marie, vous êtes convaincue que la priorité doit être à la réduction de la dette. Mais je vais adresser ma question à Roger qui a encore plus insisté dans ce sens en affirmant qu'il fallait attendre trois ou quatre ans avant, éventuellement, de commencer à augmenter les dépenses. Roger, c'est vraiment ça, la priorité pour votre organisation?

M. Roger Flood: D'après les chiffres des 25 ou 30 dernières années, on constate que le gouvernement fédéral n'a consacré que 20 à 23 p. 100 du budget total des transferts aux programmes sociaux. En 1961-1962, on consacrait 22 à 23 p. 100 du budget à ces programmes et les pourcentages sont encore les mêmes. Il y a 30 ans, les intérêts sur la dette représentaient environ 10 ou 11 p. 100, mais ils sont de 30 p. 100 aujourd'hui.

Si nous continuons d'avoir des budgets déficitaires, les répercussions sur les programmes sociaux seront beaucoup plus graves, dans trois, quatre ou cinq ans, qu'elles ne l'ont été au cours des quatre ou cinq dernières années. Nous sommes passés à 30c. Eh bien, si l'on ramenait le niveau de la dette à ce qu'il était il y a 20 ans, on pourrait augmenter les sommes consacrées aux programmes sociaux de 50 ou 60 p. 100 et il nous resterait encore plus d'argent qu'à l'heure actuelle. Donc, je vous le confirme, il est très important de commencer à réduire la dette.

M. Nelson Riis: Pour clarifier les choses, la Chambre de commerce, ici, nous a dit qu'elle avait pour priorité... Supposons que vous siégiez à ce comité, et que nous reprenions la recommandation de la Chambre de commerce dans notre rapport, à savoir qu'il ne faudra pas dépenser plus dans ces secteurs pendant au moins trois ou quatre ans, et que nous devrions d'ici là commencer à rembourser la dette, à ne plus avoir de budget déficitaire. Donc, nous fonctionnerions selon des budgets équilibrés et nous ne devrions plus avoir qu'à rembourser la dette.

M. Roger Flood: Ce que je dis, c'est que le pourcentage des dépenses consacrées à ces programmes devrait demeurer inchangé pendant trois ou quatre ans.

Je suis d'accord avec ce qui a été dit plus tôt sur la LSPA. Je crois que les résultats auraient été nettement meilleurs si le programme avait été conçu à Terre-Neuve. Je pense que nous aurions disposé d'un programme qui nous aurait permis de faire ce que l'on voulait effectivement faire.

Ce matin, on vous a parlé des réductions de 25 p. 100 des effectifs de la fonction publique fédérale dans la province. La plupart de ces coupures n'obéissent à aucune raison économique. Elles sont purement politiques. Plus tôt, j'affirmais que les administrations centrales de ministères comme Pêches et Océans ou d'organismes comme Marine Atlantique devraient se trouver là où sont les opérations. Selon moi, il est économiquement illogique que 90 p. 100 des opérations de Marine Atlantique se déroulent à Terre-Neuve alors que son administration centrale est au Nouveau-Brunswick. On parle ici de 700 ou 800 emplois. Il y a aussi la recherche et le sauvetage, qui conduit 90 p. 100 de ses opérations au large des côtes de Terre-Neuve. Or, son administration centrale est en Nouvelle-Écosse. Si vous corrigiez ces situations, le gouvernement fédéral réaliserait des économies, et vous augmenteriez sans doute le niveau d'emploi dans la province.

• 1030

Le président: Merci.

Monsieur Jones, avez-vous des questions?

M. Jim Jones: Merci, monsieur le président.

J'ai bien aimé tous vos exposés. Il semble que ces problèmes soient très difficiles à résoudre, mais il y a des emplois ailleurs au pays, comme dans la région d'Ottawa, et je sais aussi qu'on cherche des gens en Alberta. La relocalisation n'est-elle pas une solution pour certains? Dans la négative, quelles industries pourraient s'épanouir, ici, à Terre-Neuve, et créer des emplois?

M. William Parsons: L'industrie que nous représentons, à Terre-Neuve, compte environ 12 000 travailleurs de la construction. Aujourd'hui, 25 à 30 p. 100 d'entre eux travaillent ailleurs au Canada, aux États-Unis et même dans d'autres pays. Vous savez, dans notre industrie nous sommes habitués à faire nos bagages et à devoir aller ailleurs. Nous n'attendons donc pas que les emplois viennent à nous, nous allons à eux.

Le président: M. Jones a parlé de développement économique possible.

Monsieur Harris.

M. Jack Harris: C'est un trait de la vie à Terre-Neuve, depuis des siècles, que de devoir aller ailleurs pour trouver du travail, mais cela ne résout pas les problèmes économiques de la province. Les gens peuvent toujours retenir cette formule comme solution pour leur famille. Personnellement, j'ai trois de mes frères et soeurs en Colombie-Britannique dont certains qui y sont depuis 20 ans. Mais ce n'est pas une solution aux problèmes économiques de Terre-Neuve.

Quant aux industries qui pourraient prospérer ici, sachez qu'il y en a beaucoup, mais nous avons besoin d'un soutien, pour notre économie; que celui-ci prenne la forme d'un soutien au revenu ou d'un niveau de dépense globale par le gouvernement fédéral.

Oui, il y a beaucoup d'industries qui pourraient se développer ici. Récemment, on a pu constater que le secteur des technologies de l'information connaissait une très bonne croissance. Il y a aussi l'exploitation du pétrole au large, qui présente d'énormes possibilités de développement à l'échelle internationale.

Mais pour cela, nous avons dû compter sur un apport de fonds... et nos amis, ici, viennent juste de souligner que ces fonds doivent être mis à la disposition de l'économie locale pour que nos amis de la Chambre de commerce et les autres puissent investir comme il se doit et contribuer à créer des emplois. C'est cet élément de base qui nous fait défaut.

Le président: Merci, monsieur Harris. Madame Duffett, vous vouliez dire quelque chose.

Mme Jeannie Duffett: Oui. Je ne pense pas que la solution consiste simplement à aller travailler ailleurs. D'ailleurs, nous avons éliminé le programme de mobilité, en collaboration avec le gouvernement fédéral.

M. Jim Jones: Qu'avez-vous éliminé? Je ne vous ai pas entendu.

Mme Jeannie Duffett: Le programme de mobilité. Comme il a été éliminé, les chômeurs de l'île doivent, de nouveau, assumer les frais de la recherche d'un emploi ailleurs. Je ne crois pas que les emplois hors de la province soient une solution. Nous avons beaucoup de gens qui participent à des programmes de formation. Le fait que la plupart de nos jeunes quittent la province... Comme l'ont souligné les intervenants précédents, les possibilités d'emploi et de croissance économique sont énormes, ici. Nous avons simplement besoin de réinvestir un peu d'argent dans la province.

Mme Marie White: Il faut bien se rendre compte que ce qui fait Terre-Neuve est en partie dû au caractère de ses habitants. Si nous continuons d'exporter nos gens, nous subirons non seulement les conséquences d'une fuite des cerveaux, mais aussi d'une fuite de l'histoire et nous perdrons tout ce qui fait la saveur de Terre-Neuve et du Labrador.

Si l'on faisait la même suggestion à certaines autres provinces présentant une saveur et un caractère distinctifs, je suis sûre que les gens seraient terriblement insultés. En ce qui me concerne, je n'aimerais pas devoir quitter ma province. J'ai certes voyagé, vécu et travaillé ailleurs. Mais c'est ici chez moi. C'est ici que j'ai ma famille. Comme j'ai une bonne instruction, que je suis diplômée d'université, je devrais pouvoir me trouver du travail dans ma province, chez moi, près de ma famille et de mes amis.

Je n'ai pas manqué de remarquer ce que Moyra avait dit plus tôt au sujet de l'Association canadienne pour la santé mentale. À Terre-Neuve, nous avons su bâtir une province saine, comportant des collectivités saines. Mais nous ne pouvons pas le faire si nos réseaux de soutien—et je songe ici plus particulièrement à nos familles et à nos amis—quittent la province, de leur gré ou pas.

• 1035

M. Mike Stokes: Je crois qu'il existe de formidables débouchés à Terre-Neuve, dans le domaine de l'aquaculture. Les possibilités dans le secteur agricole sont également bonnes. Le gouvernement fédéral devrait disposer d'une loi stipulant que pas un seul gramme de poisson—pas plus les tripes que la tête ou le reste—ne doit être rejeté dans l'océan. Si l'on utilisait tous ces déchets pour en faire du fertilisant, on pourrait enrichir le sol. On aurait le sol le plus riche qu'on puisse imaginer.

Les phoques qui se trouvent parmi les bancs de poissons constituent un grave problème. Les baies sont pleines de poissons, mais on n'accorde que des permis de pêche scientifique et l'on se rend compte que les filets sont pleins de phoques.

Tout le monde sait que la morue adore le capelan. Personnellement, j'estime que le gouvernement fédéral devrait investir dans des écloseries de capelans qu'on rejetterait à l'eau pour nourrir les poissons. Il n'y a pas besoin d'être un génie pour savoir ça. S'ils n'ont pas de quoi se nourrir, les poissons ne viennent pas. Cela fait 20 ans qu'on vend du capelan aux Japonais. Ils réclament les femelles les plus grosses, les plus grasses, ce qui nous laisse les plus petits et l'on se demande après pourquoi le capelan est de plus en plus petit et pourquoi il arrive de plus en plus tard dans la saison, année après année. Les petits capelans ne peuvent simplement pas nager aussi vite que les gros.

Je suis certain que le marché américain d'aliments conditionnés serait un incroyable débouché pour nous. On l'a déjà exploré. On conditionne déjà des produits dans des usines de poissons désaffectées. À l'autre bout, à New York, par exemple, il n'y a plus qu'à mettre le poisson conditionné au micro-onde et il est prêt en trois minutes.

Il y a donc des tas de choses qu'on peut faire.

Le président: Une dernière remarque, monsieur Kirby.

M. Dale Kirby: Je voudrais simplement faire une brève remarque au sujet de la question de la migration des travailleurs de la province. Je puis vous affirmer que notre comparution devant ce comité marque notre intention de demeurer sur ce rocher le plus longtemps possible. Mais je ne crois pas que nous y serons aidés par le départ de tous ceux qui, instruits, compétents, bien formés, jeunes et moins jeunes, quittent la province. Je suis persuadé que nous pouvons nous en sortir, ici. Il nous faut simplement un peu de collaboration de votre part.

Merci.

Le président: Bien vu.

Monsieur Szabo, vous voulez poser une question. Mais avant cela, pourriez avoir l'amabilité de nous faire un petit compte rendu sur le dossier de l'économie souterraine?

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): M. Parsons avait demandé, au sujet de la déclaration du ministre des Finances... [Note de l'éditeur: Difficultés techniques]

En fait, ce processus a été enclenché en 1994 par le ministre du Revenu de l'époque, David Anderson, et poursuivi par Jane Stewart, qui lui a succédé. Il y a eu des consultations partout au pays, avec des hauts fonctionnaires provinciaux, des grands organismes comme l'Institut canadien des comptables agréés et d'autres groupes de gestion, d'où l'on a établi une stratégie destinée à régler le problème de l'économie souterraine en tirant le meilleur des ressources limitées disponibles pour cela.

Des accords d'échange de renseignements ont été conclus avec toutes les provinces. Cela devait permettre, par le recours à la technologie, entre autres, de recenser les secteurs présentant des risques élevés. Les gens étaient au courant des industries où prévalait l'activité économique souterraine. Cela étant, dans la première année, soit en 1995, les recettes fiscales non prévues liées à l'activité économique souterraine, se sont élevées à environ un milliard de dollars. En 1996, deuxième année complète d'application des accords de partage d'informations, on a dégagé des recettes non budgétées de quelque 5 milliards de dollars. Le programme a donc donné d'excellents résultats. Chaque année, le gouvernement reçoit plus de 19 000 appels et lettres d'employés mécontents, de personnes contrariées par un voisin déclarant tout haut qu'il a eu le gouvernement, qui veulent signaler des irrégularités présumées. Tous ces rapports ne font pas l'objet d'un suivi. Comme vous le savez, si tout le monde s'acquittait de son dû, nous payerions tous moins, et je crois que le programme a donné de bons résultats, sans qu'on ait eu à agir de façon draconienne.

Le président: Madame Redman.

• 1040

Mme Karen Redman: Je crois que c'est Mme Duffett—et si ce n'est pas elle, je m'excuse—qui se demandait pourquoi des groupes aussi différents se retrouvaient à la même table. Selon moi, gouverner n'est rien d'autre qu'effectuer un numéro d'équilibriste très complexe, et il est très important que nous recueillions l'opinion de tous ces groupes et que vous-mêmes sachiez ce que pensent les autres.

J'adresse ma question à la Community Alliance for Better Solutions. J'estime qu'il est vraiment temps que le gouvernement fasse preuve de plus de créativité et je vais vous demander comment le gouvernement fédéral pourrait soutenir les collectivités? Quelle est la meilleure façon d'offrir ce genre d'appui aux collectivités dont vous parliez?

Mme Joyce Hancock: L'une des choses qui ne m'a pas tant étonnée, mais certainement touchée pendant les consultations à l'échelle de la province, c'est que les collectivités veulent que le gouvernement provincial intervienne. Peu importe ce que nous demandons au gouvernement provincial, cela a une incidence sur ce que le gouvernement fédéral est disposé à investir.

Si l'on examine la capacité des collectivités de se doter d'une infrastructure, comme dans les secteurs sociaux et économiques... Prenons un exemple pour simplifier un peu les choses. Dans une collectivité, il y a des organisations, comme un club de garçons et de filles ou une organisation de grandes soeurs et de grands frères, qui se battent tous les ans pour survivre en recueillant des fonds. Mais s'ils font oeuvre utile en intervenant auprès des jeunes et ainsi permettent au système de justice pénale d'économiser de l'argent, pourquoi devraient-ils quémander? Pourquoi n'y voit-on pas un emploi, au sein d'une collectivité, correspondant aux capacités de cette collectivité?

Ce n'est qu'un petit exemple, mais les collectivités nous ont répété sans cesse que c'est cela qu'elles entendent par création d'emplois, et pas des petites «jobines» de 10 ou 14 semaines, ou des programmes d'assurance-emploi ou d'assurance-chômage. Et ce ne sont pas les collectivités prises individuellement, mais des ensembles de collectivités qui veulent survivre. Pour reprendre l'image de la saveur de la province, la question n'est pas de savoir combien d'entre nous pourront vivre, mais de savoir comment nous parviendrons à bâtir un réseau de collectivités où l'on créera des emplois, en fonction d'objectifs sociaux et économiques. Vous comprenez ce que je veux dire?

Il y a une importante partie du rapport adressé à la province que le gouvernement fédéral devrait étudier. Il faudrait formuler des normes nationales, du moins certaines normes pour qu'on ne se contente pas de verser l'argent, argent que vous investirez, espérons-le, dans les collectivités. Nous voulons que vous nous disiez: voilà l'argent; vous devez retenir les solutions formulées par les collectivités. Vous pourrez toujours assortir cette décision de conditions, pour que nous ne nous trouvions pas en concurrence avec ceux et celles qui voudraient nous faire croire que si l'on règle les problèmes économiques, les problèmes sociaux disparaîtront d'eux-mêmes. Nous ne croyons pas que ce sera le cas dans cette province.

Le président: Merci.

Mme Moyra Buchan: J'aimerais ajouter à cela que ce rapport traite, en détail, du troisième secteur et du potentiel que celui-ci représente en matière de création d'emplois. C'est ce dont Joyce vous a beaucoup parlé.

L'un des problèmes que nous avons, au sein de nos collectivités, dans le domaine du bénévolat, c'est qu'on nous a presque complètement exclus des programmes de création d'emplois. Un entrepreneur privé peut obtenir un million de dollars pour ouvrir un terrain de golf, mais il nous est presque impossible, dans le secteur communautaire, d'investir à part égale avec le gouvernement pour créer ne serait-ce que deux emplois. Notre capacité de création d'emplois a été grugée et il conviendrait d'élaborer des politiques et d'adopter des orientations qui pourraient nous permettre de retrouver cet équilibre.

Le président: Merci.

Merci à vous toutes et à vous tous. Cette table ronde de St. John's, à Terre-Neuve, a été très intéressante.

Vous voulez poser une question, monsieur Pillitteri? Très bien. Je conclurai donc après vous.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Excusez-moi, monsieur le président, de n'avoir pas attiré votre attention plus tôt, mais il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais apporter quelque éclairage.

D'abord, la question de l'équité salariale. Vous disiez que n'avez pas obtenu l'équité salariale, mais j'ai cru comprendre du Conseil du Trésor qu'il a posé un milliard de dollars sur la table dans le cadre des négociations avec les syndicats, et que ceux-ci n'ont pas accepté l'offre qui leur était faite. Les syndicats ne l'ont pas accepté et ils attendent la décision d'un tribunal. Quoi qu'il en soit, le gouvernement a posé un milliard de dollars sur la table.

Par ailleurs, vous disiez que les ministres ont obtenu une augmentation salariale de 15 p. 100, et que vous en vouliez la même chose. Je crois comprendre que c'est leur budget de fonctionnement qui a été augmenté de 15 p. 100, pour qu'ils puissent payer un peu plus leurs employés.

Une voix: Oui.

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M. Gary Pillitteri: Je ne vois pas comment on peut se plaindre qu'ils aient bénéficié d'une augmentation de 15 p. 100 de leur budget de fonctionnement pour pouvoir payer leurs employés de façon un peu plus équitable. C'est tout ce que je voulais dire, monsieur le président.

Le président: C'était une question?

Madame Duffett.

Mme Jeannie Duffett: Merci beaucoup.

C'est une information que j'ai tirée du Ottawa Citizen. D'après le journal, les ministres du cabinet ont reçu une augmentation salariale de 15 p. 100. Merci d'avoir été aussi clair, mais j'exige tout de même mes 15 p. 100 d'augmentation.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Au nom du Comité des finances, je tiens à vous remercier pour vos exposés. Nous avons certainement beaucoup appris dans nos voyages, partout au pays, sur les gageures et les choix qui se posent à notre comité, en fait au pays tout entier.

Ce qui m'a fasciné dans toutes nos audiences, c'est que les gens ont parlé de valeurs. Et quels sont les grands enjeux? Qu'est-ce qui motive les Canadiennes et les Canadiens d'un océan à l'autre?

Pour résumer le message qu'on nous a transmis, je dirais qu'il importe de maintenir l'équilibre, de comprendre que la réduction de la dette est importante, mais qu'il faut aussi savoir investir dans les gens. Il est extrêmement important d'adopter les mesures voulues pour améliorer la qualité de vie des Canadiennes et des Canadiens, tout comme il est important d'élargir leurs horizons mais, en même temps, de leur assurer une certaine sécurité. Je répète souvent que nous vivons dans une ère de possibilités grandissantes, mais que c'est en même temps une ère où les gens ne se sentent pas autant en sécurité qu'ils le devraient, justement parce qu'il y a de plus en plus de possibilités.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier une fois encore. Je suis sûr que vous retrouverez une grande partie des idées exprimées autour de cette table dans notre rapport que nous adresserons au ministre des Finances.

Merci beaucoup. La séance est levée.