FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 8 octobre 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Conformément à son mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers.
Aux seules fins du compte rendu, avant de vous faire part de la liste de nos témoins de ce matin, j'aimerais vous faire part d'un petit changement qui a été apporté dans l'ordre de présentation des exposés d'hier sur les consultations prébudgétaires. Comme vous le savez, M. Gérard Boudreau, secrétaire général et registraire de l'Université Sainte—-Anne, est arrivé à la réunion à 15 h 30 après trois heures de route depuis Darthmouth, s'attendant à participer à une discussion du rapport du Groupe de travail MacKay. Grâce à l'entente que nous avons conclue, le comité a accepté d'entendre l'exposé de M. Boudreau. Son témoignage paraîtra dans le fascicule de la réunion numéro 127 du mercredi 7 octobre 1998.
J'aimerais une fois de plus remercier les témoins dont l'exposé a été retardé au cours de l'audience d'hier sur les consultations prébudgétaires, nos collègues de même que M. Boudreau en particulier pour sa patience et sa compréhension. Une fois de plus, chers collègues, si j'apporte cette précision c'est tout simplement pour que les gens qui chercheront la transcription du témoignage de M. Boudreau sauront où la trouver.
Nous avons une pleine brochette d'invités ce matin et j'aimerais que nous commencions sans plus tarder. Je souhaite la bienvenue à M. Bill Casey, qui vient ici à titre particulier et qui représente à la Chambre des communes la circonscription de Cumberland—Colchester en Nouvelle-Écosse. Nous accueillons du Centre for Women in Business, le professeur Daurene Lewis. La compagnie Davis Strait Fisheries Ltd. est représentée par son président, M. Grant Stonehouse. En ce qui concerne l'Insurance Brokers' Association of Nova Scotia, elle est représentée par M. Stephen Green, le directeur exécutif. Mme Nancy Conrad et M. Terry Norman nous viennent de la Metropolitan Halifax Chamber of Commerce. Nous entendrons également M. Stephen O'Regan de la société O'Regan's National Leasing. Je crois qu'il n'y a pas d'autres noms sur la liste. J'aimerais simplement dire que nous siégeons normalement jusqu'à 11 h 30 ce matin.
Monsieur Lipsett, je n'avais pas votre nom.
M. Bruce Lipsett (président, Insurance Brokers' Association of Nova Scotia): A l'origine, nous nous attentions à être quatre ici ce matin. Cependant, faute d'espace autour de la table, je m'y retrouve seul. Je présenterai donc l'exposé au nom de l'Insurance Brokers' Association of Nova Scotia.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien, je vous remercie.
Je n'ai pas non plus mentionné M. Ferguson. Je suis désolé, mais quel groupe représentez-vous?
M. Lorne Ferguson (directeur exécutif, Corporate Planning and Evaluation, Innovacorp): Innovacorp.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien. Alors nous pouvons commencer. Je vous demanderais s'il vous plaît de limiter vos observations à huit ou dix minutes de sorte que tout le monde ait le temps de témoigner. Nous aurons ainsi amplement de temps pour les questions et les échanges. Je vous saurais gré de respecter cette consigne et j'aimerais que quelqu'un brise la glace.
Allez-y, Bill.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Premièrement, permettez-moi de vous remercier de l'occasion qui m'est offerte d'exprimer mon point de vue. Comme député à la Chambre des communes, je crois avoir une perspective unique.
J'ai été concessionnaire d'automobiles. J'ai vendu des véhicules General Motors pendant huit ans et Ford, pendant dix ans. Ces entreprises sont entièrement liées aux banques en matière de financement des automobiles, de prêts personnels, de crédit à la consommation et de financement de baux financiers.
J'ai été par la suite courtier en valeurs mobilières ce qui me donne je crois une perspective intéressante. Le gouvernement a permis aux banques de s'adonner à des activités de courtage et cela a eu d'énormes conséquences que j'ai moi-même fortement subies.
En tant que député d'une région rurale de la Nouvelle-Écosse et par le fait même du Canada, je suis associé de très près aux banques. Je crois que j'ai une contribution à faire à ce débat, du moins je l'espère.
Je ne suis pas contre les banques. En fait, l'expérience que j'en ai est positive car elles travaillent en collaboration avec moi, plus particulièrement au niveau local. Lorsque mon entreprise s'en allait à vau-l'eau, mon directeur de ma banque locale ne m'a pas laissé tombé. Alors que j'aurais normalement dû faire faillite si le système d'évaluation par points avait été appliqué, le directeur m'a aidé et je n'oublierai jamais ce qu'il a fait pour moi.
• 0815
En tant que député, juste au cours du dernier mois, j'ai
assisté à des réunions d'affaire avec d'autres entreprises qui
éprouvaient des difficultés. J'ai fait affaire avec les directeurs
locaux de la Banque Royale et de la Banque de Nouvelle-Écosse. Nous
nous sommes occupés des entreprises qui éprouvaient des difficultés
et ces directeurs ont été très utiles au niveau local. Cependant,
je m'oppose fermement à ce que les banques fusionnent, à ce
qu'elles interviennent dans le secteur de l'assurance et à ce
qu'elles s'immiscent dans le marché du crédit-bail automobile. Je
vais tenter de vous en donner les raisons en quelques mots.
En ce qui concerne les fusions, je n'y vois absolument aucun avantage pour les contribuables de ma circonscription de Cumberland—Colchester qui se trouve au nord de la Nouvelle-Écosse. Dans bien des collectivités de ma circonscription, il n'y a qu'une seule banque et j'estime que ces projets de fusions mettent leur existence en péril. À mon avis, les fusions réduiront certainement la concurrence et l'éventail de services. Les décisions seront reléguées aux bureaux régionaux et nationaux. Comme il en est de plus en plus ainsi, les choses se compliquent pour les petites entreprises parce qu'elles ne peuvent plus parler aux décisionnaires. Lorsque je me suis retrouvé dans cette situation, j'ai pu parler au directeur de ma banque. Il a eu confiance en moi parce qu'il savait que je n'allais nulle part. Il dirigeait une succursale de la Banque de Commerce et il m'a permis de passer au travers de la dernière récession. S'il avait appliqué le système de crédit par points, je sais qu'il aurait dû me déclarer en faillite mais il ne l'a pas fait. Je crains que si les banques fusionnent, les décisions de ce genre ne soient prises ailleurs.
Je n'y vois absolument aucun avantage pour les consommateurs. La plupart des gens me disent que les services bancaires se sont détériorés ces dernières années. Les banques devraient à mon avis s'attacher à améliorer les services qu'elles offrent et à revenir à leurs pratiques passées. Je crois que c'est ce que veulent la plupart des gens.
En ce qui concerne l'assurance, lorsque les banques ont obtenu le feu vert pour intervenir dans le secteur du courtage, secteur dans lequel j'ai travaillé, elles l'ont pour ainsi dire complètement absorbé. Elles ne se sont pas contentées d'agir ainsi. En effet elles ont détruit le chien de garde du secteur, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. S'il arrivait qu'un courtier indépendant, un petit courtier ou qui vous voulez éprouve des difficultés, il pouvait s'adresser à l'organisme d'autoréglementation, l'ACCOVAM, pour se plaindre d'une politique gouvernementale, de l'intervention d'une banque ou d'une politique bancaire. Les courtiers en valeurs mobilières ne peuvent plus faire cela parce que les banques exercent un plein contrôle sur le secteur du courtage pour les grandes et les petites entreprises. Il s'agit certainement d'un effet néfaste.
En tant que courtier, j'ai été témoin de ventes liées. Nous avons eu de grands débats à ce sujet, mais je peux vous donner des exemples de personnes âgés qui ont fondu en larmes sous la pression exercée par des banques lorsqu'elles ont voulu modifier leurs investissements et choisir des services que leurs banques n'offraient pas. Lorsqu'elles leur ont fait part de leur intention et leur ont dit qu'elles connaissaient Bill Casey depuis 25 ans et qu'elles voulaient faire affaire avec lui, les banques leur ont répondu qu'elles devaient passer par les services de courtage de la banque. Ils ont fondu en larmes.
J'ai trois exemples de ventes liées et ce ne sont que trois exemples parmi ceux dont nous avons déjà parlé. Une dame âgée qui venait de perdre son mari voulait se renseigner sur sa situation financière. Ils l'ont à ce point intimidée qu'elle a cru que la banque allait lui retirer sa marge de crédit si elle déménageait ses REÉR. Un couple de retraités a eu droit à la même médecine.
Permettez-moi de passer au crédit-bail automobile. J'ai vendu des voitures pendant 18 ans. La première chose que la banque m'a demandée lorsque je me suis lancé en affaires, c'est de lui fournir ma liste de clients pour garantir ma marge de crédit. Dorénavant, si les banques accèdent au crédit-bail, les concessionnaires d'automobiles devront donner leurs listes à leurs concurrents. C'est tout à fait injuste.
J'ignore combien au juste dans le secteur de la vente au détail, mais un fort pourcentage d'autos est financé par les banques. Les concessionnaires acceptent la demande de prêt pour le compte de la banque, ils la lui envoient par télécopieur, après quoi la banque l'approuve ou la rejette. À nouveau, les concessionnaires d'autos se trouveront, dans les faits, à envoyer à leurs propres concurrents, par télécopieur, les contrats signés avec leurs clients et la liste de ces clients. C'est tout à fait injuste!
Les banquiers affirment que cela avivera la concurrence dans le secteur du crédit-bail. Je ne suis pas du tout d'accord. On compte 4 000 concessionnaires d'autos au Canada. Si les banquiers obtiennent ce qu'ils réclament, le secteur comptera désormais trois banques en plus, ce qui signifie que, dès le premier jour, il y aura 4 003 points de location au Canada. Les banques absorberont 20 p. 100 environ du chiffre d'affaires tiré de la vente au détail d'automobiles, ce qui obligera beaucoup de concessionnaires à fermer. Dans certaines collectivités de la circonscription que je représente, il n'y a qu'un seul concessionnaire. S'il ferme, le client ne pourra plus se prévaloir de sa garantie et il n'y aura plus de service après vente, parce que ce ne sont pas les banques qui prendront la relève.
• 0820
Dans le commerce de l'auto, tout tourne autour des banques et
du financement. Ce sont les banquiers qui décidaient de ma marge de
crédit pour les locations. Ce sont donc eux qui décidaient combien
d'automobiles je pouvais louer, qui décidaient de combien de fonds
je disposais pour exploiter mon commerce. Ils avaient accès à toute
la liste de mes clients. Si on laisse ces gens, ces organismes, me
faire concurrence, ce sera extrêmement injuste.
On peut aussi s'attendre que la pratique des ventes liées sera rétablie. Si quelqu'un se présente à la banque pour demander un prêt hypothécaire, la banque fera exactement ce qu'elle fait dans le cas des REÉR. Le directeur de la succursale dira au client que ses chances d'obtenir le prêt demandé sont bonnes, mais qu'elles seraient encore meilleures s'il achetait son assurance et son crédit-bail chez eux, qu'il peut presque lui garantir que la demande sera approuvée. La méthode est subtile, mais elle représente tout de même de la vente liée. Les banques le font tous les jours, même si les présidents et chefs d'exploitation des banques ont affirmé le contraire aux comités.
En résumé, je n'y vois pas d'avantage pour les petits entrepreneurs que je représente et dont je fais partie depuis 30 ans. Je ne vois pas d'avantage aux fusions pour les électeurs que je représente, pour la population des petites villes de la Nouvelle-Écosse. La plupart des Canadiens estiment que le service bancaire s'est détérioré et qu'il faudrait que les banques se contentent pour l'instant de l'améliorer. Je suis opposé à l'idée de laisser les banques fusionner, vendre de l'assurance et donner du crédit-bail parce que cela ne coïncide tout simplement avec les intérêts des personnes que je représente. À nouveau, j'encourage les banques à se concentrer sur ce qu'elles font de mieux et qui leur réussit si bien. Qu'elles cherchent plutôt à améliorer le système!
J'envisagerais des fusions si l'on prévoyait un calendrier à long terme dans le cadre duquel d'autres organismes pourraient devenir concurrentiels, livrer concurrence aux banques dans des villes comme Parrsboro, Stewiacke, Tatamagouche, Advocate Harbour, Amherst et Truro. C'est fort bien de dire qu'il y a au Canada 54 banques qui sont sources de concurrence, mais en réalité, il n'y a pas de concurrence. Dans les régions rurales de Nouvelle-Écosse, dans la circonscription que je représente, il n'y a pas de concurrence. On y trouve des banques et des coopératives de crédit. Jusqu'à ce que d'autres organismes aient la chance de s'établir, je ne crois pas qu'on devrait permettre aux banques de fusionner. Les fusions ne correspondent pas à l'intérêt des personnes que je représente.
J'ai demandé qu'on vous distribue ceci. J'ai répondu à une demande de renseignements parue dans les journaux à ce sujet, et je l'ai fait imprimer et j'en ai envoyé copie à tout le monde. J'ai parlé à peu près des mêmes points, mais voyons si j'ai oublié quelque chose.
Non, tout semble y être. Si vous avez des questions, je serai plus qu'heureux d'y répondre. À nouveau, toutefois, je souligne qu'il n'est pas dans l'intérêt des personnes que je représente de voir ces trois éventualités se concrétiser.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Casey, je vous remercie beaucoup.
Je demanderais maintenant à madame Lewis de prendre la parole.
Mme Daurene E. Lewis (Centre for Women in Business): Je vous remercie de m'inviter ainsi à prendre parole devant le comité.
Nous vivons une période très intéressante, une période de grands bouleversements. Beaucoup de personnes se sentent menacées par ces bouleversements. Beaucoup d'autres les voient comme une occasion de relever un défi, d'apprendre, de se développer et de s'ouvrir à de nouvelles expériences très utiles. Toutefois, quelle que soit notre attitude, le changement nous rend toujours perplexes.
Nous vivons vraiment dans un village planétaire, et la survie de n'importe quel organisme passe par la participation à l'économie mondiale. Nous sommes tous très conscients de l'impact qu'a la crise asiatique, soit de la dévaluation de notre dollar par rapport au dollar américain. La banque canadienne ne peut pas et ne veut pas fonctionner exclusivement dans les limites géographiques du territoire canadien, et elle ne le fait pas. Sur la scène mondiale, la taille a une influence.
Récemment, je me suis installée à Halifax après avoir vécu dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse. La façon dont je fais mes transactions bancaires personnelles a beaucoup changé au cours des dix dernières années. Avant l'arrivée des guichets automatiques, si je souhaitais toucher un chèque ailleurs que dans ma succursale, il fallait que la succursale où je me présentais appelle la mienne pour confirmer mon identité. Une simple description physique suffisait. Maintenant, comme beaucoup d'autres, je vais rarement à la banque. Je n'ai jamais beaucoup d'argent sur moi, car je préfère utiliser Interac pour payer les biens et services que je consomme, grâce à ma carte de débit ou de crédit.
Cette année, je suis allée à Hong Kong. Alors que je magasinais, j'ai été fascinée de voir qu'il suffisait d'insérer ma carte de débit de la Banque Royale, émise à Annapolis, en Nouvelle-Écosse, dans un guichet automatique de Hong Kong pour retirer de l'argent de mon compte en Nouvelle-Écosse. On débitait de mon compte des fonds canadiens, et je retirais des dollars de Hong Kong.
• 0825
La technologie a radicalement modifié les attentes des
consommateurs et nous a donné l'impression de vivre dans un monde
beaucoup plus petit. Les banques canadiennes ont effectivement
besoin de se repositionner pour survivre à la concurrence mondiale.
L'Accord de libre-échange a ouvert les frontières entre le Canada
et les États-Unis, et l'Accord de libre-échange nord-américain a
ouvert nos marchés à la concurrence, obligeant le Canada à relever
le défi s'il veut prospérer au sein de l'économie nord-américaine.
L'époque où, durant une exposition d'artisanat à Toronto, les succursales bancaires refusaient de porter mes ventes Visa à mon compte en Nouvelle-Écosse ne semble pas si reculée. À ce moment-là, elles refusaient d'effectuer toute transaction avec des succursales bancaires situées à l'est de Montréal.
Le changement technologique et la création d'énormes blocs commerciaux, comme l'Union européenne, le bloc économique d'Asie-Pacifique et le nombre sans cesse croissant de pays qui adhèrent à l'ALÉNA lancent des défis et ouvrent des possibilités à toutes les entreprises. La présence sur les marchés mondiaux est un incontournable si l'on veut survivre à la concurrence.
En tant que directrice générale du Centre for Women in Business, établi à l'Université Mount Saint Vincent, je suis très consciente des défis auxquels sont confrontées les femmes qui cherchent à financer le démarrage d'une entreprise. Dans une étude effectuée par Women's World Finance, succursale canadienne de Women's World Banking, sous le titre Measuring the Economic Impact: Women Business Owners in Atlantic Canada, les chercheurs ont constaté que 60 p. 100 des femmes partent une entreprise avec moins de 10 000 $. Elles trouvent habituellement les fonds auprès de sources privées et personnelles. Les 40 p. 100 qui restent font appel à une institution financière. Ces femmes disent d'ailleurs avoir de très bonnes relations avec leur banquier.
La Banque Royale du Canada est très présente dans la région atlantique du Canada. Elle y compte actuellement 48 000 petites entreprises comme clientes. Depuis de nombreuses années, elle a une division consacrée à l'entreprise indépendante qui a depuis été renommée division de prêts aux PME. Dans la seule région atlantique du Canada, la Banque Royale a investi 693 millions de dollars directement dans la petite entreprise et 250 autres millions de dollars dans l'hypothèque commerciale. Cela revient à un investissement de presque un milliard de dollars dans la petite entreprise de la région atlantique du Canada, qui représente un pourcentage important de sa clientèle. En réalité, les PME et les services financiers personnels représentent environ 75 p. 100 du chiffre d'affaires des grandes banques. C'est un lobby très puissant.
J'ai mentionné plus tôt le Women's World Finance, succursale d'un organisme international de prêts par des pairs à des femmes. La Banque royale a débloqué 500 000 $ en vue d'appuyer l'expansion de cette initiative. Cette injection de fonds des gouvernements fédéral et provinciaux et de la Banque royale donnera aux micro-entreprises appartenant à des femmes de toute la région atlantique du Canada accès à du financement. Elle profitera au groupe d'entreprises qui par le passé n'avaient pas droit à des services bancaires et qui devaient utiliser des fonds personnels pour financer le démarrage de leur entreprise.
La Banque royale est un partenaire financier du nouvel organisme national appelé Women Business Owners of Canada Inc. Son lancement à l'échelle pancanadienne, le 17 juin, a été célébré en reliant tous les centres du Canada, Halifax compris, par téléconférence. La Royal Bank Capital Corporation a mis de côté trois millions de dollars pour les PME de la Nouvelle-Écosse. Un dialogue a été amorcé avec la petite entreprise. Le moment serait donc bien choisi pour donner un coup de pouce aux entreprises canadiennes qui se préparent à affronter les géants financiers du monde.
Les banques ont engagé des fonds dans l'aide à la petite entreprise de la région atlantique du Canada, et c'est maintenant à notre tour de les aider. La fusion des banques canadiennes créera un monolithe à nos yeux, mais ce monolithe sera lilliputien par rapport à ses concurrents. Au Canada même, la concurrence faite aux banques est très vive. Pendant de nombreuses années, les banques ont fourni les services de paie à de nombreux organismes. Ce service est maintenant assuré par des banques américaines. Les banques canadiennes n'ont pas réussi jusqu'ici à bloquer les percées des banques étrangères, fortes de leurs économies d'échelle et de leur expertise. Nos services bancaires sont constamment érodés.
• 0830
Je préfère traiter avec une banque d'ici même qui investit sur
place. Il n'y a pas si longtemps, les magasins à rayons canadiens
étaient les points d'encrage de nos centres commerciaux. Ceux qui
ne se sont pas adaptés aux nouvelles tendances et aux nouveaux
besoins des consommateurs ne sont plus qu'un souvenir distant.
La Banque royale a effectivement montré qu'elle s'intéresse aux femmes entrepreneurs en finançant des programmes et services à leur intention. La Banque de Montréal appuie le Centre for Women in Business en lui fournissant son financement de base. La CIBC est un important commanditaire des programmes que nous exécutons au centre pour aider les femmes entrepreneurs à s'établir et à prospérer.
Voilà l'occasion rêvée pour les Canadiens d'appuyer les fusions bancaires et, par le fait même, leurs institutions canadiennes alors qu'elles s'apprêtent à faire le saut sur la scène mondiale. Si elles n'y parviennent pas, le seul recours sera de s'adapter au monolithe mondial dont le siège se trouve sur Wall Street, à Londres ou à Zurich. C'est une question de survie, une question de fierté nationale. Les fusions nous assureront une présence plus forte sur la scène mondiale.
Il est quelque peu ironique que nous attendions tous en retenant notre souffle de voir si le Canada a une voix au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies alors que nous sommes en train de nous interroger sur le bien fondé d'empêcher nos institutions financières, qui sont au coeur même de notre économie, de faire le saut sur la scène internationale.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Lewis.
Monsieur Stonehouse, si vous le voulez bien.
M. Grant Stonehouse (président, Davis Strait Fisheries Limited): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Moi aussi, je tiens à vous remercier de prendre le temps d'examiner avec moi l'avenir des services financiers au Canada. J'aimerais que le processus que vous avez lancé soit couronné de succès et que vos conclusions aient vraiment une influence. La seule contribution utile que je puisse faire est de partager avec vous quelques-unes des expériences que j'ai vécues de manière à alimenter votre réflexion.
Monsieur le président, vous êtes dans la région atlantique du Canada. Je fais le commerce du poisson. Les règlements, la concurrence étrangère et les fusions n'ont pas de secret pour nous. Avant de trop retenir votre attention, je précise qu'il y a de nombreuses choses que nous méconnaissons, par exemple comment gérer le changement. Par conséquent, nous espérons que vous examinerez avec soin les conséquences de tout cela, de ce que cela signifie pour ces industries et que, lorsqu'il le faudra, vous prendrez des décisions claires et opportunes.
L'entreprise que je représente est jeune. Elle n'a ouvert ses portes qu'en octobre 1991. En sept courtes années, elle est passée d'un seul employé à temps plein à une solide équipe de 75 jeunes hommes et femmes qui travaillent très fort. Avec l'aide des membres de l'industrie et des partenaires de la région atlantique du Canada, notre groupe a réussi à réaliser un chiffre d'affaires brut de 44 millions de dollars l'an dernier. Lundi soir, ces employés ont reçu un des dix Prix d'excellence à l'exportation canadienne remis en 1998 à Calgary.
À titre d'exemple, j'aimerais vous décrire simplement la nature du commerce actuel des fruits de mer. La meilleure façon de le faire est de vous décrire notre calendrier de distribution et de transport pour le mois d'octobre. À mon arrivée au bureau, j'ai tout simplement fait le tour et examiné les dates d'arrivée et de départ des camions et de certains conteneurs. Voici les notes que j'ai prises pour vous.
Des filets de goberge nous arrivent de Chine pour être vendus et livrés aux États-Unis. Nous avons des crevettes en provenance d'Islande qui doivent être livrées aux marchés américains. Nous avons aussi des pétoncles que nous importons du Japon pour vente tant au Canada qu'aux États-Unis. Des pétoncles nous arrivent aussi de la Corée. Nous les transformons ici en Nouvelle-Écosse pour vente au Canada. Nous avons acheté en Islande du sébaste que nous transformons ici pour vente au Canada et aux États-Unis. La Russie nous envoie de la morue pour vente et transformation à Terre-Neuve. De l'aiglefin de Norvège est destiné à une usine de retransformation de Nouvelle-Écosse. De la morue nous arrive aussi de l'Alaska. Elle sera retransformée au Québec.
• 0835
D'après nos propres navires de pêche et les débarquements
prévus pour samedi prochain, voici de quoi aura l'air le calendrier
de transport. Nous aurons des crevettes crues destinées à
l'exportation au Japon. D'autres seront destinées à l'Islande. Des
crevettes cuites seront exportées en Scandinavie et aux États-Unis
et certaines autres vendues, sur les marchés canadiens.
En toute franchise, c'est beaucoup pour un seul mois, mais la taille de ces expéditions varie, allant de petits chargements à de très gros. Cette activité commerciale est comme une seconde nature pour moi. Cependant, par rapport à 1991 et sous l'effet de la concurrence étrangère, des changements technologiques et de l'impact de la mondialisation, comme vous pouvez facilement l'imaginer, nous avons besoin de services financiers de qualité. En tant que petite entreprise, j'ai besoin de taux de change concurrentiels. Il nous faut du crédit documentaire et du service de recouvrement de banque. Nous avons aussi besoin de renseignements sur la solvabilité et d'analyses de marché, non seulement au Canada mais dans tous les pays que j'ai mentionnés.
À Halifax, il faut que je puisse obtenir des devises américaines, des yens japonais, des couronnes danoises. Il faut que nous puissions utiliser les lettres de crédit dont nous disposons, émettre des factures lorsque nous réalisons des ventes et avoir de bons conseils en vue de bien gérer le risque.
Ce dont je vous parle ce matin n'est pas un exemple unique, monsieur le président. Je vous parle d'une petite entreprise du secteur des pêches. Nous vivons au sein d'une économie vraiment mondialisée. Chaque jour, dans ma petite entreprise de la région atlantique, il faut que je décide, que je fasse des choix en vue de réaliser la prochaine étape de notre expansion—diversifier nos débouchés, accroître nos recettes ou simplement nous concentrer sur une espèce ou un marché en particulier—, mais je n'ai pas vraiment le choix.
Vous direz peut-être que je simplifie à outrance ou que j'ai des connaissances très particulières.
Les directeurs et administrateurs de quatre banques canadiennes ont opté en janvier dernier pour un choix parmi les deux qui s'offraient à eux: croître ou, peut-être, se concentrer sur certains créneaux. Fusionner ne signifie pas réduire la taille de l'entreprise, ni réduire les services ou faire des mises à pied. La concurrence mondiale élargit la base d'acheteurs. Elle produit de nouvelles recettes qui, à leur tour, accroissent le ratio de productivité et aident à rembourser les investissements requis pour améliorer les services et en offrir de nouveaux. Tout comme dans ma propre entreprise, il faut absolument livrer concurrence sur le marché international si l'on veut survivre et prendre de l'expansion. Il faut donner à nos banques canadiennes la possibilité de vraiment livrer concurrence sur le marché mondial. Les profits qu'elles réaliseront à l'étranger favoriseront simplement la croissance économique, la création d'emplois et le versement de dividendes au Canada.
En fait, à propos des fusions proposées, d'après des statistiques que j'ai entendues, les profits que les banques réalisent hors du Canada augmenteront de 40 p. 100. Et c'est ici que ces profits seront rapatriés.
La technologie de l'information et de la communication est en train de changer rapidement tous les aspects de l'entreprise. Tout va très vite. J'utilise la photo numérique à bord de nos vaisseaux pour transmettre en temps réel par Internet à mes clients du Japon des images de nos services d'inspection. Et c'est dans le secteur des services financiers de notre pays que les choses vont le plus vite: guichets automatiques, cartes de débit, cartes à puce, transactions bancaires par téléphone ou en direct, par le truchement de l'ordinateur, par l'Internet et négociations par courrier électronique, etc.
Nos banques se laissent distancer. Dans les années 70, la CIBC figurait au nombre des 20 plus grandes banques du monde. Aujourd'hui, elle n'est même pas des 50 premières. La concurrence dans le secteur des services financiers s'emballe, et les banques doivent y faire face. Leur capacité d'affronter la concurrence, au pays et à l'étranger, dépendra de leur supériorité sur le plan technologique et pour ça, elles doivent investir énormément dans l'information, les logiciels et le matériel.
En 1996, la Banque de Montréal a mis 640 millions de dollars sur la R-D et la City Bank 3 milliards.
Je peux comprendre que nous devions maintenir un juste équilibre entre le besoin de sécurité et le besoin de renforcer la concurrence et l'innovation. Le changement ne se fait pas sans risque, mais je crois qu'il est encore plus risqué de tergiverser. Les fusions ne sont qu'un simple concept de gestion. Dans mon secteur, certains membres sont sains et bien portants.
• 0840
Je vous recommanderais cependant d'éviter les pièges
chronocentriques. C'est un mot relativement nouveau, et il signifie
simplement la tendance à considérer que tout restera tel que
maintenant, en 1998. Ce n'est pas le cas.
Nous pouvons à peine imaginer maintenant le genre de produits et de services que nous exigerons de nos banques d'ici quelques années à peine. Nous devons stimuler notre esprit de compétition et donner à nos banques les moyens de s'adapter et de se consolider de manière à pouvoir faire face à la concurrence sur les marchés mondiaux.
À mon avis, il faut arriver le plus rapidement possible à une conclusion et permettre le fusionnement des banques, tout en prenant garde d'imposer une réglementation si rigoureuse qu'elle ferait obstacle à l'objectif premier, qui est de leur permettre de s'imposer sur la scène internationale, d'accroître leurs services, de prendre des initiatives créatrices, de favoriser l'emploi et la sécurité financière ainsi que de constituer des centres d'affaires au Canada pour les entreprises canadiennes.
Je vous remercie de m'avoir entendu.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Monsieur Stonehouse.
J'aimerais maintenant donner la parole à M. Lipsett.
M. Bruce Lipsett: Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le président et tous les membres du comité. Je suis Bruce Lipsett, président de l'Association des courtiers d'assurances de la Nouvelle-Écosse. Trois autres membres de notre association m'accompagnent ce matin mais, malheureusement, ils ne peuvent pas être à cette table avec moi.
L'association des courtiers d'assurances de la Nouvelle-Écosse représente environ 760 courtiers d'assurances indépendants et leurs employés. Chaque année, nos membres enregistrent environ 80 p. 100 des polices d'assurance multirisques qui sont souscrites en Nouvelle-Écosse.
À notre avis, le groupe de travail a complètement échoué dans la tâche d'évaluer la qualité de la compétition au sein du secteur des services financiers, ainsi qu'entre divers éléments de ce secteur.
D'après nous, le groupe de travail a eu tort de se concentrer presque exclusivement sur les intérêts des banques. Ça ne devrait certainement pas être très surprenant, étant donné que le groupe de travail est indépendant du gouvernement. Ce sont les banques qui l'ont demandé et qui l'ont inspiré et, du moins pendant un certain temps, il a été dominé par des gens qui avaient des liens étroits avec les banques.
Nous devons nous rappeler, en lisant ce rapport, que les consommateurs ne l'ont pas demandé. De fait, dans toute ma carrière de courtier d'assurances, je n'ai jamais entendu aucun de mes clients souhaiter pouvoir souscrire des assurances auprès d'une banque ou déclarer ne pas avoir assez de choix. Je ne l'ai jamais non plus entendu venant d'un courtier d'assurances et ne l'ai jamais lu. Même le rapport MacKay n'en cite aucun exemple. Aucun banquier ne m'a jamais dit, non plus, que ses clients souhaiteraient pouvoir souscrire à des assurances chez lui.
Je crois que la raison pour laquelle les consommateurs n'ont pas ouvertement appuyé le rapport du groupe de travail est que, au contraire du secteur bancaire dans notre pays, le secteur de l'assurance multirisques est fortement compétitif, et les consommateurs en sont conscients. Alors qu'il n'y a que quelques banques en Nouvelle-Écosse—et si on les laisse faire, il y en aura encore moins—nous avons plus de 1 000 courtiers d'assurances indépendants qui travaillent dans plus de 100 compagnies, lesquelles ont environ 175 bureaux dans toute la province. Ces 1 000 courtiers d'assurances et ces 175 bureaux d'assurance établis dans de nombreuses petites villes de la Nouvelle-Écosse trouvent ce qu'il y a de mieux et de plus économique en matière d'assurances pour leurs clients, auprès d'un grand éventail de compagnies d'assurances nationales et multinationales.
Nous trouvons non seulement choquant le fait que le groupe de travail n'a pas su reconnaître que les Canadiens jouissent déjà des avantages d'un secteur des assurances multirisques les plus vigoureux, les plus compétitifs et les plus économiques du monde mais aussi qu'il fait ressortir l'une des grandes lacunes du rapport. Ce manque de considération pour ces facteurs concurrentiels remet en question le fondement des recommandations du rapport qui ont trait à la concurrence dans le secteur des assurances multirisques.
En dépit de ce que dit certaines parties du rapport à propos de la nécessité de renforcer la compétitivité, nous estimons que le rapport MacKay cherche plutôt à limiter la compétition. D'après nous, les amendements à la loi en 1992, qui ont permis aux banques de faire leur entrée dans le secteur des assurances, a effectivement renforcé la concurrence et la compétitivité. Cette réforme a accru les choix pour les consommateurs, sans porter préjudice aux fournisseurs traditionnels d'assurances. Elle a fait réaliser aux compagnies d'assurances que, si elles voulaient pouvoir faire concurrence à un nouvel adversaire doté des ressources financières des banques, elles devraient se dégourdir, faire plus de place à la technologie, améliorer leur marketing et être un peu plus rentables. En fin de compte, ceux qui n'auront pas évolué avec la conjoncture auront au moins été vaincus à un juste combat.
• 0845
Bref, d'après nous, les lois de 1992 ont effectivement
renforcé la concurrence. Mais il est clair que ça n'a pas suffi aux
banques; elles voulaient plus. À leur insistance, donc, MacKay a
recommandé que les banques soient autorisées à vendre des
assurances à partir de leurs succursales.
Monsieur le président, à notre avis, si cette recommandation est faite loi, ce qui en résultera est que, dans la même mesure où il n'y a que quelques endroits où on peut obtenir un prêt-auto ou des services bancaires actuellement, il n'y aura plus que quelques endroits où souscrire une assurance multirisques. Pourquoi? Ce n'est sûrement pas parce que les banques fourniraient un meilleur service. Non, je crois que c'est simple affaire de bon sens que de reconnaître que les gens de Yarmouth, par exemple, recevront un meilleur service d'un courtier de Yarmouth—quelqu'un du crû, qui comprend les gens de la région—que d'une grande banque avec ses couches multiples d'organisation bureaucratique et son siège situé à des lieues de là. Ce n'est pas pour une question de prix non plus, puisque nous savons tous comment les frais de service des banques peuvent s'accumuler sans même qu'on s'en rende compte.
Monsieur le président, si nous perdons nos clients au profit des banques, ce sera parce que les banques auront été capables d'user de leur influence auprès de leurs clients pour leur vendre de l'assurance. Ce genre de concurrence, à notre avis, est déloyale parce que les banques ont des avantages que nous n'avons pas. Nous reconnaissons les recommandations du rapport MacKay en ce qui concerne les ventes liées, ainsi que le projet de loi qui est à l'étude actuellement mais, monsieur le président, toutes les lois du monde n'empêcheront pas les consommateurs de se sentir contraints d'acheter les assurances des banques lorsqu'ils feront une demande de prêt-auto ou d'hypothèque. Ils se demanderont sûrement s'il leur est possible d'obtenir un prêt à des conditions avantageuses s'ils ne souscrivent pas aussi à l'assurance.
À notre avis, les recommandations du rapport MacKay ne servent pas les intérêts du public pour deux raisons.
La première est qu'au bout du compte les consommateurs auront moins de choix, et qui dit moins de choix, monsieur le président, dit prix plus élevés.
La deuxième raison est que la centaine de sociétés de courtage qui existent actuellement dans de nombreuses petites villes de la Nouvelle-Écosse disparaîtront lentement. Ces compagnies, monsieur le président, sont essentielles à leur communauté. Elles emploient plus de gens et utilisent plus de biens et de services de la communauté que ne le ferait une banque si elle prenait le contrôle des assurances dans la région.
Bridgewater, par exemple, la petite ville de Nouvelle-Écosse d'où je viens, a moins de 10 000 habitants. Nous avons 39 courtiers d'assurances, qui travaillent avec le personnel pour huit sociétés de courtage. Ces courtiers se font concurrence entre eux, aux centres téléphoniques, aux divers régimes collectifs d'assurance et à la coopérative. Monsieur le président, les gens de Bridgewater ont un choix énorme en matière d'assurances.
Je dois ajouter que je ne compte même pas dans cette analyse les villes de Lunenburg, Mahone Bay, New Ross ou New Germany, qui ne sont qu'à 15 ou 25 minutes de Bridgewater et dont les courtiers font concurrence à ceux de Bridgewater. Le seul secteur auquel je puisse penser où il y a plus de compétition que dans le nôtre est celui de la restauration.
Monsieur le président, Bridgewater n'est pas un cas isolé. Je sais que le même genre de situation existe dans bien des petites villes de tout le pays. Peu importe que vous habitiez Truro en Nouvelle-Écosse, Orillia en Ontario ou Red Deer en Alberta. Si les banques sont autorisées à vendre des assurances à partir de leurs succursales, la compétition dans le secteur des assurances multirisque s'amenuisera. Il en découlera une baisse de l'emploi, l'érosion de l'assiette fiscale et la réduction de la gamme de choix offerts aux consommateurs. Et tout cela sera attribuable à une politique gouvernementale et non pas à la mondialisation des marchés.
Le gouvernement libéral a souvent dit dans ses documents de politique que l'intérêt des petites entreprises est une priorité, et les politiciens de tout acabit nous disent que les petites entreprises sont l'armature de la nation. Il faut donc que le gouvernement se rende compte, monsieur le président, que ce rapport nuira aux petites entreprises. Il provoquera une limitation des possibilités de formation de capital dans les petites communautés. Il portera atteinte à un secteur stable et très professionnel et il ne répond à aucun besoin pressant du public.
Le rapport MacKay s'appuie largement sur la question de la mondialisation pour étayer ses recommandations. Si les forces de la mondialisation devaient m'obliger à me retirer du marché, c'est la vie. Ce sont des forces naturelles auxquelles il est difficile de résister. Le gouvernement, dans ses politiques, doit tenir compte de ces forces. Il ne peut les repousser de la main ou prétendre qu'elles n'existent pas. Ces 20 dernières années, chaque fois que les politiques publiques se sont opposées à ces forces, on a pu constater d'un accord commercial à l'autre que le gouvernement était contraint d'abandonner de telles politiques.
• 0850
Nous savons aussi, après les bouleversements qu'ont connu les
marchés financiers cet été, que les forces de la mondialisation ne
sont pas toujours positives. Les gouvernements des principaux pays
industrialisés, dont le Canada, cherchent maintenant des moyens
d'atténuer les pires répercussions de la mondialisation sur les
marchés financiers.
Si vous réfléchissez bien aux arguments qui vous sont présentés, monsieur le président, et je suis convaincu que vous le faites, vous comprendrez combien peut être spécieux le raisonnement sur la mondialisation. Le rapport aurait tout aussi bien pu être écrit en 1968, avant que la mondialisation entre dans notre vocabulaire, qu'en 1998. Les recommandations de ce rapport n'ont aucun lien avec le raisonnement sur les forces de la mondialisation, qui ne servent qu'à déguiser l'intention véritable des banques qui est de s'imposer dans un autre secteur. La mondialisation n'est qu'un faux prétexte dans ce débat, parce qu'aucun gouvernement étranger ne demande au Canada, sur l'insistance de ses entreprises, de modifier ses lois relatives aux assurances.
Par conséquent, le rapport MacKay ne concerne pas une modification de la politique du gouvernement en vue de répondre aux exigences de la mondialisation. Non, monsieur le président, ce rapport vise à faire changer la politique du gouvernement de manière à permettre à certains d'envahir un secteur prospère fondé par d'autres au fil de plusieurs générations. Il ne vise pas la création de nouvelles entreprises, mais plutôt l'élimination de sociétés déjà établies. Il ne cherche pas le renforcement de la concurrence, mais sa limitation. Il ne s'intéresse pas à la création de nouveaux emplois, mais plutôt à l'abolition d'emplois acquis, à temps plein et pour toute l'année, denrée rare dans notre région. Le rapport MacKay ne vise pas à satisfaire les besoins des consommateurs, mais plutôt à satisfaire l'envie d'institutions financières puissantes d'augmenter leurs profits en vue d'amplifier leur influence sur la scène internationale.
Monsieur le président, ce n'est pas la mondialisation qui est en cause ici. Ce que vous avez à faire, c'est choisir une politique publique qui soit dans le meilleur intérêt des Canadiens. Monsieur le président, vous pouvez rejeter le rapport MacKay et rester favorable à la mondialisation.
Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.
Je vais maintenant donner la parole aux représentants de la Metropolitan Halifax Chamber of Commerce, M. Norman et Mme Conrad.
M. Terry Norman (président, Groupe de travail sur la fusion des banques, Metropolitan Halifax Chamber of Commerce): Merci, monsieur le président.
En tant que porte-parole des gens d'affaires de notre région, la Metropolitan Halifax Chamber of Commerce est heureuse d'avoir l'occasion de témoigner devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Tous les documents qui composent le rapport MacKay sont le fruit de longues recherches et de profondes réflexions. Nous croyons que les consultations publiques entreprises par le Comité permanent des finances offrent une excellente tribune pour débattre ouvertement d'un certain nombre de questions importantes pour les Canadiens au sujet de l'avenir du secteur canadien des services financiers.
Nous allons, dans notre exposé, examiner cinq grandes questions qui revêtent, d'après nous, une importance particulière pour les 1 500 petites et moyennes entreprises représentées par la Metropolitan Halifax Chamber of Commerce.
La première est la question de l'accès limité des petites et moyennes entreprises, où PME comme on les appelle habituellement, au capital d'emprunt. Les deux tiers de nos membres sont de petites entreprises de 10 employés ou moins. Elles ont en général un encours de crédit de 200 000 $, et les banques sont leur principale source de capital d'emprunt.
Dans le document d'information no 4 du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, on indique à la page 65 que, durant la récession de 1989 à 1992, les entreprises canadiennes ayant des crédits autorisés de moins de 200 000 $ ont vu «l'encours de leurs prêts bancaires diminué de près de 25 p. 100, alors que l'ensemble des prêts bancaires aux entreprises augmentaient de 3,2 p. 100». Selon la Revue de la Banque du Canada, les prêts bancaires consentis au Canada aux PME en vertu d'autorisations de moins de 200 000 $ ont pris huit ans à revenir à leur niveau de 1989.
En mars et en avril 1998, Ekos Research Associates a effectué un sondage sur le secteur des services financiers. Il a découvert que, dans le Canada atlantique, les six grandes banques à charte détiennent 87 p. 100 du marché. Les coopératives de crédit venaient en deuxième, avec 9 p. 100 du marché, et les sociétés de fiducie loin derrière en troisième place, avec 3 p. 100 du marché. En fait, en Nouvelle-Écosse, il semble que les banques détiennent une proportion encore plus grande du marché que dans l'ensemble du Canada atlantique parce que, selon la Banque du Canada, les coopératives de crédit ne possédaient, en 1997, que 5 p. 100 des avoirs des institutions de dépôts dans cette province.
Si la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal et celle de la CIBC et de la Banque TD sont approuvées, il ne restera plus que trois banques à charte comme concurrents d'importance avec lesquelles les PME de Nouvelle-Écosse pourront faire affaire. Pour assurer un choix concurrentiel à ces entreprises, il faudra favoriser l'essor des institutions de second niveau, des banques étrangères, des sociétés de fiducie et des coopératives de crédit, et aussi former leurs employés pour qu'ils puissent répondre aux besoins financiers particuliers des PME.
• 0855
En attendant que ces concurrents entrent en scène, il est
essentiel que les six grandes banques à charte continuent de
répondre aux besoins financiers des PME du Canada atlantique comme
auparavant. Nous demandons que les six grandes banques à charte
garantissent qu'elles vont continuer d'offrir aux PME des services
de crédit en vertu d'autorisations de moins de 200 000 $ qui soient
proportionnels à l'ensemble des services de crédit offerts à tous
leurs clients commerciaux dans le Canada atlantique.
C'est donc dire que, si à la demande d'une banque, le crédit doit être réduit, il devrait l'être autant pour les grandes entreprises que les petites entreprises situées dans la même région. En général, les services de crédit devraient augmenter quand l'économie d'une région est en expansion; en revanche, si la région connaît une récession, les services de crédit devraient diminuer. Nous proposons que les rapports sur les responsabilités envers la collectivité que les banques devraient produire chaque année, selon ce qui est proposé par le Groupe de travail MacKay, indiquent si c'est vraiment le cas.
La deuxième question que nous soulevons a trait à la nécessité d'offrir des services financiers plus concurrentiels. Comme on l'a déjà dit, dans le Canada atlantique, les services bancaires sont assurés surtout par les six grandes banques à charte, et il faut prendre des mesures pour favoriser la concurrence. On pourrait réduire les obstacles auxquels font face les banques étrangères ainsi qu'encourager l'accès des compagnies d'assurances et des coopératives de crédit au marché des PME et promouvoir la croissance de nouvelles banques régionales ou communautaires.
Pour que les services financiers soient plus concurrentiels, il faut ouvrir l'accès du système de paiements au Canada en réduisant au minimum la liquidité obligatoire et les critères opérationnels et techniques et en permettant à toutes les institutions financières d'offrir des services comme l'Interac.
Pour accroître la concurrence, il faut aussi que le personnel des services financiers ait la formation voulue pour répondre aux besoins particuliers des PME. Cette considération est encore plus importante pour les PME axées sur le savoir qui assurent en grande partie la croissance du marché des PME; elles ont des besoins financiers non traditionnels. Une bonne proportion de leurs actifs sont leurs employés qui entrent à la maison chaque soir. C'est pourquoi il faut pouvoir offrir à ces entreprises des prêts reposant non pas sur l'actif mais sur la liquidité, et avoir une connaissance approfondie du marché. Dans certains cas, il faut aussi offrir des prêts qui comportent des risques, ce qui est contraire à la pratique courante des six grandes banques à charte. D'habitude, au Canada, les prêts commerciaux sont fixés à un taux pouvant aller jusqu'à 3 p. 100 au-dessus du taux préférentiel. Si le prêt constitue un risque élevé, on en réduit la valeur au lieu de l'approuver à un taux plus élevé, comme ça se fait aux États-Unis.
On devrait vérifier chaque année la concurrence sur le marché régional dans les rapports sur les responsabilités envers la collectivité produits par les banques.
La troisième question d'importance pour nous est le peu de recherche effectuée sur les besoins financiers des PME. Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien a été surpris d'apprendre qu'on possédait très peu d'informations à ce sujet au Canada. Il a recommandé que Statistique Canada et Industrie Canada procèdent périodiquement à des enquêtes d'évaluation pour avoir un aperçu complet des financements dont les PME ont besoin.
Nous ne contestons pas cette recommandation, mais nous croyons que les deux ministères devraient travailler en collaboration avec des représentants des petites entreprises du Canada, comme les chambres de commerce locales et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, pour que les données recueillies soient vraiment représentatives du marché. La Metropolitan Halifax Chamber of Commerce offre d'aider le gouvernement fédéral à déterminer le meilleur moyen d'effectuer ces enquêtes importantes de façon à assurer le moins d'ingérence et le plus de collaboration possible de la part des PME.
La quatrième question que nous avons retenue est la nécessité de réduire l'impôt sur le capital des institutions financières. Actuellement, le gouvernement fédéral et beaucoup de gouvernements provinciaux perçoivent cet impôt que nous trouvons régressif parce qu'il nuit à l'essor des institutions financières. Nous pensons qu'il faudrait l'éliminer de façon à rendre les règles équitables et à permettre plus de concurrence dans le secteur des services financiers.
• 0900
La dernière question que nous avons relevée est la nécessité
d'améliorer la gestion des comptes commerciaux dans les banques.
Beaucoup de nos membres nous ont signalé que les gestionnaires des
comptes commerciaux dans les six grandes banques à charte changent
très souvent, et que les PME doivent familiariser un nouveau
gestionnaire à leur entreprise tous les ans ou tous les deux ans.
Ce n'est efficace ni pour la banque ni pour les PME.
Nous recommandons que les banques attribuent chaque compte commercial à une équipe composée d'un gestionnaire des comptes et d'un gestionnaire adjoint. Selon cette politique, on pourrait muter le gestionnaire ou son adjoint seulement si son partenaire est en poste depuis au moins un an.
Il y aurait ainsi toujours quelqu'un au courant du compte des PME, qui pourraient aussi être bien servies quand l'un ou l'autre des gestionnaires est en vacances ou en congé de maladie. Cette solution réduirait la lourde charge de travail des gestionnaires et faciliterait la transition en cas de mutation du personnel. Il y aurait ainsi toujours quelqu'un pour s'occuper du compte et les clients commerciaux de la banque seraient plus satisfaits.
Il est aussi important d'assurer la formation des gestionnaires des comptes commerciaux. Les six grandes banques à charte offrent une formation sur les services bancaires aux entreprises. Mais la formation est limitée pour les gestionnaires qui travaillent dans de plus petites institutions financières ou dans les coopératives de crédit ou encore dans les compagnies d'assurances qui n'ont pas encore acquis les compétences voulues dans ce domaine.
Nous croyons que des cours de formation indépendants devraient être offerts en collaboration avec les universités, les collèges ou les établissements de formation privés de façon à répondre aux besoins de l'industrie.
En conclusion, la Metropolitan Halifax Chamber of Commerce croit que le rapport MacKay établit le contexte pour l'avenir des services financiers au Canada. Nous approuvons la vaste majorité des 124 recommandations formulées dans le rapport.
Nous croyons toutefois qu'il faut s'intéresser davantage aux besoins financiers des petites et moyennes entreprises du Canada. Il faut plus particulièrement s'occuper des besoins financiers des PME du Canada atlantique parce qu'il existe peu de concurrents importants aux principales banques à charte dans cette région du pays.
La Chambre de commerce de Halifax serait prête à participer à des études sur les besoins financiers des PME dans le Canada atlantique. Beaucoup de nos membres seraient heureux d'offrir de leur temps pour apporter leur aide à cet égard.
Nous croyons aussi que le gouvernement fédéral devrait prendre des mesures pour favoriser la concurrence dans le domaine des services financiers dans le Canada atlantique. En période de récession, le crédit disponible diminue davantage pour les PME. Dans le Canada atlantique, il y a une plus grande concentration de PME et moins de grandes entreprises par habitant qu'ailleurs au Canada. Il est donc important pour notre niveau de vie que le crédit disponible aux PME dans le Canada atlantique soit maintenu ou augmente au même rythme que pour l'ensemble des prêts commerciaux quelles que soient les conditions économiques. Il faudrait vérifier la situation dans les rapports sur les responsabilités envers la collectivité produits par les banques.
L'impôt sur le capital des institutions financières devrait être éliminé parce qu'il est improductif. Nous voulons que nos institutions soient fortes et aient une base de capital solide. L'impôt sur le capital nuit à l'essor des institutions financières.
La façon dont les prêts sont consentis par les institutions financières est une question très importante pour les PME du Canada atlantique. La trop lourde charge de travail des gestionnaires de comptes commerciaux, leur roulement élevé et leur formation sont des problèmes que les banques doivent régler.
Je terminerai en disant que nous sommes heureux d'avoir pu présenter le point de vue des 1 500 petites et moyennes entreprises qui sont membres de la Metropolitan Halifax Chamber of Commerce.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Norman.
J'aimerais maintenant donner la parole à M. Stephen O'Regan, de O'Regan National Leasing.
M. Stephen O'Regan (propriétaire, O'Regan National Leasing): Je m'appelle Steve O'Regan et je suis accompagné par mon frère Paul. Nous sommes les propriétaires exploitants du groupe automobile O'Regan. Ce groupe réunit sept concessionnaires à Halifax et à Bridgewater ainsi que la compagnie O'Regan National Leasing, qui est l'une des plus importantes entreprises de crédit-bail indépendante dans le Canada atlantique.
Notre famille travaille dans le domaine de l'automobile en Nouvelle-Écosse depuis 1915. Nous avons tous les deux grandi dans ce milieu. J'ai fait des études de génie et j'ai travaillé comme ingénieur pendant presque 20 ans avant de me joindre à l'entreprise avec Paul, qui lui a fait des études en éducation et a enseigné pendant de nombreuses années avant de revenir au commerce de l'automobile. Nous avons une assez grande expérience dans le domaine. Nous avons bâti une entreprise qui compte aujourd'hui environ 225 employés. Nos ventes s'élèvent à près de 100 millions de dollars par année.
• 0905
Le rapport MacKay nous préoccupe beaucoup. Je suis vraiment
convaincu que le groupe de travail s'est en réalité préoccupé de ce
qui est bon pour le secteur des services financiers et pour les
banques; son rapport n'a rien à voir avec ce qui est bon, à long
terme, pour la petite entreprise et le consommateur.
Les banques ont exercé des pressions afin d'obtenir le droit de contourner les petits concessionnaires comme nous et d'offrir leurs produits de location directement aux consommateurs. La concession automobile absorbe beaucoup de capitaux, et je vais vous énumérer simplement certains des produits qui nous sont fournis par les banques. Elles consentent des prêts hypothécaires pour nos immeubles et nos installations. Elles nous offrent des marges de crédit pour exploiter nos entreprises. Elles offrent le plan de financement en gros qui nous permet de financer nos stocks de véhicules nouveaux. Elles offrent des prêts à la consommation à ceux qui achètent nos véhicules neufs et d'occasion. En réalité, elles dominent déjà environ la moitié du commerce de la location grâce aux programmes de location au détail qui sont commercialisés par l'intermédiaire de nos concessions, ainsi qu'au financement de baux financiers de nos services internes de location en gros.
Je laisse maintenant à Paul le soin de vous décrire certaines des préoccupations que suscite chez nous le travail du groupe MacKay dans un domaine bien précis.
M. Paul O'Regan (propriétaire, O'Regan National Leasing): Ce qui nous distingue vraiment, nous les petites entreprises—nous nous considérons comme une petite entreprise, bien que nous soyons l'un des plus gros concessionnaires de la région—, c'est que, tandis que les banques rendent des comptes uniquement à leurs actionnaires, nous devons composer avec nos employés, nos familles et nos collectivités.
On nous répète constamment qu'il faut laisser les banques pénétrer le marché de l'automobile pour y aviver la concurrence. Je n'ai jamais rien entendu d'aussi absurde. Le commerce de l'automobile est probablement le commerce le plus concurrentiel du monde. Nous l'avons tous appris concrètement, croyez-moi. Essentiellement, la présence des banques ne nous pose pas de problème, mais il faudrait qu'elles soient des partenaires plutôt que des concurrentes. Nous sommes obligés de passer par elles pour obtenir certains services qu'a mentionnés Steve. L'idée qu'elles puissent louer des automobiles au comptoir est absolument absurde.
Elles dictent déjà notre financement et elles ont droit de regard sur nos listes de clients. C'est un peu comme si j'allais remettre ma liste au concessionnaire Pontiac ou Ford. C'est insensé. C'est tout à fait absurde.
Durant les années 50, lorsqu'a vu le jour le marché de location des autos, l'Association canadienne des automobilistes et le gouvernement fédéral se sont rencontrés et ont conçu la déduction pour amortissement. J'ignore si vous connaissez cette déduction, mais elle permet essentiellement de radier un bien plus rapidement que cela ne se ferait habituellement. En d'autres mots, elle permet à l'entreprise de location de mettre son inventaire d'automobile à l'abri du fisc jusqu'à un certain point, d'économiser des impôts à court terme. Ainsi, le concessionnaire automobile réduit l'impôt qu'il paie chaque année, argent qu'il peut alors investir dans la construction de nouveaux immeubles et dans son commerce.
Cette déduction a vu le jour en raison de la nature capitalistique du commerce de l'automobile. Elle est, je crois, la raison pour laquelle les banques veulent se lancer dans ce commerce. Elles veulent pouvoir se prévaloir d'une déduction qui n'a jamais été conçue pour leurs fins. Elle a été élaborée pour les 4 000 concessionnaires automobiles du Canada en vue de les aider à réinvestir dans leurs entreprises. Les banques ont 3 milliards de profit qu'elles aimeraient bien mettre à l'abri quelque part. C'est pour cette raison qu'elles veulent se lancer dans le commerce de l'automobile, car c'est pour elles un excellent moyen de protéger leurs énormes profits, une fin pour laquelle la déduction n'a jamais été conçue.
• 0910
L'autre source de préoccupation est l'avenir de nos
entrepreneurs. Quand j'ai quitté l'enseignement en 1974, après le
décès de mon fils... Pendant un an, je me suis occupé de mon enfant
malade, et il fallait constamment aller à Toronto. J'ai ouvert un
poste d'essence à l'intersection des rues Thistle et Maple avec
l'un de mes étudiants de 12e année. Nous n'avions pas d'argent
quand nous avons lancé l'entreprise, et nous avions beaucoup à
apprendre. Nous avons connu un grand succès. Toutefois, je crains
réellement ce qui va arriver aux futurs entrepreneurs.
Pour être honnête, aujourd'hui, étant donné la concurrence qui se livre pour obtenir des fonds, je ne réussirai jamais comme entrepreneur. Je n'en aurais même pas l'espoir parce qu'il est très difficile, à moins d'être déjà bien établi et ainsi de suite, de faire financer de l'immobilier au Canada, de l'immobilier commercial dans le secteur de l'automobile, c'est-à-dire de l'immobilier qui ne peut servir à d'autres fins. Nous avons laissé ce pouvoir se concentrer à tel point qu'il est extrêmement difficile de trouver des bailleurs de fonds.
Par ailleurs, je n'en reviens pas qu'on permette une telle concentration du pouvoir quand on se rappelle les hauts et les bas de l'économie. Souvenez-vous de l'année 1981, quand les taux d'intérêt étaient de 23 p. 100, puis de 1990, début du marché baissier qui a duré jusqu'en 1992. Il est incroyable que nous concentrions tant de pouvoir dans les mains de si peu. En règle générale, les institutions financières ne prêtent qu'à ceux dont les affaires vont bien. Nous avons donc été chanceux d'avoir des entreprises comme Toyota Credit, GMAC et Ford Motor Credit, qui ont financé les immeubles et tout le reste durant les périodes où les banques ne voulaient pas le faire parce qu'elles n'y voyaient pas d'avantage pour leurs concurrents.
En guise de conclusion, je me contenterai de répéter que, si les banques souhaitent fusionner, cela ne me pose pas de problème. Par contre, je suis vivement opposé au fait qu'on laisse aux petites entreprises le soin de faire vivre les collectivités. Ce sont les entreprises comme la nôtre qui réinjectent 100 000 $ environ dans la collectivité, qui en versent aux sociétés de lutte contre le cancer, aux troupes théâtrales, aux diverses petites agglomérations. Nous aurons un problème si nous éliminons ces commerces et que nous permettons aux banques de leur faire concurrence. Je ne souhaite pas me lancer dans le commerce des banques, et il n'est pas question pour moi qu'elles puissent envahir mon commerce, empocher les profits, tout détruire dans leur sillage, puis passer à autre chose.
Steve.
M. Stephen O'Regan: Il conviendrait peut-être de mettre fin à notre exposé en vous citant Reuben Cohen, que certains d'entre vous connaissent peut-être comme le fondateur de l'une des très grandes sociétés de fiducie de la région atlantique du Canada, soit Central Capital. M. Cohen est un membre très respecté de la collectivité de l'Atlantique, et il a certes une longue expérience des banques. Il a rédigé un livre récemment, que certains d'entre vous ont peut-être lu, intitulé A Time to Tell. Il s'agit d'une autobiographie. Il était à Halifax, il n'y a pas longtemps, pour en faire la promotion. J'ai donc une citation de lui ici au sujet des banques, une citation que j'ai tirée d'un des journaux locaux. Ce passage servira de conclusion à notre exposé:
-
Aujourd'hui, les banques sont si puissantes qu'il n'existe pas de
pouvoir sur terre qui puisse les arrêter. Elles avalent tout.
Voilà un point qu'il faudrait garder très présent à l'esprit.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Messieurs, je vous remercie énormément. J'aimerais maintenant inviter un dernier témoin, M. Ferguson d'Innovacorp, à nous faire son exposé.
M. Lorne Ferguson: Merci, monsieur le président, et merci aussi de m'avoir invité ici. Je m'appelle Lorne Ferguson. Je suis directeur général de la planification et de l'évaluation chez Innovacorp, Société d'innovation de la Nouvelle-Écosse.
Innovacorp est une société d'État provinciale créée par le gouvernement de Nouvelle-Écosse en 1995 pour cerner les besoins de technologie et de commercialisation qui permettraient à la province de passer à une économie du savoir.
• 0915
La mission d'Innovacorp est de permettre aux entreprises néo-écossaises
de livrer concurrence au sein de l'économie mondiale.
J'aimerais préciser au départ que toutes les entreprises avec
lesquelles nous traitons sont des entreprises axées sur la
technologie, par exemple des fabricants d'instruments médicaux, des
sociétés de multimédia. Toutes ces entreprises lorgnent vers les
marchés internationaux. Elles ont besoin d'avoir accès aux services
et à l'aide qui leur permettront d'y accéder.
Nous leur donnons de la valeur ajoutée grâce à notre processus d'aide technologique et commerciale et nous aidons chacune d'entre elles à mettre au point ses produits, à définir sa stratégie de marketing, à dresser des plans d'entreprise, à distribuer ses produits et à satisfaire ses besoins de financement.
Nous travaillons aussi de concert avec des secteurs clés de la technologie. Ainsi, dans le secteur des sciences de la vie, nous soutenons les entreprises de biotechnologie, celles qui fabriquent des instruments médicaux. Nous mettons aussi l'accent sur les services médicaux et les services de gestion des soins de santé, de même que sur la commercialisation de la recherche effectuée dans les universités ou par des organismes de recherche.
Nous ciblons aussi le secteur de la technologie de l'information, celui de l'ingénierie et des matériaux de pointe et les technologies de l'océan. Nous avons choisi ces quatre secteurs parce que la Nouvelle-Écosse a une bonne capacité sur ces plans. Ce sont tous des secteurs promis à un brillant avenir sur le marché mondial, et ils offrent de bonnes perspectives de croissance pour la Nouvelle-Écosse.
Innovacorp fait partie du nouveau genre d'infrastructure requis pour passer à une économie du savoir. Il serait aussi juste de dire qu'il s'agit d'une approche formative en vue de changer la façon dont nous brassons des affaires en Nouvelle-Écosse. Il est aussi très évident qu'il n'existe pas vraiment de règles d'or. On fait le bilan des possibilités et on se dote de nouvelles méthodes qui permettent d'en profiter.
Un de nos outils de prédilection est la conclusion de partenariats. Nous offrons nous-mêmes toute une gamme de services aux entreprises avec lesquelles nous traitons. Ainsi, nous exécutons le Programme d'aide à la recherche industrielle pour la petite entreprise du Conseil national de recherches, qui aide au prototypage des nouvelles technologies. Nous employons aussi des chercheurs scientifiques et des ingénieurs et nous exploitons des laboratoires scientifiques et techniques en vue d'aider à évaluer les technologies et à améliorer la conception des nouveaux produits et services.
Nous exécutons une opération capital-risque, et je suis heureux d'annoncer que nous avons récemment conclu un partenariat avec la Royal Bank Capital Corporation en vue de donner meilleur accès à des capitaux de démarrage aux petites entreprises, aux petites sociétés technologiques.
Nous offrons aussi des services d'encadrement qui prennent la forme de conseils aux entreprises qui ont peut-être besoin d'aide en planification, en marketing ou pour d'autres aspects de leur développement.
Nous exploitons également un réseau croissant de centres d'incubation d'entreprises. Sur notre propre campus, qui se trouve à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, nous avons un centre d'innovation technologique où 35 petites entreprises profitent actuellement de nos services. Nous avons récemment effectué une étude des meilleurs mécanismes selon laquelle ce processus est un ingrédient essentiel aux entreprises technologiques en pleine croissance et il donne des résultats très prometteurs. Les entreprises qui passent par ce genre d'incubateur ont un taux de succès beaucoup plus élevé.
Nous avons aussi l'une des meilleures bibliothèques de recherche en technologie de l'est du Canada grâce à laquelle nous aidons les entreprises dans des dossiers comme la propriété intellectuelle, les renseignements sur la concurrence et ainsi de suite.
Je tiens aussi à mentionner qu'à notre avis, il faut offrir une infrastructure financière forte en vue d'aider les entreprises de technologie à pénétrer les marchés. Comme je crois l'avoir mentionné tout à l'heure, toutes les entreprises avec lesquelles nous travaillons sont axées sur la technologie et ont toutes besoin de percer sur les marchés internationaux. La demande sur les marchés canadiens n'est tout simplement pas assez grande pour absorber tous les produits et services que ces entreprises, en dépit de leur taille, mettent au point.
À titre d'exemple de partenariats mis en place pour aider les entreprises avec lesquelles nous travaillons, citons le programme de financement à l'intention des petites entreprises innovatrices de Nouvelle-Écosse lancé en 1997 par la Banque Royale, en coentreprise avec le ministère du Développement économique et du tourisme de la Nouvelle-Écosse, qui permet d'offrir aux petites et moyennes entreprises en voie de développement précommercial et commercial (ce qui inclut la production et le marketing) des fonds de R-D.
• 0920
L'accent est mis surtout sur l'industrie de la matière grise.
La Banque royale a engagé 10 millions de dollars de son programme
national de financement de la petite et de la moyenne entreprise en
vue d'appuyer cette initiative particulière.
La Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs est une autre initiative intéressante et importante. Le bureau de ce programme national dans l'Atlantique a ouvert ses portes en 1996. Les principaux bailleurs de fonds nationaux sont la Banque Royale et la CIBC. Le programme offre du capital de démarrage de même que des services d'encadrement et de développement de plans d'entreprise en vue d'aider ceux qui souhaitent lancer une entreprise.
Les employés de la Banque Royale participent aussi en tant qu'encadreurs et conseillers auprès des jeunes entrepreneurs et des jeunes entreprises issus du processus. Comme exemple, on pourrait citer—les personnes de la localité les connaissent peut-être—le café Internet Ceilidh Connection et le Cape Breton Tea Room.
Ce sont là des exemples plutôt nouveaux des façons d'aider les entreprises de technologie et les autres petites entreprises à prendre de l'expansion, et nous croyons que ce genre de développement et d'expérience est important.
Nous avons cerné un besoin particulier, soit le financement du démarrage des entreprises technologiques. Si vous examinez les besoins tout au long du cycle de vie des entreprises technologiques, ils sont nombreux dès le début, et le Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches vise à les aider à faire du prototypage technologique.
Innovacorp intervient au dernier stade de la R-D et au premier stade du développement des produits. L'industrie du capital de risque intervient à la dernière étape de développement des produits et au tout début de la distribution. Les grandes institutions financières comme les banques ont en réalité un rôle à jouer, selon nous, à l'étape de la production et de la distribution. Quant à la contribution des importants fonds de pension et des souscriptions publiques, ce genre d'investissement se fait à l'étape de l'entreprise parvenue à maturité. Tout gravite donc en réalité autour du risque et de la façon dont ces institutions financières souhaitent se positionner dans ce contexte.
Innovacorp intervient à une des premières étapes du risque. Nous constatons qu'il est essentiel de mettre davantage l'accent sur le financement du démarrage—ce que nous appelons financer le lancement des entreprises—à l'étape précommerciale. Il existe de bons exemples, comme ceux que je viens de mentionner, de services qui sont offerts à cette étape, mais nous sommes en réalité convaincus qu'il faut faire davantage en ce sens et améliorer l'accès des nouvelles entreprises à du financement dès leur lancement.
Nous estimons ce besoin important pour une raison très fondamentale. Selon nous, ces entreprises sont la nouvelle source de richesse au Canada, et nous estimons que de nouveaux investissements en Nouvelle-Écosse et au Canada, de même que le développement de nouvelles possibilités d'exportation et la création d'emplois rémunérateurs en résulteront. Les possibilités futures de croissance de l'économie auront beaucoup à voir avec l'innovation technologique qui en est à ses tout débuts actuellement.
Vous êtes peut-être au courant que la Nouvelle-Écosse compte actuellement à peu près 200 entreprises et organismes connexes qui font de la biotechnologie. Elle compte aussi bien au-delà de 200 entreprises de technologie de l'information qui sont membres de l'association industrielle néo-écossaise dans ce domaine. Je ne le mentionne que pour vous illustrer ce qui est déjà en cours.
Au Cap-Breton, il existe un groupe consultatif d'experts en technologie qui se réunit une fois par mois et compte approximativement 600 membres. C'est un groupe dynamique qui aide réellement le Cap-Breton à diversifier son économie. Je ne risque pas de me tromper en disant que, bien que cela ne se sache pas autant qu'il le faudrait, la Nouvelle-Écosse est actuellement un creuset très dynamique d'innovation technologique. C'est très important.
Dernier point, j'aimerais préciser, pour en revenir à l'innovation, qu'il existe en Nouvelle-Écosse un très grand capital intellectuel. La Nouvelle-Écosse se classe au deuxième rang pour le nombre de doctorats par tête d'habitant, devancée seulement par la région de la capitale nationale. Par contre, ce capital se traduit par très peu d'activité commerciale. C'est en réalité sur ce plan que souhaite agir Innovacorp—aider à tirer une plus grande valeur de ce capital.
L'infrastructure financière est primordiale pour permettre aux entrepreneurs individuels d'innover. Nous travaillons donc de concert avec nos partenaires de l'industrie, du milieu universitaire et du secteur public à faciliter cette innovation, selon nous essentielle pour favoriser la croissance et le développement d'entrepreneurs forts et prospères dans le domaine de la technologie.
• 0925
Je vous remercie beaucoup d'avoir pris la peine de m'écouter.
Il me tarde de répondre à vos questions.
Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est nous qui vous remercions.
J'aimerais maintenant donner la parole à nos collègues. Nous disposons d'une heure environ. Si dix minutes environ sont allouées à chacun, tous devraient pouvoir prendre la parole.
Monsieur Forseth, vous avez la parole en premier.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je vous remercie beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Je vous pose une question, et sentez-vous tous libres d'y répondre. Nous avons entendu toute une gamme d'opinions exprimées de diverses façons, mais j'aimerais vous donner l'occasion de peaufiner vos réponses.
Quelle serait la liste élémentaire de conditions ou de nouvelles règles qui vous permettraient d'accepter la fusion projetée des banques? En d'autres mots, si les fusions bancaires sont inévitables, que le gouvernement leur donnera le feu vert, quelle serait, selon vous, la liste prioritaire de garanties ou de conditions à obtenir? Quelles seraient les règles élémentaires qui s'imposeraient vraiment pour que les fusions soient autorisées?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Qui sera le premier à répondre?
M. Bill Casey: Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut qu'il y ait de la réelle concurrence, en briques et en mortier, dans les petites villes du Canada avant que les fusions puissent être autorisées. Au Canada rural, je sais que, dans bien des petites villes de la circonscription que je représente, il n'y a qu'une seule banque. Je sais que ces succursales disparaîtront après les fusions. Il faut qu'il y ait de la concurrence.
Le porte-parole de la chambre de commerce vous a décrit le taux de roulement élevé du personnel des banques actuellement. C'est un problème de taille, parce qu'il n'y a plus de contact personnel. Tout se fait par cote de crédit. On ne tient aucun compte des personnes en jeu. Les fusions ne feront qu'exacerber le problème.
Des entreprises locales pourraient beaucoup contribuer sur ce plan, mais il faut que cela se fasse dans les petites villes. Le plus souvent, on s'oriente vers les grandes villes, les grands centres urbains du Canada. Très peu...
M. Paul Forseth: Si je vous ai bien compris, avant d'accepter les fusions projetées, vous exigeriez que la concurrence soit déjà en place dans les petites villes et qu'elle collabore avec la collectivité. Vous supposez donc au départ toute une liste de choses.
Les banques nous demandent d'approuver les fusions, après quoi elles promettent d'être plus concurrentielles et de modifier les règles. Vous préconisez au contraire de changer peut-être les règles d'abord et de voir ce qui se passe, d'avoir au départ un environnement concurrentiel viable, avant d'autoriser les fusions.
M. Bill Casey: Sauf votre respect, je doute fort que les banques tiendront cette promesse.
J'étais ici quand les grands dirigeants des banques ont dit, en rapport avec la vente liée, qu'il n'y en a pas, qu'il existe des règlements l'interdisant. Pourtant, je sais que cette pratique existe.
M. Lipsett et l'industrie de l'assurance seront ruinés si les banques sont autorisées à vendre de l'assurance aux consommateurs. Ce sera encore pire que ce qui se passe actuellement dans le secteur de l'investissement. Quand on a autorisé les banques à envahir ce secteur, elles ont au moins dû payer pour acheter les entreprises. Elles ont absorbé toutes les entreprises du Canada. Elles ont gobé tout le secteur, mais elles ont au moins dû payer pour le faire.
Dans le secteur de l'assurance, si on les autorise à vendre de l'assurance aux consommateurs, elles absorberont tout, ne laissant rien dans leur sillage, c'est-à-dire qu'elles mettront dans la rue les courtiers d'assurances du pays.
Je n'ai donc pas beaucoup confiance dans... Elles croient peut-être ce qu'elles disent; je ne veux pas laisser entendre qu'elles sont malhonnêtes ou quoi que ce soit. Toutefois, il semble y avoir deux réalités différentes: il y a ce que disent les grands dirigeants des banques et ce qui se produit en réalité dans la rue, même dans leurs propres succursales. Ce sont deux mondes tout à fait différents.
J'aimerais avoir la preuve que, dans les petites villes néo-écossaises, dans les petites villes canadiennes, les personnes âgées, les chômeurs, les petits entrepreneurs et tous ceux qui entrent dans les succursales pour y effectuer des transactions bancaires—pas à un guichet, pas au moyen d'une carte de débit—ont réellement le choix. Les guichets et les cartes ne représentent qu'une partie du service bancaire, pas le secteur.
M. Paul Forseth: Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Norman, vous avez la parole.
M. Terry Norman: Nous de la Chambre de commerce estimons que l'accès au capital et la concurrence sont les deux conditions principales. Nous ne nous attendons toutefois pas à ce que la concurrence intervienne très rapidement.
• 0930
Il est arrivé par le passé que les banques ont vraiment
découragé les tentatives de concurrence. Elles ont exercé des
pressions pour établir au Canada des conditions limitant la
concurrence. Nous proposons maintenant de l'élargir. C'est bien
mais, ça ne se fera pas du jour au lendemain. Même à Halifax, je
crois, nous sommes au fait de la concurrence qui se livre à
Toronto, mais très peu de ces banques étrangères sont installées
chez nous. À l'échelle de la Nouvelle-Écosse, il n'y a tout
simplement pas de concurrence.
Premièrement, nous devons mettre en place les conditions nécessaires à la création de nouvelles banques. Au cours des 15 dernières années, deux ou trois banques seulement ont été crées au Canada, je crois, comparativement à 223 l'an dernier aux États-Unis. Nous devons donc améliorer les conditions nécessaires à l'ouverture de la concurrence.
L'arrivée de grandes surfaces spécialisées donne lieu à des changements au sein du marché des services financiers. Nous nous en réjouissons car elles peuvent offrir des services très pointus. Nous devons toutefois assouplir les conditions si nous voulons qu'elles s'installent au Canada et soient en mesure de soutenir la concurrence à l'échelle du pays, même dans les petites agglomérations.
Les services bancaires sur Internet pointent à l'horizon. Jusqu'à maintenant environ 10 p. 100 de nos clients y recourent. C'est un marché en expansion. Cela aidera dans les petites collectivités à mesure que plus de gens ont accès à Internet. La Nouvelle-Écosse exerce énormément de pression pour ce faire. Mais ces choses doivent se produire. À l'heure actuelle, ces services n'existent pas. Les banques occupent à l'heure actuelle environ 90 p. 100 du marché. En attendant, si l'on doit autoriser les fusions, il faut nous garantir que les gens auront accès au capital alors que s'installera la concurrence au cours des 10 prochaines années.
M. Paul Forseth: Mais les banques disent la même chose. Elles disent de mettre en place des règles du jeu équitables, qu'elles sont prêtes à faire partie d'un marché concurrentiel plus ouvert. Cependant, quelle est la différence entre vos propos et les leurs?
M. Terry Norman: La différence vraiment c'est que les banques disent quelque chose de nouveau. Elles ne s'exprimaient pas ainsi jusqu'à tout récemment.
Il faudra du temps pour mettre en place cette concurrence. Il ne suffit pas d'ouvrir les vannes et de s'attendre à ce que tout se produise soudainement. Ce n'est pas réaliste. Nous avons besoin d'une période de transition pour décider de la façon dont nous y prendront pour y parvenir. Nous devrons ensuite surveiller les progrès vers la réalisation de notre objectif. En attendant, il faut qu'on nous garantisse que les services seront offerts pendant cette période de transition.
M. Bruce Lipsett: Je dois me faire le porte-parole de notre industrie. Mes collègues et moi-même ne nous voyons certes pas comme des connaisseurs de ce que font les banques, même si notre industrie doit y avoir recours étant donné qu'elle leur emprunte de l'argent pour financer ses activités. Je trouve un peu paradoxal que, si elles veulent reprendre nos activités, je continue alors de leur devoir de l'argent même si je ne suis peut-être plus en affaires.
Nous sommes ici aujourd'hui pour parler des banques. Nous ne sommes pas contre la fusion des banques. Nous trouvions à redire du fait qu'il n'est pas fait mention dans le rapport du peu de concurrence dans le secteur des assurances incendie, accidents, risques divers.
Si, comme le dit M. Casey, on leur donne la chance de vendre de l'assurance à partir de leurs succursales, ce qu'elles aimeraient faire, il en résultera beaucoup de pertes d'emploi dans les régions rurales, voire dans certains grands centres. Des emplois sont menacés. Ce sera injuste du point de vue de la concurrence. À l'instar des marchands d'automobiles, toutes les fois que quelqu'un a une hypothèque ou un privilège qui garantit son véhicule, nous devrons leur faire parvenir un exemplaire de la police. Elles sont au courant de tous nos faits et gestes.
Nous sommes ici pour nous battre et vous dire que les fusions de banques ne nuiront peut-être pas à notre industrie. Cependant, l'autorisation donnée aux banques de vendre de l'assurance par l'entremise de leurs succursales aura sans doute d'importantes répercussions sur la concurrence vu que nous serons moins nombreux à rivaliser. Je crois que nous avons dit dans notre mémoire, ne serait-ce que dans la petite ville où je vis, qu'il y a beaucoup de concurrence.
M. Paul Forseth: Dans les secteurs du courtage ou de la vente de l'assurance.
M. Bruce Lipsett: C'est exact.
M. Paul Forseth: Nous disions à cet égard que les banques devraient être assujetties à la même accréditation et à la même formation permanentes ainsi qu'aux normes que vous devez respecter en tant qu'associations.
C'est la même chose dans le cas de l'assurance-vie: comment faire en sorte que les banques seront assujetties aux même règles du jeu en ce qui concerne l'accréditation et la formation permanentes? Cela mène à la prochaine question. Il est possible que très bientôt les banques, au lieu de vendre de l'assurance, possèdent la compagnie d'assurances. Elles vont racheter les compagnies d'assurances elles-mêmes. Jusqu'où cela va-t-il?
M. Bruce Lipsett: Elles le font à l'heure actuelle et elles soutiennent avec nous une concurrence loyale. La question, monsieur Forseth, porte sur la concurrence déloyale. Depuis 1992, la concurrence s'est accrue dans notre industrie lorsqu'on a autorisé les banques à acheter des compagnies d'assurances et à vendre de l'assurance par l'entremise de ces dernières.
La CIBC en Ontario, par exemple, est l'une des plus grandes compagnies d'assurances en Ontario, voire au Canada, avec une croissance de 30 p. 100. Elles soutiennent une concurrence assez loyale avec les courtiers que nous sommes. Nous ne nous opposons pas à cela. Nous nous opposons simplement au fait qu'un groupe de votre succursale bancaire sera en mesure d'exercer une influence excessive sur un client au point d'influer sur sa décision d'achat, que ce soit ou non la bonne décision.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Une très courte question.
M. Paul Forseth: Je me demandais simplement si quelqu'un d'autre veut ajouter son grain de sel. J'ai posé cette question générale: quelles seraient les règles élémentaires qui s'imposeraient? S'il doit y avoir des fusions, de votre point de vue, quelles seraient les règles élémentaires qui vous feraient accepter l'idée des fusions?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois qu'il a dit qu'il ne s'opposait pas aux fusions. Il ne veut pas que les banques vendent...
M. Paul Forseth: J'attendais simplement que quelqu'un d'autre réponde à la même question.
M. Lorne Ferguson: Mon point de vue est quelque peu différent en ce sens que les entreprises spécialisées dans la technologie avec lesquelles nous faisons affaire mettent l'accent sur les marchés internationaux. À notre avis, les compagnies doivent absolument avoir accès à une infrastructure financière et à des capitaux solides pour financer leur expansion à l'échelle internationale. Cela signifie probablement une présence solide dans ces marchés et une connaissance de ces derniers qui peut être mis à la disposition des compagnies basées en Nouvelle-Écosse. Nous estimons qu'il s'agit là d'une composante essentielle du développement sain d'entreprises de ce genre.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Forseth. J'aimerais passer la parole à M. Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bonjour tout le monde. J'ai aimé vos exposés. Je les ai trouvés très fascinants.
Je vais vous confier un petit secret. Il y a quelques années, dans les corridors du Parlement, un de mes collègues disait du mal des banques et du bien des compagnies d'assurances, du crédit-bail automobile et des marchands d'automobiles.
La raison pour laquelle les banques demandaient une part du marché du crédit-bail automobile et de l'assurance... Le gouvernement de l'époque a bien sûr décidé de ne pas accéder à leurs demandes, mais cela m'a intrigué davantage et j'ai voulu me renseigner au sujet des banques, j'ai voulu savoir ce qu'elles font. Bien sûr, nous avons tenu de nombreuses audiences. Un groupe de travail du Parti libéral a été constitué et a posé quantité de questions aux banques, surtout à tous les présidents de conseils d'administration.
Laissez-moi vous citer quelques-unes de leurs réponses. Elles voulaient fusionner pour des raisons de technologie, pour devenir compétitives sur la scène internationale et parce que ce monde est en mutation.
J'ai entendu M. Stonehouse dire ce matin que les banques canadiennes ont dépensé 600 millions de dollars pour la technologie, tandis que la Citibank des États-Unis y a consacré 3 milliards de dollars.
Le fait est que les banques canadiennes sont très en avance sur celles de nos voisins du Sud qui devront investir beaucoup d'argent pour rattraper les institutions bancaires du Canada. Nous avons d'excellentes institutions, parmi les meilleures du monde. En fait de ratio de concentration des banques, nous sommes en deuxième position, après les Pays-Bas, dont le ratio est de trois banques. Au Canada, avec nos six banques à charte, nos droits sont très bien protégés.
• 0940
Nous avons une règle selon laquelle personne ne peut posséder
plus de 10 p. 100 de nos banques. Notre système bancaire n'est pas
mauvais; de fait, les Canadiens jouissent d'un excellent système
bancaire.
Nos banques ne craignent pas la venue de concurrents. Nous faisons constamment l'erreur de croire que de permettre à des concurrents de pénétrer notre marché stimulera la compétitivité, et que ce sera une bonne chose pour nous. Je suis désolé, mais d'après ce que j'ai pu constater, ce sont les concurrents qui me posent un problème. Au début de la semaine dernière, les compagnies Capital Fund, Wells Fargo, Capital One et tous ceux-là qui se targuent d'être des banques se sont présentés devant le Comité des finances pour dire qu'ils voulaient s'établir au Canada.
Mesdames et messieurs, les banques sont établies ici depuis belle lurette. Il y a 20 ans, il y avait 52 banques étrangères au Canada. Elles sont maintenant 48. Si c'était une si bonne affaire pour elles, elles se seraient précipitées ici. En fait, elles veulent exploiter le marché monétaire de gros au Canada. Elles ne tiennent pas à être des institutions de dépôt, ni à intervenir dans le paiement de garanties; ce qu'elles veulent, c'est pénétrer notre marché en tant que réseau de succursales bancaires. Ces concurrents de l'étranger ne veulent pas avoir une présence physique au Canada; ils veulent seulement fonctionner comme la Wells Fargo. Les Canadiens, en acceptant de traiter avec ces banques, devront être sur leurs gardes parce qu'ils n'auront aucune protection si elles n'ont pas de bureaux ici. Le contrat qu'ils signeront sera fondé sur les lois de la Californie. Rien n'obligera ces institutions ici à rendre des comptes aux Canadiens et au gouvernement canadien. C'est ça, le genre d'entreprise qui veut s'établir ici.
Pour ce qui est de notre incapacité à faire face à plus de concurrence, M. MacKay n'a pas réinventé la roue. Les compagnies d'assurances peuvent ouvrir une banque par l'entremise d'une filiale depuis 1992. Elles n'ont jamais voulu le faire parce que leur propre domaine est protégé. Nous avons examiné la question et déterminé qu'il faut de la concurrence pour la concurrence. Donc, M. MacKay n'a pas réinventé la roue. Il ne fait que copier ce qui existe peut-être déjà depuis 20 ou 50 ans aux États-Unis. Là-bas, les banques ont des chartes de différents États et maintenant, elles veulent fusionner. Je ne tiens pas à nous voir régresser de 20 ans pour repartir de l'avant encore pour en revenir au point où nous en sommes aujourd'hui dans les institutions bancaires du Canada.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Pillitteri, pourriez-vous...
M. Gary Pillitteri: Oui, mais j'aimerais poser une question.
À propos d'envergure et de plus grande compétitivité, une question a été posée aux banques au sujet des services de paye. On leur a demandé, si elles fusionnaient, si elles rétabliraient les 600 emplois qui ont été perdus lorsqu'elles ont confié les services de paie à une autre institution bancaire des États-Unis. La réponse a été négative. Savez-vous qu'aucune de nos banques ne traite ses salaires ici au Canada? Et même s'il y a fusion, ces emplois-là ne seront pas rétablis ici.
J'aimerais vous demander si l'un de vous, ou un homme ou une femme d'affaires que vous connaissez, s'est fait refuser des services par des banques, pour faire des transactions avec l'étranger? Je n'ai pas trouvé d'exemples parce qu'elles sont à l'étranger. Elles sont partout dans le monde.
Et si je peux citer un autre cas, il n'y a pas...
Le vice-président (M. Nick Discepola):
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Gary Pillitteri: Je vais poser une autre question.
Aucune transaction au monde n'était trop grosse pour l'une ou l'autre des six banques à charte. Chacun des présidents a affirmé que sa banque aurait été d'envergure suffisante, si elle l'avait souhaité, pour rivaliser avec d'autres pour n'importe quelle transaction au monde. Je n'ai donc pas vu de bon plan d'affaires... et on ne m'a refusé aucun service. Connaissez-vous quelqu'un à qui on a refusé des services parce que son entreprise n'était pas assez importante pour faire des affaires en dehors du Canada?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Qui aimerait répondre à cette question?
M. Terry Norman: Je veux bien essayer.
• 0945
Tout d'abord, pour obtenir du financement à l'exportation, il
faut avoir une entreprise d'une certaine envergure. Il faut un
chiffre d'affaires minimum d'environ 500 000 $. Donc, à prime
abord, une petite entreprise qui veut faire des affaires sur les
marchés étrangers a un problème. Les banques n'accorderont pas de
financement avec, pour seules garanties, des comptes débiteurs à
l'étranger. Si vous n'avez pas de créances au Canada, désolé, mais
vous n'aurez rien. Je peux donc vous donner de nombreux exemples de
compagnies qui aimeraient bien faire affaire avec l'étranger, mais
ne peuvent pas obtenir de financement des banques canadiennes en
vertu du système actuel.
M. Gary Pillitteri: Permettez-moi d'être d'un autre avis, monsieur, mais je fais affaire avec l'étranger, moi aussi, et je ne traite qu'avec des lettres de crédit.
M. Terry Norman: De quel genre de chiffres d'affaires s'agit-il? Est-ce que c'est plus de 500 000 $?
M. Gary Pillitteri: Eh bien, oui, mais c'est ce que...
M. Terry Norman: C'est très différent pour les petites entreprises. Vous devriez parler aux gens des petites entreprises.
M. Gary Pillitteri: Oui, mais ces gens...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Les petites entreprises ont du mal à avoir accès au capital. Vous dites que, sur ce plan, rien n'a changé, et je suis d'accord avec vous. Rien n'a changé depuis cinq ou six ans que je suis en politique. Qu'est-ce qui changerait avec la fusion des banques?
M. Terry Norman: Je ne crois pas qu'il y aura de changements à moins que nous n'insistions pour qu'il y en ait et que ça soit mis noir sur blanc.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc, l'accès au capital serait une des conditions que vous poseriez avant de permettre la fusion des banques.
M. Terry Norman: Avec une garantie par écrit.
M. Gary Pillitteri: Ils vous garantiront tout ce que vous voudrez. Tous les présidents s'y sont engagés. Ils se plieront à toutes les conditions que vous voudrez imposer.
M. Terry Norman: Et, si j'ai bien compris, il y aura des restrictions...
M. Gary Pillitteri: Je ne tiens pas à argumenter aujourd'hui, mais ils n'ont pas encore défini les conditions en matière de paiement, ils n'ont encore rien présenté au BSIF. Ils ne l'ont toujours pas fait parce qu'il y a encore un certain désaccord entre les banques et le BSIF. C'est pourquoi ils donneront toutes les garanties qu'on voudra.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que quelqu'un d'autre veut faire un commentaire? Madame Lewis.
Mme Daurene Lewis: Très brièvement, à propos de ce que disait Terry. Je crois que les banques sont toutes disposées à faire des compromis en ce moment parce qu'on leur pose un tas de questions sans leur donner aucune assurance qu'elles pourront obtenir ce qu'elles veulent.
Je crois que Terry voulait savoir ce qui arriverait aux petites entreprises. J'ai mentionné dans mon exposé que 75 p. 100 des activités des banques visent les PME et le crédit personnel. C'est à nous de saisir l'occasion que nous avons de faire pression pour obtenir des garanties, pour les avoir noir sur blanc, comme le disait Terry. C'est vrai, les banques se disent actuellement prêtes à aider les PME à exporter, mais il existe un écart. C'est possible pour les très grandes entreprises, mais pour les petites entreprises ou les micro-entreprises, ça peut poser problème. Je crois que les banques ont jusqu'ici très bien accueilli toutes les suggestions concrètes.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?
Monsieur Pillitteri, vous avez le temps de poser une dernière question, mais vous pouvez y renoncer si vous le voulez.
M. Gary Pillitteri: D'accord. Je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.
Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est bien, merci.
Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Je suis bien content. C'est la première fois que M. Pillitteri me donne du temps.
M. Gary Pillitteri: Soyez gentil, n'en laissez pas profiter quelqu'un d'autre.
M. Yvan Loubier: D'accord. Me voilà en dette envers vous.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): D'accord, monsieur Loubier, vous pouvez y aller si vous le voulez.
M. Yvan Loubier: Je vous remercie infiniment pour vos présentations de ce matin. Ce sont des présentations très enrichissantes sur le rapport MacKay. J'ai cependant certains commentaires à faire et certaines questions à vous poser.
Je trouve que vous êtes bien sévères à l'égard des banques, sauf Mme Lewis et M. Stonehouse qui ont présenté avec éloquence les besoins du secteur financier en général pour l'avenir et qui nous ont parlé du fait que les banques ne nous sont pas étrangères. On est propriétaires des banques, elle nous appartiennent et on est contents quand les banques ou d'autres institutions financières peuvent réussir. C'est la même chose pour les courtiers d'assurance ou les assureurs.
• 0950
Je trouve que vous êtes très durs envers elles.
M. Pillitteri est peut-être content
que, pour une fois, on est plus suspicieux face aux
banques que face aux politiciens et à leurs promesses,
mais c'est une autre affaire.
Pour ma part, je prends les engagements des banques tout à fait au sérieux, surtout depuis que le rapport MacKay est sorti. L'une des principales recommandations du rapport MacKay est que, s'il y a fusion des banques, il faut qu'il y ait des engagements légiférés ainsi que des sanctions pour ceux qui ne respectent pas ces engagements. Cela veut dire que si les banques s'engagent après la fusion à maintenir ou à créer des emplois et à maintenir des prix compétitifs pour les PME ou les particuliers et ne respectent pas ces engagements, elles seront passibles de sanctions sérieuses.
M. MacKay, que j'ai eu l'occasion d'interroger au Comité permanent des finances, parlait de sanctions du genre de celles qu'on peut avoir lorsqu'il y a des différends commerciaux entre les pays, le Canada, les États-Unis et le Mexique, dans le cadre de l'ALÉNA. Cela veut dire que lorsqu'il y aurait des préjudices, la compensation qui serait payée par une institution financière serait équivalente au préjudice créé. C'est une recommandation très sérieuse.
S'il y avait de tels engagements et si, en même temps, d'autres recommandations du rapport MacKay se concrétisaient, comme celle qui consisterait à donner aux petites et moyennes banques et aux autres acteurs du secteur des services financiers la possibilité de créer des alliances stratégiques et des consortiums de dimension assez respectable pour contrebalancer l'effet de la fusion sur la concentration, ne croyez-vous pas que la concurrence serait alors quelque chose d'acquis dans le secteur financier? C'est ma première question. J'en aurai d'autres.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Voulez-vous répondre à la question? D'accord. Question suivante.
[Traduction]
Qui veut prendre la parole? Monsieur Norman, s'il vous plaît.
M. Terry Norman: Merci. Je vais tenter de répondre à cette question.
C'est une question très complexe que vous soulevez. Que je sache, la possibilité d'alliances entre institutions financières ressemble beaucoup à ce qui se passe dans d'autres secteurs, comme l'aviation et ailleurs. Je crois que c'est certainement plus difficile à réaliser dans le secteur des services financiers, parce que c'est un marché mondial, avec une concurrence à l'échelle mondiale. Il pourrait y avoir des institutions spécialisées dans un certain domaine, qui pourraient harmoniser leurs activités avec celles d'autres spécialistes et, ainsi, être en mesure d'offrir une plus vaste gamme de services.
Jusqu'ici, on a vu de grandes institutions financières se regrouper, en Amérique du Nord en particulier mais aussi dans le monde entier, et on les a vues croître à l'échelle internationale. Nos institutions canadiennes ont très bien réussi à se tailler une place sur la scène internationale et à offrir des services aux entreprises canadiennes ainsi qu'à d'autres entreprises dans le monde entier.
D'après moi, c'est possible. D'un point de vue réaliste, cependant, la croissance viendra de chacune des institutions. Si elles se regroupent pour devenir plus grandes et pouvoir livrer concurrence, alors sûrement qu'elles pourront offrir plus de services. Un changement important est survenu aux États-Unis, depuis 10 ans. Avant, il n'y avait que des banques régionales et des petites banques communautaires. Ils instaurent maintenant un système vraiment national. Beaucoup de grandes banques fusionnent pour devenir encore plus grosses, comme la Citibank, la Bank of America, la Nations Bank, etc. Il est évident qu'elles constitueront un important facteur concurrentiel dans le monde à l'avenir, et nous devons le reconnaître.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Norman, comme vous, Mme Lewis et M. Stonehouse l'avez dit, la fusion des quatre grandes banques déjà annoncée est une décision d'affaires visant à affronter la nouvelle concurrence dans le secteur financier, qui n'a rien à voir avec ce qu'on a connu dans le passé et ce qu'on connaît aujourd'hui avec l'ouverture des frontières.
Mais à côté de ces banques-là, il y a d'autres institutions bancaires et financières et même des compagnies d'assurance et des courtiers qui n'ont pas choisi la fusion et qui ne la choisiront pas parce que cela ne correspond pas à ce dont elles ont besoin pour affronter la concurrence.
• 0955
Cependant, si on leur donnait les instruments
législatifs nécessaires pour créer des alliances
stratégiques, par exemple entre une moyenne ou petite
banque et une compagnie d'assurance, ou entre
une société de fonds communs et une association de
courtiers en assurances, pour mettre en commun
leur capital, pour créer un consortium
d'une taille respectable afin que, face à
l'ouverture des frontières et même à l'intérieur, sur le
marché canadien, on puisse faire contrepoids à la fusion des
banques, ce serait un avantage.
À l'heure actuelle, il y a déjà des banques et d'autres entreprises financières qui ont présenté ce genre de revendication en disant: «Si vous permettez la fusion des banques, il faut nous permettre, à nous aussi, de partir sur la même ligne de départ.» Cela ne veut pas dire, comme M. Casey disait plus tôt, qu'on devrait attendre que toute la concurrence soit installée avant de permettre la fusion des banques. À un moment donné, on peut attendre 10 ou 15 ans, manquer le bateau et se faire damer le pion par des entreprises internationales.
Si on donnait à tous des occasions égales, si tout le monde pouvait partir sur la même ligne de départ, si on avait des outils législatifs pour permettre des alliances stratégiques, est-ce que ce ne serait pas une amélioration? Là je ne parle pas des courtiers. De notre côté, nous avons pris position de toute façon: il est clair que les banques ne doivent pas vendre de l'assurance au comptoir. Mais on pourrait avoir des alliances stratégiques qui feraient contrepoids aux fusions, et ensuite ce serait aux entreprises de choisir. Ce n'est pas aux politiciens de dire qu'on va attendre que la concurrence s'établisse avant de permettre les fusions. On risque de faire mourir nos institutions bancaires avant que cela arrive.
[Traduction]
M. Terry Norman: Je suis d'accord avec vous là-dessus, et je crois que le rapport MacKay a largement fait ressortir ce point de vue. Si nous créons la structure et en faisons une possibilité, nous pourrions avoir, par exemple, des sociétés de portefeuille dans le secteur des services financiers. Ça permettrait la conclusion de ce genre d'alliance.
Les coopératives de crédit prennent déjà des mesures en ce sens. Elles envisagent de créer une organisation nationale pour pouvoir renforcer leur mouvement dans tout le Canada. Pour l'instant, elles sont très axées sur la communauté et il est très difficile de bénéficier de leurs services quand on n'est pas de la communauté. Si elles se constituent en organisation nationale, par contre, ça pourrait être plus facile.
Nous assistons à une forte croissance du secteur des fonds mutuels. D'énormes capitaux y sont investis. Il y aurait certainement moyen de créer des alliances et de constituer des institutions financières vigoureuses au moyen de telles alliances. Je suis donc d'accord avec vous là-dessus.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Loubier, vous avez droit à une dernière petite question.
M. Yvan Loubier: Parfait. Je suis bien content, monsieur le président. C'est à cause de M. Pillitteri.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Sans doute.
M. Yvan Loubier: J'ai une petite remarque et une petite question. On a toujours tendance à croire que nos banques canadiennes sont très bonnes et très efficaces, mais je vous inviterais à lire une annexe du rapport MacKay, qui parle d'une étude qui a été faite sur l'efficacité, la structure et la performance du secteur bancaire canadien.
C'est vrai que dans le passé, les institutions ont été très bonnes, et elles le sont encore; elles ont des assises solides. Cependant, l'étude dit entre autres qu'advenant, dans sept ou huit ans, une ouverture des marchés plus grande qu'à l'heure actuelle et une concurrence plus grande de la part de la City Bank et d'autres grandes banques à travers le monde, les banques canadiennes auraient avantage à gagner en efficacité et qu'elle ne sont pas aussi performantes qu'on veut bien le croire. Elles sont performantes sur un marché fermé, mais si on ouvre les frontières, il faut faire très attention. S'il y a des décisions d'affaires qui sont requises en ce qui a trait à la fusion ou aux alliances stratégiques, je pense que ces gens-là sont bien placés pour dire que c'est peut-être ce qu'il faut pour affronter la concurrence future.
Ma question porte sur le crédit-bail. Il y a deux ans, on a eu un débat sur le crédit-bail. Il y a même l'association des concessionnaires canadiens et québécois qui est venue rencontrer le caucus du Bloc à Ottawa. À ce moment-là, la raison principale pour laquelle on hésitait à accepter que les banques se lancent dans le crédit-bail, c'était que les banques avaient menacé de faire l'acquisition de flottes d'automobiles, donc de passer par-dessus les concessionnaires et d'aller directement chez les manufacturiers pour acheter des véhicules et offrir le service de crédit-bail.
Une fois que toutes les banques canadiennes auront donné toutes les garanties écrites possibles qu'elles ne feront pas l'acquisition de flottes, ne sera-t-il pas souhaitable, à un moment donné, qu'on s'interroge sur l'opportunité de rapatrier de l'argent qui, actuellement, passe par le réseau de Ford Credit ou GMAC, deux entreprises américaines?
• 1000
Les Américains font de l'argent aux dépens des
Canadiens, et ces fonds-là sont amenés aux États-Unis
et bénéficient aux Américains plutôt qu'aux Canadiens.
On parlait
d'alliances stratégiques. N'y aurait-il pas
moyen de songer à la possibilité
que les banques canadiennes s'impliquent dans le
crédit-bail,
avec les concessionnaires, et que tous les deux y
trouvent leur compte? On éviterait ainsi les fuites de
capitaux aux États-Unis par l'intermédiaire
de Ford Credit, GMAC ou même Toyota, que vous avez mentionné
plus tôt. Ce sont de bons
exemples.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur O'Regan, avez-vous des commentaires? Monsieur Casey, peut-être?
[Traduction]
Monsieur O'Regan.
M. Stephen O'Regan: Je crois que la crainte ici, c'est que bien qu'il soit tout à fait louable de faire mettre ce qu'on veut sur papier—on peut accorder toutes sortes de garanties—je ne suis pas tellement convaincu que ces règles et règlements nous permettront vraiment de réaliser ce que nous recherchons.
Nous parlons de sociétés de financement captives, comme GMAC, Ford Credits, et d'autres. Pour un concessionnaire, ces sociétés sont en réalité une garantie tout à fait satisfaisante. Nonobstant le fait que, peut-être, une partie des profits qu'elles réalisent sortent du pays, leurs intérêts correspondent assez bien aux nôtres, soit faire marcher nos affaires. C'est tout le contraire des banques, qui ne visent qu'à générer des profits pour elles-mêmes.
Lorsque nous traitons avec Toyota Credit ou GMAC, nous savons parfaitement bien qu'ils vont se ranger de notre côté dans les moments difficiles, car leur motivation est en fait la même que la nôtre. Ils sont motivés par les fabricants qui les incitent à vendre des voitures. Les banques n'ont pas la même préoccupation ni la même allégeance. Dans les moments difficiles, nous avons vu beaucoup d'exemples où les banques sont allées tout à fait à l'opposé des intérêts de notre entreprise. Si nous n'avions pas eu ces sociétés financières captives pour soutenir nos entreprises, nous ne serions certainement pas en affaires aujourd'hui.
Ce qui m'inquiète donc beaucoup, c'est le fait que l'on essaye de réglementer l'industrie et d'imposer certaines procédures. Je ne pense pas que ces dernières soient très efficaces à long terme.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur O'Regan.
Je me demande si M. Casey pourrait nous dire si les banques seraient prêtes à accorder un financement de 0 p. 100 pour un véhicule qui ne marche pas très bien.
M. Bill Casey: Je vois ce que vous voulez dire; comme quelqu'un le disait l'autre jour, lorsque les poules auront des dents.
Je voulais simplement faire une observation au sujet de...
Le vice-président (M. Nick Discepola): La vente liée.
M. Bill Casey: Effectivement, je pourrais faire une observation sur la vente liée, mais j'allais dire quelque chose au sujet des assurances données par les banques. Les directeurs de banque ont déclaré devant ce comité que la vente liée n'existe pas. Ils ont brandi une brochure indiquant qu'un tel concept va à l'encontre de leurs règles. Si tel est le cas, pourquoi alors adoptons-nous une loi à la Chambre des communes permettant d'infliger une amende de 100 000 a$ et une peine d'un an de prison à quiconque est déclaré coupable d'une telle infraction? Ils disent que cela n'existe pas. En réalité, cela existe bel et bien, même si les banques donnent l'assurance que cela ne peut se produire.
J'aimerais faire une autre observation. Il est assez intéressant de siéger ici et je pensais à quelque chose. Lorsque les sociétés de voitures se sont lancées en affaires, c'était pour fabriquer des voitures qu'elles vendaient directement aux clients. En prenant de l'expansion, en devenant des sociétés d'envergure nationale, elles ont commencé à vendre leurs voitures par l'entremise de concessions. Lorsqu'elles ont pris une envergure mondiale, elles se sont rendu compte que des franchises ou un autre arrangement du genre s'imposait pour la vente au détail. C'est la raison pour laquelle General Motors n'est pas propriétaire de O'Regan's Chevrolet et de toutes les autres concessions. Les sociétés de voitures, les fabricants, se rendent compte qu'ils ne peuvent pas tout faire. S'ils veulent le marché mondial, ils doivent laisser à quelqu'un d'autre le soin de s'occuper de la vente au détail.
La même chose s'applique aux sociétés pétrolières qui ne sont pas propriétaires des stations service. Elles se rendent compte que pour la vente au détail, elles ont besoin de quelqu'un d'autre pour offrir le service. C'est la même chose également pour les sociétés d'assurances; en effet, elles ne vendent pas directement de l'assurance. Elles se rendent compte que si elles veulent devenir des sociétés internationales et mondiales, elles ont besoin d'un système de prestation de services pour la vente au détail. C'est la même chose pour la restauration rapide et bien d'autres entreprises.
Les banques ne l'admettent pas. Elles veulent s'occuper de tout. Elles ne voient pas que quelqu'un d'autre pourrait trouver sa place à ce niveau-là. Je crois que c'est la raison pour laquelle le gouvernement doit réglementer les banques. Les banques sont extrêmement puissantes maintenant et vont le devenir encore plus. Le gouvernement doit établir des règles pour les limiter, car elles ne le feront pas elles-mêmes, contrairement à d'autres industries.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Casey.
M. Greene.
M. Stephen Greene (directeur exécutif, Insurance Brokers Association of Nova Scotia): J'ai deux observations à faire, l'une, particulière, et l'autre, générale.
J'ai par hasard parlé hier à un représentant de MT&T. Au cours de cette conversation, il m'a rappelé que lorsque l'industrie des télécommunications s'est lancée dans les téléphones mobiles, MT&T n'avait pas été autorisée à offrir des services groupés. Pour se lancer dans le domaine des téléphones mobiles, elle a dû créer une société distincte et envoyer à ses clients une facture distincte de celle des lignes téléphoniques MT&T. Le CRTC avait pris cette décision pour protéger les petites entreprises qui perçaient dans cette industrie. Eh bien, le CRTC a maintenant décidé qu'il n'est plus nécessaire de faire une telle distinction. Il est possible d'offrir des services groupés et maintenant les petits exploitants, soit les sociétés de téléphone mobiles moins importantes, se plaignent d'être désavantagés.
Les règles peuvent donc changer. Une interdiction ou un règlement peut tout simplement disparaître d'un jour à l'autre.
J'aimerais faire une observation générale sur la petite entreprise. Nous pensons qu'il apparaît clairement dans notre mémoire et dans l'exposé des O'Regans, que nous sommes confrontés à un choix de politique d'intérêt public très important relatif à la capacité de petites entreprises de se développer dans les collectivités rurales. Nous croyons que si les banques sont autorisées à participer à l'industrie de l'assurance, à l'industrie du crédit-bail automobile ou à toute autre industrie, les possibilités de formation de capital dans les petites collectivités et les collectivités rurales diminueront au fil du temps. Est-ce une bonne chose pour les Canadiens? Je crois que vous devez tous vous poser cette question. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, et je crois donc qu'il s'agit d'un choix de politique d'intérêt général très important que vous devez faire avec beaucoup de sérieux.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Greene.
J'aimerais maintenant passer à Mme Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les intervenants pour leurs exposés fort cohérents. Je dois dire qu'à mon avis, c'est M. Stonehouse qui a expliqué le plus clairement les forces internationales en jeu et qui a bien souligné que notre économie est véritablement globale.
Le groupe de travail MacKay traite de beaucoup de sujets en plus des fusions bancaires. Nous avons parlé de la capacité des banques de vendre du crédit-bail automobile et de l'assurance et du fait qu'il s'agit, d'après MacKay, de points qui méritent d'être examinés. Ce qui m'intéresse personnellement et ce que je voudrais examiner suffisamment de près, ce sont les forces internationales. Je crois que c'est aux banques elles-mêmes de justifier pourquoi elles veulent fusionner. Selon elles, c'est pour être concurrentielles au plan international et le poids de cet argument devrait suffire à contrebalancer ce qui pourrait arriver au plan national.
Des banques étrangères comme ING et Wells Fargo nous ont présenté leurs exposés. Elles ressemblent à des services monoproduit et à ce que l'on a appelé le marketing de créneaux ou le ciblage sélectif. Elles offrent un service précis, mais ne tiennent pas particulièrement à être des institutions de dépôt. En ce qui concerne l'écart des points de base de Wells Fargo, il semble qu'elle soit en mesure d'offrir des prêts de 6 à 8 p. 100 environ au-dessus du taux préférentiel. C'est beaucoup d'argent pour une petite entreprise qui, pour ce faire, doit remplir un questionnaire de deux ou trois pages. Je crains donc que ces banques monoproduit ne viennent offrir de services qui, à long terme, ne seront pas véritablement à l'avantage des Canadiens.
J'aimerais revenir sur quelque chose que j'ai noté, même si je ne suis pas sûre de l'avoir noté correctement. M. Stonehouse a dit qu'il était illusoire de se pencher sur l'avenir pour l'instant, car de toute évidence, l'avenir peut changer. Ce que MacKay essaie de faire, c'est de déterminer ce que le prochain millénaire a en réserve pour le secteur financier.
Je représente une circonscription du sud de l'Ontario. Nous avons sept sièges sociaux de sociétés d'assurances. Le groupe de travail MacKay propose que nous leur permettions d'avoir accès aux GAB et ainsi, de pouvoir vendre des fonds. Mutual Life a fait l'acquisition de Met Life, ce qui a entraîné une démutualisation; je pense donc que nous prenons de grandes décisions.
• 1010
Avant de décider si les fusions bancaires peuvent se réaliser
ou non, il faut savoir s'il s'agit de bonnes décisions de gestion
pour le secteur bancaire. Beaucoup d'autres questions se posent
bien sûr, et je me demande simplement si quelqu'un pourrait
répondre à celle-ci. M. Loubier a parlé du renforcement des
coopératives de crédit et du fait également que les sociétés
d'assurances risquent de ressembler à des banques plus que dans le
passé. Quelqu'un a-t-il examiné la question sous cet angle; quel
impact cela aurait-il sur les régions rurales du Canada?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Norman, s'il vous plaît.
M. Terry Norman: Je voudrais parler des deux points que vous avez soulevés, surtout celui relatif aux grandes surfaces spécialisées ou institutions financières étrangères monoproduit qui s'introduisent au Canada. Traditionnellement, en ce qui concerne les entreprises au Canada—et je m'attarde davantage sur la petite entreprise, puisque nous sommes de la Chambre de commerce—le financement est octroyé généralement au taux préférentiel plus 1 à 3 p. 100. Une fois ce point atteint, les banques canadiennes disent en général que le risque est trop élevé et qu'elles ne vont pas octroyer le prêt.
Aux États-Unis, l'écart est tout à fait différent. En effet, il s'agit du taux préférentiel plus 1 à 8 p. 100. D'après les sondages effectués auprès des entreprises aux États-Unis et comparés aux sondages effectués au Canada, les entreprises américaines estiment beaucoup plus leurs banquiers, même si pour un prêt, elles payent le taux préférentiel plus 6 p. 100. D'après elles, elles obtiennent un bon service, ainsi que les capitaux nécessaires, lorsqu'elles en ont besoin. Le climat aux États-Unis est plus favorable aux entrepreneurs, ce que l'on ne peut pas dire du Canada. Les sociétés ont de la difficulté à obtenir un crédit au départ, surtout les deux ou trois premières années de leur existence.
Je pense que beaucoup de propriétaires de petites entreprises diraient qu'ils sont prêts à payer à Wells Fargo le taux préférentiel plus 6 p. 100 pour une marge de crédit de 50 000 $ offerte sur l'Internet, puisqu'ils pourraient ainsi obtenir ces 50 000 $ lorsqu'ils en ont besoin, alors qu'ils ne peuvent pas les obtenir au Canada. Je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose. Dans ce cas précis, on nous prête de l'argent. Si ce prêt n'est pas remboursé, Wells Fargo le radie aux États-Unis. Cela n'a pas vraiment causé de tort aux Canadiens. Si cette société veut vous poursuivre en Californie, bonne chance. Comment va-t-elle vous forcer à vous rendre en Californie et que va-t-elle faire pour réaliser une garantie? Elle fonctionne essentiellement sans garantie. Par conséquent, il n'est pas mauvais que ces sociétés stimulent la concurrence.
Vous avez dit que nous payons le taux préférentiel plus 6 p. 100; si la société peut réaliser de bons profits en obtenant cet argent suffisamment tôt et en prenant de l'expansion tout en effectuant de tels paiements, c'est de toute évidence parce qu'elle pense que cela en vaut la peine, sinon elle ne le ferait pas. Je crois que c'est une décision personnelle. Dans ce cas-là, ce n'est pas une institution de dépôt au Canada, mais elle amène toutefois des capitaux au Canada; si ces capitaux sont disponibles alors qu'ils ne le seraient pas autrement, je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose.
Pour ce qui est des sociétés d'assurances, nous sommes témoins d'une tendance vers la démutualisation. À mon avis, les sociétés d'assurances vont ressembler de plus en plus à des banques, avec des actionnaires. Cela changera l'industrie. Si elles peuvent participer au système de paiements canadiens et devenir des institutions de dépôt, je crois qu'il y aura alors plus de concurrence de la part des sociétés d'assurances vis-à-vis des banques, et je pense que cela peut être une bonne chose à long terme.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.
Monsieur Casey, brièvement.
M. Bill Casey: Je veux simplement répondre à l'honorable député. Nous nous contentons ici de poser les problèmes. C'est à vous de trouver la solution, ce qui est un gros défi.
Je n'ai pas la solution. Je crois que nous allons avoir beaucoup de mal à trouver des investisseurs étrangers—ou n'importe quel investisseur—prêts à venir dans des villes comme Parrsboro, Advocate Harbour ou Stewiacke pour y ouvrir des banques. Par contre, je ne crois pas que nous ayons besoin des châteaux dont disposent les banques maintenant. Les banques veulent toujours avoir les meilleures installations en ville, les plus coûteuses, uniquement pour profiter des déductions aux fins de l'impôt et pour toutes sortes d'autres raisons.
Vous avez parfaitement raison pour tout ce que vous avez dit, mais il s'agit de trouver une solution. Une des solutions consiste peut-être à permettre aux courtiers d'assurances de ressembler davantage à des banques et à offrir les services actuellement offerts par les banques. Il va cependant être très difficile d'attirer l'investissement étranger. Comme je l'ai dit à M. Forseth, nous pourrions autoriser des fusions à condition que les petites villes puissent soutenir la concurrence. En réalité, il va être très difficile d'y parvenir. Il va être difficile de trouver des investisseurs. Compte tenu des ressources, des installations et des personnes que nous avons maintenant dans les petites villes et dans les régions rurales du Canada, je crois que nous devons trouver un moyen d'offrir les services avant d'autoriser la fusion des banques.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Casey.
Monsieur Ferguson, vous aviez quelque chose à ajouter.
M. Lorne Ferguson: J'ai simplement une observation à faire du point de vue de l'innovation. En fait, je ne pense pas qu'il soit possible de faire la distinction entre économie rurale et économie globale. Il me semble que l'innovation dont nous sommes témoins se produise partout. Les sociétés touchées par les questions dont nous traitons proviennent de toute la Nouvelle-Écosse, des régions urbaines comme des régions rurales.
J'imagine que je peux vous donner un exemple de notre capacité locale en ressources humaines dans le domaine de la technologie de l'information. Aujourd'hui, la Californie, Toronto, Boston, l'Europe, le monde entier, font du maraudage dans nos sociétés. C'est donc une question importante pour nous.
Par ailleurs, les sociétés locales dans les petites villes ouvrent des possibilités d'affaires novatrices qui, véritablement, exigent un accès aux marchés globaux. Il ne s'agit pas d'une base économique traditionnelle qu'il faudrait envisager comme une question distincte; en ce qui concerne les nouvelles sociétés technologiques, créatrices de nouveaux emplois, il est important que l'infrastructure financière reconnaisse que les marchés qui s'ouvrent à cette technologie sont les marchés internationaux.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Ferguson.
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Si vous permettez, j'ai une autre question à poser au sujet du calendrier.
Le ministre Martin a dit très clairement que la question des fusions—que celles-ci se réalisent ou non—sera abordée dans un contexte mondial, dans le cadre du groupe de travail MacKay. Après cela, que les fusions se réalisent ou non, des audiences particulières seront organisées.
M. Stonehouse a également parlé dans son exposé du calendrier. Je me demande si d'après vous il faut réagir rapidement à ces questions.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Stonehouse, s'il vous plaît.
M. Grant Stonehouse: On obtient que ce que l'on négocie. J'imagine que c'est l'adage de mes entreprises et de mon personnel.
Le choix est vraiment simple. Les exportations représentent 40 p. 100 du PIB du Canada. Je veux parler des exportations du travail et du développement de toutes les sociétés, qu'il s'agisse des sociétés d'assurances, de voitures, etc., qui travaillent à l'étranger. Cela représente 40 p. 100 du PIB. Nous avons le choix soit d'être un chef de file dans le secteur bancaire au fur et à mesure de la globalisation et du développement des économies dans tous les pays, soit de tout simplement participer. Si nous autorisons les fusions, nous devenons chef de file; sinon, nous allons simplement nous contenter de participer, sans diriger ni innover.
Nous avons parlé de concurrence. Hier soir, j'ai reçu au courrier une offre de MBNA pour moi-même, pour mon épouse et pour mon fils de 10 ans; cette société nous propose un financement à 6,9 p. 100 et une marge de crédit de 100 000 $ pour chacun de nous. Je ne comprends pas vraiment une telle sollicitation, mais cette concurrence existe bel et bien aujourd'hui dans la région rurale de Tantallon, en Nouvelle-Écosse. Aux États-Unis, 54 p. 100 des médecins, 63 p. 100 des dentistes et 36 p. 100 des avocats ont une chose en commun, une carte de crédit MBNA. Il s'agit d'une société du Delaware d'une contenance facturable de 10 milliards de dollars. Cette société veut prendre de l'expansion l'année prochaine. De quoi s'agit-il? Est-ce de la concurrence? Bien sûr que oui.
Il faut bien se rendre compte ici que ce ne sont pas toutes les banques qui vont fusionner. Peut-être même que certaines des fusions qui ont été annoncées ne se réaliseront pas, mais nous devons prévoir le cadre nécessaire pour que ce simple processus de l'activité commerciale puisse se produire. Nous devons avoir la liberté de les laisser prendre cette décision et d'aller de l'avant. Nous devons le faire maintenant.
Il y a deux ans, l'industrie bancaire était complètement différente. Elle le sera de nouveau si nous laissons traîner les choses pendant des mois et si nous imposons des conditions tellement contraignantes que l'industrie perdra de son impact. Nous allons perdre l'occasion offerte à une entité canadienne de soutenir véritablement la concurrence sur le marché global.
Je demande des marges de crédit à des banques au Japon et j'attends maintenant qu'elles me soient confirmées. Nous ne sommes pas sûrs que cela marche. Il me faut cette information et j'ai besoin de ces marges de crédit pour ma succursale, pour ma banque ici, pour fonctionner là-bas, afin d'avoir accès à cette information.
Je crois qu'il importe bien sûr d'examiner ces points.
• 1020
Nous sommes assez curieux. Nous voulons tous une banque à
Parrsboro ou à Digby, où il est impossible de stationner sa voiture
et où il y a des files d'attente. Vous savez que 75 p. 100 des
opérations bancaires se font électroniquement. Les Canadiens en ont
tiré parti; c'est incroyable; qui aurait pensé que la population
canadienne aurait été si en faveur d'un développement
technologique? Soizante-quinze pour cent de nos opérations
bancaires se font au moyen d'une carte, d'un GAB et 75 p. 100 du
volume des transactions bancaires visent la petite et la moyenne
entreprise ainsi que les finances personnelles.
Je pense qu'il nous faut reconnaître que les banques doivent avoir la possibilité de prendre de l'expansion; sinon, elles ne pourront pas créer d'emplois au Canada, elles n'auront pas la technologie, elles n'innoveront pas, elles ne seront pas en mesure d'appuyer les réseaux en place—et il s'agit de bons réseaux.
On obtient que ce que l'on négocie. Les banques ont pris d'importants engagements; je suis un jeune homme. Les banques ont toujours joué un rôle extrêmement important dans l'économie canadienne de l'entreprise. Elles sont ouvertes, elles sont comptables envers leurs actionnaires et cette responsabilité ne disparaîtra pas.
Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Stonehouse.
J'essaie de tenir compte de certains horaires de voyage des députés; je ne cherche pas à empêcher quiconque de parler. Nous allons poursuivre, mais j'aimerais, si les députés m'y autorisent comme hier, céder la parole à M. Szabo, qui doit prendre un avion sous peu.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Lorsqu'il a comparu devant le comité, John Cleghorn a déclaré que l'infrastructure actuelle, compte tenu de l'investissement effectué dans le domaine de la technologie, représente un double emploi et des coûts non récupérables inutiles. Cela m'est apparu comme une stratégie très révélatrice de la part des banques: à leur avis, les services bancaires personnels ne sont pas, à long terme, fortement prioritaires pour le consommateur. Leur vision est tout à fait différente et je crois que cela s'explique par les observations que nous venons juste d'entendre.
Ce que les témoins d'aujourd'hui nous ont dit correspond très bien aux propos de nombreux autres témoins. Les gens ont peur de perdre leur emploi. Même la société d'assurance-vie Great-West et la Power Corp. du Canada ont déclaré craindre ne plus offrir de produits d'assurance, car elles ne peuvent soutenir la concurrence. Vous avez donc parfaitement raison de parler de cette crainte. C'est ce qui se produit. Il s'agit de personnes réelles: des courtiers et des sociétés d'assurances.
La véritable question qui se pose est peut-être donc la suivante: pouvons-nous soutenir la concurrence? Avons-nous la vision qu'il faut du consommateur et de l'intérêt du public? Il me semble que le public est très élastique quant au prix aujourd'hui. Le temps compte pour beaucoup et peu importe l'assurance que je choisis, peu importe qui la finance; cela m'importe peu. Tout ce que je veux, c'est le meilleur coût et le meilleur service raisonnable disponible. Je ne veux pas perdre mon temps dans les détails; ce n'est pas mon domaine.
Il se peut que le consommateur change. Si nous avons vraiment peur de ne pas pouvoir soutenir la concurrence, peut-être faut-il rationaliser les choses. Je crois que MacKay en est probablement arrivé au point où nous devons voir un peu plus loin que cette année ou l'année prochaine. Le système des paiements est ouvert, l'assurance-dépôt est largement disponible et les banques étrangères ont des possibilités d'implantation. En d'autres termes, si l'environnement de réglementation change de manière à accepter d'autres intervenants, des institutions quasi-bancaires et des banques étrangères seront prêtes à combler les vides que vous pouvez percevoir.
Peut-être la question n'est pas de savoir s'il y aura des fusions ou non; peut-être faut-il se poser des questions au sujet des règles du jeu qu'elles devront respecter. La question que l'on peut donc vous poser est la suivante: sommes-nous encroûtés dans notre façon de faire ou sommes-nous simplement en désaccord avec les banques à propos de la vision du consommateur de demain?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Lewis.
Mme Daurene Lewis: J'aimerais faire une observation à ce sujet. Grant et moi-même avons déjà parlé de nos expériences personnelles quant à la façon dont les opérations bancaires ont changé.
Avant de devenir directrice exécutive du Centre for Women in Business, j'ai travaillé dix ans au programme de soins à domicile en Nouvelle-Écosse pour m'occuper de personnes âgées et handicapées.
• 1025
La liberté de pouvoir déposer automatiquement leurs chèques
dans une banque et de pouvoir faire leurs opérations bancaires par
téléphone a été l'un des grands changements pour ces personnes-là.
Par conséquent, leurs besoins en matière d'opérations bancaires
personnelles ont considérablement changé au fil du temps.
Si je comprends bien et d'après l'information dont je dispose, notamment celle de la Banque Royale, tout le rôle du directeur des comptes change. Effectivement, les banques cherchent à avoir des directeurs de compte au même endroit pendant beaucoup plus longtemps que l'année ou les deux années traditionnelles. Par ailleurs, le directeur des comptes doit maintenant passer plus de temps physiquement dans une banque donnée. Comment peut-il connaître les besoins d'une banque s'il n'en connaît pas l'emplacement ni certaines des complexités?
Donc effectivement, les besoins des consommateurs ont radicalement changé ces cinq dernières années, et les banques y réagissent d'une manière différente, ce qui touche également le point dont M. Casey a parlé, si je comprends bien—les pertes d'emploi ou la diminution du nombre des emplois. À mon avis, vous allez vous apercevoir que les activités des gens vont changer. C'est la même chose que lorsque que les GAB ont été introduits.
Je le répète, je viens de la ville d'Annapolis Royal dont la population s'élève à 738 habitants. Les banques étaient sûres que cela allait être la fin des caissières. Nous avons toujours deux banques dans cette ville et les caissières sont toujours là, mais leurs activités ont bien changé, les rôles ont changé. Notre monde évolue et les descriptions d'emploi sont bien différentes. Je crois que les fusions devront réagir à cette situation. Que ce soit une question de lobbying ou non, c'est apparu dans les deux cas. Les clients sont différents aujourd'hui, tout comme les banques.
Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Quelqu'un voudrait-il intervenir?
Monsieur Ferguson.
M. Lorne Ferguson: J'aimerais dire que d'après moi, cela—et je suis sûr que vous le savez tous—est entraîné par la technologie de l'information et par les réseaux de communication. Par exemple, la plus grande école MBA au Canada se trouve à Edimbourg, en Écosse. Elle compte plus d'étudiants MBA que n'importe quelle université canadienne. Elle offre son programme sur l'Internet. En proposant ce télé-enseignement, l'Écosse récupère probablement des millions et des millions de dollars. C'est un petit exemple de ce qui se passe.
Il faudrait se dire, je crois, que l'on n'a pas encore commencé à entrevoir le changement que les nouvelles façons de faire les choses vont susciter; je ne pense pas non plus que nous ayons d'autre choix. A mon avis, il faut embrasser le changement et prévoir les stratégies nécessaires pour la gestion du changement afin de compléter les forces naturelles de ce qui se passe au plan économique. Nous devons avoir un plan et une stratégie si nous voulons progresser.
Je suis d'accord avec M. Stonehouse lorsqu'il déclare qu'il faut que le Canada joue un rôle de chef de file dans ce domaine.
Aller dans l'autre sens ne va pas produire les genres de solutions dont on a besoin. Il y aura probablement d'importants changements au niveau de l'emploi, non seulement dans les institutions financières, mais aussi dans tous les aspects de l'économie; je crois donc qu'il nous appartient d'indiquer la voie à suivre.
C'est vraiment tout ce que j'ai à dire.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Ferguson. Je suis probablement d'accord avec vous. Je crois que c'est peut-être à cause des médias que l'attention générale semble se porter sur les fusions bancaires seulement, alors qu'il ne s'agit que d'un aspect du changement. Nous avons tendance à ne voir les fusions bancaires que comme le but suprême de ce que nous voulons accomplir. Nous devons nous dissocier de cette façon de penser.
Vous avez donné d'excellents exemples sur la façon dont la technologie évolue, mais je pourrais me faire l'avocat du diable et dire que l'université qui offre le cours Internet n'a pas eu à fusionner pour ce faire. Je crois que nous devons essayer de nous dissocier de ce seul aspect des fusions bancaires et d'examiner l'ensemble du secteur des services financiers de façon à pouvoir être compétitifs au XIXe siècle.
Collègues, je vous remercie de nouveau. Nous vous verrons à Ottawa sous peu; bon vol.
J'aimerais maintenant céder la parole à Mme Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
Merci beaucoup pour votre exposé. Cette matinée est fascinante et je siège aujourd'hui au sein de ce comité en ma qualité de députée de Dartmouth, car je tiens à connaître les préoccupations de la région. Nelson Riis est le député néo-démocrate qui habituellement siège au sein de ce comité.
• 1030
Je suis auteur dramatique de profession et les opinions
exprimées ici me paraissent incroyablement diversifiées, à tel
point que j'aimerais écrire une pièce afin de voir comment tous les
intervenants finiraient par se comprendre mutuellement.
Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais être président du conseil.
Mme Wendy Lill: Vous ferez partie de la pièce, ne vous inquiétez pas.
Les pièces de théâtre consistent essentiellement à mettre en présence deux parties diamétralement opposées et à les amener à un genre de compréhension mutuelle.
Je comprends ce que veulent dire Grant Stonehouse et Daurene Lewis, et également Lorne, au sujet de la nécessité de pouvoir soutenir la concurrence dans l'économie globale; ils déclarent—j'aimerais vous demander des précisions à ce sujet, car je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous—qu'il vaut mieux en quelque sorte être grand que petit. J'aimerais que vous me précisiez votre pensée, pourquoi il vous semble que—je sais que les banques disent qu'elles doivent être plus grandes. J'aimerais que vous me disiez également pourquoi vous pensez en fait qu'il vaut mieux être grand que petit, étant donné que les banques, malgré leur taille actuelle, connaissent beaucoup de problèmes à l'échelle internationale—comme nous tous. L'environnement économique est très perturbé, ce qui certainement s'explique en partie par les banques elles-mêmes, puisque ce sont elles qui détiennent l'argent.
En ce qui concerne les propos de Bill Casey, des O'Regans et de M. Lipsett au sujet de l'impact sur d'énormes secteurs de notre économie—et nous parlons ici de centaines de milliers d'emplois, de gens appartenant à l'industrie automobile, aux industries de l'assurance. Les concessions automobiles, le courtier d'assurances et la banque également représentent la base et la structure de nos collectivités. Comment vous deux, qui vous placez dans la perspective internationale/TI, parvenez-vous à composer avec les changements qui, en fait, interviendraient dans nos collectivités si la concurrence disparaissait? Certainement, c'est en général ce que vous tous ici pensez. Cela n'augmenterait pas la concurrence, mais signifierait en fait que les banques ne seraient plus des partenaires, mais des concurrents. Comment voyez-vous le rôle de nos collectivités, de nos collectivités canadiennes, dans l'avenir? Je pose cette question aux trois personnes qui comprennent, ou qui ont cette autre vision des choses, qui sont pour la globalisation.
Je fais la leçon alors qu'hier je réprimandais ceux qui n'écoutaient pas au lieu de dire ce que j'avais à dire. J'aimerais savoir tout d'abord pourquoi, selon vous, il vaut mieux être grand que petit. J'aimerais savoir comment nous pouvons composer avec les occupations et les structures économiques très différentes dont nous parlons ici.
Mme Daurene Lewis: Il ne vaut pas toujours mieux être grand que petit. Toutefois, dans le contexte de l'industrie bancaire, c'est le seul moyen de survie. Je vais revenir de nouveau à l'exemple donné, à savoir que les banques au Canada ne s'occupent plus de la paye. Elles ont perdu tout ce secteur d'activité, à cause des économies d'échelle de la banque américaine plus vaste qui a été en mesure de s'emparer de ce secteur.
Petit à petit—et je crois que quelqu'un a utilisé l'expression ciblage sélectif—les services offerts traditionnellement par les banques au Canada ne vont plus l'être, parce qu'elles ne peuvent pas soutenir la concurrence en matière d'économies d'échelle. C'est la raison pour laquelle l'ancienne banque Toronto et l'ancienne banque Dominion ont fusionné pour devenir la banque Toronto-Dominion. Je sais que c'est probablement une façon très simpliste de voir les choses, mais lorsque Nestlé a fait l'acquisition de Carnation, personne ne s'est demandé si les produits allaient être modifiés, voire même encore offerts.
Les banques, très certainement, fournissent un produit. Vous avez dit que tout semble se globaliser. C'est déjà arrivé. Je sais parfaitement bien que le monde s'est considérablement rétréci si je m'en tiens à l'expérience du Centre for Women in Business.
Grâce à notre expertise en Nouvelle-Écosse, un de nos programmes est offert maintenant en Hongrie. Un groupe d'entre nous va se rendre en Malaisie le mois prochain pour voir les programmes que nous pouvons offrir aux femmes en Malaisie. Le monde est très petit.
La semaine dernière, j'ai participé à la mission commerciale des femmes à Boston à propos des programmes que nous pouvons offrir. Sans aucun doute, l'université Mount Saint Vincent va contracter une alliance avec l'université de Boston, le MIT, et le collège Lesley. Le monde rétrécit donc de plus en plus et nous devons réagir à cette réalité.
M. Grant Stonehouse: J'aimerais ajouter quelques observations, si vous le permettez.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Pas de problème.
M. Grant Stonehouse: Quarante pour cent des profits de la fusion proposée de la Banque Royale et de la Banque de Montréal découleront des activités à l'extérieur de Canada. Soixante-quinze pour cent des actions de ces institutions sont ouvertes aux Canadiens—indirectement ou directement, une personne sur deux.
La plupart des petites entreprises—la mienne étant un bon exemple, je crois—fonctionnent très facilement et très rapidement dans de nombreux pays. Je fais affaire dans plus de 27 pays. Je ne me doutais absolument pas en 1991 que c'était ce qui allait arriver.
Nous devons être capables d'admettre que cette globalisation ne fait que commencer. Il ne vaut pas mieux être grand que petit, mais la combinaison, par exemple, dans une fusion, donne la capacité de soutenir la concurrence et de jouer le rôle de chef de file.
Je ne suis pas sûr de leur classement sur le marché mondial. Comme je l'ai dit, je crois que la CIBC se place au 65e rang en ce moment. En cas de fusion, je ne sais pas vraiment si cela lui permettrait d'arriver dans les 20 premières banques.
Avez-vous entendu parler de Countrywide Credit Industries? Peut-être que non. Il s'agit d'une société de Californie qui contrôle 228 milliards de dollars d'hypothèques. Elle a plus de souscriptions hypothécaires que toutes les banques combinées du Canada—une société en Californie.
Le rapport MacKay l'a souligné d'une façon particulière, et j'aimerais le citer:
-
Un secteur des services financiers fort et vigoureux, contrôlé par
des Canadiens et dont les principaux acteurs seront actifs et
compétitifs sur les marchés mondiaux, rapportera de grands
avantages au pays en important les pratiques exemplaires mises au
point à l'étranger, en rapatriant les bénéfices réalisés à
l'exportation et en aidant les entreprises canadiennes dans leur
expansion hors des frontières. L'existence d'institutions
financières nationales concurrentielles contribue également à
maintenir au Canada des centres financiers prospères, synonymes
d'activités économiques à valeur ajoutée, d'innovation, de recettes
fiscales supérieures et d'emplois de haute qualité qui permettront
de garder les talents canadiens au pays.
Ce qui compte pour moi se trouve dans la dernière phrase. Il ne vaut pas mieux être grand que petit, mais il ne fait aucun doute que cela permet d'être plus novateur, plus compétitif, et que cela permet de rapatrier les avantages que représente la présence de nos entreprises à l'étranger où beaucoup de petites entreprises devraient s'implanter.
Mme Wendy Lill: Compte tenu de certains échecs économiques récents sur la scène internationale, je me demande si cet impératif de globalisation est vraiment convaincant.
Il suffit d'examiner les mégabanques. Le gouvernement japonais a été obligé d'affecter 16 milliards de dollars au renflouement de ces banques et ce n'est probablement qu'un début. Certaines de ces banques sont énormes et ont plus d'un trillion de dollars d'actifs.
Les quatre banques dont nous parlons ici sont parmi les plus rentables du monde. Pendant cinq années consécutives, elles ont amassé des profits record. La question qui se pose est la suivante: de quelle grandeur doit être une banque? Vous parlez des choses merveilleuses qui se produisent pour les femmes d'affaires—qui se produisent maintenant. Je comprends que la globalisation arrive bel et bien, mais personne ici à cette table n'a certainement qualifié la globalisation de mauvaise chose. Certes, la Insurance Brokers Association of Canada n'y croit pas.
La question qui se pose est la suivante: Y a-t-il un rapport entre la globalisation et les grandes banques? Y a-t-il vraiment un rapport?
M. Grant Stonehouse: Très certainement, madame.
Vous pouvez vous rendre compte que fonctionner dans des marchés internationaux va devenir la norme pour bien d'autres sociétés que celles qui y fonctionnent aujourd'hui. Il y a beaucoup de banques au Canada qui ne peuvent pas offrir les services dont j'ai besoin. Je me suis déjà heurté à certains obstacles avec toutes ces sociétés.
Je pense que le fait qu'elles s'engagent à regrouper des opérations susceptibles de donner des conseils commerciaux, de donner accès à de l'information sur le terrain, que ce soit dans n'importe lequel des pays... Il est à mon avis naïf de croire qu'en refusant à deux entités fusionnées une activité commerciale fondamentale, vous allez les pénaliser. Vous vous rendrez compte, je crois, que notre capacité d'innover, ainsi que la capacité du Canada de devenir chef de file de cette industrie, seront compromises.
Mme Wendy Lill: Merci. Peut-être que M. Lipsett ou M. O'Regan aimerait intervenir à ce sujet.
M. Bruce Lipsett: Voulez-vous intervenir, Dick?
Je vais céder la parole à M. Vansnick pour l'instant.
M. Richard Vansnick (président du Conseil, Insurance Brokers Association of Nova Scotia): Il est intéressant que tout au long des débats de ce matin, je n'ai entendu personne déclarer que le système bancaire actuel n'a pas bien servi l'intérêt des Canadiens. Tous les gens d'affaires sont d'avis qu'il fonctionne bien. J'ai été endetté toute ma vie, j'ai commencé très tôt et j'ai toujours trouvé les banques assez conciliantes; j'ai même eu l'occasion de changer de banques pour diverses raisons.
Il suffit d'examiner le système bancaire canadien qui se compose véritablement de six grandes banques et de croire les affirmations du président actuel de la Banque de Nouvelle-Écosse—la seule grande banque qui ne s'intéresse pas à une fusion—pour réfuter tous les arguments en faveur des fusions bancaires.
En tant que courtiers d'assurances en Nouvelle-Écosse, nous sommes préoccupés par les effets sur les petites collectivités. J'imagine que cela ne change pas grand-chose lorsqu'une collectivité compte quatre banques et risque de ne se retrouver qu'avec trois ou même deux. Il y aura toujours un choix. Mais dans certaines collectivités, cela ne sera pas le cas. En outre, je crois qu'il est très logique, malgré toutes les assurances que peuvent donner les banques, de s'attendre à des pertes d'emplois; c'est tout simplement inévitable et ne manquera pas de se produire.
Il suffit d'examiner d'autres pays—l'Australie et la Grande-Bretagne—qui ont refusé de permettre des fusions bancaires, car selon eux, cela ne servait pas l'intérêt du public. Dans le cas de la Grande-Bretagne, il s'agissait de la première et de la troisième banques.
Notre système bancaire canadien est unique en son genre et ne ressemble pas du tout à celui des États-Unis, par exemple. Aux États-Unis, on retrouve 10 000 banques contre 6 ou 30 ou tout autre chiffre que l'on voudrait utiliser. De même, selon un article du Globe and Mail, les États-Unis ont tout récemment examiné notre système bancaire, car selon eux, il est en avance de 15 à 20 ans par rapport au leur.
Il est donc possible de défendre un système qui, apparemment, marche bien. Selon le vieil adage, pourquoi essayer de changer les choses à tout prix?
Manifestement, votre défi, en tant que députés fédéraux, sera de peser le pour et le contre des fusions projetées par rapport aux effets qu'elles auront non seulement sur les membres de vos collectivités et de vos circonscriptions, mais aussi sur tous les Canadiens. Cependant, ce n'est pas à moi de dire si ces fusions sont bonnes ou mauvaises.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Vansnick, je vous remercie beaucoup.
C'est maintenant au tour de M. Scott Brison, qui a fait preuve d'une patience exemplaire.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): M. Brison est toujours très patient. Il a été à la bonne école, puisqu'il est originaire de Nouvelle-Écosse.
Je trouve cela merveilleux de pouvoir tous vous entendre, ce matin. Je suis le seul membre du comité des finances de la Chambre des communes qui vient de l'Atlantique. Nous tenons des audiences partout au pays et nous avons entendu à Ottawa les porte-parole de divers organismes. J'étais très fier, en tant que Néo-Écossais, de vous entendre faire vos exposés, ce matin. Ils étaient très bien structurés et décrivaient de manière très holistique les enjeux. L'exposé de la chambre de commerce de Halifax était très bon, en ce sens qu'il traitait des enjeux de manière holistique. Nous entendons le point de vue du secteur de la technologie de l'information. La Nouvelle-Écosse a été le berceau du système bancaire canadien qui date d'avant la Confédération. Elle peut certes devenir le creuset de la technologie de l'information au Canada si nous mettons en place un ensemble cohérent de programmes provinciaux et fédéraux. Il se peut que nous nous imposions comme leaders dans le nouveau secteur bancaire de l'avenir.
• 1045
Cela faisait aussi du bien d'entendre un porte-parole de la
nouvelle industrie des pêches, parce que celle-ci donne lieu à bien
des préoccupations. Nous avons été témoins de l'évolution ou de la
régression des pêches au fil des ans, et j'estime qu'il y a une
certaine leçon à en tirer. Quand l'envie nous prend d'être
interventionnistes, l'expérience vécue par les gouvernements
fédéral et provinciaux dans le secteur des pêches au fil des ans
peut par exemple nous montrer ce qu'il ne faut pas faire.
Quand on freine l'évolution du libre marché, par exemple dans le secteur des pêches, en subventionnant la construction d'usines et de navires qu'il n'aurait peut-être pas fallu construire afin de préserver des niveaux d'emplois qu'il n'aurait peut-être pas fallu préserver, on peut se retrouver avec de gros problèmes.
Le fait d'être le cinquième à parler ou d'être membre du cinquième parti ressemble un peu à la situation du cinquième époux d'Elizabeth Taylor. Je sais quoi faire, mais je ne sais pas forcément comment le rendre intéressant. Je ferai certes de mon mieux.
Le groupe de travail MacKay a traité de la question. Si vous voulez mon avis, je trouve que, dans l'ensemble, certains éléments de son rapport sont très intéressants. Je suppose que de voir des membres de la classe politique exiger d'un autre groupe des garanties dans le domaine de la protection des emplois, par exemple, voire dans la prestation de services et l'ouverture de succursales, me met mal à l'aise. La classe politique ou le gouvernement n'a pas une feuille de route particulièrement reluisante sur le plan des promesses tenues ou des emplois préservés, comme nous avons pu nous en rendre compte au cours des dernières années.
Il nous appartient de mettre sur pied de manière très holistique un secteur et de modifier la réglementation des services financiers de manière à passer à l'autoréglementation, ce qui en bout de ligne se traduira par des services d'excellente qualité pour tous les Canadiens.
Une étude a été effectuée il y a environ 15 ans—j'étudiais à Dalhousie quand j'en ai eu vent—dans laquelle on comparaît l'économie américaine à l'économie canadienne et on analysait la concentration de la richesse. Au début du siècle, aux États-Unis, la richesse était très concentrée, tout comme au Canada. Depuis lors, aux États-Unis, la richesse a été redistribuée partout dans la société. Les riches n'étaient plus seulement des Vanderbilt, des Dupont ou des Rockefeller. Au Canada, cette redistribution n'a pas eu lieu, essentiellement en raison de la différence entre les deux systèmes bancaires. En fait, l'accès au capital a joué un rôle. Aux États-Unis, par exemple dans le Maine, si la Bank of Bath rejetait votre demande, vous pouviez toujours vous présenter à la Bank of Bangor. Si la Bank of Loganville, en Géorgie, vous refusait un service, vous pouviez vous tourner vers la Bank of Snellville, une véritable banque—constituée en personne morale il y a 150 ans environ—, qui vous fournissait le service.
L'une des choses qui me plaît vraiment dans le rapport du groupe MacKay, c'est la question des nouvelles banques. Bien que nous soyons tous atteints quelquefois du «mal utopique des fusions», ce qui représente certes un paratonnerre politique, j'ai été vraiment ravi d'entendre des porte-parole de l'assurance et de la location d'autos qui n'étaient pas forcément contre les fusions bancaires comme telles, mais qui s'opposent au contexte actuel et à la structure actuelle des banques. Je pose en principe que, si en tant que pays nous ne faisons rien pour modifier cette structure—la mondialisation jouera un rôle sur ce plan—, tôt ou tard, la structure actuelle aura disparu dans quelques années.
Wendy, je ne suis pas dramaturge, mais je peux peut-être jouer un rôle en vue de rapprocher ces groupes. Nous pourrons peut-être même jouer dans une pièce ensemble un jour, lorsque nous aurons quitté la politique. Je ne veux pas lancer de rumeur au sujet des fusions, mais celles-ci me posent beaucoup moins de problèmes que certaines fusions politiques dont il est périodiquement question.
Quoi qu'il en soit, c'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Il vaudrait peut-être mieux en revenir tout de suite au sujet.
Des voix: Oh, oh!
M. Scott Brison: Moi aussi, j'ai passé la plus grande partie de la vie à devoir de l'argent aux banques. Pour l'instant, toutefois, je n'ai pas beaucoup de dettes politiques. J'ai obtenu mon premier prêt bancaire quand j'avais 19 ans. Je souhaitais lancer ma propre entreprise. Au début, la banque avait rejeté ma demande. J'achetais des réfrigérateurs. Je souhaitais acheter 180 réfrigérateurs que je louerais par la suite aux étudiants pour garder leur bière au froid. Je peux maintenant le dire, puisque je ne fais plus ce commerce, mais à l'époque, les parents croyaient que c'était pour tenir les yogourts au froid alors qu'en réalité, les étudiants y mettaient leur bière.
J'ai fait une demande auprès d'une banque qui l'a rejetée parce que je n'avais pas de biens à donner en garantie et que je n'avais pas vraiment grand-chose à offrir. En fait, ma demande a été rejetée par deux banques. C'est alors que j'ai réussi à obtenir un crédit commercial de 30 jours grâce auquel j'ai emprunté 24 000 $ pour acheter 180 réfrigérateurs. Je les louais 100 $ chacun pour huit mois, ce qui m'a permis d'aller à la banque et d'emprunter le reste. J'ignore si c'était une bonne ou une mauvaise chose car, depuis lors, je suis constamment endetté pour faire rouler différents commerces. Je peux donc parler en tant que petit entrepreneur.
L'une des choses qui me plaît dans l'idée des nouvelles banques, c'est que nous pouvons nous doter d'une série de programmes où tout le monde est gagnant. Ce n'est pas très souvent qu'on ouvre de nouvelles banques au Canada. En réalité, le phénomène est rare, car les conditions de démarrage des nouvelles banques n'y sont pas vraiment propices. Nous pouvons modifier ce contexte. Le groupe MacKay recommande entre autres d'accorder une exonération de l'impôt sur le capital pour, je crois, dix ans.
J'ai entendu ce matin la chambre de commerce de Halifax recommander, par exemple, que l'on offre plus de formation. Nous pourrions peut-être aider sur ce plan en vue de faciliter les prêts à la PME de ces nouvelles banques.
On pourrait dire que, si nous mettons en place les bonnes conditions, beaucoup de nouvelles banques ouvriront leurs portes au Canada. En fait, cela pourrait se faire en Nouvelle-Écosse, parce qu'il existe dans cette province des capitaux mis en commun qui sont investis ailleurs.
Voici ma première question. J'ignore si vous le savez, mais, selon les recommandations faites dans le rapport MacKay, on peut ouvrir une nouvelle banque à condition d'avoir 10 millions de dollars de capitaux et de jouir d'une exonération de l'impôt sur le capital et de certains autres avantages. Par exemple, qu'arriverait-il si nous doublions l'assurance-dépôts des nouvelles banques qui passerait alors de 60 000 à 120 000 $? C'est une mesure possible. L'exonération de l'impôt sur le capital en est une autre. Je pose la question aux courtiers d'assurances et à ceux qui font du crédit-bail. Ma question concerne uniquement les nouvelles banques, juste ces petites banques. En bout de ligne, il faudra limiter la taille de ces nouvelles banques et tout le reste.
Si nous autorisons ces nouvelles banques à faire du crédit-bail dans le secteur automobile et à vendre de l'assurance—je ne parle pas de la Banque Royale ou de la Banque de Montréal, mais simplement de ces nouvelles banques—, elles ne verront pas forcément le jour. Par contre, il me semble avantageux pour l'économie néo-écossaise et pour l'économie canadienne de créer des conditions propices au démarrage de nouvelles banques. Nous pourrions leur offrir entre autres l'accès à plus de services que les grandes banques à charte, c'est-à-dire les banques énumérées à l'annexe I. Il serait peut-être sensé de le faire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Qui veut s'essayer?
M. Richard Vansnick: Si vous le permettez, monsieur le président, je vais tenter ma chance.
Primo, le démarrage de nouvelles banques au Canada ne connaît pas beaucoup de succès. Il suffit de se rappeler ce qui est arrivé à la dernière, qui a été sauvée par la Banque nationale. Je parle de la Unity Bank of Canada. Secundo, bien que l'on puisse certes réunir 10 millions de dollars de capitaux pour partir une banque, il faut aussi se conformer à des règlements très rigoureux du surintendant fédéral concernant les coefficients de prêts. Il y a donc un effet de multiplicateur.
• 1055
Sans vouloir être indiscret, Paul, cela ne financerait-il pas
votre parc de véhicules et toutes vos opérations?
La capacité de la nouvelle banque d'offrir des services ou de livrer concurrence serait très limitée. Elle pourrait le faire au sein des petites collectivités par exemple et offrir à peu près les mêmes services peut-être que les coopératives de crédit...
M. Scott Brison: Bien sûr.
M. Richard Vansnick: ... mais, à plus grande échelle, son rayon d'action serait très limité.
M. Scott Brison: Par contre, elle ne pourrait pas livrer une concurrence déloyale. Vous affirmez que les grandes banques pourraient livrer une concurrence déloyale. Ces gars-là n'auraient pas les mêmes avantages que les grandes banques.
M. Richard Vansnick: Comme nous l'avons dit, la seule façon dont les grandes banques pourraient nous livrer une concurrence déloyale serait de modifier les règles de manière à leur permettre de vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales. Ce serait extrêmement injuste.
M. Scott Brison: D'accord. J'aimerais que vous réfléchissiez à ce que je propose, et nous en reparlerons peut-être plus tard. L'idéal, c'est d'avoir une concurrence maximale mais loyale et d'offrir le meilleur service possible aux consommateurs. Ce serait peut-être une façon d'y parvenir.
M. Richard Vansnick: Si vous examinez ce qui se passe au pays, les coopératives de crédit ont dans une grande mesure rempli ce vide, selon moi.
M. Scott Brison: Pas dans le secteur des prêts à la petite entreprise, cependant. Je n'en suis pas si sûr. Je crois qu'il y a encore beaucoup à faire, de ce côté-là.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Norman, la parole est à vous.
M. Terry Norman: J'aimerais ajouter quelque chose. Les coopératives de crédit sont en position de force au Québec et dans l'ouest du Canada, mais elles ne sont pas aussi présentes en Nouvelle-Écosse. Elles ne représentent que 5 p. 100 des dépôts en Nouvelle-Écosse. Si on les encourageait à s'y installer, nous serions certes d'accord.
Nous aimerions qu'on lance de nouvelles banques. Nous aimerions que soit créé un climat propice. L'idée d'une exonération temporaire d'impôt ne nous plaît pas particulièrement, cependant. Nous préférerions que tous soient soumis aux mêmes conditions. Il serait préférable d'éliminer simplement l'impôt sur le capital que paient toutes les institutions financières, plutôt que d'accorder une exonération aux nouvelles pour les dix premières années.
En ce qui concerne certaines des conditions actuelles, les règlements sur la propriété font obstacle à la création de nouvelles banques. En effet, il est peut-être facile de réunir 10 millions de dollars d'une seule source, mais, comme il faut que le capital soit largement réparti, l'institution financière doit faire appel à plusieurs personnes qui investissent chacune un faible montant. Il est alors beaucoup plus difficile de réunir les fonds. Il est plus facile d'avoir un promoteur qui peut faire démarrer la banque, puis de multiplier le nombre de propriétaires à mesure qu'elle croît. Il serait plus facile de créer de nouvelles banques si nous pouvions avoir une structure chapeautée par une société portefeuille et une propriété plus concentrée, du moins au départ.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur O'Regan, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Paul O'Regan: Avant de conclure, il faut prendre conscience qu'il est question de deux choses différentes. D'une part, il est question de fusions bancaires et, d'autre part, de la concurrence déloyale parfois livrée par les banques. J'ai constaté... il n'y a pas eu de confusion, mais nous parlons de choses très différentes.
Nous acceptons tous le changement. Nous reconnaissons tous que les banques vont changer, qu'elles vont fusionner et faire ceci ou cela. Toutefois, en tant que membres de la classe politique et en tant que citoyens, il ne faudrait pas que nous perdions de vue que, dans le commerce des assurances, dans notre commerce et dans de nombreux autres, on ne peut pas se permettre une concurrence déloyale.
Steve et moi avons assisté aux audiences du groupe MacKay pendant une heure et quart. Il y avait là un monsieur—je n'arrive pas à me rappeler son nom—qui avait été doyen de l'école d'études commerciales Harvard et qui avait été membre du conseil d'administration d'une grande banque—je crois que c'était la Chase Manhattan. Il a donné des exemples de ce qui arrivait quand les banques pénétraient dans des secteurs à la recherche de profits. Elles avaient suffisamment d'influence et d'argent pour pénétrer le secteur et tout chambouler. Quand elles découvraient que le commerce en question n'était pas rentable, elles s'en retiraient après avoir tout détruit.
• 1100
Quelqu'un a parlé tout à l'heure du service de la paye. Les
banques ont fourni ce genre de service. Elles ne le faisaient pas
très bien. C'est pourquoi elles ne le font plus. Il faut se rendre
à l'évidence.
J'ai beaucoup travaillé avec de jeunes entrepreneurs au Canada. La semaine dernière, j'aidais un jeune homme dont le père vient de mourir. Celui-ci avait un beau petit commerce que le jeune dirige maintenant. Il désirait l'acheter de sa belle-mère. Laissez-moi vous dire qu'il est pratiquement impossible au Canada de trouver 150 000 $ pour acheter un commerce qui rapporte quelques centaines de milliers de dollars. Si j'avais accepté d'être cosignataire, il aurait peut-être obtenu le prêt.
Il faut agir avec beaucoup de circonspection. Je ne suis pas opposé à l'idée des fusions bancaires, mais je suis contre le fait qu'elles puissent se lancer dans des commerces de telle façon qu'elles brisent la trame de la société.
Nous n'avons rien contre la concurrence. Nous y sommes habitués. Nous y sommes confrontés tous les jours. Je ne crois pas que les membres du secteur de l'assurance soient contre, non plus. Dans la petite ville de Bridgewater, combien de courtiers avez-vous dit qu'il s'y trouvait?
Un témoin: Trente-neuf.
M. Paul O'Regan: Dans une ville de 7 000 âmes, il y a 39 courtiers d'assurances. Ce n'est donc pas la concurrence qui nous inquiète. Par contre, quand vous pénétrez par la force dans un secteur et que vous commencez à tout chambouler... Des vies humaines sont en jeu. On ne veut pas vraiment qu'en fin de compte, beaucoup de commerces soient obligés de fermer leurs portes, que les profits s'en aillent ailleurs.
Si les fusions se réalisent, soit. Mais il faut tout de même faire en sorte que les gens aient les ressources voulues pour devenir entrepreneurs, pour réunir des fonds, pour demeurer en affaires. Je ne crois pas que la meilleure façon soit de laisser les banques pénétrer le secteur de l'assurance, le secteur de la location et ces autres genres de commerces.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Brison, il reste tout juste assez de temps pour une brève question, si c'est possible.
M. Scott Brison: Monsieur le président, donnez-moi un peu de latitude, je vous en prie. J'ai été très patient ce matin et je suis chez moi. Ces gens sont de chez moi. Il faut me permettre plus qu'un tour.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je comprends votre situation.
M. Scott Brison: Soit dit en passant, ce n'était pas là ma question.
Monsieur O'Regan, j'ai l'impression, d'après ce que vous avez dit, que vous seriez très frustré si le gouvernement vous refusait une fusion avec, par exemple, Wood Motors Ford. En fait, vous réagiriez probablement comme un libre-échangiste. Il ne vous appartiendrait pas de prouver l'intérêt public de cette fusion. Ce serait à ceux qui y sont opposés de prouver sans équivoque qu'elle serait mauvaise, parce qu'elle révolutionnerait le marché. Je vous sais donc gré de vos propos mûrement réfléchis et de la maturité de caractère dont vous faites preuve à cet égard, de même qu'au sujet du commerce de l'assurance.
Il me semble que si nous mettons en place les systèmes qu'il faut dans des endroits comme la Nouvelle-Écosse, nous aurons de nouvelles banques d'ici cinq ans. L'accès au financement sera rendu plus facile et les prêts seront octroyés en fonction de la personnalité des demandeurs plutôt que d'après des ratios et ce genre de choses.
À propos de la concurrence étrangère, certains qualifient la question de faux-fuyant, mais en fait ils ont tort. Lorsque les représentants de la Wells Fargo ont témoigné devant nous, je leur ai demandé combien de clients ils avaient au Canada il y a un an, et ils m'ont répondu 10 000. Je leur ai demandé combien ils en avaient maintenant, et ils m'ont dit plus de 100 000. Je leur ai alors demandé combien ils emploient de Canadiens; ils en emploient 127. C'est peu. Cependant, si nous créons le bon système, le Canada pourra avoir un système bancaire qui livrera concurrence et réussira sur la scène internationale tout en employant des gens dans tout le pays.
La CIBC emploie à son centre téléphonique de Halifax 400 personnes, qu'elle paie 20 $ l'heure. La distance n'étant plus un élément déterminant du coût des télécommunications, monsieur Ferguson, je suis prêt à parier que la Nouvelle-Écosse pourrait devenir un centre de croissance, particulièrement si nous adoptions une stratégie fiscale provinciale efficace et audacieuse pour attirer ce genre de sociétés. L'avenir offre donc de nombreuses possibilités dont tout le monde pourrait tirer parti.
• 1105
Pour ce qui est du crédit-bail automobile, l'un des arguments
défavorables à la pénétration des banques sur ce marché est le coût
du capital, car à cet égard les banques disposent d'un net
avantage. Aux États-Unis, GMAC et Ford Credit sont des intervenants
de taille. J'ai entendu dire que les constructeurs d'automobiles
contrôlent 46 p. 100 du marché du crédit-bail aux États-Unis. Au
Canada, les concessionnaires en ont 80 p. 100. Est-ce exact?
M. Stephen O'Regan: Parlez-vous des sociétés de financement captives?
M. Scott Brison: Oui.
M. Stephen O'Regan: Non, je ne crois pas que ce soit autant. Si c'est dans ces proportions-là, les banques contrôlent environ 40 p. 100 du marché par l'entremise de leurs plans de financement en gros et de détail.
M. Scott Brison: Selon les renseignements que j'ai, je croyais que c'était environ 80 p. 100. Environ 90 p. 100 des contrats de crédit-bail au Canada sont en fait détenus par des établissements de crédit étrangers—70 p. 100 par Ford, GM et Chrysler, 10 p. 100 par GE Capital et 10 p. 100 par des sociétés de crédit japonaises et européennes comme Volvo, Toyota et Honda.
M. Stephen O'Regan: Je crois que ces statistiques pourraient être exactes si elles ne portent que sur l'année dernière ou les deux dernières années et s'il ne s'agit que du financement de détail—c'est-à-dire le financement qu'octroient les concessionnaires pour le compte de ces sociétés de financement—mais peut-être que Paul peut me corriger à ce sujet.
Il y a un autre aspect au crédit-bail et c'est le financement de gros, dont s'occupe notamment la société O'Regan National Leasing. Dans ce secteur, nous empruntons de l'argent aux banques et nous administrons nos propres plans de financement. Donc, pour ce qui est du financement de détail récent, je suppose que 80 p. 100 pourrait être assez juste.
M. Scott Brison: Où sont situés leurs centres téléphoniques? Au Canada ou aux États-Unis? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Paul O'Regan: Parlez-vous des sociétés de financement captives?
M. Scott Brison: Oui.
M. Paul O'Regan: Ils ont des centres ici. Toutes les sociétés de financement captives ont...
M. Scott Brison: Même GMAC et Ford Credit?
M. Paul O'Regan: GMAC a des bureaux à Halifax.
M. Scott Brison: Oui, mais qu'en est-il des emplois dans les centres téléphoniques? La croissance de l'emploi dans les services financiers n'a pas fait les manchettes.
M. Paul O'Regan: Les concessionnaires General Motors de Halifax font affaire par téléphone avec les bureaux de Halifax. Tout se fait ici. Je présume qu'il en est de même pour Toyota et Ford Credit.
M. Scott Brison: L'un des arguments qui a été présenté contre l'entrée des banques sur le marché du crédit-bail est qu'elles n'y connaissent rien, qu'elles ne savent pas comment évaluer la valeur résiduelle et, donc, qu'elles ne pourront pas offrir un service de la même qualité. Il est très difficile pour une banque de faire concurrence aux sociétés de financement comme GMAC, par exemple, qui offre un financement à 1,9 p. 100. C'est un domaine assez complexe. Si les banques vont en fait semer la pagaille ou s'avérer moins bonnes qu'elles ne le croient, pourquoi vous inquiéteriez-vous?
M. Stephen O'Regan: Je crois que ça revient tout simplement au pouvoir dont elles disposent par l'entremise de leurs services de dépôt. Pour elles, le loyer de l'argent est très bas comparativement à ce qu'il est pour nous lorsque nous empruntons pour le compte de notre société de crédit-bail. Nous ne pourrions tout simplement pas rivaliser avec elles à court terme.
M. Scott Brison: Votre cas est différent de celui de beaucoup de concessionnaires sur ce plan, parce que vous vous occupez de crédit-bail, mais je crois que GMAC jouit d'un excellent accès au capital. Je suis prêt à parier aussi que c'est à des taux très compétitifs.
Quoi qu'il en soit, vous dites que si les banques pénétraient ce marché, elles ne le comprendraient pas, elles pourraient y perdre de l'argent et elles pourraient même semer la pagaille dans le domaine.
M. Stephen O'Regan: Exactement. Du point de vue de la concurrence, elles seraient très compétitives à court terme, mais elles dévasteraient le marché en un rien de temps, en en évinçant les concessionnaires qui offrent des services de crédit-bail—comme nous-mêmes. Une fois le marché dévasté, je suis sûr qu'on verrait une forte détérioration de la compétitivité. Au bout du compte, nous aurions un marché beaucoup moins compétitif qu'il ne l'est aujourd'hui.
M. Scott Brison: C'est sûr.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Brison, je vous ai déjà accordé 25 minutes. Un autobus doit nous prendre à 12 h 30 pour nous emmener à l'aéroport. Vous ne viendrez probablement pas avec nous, alors j'aimerais terminer sur une dernière question, si vous le voulez bien.
• 1110
M. Casey aimerait faire un commentaire.
M. Bill Casey: Tout d'abord, j'aimerais féliciter M. Brison pour sa brève question.
Il y a un autre facteur à prendre en compte en ce qui concerne les banques dans le secteur de l'automobile. C'est qu'elles fonctionnent par cycles. Lorsque les choses vont bien, les banques sont là, mais lorsque la situation se complique, Pierre appelle Paul et lui dit: le secteur de l'automobile ne nous intéresse plus tellement. Les concessionnaires reçoivent ensuite un appel et se font annoncer que leur marge de crédit est réduite. Au bout du compte, notre situation devient si difficile qu'on se retrouve à la rue. Mais tout ça arrive par cycles. Les banques misent sur certains secteurs et s'y introduisent, mais si ça ne s'avère pas lucratif à court terme, elles retirent tous leurs pions du jeu.
M. Paul O'Regan: C'est exactement ce que disait notre ami de l'Université Harvard, à propos d'une grande institution financière qui offrait du financement dans la région de Halifax, qui a récemment fermé ses portes et abandonné ses activités dans le domaine.
M. Bill Casey: Lorsqu'est survenue la dernière récession, les concessionnaires ont presque aussitôt reçu des appels leur annonçant: Nous ne nous intéressons plus au secteur de l'automobile, peut-être pourriez-vous obtenir votre financement ailleurs. Les concessionnaires communiquent entre eux, avec leurs collègues qui vendent le même produit et avec leurs concurrents. C'est donc une façon de faire universelle, qui peut être très nocive pour le secteur. Il n'y a pas d'engagement. L'engagement ne tient que tant que l'activité est lucrative, et dès qu'elle ne l'est plus, on ne peut plus compter sur les banques. Entre temps, si on leur permet de pénétrer le marché du crédit-bail, elles tireront profit d'une période lucrative. Elles évinceront certains concessionnaires du marché. Dans certaines communautés que je représente, il n'y a qu'un seul concessionnaire. S'il perd 20 p. 100 du marché, il est condamné. Donc, une fois qu'il se sera retiré des affaires, si les banques renoncent au marché du crédit-bail, la communauté se retrouvera sans concessionnaire, sans service et sans emplois. Voilà un autre motif. Les banques ne prennent pas d'engagement en ce qui concerne le crédit-bail ou les automobiles. C'est seulement cyclique.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président. J'ai une dernière question à poser.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors soyez bref, s'il vous plaît. Passez directement à votre question, comme dirait le Président de la Chambre.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président. La seule différence c'est qu'on n'obtient pas de réponse pendant la Période des questions. C'est beaucoup mieux ici.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Personne n'a dit qu'il s'agissait d'une période des réponses. Ça s'appelle Période des questions à la Chambre des communes.
M. Scott Brison: J'aimerais avoir l'avis de Daurene à ce sujet. Si nous créons les conditions idéales, s'il y a, peut-être l'avantage d'une exonération d'impôt, l'accès à un système de paiement et à une plus vaste gamme de services, et certaines autres conditions, premièrement, croyez-vous que nous pourrons réellement créer un environnement propice au lancement de nouvelles banques? Deuxièmement, croyez-vous que le fait de pouvoir s'adresser à une banque de la région facilitera l'accès au financement pour tout le monde en Nouvelle-Écosse, particulièrement les femmes?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Brison.
Madame Lewis.
Mme Daurene Lewis: Je ne peux que répondre en fonction de mon domaine d'expertise. Vous parlez de micro-entreprises. Women's World Finance est la seule filiale de la Banque mondiale des femmes au Canada. Elle a ses bureaux au Cap-Breton. Avec les 500 000 $ qu'a débloqués la Banque Royale pour ouvrir l'accès au financement, elle étendra ses services pour englober les quatre provinces de l'Atlantique. Les négociations à ce sujet tirent à leur fin. Cette organisation s'occupe donc d'un groupe de femmes qui n'ont pas pu obtenir de financement jusqu'ici. Ce sont des femmes qui vont essuyer un refus des autres organismes traditionnels. Donc, 60 p. 100 des femmes qui se lanceront en affaires dans les provinces de l'Atlantique pourront être financées par une banque, ce dont elles ont été privées jusqu'ici.
Dans tous les entretiens que j'ai eus qui concernaient directement les clientes du centre, ça n'a pas été un problème. Quant à savoir si de nouvelles banques ont des chances de réussir ou si c'est une solution souhaitable, je vais citer l'exemple de la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs. Les deux entreprises, Ceilidh Connection et Cape Breton Tea Room, étaient des clients du centre. C'est le centre qui a dressé leurs plans d'affaires et, en 1997, la Fondation a déclaré celui de Ceilidh Connection le meilleur plan d'affaires du Canada.
M. Scott Brison: Très bien. Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci à tous. Je conviens avec M. Brison que votre témoignage a été très clair, concis et direct. Il a été très informatif et révélateur pour nous, politiciens.
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier de nous avoir fait part de vos points de vue.
Les trois prochaines semaines, nous allons entendre d'autres témoignages dans tout le pays. Nous avons divisé le groupe en deux. L'un ira dans l'Ouest, et l'autre dans l'Est. Nous pensons pouvoir soumettre nos recommandations au ministre en décembre. Nous espérons que, d'ici là, après avoir entendu des témoignages dans tout le Canada, nous serons mieux en mesure de prendre une décision éclairée au nom de tous les Canadiens.
[Français]
M. Yvan Loubier: Un petit renseignement, monsieur le président. Avant que je parte d'Ottawa, la Chambre des communes a adopté une motion précisant que le rapport final du Comité des finances sur la consultation prébudgétaire serait déposé le 3 décembre, mais que pour le rapport MacKay, un rapport d'étape serait déposé le 3 décembre et le rapport final serait déposé en mars. Je vous l'apprends parce que cela vient d'être décidé. On a prolongé les consultations sur le rapport MacKay.
[Traduction]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Par souci d'efficacité, nous regroupons les témoignages. Ainsi, nous avons entendu hier des témoignages se rapportant aux consultations prébudgétaires, en vue de la préparation d'un rapport qui sera déposé en décembre. Au cours de nos audiences dans les régions du Canada, nous entendrons aussi des témoignages sur le secteur des institutions financières et son avenir.
Deux rapports distincts seront présentés, comme le disait M. Loubier, et il a été décidé que le deuxième rapport serait déposé en mars. Dans les deux cas, nous ferons des recommandations au ministre des Finances. Votre contribution est des plus précieuses. Nous espérons pouvoir prendre une décision plus éclairée grâce à la participation de gens tels que vous, qui nous communiquent une foule de renseignements et des faits concrets, ce à quoi nous n'avons pas toujours accès quand nous restons à Ottawa. Je tiens encore à vous remercier pour votre contribution.
La séance est levée.