FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le vendredi 9 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je voudrais ouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à tout le monde ce matin.
Comme vous le savez, le Comité des finances sillonne actuellement le pays et les députés tiennent des assemblées publiques pour demander aux Canadiens quelles devraient être les priorités pour le prochain budget, le budget de 1999. L'année dernière, c'est une initiative qui a eu un franc succès. En effet, plus de 4 000 personnes ont participé aux audiences et un bon nombre des recommandations faites l'année dernière par le Comité des finances se sont retrouvées dans le budget. Nous allons, j'en suis sûr, entendre ce matin des idées qui trouveront également leur place dans le budget.
• 1100
Nous avons le plaisir de recevoir les représentants de
l'Alberta Teachers' Association, de l'Association canadienne des
responsables de l'aide financière aux étudiants, de la
Confederation of Alberta Faculty Associations, de la Health
Sciences Association of Alberta, de Résultats Canada, de United
Nurses of Alberta et de l'Université de Calgary.
Nous allons commencer notre réunion maintenant, à 9 heures, et nous la terminerons à midi. Nous allons procéder de la façon suivante: vous allez faire vos exposés après quoi nous vous poserons des questions.
Nous allons commencer par les représentants de l'Alberta Teachers' Association. Monsieur Tim Johnston, la parole est à vous.
M. Tim Johnston (adjoint exécutif, Alberta Teachers' Association): Merci, monsieur le président.
L'Alberta Teachers' Association apprécie l'occasion qui lui est donnée de participer aux consultations prébudgétaires du gouvernement fédéral. Nous vous félicitons, monsieur le président et les autres membres du Comité permanent des finances, de consulter ainsi le public au sujet d'un budget qui se répercutera directement sur la qualité de vie des Canadiens.
Maintenant que le gouvernement a équilibré son budget, ce dont nous le félicitons, il est temps de s'occuper des membres de notre société qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas se prévaloir des possibilités qu'offre cette ère nouvelle.
Pour cette raison, nous vous exhortons à investir le dividende budgétaire dans des programmes pour combattre la pauvreté chez les enfants. Cet investissement concorderait avec la résolution que la Chambre des communes a adoptée à l'unanimité le 24 novembre 1989 et qui visait à éliminer la pauvreté chez les enfants du Canada d'ici l'an 2000.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi notre association considère la pauvreté dont souffrent les enfants comme une priorité pour les investissements. En 1990, notre président a parrainé une réunion sur la question de la pauvreté chez les enfants. Il s'agissait de discuter du problème et de ses répercussions sur l'éducation et les écoles et de déterminer les remèdes à apporter. Nous avons centré notre attention sur les 156 000 enfants albertains qui vivent dans la pauvreté et les effets de cette pauvreté sur leur développement physique, mental, spirituel, moral et social.
Chaque jour, la pauvreté prive les enfants à faible revenu de notre province des droits que les enfants des familles à moyen et haut revenu tiennent pour acquis, c'est-à-dire le droit à une alimentation, à un habillement et à un logement adéquats, le droit aux normes de santé les plus élevées, à l'égalité des chances sur le plan éducatif, le droit de se reposer et de jouer, le droit à la sécurité de leur personne.
Cette première réunion a donné naissance au Comité sur la pauvreté chez les enfants qui comprenait des représentants de l'Alberta Teachers' Association, de la Chambre de commerce de l'Alberta, de l'Alberta Home and School Councils' Association, de l'Alberta School Boards Association, du College of Alberta School Superintendents, de la Edmonton City Centre Church Corporation et des caucus progressiste-conservateur, libéral et néo-démocrate de la province.
Le comité s'est donné pour mission d'organiser une conférence sur la pauvreté chez les enfants. Cette conférence a eu lieu à Edmonton en avril 1992. Nous l'avions baptisée «Missing Pieces» et notre emblème était un casse-tête représentant l'Alberta et dont plusieurs morceaux manquaient. Ces morceaux manquants symbolisaient les programmes, les services et les débouchés dont sont privés tellement d'enfants pauvres de l'Alberta sur le plan de l'éducation, de la santé et des services sociaux.
Cette conférence de deux jours a commencé par la présentation des initiatives prises pour remédier à la pauvreté des enfants et une série d'exposés sur ce thème. Les participants ont ensuite tenu des ateliers au cours desquels ils ont élaboré 14 recommandations visant à apporter des améliorations sur le plan de l'éducation, de la santé et des services sociaux.
Ces recommandations figurent parmi les politiques que vous avez sous les yeux aujourd'hui. J'attire particulièrement votre attention sur les politiques 5.B.20 et 8.B.36. Ce sont les politiques de notre association.
Tout d'abord, nous vous exhortons à augmenter le crédit d'impôt non remboursable pour dons de charité afin d'établir la parité fiscale entre les dons de charité et les dons aux partis politiques. Nous vous demandons surtout de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de façon à porter le crédit d'impôt non remboursable pour dons de charité à 75 p. 100 de la première tranche de 150 $ des dons totaux, 50 p. 100 de la deuxième tranche de 675 $ et 33 1/3 p. 100 du montant total des dons dépassant 825 $, à la condition que le crédit maximum ne dépasse pas 20 p. 100 du revenu.
• 1105
Étant donné que tous les niveaux de gouvernement continuent de
se décharger de leurs responsabilités sur les paliers de
gouvernement inférieurs, les organismes de charité et leurs
bénévoles doivent continuer à combler les lacunes. Il est honteux
qu'à la veille du nouveau millénaire, il soit encore plus rentable
pour les Canadiens de faire un don aux partis politiques que de
donner cet argent à des oeuvres de bienfaisance établies dans leurs
propres collectivités. Si ces organismes doivent combler les
lacunes, il est normal d'inciter les Canadiens à les soutenir dans
leurs efforts.
La deuxième politique, 8.B.36, exhorte le gouvernement de l'Alberta à débloquer des fonds pour permettre aux gouvernements et aux organismes communautaires de prendre davantage de décisions au niveau local. Cette recommandation s'adresse à notre gouvernement provincial, mais elle s'applique également au gouvernement fédéral.
L'Alberta Teachers' Association croit que les collectivités sont les mieux placées pour connaître leurs besoins particuliers et déterminer la meilleure façon d'y répondre. Lorsqu'il s'agit de combattre la pauvreté chez les enfants, il n'est pas possible d'appliquer le même modèle à tout le monde. Il faut permettre à nos collectivités d'aborder le problème dans le contexte de leurs propres caractéristiques démographiques et des ressources dont elles disposent.
L'Alberta Teachers' Association a donc pris l'initiative d'organiser une série de tables rondes sur la pauvreté dans les diverses localités de l'Alberta.
Les objectifs de ces tables rondes sont les suivantes: premièrement, réunir les secteurs des collectivités en vue d'apporter des améliorations dans les conditions de vie des personnes vivant dans la pauvreté; deuxièmement, réunir des employeurs susceptibles d'offrir des emplois et des chômeurs et personnes sous-employées qui ont besoin d'emplois; troisièmement, regrouper les personnes qui souffrent de la pauvreté afin de leur permettre de faire part de leurs préoccupations à l'égard du présent et de leurs espoirs pour l'avenir; quatrièmement, réunir des représentants des organismes chargés de conseiller le milieu des affaires pour les informer sur les avantages que l'emploi des chômeurs et des personnes sous-employées représente pour les entreprises; cinquièmement, réunir des représentants des organismes qui viennent en aide aux pauvres afin qu'ils fassent clairement comprendre au public quelle est la gamme complète des services de soutien disponibles; sixièmement, échanger nos renseignements, nos expériences et nos aspirations et, septièmement, établir un plan commun pour remédier à la pauvreté au sein de la collectivité.
La première série de tables rondes a eu lieu en mai 1998, à Mill Woods, une localité située au sud-est d'Edmonton. Nous avons prévu d'en tenir d'autres cette année dans le nord-est de Calgary, à Fort McMurray et à Provost.
Nous vous exhortons à donner suite aux recommandations émanant de ces tables rondes. Un bon nombre des recommandations de la table ronde de Mill Woods, que vous avez sous les yeux, s'adressent au gouvernement fédéral. Il ne suffit pas de les lire et de féliciter les organisateurs de leurs efforts.
Les personnes que ces recommandations visent à aider, et dont un grand nombre sont des enfants, sont précisément celles qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent se prévaloir des possibilités qu'offre cette nouvelle ère. Elles ont besoin de votre aide et cela immédiatement. Nous vous demandons de bien vouloir étudier ces recommandations et de nous donner une réponse immédiate et constructive.
L'Alberta Teachers' Association s'est faite le champion de la lutte contre la pauvreté chez les enfants de l'Alberta. C'est un rôle logique. Les effets cognitifs, psychologiques et émotifs de la pauvreté chez les enfants se manifestent quotidiennement dans les écoles. Les enseignants savent que leurs classes ne sont pas isolées de l'ordre social dans son ensemble, elles en font partie intégrante.
Bien entendu, les enseignants ne peuvent pas résoudre à eux seuls les problèmes associés à la pauvreté chez les enfants. Les solutions résident dans une approche globale à laquelle participeront non seulement le secteur de l'éducation, mais aussi les pouvoirs publics, les fournisseurs de services de santé et de services sociaux ainsi que le milieu des affaires et le secteur bénévole.
Voilà pourquoi nous comparaissons devant vous aujourd'hui. Voilà pourquoi il est essentiel que vous souteniez ces recommandations.
L'Alberta Teachers' Association vous remercie de l'avoir invitée à participer à vos consultations prébudgétaires.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Johnston.
Nous allons maintenant entendre les représentantes de l'Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants, Mme Teresa Alm, présidente, et Mme Charlotte French, présidente sortante.
Mme Teresa Alm (présidente, Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants): Merci de nous avoir invitées à venir ici aujourd'hui.
L'Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants, que je désignerai comme l'ACRAFE, se réjouit de pouvoir participer à ces consultations préalables au budget de 1999.
Les membres de l'ACRAFE comprennent le personnel professionnel et administratif des universités, collèges et écoles techniques qui s'occupent directement des programmes d'aide financière aux étudiants ou de bourses d'études. Ces personnes s'occupent de la conception, de la promotion et de l'attribution d'une aide financière aux étudiants sous la forme de prêts, de bourses ou de subventions. Les responsables de l'aide financière des établissements postsecondaires ont l'occasion de rencontrer une forte proportion de la population étudiante.
• 1110
L'ACRAFE reconnaît que le budget de 1998 marquait une étape
importante pour l'enseignement supérieur en ce qui concerne les
mesures annoncées d'aide financière aux étudiants. Le budget de
1998 a établi des bases importantes en accordant des subventions
aux étudiants ayant des personnes à charge, en aidant les étudiants
à gérer leurs dettes en leur accordant un allégement d'impôt pour
l'intérêt sur les prêts aux étudiants fédéraux et provinciaux, en
élargissant les programmes de réduction de l'intérêt existant au
niveau fédéral et en mettant en place des mesures d'allégement de
la dette pour les diplômés dans le besoin.
Le budget élargissait également le crédit d'impôt à l'éducation accordé aux étudiants à temps partiel en leur permettant de puiser des fonds dans leurs REER, à l'abri de l'impôt, de façon à favoriser la formation continue.
Il incitait également les familles à épargner pour les études de leurs enfants en créant la subvention canadienne pour l'épargne-études.
Un certain nombre d'étudiants bénéficieront de ces mesures. D'autres étudiants nécessiteux devraient obtenir de l'aide en l'an 2000, lorsque les bourses d'études canadiennes du millénaire commenceront à être accordées.
Ces programmes mettent en place les dispositions nécessaires pour contrer l'endettement de plus en plus lourd des étudiants canadiens.
Le budget de 1998 marquait également un tournant dans l'aide financière aux étudiants, le gouvernement fédéral ayant reconnu que les étudiants étaient de plus en plus lourdement endettés et ayant mis en place divers types de programmes de subventions pour alléger cette dette qui limite l'accès à l'enseignement supérieur. Notre association voit dans ces mesures la possibilité de consolider le programme actuel de prêts aux étudiants. L'efficacité et les répercussions de ces dispositions ne pourront être pleinement évaluées que lorsque toutes les mesures seront mises en oeuvre, surtout dans le cadre d'une harmonisation.
Étant donné les discussions qui ont lieu actuellement entre le gouvernement fédéral et les provinces au sujet de l'harmonisation et la sensibilisation accrue des prêteurs participants, notre association a deux recommandations à formuler pour consolider les programmes d'aide financière aux étudiants.
Il s'agit d'abord de mettre en place un programme d'alternance travail-études. Il s'agit là d'une formule qui permet aux étudiants ayant les plus grands besoins de gagner des revenus supplémentaires sans alourdir leur dette. Notre association préconise depuis longtemps la mise en place d'un programme national d'alternance travail-études en raison des avantages que cela confère à tous les participants.
Les étudiants en bénéficient sur deux plans. D'abord sur le plan financier parce qu'ils obtiennent de quoi répondre à leurs besoins sans s'endetter davantage. D'autre part, ils acquièrent des connaissances et des compétences qui les aideront une fois leurs études terminées.
Pour de nombreux étudiants, cette expérience professionnelle se situe dans le domaine de la recherche. C'est pour eux l'occasion de participer à des découvertes. En fin de compte, tous les Canadiens tirent profit de la recherche qui est essentielle au succès économique de notre pays.
Nous recommandons également la mise en place d'une subvention pour les étudiants nécessiteux. Nous recommandons d'élargir les dispositions existantes de façon à accorder une aide immédiate aux étudiants qui ont les plus grands besoins. Cette aide ne s'adresse pas à une clientèle particulière comme celle qui est destinée actuellement aux étudiants qui ont des personnes à charge ou qui sont handicapés. Elle serait plutôt versée à ceux qui ont des besoins particulièrement grands. Autrement dit, il s'agirait des étudiants qui ont des besoins financiers auxquels les programmes de prêts aux étudiants ou de subventions qui existent actuellement au niveau fédéral ou provincial ne suffisent pas à répondre.
Cette subvention pour les étudiants remplissant les conditions requises et disposant de ressources très limitées inciterait à faire des études supérieures et améliorerait les possibilités d'emploi.
Notre association estime qu'un programme national d'alternance travail-études et un programme de subventions pour les étudiants dans le besoin, alliés aux mesures annoncées dans le budget fédéral de 1998, pourront faire de l'aide aux étudiants un programme efficace et complet d'aide aux étudiants. Tous les Canadiens qui répondent aux normes universitaires devraient pouvoir faire des études postsecondaires, quels que soient leurs moyens financiers. L'accès aux études supérieures pourrait être amélioré grâce à un programme national d'aide aux étudiants vraiment complet.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
C'est maintenant le tour de la Confederation of Alberta Faculty Associations. Monsieur Scott Grills, la parole est à vous.
M. Scott Grills (président, Confederation of Alberta Faculty Associations): Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous pour participer à vos importantes consultations.
La Confederation of Alberta Faculty Associations représente les professeurs de l'Université de l'Alberta, de l'Université de Lethbridge, de l'Université Athabasca et du Collège universitaire Augustana.
Je parlerai de certaines des réalisations du secteur universitaire, des questions qui nous préoccupent et de ce que nous proposons pour remédier à ces problèmes, du moins en partie.
D'abord, pour ce qui est de nos réalisations, le niveau d'instruction de la population est très élevé, ce qui se reflète dans le classement du PNUD qui met le Canada au premier rang de son indice du développement humain. Rien ne laisse croire que les Canadiens ont changé d'avis quant à la valeur de l'enseignement postsecondaire. Les inscriptions dans les universités ont augmenté de 841 p. 100 entre les années 50 et les années 90.
Les Canadiens ont tout lieu d'être fiers de l'accès des femmes à l'enseignement postsecondaire. Les femmes représentent maintenant plus de 50 p. 100 des diplômés dans la totalité des principaux domaines d'étude, à l'exception des mathématiques, du génie et des sciences physiques.
Tout semble indiquer que les Canadiens continueront à vouloir faire des études postsecondaires et toutes les statistiques économiques montrent que plus une personne est instruite, meilleures sont ses chances d'obtenir un emploi productif et plus son revenu est élevé.
Par ailleurs, l'éducation conduit à la stabilité économique. Notre économie repose de plus en plus sur le savoir et dépend de moins en moins du secteur primaire qui connaît des fluctuations cycliques. L'investissement dans l'éducation a des répercussions directes sur l'avenir économique du Canada.
Également, l'investissement dans la recherche et le développement présente toutes sortes d'avantages pour les Canadiens. Cependant, cette recherche-développement dépend largement du secteur universitaire étant donné que l'investissement du secteur privé est extrêmement faible par rapport aux niveaux internationaux. Néanmoins, les Canadiens réalisent des recherches de calibre international dans le domaine des sciences, des arts et des sciences sociales.
L'éducation est la condition préalable à une société démocratique. Notre situation internationale se fonde également sur une conscience internationale qui est favorisée par nos établissements d'enseignement. Les Canadiens sont d'accord quant à l'importance de l'éducation. Environ 80 p. 100 d'entre eux considèrent que l'éducation améliore les conditions de vie.
Voici quelle est notre situation actuelle. Il faut continuer à réduire la dette. Toutefois, il ne faut pas oublier non plus que la réduction des dépenses publiques s'est accompagnée de coûts énormes, surtout ceux qui ont été imposés par la réduction des paiements de transfert aux provinces.
Le budget fédéral de l'année dernière contenait de nombreuses dispositions, tant à long terme qu'à court terme, pour aider les étudiants et les chercheurs du Canada. Toutefois, ces dispositions ne s'attaquaient pas au problème fondamental qu'est la diminution du financement des établissements d'enseignement. La réduction des paiements de transfert fédéraux pour l'enseignement postsecondaire a amené les provinces à réduire leurs subventions aux universités. L'augmentation des frais de scolarité des étudiants n'a pas suffi à combler la différence et elle risque également de dissuader les gens de poursuivre leurs études.
Une grave conséquence de l'augmentation des frais de scolarité est l'alourdissement de la dette des étudiants, qui va continuer à progresser au cours des années à venir. Par exemple, la dette moyenne d'un diplômé d'université en Alberta s'est accrue de 5 000 $ en un an, passant d'environ 12 000 $ en 1996 à approximativement 17 000 $ en 1997. Les bourses d'études canadiennes du millénaire et les changements au régime d'épargne-études devraient modérer cette tendance, mais l'obstacle que représente l'endettement des étudiants est extrêmement inquiétant.
C'est d'autant plus alarmant que c'est la classe sociale qui constitue le principal obstacle pour avoir l'accès à l'enseignement postsecondaire au Canada. Les jeunes dont la famille est à faible revenu ou dont le père exerce un emploi de col bleu ont nettement moins de chances que les autres de fréquenter l'université. L'alourdissement de la dette des étudiants renforce les barrières que représente la classe sociale.
Les contraintes qui existent au sein de nos universités sont moins visibles et parfois moins quantifiables. Les locaux sont surpeuplés. La taille des classes continue d'augmenter et n'est souvent limitée que par la capacité de la salle. Le ratio étudiant-professeur s'accroît continuellement. La rémunération et les conditions de travail du corps enseignant ne se sont pas améliorées depuis plus d'une décennie.
Le salaire moyen des professeurs de l'Université de l'Alberta était d'environ 57 000 $ en 1986-1987. Si l'on tient compte de l'inflation, leur salaire moyen pour 1995-1996 a baissé de plus de 1 500 $ et dépasse à peine 55 000 $. Les bibliothèques ont des frais de plus en plus lourds et cela d'autant plus qu'une bonne partie des dépenses doivent être faites en devises étrangères. Le public et le gouvernement attendent davantage de la part de nos universités. Les établissements sont censés répondre aux besoins du marché du travail, être les chefs de file de la technologie de l'information, informer le Canada de l'état des recherches internationales et former les chercheurs de demain.
• 1120
Compte tenu de nos réalisations et de nos préoccupations,
voici les recommandations que nous formulons. Nous sommes pour une
participation continue du gouvernement fédéral à l'enseignement
postsecondaire, mais cela nous inquiète que les provinces ne soient
pas tenues de dépenser l'argent des paiements de transfert à des
fins précises. Nous voudrions que le gouvernement fédéral se serve
de son pouvoir de dépenser pour établir des normes régissant l'aide
aux étudiants, le transfert des crédits et la mobilité d'une
province à l'autre; pour exiger que le financement des provinces
corresponde au financement fédéral et pour accroître notre capacité
de recherche. Nous sommes conscients des problèmes constitutionnels
que cela pourrait poser et des dispositions qui devront peut-être
être prises pour tenir compte de la situation particulière de nos
collègues du Québec, mais nous estimons que le gouvernement fédéral
doit continuer à jouer un rôle dans ces domaines.
Les provinces ont réduit leur financement à la recherche-développement. Comme les fruits de la recherche ne restent pas à l'intérieur des frontières d'une province, les gouvernements provinciaux se sont efforcés d'en faire le moins possible.
L'industrie du savoir revêt toutefois un caractère national et exige donc un rôle continu de la part du gouvernement fédéral. Nous recommandons d'accroître le financement des trois conseils subventionnaires de façon à soutenir la recherche fondamentale, en partant du principe que le financement ne doit pas être dirigé et qu'il faut préserver la liberté universitaire sans tenir compte des impératifs du moment. Une augmentation relativement modeste des subventions de recherche pour les sciences sociales et humaines aurait d'énormes répercussions positives sur le plan pratique et pour ceux qui travaillent dans ce domaine.
Divers ministères ont lancé des programmes de soutien à la recherche en collaboration avec les conseils subventionnaires. Nous nous réjouissons de cette initiative et nous voudrions qu'elle soit élargie.
Nous recommandons au gouvernement de continuer à suivre de près le problème de l'endettement des étudiants et de songer à instaurer un seuil de remise de prêt dans le cadre du programme de prêts aux étudiants.
Pour conclure, les Canadiens ont un réseau universitaire qui compte d'importantes réalisations à son actif, ce dont nous devons nous réjouir. Nos recommandations mettent toutefois en lumière des questions très préoccupantes. Elles se répercutent directement sur l'accès à l'enseignement universitaire, la qualité de l'apprentissage, la profondeur et la portée de la recherche-développement au Canada et notre capacité de recruter et de garder les professeurs d'université. La diminution constante du financement des universités coûte très cher aux Canadiens.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Grills.
Nous passons maintenant à la Health Sciences Association of Alberta dont Elisabeth Ballermann est la présidente. Vous êtes la bienvenue.
Mme Elisabeth Ballermann (présidente, Health Sciences Association of Alberta): Merci, monsieur le président.
La Health Sciences Association of Alberta est un syndicat qui regroupe plus de 9 000 professionnels, technologues et employés de soutien de la santé, qui travaillent dans divers établissements médicaux de la province. Nous négocions des conventions collectives, mais nous cherchons également à promouvoir les intérêts sociaux et économiques de nos membres auprès des divers niveaux de gouvernement. Nous remercions le Comité permanent de nous avoir invités à participer à ces discussions prébudgétaires. Conformément à notre mandat, nous discuterons seulement avec vous de l'emploi et des questions sociales.
La réforme fiscale a balayé le pays. L'ère des compressions budgétaires a durement touché un grand nombre d'employés du secteur public et a eu des répercussions dans l'ensemble de l'économie. Le déficit fédéral a été éliminé et le gouvernement s'est engagé à réinvestir les fonds excédentaires dans l'intérêt public. Nous aborderons avec vous plusieurs domaines de la politique publique en sachant bien que ce n'est là qu'un des éléments des finances fédérales. Nous proposerons des façons d'utiliser l'excédent de l'assurance-emploi. Nous sommes pour l'amélioration du financement de la santé et de l'éducation de même que pour le renouvellement du programme d'infrastructure et le financement de la recherche-développement.
Pour ce qui est du programme d'assurance-emploi, selon les articles récemment publiés dans les journaux, le ministre des Finances pourrait proposer qu'une partie de l'excédent accumulé serve à accroître les dépenses dans le domaine de la santé ou à réduire la dette nationale. Le but de cet excédent est de permettre au régime d'assurance de verser des prestations aux travailleurs admissibles en cas de grave récession économique et, si les tendances actuelles du marché se maintiennent, cette récession pourrait se concrétiser prochainement.
Aux dernières nouvelles, l'excédent semble surpasser les besoins prévus, même dans le pire scénario. Cet excédent est constitué des cotisations des employeurs et des employés. En supposant que les prévisions susmentionnées soient plus ou moins exactes, il s'agit de voir comment utiliser les fonds excédentaires.
• 1125
Nous sommes tout à fait pour l'augmentation du financement des
soins de santé, mais notre association croit que l'utilisation de
l'excédent de la caisse d'assurance-emploi à cette fin reviendrait
à imposer une taxe injuste aux travailleurs canadiens. De plus, ce
serait une taxe régressive dans la mesure où les travailleurs qui
gagnent tout juste le maximum assurable paieraient le même montant
que ceux dont le revenu est nettement plus élevé. Cela va tout à
fait à l'encontre du caractère progressif de notre régime fiscal
qui oblige les contribuables dont le revenu est élevé à payer
davantage d'impôt.
Nous nous opposons catégoriquement à ce que l'excédent accumulé dans la caisse d'assurance-emploi serve à autre chose qu'à verser les prestations aux travailleurs qui ont cotisé. Voici la solution que nous proposons.
Premièrement, cet excédent est le résultat des taux de cotisation imposés. Ces taux ne reflétaient pas fidèlement les besoins actuariels du régime. La première étape que nous proposons consiste à réduire le taux des cotisations à un niveau réaliste. Nous ne sommes pas en mesure de préciser quel devrait être ce niveau, mais nous sommes certains que le gouvernement pourra le faire.
Nous croyons qu'il faut réexaminer le niveau des prestations et les conditions d'admissibilité. Les deux ont été largement réduits lors de la dernière révision de l'assurance-emploi. Nous croyons nécessaire d'augmenter les prestations tant pour les chômeurs que pour les congés de maladie et les congés parentaux.
Si le surplus est à ce point considérable que, même après qu'on aura ramené les prestations aux niveaux antérieurs et qu'on aura amélioré les conditions donnant droit aux prestations, il suffit amplement à nous protéger contre toute récession économique importante, le surplus doit alors être remis aux participants. Nous proposons qu'il leur soit remis au moyen d'un congé de cotisation, qui aurait pour effet d'optimiser le montant ainsi remboursé en évitant les frais administratifs qu'entraînerait la production de chèques individuels.
Enfin, nous estimons que la gestion de l'assurance-emploi et la caisse d'assurance-emploi ne doivent pas être intégrées au Trésor public. Nous sommes d'avis que les cotisations sont des fonds qui ont été déposés en fiducie pour le compte des employés cotisants et que le fait d'utiliser ces cotisations à quelque fin que ce soit autre que des activités liées à l'assurance-emploi constituerait, à notre avis, un abus de confiance et un manquement à l'obligation fiduciaire envers les cotisants.
En ce qui a trait à la santé, les compressions budgétaires qui ont été effectuées au niveau provincial ou fédéral ont touché chacun de nos membres, qui voient leur salaire réduit, mais qui voient aussi leurs heures de travail réduites, et ce, quand ils ne sont pas carrément mis à pied. Le déficit fédéral et le déficit provincial sont maintenant choses du passé, si bien qu'il n'est pas nécessaire de maintenir les compressions. Nous appuyons entièrement la position de l'honorable ministre de la Santé qui soutient que, si les paiements de transfert au titre du TCSPS sont augmentés, des mécanismes doivent être prévus pour veiller à ce que les fonds ainsi transférés soient effectivement utilisés pour l'objectif ou le programme prévu.
Nous sommes d'accord pour dire qu'il ne faut pas permettre aux gouvernements provinciaux de se servir de ces paiements de transfert pour réduire leurs budgets ou pour financer des réductions de l'impôt provincial. Comme dans le cas des taux d'assurance-emploi qui varient selon les régions, nous avons confiance que le gouvernement fédéral pourra diriger et orienter l'affectation des fonds accordés au titre du TCSPS.
Avec cette mise en garde, nous exhortons vivement le gouvernement fédéral à accroître les fonds pour les soins de santé. Comme nous l'avons déjà dit dans des exposés que nous avons présentés, la HSAA ne doute aucunement que le retrait d'une part considérable des contributions fédérales a compromis la capacité du Parlement à protéger les principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Notre recommandation est en accord avec les constatations du forum national qui a conclu que les Canadiens tiennent à leur système de soins de santé et qu'ils sont prêts à le financer.
Quant à l'enseignement supérieur, les compressions budgétaires ont eu une incidence sur l'enseignement postsecondaire, comme il a déjà été précisé. Ces compressions ont entraîné des hausses considérables des frais de scolarité dans la plupart des régions, ont fait augmenter la taille des classes, ont réduit les choix et ont fait accroître le financement par les sociétés. Fait encore plus fondamental, l'enseignement postsecondaire n'est pas vraiment à la portée de beaucoup de jeunes Canadiens talentueux, et ce, pour des raisons purement financières. La HSAA estime que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle clé afin de veiller à ce que l'enseignement soit accessible à tous.
Il faudrait néanmoins que la planification en matière de main-d'oeuvre et d'enseignement se fasse avec assez de prévoyance pour qu'on évite la pénurie et la surabondance de certaines compétences. Qu'on songe notamment aux professionnels de la santé qui ont quitté le Canada en grand nombre ces dernières années. La HSAA soutient qu'il faut absolument que les jeunes Canadiens aient la possibilité d'exercer leur profession au Canada. Nous devons faire en sorte qu'il y ait suffisamment de postes pour assurer l'équilibre avec la migration internationale de travailleurs qualifiés.
• 1130
En ce qui a trait à l'infrastructure, dans le cadre des
efforts pour mater le déficit budgétaire, tous les paliers de
gouvernement ont aussi réduit leurs contributions, pourtant
nécessaires, à l'entretien et au développement de nos
infrastructures. Aussi les bâtiments publics, les routes et les
autres ouvrages se retrouvent en mauvais état dans bien des régions
du pays. Le fait d'avoir négligé l'entretien de ces ouvrages se
traduira sans doute par des dépenses toujours plus élevées qui
devront être engagées pour les remettre en état ou pour les étendre
de manière à répondre efficacement aux besoins du public. Les
programmes d'infrastructure de l'actuel gouvernement ont beaucoup
aidé à répondre à certains de ces besoins, et ils ont en outre
permis de créer de vrais emplois pour beaucoup de Canadiens. La
HSAA appuie l'affectation de fonds à la mise sur pied d'un nouveau
programme pour répondre aux besoins relatifs aux infrastructures
publiques. Nous nous opposerions toutefois à ce que ces fonds
soient utilisés, comme ils l'ont été par le passé, pour permettre
à des entreprises privées à but lucratif, notamment à des
organisations sportives, de prendre de l'expansion.
Au chapitre de la recherche et de la technologie, le pourcentage de son produit national brut que le Canada consacre à la recherche et au développement est lamentable quand on le compare à ce que dépensent les autres pays industrialisés. Pour que notre pays puisse soutenir la concurrence internationale, nous estimons qu'il doit absolument donner la preuve de l'importance qu'il accorde à la recherche et au développement. Le Canada doit tenter de faire échec à cette idée selon laquelle notre économie est principalement axée sur nos richesses naturelles, et nous devons pour cela appuyer les recherches scientifiques.
Le mémoire de la Health Sciences Association of Alberta se limite, il va de soi, à certains domaines en particulier—l'assurance-emploi, l'infrastructure des soins de santé, l'enseignement supérieur, la recherche et la technologie—ceux qui ont une incidence directe sur nos membres. Nous sommes bien conscients du fait que le mandat du comité ne s'arrête pas à ces seuls domaines, loin de là. Nous souhaitons toutefois que les opinions que nous avons exprimées pourront vous aider.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant du groupe Résultats Canada, Mme Catherine Little, directrice générale nationale. Soyez la bienvenue.
Mme Catherine Little (directrice générale nationale, Résultats Canada): Je vous souhaite la bienvenue à vous ainsi qu'aux autres membres du comité.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Résultats Canada, nous sommes un mouvement populaire qui a pour but de susciter la volonté politique de faire disparaître la faim et la misère humaine et de montrer que l'action individuelle peut faire la différence. Aussi j'aime penser que je vous parle au nom du 1,3 milliard de personnes de cette planète qui ont moins de 1 $ par jour pour vivre.
Je remercie les autres témoins d'avoir préparé en quelque sorte le terrain en décrivant l'état de la situation au Canada.
Je voudrais maintenant aborder la question de l'aide étrangère. Il est une réalité cruelle sur cette planète, et c'est que chaque jour 33 000 enfants meurent, la plupart de maladies qui auraient pu être prévenues. Cela représente 12 millions d'enfants par année. C'est l'équivalent de deux holocaustes par année qu'il serait possible de prévenir. Ces enfants, qui vivent pour la plupart dans des pays en développement, meurent parce qu'ils manquent des nécessités de la vie: nourriture, eau, services sanitaires et médicaments. Nous ne répondons tout simplement pas aux besoins humains essentiels.
Ce mois d'octobre marque le trentième anniversaire de la création de l'ACDI, organisme voué à la concrétisation du rêve de Lester B. Pearson d'un Canada qui serait un chef de file dans les efforts pour amener la paix et la prospérité sur notre planète. Lester Pearson avait proposé comme objectif que chaque pays consacre 0,7 p. 100 de son produit national brut à l'aide étrangère. En fait, l'aide étrangère est maintenant à son plus bas niveau depuis 30 ans, et je ne crois pas que c'était là son intention.
Par ailleurs, aucun autre secteur public n'a subi des compressions aussi importantes que celui de l'aide étrangère. Nous avons atteint un sommet en 1991, avec un budget de 0,49 p. 100, et depuis six ans, nous avons subi des réductions qui s'élèvent maintenant à 29 p. 100. Nous sommes maintenant à 0,27 p. 100 du PIB. Non seulement le budget de l'aide étrangère a été réduit, mais la part consacrée aux pays les moins développés a été réduite de façon disproportionnée. On a déjà parlé aujourd'hui du rapport des Nations Unies sur le développement, qui classait le Canada au premier rang. Cette année, nous sommes en fait passés de la sixième à la onzième place sur les dix-sept pays industrialisés, pour ce qui est du montant de l'aide étrangère que nous accordons.
Selon moi, il n'y a aucune raison que nous ne puissions pas prendre de nouveaux engagements et commencer dès maintenant à les mettre en oeuvre. Je recommande donc au comité d'accroître le montant d'argent affecté à l'APD. La Suède, la Norvège et le Danemark dépassent systématiquement les 0,7 p. 100, et ce, depuis plusieurs années. L'Australie et la Grande-Bretagne sont en train d'accroître le montant d'argent qu'elles prévoient pour l'aide étrangère.
Partout, il y a des solutions. L'UNICEF est l'organisation qui, plus que toute autre, a toute l'information voulue sur les moyens peu coûteux et efficaces de remédier aux problèmes, comme la réhydratation par voie orale qui permet de sauver des enfants, qui sans cela mourraient de diarrhée. Il suffit de quelques sous par jour pour fournir aux enfants la vitamine A dont ils ont besoin pour empêcher la cécité et d'autres infections, et j'en passe. Beaucoup des micro-nutriments sont étonnamment efficients et ne coûtent que quelques sous.
• 1135
Sur le plan historique, l'UNICEF estime qu'environ la moitié
de la croissance économique réalisée au Royaume-Uni et dans les
autres pays d'Europe de l'Ouest entre 1790 et 1980 est le fait
d'une meilleure alimentation et de conditions hygiéniques et
sanitaires améliorées. Je dirais qu'il en va de même pour
l'Amérique du Nord, et mes collègues ont parlé de l'importance de
l'alimentation et de l'éducation pour la santé dans tous les pays
du monde.
Nous avons donc l'occasion, avec le nouveau budget... Par le passé, le Canada s'est montré généreux et des études montrent que les Canadiens sont toujours disposés à partager leur richesse avec les plus pauvres, particulièrement avec ceux dont les besoins sont les plus grands. Les médias témoignent de l'appui général des Canadiens. L'ACDI avait réduit le budget du programme d'immunisation, mais grâce à l'appui des médias et d'autres, le budget a été rétabli. L'immunisation est un des moyens les plus efficients pour sauver la vie des enfants. J'estime qu'il faut nous entendre pour dire que le rétablissement du budget de l'aide étrangère est notre priorité absolue.
Le fait d'avoir été placés au premier rang dans le rapport du PNUD nous confère, selon moi, la responsabilité de veiller à ce que les familles qui se trouvent au bas de l'échelle puissent à tout le moins recevoir les services sociaux de base. Même si, l'an dernier, les Nations Unies ont eu droit en quelque sorte à une manne de 90 millions de dollars à cause du paiement à l'avance de certaines cotisations, il semble que le budget qui s'en vient contiendra de nouvelles réductions et tout montre que nous allons continuer à réduire notre aide étrangère. Je suis là pour demander qu'on renverse la vapeur et qu'on commence à accroître cette aide.
Au chapitre de l'aide liée, même si le gouvernement s'est engagé à réduire le montant de cette aide, depuis 10 ans, la proportion de l'APD qui finit par ne jamais quitter le pays est en fait passée de 60 p. 100 à 70 p. 100. Ainsi, nous devons non seulement accroître le budget de l'APD, mais pour obtenir le meilleur effet de levier possible, il faut réserver un certain pourcentage de cette aide aux services sociaux de base. Ces services comprennent les soins de santé primaires, l'enseignement primaire, les services d'eau et les services sanitaires de base, ainsi que le micro-crédit—des petits prêts pour les plus pauvres. La Banque mondiale et le groupe d'experts-conseils qui aident les plus pauvres définissent «les plus pauvres» dans le monde en développement comme étant la moitié inférieure de ceux qui vivent en deçà du seuil de pauvreté. Dans les pays industrialisés, le terme désigne ceux qui vivent en deçà du seuil de pauvreté.
Nous parlons des services sociaux de base et du micro-crédit parce qu'il s'agit de deux moyens dont il a été démontré qu'ils ont la plus grande incidence sociale sur les petits investissements. Pour ce qui est de l'éducation... Tout comme au Canada, l'éducation, comme le montre l'étude de la Banque mondiale, est sans doute l'investissement le plus efficient qui soit dans le monde industrialisé, surtout pour les filles.
Nous pourrions aussi accorder la priorité aux pays qui accordent eux-mêmes la priorité aux plus pauvres dans leurs dépenses publiques. Nous pourrions adopter une formule semblable à l'initiative 20/20 dont il a été question au sommet de l'ONU sur le développement social, qui a eu lieu à Copenhague en 1985: le monde industrialisé réserverait 20 p. 100 du budget qu'il accorde à l'aide étrangère aux services sociaux de base, et les pays en développement réserveraient aussi 20 p. 100 de leur budget intérieur aux services sociaux de base destinés à leurs citoyens. Nous sommes prêts à appuyer une formule comme celle-là. Nous pourrions aussi élaborer un mécanisme de financement de contrepartie en vertu duquel, pour chaque dollar supplémentaire consacré au micro-crédit pour les plus pauvres ou aux services sociaux de base, nous ajouterions un dollar canadien supplémentaire.
Nous recommandons finalement qu'on revienne à l'objectif de 0,7 p. 100 de Lester Pearson et qu'on commence à accroître le montant de l'APD et à faire en sorte qu'elle cible les plus pauvres, dans les domaines des secteurs sociaux de base, du micro-crédit et, comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, du soutien aux institutions financières internationales dont les activités sont axées sur les plus pauvres parmi les pauvres.
En conclusion, je dirai que nous sommes à une croisée des chemins dans le monde. Nous avons une occasion sans précédent de faire en sorte que des millions de personnes n'aient plus à souffrir et à mourir inutilement en appliquant des mesures durables, économiques et dont l'efficience est prouvée. Jamais auparavant il n'a été possible de combler l'écart entre la richesse et la misère. Nous avons maintenant l'occasion de répondre aux besoins élémentaires de tous en l'espace d'une décennie moyennant un accroissement modéré du montant de l'aide et l'utilisation efficiente de cette aide.
Il s'agit là d'un objectif tout à fait réaliste que tous les contribuables peuvent appuyer, même en période de contraintes budgétaires. Le prix à payer pour la première année serait de 500 millions de dollars, dont 350 millions de dollars pour les services sociaux de base, 50 millions de dollars pour le micro-crédit destiné aux pauvres et 100 millions de dollars pour les institutions financières internationales. L'objectif est abordable. Il s'agit de rétablir le budget à un niveau qui n'atteindrait même pas la moitié du niveau antérieur.
• 1140
Dans notre rapport, nous disons également que, si nous
continuions à accroître le montant de l'APD, il serait possible
que, d'ici 10 ans, le budget soit rétabli au niveau où il était
avant les compressions budgétaires, qui ont commencé avec Mulroney
et se sont poursuivies avec l'actuel gouvernement libéral.
En conclusion, je dirai que la décision que nous prendrons est au coeur même du choix que nous ferons quant à l'image que nous voudrons projeter à l'échelle internationale, celle d'un pays dont la générosité a atteint son sommet à la fin des années 80 et qui est maintenant en déclin, ou une société fière et confiante qui entreprend le nouveau millénaire avec une nouvelle détermination à changer la planète.
Le président: Merci beaucoup, madame Little.
Nous entendrons maintenant le groupe United Nurses of Alberta. Heather Smith, soyez la bienvenue.
Mme Heather Smith (présidente, United Nurses of Alberta): Je tiens à remercier le président et les membres du comité d'avoir bien voulu entendre ce matin le groupe United Nurses of Alberta. Ce groupe que je représente défend les intérêts de quelque 17 000 infirmiers et infirmières, infirmiers et infirmières psychiatriques de toute l'Alberta, travaillant dans divers types d'établissements, depuis les centres communautaires jusqu'aux centres de soins actifs. Nous militons en faveur des soins de santé publique de concert avec les aînés, les enseignants et d'autres syndicats.
Il y a seulement un an, le ministre de Finances, Paul Martin, annonçait que le déficit fédéral était le plus petit déficit fédéral enregistré depuis plus de 20 ans. Comme pourcentage de notre économie, le déficit était le plus bas déficit enregistré depuis 1970-1971, atteignant à peine, 1 p. 100 du produit intérieur brut. Dans son communiqué de presse, il poursuivait en disant:
-
«Le gouvernement se réjouit de la tenue d'un large débat public sur
l'affectation du dividende budgétaire.
C'est en partie pour cette raison que nous sommes là aujourd'hui, et nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir invités.
-
Le débat doit porter sur les priorités nationales—sur la meilleure
façon de bâtir une économie forte et une société forte,
—et j'insiste sur ce qui suit—
-
une économie qui offre à la fois possibilités et sécurité, a
déclaré le ministre. Ce que nous devons faire, c'est de nous
assurer que le niveau de croissance que nous visons contribue à
garantir le niveau auquel les Canadiennes et les Canadiens ont
droit.
Le communiqué de presse était accompagné de «La mise à jour économique et financière: une économie forte, une société forte—sécurité et possibilités», publiée le 15 octobre 1997. À la page 60, on peut lire:
-
Il faut donc préserver et renforcer le système de santé, les
programmes d'éducation et les régimes sociaux pour ceux et celles
qui en ont besoin au Canada. Le gouvernement fédéral est déterminé
à bâtir une société marquée au coin de la compétence, de
l'innovation et de la sécurité, dont toutes les composantes se
renforcent mutuellement, afin de créer et de maintenir des emplois
ainsi que d'améliorer le niveau de vie des Canadiennes et
Canadiens.
Puis, à la page 61:
-
Depuis quatre ans, le gouvernement fédéral applique une stratégie
visant à assainir les finances du pays afin d'instaurer des
conditions propices à une croissance économique et à une création
d'emplois plus vigoureuses, de même que pour assurer la viabilité
à long terme du système de santé, des programmes d'éducation et des
régimes sociaux...
-
Le défi consiste maintenant à s'appuyer sur ces réalisations pour
assurer aux Canadiennes et aux Canadiens une économie forte et une
société forte à l'avenir. La clé réside dans le maintien d'une
situation financière saine dans le secteur public, ainsi que dans
les investissements stratégiques visant à offrir les possibilités
et la sécurité voulues à tous les Canadiens et à toutes les
Canadiennes.
Je vous le demande: En quoi peut-on conclure que les Canadiens ont aujourd'hui confiance en l'avenir de leur système de soins de santé? Que faudrait-il faire pour améliorer la situation financière du système des soins de santé?
Quand je préparais mon exposé, je ne pouvais m'empêcher de penser à ce couple que j'ai rencontré lundi dernier. Elle est infirmière, et son mari est travailleur autonome. Le problème, c'est qu'elle ne meurt pas assez vite et qu'elle veut mourir chez elle. Il y a plus de 30 mois qu'elle est malade et qu'elle a droit aux prestations de santé supplémentaires que nous avons obtenues par la négociation. Même si le couple a les moyens de cotiser à une assurance privée supplémentaire, elle n'est pas admissible à une assurance de ce genre à cause de son cancer. Elle n'est admissible qu'à une couverture des plus minimales avec la Croix-Bleue.
Elle craint de continuer à vivre et d'avoir besoin de médicaments, de services et d'appareils qui ne seront remboursés ni par le Régime d'assurance-santé provincial ni par les prestations supplémentaires qu'elle achètera. Elle ne veut pas devenir un fardeau financier—à cause de sa mort et de son désir de mourir chez elle—et compromettre ainsi l'entreprise de son mari. Parce qu'elle veut mourir chez elle, elle se trouve à subventionner notre système de soins de santé, même s'il serait vraiment rentable pour le système de soins de santé qu'elle puisse mourir chez elle. Même si elle est en phase terminale, elle tient à se battre pour empêcher que d'autres Canadiens n'aient à souffrir l'angoisse et la détresse qu'elle connaît elle-même.
• 1145
Cette femme a de la famille et a les moyens de payer une
assurance privée supplémentaire. Elle a eu droit à des prestations
améliorées pendant 30 mois. Elle a bien plus de chance que beaucoup
de Canadiens. Si toutefois elle vit jusqu'au dépôt du prochain
budget fédéral, verra-t-elle dans ce budget des mesures qui
témoignent d'investissements stratégiques destinés à assurer la
sécurité de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens, comme
l'a promis le ministre des Finances?
Je veux maintenant parler du leadership du gouvernement fédéral et des priorités budgétaires qui seraient compatibles selon moi avec le renforcement de notre économie et de notre société. Tout d'abord, il ne faudrait pas que la planification et l'établissement des priorités se limitent à un horizon d'un an—et j'ai des recommandations qui vont au-delà d'un délai d'un an. Si nous n'avons pas «les moyens» de financer certaines initiatives cette année, quand les aurons-nous? Quelles mesures précises seront prises dans le domaine des soins de santé afin d'assurer la viabilité, la responsabilité financière et l'expansion nécessaires pour en arriver à une situation financière saine?
Il y a un an, les Albertains se sont prononcés sur des priorités budgétaires très claires pour l'Alberta. Je ne crois pas que les besoins et les aspirations des Albertains soient tellement différents de ceux de leurs concitoyens canadiens. Les Albertains souhaitent qu'on investisse dans notre société, dans notre système de soins de santé et dans notre système d'éducation.
Dans «Le budget en bref», du 24 février 1998, le ministre des Finances, M. Martin disait ceci:
-
Ces mesures fiscales ne sont qu'un début. Nous les renforcerons
quand nous en aurons les moyens. Nous le ferons en tenant compte en
priorité des besoins économiques et sociaux de la nation. Nous le
ferons de manière mesurée et responsable. Une chose est certaine:
dès que nous pourrons nous le permettre, nous réduirons encore
davantage les impôts.
Nous proposons que le réinvestissement l'emporte sur les réductions d'impôt. Pareil objectif va dans le sens des conclusions du sommet sur la croissance, qui a eu lieu ici, en Alberta, en 1997. Les Albertains sont d'avis que les mesures, les priorités et la planification budgétaires doivent être axées sur le réinvestissement dans la société albertaine et qu'elles doivent tendre au soutien et à la valorisation d'une société canadienne forte et solidaire.
Améliorer les programmes de soins de santé, c'est bien plus qu'une façon équitable d'atténuer les fardeaux. Notre système de soins de santé est financé par des Canadiens qui ne devraient pas avoir à le subventionner. Tous les Canadiens profiteront d'un système de soins de santé qui ne fait pas porter un fardeau disproportionné aux personnes malades.
Il faut mettre davantage l'accent sur l'équité fiscale et sur les moyens à prendre pour que les particuliers et les sociétés ne se dérobent pas à leurs responsabilités—et dans mon mémoire, je cite le Financial Post du 9 mai 1996.
Le réinvestissement dans de bons programmes qui réduisent les disparités et qui accroissent la cohésion sociale devrait être la priorité du gouvernement fédéral—ces programmes sont les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et le soutien du revenu. Le gouvernement fédéral doit à tout prix jouer un rôle important et faire preuve de leadership selon nous, mais nous sommes d'avis que les provinces et les territoires n'accepteront le rôle du fédéral que dans la mesure où il s'accompagnera d'une participation financière vigoureuse. Nous recommandons au gouvernement fédéral d'abandonner l'actuelle formule de financement, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, en faveur du financement de programmes particuliers qui seraient assortis de normes nationales, de principes de responsabilité financière et de dispositions pour en assurer l'application.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux soins de santé, nous recommandons que le gouvernement fédéral revienne à une formule de partage moitié-moitié des coûts avec les provinces. La participation financière réduite du gouvernement fédéral mine d'autant sa crédibilité quand il tente d'encourager la conformité avec la Loi canadienne sur la santé: nous ne souscrivons pas à la proposition qui est ressortie des discussions sur l'union sociale, à savoir qu'il faudrait recourir à l'arbitrage par une tierce partie pour résoudre les différends entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le gouvernement fédéral ne devrait abdiquer ni son autorité ni l'obligation qu'il a de défendre l'intérêt de tous les Canadiens.
Il y a un an, nous avons été encouragés par les conclusions du Forum national sur la santé qui appuyait la mise sur pied de régimes d'assurance-médicaments et de programmes de soins à domicile. J'ai moi-même eu l'honneur de participer à la conférence nationale sur les soins à domicile qui s'est tenue à Halifax plus tôt cette année. À cette conférence, M. Michael Decter a dit que les dépenses au titre des soins à domicile s'élèvent à 2 milliards de dollars par an. Quand je lui ai posé la question, il n'a pu toutefois dire à combien s'élevait le total des contributions individuelles des Canadiens qui viennent compléter les fonds provinciaux.
• 1150
À notre connaissance, personne n'a encore essayé de mesurer
les coûts cachés pour les entreprises et le système de soins de
santé. Ces coûts cachés comprennent les heures de travail perdues
par ceux qui dispensent des soins de même que les soins de santé et
les services nécessaires pour venir en aide à ceux qui s'épuisent
à force de dispenser des soins à leurs parents ou leurs proches. Il
est temps que les Canadiens partagent le fardeau des assurances
privées et des dépenses payées par les particuliers et les
familles. Nous savons que le système le plus rentable et le seul
qui puisse favoriser l'accès universel est le système à payeur
unique, en vertu duquel les coûts sont répartis entre tous les
membres de la population.
Nous croyons que l'établissement d'un programme complet de soins à domicile, qui bénéficierait du soutien de centres de santé communautaires et qui comprendrait des services d'ambulance, aura un effet financier bénéfique sur les coûts en général et un effet positif sur la qualité de vie des personnes qui pourront ainsi être soignées. Le passage des soins hospitaliers aux soins donnés par les membres de la collectivité est entravé par le délestage du coût des médicaments. Nous recommandons par conséquent que le gouvernement fédéral prévoie des ressources supplémentaires pour soutenir la mise en oeuvre de ces programmes—soins de santé et assurance-médicaments—et nous recommandons que le coût soit partagé moitié-moitié avec les gouvernements provinciaux. À tout le moins, le budget fédéral de 1999 devrait réserver 2 milliards de dollars aux soins à domicile et à une assurance-médicaments de base. Nous recommandons en outre la mise sur pied d'ici l'an 2002 d'un régime complet d'assurance-médicaments qui serait complété par une législation plus convenable en ce qui a trait aux produits pharmaceutiques.
La semaine dernière, j'ai assisté à une réunion du College of Physicians and Surgeons of Alberta à Calgary, parce que des profiteurs exerçaient de nouveau des pressions pour élargir leur rôle dans la prestation des soins de santé. Le sous-financement de notre système de soins de santé a conduit à une crise de conscience qui nous rend vulnérables aux solutions miracles proposées par ces entrepreneurs du domaine des soins de santé, solutions qui ne sont pas pour autant, je tiens à le signaler, rentables ou équitables.
Nous sommes d'avis que la présence grandissante du secteur privé dans notre système public constitue une menace non pas seulement pour le système de soins de santé canadien, mais pour les principes qui sont au coeur même de notre unité nationale. Nous recommandons l'affectation de ressources à la tenue d'un débat national pour déterminer dans quelle mesure on est prêt à tolérer les intérêts privés à but lucratif dans un pays dont le système de soins de santé public fait l'envie de la communauté internationale. J'ai soulevé cette question l'an dernier auprès de votre comité, et je vous signale deux choses que vous trouverez dans la documentation qui vous a été remise: une série de cartes postales qui sont l'oeuvre des groupes de défenseurs des soins de santé de la province ainsi qu'un document expliquant la campagne.
Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais j'encourage les membres du comité et tous les législateurs fédéraux à planifier au-delà du prochain budget fédéral. La viabilité de notre pays dépend d'une planification financière qui ne se limite pas à un an. La santé de notre société dépend de ce que vous ferez et de ce que vous ne ferez pas. En ne mettant pas en oeuvre un programme national de soins à domicile, vous continuerez à imposer un fardeau disproportionné aux malades et à leurs familles. En ne modifiant pas la Loi de protection par brevet et en n'établissant pas un programme d'assurance-médicaments, vous pourriez être perçus comme étant irresponsables à l'égard des finances publiques. En ne réagissant pas aux démarches des entrepreneurs privés à but lucratif, vous serez perçus non seulement comme étant irresponsables à l'égard des finances publiques, mais comme des promoteurs de l'établissement d'un système de soins de santé à paliers multiples, système que vous prétendez abhorrer.
En conclusion, je vous dirai que nous vous ferons parvenir un supplément de recommandations portant sur la Direction générale de la protection de la santé, les fusions bancaires, les accords commerciaux internationaux et l'assurance-emploi. Cela dit, je remercie le comité de nous avoir invités à témoigner devant lui.
Le président: Merci beaucoup, madame Smith.
Nous entendrons maintenant un représentant de l'Université de Calgary. Soyez le bienvenu, monsieur Fritzler.
M. Marvin Fritzler (témoignage à titre personnel): Merci et bonjour. Comme d'autres, je vous suis très reconnaissant de pouvoir participer à ces consultations. À ceux d'entre vous qui n'ont pas le plaisir de vivre dans la plus belle ville du Canada, je souhaite la bienvenue à Calgary.
Je ne représente pas l'Université de Calgary; c'est là où je travaille, c'est tout. Aujourd'hui, je représente le secteur canadien de la recherche sur les soins de santé et celui de la recherche biomédicale. Le point de vue de ces secteurs vous sera présenté, aux autres audiences que vous tiendrez, par l'Association des facultés de médecine du Canada et par la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé.
Il y a un avantage à passer en dernier: je ne vous lirai pas le texte de mon mémoire. Je vous demande votre indulgence, car il m'arrive d'être emporté par mes émotions, mais je tenterai de me maîtriser.
Je suis un Canadien de la troisième génération. Je ne suis pas le seul de mon espèce au Canada, mais des changements importants seront nécessaires si nous croyons que l'économie fondée sur l'information et le savoir est pour le Canada une stratégie gagnante.
• 1155
Le mémoire que je vous ai remis contient beaucoup de détails.
Je veux me concentrer sur la première et la dernière pages. À la
dernière page, à l'annexe I, vous trouverez un graphique qui
illustre ce qui peut paraître à première vue être un tableau très
optimiste du secteur de la recherche biomédicale et en santé. Il
s'agit d'un aperçu de la situation à l'Université de Calgary dans
les années 90.
Vous constaterez que, de 1991 à 1997-1998, nous avons augmenté la part des fonds consacrés aux recherches sur la santé de près de 60 p. 100. Ces financements, qui dépassent actuellement 50 millions de dollars, sont compensés selon un ratio de 3 pour 1, et ce chiffre est le même pratiquement partout au Canada. Cela veut dire que pour chaque dollar que nous recueillons, nous en avons trois en contrepartie.
Vous pourriez peut-être vous demander d'où vient cet argent. Si vous regardez au bas du graphique, vous verrez deux lignes. La première représente ce que nous obtenons du Conseil de recherches médicales. Depuis dix ans, ses financements sont restés relativement constants. Nous en sommes d'autant plus fiers que le budget du CRM a diminué pendant la même période, comme vous le savez pour la plupart, mais nous sommes néanmoins demeurés très compétitifs. Vous pouvez également constater l'avantage de l'Alberta, grâce à l'Alberta Heritage Foundation for Medical Research qui est venue enrichir ses financements à des niveaux qui sont quasiment identiques à ceux du Conseil de recherches médicales.
Voilà donc les principaux bailleurs de fonds dont bénéficie la recherche biomédicale et médicosanitaire. Si vous faites le total, ils ne représentent toutefois que 30 p. 100 de l'ensemble des dépenses consacrées à l'heure actuelle aux recherches biomédicales, c'est-à-dire en 1997-1998. D'où vient le reste? Principalement de deux sources dont la part va croissant. La première est le secteur privé, c'est-à-dire essentiellement l'Association canadienne de l'industrie du médicament, et la seconde est le financement à la recherche qui nous vient de l'étranger en raison de la viabilité de la ressource que les bailleurs de fonds trouvent dans notre secteur de la recherche universitaire.
Je voudrais maintenant passer en revue les recommandations. Celles de la première page constituent un résumé de ce qui figure plus en détail dans le reste du mémoire. Vous entendrez plusieurs fois parler de ces recommandations étant donné que, comme je vous le disais, nous souscrivons également aux exposés qui seront faits ailleurs par d'autres organismes pendant votre tournée au Canada.
La question du recrutement et de la rétention est au coeur du problème de l'exode des cerveaux, et c'est pour cette raison que j'ai commencé mon intervention sur un plan émotif. J'étais moi-même consultant auprès du Conseil de recherches médicales du Canada et du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie dans le dossier de l'exode des cerveaux. Lorsque le rapport sera publié, vous constaterez que pour chaque scientifique que nous réussissons à faire venir au Canada pour travailler dans le domaine de la recherche biomédicale et médicosanitaire, nous en perdons cinq autres. Les trois recommandations qui suivent concernent donc l'exode des cerveaux.
Nous recommandons par ailleurs de prévoir une augmentation graduelle des financements afin de pouvoir prendre au moment opportun des engagements substantiels auprès des éléments les plus qualifiés, j'insiste sur ce terme, et les plus prometteurs qui viennent s'établir au Canada.
S'agissant de la deuxième recommandation, vous avez déjà entendu parler des salaires en milieu universitaire. Nous recommandons la création de vecteurs de financement innovateurs et originaux à l'intention des cliniciens pour faire de ce domaine un champ de carrière séduisant. Les cliniciens représentent une spécialité unique en son genre. Il s'agit en substance de médecins qui, en plus d'exercer la médecine, peuvent conduire des recherches appliquées après leur formation clinique. L'économie du système de santé au Canada et dans notre province ne se prête guère à ce genre d'activité, car les traitements versés sont minables. Que doivent-ils donc faire de plus pour pouvoir mettre du pain sur la table? Ils doivent sans cesse accroître leur clientèle, de sorte qu'ils ne trouvent jamais le temps de faire de la recherche appliquée. Il est impératif que ce programme aboutisse pour favoriser le développement d'activités de recherche légitimes dans le domaine médical.
• 1200
La recommandation numéro trois—j'ai dit que nous en perdions
cinq chaque fois que nous en gagnions un—mais nous perdons les
meilleurs. Oui, nous avons des gens de grand talent, mais le
stress... À l'heure actuelle, le marché international est tel que
dans le domaine de la recherche biomédicale et médicosanitaire,
nous perdons les meilleurs éléments. C'est pour cette raison que
nous recommandons une stratégie nationale qui affirmerait
clairement que la création d'un bassin productif de scientifiques
de haut niveau doit absolument être précisée et encouragée pour
éviter l'exode des cerveaux. Ce genre de programme devrait être
assorti des moyens nécessaires pour réinvestir dans cette ressource
fondamentale du savoir grâce à des financements de rétablissement.
Stagiaires: Vous avez entendu parler des étudiants. Le fonds du millénaire est une étape importante dans la bonne direction, mais dans le cas de nos stagiaires de deuxième et de troisième cycle, nous ne pouvons que constater qu'ils quittent le Canada pour suivre une formation de haut niveau ailleurs. Il s'agissait d'une stratégie qui avait donné de bons résultats dans les années 70 et dans les années 80. Jadis, ces stagiaires revenaient s'établir au Canada. Je puis vous dire d'après mon expérience personnelle qu'actuellement, les meilleurs ne reviennent pas étant donné que le climat n'est pas favorable. Je peux vous signaler l'un de mes propres étudiants qui est allé s'établir à La Jolla en Californie pour suivre des études complémentaires dont les toutes meilleures biotechnologies, celles qui font appel au clonage des allergènes dans des plantes afin de trouver de meilleurs moyens de désensibiliser les patients souffrant d'allergies. Cette technologie, nous l'avons ici à Calgary, mais il s'est fait offrir un financement de départ d'un million de dollars pour rester en Californie où il gagne par ailleurs trois fois ce que nous pourrions lui offrir ici à Calgary.
Nous devons créer un environnement qui nous permette de former nos étudiants de deuxième cycle là où cela convient le mieux. Nous avons d'ores et déjà la qualité voulue ici au Canada, mais nous devons également créer un environnement propice pour pouvoir les récupérer.
Les quatre derniers points résument en fait une solution au problème que je vous ai soumis et appuient les recommandations et les propositions que vous allez entendre un peu partout au Canada.
La Fondation canadienne pour l'innovation a été pour le gouvernement une étape importante. Toutefois, ce programme étalé sur cinq ans, pendant la première année des concours, a été sollicité à hauteur de deux milliards de dollars, alors qu'il ne représentait que 200 millions de dollars la première année. Lorsqu'une ressource de 200 millions de dollars est sollicitée à hauteur de deux milliards de dollars, cela prouve à quel point la pénurie est profonde du point de vue des ressources d'infrastructure dans nos établissements d'enseignement postsecondaire.
Nous recommandons donc que vous continuiez à appuyer la Fondation, mais ce qui est peut-être plus important encore, le comité permanent doit avoir reçu un mémoire du Dr Strangway qui exhortait le gouvernement à reconsidérer sérieusement le programme étant donné précisément l'envergure des besoins, qui est bien supérieure à la dotation actuelle du fonds.
En second lieu, nous souscrivons à la demande de l'Association canadienne de l'industrie du médicament qui souhaite une amélioration des incitatifs fiscaux de manière à mieux attirer au Canada les activités de recherche pharmaceutique. J'ai déjà dit que nos seuls domaines de croissance sont dus au fait que l'industrie contribue à la dotation de la recherche. Nous devons encore améliorer cela. Nous ne voulons pas devoir dépendre entièrement du trésor public selon le bon vouloir du gouvernement du Canada. En revanche, à l'heure actuelle, l'environnement qui s'ouvre à la recherche pharmaceutique au Canada n'est pas entièrement propice à ce genre de chose. Il faut donc des incitatifs fiscaux pour attirer les investissements dans ce domaine.
En troisième lieu, la panacée serait d'attribuer 1 p. 100 du budget de la santé à la recherche biomédicale et médicosanitaire. Que je sache, il n'y a dans cette ville ou dans notre pays aucune entreprise prospère qui n'ait pas eu la patience d'investir au moins 1 p. 100 de son budget d'exploitation dans la recherche et le développement. D'un point de vue commercial, rien n'est plus logique. Pourquoi? Je vous l'ai déjà dit. Parce que chaque dollar ainsi investi en attire trois.
Enfin, vous verrez également une recommandation concernant la création des instituts canadiens de recherche pour la santé. Cela serait la solution à bien des secteurs de préoccupation dont je vous ai parlé, du moins dans le secteur de la recherche biomédicale et médicosanitaire. Le Conseil de recherches médicales vous le fera d'ailleurs valoir avec le concours des autres conseils subventionnaires, de l'Association des facultés de médecine du Canada et de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Le président: Merci beaucoup, docteur.
Nous allons maintenant commencer la période des questions et réponses avec M. Harris qui sera suivi par M. Desrochers.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci monsieur le président, et merci également à nos témoins qui nous ont livré d'excellents exposés.
Ma première question s'adressera à ceux qui oeuvrent dans le monde de l'enseignement. Je sais que c'est le cas pour à peu près vous tous, sauf pour Mme Little, même si elle aussi intervient dans ce domaine.
J'imagine que cette question vaut surtout pour l'Alberta Teachers' Association, en l'occurrence pour M. Johnston. Vous avez fait un exposé relativement long en signalant la nécessité qu'il y avait de financer un très grand nombre de secteurs. L'un de ces secteurs qui représentent quelque chose de tout particulier pour moi est celui de l'éducation spéciale. Je ne sais pas si les compressions ont produit une réduction des crédits dans ce domaine au niveau provincial, mais je n'ai relevé dans votre présentation aucune recommandation concernant un relèvement des financements pour l'éducation spéciale ou pour les élèves qui ont besoin d'un enseignement spécialisé. Nous savons tous, je pense, qu'à moins de continuer à pourvoir à leurs besoins en matière d'éducation et de formation aux différents stades de leur développement, nous pouvons avoir la quasi-certitude que ces gens vont devoir dépendre du filet de sécurité sociale jusqu'à la fin de leurs jours. Diverses études ont montré que lorsque nous pouvions leur offrir une formation spécialisée, non seulement au niveau des études normales mais aussi par une formation professionnelle, on parvenait à augmenter radicalement leurs chances de se sortir du piège de la sécurité sociale.
Est-ce une omission accidentelle de votre part?
M. Tim Johnston: Monsieur Harris, notre association est animée par ses politiques et elle est terriblement démocratique. Ses politiques sont arrêtées par les 30 000 membres qui constituent l'Alberta Teachers' Association. Nous avons effectivement des politiques en la matière, et c'est un domaine qui nous préoccupe, mais nous estimons que dans le cadre de notre témoignage ici aujourd'hui, il est probablement plus utile que nous fassions valoir surtout les besoins des enfants vivant dans la pauvreté.
Mais nous avons effectivement parlé de ce genre de problème au ministère provincial de l'Éducation, et ce sont là nos préoccupations.
M. Dick Harris: Merci.
Vous demandez, je crois, dans votre exposé un relèvement de l'exonération fiscale pour les dons de charité. Si votre recommandation était adoptée et débouchait précisément sur un relèvement de cette déduction fiscale... Avez-vous calculé l'augmentation des dons de charité que cette mesure entraînerait? Quel serait l'impact de ce genre de mesure?
M. Tim Johnston: Nous n'avons pas conduit de recherche statistique, mais je pense que nous nous faisons l'écho d'autres membres de notre comité sur les enfants vivant dans la pauvreté. C'est un sentiment plus que quelque chose de concret qui nous permet de vous dire que les gens seraient effectivement encouragés à donner davantage aux organismes caritatifs.
Au sein de notre association, nous parlons ici par exemple de l'aide publique au développement et du pourcentage du budget fédéral qui est consacré à cette enveloppe. Notre association fait don de 1 p. 100 de ses recettes nettes à l'aide internationale et en particulier à ceux qui vont enseigner à l'étranger. Nous pensons que c'est là une excellente chose. Nos membres encouragent ce mouvement et cela fait boule de neige. J'imagine donc que si on extrapole, ce serait effectivement encourageant pour les gens de pouvoir aider financièrement des organismes ou des mouvements susceptibles selon eux de faire une différence.
M. Dick Harris: Je vous remercie.
Docteur Fritzler, vous avez dit dans votre exposé que le traitement des cliniciens est tellement bas qu'ils ont du mal à mettre du pain sur la table. Pourriez-vous me donner une idée du traitement moyen d'un clinicien en Alberta?
Dr Marvin Fritzler: Cela dépend du niveau auquel il se trouve dans le barème universitaire. Pour un clinicien, le traitement de départ à l'Université de Calgary se situe dans la fourchette de 36 000 $ à 40 000 $ par an. C'est un montant brut.
M. Dick Harris: Et qui peut atteindre combien par la suite?
Dr Marvin Fritzler: Pour un clinicien titularisé, cela va jusqu'à 50 000 $ à 55 000 $.
M. Dick Harris: Il n'y pas de...
Dr Marvin Fritzler: Ce n'est peut-être pas votre problème, mais l'Université de Calgary se situe dans les derniers 20 p. 100 pour les universités canadiennes.
M. Dick Harris: Je vous remercie.
Passons maintenant à la Confederation of Alberta Faculty Associations. Vous nous avez dit que, pour les membres du corps professoral, le traitement moyen était de l'ordre de 55 000 $ par an en tenant compte de l'inflation.
M. Scott Grills: Il s'agit effectivement du traitement moyen de nos membres à l'Université de l'Alberta.
M. Dick Harris: Fort bien. Pouvez-vous me donner une idée de la disparité qui existe au niveau salarial entre vos membres et les membres du corps professoral de l'Université d'État de Washington ou de l'Université d'État de l'Idaho qui occuperaient les mêmes fonctions.
M. Scott Grills: Lorsqu'on fait des comparaisons au niveau national et international, on constate que l'Université de l'Alberta a l'assiette salariale la plus solide. Par contre, la comparaison avec l'Université de Toronto et de l'Université de la Colombie-Britannique lui est beaucoup plus défavorable, et ce serait vraisemblablement le cas aussi par rapport aux autres établissements de recherche basés aux États-Unis, sachant bien sûr qu'il y a toute une palette d'établissements dans les disciplines dont vous parlez.
M. Dick Harris: Vous dites dans l'une de vos recommandations qu'un enrichissement des ressources financières vous permettrait d'attirer et de conserver les meilleurs enseignants chercheurs car vous pourriez ainsi leur offrir des traitements concurrentiels et des conditions de travail raisonnables. Je voudrais simplement avoir une idée de ce que serait un traitement concurrentiel susceptible de séduire le genre de gens que vous recherchez. Ce serait quoi, un traitement concurrentiel?
M. Scott Grills: Il faudrait augmenter les salaires de 20 à 30 p. 100 en Alberta.
M. Dick Harris: Merci.
Dr Marvin Fritzler: Permettez-moi d'ajouter que cela ne comprend pas non plus le taux de change pour le dollar canadien.
M. Dick Harris: Naturellement.
Dr Marvin Fritzler: Si l'on tenait compte de ce facteur, ce serait beaucoup plus élevé.
M. Dick Harris: Oui. Ma dernière question s'adresse à Mme Little de Résultats Canada. Nous nous rendons tous compte que nous avons une responsabilité sociale à l'échelle mondiale et que nous devons faire tout en notre possible pour alléger la pauvreté et la disparité dans les pays qui sont beaucoup moins privilégiés que le nôtre. L'une des préoccupations au sujet de l'aide étrangère a toujours été, et je suppose est toujours, le fait que dans bon nombre de pays, le problème consiste en fait à acheminer l'aide aux gens qui en ont besoin. Malgré le fait que ce problème soit connu depuis de nombreuses années, l'aide étrangère est en faite volée dans de nombreux cas par les gouvernements des pays où l'aide est envoyée pour aider les gens.
Quels systèmes de garanties, de surveillance ou d'obligation de rendre compte ont été mis en place au cours des cinq dernières années pour s'assurer qu'un pourcentage beaucoup plus élevé de l'aide étrangère est en fait acheminé aux gens qui en ont besoin?
Mme Catherine Little: J'aimerais penser que nous pourrions assumer une part de la responsabilité pour avoir appuyé certains gouvernements corrompus. Tout cela ne se passe pas tout simplement là-bas. Nous avons appuyé des gouvernements et nous avons donné de l'aide à des gouvernements alors que nous étions au courant de la corruption et de tout ce qui se passait là-bas. Nous avons donc une part de responsabilité. Nous pouvons mettre fin à cela.
Comme nous le disons dans notre mémoire, pour aider les plus pauvres, il faut offrir des services sociaux de base. Il faut que l'aide aille aux soins de santé, à l'enseignement primaire, et dans la plupart des cas, ce sont les ONG qui s'en occupent. Le micro-crédit est encore une fois en voie d'émerger comme l'un des outils les plus efficaces pour éradiquer la pauvreté. Donc, des institutions comme la Grameen Bank au Bangladesh qui, je pense, est présente en Amérique du Sud et en Amérique centrale, et il y a un certain nombre... Encore une fois, c'est en transigeant directement avec ces institutions qu'on peut en avoir le plus pour son argent. Ce qui fait la plus grande différence, c'est la façon dont nous donnons l'argent.
M. Dick Harris: Je le sais.
Mme Catherine Little: Nous disons que le meilleur investissement, c'est de faire en sorte que ce soit les plus démunis qui reçoivent l'aide.
M. Dick Harris: Merci.
M. Tim Johnston: Monsieur le président, si vous me permettez de faire moi aussi quelques observations, mon association est la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants qui travaillent à l'étranger avec des ONG. Je pense que le degré de capacité, d'ingéniosité et de créativité que les ONG apportent à l'aide internationale est extrêmement élevé, car il s'agit de programmes que les enseignants de l'Alberta offrent directement à des enseignants partout à travers le monde. L'appui direct offert à une personne à une autre et par une agence à une autre est extrêmement valable et efficace.
Il faut peut-être se demander où va l'aide étrangère du Canada. Est-ce qu'elle sert à appuyer des ONG ou les gouvernements? Je pense qu'il faudrait peut-être se tourner à nouveau ou continuer de se tourner vers les ONG, car, à mon avis, c'est une façon très efficace d'offrir ce genre d'aide.
M. Dick Harris: C'est ma dernière question.
D'aucuns prétendent et certaines études révèlent que la façon la plus efficace de faire parvenir l'aide à l'étranger et aux pays du tiers monde consiste à travailler avec les nombreux organismes religieux. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit d'une méthode efficace?
M. Tim Johnston: Si vous me permettez de répondre, monsieur Harris, je le ferai avec plaisir. Le Comité central mennonite vient à l'esprit. Par exemple, ce comité arrive à faire des choses merveilleuses. Je pense que c'est grâce au réseau d'amis, des membres des congrégations qu'ils ont un peu partout à travers le monde qu'ils arrivent à offrir d'excellents programmes.
M. Dick Harris: Merci.
Le président: Pas d'autres questions, monsieur Harris?
M. Dick Harris: Non.
Le président: Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Mes premiers mots seront pour vous remercier de vous être présentés aujourd'hui dans le but de nous faire connaître vos opinions et commentaires en vue du prochain budget que déposera le gouvernement fédéral en février.
Ce matin, en vous écoutant, j'avais l'impression que vous étiez ici pour nous faire part non seulement de vos attentes face au gouvernement fédéral, mais aussi de vos nombreuses réserves quant à la performance de votre gouvernement provincial. Plusieurs intervenants ici présents oeuvrent dans les domaines de la santé et de l'éducation. Comme vous le savez, en août, les premiers ministres provinciaux signaient un contrat social dans lequel ils demandaient au gouvernement fédéral de respecter leur compétence en matière de santé et d'éducation. Dans cette nouvelle approche, de quelle façon, selon vous, le gouvernement fédéral pourrait-il répondre aux attentes et aux demandes que vous avez exprimées ce matin?
[Traduction]
Mme Elisabeth Ballermann: Si vous me le permettez, nous sommes certainement convaincus—et je répéterai ce qu'a dit ma collègue de United Nurses—que l'une des façons pour le gouvernement fédéral d'avoir un impact réel, c'est de fournir un financement adéquat. Le financement ayant particulièrement diminué dans le domaine des soins de santé, la capacité d'exercer tout genre de pression pour assurer des normes nationales a diminué progressivement. Nous sommes d'avis qu'il s'agit certainement de l'une des meilleures façons de régler le problème.
Nous comprenons les problèmes de compétence, mais nous croyons qu'en essayant de trouver des solutions créatives comme le programme de soins à domicile qui a été proposé, ou l'assurance-médicaments, en ciblant des fonds spécifiquement pour de tels programmes, le gouvernement fédéral devrait clairement avoir un rôle à jouer pour assurer des normes nationales.
Le régime d'assurance-maladie est reconnu par tous les Canadiens comme étant l'une des valeurs les plus fondamentales. Nous avons peut-être des problèmes pour ce qui est de la division des pouvoirs en ce sens qu'il doit y avoir certaines normes nationales. Nous savons que cette division des pouvoirs ne changera sans doute pas dans un avenir rapproché, mais nous essayons certainement de voir quels mécanismes créatifs le gouvernement fédéral pourra mettre en place, car, comme M. Rock l'a proposé, s'il y a une augmentation du financement, elle sera directement liée à certaines attentes. Nous serions certainement d'accord avec cela.
[Français]
Le président: Est-ce que d'autres intervenants souhaitent prendre la parole?
[Traduction]
Mme Heather Smith: Je ne suis pas certaine d'avoir entièrement compris votre question, mais je pense que nous avons désespérément besoin d'arriver à une certaine équité sur le plan de l'accessibilité. En Alberta, il y a eu une régionalisation à la création de différentes compétences en matière de soins de santé, avec divers niveaux d'appui et de services. C'est en partie pour cette raison que nos recommandations portent spécifiquement sur l'assurance-médicaments.
Je crois que l'objectif est important, et l'objectif du mécanisme de financement et des ententes entre les provinces devrait faire en sorte que les Canadiens n'aient rien à craindre lorsqu'ils déménagent d'une province à l'autre en ce qui concerne les soins de santé qui sont offerts et couverts. Pour en arriver à une entente, il faut certainement négocier. J'estime cependant que le gouvernement fédéral a un rôle central à jouer et qu'il doit établir et surveiller les normes. Ce que vous voulez savoir, je suppose, c'est comment y arriver.
Dr Marvin Fritzler: J'ai fait allusion à quelques solutions possibles au dilemme auquel on doit faire face lorsqu'on investit dans une économie fondée sur le savoir, particulièrement dans le domaine de la recherche biomédicale et médicosanitaire. Il y a entre autres la solution du 1 p. 100. Nous ne demandons pas seulement au gouvernement fédéral de participer; nous avons fait la même proposition au ministère de la Santé de l'Alberta. Je vous accorde que nous avons eu des problèmes, comme Mme Smith vient de le dire, pour réorganiser les soins de santé dans cette province, et on a mis l'accent sur la prestation des soins de santé et la rationalisation du régime.
Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent maintenant examiner sérieusement ce qui pourrait ajouter de la valeur au régime et trouver des ressources additionnelles. Ces ressources proviendront en partie de notre capacité d'attirer des investissements internationaux au Canada, et si nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire dans le secteur de la recherche biomédicale et médicosanitaire, nous n'y arriverons pas.
Les membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament offrent à l'heure actuelle un appui valable à la recherche médicosanitaire au Canada, mais cet appui ne va pas augmenter à moins qu'il y ait des changements. En fait, le niveau d'appui risque dangereusement de diminuer. Deux entreprises importantes dans le secteur des sciences de la santé viennent de quitter Calgary car elles ont trouvé mieux ailleurs, entre autres au New Jersey.
Je voudrais également ajouter que les fabricants de médicaments génériques n'ajoutent rien à ce moment-ci à l'environnement de R&D dans nos universités et nos instituts de recherche.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
[Français]
M. Odina Desrochers: D'autres commentaires?
[Traduction]
Le président: Pas d'autres commentaires.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci.
[Traduction]
Mme Elisabeth Ballermann: J'aimerais tout simplement ajouter une observation au sujet du lien qui existe entre les soins de santé et les études supérieures. L'une des choses que nous constatons, c'est qu'à mesure que diminue la capacité des professionnels de la santé de faire leur travail auprès de leurs patients, leur capacité à offrir une formation adéquate ou une excellente formation aux nouveaux professionnels qui arrivent du système d'enseignement diminue également.
Les établissements d'enseignement postsecondaire ont de la difficulté à placer leurs étudiants. Nous devons avoir une vision beaucoup plus à long terme. Si les gens qui sont formés à l'heure actuelle dans le domaine des soins de santé ou dans toute autre profession ne peuvent recevoir une formation adéquate et s'il n'y a pas de soutien financier à divers paliers de gouvernement pour assurer cette formation, le niveau d'excellence va diminuer. L'exode des cerveaux dont le docteur Fritzler a parlé est vraiment un problème à cet égard.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Madame Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier tous les témoins pour leur excellent exposé.
Ma première question s'adresse à Tim Johnston. Je vous félicite de l'excellent travail que vous faites pour lutter contre la pauvreté chez les enfants. Je suis de Vancouver en Colombie-Britannique et nous travaillons nous aussi très fort à cet égard.
Lorsqu'on rencontre un enfant qui vit dans la pauvreté, on rencontre en fait une famille qui vit dans la pauvreté, de sorte que je pense qu'il faudrait peut-être se préoccuper davantage des familles qui vivent dans la pauvreté. Naturellement, lorsqu'on parle de la pauvreté chez les enfants cela nous touche davantage, mais j'aimerais que nous puissions tous élargir un peu notre façon de penser à cet égard.
J'invite tous les témoins à dire ce qu'ils en pensent.
M. Tim Johnston: Merci, monsieur le président. Je vous remercie pour vos observations, madame Leung.
Vous avez tout à fait raison. Nous vous avons remis un document intitulé The Round Tables on Poverty Connecting Our Community. Il s'agit d'une initiative de l'Association et de certaines organisations avec lesquelles nous travaillons dans la collectivité de Mill Woods. C'était une façon très simple de réunir les gens qui connaissent la pauvreté.
Nous ne pouvons tout simplement réunir les enfants qui vivent dans la pauvreté; cela ne fonctionne tout simplement pas. Il faut travailler avec toute la famille, et avec toute la collectivité. Plutôt que de travailler avec la pauvreté à Edmonton, nous avons travaillé avec la pauvreté dans un quartier particulier d'Edmonton et nous nous sommes servis de cela comme modèle, en un sens.
Nous avons donc pris bonne note de vos observations, et nous sommes tout à fait d'accord avec vous, c'est la seule façon d'aborder le problème.
Mme Sophia Leung: Avez-vous une stratégie pour faire en sorte que l'on cible la famille comme une unité, plutôt que de cibler uniquement l'enfant?
M. Tim Johnston: Oui, tout ce que nous faisons cible la famille. Nous comprenons que l'enfant fait partie de la famille et qu'il faut aider la famille pour aider l'enfant.
Naturellement, les enseignants constatent les conséquences de la pauvreté pour les enfants dans leurs salles de classe, et nous savons qu'il y a un lien avec la famille. Tout bon enseignant travaille avec la famille du mieux qu'il le peut dans le système scolaire, de sorte que nous comprenons cela.
Mme Sophia Leung: Merci.
J'aimerais maintenant m'adresser au docteur Fritzler. Vos préoccupations très claires et puissantes m'ont vraiment plu. En ce qui concerne l'exode des cerveaux, je veux que vous sachiez que j'ai travaillé sur ce dossier. Je suis de la Colombie-Britannique et je vais même encore plus loin; j'ai organisé une table ronde pour que l'honorable Paul Martin écoute deux présidents d'université de la Colombie-Britannique et un certain nombre de chercheurs dans le domaine médical. Nous avons abordé cette question à de nombreuses reprises et vous avez certainement mon appui. J'en ai parlé au caucus national.
Je ne pense pas que l'on puisse s'attendre à des miracles de la part du gouvernement. Nous avons un surplus très limité. Je sais qu'il est très difficile de faire concurrence à la Californie qui est beaucoup plus attrayante sur le plan financier, comme vous l'avez dit. C'est littéralement impossible. D'un autre côté, nous devrions peut-être songer à d'autres secteurs.
J'ai déjà travaillé avec de nombreuses ONG dans le domaine des arts, de la culture, de la médecine et de l'enseignement, et nous tentons tous de nous tourner vers l'industrie, les entreprises et le secteur privé. Nous devons vraiment explorer ces secteurs. Comme vous l'avez dit lorsque vous avez présenté vos chiffres, vous avez eu un excellent succès en vous adressant à l'industrie, alors je pense que c'est peut-être une autre possibilité que nous devrions explorer davantage.
Je suis d'avis qu'il faudrait par ailleurs encourager les dons privés. Encore une fois, j'aimerais donner des exemples de Vancouver. Vous avez mentionné mon collègue, M. David Strangway, de l'Université de la Colombie-Britannique. Il a eu énormément de succès et grâce à lui le campus a reçu des millions de dollars. On a construit un nouvel immeuble de 10 millions de dollars, le Chan Centre for the Performing Arts, ainsi que d'autres immeubles. Au fait, tous ont donné, non pas seulement les Asiatiques, mais les Chinois.
• 1230
Je pense que c'est une autre possibilité que nous devrions
examiner et je voulais saisir l'occasion pour vous le mentionner.
Récemment, j'ai été tout à fait surprise. J'ai été pressentie par l'Université McGill. Le recteur m'a mentionné qu'un donateur connu—je ne le connais pas—avait donné non pas un gros montant mais un bon montant d'argent pour créer une bourse d'études en l'honneur de mon défunt mari.
Ce sont des possibilités auxquelles nous ne songeons pas habituellement, mais je pense qu'il est temps de le faire. Nous nous attendons à un gros surplus que nous n'avons pas. Je voulais tout simplement vous le mentionner. Voulez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Dr Marvin Fritzler: Merci. Je vous remercie de votre appui et je suis entièrement d'accord avec vous. En fait, la stratégie à l'Université de Calgary est à peu près la même que celle que vous avez décrite, et de plus en plus d'universités canadiennes adoptent cette stratégie.
Si vous regardez les détails contenus dans mon mémoire, vous constaterez qu'à l'Université de Calgary, moins de 30 p. 100 du corps professoral de la Faculté de médecine est financé par des fonds d'études supérieures. D'où vient le reste? Le reste vient des dons privés, de chaires, de subventions pour professeurs, de l'industrie et de tout le milieu que vous avez décrit. Je suis donc entièrement d'accord avec vous.
Le problème, cependant, consiste à trouver des fonds d'exploitation pour la recherche. D'où cet argent va-t-il provenir? Oui, l'industrie et l'investissement international sont des secteurs en croissance, mais nous devons renforcer la base à notre Conseil national de recherches, cela est certain.
Merci.
Mme Sophia Leung: Vous avez également mentionné le Fonds d'aide à l'innovation. Êtes-vous d'avis que ce fonds n'est pas tout à fait suffisant?
Dr Marvin Fritzler: Certainement, si on regarde la pression qu'a subie ce fonds au cours de la première année d'un plan quinquennal, 2 milliards de dollars alors qu'une somme de seulement 200 millions de dollars est disponible cette année, je constate immédiatement que même pour cette année, les besoins sont beaucoup plus profonds que je ne l'aurais imaginé. Je n'ai pas siégé aux comités. J'ai un très bon ami qui l'a fait et, à son avis, les demandes dont le groupe a été saisi étaient légitimes. Il a été tout aussi surpris que moi de constater à quel point le besoin était profond, à l'échelle nationale.
Cela n'est donc pas suffisant, mais encore une fois, je ne crois pas qu'il soit nécessaire que le gouvernement fédéral comble cet écart. Nous devons nous tourner vers d'autres secteurs, comme vous l'avez dit. L'industrie doit elle aussi faire sa part, car si nous encourageons leurs produits, l'industrie doit participer davantage.
Mme Sophia Leung: Je pense que c'est ce que nous faisons en Colombie-Britannique, où nous attirons de nombreuses entreprises de haute technologie et de produits pharmaceutiques. C'est vers ce genre d'entreprises qu'il faut se tourner pour trouver du financement.
Dr Marvin Fritzler: La Fondation canadienne pour l'innovation est un pas important dans la bonne direction. Cela ne fait aucun doute. On ne peut cependant construire un immeuble si on n'a pas les ressources pour l'exploiter parce qu'on n'a pas entièrement réglé le problème de l'exploitation. Même si dans le budget actuel on a augmenté les subventions au Conseil de recherches médicales, cela ne nous a ramenés qu'aux niveaux de 1994. Pour les investissements dans la recherche biomédicale, le Canada se situe toujours au dernier rang parmi les pays du G-7.
Mme Sophia Leung: J'ai seulement une question à poser à Heather Smith.
Mais avant, docteur Fritzler, je veux que vous sachiez que mes collègues et moi-même avons exercé des pressions pour obtenir une augmentation du budget du CRM.
Dr Marvin Fritzler: Oui. Merci.
Mme Sophia Leung: Heather, j'ai vraiment aimé votre exposé. Votre recommandation portait principalement sur les soins de santé à domicile et l'assurance-médicaments de base. Vous avez demandé 2 milliards de dollars à cet égard. Supposons que nous ayons un surplus très limité, disons d'environ 3 milliards de dollars. La liste de souhaits est très longue. Comment allons-nous nous y prendre?
Mme Heather Smith: Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il y aura une rivalité d'intérêts, et je le reconnais même lorsque je fais cette recommandation. Cependant, je pense qu'il est impératif que nous lancions un programme de soins de santé à domicile.
Le ministre des Finances a parlé d'une réduction des impôts. Je crois qu'il est plus important de maintenir les niveaux d'imposition actuels et d'offrir un allégement à ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui doivent payer de leur poche et qui sont les plus vulnérables. Je suis convaincu que nous avons les ressources pour le faire.
• 1235
Je vous dis que si nous mettons un tel programme en place
rapidement, tel qu'il est proposé ici... jamais je ne suis allée à
une conférence où il y a eu un tel appui unanime pour des
recommandations que lors de la conférence sur les soins médicaux à
domicile. Ils étaient catégoriques pour dire que la question aurait
dû être étudiée encore plus tôt. Je crois que plus vite le
programme sera lancé, plus vite nous constaterons la rentabilité
d'un tel programme. Je pense que le public canadien l'appuiera
réellement, car ils auront réduit les coûts dans d'autres secteurs.
Je dirais qu'un tel programme nous permettra de réaliser des économies même sur le plan des entreprises, sur le plan des activités d'assurances privées secondaires. Je pense que le programme aura un certain nombre de retombées qui permettront de réaliser des économies générales qui le justifieront. Plus tôt nous pourrons intervenir pour contrôler d'une certaine façon les coûts, plus tôt nous pourrons alors en constater les avantages à long terme, tout comme nous l'avons constaté avec l'assurance-santé en général. Je crois que nous en avons les moyens.
Mme Sophia Leung: Merci.
Monsieur le président, ma dernière question s'adresse à Mme Little. Je suis fermement convaincue que nous avons le devoir de fournir une aide extérieure. Encore une fois, je pense que nous devons examiner notre propre potentiel fiscal pour voir ce que nous pouvons faire. Votre exposé m'a certainement beaucoup intéressée.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Leung.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib): Merci, monsieur le président. J'aimerais reprendre ce qu'a dit Mme Leung et plus particulièrement parler du mémoire de la Health Sciences Association et de ses observations au sujet de l'assurance-emploi. Je veux tout simplement vous expliquer un peu comment nous nous y prenons en tant que parlementaires pour concilier les témoignages que nous entendons et ce avec quoi nous devons travailler pour faire une recommandation au ministre des Finances.
Les pronostiqueurs du secteur privé parlent d'un surplus s'élevant seulement entre 5 et 7 milliards de dollars en raison de ce qui se passe dans l'économie mondiale et d'une croissance plus lente au Canada. Dans ce surplus de 5 à 7 milliards de dollars, on inclut un fonds pour éventualités de 3 milliards de dollars afin de s'assurer que le budget restera équilibré et pour faire face à toute surprise qui pourrait survenir.
En 1986, à la demande du vérificateur général, le programme d'assurance-emploi a été intégré aux recettes générales du gouvernement. La logique de cette décision, c'était qu'en 1986, il y avait en fait un déficit de 6 milliards de dollars dans le compte et le gouvernement du jour, selon le vérificateur général, minimisait déjà l'importance du déficit en déclarant publiquement qu'il s'établissait à 6 milliards de dollars. Si le gouvernement appuie un programme et finance un programme, alors il doit l'inclure dans son budget total.
S'il s'agit d'un fonds indépendant distinct, comme la Fondation canadienne pour l'innovation, qui a son propre conseil d'administration—le gouvernement a initialement fourni des capitaux de démarrage pour lancer le programme qui est maintenant financé à même les contributions du secteur privé—ce programme ne reste donc pas dans les livres du gouvernement. Par exemple, si la Fondation canadienne pour l'innovation avait toujours des problèmes, le gouvernement devrait alors décider s'il veut ou non financer la Fondation, mais ce n'est pas une responsabilité permanente, car le programme n'est plus dans les livres, il est à l'extérieur. Le gouvernement devrait décider s'il veut investir les 2 milliards de dollars dont vous parlez, et ce serait une décision d'orientation.
En ce qui à trait à l'assurance-emploi, il s'agit ici d'un programme gouvernemental. S'il y a un déficit dans le programme, le gouvernement doit verser aux Canadiens les prestations qu'il leur doit.
Je tiens à souligner que, dans votre mémoire, lorsque vous parlez de restaurer les niveaux de prestations ou d'améliorer l'admissibilité aux prestations ou toute autre mesure de ce genre, la seule façon de le faire serait de réduire ailleurs, ce qui signifie que l'on ne pourrait pas en faire autant dans les domaines de la recherche, des soins de santé, de l'impôt sur le revenu des particuliers, ou de réduire les cotisations. Il s'agit vraiment d'un choix qu'il faut faire.
• 1240
Ma question serait donc la suivante: qu'est-ce que vous
proposez que nous fassions avec ce montant de 2 milliards de
dollars que nous devrions avoir dans ce budget particulier selon
les prévisions du secteur privé?
Mme Elisabeth Ballermann: Notre mémoire parle d'un certain nombre d'options. Nous ne disons pas qu'il faut nécessairement choisir exclusivement une option ou qu'il y a possibilité d'un choix d'options. Pour ce qui est du fonds d'assurance-emploi, qui est le résultat des cotisations versées par les employés et les employeurs, nous reconnaissons qu'il y a eu un problème de déficit et de restructuration dans les années 80. Nous savons que récemment les partis de l'opposition ont préconisé la création d'une agence d'assurance-emploi qui serait en fait indépendante du gouvernement.
Notre organisation n'a pas eu l'occasion de débattre de la question en détail, de sorte que je ne peux pas vous dire si c'est ce que nous recommanderions. Nous sommes cependant d'avis que les fonds qui sont là, le surplus qui a été créé, grâce aux cotisations des employeurs et des employés, devraient être traités séparément. À notre avis, l'utilisation de ces fonds pour les dépenses d'exploitation générale semble aller à l'encontre de l'objectif du fonds.
Le Régime de pensions du Canada s'est trouvé dans une situation semblable où il fallait déterminer ce qui devait être considéré comme un fonds distinct ou être amalgamé à d'autres fonds. Nous commençons à tirer la situation au clair.
M. Tony Valeri: Je pense que vous avez tout à fait raison lorsque vous parlez du Régime de pensions du Canada, car il s'agit d'un fonds distinct qui doit être administré de façon autonome. Ce sont les cotisations des employeurs et des employés qui financent le Régime de pensions du Canada et les provinces en sont les administrateurs conjoints.
Vous laissez entendre qu'il est administré comme un fonds distinct et que l'argent doit être remboursé. Vous dites qu'il y a supposément un surplus et que l'argent doit être remboursé aux travailleurs et aux employés. Vous laissez essentiellement entendre que pour chaque tranche de 5c. de réduction de la cotisation, le Trésor diminuerait d'environ 350 millions de dollars.
Si en fait nous faisions ce que préconisent les partis de l'opposition et en fait l'actuaire—son rôle est de dire que les cotisations doivent s'équilibrer au cours d'un cycle économique—nous nous retrouverions essentiellement de nouveau avec un déficit.
Mme Elisabeth Ballermann: Nous avons un surplus, et je crois comprendre que le surplus augmente. Je ne prétends pas être économiste, mais je sais qu'il y a des économistes et des actuaires qui sont en mesure de déterminer quel niveau de contribution doit être établi pour maintenir l'équilibre et s'assurer que les réserves permettent de faire face aux éventualités. Cela a déjà été prévu. En supposant que les prévisions actuarielles sont raisonnablement justes, c'est ce que nous proposons.
Il y a un surplus. Il s'agit maintenant de déterminer à qui ce surplus appartient. Est-ce qu'il doit appartenir aux fonds d'exploitation du gouvernement en général ou doit-il être traité séparément? Nous sommes d'avis qu'il doit être traité séparément.
M. Tony Valeri: Une partie du défi que je dois relever—je suis certain que c'est le cas également des autres députés—est qu'il s'agit d'un dossier compliqué. Tout d'abord, je ne prétends pas tout comprendre. En fait, il n'y a pas de surplus réel, il y a un surplus fictif qui est utilisé pour calculer le niveau des cotisations.
Donc, s'il y avait un fonds de 19 milliards de dollars, alors je ne pense pas que quiconque aurait du mal à dire que puisqu'il y a en réserve 19 milliards de dollars nous pouvons nous demander de quelle façon ce montant doit être réaffecté. Nous ferons certainement quelque chose avec les cotisations et les prestations et nous garderons un certain montant en réserve pour les mauvais jours.
• 1245
Mais il n'existe pas vraiment de fonds en réserve; c'est un
compte fictif. Les membres de la commission calculent le montant
des cotisations qui entrent, le montant des prestations qui sortent
et ce qu'il en coûte pour administrer le programme. Ensuite, en fin
de compte, il faut que les deux montants s'équilibrent. Lorsque les
deux s'équilibrent, ils établissent le taux de cotisation.
Les gens ont l'impression que le montant de 19 milliards de dollars existe vraiment. Ce que je dis, c'est que ce montant ne s'élèvera sans doute qu'à 5 ou 6 milliards de dollars, dont 3 milliards de dollars est un fonds pour éventualités. Cela revient donc à dire qu'il ne restera que 2 à 3 milliards de dollars pour les priorités.
Puisqu'il n'est pas possible de faire plaisir à tout le monde, quelles devraient être réellement nos priorités? Je serais d'accord avec vous si vous êtes d'avis qu'il faudrait rembourser les cotisations aux travailleurs et aux employeurs. C'est certainement une suggestion valable, mais le remboursement serait fait à partir des 2 milliards de dollars. Que pourrions-nous faire d'autre pour essayer de refléter ce que les Canadiens veulent voir dans le budget?
Mme Elisabeth Ballermann: Encore une fois, puisque l'on reconnaît qu'une réduction des cotisations ne représenterait sans doute pas un montant énorme pour un particulier, nous recommanderions certainement d'accorder la priorité à la question des niveaux de prestations. Avant de commencer à réduire les cotisations et les impôts, il faut plutôt que nous nous demandions quels services nous devons fournir, que ce soit dans le domaine des soins de la santé ou de l'assurance-emploi. Franchement, il s'agit ici de la même chose.
Le président: Très bien. Est-ce que quelqu'un d'autre a une question?
Mme Heather Smith: J'ai une question à poser à M. Valeri.
Lorsque nous parlions d'un surplus de 5 à 7 milliards de dollars, je pense que vous avez dit que ce chiffre venait du secteur privé. Les prévisions du secteur public sont-elles différentes de ces 5 à 7 milliards de dollars?
M. Tony Valeri: Les prévisions du secteur public se retrouveraient dans le budget ou dans un document du gouvernement. Dans le cadre du processus budgétaire au cours des dernières années, nous avons réuni environ une vingtaine de pronostiqueurs du secteur privé et leur avons demandé ce qui, à leur avis, allait se produire dans l'économie canadienne. Le PIB va-t-il augmenter? Que va-t-il arriver aux taux d'intérêt? Nous leur avons demandé de faire ce genre de prévisions.
En se fondant sur ces chiffres, nous avons fait preuve d'une certaine prudence car nous voulons être très prudents. Nous augmentons les taux d'intérêt lors de notre planification. Nous diminuons la croissance du PIB lors de notre planification. Nous calculons ensuite le montant d'argent que nous croyons que nous aurons. Vient ensuite tout le processus budgétaire.
Mme Heather Smith: Donc, lorsqu'on parle du secteur privé, on veut parler des conseillers non gouvernementaux.
M. Tony Valeri: Absolument, il s'agit d'analystes du marché boursier, de gens qui sont supposément au courant.
Mme Heather Smith: Très bien, je n'en étais pas certaine.
Deuxièmement, quelle est la longueur d'un cycle économique? Vous en avez parlé lorsque vous avez dit que d'ici le prochain cycle économique il y aurait peut-être encore un déficit.
M. Tony Valeri: Cela change également. La plupart des gens croyaient qu'un cycle économique était d'environ cinq ans, mais le cycle est maintenant beaucoup plus long. Le cycle économique est lié en grande partie à l'amélioration de la productivité: les gens estiment que l'économie ne peut en prendre qu'une certaine quantité avant d'avoir un ralentissement et on se retrouve alors dans un cycle économique différent.
Or, ce cycle économique semble s'allonger. Comme nous le constatons aux États-Unis, c'est dû en grande partie à une meilleure productivité là-bas. Donc l'économie ne cesse d'augmenter. Un cycle économique dure environ cinq à sept ans. Il peut cependant durer trois ans, selon le pays dont on parle.
Mme Heather Smith: Pour ce qui est de l'assurance-emploi et du prochain cycle économique au cours duquel il y aurait un déficit, cela pourrait prendre encore cinq et dix ans avant qu'il y ait un tel déficit.
M. Tony Valeri: Il y aurait un ralentissement de l'économie et un changement dans le compte.
Mme Heather Smith: Puis-je continuer?
Le président: Je trouve cet échange intéressant, alors allez-y.
Mme Heather Smith: Si le gouvernement fédéral ne garde pas les fonds d'assurance-emploi dans un compte distinct, serait-il raisonnable de demander que s'il vient puiser à même le surplus de l'assurance-emploi—qu'il y ait ou non un surplus, mais un surplus fictif—serait-ce raisonnable qu'il nous assure que les prestations actuelles ne vont pas diminuer, qu'on ne va pas revenir en arrière? Je pense que ce qui est vraiment inquiétant, c'est le fait que c'est le gouvernement qui fait les règles et qui a l'argent. Si on vient chercher cet argent, qu'est-ce qu'il restera pour les travailleurs qui se retrouveront sans emploi?
M. Tony Valeri: Oui, ce que vous dites est tout à fait valable, car c'est ce qu'on craint. En ce qui concerne l'assurance-emploi, le principe sous-jacent d'un tel régime, c'est évidemment que l'on ne veut pas être obligé de réagir aux hauts et aux bas du cycle économique. Au cours des dernières années, le taux de cotisation au régime d'assurance-chômage a continué de diminuer, et, naturellement, nous voulons que cela se poursuive. Il ne faudrait pas non plus qu'il y ait de changement ou de réduction au titre des prestations offertes depuis les derniers changements, car cela pourrait avoir un impact, franchement.
Mme Heather Smith: Puis-je faire une observation? En ce qui concerne les soins de santé en général, je suis d'avis que la stabilisation financière des soins de santé est très importante sur le plan de la santé, que les gens qui se retrouvent sans emploi font beaucoup plus appel au régime de soins de santé, mais cela réduit également en partie la fluctuation que nous avons constatée dans le régime de soins de santé, en créant des hauts et des bas incroyables lorsque 60 000 travailleurs des services de santé ont perdu leur emploi et se sont retrouvés au chômage. Nous avons maintenant une pénurie de travailleurs spécialisés dans le domaine des services de santé et nous devrons consacrer des ressources incroyables—dans notre province c'est déjà commencé—pour essayer de recruter et de garder des gens.
Donc, en plus de l'impact positif sur le public pour ce qui est des dépenses personnelles, des coûts de l'assurance privée, la stabilisation comporte des avantages secondaires pour ce qui est des travailleurs des services de santé.
Le président: Merci. Docteur Fritzler.
Dr Marvin Fritzler: Vous avez demandé entre autres ce que les Canadiens voulaient. J'espère que ce que j'ai présenté ce matin, même si cela a été présenté dans ce contexte, n'est pas uniquement ce que je veux, uniquement ce que veut l'AFMC et ce que veut le CRM.
Plus tard ce mois-ci nous lancerons une semaine de sensibilisation à la recherche sur la santé, et vous pourrez lire dans un numéro spécial du journal The Globe and Mail et de La Presse ce que les Canadiens veulent dans le domaine de la recherche sur la santé. Il s'agit d'une étude qui a été faite par un groupe de sondeurs indépendants à Ottawa. J'ai été moi-même surpris de constater l'appui extrêmement important des Canadiens pour la recherche biomédicale et médicosanitaire au pays. Je ne vous ai pas parlé en détail, mais vous pourrez voir les résultats de cette étude un peu plus tard ce mois-ci.
M. Tony Valeri: Très bien. Merci.
Mme Elisabeth Ballermann: Je veux simplement aborder une question. Je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur la question du surplus d'assurance-emploi ou de ce que le gouvernement en fera, mais je veux tout simplement dire que je pense que les Canadiens sont vraiment perplexes. Nous avons un surplus, mais ce n'est pas un surplus réel. C'est un surplus fictif. Il y a un compte qui existe quelque part. Peut-être qu'il y en a un, peut-être qu'il n'y en a pas.
Je suis Canadienne. Je ne suis pas économiste; je ne prétends pas être une experte dans le domaine des finances. Je sais cependant que dans notre monde électronique, il n'y a pas d'argent réel partout. Il n'y a sans doute pas d'argent réel dans mes comptes bancaires. On parle maintenant de retraits et de dépôts fictifs.
Il est vraiment important pour le gouvernement de savoir que les Canadiens seront plutôt cyniques si on leur présente des termes contradictoires. Il y a un surplus, mais il n'y en a pas vraiment. Nous voulons que le gouvernement nous dise la vérité, mais nous voulons qu'il nous le dise d'une façon que nous puissions comprendre. Que nous soyons ici à débattre de la question de savoir si le gouvernement a un surplus ou un déficit fait en sorte que les Canadiens sont encore plus désillusionnés face à ce que le gouvernement et d'autres sources leur disent.
Le président: Permettez-moi de faire quelques observations.
• 1255
Je pense que ce que les Canadiens attendent d'un fonds
d'assurance-emploi, c'est que si un jour ils se retrouvent sans
emploi, ils recevront des prestations. Donc, si on le dit
clairement aux Canadiens, alors je pense qu'ils seront d'accord
avec le fait que ce fonds, qu'il soit fictif ou qu'on l'appelle
comme on voudra... je pense que si nous avons un montant X de gens
qui perdent leur emploi, ce qu'ils veulent, c'est la sécurité. Ils
veulent savoir que si un jour ils perdent leur emploi, ils pourront
recevoir des prestations. Ils recevront un chèque qui leur
permettra de s'acheter du pain, de faire toutes les choses qu'ils
doivent faire pour vivre, n'est-ce pas? C'est ce qu'ils veulent. Je
pense que cet argent sera là, c'est garanti. Les prestations sont
garanties aux gens. Cela ne fait aucun doute.
L'autre question, c'est qu'on en est presque à un point où les Canadiens doivent se rendre compte que nous sommes très concurrentiels pour ce qui est des charges sociales et que nous vivons dans une économie interdépendante avec toutes sortes d'autres pays. Si nous sommes très concurrentiels sur le plan des charges sociales mais que nous ne le sommes pas pour ce qui est de l'impôt sur le revenu des particuliers, alors il me semble qu'il faut s'assurer que nous devenions concurrentiels tant sur le plan de l'impôt sur le revenu des particuliers que sur le plan de l'assurance-emploi.
Je pense que c'est là où les gens ont l'impression de s'être fait voler par le gouvernement dans toute cette affaire. Les mêmes gens critiquaient en même temps le gouvernement fédéral qui avait un déficit alors que le gouvernement fédéral finançait le compte d'assurance-emploi. Je pense que cet argument est clairement illogique.
Pourquoi ne disons-nous pas tout simplement aux Canadiens très clairement que l'assurance-emploi est là pour leur garantir des prestations s'ils perdent leur emploi. Croyez-vous que les Canadiens auraient un point de vue différent si on leur disait très clairement que le régime d'assurance-emploi leur garantit des prestations?
Mme Elisabeth Ballermann: Je crois que le problème se pose en partie parce qu'il y a des taxes sur la masse salariale. Les gens se disent, si je payais pour une assurance-maladie complémentaire, je m'attendrais à une certaine couverture pour ces frais additionnels. Si, en fait, je paye plus que la couverture que je vais obtenir en fin de compte, je vais devoir regarder si je devrais payer moins. Voilà toute la question.
Si l'assurance-emploi était financée entièrement par l'impôt, cela ne me poserait aucun problème, mais les travailleurs canadiens estiment que ce sont eux qui payent les primes pour financer cette couverture. Donc, prendre les primes que nous avons payées pour recevoir cette couverture et les utiliser à d'autres fins nous semble une contradiction.
Le président: C'est vrai. On peut dire ça à propos de n'importe quoi, en fait. Vous pouvez dire ça à propos des taxes en général. Les gens payent de l'impôt; cet argent est versé dans les recettes générales tout comme il l'est dans l'assurance-emploi. Quel niveau d'imposition est acceptable? Si vous ne voulez pas d'hôpitaux et de routes, si vous ne voulez rien d'autre chose qui est financé par l'impôt, je suppose qu'on peut tout vous remettre. Mais la réalité c'est que la vie continue et il y a des priorités.
Si l'on regardait ce que veulent les soi-disant défenseurs de l'assurance-emploi, qui n'ont jamais cru à l'assurance-emploi avant quand le débat battait son plein, ils disent maintenant vous devez rembourser cet argent au peuple canadien... Je suppose qu'on pourrait retourner tout l'argent au peuple canadien, mais on ne pourrait rien faire du côté de l'impôt; on ne pourrait rien faire pour les prêts aux étudiants, on ne pourrait rien faire pour les soins de santé. On ne pourrait rien faire du tout, sauf voir le ministre des Finances se lever le jour du budget et dire mes chers concitoyens, intéressez-vous à ce budget. Nous allons retourner entre 5 et 7 milliards de dollars à l'assurance-emploi et nous n'allons rien faire pour la dette, nous n'allons rien faire du côté de l'impôt sur le revenu des particuliers, parce que nous pensons que c'est la bonne chose à faire.
Savez-vous ce qui se passerait? D'après ce que j'ai entendu partout au pays, je ne pense pas que les Canadiens se rallieraient autour d'un budget comme celui-là, ils ne s'y intéresseraient pas, les jeunes qui cherchent des débouchés ne s'y intéresseraient pas, si la seule perspective d'avenir était qu'on parle de rembourser les primes d'assurance-emploi. Seriez-vous enthousiaste à propos d'un budget d'une ligne qui dirait que nous allons rembourser l'assurance-emploi? Est-ce que cela vous intéresse, vous qui luttez pour les étudiants qui ont besoin de prêts?
Mme Teresa Alm: Non.
Le président: Est-ce que cela intéresserait ceux d'entre vous qui luttent pour ceux qui ont besoin de soins de santé? Est-ce que cela vous intéresserait si vous essayez de lutter contre l'exode des cerveaux? Qui est-ce que cela pourrait bien intéresser?
Le docteur Marvin Fritzler: Notre assurance-emploi se retrouve aux États-Unis.
Mme Heather Smith: Monsieur le président, permettez-moi de vous signaler qu'il y a peut-être des antécédents historiques dans cette province que vous ne connaissez pas concernant la notion d'argent versé dans les recettes générales d'un gouvernement qui garantit que les prestations seront disponibles. Les syndicats des travailleurs des soins de santé et d'autres ici présents, y compris les professeurs, se souviendront de ce qui est arrivé à nos pensions. Tout d'un coup, on nous a dit qu'il y avait un énorme déficit au chapitre des pensions qui exigeait une surtaxe de la part des employés et des employeurs. On nous a dit que cela prendrait 40 ans pour payer cet épouvantable déficit qui avait été créé. Dans les faits, ce déficit a été comblé en cinq ans, si je ne m'abuse, mais à ce moment-là, on nous a dit que cela prendrait 40 ans.
Donc, je pense que nous nous sommes déjà fait dire ne vous inquiétez pas, c'est garanti. Nous avons ces garanties, et tout d'un coup, on nous a demandé d'ouvrir nos portefeuilles parce que l'argent n'était pas là.
Je pense que les questions qui entourent l'assurance-emploi remontent à une époque où on s'inquiétait que nos ressources sont inadéquates pour l'assurance-emploi. Vous avez dit vous-même que tout ce qui nous préoccupe lorsqu'on est au chômage c'est de recevoir des prestations. Beaucoup de Canadiens ont découvert que les prestations n'étaient pas ce qu'ils avaient cru qu'elles allaient être lorsqu'ils ont payé des primes au départ et donc que ce n'était peut-être pas adéquat. Or je pense que ces inquiétudes persistent toujours dans une certaine mesure.
J'aimerais faire quelques observations, monsieur, concernant la question de savoir si nous sommes concurrentiels en tant que nation pour ce qui est de nos taxes sur la masse salariale et de notre impôt sur le revenu des particuliers. J'aimerais bien voir le ministre des Finances expliquer clairement quel avantage social nous en retirons en tant que Canadiens. Les Canadiens ne payent pas 500 $ par mois en primes d'assurance-maladie comme on le fait aux États-Unis. Alors oui, c'est vrai, nous payons plus d'impôt sur le revenu, mais quelle est la valeur de cet impôt qui nous met en position concurrentielle supérieure par rapport à d'autres pays?
Le président: Vous avez l'assurance-maladie. Nous le faisons avec 9 p. 100 du PIB, et cela donne aux entreprises un avantage concurrentiel.
Mme Heather Smith: Exactement. J'entends souvent dire que nous devons réduire l'impôt sur le revenu parce qu'il faut être concurrentiel au plan international. L'assurance-maladie dont nous nous sommes dotés nous rend concurrentiels au plan international et l'amélioration de ce système va produire encore plus. Je pense que les entreprises tireraient un avantage considérable de ne pas avoir à payer des primes exorbitantes et toujours croissantes pour leurs employés à cause de l'augmentation des coûts des médicaments et des services non assurés par les provinces. Tout le monde en profitera, y compris l'entreprise.
Le président: Vous avez parlé d'antécédents historiques, et j'ai une version de l'histoire en tant que politicien fédéral. J'étais secrétaire parlementaire à l'époque où nous avons mis de l'avant les changements à l'ancien système d'assurance-chômage. Une chose que j'ai découverte, par exemple, était que le programme d'assurance-chômage comme tel, les prestations, créaient une distorsion économique parce qu'elles étaient trop généreuses comparativement au revenu industriel moyen.
Certains diront qu'on ne devrait pas se préoccuper du revenu industriel moyen. Je répondrai que oui, nous devons nous en préoccuper, et savez-vous pourquoi? Parce qu'on ne peut pas avoir une économie où les employeurs font concurrence à un programme parrainé ou dirigé par le gouvernement pour leur main-d'oeuvre. Ce n'est pas possible. C'est malsain. On ne peut pas laisser les gens qui cherchent des travailleurs faire concurrence à l'assurance-chômage pour le même bassin de main-d'oeuvre. Ça ne peut pas se produire. Dans l'économie ça ne fonctionne pas. Ce n'est pas efficace et ça n'a aucun sens.
Mme Heather Smith: Êtes-vous en train de nous dire que l'assurance-emploi devrait toujours être moins que le salaire minimum...
Le président: Non, le salaire industriel moyen est loin d'être le salaire minimum.
Mme Heather Smith: Oui, je le sais, mais...
Le président: C'est supérieur au salaire minimum, mais ça ne peut pas être de beaucoup supérieur parce que cela crée une certaine... C'est pourquoi on l'a réduit à 39 000 $ de revenus assurables. En outre, au plan historique, sur une période de 10 ans nous avons vu le programme passer de 8 milliards à 20 milliards et le gouvernement le finançait—en partie, et non pas en entier—et il récupère cet argent avec intérêt.
Alors j'en reviens à mon point de départ que la fonction véritable de l'assurance-emploi est de fournir un filet de sauvetage en fin de compte lorsqu'on perd son emploi. Voilà la question sur laquelle nous devrions nous pencher: avons-nous des garanties?
Vous nous dites qu'avec le régime de pensions des enseignants ici en Alberta...
Mme Heather Smith: Eh bien, il s'agit ici d'autorités locales.
Le président: Bon, il y avait un problème, mais ce que je dis c'est que je n'ai jamais entendu le ministre des Finances dire que si vous êtes au chômage au Canada, on ne prendra pas soin de vous.
M. Valeri peut...
Mme Heather Smith: L'assurance-emploi peut dire ça; le ministre ne peut pas le dire.
Tony Valeri: Mais elle fait partie du gouvernement, ce n'est pas une commission indépendante.
Mme Heather Smith: Oui, et je ne crois pas que nous voulions aborder la question de savoir si les gens ont de la difficulté à approuver...
M. Tony Valeri: D'accord.
J'aimerais poser une petite question complémentaire au sujet des taxes. Vous avez demandé ce que vous obteniez pour vos taxes, et la réponse était les services de santé, bien sûr.
Mais en ce qui concerne les impôts sur le revenu des particuliers, j'aimerais souligner qu'il n'est pas question de réduire les taux d'imposition aux dépens d'une foule d'autres personnes qui en souffriront parce que nous n'avons pas les recettes nécessaires pour financer les programmes de base. En ce qui concerne les impôts, ce qui m'intéresse, c'est de savoir s'il est équitable à l'heure actuelle dans ce pays qu'une personne qui gagne 10 000 ou 11 000 doivent payer 200 $ ou 300 $ en impôt, ou qu'une personne à la retraite qui gagne 9 000, 10 000 ou 11 000 $ par année doit payer des impôts.
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, je pense qu'il faut aider les individus à faible revenu, qui sont souvent de petits salariés, et je crois qu'il faut remettre plus d'argent dans leurs poches aussi, par le biais, par exemple, de la prestation fiscale pour enfant et des remboursements de la TPS. Si on ne modifie pas les exemptions d'impôt sur le revenu des particuliers, ces gens, aussitôt qu'ils gagnent un peu plus, subissent une forte réduction de la prestation fiscale pour enfant ou du remboursement de la TPS, et ils ne sont pas plus avancés. Même s'ils travaillent beaucoup plus, ils sont incapables d'améliorer leur qualité de vie.
C'est un autre élément à considérer. Nous avons ce montant d'argent, et maintenant il faut décider comment servir au mieux les intérêts de la population canadienne. Vous représentez tous les intérêts de la population canadienne lorsque vous vous prononcez ici au nom de vos organismes, parce que vos membres croient à ce que vous dites.
Donc au sujet des impôts, je voulais simplement donner des précisions sur mon point de vue. Je ne propose pas nécessairement une réduction d'impôt pour un salarié qui gagne 200 000 $ par année.
Mme Heather Smith: Eh bien, je suis contente d'entendre cela.
J'appuie le principe de l'équité fiscale, et le sort des petits salariés dans ce pays fait l'objet de graves préoccupations. Si on tient compte des dépenses au chapitre des services de santé en général et des subventions que nous devons mettre en place pour les plus démunis, alors les programmes d'assurance-médicaments et de soins à domicile deviennent encore plus abordables. Au lieu de mettre en oeuvre des mesures ponctuelles pour les plus démunis, ces programmes seraient accessibles à tout le monde. Nous pouvons transférer ces ressources d'un secteur à un autre et les bonifier pour le plus grand bien des Canadiens.
Le président: Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?
Mme Catherine Little: Oui, malheureusement je dois vous quitter. Je dois prononcer un discours devant le Rotary Club, en ville, qui présentera un chèque d'environ 10 000 $—auquel sera ajoutée une subvention de contrepartie—à une banque en l'Indonésie qui offre des micro-prêts.
Le Rotary Club, qui est un organisme non gouvernemental, a aussi travaillé de façon soutenue avec l'organisme Polio Plus Partners, et on espère faire disparaître la poliomyélite dans un proche avenir. L'organisme Kiwanis, pour sa part, s'attaque aux troubles dus à la carence d'iode. Donc, je vais célébrer leurs efforts et je dois vous quitter.
• 1310
Mais pour revenir aux priorités et, bien sûr, à la
préoccupation qui est la mienne, c'est-à-dire, l'interdépendance et
la crise asiatique, bon nombre de Canadiens pensent que nous devons
nous occuper de nos affaires en premier lieu, et c'est un point de
vue. Mais, devinez quoi? Nous habitons un village mondial. Personne
ne croit que la chute du dollar n'a rien à voir avec la crise
internationale. Cela nous sensibilise au fait que nous ne sommes
pas isolés du reste du monde. Étant donné que 800 millions de
personnes dans ce monde ont faim quand ils se couchent la nuit,
c'est un problème auquel il faut s'attaquer, parce que c'est un
problème qui ne cesse de s'aggraver dans les pays en développement.
Le président de la Banque mondiale, M. Wolfensohn, lorsqu'il prend la parole devant les financiers du Royaume-Uni, met de côté son discours traditionnel pour déclarer «Vous ne pouvez pas léguer à vos enfants le monde dans lequel vous vivez maintenant si vous ne vous attaquez pas à la pauvreté dans le monde».
Merci.
Le président: Madame Little, si nous pouvons avoir votre avis là-dessus, vous voudriez que le budget traite de certains thèmes autres que l'assurance-emploi.
Mme Catherine Little: Oui, j'aimerais voir un budget qui renverse la tendance à réduire le niveau de l'aide publique au développement, tendance qu'on a constatée dans les six derniers budgets. Et à même le budget de l'aide publique au développement, j'aimerais voir des mesures qui visent à aider les pauvres—pas dans les secteurs de l'aide alimentaire et du logement, mais dans les services sociaux de base, les micro-prêts.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Harris.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président. Mme Ballermann et Mme Smith ont soulevé quelques questions sur lesquelles j'aimerais donner des précisions.
Je crois, madame Ballermann, que vous tenez à ce que le gouvernement fasse preuve de transparence au sujet de la caisse de l'assurance-emploi, de la nature de cette caisse, et du montant total qu'elle contient. Est-ce que la caisse affiche un surplus ou non? Et bien, je peux peut-être éclaircir les choses.
Il est vrai que d'ici la fin de 1998 on s'attend à ce que la caisse d'assurance-emploi affiche un excédent d'environ 19 ou 20 milliards de dollars, en ce qui a trait aux obligations à court terme qu'elle doit respecter. La Commission d'assurance-emploi a décidé de réserver un montant d'environ 15 milliards de dollars pour les éventualités afin de pouvoir palier aux effets d'une éventuelle récession. Donc, d'ici la fin de l'année, la caisse contiendra 5 milliards de dollars de plus que ce montant prévu pour les éventualités. Le grand débat au Canada tourne autour de l'utilisation de ce montant qui dépasse le fonds de réserve.
Plusieurs estiment que ce montant devrait être remboursé aux employés et aux employeurs qui ont versé des contributions à la caisse, et parce qu'il dépasse en fait d'environ 33 p. 100 la somme réservée pour les imprévus, ce 33 p. 100 peut être considéré comme une autre charge sociale. C'est aussi ma façon de voir les choses.
Cela donne lieu à des réclamations de différents organismes—et nous les avons entendus au cours de nos audiences cette semaine—selon lesquels le gouvernement devrait bien agir et donner un remboursement aux travailleurs et aux employeurs, sous la forme d'une réduction dans les prestations d'assurance-chômage. Ils pensent que l'argent devrait être dans les mains du travailleur ou de l'employeur, plutôt que dans les mains du gouvernement. C'est une opinion de plus en plus répandue, et j'ai l'impression que vous appuyez cette prise de position.
Le gouvernement, pour sa part, propose des réductions générales d'impôt ou des fonds supplémentaires pour des programmes sociaux.
Il y a une certaine confusion au sujet de l'utilisation de ces prestations payées par les employés et les employeurs. On peut supposer, si on était prêt à accepter qu'un surplus puisse être utilisé à n'importe quelle fin, qu'on soit aussi prêt à accepter une surcharge de 33 p. 100 sur une assurance-maison, dans la mesure où l'assurance supplémentaire serait en vigueur. Mais je ne crois pas que les travailleurs et les employeurs soient d'accord. Ils préféreront se faire rembourser ces cotisations excédentaires. En outre, selon le principe qu'une réduction de 1 p. 100 du taux de cotisation de l'assurance-chômage pourrait amener la création de 40 0000 emplois au Canada... En d'autres mots, si le taux augmente de 1 p. 100, il y aurait une perte de 40 000 emplois. Si le taux baisse de 1 p. 100, alors 40 000 emplois pourraient être créés par ces fonds supplémentaires dans le secteur privé, fonds qui se retrouveraient, finalement, dans les poches des travailleurs.
• 1315
Je voulais simplement souligner cet aspect parce que je crois
qu'on ne l'a pas mentionné jusqu'ici.
Mme Elisabeth Ballermann: Je tiens à vous remercier de cet ajout, sur un aspect très important. Je n'aurais pas pu l'expliquer plus clairement moi-même.
Je ne suis pas d'accord. Notre organisation ne suggère nullement que le budget fédéral ne traite que de l'assurance-emploi. Cela ne donne pas une idée juste de ce qui se passe. Vous dites qu'une réduction de 1 p. 100 pourrait créer 40 000 emplois; les impôts additionnels qui seraient prélevés amélioreraient grandement notre situation fiscale au niveau fédéral.
Alors je ne change pas d'idée.
Mme Heather Smith: J'aimerais fournir quelques éclaircissements. On aurait tort de dire que notre position est immuable en ce qui concerne l'assurance-emploi. C'est pour cela que j'ai dit qu'on allait fournir un supplément. Mais je veux faire quelques commentaires.
Je ne serais pas en faveur d'une réduction des cotisations. J'aimerais peut-être voir une augmentation des prestations. Si on réduit les cotisations aujourd'hui, vu les aléas du cycle des affaires, il est tout à fait possible qu'il y ait des besoins à combler à l'avenir. Il est beaucoup plus difficile d'augmenter la cotisation que de la laisser telle quelle et de l'utiliser autrement. Disons qu'on réduit la cotisation à cause du surplus, et que ce surplus n'est qu'une petite exception à la règle, en termes du cycle général. On va rendre un mauvais service aux ouvriers canadiens si à l'avenir on dit: désolé, on a un déficit, il faut augmenter les cotisations, et si l'écart est trop grand pour le combler en augmentant les cotisations. Utilisons-le à bon escient, mais il ne faut pas réduire les cotisations.
Je me demande d'où viennent les données factuelles lorsqu'on parle de l'effet qu'aurait une augmentation d'un point. C'est ce que vous avez dit?
M. Dick Harris: Oui.
Mme Heather Smith: Cette augmentation nous coûterait 40 000 emplois?
M. Dick Harris: Cela vient de Statistique Canada.
Mme Heather Smith: De Statistique Canada?
M. Dick Harris: Oui.
Mme Heather Smith: Quarante mille emplois?
M. Dick Harris: Une augmentation de 1 p. 100 dans les primes d'assurance-emploi mène à la perte de 40 000 emplois. Ce sont des chiffres actuariels qu'on utilise quand on examine les taux d'imposition.
Le président: Qu'est-ce que vous dites, au juste?
M. Dick Harris: Simplement que selon la Commission de l'assurance-emploi et Statistique Canada, une fluctuation de 1 p. 100 des cotisations à l'assurance-emploi représente 40 000 emplois de gagnés ou de perdus. Ce sont des statistiques qui relèvent du domaine public.
Le président: Alors si on réduit le compte de l'assurance-emploi de...
M. Dick Harris: Si on réduit le taux de 1 p. 100, cela pourrait permettre de créer 40 000 emplois dans le...
Le président: Alors à 10 p. 100, cela créerait 400 000 emplois.
M. Dick Harris: Une baisse de 1 p. 100, c'est-à-dire de 2.5 p. 100 à 1.5 p. 100 ou 3.5 p. 100 à 2.5 p. 100...
Le président: Alors vous dites qu'une baisse de 10 p. 100 des cotisations à l'assurance-emploi créerait 400 000 emplois.
M. Dick Harris: Non, nous ne prélevons pas 10 p. 100 sur les salaires; je parle du taux de cotisation des employeurs, payé en fonction des salaires.
M. Tony Valeri: Essentiellement, vous dites qu'une baisse de 1 p. 100 dans la cotisation créerait 40 000 emplois.
M. Dick Harris: Non. Je dis que si le taux de cotisation est de 2.4 p. 100 de votre revenu, si on le ramenait à 1.4 p. 100, on pourrait créer 40 000 emplois.
M. Tony Valeri: Ce n'est pas exactement 1 p. 100; c'est presque 50 p. 100. On aurait du mal à dire que c'est une baisse de 1 p. 100. Si vous réduisez une charge sociale de 2.4 p. 100 du revenu à 1.4 p. 100—1.2 p. 100, cela représente une diminution de 50 p. 100—vous êtes un peu au-dessus de 50 p. 100, alors il faudrait une réduction de la cotisation d'entre 40 p. 100 et 45 p. 100 pour créer les 40 000 emplois.
M. Dick Harris: Vous comprenez évidemment que je parlais du taux qu'on utilise pour calculer les charges sociales.
M. Tony Valeri: Non, je n'avais pas compris.
M. Dick Harris: Avec vos chiffres, ce serait une réduction de 45 p. 100.
M. Tony Valeri: Pour la gouverne des témoins, si vous dites qu'une baisse de 40 p. 100 à 50 p. 100 des charges sociales pourrait permettre la création de 40 000 emplois, je pense que tous en conviendraient. Mais je crois que ce que les témoins ont compris—et dites-moi si j'ai tort, c'était qu'une baisse de 1 p. 100 créerait 40 000 emplois. C'est ce qu'ils ont compris, je crois.
M. Dick Harris: OK. Eh bien, je pense que tout le monde a compris ce que je disais.
Le président: Si c'était le cas, l'une des recommandations de ce comité serait de diminuer le taux de 10 p. 100 et on créerait 400 000 emplois.
M. Dick Harris: Je pense que mes collègues du gouvernement savaient exactement ce que je disais, mais je vais m'abstenir de faire de la politique ici.
Une voix: Ce n'était pas à nous que vous vous adressiez; c'était à eux.
M. Tony Valeri: Monsieur Harris, je n'avais pas compris ce que vous disiez. Je ne veux pas trop m'y attarder, mais j'ai cru que les témoins avaient compris qu'il s'agissait d'une réduction de 1 p. 100. C'est pour cela que je suis intervenu.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je pense que ce groupe est excellent, surtout à la lumière de ce à quoi nous sommes confrontés. Une des choses qui me frappe et qui m'enthousiasme, c'est que le mot «responsabilité» commence à faire partie des négociations qu'entretiennent sur l'union sociale le fédéral et les provinces, et on devra commencer à voir comment cela pourrait vraiment se réaliser.
La Loi sur la santé a des limites inhérentes parce qu'elle a été rédigée à une époque où les gens restaient à l'hôpital pendant tout le temps où ils étaient malades et ils n'avaient pas à payer pour des médicaments chers. Ils restaient à l'hôpital pendant toute la période de réhabilitation quand ils se cassaient un os, et alors la question des soins à domicile ne se posait même pas. Quand on préparera le prochain budget, et peut-être le budget suivant, on devra calculer exactement ce qui est mesurable en termes de responsabilité, parce que la Loi sur la santé ne s'applique plus de la même manière.
En nous penchant sur d'autres domaines quantifiables, que ce soit l'instruction postsecondaire ou les normes régissant l'aide aux étudiants et le transfert des acquis scolaires, ou les frais de scolarité—comme le disait le Dr Grills—ou l'aptitude d'apprentissage chez les enfants pauvres, je pense qu'il y a un grand désir maintenant de mesurer ces choses-là et de déterminer comment nous, en tant que gouvernement fédéral, pouvons envisager ces choses de façon telle que l'argent qu'on donne aux provinces ne sera pas utilisé pour réduire les impôts, surtout dans cette province et la mienne.
J'aimerais que vous nous aidiez à déterminer les choses qui selon vous pourraient se mesurer. Comment allouer les crédits dans ces domaines de manière à restaurer la confiance des Canadiens dans leur système d'éducation et de soins de santé pour l'avenir?
Au sujet de la présentation de la CAFA, c'est l'augmentation des frais de scolarité qui a créé certains des problèmes que connaissent vos programmes travail-études. Certains étudiants auraient moins de difficultés si les frais de scolarité étaient moins élevés. Et que faire des universités qui attirent le plus grand nombre possible d'étudiants américains et qui refusent des Canadiens, qui préparent, à coup de subventions, des brochures fantaisistes à McGill, par exemple, qui attirent le plus grand nombre possible d'Américains afin d'équilibrer leur budget? Est-ce qu'on va permettre cela? Est-ce un domaine où le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire?
• 1325
Comment va-t-on commencer à mesurer et à tenir les provinces
responsables pour l'argent qu'on leur donne? Là je parle des soins
de santé, de la pauvreté, de l'aptitude à apprendre, et de
l'éducation postsecondaire. Quelqu'un veut-il répondre?
Mme Elisabeth Ballermann: En ce qui concerne les soins de santé, le financement a été réduit, et les responsables de la santé font face à des déficits sur le plan régional. Ils sont tentés d'attirer des clients des États-Unis qui payeront des sommes énormes pour des chirurgies du dos, de la hanche, ou quoi que ce soit d'autre, ce qui leur permettra d'atténuer leur déficit.
Comme vous le savez sans doute, dans cette province la question des soins hospitaliers privés, à but lucratif, est un problème d'envergure. Si une telle initiative était permise et encouragée, on pense que les Canadiens sur les listes d'attente pour les interventions chirurgicales moins pressantes... Franchement, j'ai de la difficulté avec le terme «elective», en anglais, parce qu'il laisse supposer que je choisis d'avoir telle ou telle intervention. C'est une chirurgie qui est nécessaire sur le plan médical, mais je ne mourrai pas demain si je ne l'ai pas tout de suite. Alors les listes de ceux qui attendent des services essentiels sur le plan médical sont déjà longues, et on envisagerait l'idée d'admettre des Américains quand on manque déjà de lits. Oui, ils vont payer plus. Mais vont-ils augmenter la capacité? C'est ça la question, et c'est une question très difficile.
Il est clair que le gouvernement fédéral doit pouvoir préciser quel montant sera alloué directement aux soins de santé, quelles sommes seront affectées au programme de soins à domicile et au programme de remboursement des médicaments, si c'est ainsi que les choses se passent. Nous allons vous surveiller de très près, comme nous l'avons déjà fait dans le cas de la surfacturation, et si nous constatons que c'est simplement une façon de financer les réductions d'impôt, vous allez devoir subir de nouvelles réductions.
C'est une question très difficile. Je ne prétends pas avoir les réponses, mais je suis sûr qu'il serait possible d'établir des conditions relatives à l'utilisation de ces crédits.
Mme Carolyn Bennett: Si le gouvernement décrète tout d'un coup que les soins à domicile seront remboursés, et c'est déjà le cas au Manitoba, chaque province aurait son propre régime plus ou moins généreux pour le remboursement des médicaments et demanderait des sommes du fédéral en conséquence. Aucun de ces régimes n'est parfait. C'est un message qu'on nous a clairement transmis à la conférence sur les soins à domicile, le remboursement des médicaments et l'informatique. Manifestement, les provinces ne sont pas égales et si on déménage d'une province à l'autre, on n'est pas sûr de pouvoir obtenir des soins à domicile ou bien le remboursement des médicaments.
Le gouvernement fédéral pourrait-il décider que toutes les provinces doivent offrir un programme de soins à domicile du même calibre que celui du Québec, établissant ainsi une norme nationale? D'abord, il faut comprendre que quand un ONG ou bien un service régional de santé commence à mesurer l'incidence des listes d'attente cela exige de l'argent. L'argent qui pourrait être consacré aux malades est utilisé pour faire ce genre de travail. Le gouvernement fédéral devrait-il payer les coûts d'infrastructure et d'informatique reliés à ce genre de calcul pour que les provinces soient obligées de rendre compte de toutes les listes d'attente, sans faire intervenir la politique?
Il nous faut des données précises, à partir du moment où le patient éprouve des douleurs dans la poitrine et non pas quand il a déjà dû subir un cathétérisme, moment à partir duquel on établit actuellement les listes de cardiaques. Le gouvernement fédéral a accordé 2,2 millions de dollars aux quatre provinces de l'Ouest pour financer un projet d'établissement de listes d'attente des patients cardiaques, mais c'est un travail qui va coûter très cher si on veut le faire comme il le faut.
J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne.
Le président: Madame Alm.
Mme Teresa Alm: Pour changer un peu de sujet, concernant les prêts aux étudiants, sujet que vous avez soulevé dans votre première question, c'est effectivement une question qui a été suivie par le gouvernement fédéral et on peut obtenir des données précises. Il y a de nombreux étudiants qui sont effectivement dans le besoin.
On nous a parlé aujourd'hui de la pauvreté des enfants et il faut comprendre que ces enfants ont des parents. Si les parents veulent surmonter les obstacles devant eux, ils doivent faire quelque chose. L'information et l'éducation leur offrent des possibilités mais ils ont besoin d'aide pour financer leurs études universitaires, collégiales ou techniques. Nous devons leur offrir des possibilités.
Ce sont des personnes intelligentes qui comprennent que les programmes actuels les obligent à s'endetter beaucoup afin de s'en sortir sans même tenir compte de leurs besoins matériels immédiats comme la nourriture, etc.
Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous que notre façon de mesurer le besoin au Canada est relativement uniforme?
Mme Teresa Alm: Concernant le Programme canadien de prêts aux étudiants, il s'agit certainement de quelque chose d'uniforme à l'exception de la province et du territoire qui n'y participent pas. Il s'agit essentiellement d'un modèle appliqué de façon uniforme. Les provinces y participent également et certaines offrent davantage de subventions que d'autres, mais la base elle-même, c'est-à-dire le Programme canadien de prêts aux étudiants, est uniforme.
Mme Carolyn Bennett: Est-ce que cela tient compte de la grande disparité entre les frais de scolarité d'une province à l'autre?
Mme Teresa Alm: Y est-il effectivement une grande disparité d'une province à l'autre? Ne devrait-on pas exclure le Québec?
Mme Carolyn Bennett: En Ontario, les frais viennent d'augmenter de façon importante, et les écoles de médecine demandent des sommes énormes.
Mme Charlotte French: Les frais sont plus élevés pour certains programmes, ce qui a été permis pour différentes raisons, mais la plupart des étudiants que nous voyons...
Mme Carolyn Bennett: Les mots «a été permis» retiennent mon attention. Est-ce que le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire sur cette question? Avons-nous permis ces augmentations et devrions-nous le faire?
Mme Charlotte French: Dans une certaine mesure, c'est vous qui l'avez permis. Cependant, dans le cas de la plupart des étudiants que nous voyons, ce ne sont pas spécifiquement les frais de scolarité qui les touchent. Il y a aussi le coût de la vie. Il s'agit de personnes qui quittent un emploi afin de se recycler. Elles viennent de familles qui ne peuvent pas les soutenir financièrement. Elles sont de familles monoparentales, ce qui veut dire que dès que l'étudiant a 18 ou 19 ans, il n'y a plus de pension alimentaire; il n'y a plus d'autres sources de revenu. Ces personnes n'ont donc pas d'autres moyens de couvrir leurs frais de subsistance. Elles ne peuvent même plus vivre avec leur famille. Si les frais de scolarité constituent une partie du problème, ce sont les frais de subsistance qui posent en fait la plus grande difficulté.
Le président: Madame Bennett, ces remarques ont inspiré d'autres à vouloir participer au débat. Monsieur Johnston, monsieur Grills, et madame Smith, dans l'ordre, s'il vous plaît.
M. Tim Johnston: La question de Mme Bennett nous fait effectivement réfléchir sur ce que nous savons à propos de la structure du Canada et de la façon dont les choses fonctionnent. Vous avez posé une question très difficile, surtout en ce qui concerne les mesures nationales en rapport avec les normes dans le domaine de l'éducation.
La santé a peut-être un petit avantage, puisqu'il y a à Ottawa un ministre de la Santé. Or, il n'y a pas de ministre fédéral de l'Éducation, ce qui fait que les circonstances dans le domaine de l'éducation sont quelque peut différentes.
Si vous examinez les types de mesures—les mesures en usage, le TIMSS et les autres outils d'évaluation du rendement scolaire—les provinces ont tendance à analyser les résultats et à dire «Nos résultats sont un peu plus élevés que les vôtres cette fois-ci», et ainsi de suite. On cherche toujours à s'améliorer.
• 1335
En ce qui concerne les ressources financières qui reviennent
aux provinces en vertu des paiements de transfert pour l'éducation
et les montants consacrés à l'éducation primaire, secondaire, etc.,
j'avoue que je ne sais tout simplement pas comment cela fonctionne.
Mais je présume que ce n'est pas la même chose. On n'a pas les
mêmes balises qu'avec les programmes nationaux ou ceux qui relèvent
d'un ministère. La question est donc plus difficile.
J'imagine que le Conseil des ministres de l'éducation joue ce rôle dans une certaine mesure, lorsque les ministres provinciaux de l'éducation se rencontrent pour examiner les normes et les résultats. Cela peut nous donner les éléments d'un portrait national. Il y a aussi les réunions d'organismes d'enseignants, comme le mien, par exemple, qui ont lieu à travers le pays, pour faire le point sur le développement professionnel et les réalisations des élèves.
Il reste que votre question n'a pas de réponse facile. Comment pouvons-nous réaliser nos objectifs et comment pouvons-nous faire un lien en quelque sorte entre le soutien financier, peu importe le mécanisme, offert à un gouvernement provincial comme le nôtre qui, au fond, ne veut pas se faire dire ce qu'il devrait faire?
Mme Carolyn Bennett: Le programme d'action communautaire pour les enfants a eu du succès: il est parrainé par le ministère de la Santé. Ce programme vise le développement communautaire. La pauvreté peut être considérée comme étant un déterminant social de la santé, et cette initiative a servi à établir des programmes à travers le pays qui sont axés sur les enfants. Je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup de disputes concernant l'utilisation de ces fonds. Les responsables semblent avoir bien accueilli cet argent et l'utilisent à bon escient.
Le programme d'action communautaire a-t-il été mentionné comme étant une réussite lors de vos tables rondes sur la pauvreté?
M. Tim Johnston: Non. Les participants aux tables rondes, monsieur le président, sont des gens bien ordinaires, y compris des gens d'affaires. Un grand nombre de ces participants vivent dans la pauvreté. C'est comme cela que nous organisons ces tables rondes. Les gens n'ont aucune notion de beaucoup de ces choses. Nous ne les connaissons pas, et ce n'est pas le type de questions qu'ils soulèvent. À l'heure actuelle, les tables rondes sur la pauvreté examinent des choses très concrètes que nous pouvons faire dans nos quartiers, tout de suite. Comme vous voyez, il s'agit d'un travail de base. Nous sommes loin de parler de tous les autres types de programmes et de soutiens provinciaux, municipaux ou fédéraux.
Mme Carolyn Bennett: Il me sera très difficile de demander des fonds supplémentaires pour le PACE. Il faut que vous vérifiiez combien vous en avez.
Le président: Madame Bennett, merci.
Monsieur Grills.
M. Scott Grills: J'hésite à devancer l'intervention de l'Association canadienne des professeurs d'université sur cette question, comme je crois comprendre qu'elle va en parler. Mais je ne peux pas ne pas dire un mot sur ce sujet. Il serait tentant de vous dire que nous aimerions que vous fassiez au gouvernement provincial ce qu'il nous a fait, c'est-à-dire imposer un train d'indicateurs de rendement, de mesures, etc., même si le système universitaire en a déjà. Je vais, cependant, résister à cette tentation.
Je dois y résister en raison de l'expérience d'autres pays qui ont adopté cette approche. La Grande-Bretagne, par exemple, a fini par créer une bureaucratie gouvernementale globale, qui dépense quelque 50 millions de livres par année afin de mesurer et d'évaluer le système universitaire. Or, comme vous le dites, cet argent sert à mesurer le système et non pas à le financer.
Mme Carolyn Bennett: Et il n'y a pas de provinces méchantes en Grande-Bretagne.
M. Scott Grills: Je ne réagirai pas à cela non plus. Certaines provinces sont plus méchantes que d'autres.
Le Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire est un exemple de la façon dont le gouvernement fédéral peut cibler de l'argent pour l'éducation post-secondaire; cette initiative a été relativement bien accueillie, malgré les protestations de certaines provinces en ce moment. Un des points positifs du programme, c'est qu'il met en évidence une des qualités fondamentales de l'éducation postsecondaire, et c'est le genre de chose avec lequel les Canadiens sont généralement d'accord. Nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral nous dise tout simplement «Voici, on vous remet les cotisations d'assurance-emploi». Nous voulons être sûrs que l'argent est bien utilisé.
Par conséquent, le gouvernement fédéral trouvera peut-être bien qu'il est productif d'accorder des subventions de contrepartie dans les secteurs qui m'intéressent. Il pourrait déterminer que les clauses interdisant aux provinces d'adopter une approche de privatisation sont très utiles à la préservation de l'accès public à l'éducation postsecondaire au Canada. Il s'avérera peut-être très pratique d'envisager des seuils de remise de la dette étudiante et d'exiger une collaboration provinciale et une mobilité interprovinciale en retour des montants fournis. Ce serait sans doute préférable à la création d'une bureaucratie gouvernementale supplémentaire qui, à mon avis, servirait tout simplement à mesurer un système qui est déjà très efficace.
• 1340
L'expérience en Alberta, où on a mesuré sans cesse le
rendement scolaire, démontre que les étudiants sont très satisfaits
de l'éducation postsecondaire, et que les seuls écarts réels et
significatifs qu'on peut nous reprocher relatifs au financement ont
trait aux inscriptions.
Le président: Merci, monsieur Grills.
Vous avez une dernière remarque pour le panel, madame Smith.
Mme Heather Smith: Un point concernant l'obligation de rendre des comptes dans le domaine de la santé. Je suis d'accord avec un autre membre du panel qui a proposé que les choses pourraient être un peu plus faciles dans le domaine de la santé, puisque, à mon sens, nous parlons en fait du besoin des gouvernements de pouvoir rendre des comptes: voici l'argent que nous avons reçu; voici les dépenses que nous avons faites. À l'heure actuelle dans cette province, il est difficile de faire les calculs même sur une base régionale. La décentralisation du système de santé et les mécanismes de communication qui en ont résulté font que nous avons en fait moins d'information sur la santé maintenant qu'il y a quatre ans. Je crois, cependant, qu'il est possible de réétablir, si la volonté politique existe pour le faire, des exigences au niveau provincial en ce qui concerne les mécanismes de communication et l'obligation de la part des autorités régionales de rendre des comptes.
Le problème dans le domaine de la santé, bien sûr, découle en partie du fait que les résultats ne sont pas mesurables. Si vous consacrez de l'argent à la promotion et à la prévention, les bienfaits de ces investissements ne seront pas évidents avant 20 ans. Comment savoir, ou comment quantifier, que l'argent alloué aux soins intensifs ou au contrôle de l'infection aux soins intensifs n'a pas provoqué d'autres risques, des maladies, et la transmission de maladies? Il n'y a donc pas de correspondance exacte.
On ne devrait pas penser en terme d'une liste détaillée de services. Nous n'appuyons pas cette idée. En ce qui concerne les soins à domicile appropriés, je suis d'avis qu'il y a suffisamment d'expertise dans ce domaine à travers le pays. Je préconiserais un appui interne plus fort au sein du ministère fédéral de la Santé, mais je crois que nous possédons l'expertise. Je pense que nous pourrions dire «Voici un bon exemple; commençons ici. Évaluons l'efficacité du système à répondre aux besoins. Quelles sont les lacunes qui persistent?» Nous pourrions faire cela dans l'intention d'améliorer le système, plutôt que de dire «Voici notre approche. C'est coulé dans le béton; c'est tout ce que nous allons couvrir. Point final.»
C'est le problème fondamental qui découle de la Loi canadienne sur la santé: la loi devait régir les soins hospitaliers et médicaux, et ensuite est venue la dévolution, avec laquelle certaines provinces ont essayé de composer. D'autres provinces ont tout simplement dit, noir sur blanc, tel ou tel service n'est pas couvert; ce n'est pas notre responsabilité. Ça se fait comme ça.
Le président: Madame Smith, madame Bennett, merci.
Au nom du comité, je voudrais vous remercier sincèrement.
Comme vous l'avez sans doute remarqué, ce comité a beaucoup de pain sur la planche. Pendant notre tournée du pays, il y a des gens qui disent qu'il faut réduire la dette nationale, d'autres qui disent qu'il faut réduire les cotisations d'assurance-emploi et augmenter les prestations, d'autres qui veulent des investissements dans les soins de santé, dans la recherche et le développement, et dans l'aide aux étudiants, ce qui est une question importante. Il y a beaucoup de témoins, et nous devons répondre à toutes ces attentes—au moins pour cette année, si on en croit les pronostiqueurs privés—avec 5 à 7 milliards de dollars. Nous savons que 3 milliards de dollars sont réservés à la réduction de la dette, par l'intermédiaire du fonds de réserve pour éventualités, et d'aucuns préconisent que le gouvernement retourne 5 milliards de dollars d'assurance-emploi aux cotisants. Trois plus cinq égale huit, et vous comprenez donc ce que je veux dire.
Il y a une chose qui est claire pour nous, cependant, et c'est que tous les témoins qui ont comparu devant le comité ont vraiment l'intérêt national à coeur. Je crois que vous avez tous comme priorité l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens, que vous parliez des soins de santé, des étudiants, ou de la recherche et du développement. Vous parlez avec beaucoup d'émotion et de passion parce que vous comprenez que bâtir un pays ne se fait pas sans défis, sans choix et sans compromis.
• 1345
J'aimerais vous dire quelque chose. Nous allons partir de
Calgary cet après-midi, mais nous allons retourner à Ottawa avec un
message très clair. Les Canadiens veulent que nous mettions
l'accent non seulement sur l'immédiat mais aussi sur l'avenir, et
un des défis que le ministre Martin doit relever dans le prochain
budget est de donner aux Canadiens un sens de l'avenir et de la
voie que nous allons suivre, de donner des balises.
Pour ceux qui sont préoccupés par l'état des soins de santé et de l'avenir de notre système de santé, pour ceux qui s'inquiètent de notre capacité de faire concurrence, pour ceux qui s'inquiètent de l'exode des cerveaux, nous avons besoin de savoir vers où nous nous dirigeons, et nous espérons avoir des réponses à nos questions. Après tout, le leadership, c'est au fond la capacité de dresser un portrait de l'avenir. Qu'il s'agisse d'un discours du budget ou d'un discours du trône, le gouvernement a la responsabilité d'amener les Canadiens à concevoir leur avenir. C'est seulement à ce moment-là que les Canadiens vont s'unir au gouvernement pour s'assurer que les défis sont relevés et que les choix sont faits dans le meilleur intérêt des Canadiens.
J'ai fait ces remarques parce que je voulais vous assurer que nous prenons votre intervention très au sérieux. Elle touche une valeur canadienne inhérente, pour laquelle nous sommes prêts à risquer les avantages de notre citoyenneté commune. Et cela touche directement l'objectif de cet exercice.
Merci beaucoup de votre contribution.
Nous ferons une petite pause de deux ou trois minutes, et puis nous recevrons la Chambre de commerce de Calgary.
Le président: Je déclare la séance ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Chambre de commerce de Calgary: M. G. McKenzie, M. S. Ballard, et M. Huddlestone.
Comme vous savez, nous traversons le Canada pour consulter la population au sujet des priorités qu'il faut établir pour le prochain budget fédéral. Nous avons donc hâte d'entendre votre point de vue. La Chambre nous a toujours donné des informations utiles, et a toujours tenté de nous mettre sur la bonne voie.
C'est vous qui allez intervenir, monsieur McKenzie?
M. George McKenzie (président, Comité des affaires économiques et fiscales, Chambre de commerce de Calgary): Oui, ce sera moi.
Le président: Merci.
M. George McKenzie: Vous avez déjà rencontré mes confrères, M. Huddlestone et M. Ballard, donc je ne les présenterai pas une deuxième fois pour l'ordre du jour. Quant à moi, je veux qu'une chose soit claire: je ne suis pas économiste. Je suis un avocat, donc mes remarques seront assez générales. Mais j'espère qu'elles représentent la position de la Chambre.
Madame Pheiffer, notre présidente, n'a malheureusement pas pu être présente ici aujourd'hui. Elle vous transmet ses excuses. Elle aurait voulu venir, mais avait malheureusement un empêchement.
Nous n'avons pas de mémoire en tant que tel, mais nous avons distribué des copies d'une résolution adoptée par la Chambre de commerce du Canada. Cette résolution a été rédigée par la Chambre de commerce de Calgary, et adoptée à la réunion annuelle de la Chambre en septembre, il y a quelques semaines. La résolution traite de la faiblesse du dollar canadien, et énonce les questions qui doivent être réglées pour renforcer le dollar, d'après la Chambre de commerce de Calgary et la Chambre de commerce du Canada.
Cette résolution traite de la faiblesse du dollar canadien: elle indique que cette faiblesse est évidemment le reflet de l'économie du Canada. D'après nous, au niveau international, la dette élevée et les impôts élevés au Canada sont reconnus comme étant des faiblesses dans la structure fondamentale de l'économie du Canada. Aussitôt qu'il y a des difficultés, le dollar canadien chute.
Dans la résolution, on indique que le dollar canadien est à la baisse depuis à peu près 25 ans. Notre niveau de vie va donc en souffrir, et en souffre déjà depuis assez longtemps. Nous considérons que le seul moyen d'améliorer réellement la situation et d'améliorer notre position serait d'attaquer la dette et de réduire les impôts suffisamment pour rendre le pays plus attrayant.
Vous avez dit auparavant que beaucoup de groupes comparaissant devant ce comité mettaient l'accent sur l'allégement de la dette, et d'autres mesures semblables. Mais comment peut-on y arriver? Malheureusement, comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas économiste, mais je parle pour la Chambre, je parle pour les gens qui sont confrontés à ces problèmes quotidiennement.
• 1400
La Chambre de commerce de Calgary représente à peu près
2 600 entreprises et comprend 4 500 membres. Parmi les chambres de
commerce canadiennes, nous sommes la deuxième en importance.
Quatre-vingt à 85 p. 100 de nos membres sont des petites
entreprises. Plus de la moitié de nos membres n'ont qu'un à cinq
employés. Alors voilà la perspective que nous apportons à la table.
Nous ne sommes pas ici pour représenter les grandes entreprises,
mais pour représenter les petites entreprises et les entrepreneurs
qui luttent de jour en jour. Comme le comité le sait très bien
d'ailleurs, la plupart des emplois au Canada sont créés par les
petites entreprises. Les petites entreprises sont les moteurs de
l'économie.
En notre qualité de représentants des petits entrepreneurs, nous tenons aujourd'hui à exprimer au comité notre préoccupation face à l'approche qu'on a prise dans le dernier budget en ce qui concerne la réduction de la dette, notre Chambre s'inquiétant du manque de résolution de la part du ministre des Finances face à la réduction de la dette. Je sais qu'on a surtout parler de réduction de la dette.
Apparemment, le gouvernement aurait réglé le problème des déficits annuels. Nous n'en sommes pas convaincus; pour nous, on a surtout fait illusion, et en fait—et personne ne me corrigera ici—les projections sont telles que, sans le fonds qu'on prétend avoir créé pour les vaches maigres et sans l'application d'une partie de l'excédent de l'assurance-emploi au budget de cette année, il y aurait encore un déficit cette année. Mais on semble aujourd'hui disposés à accepter cela, et nous nous retrouvons dans une position où l'on parle exclusivement de réduire la dette. Mais nous ne pourrons réduire cette dette que si les projections qu'on a faites se réalisent et si l'économie continue de croître au point où le rapport entre la dette et le PIB descend à un niveau acceptable. La Chambre estime que cette approche au problème n'est pas acceptable.
Certains nous rappellent l'approche qu'on a prise au début des années 80. Le comité ne sera peut-être pas heureux qu'on le lui rappelle, mais en 1980, le ministre des Finances, prévoyant que le prix du baril du pétrole allait grimper à 60 $, a mis de l'avant le Programme d'énergie nationale et l'IRP. À ce moment-là, ce programme, se fondant sur les projections qu'on avait faites, devait non seulement financer tous les nouveaux programmes sociaux, mais même éliminer la dette. Mais toutes ces projections reposaient sur le baril de pétrole à 60 $.
Nous pensons que cette approche d'hier présente un certain lien de parenté avec les projections optimistes du ministre des Finances, qui nous dit que la croissance économique va nous permettre, non pas de réduire la dette, mais simplement de réduire le rapport entre la dette et le PIB. Nous jugeons que, dans les circonstances actuelles, cette approche est tout simplement insatisfaisante. On ne peut pas se fier à des prévisions pareilles. Il faut au contraire tâcher de prévoir le pire.
Il est évident qu'il faut prévoir le pire quand on sait ce qui s'est passé au cours des huit ou neuf derniers mois, depuis le dernier budget. Il suffit de très peu de choses pour transformer ce qu'on croyait être une économie très forte et vigoureuse en une économie qui a bien raison de craindre la récession et tout ce que cela suppose. À notre avis, il faut être très prudent devant ces projections car l'histoire nous a prouvé à maintes reprises que ces projections sont très souvent infondées.
Essentiellement, nous croyons que la dette et les impôts sont trop élevés. On ne peut effacer la dette en créant simplement ce que vous avez appelé, je crois, la réserve pour éventualités diverses, le fond pour les jours pluvieux, comme on l'appelle, ce fond de 3 milliards de dollars, et dire qu'on s'en servira pour payer une partie de la dette si on n'en a pas besoin pour équilibrer le budget. Apparemment, cette année, vous aurez besoin de cela pour équilibrer le budget. N'est-ce pas?
M. Sean Ballard (analyste, Politique et planification, Chambre de commerce de Calgary): Je pense qu'on s'en servira pour créer l'excédent de quelque 7 milliards de dollars.
M. George McKenzie: Donc on s'en servira pour payer la dette. Le pays se pose aussi toute la question de l'excédent de la caisse de l'assurance emploi. Cela me semble être une question très politique. Je sais que le ministre des Finances est de toute évidence un politicien et que des calculs politiques vont entrer en ligne de compte. C'est une question compliquée. Il faut trouver plus d'argent.
• 1405
Nous pensons qu'il faut aussi structurer l'économie.
Essentiellement, nous pensons que si l'on peut réduire la dette, on
pourra réduire le coût du service de la dette, et si l'on réduit le
coût du service de la dette, on aura alors les fonds voulus pour
créer ces programmes et combler les besoins qui existent. Si nous
nous trouvons dans la situation où nous sommes aujourd'hui, et si
nous sommes incapables de combler les besoins qui existent, c'est
parce qu'il en coûte très cher pour le service de la dette. C'est
ainsi que nous voyons le problème. Tant que nous n'aurons pas
maîtrisé la dette et réduit le coût du service de cette dette, nous
ne serons jamais en mesure, si vous voulez, de contrôler notre
propre destin et notre propre économie.
J'aimerais que le comité se reporte à la page 2 de notre résolution, où vous trouverez les recommandations qui ont été adoptées par la Chambre de commerce du Canada. Encore là, elles sont assez générales, mais il faut que l'on y donne suite. Nous sommes d'accord avec ceux qui ont dit plus tôt qu'il ne faut pas y avoir à court terme mais plutôt à long terme. La dette ne disparaîtra pas du jour au lendemain, mais à long terme, il faut s'employer à l'éponger. C'est ce qui vous donnera la souplesse voulue pour abaisser les impôts et augmenter la productivité. Les charges sociales, l'assurance-emploi, le RPC, toutes ces mesures nuisent à notre avis à la création d'emplois, qui est le véritable moteur qui permettra à notre économie d'avancer vers l'avenir.
Le président: Merci, monsieur McKenzie.
Monsieur Harris.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président et bienvenue aux témoins. Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui.
Monsieur McKenzie, j'aime bien la façon dont vous avez défini le contexte de notre dette. Il est facile de perdre de vue le poids énorme de cette dette si l'on se contente de la considérer encore du point de vue du rapport entre dette et PIB. Le fait est que notre PIB est de 800 milliards de dollars et que notre dette est de 400 milliards de dollars, et l'on peut dire que ce ratio est donc de 50 p. 100. Nous serions des héros si nous arrivions à réduire ce ratio à 40 p. 100 en augmentant notre PIB à 1 trillion de dollars. Mais le fait est que nous avons encore une dette de 400 milliards de dollars, et que le coût du service de la dette nous met dans une position financière terrible. Ce qui est encore pire, c'est que si jamais il y a une baisse dans notre PIB—disons qu'il baisse à 700 milliards de dollars, ce montant connaîtrait une hausse dramatique même si notre dette demeurait la même. Voilà pourquoi j'aime bien la façon dont vous avez défini le problème, et vous avez raison de dire que la réduction de la dette en termes absolus doit être une priorité pour le gouvernement. On peut même comparer cela au revenu d'un ménage. Un ménage peut dire que son hypothèque est tout à fait gérable étant donné le revenu qu'il touche aujourd'hui, mais s'il y a une baisse dans ce revenu et une interruption dans les mouvements de trésorerie, l'hypothèque devient alors un fardeau plus lourd pour le ménage.
Je vous remercie également d'avoir signalé le fait que nous n'avons pas vraiment un budget équilibré si l'on considère qu'il a fallu utiliser l'excédent de l'assurance-emploi et faire des emprunts à l'interne pour obtenir ce budget équilibré dont M. Martin est si fier. Vous dites que tous les excédents véritables que nous réalisons devraient servir à réduire la dette et les impôts, et ce, en termes absolus. Je sais bien que ce n'est là qu'une observation, mais j'aimerais vous entendre de nouveau afin que vous éclairiez mes collègues.
M. George McKenzie: Permettez-moi de reprendre l'analogie que vous faisiez avec l'hypothèque sur une maison. Je vous dirai, à titre personnel, que je n'ai pas pu économiser pour ma retraite ou quoi que ce soit d'autre avant d'avoir remboursé mon hypothèque. Tant qu'on n'a pas payé ses dettes, on n'est pas en mesure de contrôler son propre destin. Voilà pourquoi cette analogie me plaît beaucoup.
• 1410
Cela dit, je sais qu'un certain niveau d'endettement est
acceptable. Nous ne disons nullement qu'il faut réduire cette dette
à zéro. Mais nous croyons que si le gouvernement veut la souplesse
qu'il lui faut pour mettre en oeuvre ses programmes, il ne dispose
pas encore de cette souplesse car il n'a pas réglé ce problème
fondamental qui est la dette, à quoi s'ajoute le fait que les
impôts sont trop élevés, et c'est vraiment à cause de cela qu'on a
une telle dette aujourd'hui.
Donc, oui, nous tenons vraiment à ce que le montant absolu de la dette soit réduit.
M. Dick Harris: Très franchement, monsieur le président, j'aime bien ce mémoire. Je suis tout à fait d'accord avec les recommandations que ce groupe nous propose. Je n'ai pas d'autres questions, mais je tiens à remercier ces personnes et à leur donner l'assurance que je ferai de mon mieux pour que leurs recommandations se retrouvent quelque part dans notre rapport.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Simplement à des fins d'éclaircissement, j'aimerais savoir quelle est la position de la Chambre de commerce au sujet de l'assurance-emploi?
M. George McKenzie: Nous avons publié à ce sujet un communiqué de presse le 1er septembre 1998. Nous réclamons des changements au système. Les entreprises et les employeurs du Canada méritent une réduction supplémentaire de 40c. de leurs cotisations. Nous voulons que l'excédent de l'assurance-emploi serve aux fins pour lesquelles on perçoit ces cotisations, à savoir pour le programme de l'assurance-emploi, et que l'excédent serve à réduire les cotisations. Les cotisations à l'assurance-emploi sont une charge sociale, et nous pensons que les charges sociales nuisent à la création d'emplois.
Donc, pour ce qui est de l'assurance-emploi, la Chambre réclame une réduction des cotisations.
Le président: Accepteriez-vous que la réduction des cotisations nous remette dans une situation déficitaire?
M. George McKenzie: Je ne connais pas la réponse à cette question. Si cela devait nous ramener dans une position déficitaire? Non, pas ça.
Le président: Vous venez de dire que ces trois milliards de dollars devraient servir à réduire la dette. Si je vous comprends bien, vous voulez qu'on prenne plus d'argent pour réduire la dette. Est-ce exact?
M. George McKenzie: C'est exact.
Le président: Donc si nous n'avons qu'un surplus de sept milliards de dollars, disons—entre cinq et huit milliards de dollars, M. Valeri nous a fourni ces chiffres—du secteur privé, alors j'imagine...
M. George McKenzie: Que l'on coupe les programmes.
Le président: Oui. À 40c., combien cela coûterait-il?
M. George McKenzie: Ce n'est que 273 $ pour un salaire de 32 500 $.
Le président: Combien en coûterait-il au Trésor public?
M. Tony Valeri: Environ 2,7 milliards de dollars. Ce n'est qu'un calcul rapide. Pour chaque 5c., il en coûte 350 millions de dollars.
Le président: Vous auriez donc trois milliards de dollars qui serviraient à...
D'accord, monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Je n'ai que quelques observations à faire. Je vous remercie de nous avoir communiqué votre mémoire.
Vous avez dit que le ministre des Finances et le gouvernement ne devraient pas compter sur des projections économiques trop optimistes. Pour ma part, je trouve très ironique le fait que, lors des derniers budgets, au moment où l'on pensait que l'économie allait très bien, on a souvent accusé le ministre d'être trop prudent. Comme vous le savez, on lui disait de se montrer plus généreux et de cesser de pécher par excès de prudence car cela handicapait la croissance du PIB. Quand le secteur privé disait que le PIB allait croître, le ministre prévoyait un pourcentage moindre par prudence. Quand les taux d'intérêt étaient censés baisser, le processus budgétaire prévoyait un taux d'intérêt plus élevé à titre de mesure de protection contre un accident économique possible.
Nous savons tous que l'économie mondiale peut évoluer très rapidement. Et voilà la Chambre de commerce qui dit au Comité des finances que le gouvernement ne doit pas s'appuyer sur des projections trop optimistes. Ce reproche me semble incompatible avec les accusations qu'on nous a faites plus tôt.
• 1415
Essentiellement, pour ce qui est de prévoir le pire, c'est
justement le principe qui a animé nos budgets depuis 1993, à savoir
qu'il faut prévoir le pire parce que dans une économie mondiale,
comme la plupart d'entre vous le savez, les marchés changent assez
rapidement et il faut être prudent lorsqu'on avance.
J'ai une question précise à vous poser étant donné l'importance que vous attachez au remboursement de la dette. Il y a quelques mois, la plupart des économistes et des observateurs du marché réclamaient vigoureusement la réduction de la dette. Cela semble avoir changé quelque peu, à tel point que des gens—et l'on songe ici tout de suite à Sherry Cooper—disent aujourd'hui qu'il faut abaisser les impôts parce que l'économie mondiale ralentit et parce que nous voyons notre économie bégayer un peu. Les projections relatives à croissance sont à la baisse. On nous dit d'abaisser les impôts. On nous dit qu'il ne faut pas perdre de vue la réduction de la dette, mais que si l'on ne peut faire qu'une seule chose, il faut réduire les impôts.
Je me demande comment vous conciliez cela, ou si vous avez accordé la moindre réflexion à ce problème.
M. George McKenzie: Je me rappelle ce qu'a dit Mme Cooper à ce sujet. Il n'y a pas de laides amours. Je pense que si on regarde l'économie...
J'ai suivi des cours d'économie à l'université il y a 30 ou 35 ans de cela, et la seule leçon que j'en ai retirée, c'est qu'en temps de vaches grasses, le gouvernement doit faire des compressions et en temps de vaches maigres, il doit dépenser. Et si nous traversons des années de vaches grasses... Je sais que nous avons vécu des années de vaches grasses et que nous avons opéré des compressions importantes, mais si nous vivons encore dans une époque de prospérité, alors... Si j'en crois la Chambre de commerce, le ministre des Finances est aux anges à l'idée d'avoir équilibré le budget, et ce qui nous préoccupe, c'est le fait qu'il ne s'agit que d'une seule étape, même s'il était absolument nécessaire de franchir cette première étape.
Tout le monde a beaucoup souffert. L'Alberta n'a pas été épargnée, comme vous le savez sûrement. Mais ce que nous disons, c'est qu'il faut prévoir le pire, et dans cette planification, il faut prévoir une réduction de la dette ou des réductions d'impôt comme le disent les économistes, et il faut privilégier la mesure qui sera la plus constructive. Et ce qui nous préoccupe, j'imagine, c'est le fait qu'on ne s'attaque pas plus vigoureusement que cela à la réduction de la dette, comme c'était le cas lors du dernier budget.
M. Tony Valeri: Oui. J'imagine que d'après vous, une réserve pour éventualités diverses dont on n'a pas besoin pour équilibrer le budget et qu'on devrait utiliser pour réduire la dette, ce n'est pas suffisant. J'en prends bonne note.
M. George McKenzie: Absolument.
M. Tony Valeri: Cependant quand vous avez un ajustement à apporter en fin d'exercice... L'exercice comptable du gouvernement se termine à la fin mars, et alors, entre avril et août, il faut apporter toute une série d'ajustements de fin d'exercice. Il n'y a essentiellement rien d'autre à faire avec cet argent que de s'en servir pour réduire la dette. Donc, pour nous, il faut non seulement avoir une réserve pour éventualités pour éponger la dette à la condition de pouvoir équilibrer le budget, mais il faut également tenir compte des autres réalités.
Ce que je veux savoir, dans un monde où le compromis est à l'honneur—et le président a parlé d'un excédent d'environ 5 à 7 milliards de dollars que prévoient les économistes du secteur privé—c'est comment vous allez partager ce montant? Vous dites qu'il faut réduire la dette, qu'il faut réduire les impôts, qu'il faut comprimer les dépenses si l'on a besoin de plus d'argent. Le gouvernement dépense le gros de son argent dans trois domaines, à savoir les transferts aux gens, les transferts aux provinces et l'intérêt sur la dette. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'une réduction du montant absolu de la dette nous donnera plus de liberté pour réaffecter les impôts aux priorités canadiennes, mais nous nous trouvons dans une situation où l'économie mondiale pourrait ralentir. Nos ressources sont limitées. Alors qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on réduit seulement la dette? Est-ce aussi simple que cela, on a qu'à réduire la dette et tous les autres problèmes disparaîtront d'eux-mêmes?
La différence entre une situation privée... Écoutez, j'ai une hypothèque, je rembourse mon hypothèque. Je ne ferai pas d'économies tant que je n'aurai pas remboursé mon hypothèque. Un simple particulier n'a pas à s'inquiéter de faire marcher l'économie, alors qu'un gouvernement doit actionner certains leviers et doit essayer de réduire les impôts ou les taux d'intérêt par l'entremise de la Banque du Canada. Le gouvernement doit faire plusieurs choses pour que le train reste sur les rails.
M. George McKenzie: Je ne suis pas économiste, et je ne veux pas m'engager dans un débat avec vous, mais je sais qu'il existe une autre école de pensée qui dit que le gouvernement n'a jamais créé un emploi dans toute son histoire. Les gouvernements ne créent pas des emplois; ce sont les particuliers et les entreprises qui créent des emplois.
M. Tony Valeri: Absolument, mais cela ne se fait que dans un certain climat. Ce sont les gouvernements qui équilibrent les budgets. L'action gouvernementale a une incidence sur les taux d'intérêt et l'inflation. Si vous dites qu'avec une inflation à 4 ou 5 p. 100 et des taux d'intérêt à 10 p. 100, le secteur privé va créer autant d'emplois qu'on en trouve dans le contexte d'aujourd'hui, je vous réponds que vous vous trompez. Je suis parfaitement d'accord avec vous pour dire que le gouvernement ne crée pas d'emplois, que c'est le secteur privé qui les crée, mais le gouvernement a sûrement un rôle à jouer dans la création du contexte où le secteur privé peut agir.
M. George McKenzie: On s'engage alors dans une discussion très théorique sur le degré d'ingérence gouvernementale qui est justifié. Que faut-il ou pas subventionner? Jusqu'où faut-il aller? Évidemment, quand on dispose d'une telle masse d'argent—en principe—on a l'impression de pouvoir influencer l'économie.
Voilà ce que nous en pensons; vous penserez peut-être que ce sont des principes économiques à la Reagan, mais les membres de la Chambre de commerce pensent que si vous mettez cet argent entre les mains des particuliers, ce sont eux qui créeront des emplois et qui feront tourner la machine qui permettra de réduire la dette et les impôts tout en assurant au gouvernement suffisamment de recettes pour exécuter les programmes que nous aurons alors les moyens d'appliquer.
M. Tony Valeri: Par conséquent, en présence de cinq milliards de dollars, vous utiliseriez trois milliards de dollars pour rembourser la dette—il s'agit du Fonds de réserve—et les deux autres milliards seraient distribués, sans vouloir vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, en un mot, vous réduiriez les impôts. Ou encore, nous pourrions utiliser les cinq milliards pour rembourser la dette.
M. George McKenzie: Exactement. Je n'entreprendrai pas de nouveaux programmes dans un avenir immédiat.
M. Tony Valeri: Autrement dit, réduction de la dette et des impôts dans une proportion quelconque.
M. George McKenzie: Oui, cela me semble équitable.
M. Tony Valeri: D'accord, merci.
Le président: Vous avez une question?
Mme Carolyn Bennett: J'aimerais savoir ce que vos membres pensent de l'idée d'introduire de nouvelles dépenses de programmes.
Prenons en particulier la santé. Nous avons une population vieillissante. Nous avons de plus en plus de Canadiens. Les mêmes Canadiens font de moins en moins confiance à leur système de santé. C'est quelque chose de mesurable. Les gens veulent que le gouvernement fasse quelque chose à ce sujet.
Je me demande si vous ne ressentez pas une certaine culpabilité quand vous exprimez le fardeau fiscal dans un graphique comme celui-ci. Je me demande si vous vous rendez compte que les Canadiens n'ont pas à signer un chèque de 10 000 $ par année pour leur assurance-santé. C'est un graphique qui compare des pommes et des oranges à cause des services qui sont compris dans les impôts au Canada.
Si nous attaquons la confiance qu'ont les Canadiens dans leur système de santé, si nous perdons cette confiance, il sera très difficile de résister à un système en deux paliers, qui coûtera à vos membres des sommes énormes sous forme de primes d'assurance, sans compter tout ce qui se produit lorsque les gens exigent un second palier. Une des caractéristiques attrayantes de la création d'emplois dans notre pays, en particulier dans les compagnies qui ont beaucoup d'employés, c'est que le système de santé est considéré comme étant remarquable.
Des gens comme moi craignent que les Canadiens ne perdent confiance dans le système. Il ne faudrait pas oublier que la population est en train de vieillir, que les Canadiens sont plus nombreux et qu'il est nécessaire de dépenser un peu plus d'argent et de ne pas perdre de terrain sur le plan de la recherche et du développement, et en particulier de la technologie de l'information dans le secteur de la santé. Tout cela va coûter de l'argent. Je ne voudrais pas être forcée de dire aux Canadiens dans le prochain budget que tout cela ne nous intéresse pas, que peu nous importe que les listes d'attentes s'allongent, que l'important c'est avant tout de rembourser la dette. Je ne voudrais pas avoir à leur dire qu'il n'y a que deux choses dans le budget: la dette et les impôts.
M. George McKenzie: Je comprends vos arguments. Prenons un autre exemple, celui du fonds du millénaire, du Fonds pour l'éducation, ce serait nier l'évidence que de prétendre que l'éducation des jeunes n'est pas importante. L'avenir, ce sont les jeunes. Leur éducation est très importante, ils doivent pouvoir s'imposer sur le marché.
Si nous en croyons les statistiques, nous sommes en train d'éduquer les jeunes qui quittent ensuite le pays. Nous perdons nos meilleurs éléments et il faut se demander s'il n'y a pas quelque chose dans le système qui provoque cela. Nous avons un régime de santé, c'est une merveilleuse chose, mais peut-être vivons-nous au-delà de nos moyens.
À la Chambre de commerce, nous nous sommes interrogés, nous nous sommes demandés ce que nous allions faire de ce fonds du millénaire, de ce fonds pour l'éducation. Nous nous sommes dit que, oui, ce serait de l'argent bien dépensé si toutefois nous en avions les moyens. Cela dit, nous nous sommes demandés si on n'allait pas créer toute une bureaucratie pour l'administrer. Pourquoi sommes-nous en train de mettre en place un service tout à fait distinct pour administrer ce nouveau fonds pour l'éducation? Cela ne fait qu'augmenter les dépenses. Et c'est la démarche adoptée par le gouvernement avec ce nouveau programme, nous retombons encore une fois dans le même piège. Pourquoi avons-nous besoin de cette administration distincte?
Nous pensons qu'il y a des moyens de créer des programmes plus efficaces. Si vous considérez notre cinquième recommandation, vous voyez qu'il est nécessaire de trouver un juste milieu. Nous disons qu'il faut consacrer toutes les nouvelles dépenses à rétablir les transferts aux provinces au lieu de créer des projets ponctuels ou des programmes tertiaires.
Si vous habitez à Calgary, ou n'importe où en Alberta, vous devez savoir que la semaine dernière on a fait sauter un hôpital. Nous sommes terriblement conscients des coupures qui ont été effectuées dans le système de santé, et nous sommes terriblement conscients des plaintes auxquelles cela a donné lieu. Je sais qu'on parle maintenant de réduire les listes d'attente pour les IRM et ce genre de choses. Il y a des problèmes dans le système, mais les gens s'en tirent. À cause de ces problèmes, tout le monde essaie de s'en tirer. Il y avait un grand titre dans le journal ce matin, quelque chose comme: «Les autorités régionales de santé de Calgary prévoient la perte de 1 000 emplois dans le système de santé». Il y a des problèmes et nous devons...
Mme Carolyn Bennett: Et toutes les administrations régionales de la province seront déficitaires cette année.
M. George McKenzie: Exactement.
Mme Carolyn Bennett: Dans quelle mesure ce type de planification est-il réaliste?
M. George McKenzie: Réaliste, comment?
Mme Carolyn Bennett: Eh bien, avec l'argent qu'on aura donné, ce n'est pas possible. Il est impossible d'exécuter les programmes, et en outre, on met à pied 1 000 personnes dans une province en pleine expansion démographique.
M. George McKenzie: Effectivement, il va falloir s'occuper de cela.
Quant à votre budget, je n'ai pas l'expérience nécessaire pour vous dire ce qui doit servir à quoi, à qui, comment il faut répartir l'argent, mais vous devez être conscients du problème. Vous avez soulevé un des aspects du problème. Pour notre part, nous voyons les choses du point de vue de l'entrepreneur. Nous vous disons que si vous en avez la possibilité, vous ne devez pas créer de nouveaux programmes. Si vous avez de l'argent à dépenser, rétablissez le financement des programmes qui existent déjà, et réfléchissez sérieusement à la possibilité de rembourser la dette.
Mme Carolyn Bennett: Autrement dit, si nous relevions quelque peu le niveau des transferts pour la santé, cela vous suffirait?
M. George McKenzie: Il faut trouver l'argent quelque part. Il faut soit couper les services, soit financer les services qui existent. Je ne suis pas en mesure de vous dire s'il est possible de couper encore plus. Je n'ai pas les connaissances nécessaires. S'il est possible d'éliminer certains services, c'est là que je commencerais. Si ce n'est pas possible, il faut financer les services qui existent.
Le président: Merci, madame Bennett.
Madame Leung.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour cet excellent exposé. Vous avez dit que vous étiez en faveur de l'investissement et qu'il était important d'augmenter la productivité, et cela m'a intéressée. Je suis de Vancouver, en Colombie-Britannique. Pendant plusieurs années, nous avons été en pleine expansion, mais maintenant, nous nous heurtons à toute une série de problèmes, et j'aimerais connaître votre opinion. Comment allons-nous augmenter nos investissements? Nous ne pouvons pas compter uniquement sur les impôts et les taxes. Nous le savons tous. Avez-vous des suggestions pour la Colombie-Britannique? Les prix des produits de base sont très bas actuellement, et il y a des problèmes dans toutes nos industries et dans le secteur des ressources. C'est le sujet que je veux aborder, j'aimerais savoir ce que vous feriez pour encourager les investissements et augmenter la productivité au lieu de compter uniquement sur la réduction des impôts.
M. George McKenzie: Pour revenir à une chose qui a été dite plus tôt, les gouvernements doivent absolument créer une atmosphère qui favorise les investissements.
Pour donner une note politique à la discussion, je crois comprendre qu'en Colombie-Britannique, le problème tient en grande partie à la perception du gouvernement de la Colombie-Britannique. Pour les hommes d'affaires, c'est sauf erreur un énorme problème. Les gens n'investissent pas dans cette province à cause du climat créé par le gouvernement au pouvoir en Colombie-Britannique. Cela dit, je n'ai pas de preuves empiriques pour confirmer cet état de choses.
Dans ce genre de domaines, la rapidité avec laquelle les perceptions deviennent des réalités me renverse toujours. On considérait jusqu'à présent que l'économie du Canada était très forte et très dynamique, mais maintenant, les gens commencent à se poser des questions. Qu'est-ce qui a changé? Vous entendez le président de la Banque du Canada dire que les taux d'intérêt sont faibles, que l'inflation est très basse, que notre infrastructure est très solide. Toutes les banques disent la même chose, et elles ne sont pas les seules. Mais dans la réalité, ce n'est pas vrai. Je ne peux donc pas vous dire en ce qui concerne...
Mme Sophia Leung: Nous savons tous que l'économie mondiale joue un rôle très important et que nous en sommes tous affectés, monsieur McKenzie. C'est probablement une raison très évidente. Mais je pense en particulier aux investissements, et pas seulement aux investissements financiers, mais aux investissements dans le domaine de l'éducation, dans les ressources humaines. Vous avez parlé de l'exode des cerveaux. Tout cela est très important, mais à mon avis, le régime fiscal n'est pas la principale raison.
Nous avons entendu beaucoup d'exposés avant le vôtre, et j'essayais de dire la même chose. Nous devons étudier très sérieusement les paiements de transfert. Nous devons absolument parler des secteurs de la santé et de l'éducation. Je voulais seulement le mentionner. Évidemment, vous insistez seulement sur le remboursement de la dette et la diminution des impôts. Beaucoup d'idées circulent, mais en attendant, que devient notre qualité de vie? C'est quelque chose de très important pour les Canadiens.
M. George McKenzie: La seule chose que je puisse vous répondre, c'est que si l'on considère ce qui s'est produit depuis 25 ans, on voit que la qualité de vie n'a cessé de baisser. Cela nous inquiète, si nous continuons dans la même voie, l'érosion de notre qualité de vie va continuer à tel point que nous deviendrons un pays de troisième ordre. Si nous ne nous attaquons pas aux problèmes très systémiques de notre économie, notre niveau de vie va continuer à baisser par rapport à celui d'autres économies. Ces problèmes systémiques sont la dette et les impôts élevés.
Je sais que nous avons des programmes, mais il va falloir prendre des décisions, il va falloir décider non pas ce que nous voulons pour demain, mais ce que nous voulons pour dans 20 ans. Est-ce que nous voulons être encore assis au tour de cette table à discuter du problème de la dette, ou bien voulons-nous, dans un temps, discuter de la façon de dépenser tout l'argent que nous aurons accumulé parce que nous n'aurons plus à dépenser ces sommes énormes que sont les intérêts de la dette? Voilà la véritable question.
Mme Sophia Leung: Merci.
Le président: Merci, madame Leung.
J'ai une question à poser, mais je vous cède la place, monsieur Harris.
M. Dick Harris: J'ai une ou deux observations à faire. Monsieur McKenzie, ce que votre groupe nous dit, en fait, c'est que nous avons besoin de solutions à long terme, et non pas de solutions à court terme, temporaires et insuffisantes qui feront plaisir aux gens pendant quelques années, par exemple, avant des élections ou quelque chose de ce genre.
M. George McKenzie: Que Dieu nous en garde!
Le président: C'est ainsi que certains considèrent les choses, mais il y en a parmi nous qui voient plus loin que la génération présente.
M. Dick Harris: Soit dit en passant, monsieur McKenzie, lorsque vous répondiez aux questions de Mme Leung, vous avez fait allusion à un des graves problèmes de la Colombie-Britannique. Vous avez dit que le gouvernement devait créer un environnement favorable à l'épanouissement de l'entreprise, un environnement où l'économie pouvait prendre de l'expansion. Vous n'avez mentionné ni Glen Clark ni le gouvernement NPD, mais je n'ai pas la même réticence, et je les mentionne pour qu'on en prenne note. Il est certain que c'est l'un de nos problèmes en Colombie-Britannique. Dans cette province-là, il n'y a rien pour encourager l'esprit d'entreprise.
Vous avez parlé du fonds du millénaire à propos de votre cinquième recommandation, qui porte sur la nécessité de consacrer toute nouvelle dépense au rétablissement des transferts aux provinces et non à des projets ponctuels ou à des programmes tertiaires. À mon avis, c'est une excellente recommandation. En fait, je crois qu'au cours des dernières années 8 milliards de dollars en paiements de transfert, dans les secteurs de la santé et de l'éducation, ont été supprimés à cause de notre situation financière désespérée. Vous nous dites que si nous avons maintenant de véritables excédents, nous devrions commencer à rétablir le financement des programmes qui ont subi de grosses coupures depuis sept, huit ou neuf ans, au lieu de consacrer cet argent à des programmes temporaires d'une efficacité limitée.
M. George McKenzie: C'est exact.
M. Dick Harris: Merci. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Monsieur McKenzie, la plupart des gens qui comparaissent devant notre comité arrivent une liste d'opinions, bien sûr, mais en même temps, il nous apporte souvent une liste de tous les maux dont souffre ce pays, parce qu'en réalité, c'est ce à quoi nous essayons de remédier. Cela dit, on a souvent l'impression que nous ne reconnaissons pas suffisamment nos succès. Je vous dis cela en toute sincérité.
À l'époque de Mulroney, j'occupais les bancs de l'opposition, et il était frustrant de voir le ministre des Finances rater systématiquement son but. À l'époque, quand on entendait le discours sur le budget, il n'y avait qu'une seule certitude à en tirer, le type allait rater son but une fois de plus. Cela ne faisait aucun doute.
Nous sommes très loin aujourd'hui des 42 milliards de dollars. Certains vous diront que cela a été possible grâce au fonds de l'assurance-emploi. En réalité, à l'époque lorsque le fonds était en déficit, cela aggravait déjà la position du gouvernement. L'argument va donc dans les deux sens.
J'aimerais aborder une question très fondamentale. Si on vous demandait de concevoir les conditions économiques parfaites pour la croissance économique, la liste comprendrait probablement les éléments suivants: faible inflation, baisse du chômage, réduction du déficit et/ou de la dette. Ces conditions existent actuellement, et pourtant, nous semblons penser que nous ne nous orientons pas dans la bonne voie. Je me réfère toujours au passé. Pour moi, le chemin parcouru est toujours terriblement important, dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la vie, de la politique ou des budgets. Vous devez savoir d'où vous venez pour déterminer a) où vous allez et b) où vous êtes. Bref, je considère que nous avons fait de sérieux progrès.
• 1440
Franchement, je ne suis pas aussi pessimiste que certains en
ce qui concerne notre économie. Je pensais que les choses seraient
bien pires si nous n'avions pas pris des mesures décisives au sujet
du déficit, si nous n'avions pas fait des investissements judicieux
en rétablissant certains transferts dans le domaine de la santé.
Par exemple, quand vous considérez que l'année dernière l'exemption
personnelle de base a augmenté, quand vous considérez les décisions
prises au sujet de la majoration fiscale, tous ces éléments vont
constituer une base solide sur laquelle reposera une vision à long
terme qui aura pour effet d'alléger le fardeau fiscal des Canadiens
et de réduire la dette. Est-ce que vous avez ce même sentiment
d'optimisme, ou bien voyons-nous ces statistiques d'une façon tout
à fait différente?
M. George McKenzie: Je vis en Alberta. Dans cette province-là, il est difficile d'être optimiste à l'heure actuelle avec un cours du pétrole à 14 $ ou 15 $ le baril. En Alberta, le cours du pétrole à 20 $ est une question de vie ou de mort. Si le pétrole descend à 10 $ le baril, nous sommes finis. C'est la source de notre optimisme. D'autre part, les impôts en Alberta ont toujours été trop élevés.
J'exerce le droit fiscal. Je suis avocat, je m'occupe de droit fiscal, et je suis absolument convaincu que je serais chômeur si le taux d'imposition était de 30 p. 100. Les gens qui paient 46 p. 100—qu'il s'agisse d'impôts des sociétés, d'impôts des particuliers, etc.—se sentent obligés de minimiser leurs contributions, ou du moins de s'assurer qu'ils ne paient pas plus que le minimum absolu.
Même avec une économie en pleine expansion, il n'y a pas vraiment d'optimisme. Vous savez, cela devient très politique. Tous les gens que je connais en Alberta ont été très déçus par le gouvernement progressiste-conservateur pendant les neuf années où il a été au pouvoir car il ne prenait pas les mesures jugées nécessaires à l'époque. Ce sont les mêmes mesures qui devraient êtres prises aujourd'hui car le problème a été simplement différé.
Quand M. Mulroney a capitulé devant les citoyens âgés sur la Colline parlementaire, je crois que c'était en 1984, on a considéré que c'était une chose terrible. C'est l'une des premières choses qu'il aurait dû faire. Il aurait dû prendre toutes ces décisions difficiles en 1984, aujourd'hui nous n'aurions plus les mêmes problèmes. À l'heure actuelle, le gros problème, c'est l'intérêt de la dette, et c'est la raison pour laquelle nous sommes impuissants face à tous les programmes sociaux dont nous avons besoin.
Voyons les choses à long terme; il ne s'agit pas de réduire les impôts pour avoir plus d'argent dans nos poches, ce qu'il faut, c'est réduire les impôts pour donner un coup de fouet à l'économie. Je ne sais pas si c'est la bonne solution ou pas. Reagan en était persuadé. C'était la base même de sa philosophie économique. Pendant son mandat, il a augmenté les impôts, mais on se dit aujourd'hui que le président Clinton a peut-être profité de certaines choses qui avaient été faites par Reagan. Et l'économie s'est redressée.
C'est un énorme problème. Nous aimons vivre dans notre pays, c'est un endroit formidable. Mais est-ce que nous ne vivons pas au—-dessus de nos moyens?
Le président: J'ai l'impression que nous vivons dans un monde de satisfaction immédiate. De la commande à distance pour la télévision au fait que les gens veulent tout avoir, instantanément. Dans la réalité, il y a des choses qui prennent plus de temps que cela. Nous ne pouvons pas réduire la dette du jour au lendemain, littéralement. La croissance économique n'est tout simplement pas suffisante, c'est impossible. Nous ne pouvons pas non plus réduire les impôts en même temps. Nous ne pouvons pas non plus régler tous les problèmes de santé dont Mme Bennett a parlé. Les gens doivent comprendre que tout ne peut pas se faire en même temps, qu'il va falloir choisir.
Vous avez eu l'occasion d'en discuter avec vos membres, j'aimerais savoir si, dans l'ensemble, ils pensent que tout doit être fait immédiatement, ou bien s'ils considèrent une stratégie à long terme plus appropriée, comme vous l'avez dit à juste raison? Est-ce que les gens vont avoir la patience voulue?
M. George McKenzie: Effectivement. Ce qui les inquiète, c'est que cette stratégie à long terme n'existe pas. J'ai dit plus tôt que le fonds de réserve de 3 milliards de dollars n'est pas considéré comme une solution par nos membres.
• 1445
En effet, nos membres se sentiraient plus à l'aise, seraient
beaucoup plus optimistes quant à leur avenir à long terme si le
gouvernement était déterminé à réduire la dette d'une façon
raisonnable. Si pour ce faire il faut réduire la dette de 1
milliard de dollars cette année, il vaudrait beaucoup mieux prendre
un engagement budgétaire ferme et ne pas s'en remettre à un fond de
réserve. Si le budget prévoit le remboursement de 3 milliards de
dollars de déficit, n'appelez pas ça un fonds de réserve, appelez
ça un remboursement de la dette et inscrivez-le dans votre budget.
Le président: Cela va sans dire. Quand vous rencontrerez à nouveau vos membres, dites-leur que 3 milliards de dollars vont être consacrés au remboursement de la dette, point. C'est ce qui a été fait jusqu'à présent.
Vous nous avez dit que le remboursement de la dette était important, mais par ailleurs, vous voulez des réductions d'impôts. Cela coûte de l'argent. Je vous parlais de l'argent que cela coûte au Trésor fédéral; ce n'est pas donné.
M. George McKenzie: Vous augmentez les taxes chaque année en n'indexant pas.
Le président: Je suis tout à fait conscient de ce phénomène de fiscalité insidieuse et de désindexation.
M. George McKenzie: Il y a la fiscalité insidieuse et l'inflation justifiée. Si vous avez acheté des stocks l'année dernière, même avec une inflation de 1 p. 100 seulement, vous réalisez un gain sur vos stocks. Cela compliquerait le système d'une façon irréparable, mais nous savons tous qu'à long terme, la fiscalité insidieuse coûte très cher aux contribuables. Si on considère le nombre d'années où l'augmentation automatique a été éliminée, cela fait une augmentation d'impôt considérable.
Quand je parle de réduire les impôts, je parle des impôts de la classe moyenne. Je parle d'une économie de 250 $ à 500 $. Cela aurait un effet psychologique. C'est quelque chose qui encouragera les gens. Ces 500 $, ils les dépenseront. S'ils les économisent, cela vaut encore mieux. Les gens à qui ils confieront leurs économies vont les investir. Mais tout cela est une affaire de perception.
C'est la même chose avec le Régime de pensions du Canada. Hier nous avons entendu un exposé, et on nous a dit que si on parle à une jeune de 25 ans du Régime de pensions du Canada, si on lui demande s'il pense en profiter lorsqu'il prendra sa retraite, il répondra que non. Voilà ce que pensent les jeunes.
La même chose vaut pour l'économie et pour le Trésor fédéral. D'une façon générale, les gens pensent que la situation n'est pas si mauvaise, mais qu'elle va s'aggraver. C'est à vous de les convaincre que les choses vont s'améliorer, et pour ce faire, il faut leur offrir un programme approprié.
Le président: Autrement dit, vous devez être soutenus par des gens qui concrétisent votre vision budgétaire, n'est-ce pas?
M. George McKenzie: Oui.
Le président: Je crois que vous avez écouté la discussion avec le groupe qui vous a précédé, n'est-ce pas?
M. George McKenzie: Nous sommes arrivés assez tard et vous étiez en train de leur poser des questions.
Le président: Les gens ont posé des questions sur le problème de la dette, les impôts, etc. Nous avons pris note de toute la liste. Pour faire plaisir à tout le monde, le gouvernement devrait dépenser énormément d'argent car chacun veut quelque chose de différent.
M. George McKenzie: C'est vraiment intéressant, parce qu'il y a dix ans le comité des affaires économiques et fiscales de notre chambre de commerce discutait justement du déficit. Tous les exposés pré-budgétaires que nous soumettions alors parlaient de réduire le déficit. À l'heure actuelle, on a l'impression que si on parle de réduire la dette pendant suffisamment longtemps, viendra un moment où les gens écouteront et où cela deviendra une priorité pour le gouvernement. Ce sera la même chose avec le RPC, etc. Tant que les hommes politiques ne seront pas convaincus que la population connaît suffisamment la question, qu'elle s'inquiète suffisamment, ils ne feront absolument rien.
Voilà ce que les gens pensent et c'est la raison pour laquelle nous sommes venus exposer notre position en ce qui concerne la réduction de la dette et la réduction des impôts. C'est une chose dont il faut absolument discuter. C'est une chose qu'il faut étudier. Si cela ne se fait pas, nous allons continuer à insister jusqu'à ce quelque chose se fasse, continuer à insister pour que vous ne perdiez pas ce problème de vue.
Le président: Je tiens à vous dire que l'année dernière notre comité a recommandé au ministre des Finances de fixer l'objectif de réduction de la dette nationale de 50 p. 100 à 60 p. 100 du PIB. C'est un message que nous avons entendu très clairement. Soit dit en passant, le milieu des affaires n'était pas le seul à réclamer cela à l'époque, les groupes qui représentent des intérêts sociaux, et autres, comprenaient également le lien qui existe entre la dette et d'autres questions comme les taux d'intérêt et tout le reste.
Madame Bennett, vous avez une observation?
Mme Carolyn Bennett: J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que la survie de l'Alberta dépendait du prix du pétrole. Ce qui vous inquiète, c'est l'orientation de notre politique pour l'avenir. Un des problèmes du dollar canadien, c'est qu'on nous considère comme une économie fondée sur les ressources de base. Comment se fait-il que vos membres ne tiennent pas compte de débouchés offerts par la pile à combustible Ballard et l'énergie à base d'hydrogène? En effet, je ne pense pas que vous puissiez miser tout l'avenir de l'Alberta sur le pétrole.
Il faut constamment rappeler le déficit à l'attention du gouvernement et, de la même façon, la Chambre de commerce nous parlera un jour peut-être de la différence entre les riches et les pauvres, et de ses effets néfastes pour l'économie du pays. En tous cas, il y a actuellement dans cette province des travailleurs qui vivent dans un centre d'hébergement, parce qu'ils ne trouvent pas de logement abordable. Qui voudrait venir travailler dans cette province s'il n'y a pas de logement disponible?
M. George McKenzie: Parce qu'il y a de l'emploi et que les impôts ne sont pas très élevés.
Mme Carolyn Bennett: S'il n'y a pas de logement disponible, l'afflux des travailleurs ne va-t-il pas s'arrêter?
M. George McKenzie: Non, les travailleurs continuent à venir à cause des emplois disponibles et tôt ou tard, on va construire des maisons et ils pourront se loger. Les gens veulent du travail. Parlez-en à n'importe qui. Consultez les chômeurs et les assistés sociaux. Après la santé, c'est l'emploi que l'on demande avant tout car grâce à l'emploi, on devient respectable. Tout le reste en découle.
Encore une fois, c'est une question hautement politique, mais j'ai l'impression que les Albertains font un gros effort pour diversifier leur économie. Et nous y parvenons.
Quand vous voyez le Canadien Pacifique qui a déménagé son siège social à Calgary, par exemple, il l'a fait pour des raisons économiques. La Société a trouvé des bureaux à 20 $ le pied carré à Calgary, alors qu'elle devait payer 50 $ le pied carré à Toronto et à Montréal.
Nous avons des ressources, du carburant, des travailleurs et un régime fiscal raisonnable. En Alberta, les hommes politiques aiment parler des avantages offerts par la province, qui tiennent pour l'essentiel à un faible taux d'imposition sur le revenu et à l'absence de taxe de vente. Tout le reste mis à part, il faut quand même l'infrastructure et les services nécessaires pour répondre aux besoins de l'industrie, et tout cela n'est pas sans importance.
J'ai des clients qui veulent trouver une résidence en Alberta avant le 31 décembre de façon à payer l'impôt sur le revenu des particuliers en Alberta, parce qu'il est de 10 p. 100 inférieur à celui de la Colombie-Britannique ou de l'Ontario. L'impôt est un sujet de préoccupation important. Chacun est prêt à payer sa part, mais aussi à se déplacer pour s'assurer de ne pas en payer plus.
Encore une fois, il est possible de créer un climat propice. La Colombie-Britannique connaît des circonstances très malencontreuses. Elle s'en sortait très bien et son économie était menée par la communauté asiatique. C'est une économie de ressources. Lorsque les ressources subissent un revers, que se passe-t-il? La province se retrouve en difficulté.
C'est pourquoi il faut essayer de diversifier l'économie. Je suis même prêt à dire que l'entrepreneur qui a le choix entre s'installer en Colombie-Britannique ou en Alberta va avoir tendance à préférer l'Alberta pour les raisons que j'ai indiquées. Voilà la situation actuelle.
Ce n'est pas le pétrole qui attire les gens en Alberta. Ce n'est pas le pétrole qui crée la pénurie de logements. À cause du prétendu avantage à l'Alberta, les gens se rendent compte qu'à long terme, leur situation sera meilleure ici qu'en Ontario, grâce à la vigueur de l'investissement.
Vous vouliez un énoncé politique: le voilà.
Le président: Ce n'était pas tellement politique.
M. George McKenzie: Non?
Le président: Mme Bennett, je vous remercie.
M. McKenzie, M. Huddlestone et M. Ballard, je vous remercie de vos excellents exposés. Nous nous préparons à accorder un avantage aux Canadiens et nous ne manquerons pas de nous inspirer de vos propos. Nous avons reçu le même message d'un certain nombre d'intervenants, mais comme toujours, le comité est chargé de trouver une solution équilibrée sur tous les problèmes que vous avez abordés. Votre point de vue a été très apprécié, je vous remercie.
Nous allons faire une pause de deux minutes, puis nous entendrons l'Association canadienne-française de l'Alberta.
Le président: La séance reprend. J'ai le plaisir d'accueillir cet après-midi Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer, vice-présidente de l'Association canadienne-française de l'Alberta.
Soyez la bienvenue. Prenez votre temps pour l'exposé, puis nous passerons aux questions et réponses.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer (vice-présidente, Association canadienne-française de l'Alberta): Merci. J'ai préparé un exposé
[Français]
en français. Je vais tout simplement vous en donner lecture et ensuite
[Traduction]
Je me ferai un plaisir d'accepter les questions en anglais.
[Français]
Monsieur le président, membres du comité, je me présente. Je m'appelle Suzanne de Courville Nicol Sawyer et je suis vice-présidente de l'Association canadienne-française de l'Alberta, région de Calgary, Banff et Red Deer, un poste auquel j'ai été élue à l'assemblée générale annuelle en juin dernier. À cette même occasion, M. Roger Lalonde, que vous avez invité à comparaître devant vous aujourd'hui, terminait son mandat à titre de président. C'est alors M. Robert Mercier qui acceptait les responsabilités du poste et qui m'a confié la responsabilité de vous rencontrer aujourd'hui.
Votre invitation nous est parvenue le 16 septembre et notre rencontre ne m'a été confirmée que vendredi dernier. Dans ces conditions, vous comprendrez, je l'espère, qu'il nous ait été impossible de vous faire parvenir notre mémoire à l'avance dans les deux langues officielles de notre pays, comme nous aurions souhaité le faire.
L'Association canadienne-française de l'Alberta est au service de la communauté francophone depuis 1926. L'organisme est le porte-parole officiel des francophones de la province. Ses buts sont de représenter la population francophone de l'Alberta; de promouvoir le bien-être moral, intellectuel, culturel, social et économique des francophones de l'Alberta; d'encourager, faciliter et développer l'enseignement en français; d'établir et maintenir des contacts avec la francophonie en général; et d'entretenir des relations amicales avec les groupes de différentes origines ethniques dans la province.
L'ACFA consacre ses énergies et ses ressources à de nombreuses activités: le développement communautaire, le Gala albertain de la chanson, les cabanes à sucre, les salons du livre, la Fête franco-albertaine, les rencontres de gens d'affaires, les programmes de formation d'artistes, de multiples activités socioculturelles, les programmes de formation de bénévoles, les spectacles, des démarches pour la gestion scolaire, un service de liaison avec les bureaux régionaux, du lobbying et de l'information politique auprès de différents paliers de gouvernement, la promotion des activités francophones, le soutien technique pour la création de nouveaux groupes, des activités sportives et récréatives et des camps pour les jeunes.
Les bureaux de l'ACFA provinciale sont situés à Edmonton. Elle compte quelque 7 000 membres dans l'ensemble de la province et 11 sections régionales, dont celle de Calgary, Banff et Red Deer dont je suis la vice-présidente.
Permettez-moi de vous faire part brièvement de mon expérience afin que vous compreniez que le message que je vous transmets aujourd'hui, au nom de l'ACFA régionale et de la part de la communauté francophone de Calgary, découle d'une longue expérience diversifiée, soit de 15 années de bénévolat de ma part.
Je suis consultante en communication et chroniqueuse pigiste par profession. J'écris des articles dans Le Franco, le seul journal provincial hebdomadaire de langue française en Alberta, depuis plus d'une décennie. Après les élections fédérales de 1997, j'ai rédigé une chronique bihebdomadaire dans le Calgary Sun, jusqu'au mois de mai dernier.
Ma passion, c'est mon peuple, et mon pays, le Canada. J'ai vécu en Afrique, en Australie, en Europe et aux États-Unis pendant cinq ans, de 1973 à 1978. Je puis attester qu'un tel séjour procure des bénéfices incomparables en plus d'élargir les horizons. Mes racines dans l'Ouest canadien datent de 1978. Mais c'est quand j'y suis revenue en 1989 qu'un voile s'est levé et que je me suis éveillée à l'histoire de la francophonie canadienne, particulièrement à celle des Franco-Albertains, histoire à laquelle je n'avais pas été tellement sensible auparavant. C'est alors que j'ai choisi de me lancer tout feu tout flamme dans une carrière de bénévolat au service des francophones, un des deux peuples fondateurs du Canada.
Il y a tellement de travail à accomplir. Ces années époustouflantes dans le monde turbulent mais dynamique de la francophonie de l'Ouest canadien m'ont amenée à occuper des postes tels que: présidente de La Ronge Daycare, fondatrice et coprésidente du comité Parents for French Immersion La Ronge, conseillère du La Ronge School Board, vice-présidente de la Société de théâtre à Calgary, vice-présidente du Comité de planification du centre scolaire communautaire de Calgary dès 1989 et membre fondatrice du centre scolaire communautaire de Calgary, maintenant La Cité des Rocheuses, dont l'inauguration a eu lieu en septembre 1997.
• 1515
Vous avez chacun reçu une trousse d'information
contenant des copies de notre journal communautaire
Le Chinook. J'ai aussi été présidente du Club
Inter de Calgary, organisme qui regroupe les gens
d'affaires francophones de la ville, et je suis
présentement présidente du Conseil de coordination,
région Centre-Sud no 6 de l'Alberta pour
l'éducation francophone. Cela fait beaucoup, n'est-ce
pas? J'occupe ce dernier poste depuis 1994 à la suite
de ma nomination par le ministre de l'éducation de
l'Alberta.
Vous trouverez dans cette trousse l'édition spéciale portant sur l'éducation francophone contenue dans Le Chinook du mois d'août. Ce cahier d'information devrait vous donner un bon aperçu de la situation de l'éducation ici.
Quinze ans en quinze lignes, c'est vite fait.
Je suis née au Québec, à Hull, en 1949. Le 31 mars de la même année, Joey Smallwood faisait entrer Terre-Neuve dans la Confédération et la Cour suprême du Canada remplaçait le comité judiciaire de la Grande-Bretagne qui était jusque-là la cour la plus élevée à laquelle on pouvait faire appel. Je vous le mentionne pour souligner l'importance du rôle que joue la Cour suprême du Canada dans la protection des droits des francophones de notre pays.
[Traduction]
... le Comité judiciaire du Conseil privé de la Grande-Bretagne...
[Français]
N'eût été des jugements rendus par la Cour suprême du Canada dans des causes comme celle de Mahé contre l'Alberta, en mars 1990, et des leaders à mentalité canadienne dans le vrai sens du mot, tel que le premier ministre Ralph Klein, ici en Alberta, les droits des francophones dans le domaine de l'éducation auraient continué d'être usurpés et piétinés sans que les francophones puissent avoir recours à une aide officielle.
Je vais encore vous demander de vous reporter à l'édition spéciale sur l'éducation dans Le Chinook du mois d'août, ainsi qu'à une copie d'un article que j'ai soumis, il y a à peine trois jours, bien évidemment en anglais, au Calgary Herald pour publication très prochaine, plutôt que de répéter ici toute l'information qui y est contenue. J'ose croire que cela constituera pour vous une lecture intéressante.
Commençons par le commencement, le vrai commencement d'il y a plus de 150 ans, avant d'établir les quatre grandes questions qui ont trait à vos consultations prébudgétaires. À mon avis, le tout se résume en un seul mot: priorités. Une fois les priorités établies, tout le reste tombera en place. Mais comment prioriser? À mon avis, c'est pourtant assez facile: toute entreprise commerciale, organisme communautaire ou autre se doit de déterminer quelle est sa mission et de se donner une vision et une échelle de valeurs. Sans cela, les dirigeants sont facilement tiraillés d'un côté ou de l'autre sans pouvoir s'arrêter à un problème particulier, ce qui entraîne une inefficacité totale et des résultats néfastes.
Dans cette même optique, sans avoir complété ce premier exercice fondamental—du moins que je sache—le Canada se laisse bousculer par des forces externes dont la vision est tout autre que celle que partageaient Sir John A. Macdonald et Sir George Étienne Cartier.
En 1838 et 1839, Lord Durham—que vous connaissez tous très bien ou dont vous connaissez l'histoire—alors gouverneur général et haut commissaire de l'Amérique du Nord britannique, recommandait l'union du Haut-Canada et du Bas-Canada afin d'accélérer l'assimilation des Canadiens français. Durham et ses assimilateurs ont poursuivi leur travail destructeur depuis ce temps et conservé une attitude d'adversaires au lieu de travailler main dans la main à construire, en esprit d'équipe et de famille. Quelle perte d'énergies précieuses et de talent alors que toutes ces énergies auraient pu être utilisées à bâtir un peuple plus solidaire et à créer une force économique inébranlable.
Cela n'ayant pas été le cas, on se lamente maintenant de ce que le bilinguisme et les francophones coûtent bien trop cher, alors que les francophones doivent continuer de façon incessante à se battre pour avoir accès à de simples services de base en santé et en éducation pour leurs enfants. De telles contraintes nuisent concrètement à notre développement individuel et collectif à titre de Canadiens et Canadiennes à part entière. Ces limites et restrictions plongent nos enfants, nos élèves, notre relève dans des bains d'incertitude et de timidité plutôt que de les faire grandir dans une atmosphère de fierté qui devrait être leur lot. Et partout, sans tambour ni trompette, l'assimilation des francophones se perpétue.
• 1520
En 1991, ici en Alberta, parmi les 28 725 enfants âgés
de 18 ans et moins, enfants de parents auxquels
s'applique l'article 23 de la Charte canadienne des
droits et libertés, seulement 7 075 ou 25 p. 100
parlaient le français.
Le tableau n'est quand même pas complètement sombre. Les bonnes nouvelles sont que les services aux francophones augmentent ici, à Calgary, alors que de nouveaux partenariats avec le gouvernement provincial se développent. Je veux parler de la main-d'oeuvre et du service d'assistance à la recherche d'emploi et tout ce qui s'y relie.
Une entente signée entre Advanced Education & Career Development et le ROCC Inc., le Regroupement des organismes communautaires de Calgary, a été annoncée cette semaine. Je parle de la demande de gestion scolaire pour la région Centre-Sud de l'Alberta soumise au ministre de l'Éducation en mai dernier, à laquelle nous espérons recevoir une réponse bientôt, et je parle de planification de projets variés en développement économique dont s'occupe notre équipe communautaire à Calgary.
Ces services ne se donnent pas et c'est ici qu'on en vient aux priorités.
Si on croit à un Canada où il est possible de grandir, de fonder une famille, de poursuivre une carrière et de vivre dans les deux langues officielles, où que ce soit dans notre pays, il ne devrait se poser aucune question et n'y avoir aucune hésitation et aucun doute quant à la légitimité de toute demande allant dans ce sens et quant au profit que peut rapporter dans un avenir prochain tout argent investi actuellement dans ces projets.
On ne peut pas s'attendre à ce que les pots cassés par 125 ans de politiques d'assimilation puissent être réparés en 25 ans seulement par des ententes spéciales conclues avec le gouvernement fédéral. La Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur les langues officielles et les Lois 41 et 42 reconnaissent aux francophones des droits réparateurs. Ce sont tous des outils indispensables à la protection de notre avenir en tant que francophones et à la protection de l'identité du Canada.
Ceux et celles qui ne partagent pas la vision canadienne de notre pays tournent le dos au fait historique des peuples fondateurs, à la dualité linguistique, et se prononcent sans tenir compte de notre histoire. On croirait qu'ils veulent effacer notre histoire canadienne. Ils se contredisent en battant le tam-tam de l'unité canadienne et en insultant les membres d'un de nos deux peuples fondateurs par leur refus de reconnaître leur identité. Tout en affirmant que nous devons tous être traités également, ils déclarent, sans doute sans se rendre compte de la portée de leurs propos, que la langue française est la «seconde» langue officielle du Canada et non «l'autre» langue officielle.
Cette semaine, nous célébrons la Semaine nationale de la famille. Il y a toutes sortes de familles. Lorsque j'étais présidente du Comité de la Fête du Canada de Calgary, encore une fois bénévolement, je prenais plaisir, comme le font tant d'autres, à souligner le fait que le Canada est le meilleur pays au monde. Encore cette année, il est reconnu comme tel. Dans mes discours, je parlais toujours avec fierté de la grande famille canadienne de quelque 30 millions de citoyens, dont quelque 7 millions forment la grande famille francophone, dont je suis également fière de faire partie.
Deux peuples fondateurs dont la langue et la culture diffèrent mais se complètent. Deux réalités canadiennes: les francophones vivant majoritairement au Québec, mais près d'un million d'entre eux grandissant, s'épanouissant et se développant, souvent à contre-courant, partout à travers le Canada.
La francophonie canadienne, voilà une richesse qui doit être protégée, non piétinée; cultivée, non étouffée; encouragée, non bousculée; valorisée, non humiliée; célébrée, non cachée.
Savez-vous qu'à l'ouest de l'Ontario, l'Alberta est la province où résident le plus grand nombre de francophones au Canada? C'est un secret bien gardé. En Alberta, le défi est encore augmenté du fait que cette population francophone est éparpillée dans toute la province. Il existe cependant une concentration de francophones dans le nord de la province, dont un bassin de quelque 26 000 personnes à Edmonton.
Selon les statistiques de 1991, l'Alberta comptait alors quelque 215 000 personnes bilingues, dont environ 75 000 étaient francophones. Quelque 55 000 personnes bilingues vivent à Calgary, dont environ 15 000 sont des francophones. Calgary compte plus d'une trentaine d'organismes et d'associations francophones, dont une minorité seulement reçoit des fonds du gouvernement fédéral. Ces fonds sont pourtant indispensables à la survie de ces organismes et sont essentiels à l'avenir de la francophonie de la ville.
• 1525
Depuis 1993, nous avons absorbé les chocs des coupures
budgétaires, comme tous les Canadiens et Canadiennes ont
dû le faire. Mais maintenant, il est temps que le
gouvernement du Canada réinvestisse dans l'avenir de
notre pays et fournisse les fonds adéquats et
nécessaires à la francophonie canadienne en général et
à la communauté francophone de Calgary en particulier.
Comme un arbuste en pleine croissance a besoin d'attentions particulières et de nutriments pour devenir plus tard un arbre fort et solide, notre communauté en pleine croissance a besoin d'attentions particulières. Il y a cinq ans, on nous a dit: «Les coupures s'en viennent. Il faut viser l'autosuffisance.» Oui, nous devons devenir autosuffisants, mais par le biais du développement économique, lequel n'a pas été fait jusqu'à maintenant pour la simple raison que les francophones étaient trop occupés à obtenir la reconnaissance de leurs droits en éducation pour leurs enfants.
Le jour où notre communauté sera entièrement autosuffisante, nous pourrons tous célébrer, mais il ne faut pas nous couper l'herbe sous le pied. On ne peut pas devancer son époque. You can't hurry time.
Quelles que soient les réponses, tout se ramène à la question de nos priorités canadiennes sur les plans national, provincial, municipal, local et individuel. Dans son livre French Canadians—An Outsider's Inside Look at Québec, l'auteur Michel Gratton écrit:
[Traduction]
-
Depuis notre défaite sur les Plaines d'Abraham, nous vivons dans la
crainte—la crainte des Anglais, la crainte de la disparition et,
comme j'espère le montrer, la crainte de nous-mêmes. J'attends
encore le jour où je pourrai m'éveiller et dire, comme un auteur
compositeur franco-ontarien, que nous avons trouvé «notre place»
dans ce pays. J'attends encore le jour où nous n'aurons plus peur,
car nous aurons des alliés, à savoir les Canadiens anglophones,
avec nous.
[Français]
La communauté francophone de Calgary est à un point critique de son histoire, et nous avons besoin d'alliés.
Nous espérons que le ministre des Finances Paul Martin, le premier ministre Jean Chrétien, le gouvernement fédéral et vous, membres du Comité permanent des finances, ferez partie de cette équipe.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
[Traduction]
Nous en avons un peu parlé en Colombie-Britannique. Pour ceux d'entre nous qui viennent du Haut ou du Bas-Canada, et peut-être grâce aux Acadiens, l'existence des Canadiens francophones est sans doute mieux reconnue. Pendant les inondations de Winnipeg, on a eu la surprise de voir des Québécois découvrir qu'il y avait des francophones au Manitoba ou à St. Paul, en Alberta.
Évidemment, il est bon pour l'avenir de ce pays et pour toute la question de l'unité d'avoir des ressources et des communautés francophones dynamiques dans l'ensemble du pays. Que faudrait-il donc faire d'autre pour faire comprendre aux Québécois que c'est là quelque chose d'important? Évidemment, vous dites que c'est à nous de faire en sorte que l'on demeure une communauté dynamique, mais il semble que nous ne réussissions pas bien à nous faire connaître à tous ceux dont nous souhaitons tant qu'ils se sentent chez eux dans notre pays, à savoir les Québécois.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Vous abordez là un élément extrêmement important, celui des communications.
Je suis originaire du Québec, j'ai de la famille à Montréal, et ils ne peuvent s'imaginer ce qui se passe. Tout d'abord, ils n'arrivent pas à croire que je réussisse à faire autant de choses ici. Je dois dire qu'il a fallu que je vienne dans l'Ouest pour faire ma prise de conscience. Lorsque j'habitais Ottawa, il n'y avait aucun problème; francophones et anglophones y vivent sur un pied d'égalité. Mais lorsqu'on arrive ici, c'est bien différent. On se trouve confronté à la réalité.
Je m'entretenais récemment avec une bonne libérale qui ne parle pas français. Elle est de Kingston en Ontario, et elle me disait qu'elle n'avait jamais eu conscience de l'existence d'un problème avant de s'installer dans l'Ouest. C'est comme s'il y avait une ligne de démarcation qui fait obstacle à toutes les communications. Le vent a tourné. Il y a quelque chose dans l'air. Je ne sais pas ce que c'est.
• 1530
Lorsque vous parlez de l'information à donner au Québec et de
l'existence des francophones partout au Canada, ce sont
certainement des éléments à considérer. Mais il y en a un autre,
tout aussi important, c'est la sensibilisation des Canadiens
anglophones majoritaires à l'existence de francophones minoritaires
qui vivent tout près de chez eux, dont personne ne connaît
l'existence et dont certains ne veulent pas en entendre parler.
C'est bien dommage, car on a là ce que j'appelle un diamant à
l'état brut. Regardez ce qu'on a fait au Manitoba, avec le Festival
du voyageur. On a réalisé quelque chose de merveilleux qui a permis
de favoriser l'économie et le tourisme. Voilà où nous en sommes.
C'est ce que nous voulons faire ici, à Calgary, et il n'y a aucune
raison pour qu'on ne puisse pas faire la même chose. Mais nous ne
rencontrons aucun appui et il faut relever un défi derrière chaque
porte qui s'ouvre.
Vous trouverez de l'information dans votre trousse,
[Français]
La Cité des Rocheuses, est un centre scolaire communautaire.
[Traduction]
C'est une nouvelle formule d'enseignement qui réunit l'école et le centre communautaire. Il n'y a plus de séparation; ce sont comme des frères siamois. On ne distingue plus l'école du centre communautaire; les deux sont réunis. Ce n'est pas comme si mon coeur était ailleurs pendant que je suis ici. Mais la ville a refusé de reconnaître cette formule. Nous sommes en conflit actuellement parce que la ville nous réclame 115 000 $ de taxes, étant donné qu'elle nous considère comme une entité ethnique, culturelle... nous ne sommes même pas une communauté, c'est un centre ethno-culturel. Il y a donc une lacune dans les communications; le discours du gouvernement fédéral n'est pas accepté ni adopté par les autres niveaux de gouvernement, notamment les gouvernements provinciaux et les autorités municipales.
Il faudrait faire quelque chose, mais je ne sais pas quoi proposer. Nous parlons de collaboration et d'élimination des obstacles interprovinciaux, et tout ce qui s'ensuit, pourtant on remarque toujours cette friction entre les provinces et le fédéral; chacun défend jalousement ses domaines de compétence. Il faudra mettre un terme à tout cela à propos de la francophonie, car c'est nous qui en faisons les frais. Le bénévolat n'a qu'un temps et en définitive, on se cogne la tête contre les murs.
Les communications sont donc importantes; il faut rejoindre les Québécois et les informer. Je ne sais pas s'il faut pour cela des efforts concentrés, comme les vignettes que nous voyons. Pour moi, l'idée est excellente. Elle me plaît. Je suis devenue une passionnée d'histoire, alors que cette matière me faisait toujours échouer à l'école secondaire. Il y a effectivement l'histoire du Québec, mais il y a aussi celle du Canada et des deux groupes linguistiques. Il convient d'adresser le même message aux deux groupes, à savoir qu'il faut collaborer et se renforcer mutuellement plutôt que d'aboutir toujours à la confrontation.
Mme Carolyn Bennett: Dans votre mémoire, vous parlez de l'enseignement et de la santé... Que se passe-t-il pour une famille francophone de l'Alberta? Est-ce qu'elle parvient à obtenir des services d'éducation et de santé en français?
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Je peux vous dire que les services de santé n'existent tout simplement pas en français; à l'exception de Peter Lougheed, il n'est pas question de se rendre à l'hôpital et de se mettre à parler en français. Si j'ai de la chance, je vais peut-être tomber sur quelqu'un qui parle en français, mais il n'y a aucune structure officielle à cet égard. On a pourtant fait des efforts. Nous avons des experts dans ces secteurs et je sais que certaines initiatives sont en cours.
En ce qui concerne l'éducation, dont je suis spécialiste, la situation est bien meilleure. En 1984, on a ouvert les deux premières écoles francophones, où le français était la première langue d'enseignement. Il y a aussi de nombreuses écoles d'immersion en français. Elles donnent de très bons résultats. Nous avons sans doute ici même à Calgary, le taux d'immersion le plus élevé par habitant au Canada, mais il en va différemment pour les écoles où l'enseignement est donné en français. Elles sont destinées aux ayants droit. Les enfants y apprennent en français. Ils apprennent également l'anglais, évidemment, mais c'est un système différent du programme d'immersion française.
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Les deux premières écoles ont ouvert en 1994; il y en a une à
Edmonton, l'école Maurice Lavallé, et une ici, l'école St-Antoine,
avec 128 élèves de la maternelle à la sixième année. L'école fait
partie du Centre scolaire communautaire, Cité des Rocheuses. C'est
une école catholique, l'école Sainte-Marguerite-Bourgeoys. Elle
accueille 630 élèves de la maternelle à la 12e année.
En septembre dernier, le conseil de coordination dont j'ai parlé et dont je suis la présidente a ouvert une école publique avec le plein appui de la Commission scolaire de Calgary. Il s'agit d'une école non confessionnelle. C'est la première en Alberta qui soit placée sous la responsabilité d'une commission scolaire de langue anglaise. Elle compte 54 élèves de la maternelle à la 5e année. En fait, cette année, elle va même jusqu'à la 6e année, car il a fallu rajouter une classe; l'école compte maintenant 124 élèves.
Les chiffres sont là. Nous avons un potentiel de près de 6 500 élèves dans notre région qui pourraient s'inscrire à un programme d'enseignement en français première langue mais qui ne peuvent le faire. Ils étudient en anglais. Ils sont en immersion. Ils fréquentent des écoles privées. Dans certains cas, les parents ne veulent pas inscrire leurs enfants dans des écoles catholiques et leur seule possibilité est l'immersion française, qui n'est pas destinée à des francophones ou les écoles privées, auquel cas ils doivent payer pour faire éduquer leurs enfants. Comparez à ce qui se passe au Québec. Est-ce que les anglophones du Québec doivent payer pour faire éduquer leurs enfants en anglais? Je ne le pense pas.
Voilà où nous en sommes. Nous avons fait du chemin. Nous avons maintenant 27 écoles en Alberta, alors qu'il y en avait deux en 1984. D'autres doivent s'ouvrir. Dans nos prévisions adressées au ministère et au ministre de l'Éducation—nous lui remettons des prévisions annuelles—nous avons indiqué qu'il faudrait ouvrir au moins deux écoles supplémentaires à Calgary, une autre au nord de Cochrane-Airdrie et une autre au sud, à Okotoks.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez la radio et la télévision. Que faites-vous dans le domaine du cinéma en français?
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Il y a certains films que nous...
Mme Carolyn Bennett: Que regardez-vous, ou qu'obtenez-vous en français?
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Comme vous l'avez dit, nous comptons essentiellement sur Radio-Canada.
Mme Carolyn Bennett: Mais les films canadiens-français en première exclusivité, est-ce que vous pouvez les voir?
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Figurez-vous que je ne pense pas avoir jamais vu un film canadien-français en première exclusivité ici. Je sais qu'il en passe parfois au Plaza, mais je n'en ai jamais vu, je dois l'avouer. Ces films sont présentés, mais il n'y en a pas autant qu'à Ottawa ou ailleurs.
Donc d'un point de vue culturel, certainement...
Mme Carolyn Bennett: Mais nous nous inquiétons du cinéma... Vous dites qu'il y a un million de francophones hors Québec. C'est plus que l'ensemble de la population autochtone, n'est-ce pas? Vous êtes invisibles, alors que vous faites partie du tissu social de notre pays.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Oui. Nous sommes le secret le mieux gardé au Canada. Nous sommes la minorité invisible.
Le président: Merci, madame Bennett.
Madame Leung, une dernière question.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Votre exposé m'a beaucoup intéressée. Je vous en félicite. Vous avez fait un travail extraordinaire, et vous pouvez en être fière.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Merci.
Mme Sophia Leung: Et vous l'avez fait presque tout seule, ce qui est remarquable.
J'aimerais en savoir un peu plus long sur votre communauté. Combien êtes-vous?
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: À Calgary, on compte environ 55 000 personnes bilingues, dont environ 15 000 personnes de langue maternelle française, ce qui est mon cas.
Mme Sophia Leung: Y a-t-il des organismes sociaux qui vous appuient?
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Oui, nous avons le Centre scolaire communautaire dont je vous ai parlé. Vous pouvez consulter la trousse d'information lorsque vous aurez une minute.
C'est le point de ralliement. Il vient d'ouvrir. J'y travaille depuis 1989 comme bénévole et nous avons connu un moment de grande fierté lors de l'inauguration officielle, l'année dernière, en présence du sénateur Hayes, qui est venu couper le ruban avec d'autres personnages officiels. Il s'agit d'une nouvelle formule d'enseignement.
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Pour les membres d'une minorité, l'école ne représente qu'un
élément parmi d'autres. Vous avez l'école, le foyer, la communauté,
qui doivent fonctionner ensemble. C'est une sorte de trinité, pour
ne pas dire de Sainte Trinité. Les activités au foyer renforcent
l'éducation, et il en va de même pour les activités communautaires.
Pour les membres de la minorité, tout se passe en anglais dès qu'ils sortent de ce cercle. Cela n'est pas nouveau. Je suis née au Québec mais j'ai grandi à Ottawa. Lorsque j'étais adolescente, mes parents me parlaient en français et je leur répondais en anglais. Je ne sais pas combien de fois j'ai voulu quitter l'École Notre-Dame pour m'inscrire à une école anglophone, mais je ne l'ai jamais fait. Donc, l'histoire se répète.
Plus on va vers l'ouest et plus on s'éloigne de sa population d'origine et de ses principales activités, il devient alors de plus en plus difficile de protéger sa langue et sa culture et de la transmettre à ses enfants. Par exemple, je suis mariée à un anglophone qui ne parle pas le français. Ce n'était pas bien important avant l'arrivée des enfants, mais comme il est toujours parti, il n'a toujours pas appris le français. Mais je l'accepte. Nos enfants ont suivi un programme scolaire entièrement en français jusqu'à la neuvième et la dixième année, mais ils étudient maintenant en anglais, et je n'ai rien pu y faire. Il n'y avait qu'une école à Calgary et les enfants auraient dû faire trois heures de trajet en autobus et en train. Voyons, cela n'a pas de bon sens. Alors que faire, quand vous avez une belle école à cinq minutes de chez vous, qui vous propose un programme extraordinaire en musique? Vous n'avez pas le choix.
Je ne suis qu'une personne parmi beaucoup d'autres. Cela fait partie de mon assimilation. Je regarde mes enfants et je secoue la tête. Je leur parle en français et ils me répondent en anglais. Je me dis: «Eh bien, j'ai fait la même chose.» J'espère qu'en vieillissant, ils retourneront à leurs racines et les garderont.
Il y a une trentaine d'associations différentes. Il y a le théâtre, un club de gens d'affaires et l'église, naturellement...
Mme Sophia Leung: Vous fréquentez donc d'autres groupes de non-francophones.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Oui, absolument.
Mme Sophia Leung: J'aimerais faire une observation, car je suis de la Colombie-Britannique. Vancouver est une ville très multiculturelle, de sorte que nous avons différents groupes. Entre-temps, il est difficile de garder son patrimoine et sa langue. C'est pourquoi je pense que vous y arrivez très bien.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Merci. C'est tout un défi.
Ce qu'il est important de rappeler aux gens, c'est que nous ne le faisons pas pour nous. Cela fait partie de l'identité canadienne. Si on élimine la population francophone—et c'est ce que certaines personnes aimeraient pouvoir faire un jour—on n'aura plus le même Canada. Veut-on avoir un Canada anglophone unilingue? Il sera peut-être anglophone unilingue et se confondra tout simplement avec les États-Unis.
Mme Sophia Leung: Mais êtes-vous d'accord pour dire que le Canada devient multiculturel, en plus d'être aussi francophone?
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Je pense que le multiculturalisme officiel a été reconnu dans les années 70. Tous les différents groupes ethniques, les gens qui immigrent au Canada, apportent une grande richesse à notre pays. Cela ne fait aucun doute.
Ce qui est important, au fur et à mesure que l'immigration augmente, c'est que les Néo-Canadiens soient clairement compris. C'est un autre aspect de la communication. Je peux voir, d'après la façon dont vous me parlez, que vous comprenez, mais tout le monde ne parle pas de la même façon que vous. Il y a des gens qui disent constamment «nous sommes mieux que vous». Il y a tout ce climat malsain de compétition que l'on a encouragé ici au pays. Il faut vraiment mettre fin à tout cela, et nous pouvons y arriver, afin que nous puissions tous être à l'aise dans nos propres espaces sans menacer les autres ou donner aux autres l'impression que nous sommes une menace.
Mme Sophia Leung: Oui, je suis d'accord avec vous. Je pense que nous devrions vivre en harmonie, pas nous faire concurrence, mais nous accepter les uns les autres peu importe notre race ou notre langue.
Le président: Merci, madame Leung.
Je tiens à vous remercier beaucoup. Parfois, lors de ces moments de réflexion—et en tant qu'hommes et femmes politiques, ça nous arrive de temps à autre d'avoir de tels moments de réflexion—on se demande comment, étant donné tous les défis auxquels nous devons faire face en tant que nation, notre pays peut encore très bien fonctionner. Je pense que dans une large mesure, il fonctionne très bien grâce à des gens comme vous qui relevez de tels défis. Ce n'est pas une tâche facile.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Non.
Le président: Vous incarnez sans doute le dicton suivant: «Corrigeons ce qui cloche au Canada grâce à ce qui est bon au Canada». Si je peux vous dire quelque chose de très personnel, vous faites beaucoup de bonnes choses pour les gens de ce pays et de cette province. Je vous souhaite donc bonne chance dans cette quasi-aventure, et je veux également que vous sachiez qu'au Parlement canadien, nous sommes nombreux à être sensibles aux problèmes dont vous avez parlé. C'est certainement le cas des membres de notre comité, et nous avons pris bonne note des nombreux défis que vous devez relever.
Merci beaucoup.
Mme Suzanne de Courville Nicol Sawyer: Merci, et j'espère que vous direz aux autres députés qui n'étaient pas ici qu'ils ont manqué un excellent exposé.
Le président: Merci.
La séance est levée.