FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 5 octobre 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour. Je déclare la séance ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous nos invités de même qu'à nos collègues de la Chambre des communes.
Nous sommes rassemblés pour la première séance des audiences de notre Comité des finances. Nous avons commencé il y a cinq ans déjà à consulter les Canadiens. Pour des raisons d'efficacité et aussi pour des raisons économiques, le groupe a été divisé en deux. Comme notre équipe doit parcourir l'est du pays, nous sommes à Terre-Neuve aujourd'hui et demain, puis nous irons dans la région de Halifax—Dartmouth mercredi et jeudi.
Ensuite, nous devons nous rendre dans la région de Toronto, après quoi nous reviendrons à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, pendant que l'autre groupe se rendra dans l'Ouest. En près de quatre semaines, nous consulterons les Canadiens sur deux questions: la participation au processus budgétaire et le rapport du Groupe de travail MacKay sur les institutions financières.
Je souhaite donc la bienvenue aux personnes qui doivent faire un exposé. Avant que nous commencions, j'aimerais vous présenter les députés qui font partie de notre comité: M. Gary Pillitteri, Niagara Fall, Mme Karen Redman, Kitchener-Centre, M. Paul Szabo, Mississauga-Sud—ces trois députés sont des collègues libéraux. M. Paul Forseth est député réformiste de New Westminster—Coquitlam—Burnaby, en Colombie-Britannique et M. Lorne Nystrom est le député du NPD de Qu'Appelle, en Saskatchewan. J'ai déjà habité cette province pendant cinq ou six ans quand j'étais jeune, Lorne. M. Scott Brison est le député de Kings—Hants, en Nouvelle-Écosse. M. Yvon Loubier du Bloc québécois devrait arriver plus tard ce matin.
Ce matin, M. Jack Harris, du Parti néo-démocrate de Terre-Neuve, fera un exposé à titre individuel. Il sera suivi de Mme Elaine Price, présidente de la Newfoundland and Labrador Federation of Labour, de M. Dale Kirby, de la Newfoundland and Labrador Federation of Students, M. Sandy Gibbons, président, et de Mme Lori Lee Oates, assistante-recherchiste, Affaires gouvernementales, Chambre de commerce de St. John's, et enfin de Mme Jocelyn Green, directrice exécutive, Stella Burry Corporation.
• 0740
Mesdames et messieurs, nous accordons à chacun dix minutes
pour l'exposé, après quoi nous passerons à la période de questions
des députés, et, souhaitons-le, nous aurons un bon dialogue.
Nous commençons avec M. Harris, puisque vous êtes le premier sur ma liste. Bienvenue.
M. Jack Harris (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité des finances de se déplacer pour entendre le point de vue des gens partout au pays.
Comme nous le savons tous, il est important, particulièrement dans cette partie du pays, d'être entendus à Ottawa. Une bonne façon d'y parvenir est de s'exprimer devant votre comité. Les suggestions et les idées qui sont formulées, même si elles ne font pas partie de la politique gouvernementale à l'heure actuelle, peuvent être adaptées si le comité se met au travail et constate que le gouvernement doit écouter. Je vous ferai une suggestion à ce sujet dans le cadre de mon exposé.
J'ai lu au cours du week-end un article intéressant dans la revue Maclean's concernant un discours prononcé par l'ex-premier ministre de Colombie-Britannique, M. Bill Van der Zalm. Celui-ci se plaignait que depuis le changement de gouvernement en Colombie-Britannique, la province connaît le taux de chômage le plus élevé au pays. Bien entendu, Maclean's ne dit pas que l'auteur a probablement tort puisque le taux de chômage de 8,6 p. 100 en Colombie-Britannique se compare difficilement au taux de chômage de 18,9 p. 100 dans notre province. Je veux d'abord parler du problème important et constant qui frappe la province, c'est-à-dire le taux de chômage élevé.
Tout cela se relie fort bien à ce qui se passe quand vous êtes au chômage. Nous savons tous ce qu'il est advenu du régime d'assurance-emploi au pays. Nous sommes passés d'une situation où la plupart des sans-emploi—plus de 85 p. 100—auraient eu accès à des prestations d'assurance-chômage pendant qu'ils se cherchaient un autre emploi. Nous savons maintenant que moins de 40 p. 100 des chômeurs du pays ont droit à l'assurance-emploi. La première priorité concernant les surplus de la caisse d'assurance-emploi serait de rétablir l'équité du système, sans nécessairement revenir au point de départ, mais en s'assurant que ceux qui sont au chômage puissent bénéficier du régime.
Il y a beaucoup à dire au sujet du surplus du pays. La plus grande partie de ce surplus semble provenir de la caisse d'assurance-emploi. Selon moi, la première priorité serait de retourner tout surplus aux travailleurs, plus particulièrement aux chômeurs. On pourrait aussi envisager la création d'un fonds de réserve pour les périodes où les sommes ne répondraient pas nécessairement à la demande actuelle.
Le problème est qu'il y a beaucoup de chômeurs qui ne bénéficient d'aucune aide alors même que nous enregistrons les taux de chômage les plus élevés depuis un certain temps, bien que ce taux diminue légèrement à l'échelle nationale.
La deuxième priorité selon moi doit être la restauration du système de santé, et nous appuyons l'appel lancé par le parti fédéral d'injecter 2,5 milliards de dollars dans le système des soins de santé.
On constate dans la province une préoccupation toute particulière concernant le chômage chez les jeunes et les possibilités d'emploi pour les jeunes. La province, à cause de ses propres politiques et aussi d'un manque d'appui du gouvernement fédéral—d'autres intervenants aborderont certaines de ces questions directement—rend la vie difficile aux étudiants qui cherchent à faire des études postsecondaires.
• 0745
Au niveau universitaire, les frais de scolarité augmentent
rapidement et sont déjà bien au-delà des capacités financières des
étudiants qui accumulent une dette exorbitante qu'ils ne pourront
pas rembourser, dans bien des cas. Il faut examiner sérieusement
toute la question de l'aide aux étudiants à l'échelle du pays.
Deuxièmement, près de la moitié de ces étudiants du niveau postsecondaire fréquentent une institution à l'extérieur du milieu universitaire, c'est-à-dire des collègues privés. Ils le font parce qu'il n'y a pas suffisamment de places dans les collèges publics, et cela a certaines conséquences.
L'an dernier, quelque 11 000 étudiants étaient dans cette situation. Les frais de scolarité qu'ils versent servent à payer la totalité de l'enseignement reçu. Dans certains cas, on note des efforts de marketing intenses pour attirer et recruter des étudiants. Troisièmement, il y a toute la question des profits pour les propriétaires. Cela s'ajoute aux impôts que les étudiants et leurs familles doivent payer pour soutenir le système public. Le système postsecondaire public, qu'il s'agisse de l'université ou du réseau des collèges publics, bénéficie de l'appui des contribuables. Dans bien des cas, ces mêmes contribuables doivent aussi payer la totalité des frais de scolarité, les coûts du marketing et un profit, en plus de verser des impôts pour l'éducation des autres.
Selon moi, la situation est intolérable. Nous nous battons contre cet état de choses dans la province, mais il y a un élément fédéral à tout cela. Comme nous le savons, le gouvernement fédéral réduit depuis un certain temps l'appui financier qu'il accorde chaque année aux programmes établis.
Je veux aussi vous faire part de mes craintes au sujet de l'emploi pour les jeunes gens. Dans la province, le taux de chômage des jeunes est beaucoup plus élevé qu'ailleurs. Il dépasse 30 p. 100 presque continuellement. Pour corriger le problème, il faut mettre en place un programme national complet qui tienne mieux compte du taux de chômage dans les diverses parties du pays. Là où les besoins sont les plus criants, le programme devrait être plus important.
Je le répète, je tiens à offrir mon appui sur l'initiative du parti fédéral qui propose un programme offrant quatre choix aux jeunes: un emploi, une expérience d'emploi, une formation en cours d'emploi ou la poursuite des études. Tous les jeunes méritent cette possibilité s'ils ne veulent pas être relégués au marché de l'emploi à temps partiel. Aujourd'hui, un simple diplôme d'études secondaires ne suffit plus. Il faut une intervention majeure pour s'assurer que les jeunes auront la possibilité de participer à notre économie.
Je terminai en faisant référence à un autre point. Manifestement, notre pays et d'autres pays aussi sont à la merci d'opérateurs sur le marché monétaire international. Les vicissitudes de la finance internationale imposent une taxe sur notre dollar et une taxe sur l'investissement au pays par le biais des fluctuations des taux d'intérêt. Selon nous, il s'agit d'un échec de la politique à l'échelle nationale, non seulement de notre pays, mais d'autres pays aussi. J'estime qu'il est grand temps que notre pays insiste pour exercer un certain contrôle sur le mouvement de capitaux: le ralentir, conclure des ententes internationales ou prendre des mesures unilatérales pour tenter de protéger notre économie et, par conséquent, notre population et nos salaires face au système non réglementé des capitaux internationaux.
Récemment, j'ai lu un compte rendu de ce système. Peut-être que certains d'entre vous connaissent l'ouvrage de Mme Linda McQuaig, The cult of impotence, qui décrit avec force détails la situation financière internationale et la façon dont les contrôles de Bretton Woods ont été élaborés après la Seconde Guerre mondiale. Je crois qu'il s'agit d'une très bonne étude et d'un examen très détaillé de la façon dont les mécanismes du système financier vont à l'encontre des intérêts nationaux de notre pays et d'autres pays aussi.
• 0750
Votre comité devrait peut-être songer à aborder des questions
comme la taxe Tobin. Comme il aurait pu le dire lui-même, elle vise
à mettre un bâton dans les roues des mouvements de capitaux. À tout
le moins, cette mesure ralentirait ce type de mouvements des
capitaux et offrirait une certaine protection aux économies, qui ne
seraient pas aussi vulnérables face aux humeurs des opérateurs sur
le marché monétaire.
Ces opérateurs transigent plus de trois billions de dollars par jour et tirent profit de fractions de cent sur les devises et ainsi procurent des profits substantiels à certaines personnes. Cela se fait moyennant un prix très élevé pour les économies et les programmes sociaux des pays qui peuvent être vulnérables à ce genre de transactions, et ces opérations se font uniquement pour le bénéfice d'une poignée de gens. Je crois donc que c'est une question que votre Comité des finances pourrait aborder.
Selon certaines indications, des études sérieuses ont déjà été entreprises par des fonctionnaires du ministère des Finances, et dans certains cas, à l'encontre des désirs des bureaucrates principaux du ministère. On a fait certains travaux qui pourraient bien être utiles pour votre comité. Peut-être après cela pourriez-vous être en mesure de faire des recommandations au ministre des Finances sur ce qu'il pourrait faire pour contrôler les mouvements de capitaux.
Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie beaucoup, monsieur Harris.
Je demande maintenant à Mme Price de faire son exposé, s'il vous plaît.
Mme Elaine Price (présidente, Newfoundland and Labrador Federation of Labour): Merci et bonjour. J'ai grand plaisir à comparaître devant votre comité au nom de la Newfoundland and Labrador Federation of Labour. De fait, ce que j'ai à dire à votre comité vient appuyer les points soulevés par M. Harris.
Je crois qu'il est intéressant de noter que le 10 décembre 1998 marquera le 50e anniversaire de la signature de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui énonce les droits sociaux et économiques fondamentaux de tous les citoyens. Il est malheureux que plusieurs Canadiens ne pourront jamais profiter de ces droits parce que la politique gouvernementale a fait en sorte que l'inégalité, la pauvreté et le chômage caractérisent notre société.
L'annonce d'un budget équilibré serait une bonne nouvelle pour les citoyens de notre pays. Nous devrions pousser un soupir de soulagement. Nous devrions espérer des jours meilleurs et le retour à une société meilleure, plus compatissante et socialement plus juste. Malheureusement, je ne crois pas que ce sera le cas. Je crains que plusieurs Canadiens, particulièrement ceux qui ont été marginalisés de manière systématique, resteront dans le néant économique et social où la politique gouvernementale les a confinés.
J'estime, comme bien d'autres personnes, qu'un budget reflète des choix politiques. C'est un reflet des valeurs de base et des priorités que nos gouvernements mettent de l'avant pour élaborer le cadre social et économique de la population du pays. Malheureusement, les choix politiques faits à Ottawa ont constamment favorisé les riches et les entreprises très rentables au détriment du reste de la population. Et malheureusement aussi, les nouvelles sont toujours mauvaises pour la plupart des Canadiens.
Des milliers de personnes ont perdu leur emploi à cause des orientations budgétaires prises par le gouvernement fédéral. Les coupures constantes à l'assurance-emploi et aux programmes de soutien du revenu ont ajouté à la misère et au désespoir de tant de gens au pays. On a réduit le financement pour la santé, l'éducation et d'autres services publics vitaux. On a dénaturé nos programmes, et le filet de sécurité sociale auquel les Canadiens tiennent tant a été à toutes fins pratiques détruit. Malheureusement, une part déraisonnable des souffrances liées à ces coupures incombent à ceux et celles qui ont le plus faible revenu et aux enfants, qui sont particulièrement vulnérables. Malgré tout, il ne semble pas que le gouvernement soit disposé à transférer une partie de ce fardeau qui est le lot de Canadiens pauvres aux entreprises et aux collectivités financières riches, qui pourraient très bien se permettre de contribuer à la solution.
• 0755
Je crois qu'il est clair que les valeurs et les priorités que
reflétaient les budgets fédéraux précédents ont été à sens unique
et il est malheureux qu'il n'y ait rien pour nous donner espoir que
la situation est à la veille de changer. Le débat actuel sur la
façon d'utiliser les dividendes fiscaux qui sont censés découler
d'un budget équilibré est une indication claire de la situation.
M. Harris a abordé la question de l'assurance-emploi. En ce qui a trait au débat sur la façon d'utiliser les surplus budgétaires, je crois qu'il importe de noter que nous n'aurions pas de budget équilibré cette année si le gouvernement n'avait pas volé les chômeurs du pays. Au lieu de parvenir à un budget équilibré en 1997-1998, le gouvernement aurait eu un déficit de près de sept milliards de dollars. Cette année, les livres montreraient un déficit de trois milliards de dollars qui serait reporté à l'année suivante.
Il importe aussi de noter qu'en 1989, 87 p. 100 des chômeurs du pays étaient admissibles à l'assurance-emploi. L'an dernier, seulement 46 p. 100 des chômeurs ont pu toucher des prestations d'assurance-emploi, et on s'attend à ce que cette proportion tombe à 36 p. 100 cette année. Manifestement, le gouvernement fédéral a pu, dans une large mesure, équilibrer son budget sur le dos des chômeurs du pays, et cela est totalement inacceptable.
De plus, il faut noter que le gouvernement n'a pas procédé à une révision du programme d'assurance-emploi en 1995 parce que notre système n'était pas abordable. Il avait d'autres motifs de le faire. Il est complètement ridicule qu'un gouvernement envisage le dépôt d'un projet de loi qui légitimise ce vol à l'endroit des chômeurs. Malheureusement, le silence des gouvernements provinciaux constitue une acceptation des actions du gouvernement fédéral.
Quand on combine les coupures apportées à l'assurance-emploi aux coupures dans le domaine de la santé, de l'éducation postsecondaire et de l'aide sociale, on obtient une image plutôt triste. La société canadienne, notre société, est devenue une société bien misérable pour de très nombreux Canadiens.
La Federation of Labour prie instamment le gouvernement fédéral de placer la restauration de la couverture et des taux des prestations d'assurance-emploi au sommet de ses priorités. Il ne devrait pas y avoir de débat sur l'utilisation des surplus de la caisse d'assurance-emploi pour savoir s'ils doivent être appliqués aux soins de santé ou aux impôts. Cet argent appartient aux chômeurs du pays et c'est eux qui devraient en profiter.
Je devrais dire que les améliorations au régime d'assurance-emploi sont abordables. Le Congrès du travail du Canada a demandé que l'on corrige le système d'assurance-emploi, afin d'éliminer les règles qui pénalisent les travailleurs saisonniers et d'améliorer la loi pour au moins 70 p. 100—et cette proportion n'est pas aussi élevée qu'en 1989—des chômeurs du pays reçoivent 60 p. 100 de leurs gains. L'actuaire en chef de la Commission de l'emploi estime à 6,5 milliards de dollars le coût annuel des améliorations proposées par le CTC. C'est beaucoup moins que le surplus annuel actuel de huit milliards de dollars. En maintenant le taux des cotisations à leur niveau actuel, il y aurait tout de même un surplus cumulatif d'environ 12 milliards de dollars en prévision de jours plus difficiles. Compte tenu du ralentissement marqué de notre économie, je crains que ce jour soit beaucoup plus près que nous le voudrions ou que nous voulons bien le reconnaître.
La Federation of Labour croit que les objectifs de création d'emplois, d'équité et de bien-être économique et social à long terme devraient être les principes directeurs dans l'établissement des priorités pour le budget de l'an prochain. Il faut aborder le problème du déficit social qui s'est établi—et qui est considérable—parallèlement au déclin du déficit fédéral. Il faut réparer le tort causé à notre infrastructure sociale.
• 0800
Nous ne pouvons accepter que tous les efforts soient centrés
uniquement sur la réduction de la dette. Tous les surplus
budgétaires devraient être réinvestis pour corriger les problèmes
sociaux et augmenter notre potentiel de croissance économique. En
réduisant la dette, on se trouve à utiliser l'argent des
contribuables. Si nous investissons dans la création d'emplois, la
restauration de notre filet de sécurité sociale et la restauration
de nos services publics, nous créons des emplois. Quand les gens
travaillent, ils paient des impôts. L'expérience des dernières
années, qui ont été caractérisées par une croissance économique et
de faibles taux d'intérêt, a démontré que cette approche donne des
résultats comme le budget fédéral de rechange le soutien de manière
constante depuis deux à trois ans.
Selon nous, plutôt que de se contenter de réductions d'impôts générales, le gouvernement fédéral devrait revoir le système fiscal afin de redistribuer le fardeau et de ne pas modifier les impôts fédéraux en tant que part de l'économie. Si nous pouvions réformer notre système fiscal en modifiant le barème d'imposition des sociétés, nous pourrions éliminer bon nombre de cas de traitement fiscal de faveur accordés par exemple pour les gains en capital et les dividendes, et nous pourrions avoir un nouvel impôt sur les successions. Les gens qui héritent d'un bon montant d'argent peuvent sûrement payer leur part. Les chômeurs et les pauvres du pays ont déjà suffisamment donné.
Selon nous, vous pourriez aborder le problème fiscal en mettant en place ce que j'appellerais une réforme fiscale progressive, bien que j'utilise ces mots avec prudence parce que chaque fois qu'il y a eu réforme au cours des cinq ou six dernières années, cela s'est traduit par des difficultés considérables pour bien des gens.
Nous croyons que la priorité doit être la création d'emplois. Au cours des dernières années, le budget fédéral de rechange a toujours montré que le gouvernement pouvait créer des emplois. L'an dernier, ce budget montrait comment le gouvernement pourrait créer 1,8 million d'emplois sur quatre ans tout en maintenant l'équilibre budgétaire.
De toute évidence, le gouvernement a les moyens financiers de mettre en oeuvre des stratégies de création d'emplois. La volonté politique est tout ce qui semble lui manquer.
Nous estimons que le gouvernement fédéral doit examiner attentivement la crise de pauvreté qui frappe le pays. En 1996, 5,3 millions de personnes au Canada vivaient sous le seuil de la pauvreté établi par le Conseil national du Bien-être. Cela signifie qu'un enfant sur cinq vivait dans la pauvreté. L'autre fait troublant est que le quart de ces enfants ont au moins un de leurs parents qui occupe un travail à temps plein, mais qui gagne un salaire insuffisant. Le pays vit une crise de pauvreté. Nous inciterions le gouvernement fédéral à faire de la réduction de la pauvreté une priorité dans le prochain budget.
En plus de tout cela, notre système de soins de santé a été torpillé. L'été dernier à Terre-Neuve, il a fallu faire venir des médecins militaires pour des séjours de trois mois afin de faire face à la crise dans le système de santé provincial. C'est tout à fait ridicule. Terre-Neuve n'est pas un pays du tiers monde. Pourtant, quand il est question de services de base comme les soins de santé, il semble que nous nous dirigions tout droit vers cette réalité.
Nous inciterions aussi le gouvernement fédéral à éliminer les coupures qui ont été apportées à l'éducation postsecondaire et à faire de ce projet une priorité dans son budget. Au Canada, les frais de scolarité ont augmenté de 45 p. 100 depuis 1993, et le pays se situe maintenant au troisième rang de tous les pays de l'OCDE à ce chapitre.
L'emploi des jeunes augmente et la moyenne des salaires pour le travail à temps plein des jeunes gens diminue. Pendant ce temps, la dette d'étude des diplômés grimpe. Avec les coupures malicieuses apportées aux transferts pour l'éducation postsecondaire dans les provinces, le gouvernement fédéral se dessaisit sans vergogne de ses responsabilités en matière d'éducation postsecondaire dans le dos des particuliers.
• 0805
Je crois qu'il est temps de restaurer un certain équilibre
dans le budget fédéral et dans l'économie canadienne. Notre
économie mal équilibrée a laissé des millions de Canadiens sur la
corde raide, et il faut corriger ce déséquilibre. Des mesures
immédiates doivent être prises pour réparer les dommages causés au
tissu social de notre pays depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux
fédéraux. De toute évidence, il y a des solutions de rechange aux
politiques de marché économique libre adoptées par ce gouvernement
et il est temps que le gouvernement fédéral commence à faire des
choix qui avantagent tous les Canadiens, plutôt que d'être à la
remorque de l'élite financière et corporative.
La création d'emplois, la réduction de la pauvreté, le renouvellement des programmes sociaux et la revitalisation des services publics sont tous réalisables dans le cadre du processus budgétaire fédéral. Les Canadiens pourraient et devraient avoir une qualité de vie élevée dans une société économiquement équitable et socialement juste. Il nous faut un gouvernement fédéral ayant la volonté politique de réaliser ces choses. Je prie bien entendu le gouvernement fédéral de commencer à rétablir un certain équilibre dans le budget qui sera présenté le printemps prochain.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Price.
Je passe maintenant à M. Dale Kirby, Newfoundland and Labrador Federation of Students. Est-ce vous-même ou Tracey qui fera l'exposé?
M. Dale Kirby (président, Newfoundland and Labrador Federation of Students): En fait, je suis le président de la fédération et Mme O'Reilly en est la vice-présidente. Elle est aussi présidente de la Memorial University Student Union.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Bienvenue.
M. Dale Kirby: Nous aimerions alterner. Je parlerai du financement, et Tracey parlera du programme d'aide aux étudiants, après quoi nous ferons quelques observations sur le Fonds des bourses d'études du millénaire.
Le vice-président (M. Nick Discepola): D'accord.
M. Dale Kirby: J'en suis à ma troisième présence devant le comité en trois ans et Tracey à sa deuxième en deux ans. Nous avons donc une bonne expérience des travaux du comité et nous y retrouvons quelques visages familiers de l'an dernier. Si vous en êtes à votre troisième présence, vous risquez d'être un peu déçu parce qu'en comparant les mémoires qui ont été soumis au cours des trois dernières années, vous y trouverez des similitudes. Je commence à avoir l'impression de répéter la même chose sans arrêt.
En ce qui a trait au financement, nous avons été témoins au cours des dernières années de coupures de 2,29 milliards de dollars dans le budget de l'éducation postsecondaire à l'échelle du pays. Par conséquent, la province a dû retrancher 13 à 14 millions de dollars dans le financement du Collège de l'Atlantique Nord, le réseau provincial de collèges publics qui compte 18 campus. De plus, le budget de l'Université Memorial a été amputé de 19 à 20 millions de dollars.
Chaque fois que nous demandons pourquoi il en est ainsi, c'est vous qui écopez. Le gouvernement provincial nous répète sans cesse que c'est la faute du gouvernement fédéral et qu'il n'a aucune responsabilité. Quand vous vous adressez au bureau des gouverneurs, on vous dit que c'est la responsabilité du gouvernement fédéral, qui ne donne plus d'argent aux provinces. Par conséquent, je crois que nous sommes au bon endroit.
Ces coupures ont entraîné une hausse des frais de scolarité de 45 p. 100 dans les deux institutions depuis 1993. Par conséquent, les étudiants vivent dans la pauvreté. Ce sont les étudiants qui en font les frais, directement. Ils ont moins d'argent pour leurs livres et les nécessités de la vie, et leur qualité de vie n'est plus ce qu'elle devrait être ni ce qu'elle était.
Il me semble que les institutions et même les étudiants commencent en avoir ras-le-bol. Nos institutions sont en difficulté, et cela se voit. Nous avons parlé à nos administrateurs et nous sommes tous dans le même bateau. Nous avons de gros problèmes, il faut faire quelque chose. Nous continuons de dire qu'il faut un système national de bourses, et une augmentation du financement. L'an dernier, nous avons demandé le rétablissement du financement, l'année précédente, nous avons demandé le rétablissement du financement et cette année encore, nous demandons le rétablissement du financement dans le budget. Mais rien ne semble y faire.
Le Canada est censé être le meilleur pays au monde pour la qualité de vie, mais quand je regarde autour de moi, je constate plutôt qu'il est un des deux pays de l'OCDE à ne pas avoir de système national de bourses. Cela n'a pas grand bon sens. Au cours de vos déplacements au Canada vous entendrez nos homologues vous dire des choses très similaires à ce sujet.
On prétend que les frais de scolarité n'ont aucun effet sur le nombre d'inscriptions. J'ai obtenu un baccalauréat en sciences et je suis actuellement en maîtrise, et je puis vous dire que tout cela est assez similaire à ce que l'on éprouve quand on retient les services d'un avocat. Il est possible de trouver des travaux de recherche qui indiquent que la hausse des frais de scolarité a un effet négatif sur le nombre d'inscriptions, et vous pouvez aussi trouver des travaux de recherche qui disent que l'augmentation des frais de scolarité n'a aucun effet sur les inscriptions. Dans certains cas même, on vous dira que cela contribue à l'augmentation du nombre d'inscriptions.
• 0810
Il est donc possible de trouver des travaux de recherche qui
disent l'une ou l'autre chose, surtout dans notre province, où l'on
a établi des graphiques très intéressants qui montrent que le
bassin de base, c'est-à-dire le bassin des diplômés des écoles
secondaires de la province, diminuera graduellement au cours des
prochaines années. Une bonne partie de cette situation est
attribuable au fait que l'on étouffe nos petites collectivités
éloignées.
Je viens d'un petit village isolé de cette province et je ne me risquerais pas à vous dire combien de gens y vivent parce qu'il y en a moins de la moitié de ce qu'il y avait à l'époque où j'y vivais. J'ai le coeur brisé quand je retourne chez moi où vivent mes parents et tous les autres de leur génération, et quelques baby-boomers qui prendront leur retraite dans ma collectivité. Il n'y a rien d'autre à y faire. Aucun étudiant d'université ou de collège ne viendra de ce village. Nous avons perdu 10 000 personnes l'an dernier, et notre population continuera de décliner. Il n'y aura plus assez d'étudiants pour fréquenter les institutions et cela constituera un autre problème.
La question du financement constitue le problème. Comme il n'y a plus suffisamment d'argent pour permettre aux institutions d'accueillir les étudiants d'aujourd'hui, vous pouvez très bien imaginer comme moi ce que ce sera demain.
Quand le nombre d'inscriptions commence à diminuer, que faut-il faire? L'Université Memorial est une université intégrée qui compte de nombreux programmes. Il y a de tout, de la médecine au baccalauréat en folklore. Mais que faisons-nous? Il me semble que la seule solution possible en bout de ligne sera d'amputer certaines facultés.
Cette université a été créée à la mémoire de nos ancêtres qui ont fait la guerre, et si vous commencez à la démanteler, M. Tobin ne pourra plus percevoir le sentiment profond que les gens de la province sont censés éprouver. Cela affectera assurément l'optimisme de la population, parce que cette université est au coeur du système d'enseignement de la province.
La même chose risque de se produire au Collège de l'Atlantique Nord. Par conséquent, il faut à tout le moins rétablir le financement.
Mme Tracey O'Reilly (présidente, Memorial University Student Union; vice-présidente, Newfoundland and Labrador Federation of Students): J'apprécie grandement la possibilité qui m'est offerte de comparaître devant votre comité aujourd'hui. Les questions que nous avons abordées sont toutes interreliées.
Comme Dale l'a dit, Terre-Neuve a perdu 10 000 habitants. Il y a diverses raisons à cela. L'effondrement de l'industrie de la pêche en est une, mais le fardeau de la dette des étudiants en est une autre. Les meilleurs quittent pour d'autres provinces et d'autres pays parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas se trouver d'emploi qui leur permettrait de rembourser leurs dettes d'étude.
Actuellement, la dette de chaque étudiant est d'environ 25 000 $. Ce chiffre ne vous est pas fourni pour vous faire peur, mais plutôt pour vous sensibiliser à la réalité de la vie des étudiants.
Le Programme canadien de prêts aux étudiants est si truffé de problèmes qu'il me faudrait la journée entière pour vous les expliquer. Je me contenterai donc d'aborder quelques-uns des problèmes majeurs.
Le Programme canadien de prêts aux étudiants et le programme de prêts aux étudiants de Terre-Neuve sont très différents, et c'est l'un des gros problèmes. Les règles du jeu sont différentes et les formulaires de demande sont différents. Il est possible d'être admissible à un prêt dans le cadre du programme canadien, mais non dans le cadre du programme de Terre-Neuve, ou vice versa. Nous demandons notamment une harmonisation complète des types de prêts aux étudiants afin de réduire les tracasseries administratives auxquelles les étudiants doivent se soumettre, de simplifier le processus et de le rendre beaucoup plus efficace.
Souvent, les étudiants doivent attendre jusqu'au milieu d'un semestre avant d'obtenir leur argent, ce qui signifie qu'ils doivent se priver de nourriture et de livres, une situation qui a des répercussions sur leurs études. Si vous ne pouvez vous concentrer sur ce que vous êtes censé faire, c'est-à-dire étudier pour obtenir un diplôme, à cause de problèmes financiers, cela aura des répercussions sur les résultats finaux. C'est très malheureux, et c'est une chose dont la société devrait avoir honte.
• 0815
Mon second point porte sur l'idée que nous devrions avoir un
programme fédéral de remise de dette. Je ne sais pas si vous
connaissez bien la notion de remise de dette, mais je vous
l'expliquerai brièvement.
Terre-Neuve a mis en place un programme de remise de dette qui est essentiellement une exonération de remboursement du prêt. Si la dette d'étude atteint un certain niveau pendant le séjour à l'université, et si l'étudiant obtient son diplôme dans les délais prévus, l'étudiant peut obtenir une exonération de remboursement d'une partie du prêt.
Le programme comporte une multitude de problèmes, mais il constitue un pas dans la bonne direction. Nous constatons aussi que le gouvernement ne semble pas porté à mettre en oeuvre un tel programme au niveau fédéral, initiative qui serait assez utile selon nous.
Bien que l'on hésite à augmenter l'endettement des étudiants, le fait demeure que les étudiants doivent obtenir des prêts. Si nous voulons nous attaquer aux problèmes, c'est là qu'il faudra commencer, en aidant les étudiants qui se sont endettés, puis en examinant ce qui pourrait être fait pour éviter les problèmes plus tard. Je crois qu'il est honteux pour notre société de punir les gens qui cherchent à s'améliorer et qui veulent se débrouiller pour contribuer à l'économie de notre pays. Il faudrait vraiment examiner nos priorités et déterminer où nous allons.
La CIBC a déjà dit que les dettes d'études sont une très mauvaise idée pour l'économie. Les étudiants ne peuvent acheter d'automobile, ne peuvent se lancer en affaires, ne peuvent acheter de maison. Quand ils quittent l'université, ils sont endettés pour des années. L'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur les faillites risque d'accroître le problème au cours des années qui viennent.
Je m'arrête ici parce que je pourrais parler pendant des heures des prêts aux étudiants et des dettes d'études. Je passe la parole à Dale et nous vous parlerons du Fonds des bourses d'études du millénaire.
M. Dale Kirby: J'aimerais faire quelques brefs commentaires au sujet des bourses du millénaire. Je tiens simplement à vous dire ce que j'ai pensé lorsque le budget fédéral a été annoncé cette année.
Depuis 1981, date de la constitution de la Fédération canadienne des étudiants, les étudiants demandent un système de bourses nationales. Notre programme provincial des bourses étudiantes a été supprimé il y a quelques années, parce que plusieurs provinces ont pris cette décision et ils ont accordé ce moratoire sur les prêts.
Depuis 1981, nous demandons un système de bourses nationales et avec tout ce que l'on a entendu l'année dernière au sujet de l'éducation et avec les déclarations du Bureau du premier ministre, j'ai pensé que nous allions enfin l'obtenir. Vous pouvez imaginer ma déception et je peux vous dire franchement que l'année dernière, les commentaires que j'ai faits aux médias au sujet du budget fédéral n'ont pas été très positifs. Aucun dirigeant étudiant de cette province, par conséquent aucun étudiant, n'a accordé de félicitations au gouvernement pour son budget. On nous a donné le fonds des bourses du millénaire. Le mémoire contient quelques observations à ce sujet mais je vais vous les résumer rapidement.
Ce ne sont pas les étudiants brillants qui ont besoin d'argent. Ce sont tous les étudiants qui éprouvent des difficultés à terminer leurs études. Tous les étudiants doivent faire face à cette augmentation des frais de scolarité et un grand nombre d'entre eux sont endettés. Je me suis moi-même endetté lourdement pour obtenir mon baccalauréat en sciences. Je suis actuellement aux études supérieures mais j'ai refusé d'emprunter davantage; je travaille pour éviter de m'endetter davantage, parce que ma dette est déjà suffisamment élevée. La seule possibilité qui me reste est d'essayer d'obtenir une de ces bourses.
Cette situation est inacceptable. C'est comme si l'on nous demandait de jouer à la loterie. Ce n'est pas ce que nous espérions et les fonds accordés sont insuffisants. Je le répète, ce ne sont pas les étudiants brillants qui ont des difficultés, ce sont tous les étudiants; il devrait y avoir une façon plus équitable d'aborder ces problèmes.
Avez-vous des commentaires sur ce sujet?
Mme Tracey O'Reilly: Je vais reprendre à peu près ce que vous venez de dire.
Cela résume la façon dont nous voyons les bourses du millénaire, ces bourses ne vont pas favoriser l'accès aux études universitaires pour tous les étudiants.
Le gouvernement, et en particulier le Bureau du premier ministre, affirment que les problèmes d'endettement et d'accès aux études vont être résolus grâce à ces bourses du millénaire, alors que je crois qu'en fait ce fonds n'aidera que 6 à 7 p. 100 des étudiants. Nous sommes loin de l'accès universel et je suis également très déçue de voir la façon dont le gouvernement réagi à un problème qui touche toutes les provinces.
• 0820
Je vais m'arrêter ici. Je ne souhaite pas en dire davantage.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.
J'aimerais maintenant donner la parole à M. Gibbons, de la Chambre de commerce de St. John's.
M. Sandy Gibbons (président, Chambre de commerce de St. John's): J'aimerais commencer par remercier le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui et de formuler des recommandations qui concernent le budget fédéral de l'année 1999-2000.
La Chambre de commerce de St. John's est le principal porte-parole des entreprises. Nous représentons près de 650 organisations, qui emploient près de 21 000 personnes. La Chambre de commerce de St. John's s'intéresse principalement aux questions qui touchent la stabilité économique de la région, celle de St. John's, de la province et du pays.
D'après le ministère fédéral des Finances, il y aura un excédent budgétaire pour l'année 1999-2000, et si le montant réel de cet excédent suscite beaucoup de discussions, il nous paraît acquis qu'il y aura un excédent. Je vais vous parler aujourd'hui de trois éléments qui nous paraissent essentiels pour la croissance de l'économie et qui devraient, d'après nous, figurer dans votre budget.
Les trois sujets dont nous aimerions parler aujourd'hui sont la réduction de la dette nationale, la réforme de la fiscalité et la reconstruction de l'infrastructure nationale.
Le premier sujet est celui de la réduction de la dette nationale. La chambre de commerce félicite le gouvernement fédéral d'avoir réussi à éliminer le déficit dans le budget de 1997-1998 et dans celui de 1998-1999. La chambre de commerce estime toutefois que c'est la faiblesse des taux d'intérêt canadiens qui ont joué un rôle essentiel pour maintenir la dette à ce niveau. C'est pourquoi nous estimons qu'il ne faut pas augmenter les taux d'intérêt et que cela devrait constituer une priorité. D'après les discussions que nous avons eues la semaine dernière avec M. Gordon Thiessen, cette recommandation nous paraît tout à fait justifiée.
Le pourcentage du PIB que représente la dette du Canada inquiète vivement la Chambre de commerce de St. John's. D'après la Chambre de commerce du Canada, la dette fédérale représentait près de 68 p. 100 du PIB en mars 1998. Avec un ratio de la dette au PIB aussi élevé, le gouvernement n'a pas les moyens d'ajuster ses politiques en matière de fiscalité et de dépenses.
D'après une étude de l'Institut C.D. Howe intitulée Beyond the Deficit, il ne faudrait pas que le ratio de la dette au PIB dépasse 60 p. 100 si l'on veut éviter que les taux d'intérêt canadiens comprennent une prime de risque. C'est pourquoi la Chambre de commerce de St. John's recommande que le gouvernement fédéral s'engage à réduire la dette nationale et à ramener à 60 p. 100 le rapport de la dette au PIB.
Le gouvernement fédéral devrait réaliser cet objectif avant l'année financière 2001-2002. En outre, la chambre de commerce estime que le gouvernement fédéral devrait se fixer un objectif à long terme pour en arriver à un ratio dette au PIB raisonnable et il doit donc établir à cette fin des plans à long terme.
La Chambre de commerce de St. John's reconnaît que le ratio de la dette au PIB a diminué. Elle reconnaît toutefois aussi que cette réduction s'explique parce que depuis quelques années, la croissance économique a été plus forte que prévue. Cependant, ce qui s'est produit ces derniers mois nous montre que le gouvernement fédéral ne peut tenir pour acquis que cette croissance va se poursuivre. Les crises financières qui sévissent actuellement en Asie et en Russie ont des répercussions négatives sur l'économie canadienne. Nous en constatons aujourd'hui les effets.
La Chambre de commerce de St. John's estime que le contrôle des finances doit continuer à viser une planification à l'échelle nationale mais elle estime qu'il serait souhaitable d'utiliser une partie de l'excédent budgétaire pour des domaines à haute priorité comme la santé, l'éducation, les services sociaux, comme cela a déjà été mentionné. Nous n'allons pas examiner en détail cette question mais nous pensons qu'il conviendrait d'affecter des fonds à ces domaines prioritaires. Ce sont ceux qui bien sûr ont été le plus durement touchés depuis une dizaine d'années.
La chambre de commerce pense également qu'il faudrait évaluer les dépenses du gouvernement en fonction d'objectifs mesurables préétablis ou d'indices de rendement, de façon à pouvoir déterminer l'efficacité des programmes gouvernementaux. Les programmes qui ne donnent pas les résultats escomptés devraient être modifiés ou abandonnés.
• 0825
Le deuxième aspect dont j'aimerais vous parler est la
fiscalité. La Chambre de commerce de St. John's recommande que le
gouvernement fédéral utilise une partie de l'excédent budgétaire
pour réduire les impôts. À l'heure actuelle, le Canada est un des
pays du groupe G-7 où les impôts sont les plus élevés. C'est ce qui
explique que le Canada n'est pas considéré comme un pays
accueillant pour les entreprises internationales. La Chambre de
commerce de St. John's estime que le gouvernement fédéral devrait
faire tout son possible pour réduire les impôts dans le but de
stimuler l'économie.
La Chambre de commerce de St. John's s'oppose vivement à ce que le gouvernement augmente les impôts pour augmenter ses recettes ou réduire ses emprunts. À long terme, toute augmentation des impôts ne peut être que néfaste pour l'économie. Les bénéfices à court terme que le gouvernement pourrait obtenir d'une augmentation de ses recettes ne compenseraient pas les effets négatifs qu'aurait une telle mesure.
Une fiscalité trop lourde renforce l'économie clandestine, c'est un phénomène que l'on peut constater à Terre-Neuve en particulier, elle augmente le nombre des faillites, alors qu'une fiscalité plus légère stimule l'économie.
L'impôt sur le revenu des particuliers est un élément de la fiscalité que la Chambre de commerce de St. John's aimerait voir réexaminé. On a imposé une surtaxe aux particuliers mais cette mesure devait être temporaire en attendant que la taxe sur les produits et services soit implantée et le déficit budgétaire maîtrisé. La chambre de commerce pense que le moment est venu de supprimer la surtaxe dans le budget fédéral pour l'année 1999-2000. Une fois cette surtaxe abolie, la chambre de commerce recommande que l'on diminue les autres composantes de l'impôt sur le revenu des particuliers.
La Chambre de commerce de St. John's pense qu'il faut réduire davantage les cotisations à l'assurance-emploi, parce que des cotisations élevées ont pour effet d'augmenter le coût de la main-d'oeuvre. Lorsque les cotisations à l'AE sont élevées, cela incite les employeurs à réduire leur personnel de façon à diminuer leurs frais. Lorsque ces cotisations sont plus faibles, les employeurs disposent de plus d'argent pour embaucher du personnel supplémentaire. La réduction des cotisations stimulera l'emploi au Canada.
Si la Chambre de commerce de St. John's se félicite de la réduction des contributions des employeurs au fonds de l'AE décidée en 1998, elle s'oppose vivement à ce qu'on utilise l'excédent annuel ou accumulé de l'AE à d'autres fins que de réduire les cotisations que versent les employeurs et les employés. La chambre de commerce pense que le surplus actuel est suffisamment élevé et qu'il est maintenant possible de réduire de façon importante les cotisations d'AE. On évalue à 7,1 milliards de dollars l'excédent du programme de l'AE pour l'année financière 1998-1999.
La Chambre de commerce de St. John's reconnaît qu'il est nécessaire que ce programme soit excédentaire parce qu'il faut se protéger contre les déficits qui peuvent survenir en cas de récession. Cependant, elle estime que le surplus actuel est largement suffisant pour pouvoir absorber les ralentissements que pourrait connaître l'économie canadienne. C'est pourquoi la chambre de commerce propose que le surplus annuel ne puisse jamais dépasser 5 milliards de dollars. Au-delà de ce montant, le surplus excédentaire devrait être remis aux employeurs et aux employés sous la forme d'une réduction des cotisations. La chambre de commerce pense en outre que cette réduction devrait être décidée le plus tôt possible.
D'après le rapport de l'actuaire en chef responsable des programmes d'AE, une cotisation fixée à 2,10 $ par tranche de 100 $ de gains assurables serait suffisante pour que ce programme dégage un surplus et qu'il ne soit pas nécessaire d'augmenter les cotisations en cas de ralentissement de l'économie. À l'heure actuelle, la cotisation est de 2,70 $ par tranche de 100 $ de gains assurables. La Chambre de commerce de St. John's recommande donc que l'on réduise ce taux d'environ 60c. Cela donnerait un peu plus d'argent aux travailleurs canadiens et à leurs employeurs.
On a également évalué qu'à la fin de l'année financière 1998-1999, le surplus accumulé du programme de l'assurance-emploi s'élèvera à près de 20 milliards de dollars. La Chambre de commerce de St. John's recommande que ce surplus ne puisse jamais dépasser 15 milliards de dollars. Là encore, elle estime que tout surplus supérieur à cette somme devrait être remis aux employeurs et aux employés sous la forme d'une baisse des cotisations.
• 0830
La Chambre de commerce de St. John's s'oppose vivement à ce
que le surplus de l'AE soit transféré dans les recettes générales.
Elle estime que le programme d'AE devrait avoir un compte distinct.
C'est pourquoi elle s'oppose vivement à ce que le gouvernement
fédéral modifie la Loi sur l'assurance-emploi de façon à lui
permettre de continuer à empocher l'excédent de l'AE. Une telle
mesure permettrait au gouvernement fédéral de fixer les cotisations
à un niveau supérieur à ce qu'exige la nécessité de dégager un
surplus d'un certain montant. La chambre estime que cela revient à
créer un impôt caché.
Le dernier aspect que j'aimerais aborder est celui de la reconstruction de notre infrastructure nationale. La chambre de commerce pense que les gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux et les entreprises privées devraient créer conjointement un nouveau programme national d'infrastructure. Ce serait le deuxième de la sorte. La plupart des gens reconnaissent que le premier programme de ce genre a été une réussite.
On peut dire qu'il y a un déficit d'infrastructure lorsqu'il existe un écart entre les investissements qu'il faudrait faire pour préserver l'infrastructure en place ou la hausser à un niveau acceptable et les sommes qui sont effectivement investies dans ce domaine. D'après l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, le déficit d'infrastructure s'élèverait à près de 60 milliards de dollars.
La Chambre de commerce de St. John's estime que le déficit d'infrastructure risque de devenir un problème grave. Comme pour les autres genres de déficit, si l'on ne fait rien, le problème va s'aggraver et ce seront les générations futures qui auront à en assumer les coûts. Compte tenu de l'accumulation des besoins, elles auront beaucoup de difficultés à financer les investissements nécessaires à notre infrastructure. Ne pas agir face au déficit d'infrastructure serait contraire au principe de la durabilité.
La Chambre de commerce de St. John's pense qu'il y a également lieu de revoir le programme national des routes. Si la mise en oeuvre de ce programme devait être retardée, cela pourrait avoir les conséquences suivantes: une diminution des revenus provenant des exportations et du commerce interprovincial; une diminution des revenus provenant du secteur du transport; une diminution de la sécurité des véhicules à moteur et une perte des recettes que génère le secteur du tourisme.
D'après l'Association des ingénieurs-conseils, une étude récente de Transports Canada montre que chaque dollar investi dans les routes se traduit par une augmentation de 3 $ du produit intérieur. On a également calculé que chaque dollar investi dans des services d'ingénierie rapporte 95c. à l'économie canadienne. En plus, on a calculé que les gouvernements, municipaux, provinciaux et fédéral, récupèrent 26c. de ces 95c. sous forme d'impôt.
En outre, une infrastructure en bon état améliore la sécurité et l'efficacité des transports, ce qui se traduit par une amélioration de la qualité de la vie de tous les Canadiens et une économie plus dynamique.
Je vais maintenant remercier le comité permanent de la Chambre des communes de nous avoir permis de présenter notre point de vue. Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Gibbons.
J'aimerais maintenant terminer cette série de témoignages en demandant à Mme Greene de nous présenter ses observations.
Mme Jocelyn Greene (directrice exécutive, Stella Burry Corporation): Merci.
J'aimerais commencer par vous parler un peu des personnes que je représente. Il n'est peut-être pas mauvais que je sois la dernière à prendre la parole parce que je vais essayer d'apporter une touche personnelle aux questions qui ont été abordées ici. Je ne vais pas reprendre les commentaires que vous ont présentés les autres témoins au sujet des politiques économiques et des mesures que vous devriez prendre. Je vais bien sûr faire des commentaires à ce sujet mais j'aimerais vous donner une indication de ce que tout cela représente pour les personnes avec qui je travaille.
Stella Burry Corporation est un organisme à but non lucratif qui s'occupe principalement de deux programmes de services en établissement. Le premier est un centre de traitement en santé mentale, Emmanuel House, et l'autre est le Naomi Centre, un foyer pour les jeunes femmes sans abri, il y en a à Terre-Neuve. Nous offrons également toute une série de services. Nous nous occupons d'un projet de logement à long terme, que nous avons lancé sans aucune subvention fédérale, et dont je vais vous parler. Nous fournissons également un certain nombre de services contractuels, principalement aux victimes et aux auteurs d'agression sexuelle.
Nous sommes également chargés de commenter les politiques sociales, et c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui, c'est mon travail, et d'essayer d'introduire des changements systémiques pour les personnes pour lesquelles nous travaillons. Nous ne nous considérons pas du tout comme un organisme de charité et nous pensons que les gens ont tous droit à une bonne qualité de vie. L'idée voulant qu'il y ait des pauvres méritants et des pauvres qui ne le sont pas nous inquiète beaucoup. Les gens avec qui je travaille ne quitteront pas la province; ils n'ont pas assez d'argent pour prendre le bateau.
• 0835
Lorsque vous parlez de la fuite des cerveaux et du fait que
les meilleurs éléments partent, je comprends ce que vous voulez
dire parce que nous constatons que les gens qui peuvent partir le
font. Les gens avec qui je travaille vont rester ici et ils
ressentent très durement l'effet des politiques sociales.
Je ne vais pas vous remettre un mémoire parce que je n'ai pas eu le temps d'en rédiger un. Je passe tout mon temps à rechercher des fonds. La semaine dernière, pour vous donner une idée de ce que nous faisons, j'ai préparé un projet de cuisine communautaire et de coopérative alimentaire pour les clients avec lesquels nous travaillons et nous demandions 10 000 $ au Conseil de la santé communautaire pour ce projet. Il faut au moins deux ou trois jours pour préparer un projet de 10 000 $ et il faut faire des simagrées alors que les gens ne devraient pas avoir besoin de tout cela. Mais nous sommes obligés de le faire.
Un autre exemple de l'effet qu'ont eu les coupures de ces dernières années est la question du financement. C'est maintenant le Conseil de la santé communautaire qui nous subventionne. Auparavant, c'était le gouvernement provincial. Il est clair que ces subventions étaient reliées au RAPC, qui, nous le savons tous, n'existe plus. Voilà le genre de réalité auquel je fais face. J'ai une équipe de 15 personnes environ et dans l'entente que nous avons signée, nous nous sommes engagés à rembourser le capital. Mon budget provient du Conseil de la santé communautaire qui tient lui-même son budget du ministère de la Santé, qui n'a plus d'argent parce que ses crédits ont été diminués, et il n'y a pas d'augmentation sur le plan du financement. On le constate dans sa propre organisation, voilà ce que fait la Santé.
Pour trouver d'autres fonds... le Conseil du Trésor s'est engagé à verser des fonds et je sais que c'est un problème provincial mais la province subit le contrecoup des politiques fédérales et j'en parlerai dans un instant. Voilà quelle est ma réalité. Où vais-je pouvoir trouver des fonds en tant que directrice de ce genre d'organisme? Nous faisons de l'excellent travail et nous aidons les gens à trouver leurs propres solutions mais si nous passons tout notre temps à chercher des fonds, nous ne pouvons pas faire grand-chose d'autre.
Nous sommes un organisme non gouvernemental typique. Vous en avez davantage pour votre argent quand vous travaillez avec des organismes comme ceux-là. Il se trouve que nous avons été constitués en société par l'Église unie du Canada; elle est propriétaire des locaux et administre les budgets d'entretien et les subventions. Le gouvernement ne pourrait jamais faire ce que nous faisons. Mais entre-temps, si quelqu'un tombe malade, il n'y a personne pour le remplacer. Je n'ai personne qui pourrait faire mon travail. Je voulais simplement vous indiquer ce que cela voulait dire pour nous.
Je voudrais dire quelques mots des effets qu'ont eus sur des organismes comme le nôtre les décisions qu'ont prises le gouvernement et le gouvernement précédent; et je ne parle pas seulement d'un point de vue provincial. Je fais partie de plusieurs organisations nationales, d'une organisation de logement appelée Raising the Roof, et d'un réseau de soutien aux résidents des centres-villes, qui comprend une multitude d'organismes dans la province et au Canada. Nous nous réunissons pour partager nos expériences et elles se ressemblent beaucoup. La situation des sans abri de Toronto et la politique sociale qui en sont la cause nous concernent parce qu'on retrouve les jeunes femmes du Naomi Centre à Toronto, lorsqu'elles parviennent à s'y rendre, à cause de ce qui se passe dans la province.
La suppression du RAPC et la réduction des paiements de transfert ont eu un effet dévastateur pour notre province. Ces coupures ont privé la province des fonds qui lui auraient permis de remédier à l'insuffisance des prestations de l'aide sociale et nos prestations sont les plus faibles du pays ou presque. Malgré les mesures régressives qui ont été prises en Ontario, leurs prestations sont, je crois, encore supérieures à celles qui sont versées à Terre-Neuve.
Je fais partie du comité provincial qui a été chargé de réformer les programmes de soutien du revenu et je dois reconnaître que l'on essaie vraiment de faire les choses différemment au niveau provincial. J'ai découvert que depuis 1990, les prestations d'aide sociale, les versements que nous effectuons, s'élevaient à 250 millions de dollars alors qu'au début des années 90, elles étaient de 100 millions de dollars. Cela représente deux fois et demie le montant que l'on versait au moment où les paiements de transfert du RAPC ont été réduits. Nous ne demandons pas qu'on nous fasse la charité mais voilà ce que cela a donné.
Nous étions dans une salle en train de réfléchir aux façons de repenser les programmes de soutien du revenu et de création d'emploi. Nous en sommes arrivés à nous demander où nous allions trouver d'autres fonds? Nous allions supprimer l'indemnité versée aux bénéficiaires de l'aide sociale en cas de décès dans la famille. Les solutions auxquelles nous pensions frôlaient parfois le ridicule mais nous en étions là.
• 0840
Ce sont les politiques de ce genre qui ont rendu la situation
très difficile pour les gouvernements provinciaux. Je ne dis pas
qu'ils ne font jamais d'erreur mais la décision qu'a prise le
gouvernement fédéral de supprimer ou de réduire les paiements de
transfert a touché très durement la population.
Nous voulons bien sûr aider les gens à abandonner l'aide sociale et à trouver du travail mais le fait est qu'avec le système actuel, d'après ce document interne préparé par la province, un parent célibataire qui doit payer le tarif normal pour la garderie devrait gagner près de 1 679 $ par mois pour avoir un peu plus d'argent qu'avec l'aide sociale. Cela représente un revenu brut d'environ 2 000 $ par mois, soit 11,50 $ de l'heure.
Le fait est que si l'on ne décide pas de modifier vraiment le système... Les gens ne devraient pas être obligés de vivre de cette façon. Avec ce qu'on leur donne, ils n'ont pas les moyens de payer leur loyer. Ils sont dans une situation sans issue. J'ai des clients qui trouve un travail, perdent leurs prestations de l'aide sociale, et ils doivent attendre 60 jours avant de recevoir ces prestations à nouveau. Ils perdent littéralement leur logement.
Nous devons donc nous occuper de ces problèmes et trouver de nouvelles façons de les résoudre. On ne peut pas faire toutes ces coupures et penser que les gens vont se débrouiller, ce n'est pas ce qui se passe. La réalité, c'est que les gens ont du mal à survivre.
L'autre point important que j'aimerais soulever est le fait que le gouvernement fédéral a abdiqué ses responsabilités pour ce qui est du logement social. C'est un des problèmes qui exige que l'on fasse quelque chose rapidement.
J'aimerais vous lire un passage du rapport qu'a préparé votre propre groupe de travail libéral sur le logement, qui en fait a été corédigé par le ministre des Finances actuel, Paul Martin. Je ne peux pas vous le distribuer parce que je n'ai pas les moyens de faire 30 copies mais je vais vous en remettre un exemplaire et si vous vous contentiez de mettre en oeuvre les recommandations qu'a faites le ministre des Finances lorsqu'il était le critique de l'opposition en matière de logement, je serais tout à fait satisfaite. Je vous invite à faire ce que propose ce document parce que cela est excellent.
Voici ce passage:
-
La pauvreté est la cause principale de la crise du logement au
Canada. Les Canadiens démunis doivent choisir entre payer le loyer
et nourrir leur famille. Pour s'attaquer au problème du logement,
il faut d'abord assurer un revenu décent à tous les Canadiens. Le
gouvernement doit ensuite s'engager réellement à multiplier les
logements à loyer modéré.
-
S'il n'existe pas de logements à des loyers acceptables, les
programmes d'éducation, de formation et d'assistance sociale n'ont
aucun sens. Dans bien des provinces, une personne sans domicile
fixe n'est pas admissible à l'assistance sociale. Il est ridicule
de croire qu'une personne puisse se recycler pour prendre un nouvel
emploi si le loyer avale les trois quarts de son revenu et qu'il ne
lui en reste pas assez pour bien se nourrir.
Je pourrais continuer comme ça. Je vais vous en remettre une copie, même si je suis certaine que vous en avez déjà tous, au moins les membres du caucus libéral. C'est le document que je vous propose. Vous améliorerez la situation d'une bonne partie des gens avec qui je travaille si vous le mettez en oeuvre.
Je pourrais continuer comme cela mais je sais que vous voulez réserver un peu de temps pour une période de discussion et il y a beaucoup de choses qui ont déjà été dites. J'espère que vous écoutez tout cela. J'aimerais toutefois faire deux remarques au sujet du gouvernement.
Premièrement, je demande au gouvernement de s'engager non seulement à préparer une vérification financière mais à faire un bilan social. Je suis heureuse de pouvoir dire que la province de Terre-Neuve s'est engagée à le faire dans sa nouvelle stratégie sociale et si vous en voulez des copies, je suis sûre que vous pouvez les obtenir. J'espère vraiment que cela se fera, non pas que je sois sceptique, bien sûr. Ces déclarations sont très importantes et je vais essayer de participer à ce processus.
L'autre aspect dont je tiens à vous parler est celui de la pauvreté chez les enfants et l'engagement qu'a pris le gouvernement de la faire disparaître d'ici l'an 2000. Je suis certaine que vous avez en main toutes sortes de documents et de données qui vous montrent que vous allez dans la mauvaise direction. Si l'on pense à Toronto en particulier et au nombre d'enfants qui vivent dans des foyers, c'est vraiment honteux.
Il y a un aspect de la pauvreté chez les enfants qui me fait toujours rire; c'est lorsque je me demande où est-ce que les gens pensent que les enfants pauvres vivent? Ils vivent dans des familles pauvres. Lorsque l'on réduit les prestations de l'aide sociale, il n'y a pas de logement et tout cela. Vous parlez des pauvres méritants et vous dites que les gens n'ont qu'à se débrouiller, mais je ne sais pas où vous croyez que vivent les enfants. Il ne faut pas oublier cet aspect lorsque l'on prend des décisions dans le domaine social.
• 0845
Les mesures économiques qui doivent être prises ont déjà été
mentionnées et je voulais vous décrire concrètement l'effet
qu'avaient eu les nouvelles politiques sociales sur les gens de
cette province et de notre pays. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci à tous. Lorsque je me suis levé ce matin, j'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu qu'il y avait un beau soleil et cela m'a mis de très bonne humeur. Je vous ai tous écouté et je constate que depuis 15 ans qu'ils sont au pouvoir, les gouvernements n'ont rien fait de bien. On nous critique tout le temps et lorsque nous prenons de bonnes décisions, ce n'est pas à nous qu'on les attribue, c'est aux taux d'intérêt ou au fait que l'économie s'améliore.
Nous sommes ici pour écouter vos recommandations. Je comprends que Terre-Neuve a des problèmes très particuliers et très graves, cela est vrai. Nous allons essayer de consacrer l'heure ou l'heure et demie qui suit pour nous fixer des buts, après vous avoir écouté nous présenter vos priorités. J'aimerais qu'à la fin de cette réunion, je puisse présenter à notre ministre des Finances des recommandations qui portent sur les secteurs qui vous paraissent prioritaires et qui tiennent compte de vos préoccupations. Merci.
Nous allons commencer des rondes de 10 minutes en donnant la parole à M. Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup. Nous sommes ici pour écouter, c'est certain. Je viens de la Colombie-Britannique et les sentiments d'aliénation du centre du Canada que l'on ressent dans l'est ressemblent parfois à ceux que l'on ressent dans l'ouest.
J'aimerais faire un petit commentaire sur ce qu'a dit M. Harris au sujet de M. Van der Zalm de la Colombie-Britannique. Je ne tiens pas à lancer un débat sur le sujet mais je dirais qu'aujourd'hui ont peut considérer que M. Van der Zalm est un accident historique et qu'il ne joue pas un grand rôle dans la politique provinciale.
En Colombie-Britannique, la situation est la suivante: cette province se plaçait au premier rang au Canada pour ce qui est de la croissance et des investissements mais elle a glissé au dixième rang avec le gouvernement NPD. Ce gouvernement a fait beaucoup de mal à la province. Ce n'est pas qu'il se trompe d'objectifs; j'ai beaucoup d'amis qui travaillent pour le NPD. La communauté dont je viens et que je représente a toujours eu un député provincial NPD.
Si les objectifs de ce parti sont louables, la méthode utilisée pour les réaliser n'est manifestement pas la bonne. Ce n'est pas un commentaire de nature politique, je me base uniquement sur les résultats. Les preuves sont là, et elles ne font que s'accumuler.
M. Van der Zalm est un accident historique. Il est triste de voir un ancien premier d'une province devenir un sujet de moquerie, mais nous verrons bien. Les temps changent. Je mentionne cela en passant.
J'aimerais connaître l'avis de tous les témoins sur une seule question, c'est-à-dire celle des paramètres de l'assurance-emploi que le gouvernement nous a demandé d'examiner dans l'ensemble du Canada.
Je crois comprendre que l'actuaire en chef a déclaré que, selon les règles et le programme actuels, les cotisations devraient être fixées à un niveau inférieur de 30 p. 100 au niveau actuel. Les chiffres indiquent qu'il y a actuellement un surplus de près de 20 milliards de dollars.
La principale solution qui nous a été suggérée est de réduire les cotisations. Les documents du gouvernement indiquent que des cotisations d'AE trop élevées constituent un impôt sur les emplois et nuisent à la création d'emploi. L'autre aspect que le parti de M. Nystrom a très clairement fait ressortir devant la Chambre des communes est celui des prestations. C'est également un problème.
• 0850
J'aimerais, tout d'abord, revenir à la question qui est sous-jacente aux
critiques que l'on fait à l'endroit de l'AE. On
reproche à ce système d'avoir des effets pervers qui faussent le
jeu des forces du marché dans la mesure où il permet aux gens de
faire des choix en matière de style de vie et de planifier leur
carrière en utilisant le système de l'AE, que l'on considère
finalement comme une subvention annuelle, une subvention du
gouvernement destinée à compléter le revenu, et non un régime
d'assurance auquel on a recours en cas d'événement imprévu, et vous
savez fort bien de quoi je veux parler.
On a parlé également d'un autre aspect de l'assurance-emploi en disant qu'il faudrait que ce programme redevienne un véritable programme d'assurance et qu'on devrait le débarrasser de tous ses aspects sociaux et de formation qu'il serait préférable de confier à des programmes de formation tout à fait distincts de l'AE. On dit qu'il n'est pas souhaitable de mélanger ces deux aspects parce qu'autrement on est toujours amené à déterminer qui peut avoir accès à ces programmes, à se demander si les prestations vont se terminer avant le programme de formation, à tenir compte des périodes de carence, et tout cela devient un cauchemar administratif.
Je suis sûr que vous avez déjà beaucoup réfléchi à la façon dont on pourrait réformer l'AE. C'est peut-être le programme social canadien qui a été le plus étudié. Combien y a-t-il eu de thèses de maîtrise et de doctorat sur ce sujet? À Ottawa, les étagères croulent sous le poids des rapports des commissions et des groupes qui ont étudié cette question. Je ne crois pas que nous ayons besoin d'avoir plus de données; ce qu'il faut, c'est revenir au niveau local, pour concevoir un programme qui puisse vraiment aider les gens, et qui n'ait pas tous ces effets pervers qui, à long terme, font plus de mal que de bien.
Je vais en rester là pour le moment et j'aimerais entendre ce que vous avez à dire au sujet des façons d'améliorer le régime de l'AE.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Paul. Je vois que M. Harris a déjà levé la main. Je vais donc lui demander de répondre en premier.
M. Jack Harris: Je ne vais pas entamer une discussion au sujet de votre remarque mais il me semble que M. Van der Zalm prétend être le chef du Parti réformiste de la Colombie-Britannique.
Pour ce qui est de la situation économique de la Colombie-Britannique, cette province est celle qui dépend le plus de l'Asie et des pays de la région du Pacifique pour écouler ses produits. Il est évident que la crise qui sévit dans cette région n'a pas été causée par le gouvernement de la Colombie-Britannique.
Je tiens à faire certains commentaires au sujet de l'assurance-chômage. On peut sans doute dire que les cotisations sont supérieures de 30 p. 100 à ce qui serait nécessaire, selon les règles actuarielles, pour financer un programme qui est nettement insuffisant. Lorsqu'on démantèle un programme tout en maintenant les cotisations au même niveau, il est évident qu'on perçoit plus d'argent que l'on en a besoin.
Je ne pense pas que l'argument des facteurs de dissuasion soit défendable. Si l'on remonte à 1971, à cette époque le programme était pleinement capitalisé et opérationnel et 85 à 90 p. 100 des personnes au chômage avaient droit à des prestations, alors que le taux de chômage était de 6,5 p. 100 au Canada. Les gens veulent travailler, ils ne veulent pas recevoir des prestations d'assurance-chômage. Il faut que le régime d'assurance-chômage assume son rôle qui est d'accorder un soutien financier aux chômeurs.
À l'heure actuelle, comme tout le monde sait, moins de 40 p. 100 des chômeurs ont droit à l'assurance-chômage, et cela est tout à fait déplorable.
Nous avons des cibles et nous avons beaucoup parlé de cibles. M. Gibbons a parlé de cibles pour ce qui est du rapport entre la dette et le PIB. Mme Greene a mentionné la cible consistant à supprimer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Nous savons que John Crow et la Banque du Canada ont des cibles pour arrêter l'inflation. Lorsque nous nous fixons des cibles et que nous voulons les atteindre, nous réussissons à le faire. Nous avons réussi à ramener l'inflation à près de zéro en acceptant un taux de chômage très élevé, ce qui a causé beaucoup de souffrances.
• 0855
Rien ne nous empêche de nous fixer des cibles en matière
d'emploi. Si nous le faisons, nous aurons moins besoin du système
d'assurance-chômage. En améliorant le régime d'assurance-chômage
pour les chômeurs et en nous fixant une cible en matière de
réduction du chômage, je crois que nous pourrons atteindre
l'équilibre souhaité. Si les cotisations sont trop élevées, alors
il faut bien sûr les réduire.
Je ne pense pas que nous devrions utiliser ce régime pour essayer de changer la société. Je ne pense pas que l'assurance-chômage vise à changer la société. En théorie, ce régime doit donner aux chômeurs un appui financier ou de la formation, on peut le comparer, je crois, à un programme d'assurance-invalidité qui assume le coût de la rééducation des travailleurs. Je ne crois pas que l'idée de recycler les chômeurs soit incompatible avec la notion d'assurance; au contraire, je crois que ces deux notions sont tout à fait compatibles. Si les cotisations sont trop élevées de 30 p. 100, il est évident que le programme ne fait pas ce qu'il devrait faire pour les chômeurs. Voilà mon opinion.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Price.
Mme Elaine Price: Je dois faire un commentaire. Il me paraît tout à fait choquant d'affirmer que les travailleurs choisissent consciemment de recevoir des prestations d'assurance-chômage, qu'ils utilisent ce régime parce qu'ils ont choisi un style de vie particulier. La plupart des travailleurs n'arrivent pas à joindre les deux bouts lorsqu'ils travaillent et reçoivent 100 p. 100 de leur salaire. Il me paraît ridicule de laisser entendre que les travailleurs se disent: «Eh bien, je crois que je vais maintenant me contenter de 55 p. 100 de mon salaire» alors que la plupart d'entre eux n'arrivent pas à vivre avec 100 p. 100 de leur salaire.
L'autre aspect que je veux signaler est que ce pourcentage de 55 p. 100 des gains est le taux normal. C'est avant que l'on impose les pénalités prévues pour les employés saisonniers, parce que, depuis que le régime d'assurance-chômage a été modifié l'année dernière, les personnes qui travaillent dans des industries saisonnières se voient imposer des pénalités pendant les 20 semaines où elles retirent des prestations. En plus de tout cela, elles sont pénalisées pour les semaines où elles n'ont pas gagné suffisamment. Ce n'est donc pas un style de vie que l'on choisit.
L'autre aspect que je tiens à mentionner est qu'au départ, l'assurance-chômage devait fournir un revenu aux personnes qui avaient perdu leur emploi. Il y a des gens qui sont morts de faim dans ce pays. Il y a des gens qui sont morts de froid parce que lorsqu'ils avaient perdu leur emploi et que l'hiver arrivait, ils n'avaient aucun revenu. Ils dépendaient de la charité, et c'est là où nous en sommes pratiquement aujourd'hui, car la collectivité n'avait pas les ressources pour faire quoi que ce soit.
L'autre aspect que l'on oublie parfois lorsque l'on parle d'assurance-chômage est que ce régime ne fournit pas seulement aux travailleurs un revenu lorsqu'ils perdent leur emploi mais qu'il permet également aux employeurs d'avoir accès à une main-d'oeuvre très qualifiée dans les industries saisonnières. C'est un point que l'on paraît oublier et il y a beaucoup d'industries saisonnières dans cette province.
La pêche est une activité saisonnière. Le tourisme l'est aussi, tout comme l'industrie forestière, ou certains aspects de cette industrie. Les gens ne se disent pas: «Eh bien, je crois que je vais travailler dans un de ces secteurs parce que j'aurai l'assurance-chômage pendant une partie de l'année.» Il n'y a pas d'autres emplois. Ce sont des emplois importants et les gens qui travaillent dans ces secteurs contribuent à l'économie et le PIB généré dans ces secteurs représente une contribution importante, et pas seulement à l'économie provinciale mais à l'économie nationale. C'est un point qu'on oublie bien souvent.
Je suis d'accord avec Jack lorsqu'il dit que, pour savoir ce que l'on doit faire avec ce surplus, il faut d'abord savoir d'où il vient. Ce surplus vient de la poche des chômeurs canadiens. C'est une véritable honte.
Pensez qu'en 1989, 87 p. 100 des chômeurs touchaient des prestations d'assurance-chômage et que ce pourcentage est passé l'année dernière à 46 p. 100 et que cette année, il va être de 36 p. 100. Il y a moins de gens qui ont droit à l'assurance-chômage, les prestations sont réduites et les travailleurs saisonniers sont pénalisés.
Vous parlez des facteurs de dissuasion. Les gens qui acceptent de travailler à un moment où leurs gains sont faibles vont être pénalisés davantage. Il y avait là un programme qui était conçu, pour d'excellentes raisons, pour avantager les employeurs et les employés et vous l'avez démantelé et vous avez placé toutes sortes d'obstacles qui empêchent les gens de travailler.
• 0900
Pour ce qui est du surplus, il appartient aux travailleurs et
aux employeurs et c'est à eux qu'il faudrait le rendre. Et avant de
réduire les cotisations ou même d'envisager de le faire, il
faudrait commencer par s'assurer que le programme fournit les
services et le soutien que les chômeurs canadiens méritent et
auxquels ils ont droit.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous invite à nous présenter vos recommandations. Si vous pensez que l'on devrait réduire le surplus et les cotisations, j'aimerais que vous le disiez. Je vais laisser les autres prendre la parole mais si nous pouvions être plus précis...
Monsieur Gibbons, vous avez la parole.
M. Sandy Gibbons: J'aimerais revenir sur le commentaire que le président a fait tout à l'heure, lorsqu'il a dit qu'il s'était levé ce matin et que c'était une belle journée... Eh bien, la Chambre de commerce de St. John's tient à dire que les choses progressent à Terre-Neuve. Nous changeons notre attitude. Il se fait d'excellentes choses dans la province. Le secteur pétrolier se développe, celui des technologies de l'information aussi. Nous faisons des progrès. Le secteur de la pêche se diversifie. Il y a donc des choses très positives qui se passent à Terre-Neuve. Malheureusement, le chômage est encore à 18,7 p. 100.
Une voix: Le soleil ne brille pas pour tout le monde.
M. Sandy Gibbons: Non, et nous le savons. Mais la province essaie de diversifier ses activités. Je peux le dire.
Pour revenir à la question de l'assurance-chômage, je ne pense pas que l'on puisse faire des catégories et séparer l'assurance-emploi de la formation. Tout cela est relié. Je mentionnerais à ce sujet que notre ancien premier ministre, Clyde Wells, avait préparé un programme fondé sur le rapport House et qu'il avait essayé de négocier un nouveau programme social qui s'appuyait sur l'assurance-emploi. Je ne sais pas ce qui est arrivé mais il n'a pas réussi à s'entendre avec le gouvernement fédéral.
Je crois qu'une partie du problème vient de la façon dont nous examinons nos programmes. Dans ce pays, nous essayons de décentraliser certains domaines. Dans d'autres domaines, nous voulons avoir des normes nationales. Je ne pense pas que les Canadiens s'entendent sur le genre de pays qu'ils aimeraient avoir. Il y a trop d'acteurs; d'après ce qui s'est dit. C'est peut-être une bonne chose, qui sait. Mais les provinces demandent certaines choses, le gouvernement affirme certaines choses, et les groupes de pression en demandent d'autres. C'est ce qui explique qu'il soit difficile de trouver les réponses que nous cherchons.
Il est évident que nous aimerions que le taux de chômage baisse, même si nous représentons les entreprises. Je crois que tout le monde s'entend là-dessus. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur la façon d'y parvenir. Il y a des gens qui voudraient que le gouvernement règle tous leurs problèmes. Les entreprises pensent que le gouvernement devrait s'occuper de gouverner, d'établir des politiques et que l'économie devrait pouvoir se développer toute seule. Les gouvernements devraient fixer des normes et les entreprises et les groupes sociaux devraient les respecter. Je pense que c'est plutôt de cela dont il faudrait parler et non de dire que le gouvernement devrait s'occuper de tout.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Kirby.
M. Dale Kirby: Merci. J'aimerais faire quelques brefs commentaires là-dessus.
Il s'agit de savoir comment le ministre Martin devrait utiliser ce surplus. Je crois que c'est la question qui est posée.
Nos membres sont dans une situation difficile. Les frais de scolarité sont élevés. J'aurais envie de demander que l'on utilise cet argent pour mettre sur pied des programmes sociaux, comme l'éducation postsecondaire, mais cela reviendrait à prendre à Pierre pour donner à Paul. Le gouvernement fédéral vient de retirer 2,29 milliards de dollars de l'éducation postsecondaire et il vient de créer un fonds des bourses du millénaire de 2 milliards de dollars. Cela ne paraît pas très logique. Le ministre Martin est très habile avec les chiffres.
Pour donner un exemple très simple, si ma voiture est assurée et que ma maison brûle, je ne vais pas pouvoir m'acheter un poste de télévision neuf parce que ma voiture est assurée. Il s'agit d'assurance-emploi. Le gouvernement a tellement resserré les règles et la Loi sur l'assurance-emploi qu'il y a de moins en moins de gens qui y ont droit. Vous devriez peut-être examiner cet aspect et voir si on ne pourrait pas assouplir un peu les règles; ce surplus diminuerait certainement s'il y avait davantage de gens qui avaient droit à recevoir ces prestations. C'est de l'assurance-emploi.
J'ai écouté les émissions de ligne ouverte à Terre-Neuve et la plupart des gens disent, pas tous, mais la plupart, regardez la situation des chômeurs, c'est pour eux qu'on a créé ce fonds. En fin de compte, s'il y a trop d'argent, on pourrait peut-être réduire les cotisations. Mais je ne commencerais pas par réduire les cotisations immédiatement, parce qu'il y a des chômeurs qui auraient besoin que l'on assouplisse les règles vraiment très strictes que le gouvernement a mis en place.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Kirby.
Je vais maintenant donner la parole à M. Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Quelqu'un a fait remarquer ce matin que cela faisait trois ou quatre ans que certains d'entre nous venaient ici. Je crois que c'est pour moi la cinquième fois depuis que nous avons été élus. Je me demande si nous vous avons bien écouté. Permettez-moi aussi de vous rappeler le sujet dont nous parlions il y a quatre ou cinq ans: il y avait un déficit de 42 milliards de dollars et nous étions chargés de supprimer le déficit et d'empêcher la dette de s'aggraver. Chaque fois que le déficit diminuait, on nous félicitait pour bien nous montrer que nous allions dans la bonne direction.
Mais aujourd'hui, cela a été fait et pour la première fois nous parlons de dividende fiscal et cela est un peu plus difficile. Chacun demande sa part du butin car il suscite beaucoup d'envies. Mais je me demande bien comment nous allons le partager?
Elaine Price de la Fédération du travail nous a dit ce matin que cet argent appartient à l'assurance-emploi, c'est-à-dire aux travailleurs. Eh bien en fait, 60 p. 100 de cette somme provient des employeurs et la plupart sont des sociétés. Les sociétés comprennent de une à 10 ou 20 personnes. Je suis une société. Je paie des cotisations. Je ne pense pas toutefois que si l'on me remboursait ces sommes je pourrais créer d'autres emplois. Ce n'est que mon point de vue.
Nous avons également entendu la Chambre de commerce. J'ai pensé un instant, M. Gibbons, que nous avions fait de notre mieux mais on me parle maintenant du fonds de l'AE, d'où vient cet argent et combien il y en a. En fait, ce n'est qu'une convention comptable. Ce fonds n'a jamais été capitalisé, il ne l'est pas aujourd'hui et il ne l'était pas il y a 10 ans. En fait, en 1986, il y avait un déficit de 6 milliards de dollars qui était comblé grâce aux recettes générales. Le fonds de l'AC n'a jamais été capitalisé. Il ne représente qu'une convention comptable, une écriture. Et bien sûr, le gouvernement s'en servait. Cela ne date pas d'aujourd'hui, je parle d'il y a 12 ans.
Nous avons maintenant accumulé un surplus, qui est d'environ 20 milliards de dollars, comme tout le monde dit et c'est ce que l'on me dit aussi... Je pense également que la cotisation devrait être ramenée à 2,10 $, soit une réduction de 60c. D'après mes calculs, une réduction de 10c. représente 700 millions de dollars, et avec une réduction de 60c., le surplus diminuerait de 4,2 milliards de dollars. D'après ce que j'ai entendu, le surplus total devrait s'établir quelque part entre 5 et 6 milliards de dollars. Comment allons-nous dépenser ce dividende fiscal si nous ramenons la cotisation à 2,10 $?
Je me demande ce que vous feriez si vous aviez la possibilité d'utiliser cet argent pour la santé, pour l'éducation ou pour réduire les impôts...
Je mentionne en passant à M. Gibbons que nous avons déjà réussi à stabiliser la dette. La dette n'augmente plus. En fait, nous avons commencé à la rembourser depuis quelques années grâce au fonds d'urgence. Voilà ce que nous avons fait.
Si nous ramenons ce taux à 2,10 $, cela réduirait le surplus de 4 milliards de dollars. Ou préféreriez-vous...? Nous avons réduit la surtaxe de 3 p. 100. Préférez-vous que l'on procède à une réduction générale des impôts, en maintenant le taux à 2,70 $ et en augmentant la déduction de façon à ce que tous les Canadiens bénéficient d'une réduction d'impôt? De cette façon, l'employeur, c'est-à-dire moi, et les employés en bénéficieraient également, parce qu'en augmentant la déduction, tout le monde obtient une réduction d'impôt. Si vous aviez à choisir, que décideriez-vous?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Gibbons.
M. Sandy Gibbons: Nous demandons au gouvernement de modifier ce mécanisme comptable pour faire de l'AE un programme distinct. Nous disons qu'il s'agit là d'un impôt caché et que, si vous continuez à le percevoir, il faudrait prévoir un fonds distinct. Si vous décidez de continuer à percevoir cet argent pour ensuite l'utiliser pour d'autres programmes, cela devient un impôt déguisé.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Le vérificateur général qui représente, en théorie le public, ou tous les Canadiens, a exigé à l'époque que le fonds d'assurance-chômage soit consolidé avec les recettes générales. C'était ce qu'il demandait à l'époque. Ce ne sont pas les gouvernements qui ont suivi qui ont pris cette décision; c'est ce qu'avait exigé le vérificateur général du Canada, et cela remonte à 1986.
M. Sandy Gibbons: C'est cela, à 1986. Eh bien en 12 ans, le pays a changé. La situation économique n'est plus la même et il faudrait en faire un fonds distinct. Le Canada a changé. Nous avions à l'époque des programmes nationaux. Nous sommes maintenant en train de décentraliser les programmes. Les programmes ont changé et vous les modifiez. Nous disons aujourd'hui, qu'il faut en faire un fonds distinct.
M. Gary Pillitteri: Voulez-vous dire qu'il faudrait constituer un fonds distinct qui serait pleinement capitalisé?
M. Sandy Gibbons: Un fonds distinct.
M. Gary Pillitteri: Pleinement capitalisé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Lorsqu'il manquait dans ce fonds 5 milliards de dollars en 1993, qui aurait dû verser cette somme?
M. Sandy Gibbons: Nous parlons de la situation actuelle. Si nous étions en 1986, il est certain que la discussion serait différente.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous proposez donc de créer un fonds distinct, autofinancé, et s'il y a un déficit, ce sont les travailleurs qui vont le combler? Qui le ferait?
M. Sandy Gibbons: Vous parlez des travailleurs mais les employeurs versent 60 p. 100 des cotisations et les employés 40 p. 100. À l'heure actuelle, d'après les comptes publics, le fonds s'élève à près de 20 milliards de dollars. Au cours de la dernière année financière, vous avez perçu 7,1 milliards de dollars de trop auprès des employeurs et des employés. Nous pensons qu'un surplus de 15 milliards de dollars permettrait d'absorber un ralentissement économique éventuel.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Les comptes n'indiquent absolument pas qu'il existe un compte spécial contenant 20 milliards de dollars. Cela fait partie du Trésor et on a utilisé ces fonds pour réduire le déficit et rembourser la dette. Cet argent a été utilisé de toutes sortes de façons. Il a été dépensé. Ces 20 milliards n'existent pas, ils ont été dépensés.
M. Sandy Gibbons: Ils ont été dépensés? L'argent n'est plus là. Comment pouvez-vous dire...? Il faut peut-être une période de transition pour accumuler cet argent dans un fonds. Cela ne peut pas se faire en un jour, c'est évident, comme l'on passe d'un budget à l'autre.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Une autre intervention?
M. Gary Pillitteri: Il n'a pas répondu à ma question. Monsieur le président, j'aimerais avoir des précisions. Voulez-vous une réduction des cotisations, monsieur, ou une réduction des impôts? Nous ne pouvons pas faire les deux. Voulez-vous réduire les cotisations ou les impôts, monsieur?
M. Sandy Gibbons: C'est vous qui formulez cette question et proposez ce choix. D'après nous, il faut examiner ces deux questions de façon distincte. Le fonds d'AE est un élément qu'il convient d'examiner séparément. L'impôt sur le revenu des particuliers ne devrait pas être avec les recettes générales, il devrait figurer dans un compte distinct.
M. Gary Pillitteri: C'est le même fonds, monsieur.
Le vice-président (M. Nick Discepola): M. Pillitteri nous demande de nous placer dans la situation dans laquelle nous nous trouvions il y a trois ou quatre ans. Il y a trois ou quatre ans, on demandait au gouvernement d'assainir la situation financière; il fallait réduire la dette et supprimer le déficit. Je crois que tous les Canadiens étaient d'accord pour que nous prenions tous les moyens pour réaliser cet objectif, à l'exception d'une augmentation de l'impôt sur le revenu. Mais il fallait le faire. Nous l'avons fait en réduisant les programmes sociaux. Je reconnais que nous avons fait un peu trop de zèle dans certains domaines.
Mais dire aujourd'hui, après qu'on ait atteint cet objectif, qu'il va y avoir un surplus et que l'on n'aurait donc pas dû couper dans ce domaine, c'est comme si l'on disait... Je vais prendre l'exemple des recettes provenant de la TPS si vous me permettez: la consommation augmente, les recettes de la TPS sont plus élevées que prévues et nous avons un surplus dans le compte des recettes provenant de la TPS; vous en concluez qu'il faudrait réduire la TPS et remettre cet argent aux consommateurs. Voilà comment vous raisonnez.
• 0915
Nous avons un surplus qui provient de sources diverses. Les
cotisations d'AE qui représentent entre 5 et 6 milliards de dollars
par an sont l'une de ces sources. Si vous recommandez que l'on
remette 60 p. 100 de cette somme de 5 ou 6 milliards de dollars aux
petites entreprises ou aux grandes sociétés parce qu'elle leur
appartient et que l'on rende le 40 p. 100 restant aux chômeurs et
aux travailleurs, vous supprimez le surplus d'un seul coup. Il n'y
aura donc pas d'argent à investir dans la santé ni de réduction de
l'impôt sur le revenu des particuliers.
C'est la question que nous essayons d'analyser. Quelles devraient être nos priorités? Si vous dites qu'il faut tout donner à un certain secteur, cela veut dire qu'il n'y aura rien pour les autres secteurs. C'est ce qu'essaie de dire M. Pillitteri.
M. Sandy Gibbons: J'aimerais poser une question. Vous pensez qu'il est normal qu'un gouvernement perçoive des impôts déguisés, avec toutes ces taxes différentes?
M. Gary Pillitteri: Nous savons que cela existe, monsieur. Nous reconnaissons que le surplus de l'AE nous a permis de supprimer le déficit. Nous reconnaissons que c'est de là que va venir le dividende fiscal.
Je vous demande simplement si le gouvernement doit rembourser cet argent, dans une proportion de 60 et 40 p. 100, ou s'il doit le répartir entre tous les Canadiens? Cela est simple. Il faut faire l'un ou l'autre. C'est tout ce que je vous demande, monsieur. On remet 60 p. 100 de cette somme aux sociétés et 40 p. 100 aux employés ou à tout le monde.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Ou une combinaison des deux.
Quelqu'un veut-il intervenir? Madame Price.
Mme Elaine Price: J'aimerais commencer par dire que lorsque l'on parle du budget fédéral, on parle de faire des choix. Mais je ne pense pas que cela nous oblige à choisir une victime, les malades, les pauvres, les jeunes ou les chômeurs. Vous voyez les choses de cette façon parce que cela est conforme aux politiques libérales qu'applique le gouvernement pour son processus budgétaire.
M. Gary Pillitteri: Quel est donc l'effet d'une politique sociale?
Mme Elaine Price: Le budget fédéral de rechange a montré, et le montrera encore cette année, qu'il est possible de préserver et d'améliorer nos programmes sociaux. Il n'est pas nécessaire de nous demander qui va devoir y goûter cette fois-ci. Il est possible de mettre sur pied des programmes sociaux efficaces au Canada. Il a été démontré, et en fait les progrès remarquables que nous avons accomplis en réduisant le déficit le confirment, que grâce à des taux d'intérêts faibles, à la croissance économique et à la création d'emploi, et à une réforme fiscale progressive, il est possible d'atteindre les objectifs financiers que s'est fixés le gouvernement, de conserver et d'améliorer les programmes sociaux et de construire une société canadienne qui soit économiquement et socialement juste et équitable.
Nous devons faire face aux conséquences des choix qui ont été faits, des choix qui reflètent ce que j'appelle les politiques libérales. Comme Jocelyn l'a déclaré ce matin, il est tout à fait irréaliste de penser que les gens peuvent s'en sortir seuls. C'est pourquoi je ne pense pas que nous soyons obligés de choisir entre les solutions que vous proposez.
L'autre aspect que je tiens à signaler, au sujet du surplus du fonds de l'AE, et je vais le répéter, est que nous avons un surplus, un surplus accumulé. Même si cet argent n'est pas versé dans un fonds distinct, c'est de l'argent qui vient des employeurs et des travailleurs. Le gouvernement fédéral a volé cet argent aux travailleurs et aux employeurs. Mais nous avons un surplus accumulé. Le fonds a perçu plus d'argent qu'il n'en a versé, parce que vous avez démantelé le programme de l'AC. C'est cela qui s'est passé.
M. Gary Pillitteri: Excusez-moi mais nous avons déjà commencé à rembourser la dette depuis deux ans en versant chaque année 3 milliards de dollars grâce au fonds d'urgence. C'est un choix que nous avons fait. Vous parlez des choix politiques.
Mme Elaine Price: Exactement et vous avez décidé...
M. Gary Pillitteri: Et les choix politiques...
Mme Elaine Price: ...d'aller prendre cet argent dans les poches des chômeurs et de l'utiliser pour supprimer le déficit.
Mme Jocelyn Greene: J'aimerais intervenir sur ce point. Vous nous avez demandé si c'était là le seul choix qui s'offrait au gouvernement fédéral pour résoudre les nombreux problèmes auxquels nous faisons face. Vous nous avez demandé si nous devions réduire les impôts pour que tout le monde puisse en profiter. Il faut souligner que les personnes qui reçoivent de l'aide sociale ou d'autres prestations ne retireront aucun avantage d'une réduction générale des impôts.
• 0920
Elaine a mentionné le budget fédéral de rechange. Il existe
d'autres solutions qu'une réduction progressive des impôts. Vous
dites qu'il n'y a plus d'argent maintenant mais nous pensons à
l'avenir. Si l'on continue de cette façon, il y aura encore un
autre surplus l'année prochaine. Il paraît simpliste de dire que
nous sommes obligés de choisir entre ces deux solutions.
Je tiens également à revenir sur cette idée que tout cela renforce la dépendance, que tous ces gens font des choix de carrière à partir de ce programme. La décision de restreindre le droit aux prestations d'assurance-emploi, qui a eu pour effet de les supprimer pour un certain nombre de gens, et les statistiques le prouvent, entraîne d'autres coûts. Il y a des coûts sociaux pour les gens qui ont leur fierté et les gens de Terre-Neuve qui vivent ici... on a parlé de génocide culturel. Les gens quittent la province, ils ne peuvent plus y vivre. Ils vont à Toronto et essaient de survivre. Il n'y a pas d'autre issue pour eux.
Oui, il y a des gens qui ont décidé de rester à Terre-Neuve et qui ont parfois utilisé l'assurance-emploi pour le faire. Mais vous allez devoir leur verser de l'argent s'ils n'ont pas d'emploi et doivent s'en remettre à l'aide sociale. Il y a aussi les coûts que cela entraîne pour les soins de santé et le système de justice pénale. C'est ce que l'on constate à l'heure actuelle à Toronto. Il est effectivement possible de limiter à 46 p. 100 le pourcentage des travailleurs qui ont droit à l'assurance-emploi mais cela entraîne des coûts.
Faut-il repenser complètement la façon dont l'AE et DRHC ont été administrés? Je pense à tous les obstacles qu'il faut franchir pour avoir accès à ces programmes de formation et de recyclage. Il y a beaucoup de choses à réformer. Je crois qu'il faut le dire. Et oui, il y aussi des gens qui à un moment donné ont besoin d'être aidés.
Vous pouvez dire regardez un tel, il refuserait de travailler même si on lui en donnait la possibilité. Le fait est qu'en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick, on a examiné le cas des prestataires de l'aide sociale. Je suis sûr que la situation de ces personnes serait encore pire s'ils travaillaient. Les programmes de travail obligatoire qu'ils ont mis sur pied ont été fort bien acceptés. Au Nouveau-Brunswick, en particulier, ils n'ont pas eu de mal à convaincre les gens de travailler. Les gens veulent travailler. Cela représente quelque chose de faire cela pour ses enfants, pour pouvoir rentrer à la maison dignement. Il y a des gens qui n'ont pas travaillé depuis 20 ans et qui peuvent à nouveau éprouver ces sentiments; cela est impossible à évaluer en termes financiers.
Il me paraît simpliste de se demander ce qu'il faut faire. Il y a d'autres façons d'obtenir de l'argent et je crois qu'il faut examiner ces choses dans un contexte plus large. Vous vous contentez d'affirmer que le fonds de l'AE est le seul choix qui s'offre au gouvernement fédéral pour continuer à équilibrer son budget. Voilà comment vous posez cette question.
M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président. Je n'ai rien à ajouter pour le moment.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Nystrom, s'il vous plaît.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux personnes qui sont venues ici ce matin. Je crois que quelqu'un a dit que cela revenait à prendre à Paul pour donner à Pierre. Je crois plutôt qu'il s'agit de prendre à Pierre pour donner à Paul. Ces sommes ont été versées au Trésor, n'est-ce pas?
J'ai deux questions à poser. La première porte sur ce qui m'apparaît être une crise internationale très grave. J'aimerais savoir ce que devrait faire, d'après vous, le Parlement du Canada.
Il y avait quelques titres dans le Globe and Mail qui m'ont frappé ce matin: «Le FMI envisage de serrer la vis aux capitaux» et «Le Canada appuie la proposition interdisant les transactions internationales en cas d'urgence». J'aimerais demander, en particulier à la chambre de commerce, ce que vous pensez de ce qu'on pourrait appeler le contrôle des capitaux à l'échelle mondiale.
Il y a plus d'un trillion de dollars qui s'échangent tous les jours. On agite une idée que l'on appelle la taxe Tobin, et je ne parle pas de la taxe de Brian Tobin. Vous avez peut-être déjà trop de taxes Tobin ici, mais je n'en sais rien. De toute façon, ce nom vient de James Tobin, qui a gagné le prix Nobel il y a quelques années. Cela consisterait à percevoir une taxe minime sur les transactions en devises internationales et cette taxe aurait deux buts.
Le principal objectif serait d'exercer un certain contrôle sur la libre circulation des capitaux qui cause à l'heure actuelle d'énormes problèmes dans le monde, pas seulement en Asie mais également en Russie et au Brésil, le dernier pays touché. Ces échanges affaiblissent également le dollar canadien.
Avec cette taxe, qui serait d'environ 0,1 p. 100 ou quelque chose d'approchant, on pourrait constituer un fonds qui contiendrait des milliards et des milliards de dollars que l'on pourrait utiliser pour le développement international, pour les situations d'urgence. Elle a été mentionnée par M. Harris, à qui je souhaite la bienvenue; M. Harris a été député au Parlement il y a un certain nombre d'années et c'est un de nos anciens collègues de la Chambre des communes.
J'aimerais savoir quelle est votre réaction, M. Gibbons ou quelqu'un d'autre? Le Canada devrait-il prendre l'initiative de proposer cette taxe pour introduire un peu d'ordre dans l'économie internationale?
M. Sandy Gibbons: À mon avis, nous avons eu de la chance de pouvoir accueillir ici, il y a environ une semaine et demie, le conseil d'administration de la Banque du Canada. Je n'ai rien d'un économiste et je ne prétends pas en savoir beaucoup dans ce domaine, mais j'ai posé la même question à certains des membres du conseil: Si le G-7 ou le G-11—je ne sais pas au juste comment on appelle ce groupe, ces jours-ci—se réunissait pour discuter de ces questions, que ferait-il? D'une façon générale, je suis fort surpris par ce que je lis actuellement dans les journaux. Permettez-moi de vous dire comment ils ont réagi à ma question. On m'a répondu qu'en fait, les nations vont commencer par protéger leurs propres économies.
• 0925
Ces derniers temps, j'ai pu lire dans le Globe and Mail et
dans les journaux locaux que les États-Unis, sous l'impulsion
d'Alan Greenspan, ont l'intention de créer des politiques qui
assureraient la protection des petites économies. Peut-être cela
voulait-il dire, en fait, que les États-Unis veulent se protéger
eux-mêmes.
Tous les jours, 1,2 trillion de dollars sont dépensés ou sont transférés. D'après ce que je comprends, le Canada dispose d'environ 20 milliards de dollars pour assurer la protection de sa propre économie. Je crois que c'est ce qui a été utilisé pour protéger les taux d'intérêt. Du point de vue monétaire, le Canada n'a pas vraiment assez d'argent pour cela.
Les gouverneurs des banques nationales des pays du G-7 se réunissent une fois par mois en Suisse. Nous sommes convaincus que le G-7 devrait établir des politiques pour protéger les économies contre tous ces libre-échangistes qui sont parfaitement capables de mettre un pays sur la paille en très peu de temps.
Le Canada me paraît avoir une assez bonne politique car elle permet à sa monnaie de flotter. Croyez-moi, les libre-échangistes ont nui à notre dollar. D'après ce que je comprends, la valeur réelle du dollar canadien devrait être de 71 à 72c., mais il n'en vaut que 65 à 66c. à cause du libre-échange. Certains autres pays qui ont traversé des périodes vraiment difficiles ne permettent pas à leurs économies de flotter. Ils n'ont sans doute pas tort, puisqu'ils pourraient être littéralement ruinés.
On devrait donc probablement établir des politiques monétaires internationales afin de protéger les économies, car il y a des gens qui sont plus riches que certains pays.
M. Lorne Nystrom: En principe, donc, vous êtes d'accord avec l'orientation de ce que l'on a baptisé la taxe Tobin.
M. Sandy Gibbons: Oui.
M. Lorne Nystrom: Certains ont-ils d'autres remarques à faire?
M. Jack Harris: Je voudrais ajouter que la taxe Tobin me paraît une idée valable. C'est la formule qui semble faire le plus d'adeptes. Elle me paraît importante et son orientation est celle que nous devrions adopter.
Si nous avions une forme quelconque de contrôle des capitaux, cela permettrait également à notre pays de mieux maîtriser ses taux d'intérêt nationaux et de les réduire. Certains disent que les taux que nous pratiquons sont trop élevés par rapport à ceux des États-Unis, par exemple. Si, de son côté, la Banque du Canada assumait directement une partie de la dette, en réduisant les taux d'intérêt, on pourrait commencer à diminuer considérablement cette dette.
Manifestement, un des groupes qui s'intéressent le plus à cette question est celui des contribuables canadiens. L'an dernier, je crois qu'ils ont payé 46 milliards de dollars au titre de la dette nationale. Si nous réduisons les taux d'intérêt pour nous-mêmes et pour notre économie, nous ferons la même chose pour les contribuables en ce sens qu'ils paieront moins de 46 milliards de dollars par an pour rembourser l'intérêt de la dette. Nous pourrions donc rembourser celle-ci tout en disposant d'un excédent supplémentaire qui pourrait être utilisé pour financer les programmes sociaux et pour améliorer l'état de l'économie. Cela nous permettrait également d'exercer un certain contrôle dans des domaines tels que celui de l'emploi.
Je crois donc qu'il s'agit d'une initiative très positive. Je suis ravi de voir que les leaders mondiaux vont peut-être adoucir leur position sur la question. J'espère en tout cas qu'ils vont le faire et que le Canada pourra y contribuer activement.
M. Lorne Nystrom: Je vous remercie de vos observations. Nous sommes ici pour écouter ce que vous avez à dire et pour nous en inspirer pour nos recommandations. Je crois que cette question fait l'unanimité autour de la table, ce matin.
Ma seconde question s'adresse plus précisément à la chambre de commerce de St. John's, car je crois que les autres témoins se sont déjà exprimés sur la question. Il s'agit de la taille des programmes gouvernementaux. Au cours de la dernière décennie, la manière dont ce pays était gouverné a pris deux tournants très importants. Le premier a été amorcé par la décision de John Crow, le gouverneur de la Banque du Canada, à la fin des années 80, d'adopter la doctrine monétariste et de fixer des taux d'intérêt très élevés qui ralentiraient l'économie et permettraient de vaincre l'inflation. La conséquence de cette décision a été une diminution du rythme de croissance et un taux de chômage élevé.
À une certaine époque, nos taux d'intérêt étaient en fait supérieurs de 5 p. 100 à ceux des États-Unis. La politique suivie par Crow a été beaucoup plus radicale que celle de Greenspan et de la Foreign Reserve Bank aux États-Unis, et j'estime que cela a porté un grave préjudice à notre pays. Je crois que vous tous, y compris le représentant de la chambre de commerce, en avez parlé ce matin.
• 0930
La seconde grande décision qui, à mon avis, a fait beaucoup de
mal à notre pays, a été celle que M. Martin a prise dans son budget
de février 1995, concernant une réduction radicale des dépenses
gouvernementales. Le secteur public fédéral est maintenant plus
petit qu'il ne l'a jamais été depuis la fin des années 40—c'est-à-dire au
cours des 50 dernières années. À la fin des années 40, nous
n'avions pas de régime national de soins de santé; si vous excluiez
celui-ci de la formule, la différence serait considérable.
Un tel programme, qui, cela dit en passant, fait passer Brian Mulroney pour un socialiste forcené... et M. Brison...
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC):
[Note de la rédaction: Inaudible]... un socialiste forcené ou un Brian Mulroney horrifié?
M. Lorne Nystrom: Probablement les deux, mais c'est la démarche la plus conservatrice jamais adoptée par un de nos gouvernements depuis la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Je voulais vous poser la question suivante. Les chambres de commerce et le CCCE appuient ce programme, mais à Terre-Neuve, on a toujours été très partisan des transferts fédéraux aux provinces—le plan de recrutement, les transferts dans le domaine de la santé et de l'éducation, l'aide aux pêches, etc. Estimez-vous, comme vos collègues le mentionnaient, que d'une façon générale, le gouvernement a pris la bonne décision en réduisant considérablement le rôle fédéral, ce qui signifie l'élimination ou la réduction de ces transferts, ou bien au contraire, vous démarqueriez-vous dans votre recommandation par rapport à vos collègues nationaux?
Je pense ici aux Thomas d'Aquino de ce monde, aux personnes qui pensent que c'est ainsi qu'il faut procéder et qui estiment que le secteur public devrait continuer à faire peau de chagrin. C'est une idée dont les principes généraux sont également approuvés par le Parti réformiste qui estime qu'il faut limiter les transferts et réduire de plus en plus le rôle du gouvernement.
Cela semble aller à l'encontre de ce qui se passe à Terre-Neuve et au Labrador. Je me demandais donc si vous êtes d'accord avec des personnes telles que d'Aquino, ou si vous partagez le consensus général auquel on est parvenu autour de cette table, ce matin?
M. Sandy Gibbons: Je ne sais pas ce que vous entendez par consensus général. Je crois que la réduction du gouvernement fédéral faisait partie de la politique des libéraux. Je ne comprends pas pourquoi vous mentionnez le Parti réformiste. Voulez-vous dire par là que les chambres de commerce ont tendance à être de droite? N'oubliez pas qu'elles ont aussi une conscience sociale.
M. Lorne Nystrom: Je vous demande simplement si vous êtes d'accord avec le Paul Martin d'avant la campagne électorale de 1993—il pensait alors qu'il fallait maintenir et même accroître le rôle du gouvernement—ou avec le Paul Martin de février 1995 qui proposait une réduction radicale des dépenses gouvernementales, décision qui, à mon avis, a été préjudiciable à des régions telles que Terre-Neuve et le Labrador?
Nous avons affaire à deux Paul Martin: celui dont vous chantiez les louanges, et le Paul Martin d'après 1995, celui dont les bureaucrates et les fonctionnaires des Finances se sont emparés pour lui faire changer d'avis et changer son fusil d'épaule. Des gens tels que Doug Peters, qui était autrefois membre du cabinet fédéral mais qui n'a pas représenté sa candidature parce qu'il était fondamentalement opposé à l'orientation adoptée. De quel côté vous rangez-vous en ce qui concerne...? C'est une question fondamentale qui se pose: lequel des deux pays doit-il suivre; le Paul Martin d'aujourd'hui ou le Paul Martin première version?
M. Sandy Gibbons: Je ne pense pas pouvoir vraiment vous parler de M. Martin, mais je suis probablement capable de vous exposer les principes auxquels sont attachées les chambres de commerce, notamment celle de St. John's. En fait, nous estimons que le gouvernement devrait jouer un rôle de gouvernance, et que c'est le secteur privé qui devrait exécuter tous les programmes dont il est capable de se charger. Nous sommes également convaincus que le secteur privé saurait dépenser son argent plus sagement que le gouvernement, car la bureaucratie y est moins importante. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Lorne Nystrom: Je me demande si Mme Price serait d'accord avec cela.
Mme Elaine Price: Je ne peux pas résister à la tentation d'intervenir. Je voudrais vous parler un instant du collège de formation professionnelle qui a fait faillite en septembre. Il y en a un certain nombre à Terre-Neuve où l'on pense que le système privé est beaucoup plus responsable et mieux à même de dépenser les fonds publics. Plusieurs autres collèges ont également fait faillite au cours de l'année écoulée.
Non, je ne suis pas d'accord. C'est un mythe qui a été entretenu par des organisations telles que la chambre de commerce de St. John's et la Chambre de commerce du Canada pour appuyer les partenariats entre les secteurs public et privé. Essentiellement, cela se ramène à la privatisation des services publics. C'est le même raisonnement que M. Martin a tenu lorsqu'il s'est attaqué aux programmes sociaux et qu'il a éliminé quelque 45 000 emplois dans la fonction publique depuis l'adoption du budget 1995.
Je voudrais également revenir sur les commentaires de M. Gibbons au sujet de l'infrastructure. Je suis d'accord avec la chambre de commerce en ce qui concerne l'amélioration et le renforcement de notre infrastructure. Je crois cependant que nous pourrions procéder différemment. J'estime qu'il devrait y avoir une infrastructure publique financée avec des fonds publics et administrée par la fonction publique.
• 0935
Je vous ferai cependant observer que pour chaque emploi perdu
dans le secteur public, nous en perdons trois autres dans le
secteur privé. Lorsque vous multipliez par trois ces 45 000 emplois
fédéraux supprimés par le gouvernement depuis 1995, cela représente
un nombre énorme d'emplois perdus.
Il n'y a, je crois, aucun doute de la position de la fédération à l'égard de l'approche adoptée par M. Martin. Il m'arrive cependant de penser que certaines de nos organisations privées essayent de ménager la chèvre et le chou, et que lorsque l'on commence à éliminer des emplois ou des services publics, les entreprises privées en font également les frais. Je suis surprise qu'elles n'aient pas protesté aussi vigoureusement qu'elles le faisaient autrefois.
M. Jack Harris: Pourrais-je ajouter un mot? En ce qui concerne les dépenses gouvernementales, j'ai l'impression que nous ne marchons pas du tout au même pas que le reste du monde. Après tout, nous ne sommes comparés aux États-Unis que ceux qui veulent éliminer les programmes et réduire les dépenses gouvernementales. Ces gens-là disent que nos dépenses sont nettement supérieures à celles des États-Unis. C'est bien possible, et c'est très bien ainsi.
Cependant, si vous commencez à comparer notre pays avec les vieilles nations européennes qui ont vécu toutes sortes de crises—des guerres mondiales à leurs portes, etc.—, des nations qui essayent de régler les problèmes sociaux et de créer une économie profitable pour leurs habitants et bonne pour leurs citoyens, qu'il s'agisse de la France, de l'Allemagne, de l'Italie ou des pays scandinaves, il faut reconnaître que leurs dépenses gouvernementales sont beaucoup plus élevées que les nôtres et que chez elles, le système de répartition de la richesse est plus équitable et qu'il y a moins de pauvreté. Nous avons peut-être un indice du développement humain flatteur si l'on en croit les Nations Unies, mais quand il s'agit de la répartition de la richesse chez nous, nous sommes bien mal placés.
Donc, les Américains n'ont pas grand-chose à nous apprendre dans ce domaine. Peut-être nous sentirons cependant plus à l'aise si nous comparons nos dépenses gouvernementales avec celles de nos voisins européens. Puisqu'on aime tant parler de mondialisation, voyons ce qui se passe dans le reste du monde au lieu de nous contenter d'observer notre voisin du Sud.
M. Lorne Nystrom: Merci, monsieur Harris.
Je voudrais poser une question. Pourriez-vous nous parler un peu plus du contrôle social? Cela pourrait nous aider dans nos recommandations. Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
Mme Jocelyn Greene: C'est une idée qui a été présentée par un certain nombre de ceux d'entre nous qui travaillent dans les secteurs communautaire et social. Il s'agit d'examiner les répercussions des changements de la politique sociale sans s'en tenir au point de vue financier. Manifestement, et en dépit de ma réaction passionnée à l'égard des dépenses, je reconnais que le déficit galopant n'a été bon pour personne.
Voilà donc un contrôle financier qui révèle que nous sommes parvenus tout d'un coup à équilibrer notre budget. Parfait. Est-ce suffisant pour effectuer une analyse des répercussions des décisions en matière de politique sociale? Je ne le pense pas, et beaucoup d'entre nous, qui travaillent particulièrement dans le secteur des services diraient qu'il faut aller plus loin. Il faudrait un contrôle social plus poussé qui permette de déterminer les conséquences à long terme. Ce n'est que dans une dizaine d'années que nous connaîtrons vraiment les effets des décisions actuelles.
L'engagement que le gouvernement de Terre-Neuve a maintenant concrétisé dans un plan stratégique social prévoit ce genre de contrôle; à ce titre, cette prise de position me paraît très importante. Reste à élaborer le processus.
Ce document a été rendu public en septembre. Pour ceux d'entre nous qui ont une certaine expérience de ces questions, il contient certains éléments d'information. Il s'agit cependant d'un processus nouveau qui a besoin d'être développé. Quelles seront les normes? Quels seront les points de référence? Comment déterminerez-vous de manière raisonnable les répercussions des décisions relatives à la politique sociale?
J'estime que les gouvernements devraient adopter pour principe l'exécution d'un calcul parallèle des coûts économiques et sociaux, des décisions prises en matière de politique sociale. À long terme, les coupures dans ce domaine porteront un préjudice économique aux gens. Nous savons pertinemment combien nous coûtent les détenus, les toxicomanes, etc. C'est nous qui payons.
Voilà le genre de processus auquel je songe. Je suis sûr que vous ne voulez pas m'entendre disserter longtemps là-dessus, mais je crois qu'il y a là un engagement à prendre, au niveau des principes.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Greene.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions à poser—et je tiens à dire en passant à Mme Greene que j'ai beaucoup apprécié la remarque qu'elle a faite tout à l'heure, qui traduisait un point de vue pancanadien sur beaucoup de ces questions, ce qui, à mon avis, est la clé du problème. Nous représentons la moitié du Comité des finances et nous parcourons le Canada pour entendre ce qu'ont à dire tous les Canadiens. Les solutions que nous proposerons devront donc convenir à tous. C'est la raison pour laquelle j'apprécie le point de vue exprimé par Mme Greene.
Ma première question s'adresse à Mme Price et à M. Gibbons.
Au printemps dernier, nous avons examiné le rapport Mintz sur le système d'imposition du revenu des sociétés en comparaison de celui des autres membres du G-8, et nous nous sommes retrouvés dans une situation assez confortable. Le rapport était en fait assez positif. Nous nous situions à peu près au milieu, rang qui convient au Canada.
Lorsque nous avons examiné notre système d'impôt sur le revenu des particuliers, nous avons cependant constaté que cet impôt était plus élevé que chez beaucoup d'autres membres du G-8. Certes, les personnes qui gagnent 50 000 $ ou plus ne représentent que 12,4 p. 100 de tous ceux qui font une déclaration d'impôt sur le revenu au Canada, mais elles paient plus de 55 p. 100 de l'impôt sur le revenu fédéral net recouvré.
Est-ce juste? Est-ce un système suffisamment progressiste? Le fardeau fiscal devrait-il vraiment être assumé par les personnes à revenu moyen et élevé, ou devrait-il être réduit?
M. Sandy Gibbons: Nous avons fait remarquer que la majoration d'impôt était imposée aux personnes à revenu moyen dans le but de faciliter l'application de la TPS et de réduire le déficit. Nous considérons aujourd'hui que la réduction de la majoration d'impôt sur le revenu des particuliers devrait être une priorité, car la TPS fonctionne maintenant sans heurt, la dette est maîtrisée et nous nous sommes attaqués au déficit.
Mme Karen Redman: Dans le dernier budget, nous avons dispensé les personnes à faible revenu de la majoration d'impôt. Proposez-vous d'étendre cette mesure aux revenus moyens?
M. Sandy Gibbons: Oui.
Mme Karen Redman: Bien.
Mme Elaine Price: Je ne suis pas si sûre que notre système d'impôt est progressif. Si vous considérez le pourcentage des impôts payés par les sociétés et par les particuliers dans notre pays, vous constaterez qu'il y a encore une fois eu un transfert massif et que le gros des recettes du gouvernement provient des particuliers et non des sociétés. Au cours de la période des années 50, 60 et 70 et jusqu'à aujourd'hui, les sociétés ont progressivement été libérées d'une bonne partie du fardeau fiscal et que se sont aujourd'hui les particuliers qui doivent l'assumer.
Il faudrait réformer le système pour que les sociétés commencent à payer leur juste part. En comparaison de ce que paient les particuliers dans notre pays, il est bien évident que la part des impôts assumée par les sociétés est insuffisante. Rien n'empêche de rendre le régime fiscal plus progressif, notamment en ce qui concerne l'impôt sur les successions et tout cet argent qui a été transféré à l'étranger il y a peu de temps par des personnes qui voulaient éviter de payer des impôts, et tout cela avec la bénédiction du gouvernement.
Avant de commencer à parler d'un régime fiscal équitable, il faut que les Canadiens soient convaincus que le gouvernement est prêt à faire l'effort nécessaire. Actuellement, j'estime que les personnes appartenant à la tranche de revenus faibles et moyens supportent une part disproportionnée de la charge fiscale.
Je reviendrai au budget fédéral de rechange parce que celui-ci a toujours montré quelles étaient les autres options qui permettent de régler la question d'une imposition progressive.
Mme Karen Redman: Merci.
J'apprécie le fait que vous présentiez des propositions concrètes; mais n'oubliez pas non plus que nous sommes dans une économie mondiale. Entre autres choses, le rapport Mintz a étudié le rôle des sociétés face à la concurrence mondiale et le fait que si nous leur imposons un impôt trop lourd, elles investiront dans l'emploi dans d'autres pays que le Canada—je vous ferai d'ailleurs observer que notre pays ne se trouve pas en queue des nations du G-8 mais au milieu du peloton. Il y a donc un équilibre très délicat à maintenir. Ce n'est plus une question qui peut être uniquement étudiée sur le plan interne.
Mme Elaine Price: Je me sens tenue de vous répondre. Lorsque l'on commence à parler du contexte mondial, il faut adopter une perspective beaucoup plus large—Jack y a d'ailleurs fait allusion tout à l'heure.
J'estime que la mondialisation est un argument qui a été utilisé contre les Canadiens afin de justifier la redistribution de la richesse qui s'est produite. On l'utilise pour justifier le passage à une économie fondée sur de faibles salaires. On l'utilise pour justifier l'émasculation de nos programmes sociaux. En fait, on s'est servi de la mondialisation pour justifier l'érosion de la qualité de vie des Canadiens.
• 0945
Je le répète, il y a d'autres options. Je ne vais pas vous
parler maintenant du budget fédéral de rechange. Je vais reprendre
ce que disait Jack tout à l'heure lorsqu'il suggérait d'étudier les
méthodes utilisées par les autres pays.
Il y a une quinzaine de jour, j'ai assisté à un Forum de l'Atlantique Nord, dans le cadre d'un projet auquel participent l'Université Memorial, l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard et nos gouvernements provinciaux. J'ai examiné les taux de chômage et les programmes sociaux ainsi que la qualité de vie des habitants de certaines de ces autres îles de l'Atlantique Nord. J'ai ensuite examiné les ressources dont nous disposons, qui sont bien plus importantes que nombre de ces îles ne pourraient jamais espérer avoir. J'ai constaté le déséquilibre et je me suis demandée pourquoi il existait. Je crois qu'il reflète la politique publique.
Je crois donc que nous ferions bien de commencer à étudier ce que font certains pays scandinaves, certains pays européens, et même certaines économies des autres îles de l'Atlantique Nord qui ne semblent pas avoir de difficultés particulières à créer des emplois et à protéger la qualité de vie de leurs citoyens.
Mme Karen Redman: Merci.
Ma seconde question s'adresse à M. Kirby et à Mme O'Reilly. Je représente la circonscription de Kitchener-Centre. À Waterloo, qui est une ville jumelle, il y a deux universités, l'Université de Waterloo et l'Université Wilfrid Laurier. Une des choses que m'ont apprises mes contacts universitaires—il est d'ailleurs intéressant de noter que vous n'en ayez pas parlé car c'est quelque chose que les universitaires réclament très souvent—c'était l'augmentation des fonds destinés à la R-D. Dans le dernier budget, nous avons réinvesti 405 millions de dollars dans ce secteur par l'intermédiaire des organismes subventionnaires.
Auriez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Les universitaires de la ville dont je viens me disent que si nous voulons garder nos sujets les plus brillants, il faudrait pouvoir disposer de suffisamment d'argent pour la R-D.
M. Dale Kirby: Je dois dire que c'est probablement un des domaines à l'égard duquel le dernier budget fédéral s'est montré le plus généreux.
L'Université Memorial a sans doute le rôle de R-D le plus important de toute la province. Je vais vous donner un exemple qui montre comment tout cela est lié à une foule d'autres choses. Bien qu'il y ait encore beaucoup d'argent pour les subventions du CRSH et celles du CCNRC, entre autres, le budget de l'Université Memorial se trouve actuellement dans une situation périlleuse.
L'université dispose cependant de ce que l'on appelle les fonds FRET. Il s'agit de fonds supplémentaires dont chaque division et faculté dispose pour leurs recherches. Dans la pratique, il faut avoir déjà de l'argent pour en obtenir. Il faut que l'établissement ait l'infrastructure requise pour que les conseils subventionnaires le subventionnent. Memorial a dépensé tous les fonds FRET dont elle disposait, parce que le gouvernement la saigne à blanc. Celui-ci lui dit en quelque sorte que puisqu'elle n'est pas encore totalement exsangue, il y a certainement toujours moyen de trouver un peu plus d'argent. Memorial a donc dépensé tous les fonds dont elle disposait pour maintenir le matériel en bon état afin d'inciter les conseils subventionnaires et peut-être aussi le secteur privé de donner plus d'argent à l'institut de R-D.
Je crois que cela fait partie du système. Si le financement était suffisant, nous pourrions créer à l'Université Memorial une infrastructure suffisante pour que les conseils subventionnaires et le secteur privé jugent qu'elle a les installations nécessaires pour faire de la recherche et l'aident financièrement. Mais c'est précisément le manque de fonds qui empêche l'université d'obtenir des subventions.
La situation à laquelle nous avons affaire est intéressante. À mon avis, elle a été progressive.
Mme Karen Redman: Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Redman.
Je voudrais revenir sur la remarque, qui refait surface d'année en année, selon laquelle les sociétés n'assument peut-être pas une part équitable du fardeau fiscal. Je me demande si, considérée dans la perspective suivante, la comparaison est logique. Lorsque je travaillais au niveau municipal, nous essayions toujours de nous montrer équitables en veillant à ce que les bénéficiaires du service paient également celui-ci. Nous imposions donc de nombreux droits d'utilisation à cette fin. Il est bien évident qu'une entreprise n'a pas besoin des 19 ou 20 milliards de dollars que nous dépensons au titre des programmes sociaux. Elle n'a pas non plus besoin des huit ou neuf milliards de dollars que nous payons pour les soins de santé. Ce sont ses employés qui en ont besoin.
• 0950
L'impression générale semble être que les sociétés n'assument
pas une part équitable des impôts, en dépit du fait que d'année en
année, les études montrent que nous nous trouvons exactement dans
la moyenne, comme le disait Mme Redman. Je crois que c'est la place
qui convient à notre pays. Ce que je crains, c'est que si nous
accroissons la charge fiscale des sociétés, celles-ci risquent
d'aller s'installer ailleurs.
Je vois que vous levez tous la main.
En fin de compte, ce sont les actionnaires qui devront assumer cette charge supplémentaire, et les employés aussi, car les salaires pourraient diminuer; et bien évidemment, ce seraient les consommateurs qui finiraient par en souffrir, car il ne faut pas oublier qu'une entreprise doit tenir compte de ses résultats financiers, elle doit rendre compte aux actionnaires et assurer sa survie. Ne craignez-vous pas qu'en accroissant la charge des sociétés, certains des effets que j'ai mentionnés pourraient se produire? En quoi cela sera-t-il profitable aux Canadiens, si nous cessons d'être compétitifs à l'échelle mondiale?
J'ai vu quatorze mains se lever. Commençons par M. Gibbons.
M. Sandy Gibbons: Je tiens à dire, pour commencer, que cela m'irrite profondément d'entendre des gens attaquer les sociétés. La chambre de commerce de St. John's représente le milieu des affaires. Dans la plupart des cas, il s'agit d'ailleurs de petites entreprises; en fait, leurs propriétaires gagnent probablement moins d'argent que certaines des personnes que représentent les syndicats ouvriers. Je tenais absolument à le dire. Lorsque j'entends ces attaques contre les sociétés, ce sont peut-être les grosses entreprises qui sont visées—et celles auxquelles vous vous attaquez ces jours-ci, sont des banques. Notre chambre représente de nombreuses entreprises dont les effectifs sont vraiment très réduits.
Je crois qu'il faudrait clairement définir ce que sont les sociétés auxquelles nous nous attaquons. En fait, je crois savoir que même le NPD est en train de revoir ses attaches et sa clientèle, car beaucoup de propriétaires de petites entreprises sont vraiment de petits hommes et femmes d'affaires qui essayent simplement de contribuer à la croissance de notre pays.
Je tenais donc, avant d'aller plus loin, à faire cette remarque.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, le Canada a toujours eu une position modérée et je crois que c'est ce qui en fait un bon pays. Nous avons un côté conservateur, ennemi des extrêmes, et c'est l'attitude que nous avons également sur le plan fiscal.
En tant que représentant du milieu des affaires, je précise bien que nous ne trouvons pas que nos impôts devraient être augmentés. J'ajouterai d'ailleurs que, à notre époque, les propriétaires de nombreuses sociétés sont des fonds de pensions qui représentent des groupes importants de travailleurs et qui contrôlent ces sociétés. Ces groupes contrôlent effectivement la gestion des profits de ces sociétés, et l'argent gagné finit par parvenir aux actionnaires qui encaissent des gains modestes—ils ne représentent en effet qu'un faible pourcentage du total des profits—et qui dépensent cet argent, contribuant ainsi à la croissance de notre économie.
M. Jack Harris: Je ne vais pas vous sauter à la gorge, mais je m'élève vigoureusement contre le fait que les sociétés ne profitent pas des programmes sociaux. Je sais que les sociétés canadiennes sont assez envieuses de l'existence de notre programme de soins de santé, alors qu'elles sont obligées de payer des primes d'assurance médicale très lourdes pour attirer de nouveaux employés ou donner satisfaction à ceux qui travaillent déjà pour elles. Ce n'est qu'un exemple, mais en général, les sociétés bénéficient d'une multitude de façons des programmes sociaux et des dépenses gouvernementales. Une économie plus équitable permettrait aux pauvres d'avoir plus d'argent à dépenser dans des entreprises, ou pour des biens et services, ce qui contribuerait également à soutenir l'économie.
Il est faux de dire que les sociétés se contentent d'exister, que ce sont des non-entités qui n'utilisent aucun service. Bien au contraire, elles utilisent, par exemple, des employés instruits qui sont le produit des programmes sociaux et de l'aide publique à l'enseignement élémentaire, secondaire et postsecondaire. Les programmes de formation prévus dans le budget fédéral et une foule d'autres mécanismes sont là pour aider les particuliers, certes, mais aussi pour soutenir une économie d'entreprises et permettre à celle-ci de se développer.
• 0955
Je suis d'accord avec Sandy sur ce point. Bon nombre
d'entreprises, et beaucoup d'entre elles sont représentées par la
chambre de commerce de St. John's, sont de petites sociétés. Ce
n'est pas d'elles que je parle lorsque je dis que les grosses
sociétés prospères, aux profits élevés, s'en sortent parfaitement
sans payer d'impôts. J'ai devant moi des statistiques qui montrent
qu'en 1994, il y a eu 17 milliards de dollars de profit non
assujettis à l'impôt sur le revenu, dont 80 p. 100 ont été réalisés
par des sociétés dont les profits dépassaient un million de dollars
et dont près de la moitié provenait de sociétés dont les profits
étaient supérieurs à 25 millions de dollars. Voilà les sociétés
dont je parle lorsque je dis que les grosses sociétés riches
n'assument pas une part équitable du fardeau fiscal. Le secteur de
la petite entreprise a bien des difficultés à trouver des moyens
d'éviter de payer les impôts, alors que celui de la grosse
entreprise dispose de toutes sortes d'échappatoires pour cela.
Je conteste donc ce que vous dites du rôle des sociétés et de l'importance de ce qu'elles retirent des programmes sociaux et du régime fiscal.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président. Je suis M. Brison, le socialiste forcené—le premier à porter cette étiquette. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vos interventions.
Monsieur Harris, vous nous avez dit que nous devrions chercher des exemples ailleurs dans le monde, et vous nous avez donné des exemples européens. À votre avis, puisque c'est nous qui avons l'impôt sur le revenu le plus élevé des pays du G-7, devrions-nous essayer de réduire cet impôt avec les autres pays du Groupe? Connaissez-vous le Traité de Maastricht?
M. Jack Harris: Oui. Je ne peux pas dire que je l'ai lu, mais j'en ai entendu parler.
M. Scott Brison: Laissez-moi vous en dire un peu plus sur les exemples que vous citez en Europe.
M. Jack Harris: J'ai découvert aujourd'hui que John Crosbie n'avait pas lu l'Accord de libre-échange.
M. Scott Brison: Eh bien, permettez-moi de vous dire qu'il comprenait mieux l'Accord de libre-échange que vous ne comprenez vous-même l'accord de Maastricht.
Quoi qu'il en soit, le Traité de Maastricht, approuvé par tous les pays européens avant l'Union monétaire européenne, exigeait un ratio dette-PIB de 60 p. 100 pour qu'un pays puisse adopter la monnaie commune. La situation a donc beaucoup changé en Europe sous l'impulsion des pays socio-démocrates qui se comportent beaucoup plus comme des conservateurs. Notamment des personnes comme Tony Blair, ou plus récemment, M. Schroeder.
L'Irlande a réduit les impôts sur les sociétés et a utilisé plusieurs mesures d'incitation fiscale pour attirer l'industrie à base de connaissance—ces horribles sociétés—afin qu'elles créent des emplois.
Compte tenu de ces exemples, pensez-vous toujours que nous devrions mieux nous aligner sur nos partenaires européens?
M. Jack Harris: Le taux d'imposition au Canada représente environ 35 p. 100 du PIB, ce qui nous situe au 12e rang des pays développés si ce taux est le moins élevé.
M. Scott Brison: Parlons donc de notre impôt sur le revenu.
M. Jack Harris: Je parle du taux général d'imposition, et chaque économie choisit naturellement la manière dont elle impose la population. Je ne prétends pas du tout que notre régime fiscal...
M. Scott Brison: Et notre ratio dette-PIB?
M. Jack Harris: Ce ratio est un autre objectif que je serai tout à fait heureux de poursuivre si nous pouvions satisfaire aux objectifs d'équité fiscale et de répartition de la richesse et des opportunités déjà atteints par les nations signataires du Traité de Maastricht. Nous pouvons poursuivre tous ces objectifs à la fois. Cela ne me dérange pas du tout, mais il n'est pas question d'en choisir un plutôt que l'autre. Le ratio dette-PIB est un objectif valable, mais je crois qu'avant de le poursuivre, il faudrait que nous nous assurions que nos autres objectifs en ce qui concerne l'emploi et l'élimination de la pauvreté chez les enfants sont également atteints.
Nous pouvons tous prendre la parole à la Chambre des communes—en 1989 je n'étais pas là, j'avais été défait aux élections de novembre 1988—et déclarer à l'unanimité que nous réduirons la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Nous n'avons pas atteint cet objectif, pourtant John Crow et la Banque du Canada se permettaient de dire que nous visons un taux d'inflation zéro ou proche de zéro, si dures qu'en soient les conséquences pour nous. Il était prêt à poursuivre cet objectif, et les Canadiens étaient prêts à le laisser faire, quels que soient les désagréments et les coûts que cela entraînerait pour eux.
• 1000
Pourtant, nous sommes prêts à renoncer à la poursuite de
l'objectif d'élimination de la pauvreté chez les enfants, approuvé
à l'unanimité par tous les députés et tous les partis. Cela ne me
dérange pas qu'il y ait des objectifs, mais faisons un choix,
veillons à ce qu'il soit juste et attelons-nous à la tâche.
M. Scott Brison: Il n'y a probablement personne autour de cette table, et personne à la vôtre, qui soit opposé aux objectifs que nous essayons d'atteindre. Je suis un Canadien de la région de l'Atlantique, et les difficultés auxquelles nous sommes aux prises dans cette région sont dues au fait que les gouvernements successifs ont collaboré à la mise en oeuvre de politiques qui ont finalement été très préjudiciables à notre région. Prenez l'exemple des pêches.
La règle de l'imprévu a joué un rôle réel dans ce qui s'est passé au Canada Atlantique, car ce qui s'est produit en fin de compte c'est que les gouvernements ont essayé de protéger les habitants de cette région contre les risques de l'avenir. Je crains que le gouvernement n'ait, à bien des égards, empêché au moins une génération de Canadiens de l'Atlantique d'exploiter pleinement les opportunités de l'avenir, en mettant en oeuvre certaines de ces politiques. Nous pouvons ne pas être d'accord sur les moyens d'atteindre nos objectifs, mais il faut respecter le fait que nous voulons tous que ces gens connaissent la prospérité, mais nous voulons aussi qu'ils soient capables de se tirer par eux-mêmes de leurs difficultés.
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des sociétés, il faut noter que les biens des sociétés sont fort mobiles. On pourrait donc très bien envisager d'immobiliser ces biens en utilisant, par exemple, la taxe Tobin. Mais dans ce domaine, il faut bien comprendre que 50 p. 100 des Canadiens qui travaillent sont directement ou indirectement propriétaires d'actions bancaires. Si l'on prend en compte les fonds de pension des syndicats, un pourcentage sans précédent de Canadiens joue aujourd'hui à la bourse des valeurs par le biais de mécanismes tels que celui des fonds mutuels. Donc, lorsque les sociétés gagnent de l'argent—elles ne paient pas nécessairement autant d'impôt que vous le voudriez—beaucoup de Canadiens profitent—les parents comme les jeunes familles qui travaillent—de la croissance des REÉR et d'autres choses de ce genre. Il est important de le comprendre.
Monsieur Harris, vous avez mentionné les collèges privés et dit que les étudiants ne sont pas admissibles aux bourses du millénaire. C'est bien cela?
M. Jack Harris: Ce n'est pas ce que j'ai dit mais c'est probablement vrai. Ce qui m'inquiète à propos des collèges privés—en fait, beaucoup de choses m'inquiètent—a trait à la qualité ainsi qu'à la justice et à l'équité à l'égard des particuliers. Dans bien des cas, ce sont des étudiants ou des jeunes issus de familles pauvres, qui n'avaient pas les qualités requises pour entrer à l'université ou qui n'ont pas pu le faire parce qu'ils sont au bas de l'échelle. Ils paient 10 000, 12 000 ou 15 000 $ un cours qui leur permettra tout au plus d'avoir un emploi à six dollars de l'heure lorsqu'ils auront terminé.
Mme Jocelyn Green: C'est en fait aussi une forme d'aide sociale. Beaucoup de gens se sont inscrits à cause du marketing. Ces collèges acceptent des étudiants qui, à ce stade de leur vie, sont incapables de faire autre chose. Les étudiants obtiennent des prêts de 10 000 $ et une semaine plus tard, ils se font renvoyer et le collège garde le tout. Vous vous demandez comment il se fait que ce soit vous et moi qui payons. Voilà des gens qui ont contracté un prêt étudiant de 10 000 $, qui sont assistés sociaux et sont incapables de les rembourser. Ce ne sont pas des cas isolés. C'est en fait une forme de subvention au groupe des individus qui ont le revenu le plus faible de la province.
M. Scott Brison: Je comprends.
Certes, il y a des exceptions et des échecs; il y a d'ailleurs aussi des échecs dans l'enseignement public. Je ne parle pas d'échecs financiers; je parle du fait que l'on ne permet pas à ces élèves d'acquérir les compétences recherchées par les employeurs. Un des avantages de ce nouveau système de collèges privés est cependant qu'ils sont capables de s'adapter aux besoins des employeurs.
Monsieur Harris, vous dites que les établissements publics sont en fait subventionnés et que les établissements privés ne jouissent pas de cet avantage. Envisagez-vous un type quelconque de bons d'études qui permettraient aux étudiants de choisir?
M. Jack Harris: Non, pas du tout. Ce que je dis c'est que le système d'enseignement privé qui existe dans cette province n'a pas tenu ses promesses et je ne pense pas qu'il soit capable de le faire. Voilà pour l'essentiel. Je ne suis hostile à aucune forme de formation privée. Il s'agit là de personnes qui, à mon avis, ont le droit, en tant que citoyens, de participer à l'économie. Ce que nous devrions faire c'est renforcer le système public, car il ne...
M. Scott Brison: Faudrait-il donc le nationaliser ou...?
M. Jack Harris: Je n'en suis pas certain. Le Collège Algonquin, par exemple, en Ontario—je ne sais pas s'il est nationalisé—est un collège public qui offre d'excellents services aux habitants de la région d'Ottawa. Le Collège de l'Atlantique Nord, ici, quand on le laisse fonctionner, offre de bons services aux étudiants. L'ennui c'est que, dans cette province, un vide a été créé par le retrait des fonds publics destinés au secteur privé; on s'est donc précipité vers... Un marché a ainsi été créé par l'absence d'aide publique à l'enseignement public.
Donc, je ne propose pas un système de bons d'études que vous pourriez utiliser n'importe où. Ce que je recommande, c'est de renforcer le système public, d'apporter un soutien adéquat à l'enseignement public afin de permettre à tous les jeunes de suivre un programme de formation qui leur permettra d'acquérir les compétences requises.
M. Scott Brison: Vous estimez donc qu'il n'y a pas de place pour un enseignement postsecondaire privé, ou pour des mécanismes privés?
M. Jack Harris: Ce que je veux dire c'est que la grande priorité est de garantir aux jeunes la possibilité de recevoir une éducation et d'acquérir les aptitudes professionnelles qui leur permettront de trouver du travail. Il s'agit d'une responsabilité publique, et le fonctionnement de base de ce système devrait être assumé par les autorités publiques.
Il y a certainement place pour ce genre de formation technique privée, mais j'estime qu'elle constitue un supplément, qu'elle ne fait pas partie du système de base.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois que Mme O'Reilly voudrait ajouter quelque chose.
Mme Tracey O'Reilly: Je voulais simplement revenir sur une remarque faite par vous tout à l'heure, lorsque vous avez déclaré que les collèges privés ont l'avantage de pouvoir offrir des cours adaptés au marché de l'emploi. En théorie, vous avez raison, mais dans la pratique, à Terre-Neuve et au Labrador, ces collèges créent des programmes qui ne répondent pas à la demande. Ceux qui les fréquentent se retrouvent avec une dette étudiante écrasante, et à leur sortie, ils obtiennent un emploi où ils sont payés six dollars de l'heure, ou peut-être même moins. Ce que vous venez de dire n'a rien à voir avec la réalité.
Un des gros problèmes actuels du système dans notre province est qu'il n'est pas réglementé.
Lorsque le collège de formation professionnelle a fermé... il a fait faillite. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler.
M. Scott Brison: Si.
Mme Tracey O'Reilly: Il a fait faillite il y a un peu plus d'un mois. Lorsque cela s'est produit, les gens ont commencé à dire que les clients feraient bien d'être prudents, que lorsque l'on prend le risque d'entrer dans une école privée et qu'il arrive quelque chose, on a qu'à s'en prendre à soi-même.
Je crois que c'est là une très mauvaise attitude. Parfois, les étudiants ne savent plus à quel saint se vouer, car il n'y a pas d'argent dans le système public et ils deviennent les proies de gens qui sont des opportunistes.
M. Scott Brison: C'est juste. Je crois que ce qui s'est passé pour les écoles publiques de Terre-Neuve ne correspond pas nécessairement à ce qui s'est produit dans certaines des autres provinces.
Il y a eu des échecs, il y a eu des succès. Il est important que nous sachions que si un système... Je crois que le gouvernement peut jouer un rôle de réglementation en s'assurant qu'il y a des normes, que...
M. Dale Kirby: La raison pour laquelle ces établissements ont proliféré est que le gouvernement fédéral réserve son aide financière à l'enseignement postsecondaire... Par exemple, au Collège de lÂAtlantique Nord—ici même, il y a des listes d'attente de deux ou trois ans pour bon nombre des programmes. Le nombre des étudiants inscrits dans les collèges privés a augmenté d'environ 500 p. 100 depuis 1989.
La raison pour laquelle les étudiants se tournent vers de tels établissements est qu'ils n'ont pas pu entrer au collège public. J'ai parlé à 100 à 200 étudiants qui ont été mis à la porte du collège de formation professionnelle parce qu'ils n'avaient pas réussi à faire ce que le système public fait le mieux. La majorité d'entre eux—85 à 90 p. 100—n'ont dit que s'ils étaient allés dans cet établissement, c'est parce qu'ils n'avaient pas pu entrer dans un collège public à cause d'une liste d'attente de trois ans.
Mme Tracey O'Reilly: Si vous me permettez d'ajouter un mot, je dirais qu'une des autres raisons pour lesquelles les étudiants vont dans les collèges privés tient au fait que les programmes offerts par les collèges publics ont été supprimés à cause de problèmes de financement. Et puis, tout à coup, ces programmes réapparaissent dans des écoles privées. La menuiserie en est un bon exemple. Le Collège de l'Atlantique Nord offrait autrefois ce programme sur ses trois campus; aujourd'hui, le programme n'existe plus que sur l'un d'entre eux. En revanche, on le retrouve partout ailleurs. Vous pouvez voir tout de suite que le problème est dû à l'absence de subventions de l'État.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Price.
Mme Elaine Price: Il y a une différence entre un secteur privé qui s'occupe d'enseignement et de formation, et l'enseignement à but purement lucratif. Je crois que le secteur privé a un rôle à jouer, au même titre que le mouvement syndical; tous deux ont quelque chose à apporter et quelque chose à dire au sujet du type de programmes de formation qui répondent aux besoins de leurs membres respectifs.
Cependant, lorsque nous parlons de ces collèges privés, nous parlons d'un enseignement à but lucratif. Il est assez curieux de voir qu'un gouvernement qui a utilisé la dette que nous allons laisser en héritage aux générations futures pour justifier la lutte contre le déficit, a également créé une situation dans laquelle les jeunes d'aujourd'hui supportent... Et lorsque l'on parle de collèges privés, on parle de dettes beaucoup plus lourdes et où ceux qui les assument sont précisément ceux qui sont les moins capables de le faire.
J'ai travaillé avec de nombreux étudiants du collège de formation professionnelle lorsque l'établissement a fait faillite. Il y avait beaucoup de parents seuls et beaucoup d'assistés sociaux. C'étaient les personnes les moins bien armées pour faire face à la situation dans laquelle elles se trouvaient plongées.
J'estime donc que lorsqu'on aborde le sujet de l'enseignement à but lucratif, il conviendrait d'engager un débat sur les droits inhérents des citoyens de ce pays. L'éducation et l'accès à l'enseignement postsecondaire devraient être un droit fondamental, et pour en jouir, il ne devrait pas être payant.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.
M. Sandy Gibbons: Pourrais-je faire une remarque, s'il vous plaît? Manifestement, le milieu des affaires est favorable à l'enseignement privé, mais je crois qu'il faut faire une distinction.
Il y a une différence entre l'éducation et la formation. Certains de ces collèges fournissent des cours de formation, ce que le milieu des affaires fait d'ailleurs depuis des années, tant sur le plan interne qu'externe. Je crois donc qu'il faut tenir compte de cette différence.
D'autre part, dans cette province, les collèges privés ne sont pas réglementés. En fait, M. Phil Warren fait actuellement une tournée de la province pour recueillir les commentaires des membres de notre communauté sur la réglementation des collèges privés.
Ce sont donc des questions qu'il faut à tout prix étudier; elles sont importantes.
Autre observation en passant, on peut également dire, même dans le domaine de l'éducation, qu'il y a des gens dont les «acheteurs» feraient bien de se méfier.
J'ai une nièce qui a obtenu son diplôme d'infirmière au printemps dernier. Elle est sans travail. Elle sera peut-être obligée d'aller chercher un emploi ailleurs. L'école qu'elle fréquentait est un établissement public, ce qui est courant à Terre-Neuve—avoir fait des études ne vous garantit pas toujours que vous trouverez un emploi.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Scott, tenez-vous en à une question très brève, je vous en prie.
M. Scott Brison: Il y a une foule de questions qui se posent, et nous n'avons pas beaucoup de temps. Mais je voudrais que nous parlions brièvement de la taxe Tobin.
Un des problèmes créés par la crise monétaire asiatique était dû au fait qu'un groupe de nations pratiquaient des politiques fiscales individuelles qui ne concordaient pas du tout avec leurs politiques monétaires. À la longue, cela se serait arrangé d'une façon ou d'une autre. Cela aurait peut-être demandé beaucoup de temps, et les effets auraient pu être encore plus graves, ou cela se serait produit très soudainement.
Je dirais, en fait, de l'efficacité avec laquelle les marchés de capitaux mondiaux se corrigent et de leur incapacité d'appliquer deux politiques contradictoires, que dans dix ans, lorsque nous regardons en arrière, nous constaterons que les marchés mondiaux ont corrigé les erreurs d'une manière qui, si elle était brutale et spectaculaire, aura en fin de compte eu un effet positif.
Ce que je reproche à la taxe Tobin c'est qu'elle frapperait les transactions légitimes internes. Elle réduirait la liquidité des marchés financiers.
• 1015
En fin de compte, un des rôles que nous sommes capables de
très bien remplir au Canada, en particulier, compte tenu du fait
que les distances ne comptent plus dans le coût des
télécommunications, est celui d'un leader international ou mondial
dans le secteur des services financiers. Les emplois de ce secteur
peuvent se trouver à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse ou n'importe
où ailleurs, parce que c'est la technologie de l'information qui
est utilisée. Je serais très inquiet si l'on adoptait une taxe de
type Tobin. Je serais par contre partisan d'une nouvelle banque
monétaire mondiale, par exemple, d'une forme plus avancée
d'institutions créées à la suite de Bretton Woods, telles que la
Banque mondiale et le FMI.
La Suède impose aujourd'hui des frais de transaction et a réduit la négociation interne des obligations de 85 p. 100 et celle des opérations à terme de 98 p. 100. Cela s'est fait en l'espace d'une semaine. Si nous freinons les mouvements de capitaux, nous allons faire un grand pas en arrière et nous risquons de courir des risques bien plus graves.
Il faut que je fasse une déclaration. Beaucoup d'entre vous êtes certainement bien intentionnés...
Une voix: Je crois que tout le monde est bien intentionné.
M. Scott Brison: ... mais si vous aviez la possibilité d'appliquer vos politiques en oeuvre, je crois qu'elles seraient le prolongement des politiques qui ont nui à la Nouvelle-Écosse, qui est ma province, à Terre-Neuve, au Canada atlantique. Je vous mets donc en garde contre la naïveté économique qui consisterait à essayer de promouvoir des politiques publiques populaires mais préjudiciables à long terme.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie de cette très brève question, monsieur Brison.
Mme Elaine Price: Je voudrais invoquer le privilège parlementaire. Je trouve votre attitude vraiment condescendante, et quand je dis cela, je sais que je parle au nom de plusieurs personnes ici présentes. Nous ne sommes pas idiots. Nous n'arrivons pas ici avec la naïveté de l'enfant qui vient de naître.
M. Scott Brison: Nous ne sommes pas du même avis.
Mme Elaine Price: Non, mais n'insinuez pas que nous sommes stupides. Je trouve cela blessant...
M. Scott Brison: Je n'ai pas dit que vous étiez stupides.
Mme Elaine Price: ...naïfs sur le plan économique, car les personnes assises autour de cette table ne le sont pas.
M. Jack Harris: La personne qui a proposé la taxe Tobin a obtenu le prix Nobel pour ses efforts, et je n'ai pas l'intention de discuter avec elle pour savoir si la taxe est techniquement inapplicable ou le contraire. Les objections exprimées à l'égard de la taxe Tobin sont de nature politique et idéologique, d'après ce que nous avons entendu dire. Nous ne parlons pas d'une taxe sur les transactions internes, mais d'une taxe sur les transactions financières internationales, applicables aux mouvements rapides de capitaux effectués par des spéculateurs.
Toutes les analyses de la taxe Tobin que j'ai lues concluent qu'elle n'entraverait pas les investissements légitimes, mais qu'elle aiderait à ralentir le genre de spéculations qui ont tant nui à des économies très saines—pas les problèmes de l'Asie du Sud-Est, mais le Canada ne mérite pas ce qui lui arrive. Si vous pensez le contraire, adoptez cette position. Je ne crois cependant pas que le Canada mérite ce qui arrive à son économie à cause de la libre circulation des capitaux. Si c'est de la naïveté de ma part, tant pis, je suis prêt à échanger ma naïveté contre la vôtre n'importe quand.
M. Lorne Nystrom: Je me permets un petit rappel au règlement. Je ne pense pas que c'est ce que voulait dire Scott. Il a dit que certains des témoins étaient pleins de bonnes intentions. Eh bien, moi, j'estime qu'ils le sont tous. Je tiens simplement à ce que cela soit inscrit au compte rendu, monsieur le président.
M. Scott Brison: Absolument. Je considère, moi aussi, que toutes les personnes présentes sont bien intentionnées. Mais il y a...
Mme Jocelyn Greene: Mais manifestement, contrairement à vous, nous n'avons pas solution à tous les problèmes...
M. Scott Brison: Non, non.
Mme Jocelyn Greene: ...et si, lorsque nous disons qu'il devrait y avoir des normes nationales, vous en concluez que nous faisons preuve de beaucoup de naïveté sur le plan économique, je tiens à me faire l'écho des sentiments d'Elaine au sujet de la naïveté de notre analyse.
M. Scott Brison: Il faut cependant que vous soyez prêts à accepter et à comprendre que le gouvernement a son point de vue, et que les partis d'opposition ont les leurs, qui sont différents. Il faudra bien reconnaître que des erreurs ont été commises, avec les meilleures intentions du monde, au cours de ces 35 dernières années.
Dans les années 50, 10 000 personnes travaillaient dans le secteur des pêches au Canada Atlantique. Environ 60 000 personnes ont demandé à bénéficier de la LSPA parce que les subventions du gouvernement allaient permettre de construire des usines de traitement du poisson et des bateaux et mettre les gens dans une industrie qui n'était pas viable. Donc, lorsque j'entends parler de politique conçue par des personnes bien intentionnées mais économiquement naïves, je n'oublie pas que ces gens-là ont fait beaucoup de mal au Canada Atlantique.
• 1020
De toute façon, le dollar...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Scott, nous devons reprendre la séance à 13 heures et nous n'avons pas encore déjeuné. Il reste une personne qui voudrait prendre la parole. J'ajouterai que la vie politique m'a appris que lorsque vous êtes dans le pétrin, la seule façon d'éviter de vous enfoncer est de cesser de vous agiter.
Monsieur Szabo, vous avez la parole.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur Harris, vous avez dit que les sociétés ont réalisé des bénéfices de 17 milliards de dollars qui n'ont pas été imposés. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ces sociétés n'ont pas payé d'impôt?
M. Jack Harris: Excellente question. C'est sans doute parce que leurs politiques fiscales, le libellé de la Loi sur l'impôt, les échappatoires et, les possibilités de report et tout le reste, permettent aux sociétés de reporter les impôts sur les entreprises profitables ou de ne pas les payer. Si je comprends bien, votre comité va en fait...
M. Paul Szabo: D'accord, un instant...
M. Jack Harris: Je crois comprendre que votre comité va examiner...
M. Paul Szabo: Non, non, attendez. Nous disposons de peu de temps et vous partez sur des tangentes.
M. Jack Harris: Pas du tout.
M. Paul Szabo: J'ai soulevé la question parce que nous avons des tas... On oublie, lorsqu'on parle des petites entreprises, qu'elles bénéficient d'une déduction pour les premiers 200 000 $ ce qui revient à un taux d'imposition plus bas. Ce sont ces petites entreprises qui créent la plupart des emplois. Il y a aussi des crédits d'impôt pour les bénéfices de fabrication et de transformation, ce qui permet de payer des impôts un peu moins élevés. Mais le taux d'imposition des sociétés au Canada est d'environ 50 p. 100. La question n'est pas qu'il y ait des échappatoires fiscales ou autre chose. Je voudrais en discuter, plus longuement car je crois que M. Gibbons pourrait avoir quelque chose à ajouter là-dessus. Connaissez-vous la différence entre le bénéfice comptable et le revenu imposable?
M. Jack Harris: Si je connais la différence? C'est un exercice de contrôle?
M. Paul Szabo: Vous connaissez la différence?
M. Jack Harris: Oui.
M. Paul Szabo: Bien. Vous savez donc que certaines choses sont incluses dans le revenu ou exclues de celui-ci et qu'il en va de même des dépenses dans le bénéfice comptable...
M. Jack Harris: Oui, et il se pourrait bien que ce soit comme cela que...
M. Paul Szabo: ...et dans le revenu imposable.
M. Jack Harris: Il se pourrait fort bien que ce soit de cette façon qu'ils évitent de payer un impôt sur leurs bénéfices.
M. Paul Szabo: Non, non, mais il y a une différence. Le bénéfice comptable, comme vous le savez, est ce que tout le monde utilise dans ses comptes. Je vais vous en donner un exemple très simple. Les frais de représentation sont totalement déductibles du revenu comptable. Aux fins de l'impôt sur le revenu, on ne peut cependant en déduire que 50 p. 100. Cela change donc le résultat financier, parce que pour les comptables, les sorties de fonds demeurent des dépenses. Aux fins de l'impôt, nous ne vous accorderons qu'un certain pourcentage du bénéfice.
Il demeure que les sociétés dont le revenu comptable est de 17 milliards de dollars, par exemple, peuvent ne pas avoir d'impôts à payer cette année-là, et cela pour deux raisons principales. La première est qu'elles ont essuyé des pertes les années précédentes et qu'elles accumulent les reports. En période de récession, beaucoup d'entreprises perdent de l'argent et accumulent des pertes qui sont reportées sur les exercices suivants. Lorsqu'une année donnée, elles se retrouvent dans une situation fiscale favorable, il leur est possible de reporter leurs pertes. Donc, même si, cette année, je gagne un million de dollars, il se peut que je ne sois pas obligé de payer d'impôt au gouvernement à cause du report des pertes antérieures.
La différence entre l'allocation du coût en capital et l'amortissement permet aussi parfois de ne pas avoir à payer d'impôt une année donnée. Je crois que M. Gibbons sait que l'amortissement est une notion comptable qui permet d'étaler...
M. Jack Harris: Merci, j'ai déjà entendu parler de dépréciation.
M. Paul Szabo: L'amortissement de la dépense sur la durée de vie utile du bien...
M. Lorne Nystrom: Est-ce une question, monsieur le président, ou...
M. Paul Szabo: C'est un point très important.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Szabo s'est montré très patient. Il est le dernier intervenant. Je voudrais qu'on le laisse dire ce qu'il a à dire.
M. Paul Szabo: L'amortissement fiscal est le montant de la radiation autorisée à des fins fiscales pour un investissement donné. Il arrive parfois que pour stimuler l'investissement dans la fabrication et la transformation, ou dans le matériel informatique ou autre chose, les règles de la CCA permettent d'effectuer des radiations à un rythme plus rapide que celui de l'amortissement. Il y a donc des différences dans le temps. Mais au cours de la durée de vie utile d'un bien, vous pourrez en radier la valeur totale une seule fois, mais pas plus. Seul le facteur temps joue donc. C'est lui qui fait la différence.
• 1025
La principale raison, et de loin, pour laquelle les sociétés
ne paient pas d'impôts sur le revenu, une année donnée, est
qu'elles ont essuyé des pertes les années précédentes. Ce que je
voudrais donc savoir—et il se peut que M. Harris et M. Gibbons ne
soient pas d'accord sur ce point—c'est si vous estimez que les
pertes des années précédentes ne devraient pas être reportées.
Peut-être devrait-on dire que si vous avez un revenu une certaine année, vous êtes obligé de payer des impôts, et si vous avez perdu de l'argent, vous n'en payez pas, mais que cela ne doit pas continuer pendant toute la durée de vie de l'entreprise. Voulez-vous supprimer ou limiter le report de manière à ce que les 17 milliards de dollars...? C'est un montant considérable. Une société peut très bien avoir réalisé 17 milliards de dollars de profit et ne pas avoir payé du tout d'impôt la même année, mais s'il n'y a rien d'illégal là-dedans, s'il ne s'agit pas d'une disposition spéciale, c'est qu'il y a des raisons légitimes que cette société qui est assujettie à un taux d'imposition de 50 p. 100 ne paie pas—la première raison est le report des pertes, la seconde, les différences d'échelonnement.
Expliquez-vous, car je crois que c'est important. Vous avez soulevé la question. Vous avez dit que les sociétés ne payaient pas leur juste part. Comme les obliger à le faire? C'est là la question.
M. Jack Harris: Je suppose qu'on pourrait présenter toute une série d'hypothèses et demander qu'on finisse par en choisir une.
C'est une question que le comité va vraisemblablement discuter s'il accepte la proposition de M. Riis en faveur d'un examen de toutes les considérations d'ordre fiscal, les échappatoires fiscales ou dispositions fiscales qui permettent une remise d'impôt grâce à une différence entre le résultat comptable et le revenu imposable.
Il n'en demeure pas moins, monsieur Szabo, qu'au cours des 20 dernières années, la part des impôts payés les sociétés a considérablement diminué dans notre pays alors que celle des particuliers a énormément augmenté.
M. Paul Szabo: Mais, monsieur Harris, ce n'est pas à cause du taux d'impôt sur le revenu. Ce n'est pas parce que le taux d'impôt sur le revenu des sociétés est demeuré le même pendant 30 ans. Le taux d'imposition n'a rien à voir là-dedans. C'est parce que les sociétés ont gagné de l'argent ou en ont perdu.
M. Jack Harris: Ce n'était pas la même chose.
M. Paul Szabo: Bien. Je vois que nous n'avançons pas.
La dernière question ne peut que s'adresser à Mme Greene. Je vous remercie d'avoir soulevé la question de la pauvreté. Je crois qu'elle est extrêmement importante. Et je suis convaincu, moi aussi, que ce qui compte avant tout, c'est d'investir dans nos enfants.
Je sais cependant qu'environ 46 p. 100 des enfants vivant dans la pauvreté appartiennent à des familles monoparentales alors que celles-ci ne représentent qu'environ 12 p. 100 de toutes les familles au Canada. Avez-vous une idée de la manière de les aider? Ce qu'il faudrait, c'est une aide ciblée et j'aimerais savoir si vous pensez qu'on peut faire quelque chose pour les parents seuls avec enfants.
Mme Jocelyn Greene: Vous savez, il s'agit de savoir où commence le problème. Après les discussions que nous avons eues aujourd'hui, penser que nos réponses étaient aussi simplistes que vous le dites... Plusieurs facteurs entrent en jeu... Le premier est celui des contre-incitations au travail dont j'ai parlé à propos des familles monoparentales; le second est le fait que les pauvres qui travaillent sont en fait des personnes qui occupent des emplois mal rémunérés, ce qui est lié à la question de la formation professionnelle parce que ces gens-là n'ont pas accès à certaines des autres ressources éducatives. Tous ces facteurs sont donc liés les uns aux autres.
Je sais qu'on parle beaucoup de la réduction du déficit, qui a été un facteur important, mais il est certain qu'à Terre-Neuve, la contre-incitation au travail est une véritable honte. Notre gouvernement provincial vient de produire un document interne sur la question, et je pense que notre expérience est similaire à celle du Nouveau-Brunswick et de la Colombie-Britannique qui essayent de résoudre le problème.
Je ne crois pas que les programmes de travail obligatoire soient la solution. Ce qu'il faut, ce sont des normes nationales.
À mon avis, la seule façon pour les gouvernements provinciaux, en tout cas la seule pour celui-ci en ce moment, de régler certains de ces problèmes est de bénéficier de paiements de transfert ou d'une réduction des dispositions de récupération lorsque des projets tels que le projet Hibernia sont en cours. Il nous faut un peu de place pour manoeuvrer. C'est toujours la même histoire, qui est venu le premier? L'oeuf ou le poulet?
Il y a des gens qui préfèrent peut-être compter sur l'aide sociale ou l'assurance-emploi, mais en dépit de l'opinion assez répandue dans notre pays que les Terre-Neuviens ne veulent pas travailler, c'est tout à fait faux.
M. Paul Szabo: Certainement.
Mme Jocelyn Greene: Mais dire, comme vous l'avez fait, que nous faisons preuve de naïveté lorsque nous déclarons qu'il faut augmenter les transferts sociaux, et dire que ce n'est qu'une aumône, c'est faux. Tout est lié.
• 1030
Ce qu'il nous faut, ce sont des normes nationales, de
meilleurs partenariats; beaucoup d'argent a été gaspillé. J'estime
que le secteur de l'économie sociale et les partenariats entre les
secteurs public et privé peuvent bien fonctionner. Il faut que les
choix soient faits à meilleur escient; on en a fait de très
mauvais, et je suis d'accord avec une remarque de l'honorable
membre assis là-bas, mais je crois qu'il faut qu'on nous écoute
tous attentivement et qu'on nous permette d'offrir notre
contribution.
J'estime cependant que les mesures de contre-incitation devront être... Pour la plupart des gens, il vaudrait mieux ne pas travailler. En Ontario, il existe des chiffres sur ce que les gens doivent payer pour pouvoir se loger. Les familles à faible revenu ne peuvent pas... Il y a donc un lien entre toutes ces choses. Ce qu'il faudrait faire, c'est éliminer les mesures de contre-incitation afin de permettre aux gens de réintégrer la population active, afin d'améliorer l'accès à l'éducation, afin que les taux des prêts étudiants...
Il n'y a donc pas de réponse toute faite à votre question.
M. Paul Szabo: Bien. Merci.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.
Je tiens à remercier tous les témoins. Il n'est pas toujours facile pour les témoins de venir ici répondre à toutes nos questions. Parfois, ce n'est pas non plus pour nous une sinécure. Nous avons cependant un gros défi à relever, alors que certains d'entre nous siègent depuis cinq ans au sein de ce comité, puisqu'il nous faut prendre connaissance des propositions et des avis divers qui nous sont présentés à l'échelle du Canada.
Notre pays est très diversifié et il n'est pas toujours facile de concilier les besoins d'une région ou d'une catégorie de personnes donnée avec ceux des autres. Avant que vous nous quittiez, je tiens à vous assurer cependant que non seulement tout ce que vous nous avez dit a été enregistré—nous en avons fait la transcription—mais en outre que nous accordons un grand prix à vos propositions.
Pour ma part, je sais que ce que les Canadiens ont à déclarer nous tient à coeur et je suis convaincu que si l'opération budgétaire a donné de bons résultats ces trois ou quatre dernières années, c'est grâce au travail de notre comité, qui a pris le temps d'écouter les divers points de vue dans tout le pays.
Dans cette optique, nous allons donc tenir compte de vos propositions. Bien évidemment, comme vous pouvez même le constater à l'intérieur des propres groupes que vous constituez, il n'y a pas seulement les députés de l'opposition qui expriment leur désaccord, c'est entre les Canadiens eux-mêmes qu'il y a des divergences au sujet desquelles il nous faudra essayer de trouver ce que je considère comme la raison clé du succès des budgets du passé, soit un certain équilibre et une volonté de concilier les différents avis que vous avez exprimés avec tant d'éloquence.
Dale, il est possible que nous puissions répondre en partie à vos préoccupations dans le prochain budget, mais si l'on ne vous donne que partiellement gain de cause, ne croyez pas que c'est parce que nous avons totalement ignoré votre position. Il en va de même pour les autres intervenants. J'estime qu'il nous faut nous assurer—et je crois que c'est notre devoir—de refléter le mieux possible votre point de vue dans ce qui sera finalement le budget.
Certaines années, nous avons davantage privilégié..., L'année dernière, nous avons accordé la priorité à l'enseignement, par exemple. Cette année, je pense qu'il nous faudra trouver un certain équilibre entre une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers et l'injection de nouveaux crédits dans les programmes sociaux et de santé.
Je vous remercie donc tous d'avoir pris le temps de nous faire connaître votre opinion. Nous vous souhaitons bonne chance à Terre-Neuve, parce que je sais que vous en avez particulièrement besoin, et nous ne manquerons pas d'en tenir compte.
Je signale aux membres du comité que nous reprendrons la séance à 13 heures pour entendre l'autre série de témoins.
Je vous remercie encore.
La séance est levée jusqu'à 13 heures.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Bonjour. Nous reprenons notre session de consultation prébudgétaire.
On me dit que certains témoins ont un avion à prendre aux alentours de 14 h 30. M. Keough vous demandera donc de l'excuser par la suite. Ce n'est pas qu'il refuse de répondre aux questions posées par les députés, c'est parce qu'il a dû remplacer à la dernière minute un témoin qui lui aussi était déjà un remplaçant. Je tiens à remercier M. Keough ainsi que Mme Reid et M. Davis d'avoir pris le temps de venir nous faire connaître leur point de vue.
Notre comité entame sa première journée de la tournée dans l'Est. L'autre moitié du comité effectue une tournée dans l'Ouest et doit visiter Vancouver, Calgary, Edmonton, la Saskatchewan, etc. Nous espérons pouvoir terminer nos audiences dans trois ou quatre semaines et faire ensuite nos recommandations au ministre des Finances en fonction des témoignages, tels que le vôtre, qui nous auront été présentés. Nous sommes donc heureux d'entendre votre point de vue.
M. Keough a fait savoir qu'il n'avait pas rédigé de mémoire. Si vous souhaitez ajouter quelque chose à votre intervention d'aujourd'hui, veuillez communiquer avec le greffier du comité, nous ferons en sorte que vos mémoires ou autres commentaires qui seront présentés par la suite figurent dans le compte rendu de nos délibérations.
Je vous ai déjà présenté M. Keough, qui est vice-président, Recherche et Relations internationales, à l'Université Memorial, et qui représente aujourd'hui la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé. Nous accueillons aussi les représentants du Centre des ressources pour la vie autonome, Mary Reid, sa directrice exécutive, et Leon Mills, son président, et enfin le représentant de Brophy Place Tenants' Action Association, M. Keith Davis, son vice-président.
Bienvenue à tous. Qui veut commencer? Nous pourrions éventuellement aller de droite à gauche. M. Davis, voulez-vous commencer?
[Français]
M. Keith Davis (vice-président, Brophy Place Tenants' Action Association): Les Nations unies ont déclaré que le Canada était le meilleur pays au monde. Malgré cet honneur, le gouvernement fédéral continue à négliger ses responsabilités face aux citoyens canadiens.
[Traduction]
En somme, nous avons été qualifiés de meilleur pays au monde, et pourtant le Canada néglige certaines de ses responsabilités vis-à-vis de ses citoyens. Le Canada a signé plusieurs déclarations et conventions des Nations Unies qui précisent clairement certaines des obligations qu'un pays a envers ses citoyens. Parmi ces conventions des Nations Unies, on peut citer la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels, et la Convention relative aux droits de l'enfant.
Parmi les droits les plus fondamentaux qui figurent dans ces déclarations et conventions on trouve, à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les dispositions suivantes:
-
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa
santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour
l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux
ainsi que pour les services sociaux nécessaires.
Il faut citer aussi le paragraphe 2 de l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturel, qui dispose:
-
Les États parties
—en l'occurrence, les pays signataires, le Canada y compris—
-
au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à un
niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une
nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une
amélioration de ses conditions d'existence. Les États parties
prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce
droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle
d'une coopération internationale librement consentie.
Le paragraphe 2 de l'article 11 dispose:
-
Les États parties au présent pacte, reconnaissant le droit
fondamental qu'a toute personne d'être à l'abri de la faim,
adopteront, individuellement et au moyen de la coopération
internationale, les mesures nécessaires, y compris des programmes
concrets.
Même si les Canadiens ont l'un des niveaux de vie les plus élevés au monde, il reste parmi nous nombre de citoyens sans ressources. Le nombre de Canadiens qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté augmente chaque année. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que de nombreux enfants font partie de cette catégorie. Il y a davantage de banques alimentaires à l'heure actuelle qu'il y a quelques années, et elles font face à une demande de plus en plus forte.
Les compressions budgétaires pratiquées ces dernières années par le gouvernement fédéral ont limité l'action du Canada fasse à ces problèmes. Il incombe au gouvernement du Canada d'éliminer la pauvreté et de garantir non seulement un niveau de vie suffisant mais aussi une amélioration permanente des conditions de vie. Il n'appartient pas aux banques alimentaires de nourrir les personnes qui ont faim au Canada; c'est la responsabilité du gouvernement fédéral.
Il faut que le gouvernement fédéral s'acquitte des obligations mentionnées ci-dessus. L'une des mesures que pourrait prendre le gouvernement consisterait à affecter directement aux chômeurs l'excédent de l'assurance-emploi. Cet argent leur appartient de plein droit. Lors de la négociation d'un nouveau contrat social avec les provinces, le gouvernement fédéral doit continuer à insister pour conserver son droit d'affecter des crédits dans les domaines de compétence provinciale et de faire respecter des normes minimales au Canada en ce qui a trait aux soins de santé, à l'enseignement et aux services sociaux.
Dans le secteur de l'enseignement, l'article 28 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant dispose:
-
Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation,
et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit
progressivement et sur la base de l'égalité des chances: ils
rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous;
ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement
secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et
accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées,
telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et
l'offre d'une aide financière en cas de besoin.
Dans notre province, l'enseignement pour les enfants est loin d'être gratuit. Les parents sont tenus de payer les fournitures scolaires. Pour ma part, j'ai quatre enfants scolarisés. À titre de bénéficiaire de l'assistance sociale, le ministère de l'Éducation me prête des manuels scolaires. Je dois payer les fournitures scolaires non renouvelables, telles que cahiers d'exercices, crayons, papier pour les photocopies, etc. Les fournitures scolaires me coûtent 300 $ auxquels viennent s'ajouter 250 $ au titre du transport par autobus scolaire, ce qui n'englobe pas l'argent des voyages scolaires. L'enseignement relève des compétences provinciales, mais le gouvernement fédéral a l'obligation de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les parents puissent envoyer gratuitement leurs enfants à l'école.
• 1150
En conclusion, lorsque le Canada a signé ces déclarations et
conventions des Nations Unies, son gouvernement a pris certains
engagements envers sa population. Il est temps que le gouvernement
du Canada remplisse ces obligations.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Davis.
Au nom du Centre de ressources pour la vie autonome, je donne la parole à Mme Reid.
Mme Mary Reid (directrice exécutive, Centre de ressources pour la vie autonome):
-
Je vous fais remarquer que les priorités sont claires.
-
Nous devons en premier lieu préserver et améliorer les programmes
essentiels sur lesquels tous les Canadiens comptent: en particulier
les systèmes des soins de santé, d'éducation et de retraite.
-
En second lieu, nous devons travailler ensemble pour accroître les
opportunités d'apprentissage et de formation des Canadiens en nous
concentrant sur l'accessibilité et en tenant compte du vaste
éventail des besoins qui commencent dès la petite enfance et
continuent durant toute la vie active.
-
Troisièmement, nous devons provoquer et saisir les opportunités de
faire du Canada un leader dans une économie moderne basée sur les
connaissances. Et finalement nous devons continuer à agir partout
selon une nouvelle éthique de partenariat ancrée dans un solide
sentiment d'intérêt national.
-
...
-
...Certains pourront considérer la discussion qui va suivre comme un
simple débat sur les finances. Il n'en est rien. Il s'agit d'un
débat sur les valeurs.
Monsieur le président, membres du comité et collègues: si vous reconnaissez ces déclarations, c'est parce que je cite l'honorable Paul Martin qui faisait sa présentation au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, le 15 octobre 1997. Je les cite parce que je crois qu'elles reflètent quelque chose qui possède une grande valeur aux yeux des Canadiens.
Je peux le résumer ainsi:
-
Une économie forte dépend d'une société forte.
-
...
-
[...] nous avons nos valeurs de base: la reconnaissance qu'une
situation fiscale saine n'est que le commencement et non la fin de
notre quête d'une meilleure vie pour tous les Canadiens; notre
désir d'atteindre tous ceux qui sont dans le besoin, alors même que
nous nous tournons vers l'avenir; notre conviction profonde que la
recherche de la prospérité ne devrait pas nous faire oublier le
principe de justice.
Si ces commentaires n'ont pas perdu leur sens lorsqu'on les sort de leur contexte original, ils sont néanmoins trompeurs. Deux ans se sont écoulés depuis que ces mots ont été prononcés et les budgets précédents et suivants ont eu pour conséquences de passer outre aux principes de justice, de discuter des valeurs dans le seul contexte des restrictions fiscales, de bâtir l'économie au détriment des aides et des programmes sociaux. La vie de nombreux Canadiens est devenue de plus en plus difficile à cause de l'érosion continue de notre système de soins de santé, de notre système de services sociaux et de notre système d'éducation. Les réformes effectuées ces trois dernières années aux programmes de retraite, d'assurance-emploi et de partage des coûts, plutôt que de refléter les objectifs fixés et de se traduire par une plus grande souplesse et une amélioration des services, ont eu des conséquences sérieuses et négatives sur la santé et le bien-être des personnes et des communautés à travers le pays. Nous demandons au gouvernement du Canada de revenir sur ces actions pour refléter véritablement les principes et les valeurs sur lesquels notre pays s'est construit.
M. Leon Mills (président, Centre de ressources pour la vie autonome): Nous nous adressons à vous en qualité de membres du Centre de ressources pour la vie autonome. Le CRVA offre des services conçus par et pour des personnes atteintes de handicaps. Le CRVA est administré sous la direction d'un bureau de direction élu par ses membres, contrôlé par sa clientèle, en tenant compte de tous les handicaps et sans but lucratif. Comme membre en règle de l'Association canadienne des centres pour la vie autonome, nous nous joignons à 23 autres centres au Canada pour promouvoir un mode de vie autonome, des choix et des opportunités pour les personnes atteintes de handicaps. Nous travaillons pour l'intégration totale de tous les citoyens de nos communautés, pour l'abolition des barrières et la fin de la discrimination qui empêchent présentement les personnes handicapées d'être des citoyens à part entière dans notre pays.
Nous sommes convaincus que nous sommes des personnes qui avons le droit de prendre le plein contrôle et la responsabilité des décisions qui affectent nos vies. Nous avons le droit d'avoir accès à de l'information claire et exacte, à l'expertise de nos amis et voisins et au soutien des systèmes qui nous permettent de contribuer pleinement à la vie de nos communautés et de notre pays. Pour que le paradigme de vie autonome devienne une réalité, il faut soutenir les personnes handicapées lorsqu'elles font des choix de vie; il faut qu'elles deviennent responsables de leurs propres ressources.
Cette prestation de services, cette façon d'établir de l'expertise forme un modèle économiquement communautaire efficace de prestation de services tout en faisant diminuer la dépendance sur des systèmes médicaux et de relèvement très dispendieux. Si la prestation des services est de juridiction provinciale, l'accès aux programmes et ressources de vie autonome est étroitement lié à la citoyenneté et il s'agit donc aussi du gouvernement fédéral. Il faut que les ressources soient suffisantes pour que chacun ait un accès intégral et équitable aux services et programmes de soutien pour la vie autonome.
Mme Mary Reid: Le gouvernement du Canada, en soulignant la nécessité de se débarrasser du déficit et de réduire la dette, a lancé une attaque sur les programmes sociaux et d'aide aux citoyens. Nous avons continué à souligner les contradictions évidentes, en montrant le risque de destruction de l'infrastructure sociale et l'injustice qu'on commet lorsqu'on prend aux plus démunis qui ont le moins de ressources. Il vaudrait mieux reconstruire et réinvestir le surplus anticipé, le bénéfice social, dans des programmes de soutien destinés à ceux qui en ont besoin, selon leur capacité.
L'introduction des paiements de transfert (social et santé) continue à causer de grosses difficultés et de terribles problèmes dans la plus grande partie de notre province. Sous prétexte de donner plus de contrôle, on a diminué le montant des revenus pour les programmes sociaux, ce qui se traduit pour plusieurs personnes par la perte de programmes et services essentiels accompagnée d'une diminution des niveaux minimums des revenus. Dans notre province, la diminution des revenus signifie des coupures dans les programmes sociaux et par conséquent une augmentation de la pauvreté et de l'isolement.
Avec les revenus actuels, il est absolument impossible de fournir des services adéquats et appropriés. Même s'il est possible d'identifier des mesures visant à accroître l'efficacité du système, le niveau de perte de revenus est totalement impossible à gérer.
La dévolution des pouvoirs aux provinces et les exercices de réduction du déficit ont eu lieu aux dépens des soins donnés par la collectivité. Ceci a affaibli le pays et pose un défi aux citoyens qui souhaitent partager les uns avec les autres. Grâce à la protection que nous offraient officiellement des plans tels que le Programme d'aide du Canada, il était question de justice et d'égalité—deux valeurs auxquelles les Canadiens sont attachés.
Toutefois, nous ne voulons pas nous faire exclusivement les porteurs de mauvaises nouvelles et nous ne sommes pas là pour vous faire constamment des reproches, parce que j'estime qu'il y a aussi des solutions. Nous voulons nous montrer positifs, faire des propositions et indiquer des moyens d'agir plutôt que de nous contenter de dénoncer les failles du système.
Nous vous mettons donc au défi, vous et le gouvernement du Canada, d'investir dans la capacité positive des personnes affectées par un handicap d'être un élément important de l'économie sociale. Nous vous demandons de poursuivre des initiatives stratégiques qui tiennent compte des talents et des compétences des gens dans tout le pays. Avec un soutien adéquat, les individus, les bénévoles et les communautés sont fort bien placés pour contribuer aux politiques sociales, à la recherche et au partage des meilleures pratiques qui démontrent le réseautage solide et vibrant des communautés.
Comme elles l'ont démontré dans les centres de vie autonome, les personnes qui sont atteintes d'un handicap ont trouvé des solutions novatrices et créatives, ont bâti des ressources communautaires, ont développé des compétences en soutien aux pairs et partage des expertises. Elles partagent présentement ces compétences et ces expériences avec toute la communauté.
Les communautés se définissent par ce partage des compétences, des informations et des solutions. Il est indispensable d'avoir un soutien solide au niveau national, pour toutes les formes de handicap et par l'intermédiaire d'organismes contrôlés par la clientèle pour que les personnes handicapées continuent à s'impliquer dans la croissance économique et sociale de notre pays.
Nous mettons le Canada au défi de réaffirmer son leadership par son soutien aux modèles de démonstration, par le partage des informations et des meilleures pratiques. Nous mettons le gouvernement du Canada au défi de réaffirmer sa responsabilité ultime envers ses citoyens et envers les droits de mobilité pour les Canadiens handicapés.
Nous reconnaissons et nous félicitons le gouvernement fédéral pour son soutien envers les questions de citoyenneté par l'intermédiaire du Groupe fédéral de travail sur les questions d'incapacité, le Fonds d'opportunité et surtout pour son soutien continu de l'Association des centres pour la vie autonome et le Conseil des Canadiens handicapés.
Ces organismes de personnes handicapées, ces groupes et leurs filiales provinciales forment une base solide permettant une participation accrue des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie communautaire. Cette participation améliore la vie économique et sociale de notre pays.
On reconnaît depuis longtemps que les coûts additionnels associés aux besoins reliés aux handicaps empêchent souvent que ces personnes obtiennent un emploi, participent à la vie de leur communauté et de leur pays et deviennent indépendantes des systèmes d'aide au revenu. Il est impératif que les divers niveaux de gouvernement collaborent avec la communauté des personnes atteintes de handicaps pour trouver des moyens de séparer le coût du handicap des programmes d'aide au revenu.
Il faut trouver un système capable de couvrir les frais reliés au handicap, ce système doit être national, répondre aux besoins, réduire les obstacles et respecter les principes de vie autonome.
M. Leon Mills: On a assisté à la réduction du taux de croissance du programme national de sécurité sociale à coup de remboursement, de restrictions, de la disparition des logements sociaux, des normes et d'importantes réductions dans les dépenses. Depuis quelque temps, il est évident que la protection sociale du Canada, qui avait été établie durant une période historique spécifique, devait être modifiée; il n'était pas question de s'en débarrasser. Il est faux de penser à son élimination au nom de la réduction du déficit.
Il existe des solutions alternatives. Certaines signifient un certain degré de risque, d'autres nécessitent des dépenses additionnelles. Pourtant, il n'y a pas de risque plus grand que l'augmentation du chômage, de la pauvreté et la disparition des programmes de santé et sociaux. Il n'y a rien de plus dangereux que de devenir une société qui n'accorde pas la même valeur à tous ses citoyens.
Nous vous mettons au défi de vous concentrer sur la capacité positive de tous les citoyens à contribuer de façon intégrale à la croissance économique et sociale de notre pays. Pendant que vous considérez le rôle du secteur des bénévoles et particulièrement des personnes atteintes de handicaps, nous vous mettons au défi de vous concentrer sur nos compétences et nos capacités de contribuer à la croissance économique, à la politique sociale, au développement des meilleures pratiques, à l'économie sociale.
Finalement, nous vous mettons au défi de réaffirmer votre rôle de leader dans l'appui que vous donnerez aux personnes handicapées de ce pays, par l'intermédiaire d'initiatives dynamiques et stratégiques.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci à tous les deux.
La parole est à M. Keough.
M. Kevin Keough (vice-président, Recherche et relations internationales, Université Memorial; Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir bien voulu m'entendre aujourd'hui.
Comme vient de l'indiquer le président, je suis vice-président à la recherche et aux relations internationales à l'Université Memorial. Je suis aussi professeur de biochimie dans cette université. Je précise aussi au comité que je suis par ailleurs vice-président du Conseil canadien des recherches médicales sans toutefois intervenir en cette qualité aujourd'hui. Je suis venu en fait témoigner aujourd'hui en tant que scientifique spécialiste du domaine biomédical et dans le cadre de mes fonctions à l'Université Memorial, plus particulièrement en tant que représentant de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé.
Excusez-moi de vous obliger à faire face à un intervenant de troisième niveau aujourd'hui. Les délais de convocation ont été relativement courts et les horaires de déplacement se sont avérés impossibles à respecter—y compris les miens, j'en ai bien peur. Je vous prie aussi de m'excuser de ne pas vous avoir remis à l'avance un mémoire par écrit; je n'en ai pas eu le temps. Je crois savoir cependant que la coalition fera parvenir des documents à votre comité avant la fin de vos audiences.
Je tiens à faire savoir au comité que la collectivité appuie très fortement la mise en place des instituts canadiens sur la recherche en matière de santé. Cette structure doit permettre au gouvernement fédéral d'accorder un appui renouvelé à la recherche en matière de santé dans notre pays. Un large éventail de groupements, d'institutions et de réseaux de soins de santé s'y intéressent de près dans tout le pays et y sont favorables.
Les Canadiens ont un réseau de soins de santé de grande classe et ils en sont fiers. En matière de santé, nous avons aussi au Canada un secteur de la recherche florissant, que ce soit au niveau des molécules ou de la recherche démographique ou encore des différents paramètres qui déterminent la santé.
Les instituts canadiens de recherche en matière de santé qui sont proposés vont pleinement intégrer la recherche en matière de santé au réseau des soins de santé. Ils vont permettre par ailleurs de combler le fossé s'appliquant au financement de la recherche en matière de santé dans notre pays comparativement à ce que font bien d'autres pays développés, notamment nos partenaires du G-7, et plus particulièrement les États-Unis, où l'on estime que le financement de la recherche en matière de santé est trois ou quatre fois plus élevé par habitant que dans notre pays.
Ce manque de financement empêche chaque Canadien de bénéficier de la même quantité de recherche concurrentielle et de qualité. Ce fossé au niveau du financement est par ailleurs à l'origine d'une fuite progressive des cerveaux. Nous perdons là encore la crème de nos chercheurs dans ce domaine.
Les instituts canadiens de recherche en matière de santé tireront parti des ressources existantes de nos centres universitaires de santé, de nos instituts de recherche et de nos hôpitaux ainsi que de leurs réseaux de soins à domicile. Il y a là à l'échelle du pays un ensemble très dynamique d'établissements de recherche et de traitement, implantés dans toutes les régions et desservant, grâce à leurs réseaux, les points les plus reculés du pays. Ces instituts regrouperont tout cet ensemble dynamique et coordonné au sein d'un nouveau réseau devant permettre de coordonner efficacement la recherche en matière de santé à la fourniture des soins de santé.
On aura ainsi un ensemble d'instituts de recherche regroupés au sein d'un réseau virtuel à l'échelle du pays et axés sur ses grandes priorités en matière de soins de santé. Le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est du financement de la recherche en matière de santé sera coordonné avec celui des provinces, bien mieux qu'il ne l'a jamais été par le passé, de manière à assurer la fourniture des soins de santé.
• 1205
Nous dépensons actuellement au Canada quelque 76,5 milliards
de dollars au titre de l'ensemble des soins de santé. Ceux qui sont
en faveur de la création des instituts canadiens de recherche en
matière de santé recommandent que nous affections 1 p. 100 de cet
argent à la recherche en matière de santé dans notre pays. Il
n'apparaît pas déraisonnable qu'une institution, quelle qu'elle
soit, qu'il s'agisse d'une petite ou d'une grosse entreprise, ou
encore d'un gouvernement ou d'une société quelconque, consacre
1 p. 100 du total de ses dépenses à la découverte des moyens lui
permettant de faire mieux les choses, plus efficacement, plus
complètement et plus largement.
Dans notre pays, les universités, les écoles de médecine, les spécialistes locaux des soins de santé, qu'il s'agisse de ceux qui délivrent les services ou de ceux qui les financent, considèrent tous que les instituts canadiens de recherche en matière de santé joueront un rôle très positif en nous permettant de mieux tirer parti de certaines caractéristiques bien particulières de notre collectivité, notamment en favorisant une recherche de grande qualité, non seulement sur les questions biomédicales absolument fondamentales, mais aussi en matière de recherche appliquée sur les services de santé.
Les services et la recherche en matière de santé sont d'ores et déjà bien plus intégrés dans notre secteur que partout ailleurs dans le pays. Cette réalité et d'autres caractéristiques bien particulières de notre population doivent nous permettre, avec l'aide des nouveaux instituts canadiens de recherche en matière de santé, de réaliser des recherches de pointe pour résoudre des problèmes d'intérêt national et international et aussi d'application régionale dans des domaines tels que la rentabilité des protocoles de traitement, l'utilisation des ressources des réseaux de santé, et les caractéristiques génétiques de la population, pour ne prendre que quelques exemples précis.
Nous prions donc votre comité, au moment où il s'apprête à tenir ses séances de délibérations prébudgétaires, d'accorder un intérêt tout particulier aux propositions de mise en place des instituts canadiens de recherche en matière de santé. Nous sommes fortement en faveur de la création de ces instituts et nous espérons que le comité en discutera sérieusement avec le ministre des Finances lors de l'élaboration du budget.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci à tous.
M. Keough doit nous quitter dans une dizaine ou une quinzaine de minutes et je pense que nous allons nous passer de la formalité qui consiste à demander d'abord aux députés de l'opposition, puis à ceux du gouvernement, de vous interroger. Je demanderai simplement à ceux qui veulent poser directement des questions à M. Keough de lever la main.
Madame Redman, allez-y.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Vous avez abordé des points très intéressants, monsieur Keough, et j'ai bien hâte de les voir consignés par écrit.
Je me suis très souvent demandée, en ma qualité de député, quel est l'équilibre qu'il convient de maintenir entre la recherche financée par le gouvernement et la recherche financée par le secteur privé, et s'il y a des choses que le gouvernement peut faire pour que les dollars qu'il investit aient un coefficient multiplicateur. Comme on peut le voir dans le budget de l'année dernière, notre comité, comme le gouvernement, se rendent compte qu'il s'agit là d'un investissement qu'il nous faut faire en prévision de l'avenir.
M. Kevin Keough: Je pense que le gouvernement a d'ores et déjà pris d'importantes mesures pour faire augmenter les investissements consacrés à la recherche dans le secteur privé en général, et dans le secteur de la santé en particulier.
C'est ainsi que les crédits consacrés à l'ensemble de la recherche en matière de santé par l'industrie pharmaceutique au Canada ont énormément augmenté ces 10 dernières années et nous avons encore probablement la possibilité de les faire progresser un peu plus. D'un autre côté, cependant, je considère que notre pays bénéficie d'ores et déjà de l'un des meilleurs régimes fiscaux pour encourager la recherche effectuée par le secteur privé et que ce qui nous manque actuellement, par rapport à nos partenaires du G-7, par exemple, c'est le type d'investissement que seul peut faire le gouvernement. Cela s'applique aux recherches à long terme, de type général, soit dans le domaine de la biomédecine, soit dans celui des mécanismes permettant de dispenser des soins de santé, qui sont peut-être plus difficiles à faire accepter lorsqu'il faut rendre compte de la rentabilité de l'opération à un groupe d'actionnaires. Nous prenons un retard énorme dans ce secteur bien particulier et l'on s'inquiète fortement dans notre pays du fait que notre système, même s'il reste d'excellente qualité, se dégrade rapidement.
Donc effectivement, il devrait être possible de dynamiser le système pour inciter les sociétés de biotechnologie, les sociétés d'assurance et les sociétés pharmaceutiques à dépenser un peu plus. Je pense qu'il est important que le gouvernement fédéral montre résolument la voie dans ce secteur.
Si le gouvernement fédéral décidait d'injecter les crédits que nous proposons, le montant de ses investissements n'atteindrait pas encore celui du secteur privé. À l'heure actuelle, le secteur privé dépense davantage que le gouvernement fédéral—ou du moins il est bien près de le faire—pour ce qui est de la recherche en matière de santé. Cette répartition n'est peut-être pas souhaitable. Il est indéniable que le montant de nos dépenses fédérales et provinciales sont inférieures à celles de nos partenaires du G-7. Aux États-Unis, par exemple, le soutien apporté a donné lieu à un énorme avantage concurrentiel à long terme. C'est ainsi, à mon avis, qu'il nous faut envisager la question.
Mme Karen Redman: J'ai une autre question à vous poser dans un domaine légèrement différent.
Vous avez évoqué les centres de recherche virtuels. Je sais qu'il a toujours été difficile de faire venir des médecins dans les régions éloignées, que ce soit à Terre-Neuve, au Labrador ou ailleurs au Canada, et nous avons déjà convenu que cette question relevait en fait de la compétence des provinces. Je représente le centre de Kitchener, qui se trouve dans le sud de l'Ontario, et Cambridge, qui fait partie de la région de Waterloo, deux secteurs qui ont été officiellement déclarés comme étant sous équipés. Ce ne sont donc pas uniquement les régions éloignées du nord de l'Ontario qui pâtissent de ce problème.
Nous avons pu constater en particulier, en cherchant à attirer des spécialistes, que c'était des villes comme Hamilton, London ou Toronto, bénéficiant de centres de recherche de classe mondiale et d'instituts de médecine affiliés aux grandes universités, qui étaient les mieux en mesure de le faire, pour différentes raisons. Avez-vous réussi à savoir dans quelle mesure les centres de recherche virtuels étaient susceptibles d'attirer des médecins dans les régions qui y parviennent difficilement à l'heure actuelle?
M. Kevin Keough: Je considère que les raisons qui font que les médecins vont s'installer dans telle région plutôt que dans une autre s'expliquent en partie par les facilités de recherche et la possibilité de travailler dans de grands services de recherche, mais aussi par bien d'autres facteurs qu'en réalité je ne pense pas être en mesure d'analyser.
Je ne peux pas dire qu'on ait étudié la question parce qu'à mon avis nous n'avons pas encore suffisamment avancé dans notre projet d'instituts canadiens de recherche en matière de santé. Nous avons progressé dans une certaine mesure puisque nous avons réussi à mettre en place un réseau de centres universitaires de santé à l'échelle du pays. Pratiquement tous ces centres ont des services externes d'accès à la clientèle dans les régions éloignées ou mal desservies. Ces différents services sont désormais raccordés bien plus efficacement qu'ils ne l'étaient auparavant, de sorte qu'à Terre-Neuve, par exemple, il y a des liens entre l'école de médecine et un grand nombre de médecins de famille dans 50 localités différentes qui, dans le cadre de certains protocoles de recherche de type communautaire, peuvent activement s'impliquer auprès de leurs patients dans le cadre de recherches menées à grande échelle.
C'est le genre de chose que pourraient promouvoir les instituts canadiens de recherche en matière de santé, mais il pourrait y en avoir aussi bien d'autres, ce qui les rendrait en quelque sorte plus intéressants et inciterait les professionnels à ne pas abandonner les régions mal desservies.
C'est donc dans cette optique que l'on cherche à intervenir, parce que certains de ces établissements existent déjà et pourraient servir de base de départ. Cela nous permettrait à notre avis de mettre les crédits en place et d'agir ainsi plus efficacement. À l'heure actuelle, nous n'intervenons qu'au coup par coup, je vous l'avoue bien franchement, pour mettre toutes ces choses en place, notamment lorsqu'il s'agit d'étudier par exemple les facteurs déterminant la santé en général, la santé de la population, et autres critères s'appliquant à notre efficacité. Il n'est pas facile de trouver ce genre de financement. Nous prenons du retard pour ce qui est de financer la recherche biomédicale, mais l'autre type de financement est très difficile à trouver.
Je pense que cela aidera dans une certaine mesure, mais je mentirais si je disais que cela va tout régler.
Mme Karen Redman: Je vous remercie.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Monsieur Keough, vous avez abordé brièvement la question de la fuite des cerveaux et le départ de certaines personnes parmi les plus brillantes dans votre secteur. D'autres secteurs ont été aussi touchés. Quel est le rôle que joue notre fiscalité dans cette affaire? Y a-t-il certains domaines de notre fiscalité que vous voudriez voir changer pour que des améliorations puissent être apportées dans ce secteur?
M. Kevin Keough: Dans la fiscalité canadienne, à la fois... j'imagine que l'ensemble que représente l'impôt sur le revenu fédéral et provincial, la taxe de vente sous ses différentes formes et d'autres types d'impositions diverses peuvent certainement être considérés comme étant relativement élevés comparativement à ceux de certains de nos collègues du G-7 notamment, une fois de plus, lorsqu'on les compare à ceux des États-Unis. Si l'on veut retenir certaines personnes, je pense que l'allégement de la fiscalité dans certains domaines peut être utile. Pour ce qui est des personnes qui s'intéressent à la recherche et qui en font toute leur vie, je ne pense pas qu'elles soient motivées par ce genre de choses d'un point de vue personnel. Je considère que dans leur cas ce sont davantage les possibilités d'accès à la recherche et aux installations leur permettant de travailler qui sont importantes.
• 1215
Oui, chacun d'entre nous aimerait payer moins d'impôt. Je
considère toutefois que la véritable motivation dans ce domaine est
l'accès au matériel, et le gouvernement a apporté récemment son
aide en créant la Fondation canadienne de l'innovation. Toutefois,
l'accès sans restriction aux crédits—sans restriction n'étant pas
pris en mauvaise part—devant permettre aux intéressés de faire
sous cette forme une recherche de grande classe, représentera pour
bien des gens une aussi forte motivation qu'un dégrèvement fiscal.
Quant à la possibilité que vous évoquez d'inciter le secteur privé à investir davantage dans la recherche, je pense que l'on pourrait donner encore un petit coup de pouce à notre fiscalité. À bien des égards, elle n'est pas mauvaise pour certains des intéressés.
M. Scott Brison: Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que ce sont surtout les chercheurs qui partent ou est-ce que cela touche aussi les jeunes diplômés? Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce que nous devrions faire pour enrayer cette hémorragie?
M. Kevin Keough: Vous voulez acheter Bill Gates?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je suis inquiet quand je vois Bill Gates venir à la porte de certaines de nos universités canadiennes et payer à ces jeunes chercheurs ce qu'ils demandent, les incitant ainsi à partir.
M. Kevin Keough: L'argent aura jusqu'à un certain point son mot à dire dans presque tous les cas à un certain niveau. Ceux qui partent sont par ailleurs des chercheurs brillants qui ont le sentiment de ne pas pouvoir obtenir le matériel et le soutien opérationnel nécessaires. Ce sont des jeunes dans les secteurs des techniques de l'information et de la biotechnologie qui ne vont pas spécialement faire de la recherche pure, mais qui sont innovateurs. Ils ne se lancent pas dans le secteur traditionnel de la recherche, mais ils se dirigent vers d'autres secteurs. Les médecins partent parce qu'ils ont fait l'objet d'un recrutement actif, notamment aux États-Unis, qui manquent de médecins depuis des années et qui en ont vraiment besoin.
Je pense qu'ils se laissent recruter en partie en raison du salaire et en partie par l'intérêt de l'aventure. Tout est plus grand et ils ont davantage la possibilité de mener à bien des projets. Même parmi ceux qui ne font pas officiellement de la recherche mais que l'on peut qualifier de très innovateurs dans le secteur de la technologie de l'information, ils sont nombreux à être motivés par l'innovation.
Si nous réussissions à créer un environnement, une structure de financement et éventuellement une structure fiscale nous permettant de faire progresser nos entreprises, nos universités et nos instituts de recherche d'un cran ou deux, je pense que nous réussirions davantage à les garder. Ces gens sont motivés à la fois par les salaires et par d'autres facteurs. Nous pouvons apporter certains changements. Dans certains cas, il s'agit d'injecter directement des fonds. Dans d'autres, il faut créer les conditions nécessaires pour que ce secteur puisse progresser.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Keough.
M. Kevin Keough: Merci, monsieur le président. Je prie les membres du comité de m'excuser d'avoir à les quitter, mais je n'ai été averti qu'à la dernière minute. Merci de m'avoir écouté.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci de votre participation. Bon voyage de retour.
Nous allons maintenant passer aux témoins suivants. Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: J'ai passé mon tour tout à l'heure. J'étais en train de consulter la brochure du Centre de ressources pour la vie autonome.
Je sais que le financement revêt une importance cruciale dans ce genre d'organisation et que vous manquez toujours de fonds. Il vous faut considérer combien il en coûte pour élaborer ce document, comment l'utiliser et où il vous faudra placer telle ou telle publicité. Vous allez aussi peut-être vous demander pendant combien de temps vous allez l'utiliser. S'il est diffusé depuis un certain temps auprès de la collectivité, vous examinez le genre de résultats que vous avez obtenus par cette méthode comparativement à d'autres mécanismes susceptibles de faire vivre l'organisation.
• 1220
Vous avez indiqué qu'à certains égards l'information est
synonyme de puissance et que si les gens ne connaissent pas votre
existence, vous ne pourrez pas les aider. Vous pourriez peut-être
partir de cette introduction pour nous parler de vos coûts, par
exemple, puis des questions plus larges qui ont trait au service et
à l'information que vous obtenez en retour.
Mme Mary Reid: Bien sûr. Nous sommes très fiers de la brochure que vous avez devant vous. C'est le résultat d'un projet ponctuel qui nous donne beaucoup de satisfaction.
Lorsque nous nous sommes présentés devant vous il y a un an, nous représentions une organisation intitulée Civic #4 Eskasoni Place. Nous vous avons alors exposé nos rêves, notre travail et notre volonté de devenir un centre de ressource pour la vie autonome. Nous sommes très heureux cette année de pouvoir vous annoncer que nous y sommes parvenus, et cela grâce à l'aide des gouvernements, des organisations et des entreprises. Notre principal bailleur de fonds est le gouvernement provincial, et c'est lui qui nous a financés lors de notre période de transition. Nous avons été en mesure d'affecter une partie de notre budget antérieur aux relations publiques. Nous savions qu'il s'agissait là d'une possibilité qui ne se représenterait pas, et nous l'avons saisie.
Nous avons eu aussi la grande chance de pouvoir profiter d'une grande aide de la part de certaines entreprises, généralement en nature et sous la forme d'une aide dans des domaines tels que l'impression, la conception des projets ou notre site Internet, qui a été conçu par NewTel Information Solutions, une filiale de Newfoundland Telephone. Dans le cadre de tous ces partenariats, je pense que c'est ainsi qu'il faut les appeler, nous ne nous sommes pas contentés de profiter de l'aide des autres, nous avons pu aussi assister ces entreprises en les aidant à se familiariser avec des questions relatives aux locaux ou à l'insertion des personnes handicapées au sein de leur organisation.
Nous sommes donc satisfaits des relations que nous avons instaurées avec les entreprises et avec notre principal bailleur de fonds, le gouvernement provincial. C'est effectivement un document impressionnant et une fois le projet terminé, c'est fini. Nous n'aurons plus les crédits.
Vous avez indiqué que l'information était synonyme de puissance, et nous en sommes fermement convaincus. Nous estimons que nombre des obstacles auxquels se heurte chacune des personnes handicapées peuvent être écartés, éventuellement contournés, traversés ou surmontés. Toutes sortes de solutions existent, et elles nous sont généralement fournies par d'autres personnes handicapées et non pas à la suite de gros investissements. C'est donc la créativité et la communication avec les autres qui permettent aux individus de trouver des solutions, des services et des programmes différents de ceux que nous procurent les mécanismes onéreux de réadaptation médicale dans le cadre des programmes offrant des services traditionnels.
Dans cette optique, je pense que l'appui que nous a accordé la province s'explique par le fait que nous avons réussi à démontrer que cette façon de dispenser des services était très peu onéreuse par rapport aux autres.
M. Leon Mills: J'aimerais éventuellement ajouter quelque chose aux observations faites par Mary. On dit toujours dans le milieu des affaires qu'il faut dépenser de l'argent pour gagner de l'argent. Comme vous le savez pertinemment, pendant bien longtemps, avant la dernière décennie, les groupements communautaires étaient financés presque exclusivement par les différents paliers de gouvernement. Avec les compressions budgétaires et autres restrictions de ce type, les groupements communautaires ont vu leur revenu baisser, de sorte que pour survivre et prospérer dans l'économie actuelle, il leur a fallu davantage se comporter comme des hommes d'affaires dans leur exploitation et avec leurs interlocuteurs.
Le CRVA, à l'image de bien d'autres groupements communautaires, a donc constitué des réseaux avec les entreprises et le secteur privé, de façon à ce que tout le monde y gagne. Ce faisant, il a donné aux sociétés la possibilité de se comporter comme des citoyens responsables tout en faisant leur part en dehors de la voie normale de la fiscalité. Cela permet par ailleurs aux groupements communautaires de combler le vide laissé par le manque de crédits gouvernementaux.
• 1225
Ce genre d'initiatives nous permet par ailleurs de faire
passer notre message dans la collectivité. Elles nous aident à
élargir notre audience, si vous voulez, dans le cadre de
partenariats avec d'autres groupements communautaires, d'autres
entreprises, et cela revient essentiellement à instaurer une
nouvelle façon d'opérer.
Les groupements comme le nôtre ne veulent pas simplement tendre la main et demander de l'argent. Nous savons que les choses ne se font plus ainsi. Il y a une nouvelle dynamique et nous affirmons être en mesure de faire notre part à partir du moment où l'on nous apporte un peu d'aide. Disons que nous ne voulons pas tendre la main; nous avons besoin qu'on nous épaule.
M. Paul Forseth: J'ai quelques questions à vous poser qui appellent une réponse rapide, en une seule ligne.
Combien d'employés rémunérés avez-vous?
Mme Mary Reid: Nous avons quatre employés permanents et le reste est affecté à certains projets.
M. Paul Forseth: Quel est à peu près votre budget annuel global?
Mme Mary Reid: Il est actuellement d'environ 285 000 $.
M. Paul Forseth: Bien. Quel est à peu près le pourcentage de vos recettes qui proviennent de sources non gouvernementales?
Mme Mary Reid: À l'heure actuelle, si nous tenons compte des apports en nature, cela se monte à environ 20 p. 100.
M. Paul Forseth: Bien, et quelle est à peu près l'importance de la clientèle que vous desservez?
Mme Mary Reid: Elle augmente constamment. À l'heure actuelle, nous nous occupons de quelque 250 à 260 personnes, et cela va d'un simple appel annuel à la prise en charge quotidienne. Le nouveau centre venant d'ouvrir il y a juste un an, j'imagine que cette progression rapide va se poursuivre.
M. Paul Forseth: Disposez-vous d'une vitrine quelque part, ou encore d'un bureau à l'arrière des locaux qui abritent vos services sociaux? Avez-vous différents locaux?
Mme Mary Reid: Nous n'avons qu'un local, qui constitue notre siège et qui était à l'origine un foyer de groupe. Nous continuons à travailler dans ce local.
M. Leon Mills: J'ai un commentaire à ajouter.
On pourrait desservir davantage de clients. Bien évidemment, il y a à Terre-Neuve le problème de la géographie. Notre province est très étendue, et plus particulièrement dans les régions rurales, le problème est le même pour le CRVA que pour bien d'autres associations communautaires.
Je travaille actuellement auprès de l'association des malentendants. L'une de nos difficultés provient du fait que nous avons pris le titre d'association provinciale mais qu'en raison d'un manque de crédit, nous devons nous en tenir essentiellement au bureau de St. John en faisant à l'occasion des déplacements à l'extérieur. Nous voulons nous doter de bureaux satellites dans toute la province pour nous rapprocher des bureaux locaux des soins de santé et pouvoir ainsi entrer en contact avec davantage de gens. Il y a littéralement des dizaines de milliers de clients potentiels disséminés dans la province, que nous ne pouvons pas véritablement aider par manque de crédits, et le CRVA se retrouve dans la même situation.
Nous espérons avec le temps pouvoir renouer nos contacts, éventuellement grâce à l'appui des entreprises, des différents paliers de gouvernement, etc. Nous espérons aussi pouvoir établir des bureaux satellites.
M. Paul Forseth: J'ai une dernière question à vous poser.
Avez-vous déjà pensé à faire venir un étudiant de l'université, éventuellement dans le cadre de sa maîtrise, qui procéderait à une évaluation approfondie de votre organisation? C'est là une façon d'obtenir des services gratuits parce que bien souvent, si vous continuez à demander des crédits gouvernementaux, à un moment donné quelqu'un va venir exiger un contrôle de votre valeur sociale et de la rentabilité des dollars investis, par exemple, ce genre de projet pouvant bien souvent être effectué par un étudiant de l'université.
Mme Mary Reid: Oui, c'est ce que nous avons fait, avec beaucoup de succès. C'est là une autre façon d'instaurer des liens et un partenariat.
Un étudiant de l'école d'administration est venu faire une étude de faisabilité du CRVA. Il y a tout juste une semaine, nous nous sommes présentés devant des étudiants diplômés de maîtrise en sociologie dans le cadre d'un projet d'urgence communautaire et nous avons évoqué différentes idées de recherche.
Nous étudions actuellement la possibilité de procéder nous-mêmes à un contrôle de la valeur sociale de notre organisation pour nous assurer que nous sommes sur la bonne voie et que nous allons dans le sens souhaité par les consommateurs. C'est aussi une chose que nous allons négocier avec l'université, où l'on trouve d'excellentes ressources.
M. Paul Forseth: Je vous remercie.
M. Leon Mills: Pour ce qui est du contrôle de la valeur sociale—et je suis content que vous ayez soulevé cette question—nous travaillons par ailleurs en étroite collaboration avec le gouvernement provincial pour mettre au point un contrôle de la valeur sociale de ses programmes et de ses services. Nous sommes passés antérieurement par une phase d'affrontements dans nos relations, ce qui ne nous a pas menés bien loin, même si ça nous a valu beaucoup de publicité. Cela n'a pas vraiment donné de bons résultats. Nous nous sommes donc rapprochés du gouvernement pour essayer d'instaurer une autre dynamique.
Nous avons donc rencontré l'année dernière les membres du conseil des ministres pour leur proposer une vérification de la valeur sociale de leurs programmes et de leurs services, le but n'étant pas de leur remettre un bulletin de notes, bonnes ou mauvaises selon les différents secteurs étudiés, mais plutôt de mener à des changements en instaurant une collaboration, en ouvrant un dialogue, en leur montrant que nous sommes sur la même longueur d'onde et que nous ne sommes pas dans deux camps opposés.
Nous savons que la conjoncture économique est difficile mais qu'en utilisant au mieux nos ressources, nous pouvons créer des programmes novateurs, domaine dans lequel Terre-Neuve est en pointe à bien des égards. Nous pouvons cependant en faire bien davantage pour aider les personnes handicapées à collaborer plutôt qu'à pratiquer l'affrontement. La seule façon dont nous pouvons espérer y parvenir, c'est de procéder à une vérification de la valeur sociale, c'est non seulement dans notre intérêt, mais dans celui de notre province, de notre gouvernement et de nos groupements communautaires.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Forseth. Je vais demander maintenant à M. Szabo de vous interroger.
M. Paul Szabo: Je vous remercie de vos interventions. Il est bien important que vous continuiez à défendre votre cause devant les législateurs pour être sûrs que l'on reste sensible au problème.
Vous savez probablement que dans le dernier budget on a fait des progrès en ce qui a trait aux handicapés. Je pense qu'en fait les projets prévus au budget n'entreront pleinement en application qu'en 1998-1999, pour un montant total légèrement supérieur à 200 millions de dollars. Je ne sais pas, par exemple, quelles en seront les retombées à Terre-Neuve.
L'un des sujets que vous avez évoqués dans votre mémoire a trait à toute la question des transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux. Il est indéniable que lorsqu'on examine l'ensemble des programmes qui sont concernés—la santé, l'enseignement postsecondaire et le RAPC—les montants d'argent transférés sont moindres. Il y a un plancher, cependant, qui remonte quelque peu. Ce que j'aimerais bien savoir, entre autres, c'est si vous avez le sentiment, au cas où nous décidions par exemple d'augmenter les transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, si les provinces affecteraient alors les crédits d'une manière qui réponde à vos préoccupations?
Je peux vous dire qu'il y a quelques sujets d'inquiétude parce qu'en matière de santé nous n'avons des normes que pour ce qui a trait aux cinq principes établis dans la Loi canadienne sur la santé. Nous avons certaines normes concernant le régime du bien-être, mais il est impossible de marquer délibérément les dollars et ces derniers ne sont pas affectés nécessairement aux secteurs dans lesquels les besoins ont été calculés. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'une augmentation éventuelle des transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux ou si vous préféreriez des programmes directement dirigés par le fédéral, éventuellement sous la forme de programmes ou de modifications fiscales n'empiétant pas sur la compétence provinciale.
M. Leon Mills: Oui, je comprends bien votre argument. Pour résumer rapidement, peut-on passer par-dessus des gouvernements provinciaux et faire en sorte que vous nous donniez directement l'argent? Mais je plaisante. Comme je viens de vous le dire, nous nous efforçons de collaborer avec le gouvernement provincial, mais les gouvernements provinciaux sont tenus évidemment d'équilibrer leurs budgets. Nous avons tous vu des cas par le passé où les crédits fédéraux ou provinciaux ont été utilisés d'une manière qui n'était pas prévue à l'origine.
Je juge important que l'on augmente les crédits accordés à la santé et aux programmes sociaux, mais il faudrait à mon avis qu'ils soient expressément affectés à tel ou tel objet et que l'on effectue par la suite un contrôle pour le vérifier. Sinon, une grande partie, d'après moi, va être tout simplement incorporée au budget général des dépenses et être affectée de toutes sortes de manières. Pour vous parler bien franchement, je ne pense pas qu'ils seront dépensés de la manière prévue.
Mme Mary Reid: J'ajouterai autre chose qui va dans le même sens. J'ai un autre sujet de préoccupation, car je suis convaincu qu'il faut que ce soit un projet fédéral. Je ne pense pas que les montants versés iront aux personnes handicapées. Nous ne sommes pas très bien placés sur la liste des priorités. Ce qui était au départ un transfert au titre de la santé et des programmes sociaux est aujourd'hui en fait un transfert au seul titre de la santé.
Ce qui me préoccupe aussi, c'est ce qui a trait à la citoyenneté elle-même et au rôle du gouvernement fédéral. Je suis fermement convaincue que le gouvernement fédéral a pour rôle de protéger tout ce qui a trait à la citoyenneté et de maintenir la cohésion du pays. Je crains que les TCSPS se ramènent à une opération de démantèlement de nos programmes sociaux nationaux, qui étaient le reflet de notre identité nationale.
Je considère que les projets pour les personnes handicapées sont eux aussi une façon d'affirmer que notre pays se préoccupe des personnes handicapées et a des valeurs à défendre dans ce domaine, et qu'il se préoccupe des questions de citoyenneté, un point c'est tout. C'est une façon pour le gouvernement fédéral de le démontrer.
• 1235
Je sais que c'est un domaine très sensible à l'heure actuelle,
compte tenu des discussions qui ont lieu au sujet de l'union
sociale et du fait que les provinces souhaitent même à l'heure
actuelle pouvoir se retirer des programmes si elles veulent
dépenser l'argent autrement. Il est donc d'autant plus important
qu'Ottawa fasse savoir que son rôle est de faire en sorte que le
pays reste uni.
M. Paul Szabo: L'une des dimensions des transferts aux provinces dont on ne parle pas vraiment lors des négociations, et qui me paraît aussi très pertinente, c'est celle des points d'impôt, le pouvoir d'imposition. Je pense que certains analystes nous diront que la plus grosse erreur qu'ait jamais commise le gouvernement fédéral a été de transférer le pouvoir d'imposition aux provinces, parce que cela a créé une certaine confusion.
À mesure que progresse l'économie et que davantage de gens travaillent, ce qui fait augmenter par ailleurs les recettes fiscales des provinces, même dans le cadre du programme antérieur le total des transferts en argent et des points d'impôt était appelé à plafonner, et d'une manière qui allait entraîner systématiquement une baisse de la partie du transfert effectuée en argent. Je m'étonne du fait que l'on critique régulièrement le gouvernement fédéral en lui reprochant de réduire les enveloppes de transfert, les TCSPS, même si c'est exactement ce qui se serait passé dans le cadre des programmes antérieurs.
Je pense que vous avez tout à fait raison—il faut quand même faire attention à ce qu'on cible. Tout le monde ne peut pas tout avoir en même temps, sinon on n'est efficace nulle part. Vous avez bien raison de parler de la cohésion du pays, car c'est essentiellement ce dont nous avons besoin à l'échelle de la nation.
J'ai une autre question à vous poser. Nous avons ici la possibilité de présenter un rapport et il me semble que vous avez soulevé bon nombre de questions macroéconomiques. Avez-vous pensé à quelque chose ou avez-vous une proposition précise à nous faire pour que nous puissions vous apporter l'aide que vous souhaitez? Sans vouloir vous brusquer, je pense qu'il pourrait être utile, pour effectuer des pressions, que vous nous indiquiez plus précisément la ou les priorités qui sont les vôtres. Vous savez, vous n'êtes pas ici en train de demander 1 milliard de dollars, mais des crédits affectés à un domaine en particulier qui correspond à votre priorité, que ce soit le logement, les projets d'emploi pour les personnes handicapées, les soins à domicile, etc. Où sont les véritables besoins? Vous êtes en première ligne.
Mme Mary Reid: Je vais encourir des critiques si je fixe une priorité, mais tant pis, vous posez là une excellente question et il faut que tout soit bien clair.
J'aimerais revenir sur ce que vous avez évoqué au sujet des retombées pour Terre-Neuve. Le Fonds de création d'emploi pour les handicapés, qui a été annoncé dans le dernier budget, s'élevait à 30 millions de dollars. Cela se traduit par des retombées de 267 000 $ pour Terre-Neuve, parce que nous ne sommes pas une grosse province.
La priorité actuelle, je pense, c'est celle que l'on considère depuis 15 ans au moins et qui porte sur le surcoût qu'entraînent les handicaps. En compagnie de l'honorable M. Pettigrew, les provinces se penchent sur la question depuis 18 mois afin de pouvoir intégrer les prestations et les services liés aux handicaps. C'est un véritable obstacle. Il y a longtemps qu'on s'est rendu compte que le surcoût qu'entraîne les handicaps est en fait l'un des principaux obstacles qui empêche les intéressés de réaliser leurs objectifs et de s'insérer dans la population active.
Si l'on n'y est pas parvenu, c'est peut-être avant tout à mon avis parce qu'on n'a pas su aborder le problème. La question est tellement vaste. Il y a tellement à l'heure actuelle de programmes de soutien du revenu. Chacun a ses propres critères de recevabilité et tous renvoient à des systèmes différents. Il y a l'AE, l'indemnisation des accidents du travail, le RPC, l'aide sociale et le PPRI. Il y a tellement de programmes et tout est tellement compliqué.
Je pense que si nous pouvions écarter toutes ces complexités et revenir au problème initial, soit celui du coût lié au handicap qui constitue un obstacle pour les personnes concernées, nous pourrions peut-être envisager un régime d'assurance-invalidité universel—je regrette, mais le mot est lâché—qui s'appliquerait à tous les citoyens de notre pays et serait utilisé selon les besoins, sachant que nous pouvons tous devenir un jour handicapés et encourir des frais supplémentaires.
• 1240
Je pense qu'une collaboration entre les sociétés d'assurance,
les organismes qui s'occupent des personnes handicapées, les
provinces et le gouvernement fédéral permettrait en deux ans de
mettre au point un programme raisonnable et abordable susceptible
de remédier aux véritables problèmes qui ne sont pas réglés à
l'heure actuelle.
Subsidiairement, une autre façon d'aborder le problème serait d'agir sur le modèle du crédit d'impôt national pour enfants, soit en instaurant un crédit national d'impôt pour les personnes handicapées. On en ferait ainsi une entreprise nationale en ménageant les différences provinciales et la possibilité pour les provinces d'assurer en partie le service, ce qui permettrait à celles-ci de mieux accepter le système. Toutefois, c'est bien évidemment dans ce domaine que selon moi il faut injecter des crédits à l'heure actuelle.
M. Paul Szabo: Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom: Je tiens à remercier nos témoins de leur intervention aujourd'hui et à les féliciter pour leur travail. Je pense que nous avons pris du retard au niveau des politiques publiques sur toute cette question des handicaps et je me félicite de voir que vous nous faites prendre conscience ici de l'intérêt de cette question que Paul a qualifiée de très importante.
Je voudrais vous poser quelques questions pour me faire une meilleure idée de ce qui se passe à Terre-Neuve. Vous nous parlez de l'augmentation de la pauvreté depuis les fortes compressions budgétaires pratiquées dans les programmes sociaux par le fameux budget établi en 1995 par Paul Martin. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Je sais que votre taux de chômage est d'environ 18 p. 100. Quel est le taux de chômage caché? Quel est le pourcentage de gens qui se retrouvent à l'aide sociale? Pouvez-vous nous préciser un peu la situation afin de nous faire mieux comprendre les incidences de cette politique sur la vie quotidienne de la population de Terre-Neuve et du Labrador?
Mme Mary Reid: Je ne suis pas une spécialiste des statistiques, mais je n'ignore pas cependant qu'il y a eu des changements de politiques imposés par les compressions pratiquées dans les programmes sociaux, ce qui a entraîné des coûts cachés, comme le fait d'avoir à payer davantage pour les prescriptions ou la diminution des montants affectés au système de soutien des familles. Il s'ensuit que les familles touchent moins d'argent et que leur revenu baisse. Les frais de transport augmentent, notamment pour les personnes handicapées, ce qui là encore réduit les revenus disponibles.
Il y a eu une petite augmentation d'environ 1 p. 100 du tarif de l'aide sociale mais, lorsqu'on tient compte des frais supplémentaires résultant des autres politiques, cette augmentation ne couvre pas la progression des coûts. Le revenu des personnes et des familles a donc diminué.
Je pense qu'il ne s'agit pas simplement du fait que les rémunérations ont diminué. Il faut voir que les différents coûts ont progressé, les subventions apportées au transport scolaire ayant diminué, de sorte que les usagers doivent payer davantage pour bénéficier du transport public ou trouver d'autres moyens d'envoyer leurs enfants à l'école. Comme l'a indiqué Keith au sujet des coûts, le prix des fournitures scolaires augmente. Ce sont donc ces changements apportés aux politiques qui font baisser les revenus permettant de faire vivre ces gens.
Keith est peut-être mieux placé que moi pour vous répondre, mais c'est ce que l'on voit et ce que nous disent les intéressés; en l'occurrence qu'il y a moins d'aides qu'auparavant.
M. Lorne Nystrom: Vous nous avez aussi parlé des normes nationales et vous laissez entendre que vous aimeriez qu'il y ait davantage de programmes organisés par le fédéral. Je suis de tout coeur avec vous, mais il y a un petit problème puisque dans le cadre de notre fédération et de notre merveilleuse Constitution, nombre de ces programmes relèvent de la compétence des provinces. Je suis un partisan déterminé de ce que j'appelle le fédéralisme coopératif, qui doit amener les deux paliers de gouvernement à collaborer. Le gouvernement fédéral peut bien entendu lancer des programmes en faisant appel au pouvoir de dépenser que lui reconnaît la Constitution, mais il se heurte à toutes sortes de difficultés car les provinces veulent avoir davantage leur mot à dire, pas seulement le Québec, mais aussi celles de l'Ouest du Canada, d'où je suis originaire. Par conséquent, lorsque vous parlez de normes nationales, j'espère que vous n'imaginez pas que le gouvernement fédéral va tout simplement fixer lui-même ces normes. J'espère qu'il s'agit pour vous de faire en sorte que les provinces et le gouvernement fédéral collaborent à la mise en place de normes éventuelles. C'est bien ça?
Mme Mary Reid: J'aurais dû dire «pancanadien» pour qualifier l'accord entre les provinces et le gouvernement fédéral. Veuillez m'en excuser.
M. Lorne Nystrom: Non, ne faites pas d'excuses; je voulais simplement que ce soit précisé. Sinon, nous allons au devant de toutes sortes de tiraillements, comme nous avons pu le voir au fil des années dans le cadre du débat constitutionnel, le fait que ces questions relèvent de la compétence provinciale imposant une démarche fondée sur la collaboration.
Mme Mary Reid: Si l'on fait preuve d'autoritarisme, les relations entre les provinces et le gouvernement fédéral en souffrent.
M. Lorne Nystrom: C'est exact. Depuis une trentaine d'années, nous avons perdu beaucoup de temps en débats constitutionnels et lors de toutes les rondes de négociations constitutionnelles. Au cours des années 60, j'ai eu l'impression que nous étions dans la bonne voie en nous engageant dans ce que j'ai appelé le fédéralisme coopératif, avec Lester Pearson, Bob Stanfield et, pour mon parti, Tommy Douglas. Sans savoir comment, nous nous sommes écartés de cette voie pour nous lancer dans toutes ces confrontations, non pas simplement entre Québec et Ottawa, mais aussi entre le gouvernement fédéral et les provinces en général. Je pense donc que ce sont là des questions importantes.
• 1245
J'ai deux questions à vous poser dans le domaine
macroéconomique. Il y a quelques années, notre pays a pris deux
grandes décisions qui, à mon avis, ont bien compliqué la vie des
organisations comme la vôtre et des simples citoyens de notre pays.
La première a été celle qu'a prise la Banque du Canada en 1987-1988
en faisant de la lutte contre l'inflation la grande priorité au
détriment de la croissance et de l'emploi, ce qui a fait augmenter
les taux d'intérêt. À un moment donné, le taux bancaire fixé par
John Crow était supérieur de cinq points à celui des États-Unis. Il
en est résulté un ralentissement véritable de l'économie, ce qui a
causé toutes sortes de difficultés au niveau du chômage, de la
pauvreté, etc.
La deuxième décision, prise par Paul Martin en 1993, a consisté pour ainsi dire à suivre le chemin de Damas. Je connais bien M. Martin. Je me souviens très bien que lorsqu'il était dans l'opposition, il avait un discours très progressif mettant l'accent sur la croissance, le développement et la création d'emploi. Cela tient à sa formation, aux principes légués par son père et à sa propre position à la tête de la Canada Steamship Lines, qui l'amenait à privilégier la croissance, le développement et tout ce genre de choses avant qu'il soit phagocyté par les bureaucrates du ministère des Finances qui, ayant épousé la philosophie de John Crow et de ses pareils, lui ont dit: «Bien, il nous faut pratiquer des compressions massives pour faire baisser le déficit, et la façon d'y parvenir est de réduire les crédits accordés aux programmes sociaux, à l'AC, etc.»
J'imagine que vous êtes davantage du côté de l'ancien Paul Martin, qui mettait l'accent sur la croissance et le développement plutôt que sur les compressions budgétaires, et que vous partagez aussi mes préoccupations concernant la Banque du Canada, qui a une trop grande propension à faire pression à la baisse sur les taux d'intérêt.
Avez-vous des conseils à nous donner dans ces deux grands domaines? Ce sont là les deux principaux changements apportés aux politiques publiques qui ont eu ces 10 dernières années des conséquences énormes sur la vie des gens dans notre pays. Le premier a été apporté par le gouvernement antérieur et le second par le gouvernement actuel, mais tous deux bénéficient évidemment de l'appui des responsables actuels du ministère des Finances. Malheureusement, j'ai l'impression que M. Martin s'est laissé convaincre par ces derniers.
M. Leon Mills: Je vous remercie de vos commentaires.
La politique, nous le savons tous, fait une bonne place à l'opportunisme, et malheureusement les politiciens vont dans le sens de ce qui leur convient le mieux.
Il y avait dans le numéro du Telegram d'hier un article intéressant au sujet des politiques de M. Martin et de la façon dont il les adapte à la situation financière du moment. Je ne m'intéresse pas à la dimension politique de la question, nous cherchons simplement à savoir quelles sont les conséquences de ces politiques sur les personnes handicapées. Malheureusement, les politiques de ces dernières années et l'économie en général ont causé bien des difficultés à bien des gens dans bien des domaines et ont entraîné une réduction du niveau de vie d'un grand nombre de Canadiens à faible revenu.
Ce qu'on oublie souvent de dire, c'est que lorsque le Canadien moyen voit son niveau de vie baisser en raison des politiques économiques, financières ou autres qui sont pratiquées, celui des personnes handicapées, qui sont marginalisées, en souffre encore davantage. On fait souvent de beaux discours s'appliquant à la nécessité d'aider les personnes handicapées et l'on met en train différents programmes. Très bien, mais la moitié du temps ce ne sont que de belles paroles; ils n'ont pas la portée nécessaire et les crédits ne sont pas suffisants pour qu'ils aient véritablement un effet.
Même s'il faut féliciter, j'imagine, le gouvernement fédéral pour les projets mis en place ces dernières années, à l'image du fonds de création d'emploi, par exemple, les crédits sont bien insuffisants. C'est très bien de bénéficier de 30 millions de dollars, mais ce serait encore bien mieux et plus équitable d'avoir 300 millions de dollars.
Nous disons simplement que quelles que soient les possibilités dont on peut tirer parti pour améliorer notre propre situation, si le gouvernement veut vraiment aider les gens, il lui faut mettre en place des politiques plus vastes et d'application plus générale, notamment en ce qui a trait aux personnes handicapées, en créant un ministère spécial pour les personnes handicapées ou un autre organisme de ce genre, et en s'associant à ses homologues provinciaux, etc. C'est alors qu'on pourrait vraiment parler de travail en faveur des personnes handicapées.
M. Lorne Nystrom: Pour ce qui est d'un portefeuille ou d'un ministère réservé aux personnes handicapées, est-ce qu'une campagne a été menée dans tout le pays, auprès des diverses provinces? Comment l'idée a-t-elle été accueillie? Le comité aimerait peut-être la mettre en relief et la présenter dans un rapport au Parlement.
Ma seconde question est du même ordre, et n'est pas, à proprement parler, à caractère financier. Est-ce qu'il y a des changements liés aux droits des personnes handicapées que vous aimeriez voir apporter à la charte ou aux lois du pays? Nous devrions peut-être les connaître pour pouvoir les défendre auprès de nos collègues du Comité de la justice.
Mme Mary Reid: Vous posez d'excellentes questions. Pour l'instant, le seul organe établi est le Bureau de la condition des personnes handicapées, qui relève de Développement des ressources humaines Canada. C'est un mécanisme bien inadéquat pour savoir ce qui se passe dans le milieu et transmettre les messages. Pour une raison quelconque, ce bureau n'est pas très efficace. On a réclamé la création d'un conseil ministériel, d'un secrétariat ou même d'un portefeuille confié à un ministre délégué.
Nous croyons que les choses doivent se faire de façon démocratique. Il ne peut s'agir d'un bureau rempli de bureaucrates; il faut que des représentants élus rendent des comptes et présentent régulièrement des rapports à la Chambre, au moins des rapports annuels, et peut-être faudra-t-il recourir aussi à des conseillers de l'extérieur.
La notion de conseil consultatif du premier ministre a été pour ainsi dire rejetée par de nombreux consommateurs et organismes de consommateurs, qui la jugeaient trop élitiste. Jusqu'à maintenant, les conseils des premiers ministres dans l'ensemble du pays ont semblé mal refléter le point de vue des consommateurs de la base et n'ont fait qu'ajouter à la bureaucratie. Nous appuyons donc un organisme qui serait au niveau des représentants élus, qu'il s'agisse d'un ministre délégué ou d'un secrétariat.
M. Leon Mills: À cet égard, j'aimerais soulever un autre point. Dans le contexte budgétaire, si vous voulez parler de créer un portefeuille distinct et d'élargir les programmes, il faut exiger un projet de loi sur l'invalidité. Vous le savez, l'ADA a été créé il y a cinq ans et a eu une incidence considérable aux États-Unis pour les personnes handicapées. Il a donné d'excellents résultats, et suscité quelques inconvénients. Mais dans l'ensemble, il a fait beaucoup pour accroître l'accessibilité à l'intention des personnes handicapées.
Je sais que dans certaines provinces, notamment en Ontario et en Colombie-Britannique, on élabore des lois provinciales. C'est une mesure que nous commencerons à promouvoir très bientôt, un projet de loi. Cela serait très utile pour les personnes handicapées.
M. Lorne Nystrom: Est-ce qu'il y a des changements de la charte ou des programmes d'action positive que vous aimeriez nous indiquer aujourd'hui?
Mme Mary Reid: Je crois que le code des droits de la personne a besoin d'une révision et qu'il conviendrait d'examiner de très près la discrimination systémique. Il n'est pas très évident, à l'heure actuelle, que la définition et l'élimination de certains obstacles correspondent à un droit protégé par le code. Pour ce qui est de la charte, je n'ai aucune suggestion à soumettre au comité pour l'instant.
J'aimerais ajouter quelque chose à ce que Leon a dit au sujet d'une loi pour les Canadiens handicapés. Je pense qu'il faudrait y trouver des dispositions sur le repérage et l'élimination des obstacles, plutôt que ce que prévoit l'ADA, par exemple. Je pense que nous parlons souvent d'une loi pour les Canadiens handicapés, mais je ne suis pas convaincue que nous sachions ce que cela signifie. Nous envisageons peut-être tous quelque chose de totalement différent. Il serait donc important de suivre d'abord un processus pour déterminer ce que nous voulons vraiment et ce qui est le plus avantageux pour le pays.
M. Lorne Nystrom: Est-ce qu'une loi sur l'invalidité devrait à votre avis relever strictement du gouvernement fédéral ou est-ce que vous souhaitez plutôt un accord fédéral-provincial à ce sujet? Bien des secteurs de compétence provinciale touchent tous les Canadiens, pas seulement les personnes handicapées. Est-ce que vous souhaitez une initiative fédérale ou plutôt quelque chose que nous pouvons mettre au point en collaboration avec les provinces?
Mme Mary Reid: Il me semble qu'il devrait s'agir d'une initiative fédérale qui, par exemple, servirait de modèle. Les provinces pourraient ensuite mettre au point leur propre loi. Ce genre de chose ne me semble pas pouvoir se négocier avec les provinces et les territoires dans le cadre d'un accord quelconque. Il faudrait peut-être établir certaines différences, selon la province.
M. Lorne Nystrom: Très bien. Merci.
Mme Mary Reid: Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): M. Nystrom soulève un aspect intéressant, mais est-ce que les provinces et les municipalités ne devraient pas intervenir plus nettement? Nous ne pouvons faire plus que notre part, mais si tout à coup nous passons au niveau municipal, par exemple, où l'on ne fournit pas l'infrastructure élémentaire qui permettrait à des personnes handicapées d'avoir accès aux édifices municipaux, qu'est-ce que cela nous donne? Est-ce que vous avez essayé de sensibiliser les municipalités?
Mme Mary Reid: Nous discutons avec la Fédération canadienne des municipalités en vue de déployer des efforts concertés dans l'ensemble du pays. De nombreuses municipalités ont créé leur propre conseil consultatif sur la situation des personnes handicapées. À ce palier, la formule donne de bons résultats. Ici, dans plusieurs municipalités de la province et dans certaines municipalités du pays, ces organisations ont été fort efficaces parce qu'il s'agit, en règle générale, de petites administrations.
• 1255
Si nous insistons pour que le gouvernement fédéral adopte un
programme en matière d'invalidité, c'est qu'il y a des lacunes au
niveau des provinces. On a toujours eu le sentiment que
l'invalidité était une question de compétence fédérale et
municipale, et la question n'avait pas beaucoup de poids au palier
provincial. Lorsque l'invalidité a semblé écartée du programme
fédéral, il y a deux ou trois ans, nous n'étions pas prêts à
intervenir, ni nous ni les provinces. Le dossier n'avait pas été
largement diffusé au palier provincial. Je pense que nous devons
admettre notre responsabilité à cet égard. Nous avons consacré
beaucoup de temps au palier fédéral et pas assez au palier
provincial, sauf quand il s'agissait très précisément d'un
programme destiné à un groupe donné, mais non pas aux niveaux
systémique et des droits de la personne en général. C'est ce que
nous commençons à faire maintenant.
M. Lorne Nystrom: Je veux vous poser encore une question à ce sujet.
Est-ce qu'il existe des différences notables au pays, entre les municipalités? Y a-t-il certaines municipalités que vous considérez comme des modèles, qui ont beaucoup fait en matière d'accessibilité et de choses de ce genre, comme le disait le président? Est-ce que les différences sont très marquées? Est-ce qu'il existe des modèles que vous pouvez nous signaler, pouvez-vous nous dire par exemple que Pembroke s'en tire très bien, quelque chose de ce genre?
Mme Mary Reid: Eh bien, laissez-moi y penser. C'est peut-être bien Kitchener, je crois, qui a fait le plus de progrès.
M. Lorne Nystrom: Cela se pourrait. Je l'ignore. Je ne fais que poser la question. Je n'en sais rien.
Une voix: Kitchener est très bien représentée au Parlement, Lorne.
M. Leon Mills: Il y a diverses initiatives au pays, à Windsor, à Kingston et dans quelques autres centres très dynamiques, mais en règle générale la question n'intéresse pas la majorité des gens.
Comme vous le savez, au cours de la dernière décennie on a beaucoup fait pour accroître l'accessibilité pour les personnes atteintes d'un handicap physique ou à mobilité réduite. On a très bien exposé le problème et on a réussi à faire adopter des lois, des mesures de ce genre, et bien des endroits sont maintenant accessibles et on y consacre des fonds. Malheureusement, il reste encore de nombreuses personnes atteintes d'invalidité pour qui les lieux publics ne sont pas accessibles, dont moi.
Je suis malentendant. Cette salle, aujourd'hui, ne m'est pas totalement accessible. Elle l'est presque, grâce à tout ce matériel, mais malheureusement il n'y a pas de circuit fermé qui m'aurait permis d'utiliser mon appareil auditif. J'ai dû l'enlever pour mettre cet écouteur, qui m'aide un peu mais qui n'est pas idéal. C'est la vie.
Ainsi, quand je vais à l'hôtel, je ne peux pas entendre le réveille-matin ni l'alarme-incendie. Je ne peux pas écouter la télévision. Je l'entends, mais sans mon appareil auditif je ne comprends pas ce qui se dit. Le matin, je ne le porte pas, alors je ne peux pas demander à être réveillé par téléphone, des choses de ce genre. J'ai raté des vols parce que je n'ai pas entendu l'appel.
L'accessibilité varie donc en fonction du type d'invalidité, et toutes ne sont pas corrigées. C'est pourquoi je dis qu'il nous faut une loi sur l'invalidité, pour aider toutes les personnes atteintes d'invalidité. Je suis d'accord avec le président; je ne crois pas qu'il devrait s'agir d'une initiative uniquement fédérale. Nous sommes tous Canadiens. L'invalidité touche tous les Canadiens. Elle peut toucher n'importe qui ici, aujourd'hui, demain ou la semaine prochaine. C'est une question à laquelle, à mon avis, notre pays doit accorder plus d'importance.
Nous devrions tous collaborer. Il devrait s'agir d'une initiative fédérale, évidemment, mais elle concerne aussi les conseils municipaux, tout le monde. Une bonne partie de l'intervention doit en outre porter sur l'éducation. Je conviens que les municipalités, en particulier, doivent faire plus.
Vous vouliez des exemples. Certains centres, au Canada, commencent à bouger, mais aux États-Unis, si vous cherchez un modèle, allez à Phoenix ou communiquez avec la municipalité et demandez de l'information. Prenez le numéro de Disability International paru l'automne dernier et regardez un peu ce qu'a fait Phoenix. Toute une section y est consacrée. La municipalité a réalisé un travail extraordinaire, grâce au conseil du maire en matière d'invalidité et d'accessibilité. De fait, toute la ville, où que vous alliez, est accessible, indépendamment de votre type d'invalidité.
Il y a donc bien des choses à faire. À l'heure actuelle, nous ne voyons qu'une infime partie du problème et nous avons bien du travail devant nous. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une loi sur l'invalidité, un portefeuille, etc. Il y a beaucoup de travail à faire. Si vous voulez progresser, évidemment, cela aura des conséquences sur le budget.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.
Je donne maintenant la parole à M. Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
Premièrement, je sais que nous tenons actuellement des consultations pré-budgétaires et que M. Martin n'a pas besoin de mes modestes lumières, mais je me demandais seulement si M. Nystrom avait quelque chose contre les entrepreneurs. N'oublions pas que M. Martin, avant de se lancer en politique, était un citoyen comme les autres, quelqu'un qui avait appris de lui-même, s'était fait entrepreneur et avait atteint une certaine prospérité. Je me demandais si M. Nystrom, d'après ses questions et ses commentaires, avait quelque chose contre les Canadiens qui, comme M. Martin, ont accumulé un peu de fortune.
Mais ma question ne s'adresse pas à vous. Je voulais simplement faire ce commentaire en raison de l'orientation de ses questions...
M. Lorne Nystrom: Je croyais qu'on m'interrogeait.
Une voix: Il peut poser sa question à Ottawa.
M. Gary Pillitteri: Cela m'amène à la question que j'adresse à nos témoins, monsieur le président.
Au Canada, nous avons de nombreuses formes d'imposition. Il existe un impôt sur les sociétés, payé par les sociétés et les particuliers qui se constituent en société. Cet impôt comprend un volet de redistribution de la richesse. Nous avons l'impôt sur le revenu. Tous les citoyens canadiens paient des impôts, et cela aussi permet dans une certaine mesure de redistribuer la richesse. En outre, nous avons la TPS, qui a été ajoutée. Là encore, il y a redistribution de la richesse. Nous traitons maintenant du fonds de l'assurance-emploi. Dans ce fonds, 60 p. 100 des sommes sont versées par les sociétés ou les employeurs et 40 p. 100 par les employés.
Une taxe demeure une taxe, quelle que soit sa forme. Nous avons donc quatre types de taxes distincts. Évidemment, il y a aussi les taxes foncières. Dans certaines collectivités de certaines régions du Canada, on utilise ce qu'on appelle l'évaluation de la valeur marchande et ailleurs, une autre formule.
Le fonds de l'assurance-emploi semble afficher un excédent. Beaucoup ont affirmé que le déficit avait été réduit grâce au fonds de l'assurance-emploi. Si j'ai bonne mémoire, M. Davis a affirmé dans son exposé que le fonds de l'assurance-emploi appartenait aux personnes qui y ont contribué et qu'il devrait leur revenir. Je n'en ai pas la trace devant moi, mais il a déclaré qu'il faudrait redonner cet argent à ceux qui l'ont versé, peut-être sous forme de programmes de création d'emplois.
Dites-moi. Si nous admettons que toutes ces taxes visent la redistribution de la richesse, nous devrions peut-être aussi examiner le fonds de l'assurance-emploi. Si nous voulons redistribuer la richesse, il faut peut-être consentir des réductions d'impôt à l'ensemble de la population. Cela serait plus profitable aux Canadiens à faible revenu—l'élimination de la surtaxe de 3 p. 100, dans le cadre du dernier budget, a déjà profité à quelque 13 millions de Canadiens. Si nous relevons le plafond des déductions fiscales, presque tous les Canadiens en profiteront aussi. Ne croyez-vous pas que ce faisant nous assurerons en outre une certaine redistribution de la richesse? Est-ce que vous êtes opposé à cela, préféreriez-vous donner entièrement ce montant aux travailleurs qui ont contribué au fonds? Il faudrait aussi rendre l'argent des employeurs, évidemment.
M. Keith Davis: L'objet du fonds de l'assurance-emploi est d'aider les personnes qui sont en chômage. C'est un peu comme une couverture pour ces personnes; c'est un filet de sécurité. Cet argent pourrait aussi permettre de créer des emplois. Si vous prouvez à la population qu'une réduction de l'impôt des sociétés conduira les sociétés à créer des emplois, alors nous pourrons certainement appuyer votre proposition.
Le chômage est à un niveau inacceptable. Je n'en connais pas le pourcentage exact à l'heure actuelle, mais le taux de chômage au Canada est aux environs de 9 p. 100. D'autres pays s'en tirent beaucoup mieux. Je crois que la Norvège a un taux de chômage de 5 p. 100. Un pays comme le Canada devrait certainement avoir un taux de chômage plus faible. Le fonds de l'assurance-emploi, quelle que soit la façon dont on l'utilise, devrait servir à garantir aux Canadiens des emplois bien rémunérés, non pas à court terme mais à long terme. C'est ce que veut la population.
M. Gary Pillitteri: C'est à cette fin que le fonds a été utilisé. Il a été utilisé pour créer des emplois dans ma région. Évidemment, je comprends que le fédéral administre des programmes dans toutes les régions. Mais aujourd'hui nous parlons de l'excédent budgétaire. Puisqu'il y en a un, de quelle façon devrions-nous l'utiliser? L'excédent vient de ce fonds, effectivement, parce que le fonds d'assurance-chômage est le seul qui ait augmenté. Est-ce que vous voulez le redistribuer grâce à des réductions d'impôt? Est-ce que vous voulez le rendre en augmentant les subventions du système de soins de santé ou de divers programmes, est-ce que vous préférez cette mesure? Je vous pose la question.
M. Keith Davis: Je crois qu'il faudrait spécifiquement le consacrer à la réduction du taux de chômage au Canada. Des consultations entre les gens d'affaires, les chômeurs et la population... Il doit s'agir d'un effort concerté. Je crois que nous devons procéder à des consultations plus vastes à ce sujet avant de prendre une décision. Mais nous pourrions certainement utiliser le surplus pour réduire le taux de chômage au Canada. C'est la raison d'être du fonds, si je ne me trompe pas.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors vous dites que plutôt que de remettre 60c. aux employeurs et aux employés il vaudrait mieux investir d'une façon quelconque dans des mesures de réorientation professionnelle, par exemple.
M. Keith Davis: En effet. Mais vous devez vous assurer qu'il ne s'agit pas de mesures à court terme. J'ai vu trop de projets ici, à Terre-Neuve, qui ne créaient que des emplois ponctuels. Les gens travaillent quelques semaines, puis ils retirent de l'assurance-chômage, qui est maintenant l'assurance-emploi. Il nous faut créer des emplois à long terme.
Nous ne devons donc pas prendre de décision à la hâte. Il nous faut vraiment employer ce fonds pour réduire le taux de chômage. De quelle façon pouvons-nous le mieux y parvenir? Ne prenons pas de décision précipitée. Examinons d'abord la question.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous devrions peut-être cesser de dire qu'il s'agit d'un fonds. En outre, nous serions sans doute bien avisés de ne plus dire que les cotisations d'assurance-emploi que nous percevons à l'heure actuelle ont produit un excédent de cinq ou six milliards de dollars. Et qu'est-ce que nous devons faire au sujet de ce taux? Est-ce qu'il faudrait le réduire? Est-ce que nous devrions le maintenir et utiliser l'excédent qu'il produit pour mettre d'autres mesures en oeuvre et réaliser d'autres priorités?
M. Leon Mills: Puis-je glisser un mot?
La rhétorique qui entoure le débat est vraiment très intéressante. De notre point de vue, nous, les travailleurs, versons de l'argent dans ce fonds et vous, les employeurs, en versez aussi. Si nous en avions besoin pour payer des prestations d'assurance-emploi, c'est à cela que l'argent servirait. Il s'agit simplement de réaménager le cycle de redistribution de la richesse.
Alors si l'on veut l'utiliser ainsi, c'est très bien. Si nous avons cet énorme excédent, je ne vois rien de mal à l'utiliser à quelque fin légitime si cela doit améliorer la vie des Canadiens, créer des emplois ou renforcer notre économie, des objectifs louables. Mais je ne suis pas nécessairement d'avis qu'il convient de remettre l'argent à ceux qui ont contribué au fonds pour qu'ils puissent simplement le dépenser. Il s'agirait alors d'une redistribution personnelle de la richesse. Peut-être que ceux qui en profiteront auront plus d'argent pour la consommation, mais j'aimerais mieux que le fonds serve des fins valables, réduire le chômage ou créer des emplois par exemple.
Alors si c'est ce que nous réalisons, c'est très bien. Mais je ne veux pas que nous nous contentions de rembourser ceux qui contribuent au fonds et les laisser dépenser cet argent comme bon leur semble.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je suis d'accord avec vous, car M. Pillitteri et moi-même ainsi, je crois, que d'autres ici présents sommes de petits entrepreneurs. Ce qui compte le plus pour les petites entreprises dans ma région, lorsque nous aurons pratiquement éliminé le déficit, c'est de maintenir de faibles taux d'intérêt. En tant que petit entrepreneur, si les taux d'intérêt sont faibles, je peux investir—je peux emprunter de l'argent, par exemple, à moindre coût—et ces faibles taux d'intérêt sont préférables, pour mon entreprise et son avenir, à une réduction de 50 ou 60c. du taux d'assurance-emploi.
Tout le débat est centré là-dessus, parce que je n'entends personne, petit entrepreneur ou gros entrepreneur, réclamer «Rendez-moi cet argent parce que c'est moi qui l'ai versé». Les entrepreneurs comprennent les avantages qu'ils tirent de la réduction d'un déficit qui pèse sur tous les Canadiens; ils savent que c'est plus important pour les gens comme eux, qui doivent payer des intérêts, par exemple.
Il s'agit donc d'un débat que nous menons maintenant mais qui n'aurait pas pu avoir lieu il y a trois ou quatre ans. C'est un débat important, parce que très peu de Canadiens comprennent que le fonds n'est pas—les 20 milliards de dollars ont déjà été dépensés. Et maintenant, ce dont nous parlons vraiment c'est de maintenir les taux au niveau actuel afin que, si l'économie continue de s'améliorer, les taux d'intérêt restent faibles et que, si le taux de chômage reste faible ou diminue, nous produisions encore un surplus.
La question est donc de savoir de quelle façon nous devons dépenser les excédents qui sont projetés de diverses sources. De toute évidence, les cotisations à l'assurance-emploi sont l'une de ces sources. Et nous devrions peut-être songer à combiner les deux. Nous devrions peut-être envisager des mesures de recyclage professionnel. Nous devrions peut-être envisager de réduire le taux, comme nous l'avons fait au cours des trois ou quatre dernières années, progressivement, de dix sous par année peut-être. Et comme Paul Martin l'affirme, vu la menace de récession, nous devrions peut-être aussi songer à constituer une réserve pour nous ménager la latitude dont nous aurons besoin.
M. Leon Mills: Malheureusement, il n'y a pas de réponse simple à ce type de question. On peut toujours trouver des arguments favorables à sa propre position. Du point de vue commercial, j'ai lu, il y a quelques mois je pense, que pour chaque point de pourcentage d'augmentation du loyer de l'argent, les petites entreprises doivent mettre à pied x personnes, selon la taille de l'entreprise. Cela a donc un effet direct sur l'économie.
Si les taux d'intérêt montent et entraînent une hausse du chômage, cela mène à une réduction des impôts versés au gouvernement et à un déficit plus important. L'on risque donc d'être entraînés dans une spirale. Par contre, dans le cas inverse, le fardeau est réduit et les taux d'inflation demeurent faibles, ce qui permet de créer plus d'emplois. S'il y a plus d'emplois, alors il y a plus d'impôts payés et s'il y a plus d'impôts, le taux d'imposition du revenu des particuliers peut même être réduit, ce qui profite à tous les Canadiens.
Je suis donc d'accord avec vous, il faut envisager divers scénarios avant de décider ce qu'il convient de faire pour l'économie. Je ne suis pas économiste, mais quand on comprend les principes de base on constate que tout est relié, qu'il y a des causes et des effets. On ne peut pas se contenter de dire qu'il faut faire ceci ou cela; il faut envisager toutes les options avec soin.
C'est la première fois depuis longtemps que nous avons un excédent dans ce secteur, un excédent aussi important, et je crois qu'il faut l'utiliser judicieusement.
M. Mary Reid: J'aimerais ajouter quelque chose.
Monsieur Pillitteri, votre question portait aussi sur l'utilisation de cet argent pour les personnes à faible revenu et pour aider les gens, et évidemment nous sommes tous en faveur de cela. Mais nous pourrions peut-être le faire en utilisant les prestations. Cette option n'a pas été mentionnée, mais nous pourrions rétablir les prestations qui ont été réduites il y a deux ou trois ans, puisque de nombreuses personnes ont maintenant besoin d'aide parce que leur revenu a diminué, peut-être parce qu'il est maintenant plus difficile d'avoir droit à des prestations ou d'en retirer pendant assez longtemps. Le rétablissement des prestations d'assurance-emploi serait peut-être une façon d'aider les personnes à faible revenu.
M. Gary Pillitteri: C'est exactement ce qu'une réduction d'impôt générale donnerait. Cela signifierait que ceux qui ont un faible revenu... Nous parlons de redistribution de la richesse. Si vous regardez les choses de ce point de vue, la mesure est totalement axée sur une réduction des cotisations et cela serait... Comme ils le disent, pour maintenir le fonds il suffirait de cotisations de 2,10 $ par 100 $, ce qui signifie une réduction de 60c. Ces 60c. représentent presque 4,2 milliards de dollars, et le surplus ne s'établirait plus qu'à quatre ou six milliards de dollars.
Si nous devions remettre cet argent à l'employeur et aux employés, en vue de la création d'emplois, il ne resterait rien pour les autres programmes. C'est précisément la raison pour laquelle nous posons la question, qu'est-ce que nous devons faire de cet argent?
Mme Mary Reid: Ce que je propose—et je ne le fais pas au nom du CRVA, je parle à titre plus personnel—c'est que nous examinions s'il est même indiqué de réduire le taux de l'assurance-emploi. Peut-être que la réduction des prestations a ramené les revenus à un niveau peu réaliste, injuste. Si nous rétablissons les prestations, le problème de l'excédent perd de son importance. J'aimerais que le fonds de l'assurance-emploi auquel on contribue soit redistribué aux fins pour lesquelles il a été créé, c'est-à-dire à des fins d'assurance, et que le niveau des prestations réponde aux besoins. Est-ce que vous comprenez ce que je dis?
M. Gary Pillitteri: Oui, je comprends. Le fait est que cela aurait plus d'incidence sur les Canadiens à faible revenu. Cette réduction d'un impôt au moyen du relèvement des sommes déductibles profiterait plus aux Canadiens à faible revenu et aux oubliés du système qu'une mesure limitée au domaine de l'assurance-emploi comme tel.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce que Mme Reid laisse entendre, c'est que l'excédent est une conséquence de la réduction de taux, mais surtout des conditions économiques, etc., et aussi du fait qu'un nombre moindre de personnes ont touché des prestations plus modestes. Par conséquent, elle soutient que nous devrions peut-être augmenter le nombre de semaines de prestation, le ramener à un niveau plus raisonnable.
M. Gary Pillitteri: C'est improductif.
M. Leon Mills: Il y a diverses façons d'intervenir et de produire des résultats; cela est indéniable. Permettez-moi d'utiliser une analogie. S'il me faut plus d'argent pour le loyer et que vous avez un excédent, vous pouvez me donner une partie de cet excédent pour que je paie mon loyer, cela me suffit pour un mois, mais si vous me donnez un emploi, je peux alors payer moi-même mon loyer tous les mois. C'est ce qu'il me semble.
• 1315
Il faut décider de la meilleure façon d'utiliser l'argent pour
que les citoyens soient plus indépendants et puissent payer des
impôts. De cette façon, vous créez un cycle positif plutôt qu'un
cycle de dépendance. C'est beaucoup plus efficace. Quand vous
donnez de l'argent aux personnes au bas de l'échelle—cela n'a pas
beaucoup d'effet. C'est une mesure ponctuelle. C'est un peu comme
de recevoir une prime sur sa paye—cela n'a rien de très important;
à long terme, qu'est-ce que cela signifie? Pas beaucoup.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Permettez-moi de citer un autre Pierre, Jean ou Jacques. Je crois que l'analogie est la suivante: si vous donnez un poisson à un pêcheur, il fera un repas, mais si vous lui enseignez à pêcher, il pourra se nourrir toute sa vie.
Parlant de Pierre, de Jean et de Jacques, écoutons maintenant M. Brison.
M. Scott Brison: Évidemment, si nous pouvions produire plus de poisson, nous serions sans doute en meilleure situation encore. Je sais de quoi je parle, je viens de la Nouvelle-Écosse.
Je vous remercie de vos interventions d'aujourd'hui. Elle nous ont été très utiles.
Il y a des truismes que nous pouvons tous reconnaître dans le contexte actuel, que nous soyons de gauche ou de droite, et l'un d'entre eux est qu'il y a une limite à la dette qu'un pays peut supporter. Même les pays européens qui dépensaient autrefois avec insouciance reconnaissent maintenant qu'une dette de 60 p. 100 du PIB est un objectif réaliste et important. On ne peut pas augmenter indéfiniment les impôts sans réduire l'emploi. Il faut aussi reconnaître que les impôts élevés font disparaître des emplois.
Même le débat sur le compte de l'assurance-emploi est un jeu à somme nulle. Nous discutons sans fin pour décider si nous allons réduire les charges sociales de l'assurance-emploi ou le taux global d'imposition ou encore accroître les dépenses. À mon avis, nous ne parlons pas assez souvent de l'efficacité des dépenses gouvernementales. De quelle façon est-ce que nous pourrions utiliser les programmes ou l'argent que nous avons à l'heure actuelle et obtenir un meilleur rendement de l'investissement pour la société, à long terme? Je me plais à croire qu'un partenariat avec le secteur bénévole ou un engagement accru de ce secteur nous permettrait d'y parvenir.
Les gouvernements l'ont reconnu de certaines façons. Ainsi, tous les partenariats privés-publics cherchent en partie à économiser des fonds publics de plus en plus limités. Il est logique de penser que la participation du secteur bénévole pourrait y contribuer.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. À mon avis, nous constaterions sans doute que l'investissement public est plus ciblé sur les besoins réels, par opposition à ce que certains bureaucrates peuvent considérer comme des besoins, et qu'au bout du compte nous sommes plus axés sur les résultats. Vous pouvez en faire la preuve grâce aux investissements, en ouvrant des perspectives aux personnes handicapées.
On peut parler de ce que la pauvreté fait aux enfants, elle limite l'égalité des chances. Vous parlez des livres et vous dites qu'il en coûte environ 500 $ par année au titre du transport et des livres. C'est une somme importante. C'est un pourcentage de votre revenu, c'est un montant qui compte quand il s'agit de votre capacité d'assurer des chances égales à vos enfants.
Quoi qu'il en soit, je serais curieux de savoir ce que vous en pensez. C'est ma première question, au sujet du secteur bénévole. De quelle façon est-ce que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent intervenir pour améliorer ces liens? Parce que je crois que nous devons faire quelque chose de ce genre si nous voulons améliorer la prestation des services.
M. Leon Mills: Vous avez bien raison, et c'est une belle question. Comme je l'ai dit précédemment, à la suite des compressions des dernières années, les groupes communautaires ont dû se tourner vers d'autres sources de financement. Autrefois, ils étaient sans doute financés directement à 90 p. 100 ou plus par divers ordres de gouvernement, sans doute par le gouvernement provincial.
Je sais qu'au sein de notre propre organisation, l'association des malentendants, nous recevions une subvention pour payer le directeur administratif, la secrétaire et les frais de bureau, ce qui nous assurait la stabilité d'année en année et nous permettait d'exécuter nos programmes et de poursuivre d'autres objectifs. Depuis sept ou huit ans, ce financement a sans doute diminué de 80 p. 100, à tel point qu'aujourd'hui, si nous n'avions pas d'activités de collecte de fonds, nous ne pourrions pas continuer d'exister. Nous avons dû nous inspirer des méthodes de l'entreprise privée et trouver nous-mêmes des fonds. Mais nous sommes conscients que la philosophie a changé. Nous ne demandons pas l'aumône aux gouvernements pour nous financer complètement, mais nous avons besoin d'un peu d'aide financière pour assurer notre stabilité et nous permettre de chercher d'autres méthodes de financement.
• 1320
L'an dernier, le gouvernement provincial a publié un rapport
sur le processus de consultation sociale qui s'était déroulé deux
ou trois ans auparavant. Selon les auteurs de ce document, le
gouvernement provincial reconnaissait que les groupes
communautaires et le secteur bénévole sans but lucratif
produisaient des économies directes de 300 millions de dollars pour
le gouvernement. D'après nous, cette estimation est sans doute trop
faible et l'on pourrait comptabiliser beaucoup plus, pour des
centaines de millions de dollars de plus. Un grand nombre de
groupes communautaires se meurent. Leurs membres s'épuisent. Les
bénévoles n'ont pas la capacité d'assumer plus de responsabilités.
Alors si ce processus doit être efficace, d'une façon ou d'une autre, il faudra que le fédéral et les provinces trouvent des moyens de collaborer pour veiller à ce que les groupes bénévoles reçoivent plus d'argent. À l'heure actuelle, les jeux de hasard produisent des revenus absolument énormes dans notre pays. Si l'entreprise connaissait une croissance correspondante aux recettes que le gouvernement a perçues des entreprises de jeux ces dix dernières années, elle serait fort prospère.
Malheureusement, une grande partie de cet argent n'est pas redistribué aux personnes qui en ont le plus besoin. Il va au Trésor et aux projets gouvernementaux, à divers projets qui ne présentent pas nécessairement d'intérêt pour les personnes handicapées et les groupes bénévoles.
Je crois qu'une grande partie de cet argent pourrait être réservé plus précisément, et pas nécessairement un fort pourcentage. À Terre-Neuve, si le gouvernement nous confiait, je ne sais pas, cinq ou dix millions de plus par année à redistribuer aux groupes communautaires, cela leur assurerait une certaine sécurité sur une base annuelle et leur permettrait de progresser et, au fil du temps, de devenir plus autonomes. Il rejoindrait plus de gens et accomplirait plus. S'il rejoint plus de gens, à long terme, cela signifie qu'il en coûtera moins à la société. Alors c'est un petit investissement qui pourrait donner un excellent rendement. Je pense qu'actuellement les gouvernements font preuve de myopie en n'agissant pas ainsi. Il leur en coûtera plus d'argent à long terme.
M. Scott Brison: Très bien, merci.
Pour ce qui est de l'invalidité, nous pourrions peut-être éviter... J'ai tendance à croire que si nous investissons très tôt auprès des gens et repérons l'invalidité pour aider plus tôt les personnes, le rendement de notre investissement, pour la société, pourrait être énorme. Je pense aux programmes Bon départ au pays. Je songe aux programmes Bon départ et à l'intervention précoce conçue pour repérer les enfants à risque. Les enfants qui souffrent d'invalidité, par exemple, pourraient être l'un des groupes ciblés.
Je sais qu'il existe dans certaines provinces des projets qui mettent l'accent sur l'intervention précoce et les programmes Bon départ. Est-ce qu'il y a de tels projets à Terre-Neuve à l'heure actuelle?
Mme Mary Reid: Dans le cadre du crédit d'impôt pour enfants, à l'échelle nationale, les fonds qui ont été alloués ont été utilisés pour appuyer les collectivités par l'entremise de centres de ressources familiales, c'est-à-dire un type de programmes de prévention pour aider les familles qui ont de jeunes enfants. La distribution de lait et de goûters dans les écoles sont des exemples d'intervention précoce.
Dans le cas de l'invalidité, je crois qu'on a commencé récemment à mettre un additif dans la farine ici. Cela contribuera à réduire le taux de spina-bifida, qui est très élevé dans notre province et en Nouvelle-Écosse. Alors oui, certaines mesures sont prises au titre de la prévention. Je crois qu'il n'y en a jamais assez. Au CRVA, nous ne faisons pas beaucoup en terme de prévention parce que nous sommes actuellement monopolisés par les services aux personnes atteintes d'invalidité.
M. Scott Brison: Oui.
Mme Mary Reid: Je crois qu'il y a un besoin, et il faut aussi canaliser des énergies vers la recherche, pour aider les victimes par la suite, pour la régénération de la moelle épinière et ce genre de choses.
M. Scott Brison: Merci.
Ma prochaine question porte sur l'invalidité. On stigmatise peut-être ceux qui souffrent de maladie mentale. Vous savez, la maladie mentale est vraiment une invalidité. Même les programmes de soins de santé, même les programmes d'assurance, même les programmes de soins de santé gouvernementaux traitent la maladie mentale d'une façon que l'on peut juger discriminatoire.
• 1325
Je lisais récemment dans un article que dans les centres
urbains, 70 p. 100 des sans-abri souffrent d'une maladie mentale
quelconque et ont effectivement échappé complètement au système. Au
sein du système qui cherche à aider les personnes atteintes
d'invalidité, est-ce que certaines politiques systémiques
n'établissent pas une discrimination à l'égard des questions de
santé mentale, des questions qui ne reçoivent pas vraiment toute
l'attention qu'elles méritent?
Mme Mary Reid: C'est évident. Une bonne partie des politiques touchent les questions de contrôle et d'entrée. Nombre des personnes qui prennent des décisions pour les consommateurs de services de santé mentale appartiennent au monde médical, et je crois que nous avons accordé trop d'importance au rôle de la profession médicale dans la vie des gens. Lorsque cela se produit, la discrimination s'installe parce que les gens ne maîtrisent plus leur propre vie, leurs propres décisions, ils ne peuvent plus décider où ils vont vivre et de quelle façon ils vont vivre.
Prenons simplement l'exemple de notre province et des ressources consacrées à la santé mentale. Quatre-vingt-dix sept ou 98 p. 100 des fonds sont alloués aux soins actifs en milieu hospitalier. C'est ce qui se passe. Les personnes qui vivent dans la rue n'ont accès à aucune ressource. Et cela devient une porte tournante parce qu'elles sont admises en établissement et reçoivent leur congé, rentrent et ressortent encore. Ce n'est certainement pas le choix du consommateur; c'est à cause du manque de ressources pour les sans-abri. Le phénomène s'explique en partie par le stigmate, en partie par les questions de contrôle et en partie par le manque de ressources.
M. Leon Mills: À cet égard, vous avez parlé du financement. L'association provinciale de la santé mentale ne reçoit absolument aucune aide financière directe du gouvernement provincial pour assurer sa survie. Cela me paraît stupéfiant, car la santé mentale a une telle importance pour l'ensemble de la société. Le peu d'argent que l'association reçoit va à des éléments de projet très précis.
Une grande partie des initiatives mises au point ces dernières années à Terre-Neuve sont la conséquence directe du travail de l'association, et non pas des efforts du gouvernement. Comme l'a dit Mary, tout est axé sur le modèle médical et cela laisse à désirer de bien des points de vue. Mais au niveau communautaire, il y a certainement de graves lacunes et, par conséquent, des gens souffrent.
Mme Mary Reid: En matière d'invalidité, il y a tant à apprendre au sujet de la prestation générale des services, de tout ce concept de mise en commun de l'information, de soutien des pairs, de résolution de problèmes. Cela ne touche pas que les personnes atteintes d'invalidité, cela s'inscrit dans tout contexte social. Compte tenu des ressources et du soutien, les coûts tertiaires à long terme diminuent et deviennent abordables.
M. Scott Brison: Quand on s'attaque à la question des personnes atteintes d'invalidité, on ne tient jamais compte du fait qu'elles ne peuvent pas participer à la vie de la société, qu'il y a donc une perte pour la société. Cela constitue pour la société un coût qui, de bien des façons, est nettement supérieur aux coûts que représente la personne. C'est un aspect dont on ne tient jamais compte, sauf si l'on a des amis ou des parents qui souffrent d'une invalidité ou si l'on est soi-même atteint d'invalidité.
Je m'interroge sur la technologie de l'information et la croissance du secteur basé sur la connaissance, la connectivité et les liens de TI qui pourraient efficacement améliorer la situation si les personnes handicapées avaient accès aux leviers de ce moteur économique global et à la technologie de l'information. Bien des obstacles disparaissent quand la personne handicapée utilise ces leviers. Qu'est-ce que le gouvernement peut faire pour faciliter cet accès? Je crois que cela nous offrirait une merveilleuse occasion de faire participer les personnes handicapées.
M. Leon Mills: Je crois que vous avez raison. C'est une idée que je défends depuis quelque temps déjà, localement. Je pense que la technologie de l'information est un tremplin pour bien des personnes handicapées. Ce n'est pas une solution miracle, parce que ce type de travail n'intéresse pas tout le monde. Nous sommes passés d'une société agricole à une société axée sur le travail physique. Aujourd'hui, nous réfléchissons et, pour agir, nous utilisons la souris.
L'ordinateur et tout ce secteur d'application est une industrie naissante. Il offre d'immenses possibilités aux personnes handicapées. Mais là encore, nous revenons aux obstacles que dresse la société en général, en raison des attitudes des employeurs et des établissements, etc.
• 1330
À l'heure actuelle, nous parlons de former des personnes en
vue d'un emploi, mais bon nombre de nos établissements de formation
ne sont pas accessibles aux personnes handicapées. Juste avant de
venir ici aujourd'hui, nous avons écouté au Holiday Inn un exposé
de M. Phil Warren, ancien ministre de l'Éducation, qui réalise
actuellement un examen des collèges privés, et nous avons soulevé
toute la question de l'accessibilité. Pour l'instant, ces collèges
ne sont tout simplement pas accessibles aux personnes handicapées.
Nous aimerions que cela change. Une bonne partie de tout cela est
lié, et je pense qu'il faut allouer plus de ressources à ce
secteur.
Nous ne voulons pas, je le répète, que les gens soient entièrement tributaires du système. Les personnes handicapées veulent des possibilités. Elles veulent que les obstacles soient réduits; elles veulent recevoir de l'aide et elles veulent des mesures d'aménagement en milieu de travail, afin de pouvoir travailler au même titre que quiconque et être jugées à ce niveau. Mais il leur faut plus de soutien; il faudra sans doute affecter plus de ressources à cet objectif. Vous avez raison, je pense qu'il s'agit d'une possibilité extraordinaire, illimitée. Cela nous donnerait des règles du jeu véritablement équitables.
M. Scott Brison: Est-ce que je peux glisser un mot, monsieur le président?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez dit cela il y a dix minutes.
M. Scott Brison: J'aimerais faire un bref commentaire.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Allez-y.
M. Scott Brison: Merci beaucoup, monsieur le président. Vous êtes trop bon pour moi.
Ce que vous venez de dire m'a vraiment touché. Vous avez dit que les personnes handicapées ne veulent pas d'une simple aumône ni de mesures de soutien du revenu. En tant que Canadien de l'Atlantique, député et membre du comité, et je l'ai dit aux députés de tout le pays, ce que j'ai déclaré par le passé s'apparente à ce que vous venez de dire. C'est à dire que les Canadiens de l'Atlantique ne demandent pas la charité. Ce que nous voulons, c'est notre part de la croissance économique dont jouissent de nombreuses régions du pays. Nous voulons être invités à la table et connaître notre part de cette croissance. Ce que vous avez déclaré au sujet des personnes handicapées est, à mon avis, analogue.
Toute la nation semble se demander ce qu'il convient de faire du Canada Atlantique. Que pouvons-nous faire pour raccorder le Canada Atlantique aux leviers de la croissance économique? Je crois qu'une partie de la réponse se trouve là, mais nous devons nous montrer plus créatif en matière de politique publique pour y parvenir. Je pense que les mêmes défis se présentent lorsque l'on élabore une politique publique visant à permettre aux personnes handicapées de participer pleinement à l'activité de la société, non seulement dans leur intérêt propre mais aussi dans celui de la société.
M. Leon Mills: Merci beaucoup.
M. Gary Pillitteri: J'aimerais ajouter un mot. Les exemples de cela sont nombreux, d'après l'étude consacrée à l'invalidité.
M. Leon Mills: En effet, vous avez raison, et trop souvent nous sommes tenus à l'écart, en tant que Canadiens de l'Atlantique, personnes à faible revenu et personnes handicapées. J'entends souvent dire par des habitants d'autres régions du Canada que nous sommes un fardeau pour le pays, que nous consommons trop de ressources financières. C'est de la foutaise. Chacun contribue de sa façon et participe à la croissance du pays et au tissu de la société. Nous fournissons une grande partie des ressources non transformées qui alimentent la croissance du pays, le secteur des produits de transformation. C'est là que le Canada Atlantique doit faire plus, si nous voulons avoir notre part de la richesse.
Nous pouvons trouver d'autres exemples dans le monde, en Islande, en Norvège et en Irlande. À l'heure actuelle, nous vivons la situation qu'ils ont vécue il y a 20 ans. Nous avons de dures leçons à apprendre. Ce sont des leçons difficiles, mais cette philosophie de dépendance dans laquelle le Canada Atlantique a sombré au fil des ans doit disparaître. Nous le reconnaissons, et le reste du Canada le reconnaît. Nous avons pris des dispositions qui permettront de donner du travail aux habitants. Nous n'avons plus le choix, nous y sommes forcés par le moratoire sur la pêche à la morue.
Il nous reste encore du chemin à parcourir. Si l'on combine, je crois, la transformation et l'application de la technologie de l'information et si l'on en revient à cette attitude habilitante dont nous sommes si fiers, nous pouvons y parvenir, mais cela sera difficile.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci de ce bref commentaire.
Il y a encore deux petites questions, je l'espère, l'une de M. Forseth et l'autre de Mme Redman, et nous serons en mesure de remercier nos invités.
M. Paul Forseth: Je veux des réponses très brèves.
• 1335
Récemment, le premier ministre a indiqué qu'il voulait relever
le niveau de vie de tous les Canadiens. Il admettait peut-être
ainsi indirectement un échec, car de fait le niveau de vie a
baissé. La chute du dollar, par exemple, se répercute durement sur
les factures d'épicerie. Nous pensons que le système des soins de
santé se détériore, les listes d'attente sont de plus en plus
longues. De plus en plus de personnes à revenu élevé et de
personnes très spécialisées choisissent d'aller vivre aux États-Unis.
Elles expriment leurs opinions par le geste. Le fardeau de la
dette étudiante augmente. C'est ce que nous avons entendu
aujourd'hui. Le revenu disponible des familles canadiennes stagne
ou diminue. La pauvreté des enfants est à la hausse. Nous avons
entendu ce témoignage ce matin.
Dans ce contexte, l'augmentation du niveau de vie est un objectif très noble, cela va s'en dire. Mais de quelle façon le premier ministre a-t-il l'intention d'y parvenir? Est-ce qu'il s'agit uniquement du préambule du prochain livre rouge ou du prochain programme politique?
J'aimerais que vous me fournissiez quelques renseignements détaillés. Quelles sont les mesures précises, les deux ou trois principales mesures que vous aimeriez voir inscrites dans notre prochain budget, afin que nous puissions relever le niveau de vie de tous les habitants du pays? Nous examinons le tout prochain budget, et j'aimerais bien que vous me fournissiez, de votre point de vue, un ou deux aspects au sujet desquels je pourrais recommander au gouvernement d'intervenir.
M. Keith Davis: Voilà une question vraiment très difficile.
Des taux d'intérêt plus faibles contribueraient certainement à stimuler l'activité économique. Le fort taux de chômage, en particulier dans notre province, où il atteint les 18 p. 100, est à l'origine d'une grande partie de la pauvreté. En outre, les programmes sociaux sont inadéquats. Il nous faut plus de dépenses au titre des programmes sociaux. Les taux d'assurance-emploi et d'aide sociale sont beaucoup trop faibles. Nous avons donc besoin de plus de dépenses dans le cadre des programmes sociaux, jusqu'à ce que le taux de chômage ait diminué.
M. Paul Forseth: Permettez-moi de vous interrompre. Vous avez mentionné les taux de chômage. Est-ce que vous dites que les cotisations pourraient être maintenues mais que vous voulez une augmentation des prestations? Est-ce cela que vous nous dites?
M. Keith Davis: Nous avons besoin de prestations plus généreuses. À ma connaissance, les prestations versées au titre du programme d'assurance-emploi sont maintenant moindres que ce qu'elles étaient dans le cadre du programme d'assurance-chômage. Cela contribue à la pauvreté.
Le taux d'aide sociale varie selon les régions du pays, mais dans l'ensemble, quelle que soit la province où vous habitez, si vous êtes inscrit à l'aide sociale vous vivez dans la pauvreté. Il nous faut distribuer plus d'argent aux Canadiens. Si vous bonifiez les barèmes de l'aide sociale pour les familles, les familles auront plus d'options. Elles seront en mesure de mieux faire face aux difficultés de la vie. Les enfants mangeront mieux; ils réussiront mieux à l'école; ils s'épanouiront; et il faut espérer qu'à l'avenir ils n'auront pas à leur tour besoin de l'aide sociale. Nous devons donc investir plus au titre des programmes sociaux. Les programmes sociaux ont été impitoyablement réduits, et c'est là l'une des raisons pour lesquelles de plus en plus de gens vivent sous le seuil de la pauvreté.
M. Leon Mills: Il n'y a pas de réponse simple à votre question, mais je peux vous proposer deux ou trois choses. À l'heure actuelle, le monde traverse une crise économique, tout dépendant de la personne à qui vous parlez, cette crise a commencé en Asie et se communique maintenant au monde entier. Elle nous touche, et elle risque de nous toucher encore bien plus. La faute en revient en partie à la grande entreprise. Nous savons tous que le gouvernement du Canada est une grande entreprise, quel que soit le parti au pouvoir, libéraux, conservateurs, etc.
Une partie du problème actuel vient des politiques qui ont été adoptées il y a quelques années, pour accompagner l'ALENA et l'AMI, l'Accord multilatéral sur les investissements, qui est sur le point d'être signé et dont notre gouvernement ne parle pas. Tout est dirigé par la grande entreprise et l'OCDE. Je pense que cela contribue largement au marasme dans lequel nous nous trouvons actuellement.
Si le gouvernement veut vraiment favoriser la stabilité du pays et de l'économie, il doit aller plus loin et sans doute abandonner l'ALÉNA, interrompre les négociations au sujet de l'AMI et collaborer avec les autres pays du G-7 pour mettre un terme à cette frénésie qui s'est emparée des marchés en ce qui concerne la circulation des fonds et la façon dont il faut procéder.
• 1340
Exigez que les entreprises paient leurs impôts en temps voulu,
tout comme les particuliers qui doivent payer des impôts. À l'heure
actuelle, en autant que je le sache, des dizaines de milliards de
dollars, sinon des centaines de milliards de dollars, d'impôts des
sociétés demeurent impayés. Lorsque vous aurez perçu tout cet
argent, vous pourrez commencer à envisager de travailler avec
l'ensemble du pays pour veiller à ce que les régions se partagent
la croissance et à ce que cette croissance ne soit pas limitée à un
seul secteur. Et vous devez chercher des remèdes, si amères soient-ils,
pour le Canada Atlantique et d'autres régions du pays, à la
remorque depuis trop longtemps déjà. Vous devez dire aux gens,
écoutez, s'il n'y a rien chez vous, déménagez. C'est la cruelle
réalité, et c'est ce que Terre-Neuve fait à l'heure actuelle.
Au cours de la dernière année, nous avons perdu 10 000 habitants, la pire exode de notre histoire, et elle est attribuable à la mort de nos collectivités qui n'ont rien à offrir sur le plan économique. Rien ne sert de leur donner plus d'argent. Si cela ne porte pas fruit, s'il n'y a rien à faire, soyons réalistes et disons aux gens, écoutez, nous allons vous donner de l'argent pour vous installer ailleurs, là où il y a des emplois. Il y a beaucoup d'endroits au Canada à l'heure actuelle où il y a du travail, des emplois vacants. Dans ces régions, on fait venir des travailleurs d'autres pays parce qu'on n'arrive pas à combler les postes.
Il n'y a pas de réponse toute faite. Je crois qu'il faut à la fois regarder l'économie mondiale, l'économie nationale et l'économie régionale, voir de quelle façon elles sont interreliées. Mais il faudra prendre des décisions très difficiles dans certains cas.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
M. Brison a abordé la question du secteur bénévole. C'est dommage que vous n'ayez pas été ici ce matin pour entendre les délégations qui se sont présentées. J'aurais aimé leur poser cette question, mais je vais vous la poser à vous, puisque vous êtes ici.
Le monde du travail et la chambre de commerce sont représentés et, plus précisément, vous avez fait valoir la situation et les préoccupations des personnes handicapées.
J'ai été très heureuse d'apprendre que le CRVA de ma région a été mis sur pied par le Comité central mennonite. Le Comité central mennonite soutient entre autres que tout projet valable devrait être indépendant au bout de cinq ans et, de fait, c'est ce qu'il fait depuis de nombreuses années et il a prospéré.
De toute évidence, le gouvernement n'a pas à intervenir pour établir les normes et les lois et pour veiller à ce que, dans l'intérêt public, les personnes handicapées soient intégrées utilement à la population active, tout comme le reste de la collectivité. Y a-t-il d'autres partenariats, en dehors des divers ordres de gouvernement, que nous pourrions envisager de créer, peut-être avec le monde du travail ou les chambres de commerce?
Dans l'affirmative, est-ce que vous pouvez proposer au gouvernement des façons de former des partenariats avec les milieux de l'invalidité? Et s'ils ont un rôle à jouer, y a-t-il un rôle qui pourrait ou devrait revenir au gouvernement, un rôle qu'il n'assume pas à l'heure actuelle, pour rendre ces partenariats plus viables?
Mme Mary Reid: Voulez-vous que je vous réponde à la place d'Elaine ou de Sandy, qui étaient ici ce matin? Voulez-vous la réponse de la chambre de commerce ou celle du monde du travail?
Mme Karen Redman: Les deux, si vous le pouvez.
Mme Mary Reid: Je crois que nous avons les coudées franches pour établir des partenariats dans ce secteur, aussi bien avec la chambre de commerce qu'avec le monde du travail. De fait, et récemment, nous avons accompli certains progrès auprès de la chambre de commerce, mais je crois que l'appui à ce partenariat devrait venir des trois ordres de gouvernement ainsi que des autres intervenants réunis ici aujourd'hui. Je ne pense pas que cet appui doive nécessairement être financier, il pourrait s'agir d'une collaboration, afin de commencer à progresser sur divers fronts qui nous intéressent tous et de trouver ensemble des solutions.
Parallèlement, même si je dis cela, je suis aussi un peu méfiante parce que je songe, entre autres, à l'exemple de la Commission de mise en valeur de la main-d'oeuvre, qui a lamentablement échoué dans notre province et qui n'existe même plus. Je pense que la faute en est attribuable à la vision d'Ottawa. C'est Ottawa qui a réuni les intervenants, et parfois une telle initiative échoue à la base parce que la décision ne vient pas de la base; c'est une décision qui vient d'en haut.
Les milieux du travail et des affaires étaient réunis, et nous n'avons su que nous quereller sans fin, stupidement. Si l'initiative venait de la base, de la collectivité, si on s'adressait au monde du travail, à l'entreprise et aux gouvernements pour instaurer une collaboration, alors je crois qu'en tant que partenaires, nous serions heureux de vous revoir.
M. Leon Mills: J'aimerais ajouter un ou deux mots à ce sujet.
Je crois que par le passé nous avons lamentablement échoué de bien des façons—lorsque je dis «nous», je pense aux Canadiens, à la façon dont nous abordons les choses dans notre démocratie. L'entreprise et le travail s'opposent toujours l'un à l'autre. Pourquoi?
Vous êtes mon employeur. Vous me versez un salaire et «Je vous dis que je veux une augmentation de 10 p. 100». Vous me répondez «Non, j'en suis incapable; je vous offre 5 p. 100». Je réponds «Très bien, je vais faire la grève». Je fais la grève pendant trois ou quatre mois. Tout le monde finit par y perdre de l'argent. Tôt ou tard, le conflit est réglé, mais personne n'y a rien gagné à long terme. On ne peut jamais récupérer ce que l'on a ainsi perdu.
• 1345
À mon avis, il est vrai que nous vivons en démocratie, mais
nous devrions être en mesure d'éliminer les grèves. Je considère
qu'il faudrait les déclarer illégales. L'entreprise et le travail
doivent cesser de se percevoir comme des adversaires. C'est
dépassé. Nous devrions recourir à l'arbitrage obligatoire basé sur
des procédures à établir logiquement.
Vous démarrez une entreprise, vous êtes un homme d'affaires. Si vous avez x employés, disons dix, vous pouvez les rémunérer de diverses façons: vous pouvez leur verser strictement un salaire de base ou vous pouvez leur offrir un salaire de base et des primes fondées sur le rendement de l'entreprise. Si l'entreprise prospère, tout le monde prospère. Si l'entreprise éprouve des difficultés, tout le monde en éprouve. Mais au moins, personne ne meurt de faim. N'ai-je pas raison?
Le fait est qu'à l'heure actuelle, vous parlez de redistribution de la richesse, d'écart croissant entre les riches et les pauvres, etc. Les personnes qui administrent des entreprises reçoivent encore des primes, mais pas les travailleurs.
Alors je crois que le monde des affaires et l'économie doivent changer d'attitude. Nous pourrions partager le fardeau, et quand les temps seront meilleurs nous pourrions partager la richesse. N'est-ce pas? Je ne dis pas que tous doivent contribuer également, mais l'on peut partager la richesse. Des études ont prouvé que les sociétés qui adoptent ce type de fonctionnent sont très productives. Les employés sont très loyaux et toute la culture d'entreprises est positive.
Cela nous ramène à ce dont nous parlions précédemment, au sujet de la vérification sociale. Il ne faut plus que les gouvernements—eux et nous—se battent les uns contre les autres; nous essayons de trouver des méthodes pour travailler de façon plus coopérative. C'est ainsi que les Canadiens se définissent eux-mêmes en tant que pays et en tant que peuple. Nous avons toujours été considérés comme le meilleur pays au monde pour ce qui est de la qualité de la vie, parce que nous avons l'esprit ouvert, que nous négocions, que nous trouvons ensemble des solutions. Au sens macroscopique du terme, cela signifie que tous travaillent de façon plus coopérative et modifient la dynamique qui s'applique à notre fonctionnement.
Il faut cesser de penser en termes d'opposition, eux et nous. Nous naviguons tous dans la même barque. Vous devriez collaborer pour partager la richesse en période de prospérité et le fardeau en période de disette. Je pense que si vous adoptez une approche de ce genre, nombre de problèmes disparaîtront. Je sais que cela peut sembler simpliste, mais il faut bien commencer quelque part, quelqu'un doit s'y mettre.
Le vice-président (M. Nick Discepola): J'espère que les membres de l'opposition vous écoutent parce que nous pourrions mettre cette suggestion en oeuvre à la Chambre des communes, avec les députés de l'opposition, qui critiquent toujours le gouvernement. C'est peut-être une idée simpliste, mais je ne le crois pas.
Je crois qu'au bout du compte, le contribuable est toujours le même. C'est peut-être en raison de mon expérience en politique municipale, mais il est trop facile de toujours rejeter le blâme sur l'autre palier de gouvernement. Je pense que nous devons mettre un terme à cette façon de voir les choses, parce qu'au bout du compte il y a toujours quelqu'un. C'est cette personne que nous servons tous. Alors sur le plan politique, je comprends très bien ce que vous dites.
M. Leon Mills: Est-ce que je peux ajouter encore un commentaire en réponse aux remarques de M. Brison, au sujet de notre échec lamentable ou de ce qu'il nous manque en matière de politiques destinées aux personnes handicapées?
Bien des programmes gouvernementaux sont excellents. Ils sont en place depuis des années. Malheureusement, quand ils en arrivent au point où ils commencent à avoir une incidence, leur financement est éliminé. Il faut encore repartir à zéro, d'un autre point de vue. Ma question est donc la suivante. Si une personne est atteinte d'invalidité, s'il en coûte 20 000 $ par année pour la garder à la maison, à ne rien faire, à toucher des prestations d'aide sociale, est-ce qu'il ne serait pas plus efficace de donner ces 20 000 $ à un employeur et de le laisser rémunérer l'intéressé pour travailler, payer des impôts, etc.?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Au nom des députés et du personnel, je veux vous remercier tous trois de votre précieuse contribution, monsieur Davis, madame Reid et monsieur Mills. Nous avons entamé un nouveau processus, suivant la tradition. Je crois que si les budgets antérieurs ont été bien accueillis, c'est parce que nous avons fait participer les Canadiens d'un océan à l'autre au processus de planification budgétaire. Cette année, je l'espère, ne fera pas exception. J'espère que les sacrifices que les Canadiens ont consentis se traduiront en surplus qui ne seront pas nécessairement mis en italiques, comme le dirait M. Nystrom, ni entre guillemets, et qu'ils donneront des résultats concrets pour tous les Canadiens. Votre collaboration à ce processus est appréciée à sa juste valeur, et nous vous en remercions.
Je demande aux députés de ne pas partir tout de suite. Nous avons une question administrative à discuter brièvement. Nos homologues, comme vous le savez, se réunissaient à Vancouver. J'aimerais déposer une motion pour demander à M. Paul Martin, ministre des Finances, de présenter la mise à jour économique et fiscale mercredi prochain, le 14 octobre, à Ottawa.
• 1350
Je sais que nous devions être à Toronto ce jour-là, mais dans
le cadre du processus de consultation nous avons demandé à
M. Martin de venir témoigner, comme il le fait chaque automne, et
il est libre le 14 octobre. Si vous n'avez pas d'autres
engagements, nous nous rendrons à Toronto après cette date.
M. Lorne Nystrom: Est-ce que l'horaire de nos activités à Toronto est modifié?
Le vice-président (M. Nick Discepola): On est en train d'y voir. Nous nous rendrions à Toronto l'après-midi même ou dans la soirée pour poursuivre nos travaux.
C'est la semaine prochaine. La chambre ne siège pas la semaine prochaine.
M. Paul Forseth: C'est un mercredi?
Le vice-président (M. Nick Discepola): En effet, un mercredi.
Est-ce qu'il faut en discuter? La décision a été adoptée à l'unanimité à Vancouver, et nous...
M. Paul Szabo: Est-ce que nous avons le choix?
Des voix: D'accord.
M. Scott Brison: Nous en informerons nos bureaux.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.
La séance est levée. Nous reprendrons les travaux demain matin à 9 heures, dans la même pièce. À nouveau, je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à la discussion.