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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 21 septembre 1998

• 1004

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Permettez-moi de vous souhaiter à tous la bienvenue ce matin.

Avant de commencer la séance sur le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, j'aimerais attirer l'attention du comité sur une motion que j'ai reçue du Parti réformiste et dont nous traiterons après l'exposé de M. MacKay. C'est bien cela, madame Ablonczy?

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Oui, monsieur le président. Merci. Nous reconnaissons que le comité est saisi d'une grave question pour le pays.

Ce matin, j'aimerais également parler d'une motion, que nous avons présentée dans les deux langues officielles, portant que le Comité permanent des finances mette sur pied un sous-comité pour enquêter sur le renvoi de Bernard Dussault, actuaire en chef du Régime de pensions du Canada. Nous sommes d'accord pour discuter et débattre de cette motion après l'exposé des témoins, monsieur le président.

• 1005

Le président: Merci, madame Ablonczy.

Je vous souhaite à tous la bienvenue ce matin.

Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes entame ce matin son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, connu sous le nom de rapport MacKay. Il s'agit d'un rapport réfléchi et visionnaire, qui constitue une refonte vraiment approfondie de la façon dont fonctionne notre secteur financier.

Le statu quo n'est pas une option valable. Cette formule est devenue en fait ces dernières années pratiquement un slogan. Ce rapport en fait cependant une conclusion intellectuelle.

Les recommandations du rapport tournent autour de quatre grands thèmes: améliorer la concurrence et la compétitivité; donner plus de pouvoir aux consommateurs; s'assurer que la réglementation est efficace et n'avantage pas un groupe de sociétés par rapport à un autre; et s'assurer que les institutions financières sont conscientes de leurs responsabilités sociales et répondent à notre attente.

Le groupe de travail a été mis sur pied parce qu'il reconnaissait que d'importantes forces du changement étaient à l'oeuvre: la technologie, la mondialisation et la démographie. Un changement profond signifie que ceux qui se satisfont du statu quo devront en fait réagir. Mais le changement est inévitable. Le rapport propose des mesures pour le gérer. Nous espérons qu'au fur et à mesure de ces audiences, les témoins formuleront des recommandations qui sont dans l'intérêt national et non pas en fait dans leur propre intérêt.

Avant de conclure, je dois dire quelque chose au sujet des fusions bancaires. Depuis l'annonce des deux fusions proposées, les médias ont fréquemment analysé les événements financiers sous cet angle. Il y a quelques jours, des articles dans les médias faisaient encore référence au rapport sur les fusions bancaires. Le groupe de travail ne s'est jamais donné pour but d'étudier les deux fusions bancaires proposées, et le rapport démontre clairement qu'il n'a pas succombé à la tentation de devenir un rapport sur les fusions entre banques. Le rapport va bien au-delà des fusions bancaires. En fait, il déborde ce cadre. Il vise un secteur en évolution rapide plein de sociétés et de produits innovateurs. Il concerne un groupe de sociétés offrant une vaste variété de produits.

L'étude de notre comité ne vise pas seulement les banques. Elle s'intéresse à la création d'un secteur des services financiers de calibre mondial, qui sera attentif aux besoins des consommateurs et les protégera, et reconnaît l'importance d'un secteur des services financiers compétitif et dynamique pour le succès de l'économie canadienne. Nous espérons que le rapport suscitera un débat public sur les questions importantes qu'il soulève. Nous sommes confiants que par le biais de notre consultation pancanadienne, les Canadiens participeront au débat et nous feront connaître leurs vues et leurs préoccupations.

J'ai également demandé que tous les députés du Parlement tiennent des réunions dans leurs collectivités pour inviter les Canadiens à participer à un dialogue sur l'avenir du secteur des services financiers. Il appartient aux députés d'obtenir la contribution du public, et il appartient aux Canadiens de dire à leur gouvernement ce qu'ils pensent des recommandations formulées par le Groupe de travail MacKay. Les Canadiens auront donc une chance d'être entendus parce qu'il est dans l'intérêt de tous les Canadiens de contribuer à déterminer les recommandations de ce comité.

Permettez-moi maintenant de souhaiter la bienvenue au président, M. Harold MacKay, au vice-président, M. Pierre Ducros, et à M. Fred Gorbet. Bienvenue, messieurs. Il nous tarde d'entendre vos commentaires.

M. Harold MacKay (président, Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bonjour. C'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous ce matin et de vous présenter les collègues qui m'accompagnent. Il y a Pierre Ducros, vice-président du groupe de travail, Fred Gorbet, directeur exécutif, John Chant, notre directeur de recherche, ainsi que quelques-uns de nos agents principaux de recherche, Michael Andrews, Louise Pelly et Kevin Wright.

Il s'est écoulé presque une semaine depuis la diffusion de notre rapport, et je dois dire que je suis très satisfait de l'accueil qu'il a reçu. Comme vous le savez sans doute, il s'agit d'un rapport très sérieux dans lequel nous avons tenté d'aborder un grand nombre de questions très importantes.

Au cours de la semaine qui s'est écoulée, Pierre et moi en avons parlé un peu partout au pays. Nous avions deux objectifs: tout d'abord, expliquer nos conclusions et recommandations; puis, inciter les Canadiens et les Canadiennes à participer aux discussions et aux débats, dont la réunion de ce matin constitue l'amorce officielle.

• 1010

J'ai dit à ceux à qui j'ai parlé que nous devions faire progresser le dialogue et le processus. Ce faisant, nous devons reconnaître que le changement est partout autour de nous. Nous devons aborder des questions anciennes avec un esprit nouveau. Nous devons aussi reconnaître les défis que pose le changement, laisser de côté la notion romantique du «bon vieux temps» et envisager les problèmes dans la perspective du grand intérêt national. La prise en compte des intérêts particuliers n'a pas sa place.

Notre groupe de travail a dû débattre de la question suivante: qu'est-ce qui est dans l'intérêt du public? Nous avons défini cette notion du mieux que nous pouvions en élaborant notre vision d'un secteur des services financiers qui servirait le mieux les Canadiens. La vision proprement dite est décrite dans notre rapport. Un des aspects de celle-ci qu'il convient toutefois de souligner, c'est qu'elle débute et qu'elle prend fin avec le client. Elle met l'accent sur l'élargissement des choix, l'amélioration du service et la protection des droits.

Au cours de notre étude, nous avons examiné des questions très techniques: propriété, sociétés de portefeuille, pouvoirs des entreprises, accès étranger, réforme de la réglementation. Trop souvent par le passé, ces questions ont été abordées dans la perspective des représentants de l'industrie, c'est-à-dire selon une approche gagnant-perdant.

Nous avons fait notre possible pour examiner toutes ces questions selon le point de vue des Canadiens qui dépendent des services financiers. Les rêves et les attentes des Canadiens—leur capacité de lancer des entreprises, d'acheter des maisons, de planifier efficacement leur retraite—dépendent d'un secteur financier marqué au coin de l'excellence. Au fur et à mesure de l'élaboration de nos recommandations pour la création d'un secteur concurrentiel, dynamique et en santé pour les années à venir, nous nous sommes continuellement posé la question suivante: «Ce changement particulier améliorera-t-il ou non le sort des consommateurs?» Je dois en outre souligner que l'approche gagnant-perdant en est une que nous avons explicitement rejetée. Nous avons plutôt mis l'accent sur l'élaboration d'un ensemble de recommandations responsables, réalistes et tournées vers l'avenir, en vue de créer un contexte profitable à tous, les consommateurs, le secteur des services financiers et le Canada.

Au fur et à mesure du déroulement des audiences, je souhaite ardemment que vous gardiez cette perspective en tête et que vous mettiez les personnes qui comparaîtront devant vous au défi d'énoncer leur vison de l'intérêt public et de démontrer comment leurs propositions profiteront aux consommateurs canadiens.

Monsieur le président, le Canada jouit d'un système de services financiers bien établi. Il représente une force au niveau national, dont nous devrions être fiers. Nous croyons qu'il sert la plupart des Canadiens assez bien, mais nous savons qu'il y a place pour l'amélioration. Nous devrons faire tous les efforts possibles pour nous assurer qu'il demeure en bonne position et qu'il sert les Canadiens encore mieux.

Les forces du changement, qui ont des répercussions sur les institutions financières et leur clientèle, sont très puissantes. Le rythme du changement dans le monde s'accélère, et le Canada ne fait pas exception à cette règle. La technologie et la mondialisation des marchés modifient la façon dont les institutions financières gèrent leurs activités ainsi que la manière dont les clients veulent être servis. Dans une telle période d'effervescence, le statu quo ne constitue pas une option valable.

Les changements offrent aux consommateurs de nouveaux choix valables. Il est maintenant possible d'effectuer des opérations bancaires de base 24 heures par jour, sept jours par semaine, non seulement au moyen d'ordinateurs ou d'Internet, mais par téléphone, une technologie que la plupart d'entre nous maîtrisons bien. Internet offrira une gamme encore plus vaste de choix. Il est possible, par exemple, de magasiner le compte de banque le plus économique, la meilleure hypothèque, la carte de crédit la moins coûteuse ou la police d'assurance la plus appropriée, facilement et rapidement. Il devient en outre de plus en plus facile et sécuritaire d'acheter des produits financiers au moyen d'Internet.

Les Canadiens ont montré qu'ils étaient prêts à adhérer avec enthousiasme à la nouvelle technologie et qu'ils veulent le faire. Nous venons au deuxième rang parmi 10 pays recensés pour le nombre d'opérations par guichet automatique bancaire par personne. Nous sommes en outre les troisièmes en importance quant au nombre de terminaux dans les points de vente, et l'utilisation des cartes de débit a augmenté dans une proportion astronomique de 91 p. 100 par année au cours des trois dernières années. L'an dernier, un milliard de transactions de paiement direct ont été enregistrées, comparativement à 1,8 milliard de chèques. Il ne faudra pas grand temps de toute évidence avant que ces deux mécanismes ne soient utilisés dans une même proportion. Si l'on pense à l'avenir, les cartes à puce offrent aux consommateurs la possibilité de charger de l'argent dans leur carte, directement à partir de chez eux, par téléphone, ce qui dépasse les possibilités des institutions bancaires et des guichets automatiques.

• 1015

Le commerce électronique est en pleine expansion. Plus de 50 p. 100 des ménages canadiens ont un ordinateur, et plus de 25 p. 100 des Canadiens ont accès à Internet à partir de leur foyer. Nous pouvons imaginer que les Canadiens utiliseront de plus en plus Internet comme un centre commercial électronique, afin de trouver le produit financier qui leur convient le mieux et de l'acheter directement. Le groupe de travail est convaincu que des changements de ce genre se produiront avant longtemps.

Il existe un aspect négatif aux changements, et plus particulièrement aux changements rapides. Nous en parlons dans notre rapport. Ce ne sont pas tous les consommateurs qui sont à l'aise avec les nouvelles façons de faire des affaires. La technologie a, par exemple, comme effet de diminuer la rentabilité de nombreuses succursales bancaires, mais la plupart des Canadiens continuent de vouloir se rendre à une succursale bancaire pour y effectuer leurs transactions commerciales. Ce type de tensions crée des problèmes réels. La transition peut être difficile pour certaines personnes, et il faut faire en sorte de la faciliter.

Les difficultés peuvent être particulièrement grandes dans les régions rurales, où la technologie offre davantage de moyens d'avoir accès au monde entier, mais où les succursales bancaires et les contacts personnels sont au centre de la vie de la collectivité.

La nouvelle technologie soulève aussi de nouvelles préoccupations. Dans un contexte de plus en plus électronique, les consommateurs veulent avoir l'assurance que les données personnelles de nature délicate les concernant sont protégées, et que l'on ne fera pas intrusion dans leur vie privée. De même, au fur et à mesure que les institutions offrent une gamme de plus en plus grande de produits, les possibilités de pratiques commerciales abusives augmentent.

Vous pouvez donc voir que le changement soulève autant de défis que de possibilités. Comme vous l'avez remarqué, nous avons appelé notre rapport Changement, défis et possibilités. Nous ne pouvons passer à côté du changement. La véritable question est de le gérer convenablement. À cet égard, il est important pour nous d'avoir une perception claire de l'endroit vers où nous nous dirigeons. Notre vision du secteur en est une de système ouvert et concurrentiel, comportant une gamme excellente de choix et de services pour les entreprises et les consommateurs canadiens; de secteur de services financiers fort et diversifié; ainsi que de marché équitable et responsable.

Les Canadiens sont en droit de s'attendre à une gamme variée de produits, aux meilleurs prix. Beaucoup de travail reste à faire dans ce domaine. Nous avons des recommandations qui feront en sorte qu'il sera plus facile de mettre sur pied de nouvelles banques. Nous proposons des moyens en vue de favoriser la concurrence au Canada pour les banques étrangères, les coopératives de crédit et les compagnies d'assurance-vie. Nous avons aussi des recommandations visant à s'assurer que nos coopératives de crédit et caisses populaires deviennent réellement des intervenants de premier plan.

Nous devons nous assurer que la politique canadienne appuie la concurrence et ne la compromet pas. Nous voulons aussi nous assurer que les consommateurs constituent un rouage important et informé d'un marché plus concurrentiel. Nous voulons qu'ils soient traités équitablement. De nouvelles questions se posent: la protection des renseignements personnels, à l'ère de l'exploration et des banques de données; la prévention des arrangements de vente liée coercitifs; la nécessité de mécanismes de recours efficaces et accessibles pour les consommateurs qui ont été lésés. Nos recommandations comprennent des propositions concrètes sur des questions comme celles-ci.

Les Canadiens s'attendent à juste titre à ce que les banques et les compagnies d'assurance aient des responsabilités à l'endroit des collectivités qu'elles servent. Le fait d'oeuvrer dans le secteur des services financiers constitue un privilège et non pas un droit. Ce privilège s'accompagne de responsabilités; des responsabilités commerciales et des responsabilités sociales. Notre système financier fonctionnera plus efficacement s'il a la pleine confiance des Canadiens. Nos recommandations devraient contribuer à l'atteinte de cet objectif.

Nos recommandations aideront à l'établissement d'un système financier de classe internationale au Canada, un système constitué d'un nombre important d'institutions en santé, la majorité sous contrôle canadien, de nombreuses mettant l'accent sur des régions ou des créneaux commerciaux particuliers, et certaines soutenant la concurrence au niveau mondial et obtenant du succès à l'échelle internationale. Nous voulons un système de classe internationale qui profitera aux utilisateurs canadiens, que ceux-ci soient à la recherche de crédit dans les régions rurales du Canada, ou encore veulent exporter vers l'Europe ou lancer une entreprise en Amérique latine. Une industrie sous contrôle canadien dynamique et effervescente, dont les intervenants clés sont actifs et concurrentiels sur les marchés mondiaux, aura des retombées positives, ici au pays, du fait qu'elle permettra d'importer les pratiques éprouvées de l'étranger et de créer de l'activité, y compris des emplois de grande qualité qui nous permettront de garder nos jeunes ici.

• 1020

En fait, la contribution la plus importante que le secteur financier peut apporter à l'emploi est sa force, sa compétitivité et son innovation. Si tel est le cas, et que le secteur financier sert bien ses clients et leur fournit les services dont ils ont besoin, il servira de moteur à la croissance économique et à la création d'emplois dans toute l'économie canadienne.

Dans notre rapport, nous invitons les Canadiens à prendre des distances par rapport à leurs intérêts particuliers et à laisser de côté leurs préjugés au sujet des banques et des autres institutions financières. Il suffit de penser à la Russie et au Japon, où des systèmes bancaires faibles détruisent l'économie en général et l'épargne des particuliers.

Nous voulons des institutions fortes au Canada, non pas pour le bénéficie des compagnies, mais pour le bien des Canadiens qu'elles servent. Un secteur des services financiers en santé, rentable et concurrentiel permettra d'assurer la vitalité économique du Canada.

Les Canadiens doivent avoir l'esprit ouvert et se faire un point d'honneur de mettre sur pied un système de services financiers de calibre mondial. Le groupe de travail est confiant que nous pouvons y arriver. Nous espérons que nos recommandations seront utiles.

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de présenter nos remarques. Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

Nous allons maintenant passer à la période de questions et de réponses et nous commencerons avec M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur MacKay, je veux vous remercier de votre venue et je tiens à vous féliciter de même que votre groupe de travail pour ce que j'estime être un excellent rapport, complet à tous égards. Il nous a maintenant donné l'occasion de commencer à examiner toutes les facettes du secteur des services financiers au Canada. Nous vous sommes reconnaissants du travail que vous avez fait.

J'ai quelques questions avec lesquelles nous pourrions peut-être commencer. Je sais que les fusions ne constituent qu'une petite partie de votre rapport, mais j'aimerais aborder ce sujet dès le départ. J'aimerais savoir ce que votre recherche vous a appris sur le désir des banques étrangères de pénétrer le marché canadien et avoir peut-être une idée de ce qu'elles considèrent comme une occasion pour elles dans le marché canadien. Vous pourriez peut-être également me dire si elles ont semblé intéressées à établir des succursales bancaires. Vous pourriez peut-être faire un bref survol de la question.

M. Harold MacKay: Au cours de nos délibérations, nous avons examiné bien sûr la situation des banques étrangères au Canada. Nous avons signalé que selon notre rapport sur la compétitivité dans le monde, que nous citons dans le rapport, le Canada se classe au 42e sur 53 pays étudiés pour ce qui est de la concurrence exercée par les banques étrangères. Ce n'est pas là un résultat d'analyse, mais une évaluation heuristique de la part de ceux qui ont effectué l'étude. N'empêche qu'il n'y a pas de quoi pavoiser. Selon nous, l'intérêt supérieur des consommateurs canadiens doit nous inciter à tout faire pour qu'ils puissent avoir accès au plus grand nombre possible d'institutions de calibre mondial provenant de différentes régions du monde.

Le marché canadien accueille des institutions non canadiennes depuis assez longtemps. La Banque Hongkong du Canada offre des services au détail. ING des Pays-Bas vient de s'implanter et offre des services bancaires virtuels au détail, toujours en se pliant aux conditions actuelles, selon lesquelles il suffit que la compagnie bancaire étrangère établisse une filiale canadienne pour pouvoir faire des affaires au Canada.

Dans nos recommandations, il est question de faciliter l'accès des banques étrangères au marché canadien par l'établissement de succursales, c'est-à-dire en leur évitant d'avoir à établir une filiale—le mot «succursale» peut prêter à confusion, mais il ne désigne pas nécessairement une succursale de quartier—, de sorte qu'il serait possible, pour s'installer au Canada, d'utiliser les capitaux de la banque étrangère sans avoir à y établir une filiale. Une telle mesure—que les banques étrangères auxquelles nous avons parlé souhaitent ardemment—stimulerait la concurrence de la part des banques étrangères, qui sont environ une quarantaine. La concurrence se manifesterait sans doute davantage dans les services financiers de gros plutôt que dans les services financiers aux particuliers. Il en résulterait certainement une stimulation du marché intermédiaire des prêts commerciaux, de sorte que les petites et moyennes entreprises pourraient fort bien constater que les banques étrangères ont un rôle plus important à jouer.

• 1025

À notre connaissance, les banques étrangères n'ont pas manifesté beaucoup d'intérêt à concurrencer directement les banques canadiennes dans les quartiers en offrant des services courants.

Nous sommes convaincus donc que les banques étrangères peuvent jouer un rôle beaucoup plus grand. Nous sommes convaincus que la réglementation devrait se faire à partir d'objectifs prudentiels, mais il faut éviter de la rendre excessive dans le but de protéger les institutions canadiennes. C'est le consommateur canadien qui importe.

M. Dick Harris: Je vous remercie.

Votre rapport contient une recommandation préconisant l'établissement d'un bureau de l'ombudsman du secteur financier au niveau fédéral, mais j'ai remarqué dans votre conférence de presse que le pouvoir d'exécution de ce bureau correspondrait davantage à un pouvoir d'influencer—je crois que c'était l'expression de M. Ducros—et je m'interrogeais là-dessus.

J'examinais le modèle du Royaume-Uni, où il y a un ombudsman fédéral qui a de vrais pouvoirs d'exécution et qui peut imposer des sanctions, rendre publiques les infractions et nommer leurs auteurs. Je sais que M. Ducros a dit que l'on craignait beaucoup de litiges si des pouvoirs autres que celui d'influencer étaient conférés à l'ombudsman. Je dois supposer que vous avez examiné le rôle du modèle britannique. Je crois que c'est en Irlande que ces autres pouvoirs sont conférés à l'ombudsman.

Pourquoi n'avez-vous pas recommandé que ce nouvel ombudsman fédéral dispose de pouvoirs d'exécution de la même étendue que ceux que l'on retrouve dans le modèle britannique?

M. Harold MacKay: Permettez-moi de répondre, et Pierre pourra ensuite ajouter quelque chose s'il le désire.

Nous avons certainement étudié de près la structure du système d'ombudsman et nous avons cherché à savoir s'il convenait de conférer à l'ombudsman le pouvoir de rendre des décisions exécutoires, que les tribunaux veilleraient à faire respecter. Nous en avons débattu en long et en large et nous avons décidé contre. Si les décisions sont exécutoires et que les tribunaux doivent les appliquer, il doit y avoir un mécanisme permettant aux institutions financières, selon les principes de l'application régulière de la loi et de la justice naturelle, d'entamer les démarches procédurales au bureau même de l'ombudsman. Il faudrait donc qu'il y ait contre-interrogatoire de témoins. Il pourrait donc en résulter une plus grande présence d'avocats dans le processus pour défendre les parties, plutôt que d'avoir un mécanisme de règlement des conflits qui soit convivial, économique et propice au dialogue et qui ne soit pas qu'un autre tribunal. Selon nous, il ne convenait pas du tout, à moins que ce ne soit absolument nécessaire, d'établir un nouveau système procédural.

L'ombudsman des banques canadiennes, poste qui a été créé il y a déjà quelques années, a traité des centaines de plaintes et a formulé un grand nombre de recommandations. On nous a dit que toutes ces recommandations avaient été mises en oeuvre, sans exception. Selon le mécanisme qui est en place dans le système d'ombudsman des banques canadiennes, qui est un système volontaire, si la plainte ne débouche pas sur une recommandation, le nom de l'institution sera publié et l'affaire figurera dans le rapport annuel.

Nous pensons qu'une telle façon de procéder, le fait de pointer du doigt, la révélation et la mauvaise publicité qui s'abattraient sur une institution qui a la réputation de faire fi de l'ombudsman dissuaderont certainement les institutions financières de ne pas acquiescer aux recommandations de l'ombudsman. Nous avons donc décidé qu'il fallait éviter d'adopter un tel système procédurier. Je suis avocat, mais dans ce cas-ci, je n'ai rien fait pour augmenter leur clientèle. Nous ne voulons pas de système procédurier. Nous voulons un système convivial.

Nous avons dit également que si, pour une raison quelconque, nous avons eu tort de croire que les institutions ne feront pas fi des recommandations, il faudrait certainement repenser à cette recommandation. Les façons de faire ne sont pas les mêmes partout dans le monde. La question a fait l'objet d'un débat au sein du groupe de travail et ce que vous voyez en est le résultat.

• 1030

M. Dick Harris: Je vous remercie, monsieur MacKay.

Je crois que M. Epp a une question.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à vous féliciter moi aussi de votre gros rapport. C'est un bon rapport. Il faut un peu de temps pour l'assimiler.

J'ai une question très générale pour vous. Vous dites que vous aimeriez qu'il y ait plus de concurrence. Vous dites que le secteur des services financiers au Canada offre un bon service, mais que des améliorations sont toujours possibles. J'aimerais que vous nous disiez avec le plus de précision possible quels sont les domaines où, selon vous, des améliorations doivent être apportées.

M. Harold MacKay: Volontiers. Pour analyser la qualité des services que reçoivent les Canadiens, nous avons établi trois catégories d'utilisateurs de services financiers: la grande entreprise, la petite entreprise et les consommateurs particuliers. Nous avons conclu que les grandes entreprises étaient bien servies, et la raison à cela est le fait qu'elles peuvent s'adresser aux marchés de capitaux internationaux. Grâce à la mondialisation, ce sont des possibilités qui s'offrent clairement à elles lorsqu'elles ne trouvent pas au pays ce qu'elles cherchent. Les institutions canadiennes livrent une concurrence vigoureuse dans ce domaine, mais elles ont de nombreux rivaux, et c'est ainsi que le service est assuré et que les prix correspondent à ceux que les grandes entreprises canadiennes devraient s'attendre de payer. Nous avons donc conclu qu'elles étaient bien servies par la structure actuelle des services financiers.

Dans le cas des petites entreprises, les choses n'étaient pas aussi tranchées. Nous avons constaté par exemple que la qualité des rapports entre les institutions financières locales et les petites entreprises clientes qu'elles servent était toujours une source de préoccupation, tout comme le roulement des directeurs de comptes qui empêche de bâtir les rapports qui, aux yeux d'un grand nombre de petites entreprises, sont très importants pour le succès à long terme des petites entreprises et pour les relations avec les banques. Nous avons formulé des recommandations selon lesquelles les institutions financières devraient multiplier leurs efforts pour éliminer ce roulement. Nous avons donc dit que c'était là possibilité d'amélioration.

Nous avons signalé également qu'au Canada, il semble y avoir de la réticence à consentir des prêts aux entreprises à plus grand risque en leur fixant des taux plus élevés et en adoptant ainsi des pratiques de financement plus innovatrices pour reconnaître le risque, tandis qu'aux États-Unis ont semble prêt à accepter le risque dans un beaucoup plus grand de formes, en comptant sur un rendement approprié grâce au mécanisme d'établissement des prix du prêt. Selon nous, les rapports entre les petites entreprises et les institutions financières s'en porteraient mieux s'il y avait plus de souplesse dans les types de financement offerts.

Dans le cas des petites entreprises, dont certaines ont beaucoup souffert des compressions de crédit qui ont eu lieu au début de cette décennie, nous avons constaté que le service était passable à moyen, mais que des améliorations étaient certainement possibles. Fait intéressant, malgré les données indiquant que l'écart moyen, le prix du financement, est plus élevé aux États-Unis, les petites entreprises de ce pays semblent plus satisfaites de leur système bancaire et de leur système de coopératives de crédit que de notre système national, qui, à première vue, semble plus attrayant à certains égards. Cela nous ramène aux relations locales que j'ai décrites tout à l'heure. J'y vois une question absolument fondamentale.

Puis il y a le consommateur. Nous avons pu constater que celui-ci est vraiment très bien servi par le système actuel. Nous avons un système national. Au Canada, la compensation des chèques se fait dans une journée. Comme nous l'indiquons dans le rapport, dans certains autres pays, il faut deux ou cinq jours. Nous pouvons compter sur les avantages qu'offrent de grandes institutions aux reins solides et sur la confiance qu'ont les Canadiens à l'égard de ces institutions.

Par contre—et, en passant, avant que j'en arrive à cette réserver, je tiens à signaler que le rapport indique également que dans l'ensemble, les fourchettes de prêt au Canada se comparent très favorablement avec celles d'autres pays. Les frais de service se situent à peu près au milieu du panier des frais de service que nos attachés de recherche ont constitué dans plusieurs pays en Europe ainsi qu'aux États-Unis. Ces frais ne sont pas ce qu'il y a de mieux, ni ce qu'il y a de pire, et certains se situaient carrément dans la moyenne. Par contre, nous avons pu constater que dans le cas de certains produits, par exemple les cartes de crédit, les fourchettes au Canada s'étendent à quelques points de pourcentage de plus qu'aux États-Unis, et nous avons dit qu'il y avait là une possibilité d'amélioration.

• 1035

Pour revenir à notre thèse générale, nous disons que si nous pouvons établir le marché le plus concurrentiel et le plus près du peuple possible, nous pourrons compter sur des prix et des services de calibre mondial. Il y a des choses à améliorer, parce que le mouvement des coopératives de crédit se voient toujours imposer des contraintes artificielles, parce que les compagnies d'assurance-vie ne peuvent toujours pas offrir les services de chèque qu'elles voudraient, et ainsi de suite. Donc il y a des problèmes, mais il ne faut pas en faire des montagnes. Notre système fonctionne, mais il y a toujours des possibilités d'amélioration.

M. Ken Epp: J'aurais une autre petite...

Le président: Merci, monsieur Epp. C'est le tour de M. Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Tout d'abord, toutes mes félicitations à MM. MacKay, Ducros et Gorbet et à toute l'équipe qui les appuie. Je m'attendais à un bon rapport, mais je ne croyais pas qu'on nous présenterait un rapport aussi fouillé, aussi sérieux et des annexes aussi bien documentées. Je ne m'attendais pas à ce qu'on nous remette un produit aussi substantiel et intelligent. Toutes mes félicitations pour cet excellent rapport.

Vous avez abordé des préoccupations qui sont les nôtres, dont l'avenir de l'industrie. L'aspect très positif que j'aimerais vous communiquer à cet égard, c'est que vous vous projetez vers l'avenir et que vous ne regardez pas derrière et ne vous arrêtez pas à la situation actuelle. Dans 7, 8 ou 15 ans, l'industrie des services financiers et des services bancaires ne sera plus la même. Ce sera tout à fait différent. Qui aurait pensé, il y a 15 ans, qu'on pourrait aujourd'hui faire toutes les transactions qu'on peut faire sur Internet, par l'entremise des services Interac, etc.?

Vous avez aussi démontré une certaine préoccupation sociale, qui est aussi nôtre, lorsque vous avez parlé de banques communautaires et fait des analogies avec ce qui se passe aux États-Unis relativement au Reinvestment Act, et c'est tout à votre honneur. Vous avez d'autre part émis certaines préoccupations quant aux consommateurs et aux emplois. Il y a aussi la surveillance accrue du secteur financier. Je vous dirai que d'emblée, nous appuyons également vos recommandations à cet égard.

Certaines de vos recommandations sont plus problématiques et controversées. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat et d'aborder entre autres la question des banques qui offrent de l'assurance. On ne comprend pas pourquoi vous avez lancé à ce moment-ci dans le débat cette question du décloisonnement, alors qu'on aurait pu réserver notre analyse pour plus tard, et pourquoi vous soulevez maintenant la question de la diminution des taxes pour les banques. Vous comprendrez que nous ne sommes pas des fervents de cette mesure et que nous jugeons qu'un congé de taxes de 10 ans pour les nouvelles institutions financières serait un petit peu long. Bref, il y a des choses qui sont controversées et sur lesquelles on pourra revenir. Mais globalement, je trouve que les préoccupations que vous avez mises sur la table sont les bonnes.

J'ai un reproche à vous faire et je ne me gênerai pas pour vous le faire. C'est quant au fait que dans vos 124 recommandations et dans l'analyse que vous faites de l'avenir du secteur financier, vous n'avez pas accordé la priorité aux outils dont on a besoin dans différents segments du secteur pour parvenir à améliorer la concurrence et la compétitivité internationales. C'est un peu dommage parce que nous le faisons, nous. D'ailleurs, nous entendons le faire durant le débat. Si vous aviez, dès l'instant où vous avez parlé de concurrence intérieure et de compétitivité internationale, donné priorité aux grands changements qu'on doit faire, on aurait été un peu plus satisfaits.

Je m'explique là-dessus. Vous parlez d'augmentation de la concurrence intérieure pour mieux servir les consommateurs en termes de prix et de qualité, partout au Québec comme au Canada et même dans les régions défavorisées, avec votre concept de banques communautaires, et vous parlez de compétitivité internationale et de l'avenir des emplois. Si on n'est pas là dans 10 ou 15 ans comme services financiers face à l'ouverture des marchés, il faudra bien oublier les emplois et les services typiquement québécois ou canadiens.

J'aurais peut-être aimé que vous disiez dans votre rapport—et d'ailleurs, on en a fait l'analyse dans ce sens-là—qu'il y a des mouvements parallèles à enclencher pour que tout le monde parte sur un pied d'égalité avec un nouveau cadre concurrentiel intérieur ainsi qu'en ce qui a trait à la compétitivité internationale. Par exemple, et c'est la question que je vous pose, si vous parlez de fusion des banques, vous devez parler absolument, d'autre part, des autres instruments que les banques et autres institutions financières qui ne veulent pas se fusionner pourraient être appelées à utiliser.

Vous faites mention de fédérations de holdings financiers et de consortiums multisectoriels qui pourraient faire contrepoids à la fusion des banques sur le plan intérieur pour mieux servir les consommateurs et préserver les emplois, et vous faites allusion au fait qu'on doit avoir de nouveaux joueurs pour affronter le monde et l'ouverture internationale.

• 1040

Alors, pourquoi ne pas avoir dit que par souci d'équité et par souci d'efficacité du secteur financier, s'il doit y avoir fusion des banques, il doit au préalable y avoir modification du cadre législatif pour permettre aux institutions qui ne veulent pas se fusionner de partir au même moment sur un pied d'égalité, comme pour une course de Formule 1, de façon à ce que les choses soient équitables pour tout le monde et afin qu'on puisse affronter les grands changements ensemble sans favoriser les banques qui veulent se fusionner ou les autres qui ont décidé de ne pas se fusionner? J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.

[Traduction]

M. Harold MacKay: Pour ce qui est de l'ordre dans lequel les choses doivent se dérouler—si j'ai bien compris vos propos,—un grand nombre de nos recommandations sont interactives; elles peuvent et elles devraient être mises en oeuvre simultanément. Nous avons essayé de l'indiquer dans le rapport lorsqu'une mesure devait être précédée d'une autre.

Quant à la question particulière que vous avez soulevée, nous ne croyons pas qu'il faille retarder l'étude du pour et du contre de fusions précises, en attendant que l'on procède au décloisonnement du marché, surtout si l'on tient bien compte de leurs répercussions sur la compétitivité, de leurs répercussions sur la sécurité et l'intégrité et de leurs répercussions quant à l'intérêt public.

Si vous étiez un partisan, un promoteur d'une fusion bancaire, vous pourriez sans doute vous dire qu'il vous sera plus facile de satisfaire à ces exigences plus tard. C'est peut-être vrai, mais vu le rythme auquel les choses évoluent—comme nous venons tous deux de le reconnaître, je crois—nous avons dit qu'il ne serait pas prudent de remettre à plus tard l'examen de fusions qui sont proposées—pas seulement les deux que nous avons en ce moment, mais aussi d'autres fusions importantes—en prétextant qu'il y a d'autres mesures à prendre d'abord. Nous devrions les examiner avec beaucoup de soin, nous devrions nous assurer qu'elles résisteront à l'examen, qui est un examen très minutieux, comme nous l'avons dit, mais nous ne devrions pas nécessairement retarder la réponse.

Pierre, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

M. Pierre Ducros (vice-président, Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens): Si vous me le permettez, monsieur Loubier, je souhaite d'abord vous remercier pour vos commentaires, que nous apprécions grandement. J'aimerais traiter de trois points à la suite de votre introduction, qui touche plusieurs éléments. Vous ne parlez pas seulement de la question des fusions.

Le premier point porte sur la taxation. Je crains qu'on ne nous ait pas très bien compris. On dit deux choses. On souhaite que la taxe sur le capital soit diminuée, et si les gouvernements ne peuvent pas se permettre de diminuer la taxation globale, nous leur suggérons de transférer cette taxe du capital vers la taxe sur le profit. Nous n'allions pas proposer une politique en vue de diminuer les taxes au Canada. Ce n'est pas à nous, mais bien à vous de prendre une telle décision. Nous recommandions des changements à la taxation parce qu'elle est inéquitable. Nous recommandions qu'on transforme la taxe sur le capital en une taxe sur les profits. On veut un système financier solide. Si on taxe le capital, ce dernier aura tendance à baisser, ce qui risquera de créer des problèmes qui se répercuteront sur la solidité du système financier et des institutions financières elles-mêmes.

Le deuxième point dont je voulais traiter est l'emploi. Un des éléments clés de notre travail est qu'on pense que l'emploi n'est pas simplement l'emploi direct, mais aussi l'emploi indirect. Un système financier qui fonctionne très bien créera de l'emploi dans les petites et moyennes entreprises, lesquelles génèrent actuellement le plus grand nombre d'emplois au Canada. Par conséquent, il nous faut trouver des mécanismes afin de pouvoir donner un meilleur appui aux petites et moyennes entreprises.

La question précédente traitait des PME et de la satisfaction de la clientèle, et j'aimerais y revenir. Je crois qu'il nous faut absolument appuyer un sous-groupe de ces PME, soit l'industrie basée sur le savoir. C'est la nouvelle économie. Cette industrie n'a pas nécessairement d'actifs matériels à offrir en garantie; elle repose beaucoup plus sur la cocologie des gens—je m'excuse auprès des interprètes d'utiliser cette expression—ainsi que sur la propriété intellectuelle. Il faut trouver des mécanismes pour l'appuyer. Les institutions financières se sont lancées dans ce domaine-là et elles font déjà un excellent travail, mais il y à plus à faire.

• 1045

Le troisième point porte sur l'assurance dans le domaine bancaire. On peut d'abord souligner qu'au Québec, le Mouvement des caisses Desjardins se lance en grande dans le domaine de l'assurance. On pourra vendre de l'assurance dans les caisses et on veut pouvoir retrouver au Québec un milieu où il y aura équité dans ce domaine de la vente.

Nous avons dès le départ été préoccupés par le consommateur. En permettant la vente d'assurance par le système bancaire et par les caisses populaires, on augmente les choix offerts aux consommateurs. D'ailleurs, on voit apparaître cela au niveau international.

M. Yvan Loubier: Si vous me le permettez, monsieur Ducros, j'aimerais relever la dernière partie de votre intervention et vous poser une question plus précise.

Vous parlez du Québec et de la vente d'assurance par le Mouvement Desjardins. Cela se fait dans des conditions très restrictives et très particulières aussi, avec des exigences dans l'industrie qui sont très rigoureuses. Quant à ce que vous proposez, il n'y a pas encore de cadre. Vous l'avez proposé de façon brute. Il y a donc une petite différence. D'ailleurs, les gens de l'industrie vous l'ont dit assez clairement le lendemain de la parution de votre rapport.

J'aimerais revenir sur les conditions prioritaires dont je vous faisais mention tout à l'heure. J'aurais aimé qu'en parlant de vos 124 recommandations, personne ne se concentre uniquement sur la fusion; c'est une partie d'un tout. Par contre, si vous parlez de fusion, vous devez parler des autres qui ne veulent pas se fusionner, ce qui est fort important. C'est comme une course de Formule 1: il n'y a pas un ou quatre pilotes qui peuvent partir avant les autres. Tout le monde part sur la même ligne de départ et on espère qu'ils vont tous travailler très fort pour arriver pas trop loin de la ligne d'arrivée.

Mais ce que vous présentez là, en n'accordant pas la priorité à certains aspects de votre rapport, me paraît être inéquitable. Si vous permettez d'un côté la fusion et que vous parlez d'accélération des discussions autour de ça afin qu'on décide rapidement du sort des quatre grandes banques canadiennes, vous devez absolument, de façon parallèle, mettre en place un cadre législatif qui permettrait aux banques, comme la Banque nationale et la Banque Laurentienne, aux sociétés d'assurance, aux sociétés de gestion de fonds mutuels et aux autres acteurs du service financier de créer des alliances qui permettraient de faire de grands ensembles dans le cadre de holdings ou autres, ce qui, d'une part, serait la contrepartie de la concentration du secteur bancaire sur le marché intérieur et, d'autre part, permettrait qu'on ait six, sept ou huit grands joueurs sur le plan national, qui pourraient être dans une position concurrentielle très forte face aux autres entreprises qui oeuvrent sur les marchés internationaux.

Si on ne permet pas à tout le monde d'entrer sur le même pied dans cette nouvelle ère des services financiers, d'après moi, on crée une situation inéquitable. Vous auriez pu vous montrer un peu moins critiques. Vous avez mis l'accent sur la fusion et la rapidité de cette fusion-là, alors que vous n'avez pas mis d'accent sur les holdings et sur la création de grands ensembles pour les institutions financières qui ne veulent pas se fusionner.

J'irais même plus loin. Si le gouvernement décidait de ne pas retenir votre suggestion de création de holdings et de cadre législatif pour faire des alliances fortes entre les institutions qui ne veulent pas se fusionner et décidait d'accepter ces fusions-là, il serait d'une part inéquitable pour les autres et, d'autre part, il pourrait défavoriser le Québec en partant, parce que c'est au Québec qu'on veut créer des alliances fortes, par exemple celles du Mouvement Desjardins avec des banques hollandaises, de la Banque Laurentienne avec des sociétés d'assurances, de fonds mutuels, etc. Si le gouvernement accepte les fusions sans avoir au préalable changé le cadre législatif, ce sera, à mon avis, inéquitable pour tout le monde. De surcroît, il y a un accroc au Québec qui est assez évident.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Monsieur MacKay.

M. Harold MacKay: Le groupe de travail a reconnu qu'il convenait d'avoir un ensemble de règles qui permettraient les alliances entre les institutions de plus petite taille, et nous avons formulé plusieurs recommandations visant à faciliter de telles alliances, par exemple la recommandation sur les sociétés de portefeuille, les recommandations visant les principes comptables et d'autres semblables. Nous en avons certainement reconnu l'importance et, d'entrée de jeu, nous avons dit dans notre rapport qu'il fallait que ces recommandations soient mises en oeuvre dans les meilleurs délais.

• 1050

Je le répète, nous acceptons votre prémisse. Il appartiendra au Parlement de décider des moyens à prendre pour faire en sorte que tous puissent partir sur un pied d'égalité. Étant de la Saskatchewan, je me plais à dire qu'il est facile de distinguer à l'horizon ceux qui partent sur un pied d'égalité. Mais il appartiendra aux parlementaires de décider des moyens à prendre pour que les règles du jeu soient respectées. Selon moi, les solutions sont là devant nous.

J'aimerais ajouter quelques mots sur ce que vous avez dit à propos de l'assurance. Nous avons indiqué, comme vous l'avez sans doute remarqué, qu'il ne faut pas apporter de changement dans le domaine de l'assurance tant que les régimes nécessaires de protection des renseignements personnels et de réglementation des ventes liées ne seront pas en place—et ce doit être des régimes sévères, comme nous le recommandons. Ces questions étaient au coeur même des objections dont on nous a fait part. Nous avons reconnu qu'il fallait s'en occuper, et nous l'avons dit très clairement. Nous avons dit également qu'il serait bon de prévoir une période de transition dans ce domaine, pendant laquelle, pour éviter des problèmes de transition, il serait interdit aux institutions de plus grande taille d'avoir accès à ce marché.

[Français]

M. Pierre Ducros: Je crois que vous avez parfaitement raison. C'est pourquoi il faut faire très attention de ne pas accorder la priorité aux fusions sans en même temps créer un cadre de concurrence. Si le gouvernement prenait des décisions en faveur des fusions et que, d'autre part, il n'établissait pas de cadre compétitif pour que les autres institutions financières puissent faire leurs propres stratégies, il y aurait un déséquilibre important. Si c'est le point que vous voulez faire valoir, c'est aussi le point que nous avons voulu respecter. Donc, attention aux priorités ici. Il faut aller de l'avant dans toutes les directions pour ne pas pousser le débat juste d'un côté et créer un déséquilibre par rapport aux autres institutions financières.

[Traduction]

Le président: La parole est maintenant aux libéraux. Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Je vous remercie.

De ce côté de la table, j'aimerais vous souhaiter à vous tous la bienvenue ici ce matin.

Monsieur MacKay, l'un des points sur lesquels vous avez insisté, qui je crois est la conclusion ou l'aspect essentiel de votre rapport concernant les fusions, est le fait qu'il faut établir si celles-ci serviraient au mieux les intérêts des Canadiens. Une autre chose que vous avez dite ce matin et qui m'a un peu ébranlé est le fait que pour établir cela—et c'est ce que nous essayons tous de faire au pays, non seulement dans cette pièce ou pendant vos délibérations, mais aussi dans la population—les Canadiens devraient se défaire des préjugés qu'ils ont contre les banques. Je tiens à vous dire que ce n'est pas là quelque chose qu'il est facile pour eux de faire.

Vous avez dit également, et je veux en arriver à mes questions, qu'il était déjà possible pour les Canadiens de marchander entre les banques—et je parle des services bancaires aux particuliers—parce que la concurrence existe. Cela m'étonne, s'agissant de services bancaires aux particuliers. Dans quelle mesure vous êtes-vous penché vraiment sur toute la question des services bancaires aux particuliers? D'après ce que l'on me dit, si je m'adresse aux cinq grandes banques aujourd'hui en allant faire un tour sur la rue Sparks, pour ouvrir un compte de chèques ou d'épargnes ou pour obtenir une carte de crédit, je ne vois aucune concurrence. Les banques peuvent donner différents noms à ces services, mais c'est le même montant que je paie au bout du compte.

M. Harold MacKay: Je tiens à dire d'abord qu'au cours de notre étude et par le biais du travail que nous avons fait faire par nos consultants, nous avons examiné de très près les services bancaires aux particuliers. Je crois que pour un économiste, le fait que les prix finissent par se ressembler beaucoup est le résultat soit de la collusion, soit d'un marché très concurrentiel, en ce sens que les gens sont incités, s'ils tiennent à faire des affaires, à pratiquer les prix les plus bas. Donc, selon moi, on ne peut juger simplement à partir des faits qui sont sur la table.

• 1055

Nous avons étudié les comptes de base qui sont offerts aux Canadiens, parce que nous cherchions à savoir si les Canadiens à faible revenu avaient bel et bien accès à des comptes aux frais peu élevés, si l'accord que le gouvernement a conclu avec les banques était respecté.

Je ne veux pas insister sur les détails, mais si vous allez à la page 24 de notre document d'information numéro 4, vous y trouverez un tableau comparatif des comptes de base qu'offrent les banques canadiennes pour un ensemble ordinaire de services, les retraits et ainsi de suite; le tableau comprend également un compte de base que les banques sont tenues d'offrir, selon la loi en vigueur dans l'État de New York, aux personnes à faible revenu. Nous avons constaté que la plupart des banques canadiennes offrent des comptes de base à meilleur prix que le compte de base dont les frais sont fixés par la loi dans l'État de New York. Il y a des différences marquées entre les frais des banques canadiennes, mais ceux-ci sont très avantageux dans tous les cas.

Selon notre conclusion, les faits indiquent en général que le marché est concurrentiel. Dans le cas de certains produits, on constate une augmentation de la concurrence dans le marché. Vous avez parlé des cartes de crédit. Il s'agit bien sûr d'un service financier aux particuliers, et trois grandes sociétés américaines qui viennent d'entrer dans ce marché et qui sont des puissances internationales dominant le marché aux États-Unis... Les fournisseurs canadiens de cartes de crédit, les banques et d'autres fournisseurs peuvent s'attendre à de la concurrence féroce; ça, c'est certain.

M. Roger Gallaway: Je suppose que vous connaissez et avez examiné le rapport Wallis d'Australie. Puisque votre travail s'est effectué après, je dirais que vous avez établi à peu près les mêmes liens, ou tiré des conclusions semblables, c'est-à-dire que la concurrence est irrévocablement liée à la protection du consommateur. Les banques entendent offrir plus de services et plus de choix aux Canadiens, bien que je ne sois pas certain que ces deux éléments soient liés. Premièrement, je crois que votre rapport déclare que le Bureau de la concurrence ou le ministère de l'Industrie s'oppose à une interdiction absolue des ventes liées. Ai-je raison de croire cela?

M. Harold MacKay: Le document que nous a soumis le Bureau de la concurrence contenait une annexe sur les ventes liées. Pour eux, les ventes liées sont question de concurrence et n'intéressent pas la protection du consommateur, l'exploitation du consommateur ou la coercition en tant que telle. Le Bureau conclut que les mesures qui protègent les consommateurs dans la Loi sur la concurrence et qui existent aussi dans le droit en général, comme nous le notons dans notre étude, fournissent une protection adéquate, en ce qui a trait à la concurrence, pour s'assurer qu'on n'utilise pas les ventes liées pour éliminer d'autres sociétés, par exemple.

Toutefois, à notre avis, les consommateurs font-ils l'objet d'une situation abusive au cas par cas à cause des ventes liées? C'est un tout autre sujet. Comme le comité, nous avons posé la prémisse qu'il doit y avoir des garanties strictes contre toute pratique coercitive.

Pour répondre à votre question précise, le Bureau de la concurrence était d'avis que sur le plan de la concurrence, il n'était pas nécessaire d'édicter de nouvelles lois en ce qui a trait à la vente liée. Ils ont noté en toutes lettres qu'ils se rendaient compte qu'il y avait d'autres considérations qui pouvaient entrer en ligne de compte.

M. Roger Gallaway: Vous avez aussi dit dans vos commentaires préliminaires qu'un certain nombre de vos recommandations sont interactives. Je pense notamment au regroupement des services, par lequel les banques vous offrent une gamme de services bancaires personnels: elles veulent que vous preniez votre hypothèque chez elles, que vous achetiez vos assurances chez elles, ainsi que vos actions si vous en avez. Il y a un certain nombre de services à l'heure actuelle qui sont dans une certaine mesure indépendants de la société mère mais qui y sont liés sur le plan de la propriété néanmoins.

En ce qui a trait au regroupement des services, quand vous demandez un prêt automobile à votre banque qui veut aussi vous vendre une assurance et recueille une foule de données personnelles sur votre situation financière, il me semble qu'à un moment donné le regroupement des services se transforme en vente liée. Je ne suis pas sûr du moment précis où la transformation a lieu.

• 1100

Si je demande un prêt ou autre chose à ma banque et que de tous bords, tous côtés on m'offre d'autres services, comment les responsables fédéraux peuvent-ils vraiment contrôler ce type d'action?

M. Harold MacKay: Je pense qu'il faudrait même laisser tomber le mot «fédéral» car les consommateurs canadiens, qu'ils traitent avec les banques, les coopératives de crédit, les caisses populaires ou les compagnies d'assurances, se voient offrir une vaste gamme de produits, de plus en plus vastes dans le cas des compagnies d'assurances, s'adressent à des établissements qui ont de nombreux produits à leur offrir.

C'est une question que pose de plus en plus problème, à notre avis. Nous ne pensons pas qu'il faille définir un marché qui élimine le regroupement des services des choix offerts aux consommateurs. Quand vous allez chez McDonald, on ne vous interdit pas d'acheter un hamburger, des frites et un coke. Nous avons suggéré qu'il s'agissait d'une question très sérieuse qui méritait des garanties très sérieuses dans nos lois. Par exemple, en ce qui a trait aux ventes liées, nous élargirions la définition qu'on trouve couramment dans la Loi sur les banques, mais avons aussi proposé qu'on mette au point des mesures approuvées et conçues par les responsables de la réglementation pour informer les consommateurs qu'on n'exige pas d'eux qu'ils achètent les services regroupés qu'on leur offre, qu'il ne s'agit pas d'une condition pour obtenir le produit d'importance critique qui les intéresse auprès de leur établissement financier.

Il s'agit de trouver le moyen de passer ce message clairement pour informer les consommateurs. Nos recommandations dépassent largement ce qu'on trouve dans la loi à cet égard. Comme je le disais, d'autres juridictions ont déjà pris cette mesure.

Certains établissements financiers n'offrent qu'un seul produit et font cela très bien alors que d'autres offrent un véritable supermarché de produits, et dans cet environnement il est réellement important qu'il y ait des signaux clairs auxquels le consommateur puisse réagir clairement.

Nous avons dit autre chose: s'il y a abus du consommateur, ce consommateur devrait avoir certains recours et ne pas avoir à persuader le ministère de la Justice de porter des accusations contre l'établissement en question. Il devrait y avoir des recours civils, avons-nous proposé, pour qu'un consommateur lésé puisse se rendre chez l'ombudsman ou se porter devant les tribunaux pour trouver un redressement, y compris les dommages intérêts.

C'est un problème, mais n'allez pas le régler en concevant un marché qui élimine les avantages que le consommateur peut tirer des choix. Attaquez le problème de la bonne façon.

Le président: Merci, monsieur Gallaway. Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur MacKay, le président a commencé la réunion en nous rappelant à tous, notamment aux Canadiens, que votre rapport ne traitait pas des fusions des banques mais de tout le secteur des services financiers. Je pense qu'il est important que nous nous en souvenions.

Vous avez souvent dit que «le statu quo n'est pas une option». Je pense qu'il est important que vous disiez au comité et aux Canadiens que, quand vous dites cela, ce n'est pas seulement votre opinion sur les fusions des banques, mais sur tout le secteur.

M. Harold MacKay: Je serai heureux de le faire. Quand je dis «le statu quo n'est pas une option», je n'approuve aucune stratégie en faisant cela. Cela signifie toutefois que nous pensons, que vous soyez consommateurs de services financiers ou un établissement qui les offrent, qu'il vaut mieux que vous ne pensiez pas que vous pouvez continuer à faire les choses comme vous les avez toujours faites et que vous allez avoir des résultats positifs dans 10 ans.

Il y a de nombreuses stratégies qu'on peut examiner, pensons-nous. Comme nous l'avons dit dans le rapport, les fusions ne sont qu'une des stratégies commerciales légitimes à envisager. Mais quand nous disons que le «statu quo n'est pas une option», ce n'est pas une façon d'approuver les fusions.

M. Paul Szabo: Bien. Ma dernière question porte sur le rapport dans son ensemble. Il y est question du secteur des services financiers, des banques, des sociétés de fiducie, des compagnies d'assurances, des coopératives de crédit et des caisses populaires, mais le rapport aborde aussi d'autres établissements qu'on ne retrouve pas à l'heure actuelle dans cette catégorie. L'industrie automobile s'intéresse très certainement à ce qui se passe, tout comme les courtiers d'assurances, les indépendants, les banques étrangères et autres établissements qu'on pourrait qualifier de quasi-banques.

• 1105

Vos recommandations portent sur une vaste gamme de sujets qui pourraient avoir des effets considérables sur chacun de ces secteurs, certains positifs, d'autres non. Il y a beaucoup d'interdépendance. S'il y a un changement ou si on permet à un secteur de vendre tel ou tel produit, cela peut améliorer sa position concurrentielle face à un autre établissement, ou éliminer cette possibilité; il s'agirait peut-être, en un certain sens, d'une sélection aléatoire si, dans certaines circonstances, l'influence ou le produit de réclame crée certaines situations. Cela devient très complexe et il y a beaucoup d'interdépendance entre les divers protagonistes du secteur des services financiers.

Comme il est possible que certaines de ces recommandations aient des conséquences négatives considérables pour l'intérêt public dans un secteur, il est aussi possible que l'intérêt public y trouve son compte dans l'ensemble, mais il est difficile d'y voir clair au cas par cas ou autrement. Si nous voulons nous éloigner du statu quo et tenir compte de l'intérêt public, pensez-vous qu'il faille s'éloigner du statu quo d'une façon progressive, évolutive, plutôt qu'en prenant des décisions rapides qui pourraient déclencher certains événements cataclysmiques qui pourraient nuire considérablement non seulement au public mais aux secteurs dont vous parlez?

M. Harold MacKay: Eh bien, vu les changements rapides qu'on constate dans cet environnement... Je vais revenir en arrière. Je pense qu'il faut toujours envisager les choses de propos délibéré. Certains disent que je suis trop prudent. Ainsi, j'examinerais la situation et les mesures à prendre—et je suis sûr que c'est ce que ferait le groupe de travail—avec une grande prudence. Mais cela ne signifie pas qu'on puisse trop tarder car le marché évolue très rapidement et les forces du changement que nous avons décrites sont considérables. Le Canada ne peut s'isoler de l'effet de ces forces. Il se passe beaucoup de choses. Il n'y a aucune raison pour que les consommateurs canadiens deviennent à court terme des consommateurs de seconde zone si on les compare aux Européens ou aux citoyens d'ailleurs.

Nous avons donc examiné la question sous l'angle de l'intérêt du consommateur, de l'intérêt public. Nous avons reconnu l'importance des questions liées à la transition. Dans certaines de nos recommandations, nous avons expressément cité l'importance des contraintes temporelles. Nous recommandons que les choses soient échelonnées dans le temps, notamment dans nos recommandations qui portent sur les assurances et le crédit-bail.

Je pense que ma réponse est oui, il faut procéder avec prudence, mais vu le contexte, nous ne pouvons pas délibérer ad nauseam de nos objectifs. Il faut agir. Des gens sérieux peuvent ensuite discuter du rythme des mesures à prendre, des questions qui intéressent cette transition. Le débat sur l'intérêt public et la façon dont les facteurs qui l'intéressent sont liés entre eux est un débat qui doit avoir lieu, il est important.

Je suis donc d'accord avec votre prémisse, mais j'encouragerais simplement la population canadienne, le comité, et le gouvernement à ne pas supposer que ce soit une bonne idée de trop tarder en ce qui a trait à pratiquement tout ce que nous présentons ici.

M. Paul Szabo: Merci.

Je pense comprendre vos commentaires en ce qui a trait au processus qui a lieu en ce moment, mais si bon nombre des recommandations que vous avez présentées dans ce rapport volumineux étaient acceptées, il faudra tenir compte dans leur mise en oeuvre des lois, des règlements, de tout l'environnement réglementaire en premier lieu; peut-être faudra-t-il définir les secteurs pour qu'ils aient l'occasion de participer au débat. Il faut se demander si nous serons parmi les premiers à pouvoir démarrer, et cela touche à une foule d'autres questions connexes dont de nombreuses personnes vous ont parlé.

Ce n'est pas tellement aux intéressés que je pense quand je parle d'une approche évolutive ou progressive, y compris le public, mais plutôt à la mise en oeuvre et à la place qu'occupent les fusions dans tout cela. Par exemple, ce matin, j'ai lu dans les journaux que les banques disent que si tout ce processus prend trop de temps, les ententes vont peut-être perdre de leur intérêt. Ainsi, quand je vous parle d'évolution progressive, je veux savoir s'il y a une contradiction ou une friction, si on veut, entre les besoins des banques qui ont besoin d'une solution opportune, et la façon idoine de mettre en oeuvre certains de ces changements.

• 1110

M. Harold MacKay: En ce qui a trait aux fusions, nous pensons que ces deux fusions proposées devraient être évaluées très soigneusement à la lumière des trois critères que sont l'intérêt public, la concurrence, la solidité et la sécurité du système.

Comme je l'ai dit auparavant aujourd'hui, si j'étais un tenant des fusions, je serais d'avis que si les changements que nous avons recommandés étaient déjà en place, les choses seraient sans doute plus faciles. Mais rien n'empêche qu'on fasse dès aujourd'hui cette analyse des fusions proposées.

Je ne pense pas que nous nous prenions pour des révolutionnaires en présentant ces recommandations. Nous pensons que les mesures évolutives que nous avons présentées relèvent effectivement d'une approche progressive, mais, qu'elles sont nécessaires.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Monsieur MacKay, nous avons vu des changements majeurs dans le secteur des services financiers, et je pense par exemple à ce qui s'est passé à Londres, en Angleterre, où on parle souvent du big bang et du petit bang. Où se situe le rapport MacKay? Dans la première ou la seconde catégorie?

M. Harold MacKay: Je crois que la collectivité devra réfléchir là-dessus. Nous avons dit au fond que des gens compétents devraient être en mesure d'exercer ces activités dans l'intérêt des Canadiens. Alors, s'il s'agit d'une approche de choc, je crois que c'est ce que nous avons.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais aussi vous féliciter pour votre rapport et je suis tout à fait d'accord pour dire que toutes les questions sont interdépendantes.

Vous avez parlé de la protection des consommateurs, de la concurrence, de la sécurité. Il n'y a pas que les fusions des banques, mais tous les changements qui se produisent dans le secteur financier qui me semblent estomper les pratiques passées. J'aimerais aborder avec vous quelques questions qui me laissent perplexe. Je veux parler de la révolution technologique, l'estompage des pratiques aux niveaux national et international et du fait que des forces internationales ont un effet de choc sur notre secteur financier. Avons-nous les outils qu'il faut pour examiner la situation? Disposons-nous des paramètres requis pour l'examiner non seulement à la lumière des questions dont vous avez parlé dans les limites de nos frontières nationales mais aussi du point de vue international et pour déterminer s'il s'agit ou non de la direction dans laquelle nous voulons?

M. Harold MacKay: Permettez-moi tout d'abord de parler du principe et de répondre ensuite expressément à la question.

Vous avez raison de dire que la convergence des institutions financières, la fusion de grands conglomérats d'institutions financières qui franchissent ce que nous appelons les lignes traditionnelles, sont un fait concret. Je vais vous donner un exemple intéressant. Les Pays-Bas ont trois institutions financières de très grande envergure qui sont des conglomérats et qui gèrent tous les secteurs d'activités. L'une d'entre elles est dirigée par une compagnie d'assurances. Il s'agit du groupe ING qui, au Canada, offre des services d'assurance et bancaires et qui a aussi envisagé la possibilité, je crois, d'offrir des services de sécurité. Le groupe bancaire ABN AMRO est un conglomérat international offrant tous les services à l'échelle mondiale. Il est dirigé par une banque. La troisième institution, Rabobank, est la plus grande banque de crédit populaire du monde. Le mouvement des coopératives de crédit en Hollande a acheté récemment la plus grande compagnie d'assurance de coopératives des Pays-Bas.

Nous parlons donc d'un phénomène international. Au Canada, il est bien établi et, au cours de la dernière ou de l'avant-dernière décennie, nous l'avons vu émerger. Je commence donc par dire que cela semble être la façon de faire dans le monde entier et que certains consommateurs semblent y faire bon accueil et veulent acheter leurs produits de cette manière.

Réussissons-nous à bien réglementer le système? Il faudra obtenir la collaboration internationale vu qu'il s'agit d'institutions internationales. Nous avons été émerveillés devant tout le travail qui a été abattu au cours des dix dernières années pour tenter de renforcer le cadre réglementaire international. Nous avons consacré un chapitre sur travaux dans notre document d'information numéro 5.

• 1115

Ils n'en sont pas encore venus au point de dire que nous avons fait tout ce qu'il faut. Dans le cadre de ces travaux, et c'est très d'actualité, une instance conjointe de hauts dirigeants d'organismes de réglementation internationaux a été mise sur pied au cours des trois dernières années. Elle a publié des recommandations quant aux règles que les organismes de réglementation à l'échelle planétaire, y compris les organismes canadiens, devraient appliquer pour réglementer ces conglomérats.

À l'heure actuelle, les institutions financières réagissent à ce rapport et nous essayons de nous diriger vers un système qui fonctionne bien. Voilà qui posera assurément des défis aux organismes de réglementation. La technologie complique la question et offre de nouvelles possibilités aux organismes de réglementation.

Nous avons souligné dans notre rapport qu'il faut s'assurer que l'organisme de réglementation canadien, un intervenant énergique dans ces organismes internationaux, dispose du personnel et du financement dont il a besoin et peut jouer pleinement son rôle. Nous avons recommandé, par exemple, l'ajout d'un conseil d'administration à la structure de régie du BSFI pour l'aider au niveau de la planification stratégique, parce que, comme nous l'avons dit, le statu quo ne constitue pas une option valable pas plus pour les organismes de réglementation que pour le consommateur et les institutions.

Je comprends la prémisse de votre question et je crois que notre rapport en tient compte. Nous ne croyons pas que ce soit une raison pour appliquer les freins et nous refréner dans le genre de recommandations que nous faisons. Mais il vaut mieux ne pas priver les organismes de réglementation.

Le président: Nous passons maintenant la parole à M. Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina-Qu'appelle, NPD): Merci, monsieur le président.

Comme seul député de la Saskatchewan ici, je veux souhaiter la bienvenue à M. MacKay.

M. Harold MacKay: J'y ai déjà vécu.

M. Lorne Nystrom: Vous y avez déjà vécu et je crois que M. Epp y a aussi vécu à un certain moment.

M. Harold MacKay: Je suis également un de vos électeurs, monsieur Nystrom.

Des voix: Oh, oh!

M. Lorne Nystrom: Oui je dois donc être très prudent, il est un de mes patrons. Mais vous voulez dire qu'il est un progressiste évolutionnaire, pour utiliser ses propres mots ou à tout le moins évolutionniste; j'ai ajouté le mot progressiste.

Une voix: Il se peut que vous ayez un nouveau parti.

M. Lorne Nystrom: Je veux dire que son rapport traduit un bon équilibre en ce sens qu'il est un citoyen prudent des prairies très progressiste.

J'aimerais vous poser des questions dans trois domaines différents, si vous le permettez, monsieur MacKay.

Vous avez parlé, dans vos remarques liminaires, de ce qui se passe en Russie ou au Japon, des faillites bancaires au Japon. Nous avons vu ce qui s'est passé là-bas ces derniers temps. Je me demande si vous pouvez nous éclairer notre lanterne sur les conséquences d'un échec de ces mégafusions si elles devaient voir le jour?

Comme vous le savez, notre système bancaire est le plus concentré au monde pour ce qui est de l'actif. Si la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal de même que celle de la Banque Toronto-Dominion et de la CIBC devaient être autorisées, nous nous retrouverions avec un secteur bancaire encore plus concentré. Au cours de mes déplacements estivaux, beaucoup de gens de ma circonscription et de diverses régions du pays m'ont dit qu'ils s'inquiétaient de la possibilité d'un effondrement des mégabanques, de ses conséquences sur le secteur des services financiers, sur notre économie et sur notre pays.

Je me demande, vu que vous avez fait tant de recherches et avez produit tant de recommandations, si vous pouvez nous éclairer sur les conséquences possibles.

M. Harold MacKay: Je crois que lorsque vous constatez qu'un système bancaire éprouve des difficultés vous commencez à voir les gens se demander s'ils ont les outils qu'il faut pour faire face à la situation.

Il existe, dans les cercles financiers circule la doctrine voulant que ce qui est trop gros ne peut faillir à la tâche ce qui semble signifier dans mon langage à moi que le gouvernement interviendra et réglera le problème.

Je crois que la première chose qu'il nous faut reconnaître c'est que nous avons déjà cinq grandes institutions financières dans le secteur bancaire—et une ou deux dans le secteur des assurances—dont la taille d'aucuns pourraient prétendre nous amène déjà à nous demander si elles présentent un grave danger pour la société canadienne. À mesure que les institutions prendront de l'expansion, vous aurez le même débat et le même argument.

D'autre part, vous essayez d'établir des institutions solides et vous avez alors un paradoxe... Si nous pouvons aller de l'avant avec une fusion sans nuire à la concurrence et à d'autres facteurs d'intérêt public, le paradoxe est qu'il se peut que l'institution qui verra le jour soit plus forte mais qu'il faut alors se demander si nous sommes en mesure d'en payer le prix si elle devait devenir moins forte.

• 1120

Nous avons reconnu dans notre rapport que nous devrions disposer d'un ensemble de règles souples pour que les organismes de réglementation, qui doivent à l'origine s'assurer qu'il n'y aura pas de répercussions négatives sur la fiabilité avant d'approuver toute fusion, disposeraient du plus grand nombre possible d'outils souples en prévision d'un échec catastrophique. Nous avons donc recommandé que, dans un cas extraordinaire comme celui que vous avez décrit, le gouvernement ait la possibilité de demander non seulement à d'autres institutions financières canadiennes de ramasser les morceaux mais à des intervenants internationaux qui pourraient avoir intérêt à venir sur le marché canadien pour participer à l'exercice.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que lorsque vous réduisez l'éventail des autres institutions du secteur privé vers qui vous vous tourneriez en cas d'échec, vous donnez ainsi l'impression que le problème est beaucoup plus sérieux. Nous avons essayé d'en tenir compte en donnant la possibilité de se tourner vraiment vers le monde entier, comme cela est arrivé lorsque la Barings a fait faillite. C'est une banque du Royaume-Uni qui a réglé le problème. Aux termes des lois canadiennes actuelles, il n'est pas évident que cela pourrait se faire. Nous avons donc essayé de mettre au point un régime souple, reconnaissant qu'il s'agit d'un marché international. Ainsi, nous ne nous attendrions pas à ce que le gouvernement canadien paie pour les pots cassés d'une façon qui serait inacceptable pour les Canadiens.

M. Lorne Nystrom: Peut-être pouvez-vous être un peu plus précis et nous dire quelles pourraient être certaines de ces institutions internationales qui pourraient aider le gouvernement à payer pour les pots cassés si une telle catastrophe devait survenir.

Mon assez longue expérience de la vie et de la politique me dit que ce qu'il faut toujours prévoir, c'est l'imprévu. On n'est jamais sûr de ce qui peut arriver. Bien sûr nous ne voudrions pas que cela se produise, mais il est possible qu'une mégabanque fasse faillite. Certaines de nos grandes banques ont éprouvé des problèmes par le passé. Si nous ne parvenons pas à résoudre les problèmes nous-mêmes je crois que les gens ordinaires, y compris moi-même, ont de quoi s'inquiéter. Vers quelle institution internationale pourrions-nous nous tourner? Quelles autres recommandations pourriez-vous faire quant aux changements qui s'imposent?

M. Harold MacKay: Par exemple, nous avons suggéré que des banques à grand nombre d'actionnaires de l'extérieur du Canada puissent dans un tel cas se porter acquéreurs de l'institution. En effet, les activités pourraient se poursuivre sans que nous ayons à nous tourner vers une autre institution canadienne comme seule source de renflouement. L'autre institution ne le ferait pas par générosité mais parce qu'il s'agirait d'une occasion d'affaires comme ce fut le cas dans la faillite de la Barings. Je le répète, nous aimerions voir insuffler de la souplesse au régime.

M. Lorne Nystrom: Je passe à ma deuxième question. Si je lis bien les recommandations, vous semblez préconiser un élargissement des pouvoirs du ministre des Finances. Vous ne prévoyez certes pas de les réduire. Je suis inquiet pour la démocratie. John Ralston Saul, par exemple, a donné une conférence dans notre ville jeudi soir dernier. Il a abordé la question de la démocratie et de la façon dont elle semble glisser des mains des gens tels qu'ils sont représentés dans les parlements et les assemblées législatives en général.

Je remarque qu'au Japon une des solutions consiste à retirer des pouvoirs au ministre des Finances ou à l'exécutif. Je ne vise pas ce ministre des Finances en particulier ni personne d'autre. Je veux parler de la tendance qui a cours dans notre société depuis quelques années. En effet, alors que l'exécutif dispose de plus de plus en plus de pouvoirs, le peuple, par l'entremise de ses députés, n'a plus son mot à dire dans la prise de décision.

Je veux savoir pourquoi nous allons dans cette direction. Je crois qu'en tant que parlementaires qui nous déplaçons dans les diverses régions du pays nous sentons une frustration chez les gens qui nous disent que leurs votes sont perdus. Ils se demandent si leurs votes comptent vraiment. Est-ce que les députés, comme l'a dit M. Trudeau, sont des moins que rien lorsqu'ils quittent la colline du Parlement? Nous nous sommes encore plus éloignés de cela au cours des 10 ou 15 dernières années.

Il me semble que nous devrions aller dans l'autre direction, c'est-à-dire diminuer les pouvoirs de l'exécutif, du ministre des Finances ou d'autres ministres et en confier davantage au Parlement. Le Parlement prend de plus en plus d'importance tout comme les comités vu que nous exprimons la volonté du peuple. Il va sans dire qu'il faut aussi que nous apportions d'importants changements au processus électoral.

Je me demande si vous pouvez nous dire pourquoi vous n'êtes pas allé dans cette direction et avez plutôt recommandé d'augmenter les pouvoirs ministre des Finances et de l'exécutif.

M. Harold MacKay: Tout d'abord, l'actuelle législation sur les services financiers confère déjà au ministre des Finances le pouvoir d'approuver des fusions et autres opérations importantes. Nous n'allons donc pas très loin par rapport à ce qui existe actuellement. Je vais revenir sur ce que nous proposons dans un instant.

• 1125

Par rapport à ce qui se fait sur la scène internationale, l'approche qui consiste à conférer au gouvernement, à un ministre, le pouvoir de donner de telles approbations est celle qui a cours au Canada. La discrétion dont jouissent les gouvernements et les ministres ailleurs est certainement plus étendue qu'elle ne l'est au Canada. Par exemple, nous avons actuellement des contraintes en ce qui concerne la propriété, comme la règle des 10 p. 100, tandis que dans la plupart des pays, la propriété relève de la discrétion du gouvernement en place.

Faudrait-il en laisser le soin au Parlement? Je crois qu'il est très difficile d'imaginer qu'un parlement pourrait de manière opportune donner des réponses aux questions dont est saisi actuellement l'exécutif. Il n'est pas facile d'avoir à adopter une loi chaque fois que l'on doit prendre une décision, par exemple.

Nous sommes arrivés à la conclusion que compte tenu de l'évolution du monde d'aujourd'hui, nous aurons besoin de systèmes souples et réceptifs. Ceux que nous avons proposés sont également très transparents pour le public. Par exemple, prenez notre processus d'examen des projets de fusion. Nous avons essayé de faire en sorte que ce ne soit pas un exercice à huis clos où les défenseurs de la fusion exposent leurs propositions. Le public peut débattre de ce sujet ouvertement et de façon transparente en connaissant clairement l'objectif visé auquel le ministre donne alors son approbation que, soit dit en passant, il va maintenant donner. Notre approbation n'est pas nouvelle. Nous n'avons pas apporté beaucoup d'approbations nouvelles dans le système. Dans la plupart des cas, nous avons recommandé de publier des directives sur l'utilisation de ces pouvoirs discrétionnaires. Ce n'est pas toujours le cas dans d'autres pays.

Enfin, le pouvoir discrétionnaire supplémentaire que nous avons proposé vise clairement à donner la capacité d'assurer un marché plus compétitif, lequel n'existe pas pour l'instant. Permettez-moi de faire mention de notre proposition voulant que le ministre ait le pouvoir de s'occuper des arrêtés, des règles et des pratiques du système canadien de paiements et de prendre des mesures si des pratiques anticoncurrentielles étaient adoptées dans ce système. Nous sommes donc pour ce genre de discrétion.

Nous savons que le ministre est responsable devant le Parlement, mais je crois que vu l'évolution rapide de notre monde actuel, nous ne savons pas encore comment présenter quelque chose de plus officiel et, si vous voulez, de moins rapide, que les processus actuellement envisagés.

M. Lorne Nystrom: Je me demande pourquoi vous ne recommanderiez pas que, par exemple, le ministre n'ait pas le pouvoir de donner le feu vert aux fusions des grandes banques ou le pouvoir de les interdire. Pourquoi le Parlement ne le fait-il pas? Pourquoi M. McWhinney n'aurait-il pas un vote pour savoir si cette proposition est acceptée ou rejetée? Cela ne ralentirait pas vraiment le processus. Un ministre est responsable devant le Parlement, mais il faudrait que cette décision soit prise directement par le Parlement. Je ne crois pas que cela ralentirait le processus. Nous en discutons déjà ad nauseam, et le débat va se poursuivre pendant encore longtemps. Pourquoi n'avons-nous pas prévu quelques jours de débat pour permettre au Parlement de prendre lui-même la décision? Ce serait, à de nombreux égards, très utile pour le ministre et ce dernier serait certainement plus réceptif à la volonté du public telle qu'elle s'exprime par l'entremise du Parlement du Canada.

M. Harold MacKay: Notre groupe de travail n'a pas véritablement débattu de cette option. Vous pourriez peut-être en persuader le ministre.

M. Lorne Nystrom: Je lui en ai déjà parlé.

Je vais poser une dernière question, à moins d'en avoir d'autres par la suite.

Le président: C'est la dernière.

M. Lorne Nystrom: Ce que je veux souligner ici—qui ne l'a pas encore été fait—c'est une recommandation qui m'intéresse beaucoup. Je ne suis pas surpris, connaissant M. MacKay, qu'elle ait été faite. Je veux parler du renforcement du mouvement des coopératives de crédit et de la possibilité de les fusionner pour constituer une banque nationale. Je crois que les coopératives de crédit à l'extérieur du Québec affichent un actif d'environ 35 milliards de dollars et

[Français]

dans le cas des caisses populaires de la province de Québec, c'est peut-être 45 ou 50 milliards de dollars.

[Traduction]

J'aimerais que vous nous disiez un peu plus en détail pourquoi vous avez fait ces recommandations et ce qui est envisagé si le Parlement et le gouvernement devaient les accepter. C'est à mon avis une étape très importante, car aujourd'hui les coopératives de crédit sont sous réglementation provinciale. Un bon nombre d'entre elles sont des entités très petites en ce qui concerne les nouvelles technologies, etc., ce qui fait qu'il leur est très difficile de soutenir la concurrence avec une banque et d'offrir les mêmes services qu'une banque. Nous devrions examiner de près et très rapidement les possibilités du fédéralisme coopératif qui permettrait éventuellement à ce mouvement de devenir une seule banque.

M. Harold MacKay: Juste avant de passer à la question des coopératives de crédit, j'aimerais m'attarder sur la nécessité du fédéralisme coopératif dont vous venez juste de parler. En examinant notre rapport, nous nous sommes rendu compte qu'à l'égard de plusieurs des recommandations que nous faisons, il va falloir que les gouvernements fédéral et provinciaux fassent un effort de collaboration. Toutefois, l'existence d'un système de services financiers sain a trop d'importance à nos yeux pour que nous limitions nos observations à ce qui serait bon dans le contexte de la compétence fédérale—assez floue. Nous avons donc proposé les meilleures pratiques, en indiquant ce qui véritablement serait bon pour les Canadiens, et nous encourageons les gouvernements à régler leurs problèmes et à trouver des solutions.

• 1130

Ce que nous avons dit au sujet des coopératives de crédit et des caisses populaires correspond à ce schéma. Elles sont actuellement assujetties à la réglementation provinciale, mais la réglementation fédérale sert à les relier au système canadien de paiements et impose ses propres limites. Actuellement, elles sont soumises à des restrictions imposées par la compétence où elles ont été constituées en corporation; souvent, c'est une série de restrictions qui entravent leur capacité en raison même des frontières provinciales. Puis, nous avons une autre série de restrictions qui sert à les entraver d'une façon ou d'une autre au plan de leurs activités commerciales; nous en avons décrit trois ou quatre.

Nous croyons qu'il faut avoir autant d'institutions de second niveau solides que possible pour faciliter le jeu de la concurrence sur le marché dans l'intérêt des Canadiens et des services financiers personnels. Quelle meilleure solution peut-on trouver que celle du mouvement des coopératives de crédit qui compte à son actif, pour ce qui est des caisses, 5 millions de membres au Québec, et 4,5 millions de membres dans le reste du Canada? C'est une occasion unique qui s'offre à nous. Dans certaines régions du pays, on est en droit de se demander également si, dans la mesure où le mouvement des coopératives de crédit ne peut pas prendre de l'expansion, il peut réussir comme dans le passé.

Il s'agit donc d'un mouvement à la croisée des chemins et nous croyons qu'il est très important d'aborder ces questions. Nous les avons abordées sur deux fronts et espérons que les deux paliers de gouvernement faciliteront ce que nous proposons.

Nous avons dit, d'une part, qu'il serait utile d'avoir des banques coopératives, d'avoir le pouvoir de constituer des banques coopératives. C'est une idée que nous avaient présentée avec insistance la Caisse centrale Desjardins du Québec et la Centrale des caisses de crédit du Canada. Nous pensons que c'est une bonne idée et nous la recommandons. Ce serait nouveau. Nous nous rendons compte toutefois que certains intervenants du mouvement des caisses de crédit ne sont pas en faveur de l'idée de banques coopératives, et à cet égard, il est nécessaire que les centrales des caisses de crédit de chaque province disposent d'un éventail plus vaste de pouvoirs, au moins à trois égards, pour les libérer des restrictions de la législation fédérale.

Nous encourageons donc fortement le gouvernement fédéral à poursuivre ces deux fronts. Nous pensons que cela pourrait déclencher une concurrence véritablement forte, encore plus forte que dans le passé. La réussite du mouvement des caisses de crédit au Québec témoigne de ce qu'un secteur coopératif bien organisé peut accomplir.

Le président: Merci, monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Je tiens moi aussi à vous féliciter pour votre travail et votre rapport. Vous avez adopté une approche holistique et rationnelle face à un ensemble complexe de questions et vous avez résisté à la tentation d'y réagir de manière instinctive. Vous avez traité des questions de façon très rationnelle.

Les recommandations relatives aux changements à apporter au système de paiements, les mesures de protection du consommateur, y compris celles contre les ventes liées, l'ombudsman dont la responsabilisation est accrue, l'assouplissement de la règle des 10 p. 100 et même les véhicules du micro-crédit, que vous avez explorés—vous avez traité des questions, à mon avis, de façon véritablement remarquable.

Ceci étant, je m'inquiète beaucoup de ce qu'il va advenir de votre rapport maintenant qu'il est à Ottawa et peut-être vous inquiétez-vous également à ce sujet. J'ai dit la semaine dernière au comité que la politique est parfois l'ennemi de la bonne politique publique. Sous couvert de politique publique, nous avons vu des comités sectaires mener ce que l'on pourrait considérer comme une chasse aux sorcières, cela n'ayant pas été vraiment productif en matière de politique publique, mais ayant contribué à augmenter le degré de politisation de la question en jeu.

Il y a un véritable risque que l'on procède à une sélection aléatoire de vos recommandations en fonction de leur acceptabilité politique. Par exemple, il se peut que l'on approuve les changements prévus au système de paiements, que l'on approuve les mesures de protection du consommateur, l'assouplissement de la règle des 10 p. 100, etc. Par contre, pour la question de la fusion des banques, au lieu d'avoir le feu orange clignotant, comme vous le dites, il se peut que le feu reste rouge pendant un certain temps.

• 1135

Courons-nous le risque—si nous mettons en oeuvre certaines de vos recommandations et pas d'autres—de sacrifier les effets positifs, d'un point de vue de politique publique? Je vais vous donner l'exemple d'un tel risque qui, à mon avis, pourrait se produire.

Il y a quelques années, lorsque cinq banques canadiennes ont acheté des maisons de courtage, beaucoup d'intervenants ont cru que tout était perdu et que c'était la fin de l'industrie de courtage telle que nous la connaissions. Une des grandes maisons, Midland Walwyn, a préféré ne pas se laisser acheter, mais bien sûr, la société américaine Merrill Lynch en a récemment fait l'acquisition.

J'ai rencontré un mardi, il y a quelques semaines de cela, leur économiste en chef et vice-président général pour débattre de questions économiques. Le jeudi, il devait présenter à notre caucus quelques idées et nous parler des tendances de l'économie. Mardi, il était employé chez Midland Walwyn et jeudi, lorsqu'il est arrivé à notre réunion de caucus, il n'avait plus de travail.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): C'était une chasse aux sorcières, j'imagine.

M. Scott Brison: Je nous mets tous en garde. Je crois qu'il va falloir prendre du recul et aborder la question de manière moins partiale. Nous avons vu Paul Martin essayer de gagner des points à cette occasion; il enlève son chapeau de ministre des Finances pour mettre celui de candidat à la direction du parti. Nous devons être prudents.

Dans tous les cas, le fait de faire une sélection aléatoire de vos recommandations risque-t-il de compromettre la bonne politique publique?

M. Harold MacKay: Tout d'abord, je ne pense pas que nous ayons jamais voulu dire au public, au Parlement, au ministre, que nos 124 recommandations devaient être adoptées pour éviter la catastrophe.

Ceci étant dit, ces recommandations sont très interactives, ce qui ressort du rapport. L'autre interactivité remonte véritablement à ce que j'ai dit dans ma déclaration liminaire. Le débat est tumultueux. Beaucoup de groupes d'intérêts spéciaux vont défendre leurs points de vue, comme cela se doit. Au bout du compte toutefois, il est extrêmement important pour ceux qui sont chargés de l'élaboration de la politique publique de le faire par rapport à un objectif et non pas en fonction d'un méli-mélo de groupes de pression ou de quiconque aurait réussi à tordre le bras le plus fort.

Dans ce contexte, le risque que vous avez décrit peut se produire et ce sera alors au Parlement, au gouvernement, de le repousser. Note positive, nous avons détecté chez les Canadiens qui débattent de la question sur un pied d'égalité, dans de petits groupes avec nous, une volonté d'ouverture, de recul pour essayer d'avoir une plus grande vue d'ensemble. Nous espérons que c'est ce qui se passe effectivement; nous avons fait notre travail et la balle est maintenant dans votre camp.

M. Scott Brison: Merci.

Pour reprendre les observations de M. Nystrom relatives à l'extrême pouvoir dont jouit le cabinet du ministre des Finances à propos de cette question, vous avez fixé quelques critères et quelques critères recommandés, ce qui est très positif. M. Nystrom parlait de l'éventualité d'un comité parlementaire, mais est-il également possible de prévoir un processus de décision plus neutre et objectif, qui peut-être serait transparent—comme c'est le cas de ce qui va se passer au Bureau de la concurrence—tout en étant un peu plus holistique. Le ministre ou n'importe quel parlementaire allant à l'encontre de la recommandation ultime de ce groupe—examinant un projet de fusion ou un autre—devrait véritablement répondre à des questions difficiles au sujet de sa décision. N'est-il pas possible d'avoir un organisme indépendant qui serait en mesure de poursuivre...

• 1140

M. Harold MacKay: À mon avis, les idées que nous avons présentées peuvent se greffer à d'autres, qu'il s'agisse d'un processus formel d'audiences publiques ou peut-être de ce que vous suggérez. Il n'y a rien d'incompatible avec cela.

Ce que nous avons dit, c'est que dans le cas de plus grandes fusions, qu'il s'agisse de banques ou de sociétés d'assurances, le processus devrait être très discipliné, en raison de la concentration du marché. Nous avons déjà parlé du système bancaire. Il est intéressant de noter que la part du marché de l'assurance-vie des cinq plus grandes sociétés d'assurance-vie est plus importante que la part du marché des dépôts au Canada des cinq grandes banques. La concentration n'est pas seulement une question bancaire; c'est une question qui se pose à l'échelle du secteur.

Nous avons donc indiqué que l'examen doit être prudent, concentré et transparent. Nous avons proposé quelques idées. Je suis d'accord avec vous, la mise en oeuvre pourrait se faire d'autres façons, comme celles que vous avez décrites ou autrement encore. Ce que nous proposons n'a rien de sacré même si cela va bien au-delà de ce qui existe à l'heure actuelle.

M. Scott Brison: J'ai une dernière question qui porte de nouveau sur le risque de la prise de contrôle des institutions financières canadiennes par des intérêts étrangers, notamment en raison de l'assouplissement de la règle des 10 p. 100. J'imagine qu'on pourrait à long terme en arriver à se demander si la règle des 10 p. 100 est justifiée; qu'en pensez-vous?

Deuxièmement, compte tenu de la valeur actuelle des banques canadiennes au chapitre de leurs prix ou de leurs ratios cours/bénéfice et aussi de la situation du dollar canadien, nos institutions financières canadiennes ne représentent-elles pas une bonne affaire pour les intervenants globaux qui cherchent à optimiser le rendement de leurs investissements?

M. Harold MacKay: Dans votre dernière question, vous me demandez je crois d'évaluer avec un certain degré de subtilité la façon dont le marché évalue les actifs. Je pense donc que je vais m'en tenir à la première question.

Nous avons proposé de maintenir la règle du capital élargi au Canada. C'est ce que nous appelons actuellement la règle des 10 p. 100. C'est, d'après nous, une règle du capital élargi qui permettrait d'atteindre les mêmes objectifs que la règle actuelle des 10 p. 100.

Quels sont ces objectifs? Faire en sorte que les plus grandes institutions financières, dont l'effondrement pourrait avoir des répercussions systémiques, comme celles dont M. Nystrom a fait mention, soient à capital élargi, ne soient pas contrôlées par un particulier ou une seule société, de manière à créer le meilleur environnement possible pour des institutions sûres et saines; éviter la tentation ou le risque de contaminer la grande institution financière susceptible de présenter un risque systémique compte tenu des autres sociétés de l'actionnaire. Viser un système sûr et sain reste une proposition valable. C'est la cheville ouvrière du système actuel. Dans leurs mémoires, les institutions, les particuliers et les organes de réglementation nous ont indiqué qu'ils acceptaient la sagesse, la nécessité d'une règle de cette nature.

Deuxièmement, même si cette règle n'empêche pas les institutions canadiennes d'appartenir à des intérêts étrangers, elle permet de les maintenir sous contrôle canadien au niveau de leur régie, de leur gouvernance. Les sièges sociaux, les emplois, l'activité économique, les idées novatrices restent au Canada.

Voilà pourquoi il est important de maintenir une politique exigeant une large répartition du capital. Ce sont là des objectifs valides, et le temps le confirmera, qui continueront de faire partie de la législation régissant le secteur des services financiers. Nous appuyons ces objectifs. Toutefois, nous avons dit que nous pouvons—vous avez employé le mot assouplir—établir un cadre qui nous permettra d'atteindre ces deux objectifs et, en même temps, d'ouvrir la voie à d'autres stratégies en formant des alliances, en nous tournant davantage vers le marché extérieur, ou encore vers le marché intérieur, ce qui ne peut qu'avantager le milieu financier canadien.

• 1145

Nous voulons donc, si nos recommandations sont acceptées, maintenir les avantages qui découlent de la règle de 10 p. 100—nous pensons qu'ils sont valables—mais créer en même temps un cadre plus souple qui favorisera la réalisation d'autres objectifs.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur MacKay, j'aimerais vous poser quelques questions sur la création d'un esprit d'entreprise au sein du secteur des services financiers. J'aimerais savoir quelles sont les principales recommandations sur lesquelles le comité devrait se pencher pour créer un système où l'esprit d'entreprise sera plus présent. Je sais que nous ne pouvons pas, en tant que législateurs, obliger les entreprises à faire preuve d'un plus grand dynamisme, mais nous pouvons certainement créer un milieu qui favorisera l'esprit d'entreprise.

Deuxièmement, j'aimerais savoir si les regroupements de grandes institutions constituent un élément majeur de cette stratégie.

M. Harold MacKay: Je vais d'abord commencer par répondre à la première question.

Nous avons vu des exemples étonnants d'entrepreneurship, où des entreprises très importantes et très prospères—je ne mentionnerai pas leur nom—ont été créés au Canada en peu de temps. Toutefois, si vous prenez l'exemple du secteur bancaire, trois nouvelles banques ont vu le jour au Canada au cours des dix dernières années. Aux États-Unis, 207 nouvelles banques ont vu le jour l'année dernière. La consolidation du secteur bancaire dans ce pays a favorisé la création de quelque 1 300 ou 1 400 institutions au cours des dix dernières années.

Maintenant, quand on parle de créer une nouvelle banque, on ne parle pas de créer une nouvelle institution qui compte des centaines de succursales dans toutes les régions du pays. Il peut s'agir d'institutions qui n'offrent qu'un seul produit—une carte de crédit, par exemple, ou encore d'institutions financières qui utilisent uniquement des technologies nouvelles. Il peut s'agir aussi d'institutions régionales, d'institutions qui ont des aspirations internationales.

Pour revenir à votre question, monsieur le président, le marché qui favorise la création d'institutions nouvelles est animé d'un dynamisme qui ne semble pas exister dans le secteur canadien des services financiers. Nous aimerions penser que des possibilités majeures s'offrent aux Canadiens. Nous partageons une langue commune, un système juridique commun avec nos voisins du Sud. Nous devrions être en mesure non seulement d'importer de bons services financiers de ce pays, mais également d'en exporter.

Comment favoriser la création d'un tel système? D'abord, la politique que je viens de vous décrire et qui convient aux grandes institutions empêche, en fait, la création de nouvelles institutions. Si vous ou moi voulions créer une nouvelle banque, nous serions obligés peu de temps après, ou du moins à moyen terme, de vendre 90 p. 100 des actions de cette banque. Donc, dans un sens, les règles de propriété, dans le cas des nouvelles institutions, sont inutilement contraignantes.

C'est pourquoi nous avons recommandé de favoriser la création d'institutions à capital fermé dont les avoirs sont inférieurs à 1 milliard de dollars, ce qui correspond... À quoi correspondent de tels avoirs?

Une voix: À des actifs 20 milliards de dollars.

M. Harold MacKay: Des actifs de 20 milliards de dollars. Je ne sais pas si cela peut servir de point de référence, mais il s'agirait dans ce cas là d'une grande banque, d'une grande institution financière ou d'une banque régionale.

Une voix: La National Trust.

M. Harold MacKay: Quelqu'un a mentionné la National Trust.

Donc, pouvoir favoriser le lancement d'une institution financière dynamique avec des règles de propriété adéquates constitue, pour nous, la recommandation la plus importante. S'il y a une façon d'encourager l'esprit d'entreprise, c'est en modifiant les règles applicables à la propriété. Mais nous avons formulé d'autres suggestions tout aussi importantes.

D'abord, nous avons recommandé que le mandat du BSIF soit modifié afin de préciser que le BSIF doit parvenir à un équilibre entre, d'une part, la concurrence et, d'autre part, la solidité et la stabilité financières. C'est ce qui se fait déjà en Australie et au Royaume-Uni. Il est important que l'organisme de réglementation tienne compte de ces deux objectifs. Nous avons recommandé que l'obligation, pour les nouvelles institutions, d'avoir des fonds propres d'au moins 10 millions de dollars soit supprimée. Chaque cas serait examiné individuellement, en fonction du plan d'activités et des besoins réels de l'entreprise.

• 1150

Pour ce qui est de la recommandation concernant l'impôt sur le capital des nouvelles entreprises, et nous en avons déjà parlé, nous la jugeons particulièrement importante. Peu importe ce que nous pensons de l'impôt sur le capital des grandes institutions, cet impôt a un effet débilitant sur les nouvelles entreprises. D'après nos calculs, si vous mettez sur pied une nouvelle institution et que vous ouvrez des succursales dans dix provinces, vos 10 millions de dollars pourraient, la première année, se traduire par un impôt de 220 000 dollars. Au cours des douze ou vingt-quatre premiers mois d'existence, les nouvelles entreprises connaissent parfois des problèmes ou subissent des pertes, ce qui est tout à fait normal. Une institution financière ne pourra grandir et prospérer que si elle dispose du capital nécessaire pour le faire. Or, un système d'imposition trop vorace ne peut que décourager les nouvelles institutions. Il faut taxer les profits, pas le capital. Il s'agit-là d'une recommandation importante.

Nous proposons également que les règlements soient établis en fonction des besoins réels de l'entreprise. L'institution à vocation unique qui n'offre qu'une gamme restreinte de produits devrait être assujettie à un type de règlement. L'institution à vocation multiple qui compte de nombreuses succursales à l'échelle nationale devrait être assujettie à un autre type de règlement. Bref, les règlements devraient être adaptés aux institutions.

Si vous apportez ces changements, si vous ouvrez le marché à d'autres joueurs et que vous les encourager à être plus innovateurs, vous aurez un marché plus dynamique, et Dieu sait que nous en avons grandement besoin au Canada.

Le président: Monsieur MacKay, vous n'avez pas répondu à ma deuxième question.

M. Harold MacKay: Quelle était la deuxième question?

Le président: Est-ce que le regroupement de grandes institutions financières constitue un élément majeur de votre stratégie?

M. Harold MacKay: Nous n'avons pas établi de lien étroit entre l'esprit d'entreprise et les regroupements, mais je tiens à expliquer une chose, et cela nous permettra de comprendre pourquoi la concurrence internationale est importante. Les gens pensent parfois que la concurrence internationale vise uniquement les activités qui sont menées à l'extérieur du Canada, qu'elle ne touche pas les Canadiens. Si vous avez des institutions qui sont compétitives sur le plan international et qui jouent également un rôle actif à l'échelle nationale, ces institutions vont être en mesure d'offrir, ici, d'excellents services. Si elles sont compétitives à l'échelle internationale, elles vont être en mesure d'offrir des services de niveau mondial à leurs clients les plus importants au pays.

Par conséquent, si le regroupement des activités constitue un moyen d'encourager la concurrence à l'échelle internationale, si cela cadre avec les autres objectifs, cela ne peut que favoriser la création d'un marché de niveau mondial au Canada, et pas seulement dans les pays où cette institution est présente. Si on peut établir un tel lien entre l'esprit d'entreprise et la concurrence... Je suppose qu'on pourrait le faire. En tout cas, cela ne peut que favoriser la création d'un système qui sert les intérêts à des Canadiens.

Le président: Pour avoir un système qui favorise l'esprit d'entreprise, il faut des entrepreneurs.

M. Harold MacKay: C'est un bon point de départ.

Le président: Permettez-moi de vous donner un exemple qui nous dira si nous passons ou non à côté de la question. Je ne parle pas des fusions qui ont été proposées, mais du concept lui-même.

S'il y a regroupement des activités du secteur des services financiers, que ce soit au niveau des banques, des sociétés d'assurances, ainsi de suite, il y a des gens—et je ne parle pas uniquement de feux verts, mais également des avis de renvoi—qui vont perdre leur emploi. Est-ce que cela va permettre de créer un bassin de personnes qui connaissent bien le secteur des services financiers et de favoriser l'émergence d'un esprit d'entreprise, comme vous l'indiquez dans votre rapport?

M. Harold MacKay: Vous posez là une question intéressante. Nous avons, au cours de notre étude, examiné certains documents sur les émissions publiques qui ont été faites aux États-Unis. Il y a effectivement des gens qui ont souffert, quoique brièvement, du regroupement des activités, leur poste étant devenu redondant. Or, certaines de ces personnes ont réussi à lancer de nouvelles banques et de nouvelles institutions financières.

• 1155

Donc oui, en effet, ce genre de situation peut favoriser l'esprit d'entreprise, mais cela ne simplifie pas les choses pour ces gens là. C'est l'expérience qui a été enregistrée aux États-Unis. Bon nombre de ces nouvelles institutions sont mises sur pied par des spécialistes qui souhaitent mettre leurs connaissances à profit maintenant qu'ils ont été dégagés de leurs responsabilités, et explorer de nouveaux débouchés. Il faut toutefois pouvoir compter, pour cela, sur un marché dynamique où de nouveaux capitaux peuvent être amassés.

Nous abordons également dans notre rapport une question que doivent envisager les provinces, soit les émissions publiques moins importantes. Je fais allusion ici aux émissions publiques allant de 5 à 10 millions de dollars qui ont permis, aux États-Unis, de créer des institutions financières plus petites et très intéressantes.

M. Goret m'a indiqué que ce même processus a été utilisé, ici, dans le cas des courtiers en valeurs mobilières, comme l'a mentionné plus tôt un de vos collègues.

Le président: J'aimerais vous poser une dernière question au sujet de vos recommandations, qui doivent et devraient être considérées comme un tout, et au sujet de la réglementation.

Vous dites à la page 22 de votre rapport que vous préférez adopter une approche minimaliste de la réglementation, vous en remettre le plus possible à la concurrence et à la divulgation. Vous insistez aussi sur les dangers d'une réglementation rigide.

Vous recommandez ensuite, dans votre rapport, que le ministre des Finances ait le pouvoir d'émettre de nouvelles directives à l'Association canadienne des paiements, que les institutions qui souhaitent fusionner fassent l'objet d'un processus d'examen de l'intérêt public—et il s'agit là d'un processus très juste—, que l'on autorise la création d'organisations des consommateurs de produits et de services financiers, que l'on améliore les exigences relatives à la divulgation et à la transparence, que l'on adopte un régime de protection des renseignements personnels, que l'on crée un bureau de l'ombudsman au palier fédéral, bureau dont les coûts seraient assumés par l'industrie, que des rapports d'activité sur les responsabilités envers la collectivité soient établis tous les ans, que les institutions de dépôt donnent un avis de quatre mois avant de fermer une succursale, ainsi de suite.

Ma question est très simple: est-ce que toutes ces exigences cadrent avec l'approche minimaliste de la réglementation que vous prônez?

M. Harold MacKay: Je trouve étrange que certains médias m'accusent, d'une part, de prôner la déréglementation et, qu'on me demande, d'autre part, si, dans les faits, je ne prône pas une réglementation excessive.

Le président: Est-ce comme cela que vous interprétez les choses?

M. Harold MacKay: Je pense que nous prônons l'adoption d'une réglementation qui tient compte des besoins actuels. Vous allez voir, dans nos recommandations, que nous éliminons les barrières réglementaires qui ont pour effet de nuire aux intérêts des consommateurs canadiens. Cela comprend, par exemple, l'assouplissement des règles pour le lancement de nouvelles entreprises, et j'en ai déjà parlé, l'élimination de chevauchements entre la SADC et le BSIF, l'élimination de chevauchements entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Nous proposons également toute une série de recommandations qui visent à éliminer les règlements inutiles qui nuisent également au marché.

Toutefois, pour être logique, il faut se demander quel genre d'approche minimaliste de la réglementation permettra de mieux répondre aux besoins futurs du marché. Les points que vous avez mentionnés sont tous, à notre avis, valables.

Le président: Si j'ai posé ces questions au sujet des obstacles réglementaires, c'est parce que je veux clairement démontrer que, lorsque nous analysons votre rapport, nous ne pouvons pas considérer ces éléments séparément. Nous devons les analyser conjointement. Autrement, nous ne pouvons pas en tirer parti.

M. Harold MacKay: Vous avez tout à fait raison de dire cela, monsieur le président. Pour ce qui est de savoir si les recommandations doivent être considérées comme un tout, nous avons dit que ces recommandations forment un ensemble. Elles sont cohérentes.

Nous espérons que les gens les percevront de la même façon. Cela ne veut pas dire que les 124 recommandations que nous avons formulées vont être appliquées telles quelles. Comme l'a laissé entendre un éditorialiste, cette tâche revient aux parlementaires. Mais je ne suis pas naïf à ce point là, même si je viens de Regina.

• 1200

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Monsieur Harris

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Monsieur MacKay, je voudrais vous parler de concurrence. Au Canada, où la plupart des industries ne sont pas réglementées, les nouveaux participants peuvent tirer parti de toutes les possibilités d'affaires qui sont offertes. Les quatre piliers—les banques, les sociétés de fiducie, les sociétés d'assurances et les courtiers en valeurs mobilières—représentent, eux, une industrie qui est très lourdement réglementée. Il y a des conditions qui régissent l'arrivée de nouveaux participants dans les différents secteurs d'activités.

Je voudrais vous parler, de façon précise, de la proposition selon laquelle les banques devraient être autorisées à distribuer de l'assurance et à pratiquer le crédit-bail automobile. En acceptant cette recommandation, on conclurait automatiquement que ces industries sont peut-être mal desservies par les joueurs actuels et qu'elles souffrent d'un manque de concurrence. Cela ne semble pas être l'avis des secteurs de l'assurance ou du crédit-bail automobile au Canada. Je me demande tout simplement sur quels critères vous vous fondez pour formuler cette recommandation.

M. Harold MacKay: Nous avons analysé toute une série de facteurs communs. Nous avons essayé de voir comment nous pouvons faire en sorte que les Canadiens soient bien servis dans un marché hautement concurrentiel. Nous avons conclu qu'il serait bon d'avoir accès au plus grand nombre possible de fournisseurs de services.

Revenons aux deux secteurs que vous avez mentionnés. Il serait intéressant de les examiner séparément. En ce qui concerne le crédit-bail, les statistiques montrent que les sociétés de financement liées aux constructeurs automobiles détiennent entre 70 et 80 p. 100 du marché. Aux États-Unis, elles détiennent entre 40 et 50 p. 100 du marché. Comme nous l'avons mentionné dans le rapport, certaines entreprises ont indiqué dans leur rapport annuel que le marché aux États-Unis était très compétitif. Lorsqu'on jette un coup d'oeil sur les statistiques, on comprend pourquoi. Les coopératives de crédit et les banques américaines détiennent environ le tiers du marché aux États-Unis. Au Canada, les concessionnaires détiennent entre 10 et 15 p. 100 du marché. Aux États-Unis, ce pourcentage est de 7 p. 100.

Au bout du compte, le Canada semble être le seul pays, d'après ce que nous pouvons constater, où cette question suscite la controverse. Si nous voulons offrir aux consommateurs le meilleur service possible, le meilleur choix, les meilleurs prix, nous ne voyons pas pourquoi ils ne pourraient pas avoir accès aux mêmes choix à Estevan, en Saskatchewan, ou à Minot, dans le Dakota du Nord. D'après ce qu'indiquent les chiffres, le marché aux États-Unis est plus concurrentiel. Les activités de crédit-bail ne sont pas regroupées entre les mains d'un petit noyau de constructeurs automobiles importants qui, comme je l'ai dit, détiennent entre 70 et 80 p. 100 du marché au Canada.

Ceux qui nous ont parlé de location ont mentionné des préoccupations concernant les ventes liées et la protection des renseignements personnels. Nous avons affirmé qu'il faudrait mettre en place des garanties convenables avant d'ouvrir le marché à tous.

M. Dick Harris: Avez-vous réussi à repérer certaines garanties qu'il faudrait prévoir?

M. Harold MacKay: Oui. Le rapport décrit avec pas mal de détails le régime de protection des renseignements personnels que nous proposerions. Ainsi, il faudrait définir des normes minimales de base. Ces normes sont expliquées, de même que la manière de les appliquer.

• 1205

Pour ce qui est des ventes liées, nous préconisons aussi un régime plus prudent et plus discipliné que ce que prévoit actuellement l'article de la loi. Il importe aussi de prendre note qu'à notre avis, il faudrait conserver l'article actuel de la Loi sur les banques visant les gros véhicules que peuvent actuellement louer les banques qui les empêche de référer les clients à des concessionnaires particuliers. Il continuerait donc de s'appliquer aussi aux automobiles et aux véhicules légers en vue de mieux prévenir la pratique des ventes dirigées. C'est en effet l'objectif de l'article actuel. Il faudrait le conserver.

Du côté de l'assurance, nous sommes allés voir ce qui se faisait ailleurs dans le monde. Nous avons découvert que, dans la plupart des pays, les établissements de dépôt font concurrence aux compagnies d'assurance. C'est aussi le cas au Québec. Le Mouvement des caisses Desjardins avait déjà ce pouvoir dans certaines régions. Depuis les modifications apportées récemment grâce au projet de loi 188, ces pouvoirs sont accrus, ce qui signifie concrètement qu'au Québec, les caisses populaires ont un pouvoir qui est refusé à la Banque Nationale ou à la Banque Laurentienne d'en face.

D'après ce que nous avons pu établir, il serait logique d'étendre ici les protections offertes au Québec lorsque les caisses de crédit et les banques commenceront à vendre de l'assurance. On assurerait ainsi la protection des renseignements personnels, particulièrement des renseignements d'ordre médical, car ils seraient traités par une entité tout à fait distincte au sein de l'établissement, tant en termes de conservation des renseignements qu'en termes d'employés qui les traitent. Nous ne proposons pas que ceux qui offrent du crédit puissent offrir de l'assurance. Au contraire, il faudra créer, au sein des caisses de crédit et des banques, des services tout à fait distincts pour s'en occuper. Nous sommes convaincus que les régimes que nous proposons garantissent au client canadien qu'il aura tout autant accès à ces deux services financiers que les autres clients ailleurs.

Nous reconnaissons le besoin de prévoir une période de transition. Nous avons proposé que les grandes institutions financières, celles qui ont un avoir de plus de cinq milliards de dollars, ne se lancent pas dans ce commerce avant l'an 2002, même si les régimes de protection des renseignements personnels et de ventes liées sont déjà en place. Donc, nous reconnaissons la nécessité de prévoir une transition. Cependant, nous essayons de prévoir une période un peu plus longue et nous disons essentiellement que, lorsque ces institutions pénétreront le marché, le consommateur canadien devrait avoir le même choix que les autres.

Cela ne veut pas du tout dire que nous croyons que les Canadiens se rueront dans les banques pour acheter de l'assurance ou louer des autos. Ce n'est pas l'expérience qui a été vécue ailleurs et ce n'est pas ce que nous révèlent les données statistiques sur les niveaux de pénétration du marché. Cependant, cela offre un choix de plus. Dans une petite ville des Prairies, par exemple, cela voudra peut-être dire que la petite caisse de crédit locale, si elle adoptait le même régime—il semble que de nombreuses provinces suivent le dossier fédéral de près—, pourrait offrir un produit additionnel. Le fait de pouvoir offrir des services financiers personnels dans une petite collectivité pourrait faire toute la différence pour cette caisse. C'est donc une question de choix, une question d'option.

Croyons-nous être en train d'inciter les gens à se tourner vers les banques, les caisses de crédit et les caisses populaires? Pas du tout.

Le président: Ce sera votre dernière question.

M. Dick Harris: D'accord. À la recommandation 119 de votre rapport, à la page 254, il est question de la prestation de services financiers au Canada, à partir de l'étranger. On peut lire:

    La Loi sur les banques devrait être modifiée de manière à bien préciser que tous les fournisseurs de services financiers qui font de la publicité générale ou du marketing ciblé... sans être matériellement présents au Canada sont tenus de se conformer...

Les services financiers auxquels vous faites allusion ne sont pas définis. Prenons l'exemple de quelqu'un qui met son ordinateur en marche le matin. La première chose qu'il voit à l'écran, c'est: «Bienvenue aux services bancaires de Microsoft. Comment pouvons-nous vous être utiles?» Comme vous pouvez l'imaginer, avec le pouvoir dont jouit Microsoft sur le marché du logiciel, la société disposerait d'un atout incroyable par rapport à ses concurrents si le consommateur n'avait essentiellement pas d'autre choix que de voir son offre de services bancaires. Quel genre de règlement faudrait-il selon vous mettre en place pour empêcher ce genre de...

• 1210

M. Harold MacKay: Vous me posez là une question très difficile. Je suis tenté de vous répondre en vous racontant une petite anecdote.

Elle est peut-être d'une authenticité douteuse, mais il semblerait que le représentant principal d'une compagnie de logiciels aurait dit que les banques sont des victimes de l'autoroute de l'information. J'ignore s'il a raison ou pas, mais cette affirmation laisse croire que les fabricants de logiciels, que les vendeurs de technologie, pourraient fort bien se voir comme des fournisseurs de services financiers puisque leur technologie est la porte qui donne accès à ces services. Il faudra aussi décider si, à ce moment-là, ils offrent des services informatiques ou des services bancaires, s'ils ont franchi la ligne de démarcation. Une fois que les transactions seront internationales, le problème sera encore plus compliqué.

De toute évidence, ce genre de concurrence représente un enjeu majeur pour le milieu bancaire. Nous n'avons pas essayé de résoudre tous ces problèmes. Nous nous sommes plutôt efforcés, si l'on fait de la publicité générale ou du marketing ciblé pour attirer des emprunteurs... Si vous lisez bien nos recommandations, vous verrez que nous avons pris grand soin de faire une distinction entre ceux qui acceptent l'argent des Canadiens, que ce soit sous forme de prime d'assurance ou de dépôt bancaire—pour ceux-là, il faudrait selon nous maintenir en place la réglementation et il faudrait s'efforcer de faire respecter ces règlements pour éviter que les Canadiens ne puissent récupérer leur argent. Cela pourrait présenter toutes sortes de difficultés, sur le plan de l'exécution de la loi, des gens des Antilles ou de l'étranger essayant de passer par Internet. Il n'est donc pas question d'assouplir le régime de réglementation.

Par contre, il existe, comme nous l'affirmons dans le rapport, un très grand nombre de produits de services financiers qui ne sont pas de cette nature et qui ne permettent pas, par exemple, d'offrir aux Canadiens du crédit. À ce moment-là, nous croyons qu'il faudrait avoir en place un régime clair qui permettrait de faire, de l'extérieur du Canada, de la publicité générale, du marketing ciblé ou d'utiliser d'autres moyens, comme Internet.

Quand Wells Fargo a commencé à offrir au Canada de petits prêts commerciaux, le droit canadien n'était pas très clair. La société n'arrivait pas à décider si elle pouvait brasser des affaires ici de l'étranger sans tomber sous le coup du régime de réglementation. Son fonctionnement suscitait beaucoup de questions.

Par conséquent, nous estimons qu'il faut permettre, dans un monde de commerce international, à ceux qui souhaitent offrir du crédit à des Canadiens ou leur offrir des services financiers autres que d'accepter des dépôts ou d'offrir des polices d'assurance—car il faut alors compter que l'argent pourra être rendu aux consommateurs—, de le faire tant et aussi longtemps qu'ils sont disposés à respecter les normes canadiennes de protection du consommateur, de divulgation de renseignements et tout le reste, et qu'en cas de litige, ils acceptent de s'en remettre à la décision d'un tribunal canadien.

C'est une première ouverture au commerce électronique international, mais à titre provisoire. Des rencontres sont prévues ici au Canada au début d'octobre, je crois, pour traiter de commerce électronique à l'échelle internationale.

La plupart des pays semblent temporiser quant à la manière de réglementer. De très grands enjeux sont en cause. Le seul moyen d'y voir sera la coopération internationale parce que, s'il faut des organismes de réglementation, il faut aussi qu'il y ait des règles de conduite à l'intention du marché, des règles concernant la solvabilité et d'autres. J'avoue que nous n'avons pas réglé tous ces problèmes dans notre rapport, monsieur Harris.

Le président: Merci, monsieur MacKay, monsieur Harris.

[Français]

Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Moi aussi, j'ai été étonné, messieurs MacKay et Ducros, par le contenu de votre rapport. Tout d'abord, j'aimerais savoir combien de temps vous avez consacré aux audiences, au travail de rédaction et au dépôt final de votre rapport.

M. Pierre Ducros: Le groupe de travail a été fondé en décembre 1996. Il a réellement commencé son travail en janvier 1997. Il a remis son rapport en septembre 1998. On parle donc d'une vingtaine de mois. Pendant ces 20 mois, on a d'abord présenté un document de travail à tous ceux qui voulaient y répondre. Nous avons reçu un peu plus de 250 réponses sur ce document de travail. Le groupe de travail s'est promené un peu partout au Canada, de Victoria jusqu'à Saint-Jean de Terre-Neuve. Nous avons rencontré au-delà d'une centaine de personnes. Un rapport intérimaire sur les fusions en dehors des banques à charte a été publié le 11 juillet 1997 et, finalement, on a eu ce rapport de septembre 1998.

• 1215

M. Odina Desrochers: Merci. Trouvez-vous normal qu'on prenne seulement 16 jours pour demander leur avis aux gens qui s'intéressent à cette question, particulièrement en ce qui concerne toute la survie des services financiers dans les collectivités rurales au pays, au Québec et dans la circonscription de Lotbinière, que je représente? S'il vous a fallu 20 mois pour faire votre travail, comment peut-on régler cette question-là en 16 jours?

[Traduction]

M. Harold MacKay: Je ne sais pas d'où vient ce chiffre de 16 jours.

[Français]

M. Pierre Ducros: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire quand vous parlez de 16 jours. Je ne comprends pas du tout.

M. Odina Desrochers: Il s'agit de la tournée que le Comité des finances va faire.

[Traduction]

M. Harold MacKay: Je suis sûr que notre cadre vous aidera à respecter le délai.

[Français]

M. Pierre Ducros: Ce n'est pas à nous de vous dire combien de temps le Comité des finances doit prendre pour sa tournée à travers le Canada. Ça, c'est une question politique et c'est à vous de résoudre ce point-là. Pour notre part, nous avons fait un travail de 20 mois en essayant de mettre les balises selon notre vision des choses pour les prochaines années, jusqu'au début du prochain millénaire. Nous nous arrêtons là. Pour ce qui est de la manière dont le Comité des finances de la Chambre ou le Comité sénatorial des banques et du commerce va se pencher sur cette question, c'est votre problème et non le nôtre.

M. Odina Desrochers: Je ne vous parle pas de...

[Traduction]

Le président: Vous n'avez qu'à nous dire comment construire l'avenir du secteur des services financiers. C'est à cela que vous allez vous limiter.

[Français]

M. Yvan Loubier: Sérieusement, vous avez travaillé pendant 20 mois à un rapport qui est somme toute très sérieux. D'ailleurs, les éloges que je vous ai faits tout à l'heure n'étaient pas gratuits, parce que je suis normalement assez avare d'éloges. Vous avez fait un travail sérieux pendant 20 mois. Comme vous l'avez dit, messieurs MacKay et Ducros, ce travail va engager le Québec et le Canada pour les 15 à 20 prochaines années, parce qu'il y a des transformations radicales dans nos façons de faire dans les secteurs financier et bancaire en particulier. Est-il normal de ne prendre que 16 jours pour analyser toutes ces recommandations, alors que vous avez fait 20 mois de travail et que cela va nous engager pendant 20 ans? C'est ça, la vraie question qu'il faut poser. Il n'y a pas de blague à faire à ce sujet.

[Traduction]

M. Harold MacKay: Je crois que nous devons nous en remettre à vous et à vos collègues pour établir un calendrier approprié d'examen de ces questions. Je ne crois pas que nous puissions réellement vous aider.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je peux vous dire que j'ai des réserves en ce qui concerne les 16 jours. Moi, je peux le dire parce que je fais de la politique.

Maintenant, compte tenu des 124 recommandations, de la réglementation et des expertises qui sont données, tant au Québec qu'au Canada, comment allez-vous faire pour respecter la Constitution dans les chevauchements entre Québec et Ottawa?

M. Pierre Ducros: Vous allez constater que dans le rapport et dans chacun des documents d'information, on demande à maintes reprises le respect des juridictions provinciales, qu'il s'agisse de la juridiction québécoise ou de celles des autres provinces. Donc, on demande le respect des juridictions. Il ne fait aucun doute qu'on vous propose le respect des juridictions. Cependant, on vous propose aussi de faire beaucoup d'efforts pour harmoniser ces juridictions de façon à ce que le système financier puisse aller de l'avant et que les consommateurs de tout le Canada puissent profiter de ce rapport.

D'un côté, on ne veut aucunement attaquer les juridictions provinciales. De l'autre, il faut assurer l'harmonisation de ces juridictions.

M. Yvan Loubier: J'ai maintenant deux questions de nature très technique à vous poser.

Vous parlez d'un congé de taxes et d'impôts pendant une période de 10 ans pour certaines nouvelles institutions qui pénétreraient le marché. Premièrement, comment peut-on justifier cette période de 10 ans? Deuxièmement, comment peut-on justifier que cette mesure soit réservée aux entreprises financières alors qu'il y a d'autres entreprises tout aussi méritantes, dans le secteur du logiciel ou ailleurs, qui pourraient bénéficier d'un congé de taxes, mais peut-être pas de 10 ans car je ne suis pas d'accord sur une période aussi longue? Troisièmement, une nouvelle banque qui intégrerait le marché et qui serait le résultat d'une fusion, par exemple de l'une des deux premières fusions annoncées en janvier et en avril, serait-elle, selon vous, une nouvelle institution financière qui pourrait bénéficier du congé de taxes et d'impôts?

• 1220

Je vais poser tout de suite ma deuxième question. Est-ce volontairement que vous n'avez aucunement traité du secteur des valeurs mobilières dans votre volumineux rapport?

[Traduction]

M. Harold MacKay: Permettez-moi d'abord de répondre à la première question.

Notre suggestion d'accorder un congé de taxe a trait à la taxe sur le capital. Elle ne concerne pas les taxes sur les profits. Ça, c'est la première chose. Nous ne proposons absolument pas d'accorder un congé d'impôt sur les bénéfices des sociétés. Nous faisons la proposition parce que le capital est au coeur d'une institution financière, et que son érosion au cours des premières années peut entraîner à sa perte une nouvelle institution. Si nous voulons favoriser la création de nouvelles institutions, nous pensons que nous ne devrions pas procéder de cette façon. Cependant, si elle est rentable dès le départ, nous disons qu'elle devrait verser des impôts sur ses bénéfices.

Pour répondre à votre question au sujet des grandes institutions qui pourraient profiter de la règle, nous n'avons jamais imaginé que cela pourrait être le cas. Nous ne les voyons pas comme de nouvelles institutions et espérons, si la suggestion est retenue, que cela sera indiqué clairement dans la législation habilitante.

Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question au sujet des valeurs mobilières.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je vous demandais si vous aviez omis volontairement de traiter de la question des valeurs mobilières. C'est un segment important du secteur financier.

[Traduction]

M. Harold MacKay: Oh, je vois.

[Français]

M. Yvan Loubier: Pourquoi n'y a-t-il pas de recommandation spécifique à cet égard?

M. Pierre Ducros: On s'est penchés sur les secteurs qui, selon nous, devaient être examinés. Pour nous, le secteur des valeurs mobilières était surtout un secteur orienté vers les plus grandes entreprises ou les consommateurs qui ont une capacité plus grande de faire des choix. Tout le long de notre rapport, on s'est concentrés sur le consommateur et on n'a pas senti le besoin de s'attaquer directement à ce sujet.

M. Yvan Loubier: Cela veut dire qu'une commission canadienne des valeurs mobilières n'était absolument pas pertinente à la préparation du secteur financier aux défis qui nous attendent en l'an 2000.

M. Pierre Ducros: Une commission nationale, dites-vous?

M. Yvan Loubier: Une commission canadienne, oui.

M. Pierre Ducros: On n'a pas examiné cela. Il ne nous a pas semblé que c'était la chose à présenter à ce moment-ci.

M. Yvan Loubier: C'est bien. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.

Monsieur MacKay, je crois qu'au Canada nous disposons de l'un des meilleurs systèmes financiers au monde, et je crois que vous partagez cet avis. Plusieurs facteurs en fournissent la preuve. L'un est que nous avons toujours été à l'avant-garde dans l'utilisation des technologies. Vous avez parlé dans votre exposé du taux élevé d'utilisation d'ordinateurs et de guichets automatiques.

À mon avis, l'une des meilleures façons de savoir si une industrie est en santé, c'est de regarder les profits réalisés par les sociétés qui en font partie, et nous savons que nos sociétés sont en très bonne santé à cet égard. J'ai donc beaucoup de mal à comprendre que des gens puissent dire que le statu quo n'est pas acceptable. Il me semble que si les choses vont si bien, il y en a certains qui souscriront à la doctrine du trop gros pour faire faillite. Je pense que j'aurais aimé vous entendre dire que plus on tombe de haut, plus dure est la chute.

Comme entrepreneur, je suis partisan de la doctrine qui dit que nous n'avons pas à corriger ce qui marche. Donc, si nous devons intervenir, j'aimerais que vous me disiez quel délai nous, législateurs, devrions fixer? Est-ce un an, deux ans, trois ans? Quel délai?

M. Harold MacKay: Tout d'abord, notre boule de cristal n'est pas plus précise que la vôtre pour répondre à cette question.

M. Nick Discepola: Mais y a-t-il urgence?

M. Harold MacKay: Nous avons un sentiment d'urgence, non pas parce que le système est brisé, mais parce qu'une fois que Humpty Dumpty tombe du mur, on ne peut plus le remettre d'un seul morceau.

M. Nick Discepola: Mettez-le en prison.

M. Harold MacKay: À moins qu'on ne le mette en prison. Ce que nous disons, c'est qu'il faut intervenir pendant que nous le pouvons encore et que nous devons le faire en ayant à l'esprit un certain sens de l'urgence mesurée, j'imagine que ce serait la façon dont on pourrait...

M. Nick Discepola: Pourriez-vous nous donner une idée du délai?

• 1225

M. Harold MacKay: Eh bien, nous avons dit que nous pensons que nous verrons des progrès technologiques, par exemple, avant longtemps. Je ne pense pas pouvoir vous aider en vous disant que ce sera dans 18 mois ou dans six mois ou dans trois ans, mais vous remarquerez que toutes les choses que j'ai signalées arriveront à court terme.

Les changements se produisent à une vitesse vraiment incroyable. La concentration dans l'industrie de l'assurance, pour prendre un exemple, est un phénomène mondial, qui entraîne un changement dans les modes de distribution. Permettez-moi de vous donner un autre exemple: le succès des centres téléphoniques pour certains produits de l'assurance. On est passé d'une pénétration de 12 p. 100 à une pénétration de 20 p. 100 en trois ans. C'est très rapide, c'est un changement radical.

Donc, de nouvelles avenues se présentent presque chaque année pour la plupart de ces produits. De nouveaux intervenants prennent pied dans le marché. De grandes choses se produisent. Nous nous sommes contentés de dire qu'il nous faut reconnaître la rapidité du changement. N'attendons pas de devoir corriger quelque chose qui est effectivement brisé, mais reconnaissons que le statu quo n'est plus une option valable au sens que nous devons poursuivre des stratégies constructives, que nous dirigions une institution financière... Si le mouvement des coopératives de crédit fait les choses à l'ancienne au cours des 10 prochaines années, il n'y aura sensiblement plus beaucoup de mouvement dans 10 ans. Et je crois que la plupart des gens dans le mouvement des coopératives de crédit seraient d'accord. C'est la même chose si vous dirigez une banque, si vous dirigez votre ménage, ou si vous dirigez le BSIF.

Nous ne disons pas que le système est cassé. Je suis d'accord avec votre prémisse: notre système est fort. Nous disons de ne pas y toucher, non pas pour le bénéfice de ces institutions mais pour celui des gens qu'elles desservent.

M. Nick Discepola: Mais il y en a qui pensent que nous devons agir et agir rapidement. Cela me fait peur. Je veux dire, je veux faire ce qu'il y a à faire.

M. Harold MacKay: Oui.

M. Nick Discepola: Comme vous l'avez dit au cours de la conférence de presse, il s'agit d'un processus irréversible.

M. Harold MacKay: Ce l'est.

M. Nick Discepola: Une fois que nous irons de l'avant, quelles que soient les conditions que nous imposions à ces fusions, ou qu'importe ce que nous voulions en retirer, nous allons devoir nous rendre compte qu'il nous est impossible de retourner en arrière.

M. Harold MacKay: Oui.

M. Nick Discepola: Quand j'ai écouté la conférence de presse, cela m'a fait sourire quand vous avez dit que nous devrions peut-être envisager des sentences d'emprisonnement en cas de non-respect de ces conditions. J'aimerais que vous nous en disiez davantage au sujet des mesures que nous pourrions envisager d'imposer d'après vos recommandations. De façon réaliste, allons-nous de l'avant en nous disant que les industries vont respecter leurs engagements, ou envisagez-vous sérieusement que nous légiférions sur la question pour imposer une forme quelconque de pénalités, de peines d'emprisonnement ou autre chose?

M. Harold MacKay: Tout d'abord, nous étions sérieux. Je crois avoir dit également au cours de la conférence de presse qu'il s'agit d'une affaire sérieuse. Du côté des fusions, il s'agit de décisions irréversibles. Mais il reste que c'est une affaire sérieuse et que le fait que vous puissiez ne pas pouvoir changer ce que vous avez fait n'est pas une raison de se mettre la tête dans le sable et de dire: «Je ne vais pas examiner à fond la question. Je ne vais pas me servir du processus le plus transparent que j'ai à ma disposition pour savoir quel impact une telle chose aura sur l'intérêt public, si ce sera bon ou mauvais, mais je vais attendre de voir ce que les parrains sont prêts à mettre sur la table pour le bien du pays.» Comme je l'ai dit plus tôt, ils savent mieux que quiconque les avantages et les inconvénients de ce que cela suppose.

Il faut ensuite un processus délibéré, très ouvert. Et délibéré ne signifie pas étalé sur des années et des années. Je pense que notre propre démarche au groupe de travail en est un exemple. Comme l'a dit M. Ducros, nous avons tout d'abord présenter un document de travail, sollicité le dépôt de mémoires à une date déterminée, avant d'entamer le débat. Quand nous avons annoncé notre demande dans Internet, il a été très intéressant de voir comment s'organisait rapidement le débat public au fur et à mesure que les organisations et les individus prenaient connaissance de notre demande. Il ne s'agissait pas seulement de grandes institutions; il y avait également des entités sociales agissant pour le compte de la clientèle qu'elles représentent, les petites entreprises et d'autres institutions.

Sur toutes ces questions, nous devons avoir le courage de reconnaître que nous devrons procéder à certains changements, que nous avons la discipline de le faire soigneusement pour aller de l'avant.

M. Nick Discepola: Mon dernier commentaire a trait à votre vision quand vous dites espérer que le système sera concurrentiel, ouvert, offrant beaucoup de choix et de niveaux de service aux Canadiens, un secteur fort de toute évidence. S'agissant de la concurrence, je crois fermement que la meilleure façon d'y arriver est de laisser jouer les forces du marché pour en fin de compte obtenir le niveau de service que vous voulez et le niveau de concurrence que vous voulez.

• 1230

Mais quand nous parlons de concurrence et de permettre à des institutions d'offrir toutes sortes de services horizontaux... Il y a bien des années, on nous a dit que si nous voulions survivre dans une industrie, nous devions offrir des services verticaux. À l'heure actuelle, si je regarde les choix qui s'offrent aux consommateurs, il peut s'agir de choix limités, je l'admets, mais j'ai au moins le choix pour certains services financiers entre cinq ou six institutions. J'ai le choix entre des centaines de concessionnaires, entre des centaines d'agents d'assurance. Il s'agit tous de gens dans la petite entreprise. Je ne tiens pas compte ici du nombre de fermetures de succursales auxquelles nous assistons, au nombre de petites entreprises, d'entreprises familiales, qui peuvent faire faillite.

Si tout cela servait à accroître la concurrence, alors je crois que les consommateurs auraient encore des choix, mais ce n'est pas ce qui se passe. Essentiellement, ces grandes institutions deviennent plus grosses, offrent plus de services, et tout ce qui les intéresse ce sont les sacro-saints bénéfices nets. Je n'ai pas encore vu d'institution dire que le consommateur va en profiter.

Dans ces conditions, comment pouvons-nous créer de la concurrence et permettre à cinq ou six institutions d'en devenir une ou deux?

M. Harold MacKay: Notre rapport contient toute une série de suggestions permettant d'obtenir un marché concurrentiel, fringant. Par exemple, nous avons suggéré aux membres d'Interac d'envisager sérieusement d'utiliser leur système pour accepter des dépôts de même que des retraits. Cela pourrait contribuer à instiller de nouvelles forces de concurrence dans le marché. Nous avons proposé que les sociétés d'assurance et les sociétés de fonds de placement sur le marché monétaire fournissent des services de transaction par le biais des comptes. Nous avons donné une longue liste de façons dont notre marché actuel refuse artificiellement la concurrence.

Je crois que nous sommes d'accord avec votre prémisse. La meilleure chose est de laisser un marché fonctionner de façon ouverte, d'obtenir autant de concurrence qu'on le peut d'un grand nombre de sources, ce qui fournira aux consommateurs le meilleur choix, les meilleurs prix, les meilleurs produits. Nous avons systématiquement suggéré d'abattre ces barrières.

Sur la question des fusions, cependant, nous avons également laissé entendre que l'intérêt public doit primer les intérêts individuels des sociétés et qu'il faut s'interroger sur l'intérêt public et la concurrence. Nous ne voyons pas d'illogisme dans le fait d'avoir d'autres fusions, qu'il s'agisse de sociétés d'assurance-vie—j'ai déjà mentionné qu'ils ont déjà un secteur intégré et en voie d'intégration. Nous ne voyons pas d'illogisme entre permettre certaines fusions et ouvrir le marché. Il faut y aller produit par produit. Il peut ou non y avoir une franche concurrence pour certains produits et une faible concurrence pour d'autres. Il ne faut pas s'attarder à un chiffre global, que ce soit dans le domaine de l'assurance ou des banques, et dire que quelqu'un possède 70 p. 100 de l'actif des banques ou 70 p. 100 de l'actif des assurances. Ce n'est pas une mesure de la concurrence.

Pour mesurer la concurrence, il faut par exemple examiner les prêts à la petite entreprise et voir quelle proportion est détenue par chacune des institutions. Le marché de la petite entreprise est intéressant. Il montre que le secteur bancaire fournit entre 50 et 60 p. 100 du financement, selon le produit. Le pourcentage demeure important, mais il n'est que de 50 ou 60 p. 100. Il montre qu'il y a eu des changements importants ces dernières années, mais c'est un produit particulier, un produit très important sur lequel, j'en suis sûr, le Bureau de la concurrence passe beaucoup de temps.

M. Nick Discepola: Mais vous dites que la concurrence peut exister même si on permet que le pouvoir soit concentré entre les mains d'une ou deux institutions, et je ne suis pas d'accord avec cela.

M. Harold MacKay: Non, ce que je dis...

M. Nick Discepola: Vous dites que les consommateurs auront encore des choix.

M. Harold MacKay: Je dis qu'il faut examiner chaque gamme de produits. Il faut vous assurer que la concurrence existe dans toutes les grandes gammes de produits.

M. Nick Discepola: Même si ces mêmes gammes de produits ne seront offertes que par une ou deux institutions.

M. Harold MacKay: De toute évidence, s'il devait y avoir une fusion de sorte que seulement deux institutions offrent la gamme de produits, le Bureau de la concurrence interviendrait. Je ne peux pas imaginer qu'il permettra qu'un produit, disons les prêts à la petite entreprise, ne soit offert que par deux institutions.

Le président: Merci, monsieur Discepola.

Monsieur Pillitteri.

• 1235

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur MacKay, je dois vous dire que je n'ai pas lu le rapport. En fait, je dois vous adresser mes compliments même si je ne l'ai pas lu. Certains de mes collègues doivent l'avoir lu et vous ont posé des questions à son sujet.

J'ai écouté votre exposé de ce matin et vous avez dit que le statu quo n'est plus une option valable. J'ai aussi entendu d'autres groupes dire que le statu quo en matière de commerce n'est pas non plus une option valable—quoique cela n'ait pas été dit ce matin.

Permettez-moi de dire, relativement aux fusions, que nous avons six banques nationales ici au Canada. Je veux que ce soit dit publiquement. Des Canadiens écoutent peut-être—ou quelqu'un un jour voudra peut-être lire certaines de ces transcriptions—et penseront qu'ils sont des citoyens de seconde zone. Je tiens à dire clairement que si nous regardons ce qui se fait du côté sud de la frontière, on y trouve plus de 5 000 banques, et qu'elles sont sur le point de fusionner. Bien entendu, il faudra pas mal de temps avant qu'elles aient un pouvoir aussi concentré dans le marché que nous ici au Canada avec les six banques nationales.

Je veux également dire au peuple canadien qu'il y a plus de règlements aux États-Unis qu'au Canada. Les banques régionales ne peuvent obtenir qu'un certain pourcentage du marché. Elles ne peuvent contrôler le marché.

En disant que ces choses se produisent, nous avons considéré le raisonnement selon lequel plus on est gros, mieux c'est. Bien entendu, quand nous posons des questions sur la technologie—et la technologie est beaucoup plus avancée ici au Canada qu'elle l'est au sud de la frontière—et considérons le service que les banques offrent aux Canadiens de nos jours... Par exemple, en matière de compensation, l'opération peut se faire en un jour ici au Canada. Je crois comprendre qu'aux États-Unis cela n'est parfois pas possible avant cinq jours. De même, la garantie des dépôts ici au Canada est beaucoup plus fiable qu'au sud de la frontière.

Ayant voyagé dans certaines parties des États-Unis et en Europe... Vous dites que nous ne voulons pas que nos citoyens deviennent des citoyens de seconde zone. Eh bien, quand je vais dans des banques en Europe, je n'obtiens pas la moitié des services que j'obtiens au Canada. Si je vais au sud de la frontière et que je veux acheter un rouleau de 25 cents, et je ne suis pas membre de leur banque, ils ne vont pas même me vendre un rouleau de 25 cents.

Parlons-nous davantage de services que de concurrence? Est-ce du service que nous voulons donner à la population? Elle en veut davantage. Plutôt que de se promener de magasin en magasin, elle veut se rendre dans un supermarché et y faire tous ses achats. Nous ne devrions vraiment pas confondre les deux.

Je suis un homme d'affaires, et penser que je vais recevoir un meilleur service d'un groupe, concentré entre les mains de deux... Je ne suis pas si naïf, monsieur MacKay. Je ne sais pas si les Canadiens le sont autant, mais je ne le suis certainement pas. Vous aimeriez peut-être m'en donner une explication. Je crois qu'il s'agit davantage de service que nous essayons d'offrir à la population du Canada plutôt que de concurrence.

M. Harold MacKay: J'espère que mes collègues et moi-même non plus, nous ne faisons pas preuve de naïveté à cet égard.

Premièrement, et je veux que ce soit bien clair, nos recommandations ne visent à favoriser ni les banques, ni les fusions. Elles visent à encourager un système ouvert où tous les intervenants pourront se livrer une vive concurrence.

J'aimerais vous signaler qu'il y a quatre grandes compagnies d'assurance-vie qui poursuivent le décloisonnement. Les entreprises de ce secteur sont nombreuses à vouloir élargir considérablement la gamme de leurs services financiers afin de devenir des concurrents plus efficaces et plus puissants sur le marché. Les coopératives de crédit cherchent elles aussi à devenir des fournisseurs plus solides. Les fournisseurs internationaux qui s'installent au Canada constituent des forces considérables dans le cas de certains produits, par exemple les cartes de crédit. Le secteur des services financiers connaît de grandes transformations.

• 1240

Nous disons que pour le Canadien moyen qui doit faire affaire avec une institution de services financiers, il est important qu'il ait le plus de choix possible. Le nombre d'organisations auxquelles il peut s'adresser devrait être le plus grand possible, non seulement pour des raisons de commodité mais aussi pour qu'il puisse avoir un excellent choix et pour que les prix soient les plus bas possible.

La possibilité de comparer les prix au moyen d'Internet est fort intéressante. Si l'une de ces grandes institutions offre un produit et que vous pouvez établir sans quitter votre demeure que ce produit n'est pas concurrentiel, il vous restera à décider en tant que consommateur si la commodité qu'il y a à faire affaire avec une grande institution pratiquant un prix élevé l'emporte sur le prix qu'il est possible de payer en achetant le service par le biais d'Internet, par exemple. Voilà la réalité que nous pouvons retrouver dans l'univers qu'il y a là quelque part. À mon avis, il est question ici de vraie concurrence et de bien-être du consommateur, et non seulement de commodité.

Je conviens avec vous que les institutions qui veulent se transformer en supermarchés veulent que la commodité et le service fassent partie de ce qu'elles vendent, parce que cela fait aussi partie d'un marché concurrentiel. Mais, selon moi, il y a autre chose que cette simple question.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le président, monsieur MacKay, en ma qualité d'omnipraticienne, je peux vous dire que certaines des choses les plus stressantes que vivent mes patients concernent leurs rapports avec les institutions financières. Quant à la question des renseignements médicaux, vous avez fait part d'une inquiétude bien précise à propos de l'amalgamation des renseignements médicaux et des renseignements relatifs aux décisions de crédit, comme vous l'avez dit dans votre réponse tout à l'heure.

Je crois que les consommateurs veulent en savoir un peu plus long sur ce qui se produit vraiment et ils veulent savoir également s'ils pourront vraiment voir à un moment donné dans une succursale rurale une personne qui s'occupe d'assurance. Si un consommateur se voit refuser un prêt après avoir rempli un formulaire en bonne et due forme qui indique qu'il a contracté le VIH ou qu'il vient de souffrir d'une crise cardiaque, comment peut-il être certain que ces renseignements n'ont pas été communiqués à cette succursale?

M. Harold MacKay: Permettez-moi de retourner au début et de dire que les inquiétudes de cette nature font partie du débat chaque fois que ce problème revient sur le tapis. Dans l'État d'Illinois, on a établi un code modèle portant sur la communication des renseignements, et des dispositions très semblables figurent aujourd'hui dans le projet de loi 188 au Québec. Ce sont des mesures de protection qui ressemblent beaucoup à celles qui sont en vigueur aux États-Unis, et celles-ci ressemblent beaucoup à nos recommandations. Nous nous inspirons de ce qui a été fait là-bas.

Toute cette question comprend deux grands aspects. Il y a d'abord la séparation rigoureuse des intérêts que l'on exige. Il a des difficultés, je le reconnais bien, mais il nous faut également des mécanismes d'application des règles qui soient rigoureux et musclés et qui soient crédibles au niveau des succursales. Voilà pourquoi nous ne sommes pas satisfaits des codes volontaires. Selon nous, ceux-ci ne donnent pas aux consommateurs le degré de confiance dont vous venez de parler et qu'il serait possible d'avoir grâce à un régime légiféré solide.

Nous avons signalé également que le régime de protection des renseignements personnels qui serait institué comprendrait des vérifications périodiques par le BSIF, qui est l'organisme de réglementation fédéral pour les questions de cette nature concernant les consommateurs, ou encore par tout autre organisme de réglementation compétent. Mais le système doit être assez musclé pour qu'il y ait bel et bien séparation. D'après ce que nous ont dit d'autres instances, le système donne déjà les résultats voulus et il se crée un degré de confiance lorsque le code modèle des États-Unis est utilisé, par exemple, et on peut ainsi surmonter ces problèmes. Il s'agit selon nous d'un problème d'envergure, et vous verrez que nous avons établi les limites très clairement.

Mme Carolyn Bennett: À propos du projet de loi 188, les consommateurs au Québec vous ont-ils fait part de préoccupations concernant le fonctionnement des caisses populaires?

Je devrais passer directement à ma troisième question: Diriez-vous que les consommateurs se sont suffisamment fait entendre?

• 1245

M. Harold MacKay: Je crois que nous avons mentionné dans le rapport que les groupes de consommateurs ont eu de la difficulté à s'adresser à nous à cause du manque de financement et des problèmes courants qui se posent.

À notre avis, le Canada s'en porterait mieux si les consommateurs avaient davantage voix au chapitre lorsqu'il est question des services financiers. La question est de savoir comment y parvenir. Nous l'examinons dans le rapport et présentons quelques idées.

Beaucoup de consommateurs se sont adressés à nous. Je ne saurais vous dire si le nombre a été suffisant, mais je suis vraiment fier du fait que partout au pays, on dit de ce rapport qu'il est axé sur le consommateur. Donc je ne saurais vous dire si ce que nous avons entendu était suffisant ou assez représentatif, mais ce sont sur ces faits que nous nous sommes fondés.

Nous avons abordé la question de la concurrence du point de vue du consommateur et non du point de vue des institutions, puis nous avons établi que les consommateurs étaient importants pour deux raisons: les consommateurs avertis apportent une discipline à la concurrence sur le marché, et c'est pourquoi nous avons des recommandations qui concernent la clarté des documents, la transparence des documents et, une communication plus efficace et plus opportune des renseignements de la part des compagnies d'assurance et d'autres. Non seulement il y aura responsabilisation des consommateurs du point de vue des renseignements, mais aussi les consommateurs seront traités avec équité et sauront que le système juridique les appuie, et nous pouvons donc dire qu'il y a des droits privés d'action en justice et d'autres disciplines dans le système.

Mes collègues et moi-même, nous nous réjouissons du fait que les Canadiens abordent notre rapport sous cet angle. C'est ce que nous voulions qu'il se produise.

Le président: Merci. Passons tout de suite à deux autres questions.

Monsieur Shepherd, suivi de M. Pratt.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je vous remercie infiniment.

Il a été question ici aujourd'hui de changement, et un autre terme que nous pouvons utiliser et qui s'associe ordinairement aux changement est la volatilité. Je vais poser ma question en songeant aux petites et aux moyennes entreprises, mais je crois qu'elle s'applique à beaucoup d'autres secteurs.

Malgré tout ce qu'on en dit, les prêts consentis aux petites entreprises au Canada sont des prêts à court terme, car dans le fond, pour la plupart des prêts consentis aux gens, on peut demander le remboursement dans 30 jours. Nous parlons de produits concurrentiels sur le marché. En réalité, de tels produits n'existent pas pour les petites entreprises.

Nous vivons à une époque où les institutions financières et les autres structures commerciales s'intéressent presque exclusivement à la profitabilité à court terme, aux bénéfices réalisés pendant le dernier trimestre, aux chiffres d'affaires du mois en cours. Nous avons parlé d'innovation technologique, et celle-ci se produit également au sein des entreprises. En d'autres mots, les banques et les autres institutions financières sont en mesure de compartimenter leurs marchés; c'est dire qu'elles peuvent concentrer sur les secteurs à marge élevée et ensuite se livrer à une concurrence entre elles-mêmes.

Ajoutez à cela les mouvements de capitaux entre secteurs au sein de l'économie et entre pays et zones géographiques à l'extérieur de notre pays, à cause de la mondialisation. Ajoutez ensuite un autre facteur appelé la domination économique, qui survient lorsque ceux qui offrent ces produits sont de moins en moins nombreux, et tout à coup, la vraie question devient celle de savoir s'il y a moyen d'avoir accès aux capitaux. Au nombre des choses qu'il faut aux petites entreprises, il y a la certitude qui doit exister à cet égard. Nous finançons les stocks, nous finançons les comptes client; la possibilité que l'on nous retire ces capitaux du jour au lendemain est une chose que nous ne pouvons pas endurer.

Donc toute cette question de volatilité constitue-t-elle en fait un obstacle à la création d'entreprises, et n'y a-t-il pas d'autres aspects dont il faudrait s'occuper avant d'aller plus loin, par exemple, les prêts à terme et les mesures à prendre à cet égard, et ainsi de suite?

M. Harold MacKay: Je crois que le terme «volatilité» convient très bien. Un terme que nous avons employé à plusieurs reprises dans le rapport est «turbulence»—nous croyons que nous vivons à une époque turbulente.

Bien sûr, les fournisseurs vont tenter d'expliquer pourquoi ils établissent les prêts comme ils le font, en invoquant des questions de suffisance de capitaux et les moyens à prendre pour tenir compte du risque au moment des prêts afin de répondre aux normes en matière de réserves de capitaux. Il s'agit là en fait d'un problème particulier dans l'établissement de la structure des prêts et dans l'imposition de nouvelles conditions de remboursement.

Mais avec un peu de recul et en adoptant une démarche plus générale, je crois que s'il y a un plus grand nombre de fournisseurs de produits sur le marché, une plus grande diversité de fournisseurs, on pourra certainement régler plus facilement la question que vous venez de mentionner, parce que les institutions auront des points de vue différents quant aux secteurs qui sont intéressants et ceux qui ne le sont pas.

• 1250

Je crois que ce que nous avons pu faire en somme est rappeler l'importance d'un marché concurrentiel. Faisons ce qu'il faut pour qu'il y ait le plus de participants possible, et cela vaut autant pour les petites entreprises que pour tous les autres types de produits. Il y a eu en fait au cours des années une évolution assez marquée sur le marché des petites entreprises, ce que nous signalons dans le rapport, et il y a eu un déplacement plus marqué, par exemple, vers les compagnies de location et de prêts d'actifs, dont certaines ont connu une croissance de 9 à 15 p. 100 ces dernières années pour ce qui est de leur part du marché. Les caisses populaires constituent d'importants prêteurs pour la petite entreprise dans certaines provinces, mais ce n'est pas le cas dans d'autres. C'est là une autre raison qui justifie qu'elles disposent de ces pouvoirs plus étendus à l'échelle nationale.

Enfin, pour ce qui est des petites entreprises en général et de la question de la disponibilité des capitaux, nous avons été frappés par le peu de renseignements qu'il était possible d'obtenir dans notre système. En dépit des débats et des études qui se sont poursuivis pendant de nombreuses années, il ne semble toujours pas y avoir de bons renseignements. C'est déconcertant, mais c'est ce que notre chercheur a constaté.

C'est donc avec intérêt que nous avons appris qu'aussi bien aux États-Unis que dans une étude très récente effectuée par la Federal Reserve, on disait que l'insuffisance des renseignements était le principal problème que présentaient les politiques en matière de financement des petites entreprises, et la même chose a été constatée au Royaume-Uni.

C'est ainsi que nous avons présenté un ensemble très complet de recommandations visant la collecte beaucoup plus systématique de renseignements concernant les petites entreprises pour que celles-ci, leurs organisations, les institutions financières, les parlementaires et les gouvernements provinciaux puissent vraiment connaître et comprendre ce marché lorsqu'il s'agit de mettre au point les politiques publiques. À l'heure actuelle, il n'y a pas suffisamment de renseignements sur les attitudes du côté de la demande ou du côté de l'offre pour que les gens puissent être certains de pouvoir avoir accès à des capitaux, comme vous le mentionniez. L'Association des banquiers canadiens produit certains renseignements, mais aucun autre fournisseur du marché n'en produit, et les autres intervenants du marché fournissent environ la moitié de ce qu'il faut au marché. Il y a donc beaucoup à faire en ce qui concerne les renseignements et, selon moi, si nous parvenons à obtenir ces renseignements, nous pouvons commencer à nous occuper de ces questions d'accès aux capitaux que vous mentionnez. Mais il faut s'y mettre et trouver les données.

M. Alex Shepherd: Avant d'autoriser les fusions?

M. Harold MacKay: Non. Tout compte fait, on peut procéder tout de suite à l'évaluation du marché du point de vue du financement de la petite entreprise. Nous avons dit que l'un des aspects les plus problématiques dans l'analyse des fusions sera les services de compte d'affaires pour les petites entreprises. Dans leur cas, il ne suffit pas d'obtenir simplement un prêt; il faut disposer également des comptes d'opération permettant l'exploitation de l'entreprise. Nous croyons que les ensembles de services constitueront un domaine d'analyse difficile pour le Bureau de la concurrence. Au bout du compte, c'est un produit qui doit faire ses preuves, car autrement, je suis sûr qu'il n'y aura pas de fusion.

Le président: Je vous remercie, monsieur MacKay. Merci, monsieur Shepherd.

Une courte question, monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur MacKay, quelqu'un a dit ici aujourd'hui, et je tiens à le répéter, que la qualité de la consultation publique peut certainement avoir un impact direct sur la qualité des décisions en matière de politique gouvernementale, en ajoutant que la qualité du processus de consultation dépend certainement de la volonté de certains intervenants clés de participer activement au processus.

Je ne sais pas si ce que j'ai pu voir est typique, mais j'ai organisé la semaine dernière dans ma circonscription une rencontre de discussions ouvertes sur les fusions des banques. Il y avait deux camps: deux pour et deux contre. Deux des banques ont été invitées. Une banque et un petit groupe représentant la petite entreprise qui s'opposaient aux fusions étaient également présents. À la dernière minute, pour des raisons mystérieuses, l'une des banques s'est décommandée. On m'a dit que ce n'était pas la première fois que celle-ci agissait ainsi. Je n'en ai pas fait de cas, jusqu'à ce que j'entende dernièrement des commentaires à la radio de la CBC à propos d'un dialogue qui devait avoir lieu. L'une des banques mentionnées a fait savoir que les émissions-débat ne l'intéressaient pas. En fait, ils ont demandé carrément à l'animateur de l'émission quel intérêt ils avaient à y participer.

Je me demandais simplement si ce que j'ai pu constater d'après ce que j'ai vu et entendu est représentatif de la volonté de certaines des institutions financières de participer au débat public. Il semblerait que certaines des banques prennent part activement au débat. Par exemple, celles qui sont venues à la rencontre dans ma circonscription défendaient vigoureusement leurs positions, et j'ai trouvé cela très constructif.

Peut-on dire que ce que j'ai vu est représentatif? Qu'en pensez-vous?

• 1255

M. Harold MacKay: Je ne peux répondre que dans l'optique de notre propre processus. Les diverses institutions et leurs associations, les banques et les autres industries, ont participé pleinement à notre processus et faisaient preuve de collaboration lorsque nous leur demandions de nous fournir des renseignements et de nous réunir. Donc je n'ai pas vu ce que vous venez de décrire.

Cependant, je tiens à ajouter une chose. Pour ce qui est des fusions, je tiens à préciser que nous sommes d'avis, étant donné les réalités de la vie, que les partisans des fusions doivent vraiment articuler clairement leur vision, préciser ce qu'ils comptent faire pour les Canadiens, comment ces mesures seront utiles et, s'il y en a qui vont souffrir, comment on va s'y prendre pour régler ces problèmes. Nous croyons que les partisans des fusions doivent faire preuve d'une franchise absolue. Nous avons affaire ici à de grandes entreprises honnêtes qui sont conscientes des responsabilités sociales. Elles vont être parmi nous pendant longtemps et elles ont intérêt à ce que le processus fonctionne bien. Selon nous, il doit fonctionner de manière beaucoup plus disciplinée, comme je l'ai dit à la conférence de presse, et il ne suffit pas d'un communiqué ici et d'un discours là pour essayer de le rapiécer et d'en donner une image globale. Voilà ce qui explique les recommandations que nous avons présentées.

M. David Pratt: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Pratt.

Monsieur MacKay, monsieur Ducros, monsieur Gorbet, au nom du comité, je tiens à vous faire part de nos remerciements sincères pour vos témoignages. Je crois que vous avez fait ressortir clairement l'importance des quatre thèmes de votre rapport ainsi que les forces du changement qui sont en train de transformer notre système.

J'aimerais revenir au commentaire que vous avez fait à propos d'une boule de cristal. Il est certainement difficile de prédire l'avenir, mais je suis persuadé que même si nous ne pouvons pas le faire, nous pouvons certainement aider à le bâtir, et à bien des égards, c'est ce que votre rapport cherche à faire. Donc au nom du comité, encore une fois, merci.

M. Harold MacKay: Je vous remercie infiniment.

Le président: La séance est suspendue pour quelques minutes.

• 1257




• 1306

Le président: Nous reprenons nos délibérations. Nous allons examiner la motion du Parti réformiste, conformément à ce qui a été convenu plus tôt dans la réunion du comité, voulant que le Comité permanent des finances constitue un comité chargé d'examiner le licenciement de l'actuaire en chef du Régime de pensions du Canada, Bernard Dussault.

Je crois que Mme Ablonczy a déjà pris la parole à ce sujet. Y a-t-il d'autres observations?

Mme Diane Ablonczy: En réalité, je n'ai pas pris la parole sur cette question. J'ai simplement déposé la motion.

Le président: D'accord, vous avez déposé la motion. Voulez-vous en débattre?

Mme Diane Ablonczy: Oui, monsieur le président, je vous en saurais gré.

Monsieur le président, comme les membres du comité le savent, nous avons appris que l'actuaire principal du Régime de pensions du Canada avait été congédié le 25 août et nous l'avons découvert à la fin de la semaine dernière. Comme le savent aussi les membres du comité, l'actuaire principal est le premier responsable du calcul du Régime de pensions du Canada dont dépendent tous les travailleurs canadiens. Le fait que son congédiement ait eu lieu quelques semaines seulement avant la publication de son importante étude triennale, y compris les études projectives sur les cent années à venir en ce qui a trait à la performance du plan, suscite un certain nombre de questions non seulement chez l'Opposition officielle, où les questions sont toujours abondantes, mais dans la population aussi.

Je pense, monsieur le président, qu'en tant que parlementaires responsables, il nous incombe de rassurer le public que l'information contenue dans ce rapport et dans les rapports subséquents est fiable. On établira cette confiance par le biais d'une enquête exhaustive qui permette de conclure que le congédiement de M. Dussault n'est pas survenu parce que quiconque voulait modifier ou triturer les chiffres qu'on cite aux Canadiens dans le cadre du Régime de pensions du Canada.

Comme vous le savez, monsieur le président, en tant que parlementaires nous avons la garde du Régime de pensions du Canada et ainsi nous voulons nous assurer qu'on ne compromette en aucune façon la confiance qu'on prête à ces chiffres. Je pense que ce congédiement très inopportun a certainement soulevé le spectre de la fiabilité. Je propose donc au comité qu'on constitue un sous-comité pour faire enquête sur le congédiement de M. Dussault; il n'y a pas de raison légale qui nous empêche de traiter de ce sujet. La question n'a pas été portée devant les tribunaux; M. Dussault a simplement déposé un grief auprès de son syndicat.

Donc, monsieur le président, je pense qu'il nous incombe afin de rassurer les Canadiens sur cette question très critique d'effectuer une enquête sur les antécédents et les raisons qui ont mené à ce congédiement plutôt inhabituel à un moment inhabituel. Il faut voir si nous pouvons rassurer le public qu'il ne s'est rien passé de particulier et qu'il n'y a aucune raison derrière ce congédiement qui puisse miner la confiance qu'on porte aux projections et statistiques du Régime de pensions du Canada.

Pour cette raison, j'encourage les membres du comité à appuyer la motion.

Le président: Je vous remercie, madame Ablonczy.

Monsieur Valeri.

• 1310

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais dire très clairement qu'on ne s'oppose pas à la création d'un sous-comité. Je pense qu'il est important de noter toutefois que cette personne a maintenant déposé un grief, d'après ce que je sais, auprès de l'entité qui le représente, où il peut se faire entendre. Je crains que la création d'un sous-comité à ce stade-ci ne compromette certains des intéressés qui voudront comparaître devant ce tribunal ou à l'audience qu'on tiendra pour entendre la cause.

D'une part, bien que je ne m'oppose aucunement à la création d'un sous-comité, cela m'inquiète un peu qu'on puisse rendre la tâche plus difficile aux intéressés qui voudront peut-être comparaître devant le sous-comité à un moment donné. Ils hésiteront peut-être à le faire s'ils pensent que le fait de comparaître devant le sous-comité puisse nuire à ces autres démarches; c'est M. Dussault qui décidera de porter la question ou non devant les tribunaux.

J'aimerais proposer un amendement amical à la motion dont nous sommes saisis. Après les mots «Bernard Dussault», j'ajouterais «à l'issue de toutes procédures légales ou à la première date disponible après que les intéressés ont épuisé tous leurs recours». J'explique encore ma préoccupation: je ne veux pas mettre dans une position difficile toute tierce partie qui aimerait témoigner à ces audiences parce que d'autres audiences ont lieu en même temps. Si nous créons un sous-comité aujourd'hui, nous allons peut-être tout simplement inviter les gens à nous dire qu'ils ne peuvent pas vraiment comparaître devant ce sous-comité jusqu'à ce qu'ils aient terminé leurs autres démarches parce que le témoignage devant le sous-comité pourrait compromettre ou affecter d'une manière quelconque ce qu'ils essaient d'accomplir ailleurs.

Voilà ce que je voulais vous dire et je vous ai fait part de l'amendement.

Le président: Vous proposez l'amendement?

M. Tony Valeri: Je propose l'amendement.

M. Dick Harris: Monsieur le président, pourrais-je commenter l'amendement?

Le président: Oui, allez-y.

M. Dick Harris: Monsieur le président, je comprends l'opinion de M. Valeri. Toutefois, je pense que cette situation ne se limite pas au fait que quelqu'un ait déposé un grief. En fait, c'est de l'intégrité du Bureau de l'actuaire principal dont il s'agit, un poste qui était occupé par une personne ayant des antécédents impeccables. Quand l'intégrité du Bureau de l'actuaire principal est mise en question d'une telle façon parce qu'on ne fournit aucune information quant aux raisons qui expliquent son congédiement, cela suscite des questions quant à l'intégrité du poste mais aussi quant à l'intégrité du gouvernement et même du Régime de pensions du Canada lui-même.

Ce n'est donc pas une mince affaire. Pour ces raisons je ne pense pas—je suis sûr que ce point de vue est partagé par d'autres députés, de l'opposition ou du Parti libéral—qu'il y ait des raisons qui justifient le report de cet examen à la lumière de l'ampleur de cet incident et de ses répercussions.

Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'appuie cette motion présentée par le Parti réformiste. Je vous dirai que Bernard Dussault est celui qui avait critiqué le Régime de pensions et sa gestion, et qui avait publiquement affirmé qu'il avait de sérieux problèmes quant à ce Régime de pensions du Canada. Le limogeage de M. Dussault a toutes les apparences d'un geste vengeur à l'égard d'un messager de la part d'un gouvernement qui n'est pas content de son message. Comme l'a dit M. Harris tout à l'heure, c'est vraiment une attaque à l'intégrité et un geste qui dépasse le simple congédiement. Il y a l'intégrité du poste, mais il y a aussi le fait qu'il y a toute apparence de petite politique autour de cette mise à pied de M. Dussault. Je pense qu'on gagnerait à faire toute la lumière là-dessus.

• 1315

Donc, j'appuie la motion.

[Traduction]

Le président: D'accord. Monsieur McWhinney.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le président, et la motion et l'amendement me causent des problèmes. Je dirais au comité que, bien que nous ayons une certaine compétence et que nous nous intéressions au fond de l'incident, notre comité n'a pas vraiment de compétence particulière pour faire enquête sur une infraction au droit contractuel. Nous n'avons ni les ressources d'un comité américain ni les ressources juridiques disponibles dont nous aurions besoin.

Ce que nous pouvons faire à mon avis, dans le cadre de notre mandat général, c'est d'examiner les politiques du RPC et d'entendre des témoignages, y compris celui de M. Dussault. Si on s'inquiète des grandes lignes des politiques, pourquoi ne pas en discuter? Je pense que ce n'est pas à nous d'entreprendre une telle enquête et que, sur le plan purement juridique, nous ne ferions pas nécessairement du très bon travail si nous entreprenions de faire ce que devrait faire un tribunal ou une autre instance du genre.

Le président: Bien. Merci, monsieur McWhinney.

Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: J'ai deux choses à dire qui expliquent que j'appuie la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. M. Dussault ne se présente pas devant un tribunal et il existe une procédure normale en vertu de laquelle les syndicats traitent les griefs comme celui-ci. Voilà ce que je comprends de la situation. Ainsi, je ne pense pas qu'on compromette sa position ni celle de quelqu'un d'autre si un comité parlementaire se penche sur la question.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux motifs réels et aux principes en cause, je pense que nous devons réduire les pouvoirs dont dispose l'exécutif dans notre pays. Monsieur le président, l'organe exécutif dispose de trop de pouvoirs en ce qui a trait aux nominations de haut niveau et il n'y a aucune responsabilité parlementaire qui entre en ligne de compte, aucune approbation parlementaire de ces nominations. Si nous voulons représenter la volonté du peuple canadien, les comités parlementaires devraient disposer d'un plus grand pouvoir et d'une plus grande autorité, et je pense que la motion va dans ce sens.

Voici une personne très importante, l'actuaire principal du Régime de pensions du Canada, un régime qui touche pratiquement chaque citoyenne et citoyen au Canada, qu'on a congédié sans donner d'explications publiques...

M. Paul Szabo: Apparemment.

M. Lorne Nystrom: ...qu'on a apparemment congédié sans donner d'explications au public, il me semble que nous pourrions constituer un petit sous-comité...

Le président: Je sais que nous revenons à peine de l'intersession, mais je vais dire ceci très clairement. Nous parlons de l'amendement de M. Valeri et j'aimerais que le débat porte sur cet aspect. En d'autres termes, après l'issue des procédures juridiques ou à la première date disponible après que les intéressés ont épuisé leurs recours. Voilà sur quoi le débat...

M. Dick Harris: Monsieur le président, une précision. Je comprends qu'il s'agit d'une motion d'atermoiement. Est-ce ce que M. Valeri est essentiellement...

M. Tony Valeri: Je suppose que cela dépend de la perspective de chacun. Vous pensez qu'il s'agit d'une motion d'atermoiement parce que vous voulez qu'on adopte votre motion telle qu'elle est rédigée. Pour ma part, je propose cet amendement—et j'ai dit au début de mon commentaire que je ne m'opposais pas à l'établissement d'un sous-comité—parce que, que le grief soit entendu par un syndicat ou par un tribunal, je pense qu'il serait bon de permettre à ceux qui veulent participer à cette démarche de le faire et que le comité peut décider qu'un sous-comité examine la question après qu'une décision aura été prise par cette autre instance.

Ainsi, pour moi, il ne s'agit pas d'une tactique d'atermoiement mais bien d'une façon d'être juste à l'égard de M. Dussault qui entreprend une autre démarche, ainsi qu'à l'égard du comité. Je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'un sujet fort important et que le comité voudra peut-être l'examiner. Mais voilà les raisons pour lesquelles je propose cet amendement.

Nous ne disons pas: ne créez pas de sous-comité. Tout ce que je dis, c'est que nous devrions le faire quand les intéressés pourront témoigner devant le comité et parler librement sans avoir l'impression que ce qu'ils diront à ce comité puisse compromettre ce qu'ils auront à dire devant cette autre instance.

Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, je suis un peu mystifiée par cet amendement. Il n'y a pas de procédure juridique. L'amendement fait allusion à des procédures juridiques non existantes et il me semble donc qu'il n'y a pas là de raison pertinente pour modifier la motion originale.

• 1320

J'ajouterai que nous savons tous, pour être réalistes, qu'il faut parfois beaucoup de temps pour régler ces griefs personnels. Entre-temps, les Canadiens s'inquiètent très légitimement et se demandent s'ils peuvent avoir confiance au processus quand un actuaire indépendant, qui nous fournissait de l'information indépendante en tant qu'intéressés au Régime de pensions, est sommairement mis à la porte juste avant la parution de son rapport le plus important. En tant que défenseurs de l'intérêt public, nous avons le devoir de protéger l'intérêt public ce qui l'emporte sur la procédure de grief individuel. Mais même si ce n'était pas le cas, je dirais certainement que les intérêts en cause sont les mêmes.

M. Dussault a certaines préoccupations légitimes en ce qui a trait à son congédiement, qui sont liées à notre devoir public. Je pense que cela aiderait M. Dussault, plutôt que le contraire, que ce ne serait pas une injustice, si nous entreprenions cette démarche à ce moment fort opportun afin de montrer que nous sommes préoccupés par la question et déterminés à protéger l'intérêt public dans la mesure du possible.

M. Tony Valeri: Je ne vais pas prétendre que je parle au nom de M. Dussault. Tout ce que je dis, c'est qu'il n'a pas manifesté la volonté de faire la lumière sur cette question devant un comité parlementaire...

Mme Diane Ablonczy: Nous ne faisons pas de plan pour M. Dussault.

M. Tony Valeri: Vous venez de parler pour lui. Vous étiez d'avis que les audiences publiques l'aideraient. Soit vous parlez de sa situation, soit vous n'en parlez pas. Ce que je dis, c'est que si nous parlons de sa situation, nous devrions au moins lui permettre de la traiter de la façon dont il aimerait la traiter, et après cela—nous pouvons adopter cette motion aujourd'hui—il pourra témoigner devant un comité parlementaire.

M. Dick Harris: Monsieur le président, nous voulons voir si le Bureau de l'actuaire principal du Régime de pensions du Canada a été compromis par ce congédiement. C'est notre propos. Nous voulons voir si le Régime de pensions du Canada et les chiffres qui le constituent ont en fait été compromis par ce congédiement. Et je pense qu'il est très important de noter que le moment de ce congédiement est d'une importance cruciale parce que ce rapport doit paraître à la fin du mois de novembre. Ainsi, si ce rapport du mois de novembre doit paraître entouré de ce linceul de méfiance, cela ne sera bon pour personne, ni pour le gouvernement, ni pour la population canadienne, ni pour les adhérents au régime de pensions.

Je pense qu'il nous incombe d'assurer la protection de l'intégrité du rapport qui paraîtra en novembre. Voilà pourquoi monsieur le président, nous avons dit que le moment de notre action était d'une importance critique et si nous retardons cette enquête, cela ne servira pas le meilleur intérêt de quiconque, qu'il s'agisse du gouvernement, de la population canadienne membre du Régime de pensions, du régime lui-même, ou du poste de l'actuaire principal.

Il n'y a aucune bonne raison logique qu'on puisse invoquer pour retarder les choses.

Le président: Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Monsieur le président, je me répète. Je pense que nous nous répétons tous. Peut-être faudrait-il simplement demander le vote, à moins que quelqu'un d'autre...

Le président: Je vais donner la parole à M. Szabo. Il a un commentaire à faire.

M. Paul Szabo: Monsieur le président, ceux qui appuient la démarche lient manifestement le congédiement au rapport qui doit paraître. Toutefois, M. Dussault—et il l'a dit publiquement—a déclaré très clairement que son congédiement n'avait rien à voir avec le rapport, son contenu ou ses recommandations. À la lumière de cela, je pense que M. Dussault... que son congédiement n'avait rien à voir avec son rapport. Donc, les arguments qui ont été avancés ne prouvent pas la nécessité de créer un sous-comité.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Le vote portera d'abord sur l'amendement. Que tous ceux qui sont pour l'amendement lèvent la main.

M. Dick Harris: Pourrions-nous avoir un vote par appel nominal, monsieur le président?

Le président: Oui. Tous ceux qui sont pour? Le vote porte uniquement sur l'amendement; nous allons ensuite traiter de la motion.

• 1325

(L'amendement est adopté à 8 voix contre 7)

(La motion modifiée est adoptée à 14 voix contre 0)

Le président: Oui, monsieur Epp.

M. Ken Epp: Je désire simplement une précision: quand le sous-comité sera-t-il constitué?

Une voix: Jamais.

M. Ken Epp: Que devra-t-il se passer précisément avant que ce comité ne crée ce sous-comité?

Le président: Nous pourrons en discuter au comité directeur.

M. Ken Epp: Je l'espère. Je pense que les critères de ce report sont très peu clairs et mal définis.

M. Dick Harris: Bien. Vous l'avez bien dit.

Le président: Nous prenons note de votre commentaire.

Nous allons lever la séance et revenir à 15 h 30 pour entendre M. Cleghorn. La séance est levée.