Passer au contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 octobre 1997

• 0810

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte, bienvenue à tous.

Comme vous savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le comité poursuit ses consultations prébudgétaires ici à Halifax aujourd'hui. Nous parcourons le pays d'un océan à l'autre pour entendre les avis des Canadiens.

Le but ultime du comité est d'adresser au ministre des Finances des recommandations qui amélioreront la qualité de vie des Canadiens. Nous avons tenu des audiences très intéressantes à Toronto et dans d'autres villes du Canada, et bien sûr, il nous tarde d'entendre les gens de Halifax. J'ai la certitude que vos sages propos enrichiront ces audiences.

J'aimerais maintenant vous dire comment nous procédons essentiellement. Chaque témoin a environ cinq minutes. Lorsqu'il vous restera une minute, je vous ferai un signe, et quand tout le monde aura terminé, nous pourrons passer à un échange avec les membres du comité.

Nous allons d'abord entendre les représentants de la Nova Scotia Government Employees Union, Joan Jessome et Ian Johnson.

Bienvenue.

Mme Joan Jessome (première vice-présidente, Nova Scotia Government Employees Union): Bonjour. Au nom de la Nova Scotia Government Employees Union, je tiens à remercier le Comité permanent des finances de nous avoir invités à prendre part à ces consultations prébudgétaires. Je ferai quelques observations liminaires, après quoi je participerai à la discussion générale.

Même si nous sommes heureux que le comité vienne régulièrement nous visiter à l'automne, nous avons été déçus de le voir refuser de tenir des audiences dans la région en janvier dernier lorsque votre gouvernement a fait adopter le projet de loi C-70 sur la taxe de vente harmonisée. Comme vous savez, cette loi a eu et a encore des effets sur notre région en particulier, et l'on ne nous a même pas permis de faire valoir nos vues ici.

Nous espérons que votre comité saura mieux écouter les Canadiens de l'Atlantique lorsque de grandes questions les touchent. Chose certaine, lors des élections fédérales du 2 juin, nous, les Canadiens de l'Atlantique et ceux de la Nouvelle-Écosse, avons fait clairement savoir que nous attendons à ce que nos députés fédéraux et notre gouvernement fédéral nous écoutent à tout le moins, même si nous ne sommes pas toujours d'accord sur les causes sous-jacentes des problèmes et sur les remèdes qu'il faut y apporter.

La semaine dernière, dans son témoignage devant votre comité à Vancouver, M. Martin a publié sa mise à jour économique et financière très attendue et invité le pays à débattre des prochaines mesures ou priorités du programme économique et financier du gouvernement.

Lorsque nous avons confirmé notre participation à la séance d'aujourd'hui, le greffier nous a fait savoir que votre comité s'intéressait tout particulièrement aux questions suivantes: un, le processus de réduction du déficit; et deux, les priorités dans l'utilisation de ce qu'on appelle le dividende financier qu'on devrait obtenir d'ici la prochaine année financière, 1998-1999.

Nous tâcherons de fournir des éléments de réponse à ces questions, mais nous tenons également à souligner d'emblée que ces questions ne tiennent pas compte d'enjeux qui revêtent une importance primordiale pour nous. La stratégie de réduction du déficit du gouvernement était-elle nécessaire au départ? Les Canadiens se portent-ils mieux aujourd'hui qu'il y a quatre ans, lorsque votre parti a pris le pouvoir? Quel est le but essentiel de la politique économique et budgétaire du gouvernement fédéral? Pourquoi n'est-il pas possible d'accorder aux besoins humains et sociaux la même importance qu'on prête aux préoccupations d'ordre économique et financier?

C'est en partant de ces questions vastes et essentielles que je vais maintenant répondre aux deux questions qui préoccupent le comité.

Si vous voulez savoir d'abord ce que nous pensons du processus de réduction du déficit, vous trouverez aisément une réponse dans les résultats des élections du 2 juin. Il ne fait aucun doute dans notre esprit que ce processus s'est déroulé non seulement trop vite, du moins pour notre région, mais qu'en plus, il était totalement inapproprié, injustifié et nuisible.

Bien que le gouvernement libéral puisse penser que le pays est sorti du bois, qu'il a pris un nouveau départ et qu'un nouvel optimisme se fait jour, pour paraphraser ce que le ministre a dit la semaine dernière, nous demandons au gouvernement d'y penser à deux fois lorsqu'il prétend avoir réduit considérablement le déficit fédéral sans même en évaluer les graves conséquences pour les soins de santé, l'éducation, l'aide au revenu, le soutien communautaire et les services municipaux.

L'exemple le plus accablant de ces problèmes est peut-être le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le gouvernement fédéral a non seulement décidé unilatéralement de combiner sa part du financement de la santé, de l'enseignement supérieur et de l'assistance sociale dans un mécanisme de financement global, mais il a aussi modifié sensiblement le montant des fonds disponibles et les modalités d'accès à ces fonds. En dépit du montant minimum de 12,5 milliards de dollars annoncé au cours de la campagne électorale et confirmé dans la déclaration de M. Martin la semaine dernière, les contributions fédérales ont diminué d'environ 7 milliards de dollars depuis 1994, soit une perte d'à peu près 54 p. 100 à ce jour depuis l'avènement du gouvernement libéral. D'après les estimations du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, la part de cette province dans ces compressions est d'environ 200 millions de dollars cette année seulement, et 328 millions de dollars sur trois ans.

• 0815

Le grave effritement des normes nationales est tout aussi important, en raison de l'abrogation de la Loi sur le Régime d'assistance publique du Canada et de l'incapacité croissante du gouvernement fédéral d'appliquer les cinq principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé.

Les répercussions du TCSPS ont été immédiates et généralisées. Nous observons déjà les phénomènes suivants: fermeture de lits d'hôpitaux; compression des services d'urgence; privatisation des services alimentaires, de blanchisserie et d'autres services dits non essentiels; renvoi à la maison de malades nécessitant encore des soins qu'ils doivent souvent payer de leur propre poche; désassurance ou réduction des services médicaux établis depuis longtemps; augmentation des cotisations et des primes. Entre 1994 et 1996, les hôpitaux ont perdu 24 000 postes.

L'inquiétude de la population face à ces répercussions a été résumée sur un panneau-réclame installé récemment dans le nord de la ville: «Les coupures gouvernementales en matière de santé pourraient toucher votre famille tôt ou tard. Certaines coupures ne guérissent pas.» Nous vous exhortons à prendre le temps de le lire.

Les coupures en matière d'éducation ont été tout aussi graves, les nouveaux conseils scolaires fusionnés n'ayant pas assez de moyens pour conserver les programmes existants, l'accès aux universités devenant inabordable sauf pour les riches, et l'endettement de bien des étudiants allant de 20 000 $ à 25 000 $.

On a également réduit le niveau des prestations d'assistance sociale dans notre province au nom de l'intégration des programmes provinciaux et municipaux et de la prétendue clarification des rôles administratifs.

À l'échelle fédérale, nous sommes très préoccupés par les compressions importantes touchant la capacité de recherche à l'interne, que ce soit dans le domaine des pêches, de la géologie, de l'alimentation ou de l'innocuité des médicaments. En dépit du prétendu moratoire imposé par le ministre de la Santé, M. Rock, sur les coupures touchant les laboratoires de recherche du ministère, les scientifiques de Santé Canada estiment qu'en raison des compressions touchant les laboratoires de recherche sur l'alimentation, de 10 000 à 300 000 Canadiens mourront prématurément et de 1 million à 10 millions de personnes contracteront inutilement des maladies que l'on aurait pu éviter grâce à la recherche sur l'alimentation.

En somme, nous avons fortement contesté les propos du premier ministre lorsqu'il a déclaré aux dirigeants politiques et économiques des provinces de l'Atlantique le 10 octobre que, même s'il reconnaissait que la région Atlantique avait été la plus durement touchée par les compressions de dépenses fédérales, cela était inévitable afin de préparer l'économie de la région et du reste du Canada à affronter le XXIe siècle.

Nous nous demandons sincèrement si la désintégration massive de notre infrastructure sociale et l'augmentation considérable du déficit humain et social des quatre dernières années nous aideront à atteindre cet objectif. Le prétendu cercle vertueux dont M. Martin a parlé s'est avéré un autre cercle vicieux dans le cas du sous-développement structurel continu de cette région.

Les compressions de dépenses fédérales étaient-elles vraiment nécessaires pour aider le gouvernement à atteindre ses objectifs en matière de réduction du déficit? D'après les plus récentes données financières du gouvernement, les compressions de programmes, qui représentent au moins 3,2 milliards de dollars cette année, auraient pu être évitées sans que le gouvernement manque à son objectif de réduction du déficit.

Quant à la deuxième question, qui porte sur les priorités, il ne fait souvent aucun doute dans notre esprit qu'en raison des dégâts causés par les politiques de votre gouvernement, l'objectif le plus immédiat et urgent consiste à rebâtir nos programmes sociaux et notre infrastructure sociale. Pour ce faire, nous croyons qu'il faut établir des stratégies et des objectifs très clairs et précis afin de réduire l'ampleur considérable de la pauvreté, du chômage, du racisme, du sexisme et de l'injustice, comme on l'a fait et comme on le fait encore pour la réduction du déficit et de la dette.

Si vous pensez que nous faisons simplement des voeux pieux, je vous invite à étudier attentivement les trois budgets fédéraux de remplacement et le nombre croissant de budgets provinciaux de remplacement. Ils indiquent très clairement qu'il est possible de partir des mêmes prévisions économiques que celles du gouvernement fédéral et, en même temps, d'accomplir des progrès substantiels en matière de création d'emplois, de plein emploi, d'élimination de la pauvreté, de rétablissement des programmes sociaux et des services publics. Il est possible d'adopter des politiques fiscales adéquates, de réaliser l'égalité économique et sociale entre les hommes et les femmes et même d'atteindre des objectifs responsables en matière de réduction de la dette.

Nous nous opposons fermement à des réductions massives et générales des impôts. En premier lieu, elles contribuent à peine à accroître le niveau de revenu disponible de la plupart des Canadiens. De plus, elles ont une incidence négligeable comme incitatif économique dans la création d'emplois et la croissance économique. À notre avis, elles sont plus insidieuses dans la mesure où l'on ne peut pas les invoquer pour justifier les compressions supplémentaires touchant les programmes d'aide aux personnes les plus nécessiteuses.

Je conclurai en disant que ce premier budget du deuxième mandat du gouvernement Chrétien donne à ce dernier une nouvelle occasion de rompre avec le passé et de remédier à une grande partie des dégâts qu'il a causés jusqu'ici. Autrement dit, il faut enfin reconnaître que le gouvernement fédéral doit jouer activement un rôle de premier plan, non pas pour satisfaire les grandes sociétés et les agences de cotation, mais pour répondre aux besoins de la majorité des Canadiens qui s'attendent à une amélioration de leur bien-être matériel et social.

Je suis maintenant disposée à répondre à vos questions et commentaires.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous passons maintenant à l'exposé suivant, qui sera présenté par Mme Elizabeth Beale, du Atlantic Provinces Economic Council. Bienvenue.

Mme Elizabeth Beale (présidente, Atlantic Provinces Economic Council): Merci beaucoup. C'est un plaisir de comparaître dans un délai relativement court, car tout le monde dans cette région veut avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité.

• 0820

Je serai brève. Je tiens à souligner que l'économie de la région de l'Atlantique évolue rapidement et traverse une très importante période d'ajustement en s'interrogeant sur le rôle des politiques dans la facilitation de cet ajustement, car telle est l'orientation que doivent prendre les politiques fédérales et provinciales afin d'aider les provinces de l'Atlantique à croître plus rapidement que par le passé. Actuellement, si l'on compare notre rendement à celui d'autres régions du Canada, on constate certes un grand écart en matière de production, et notre taux de croissance est inférieur à celui des autres régions, surtout le centre et l'ouest du pays. Il est donc question pour nous de voir ce que nous pouvons faire dans ce contexte pour remédier à la situation et accélérer la croissance économique.

Afin de vous expliquer certains des changements qui sont survenus ici, je voudrais d'abord mentionner l'important ajustement structurel de l'économie de la région, surtout dans le secteur des ressources, qui a engendré pendant longtemps l'essentiel de notre production et de nos emplois. Ce secteur a conservé sa part de l'activité économique dans la région bien au-delà de ce qui s'est passé dans le reste de l'économie canadienne. Cela était dû en partie aux politiques en vigueur. Au cours des années 90, les grandes sociétés du secteur des ressources se sont très rapidement efforcées de se débarrasser de leur excédent de main-d'oeuvre. Bien entendu, cela a créé des problèmes d'ajustement considérables surtout, mais pas exclusivement, dans les zones rurales du Canada atlantique.

L'autre changement important est survenu dans le rôle du gouvernement. Alors que les dépenses gouvernementales ont représenté une part beaucoup plus grande de l'économie du Canada atlantique pendant longtemps, depuis la fin des années 60, et pendant un certain nombre d'années—et pas seulement au cours des dernières années, même si le rythme du changement s'est accéléré récemment—la part du gouvernement dans l'activité économique a chuté très rapidement. Aucune autre région du pays n'a dû s'adapter aussi rapidement que nous à la nouvelle réalité. Il est assez intéressant de voir le changement qui survient ici et l'ajustement positif dans bien des secteurs de l'économie régionale à mesure que le rôle du gouvernement change, même s'il ressort assez clairement des observations du témoin précédent que ce changement n'est pas toujours bien perçu dans tous les milieux.

En particulier, étant donné que notre mandat consiste évidemment à tenir compte des quatre provinces de l'Atlantique, je mentionnerai le cas du Nouveau-Brunswick où, par exemple, les dépenses totales du gouvernement en proportion du PIB ont fléchi de quatre points entre 1991 et 1995, s'établissant à un niveau jamais vu depuis le milieu des années 70. On observe une situation diamétralement opposée dans le reste du pays, où la part du gouvernement dans le PIB n'a pas changé au cours de la même période. Cela vous permet de comprendre la rapidité du changement survenu ici.

Peu importe ce que l'on pense du rythme de ce changement, on ne saurait négliger le fait qu'il a eu une incidence considérable en ralentissant le rythme de l'activité économique dans la région de l'Atlantique. On ne peut pas priver de ressources un secteur de l'économie sans ralentir la croissance. Voilà ce qui s'est passé, et la tendance va se maintenir, car maintenant, le gouvernement veut limiter ses transferts destinés à la population. Cela s'est déjà produit lors de la modification de l'assurance-emploi, et la tendance va s'accélérer davantage l'année prochaine à cause des changements que l'on veut apporter à la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique.

Voilà la réalité à laquelle les Canadiens et l'économie de l'Atlantique ont dû s'adapter, mais cela montre qu'un ajustement positif est en cours. Notre économie ne s'est pas effondrée. Il y a eu des problèmes, il y a eu toutes sortes de controverses sur la façon dont cela s'est produit, mais de nombreux secteurs de l'économie régionale réagissent bien à l'évolution de la conjoncture.

En particulier, je pense que nous pouvons envisager avec optimisme les grands projets et les importants projets d'investissement envisagés surtout, mais pas uniquement, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve dans les domaines énergétiques et miniers. Il est intéressant de noter que les projets d'investissement sont à la hausse dans ces deux provinces et représentent le double de la moyenne canadienne pour cette année, moyenne canadienne qui est déjà très forte. Cela témoigne de l'optimisme qui prévaut ici.

• 0825

De plus, il convient de s'intéresser à la situation des nouvelles industries du savoir. Toutefois, une fois de plus, il s'agit là de phénomènes très urbains car ces industries sont essentiellement situées dans les grandes villes de la région, ce qui impose à notre grande population rurale un énorme processus d'ajustement.

Ma recommandation au comité est la suivante—et elle est très vaste: le gouvernement fédéral doit appuyer l'effort d'ajustement de la région, au lieu de s'en détourner à un moment crucial. Je sais qu'en ce moment, cette position n'est pas toujours populaire chez les décideurs, qui estiment qu'il est temps de transférer les activités de développement économique aux provinces et leur laisser le soin d'en déterminer le rythme et les modalités; mais cela n'est pas facile pour les provinces de la région parce qu'elles ont des ressources très limitées.

Nous craignons que le retrait de l'appui du gouvernement fédéral, que ce soit dans les domaines clés comme l'infrastructure des transports ou en matière de recherche et développement où nous faisons des progrès, empêche la région de réussir son adaptation.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup de cette présentation mûrement réfléchie qui met en lumière ce qui se passe dans les provinces Atlantiques.

Le prochain témoin, M. Peter Wilde, représente la Halifax Regional Development Agency.

Bienvenue.

M. Peter Wilde (comptable agréé; bénévole, Halifax County Regional Development Agency): Merci, monsieur.

Je vous remercie de me donner l'occasion de faire un exposé.

Je suis comptable agréé dans une petite pratique privée. Je dessers des entreprises familiales de la région métropolitaine de Halifax-Dartmouth. Je m'occupe de questions relatives au revenu et d'autres questions fiscales.

Je participe à titre de bénévole à de nombreuses activités communautaires, notamment dans le système scolaire et à la Halifax Regional Development Agency. Cela m'a permis d'entrer en contact avec des gens de toutes opinions. Je vais donc essayer d'exprimer l'opinion de la majorité des personnes que je rencontre régulièrement.

D'abord, la réduction du déficit. Nous avons été heureux d'apprendre les progrès réalisés depuis 1993-1994 dans la lutte au déficit. Nous avons été impressionnés par la prudence des hypothèses utilisées par le ministère des Finances dans ses prévisions. C'est ainsi que la différence entre les prévisions budgétaires et les chiffres réels a toujours été positive.

Il ne fait aucun doute que les compressions de dépenses ont causé du tort aux provinces Atlantiques et nous avons le sentiment qu'elles ont été touchées plus durement que toute autre région du Canada. Cela dit, l'opinion consensuelle veut que ce recul à court terme permette de jeter les bases qui favoriseront la réalisation de gains à long terme pour la région.

Un nombre considérable de résidents de la Nouvelle-Écosse ont compris qu'ils ne peuvent compter sur le gouvernement pour subvenir à leurs besoins et qu'ils doivent se prendre davantage en charge. Il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour encourager l'autonomie des particuliers et des entreprises. Nous pensons que la Regional Development Agency peut jouer un rôle à cet égard, de concert avec les autorités fédérales, provinciales et municipales.

Pour ce qui est des priorités budgétaires, la prochaine étape est l'élimination du déficit. Nous sommes d'avis que dans l'intérêt à long terme des Canadiens, il est impératif de mener à terme le processus d'élimination du déficit et de réduire la dette gouvernementale à un niveau où les frais d'intérêt grugeraient une part moins importante des recettes totales qu'à l'heure actuelle. Des frais d'intérêt annuels de 40 milliards de dollars représentent 25 p. 100 des dépenses fédérales. Si nous ne devions pas payer ces frais, il y aurait un tiers de plus de revenu disponible pour améliorer le sort de l'ensemble des Canadiens. À notre avis, cela est très important. Nous ne pouvons continuer à avoir déficit et dette; il faut les éliminer.

Deuxièmement, le régime fiscal. Il ne faut pas augmenter les impôts. Les Canadiens travaillent plus fort pour moins et paient trop d'impôt. Cela dit, nous pensons que la plupart d'entre nous sont prêts à tolérer le niveau d'imposition actuel pour autant que le déficit soit éliminé, que la dette fédérale soit réduite et qu'on ne lance pas de nouveaux programmes de dépenses extravagants. Nous sommes convaincus que toute augmentation des dépenses doit être contrebalancée par une réduction correspondante des impôts.

Il faut venir en aide aux Canadiens à faible revenu. Tous les ans, des bénévoles de l'Institut des comptables agréés de la Nouvelle-Écosse organisent des ateliers pour remplir les déclarations d'impôt des personnes âgées. C'est un crève-coeur. C'est vraiment terrible de voir que des retraités touchant un revenu annuel de 8 000 $ à 12 000 $ par an doivent payer de l'impôt. Cela entache la réputation de la société canadienne.

• 0830

À l'heure actuelle, Statistique Canada établit à environ 17 000 $ le seuil de faible revenu pour une personne seule ici à Halifax-Dartmouth. Nous nous attendons à ce que des personnes ayant un revenu annuel inférieur de moitié à cette somme paient des impôts. À mon avis, nous devrions vraiment avoir honte en tant que pays.

L'imposition de la taxe de vente harmonisée en Nouvelle-Écosse a durement touché ceux qui pouvaient le moins se défendre. Elle a engendré une augmentation de taxe de 8 p. 100 sur des articles de première nécessité comme les vêtements, le chauffage domiciliaire et le carburant automobile, et il n'y a pas eu de réduction du coût des marchandises que les pauvres peuvent se permettre d'acheter.

Cela est répréhensible. Nous ne devrions pas faire vivre le fisc ou financer la réduction du déficit sur le dos des pauvres, des plus démunis. Il faut absolument venir en aide aux Canadiens à faible revenu tant pour ce qui est des impôts sur le revenu que du niveau de la TVH.

Malheureusement, il faut aussi faire davantage pour les travailleurs à faible revenu, surtout que l'on se propose d'augmenter les cotisations au Régime de pensions du Canada. Si l'on ajoute 3 ou 4 p. 100 de plus à leur fardeau fiscal, ce qui est en fait le Régime de pensions du Canada, que Dieu nous vienne en aide. Il faut alléger le régime fiscal de façon à ne pas aller chercher davantage d'argent dans la poche des Canadiens et en particulier des Canadiens à faible revenu.

Quant aux dépenses, elles doivent être jugées à la lumière de résultats mesurables. Le gouvernement ne saurait résoudre les problèmes en injectant toujours plus d'argent. Cela a toujours été le cas depuis que j'ai eu la chance de venir vivre ici, au Canada, soit depuis plus de 20 ans maintenant.

Un bon exemple de cela est la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Cette stratégie n'a pas vraiment aidé les pêcheurs car elle n'a créé aucune activité de remplacement pour eux. Son seul effet a été de créer dans les collectivités de pêcheurs une dépendance vis-à-vis des largesses fédérales. Tant et aussi longtemps que l'argent sera versé, que vont-ils faire d'autre que de le prendre?

Il faut vraiment trouver autre chose pour remplacer cette stratégie. À tout le moins, il conviendrait de demander quelque chose en retour aux gens qui touchent ces chèques.

Le chômage chez les jeunes est une honte nationale attribuable en partie à l'incapacité du système d'éducation de produire des étudiants ayant la compétence voulue pour obtenir un emploi dans le monde du travail d'aujourd'hui. L'éducation commence à la maison. Un trop grand nombre de parents se déchargent de cette responsabilité, la cédant au système scolaire qui lui-même n'est pas à la hauteur étant donné qu'il n'impose pas de norme mesurable du rendement avant de faire passer les étudiants à un niveau supérieur. Nous savons que l'éducation est un champ de compétence provincial, mais une bonne partie des fonds consacrés à l'éducation viennent des coffres fédéraux. Peut-être pourriez-vous exercer une certaine influence à cet égard.

Nous avons fort bien accueilli la création d'un fonds fédéral de bourses. Nous voulons que vous fassiez en sorte que ce fonds serve à encourager et à récompenser l'excellence des étudiants. Nous pensons également que l'obtention de bons résultats scolaires devrait être une condition préalable à l'obtention d'un prêt étudiant. On pourrait même envisager de récompenser l'excellence des résultats scolaires en permettant à ces étudiants de ne pas rembourser leurs prêts.

Dans ce domaine, les programmes d'enseignement coopératif établis en collaboration avec les universités ont très bien réussi à former les étudiants pour le marché du travail. Ils ont également favorisé une meilleure compréhension entre les universités et les entreprises. Le gouvernement pourrait peut-être intervenir pour favoriser une coopération accrue entre les entreprises et les milieux universitaires.

Une chose revient constamment sur le tapis. Les gens se demandent constamment pourquoi le gouvernement affirme qu'il faut encourager l'emploi alors que chaque fois qu'une petite entreprise embauche un employé, il l'assomme avec des impôts. Je parle de la part que l'employeur doit verser à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada. Avec les augmentations prévues des cotisations au Régime de pensions du Canada, la charge imposée à l'employeur va représenter près de 10 p. 100 de la masse salariale. Si l'on pouvait faire quelque chose pour alléger leur fardeau, les employeurs pourraient embaucher davantage d'employés. Personnellement, j'aimerais embaucher davantage de personnel, mais je ne peux me le permettre.

Enfin, les Canadiens doivent croire en eux-mêmes. Depuis trois ans, les activités de la Halifax Regional Development Agency ont montré ce que les citoyens de la Nouvelle-Écosse peuvent accomplir par eux-mêmes pour peu qu'on leur donne de bons conseils et l'occasion de mettre sur pied leurs propres entreprises et ressources communautaires. Certains ont démarré et agrandi avec succès des entreprises à domicile. Bon nombre d'initiatives communautaires réussies ont créé de l'emploi dans la municipalité, la moindre n'étant pas la foire aérienne cette année. Ce fut là toute une réalisation de la part de la collectivité.

• 0835

Les simples citoyens ont besoin de plus d'encouragements et ceux-ci découleront d'une collaboration constante entre les instances fédérales, provinciales et municipales, ainsi que de la participation enthousiaste de centaines de bénévoles qui sont fiers de leur rôle.

Encore une fois, merci de l'invitation.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilde. Je suis sûr qu'on vous posera quelques questions.

Le témoin suivant sera la rectrice de la Mount St. Vincent University, Mme Sheila Brown. Soyez la bienvenue.

Mme Sheila Brown (rectrice, Mount St. Vincent University): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous suis reconnaissante de m'avoir invitée à comparaître ce matin.

Je vais commencer par vous situer rapidement le contexte dans lequel je vous fais mes commentaires. Notre université est la seule université canadienne accueillant avant tout des femmes et nombre de nos étudiantes, environ 60 p. 100, peuvent être considérées comme non traditionnelles. Ce sont des étudiantes qui reprennent les études après les avoir abandonnées pendant un certain temps. Beaucoup d'entre elles sont chargées de familles. Beaucoup d'entre elles participent à des programmes en alternance. Beaucoup de nos cours sont offerts par correspondance. Nous avons un grand nombre d'étudiantes qui bénéficient d'une assistance financière.

Pour répondre tout d'abord à votre première question concernant la réduction du déficit, me faisant l'écho de ce qu'ont dit certains des intervenants précédents, je crois que tout en reconnaissant la nécessité de réduire le déficit, nous sommes entrés dans une espèce de cercle vicieux dans lequel les transferts fédéraux aux provinces ont été réduits et l'allocation des provinces aux universités a été réduite. Dans cette province, en cinq ans, l'allocation de base de 208 millions de dollars a été réduite de 33 millions.

Les universités ont donc dû augmenter leurs frais de scolarité, et dans cette province ces frais sont les plus élevés du pays. Les frais de scolarité des étudiants couvrent aujourd'hui presque 40 p. 100 des frais d'exploitation des universités.

De plus en plus, le coût devient un obstacle à la participation. Et comme pour beaucoup de ces étudiants, surtout les étudiants non traditionnels, la possibilité de rompre le cycle de dépendance dépend de l'éducation, l'accessibilité à cette éducation est très importante. Comme je viens de le dire, je crois que le niveau des frais est devenu un obstacle insurmontable pour de nombreux étudiants et aboutissent, comme nous le savons, à de très graves problèmes d'endettement pour les autres.

Cela m'amène au deuxième point concernant le dividende financier. Il y a deux questions importantes.

La première est celle de l'aide financière accordée aux étudiants. Certes, j'applaudis toutes les mesures qui ont été prises pour multiplier les possibilités d'aide financière pour les étudiants, directement ou indirectement.

L'annonce de la bourse d'études du millénaire dans le Discours du trône a certainement été la bienvenue, bien que cela nous rappelle que le programme de bourses du Canada qui était un programme très populaire a été supprimé il n'y a que quelques années. Il avait pour effet d'encourager les étudiants à poursuivre des études scientifiques et technologiques, compétences indispensables à notre pays si nous voulons être compétitifs dans l'économie mondiale. Il avait aussi la noble caractéristique d'encourager l'équité car les universités proposant des candidats devaient proposer 50 p. 100 de femmes pour ces bourses.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Wilde qui veut que les bourses ne soient accordées que sur la base du mérite. Je crois que cette base est nécessaire, mais je crois également qu'il faut tenir compte du fait que beaucoup d'étudiants dans ce pays ont les aptitudes voulues pour poursuivre des études universitaires, mais ne peuvent pas réaliser leur plein potentiel, pour des raisons de désavantages sociaux ou autres. Ils n'ont pas le niveau nécessaire pour ce genre de bourses mais ils ont désespérément besoin d'une aide financière sous forme de facilité de remboursement de prêt ou sous forme de bourses ou de subventions. J'espère que la solution proposée sera une combinaison du mérite et des besoins.

Je crois que l'endettement des étudiants est devenu si lourd qu'il faut trouver une solution globale, combinant les prêts pour étudiants du Canada et les prêts remboursables ou les bourses des provinces. Ainsi, certains transferts fédéraux aux provinces qui permettraient plus de mesures de ce genre seraient utiles, auxquels s'ajouteraient les possibilités de travail dans le cadre de programmes d'éducation alternée par exemple. Autrefois le fédéral apportait sa contribution aux programmes d'éducation alternée mais elle semble avoir diminué ou disparu. À mon avis, c'est une erreur sur le long terme.

• 0840

Peu importe ce que vous ferez de l'aide aux étudiants canadiens, il faudra songer à une combinaison de moyens, plutôt qu'à un seul.

J'en arrive en deuxième lieu au dividende financier et je reprends à mon compte une remarque qui a été faite par l'Association des universités et collèges du Canada et par plusieurs autres groupes, notamment l'Association canadienne des professeurs d'université: il faut augmenter l'aide financière et l'aide aux conseils subventionnaires fédéraux. Le Conseil de recherches en sciences humaines de même que le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches médicales ont été durement touchés. Au cours des quatre ou cinq prochaines années, il serait bon d'augmenter considérablement les contributions que vous pourriez verser à ces conseils subventionnaires.

Si nous souhaitons vraiment que le Canada reste compétitif et qu'il utilise à bon escient la recherche et le développement pour stimuler l'économie, il faut que ces conseils soient mieux nantis financièrement.

En Nouvelle-Écosse, la plus grande contribution à la recherche et au développement nous vient des universités prises collectivement; pourtant, notre capacité à effectuer cette recherche a été gravement limitée parce que même dans le cas de projets qui sont considérés comme très intéressants du point de vue de l'avancement des connaissances et du point de vue technologique, et même dans le cas de projets qui offrent maintes possibilités d'application, il n'y a tout simplement pas assez d'argent.

Monsieur le président, je répète à quel point nous sommes heureux d'avoir pu comparaître, et je reprends une dernière fois les deux grands thèmes de mes propos, à savoir l'aide aux étudiants et l'aide aux conseils subventionnaires. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame Brown.

Nous passons maintenant à la Chambre de commerce du Halifax métropolitain, et nous accueillons M. Mike Schmid, président du groupe d'étude sur le budget, et M. Peter Doig, président du Comité des affaires gouvernementales. Messieurs, bienvenue.

M. Peter Doig (président, Comité des affaires gouvernementales, Metropolitan Halifax Chamber of Commerce): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Peter Doig, et je suis le président du Comité des affaires gouvernementales.

Monsieur le président, j'en profite tout d'abord pour vous remercier de vous être déplacés jusqu'à Halifax et de nous avoir invités à prendre part aux consultations prébudgétaires.

Permettez-moi un bref commentaire sur le préavis dont vous a déjà parlé Mme Beale. Il est beaucoup trop court, particulièrement pour des organismes comme la Chambre de commerce qui dépend de bénévoles; si vous pouviez à l'avenir nous prévenir plus longtemps à l'avance, nous serions en mesure de bien mieux préparer nos comparutions.

Pour ma part, je me contenterai de vous expliquer ce matin dans quel contexte vous devez situer nos propos.

La Chambre de commerce de la région métropolitaine de Halifax est un organisme d'affaires qui représente les entreprises et les particuliers de la région de Halifax. Nous sommes composés de bénévoles, et nous représentons plus de 1 300 entreprises et 2 300 particuliers, ce qui fait de nous l'un des groupes d'intérêt les plus importants de la région atlantique.

La formulation de politiques est l'une de nos activités principales. Nous consultons régulièrement nos membres et menons des enquêtes de même que des projets de recherche; nous consultons les organes de réglementation et les parties intéressées au gouvernement. Par conséquent, nos opinions traduisent parfaitement les préoccupations des gens d'affaires de la région métropolitaine de Halifax.

Tout comme Mme Beale, nous avons remarqué que l'économie de la région atlantique a subi des transformations considérables. Pour nos membres, cette évolution énorme représente des occasions en or à saisir. Sur cette note optimiste, je céderai la parole à M. Schmid, qui préside notre Comité des finances fédérales et qui vous donnera plus de renseignements substantiels. Merci.

M. Mike Schmid (président, Groupe d'étude sur le budget, Metropolitan Halifax Chamber of Commerce): Je remercie le comité de nous avoir permis de participer à sa réflexion et espérons qu'il continuera de faire appel à nous.

Les membres de la Chambre de commerce ont les mêmes préoccupations que bon nombre de Canadiens. Ils se préoccupent surtout de la dette. Nous sommes ravis d'avoir entendu le ministre des Finances dire récemment à Vancouver que nous avions accompli des progrès vers la réduction du déficit et qu'il pourrait même envisager une réduction de sa dette. Nous croyons qu'il faut continuer à essayer d'éponger la dette, et pas seulement le déficit.

Les Canadiens doivent comprendre que même si nous semblons réellement réduire le déficit, ce succès est attribuable en grande partie à la faiblesse des taux d'intérêt. Dès qu'il y aura une augmentation de ces taux, nous reculerons sans doute à nouveau. En fait, nous pourrions même assister à nouveau à un accroissement de notre déficit et, partant, de notre dette. Il faut donc en profiter maintenant. Comme l'a déjà signalé quelqu'un, il vaut mieux se serrer la ceinture à court terme pour y gagner à long terme pendant que nous pouvons le faire.

• 0845

Notre deuxième préoccupation, ce sont les taux d'imposition. Tout le monde conviendra sans doute, mais pour des raisons différentes, que les niveaux d'imposition constituent un problème. Les Canadiens à faible revenu sont évidemment surtaxés, tout comme le sont les Canadiens à revenu moyen, puisque dès que l'on gagne plus de 29 500 $, le taux d'imposition atteint 43 p. 100. Pourtant, il saute aux yeux que dès lors que les Canadiens ont plus d'argent à dépenser, que ce soit pour s'instruire ou pour augmenter leur pouvoir d'achat, ce phénomène permet la création d'emplois et stimule l'activité économique.

Notre troisième préoccupation a déjà été mentionnée, à savoir le coût de l'emploi. D'une part, il faut cotiser à l'assurance-emploi, et d'autre part, le fonds affiche un surplus; pourtant, on n'a encore jamais annoncé une réduction dans les cotisations à l'assurance-emploi. Les coûts du RPC augmentent. Il devient très coûteux d'employer des gens, ce qui a le même effet qu'augmenter les impôts. Moins les Canadiens ont d'argent à dépenser, moins ils achètent, que l'on parle de biens ou de l'éducation.

La paperasserie est un autre problème directement associé à ce que je viens de dire. Peter et moi sommes des comptables agréés. Lorsque nous aidons les personnes âgées à remplir leurs formulaires d'impôt, nous rendons compte à quel point l'indexation rend complexes leurs formulaires. Du côté des entreprises, ce sont les obligations de conformité qui sont énormes.

Nous sommes heureux d'avoir constaté que le budget fédéral de 1996 allégeait le compte rendu des charges sociales pour ceux dont les cotisations atteignaient moins de 1 000 $ par mois. Voilà le genre d'initiative qu'il faut encourager et reproduire. Les gens d'affaires doivent pouvoir faire des affaires et pas seulement remplir des formulaires.

Si on combine l'obligation de remplir des formulaires aux autres obligations auxquelles font face les entreprises, telles que l'obligation de rendre compte de la TVH, ou la réglementation en matière de santé et sécurité au travail—qui est un aspect important mais qui constitue également un fardeau pour les entreprises qui doivent s'y conformer—vous vous rendez compte à quel point il est important de réduire la paperasserie dans le domaine de l'impôt.

En gros, voilà nos trois grandes préoccupations: le niveau de l'endettement, et la chance qui nous est offerte actuellement de la réduire encore plus; les niveaux d'imposition; et l'allégement des coûts de l'emploi pour les entreprises.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Schmid.

Nous passons maintenant au représentant de l'Association des constructeurs de routes de la Nouvelle-Écosse. Bienvenue à Steve Williams, son directeur général.

M. Steve Williams (directeur général, Nova Scotia Road Builders Association): Merci. Notre association est ravie de comparaître devant le Comité permanent des finances pour lui exposer son point de vue.

Nous célébrons cette année nos 50 ans d'existence. Nous représentons 110 entreprises qui emploient plus de 4 500 personnes. Dans la province de la Nouvelle-Écosse, notre association prône activement l'établissement d'un programme d'autoroutes nationales. Notre mémoire expose l'importance des autoroutes dans notre province, puisqu'elles constituent le pivot du transport à la fois commercial et touristique.

Le temps, l'usage et parfois la négligence contribuent tous à la détérioration de notre monde physique. Nous agissons de diverses façons pour y faire échec. Chez l'homme, on cherche à ralentir le processus du vieillissement en se mettant au régime ou en faisant de l'exercice. C'est du moins ce que nous croyons. Nous refaisons la toiture de nos maisons à intervalles réguliers. Or, lorsqu'on parle du plus grand investissement qu'ait jamais fait notre société, notre bilan n'est pas aussi reluisant. La logique avec laquelle nous traitons notre corps et nos biens personnels ne semble pas s'étendre à nos responsabilités collectives à l'égard de nos autoroutes, de nos routes, de nos ponts et de nos autres infrastructures.

On considère souvent la Transcanadienne, qui fut construite pour illustrer la politique nationale, comme un équipement fédéral. Or, cette route, construite au départ à deux voies grâce à un financement conjoint des paliers fédéral et provincial, relève des provinces. Autrement dit, chaque province doit l'entretenir, l'exploiter, la remettre en état et prévoir son élargissement par rapport à la route originale. De plus, cette route a vu son importance accrue, car c'est aujourd'hui le réseau de transports le plus important qui relie non pas une province à l'autre mais le pays dans son ensemble.

La province de la Nouvelle-Écosse compte quelque 26 000 kilomètres de routes à deux voies qui relèvent de la province et des municipalités. Dix mille cinq cents kilomètres de routes sont en gravier, 13 500 kilomètres sont pavées et 1 500 autres kilomètres sont considérées comme des voies rapides. Par suite de la suppression de tout le réseau ferroviaire à Terre-Neuve et d'une grande partie de celui-ci en Nouvelle-Écosse, le trafic par camion s'est considérablement accru, particulièrement sur la Transcanadienne. Cette augmentation obligée en vue de transporter des biens d'un bout à l'autre de la province et d'une province à l'autre, a nui considérablement aux routes provinciales.

• 0850

Les reportages dans les médias et à la télévision ont contribué à sensibiliser la population canadienne au délabrement des routes actuelles. Les Canadiens savent également que le gouvernement se doit de toute urgence d'investir non seulement dans une nouvelle infrastructure routière, mais aussi dans la réfection de l'infrastructure routière existante.

En Nouvelle-Écosse, il y a de cela quelques années, notre association a dépensé beaucoup d'argent pour sonder l'opinion de la population au sujet de l'adoption d'une taxe spéciale qui devait servir, en sus des budgets existants, à améliorer les routes provinciales. La population ayant répondu de façon positive, nous avons fait mousser l'idée par le truchement de la presse, d'entrevues à la radio et d'allocutions prononcées auprès de gens d'affaires et à des tribunes publiques. L'ancien gouvernement libéral, une fois l'idée reprise à son compte, imposa la taxe en question et se mit à recueillir 35 millions de dollars par an en vue d'améliorer les routes. Toutefois, il s'est mis à sabrer dans le budget original consacré aux routes à hauteur de la même somme perçue en taxe sur le carburant; au bout de quelque temps, il a fini par injecter l'argent recueilli dans le fonds des recettes générales. Nous avons fini par ne plus avoir qu'une taxe additionnelle sur le carburant imposé à tous les résidents de la Nouvelle-Écosse. On n'aurait jamais dû se permettre une telle chose.

Pour ce qui est du tourisme, la Nouvelle-Écosse est connue pour les plaisirs de la plage qu'elle offre. Toutefois, il est évident que pour attirer des touristes, il faut leur donner un accès convenable aux nombreuses baies, criques et autres installations de notre belle province, non seulement en leur proposant des autoroutes nationales de première classe, mais aussi des routes secondaires dont nous pourrions nous enorgueillir.

Ces dernières années, le gouvernement néo-écossais a concentré ses efforts sur l'élargissement à quatre voies de la Transcanadienne, de même que sur l'amélioration des pires tronçons de la route à deux voies existante. Le tronçon de loin le plus dangereux, celui qui traverse la vallée du lac Wentworth, est actuellement en train d'être remplacé, grâce à un partenariat entre le secteur public et le secteur privé.

Notre association est d'avis que le réseau des routes secondaires de la province a été gravement négligé au cours des dernières années. Il est de notoriété publique que le gouvernement fédéral reçoit énormément d'argent des taxes qu'il perçoit sur les routes, soit au-delà de 5 milliards de dollars par année, alors qu'il ne réinjecte que moins de 10 p. 100 dans les routes qui relèvent de sa compétence.

Il existe suffisamment de statistiques pour démontrer que tous les paliers de gouvernement subventionnent de moins en moins nos réseaux routiers depuis 20 ans, alors que l'utilisation de nos routes s'est accrue de façon considérable. Faute d'investir suffisamment dans l'infrastructure routière, les échanges commerciaux, le tourisme et l'économie en général piétineront et cesseront d'être compétitifs. De par sa nature même, un réseau national d'autoroutes, subventionné par le gouvernement fédéral à partir particulièrement des ressources actuelles, permettra aux provinces de dépenser plus d'argent pour leur réseau de routes rurales et leur réseau d'autoroutes, ce qui ne peut qu'avoir un effet bénéfique sur l'industrie touristique et le commerce de la province. Notre association croit fermement que le gouvernement fédéral doit adopter un programme national d'autoroutes qui non seulement rehaussera le bien-être économique du Canada mais aidera grandement aussi à promouvoir l'unité nationale.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Williams.

Passons maintenant à notre dernière intervention et accueillons M. Neil Raynor, directeur exécutif, et M. Bernie Miller, président de l'administration aéroportuaire de l'Aéroport international de Halifax.

M. Neil Raynor (directeur exécutif, Administration aéroportuaire de l'Aéroport international de Halifax): Merci beaucoup de nous accueillir mon président, Bernard Miller, et moi-même.

Merci de permettre à l'administration aéroportuaire de l'Aéroport international de Halifax de venir témoigner aujourd'hui. Le mandat de notre administration—qui est celui de négocier la cession de notre aéroport puis de l'exploiter dans l'intérêt de la collectivité—nous vient directement du gouvernement fédéral, par le truchement de sa politique nationale des aéroports.

On nous a demandé de répondre à deux questions. La première portait sur le processus de réduction du déficit. J'estime que le gouvernement n'avait d'autre choix que de s'attaquer énergiquement au déficit. Toutefois, cela a créé des problèmes à notre infrastructure aéroportuaire, qui constitue notre lien le plus important avec le monde. Cette méthode a désavantagé notre région, et c'est ce dont nous voulons vous parler.

Quant à la deuxième question, à savoir comment répartir le dividende financier, j'espère vous démontrer en quelques minutes qu'investir dans l'Aéroport international de Halifax constitue un investissement stratégique qui profitera à long terme à l'économie et à l'autonomie de la région.

Dès le départ, comprenons tous bien que l'appellation «Aéroport international de Halifax» prête à confusion. En réalité, il s'agit de l'Aéroport du Canada atlantique. En effet, chaque année, environ la moitié des 2,7 millions de voyageurs et des milliers de tonnes de marchandises qui transitent par l'aéroport commencent ou terminent leur voyage dans l'une des trois autres provinces de l'Atlantique.

• 0855

Le poids économique de l'aéroport dans la région est stupéfiant: l'aéroport génère directement et indirectement quelque 9 500 emplois et plus d'un milliard de dollars d'activités économique dans la région.

Le gouvernement tire de toute l'activité connexe engendrée quelque 60 millions de dollars d'impôt sur le revenu des particuliers et presque 17 millions de dollars en taxe de vente au détail.

Prenons maintenant la taxe qui est prélevée sur le billet aller simple moyen qui coûte 270 $ dans la région de l'Atlantique, et prenons aussi la taxe de vente harmonisée de 15 p. 100. Si l'on considère que 1,3 million de gens commencent leur voyage dans la région de l'Atlantique, cela signifie que les voyageurs transitant par l'aéroport international représentent 55 millions de dollars en taxe à la consommation perçue sur tous les déplacements aériens à destination et en provenance de notre aéroport, et ce chaque année. Or, un rendement annuel sur le capital investi dans l'aéroport de 55 millions de dollars et plus me semble très raisonnable pour le gouvernement.

L'effet sur l'économie est déjà considérable. Comment faire encore mieux? Eh bien, comme on vous l'a déjà dit, le tourisme et les échanges commerciaux sont essentiels à l'avenir des provinces de l'Atlantique.

Le tourisme est l'industrie la plus importante au monde et celle qui croît le plus rapidement. Il s'agit d'une industrie mondiale dont les attentes en matière de services sont très élevées. C'est également une industrie extrêmement compétitive, puisque particuliers, entreprises et collectivités cherchent à exploiter leurs avantages naturels.

On nous dit que les touristes recherchent la nature, qu'ils veulent voir différentes cultures, différents paysages, se sensibiliser l'histoire et à différents modes de vie, et nous offrons tout cela en abondance dans la région de l'Atlantique. Or, comme la tendance est aux courtes vacances, cela signifie que nous devons offrir à nos nombreux visiteurs l'accès par avion à notre région. Voilà où le bât blesse, en raison des contraintes de capacité de notre aéroport.

Du côté des échanges commerciaux, le partenariat entre la province et la région métropolitaine de Halifax cherche à démontrer qu'une façon intelligente de faire des affaires, c'est de s'installer en Nouvelle-Écosse et à Halifax; cette affirmation vise à faire mousser les échanges commerciaux et les investissements étrangers. On encourage même les dirigeants d'entreprises à visiter la province pour venir le constater par eux-mêmes. Ces gens voyagent par avion, et la première impression qu'ils ont de la Nouvelle-Écosse et de la région de l'Atlantique, c'est notre aéroport; or, notre aéroport sera sans doute leur dernier souvenir, et celui qui durera le plus longtemps.

Demandons-nous si les installations actuelles aident à l'image de marque que nous voulons lui transmettre ou si elles lui nuisent? Demandons-nous si les installations actuelles offrent le libre accès et les normes de services auxquels on s'attend aujourd'hui dans le transport aérien de passagers? Demandons-nous si les installations actuelles permettent à nos locataires, particulièrement les compagnies aériennes, de fonctionner efficacement? Malheureusement, à ces trois questions, je me dois de répondre par la négative.

Dans sa politique nationale des aéroports, le gouvernement a reconnu que certaines communautés étaient défavorisées, leurs aéroports n'ayant pas fait l'objet d'améliorations essentielles. Le fait que l'Aéroport international de Halifax, Halifax même et la Nouvelle-Écosse ont été désavantagés a été reconnu; nous ne parlons donc pas de principes. Toutefois, le gouvernement fédéral continue à faire fi de l'ampleur du problème qu'il a créé.

Le tigre du déficit étant maintenant maîtrisé, le temps est venu de prendre des mesures pour rectifier ces problèmes de capacité qui nous placent dans une position concurrentielle défavorable.

Dans l'avenir prévisible, Ottawa et Winnipeg, deux villes auxquelles nous comparons, comme le fait Transports Canada, disposent d'une capacité aéroportuaire suffisante—Winnipeg par exemple peut accueillir 3,6 millions de passagers par année—alors que la capacité à l'Aéroport international de Halifax n'est que de 2 millions de voyageurs. Or, chacun de ces aéroports, Ottawa, Winnipeg et Halifax, accueillent approximativement le même nombre de passagers et Halifax, qui est censé pouvoir accueillir 2 millions de passagers, en reçoit en réalité 2,7 millions; c'est du moins le chiffre de l'année dernière. Nous avons un très gros problème.

Si vous considérez la situation dans ces autres communautés, les aérogares ont été construites à peu près à la même époque, au début des années 60. Il fut un temps où ces installations se ressemblaient beaucoup. Je vous suggère de regarder autour de vous lorsque vous quitterez notre aéroport aujourd'hui, et puis de le comparer avec les installations d'Ottawa, pour ceux d'entre vous dont c'est la destination. Souvenez-vous que nous avons le même nombre de passagers, le même volume de trafic, mais par contre, les installations sont très différentes.

• 0900

Au cours des 15 dernières années, le trafic aérien a énormément augmenté, particulièrement à Halifax. En fait, entre 1983 et 1992, le trafic a augmenté plus rapidement à Halifax que n'importe où ailleurs au Canada. Il a augmenté plus vite qu'à Toronto, Vancouver et Ottawa. Mais c'est là où le taux de croissance a été le plus élevé. Malheureusement, l'infrastructure n'a pas suivi ce rythme.

Le problème de capacité s'est encore aggravé pendant cette période: l'Aéroport international de Halifax est devenu une plaque tournante pour la région de l'Atlantique. Même le personnel de Transports Canada a reconnu le problème au début des années 90 et y a proposé une solution de 160 millions de dollars. Toutefois, la solution proposée n'a jamais été apportée, le problème jamais résolu. Pour les Canadiens de l'Atlantique, cela représente une perte d'emplois et de débouchés.

Je vais reprendre une observation d'Elizabeth: cela empêche la région d'instaurer des changements et de profiter de certains débouchés qui se traduiraient par de nouveaux emplois. Nous ratons des occasions parce que les compagnies aériennes ne peuvent pas offrir à leurs clients un niveau de service acceptable. Des emplois sont perdus dans toute la région parce que ces compagnies et leurs clients, ainsi que les touristes potentiels, tous vont ailleurs.

La réponse à la deuxième question est donc qu'il existe peu d'investissements à long terme aussi avantageux pour le gouvernement du Canada que le serait un investissement stratégique dans la plaque tournante de la région de l'Atlantique, l'Aéroport international de Halifax. Cela profiterait directement aux quatre provinces de l'Atlantique et aurait un impact direct et positif sur l'économie de la région. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Raynor.

Nous allons commencer la période de questions avec M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai deux questions, une pour M. Wilde et une pour M. Raynor.

Monsieur Wilde, ayant été un petit entrepreneur moi-même pendant 25 ans, j'ai beaucoup apprécié vos observations, et j'ai reconnu beaucoup de problèmes que vous avez mentionnés. Pourriez-vous nous dire quelles sont les trois choses que vous feriez pour les petits entrepreneurs si vous étiez le ministre des Finances? Comme nous le savons tous, la petite entreprise joue un rôle énorme dans notre économie et également pour la création d'emplois.

M. Peter Wilde: J'ai déjà mentionné une chose, réduire une partie des taxes imposées aux petits employeurs lorsqu'ils embauchent du personnel. Rendre les choses plus faciles pour les gens. Nous ne voulons pas la charité, cela est généralement reconnu. Je fais partie de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui a probablement fait devant ce comité une intervention beaucoup plus convaincante que je ne pourrais le faire à moi tout seul.

Je représente environ 200 petites entreprises, et ce sont toutes de petites entreprises familiales. Je pense que personne n'a un chiffre d'affaires supérieur à un million de dollars. Tous travaillent très fort, et pour nous tous, depuis six ans, le fardeau fiscal est vraiment très lourd.

Ceux d'entre nous qui travaillent à leur compte et qui ne peuvent pas se constituer en société ont encore plus de difficultés à s'adapter. Depuis le budget de 1995, le produit différé est imposé progressivement sur une période de dix ans. Par conséquent, pendant une période de dix ans, tout comme beaucoup d'autres professionnels qui travaillent à leur compte, qu'il s'agisse de médecins, de dentistes ou de gens pour lesquels, en règle générale, l'ensemble de la population n'a pas tellement de sympathie, tous nous devons payer de l'impôt sur 10 p. 100 de plus que notre revenu réel. Dans mon cas personnel, cela signifie que l'impôt que je paye est passé de 33 à 45 p. 100 de mon revenu total. C'est un très gros morceau. Je ne sais pas si quelque chose pourrait être fait pour rectifier cela.

La chose la plus importante pour l'avenir de ce pays, c'est de mettre en place un bon système d'éducation. Les gens sont notre ressource la plus précieuse. Nous devons favoriser au maximum le développement des talents des jeunes. Je ne suis pas compétent pour décider de la façon de procéder, mais j'ai tout de même travaillé avec des équipes de planification dans des écoles primaires et secondaires, et j'ai eu l'impression que tout le système tendait vers une «médiocratie». Les éléments doués ne sont pas encouragés à utiliser leurs dons au maximum.

• 0905

M. Dick Harris: Monsieur Raynor, j'ai une bonne idée de votre situation avec le transfert de l'administration aéroportuaire, car c'est en cours actuellement dans ma propre ville, en Colombie-Britannique. Toutefois, j'ai une chose à vous demander. Pendant les pourparlers sur le transfert de l'administration aéroportuaire du gouvernement aux autorités locales, est-ce qu'on n'a pas parlé des améliorations et de l'infrastructure dans le cadre du plan d'affaires? Est-ce que vous n'avez pas adopté des plans à long terme pour réaliser vos objectifs? Le gouvernement se retirant, est-ce qu'il n'a pas accepté de conserver une certaine responsabilité en attendant que vous deveniez plus autonomes et plus indépendants sur le plan administratif?

Est-ce qu'une des parties n'a pas exécuté sa part de l'accord, ou bien cette planification a-t-elle été omise? Voilà donc ma question.

M. Neil Raynor: Ni l'un ni l'autre. J'aurais dû commencer par dire que nous n'administrons pas encore l'aéroport. Le processus n'est pas terminé. Nous espérons que la fin des négociations approche, mais dans l'ensemble, notre position doit être assez semblable à celle de votre communauté.

Le principal problème qui ralentit le transfert, c'est que notre infrastructure est vieille, en particulier l'aérogare, et cela doit être réglé. Transports Canada nous demande maintenant de nous charger d'une entreprise qui perd de l'argent et de redresser la situation. Nous croyons pouvoir le faire, pour le plus grand bien de la communauté. Ils veulent ensuite que nous investissions, que nous rénovions et que nous réglions ces problèmes de capacité qui existent déjà, avant le transfert. Cela va coûter beaucoup d'argent, mais nous pouvons le faire également. Le gouvernement fédéral veut également que nous payions un loyer.

Notre problème, c'est que nous ne pouvons pas faire les trois. Il n'est pas possible de se charger d'une entreprise qui perd de l'argent, d'investir pour redresser la situation, alors que le gouvernement fédéral n'a pas réussi à le faire pendant 10 ou 15 ans, et en même temps, de payer un loyer.

Ce que le gouvernement fédéral propose, c'est que nous dépensions pour l'infrastructure la moitié de ce que lui dépensait jusqu'à présent. À son avis, cela devrait rendre les installations viables. Malheureusement, comme nos banquiers nous le signalent à juste titre, ils n'accepteraient pas une projection dans un plan d'affaires, parce que nous chargeons en même temps d'un lourd passé. Nous pensons pouvoir nous débrouiller mieux et être plus efficaces et plus rentables que le gouvernement, mais diminuer les pertes de moitié avec une infrastructure aussi vieille, ce n'est tout simplement pas possible.

M. Dick Harris: D'accord. Merci. J'imagine que tous les problèmes que vous avez mentionnés ce matin dans le temps dont vous disposiez constituent un gros morceau de vos négociations, car vous n'accepterez sûrement pas de signer quelque chose qui serait terriblement désavantageux.

M. Neil Raynor: Exactement. Pour l'instant, nous sommes désavantagés par rapport à ces autres aéroports, à toutes ces communautés où les transferts sont chose faite. Nous heurtons à une forte concurrence. Nous ne pouvons pas accueillir le trafic qui normalement viendrait ici et, dans certains domaines, cela cause de graves problèmes. Comme nous ne pouvons pas accueillir ce trafic, il va se diriger ailleurs, et c'est l'ensemble de la région de l'Atlantique qui y perdra.

C'est vraiment très important... Je ne vais pas me lancer dans une discussion de gros sous, j'essaie de ne pas le faire non plus avec Transports Canada, car... J'ai mentionné que Transports Canada avait évalué les rénovations à 160 millions de dollars. Ils reconnaissent qu'il y a un grave problème de capacité, que le besoin existe, et c'est le coût qu'ils ont mentionné. Nous pensons, en fait, nous savons que nous pouvons le faire pour beaucoup moins. Ce n'est donc pas l'évaluation que je conteste.

Voici ce que nous leur avons dit: vous n'avez qu'à regarder les installations; quand vous quitterez Halifax, quand vous arriverez à Ottawa, pensez qu'en 1960 ces deux aéroports étaient exactement identiques. Aujourd'hui, la différence c'est que les aéroports d'Ottawa et de Winnipeg ont été rénovés, mais par contre, quand le tour de Halifax est arrivé, nous avons été victimes de la lutte au déficit.

• 0910

Nous sommes nombreux à nous en rendre compte, et certains d'entre nous, mais pas tous, pensent même qu'on a eu raison de s'attaquer ce problème-là quand on l'a fait. Il n'en demeure pas moins cependant que nous n'avons pas eu droit à ces rénovations essentielles. Maintenant le temps est venu de faire quelque chose.

Le président: Merci, monsieur Raynor, et merci, monsieur Harris.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président, et bonne chance Neil. À Kamloops, en Colombie-Britannique, nous venons de passer par tout ce processus. Nous préparons à imposer des frais d'utilisation pour financer l'expansion.

Je suis arrivé de Vancouver récemment, et bien sûr, nous avons tous dû payer 10 $ pour monter à bord de l'avion... Est-ce que quelqu'un a mentionné Edmonton? Toronto aussi? Apparemment, c'est une autre surtaxe qui nous sera imposée. Je vois une tendance très nette se développer.

Ma première question s'adresse à vous. Plusieurs d'entre vous se sont dits préoccupés du sort des petites et moyennes entreprises et ont mentionné que depuis quelque temps leurs revenus d'entreprise allaient en s'amenuisant. C'est la première fois que notre comité traverse la région de l'Atlantique, demain nous serons à St. John's. Pouvez-vous nous parler, surtout pour ceux d'entre nous qui n'y sont pas habitués, de l'effet de la TVH sur les commerces de la région?

Deuxièmement, on s'attend à ce que des changements considérables soient apportés au Régime de pensions du Canada, des changements qui vont coûter aux employeurs et aux employés plusieurs centaines de dollars de plus chaque année. Est-ce que votre organisme, et peut-être Peter également, a eu l'occasion d'étudier l'impact de cette mesure sur la région? Pouvez-vous répondre aux deux questions?

M. Mike Schmid: Je vais commencer par la TVH. Je crois qu'il y a deux aspects à cette question, un aspect financier et la question de la conformité.

En ce qui concerne la conformité, et Peter sera probablement d'accord avec moi, la situation est désastreuse. Nous avons commencé quand la TPS a été mise en place, tout le monde a dû dépenser beaucoup de temps et d'argent pour apprendre à traiter la nouvelle taxe. Finalement, les gens avaient fini par s'y retrouver.

C'est là que nous sommes passés à la TVH. Elle a été appliquée assez rapidement, sans véritable planification. Je l'ai constaté moi-même; à la fin d'une année-personne, nous n'avions qu'à tout passer en revue, à multiplier par 7 p. 100 pour obtenir le total donnera.

On n'a pas cette possibilité. J'ai des clients qui m'appellent et qui me disent: «Il y a des gens qui me facturent la TVH, et d'autres pas, et il y en a qui sont censés le faire». C'est bien joli, sauf quand le vérificateur arrive. Si vous étiez censé la payer, que va-t-il se produire?

J'ai parlé aux responsables locaux, et ils m'ont dit de ne pas m'inquiéter, qu'ils se rendraient compte s'il y avait fraude. Eh bien, dans mon expérience de la TPS, cela ne marche pas comme ça. C'est plutôt: «Nous en apercevrons s'il y a fraude, mais en attendant, vous pouvez nous payer».

Je n'en ai pas discuté avec mon comité, mais ce qui m'inquiète, c'est que dans une économie très axée sur les services, c'est probablement... Je me demande si ce n'est pas de l'argent en moins pour la région de l'Atlantique ou du moins pour la Nouvelle-Écosse. C'est facile de dire: nous supprimons la taxe de vente provinciale et nous la remplaçons par la TVH et cela va revenir au même, mais je ne suis pas certain que ce soit le cas. D'après certains rapports, cela n'a pas été le cas; nous payons plus de taxes.

Vis-à-vis du tourisme, c'est très simple. Si j'ai 1 070 $ à dépenser pour mes vacances, cela me coûtera dorénavant 1 150 $. Cela va faire une journée de vacances en moins. Si j'achète des services, c'est la même chose.

Je sais que nous avons un comité sur le RPC. Est-ce que vous connaissez...?

M. Peter Doig: Monsieur Riis, vous posez une excellente question. Vous le savez peut-être, la Chambre était tout à fait en faveur de la TVH. Nous avons travaillé très dur sur ce dossier, nous avons effectué des changements qui nous semblaient nécessaires. Les cinq principales questions qui nous préoccupaient ont été résolues, à la fois au niveau provincial et au niveau fédéral. La TVH qui a été mise en place en avril de cette année tient compte de ces préoccupations.

Quant à l'impact véritable, nous n'avons pas encore les chiffres.

M. Nelson Riis: Mais vous devez avoir une idée. Vous devez connaître l'opinion de vos membres.

M. Peter Doig: Je vais aborder la question d'un angle un peu différent de celui de mon collègue, M. Schmid. Dans l'ensemble, nos membres s'en tirent probablement un peu mieux financièrement, mais nous n'avons pas les chiffres. Quant à l'application, la paperasserie n'est jamais une bonne chose.

• 0915

Évidemment, nous aimerions payer moins de taxes, mais depuis le début nos membres pensent que la TVH est une innovation positive car elle simplifie la structure de la taxe de vente, elle augmente les crédits de taxes et constitue pour nous un système plus simple et plus cohérent.

Quant au RPC, nous n'avons pas encore étudié les récentes propositions législatives, si bien que j'hésiterais beaucoup à vous en parler sans avoir consulté nos membres.

M. Mike Schmid: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter une chose. La plupart des problèmes sur le plan de l'application sont dus au fait que ce n'est pas universel. Ce sont surtout des problèmes dus au fait que la TVH ne s'applique pas partout. Voilà où se trouvent les plus gros problèmes. Si cette taxe était universelle dans tout le pays, ce serait beaucoup plus simple.

M. Peter Wilde: En ce qui concerne les services, plusieurs de nos clients, et nous-mêmes également, offrent des services professionnels à l'extérieur de la région de l'Atlantique. Comme nous avons notre siège social ici, nous sommes aujourd'hui moins concurrentiels sur les autres marchés canadiens. Nous devons maintenant percevoir une taxe de vente de 15 p. 100 au lieu de 7 p. 100. Cela a un impact négatif sur certaines industries de services qui sont basées ici et qui traitent à l'extérieur de la région.

Sur le plan commercial, la TVH est une très bonne idée. Cela favorise les entreprises mais en même temps, cela défavorise les gens ordinaires. Quand la TVH a été mise en place, le gouvernement provincial a dit que ce serait très bien parce que les entreprises économiseraient de l'argent, et que cette économie se répercuterait sur leurs intrants alors qu'auparavant elles devaient absorber le coût de la taxe de vente provinciale. Mais la plupart des entreprises avec lesquelles je traite sont sur la corde raide et essaient de survivre, si bien qu'il n'y a rien à répercuter. Elles ont vraiment besoin du bénéfice qu'elles font sur la TVH, si on peut parler de bénéfice, simplement pour survivre. Quant aux consommateurs, je ne pense pas qu'ils aient vu les prix diminuer de façon appréciable lorsque la TVH a remplacé la TVP.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilde. Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Tout d'abord, je tiens à remercier chacun de vous des excellents exposés que vous nous avez présentés ce matin. Cela nous sera très utile.

Je suis un Canadien de l'Atlantique. Ma circonscription est située à environ une heure d'ici, dans la vallée d'Annapolis, dans les comtés de Kings et de Hants. Les provinces de l'Atlantique sont aux prises avec un obstacle bien réel. Au cours des 30 dernières années, le gouvernement fédéral n'a pas réussi à protéger la population des risques de demain.

Dans une grande mesure, dans les provinces de l'Atlantique, nous avons empêché au moins une génération de profiter des occasions et des récompenses de l'avenir. Cette situation est particulièrement triste pour les jeunes Canadiens de ces provinces qui doivent, comme je l'ai fait, aller gagner leur vie ailleurs. Avant d'occuper mon poste actuel, j'ai travaillé dans le domaine des affaires, dans les petites entreprises, et j'ai voyagé quatre ou cinq ans vers New York et les États-Unis, puis deux ans vers Toronto, pour gagner ma vie. Je reconnais les problèmes que cela pose. Un grand nombre de mes pairs n'ont pas encore pu revenir et c'est bien malheureux.

Les Canadiens de l'Atlantique n'aiment pas être dépendants. Personne ne veut dépendre d'autres gens ou d'autres régions du pays. Nous ne voulons pas être réduits à la dépendance. Ce que nous souhaitons, c'est l'occasion de contribuer à la croissance économique dont profitent les autres régions du pays.

Nous avons maintenant dans nos provinces l'assise nécessaire pour réaliser ce potentiel. Dans une récente étude de KPMG, on a reconnu la compétitivité de certains centres des provinces de l'Atlantique et la rentabilité de leurs exploitations. Grâce aux nouvelles industries axées sur la connaissance et puisque le coût des télécommunications ne se fonde plus sur la distance, ces régions sont encore mieux en mesure d'accueillir de nouvelles entreprises.

Ma question ne s'adresse à personne en particulier. Quiconque peut y répondre. Croyez-vous que le gouvernement pourrait jouer un rôle plus efficace dans les provinces de l'Atlantique, non pas par les mesures que nous prenons dans ces provinces, mais par l'élimination partout au Canada des règles excessives imposées aux petites entreprises et des obstacles trop grands au commerce interprovincial? D'après une étude réalisée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, je crois, une augmentation de 10 p. 100 du commerce interprovincial permettrait de créer environ 200 000 emplois.

Et la réforme fiscale... Certains ont proposé d'augmenter l'exemption personnelle de base afin qu'une partie des travailleurs à faible revenu n'ait plus à payer d'impôt. Je suis d'accord avec vous, monsieur Wilde. Il est révoltant de voir un si grand nombre de travailleurs à faible revenu payer des impôts alors qu'ils vivent sous le seuil de la pauvreté.

• 0920

Les charges sociales, plus particulièrement les cotisations à l'assurance-emploi, nuisent considérablement à la création d'emplois.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de la question de la réglementation, des obstacles au commerce interprovincial et de la réforme fiscale.

Le président: Quelqu'un est prêt à relever le défi?

M. Scott Brison: Vous avez raison, c'est un défi, mais nous sommes de taille à y nous attaquer, n'est-ce pas?

M. Neil Raynor: Je suis certes d'accord lorsque vous dites que nous ne voulons pas vivre d'aide sociale; j'ajouterai toutefois que pour cela, il faut apporter certains changements organisationnels, que nous devons mettre certaines structures en place, au propre et au figuré. Une fois que nous aurons fait cet investissement, notre aéroport sera autonome, nos profits seront plus élevés que nos dépenses et nous ne serons plus, comme aujourd'hui, en situation de déficit.

Le président: Quelqu'un a quelque chose à ajouter? Vous voulez répondre également, monsieur Johnston? Nous entendrons ensuite les réponses de M. Wilde et de M. Doig.

M. Ian Johnston (analyste des politiques, Nova Scotia Government Employees Union): Merci, monsieur le président. Je suis content que M. Brison ait posé cette question.

Ce que nous essayons de souligner, dans notre témoignage, c'est que nous sommes au départ sous la barre du zéro, si l'on veut. C'est de façon délibérée que nous avons parlé de «sous-développement structurel», dans le contexte de l'histoire de notre région et des épreuves qu'elle a dû traverser. Vous avez tout à fait raison. Nous ne voulons pas être dépendants, ni vivre de l'aide sociale, mais nous ne sommes pas non plus d'accord avec le portrait que le Fraser Institute brosse de notre région.

Nous avons insisté sur le rôle important de l'infrastructure sociale et humaine et sur le rôle du secteur public dans l'aide au développement économique. On a beaucoup discuté auparavant de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Pour nous, cela ne fonctionnera pas si l'on retire...

Même M. Martin a reconnu, dans son exposé de la semaine dernière, la nécessité de services fondamentaux comme les soins de santé, l'éducation et les services communautaires comme base du progrès. Il cherche maintenant à se faire passer pour le ministre de l'Éducation, même si c'est son gouvernement qui a imposé les plus fortes réductions dans le financement de l'éducation, indirectement dans le cas de l'éducation publique et directement dans celui de l'éducation postsecondaire.

Pour nous, ce sont des problèmes qui doivent être réglés. Nous sommes très inquiets des effets que pourrait avoir une entente sur le commerce intérieur—pas pour ce qui est de voir ce qui peut être supprimé ou des moyens pour éviter le double emploi, mais plutôt sous le rapport de l'atteinte qu'une telle entente pourrait porter quant aux services publics ou des tentatives de commercialisation de ces services qu'elle pourrait entraîner. Il faut faire très attention aux grandes déclarations sur le retrait du gouvernement de certains domaines. Le gouvernement a un rôle à jouer, nous devons le reconnaître. Bien sûr, le secteur privé a lui aussi son rôle.

M. Peter Wilde: J'ai la chance de vivre ici depuis près de 23 ans. Et je m'estime vraiment chanceux de vivre ici.

Personnellement, ce que j'ai toujours trouvé le plus frustrant, c'est que je constate qu'il y a ici en Nouvelle-Écosse toutes sortes de possibilités dont les gens pourraient profiter pour contribuer efficacement à l'économie de la province et du pays, mais il semble que personne d'autre ne peut... Il semble manquer aux gens l'esprit d'entreprise nécessaire, si je puis l'appeler ainsi, pour profiter de ces occasions.

À l'agence de développement régional, nous avons été témoins de résultats étonnants. Il suffisait de demander aux gens ce qu'ils voulaient faire et de les aider à le réaliser pour que les progrès s'accomplissent. Les gens commencent à se rendre compte qu'ils sont capables de faire quelque chose. Nous devons trouver le moyen de leur donner confiance en eux-mêmes, car il y a des milliards de possibilités à exploiter ici.

Nous sommes situés entre deux des plus grands blocs commerciaux au monde. Il y a d'une part les États-Unis, l'Amérique du Nord et l'ALÉNA et, d'autre part, l'Europe. Nous sommes juste au milieu. Je ne sais pas pourquoi nous n'offrons pas aux entreprises d'établir leurs bureaux en Nouvelle-Écosse, par exemple. Nous le pourrions. Je ne sais pas non plus dans quelle mesure le gouvernement fédéral peut encourager un projet de ce genre, mais nous avons toutes sortes de possibilités de créer ici un bien-être économique.

M. Peter Doig: Monsieur Brison, ce que vous dites est absolument juste, mais nous devons établir un ordre de priorité. Nous ne pouvons pas tout faire. Nous pouvons essayer, mais il faut d'abord s'attaquer aux problèmes les plus importants.

C'est la semaine dernière, monsieur le président, que le ministre des Finances a annoncé devant votre comité le premier excédent budgétaire depuis près de 30 ans. Cela signifie que depuis près de 30 ans nous avons accumulé les dettes. Nos membres sont d'avis que c'est là l'obstacle le plus important à la prospérité économique tant dans les provinces de l'Atlantique que dans tout le Canada pour l'avenir. Nous devons viser à réduire la dette et établir des objectifs réalistes et audacieux. Ce n'est qu'en réduisant notre endettement que nous pourrons nous doter, dans les années à venir, de la souplesse dont nous avons besoin pour que notre économie prospère selon son potentiel.

• 0925

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant à la dernière question. Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, lib.): Merci, monsieur le président.

Merci à tous d'être venus nous rencontrer. Vous nous avez présenté d'excellents exposés. Permettez-moi de poser une question à deux des témoins, mesdames Beale et Jessome.

Notre gouvernement reconnaît entre autres qu'il y a un prix à payer pour résorber le déficit. Nous l'avons entendu dire également dans d'autres provinces. Nous reconnaissons également ce fait et c'est en toute sincérité que nous sommes venus vous entendre.

Ma question porte en fait sur le partenariat. Certains ont parlé de paiements de transfert. D'après mon expérience, en Ontario, ces paiements de transfert sont d'environ 1,2 milliard de dollars. Mais le gouvernement provincial en a fait un remboursement d'impôt de 4,9 milliards de dollars pour l'Ontario. On a été témoin de réductions incroyables au chapitre de l'éducation, de la santé et de l'aide sociale qui est exagérée par rapport à la réduction des paiements de transferts.

Cela dit, voici ma question: d'après vous, quel est le juste équilibre à atteindre?

Mme Beale a dit que cette restructuration offrait des possibilités. Mme Jessome a dit que ce processus avait fait bien des victimes. Il y a par exemple le programme d'infrastructures, qui était un partenariat tripartite entre le palier inférieur, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. J'aimerais savoir si, à votre avis, il est possible d'établir un partenariat optimal ou juste et souhaitable entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial afin que les habitants des provinces de l'Atlantique obtiennent le maximum d'avantages pour l'argent disponible.

Mme Elizabeth Beale: Votre question est intéressante car elle va au-delà de l'organisation financière; vous essayez de voir, en fait, ce que les gouvernements peuvent faire ensemble.

Ce que nous avons constaté, dans notre région, c'est que le retrait de l'aide fédérale a éliminé toute la souplesse dont les provinces disposaient. Cela ne s'est pas passé de la même façon dans les autres provinces parce qu'elles ont des niveaux de production par habitant bien supérieurs à ce que l'on a connu dans les provinces de l'Atlantique. Les autres provinces peuvent remplacer les revenus perdus par d'autres sources de revenus—autrement dit, elles peuvent consentir des allégements fiscaux ou dépenser dans d'autres domaines.

Nous n'avons pas une telle marge de manoeuvre dans les provinces de l'Atlantique et c'est pourquoi l'adoption du financement en bloc par le truchement du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux pose un problème si énorme dans notre région. En effet, les montants de ces transferts sont fixes et nous sommes limités à ce financement du bloc. Les autres provinces ne sont pas limitées de la même façon. Nous devons faire très attention à la façon de gérer cela.

Cette question de partenariat m'inquiète. Puisque, de plus en plus, le développement économique est dévolu aux provinces dans des domaines comme la main-d'oeuvre, par exemple, les provinces plus petites ont de la difficulté à gérer ces activités parce qu'elles n'ont pas les ressources suffisantes. Nous n'avons même pas les ressources nécessaires au sein de notre bureaucratie pour gérer des politiques et des programmes plus complexes.

Ce qui risque de se produire, c'est une polarisation encore plus grande des possibilités entre les provinces plus grandes et plus riches et les provinces plus petites. Voilà le risque qui se pose dans le débat actuel.

J'aimerais que l'on mette davantage l'accent sur les objectifs nationaux, les stratégies nationales dans ce cadre. Il est peut-être plus efficace de confier la prestation des programmes à une entité plus près de la population qui constitue la clientèle du service, mais tout cela doit se fonder sur de fortes politiques nationales dans les domaines de l'éducation et de la formation, de la main-d'oeuvre et de la politique sociale. Il faut avoir un tel cadre général et c'est ce qui semble manquer à l'heure actuelle.

Mme Joan Jessome: Je suis d'accord avec Elizabeth sur la nécessité de normes nationales. Malheureusement, lorsque le financement global diminue, c'est surtout les femmes qui en sont victimes. Je représente un groupe de 18 000 familles dont environ 65 p. 100 sont des femmes. L'éducation, les soins de santé et les services sociaux sont des domaines dont les emplois sont surtout occupés par des femmes. Par conséquent, lorsque le gouvernement fédéral diminue les fonds qu'il verse aux provinces, les emplois et les conditions de vie sont réduits d'autant.

On a des normes nationales sous le régime de la loi canadienne sur la santé qu'il faut appliquer... le gouvernement de la Nouvelle-Écosse devra trouver 328 millions de dollars dans son budget malgré la réduction du financement global. Nous n'en avons pas les moyens. Nous n'avons pas les moyens de conserver les emplois. Nous ne pouvons pas nous permettre les effets dévastateurs que cela a sur notre population.

• 0930

Le président: Un dernier commentaire de M. Johnson.

M. Ian Johnson: Vous avez parlé d'équilibre dans votre question. Si ce que vous cherchez c'est l'équilibre, il y a une solution clairement énoncée dans le budget fédéral de rechange. Partez des même postulats que le ministère des finances, mais prenez une orientation toute différente en affectant les fonds au domaine dont nous parlons, soit l'aide au développement économique et la réduction de la dette. Le fait est qu'il y a d'autres orientations. Je vous exhorte à examiner ces documents, pas seulement au niveau fédéral, mais aussi au niveau provincial.

Le président: Merci à tous. Nous vous sommes sincèrement reconnaissants de vos témoignages. Vous trouverez, j'en suis certain, des échos des sujets mentionnés dans vos exposés d'aujourd'hui dans les recommandations que nous ferons au ministre des Finances.

Nous allons faire une pause de dix minutes.

• 0931




• 0947

Le président: La séance est ouverte, bienvenue à tous.

Comme vous le savez, notre comité voyage dans tout le pays pour écouter les Canadiens. Nous vous avons demandé de répondre à quelques questions sur le dividende financier.

Nous sommes allés partout au Canada. Nous avons beaucoup profité des diverses propositions et idées dont les Canadiens nous ont fait part. Je suis certain que vous retrouverez des échos des principes et des orientations que vous mentionnerez aujourd'hui, dans les recommandations que nous ferons au ministre des Finances.

Permettez-moi de vous expliquer brièvement comment nous fonctionnons. Vous avez cinq minutes chacun pour faire un exposé. Ensuite, les membres du comité vous poseront des questions. Si l'horaire le permet, nous pourrons également consacrer un peu de temps aux répliques.

Commençons sans plus attendre par les représentants de la Dalhousie Student Union dont M. Chris Adams est le président. Bienvenue.

M. Christopher Adams (président, Dalhousie Student Union): Merci beaucoup. Je m'appelle Christopher Adams et je suis le président de la Dalhousie Student Union. Je vous remercie de cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

Pour commencer, je vous parlerai de l'éducation postsecondaire et le l'augmentation du financement de ses programmes, surtout en ce qui a trait à la qualité et à l'accessibilité de cette éducation dans les établissements.

Tout d'abord, je passerai en revue certains des effets qu'ont eus les réductions récentes du financement de ces établissements. Je parlerai de la nature de l'enseignement universitaire, surtout de l'éducation postsecondaire, et de ses effets sur l'économie de la Nouvelle-Écosse, principalement, mais aussi de tout le Canada. Je conclurai par quelques suggestions sur l'affectation des sommes, si le financement de ces programmes augmente.

Depuis quatre ans, le gouvernement fédéral a réduit de 2,2 milliards de dollars le financement de l'éducation postsecondaire par le truchement des paiements de transfert aux provinces. Les frais de scolarité ont augmenté en moyenne de 45 p. 100, ce qui nous amène à la question de l'accès, puisque les études supérieures ne sont plus à la portée de tous les étudiants.

En outre, les programmes et les services qu'offrent les universités canadiennes ont subi des réductions importantes. Il existe de nombreux exemples de ces réductions. Les universités n'ont pas pu étendre leurs services, ce qui pose un autre problème quant à leur compétitivité avec les autres établissements internationaux.

• 0950

En Nouvelle-Écosse, les universités fournissent environ 5 p. 100 de tout le produit intérieur brut de la province. Rien que dans notre province, elles assurent indirectement 15 000 emplois à plein temps. En outre, elles ont des effets sociaux et culturels incommensurables sur la vie des Néo-écossais et des Canadiens de tout le pays.

On dit souvent que l'avenir est incertain; voilà pourquoi il faut des travailleurs adaptables et polyvalents, qui ont de nouvelles idées, et qui peuvent innover et s'adapter aux diverses circonstances qui surviennent.

Plusieurs faits démontrent que dans dix ans, 40 p. 100 des emplois seront pour des gens avec une scolarité postsecondaire. Ces statistiques peuvent changer assez rapidement et fréquemment, mais il est important de reconnaître qu'il nous faut une main d'oeuvre qui puisse s'adapter aux changements et qui ait la scolarité nécessaire pour faire preuve d'innovation. Ceci est important si nous voulons maintenir notre niveau de vie et notre position concurrentielle sur le marché mondial.

Je voudrais aussi signaler que bien des gens croient que les universités ont une bonne marge de manoeuvre. Les récentes coupures ont eu une influence marquée sur l'administration des universités. Je crois qu'elles ont vraiment aplani nombre de leurs difficultés et remédie à leur manque d'efficacité, mais les coupures vont trop loin et cela nuit à leur bon fonctionnement.

Les réductions du financement ont également un certain nombre de coûts indirects. On reporte les projets d'entretien des campus universitaires ce qui peut entraîner des questions de sécurité ou même de la qualité générale de l'instruction, comme le cas d'une salle qui ne serait pas bien ventilée, ou d'un toit qui aurait des gouttières, par exemple.

Les universités se concentrent davantage sur les réductions de programmes ou de coûts, au lieu d'examiner les façons d'élargir leurs programmes pour devenir plus polyvalentes et plus modernes. Les divers frais de scolarité ont un impact direct sur l'accessibilité et le nombre accru d'étudiants dans les salles de classes à un effet direct sur la qualité de l'instruction.

Plus la qualité de l'éducation est bonne, plus le Canada en profitera à long terme. Il s'agit d'un investissement dans notre avenir.

Certains domaines postsecondaires devraient être financés, mais je crois qu'il importe que l'argent soit consacré au budget d'exploitation de l'université pour qu'elle puisse ensuite décider comment dépenser les fonds. Chaque université a ses propres intérêts, et à mon avis il est important que l'université puisse dépenser l'argent comme bon lui semble.

En voici quelques exemples: encourager les professeurs motivés et parmi les plus compétents; encourager l'utilisation d'outils d'apprentissage technologique tels que les laboratoires d'informatique et la technologie interactive dans les salles de classe; subventionner les bibliothèques et les revues universitaires, qui sont souvent les premières à disparaître lorsque les universités font des compressions.

Une question primordiale est la modification du programme de prêts aux étudiants. Je crois que c'est indispensable si l'on veut que tous les Canadiens aient accès à l'éducation.

À mon avis, les universités devraient examiner leurs méthodes et se demander où elles pourraient accroître efficacité, mais j'estime qu'elles devraient pouvoir le faire de façon rationnelle et non pas y être forcées au moyen de compressions budgétaires.

Le président: Nous passons maintenant à M. Howard Dickson de l'université Dalhousie.

M. Howard Dickson (vice-doyen, recherche et planification, Université Dalhousie): Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de rencontrer votre comité et de vous présenter les arguments qui justifient un financement accru du Conseil de recherches médicales du Canada. Je vais me concentrer sur son influence ici en Nouvelle-Écosse et dans le reste du pays.

Lorsque je m'adresse à votre comité, je sais que dans une certaine mesure je prêche aux convertis. J'ai déjà comparu devant le comité, et je sais que vous comprenez les problèmes, mais je crois qu'ils méritent être répétés, et c'est pourquoi je suis ici encore cette année.

L'un des grands problèmes, c'est qu'on voit mal ce que le ministre Martin espère vraiment gagner avec sa politique de réduction de la dette. En ce moment, bien des Canadiens—d'ailleurs je dirais la plupart d'entre eux—s'inquiètent principalement de la création d'emplois.

• 0955

Je trouve intéressant que le gouvernement soit beaucoup plus avancé qu'il ne le croit dans ses projets de création d'emplois en réduisant la dette. Le sondage sur les emplois effectué par l'OCDE en mai 1996 révèle que si les gouvernements veulent créer des emplois, un des meilleurs investissements serait dans la recherche médicale fondamentale faite dans nos hôpitaux d'enseignement et nos universités. Bien sûr, cela correspond exactement au genre de recherche financée par le Conseil de recherches médicales du Canada, et c'est le genre de recherche qui approfondit nos connaissances et qui se traduira en remèdes et en technologies que l'on pourrait commercialiser, ce qui aurait des répercussions sur notre croissance et richesse économique.

Alors je crois que la solution est assez simple. Il s'agit de convaincre les gouvernements qu'il s'agit là d'un bon investissement. D'ailleurs, tandis que la plupart des autres pays du G-7 ont augmenté depuis cinq ans leur investissement dans les soins de santé et la recherche médicale, le Canada, lui, a réduit le financement dans ces domaines. Je vous l'explique à l'aide d'un tableau. Les représentants des pays du G-7 se trouvent en haut...la pente s'incline clairement vers le positif. Le Canada est ici en bas. Nous consacrons de moins en moins de ressources à la recherche médicale au moment même où nous devrions y investir.

À titre de vice-doyen à Halifax, je crois être bien placé pour vous dire exactement quelles sont les répercussions des coupures au Conseil de recherches médicales. Elles donnent lieu à des carrières tronquées de chercheurs qui ont encore beaucoup à offrir. Les compressions ont un effet accablant sur les étudiants que nous essayons d'éduquer et de persuader de se diriger vers une carrière scientifique pour devenir les chercheurs du prochain millénaire.

Pour ce qui est des coupures directes cette année, nous avons perdu treize postes de technicien, deux postes de boursier de recherche postdoctorale et sept d'étudiant de deuxième cycle, uniquement à cause des coupures que le gouvernement fédéral a imposées au Conseil de recherches médicales. Le directeur de la Dalhousie Neuroscience Institute et sa conjointe, qui est également une scientifique exceptionnelle, ont tous les deux quitté le Canada pour aller à New York l'an dernier, une perte importante pour Dalhousie et indirectement le résultat des compressions subies par le Conseil de recherches médicales.

Pendant les années 90, le gouvernement a voulu se décharger de la responsabilité de soutenir la recherche médicale sur le secteur privé et le secteur public. J'en conviens qu'il s'agissait là d'une bonne stratégie. Maintenant, le secteur pharmaceutique du Canada, notamment celui de l'innovation, finance plus de recherche médicale au Canada que le Conseil de recherches médicales.

Mais le secteur pharmaceutique a des raisons tout à fait différentes de celles du Conseil d'appuyer et de financer la recherche. Il s'attend, bien sûr, à faire des profits. Si la recherche ne se traduit pas immédiatement en un produit commercialisable, ce secteur n'est pas vraiment intéressé à l'encourager. Le Conseil de recherches médicales et le gouvernement ont l'obligation d'appuyer les initiatives de création de connaissances. En fin de compte, ce sont les connaissances qui se traduiront en technologies. En réalité, on veut faire des produits commercialisables. Mais le gouvernement a quand même la responsabilité d'encourager l'innovation.

Monsieur le président, nous sommes certains, tout comme vous d'ailleurs, que le gouvernement devra prendre des décisions très difficiles alors qu'il continue à s'orienter vers la réduction de la dette. Je suis venu aujourd'hui pour vous donner le même conseil que me donne mon conseiller financier: diversifier. J'espère que vous le suivrez lorsque vous devrez prendre des décisions et en arriverez à des conclusions. Ne mettez pas tous vos oeufs dans le panier de réduction de la dette.

Une autre façon d'assurer la croissance de l'emploi et la prospérité est d'investir dans la recherche fondamentale dans nos maisons d'enseignement, ce qui signifie en fait investir dans le Centre de recherches médicales du Canada. Ce qu'il faut, c'est doubler le budget de base du CRMC. Il faudra 240 millions de dollars de plus par année pour renverser la vapeur et faire remonter le courbe pour qu'elle suive au moins celle de nos concurrents du G-7 au lieu d'aller en sens inverse.

Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé, monsieur le président, et bonne chance dans vos travaux.

Le président: Merci, monsieur Dickson.

Nous entendrons maintenant Mme Jessica Squires de la Fédération canadienne des étudiants ici en Nouvelle-Écosse.

• 1000

Mme Jessica Squires (membre du bureau pour la Nouvelle-Écosse, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants): Je m'appelle Jessica Squires et je représente ici la section néo-écossaise de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de répondre aux questions posées par le comité. Comme elles sont reliées entre elles, ma déclaration répondra aux deux en même temps.

On voit maintenant quel effet ont eu les mesures de réduction du déficit sur les étudiants. Les frais de scolarité ont augmenté de 45 p. 100 pendant le mandat du Parti libéral, ce qui est directement attribuable aux réductions des paiements de transfert aux provinces par le gouvernement fédéral. On s'attend à ce que l'endettement s'établisse à 25 000 $ en moyenne cette année, et les étudiants n'en peuvent plus. Beaucoup de ceux qui sont admissibles aux établissements d'enseignement postsecondaires ne pourront pas les fréquenter faute de moyens financiers.

Depuis une dizaine d'années, la tendance au Canada est d'accorder la priorité aux profits. Cette idéologie a conduit en partie au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Maintenant que le Canada veut s'attaquer à la dette publique plutôt qu'au déficit, il est temps de revoir nos valeurs nationales. Il faut revoir du tout au tout nos priorités, ce qui est d'autant plus nécessaire que la tendance à l'échelle internationale est à la dégradation accrue des programmes sociaux.

Pour reprendre les propos tenus récemment par un chef d'entreprise connu, la question n'est pas de multiplier les bénéfices pour nous-mêmes et nos entreprises, mais bien de préparer pour nos enfants une société dans laquelle ils voudront grandir.

La reconnaissance de ces valeurs—protection sociale, liberté, droits et responsabilités—devrait nous amener à réaliser que le Canada doit offrir un cadre propice à l'essor économique sans pour autant pénaliser les droits de l'homme et les services sociaux. Le Canada ne doit pas menacer ces programmes par l'élimination progressive de l'infrastructure et de l'effectif qui les assure. Il ne doit pas abandonner ses désavantagés en ne s'occupant que de ceux dont les besoins sons les plus criants et il ne doit pas croire à tort que l'aide ciblée aidera tous ceux qui en ont besoin.

Le Fonds de dotation des bourses d'étude du millénaire est une idée qui arrive à point nommé mais elle laisse beaucoup à désirer si son but est d'ouvrir l'accès aux études.

La première chose que nous lui reprochons, c'est qu'elle perpétue la tendance actuelle en faveur de l'aide ciblée. Il suffit de réfléchir un peu pour voir en quoi cette solution est insuffisante. Accorder des bourses en fonction à la fois du besoin et du mérite signifie que l'étudiant moyen ou légèrement supérieur à la moyenne et qui est dans le besoin n'y aura pas droit. Sur un chiffre approximatif de 20 000 boursiers, le Fonds ne profitera qu'à légèrement plus de 5 p. 100 des bénéficiaires de prêts scolaires.

Le deuxième reproche est relié au premier en ce sens que l'endettement, selon les estimations actuelles continuera à s'alourdir à moins que l'État n'intervienne. Les quelque 365 000 étudiants qui ont reçu un prêt et qui n'obtiendront pas de bourse auront en moyenne une dette de 25 000 $ s'ils sont diplômés cette année et de 28 000 $ l'an prochain.

De plus, la bourse n'entamera à peu près pas le fardeau de la dette. Le résultat: les diplômés d'aujourd'hui font face à un avenir où un nombre croissant d'entre eux pourront à peine subvenir à leurs besoins et encore moins faire vivre une famille ou contribuer à l'économie du pays. C'est pourquoi la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants affirme et continuera d'affirmer que la seule aide qui ait des chances de garantir, au moins sur le plan financier, l'accès aux collèges et universités est un régime national de subventions fondé sur le besoin.

Le budget fédéral de rechange recommandait l'instauration progressive de subventions d'une valeur de 2,5 millions de dollars la première année et de 4 millions de dollars la deuxième pour financer un programme destiné aux étudiants démunis. Un programme national de subventions allié à des subventions différées sous la forme de remise de dette, mis en oeuvre dans son intégralité d'ici à l'an 2000, voilà qui sera une source d'inspiration pour le prochain millénaire.

Mesdames et messieurs les membres du comité, vous avez ici l'occasion de recommander une solution efficace et de grande envergure sur la façon d'affecter les fonds des bourses d'études du millénaire, ce qui permettra au Canada de rester compétitif et apportera de l'aide à tous les citoyens et à leurs enfants aujourd'hui et dans l'avenir. Je vous exhorte à recommander à M. Martin la création progressive d'un régime national de subventions fondées sur le besoin et non sur le mérite.

Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le président: Merci, madame Squires.

Nous entendrons maintenant le représentant de l'Acadia Students' Union, M. Paul Black.

M. Paul Black (président, Acadia Students'Union): Merci.

Si j'ai bien compris, je dois suggérer au comité de la Chambre des communes des façons de dépenser le dividende financier. Cela suppose plusieurs choses.

Les suggestions doivent être réalistes, applicables à long terme et faire partie d'une conception holistique de l'économie et de la société canadiennes. Comme je suis un défenseur de l'enseignement postsecondaire, ce qui me plairait, évidemment, c'est de voir la totalité de ces fonds réinvestis dans ce secteur mal en point. Mais cela dénoterait une étroitesse de vue. Vue étroite mais aussi courte vue puisque quatre ans d'études à prix abordable n'est pas le seul élément de l'enseignement postsecondaire.

• 1005

Évidemment, la priorité devrait être de recruter et de garder les étudiants dans ces maisons de haut savoir, mais cela devrait aussi comprendre le droit de l'étudiant de ne pas être grevé de dettes pendant ses études. Il y a d'autres aspects essentiels de l'enseignement postsecondaire: il faut encourager et appliquer des programmes novateurs qui complètent les études et permettent d'acquérir une expérience de vie et de travail précieuse. Un des objectifs du gouvernement devrait être d'offrir des programmes de transition à l'entrée et à la sortie des études postsecondaires.

Au moment d'entrer de plein pied dans l'économie fondée sur le savoir, il nous faudra une population active compétente et adaptable pour soutenir la concurrence et survivre. Ce n'est qu'en créant et en s'occupant d'un régime supérieur d'enseignement postsecondaire que cela sera possible. Nous avons, selon moi, le cadre nécessaire pour créer un régime de qualité supérieure, mais ce régime nous ne l'avons pas encore. Comme le premier ministre fédéral lui-même l'a admis, nous devons faire tout ce qui est en notre pourvoir pour enrichir et reconnaître le droit de tous les Canadiens à un enseignement postsecondaire.

Pour ce qui est du financement de cet enseignement, il faut refinancer les établissements touchés par les compressions des paiements de transfert et du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Depuis 1994, les établissements d'enseignement de la Nouvelle-Écosse ont subi des compressions de 17 p. 100 et reçoivent l'aide financière la plus basse du pays par étudiant. Les frais de scolarité ont augmenté en moyenne de 120 p. 100 depuis neuf ans. À la sortie de l'université, la dette moyenne de l'étudiant a triplé au cours des quatre dernières années. Des programmes ont été amputés, mutilés et éviscérés. L'effectif de classe a plus que doublé dans la plupart des universités et le nombre d'enseignants a été réduit.

La qualité de l'éducation s'en va à vau-l'eau et il faut y mettre fin avant qu'il ne soit trop tard. Ce sont les symptômes d'un organisme malade qui a besoin de sang neuf; en l'occurrence, une injection de capitaux. Je propose donc que 30 p. 100 du dividende destiné dans l'enseignement postsecondaire soit versé aux provinces pour être réparti entre les établissements d'enseignement. Je recommande en outre que la répartition de ces fonds s'effectue en fonction de la pratique courante et non d'une nouvelle formule.

En ce qui concerne l'accessibilité et l'abordabilité, l'enseignement postsecondaire ne devrait pas être vu comme une nécessité douloureuse. Je veux dire par là que l'étudiant ne devrait pas craindre de faire des études postsecondaires à cause de la somme de dettes qu'elles l'obligeront à contracter. Ceux qui sont déjà désavantagés du fait de devoir demander un prêt étudiant ne devraient pas l'être doublement du fait que l'on ne reconnaît pas qu'ils sont dans le besoin ou que l'on ne récompense pas l'excellence.

Vouloir faire des études postsecondaires est en soi méritoire et devrait être récompensé. Le réalisme commande toutefois de reconnaître que l'étudiant doit financer une partie raisonnable de ses frais d'études. Je recommande donc que le montant maximum des prêts offerts par le PCPE soit majoré pour tenir compte des coûts actuels et soit réévalué tous les deux ans par la suite; que le processus d'évaluation des besoins soit réévalué pour mieux tenir compte des changements de société; que des subventions pour initiatives spéciales pour étudiants dont le revenu combiné des parents est inférieur à la moyenne nationale soient créées et octroyées en versements de 2 000 $ pour la première année d'études; que des ateliers obligatoires soient tenus à l'intention des bénéficiaires de prêts du PCPE pour leur expliquer ce que suppose le fait d'avoir un prêt étudiant et comment gérer leurs dettes.

Pour ce qui est des stages, de l'emploi et de l'expérience de travail, on sait qu'il faut de l'expérience pour avoir un emploi et un emploi pour acquérir de l'expérience. Ce cercle vicieux devient de plus en plus problématique aussi bien sur le plan social qu'économique. Le chômage des jeunes atteint 20 p. 100 dans les Maritimes en juillet. À la fin des études, les étudiants mettent en moyenne trois ans pour trouver du travail dans leur domaine d'études. L'enseignement postsecondaire n'a plus comme autrefois pour but de façonner les esprits mais bien d'être un apprentissage en milieu de travail. Même s'il faut le déplorer, c'est la réalité et il faut composer avec.

Il y a quantité de raisons pour lesquelles les étudiants cherchent à acquérir de l'expérience du travail: pour financer leurs études, pour acquérir l'expérience pratique qui leur permettra de décrocher un emploi rémunérateur leur diplôme en poche, pour acquérir l'expérience de vie. Autant de bonnes raisons. Pour y arriver, voici ce que je propose: conserver le programme Links de la Nouvelle-Écosse et reproduisez-le dans toutes les régions du pays; chapeautez tous les programmes de stage dans un seul ministère fédéral pour mieux les coordonner, puis affectez les économies ainsi réalisées à un plus grand nombre de postes de stagiaires; dans chaque établissement, créez une école d'entrepreneurship qui fasse appel à toutes les disciplines.

Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez donnée d'exprimer mon avis sur la façon de dépenser le dividende fédéral. J'espère que mes suggestions auront piqué votre intérêt et je discuterai plus que volontiers de ces questions avec vous à votre convenance.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Black.

Nous entendrons maintenant les représentants du Atlantic Popular Education Network: M. Jim Sharpe et Mme Margaret Tusz.

M. Jim Sharpe (coordonnateur, Atlantic Popular Education Network): Merci.

Je m'appelle Jim Sharpe. J'appartiens au Atlantic Popular Education Network. Je suis le directeur de l'éducation permanente à l'Université Saint Mary's et je suis également président de l'Association pour l'éducation permanente dans les universités du Canada. Je vais donc essayer de vous faire un exposé équilibré.

Margaret travaille pour l'Église unie du Canada, dans son ministère social, et a travaillé longtemps pour la banque alimentaire.

• 1010

On est arrivé à équilibrer le budget fédéral—tous s'entendent pour dire qu'il sera équilibré cette année—mais il l'a été sur le dos des plus démunis: les étudiants, les personnes âgées et les chômeurs.

Même si le déficit fédéral a des chances de disparaître cette année et que le ratio de la dette fédérale au PIB est à la baisse et s'établit actuellement à 70 p. 100, l'endettement des consommateurs, lui, continue de monter. D'après les derniers chiffres du Conference Board du Canada, cela représente 96 p. 100 du revenu disponible. Ce qui est donc arrivé ici, ce n'est pas l'alourdissement de la dette, comme le comité l'a dit, mais un transfert de la dette, de l'État aux particuliers.

Les étudiants, et travailleurs, les personnes âgées et les chômeurs sont trop endettés pour permettre une relance économique soutenue. Il est primordial que le gouvernement fédéral s'attaque au problème du chômage, de l'endettement des étudiants de l'enseignement postsecondaire et permanent. Il faut qu'il répare le filet de sécurité sociale, qui a été déchiré par les compressions effectuées dans le Transfert canadien en matière de santé et programmes sociaux. Permettez-moi de vous parler de certaines de ces questions.

Il est essentiel d'investir dans la population du pays. En tant que société, il faut aider les parents et les familles à élever leurs enfants, qui représentent un investissement critique pour l'avenir. Il nous faut un programme national de garde d'enfants et de soutien aux familles. On en a parle depuis au moins deux décennies, mais rien ne s'est fait jusqu'ici.

De plus, il nous faut une initiative nationale de reconstruction et de financement de l'infrastructure communautaire. Je songe aux bibliothèques, aux centres communautaires, aux écoles, aux agences d'aide aux familles et aux services sociaux qui aideront chaque enfant et chaque famille à bien réussir.

Les recherches démontrent que les premières années de la vie d'un enfant sont critiques à sa capacité d'apprentissage futur et à son développement. Nous avons besoin d'une initiative nationale pour s'assurer que chaque collectivité a les ressources voulues pour venir en aide aux familles ayant de jeunes enfants.

Il faut construire un réseau d'établissements d'enseignement qui nous permette d'investir dans les compétences et les connaissances pour encourager la croissance et le développement durables. Même si le pays a d'excellentes traditions dans le domaine de l'enseignement—notamment l'utilisation innovatrice des technologies comme la radio, la télévision, les ordinateurs et l'Internet—il faut investir bien davantage au niveau communautaire pour garantir l'accès universel à ces établissements.

La plus récente enquête en matière d'enseignement et de formation des adultes montre que ceux qui ont le niveau de scolarité le plus élevé et les revenus les plus élevés sont ceux qui profitent de la nouvelle technologie et des possibilités d'apprentissage. Nous avons besoin d'un effort national pour rendre les établissements plus accessibles à tous ceux qui veulent apprendre.

J'arrive maintenant aux problèmes des jeunes chômeurs. Certains croient naïvement que le chômage chez les jeunes est dû à l'échec du système éducatif. J'aimerais inverser cette notion, qui consiste à blâmer la victime. Si les jeunes sont en chômage, c'est parce qu'il n'y a pas assez d'emplois.

Même si le Conference Board et beaucoup d'organisations nationales d'affaires réclament plus d'enseignement des sciences, selon les statistiques de la Maritime Provinces Higher Education Commission, on constate que c'est chez les diplômés des sciences et de la génie, qui ont fini leurs études il y a un an, que le taux de chômage est le plus élevé. Il faut donc attribuer le chômage chez les jeunes au manque de création d'emplois et ne pas blâmer le système d'enseignement.

Beaucoup trop de nos jeunes—17 p. 100—n'ont pas de rôle productif à jouer, même s'ils terminent leurs études secondaires et postsecondaires. Il faut accroître les programmes limités pour les jeunes qui existent à l'heure actuelle. Nous avons des programmes très novateurs, comme Jeunesse Canada Monde et des programmes de stages. Cependant, il faut créer un programme national accessible à tous les jeunes chômeurs canadiens.

Un des modèles qu'il faut examiner—et nous avons une certaine expérience—c'est l'école folklorique scandinave où les jeunes passent un ou deux ans à apprendre leurs traditions tout en faisant une contribution à la collectivité. Ces écoles peuvent être parrainées par des organisations communautaires existantes plutôt que par un ministère du gouvernement fédéral. Elles pourraient contribuer de façon importante et positive à réduire le chômage chez les jeunes et à résoudre les problèmes sociaux et environnementaux du pays.

Sur ce, je cède la parole à Margaret.

Mme Margaret Tusz (Atlantic Popular Education Network): J'aimerais vous parler de certaines de mes expériences ici dans la région.

Je ne prétends pas parler au nom des pauvres, même si j'ai travaillé avec eux. Selon les statistiques, jusqu'à 30 p. 100 des Canadiens sont en chômage ou sous-employés. Ces gens ont du mal à satisfaire leurs besoins essentiels.

À ce sujet, je dirais d'abord que j'étais très intéressée par les remarques du représentant de l'Agence de développement régional de Halifax, qui a comparu tout à l'heure. D'après mon expérience des programmes de développement économique communautaires offerts au niveau local, ce sont surtout les gens de la classe moyenne qui en profitent. Ceux qui ont véritablement besoin d'argent et de compétences n'ont pas accès à ces fonds. Les personnes ont un grand besoin d'instruction avant de pouvoir atteindre le niveau qui leur permettra d'avoir accès à ce genre de financement.

• 1015

Lorsqu'on pense au financement de ces initiatives, on doit se demander comment les gens pourront en profiter. Je ne sais trop comment on peut garantir cela, mais il faut trouver autre chose parce que ces initiatives ne profitent pas à ceux qui nous inquiètent et qui sont véritablement dans le besoin.

D'après mon expérience, on compte beaucoup trop sur les organismes bénévoles et caritatifs pour dispenser les services essentiels notamment dans les hôpitaux, les écoles et les communautés en guise d'aide à la population.

Il faut régler ce problème. Cela ne peut plus durer; les bénévoles s'épuisent. Je travaille sur la ligne de front, dans une banque alimentaire, et la situation est désespérée. Dans les banques alimentaires, 5 p. 100 des clients ont fait des études universitaires. Les gens l'ignorent peut-être. Nous donnons de l'instruction aux gens, mais nous ne leur donnons pas d'emplois. Comme l'a dit Jim, il faut aussi leur donner des perspectives d'emploi.

De plus, 25 p. 100 des familles de la région envoient leurs enfants prendre leur déjeuner ailleurs. Est-ce que cela resserre les liens entre les membres de la famille? Est-ce que les parents ont l'impression de se prendre en charge? Qu'apprennent ces enfants sur leur capacité et celle de leurs parents à satisfaire leurs besoins? Comment ces enfants grandiront-ils? Quelle vision auront-ils de la société? L'écart entre les riches et les pauvres ne cesse de s'élargir, et les programmes que nous mettons en place sont paternalistes et ne répondent pas aux besoins humains.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Nous entendrons maintenant la représentante de la Queen Elizabeth II Foundation. Cheryl Hodder est la directrice de la planification des dons.

Mme Cheryl Hodder (directrice de la planification des dons, Queen Elizabeth II Foundation): Merci, monsieur le président. Je suis ici aujourd'hui à titre de représentante de la Canadian Association of Gift Planners, la CAGP, un organisme national, ainsi que de la QEII Health Sciences Centre Foundation, une fondation caritative qui soutient financièrement les soins aux patients, l'éducation et la recherche dans six des plus grands hôpitaux et centres de traitement de Halifax. Toutefois, parce que bon nombre de nos services ne sont pas offerts ailleurs dans la province ou dans la région de l'Atlantique, notre clientèle ne se trouve pas qu'à Halifax.

Aujourd'hui, je traiterai précisément de ce que la communauté caritative pense de l'incidence négative de la résolution budgétaire 21. Nous estimons que cette résolution empêchera les sociétés privées d'accorder des millions de dollars en dons aux oeuvres de charité.

Nous sommes d'avis que cette résolution crée deux catégories de donateurs: ceux qui peuvent faire don d'actions de sociétés ouvertes et profiter des avantages fiscaux qui en découlent, et ceux qui voudraient faire don d'actions de sociétés privées mais qui hésiteront à le faire en raison du problème fiscal des 50 p. 100.

Nous croyons que ces sociétés privées pourraient donner beaucoup d'argent aux oeuvres de charité s'il y avait des incitatifs fiscaux à ce chapitre. On devrait les encourager à faire des dons pour contribuer à la viabilité future de nos organismes qui tentent désespérément d'augmenter leurs fonds pour pouvoir continuer à l'avenir à offrir leurs programmes.

Nous reconnaissons qu'il faut prévoir des mesures pour s'assurer que les entreprises privées qui font don de leurs titres à des oeuvres de charité le font de façon responsable. Nous souhaitons que soient mises en place de telles garanties. Tous les organismes de charité du pays sont disposés à en discuter avec le ministère. Nous sommes ouverts à toute consultation sur ce sujet.

Les oeuvres de charité sont fondamentalement opposées à la politique fiscale dont s'inspire cette résolution. Nous demandons respectueusement qu'elle soit retirée.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Hodder. Nous passons maintenant à la Dalhousie School of Economics qui est représentée par Mike Bradfield, professeur d'économique. Bienvenue.

M. Mike Bradfield (professeur d'économique, Dalhousie School of Economics): Merci. Je vous remercie de m'avoir invité de nouveau cette année. Après mon témoignage de l'an dernier, je ne croyais pas être réinvité.

D'ailleurs, certaines des remarques que je ferai aujourd'hui sont dans les documents que j'ai remis au comité l'an dernier. J'ignore si votre comité a reçu copie du mémoire. Il s'y trouve en annexe quelques tableaux qui pourraient être utiles à la discussion.

• 1020

Que devrait-on réaliser avec le budget de 1998? Il faut reconnaître que l'objectif le plus important pour l'économie canadienne est le plein emploi. Si le chômage reste élevé, cela entraînera des coûts énormes en perte de capitaux et d'efficience. Chaque année, on perd de 70 à 100 milliards de dollars de productions en raison du taux élevé de chômage.

En tenant compte des taux d'impôt qui s'appliquent, ça signifie qu'on perd en impôt sur cette production des sommes de l'ordre de 23 à 40 millions de dollars chaque année. Le chômage entraîne donc des coûts humains, économiques et financiers qui sont certainement inutiles. Le chômage devrait donc être notre première cible.

Les États-Unis ont réussi à ramener leur taux de chômage à moins de 5 p. 100. En revanche, le gouvernement canadien refuse encore de se donner un objectif en matière de chômage et encore moins de stimuler l'économie. Plutôt, il inflige des compressions punitives à l'assurance-chômage dans une tentative malavisée de forcer les plus vulnérables de notre société à trouver des emplois qui n'existent pas. Nous avons réduit l'aide que représente l'assurance-chômage ou l'assurance-emploi, et avons fait en sorte que de moins en moins de gens y aient droit.

Le pourcentage de chômeurs touchant des prestations d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi au Canada en juillet 1997 était inférieur à celui de l'Alabama. Il était de 34 p. 100 ici, alors qu'il était de 38 p. 100 en Alabama. Au Massachusetts, il était de 95 p. 100. Pourtant, le taux de chômage au Canada était supérieur de 50 p. 100 à celui de l'Alabama et deux fois plus élevé que celui du Massachusetts. Il était de 9,1 p. 100 au Canada, 6,1 p. 100 en Alabama et 4,3 p. 100 au Massachusetts. Il semble que nous tentons de punir encore plus de gens que l'Alabama.

Comme d'autres intervenants l'on dit, nous devrions aussi avoir comme objectif capital de réparer le tissu social du Canada. Le gouvernement fédéral a refilé son fardeau aux gouvernements provinciaux et municipaux qui, à leur tour, l'ont refilé aux particuliers, surtout aux plus vulnérables, comme on l'a déjà mentionné. Cela doit cesser.

Si nous voulons réduire le déficit, nous devons d'abord nous rappeler comment a été créé cet énorme déficit. C'est par suite de réductions d'impôts et de l'adoption de politiques de taux d'intérêt élevés. Si l'on veut renverser la vapeur, il faut annuler cette décision.

On pourrait aussi réduire le déficit en exigeant que la Banque du Canada garde en réserve de 20 à 25 p. 100 du budget fédéral. Cela entraînerait la réapparition des réserves obligatoires dans toutes les institutions financières du pays. Comme l'a fait remarquer Herb l'an dernier, cela signifie que les profits des banques baisseraient d'un peu moins de 10 p. 100, mais la Banque du Canada a pour fonction de gérer la dette et stimuler l'économie, et non pas de garantir des profits aux banques.

Il faut abandonner les politiques fiscales et monétaires restrictives qu'on a adoptées pour relancer l'économie et abaisser les taux d'inflation. La fausse notion selon laquelle une faible inflation—comparée à une inflation modérée—engendre des avantages réels pour l'économie n'est fondée sur aucune preuve théorique ou empirique.

Toutefois, il est clair qu'une politique financière et monétaire restrictive provoquent des récessions. Il n'est pas justifié de relever les taux d'intérêt maintenant du point de vue de l'inflation ou de la protection du taux de change. Le recours aux taux d'intérêt pour appuyer artificiellement le dollar canadien ne fait que déprimer l'économie et entraîne même à long terme une pression à la baisse sur le dollar, comme l'ont prouvé les réactions du marché de change aux taux d'intérêt fixés récemment.

En fait, les finances fédérales vont bien. L'imposition au niveau fédéral prévient les guerres d'enchères fiscales entre les provinces. Le régime fiscal fédéral est moins régressif que celui des paliers inférieurs. Un soutien accru du fédéral aux programmes de santé et autres services sociaux permet la promotion des normes nationales. Un gouvernement fédéral plus actif pourrait aussi contrer les effets Meechéens des récents budgets dans lequel le gouvernement fédéral a tenté de refiler certains programmes qui lui incombent, tels que la formation de la main-d'oeuvre.

La solution est évidente. Plutôt que de réduire les impôts, et surtout les impôts sur le revenu, nous devrions augmenter les dépenses pour reconstruire—reconstruire l'infrastructure matérielle, telle que les chemins de fer, reconstruire l'infrastructure souple, telle l'enseignement, les services de santé et les programmes sociaux; et reconstruire les institutions telles que Radio-Canada, le Conseil des Arts et les organismes de recherche. Nous devons aussi redonner à bon nombre de ministères leur mandat et leurs capacités, particulièrement en matière d'environnement et de concurrence.

Certaines de ces mesures nécessiteront les dépenses fédérales. D'autres entraîneront une augmentation des transferts en espèces aux autres paliers de gouvernement. Le transfert de points d'impôt aux provinces désavantage les provinces les plus pauvres en raison de leur assiette fiscale réduite.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bradfield.

Nous cédons maintenant la parole aux représentants de l'Institut national du cancer, Gerry Johnston, chef de la recherche sur le cancer de la Fondation Terry Fox.

• 1025

Dr Gerry Johnston (professeur et chef, Département de microbiologie et d'immunologie, Université Dalhousie; chercheur de la Fondation Terry Fox pour la recherche sur le cancer, Institut national du cancer du Canada): Merci.

J'ai eu l'occasion de m'adresser à votre comité l'an dernier; une bonne partie de mon exposé d'aujourd'hui reprend mes remarques d'alors. De plus, je ferai écho aux observations du Dr Dickson et d'un bon nombre d'étudiants représentant les universités.

La première question que voudrais soulever au nom de l'Institut national du cancer est un problème qui touche tout le Canada, à savoir le sous-financement généralisé de la communauté de la recherche biomédicale, particulière les activités de recherches dans les universités du Canada.

Je veux aussi souligner que l'Institut national du cancer est l'un de ces organismes bénévoles de financement en matière de santé, et que c'est à l'institut que la plus grande partie de la recherche sur le cancer se fait au pays. Autrement dit, la recherche sur le cancer au Canada est financée surtout par des sources privées, et non pas à même les fonds publics.

J'ose espérer qu'on juge cet état de fait honteux. À cet égard, nous nous démarquons de la plupart des autres pays. Les fonds consacrés à la recherche sur le cancer au Canada par habitant représentent environ un huitième des fonds consacrés à cette fin aux États-Unis, et la plupart proviennent de dons privés et non pas des fonds publics. Je n'ai pas de données précises, mais je présume qu'il en va de même pour la plupart des autres activités de recherche.

Je suis membre de l'un des organismes nationaux de l'Institut national du cancer qui examinent la recherche qui se fait à l'échelle du pays. Je vois donc la question d'un point de vue national, et il est très alarmant de voir que notre capacité de financer la recherche biomédicale fondamentale a diminué à un point tel que je dirais que, que ce soit au niveau du Conseil de recherches médicales dont a parlé le Dr Dickson ou de l'Institut national du cancer, moins de la moitié de très bons projets de recherche sont financés. Il est désolant qu'on rate tant de belles occasions.

Je suis aussi le chef de département de l'école de médecine, et c'est là surtout que ce font sentir les effets de ce problème de financement. Je vois les conséquences désastreuses du peu de financement sur les capacités de nos jeunes chercheurs à établir des programmes de recherche et à poursuivre leurs carrières.

Surtout, et je fais ici écho à certaines des remarques qui vous ont été faites, je vois de plus en plus d'étudiants qui s'intéresseraient à une carrière en recherche abandonner cette idée. Soit qu'ils optent pour une autre stratégie de carrière, soit plus exactement qu'ils quittent le pays parce qu'ils constatent que le Canada n'est pas disposé à prendre d'engagements sérieux en matière de recherche. Encore une fois, on rate de belles occasions et cela devrait nous préoccuper.

L'érosion de la capacité de recherche biomédicale au pays a deux grandes conséquences.

Premièrement, le pays perd rapidement sa capacité à faire concurrence à d'autres pays pour la création d'entreprises de biotechnologie et d'entreprises axées sur le savoir, là où il y aura une croissance. Les pays comme la Thaïlande investissent de l'argent dans les activités de recherche parce qu'ils reconnaissent que c'est là que réside leur avenir.

Deuxièmement, sans une communauté de recherche dynamique et bien financée, nous n'aurons pas de traitements médicaux et de soins de santé à la fine pointe de la technologie. Les effets se feront sentir bien au-delà des simples activités de recherche.

Je le répète, nous ratons de belles occasions d'offrir du soutien, de la formation et de l'instruction à des étudiants ou à des jeunes scientifiques. Pour l'instant, notre communauté de recherche est encore compétente. Mais si nous ne continuons pas à la financer, nous perdrons notre avantage concurrentiel sur le plan international au chapitre de la biotechnologie, des produits pharmaceutiques, etc., des occasions qui pourraient mener à la création d'emplois.

Le secteur de la recherche biomédicale est un important moteur économique si on sait s'en servir, mais le sous-financement qui est le lot, depuis quelques années, du Conseil de recherches médicales, le principal organisme gouvernemental de financement de la recherche, est catastrophique. Nous ratons de bonnes occasions. Ne pas vouloir accorder au Conseil les fonds dont il a besoin est tout simplement honteux.

Cela dit, je reconnais que le gouvernement actuel a tenté de s'attaquer au sous-financement de la recherche. On a récemment annoncé la création de la Fondation canadienne pour l'innovation. Du point de vue régional, je vous dirais que c'est l'un de ces programmes de partenariat mal conçu dont on s'attend qu'il trouve une source secrète d'argent quelque part dans l'une des petites provinces. Cela ne se réalisera pas, ou du moins pas facilement. C'est un programme fédéral qui vise à donner un second souffle aux infrastructures des universités, et ainsi de suite, et c'est très bien, mais c'est un peu comme ne donner qu'un pied à une chaise, ce n'est pas suffisant pour la soutenir.

• 1030

Les principales dépenses de toute activité de recherche ce sont les coûts d'exploitation. Ils permettent d'acheter les fournitures et surtout, d'assurer la formation des étudiants et des boursiers post-doctoraux pour qu'ils puissent se perfectionner en sciences et amorcer leurs propres carrières.

Il faut revigorer notre base d'exploitation. Cela peut se faire, bien sûr, par l'entremise du Conseil de recherches médicales.

De plus en plus, et on l'a dit à maintes reprises, notre société compte sur les dons privés et sur les organismes bénévoles, mais ces sources ont leurs limites. Il faut injecter des fonds à la base pour relancer les activités de recherche essentielles à notre société à l'aube du XXIe siècle.

J'espère que nous saurons tirer les leçons de ce que font nos voisins, les pays en développement, et que nous assurerons enfin le financement de ce genre d'activités. Elles constituent non seulement un puissant moteur économique, mais aussi une ressource essentielle pour notre économie et notre régime de soins de santé. Elles ont une incidence sur divers secteurs, outre celui de l'enseignement.

Le président: Je vous remercie, monsieur Johnson.

Nous allons maintenant entendre M. Robert Chisholm, député de l'Assemblée législative et chef du Nouveau Parti démocratique de la Nouvelle-Écosse. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Robert Chisholm (témoigne à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président, et membres du Comité des finances. Je vous suis reconnaissant de cette occasion de participer aux consultations prébudgétaires du comité. Je suis content de faire partie d'un groupe d'habitants de Nouvelle-Écosse qui oeuvrent tous les jours pour faire progresser la cause de la justice et de l'équité dans cette province.

D'après la lettre du greffier du comité concernant ces consultations, vous vous intéressez à nos opinions concernant le processus de réduction du déficit. On nous demande des conseils concernant la façon dont le gouvernement devrait fixer ses priorités en matière de réduction de la dette, l'augmentation des dépenses ou les allégements fiscaux. Ce sont des questions importantes mais je crois qu'il faut un débat plus large.

La première chose que devrait faire le comité, c'est recommander des mesures destinées à combattre le chômage. J'estime que bien des problèmes reliés à la dette et au déficit seront réglés si le ministère des Finances et le gouvernement commencent à fixer des cibles réalistes en matière de création d'emplois et de réduction du chômage. Le chômage constitue la raison principale pour laquelle nous nous trouvons dans cette situation de déficit et d'endettement depuis la dernière décennie.

Le comité doit également s'attaquer à la réparation des dégâts provoqués par la réduction du déficit dont le ministre des Finances se targuait tellement la semaine dernière. Il y avait une caricature dans le journal qui illustrait très bien mon propos, une caricature de MacKinnon qui montrait M. Martin en train de jeter le bébé des programmes sociaux avec l'eau du bain de la réduction du déficit.

Je crois que cela illustre très bien ce qui se passe depuis quatre ans. On a tout simplement jeté le bébé, c'est-à-dire les programmes sociaux. Le débat concernant la façon d'utiliser un excédent éventuel, si jamais il se produit, ne fait aucun cas des torts déjà infligés à la Nouvelle-Écosse et aux Canadiens du fait de la réduction du déficit.

La réduction du déficit a élargi l'écart entre les riches et les pauvres. La réduction des prestations d'assurance-chômage et l'assistance sociale, la compression des effectifs, les gels de salaires et la sous-traitance dans la Fonction publique, sont tous des facteurs qui ont fait baisser le revenu des Canadiens ordinaires. On dit qu'à cause de la vague de prospérité de la Bourse, il y a de longues listes de courtiers qui attendent la livraison de nouvelles Porsche qui coûtent 62 000 $. La réduction du déficit, par contre, a fait allonger les queues devant les banques alimentaires.

La réduction du déficit a aggravé la crise dans le domaine des soins de santé. Il n'est pas possible de retirer des milliards de dollars aux paiements de transfert en matière de santé et de services sociaux sans créer de sérieux problèmes pour les Canadiens qui ont besoin de services médicaux à l'hôpital ou à la maison.

La réduction du déficit a également aggravé la crise de l'éducation. La réduction du financement fédéral de l'enseignement postsecondaire a fait augmenter le coût des études universitaires ou collégiales et a provoqué un endettement accru chez les étudiants. Comme l'a dit le député de Kamloops, le ministre des Finances a beau détruire sa carte de crédit, les étudiants se servent des leurs jusqu'au maximum.

La réduction du déficit a également porté atteinte à l'enseignement primaire et secondaire dans la mesure où les gouvernements fédéral et provinciaux se sont déchargés de leurs responsabilités sur les commissions scolaires. Dans notre province, les subventions accordés aux commissions scolaires ont diminué de 10 p. 100 même si le nombre d'élèves est presque le même qu'il y a quatre ans.

Le ministre des Finances parle de réduire la dette pour empêcher que la génération des baby-boomers ne constitue un énorme fardeau financier pour leurs enfants et leurs petits-enfants dans 30 ans. C'est peut-être un objectif louable mais seulement si nous faisons en sorte que les enfants et les petits-enfants de cette génération aient les mêmes possibilités d'instruction et d'emploi qu'il leur faut pour réaliser leur potentiel. Autrement, il s'agira simplement de découvrir nos jeunes afin de couvrir Paul.

La réduction du déficit a une incidence directe sur les Canadiens dans toutes les régions du pays. La Nouvelle-Écosse en particulier a été durement frappée. Je vous demande un peu de patience pendant que je vous décris les répercussions des réductions budgétaires en Nouvelle-Écosse.

• 1035

D'abord il faut savoir que la Nouvelle-Écosse représente 3 p. 100 de la population du pays mais qu'elle a subi 18 p. 100 du montant total des compressions budgétaires fédérales. Entre 1991 et 1995, il y a eu la perte de 10 841 emplois dans le secteur public dans cette province. Cela représente une réduction d'un peu plus de 10 p. 100. Sur le plan national la réduction des emplois de la Fonction publique atteint un peu plus de 4 p. 100. Alors entre 1991 et 1995 le secteur public en Nouvelle-Écosse s'est rétréci à un taux deux fois et demi supérieur à la moyenne nationale.

C'est le secteur de la santé qui a été le plus durement frappé en Nouvelle-Écosse: 2 313 emplois dans les hôpitaux publics ont été perdus dans cette province entre 1991 et 1995. Cela dépasse le nombre de postes supprimés dans les provinces de Saskatchewan, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. Je vous rappelle que cela s'est passé avant l'instauration du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Faut-il s'étonner que notre système de soins de santé sont en crise et que les travailleurs qui restent dans ce domaine soient au bout de leur rouleau?

Le premier ministre nous dit que tout cela a été nécessaire, que cela nous a fait du bien. Il n'a aucune intention d'offrir des excuses, comme il l'a précisé lors d'une visite à Moncton il y a quelques jours pour la conférence qui cherchait à proposer une nouvelle vision pour la région atlantique. Sa vision personnelle pour cette région comprend de nouvelles compressions, le maintien des pressions à la baisse sur les salaires et le renforcement de la disparité régionale. La vision de notre premier ministre, c'est un pays où l'on trouve deux catégories de citoyens, les chanceux et les malchanceux. Les chanceux auront de bons emplois, les autres des petits boulots, des emplois à temps partiel ou rien du tout. Les chanceux vont habiter des provinces comme l'Ontario ou l'Alberta, les autres de la région atlantique ou l'une des provinces défavorisées.

Je ne voudrais qu'on me comprenne mal. Je ne demande pas que le gouvernement fédéral commence à nous inonder de cadeaux ou bien pour reprendre la métaphore employée par Frank McKenna, je ne cherche pas une piqûre du pourvoyeur de drogues à Ottawa. Les néo-démocrates rejettent la notion de dépendance pour la Nouvelle-Écosse et la région atlantique. Par contre, nous exigeons notre juste part. Nous voulons notre juste part des possibilités économiques et le même niveau de services publics et de programmes sociaux que les autres Canadiens.

Les gens de Nouvelle-Écosse sont des Canadiens fiers qui veulent voler de leurs propres ailes. Ils ne peuvent pas le faire si leurs soins de santé, leur système d'éducation et l'infrastructure sociale sont d'un niveau inférieur à celui du reste du Canada. Nous ne pouvons pas bâtir une économie forte si l'on néglige les soins de santé et le système d'éducation.

Nous ne pouvons pas bâtir une économie forte en Nouvelle-Écosse sans une infrastructure de transport. La réduction du déficit a eu une incidence sérieuse sur les transports dans cette province. On a réduit le service des traversiers, les subventions aux chemins de fer disparaissent et nous aurons bientôt une route à péage ce qui constitue un obstacle à la circulation des biens à l'intérieur et à l'extérieur de la province. Le gouvernement fédéral s'intéresse de moins en moins à assurer la qualité de nos ports et de nos aéroports.

La réduction du déficit n'a pas laissé la Nouvelle-Écosse dans une bonne forme physique et prête à passer à l'action. Une trop grande partie de notre population et de notre infrastructure sociale et physique sont affaiblies. Il faut donc faire face aux dégâts provoqués par la réduction du déficit. Il faut venir à la rescousse du bébé qui a été jeté avec l'eau du bain. Je prie instamment le comité de faire état de cette réalité auprès du ministre des Finances.

Le président: Merci, monsieur Chisholm.

Nous allons maintenant entendre les représentants de la Maritime School of Social Work. Je vous souhaite la bienvenue, Maureen MacDonald.

Professeur Maureen MacDonald (représentante, Maritime School of Social Work): Merci.

Je voudrais commencer par dire qu'à chaque récession qui s'est produit depuis les années 70 ici en Nouvelle-Écosse, le nombre d'assistés sociaux a augmenté considérablement. Par la suite, quand il y a eu un peu de reprise, le nombre de nos assistés sociaux n'accuse aucune baisse. Cela laisse entendre que les redressements, dans la mesure où ils existent, n'ont aucun effet sur un groupe particulier dans notre province. Il y a des raisons à cet état de fait. Des lacunes de la politique sociale et de la politique publique fédérale sont responsables de la situation et il faut y remédier.

Au fur de vos audiences dans la province vous allez entendre des groupes organisés, les syndicats, les organisations qui représentent les étudiants, les universitaires et les chercheurs. Je ne prétends nullement parler au nom des assistés sociaux mais ils ne sont pas organisés et ils ne seront pas ici pour vous parler de leur situation.

• 1040

Alors j'estime qu'il est très important de parler un peu de ces gens et de leur situation et de comprendre pourquoi, après les récessions, les nouveaux assistés sociaux n'arrivent pas à quitter l'assistance sociale.

D'abord, les assistés sociaux en Nouvelle-Écosse sont dans la très grande majorité des enfants et des personnes handicapées. Ce sont souvent aussi des femmes ayant la charge de jeunes enfants et des femmes souvent victimes de nombreuses années de violence dans leur mariage. Il y a aussi des personnes qui souffrent de maladies mentales. Il y a un nombre croissant de personnes qui sont sans abri, surtout de jeunes hommes et femmes célibataires sans emploi.

Bien des programmes sociaux qui cherchent à éliminer la pauvreté sont conçus de façon à faciliter aux prestataires de l'assurance-chômage l'obtention d'un emploi mais ils ne s'occupent pas de trouver un emploi aux assistés sociaux. Il faudrait des programmes qui tiennent compte des besoins pressants des handicapés en ce qui concerne le transport, les aides techniques, etc.

Bien des gens dans cette situation ont besoin de quelqu'un pour garder leurs enfants et aussi de programmes de formation qui n'établissent pas comme condition indispensable le fait d'être prestataire de l'assurance-chômage depuis, disons, trois ou quatre mois puisque bon nombre de ces personnes sont sans travail depuis longtemps et ne répondent pas à ces exigences. Il est absolument impossible de réintégrer le marché du travail sans le soutien nécessaire.

D'après nos observations, nous sommes en train de créer un quart-monde permanent dans la société canadienne. C'est assurément le cas dans notre province et c'est confirmé dans les statistiques sur les assistés sociaux. Je crois que c'est un phénomène dont il faut beaucoup se préoccuper. Il y a des mesures précises dont il est question depuis longtemps qui permettent de faire face à certains de ces problèmes, comme un programme national de garde d'enfants, l'aide aux centres de ressources familiales, la formation et l'éducation etc.

Nous avons aussi entendu beaucoup parler de la question de recherche et de développement dans les secteurs de haute technicité. Je suis tout à fait d'accord avec les réserves exprimées ici par le docteur Dickson et d'autres. J'estime qu'il est important de signaler qu'on a supprimé les fonds de recherche prévus pour les subventions nationales au bien-être social, un programme qui finançait la recherche dans le domaine du travail social, notamment pour la formation au niveau du doctorat; ce genre de recherche permet de mieux comprendre les causes de la pauvreté et les moyens de l'éliminer. Ce fut l'une des premières victimes de la stratégie adoptée par M. Martin pour réduire le déficit.

Je pense qu'il faudrait revoir cette décision. Je suis d'accord avec nombre de ceux qui ont pris la parole aujourd'hui pour souligner la nécessité absolue de réduire le chômage puisque le chômage constitue un grave problème. Mais je soutiens qu'il faudrait aussi faire un gros effort pour s'attaquer à la pauvreté puisque même s'il y a des liens entre les deux, la pauvreté et le chômage ne sont pas identiques. Si toute notre politique sociale est définie en fonction de la nécessité d'un emploi, alors il y a aura toujours des Canadiens qui vivront dans l'indigence parce que tout le monde n'a pas la capacité de participer à une économie du marché.

• 1045

Les personnes souffrant de maladie mentale, par exemple, auront besoin de différentes formes de soutien social afin de vivre avec dignité dans la collectivité et de pouvoir y participer à un certain niveau. Une politique de plein emploi n'aura pas nécessairement un effet sur la situation pécuniaire de ces personnes.

Pour terminer, une dernière chose qui m'inquiète et dont nous n'avons pas vraiment parlé, est que non seulement les compressions font du tort à la région de l'Atlantique, mais nous n'en avons pas encore vu la fin. En fait, nous n'en sommes qu'au début. Cela m'inquiète sérieusement, surtout quand je pense au nombre croissant de gens qui vivent dans la pauvreté, aux mesures prises pour essayer de les aider à participer au marché du travail et aux conséquences pour un certain nombre de personnes qui vivent de l'aide sociale dans notre province et dans les autres.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame MacDonald.

Nous allons maintenant passer à M. Paul MacLellan, président de l'Association of Professional Engineers of Nova Scotia. Bienvenue.

M. Paul MacLellan (président, Association of Professional Engineers of Nova Scotia): Merci, monsieur le président. Je m'excuse de mon retard, mais je n'ai pas pu faire autrement.

L'Association of Professional Engineers regroupe 4 300 ingénieurs professionnels de la province. Je suis son président et je me réjouis de pouvoir faire quelques observations générales sur les questions relatives au budget fédéral et à la politique budgétaire fédérale.

Nous estimons que le gouvernement fédéral est sur la bonne voie en adoptant une politique d'austérité. Le fait qu'il est peut-être en avance sur les délais qu'il avait prévus témoigne d'une très bonne gestion financière, même si certains ne seront peut-être pas d'accord. Le budget ne devrait plus jamais être déficitaire.

Cela dit, nous recommandons fortement au gouvernement de songer à accorder une importante baisse d'impôt dans le prochain budget, tant pour ce qui est de l'impôt sur le revenu que de la taxe sur les produits et services, qui est la taxe de vente harmonisée en Nouvelle-Écosse.

La dette nationale est très lourde par rapport au PIB, mais nous jugeons préférable de la rembourser à moyen ou à long terme. Si l'on procède avec prudence, tout en stimulant la croissance économique, la dette devrait devenir plus raisonnable par rapport au PIB.

Les faibles taux d'intérêt ont énormément stimulé l'économie. Néanmoins, le taux de chômage qui en résulte, de 9 à 10 p. 100—le taux réel est certainement beaucoup plus élevé—est inacceptable et doit être abaissé. Le gouvernement devrait inscrire cela en tête de liste de ses priorités dans son prochain budget. Cela devrait largement contribuer à résoudre un bon nombre des problèmes sociaux que nous connaissons actuellement.

Nous estimons que le gouvernement devrait favoriser l'investissement et réduire les subventions directes. En investissant dans des initiatives éducatives, la recherche-développement et une meilleure planification stratégique, il donnera davantage confiance au milieu des affaires, ce qui accroîtra ses investissements.

Il faudrait élargir les programmes qui reconnaissent l'importance des sciences et de la technologie, comme le réseau des centres d'excellence, en augmentant leur financement et en élargissant leur mandat. Il faudrait mettre sur pied d'autres programmes du même genre pour soutenir les entreprises technologiques canadiennes et stimuler les projets de recherche-développement.

Le Canada possède de nombreux atouts qui lui permettent d'avoir l'un des niveaux de vie les plus élevés au monde. Dans cette économie axée sur le savoir, le Canada a la chance de disposer d'un réservoir de compétences techniques qui peut largement contribuer à améliorer la situation de l'emploi et à promouvoir la croissance économique sans apport important de fonds supplémentaires.

Nous voudrions que le gouvernement continue de soutenir les programmes de formation, surtout en technologie. Il peut le faire en finançant la recherche, non seulement au sein des institutions traditionnelles, mais également dans le secteur privé.

• 1050

Le gouvernement doit favoriser non seulement la mise au point de nouveaux matériaux et de nouveaux systèmes, mais également leur intégration rapide dans l'infrastructure canadienne. Cela permettra aux Canadiens de disposer de systèmes plus rentables et de conserver leur avantage sur le marché international de l'ingénierie.

Le Canada est bien placé pour exporter sa technologie, surtout des services d'ingénierie. Aux quatre coins du pays, et plus récemment au large de nos côtes, les ingénieurs canadiens se montrent hautement compétents et capables de contribuer de façon importante à l'économie canadienne grâce aux exportations. En fait, les Canadiens se classent au quatrième rang des exportateurs de services d'ingénierie et fournissent actuellement 6 à 10 p. 100 des services d'ingénierie dans le monde.

Nous appuyons la politique de compression de la bureaucratie fédérale. Nous estimons qu'un grand nombre des services dont les Canadiens ont besoin peuvent être assurés par le secteur privé et cela mieux et moins cher, ne serait-ce qu'en raison de la concurrence. Il est toutefois essentiel que le gouvernement continue d'examiner cette politique de passation de marchés afin de supprimer les obstacles et d'obtenir des produits ou des services de qualité.

Nous soutenons également l'initiative du gouvernement fédéral concernant le financement des projets d'infrastructure. Les fonds octroyés ne sont toutefois pas suffisants pour remplacer ou améliorer l'infrastructure. Le gouvernement devrait également établir un organisme de planification centrale chargé d'examiner les besoins d'infrastructure futurs et d'établir les stratégies requises, surtout dans le domaine des communications.

Le gouvernement a fait de gros efforts pour protéger l'environnement. Nous l'invitons à mettre l'accent sur les questions environnementales et à faire faire des études et des évaluations environnementales approfondies par des gens compétents. Le coût de ces évaluations peut sembler élevé, mais c'est bien peu de choses à côté de ce que coûtent les mesures correctives et des effets inconnus sur la santé. En fait, ces études sont un investissement et non une dépense.

Les ingénieurs de la province et du pays ont des connaissances et la volonté de participer au dialogue nécessaire pour promouvoir la croissance économique et l'innovation au Canada. Nous aimerions pouvoir participer aux prises de décisions à l'avenir.

Enfin, monsieur le président, le gouvernement ferait bien de simplifier la fiscalité afin que les entreprises et les particuliers consacrent moins de ressources à des stratégies de planification fiscale et davantage à des stratégies productives.

Je vous remercie de m'avoir invité à parler devant vous aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacLellan.

Nous allons passer aux questions en commençant par M. Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas vraiment de questions. Je voudrais tous vous remercier d'être venus aujourd'hui. Vous avez fait des excellents exposés tout à fait compréhensibles. Vous voyez les choses sous différents angles.

À part vous remercier, j'aimerais dire que dans un monde idéal, personne n'aurait à venir ici nous faire part de ses inquiétudes. Malheureusement, la perfection n'est pas de ce monde. Plus de 20 ans d'incurie sont venus gâcher le tableau, ce qui nous a imposé une dette de 600 milliards de dollars, plus environ 40 milliards pour le service de la dette chaque année.

La dette, c'est le véritable ennemi. Je vous invite fortement à nous aider à combattre cet ennemi afin que nous puissions le conquérir et rétablir une bonne gestion financière tout en étant conscients des problèmes que nous avons, tant sur le plan de l'éducation que de la recherche ou sur le plan social.

La bête n'est pas encore morte. Je veux parler du déficit et de nos problèmes financiers. Elle est peut-être gravement blessée, mais elle n'est pas encore morte. Tant que nous ne l'aurons pas tuée, nous ne pourrons pas célébrer notre victoire.

Merci de vos préoccupations. Vous les avez bien formulées.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Desrochers, s'il vous plaît.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Merci, monsieur le président. Je veux d'abord remercier chacun des participants pour leur présentation. Vos exposés démontrent clairement ce que nous entendons depuis le début de cette tournée, c'est-à-dire que les coupures des transferts aux provinces ont eu des conséquences très graves dans des secteurs importants de notre société, notamment dans celui de l'éducation.

• 1055

Ma question s'adresse aux représentants des associations étudiantes qui sont ici ce matin, soit Mme Jessica Squires, M. Chris Adams et M. Paul Black.

Comme vous le savez, nous devons maintenant performer de plus en plus dans un contexte mondial et les jeunes d'aujourd'hui seront les dirigeants de demain. Alors, comment expliquer la conduite du gouvernement libéral qui, depuis quatre ans, s'est appliqué à vous enlever les sommes et les outils nécessaires pour vous préparer à relever ces défis? Dans un deuxième temps, selon vous, l'éducation doit-elle demeurer de compétence exclusivement provinciale ou allez-vous accepter que le fédéral passe de nouveau par-dessus la tête des provinces pour tenter de réparer ses erreurs du passé?

[Traduction]

Mme Jessica Squires: Puis-je répondre? Je voudrais répondre à tout cela en même temps en parlant brièvement de la recommandation que la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a formulée l'année dernière de même que cette année en vue de l'établissement d'une entente sur l'enseignement supérieur ou l'enseignement postsecondaire, qui serait mise au point par le conseil de l'éducation administrative et supervisée par le gouvernement fédéral.

Il semble assez clair, pour le moment, que le gouvernement fédéral doit intervenir pour jouer le rôle de médiateur à tous les niveaux de l'éducation, de même que pour les autres programmes sociaux. Je crois que des organismes autres que la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants vous le diront au cours de vos déplacements.

Une entente sur l'enseignement supérieur ou postsecondaire devrait, selon la fédération, inclure des normes d'accessibilité, tant sur le plan physique que financier ou psychologique, et prévoir un transfert des crédits d'une province à l'autre. Mais surtout, l'enseignement postsecondaire devrait être financé et administré par l'État. Il devrait également être accessible à tous les Canadiens, quelle que soit la région géographique où ils résident.

On a beaucoup parlé de la façon dont ce genre d'entente pourrait être appliquée en Nouvelle-Écosse. Il s'agirait surtout de laisser au gouvernement fédéral le rôle de coordonnateur et d'accroître les fonds versés aux provinces pour que les normes puissent être respectées, et d'inciter ensuite les gouvernements provinciaux à imposer ces normes au niveau provincial, par voie législative.

Le président: Merci, madame Squires. Monsieur Riss ou quelqu'un d'autre.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'ai demandé d'entendre MM. Adams et Black.

[Traduction]

Le président: Monsieur Adams.

M. Odina Desrochers: Avez-vous entendu ma question?

M. Chris Adams: J'ai certainement entendu la deuxième partie. Pour ce qui de la première, il s'agissait des effets des compressions dans l'ensemble du pays.

À propos du rôle du gouvernement fédéral, je crois que le gouvernement devrait établir une commission nationale des normes qui examinerait directement les effets de l'accessibilité pour tous les étudiants canadiens. Il est essentiel que les étudiants d'une province puissent fréquenter l'université d'une autre province et que leurs crédits soient transférables d'un établissement à l'autre, comme Jessica l'a mentionné.

Il est extrêmement important d'avoir un système d'éducation nationale fort. Le gouvernement fédéral a certainement un rôle à jouer, en dirigeant des fonds vers les universités par l'entremise des gouvernements provinciaux.

Le président: Merci, monsieur Adams. Monsieur Black.

M. Paul Black: Je ne voudrais pas revenir sur ce qui a déjà été dit. À mon avis, Jessica et Chris ont bien abordé le sujet d'une loi sur l'éducation nationale. Nous avons besoin de ce genre de loi pour que tous les Canadiens aient accès à une éducation abordable.

Je crois toutefois que nous ne sommes pas d'accord avec Mme Squires au sujet du financement de l'éducation. À mon avis, les étudiants devraient en financer une partie. Je ne suis pas en mesure de préciser quel pourcentage cela devrait représenter, mais les étudiants devraient assumer une partie raisonnable des coûts. Pour le moment, cette partie n'est pas raisonnable.

• 1100

Le président: Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Donc, vous acceptez que le fédéral s'immisce dans l'éducation, qui est de compétence provinciale? Vous acceptez que le fédéral s'immisce dans l'éducation? Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Paul Black: Oui.

M. Odina Desrochers: Merci.

Le président: Vous êtes certainement d'accord là-dessus.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai une question hypothétique à poser à Paul. En supposant que les étudiants aient à assumer une partie de leurs frais d'éducation, appliqueriez-vous le même principe pour les étudiants de 10e ou 12e année? Pourquoi faire une différence entre la 12e année et la 14e année? Mais c'est une question purement théorique. Je ne la pose pas vraiment.

Mike, quand vous participez à des conférences d'économistes, je serais curieux de savoir comment vous êtes traité. Vos opinions semblent très différentes de celles de la plupart des économistes que j'ai entendus. Vos propos nous arrivent comme une bouffée d'air frais. Là encore, c'est une question purement théorique.

Des voix: Oh, oh.

M. Nelson Riis: J'ai une question sérieuse à poser. Après avoir écouté les personnes réunies autour de la table et avoir entendu dire que 5 p. 100 des usagers des banques d'alimentation de Nouvelle-Écosse étaient des diplômés d'universités, après avoir entendu parler du problème dont Robert nous a fait part, à savoir celui des gens qui ne pouvaient pas acheter de Jaguar ou de BMW parce qu'elles étaient toutes vendues, et après avoir entendu parler de la dette étudiante, de la crise que connaissent les organismes de subventionnement en ce qui concerne le financement de la recherche—développement et des autres formes de recherche qui nous permettent de soutenir la concurrence...

Ma question s'adresse à Paul. Après avoir entendu tout cela, pouvez-vous dire sérieusement qu'il est prioritaire de réduire l'impôt sur le revenu?

M. Paul MacLellan: Quant à savoir ce qu'on devrait faire avec le dividende budgétaire, nous ne sommes pas des économistes, mais nous pensons que c'est par des réductions d'impôt qu'on pourra stimuler l'économie.

En outre, la réduction des impôts serait une façon de lutter contre chômage auquel on peut en grande partie attribuer... Je crois qu'une bonne part des problèmes dont nous venons de discuter sont attribuables au chômage élevé. Je n'ai pas précisé le pourcentage du dividende qui devrait être distribué aux particuliers sous la forme de réductions du taux d'imposition du revenu, de la TVH ou de la taxe de vente fédérale.

Voilà donc une suggestion en ce qui touche le dividende budgétaire qui aurait une incidence à l'échelle du pays.

M. Nelson Riis: J'ai une question supplémentaire à poser, Paul. Vous êtes l'un des rares témoins que nous ayons entendus à préconiser en priorité des réductions d'impôt. Avez-vous des preuves établissant qu'une réduction d'impôt entraîne de la création d'emplois?

M. Paul MacLellan: Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne sommes pas des fiscalistes, mais c'est l'opinion de l'ensemble des ingénieurs.

M. Nelson Riis: Je vous remercie.

M. Mike Bradfield: Puis-je aussi répondre à la question? Un économiste a étudié, pour le compte de la Banque mondiale, la décision prise dans les années 80 par les pays de l'OCDE de ramener le taux d'imposition maximal de 61 p. 100 à 43 p. 100. La raison d'être de ces réductions d'impôt était double: premièrement, amener les gens à respecter davantage les lois en matière fiscale en partant de l'hypothèse que si les taux d'imposition étaient moins élevés, les contribuables auraient moins tendance à retenir à grands pas les services d'avocats pour les aider à éviter de payer des impôts; et deuxièmement, on présume que si les gens payaient moins d'impôt, ils économiseraient davantage et investiraient cet argent, ce qui créeraient des emplois. La Banque mondiale, qui n'est pas extrémiste, en a conclu que la réduction d'impôt n'avait aucun de ces effets. Les gens gardent simplement l'argent pour eux.

Je peux vous donner la référence de cette étude, si vous le souhaitez.

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

M. Nelson Riis: Si vous me le permettez, j'aimerais poser une autre question...

Le président: Non. S'il s'agit d'une question de pure forme, vous n'avez pas le droit de la poser.

M. Nelson Riis: Il s'agit d'une vraie question qui sera très courte et qui s'adresse à Jim.

Le président: D'accord.

M. Nelson Riis: Lorsqu'il a été question de mesures qui pourraient être prises pour aider à combattre le chômage chez les jeunes et en particulier chez les jeunes provenant de milieux défavorisés, vous avez donné en exemple les écoles populaires scandinaves. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus? C'est la première fois que j'en entends parler.

M. Jim Sharpe: Leur création au Danemark remonte à il y a environ 100 ans. Elles fonctionnent très bien.

• 1105

Il y a des vestiges de ces écoles ici au Canada. Le mouvement d'Antigonish se fondait sur ce type d'école. On peut trouver ici toutes sortes d'organismes bénévoles qui offrent ce genre de stage et de placement et qui enseigne aux gens des compétences pratiques. On a tenté l'expérience dans ce pays avec des subventions gouvernementales du type de celles qui étaient accordées dans le cadre du programme Perspective jeunesse, qui s'est fait un très mauvais nom. L'argent pour ce type de projet était abondant dans les années 60. La Compagnie des jeunes Canadiens reposait aussi à peu près sur ce concept.

À mon avis, il faut que le programme vienne de la base plutôt que du haut. Au lieu que le gouvernement fédéral cherche à mettre sur pied un programme national afin de pouvoir s'attribuer tout le mérite de la création d'emplois, il faudrait fournir des modèles aux collectivités locales. Beaucoup a été fait dans le domaine de l'environnement, de l'éducation et de l'alphabétisation. On parle beaucoup de l'alphabétisation, mais il y a aussi beaucoup de gens hautement qualifiés au chômage. Trouvons-leur du travail. Prenons les mesures voulues en ce sens.

Mme Margaret Tusz: J'aimerais ajouter que les écoles populaires ont été créées au Danemark au moment de la révolution industrielle. Elles cherchaient à aider les gens à s'adapter à de grands changements sociaux et économiques. Ces écoles ont permis aux jeunes de demeurer dans leur collectivité et de ne pas s'exiler à la recherche de meilleurs emplois.

Il faut donc tenir compte tant de la question de l'emploi que de celle du nationalisme. Nous ne disons pas très souvent pourquoi il fait si bon vivre au Canada, ce qui devrait inciter les Canadiens à demeurer ici. C'est pourtant une façon de lutter contre la mondialisation à laquelle on peut attribuer une bonne part de l'exode de nos ressources.

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: J'aimerais d'abord vous remercier tous de vos observations ce matin. Moi, j'ai un point de vue bien particulier. L'un de mes enseignants à l'Université Dalhousie était Mike Bradfield—j'ai obtenu mon diplôme de l'Université Dalhousie en 1989—et Paul Black est président du Conseil étudiant de l'Université Acadia, qui se trouve dans ma circonscription.

Nous attachons beaucoup d'importance à l'éducation que nous considérons comme un investissement dans l'avenir et non pas comme une dépense. En fait, l'éducation a un lien avec l'infrastructure. Ce matin, nous avons dit qu'il était important d'investir dans l'infrastructure de l'aéroport d'Halifax. On comprend bien le lien entre la croissance économique et la construction de routes et de ponts. Compte tenu de l'émergence d'une économie fondée sur le savoir et du fait que les échanges commerciaux représentent maintenant 40 p. 100 de notre PIB—un chiffre qui croît continuellement—nous devons saisir l'incomparable occasion qui s'offre à nous au Canada. Le Canada atlantique est certainement bien placé pour profiter de cette occasion, étant donné qu'il possède des établissements d'enseignement postsecondaire en mesure de former les travailleurs qui amèneront les entreprises axées sur le savoir à s'installer dans la région. Soit dit en passant, il s'agissait d'un préambule. Je crois qu'il importe donc d'établir un lien entre ces gens et le marché du travail.

Vous parlez de réductions d'impôt. Beaucoup de témoins ont parlé à ce comité des charges sociales. On a prouvé que lorsque les charges sociales sont trop élevées, cela nuit à la création d'emplois. Je crois que nous devons nous attaquer à ce problème.

J'insistais dans mon préambule sur le lien qu'il faut établir entre l'infrastructure et le développement économique. Ma question porte sur la recherche biotechnique et médicale. Notre système de soins de santé a subi des pressions importantes dans tout le Canada et en particulier en Nouvelle-Écosse. Il a été montré, par exemple, que la recherche sur le SIDA et la recherche de médicaments de pointe pour lutter contre cette maladie ont permis d'économiser beaucoup d'argent aux contribuables canadiens. Compte tenu de la situation qui existe actuellement dans le domaine des soins de santé, pensez-vous vraiment qu'il convienne d'investir dans la recherche biotechnique et cet investissement peut-il mener à des économies pour le contribuable?

M. Howard Dickson: Je crois que cela ne fait aucun doute. On pourrait citer d'innombrables cas où l'adoption d'un nouveau médicament de pointe a permis, à long terme, d'économiser des millions de dollars. Il suffit de songer à un exemple que nous connaissons tous, soit celui du vaccin contre la polio. Songez à ce que la polio aurait coûté à l'économie canadienne non seulement en soins de santé mais aussi en productivité perdue. Voilà un élément de l'équation auquel on ne songe pas souvent.

• 1110

Nous risquons non seulement de perdre des découvertes, mais aussi des personnes, c'est-à-dire des chercheurs. Il ne faudrait pas non plus oublier ceux qui dispensent des soins aux malades.

Dans le domaine de la médecine clinique et de la recherche fondamentale, on constate que les chercheurs font profiter les malades de leurs découvertes et que ce qu'ils apprennent auprès des malades leur permet en laboratoire de perfectionner encore davantage les traitements qu'ils mettent au point.

À Halifax, nos hôpitaux—tant l'Hôpital pour enfants que le Centre des sciences de la santé Queen Elizabeth II—sont les centres de référence de soins tertiaires pour l'ensemble des provinces Maritimes, et même dans certains cas pour Terre-Neuve. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les personnes qui travaillent dans ces établissements hospitaliers partir pour l'Ontario, l'Alberta ou pire encore, chez nos voisins du Sud. Il nous faut leur offrir des incitatifs pour les garder chez nous et qu'elles continuent d'être productives.

Lorsque ces personnes voient toute perspective d'avenir disparaître sous leurs yeux, elles quittent la région, ce qui est inévitable.

M. Gerry Johnston: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Des cliniciens, des médecins et des spécialistes en recherche clinique de haut calibre quittent la région parce qu'ils sont attirés par les nouvelles technologies et les théories pointues, la capacité de tirer parti des nouvelles découvertes dès qu'elles apparaissent sur la scène internationale. C'est pourquoi il faut que ce groupe de chercheurs fasse partie intégrante de tout le système de prestation des soins de santé.

Si vous vous demandez dans quelle région du Canada on est susceptible d'offrir les meilleurs soins de santé, à quel endroit pensez-vous? Quel est le premier endroit qui vous vient à l'esprit?

M. Scott Brison: Les meilleurs soins de santé...

M. Gerry Johnston: Oui. Si vous vouliez obtenir les soins de santé de qualité supérieure au Canada, où iriez-vous?

M. Scott Brison: Je dirais sans doute dans le centre du pays.

M. Gerry Johnston: Où ça?

M. Scott Brison: À Toronto peut-être.

M. Gerry Johnston: Pour quelle raison? C'est parce qu'on réussit à attirer, recruter et conserver des médecins de haut calibre grâce au milieu dans lequel ils devront évoluer. Les cliniciens de haut calibre ne vont pas au centre-ville de Toronto parce qu'il y a là une clientèle garantie, mais bien à cause du milieu de travail.

M. Scott Brison: Ma réponse aurait été bien différente il y a cinq ans. Je n'aurais sans doute pas cerné l'écart qui existe entre la Nouvelle-Écosse et le centre du Canada relativement à la prestation des soins de santé.

M. Gerry Johnston: C'est un signal d'alarme, toutefois. On peut très rapidement démanteler ce genre d'infrastructure intellectuelle, mais cela prend du temps pour la bâtir. Ce n'est pas comme un commutateur. On ne peut pas l'éteindre et la rallumer.

M. Howard Dickson: C'est là l'essentiel. Je pense qu'il faut vraiment le rappeler. Ce n'est pas un robinet que l'on peut fermer et rouvrir pour que cela coule à nouveau.

Nous tous autour de cette table conviendrons que la réduction de la dette est un objectif important, mais cela ne doit pas être l'objectif unique. Il faut adopter une approche équilibrée. Il faut absolument préserver certaines choses dans notre société. On ne peut pas éteindre l'interrupteur, en espérant que dans cinq ans, une fois résolu le problème de la dette, on pourra le rallumer, comme le dit le Dr Johnston, et reprendre les choses là où nous les avons laissées. Ce ne sera pas aussi facile.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Mes propos vont être quelque peu personnels ce matin, monsieur le président.

J'aimerais remercier tous ceux qui sont venus ici ce matin. C'est bon d'être de retour. Je suis ici chez moi. J'ai habité à Halifax de 1960 à 1963. Ma dernière adresse était rue Edward, qui est devenue depuis un terrain de stationnement de l'Université Dalhousie. J'étais dans les affaires à l'époque. En fait, j'avais une entreprise quelque part en dessous de cet immeuble, avec pension complète. Cela se passait entre 1960 et 1963, mais elle n'existe plus aujourd'hui.

Permettez-moi de vous donner quelques renseignements. J'ai relevé certaines erreurs dans les propos formulés autour de la table ce matin.

Soit dit en passant, deux de mes enfants, mes deux filles, sont nées ici à Halifax. Lorsque je les emmenais à l'hôpital, je n'ai jamais payé un centime, car à l'époque, les services hospitaliers étaient financés en Nouvelle-Écosse grâce à la taxe de vente. En fait, tous les habitants de la province profitaient des recettes de la taxe de vente.

• 1115

J'aurais dû rester ici, je pense, mais nous avons tous l'esprit de clocher et au bout de trois ans je suis reparti en Ontario. Mon fils est né huit mois plus tard. Je sais que j'ai dû payer la facture de l'Hôpital où mon fils est né car je n'avais pas d'assurance-hospitalisation en Ontario en 1964. Ce régime a débuté en 1961 ou plus tôt, je ne m'en souviens pas.

Par ailleurs, j'ai entendu prononcer le mot «inférieur». C'est un peu ennuyeux car en fait, j'aurais dû rester en Nouvelle-Écosse. Lorsque mes enfants ont eu besoin de soins dentaires et d'orthodontie, ils les auraient alors obtenus car ces services sont offerts ici en Nouvelle-Écosse. Tous ceux qui prennent la peine de se rendre à l'hôpital peuvent profiter du régime d'assurance-maladie et de soins dentaires.

M. Mike Bradfield: Il a disparu.

M. Gary Pillitteri: Il a disparu?

Mme Jessica Squires: Oui, c'est fini.

M. Gary Pillitteri: Eh bien, cela existait...

Le président: Ce n'est pas la seule chose qui n'existe plus.

M. Gary Pillitteri: ...il y a encore quelques années.

Prenons le cas de l'assurance-maladie. Il y a une dizaines de régimes différents au Canada, et non un seul. Votre régime n'est pas inférieur aux autres. Il équivaut à ce que la province est prête à vous donner.

J'aimerais maintenant poser mes questions. Vous avez dit que le financement des universités diminue. Bien entendu, avant ces paiements de transfert à des fins sociales, les fonds étaient alloués à l'enseignement postsecondaire, au RAPC—le Régime d'assistance publique du Canada—et à l'assurance-maladie. Même si les fonds devaient être dépensés dans ces domaines, bien souvent ce n'était pas le cas. Au lieu d'allouer les fonds de transfert à l'enseignement postsecondaire, la Colombie-Britannique a décidé de construire des routes. De même pour la Nouvelle-Écosse. Le système n'était pas contraignant et il ne fonctionnait pas. En fait, la seule province qui ait vraiment accordé la priorité à l'éducation, c'est le Québec. Cette province a dépensé les fonds dans le domaine de l'éducation plutôt que pour la construction de routes.

Le régime d'assistance publique du Canada financé par le gouvernement fédéral n'atteignait donc pas l'objectif voulu. Bon nombre de ces mesures étaient un échec. En combinant les trois, toutefois, la province avait le même choix que par le passé. Or, s'il n'y a pas de réduction... En Ontario, on nous dit que, effectivement, les paiements de transfert à la province ont été réduits de 1,2 milliard de dollars mais que l'Ontario a néanmoins décidé d'accorder des allégements fiscaux de 4,9 milliards.

J'aimerais donc que vous me disiez si vous souhaitez que l'on rétablisse les paiements de transfert à leur niveau antérieur, en permettant à la province d'agir comme bon lui semble, ou s'il faut que les fonds soient réservés à des fins biens précises. C'est la question que j'aimerais poser aux étudiants, car en Ontario, on recommande de ne pas donner les paiements de transfert à la province mais plutôt directement aux étudiants.

Jim, une autre partie de la question porte sur les sciences et le fait qu'il n'y a pas d'emploi. Lors de la dernière législature, les représentants des entreprises de technologie de pointe de la région d'Ottawa ont comparu devant le Comité de l'immigration pour demander qu'on ouvre la porte à un plus grand nombre d'immigrants pour travailler dans ce secteur. Êtes-vous au courant? Ces entreprises ne pouvaient pas combler leurs emplois vacants. Dans la région d'Ottawa uniquement, il y a une pénurie de 10 000 travailleurs dans le secteur de la technologie de pointe. Et je ne parle pas du nombre d'emplois qu'il est impossible de combler à Calgary ou dans d'autres régions du pays. Peut-être les responsables devraient-ils venir ici en Nouvelle-Écosse pour y trouver les candidats qu'ils recherchent.

J'ai une autre question. La dernière partie s'adresse à M. Bradfield. Vous avez effectué une étude semblable sur l'Alabama, le Massachusetts, pour établir les problèmes qu'il y a à toucher l'assurance-chômage et la difficulté pour être admissible à l'assurance-emploi au Canada à l'heure actuelle. Avez-vous également effectué une étude pour déterminer combien les gens touchent en prestation de chômage, en Alabama ou au Massachusetts, par rapport au Canada? Vous avez parlé également du rapatriement de la dette par la Banque du Canada dans le but de radier au moins 25 p. 100 de celle-ci. Pourquoi pas 50 p. 100, ou la totalité? Combien d'argent devra-t-elle mettre en circulation?

Le président: Vous n'avez pas d'autres questions?

M. Gary Pillitteri: Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant, mais j'en poserais volontiers d'autres au deuxième tour.

Le président: Allez-y.

M. Jim Sharpe: Pour répondre en premier à cette question concernant la science, c'est fascinant, à mon avis. Je considère également les statistiques relatives à cette pénurie de main-d'oeuvre dans la technologie de pointe, ainsi que les déclarations de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante selon lesquelles il est difficile de trouver des employés. Le problème est dû selon moi à l'écart qui existe entre les attentes des employeurs et des ressources humaines disponibles.

• 1120

Or, il y a peut-être lieu de se pencher davantage sur la question et de nombreux groupes sont constitués pour examiner la transition entre les études et le monde du travail. Les programmes d'alternance travail-études contribuent de toute évidence à améliorer la situation. Je maintiens toutefois qu'un grand nombre de ces emplois impossibles à combler sont destinés à des gens qui n'existent pas, car l'industrie n'en a pas formé suffisamment. Les entreprises ne font pas de formation. Elles sont à la recherche de candidats entièrement formés, auxquels elles offrent un contrat de six mois ou peut-être d'un an. Elles veulent disposer des travailleurs à leur guise.

Cette situation touche tout particulièrement l'industrie des logiciels. En l'an 2000, les entreprises voudront engager quelqu'un qui a un nombre X d'années d'expérience de la programmation COBOL, pour résoudre un problème donné, après quoi ce sera fini. Il n'y aura plus rien pour cette personne à l'avenir. On ne semble pas réfléchir à long terme sur la façon dont nous allons perfectionner les gens.

Il existe un certain nombre d'écoles privées. Il y en a une ici qui s'appelle l'Institut de technologie de l'information. Celui-ci a pris certaines initiatives pour répondre aux besoins. Je sais que certains établissements publics ont mis en oeuvre quelques projets. Toutefois, il nous faut revoir fondamentalement toute la question de nos besoins en ressources humaines et du rôle que peuvent jouer l'employeur et l'établissement d'enseignement pour combler ces besoins.

M. Paul Black: Je pense que les fonds devraient être réservés à des fins précises. Comme je l'ai dit dans mon exposé, ils devraient être alloués directement à l'enseignement postsecondaire pour que toutes les provinces offrent les mêmes services.

Mme Jessica Squires: La fédération estime que le TCSPS posait un double problème. Premièrement, il s'agissait d'un transfert de financement global, grâce auquel les provinces avaient encore plus qu'auparavant la possibilité de ne pas affecter les fonds aux secteurs où les besoins étaient les plus grands. Si le gouvernement fédéral voulait s'assurer que les provinces financent suffisamment l'éducation, il aurait dû accroître les paiements de transfert au lieu de créer le TCSPS, et surtout, ne pas réduire le financement.

Le problème est donc double. Il n'y a pas assez d'argent et il s'agit de financement global. Il faut résoudre ces deux problèmes. En outre, je tiens à vous rappeler que les coupures ont débuté il y a cinq ans, avant la mise en oeuvre du transfert canadien pour la santé et les programmes sociaux.

M. Chris Adams: J'aimerais répéter ce qu'a dit Paul. Si l'affectation de fonds à des fins précises est nécessaire et que le gouvernement fédéral et les provinces réussissent à s'entendre à ce sujet, c'est ce qu'il conviendrait de faire, conclure une entente entre les deux parties. Il vaudrait sans doute mieux établir des normes de qualité pour tous les programmes sociaux d'un bout à l'autre du pays si le gouvernement fédéral décidait de stipuler dans quels secteurs les fonds sont censés être dépensés. Toutefois, il ne s'agit pas d'une question d'argent. C'est une question qui touche les droits des provinces.

M. Mike Bradfield: Si nous vous avons montré les résultats de cette comparaison entre l'Alabama et le Canada, c'est pour vous prouver que nous sommes devenus mesquins en ce qui a trait à l'accès à l'assurance-chômage. Le niveau des prestations est secondaire, et je n'ai pas de données à ce sujet.

Quant à la question sur la Banque du Canada, si nous voulons en revenir à la situation qui existait dans les années 60, où la Banque détenait 20 à 25 p. 100 de la dette fédérale, il faudrait que la Banque du Canada prenne à son compte environ 60 milliards de dollars de plus. Au taux d'intérêt actuel, on peut calculer combien le gouvernement pourrait ainsi économiser, car il s'agit pratiquement d'une proposition à taux d'intérêt nul.

Vous soulevez la question de l'argent en circulation, compte tenu du fait que l'accroissement de la masse monétaire a un effet inflationniste; c'est pourquoi je propose que, outre le fait que la Banque du Canada détienne une plus grosse partie de la dette fédérale, nous en revenions à la situation des années 60 et aux réserves obligatoires pour les banques à charte et de toutes les institutions financières, ce qui les obligerait à détenir une certaine somme d'argent de la Banque du Canada, isolant ainsi l'effet de l'accroissement de la masse monétaire.

Toutefois, d'après la déclaration faite par le gouverneur de la Banque du Canada devant le Comité des finances de la Chambre des communes il y a environ trois ans, il n'existe plus de rapport entre la quantité d'argent imprimée par la Banque du Canada et la masse monétaire totale. Si ce postulat est exact—et je ne pense pas que ce soit le cas—il n'y pas lieu de nous inquiéter de la quantité d'argent que nous mettons en circulation. Toutefois, la vraie solution serait de rétablir les réserves obligatoires, de façon à éviter l'effet inflationniste qu'aurait le fait que la Banque du Canada détienne une plus grande partie de la dette fédérale.

M. Gary Pillitteri: La dernière fois, les réserves n'étaient que de 5 p. 100; elles n'ont pas cessé de baisser. Il y a eu environ six diminutions, pour en arriver à 5 p. 100. Le besoin n'était donc plus là. La plupart des autres pays n'imposent pas dépôts à leurs banques.

• 1125

M. Mike Bradfield: Il n'y a que trois pays qui n'ont pas de réserves obligatoires: la Suisse, le Royaume-Uni et le Canada. Tous les autres pays du monde exigent des dépôts de réserve. La proportion de la dette détenue par la Banque du Canada a diminué, passant de 20 p. 100 à 5 p. 100. Parallèlement, la partie de notre dette détenue par des intérêts étrangers est passée de 3 p. 100 à près de 22 p. 100. La banque centrale a donc transféré la masse monétaire et le financement de la dette aux banques privées du Canada et aux investisseurs étrangers, ce qui est stupide.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci.

Mme MacDonald a dit qu'il fallait s'attaquer à la pauvreté selon une approche holistique. Il y avait plusieurs thèmes dans l'exposé financier du ministre Martin, et la création de partenariats dans le but de cibler les solutions en était un. C'est un objectif que personnellement je n'ai aucune difficulté à appuyer.

Vous devez savoir que bon nombre des préoccupations dont vous nous faites part nous ont déjà été transmises à Edmonton et à Vancouver, et sont exprimées également dans nos circonscriptions. Je viens de l'Ontario. À Edmonton, certaines personnes nous ont signalé entre autres choses que nous n'avons pas encore défini la pauvreté.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, madame Tusz, et aussi s'il est possible, à votre avis de la définir.

Une autre question qui a été soulevée à Edmonton est le manque de mobilité des travailleurs et l'existence de certains obstacles à la mobilité. Je sais que vous avez cité l'exemple de la scolarité en disant qu'il fallait créer un milieu susceptible d'inciter les gens à rester dans la région. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la mobilité des Canadiens pour aller trouver les emplois là où ils existent.

Mme Maureen MacDonald: Votre question touchant la définition de la pauvreté est au coeur d'un débat permanent dans le domaine de l'aide sociale. De tout temps, nous nous sommes fondés sur les seuils de pauvreté qui sont en fait des niveaux de revenu. On a prouvé qu'ils ne constituent en aucun cas une mesure exacte pour déterminer si des gens peuvent ou non participer activement à la vie de leur collectivité et s'épanouir—c'est-à-dire faire une contribution et mener une vie gratifiante sur le plan personnel. Nous avons donc ramené un problème très complexe à un simple calcul numérique.

On parle de plus en plus de la participation et de l'exclusion sociale, et de trouver des moyens de mesures qui ne se limitent pas à de simples chiffres. Lorsqu'on considère les gens qui touchent l'aide sociale en Nouvelle-Écosse et qui vivent dans la pauvreté, par exemple, depuis toujours, le Conseil national du Bien-être social déclare clairement dans son rapport que les Néo-Écossais bénéficiaires de l'aide sociale ont un revenu nettement inférieur au seuil de pauvreté acceptable.

Qui plus est, il nous faut examiner maintenant les arguments mis de l'avant au sujet de la formation et de l'éducation, ainsi que de la participation à la société, qui est essentiellement axée sur les besoins du marché. Il nous faut comprendre que l'on est en train de créer une sous-classe permanente. Il ne s'agit pas simplement de personnes dont le revenu est insuffisant; cette situation les isole également de tous les aspects de la vie communautaire.

Il nous faut pouvoir redéfinir la pauvreté. Il faut pouvoir évaluer nos programmes sociaux, pas seulement pour déterminer s'ils permettent aux bénéficiaires d'agir en consommateurs et de verser un loyer suffisant pour habiter dans un logement acceptable. Ce sont là des éléments très importants, mais notre qualité de vie dépend de bien d'autres choses que notre simple pouvoir d'achat. C'est l'un des arguments que les responsables de l'aide sociale ont commencé à faire valoir et à examiner pour évaluer les programmes sociaux en vigueur. À mon avis, nous sommes en réalité revenus à un système d'aide sociale qui est entièrement lié au marché, ce qui pose d'énormes problèmes à bien des gens, notamment aux enfants.

• 1130

Mme Margaret Tusz: Pourriez-vous préciser votre question? Voulez-vous parler de la mobilité des gens à la recherche d'un emploi?

Mme Karen Redman: Oui.

Mme Margaret Tusz: De tout temps... par exemple, Jim a parlé du mouvement d'Antigonish. Celui-ci a vu le jour à l'époque, dans les années 20 et 30, parce que les meilleurs éléments quittaient les régions rurales pour aller s'établir en ville ou dans d'autres provinces. Les collectivités rurales ont donc été privées de dirigeants naturels qui autrement auraient pu rester à une autre époque.

Ce genre d'enseignement et l'apprentissage du leadership est une chose qui aide les gens à s'enraciner dans la collectivité, de sorte qu'ils ne la quitteront plus. En outre, cela attire les entreprises vers la collectivité en question.

Bien entendu, avec la disparition des frontières, les gens se rendent non seulement vers les villes mais également dans d'autres pays, d'autres régions du monde. Quelqu'un a dit plus tôt que nous perdons une bonne partie de nos ressources, toutes nos ressources humaines dans les régions rurales. C'est l'éternel problème qui oppose les régions rurales aux régions urbaines et les pays industrialisés au tiers monde. Tout cela se produit véritablement.

À mon sens, la question de la mobilité est liée à l'établissement des entreprises dans les collectivités, et notamment de l'industrie artisanale. Avec l'avènement des industries axées sur le savoir, c'est une attente tout à fait réaliste pour nous dans les provinces de l'Atlantique, par exemple.

Le président: Merci beaucoup.

Au nom du comité, je tiens à remercier tous les témoins. Cette table ronde a été des plus intéressantes. Vous avez exprimé des opinions diverses et abordé des questions sous des angles différents. C'est le genre de dialogue que nous souhaitons. Cela nous permet d'avoir une idée générale des défis et des options auxquels nous sommes confrontés à l'aube de cette nouvelle ère économique—car c'est bien ainsi qu'il faut l'appeler.

Encore une fois, au nom des membres du comité, merci à tous.

La séance est levée jusqu'à 13 h 30.