FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 20 octobre 1997
Le président (Maurizio Bevilacqua, Vaughan—King—Aurora, Lib.): La séance est levée. Conformément aux dispositions de l'article 83.1 du Règlement, le comité poursuit sa consultation prébudgétaire ici à Toronto.
Comme vous le savez certainement, notre comité se déplace d'un bout à l'autre du pays pour demander à la population canadienne quelles mesures il convient que le gouvernement fédéral prenne pour faire face à la nouvelle réalité économique et financière. Vous n'ignorez pas que le budget sera bientôt équilibré et que l'opération budgétaire va finir par procurer un dividende financier. Quelles doivent être les priorités de notre pays? Quels sont les choix s'inscrivant dans cette nouvelle réalité économique?
Nous tenons à remercier les Canadiens qui ont pris part à cette démarche. Merci d'avoir participé à la séance de ce matin. Nous attendons avec impatience votre contribution.
Nous allons commencer par entendre la représentante de Growing Up Healthy Downtown, Karen Serwonka.
Mme Alison Kemper (directrice générale, Growing Up Healthy Downtown): Je m'appelle Alison Kemper. Karen Serwonka n'est pas là.
J'ai passé la fin de semaine à me battre avec les logiciels pour préparer cet exposé et j'ai de magnifiques diapositives. C'est pour vous montrer que l'on peut compter sur la technique. Il y a même un graphique. C'est tout à fait impressionnant.
Le président: Je vais vous dire en gros de quelle façon nous allons procéder. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre exposé et vous pourrez ensuite répondre à nos questions.
Veuillez nous donner les grandes lignes de votre exposé dans les cinq minutes imparties et tout ira bien.
Mme Alison Kemper: Bien.
Growing Up Healthy Downtown est un programme d'intervention communautaire s'adressant aux enfants. C'est un bon investissement canadien concernant les enfants et les familles. Le fait de ne pas avoir exécuté les menaces de compressions de programmes faites l'année dernière a procuré un excellent rendement sur cet investissement canadien.
• 0835
L'évaluation a été faite. Elle démontre que les petits
investissements communautaires font toute la différence dans la vie
des gens. En fait, ceux qui gagnent le plus sont ceux qui ont le
plus à gagner.
L'ouverture d'un nouveau centre communautaire dans le quartier d'Harbourfront ce samedi est l'un des signes du dynamisme persistant de ce programme. Tout cela, parce que Santé Canada et d'autres organismes de financement se sont joints aux résidants pour que des programmes soient lancés dans le quartier le plus isolé de Toronto.
Nous savons que ça fonctionne. Lors des deux ans et demi de financement stable qui vont suivre, nous pourrons obtenir des résultats sur cette base. Les familles et le personnel pourront trouver ensemble de nouveaux moyens de faciliter la vie de nos enfants au sein des collectivités.
Cette année, nous ne venons donc pas mendier de l'argent. Nous vous remercions pour votre financement et nous allons faire le tour des différentes questions que nous ne pouvons pas régler sans vous.
Quels sont les grands enjeux? Qu'est-il arrivé aux familles de Toronto depuis le désenclavement, les compressions budgétaires et la suppression du régime d'assistance publique du Canada?
Vous savez tous que le montant des prestations du bien-être a été réduit de 22 p. 100 depuis 1994. Vous ne savez peut-être pas que selon un article récemment publié par le Star, la réduction draconienne des services dispensés par les écoles fait qu'aujourd'hui la taille de nos classes est plus élevée que partout ailleurs en Amérique du Nord, si l'on excepte la partie la plus pauvre des États du Sud tels que la Géorgie, l'Alabama ou le Mississippi.
Les évictions de familles dans la communauté urbaine se sont multipliées. Quatorze programmes s'adressant aux familles à faible revenu ont subi des compressions en 1996. C'est l'une des plus fortes compressions de tous les secteurs.
Vendredi, j'ai reçu un rapport de la communauté urbaine qui nous indique qu'il y a cette année 1 000 familles de plus qui sont prises en charge par le réseau hospitalier de la communauté urbaine qu'à la même époque l'année dernière.
La communauté urbaine envisage de mettre en place une installation de secours de masse devant permettre de loger 800 familles. Cela s'apparentera à une patinoire de hockey dans laquelle 800 familles dormiront sur des lits de camp.
Au cours des cinq dernières années, on a signalé en Ontario deux fois plus de cas de mauvais traitements infligés aux enfants.
Les preuves sont là. Vendredi, on a publié l'indice concernant la qualité de la vie. Il est en diminution en Ontario depuis les six dernières années.
Nous savons aussi que la santé et le développement des enfants sont déterminés en grande partie par le niveau de revenu, le logement, l'emploi et l'éducation de leur famille.
La situation empirant pour ce qui est du dernier quart de nos citoyens, nous pouvons nous attendre à une augmentation des mauvais traitements infligés aux enfants, de l'analphabétisme, du comportement agressif des enfants dès qu'ils ont trois ans, des accidents, des cas de suicide des adolescents et du chômage chez les jeunes. Le coût de cinq années de compressions budgétaires du gouvernement dans tous ces secteurs va se faire sentir.
La situation est critique, mais on peut agir. Le Centre canadien de politiques alternatives vient de publier des statistiques qui nous indiquent que 60 p. 100 de la réduction du déficit s'explique par la baisse du coût du service de la dette. Les compressions de programmes n'interviennent que pour 40 p. 100.
Nous disposons d'une marge budgétaire suffisante pour réparer les dégâts des dernières années. Le gouvernement du Canada peut mettre en place une politique du logement, des normes nationales sur le bien-être et des programmes de garderies. Aucun des changements apportés ces cinq dernières années n'est irréversible, mais ce n'est pas le cas de la vie des enfants et des possibilités qui leur sont offertes. Avec la marge de manoeuvre dont nous disposons aujourd'hui, nous nous devons d'investir dans nos enfants.
Je vous propose donc aujourd'hui d'adopter une stratégie pour les enfants étant donné qu'il y a des enfants à Toronto, et probablement dans tout le Canada, qui sont pauvres et qui ont faim.
C'est justement ce que vient de faire le Conseil de la communauté urbaine cette année. Il nous dit pour l'essentiel que le sort des enfants doit être amélioré, qu'aucune politique des pouvoirs publics ne doit aller à l'encontre des intérêts des enfants et que toutes les décisions politiques et budgétaires doivent être évaluées en fonction de leurs effets sur les jeunes enfants.
Nous vous incitons ardemment à adopter une telle politique, une stratégie s'appliquant aux enfants, lors de cette révision budgétaire. Vous pourrez ainsi vous assurer que le gouvernement du Canada écoute la voix de ses citoyens les plus vulnérables.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Kemper. Nous allons maintenant donner la parole à la représentante de Campagne 2000, Rosemarie Popham. Soyez la bienvenue.
Mme Rosemarie Popham (coordonnatrice, Campagne 2000): Merci. Campagne 2000 est une coalition nationale comptant 16 organisations participantes à l'échelle du pays. Notre principal objectif est de contrôler l'application des résolutions prises par l'ensemble des partis en 1989 pour mettre fin à la pauvreté des enfants en l'an 2000.
Vous connaissez peut-être notre bulletin qui fait le point sur la situation le 24 novembre de chaque année. Si ce n'est pas le cas, je vous en ai apporté des copies que je vais vous montrer.
Le dernier bulletin nous indique que le Canada vient au second rang dans le monde industrialisé pour ce qui est de la pauvreté des enfants. C'est un rappel douloureux du fait que nous n'avons pas réussi à maintenir l'équilibre entre la remise en ordre de notre situation financière et la prise en charge des familles.
Le gouvernement fédéral prévoit désormais un budget équilibré. Certains segments de la population exigent que l'on abaisse les impôts pour compenser la période difficile de restrictions budgétaires que nous venons de vivre.
Les réductions généralisées d'impôt profitent avant tout à ceux qui sont les mieux nantis. Il faut aujourd'hui privilégier les enfants. Les partenaires de Campagne 2000 estiment qu'il est temps désormais de considérer comme une priorité nationale les investissements sociaux s'adressant aux enfants et aux familles. Un pays aussi riche au niveau national que le Canada ne peut continuer à se désintéresser de la pauvreté des enfants en prétextant une pauvreté collective. Ça ne prendra plus.
Nous voyons mal comment on pourrait trouver les investissements sociaux nécessaires aux enfants en se contentant d'augmenter les dépenses générales du gouvernement. Une nouvelle politique s'impose.
Le Canada dispose aujourd'hui de crédits s'adressant à deux des trois grands âges de la vie: l'AE en ce qui concerne les adultes vulnérables en âge de travailler et le RPC pour ce qui est des pensions. Rien n'est prévu expressément à l'intention des enfants.
Nous proposons que notre pays affecte avant l'an 2003 entre deux et trois pour cent du PIB à l'établissement d'un fonds d'investissement social s'adressant aux enfants. Nous proposons que le Comité des finances recommande que le gouvernement fédéral prenne l'initiative d'annoncer la création de ce fonds dans le prochain budget.
Ce fonds d'investissement social aurait cinq objectifs. Premièrement, il établirait un niveau de vie décent correspondant à un seuil minimum pour les familles à revenu faible ou modeste.
Deuxièmement, il prendrait en charge et stimulerait les enfants afin qu'ils prennent un bon départ dans la vie.
Troisièmement, il donnerait aux parents des possibilités de choix concernant le temps consacré à la famille au cours de la période de formation de leurs enfants.
Quatrièmement, il protégerait le niveau de vie des enfants en cas de séparation des parents.
Cinquièmement, il garantirait que tous les enfants ayant réussi leur scolarité au Canada puissent suivre des études et une formation postsecondaires sans avoir à s'endetter énormément pour la vie.
En plus de créer ce fonds, si le gouvernement veut vraiment investir dans les enfants, il lui faut chercher à augmenter l'offre de bons emplois et mettre au point une stratégie claire visant à remédier à la pénurie de logement social et à l'augmentation du coût des loyers comparativement aux revenus des familles. Les enfants doivent bénéficier en priorité de ce dividende financier.
La principale composante de ce fonds sera la mise en place d'un système global de prestations pour enfants. Nous commencerons par partir de l'engagement de 1,7 milliard de dollars déjà pris dans le cadre de la stratégie nationale de prestations pour enfants.
Nous estimons que cette stratégie pourrait permettre de disposer de 210 $ à 600 $ de plus par enfant, selon le nombre d'enfants au sein de la famille. Mais attention, nous sommes encore bien loin des 4 400 $ au-dessous du seuil de pauvreté qui sont le lot des enfants pauvres à l'heure actuelle. Il nous reste un long chemin à faire.
En second lieu, il faudrait relever le niveau de vie des familles à revenu modeste, fournir des crédits à celles qui vivent des prestations du bien-être et prévoir une indexation pleine et entière.
Nous avons indexé les prestations des personnes âgées en 1966 et nous ne le faisons pas pour les prestations s'adressant aux enfants.
Il devrait y avoir une enveloppe nationale devant permettre aux provinces de développer un réseau de garde d'enfants au début de leur développement.
Il devrait aussi y avoir un régime national de dotation en bourses d'études pour la jeunesse qui montrerait à tous les jeunes, notamment à ceux des familles pauvres, que s'ils réussissent à l'école secondaire et sont en mesure de suivre une éducation postsecondaire, une bourse sera mise à leur disposition.
L'annonce faite par M. Chrétien de son projet du millénaire dans sa réponse au discours du Trône est un excellent premier pas dans l'établissement d'un tel fonds et il faudra y consacrer un investissement supplémentaire d'un milliard de dollars par an pour qu'un nombre suffisant de jeunes Canadiens puissent en bénéficier.
• 0845
Nous estimons que le coût total d'un fonds d'investissement
social bien équilibré pour les enfants devrait être de 16 milliards
de dollars en vitesse de croisière. Il ne s'agit pas d'une somme
irréaliste compte tenu du total des dépenses provinciales et
fédérales, qui se montent à plus de 330 milliards de dollars, ou
par rapport aux 20 milliards de dollars que, comme il se doit, nous
dépensons d'ores et déjà pour les personnes âgées.
Nous recommandons que ce fonds ait trois sources de financement: la contribution du gouvernement, à commencer par le dividende financier, pour préserver et améliorer les programmes qui s'adressent actuellement aux enfants; la contribution des particuliers; enfin, la contribution des entreprises. Nous recommandons que les enfants soient les premiers à bénéficier du dividende financier. Nous insistons sur la nécessité à l'heure actuelle de s'occuper en priorité de leurs besoins. Rien n'indique que des déductions générales d'impôt soient profitables à ceux qui sont les plus vulnérables.
On demande souvent à ceux d'entre nous qui opèrent dans le secteur des services sociaux d'apporter la preuve des effets positifs de ce que nous faisons et de ce que nous recommandons. Nous avons apporté à maintes reprises la preuve des conséquences négatives de la pauvreté sur les enfants et la société et nous sommes submergés par les recherches démontrant l'intérêt d'investir dans ces secteurs.
Quant à ceux qui prétendent que les déductions fiscales vont stimuler l'économie et qui évoquent toutes sortes de coquecigrues, ils n'apportent aucune preuve. Les recherches effectuées par la Direction générale de la recherche appliquée du CPRH nous révèlent qu'entre 1983 et 1989, alors que le PIB a progressé en moyenne de quatre pour cent par an, la pauvreté a augmenté d'environ six pour cent. Parallèlement, entre 1980 et 1994, il y a pratiquement une corrélation inversée entre le PIB par tête et l'indice de la santé sociale. Cela s'apparente aux conclusions du rapport dont a parlé Alison, qui traite de la mortalité infantile, du suicide chez les adolescents, de la toxicomanie, etc.
Il vous faut exiger de ceux qui vous recommandent d'affecter le dividende financier à des réductions d'impôt qu'ils vous démontrent en quoi cela va profiter à notre population la plus vulnérable, celle de nos enfants. Il n'est pas justifié que les couches favorisées du Canada exigent la remise d'un dividende financier qui appartient à la génération suivante.
La déduction d'impôt de 6 milliards de dollars qui est prévue en Ontario est une réaffectation des fonds publics des pauvres en faveur des non-pauvres. Lorsqu'elle est extrapolée à l'échelle du Canada, elle se monte à 13 milliards de dollars. Cette somme serait suffisante pour sortir deux fois tous les enfants de la pauvreté. Il ne s'agit pas d'une question de moyens. Il s'agit de la question fondamentale de savoir qui doit bénéficier en premier de l'énorme richesse de notre pays. Jusqu'à présent, les enfants ont été pratiquement servis les derniers.
Campagne 2000 invite le Comité des finances à saisir l'occasion de donner la priorité aux enfants et aux jeunes sur ce dividende financier. Le Canada est à la croisée des chemins. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser une génération grandir dans la pauvreté et un pays se partager entre pauvres et nantis. Pour bien gérer nos finances, il nous faut investir là où c'est essentiel. Ainsi que l'a déclaré M. Chrétien dans sa réponse au discours du Trône: «Nous devons investir dans nos enfants, notre ressource la plus précieuse.» Nous incitons le Comité des finances à faire le premier pas en recommandant un fonds d'investissement social pour les enfants.
Le président: Merci, madame Popham.
Nous allons maintenant passer aux représentants de Vision mondiale Canada, Linda Tripp et Matthew Scott.
Mme Linda Tripp (vice-présidente, Relations internationales et gouvernementales, Vision mondiale Canada): Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et toutes les personnes ici présentes, c'est un honneur que d'être parmi vous ici aujourd'hui. En me présentant devant vous, je représente non seulement Vision mondiale Canada mais aussi les 350 000 Canadiens qui nous apportent régulièrement un appui financier. Je parle aussi au nom des centaines de milliers d'enfants et de familles qui, dans le monde entier, bénéficient chaque année de nos programmes. D'ailleurs, si je passe en revue tous les intervenants, je crois que nous sommes la seule organisation aujourd'hui qui transmet un message international.
Vision mondiale est une organisation chrétienne de secours et de développement qui a levé 114 millions de dollars de fonds au cours de son dernier exercice qui s'est terminé le 30 septembre. Sur ce montant, huit pour cent seulement, soit moins de 10 millions de dollars, provenaient des crédits du gouvernement, en l'occurrence de l'ACDI.
Je vous fais part de cette réalité pour vous signaler qu'en dépit de ce que veulent vous faire croire certains sondages et certains médias, il y a dans notre pays un secteur de la société qui continue à croire que le Canada a un rôle important à jouer au plan international et l'obligation d'appuyer les efforts de secours et de développement qui sont en cours dans les pays les moins développés du monde. Ces Canadiens agissent de manière concrète, avec leurs propres ressources, et ils s'attendent à ce que le gouvernement en fasse autant.
• 0850
Pendant les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais vous
parler de trois secteurs dans lesquels nous estimons qu'il faut
affecter les ressources du Canada.
Le premier est celui des enfants. L'enfance n'a pas de frontières et les besoins des enfants dans tous les pays du monde sont les mêmes que ceux des enfants canadiens. Les enfants sont toujours les plus vulnérables dans une société, quelle qu'elle soit. Oui, charité bien ordonnée commence par soi-même, mais il ne faut pas que ça s'arrête là.
Lors de la campagne électorale, Vision mondiale a été ravie de constater que tous les partis mettaient l'accent sur les besoins des enfants, et désormais le gouvernement a la possibilité de réaliser ses promesses. Il vous sera possible d'y parvenir en faisant des besoins fondamentaux des enfants, tant au plan international qu'international, la grande priorité de l'affectation des ressources, et vous pourrez vous assurer que lors de toute restructuration financière, les besoins des enfants ne seront pas sacrifiés à la satisfaction des exigences fiscales.
Le deuxième est celui du partenariat. Chez les ONG, c'est-à- dire les organisations non gouvernementales, le partenariat se conjugue à tous les temps. Nous agissons en partenariat avec nos donateurs, les collectivités, les autres ONG et l'ACDI. Ces partenariats entraînent une synergie, qui a donné lieu à de nombreuses réussites, et lorsque la réussite a été moindre, nous en avons tiré un enseignement précieux.
Lors des quatre dernières années, nous avons accepté la réduction de l'APD dans le cadre de la restructuration financière du Canada mais, en conséquence, le Canada s'est retrouvé à la traîne en tant que partenaire du développement. Notre contribution actuelle, qui s'élève à 0,31 p. 100 du PNB, est inférieure à la moitié du plancher fixé par l'ONU, soit 0,7 p. 100.
Laissez-moi vous donner un exemple concret. Pendant six ans, le Canada est intervenu en tant que partenaire des ONG et des ministères de la Santé d'une vingtaine de pays au moins dans le cadre d'un programme d'immunisation visant à vacciner un maximum d'enfants contre six maladies transmissibles: la tuberculose, la poliomyélite, la diphtérie, le tétanos, les oreillons et la coqueluche. Le deuxième objectif de ce programme était de donner au ministère de la Santé de ces pays la capacité d'être autonomes à long terme. Vision mondiale a servi de partenaire à d'autres ONG ainsi qu'au ministère de la Santé de six de ces pays. On a réussi au niveau du district aussi bien en ce qui a trait à la vaccination qu'à la capacité à être autonome. Nous commencions tout juste à être influents sur le plan national lorsque le programme a fait l'objet d'une compression. En l'absence d'une couverture nationale, il est peu probable que les réalisations au niveau du district puissent mener à une capacité d'autonomie. Là encore, les victimes sont ceux qui sont impuissants et vulnérables: les enfants.
Il ne s'agit pas pour nous de savoir s'il faut privilégier l'aide ou le commerce. Les deux sont nécessaires et importants. Toutefois, si le Canada a amélioré sa situation financière en raison de la croissance du commerce mondial, ne s'ensuit-il pas qu'il se doit d'agir à nouveau en qualité de partenaire et d'aider ceux qui sont le moins en mesure d'y parvenir à devenir eux aussi des partenaires au sein de l'économie mondiale? Le réexamen de la compression des dépenses de huit pour cent prévue au titre de l'APD au cours de l'exercice 1998-1999 représenterait elle aussi une initiative positive.
Le troisième est celui de l'efficacité de l'utilisation des ressources. L'une des principales recommandations du réexamen de politique étrangère portait sur la réaffectation de 25 p. 100 de l'APD aux besoins humains fondamentaux. Alors même que la plupart des ONG estimaient que ce pourcentage était trop faible, il est bientôt apparu que des fonds affectés spécialement à des secours d'urgence, tels que celui du Rwanda, faisaient partie de ces 25 p. 100. L'Institut Nord-Sud a calculé qu'une fois retirés les fonds d'urgence, il ne restait que 13 p. 100 de l'ensemble des crédits de l'enveloppe de l'ACDI qui pouvaient être consacrés aux besoins humains fondamentaux.
La satisfaction des besoins humains fondamentaux est le fondement d'une société stable. Il est indispensable que le Canada augmente les crédits qu'il affecte à ce poste.
Un deuxième secteur, celui du déminage, nécessite une attention immédiate et à long terme. Nous pouvons tous être fiers, les ONG comme le gouvernement, du succès sans précédent de l'opération menée par Ottawa et du mouvement venu de la base, qui s'est traduit finalement par l'obtention du prix Nobel de la paix. Il n'en reste pas moins que tant qu'il restera une mine dans les jachères, sur les routes qui conduisent aux écoles et aux hôpitaux et dans les prés dans lesquels les enfants font paître leur bétail, nous ne pouvons pas prendre pour acquis que la bataille est gagnée.
Mesdames et messieurs, j'ai eu l'occasion de longer des rivières ayant été minées et de rester au chevet des victimes des mines terrestres. Les mots et même les images les plus horribles ne peuvent pas rendre compte fidèlement des répercussions terribles et à long terme de ces armes terrifiantes sur le bien-être social et économique des individus, des familles et des collectivités.
M. Axworthy a reconnu la nécessité du déminage et a promis que le Canada interviendrait, mais nous vous implorons de ne pas prélever les fonds consacrés au déminage sur le budget d'aide actuel. Nous avons besoin de toutes ces ressources pour les programmes existants. Le Canada intensifiant son action dans les initiatives de paix prises dans le monde, nous proposons plutôt d'affecter dans un premier temps certains crédits de la défense à cette initiative louable.
• 0855
Les mines terrestres étaient au départ une arme militaire.
Elles sont devenues une arme semant la terreur parmi les civils. Il
est normal que l'on ponctionne en premier lieu les budgets
militaires pour trouver les ressources nécessaires dans le cadre de
cet effort à long terme de déminage.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et toutes les personnes ici présentes, vous avez ici une chance unique. Le Canada est un pays fort et riche. Il nous reste cependant des défis à relever et il nous appartient par ailleurs de nous assurer que la population canadienne ait un avenir sûr et garanti, ce qui est impossible dans un monde dans lequel les gens ne mangent pas à leur faim, ont soif de connaissances et craignent pour leur propre survie.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Tripp.
Nous allons maintenant passer aux représentantes de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, Cheryl Gulliver et Diane Richler.
Je vous souhaite la bienvenue.
Mme Cheryl Gulliver (vice-présidente, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci. J'ai à côté de moi Diane Richler, notre vice-présidente exécutive. Je suis sûre que vous l'avez déjà rencontrée.
Au nom de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, je tiens à vous remercier tout d'abord de nous avoir donné l'occasion de prendre part à cette table ronde.
Monsieur le président, comme nombre des membres de votre comité, vous savez du fait des relations que nous avons entretenues à différentes occasions, que l'ACIC est une association canadienne consacrée au plan national à la promotion des droits des personnes ayant un handicap intellectuel à mener une vie active et productive dans les différents secteurs de leur collectivité. L'ACIC fédère 10 associations provinciales et deux associations territoriales qui regroupent à leur tour 428 associations locales comptant 40 000 membres, en y incluant les personnes qui se définissent elles-mêmes comme ayant un handicap intellectuel, les parents, les familles, les professionnels, les amis et les défenseurs de cette cause.
Nous participons à cette consultation en étant pleinement conscient des différentes pressions auxquelles votre comité et le ministre Martin vont faire face dans le cadre de l'élaboration du prochain budget et lors des prochaines années de l'administration de ce gouvernement.
D'un côté, il y a un courant fort et puissant qui demande au gouvernement de continuer à considérer la réduction du déficit comme la grande priorité. D'autres soutiennent qu'il est temps de réinjecter de l'argent dans le système. Parmi ces derniers, le débat est tout aussi acharné lorsqu'il s'agit de savoir comment l'argent doit être réinvesti et quels sont les groupes et les personnes qui doivent être les bénéficiaires des économies réalisées. Le risque, c'est que toutes ces pressions et toutes ces voix différentes disparaissent dans la cacophonie ambiante.
Il est temps que notre pays fasse une pause et réexamine les objectifs que s'est fixés notre société dans le cadre de ses systèmes économiques sociaux et politiques, qui ont évolué avec le temps, poussés davantage par leur propre logique que par une demande stratégique.
Ces dernières années, nous avons déposé de nombreux mémoires et de nombreuses recommandations à votre comité et à d'autres du même genre en développant un argument qui nous paraît très logique: tout simplement, il en coûte davantage à notre société de mettre à l'écart les gens et de les maintenir dans le chômage que de les intégrer.
Dans le premier budget de ce gouvernement, le ministre Martin a annoncé la création d'un projet dans l'Île-du-Prince-Édouard, en partenariat avec notre organisation et le gouvernement de l'Î.-P.-É., projet qui vise à démontrer qu'en faisant appel aux ressources actuelles nous sommes en mesure de faire mieux participer les personnes handicapées qu'en les excluant. Ce projet entre aujourd'hui dans une nouvelle phase.
Une étude menée récemment par la Colombie-Britannique nous révèle que dans cette seule province, les personnes exclues du marché du travail coûtent à l'économie de la C.-B., directement et indirectement, 3,5 milliards de dollars par an. Si on laisse aller les choses, ces coûts pourraient exploser et passer à 30,5 milliards de dollars en 2006, selon les chiffres publiés par le National Institute of Disability Management and Research. Certes, ces chiffres sont le reflet des réalités économiques, mais l'on ne peut passer sous silence les coûts humains et sociaux pour les travailleurs et leurs familles.
Santé Canada évalue à près de 56 milliards de dollars le coût indirect des invalidités à court et à long termes pour l'économie canadienne. Ce chiffre, qui vaut pour l'année 1993, part de l'estimation des pertes de productivité, qui englobe le montant des pensions d'invalidité du gouvernement et du secteur privé.
Ainsi que l'a reconnu récemment le ministre Martin, les économistes ne s'entendent pas à l'heure actuelle sur le taux de chômage. Ceux qui considèrent que le taux de chômage ne va pas tomber bien plus bas partent du principe que nos programmes sociaux sont trop généreux. Ce qui manque à ce débat, c'est la véritable analyse de la structure et de l'effet de ces programmes sociaux tels qu'ils existent à l'heure actuelle.
• 0900
Pour les gens frappés d'une incapacité, ces programmes sont
absolument indispensables. Celui qui, en raison de son handicap, a
besoin d'une aide dans sa vie, qu'il s'agisse d'aller à l'école, de
travailler ou tout simplement de prendre part à la vie de la
collectivité, est obligé bien souvent de s'adresser à l'aide
sociale pour trouver un appui en matière de revenu.
L'ACIC a soutenu, et s'efforce de démontrer, que ce n'est pas la quantité d'argent dans le système qui pose un problème, mais plutôt la façon dont le système est structuré. Je pense que c'est de la toute première importance. Je ne veux pas dire pour autant que le soutien dont bénéficient les gens qui ont une personne handicapée au sein de leur famille soit approprié ou suffisant; il s'agit plutôt de demander que l'on réexamine les politiques des pouvoirs publics, qui placent en fait les gens dans des culs-de- sac. On peut bien parler de «culs-de-sac», c'est le mot qui s'impose.
Sur le plan international, le Canada apparaît comme un chef de file face aux nouvelles initiatives de développement. Un rapport récent qu'a préparé notre association pour le compte de la Banque interaméricaine de développement avec l'appui de l'ACDI définit les barrières qui font obstacle à l'intégration et les coûts liés à la marginalisation des personnes ayant un handicap.
En commentant ce rapport, le ministre Martin a déclaré:
-
Aucun gouvernement et aucun pays ne peut se permettre d'exclure les
personnes handicapées des systèmes économiques, politiques et
sociaux du pays.
-
Sans leur contribution et sans la contribution de tous les groupes
au sein de nos sociétés, il n'est pas possible de maintenir une
économie saine et une forte démocratie. Le rapport de l'ACIC trace
la voie que les gouvernements, les institutions financières et les
organisations de la société civile doivent suivre afin de créer de
nouveaux partenariats devant permettre aux personnes handicapées
d'accéder au marché de l'emploi.
Ce que nous sommes donc venus vous dire avant tout aujourd'hui, c'est qu'il nous faut réformer les mécanismes de soutien que nous avons mis en place dans notre pays de manière à atteindre les objectifs que s'est fixés notre société; nous devons réunir de nouveaux partenaires et inciter tous les Canadiens à s'engager dans la voie de la réalisation de ces objectifs; enfin, nous devons apporter un appui aux individus et à leurs organisations de manière à nous assurer de leur participation.
Plus précisément, nos recommandations pour le prochain budget fédéral sont les suivantes:
1. Que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces et les territoires, se dote d'un programme national de prestations pour les handicapés qui compense les coûts liés aux handicaps individuels. Sur le modèle des prestations nationales pour enfants qui a été conçu avec succès, ce programme aiderait les gouvernements des provinces et des territoires à réformer les systèmes de soutien qu'ils ont mis en place pour les personnes handicapées d'une façon qui permette aux réseaux provinciaux et territoriaux ainsi qu'à l'ensemble de notre société de réaliser des économies. Le gouvernement fédéral pourrait ensuite réinvestir ces économies au sein d'un fonds national devant servir à soutenir directement les particuliers pour les indemniser des coûts liés à leur handicap.
2. Que le gouvernement fédéral prenne l'initiative de réunir les entreprises, la société civile et les gouvernements au sein d'une nouvelle forme de partenariat partant du principe que pour qu'une économie et qu'une démocratie soient fortes il faut compter sur la participation de tous les groupes de la société. Plus précisément, nous serions heureux de prendre part à un sommet sur l'emploi s'adressant aux personnes ayant un handicap.
3. Que le gouvernement fédéral appuie et renforce la capacité d'organisation de la société civile afin qu'elle contribue à la création de nouveaux partenariats et qu'elle tire parti des possibilités d'élaboration de politiques de rechange. La participation de toutes les couches de notre société est fondamentale pour le bien-être économique et social de notre pays. L'organisation de la société civile permet aux oubliés de faire entendre leurs voix et de s'insérer dans les mécanismes économiques, sociaux et politiques. Ce travail débouchera sur la création d'économies locales et régionales fortes et sur une participation économique et sociale durable.
Merci de nous avoir écoutés.
Le président: Merci de votre intervention.
Nous allons maintenant passer la parole à une représentante de Kids First, Cheryl Stewart.
Mme Cheryl Stewart (représentante, Kids First Parent Association of Canada): Merci.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. La Kids First Parent Association est un organisme de charité national, implanté dans la communauté, qui s'occupe des enfants et veille à leur bien-être. Nous préconisons un développement harmonieux des enfants grâce à la participation des parents, et des politiques sociales qui offrent aux parents un soutien, reconnaissent leur rôle et protègent le choix consistant à élever les enfants au sein de leur famille.
• 0905
Kids First travaille depuis 10 ans maintenant sur la question
de la discrimination fiscale et des familles à un seul revenu.
Cette discrimination a été étudiée et est reconnue par les
comptables agréés, les gouvernements provinciaux, la Cour fédérale
de l'impôt et le ministère des Finances fédéral. Signalons que le
ministère des Finances fédéral a demandé l'élaboration d'un
document de travail sur la question en 1996 à la demande de
plusieurs gouvernements provinciaux et que ce rapport fait état de
la discrimination flagrante qui s'impose aux familles dont l'un des
parents reste à la maison.
Il y a quelques jours, nous avons entendu une comptable agréée qui venait de se réinstaller ici après avoir déménagé des États- Unis. Elle a fait état de sa surprise et de sa colère en voyant à quel point cette discrimination était enracinée dans le Code canadien de l'impôt.
Pourquoi ce problème subsiste-t-il? Pourquoi le gouvernement fédéral continue-t-il à défendre ses politiques fiscales tout en reconnaissant son caractère discriminatoire? Comment M. Martin peut-il affirmer qu'il ne faut pas accepter le statu quo, que le gouvernement fédéral doit garantir l'équité et l'égalité et que la rigueur ne doit jamais servir d'excuse pour ne pas respecter l'équité alors qu'un autre côté il refuse de considérer toute initiative susceptible dans la pratique de répondre à cet objectif pour les familles à un seul revenu?
Si les familles dans lesquelles un des parents reste à la maison pouvaient être définies par leur race, leur caractère ethnique, leur religion ou leur langue, les politiques fiscales actuelles seraient jugées hautement discriminatoires. La Kids First Parent Association of Canada a le malheur de représenter des parents appartenant à de nombreuses religions, des familles monoparentales ou avec deux parents, ainsi que des parents appartenant à de nombreux groupes culturels. Parce qu'elles ont choisi une forme de garde d'enfants qui exige que l'un des parents cesse d'occuper un emploi rémunéré, elles perdent tout intérêt aux yeux de notre gouvernement. Sans vouloir reconnaître que la majorité de ces parents retourneront travailler à l'extérieur une fois que leurs enfants seront à l'école, notre gouvernement a jugé que leurs efforts n'en valaient pas la peine. En fait, leurs efforts sont découragés au point où l'on fait payer délibérément à ces familles des milliers de dollars d'impôts de plus que n'en paient les familles dont les deux parents travaillent, et ceci à tous les niveaux de revenu.
Au Canada, nous soutenons les étudiants qui s'efforcent de poursuivre leurs études en leur accordant des prêts pour étudiants et des dispenses spéciales, et en reconnaissant que même si leur valeur au sein du marché est faible, il s'agit là d'un bon investissement pour l'avenir du pays. Nous soutenons les personnes âgées par l'intermédiaire des pensions et de la sécurité de la vieillesse, reconnaissant par là leurs états de service par le passé et ce qu'elles continuent à apporter à la société. Il est bien dommage que l'on n'agisse pas de la même manière envers les jeunes parents qui veulent s'occuper à plein temps de leurs enfants pendant les années critiques du développement de ces derniers, soit de zéro à six ans. On le faisait par le passé.
La majorité des familles n'ayant qu'un seul revenu se situent en bas de l'échelle des revenus, avec un revenu moyen de 26 000 $ au-dessous de celui des familles à deux revenus. Selon le rapport du Conseil canadien de développement social, Les progrès des enfants au Canada, 1996, nombre de parents font des prodiges pour que l'un d'entre eux puisse rester à la maison pendant que les enfants sont jeunes, ce qui les oblige souvent à vivre au-dessous du seuil de la pauvreté. Désespérées, certaines familles finissent par frauder le système afin de pouvoir joindre les deux bouts, et c'est précisément ce qu'a fait M. Chrétien. Lorsqu'il était avocat, il a réussi à faire figurer sa femme sur la liste de paie des employés de son entreprise alors qu'en réalité elle restait chez elle pour s'occuper de leurs enfants. C'est ainsi que la famille Chrétien a pu réduire le fardeau fiscal de la famille en divisant ses revenus entre les deux conjoints.
La déduction des frais pour garde d'enfants ne peut être réclamée que par ceux qui peuvent justifier d'un reçu pour garde d'enfants effectuée à l'extérieur. Elle est en corrélation inverse avec les besoins et elle avantage injustement les riches. Les libéraux ont eu l'audace de porter à 16 ans la limite d'âge correspondant à cette déduction. Étant donné qu'aucune garderie ne va accepter des enfants de 16 ans, combien de camps de hockey et de stages artistiques subventionne-t-on? Pourtant, on nous dit qu'il n'y a rien à faire, que nous pouvons nous estimer heureux de pouvoir faire ce choix. Toutefois, pour la majorité de ceux d'entre nous qui ont consenti de lourds sacrifices financiers et qui sont fortement pénalisés par le fait qu'ils restent à la maison, on ne peut pas vraiment parler de chance.
Les politiques fiscales ne sont pas neutres. Elles servent à orienter les comportements et à inciter les gens à faire certains choix. On peut supposer, par conséquent, que si le comportement que l'on encourage était bénéfique pour la société canadienne, il serait normal que toutes les politiques du gouvernement soient cohérentes. Toutefois, il n'en est rien. On nous dit constamment que l'unité d'imposition est l'individu, et pourtant la déduction d'impôt pour enfants est calculée en fonction du revenu familial. Les politiques instituées par le ministère des Finances et celles des autres ministères adoptent des principes incohérents et contradictoires.
Santé Canada fait la promotion de l'alimentation au sein. Ce Ministère souligne l'intérêt immense que présente la relation avec les parents et conseille les familles soumises à de fortes tensions en leur demandant de réévaluer et de réorienter leur vie, leur recommandant d'adopter de nouveaux modes de vie impliquant éventuellement des changements d'emploi ou de situation au foyer.
• 0910
Dans son rapport présenté au comité en 1997, Objectif mieux-
être, Santé Canada incite le ministère des Finances à accorder des
prestations fiscales équivalentes aux familles qui choisissent de
faire garder leurs enfants à la maison ou qui les gardent elles-
mêmes.
Le ministère de la Justice reconnaît qu'il y a un lien entre la relation avec les parents pendant les premières années de la vie et la réduction du niveau de la criminalité. Il insiste sur la possibilité que l'on doit donner aux parents d'offrir un cadre de vie sûr et favorable au développement de leurs enfants.
Développement des ressources humaines, dans le cadre d'une enquête nationale faisant état de l'évolution des enfants et des jeunes, insiste sur l'importance de la résilience des enfants à risque. Cette résilience découle principalement des expériences positives faites avec les parents, ce qui souligne toute l'importance de la protection qu'offre une bonne prise en charge des enfants par leurs parents.
Condition féminine a fait des déclarations reconnaissant la valeur du travail non rémunéré effectué à la maison, se montrant très fière au plan international de la politique progressiste adoptée par le gouvernement fédéral sur la question. Il est totalement contradictoire d'insister sur l'importance de la garde d'enfants à domicile, d'en promouvoir les avantages et d'en souligner les éléments protecteurs, pour ensuite adopter des politiques fiscales pénalisant les parents qui s'engagent à plein temps dans cette voie.
Le gouvernement libéral propose l'adoption d'un crédit d'impôt pour les soins donnés à domicile, exactement sur le modèle proposé dans la requête de Paul Szabo, et a adopté une motion devant le Parlement avant l'élection de juin, mais ce crédit ne pourra être réclamé que par les personnes qui dispensent des soins à domicile à des membres de leur famille âgés, malades chroniques ou handicapés. Le seul groupe qui n'aura pas accès au crédit d'impôt est celui des parents qui gardent chez eux leurs propres enfants. Voilà qui est moralement répréhensible.
Si une personne reste chez elle pour prendre soin d'un grand- parent âgé, elle bénéficiera d'un allégement d'impôt tenant compte de la valeur du travail fourni, et pourtant si un parent reste à la maison pour s'occuper de son enfant en bas âge, il sera sanctionné sur le plan fiscal, ce qui laisse entendre que ce travail n'a aucune valeur. Où est la logique?
Kids First appuie actuellement l'action intentée par un membre de longue date, qui a déposé une plainte officielle devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, faisant état du traitement injuste que dispense le Canada aux personnes qui restent chez elles pour s'occuper de leur foyer. Les Nations Unies se penchent sérieusement sur sa plainte. Il est bien dommage qu'un citoyen du Canada doive s'en remettre désormais à la communauté internationale pour faire cesser la discrimination envers les parents qui restent au foyer. Ce recours est le résultat d'années de frustration dans les relations avec le gouvernement fédéral, qui se contente de belles paroles et qui ne respecte pas ses promesses.
Nous espérons sincèrement que vous vous pencherez avec un grand intérêt sur cette question—pas pour débattre du fait de savoir s'il est justifié de maintenir la discrimination fiscale à l'encontre des familles à un seul revenu, mais pour examiner dans quelle mesure il est possible de faire preuve d'équité envers les familles canadiennes qui choisissent de maintenir le père ou la mère au foyer pour qu'ils gardent eux-mêmes les enfants au cours des premières années.
Vous trouverez la liste de nos recommandations précises concernant la fiscalité à la suite du résumé de nos notes d'exposé. Merci de nous avoir donné l'occasion de nous présenter ici aujourd'hui.
Le président: Merci, madame Stewart.
Nous allons maintenant passer à la représentante de Women's Health in Women's Hands, Frumie Diamond.
Mme Frumie Diamond (coordonnatrice de la promotion, Women's Health in Women's Hands): Je vous remercie. Je vous parle au nom de Women's Health in Women's Hands, un centre de santé communautaire dont le mandat est de dispenser des services aux femmes de la région métropolitaine qui font face à des difficultés de plus en plus grandes pour accéder à des soins et à des services appropriés en matière de santé.
Nous nous occupons plus particulièrement des femmes immigrantes et réfugiées, des femmes de couleur et des femmes handicapées. En tant qu'organisation au service des femmes, nous nous inquiétons particulièrement au sujet des décisions budgétaires, parce que ce sont avant tout les femmes qui subissent le contrecoup de nombre de ces décisions de manière directe ou indirecte.
Mes observations traduisent les expériences qu'éprouvent dans la réalité les femmes que nous servons. Je ne représente pas un «groupe d'intérêt spécial». Nous représentons des personnes réelles, qui font face à des difficultés réelles et qui éprouvent une réelle souffrance.
Vous nous avez demandé de présenter nos commentaires au sujet de la réduction du déficit. Les progrès réalisés jusqu'à présent ont-ils été trop lents ou trop rapides? Les méthodes sont-elles les bonnes? Toutefois, la question qu'il faut se poser, c'est de savoir quelles sont les conséquences de la réduction du déficit sur la vie quotidienne des gens.
Je vais vous demander de ne pas vous limiter aux riches—ils se portent très bien, n'en doutez pas—et d'examiner les répercussions, non seulement sur la classe moyenne du Canada, qui commence à perdre du terrain, mais aussi sur ceux qui vivent en marge de notre société—les mères de famille monoparentale, les femmes handicapées, les enfants pauvres, les personnes au chômage. La liste n'en finit pas. Ceux qui vivent en marge sont aussi des citoyens. Leur vie est précieuse et la qualité de leur vie se détériore rapidement.
Samedi dernier, Toronto Star a publié le nouvel indice de qualité de la vie. On fait état dans ce compte rendu d'une grave détérioration des indicateurs portant sur la qualité de vie.
Ainsi, le pourcentage d'enfants dont le poids est faible à la naissance a augmenté. C'est inacceptable dans un pays aussi riche que le Canada. Un poids faible à la naissance est le signe que les femmes enceintes sont mal nourries. Cela traduit l'augmentation de la pauvreté chez les femmes et du nombre d'enfants qui naissent pauvres. Les conséquences d'un faible poids à la naissance durent toute la vie. C'est quelque chose qui ne s'arrange pas une fois que l'on a résorbé le déficit.
• 0915
Nous voyons bien dans nos centres de santé que les femmes
s'enfoncent de plus en plus dans la pauvreté. Les conséquences de
cette spirale vertigineuse sont évidentes. Les femmes qui
s'adressent à nous se présentent avec des maladies plus graves,
davantage de problèmes de santé mentale, davantage de problèmes
sociaux. La violence contre les femmes et les enfants augmente.
Dans cette conjoncture difficile, les femmes sont soumises à des formes de plus en plus flagrantes de racisme, et le racisme ne manque pas de se répercuter sur la santé. Les femmes handicapées ont de plus en plus de difficultés à se faire indemniser et à subvenir à leur entretien. Notre personnel a de plus en plus de mal à aider ces femmes parce que les ressources se font de plus en plus rares. Les femmes dont nous nous occupons sont directement touchées par la réduction du déficit. Les compressions budgétaires n'ont rien de théorique ou d'abstrait. Elles font mal à la population.
Pour en revenir à votre question sur la réduction de la dette, en voulant détruire le monstre que représente le déficit, vous avez aussi détruit notre mode de vie canadien, qui faisait appel à de bonnes politiques publiques prenant en considération le bien-être de tous les membres de notre société. On considérait qu'il s'agissait là de l'intérêt public.
C'est ainsi, en particulier, que l'on a attribué la dette aux dépenses consenties dans le secteur de la santé et du bien-être social pour affecter des crédits à des politiques garantissant le bien-être de la population. Dans cette optique, le gouvernement fédéral a supprimé les paiements de transfert accordés aux provinces au titre des services sociaux et de santé, ce qui a amené les gouvernements provinciaux à sabrer à leur tour dans notre réseau de sécurité sociale et de soins de santé.
Le gouvernement fédéral affirme avoir résorbé le déficit, mais le coût réel de la réduction de ce déficit a été transféré sur le dos des provinces, qui à leur tour l'ont répercuté sur les municipalités. Finalement, c'est nous-mêmes, les gens, ceux qui habitent au sein des collectivités, qui paient en fin de compte la dette, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal. Si l'on réduit nos impôts, nous paierons au bout du compte les services qui ont été supprimés. Ceux qui n'ont pas d'argent n'ont plus de services.
Est-ce une hérésie que de demander aux riches de payer leur part d'impôt? Tout le monde, y compris les riches, en profitera finalement, comme je vais vous le montrer.
J'en viens aux priorités que devrait envisager le gouvernement. Une bonne planification financière doit s'appuyer sur des principes cherchant à favoriser l'équité en matière de santé. Qu'est-ce que j'entends par équité en matière de santé? La santé des individus est déterminée par de nombreux facteurs, notamment l'environnement social et physique. Il ne s'agit pas seulement d'une question de gènes.
L'indicateur le plus important de la santé dans son ensemble n'est pas le facteur individuel, c'est le fossé entre les riches et les pauvres. De nombreuses études internationales le démontrent. Plus l'écart est faible entre les riches et les pauvres dans les pays développés, meilleure est la santé des individus.
En ce moment, le fossé entre les riches et les pauvres augmente au Canada. Les riches ont de plus en plus accès aux biens et aux services alors que c'est le contraire pour la classe moyenne et les pauvres. Dans la pratique, cela signifie qu'il est de plus en plus difficile pour un nombre de plus en plus grand de gens d'obtenir un revenu suffisant. Cela signifie que de plus en plus de gens ont des difficultés à trouver un logement convenable, à s'alimenter suffisamment en produits nutritifs et à trouver un bon emploi. Tous ces facteurs ont des répercussions négatives sur la santé physique et mentale.
L'augmentation de la souffrance humaine ne peut se mesurer en dollars et en cents. Toutefois, d'un point de vue économique, une économie saine doit s'appuyer sur une population en santé. De nombreuses études ont par ailleurs montré qu'un investissement dans le bien-être de la population permet d'économiser de l'argent à long terme.
Pour en revenir à la discussion économique, il est sage d'investir dans des secteurs comme le logement, l'emploi, les stratégies de garde d'enfants et les questions d'équité, qui renforcent la santé de notre population et, par conséquent, celle de notre pays. Nous vous demandons instamment de faire passer avant tout la politique de santé publique. Les avantages en seront ressentis dans toute notre société et non simplement par les riches.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Diamond.
Nous allons passer maintenant aux représentants du Conseil canadien pour les réfugiés, Barbara Treviranus et Ali Gholipour.
Mme Barbara Treviranus (coordonnatrice des conférences, Conseil canadien pour les réfugiés): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant votre comité.
Le Conseil canadien pour les réfugiés est une coalition regroupant 145 groupes de tout le Canada qui s'intéressent aux droits des réfugiés ainsi qu'à l'intégration des réfugiés et des immigrants.
En tant que Canadiens, il nous a été demandé cette année de nous prononcer sur la façon dont le gouvernement doit fixer ses priorités selon qu'il convient de réduire la dette, d'augmenter les dépenses ou d'accorder un allégement fiscal; autrement dit, comment dépenser le dividende financier.
Ainsi que vont venir le dire devant le comité les Canadiens qui s'intéressent à la question dans tout le pays, la façon dont le gouvernement fédéral a réduit le déficit a eu un profond impact sur les secteurs vulnérables de la société canadienne, et entre autres sur les réfugiés et les immigrants nouvellement arrivés.
Nous nous présentons devant votre comité avec un message simple: reconsidérer en priorité une taxe bien précise qui a été imposée en tant que mesure de réduction du déficit. C'est une taxe particulièrement injuste et discriminatoire, une taxe forfaitaire exorbitante imposée à ceux qui sont le moins à même d'en supporter le coût.
Je parle du droit de 975 $ exigé pour l'établissement, soit du droit d'installation imposé à tous les réfugiés et immigrants qui débarquent au Canada. Nous demandons au gouvernement fédéral de supprimer immédiatement cette taxe.
Le droit exigé pour l'établissement a été imposé lors de l'annonce du budget de février 1995. Tout réfugié ou immigrant adulte, quel que soit le vol qu'il emprunte ou le pays d'origine, que ce soit un investisseur des milieux d'affaires de Hong Kong ou un réfugié torturé dans un camp du Rwanda, doit payer 975 $ pour s'établir au Canada. Ce droit vient s'ajouter aux frais de dossier non remboursables, qui se montent en général à un minimum d'environ 500 $ par adulte pour les réfugiés et les immigrants de la catégorie de la famille.
Depuis qu'elle a été imposée, les protestations et les appels à la suppression de cette taxe injuste, discriminatoire et dommageable ont été lancés en provenance de tous les milieux politiques et sociaux du Canada, que ce soit des députés de tous vos partis politiques, de la Commission canadienne des droits de la personne ou de l'organisation des Nations Unies chargée des réfugiés.
Le dernier appel national à la suppression de ce droit d'installation provient du critique adjoint à la Citoyenneté et à l'Immigration du Parti réformiste, qui a déposé une proposition de loi. À l'entendre, sa proposition de loi est une première étape devant permettre de soulager une partie du fardeau économique que doivent supporter les personnes ayant demandé à devenir des citoyens canadiens.
L'opération qui consiste à aller s'établir dans un nouveau pays coûte déjà suffisamment cher, surtout pour quelqu'un qui vient d'un pays pauvre. Lorsqu'on sait ce que peuvent apporter les immigrants à notre société, je considère qu'il est honteux d'ériger des barrières irréalistes, surtout des barrières économiques, dans le cadre de notre politique d'immigration. En effet, le droit exigé pour l'établissement entraîne la création d'un système d'immigration à deux vitesses. C'est tout simplement injuste.
Le droit d'installation donne lieu à une discrimination économique envers les immigrants des pays pauvres. Le commissaire canadien des droits de la personne a soulevé le même problème il y a deux ans.
N'oubliez pas que tous les immigrants adultes sont tenus de payer le même montant, 975 $ canadiens, quelle que soit leur situation dans la vie, quel que soit leur pays d'origine. C'est un fardeau fiscal d'une grande inégalité qui relève de toute évidence d'un système discriminatoire. Ces 975 $ peuvent représenter la paie de quelques semaines d'un comptable italien, mais la paie de plusieurs mois, sinon de l'année tout entière, pour un comptable de l'Inde.
Les préoccupations dont fait état la proposition de loi du Parti réformiste vont dans le même sens que la résolution adoptée l'année dernière par le Parti libéral du Canada. On y incitait le gouvernement fédéral à réduire ou à supprimer le droit d'installation, qui empêche les personnes ayant une grande famille d'immigrer au Canada et impose un lourd fardeau à celles qui cherchent à s'intégrer au sein de l'économie canadienne. Les opposants à ce droit d'installation se retrouvent dans tous les partis.
Le problème est vraiment préoccupant. L'imposition d'un droit d'installation s'oppose à la réunification des familles, est un handicap pour l'intégration et retarde précisément l'accès à l'autonomie que recherchent les nouveaux arrivants et dont dépend notre économie. L'immigration est un investissement et, en fin de compte, les immigrants et les réfugiés contribuent davantage à l'économie canadienne qu'ils ne lui coûtent.
Si l'on en croit Paul Martin, le gouvernement fédéral a cherché à bâtir un pays offrant la sécurité et l'égalité des chances, ave une société civile faisant appel avant tout à l'équité et à la compassion. L'imposition d'un droit d'installation est tout simplement contraire à ces objectifs.
Ce droit d'installation est imposé à tous les réfugiés et à tous les immigrants. Aucun autre pays au monde—aucun autre pays— n'impose un droit d'installation aux réfugiés pour les protéger contre les persécutions. Les Canadiens sont fiers du caractère humanitaire de leur pays. Notre gouvernement évoque souvent ses engagements en faveur de la protection des réfugiés, mais les Canadiens devraient avoir profondément honte que leur gouvernement impose un droit d'installation aux réfugiés.
• 0925
Un réfugié, c'est quelqu'un qui a fui les persécutions, la
guerre ou les atteintes flagrantes aux droits de la personne. Le
Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés s'est inquiété
de la possibilité que ce droit d'installation fasse dépendre la
protection accordée aux réfugiés de la possibilité pour ces
derniers de payer les droits.
En imposant un droit d'installation, vous dites, bien sûr, nous allons vous protéger, vous pouvez rester—mais il vous faudra payer 975 $ et, en passant, si vous voulez mettre à l'abri les membres de votre famille, il vous faudra non seulement nous prouver que vous pouvez défrayer toutes leurs dépenses, mais il vous faudra aussi nous payer 975 $ pour chacun d'entre eux.
N'oubliez pas que pour une personne dont la condition de réfugié a été déterminée au Canada, ces 975 $ viennent s'ajouter à des frais de traitement de dossier de 500 $ par adulte et de 100 $ par enfant. Les réfugiés et les immigrants acceptés à l'étranger doivent déjà payer le prix de leur billet d'avion et tous les frais de traitement de dossier là-bas. Ils paient leur entrée au Canada.
Ces 975 $ sont une taxe supplémentaire, un véritable impôt sans représentation s'appliquant à ceux qui ne peuvent pas protester.
Mon collègue, Ali, va vous citer un exemple bien réel.
M. Ali Gholipour (membre du Conseil canadien pour les réfugiés): Merci.
Dans le cadre du travail que j'ai effectué ces 12 dernières années auprès des réfugiés et des immigrants au Canada, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreuses personnes dont la vie a été bouleversée par les lois, les règlements et, dernièrement, par le droit d'installation.
Laissez-moi vous exposer aujourd'hui le cas de M. Saïd. M. Saïd, un professeur irakien de 40 ans, avait été poursuivi, jeté en prison et torturé avant de réussir finalement à entrer au Canada. On lui a accordé le statut de réfugié et il s'est présenté dans les bureaux où je travaillais à l'époque, ceux du Canadian Centre for Victims of Torture. Je l'ai envoyé alors suivre un traitement.
Il s'est rapidement remis et a commencé à travailler. Il avait un emploi à temps partiel dans un restaurant. Il cherchait à faire venir sa femme et ses quatre enfants, qu'il avait perdu de vue alors qu'il était en prison.
Un jour, en 1995, il s'est présenté dans mon bureau pour me dire qu'il avait retrouvé sa famille. Il avait économisé suffisamment d'argent au Canada pour la faire passer d'Iraq en Turquie, ce qu'il a fait.
Tout à sa joie ces jours-là, au cours de l'été 1995, il est même venu un jour me dire qu'il n'aimait pas que notre porte d'entrée soit peinte en noir. Il voulait refaire la peinture parce que le Canada, il ne le voyait pas en noir, cette porte avait été celle de l'espoir lorsqu'il avait réussi à trouver de l'aide dans nos bureaux.
Je lui ai acheté la peinture et il a repeint la porte en vert. C'est la couleur qui lui semblait convenir pour le Canada.
Mais tout a changé subitement. Le Canada n'était plus le même parce que lorsqu'il a demandé à s'installer, lui et sa famille, on lui a demandé de verser 3 350 $. Son travail à temps partiel ne lui permettait pas de le faire.
Il m'a donc dit qu'il voulait déménager de son appartement pour pouvoir économiser. Il est parti de son studio et a loué un abri dans lequel il a passé quelques mois. Faisant le compte entre l'argent qu'il gagnait et celui qu'il dépensait déjà pour l'envoyer en Turquie afin que sa famille puisse se loger et se nourrir, il s'est rendu compte qu'il lui faudrait encore cinq années de sa vie pour économiser suffisamment d'argent afin de pouvoir demander à s'établir lui-même et sa famille.
Il a fini par conclure que ce n'était pas la vie qu'il voulait mener. Même s'il était réfugié, son prêt s'épuisait, parce que personne ne pensait qu'un professeur d'histoire réussirait à gagner de l'argent au Canada, surtout s'il était Irakien. Il a pris finalement la décision de quitter le pays avec sa famille et de faire face à son sort.
Il m'a dit toutefois une chose importante que je n'oublierai jamais. Le dernier jour, lors de sa dernière visite dans mon bureau, il m'a dit qu'il voulait s'en retourner parce qu'il estimait que la protection accordée par le Canada s'adressait à ceux qui pouvaient se la payer, ce qui n'était pas son cas.
• 0930
Le droit d'installation est fondamentalement injuste et
devrait être immédiatement supprimé dans la présente conjoncture
financière. Les réfugiés commencent leur vie au Canada en étant
endettés. Les familles sont séparées et les gens ne mangent pas à
leur faim pour pouvoir payer les droits d'installation avec les
chèques de bien-être. L'intégration est retardée et les personnes
susceptibles d'immigrer au Canada continuent à faire l'objet d'une
discrimination en fonction de leur pays d'origine. Nous demandons
au gouvernement du Canada de supprimer le droit exigé pour
l'établissement.
Je vous remercie.
Le président: Merci de votre intervention.
Nous allons maintenant donner la parole à la représentante de Low Income Families Together, Josephine Grey.
Mme Josephine Grey (directrice, Low Income Families Together): J'ai dû envoyer mes enfants à l'école ce matin et je n'ai donc pas pu apporter un mémoire, mais nous n'en sommes pas moins venus ici pour parler au nom de Low Income Families Together. Nous sommes une organisation à faible revenu qui regroupe des gens s'efforçant de remédier aux causes et aux conséquences de la pauvreté. Nous travaillons dans les domaines du développement économique communautaire, de l'éducation populaire et du développement des politiques sociales.
Ces dernières années, nous avons été profondément déçus par les mesures prises par le ministère des Finances et par le gouvernement fédéral. Nous considérons que même si l'on a enregistré quelques succès en supprimant le déficit, c'était une erreur que d'abolir le régime d'assistance publique du Canada, ce cadre financier et juridique qui permettait au Canada de se conformer à la Charte des Nations Unies sur les droits de l'homme, dont le cinquantième anniversaire va être célébré l'année prochaine. La suppression de ces dispositifs a donné naissance à une situation assez désespérée, surtout en Ontario. Je pense qu'il est très important que le gouvernement cherche à voir ce qui se passe vraiment dans ce secteur.
Le gouvernement de l'Ontario, en plus d'imposer d'importantes compressions en ce qui a trait aux besoins fondamentaux et à l'aide sociale, a déposé un nouveau projet de loi, le projet de loi 142, qui institue la nouvelle Loi de réforme de l'assistance sociale. Cette réforme législative confère au ministère et au cabinet des pouvoirs plus vastes que jamais, leur permettant de supprimer des catégories entières de l'assurance sociale, de fixer des délais, et de modifier les lois et d'adopter des règlements sans préavis, sans débat et sans consultation. On a établi un système dans lequel les prestations du bien-être peuvent être transformées en prêts, les gens peuvent être tenus de rembourser leurs prestations de travail social avec les revenus qu'ils gagneront à l'avenir, ou encore une sûreté peut venir grever le domicile d'une personne. Dans ce système, il est possible de déduire des revenus essentiels d'une personne d'autres dettes encourues envers le gouvernement, qu'il s'agisse d'amendes de stationnement, du RAFEO ou autre.
On s'efforce d'instaurer une loi disposant, par exemple, que l'on peut nommer un administrateur fiduciaire pour administrer le revenu de quelqu'un, cet administrateur n'étant pas tenu de rendre des comptes. L'administrateur sera nommé, mais le bénéficiaire n'aura pas le droit d'en appeler de cette décision. L'administrateur pourra payer directement le loyer et diverses parties de l'aide sociale à d'autres débiteurs, là encore sans droit d'appel.
Les travailleurs du bien-être ou les agents chargés des dossiers disposeront malheureusement de nouveaux pouvoirs, de nouveaux pouvoirs de police, pour obtenir un mandat de perquisition et perquisitionner chez les gens, arrêter et mettre à l'amende les gens pour fraude, et interroger les amis, les voisins ou les associés des prestataires du bien-être. Si elles refusent de fournir l'information demandée, les personnes associées à des prestataires du bien-être peuvent être arrêtées, emprisonnées et mises à l'amende pour avoir fait obstacle à une enquête.
Rien de tout cela n'aurait été possible si l'on n'avait pas supprimé le RAPC. Je considère que la faute en incombe finalement au gouvernement fédéral. Aucun projet de loi, dans aucune démocratie occidentale, n'avait encore donné naissance à de tel pouvoir et à une telle violation des droits fondamentaux de la personne.
Notre gouvernement fédéral se contente de répéter que tout cela relève de la compétence fédérale et que ce n'est donc pas son problème. Je vous demande alors à quoi vous servez si ce n'est pas votre problème? Je considère que le bien-être des citoyens canadiens est en fait un problème qui relève du gouvernement fédéral et qu'il faut faire quelque chose. Voilà déjà bien longtemps que nous attendons pour savoir quelles vont être les dispositions qui vont remplacer le régime d'assistance publique du Canada, qui a été abrogé sans que j'en puisse voir aucunement la raison.
• 0935
Lorsque j'ai demandé à Paul Martin ce qu'il allait faire pour
protéger les droits des prestataires de l'assistance sociale, il
m'a répondu: «Nous devons lutter contre le déficit.» Il n'avait
donc pas de réponse à m'apporter. Il y a eu une opération de
réforme sociale qui n'a donné aucun résultat. Il y a maintenant un
certain conseil fédéral-provincial qui est censé examiner un
certain type de mécanisme nouveau sans pourtant qu'aucun d'entre
nous n'ait pu y avoir accès. Nous ne savons pas ce qui se passe et
rien n'en est encore sorti, si ce n'est apparemment l'intention
d'étudier un certain nombre des questions posées par la nouvelle
prestation pour enfants.
Puisque l'on parle de la prestation pour enfants, il est absolument et fondamentalement immoral de faire une distinction entre les travailleurs pauvres et les familles n'ayant pas de travail rémunéré en avantageant les uns pour sanctionner les autres. Tout d'abord, il y a de nombreuses familles qui touchent à la fois un revenu d'assistance sociale et un revenu de travail. Malheureusement, la plupart des emplois qui sont aujourd'hui sur le marché ne permettent pas de subvenir aux besoins d'une famille et il faut donc les compléter par un revenu d'assistance sociale. Ces familles appartiennent en même temps aux deux catégories—personne n'a encore réussi à me dire quelles vont être les incidences de la prestation pour enfants sur ces familles.
De plus, de nombreuses personnes font la navette entre l'assistance sociale et un travail rémunéré et il est ridicule de penser que le régime fédéral pourra en quelque sorte s'ajuster en quelques mois, ou dans le délai imparti, quel qu'il soit, puisqu'il ne faut généralement pas très longtemps pour que quelqu'un trouve un emploi, le perde, en retrouve un autre, le reperde. Ça ne marche pas comme ça.
Les enfants ont tous les mêmes besoins, que leurs parents travaillent ou non. Il faut répondre à ces besoins au foyer, au sein de la collectivité et à l'école, et non pas au moyen de l'aide sociale s'adressant aux enfants. Le nombre d'enfants pris en charge ou confiés à l'aide à l'enfance a augmenté parce que les familles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins essentiels au foyer. Ça ne devrait pas exister dans un pays aussi riche que le nôtre.
C'est aussi extrêmement discriminatoire parce que nous vivons désormais dans un nouveau type d'économie, une économie postindustrielle, qui est extrêmement instable et dans laquelle 45 p. 100 de la main-d'oeuvre peut se retrouver sans travail sur une période de trois ans. Il est temps de moderniser les programmes sociaux—ainsi que l'a déclaré M. Chrétien dans son discours d'inauguration après l'élection—afin de reconnaître les nouvelles réalités auxquelles nous faisons face aujourd'hui.
Pour que l'on puisse y parvenir, il faut que tous les citoyens bénéficient d'une certaine forme de sécurité à la base. Nous devons cesser de délester les gens de tous leurs biens chaque fois qu'ils se retrouvent au chômage. Il n'y a que 37 p. 100 des gens qui sont admissibles à l'assurance-emploi, et pourtant tout le monde la paie, ce qui n'est pas juste. Par conséquent, lorsque l'AE est épuisée ou lorsqu'on ne peut pas l'obtenir, on perd tout ce que l'on a gagné par son travail, et l'avenir est ensuite bouché.
La grande différence entre la classe moyenne et les pauvres, c'est que la première est en mesure de planifier, de déterminer son propre avenir, alors que les seconds ne voient pas au-delà des trois ou quatre semaines à venir. Il s'ensuit que dans la communauté urbaine de Toronto, les cas d'éviction ont triplé. Les motels et les refuges, d'ici à Niagara Falls, sont pleins à craquer de gens, et plus particulièrement de parents vivant seuls, d'immigrants et de réfugiés.
Nous avons régulièrement affaire à ces gens. Ce qui est le plus décourageant, c'est de voir le nombre de personnes qui ont tout fait ce qui était en leur pouvoir pour s'instruire, tout fait ce qu'elles étaient censées faire, qui ont tiré parti de l'aide à l'emploi et qui se sont inscrites dans tous les programmes à leur disposition, et qui pourtant n'ont obtenu aucun résultat. Ces personnes sont maintenant sans abri, elles sont sanctionnées et leurs enfants leur sont retirés. Une société dans laquelle on déclare que toute personne qui ne réussit pas à passer la barre risque de perdre ses enfants présente une faille fondamentale.
Si vous ne réussissez pas à remédier à l'augmentation de la pauvreté et des violations des droits de la personne dans notre pays, il deviendra de plus en plus évident que ce pays censé être le meilleur au monde ne se conforme pas à la Charte des Nations Unies sur les droits de l'homme et à toute une série d'accords internationaux que notre pays a contribué à rédiger avec d'autres et sur lesquels il a apposé sa signature.
Si ce gouvernement ne peut pas s'engager à supprimer la pauvreté chez les enfants, à investir dans le bien-être de ses citoyens et à empêcher que l'on insulte la justice avec des textes comme le projet de loi C-142, il est temps que vous dénonciez publiquement les engagements internationaux que vous avez signés. Sinon, vous gouvernez en pleine hypocrisie.
L'année prochaine, vous allez faire un rapport au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Le rapport que vous avez remis précédemment va jusqu'à la fin 1994. C'est avant que l'on se soit déchargé d'une multitude de services et de besoins fondamentaux sur les épaules des municipalités. Il n'est pas question que ce comité ne sache rien de ce qui se passe en réalité dans notre pays. Nombre d'entre nous sont prêts à faire en sorte qu'il sache ce qui se passe chez nous.
• 0940
D'autres intervenants ont présenté des recommandations très
fermes. Je les appuie, notamment l'association «Citizens for Public
Justice» qui va comparaître lors de la prochaine séance.
Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est que toute cette hypocrisie est source de chaos social, de souffrances et de panique et que cette situation pernicieuse et inutile doit être réglée immédiatement. Nous vous mettrons au défi l'année prochaine, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Charte des droits de l'homme des Nations Unies, de vous y conformer ou de la dénoncer publiquement. Vous ne pouvez pas continuer à revendiquer le statut de meilleur pays au monde.
Je suis en fait très choquée par cette situation. Il m'est difficile d'en parler.
Surtout, je veux m'assurer que vous comprenez bien que les jeunes dont nous nous occupons sont des immigrants instruits et capables dont on gâche totalement le potentiel. Tous les gens que nous rencontrons quotidiennement attendaient mieux de notre pays. Les jeunes sont en colère. Les immigrants se sentent blessés. Ils ne veulent rien dire. Ils estiment qu'ils n'en ont pas le droit parce que notre pays les a accueillis. Toutefois, ceux d'entre nous qui peuvent le faire continueront à parler en leur nom. Nous n'abandonnerons pas et nous ferons de plus en plus pression jusqu'à ce que les choses changent.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Grey, de cet exposé très judicieux.
Nous allons donner la parole à la représentante d'Older Women's Network, Helen Riley.
Mme Helen Riley (présidente, Older Women's Network): Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de venir vous parler. Nous déplorons cependant d'avoir été informé dans un si court délai. Nous espérons que lorsqu'on nous invitera à l'avenir, on nous laissera davantage de temps pour préparer nos observations et on nous remettra les renseignements financiers et les options budgétaires. En l'absence de données précises, nous ne pouvons faire que des commentaires d'ordre général.
Le Older Women's Network s'efforce de remédier aux injustices et aux inégalités, notamment en ce qui a trait à l'âgisme et au sexisme. Nous parlons non seulement au nom des femmes âgées, mais au nom de tous, et nous donnons des conseils de sagesse en tirant parti de la longue expérience de nos membres.
Le gouvernement du Canada a l'obligation de protéger et de servir tous les citoyens. Vous êtes responsables de notre bien-être actuel et de celui des générations futures. Que faut-il faire pour assurer ce bien-être? Il faut une société juste et équitable, une répartition de la richesse dont tout le monde puisse tirer parti, ainsi que de l'air pur, de l'eau pure, une alimentation suffisante et saine, des logements abordables, des services d'éducation, de véritables emplois et des revenus suffisants, une protection contre toutes les formes de violence, la promotion de la santé et des soins pour les malades, la dignité des personnes et le respect de leurs droits, un gouvernement démocratique et responsable.
Qu'est-ce que tout cela a à voir avec le budget? Tout. La prétendue crise budgétaire si vite disparue n'a pas été causée par des dépenses sociales excessives mais par le paiement d'intérêts composés sur de l'argent emprunté.
Pour commencer, il était irresponsable de laisser la dette s'accumuler dans de telles proportions et, en second lieu, le gouvernement n'avait pas le droit de se servir alors de l'excuse du déficit pour sabrer dans les dépenses sociales. Nous devons en revenir aux valeurs canadiennes au sein d'une société attentive aux besoins des gens—un budget équilibré et les services que veulent et dont ont besoin les Canadiens.
Pour conserver un budget équilibré tout en assurant en même temps le bien-être de tous les Canadiens, il y a trois choses que le gouvernement peut et doit faire. Tout d'abord, il doit s'assurer que les emprunts faits à l'avenir dans l'intérêt public n'entraînent pas le paiement de montants énormes d'intérêts à des particuliers ou à des sociétés privées, notamment lorsqu'ils sont étrangers. Pouvez-vous m'expliquer pour quelle raison le gouvernement du Canada a renoncé à son droit de créer de la monnaie en faveur du secteur privé, ce qui a permis aux banques privées de faire d'énormes profits et a amené le gouvernement à s'endetter considérablement? Ça me dépasse.
En second lieu, il lui faut augmenter les fonds nécessités par les programmes sociaux et par la réduction de la dette en recourant à la fois à une augmentation des impôts des entreprises pour qu'ils reviennent à leur niveau antérieur et au rétablissement d'un régime d'impôt sur le revenu des particuliers plus progressif—soit en rabaissant les taux d'imposition pour les catégories de revenus les plus faibles et en augmentant celles des catégories les plus élevées, en taxant les opérations financières, la taxe Tobin—en taxant les gains des casinos et des loteries et en appliquant un impôt successoral frappant les riches.
Troisièmement, il doit maintenir un contrôle démocratique sur notre avenir—notre environnement, nos salaires et nos conditions de travail ainsi que nos finances publiques—en refusant de se conformer au projet d'accord multilatéral sur les investissements et en révisant les conséquences de l'ALENA et d'autres accords de libre-échange.
• 0945
Au sujet des dépenses sociales, nous faisons les
recommandations suivantes. Tout d'abord, rétablir l'universalité de
toutes les prestations versées actuellement et à l'avenir aux
personnes âgées, aux familles et aux enfants. C'est plus simples
d'un point de vue administratif, c'est mieux accueilli par
l'opinion publique et les prestations peuvent être dûment imposées
chez les personnes à plus haut revenu.
Deuxièmement, lors du calcul des prestations, tenir compte des revenus individuels et non des revenus familiaux. Les femmes sont perdantes lorsque leur situation financière est occultée par le revenu familial.
Troisièmement, maintenir une pleine indexation des pensions. Cette mesure est particulièrement importante pour les femmes dont la pension est déjà plus faible au départ et qui vivent plus longtemps que les hommes.
Quatrièmement, mettre en application les recommandations du Forum national sur la santé en ce qui a trait aux programmes de soins à domicile et de soins pharmaceutiques et rétablir les crédits consacrés au contrôle des aliments et des drogues. La santé reste une grande priorité pour tous les Canadiens, mais plus particulièrement pour les personnes âgées.
Cinquièmement, investir dans les transports publics et les subventionner, en privilégiant le rail par rapport à la route, que ce soit pour les passagers ou pour le fret. C'est écologiquement plus sain, plus efficace sur le plan énergétique, plus démocratique et plus porteur pour l'avenir.
Sixièmement, faire appliquer des normes nationales en matière de santé et de services sociaux en augmentant les paiements de transfert aux provinces en fonction des engagements pris par ces dernières en matière d'accès, d'équité et de ciblage des utilisateurs—dans le cas, par exemple, des programmes de garde d'enfants.
Septièmement, respecter les engagements pris par le Canada envers les femmes dans la plate-forme d'action de Beijing et dans le cadre de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies, et s'assurer que les organisations de femmes disposent d'un financement permanent suffisant. Maintenir votre engagement consistant à divulguer publiquement une analyse en fonction des sexes de toutes les politiques proposées par le gouvernement.
Huitièmement, augmenter l'aide extérieure du Canada en matière de secours d'urgence, d'aide humanitaire et d'investissement dans de petits projets communautaires autonomes. Les femmes et les enfants restent les plus pauvres d'entre les pauvres, les victimes des guerres, de la violence raciale et de la famine. Ainsi, les programmes d'immunisation des enfants, qui ont subi des compressions, devront être immédiatement rétablis, ne serait-ce que dans notre propre intérêt. Le monde est trop petit pour que les maladies et les troubles politiques puissent rester confinés dans des endroits éloignés. L'argent doit être notre serviteur et non notre maître. Assurez-vous de bien vous acquitter des responsabilités qui vous ont été confiées dans l'intérêt public.
Merci de nous avoir invité à prendre part à cette consultation prébudgétaire. Nous attendons avec impatience de nous entretenir à nouveau avec vous au cours des prochains mois.
Le président: Merci beaucoup, madame Riley. Vous nous avez certainement donné de quoi réfléchir concernant nos priorités.
Nous allons maintenant passer à la dernière intervention de cette table ronde en donnant la parole aux représentantes de l'Association canadienne des banques alimentaires, Susan Cox et Julia Bass. Je vous souhaite la bienvenue.
Mme Julia Bass (directrice générale, Association canadienne des banques alimentaires): Merci.
Nous représentons l'organisme national qui chapeaute les banques alimentaires au Canada. Nous avons des membres dans toutes les provinces. Notre rôle est avant tout de distribuer des produits alimentaires. Nous distribuons désormais des produits alimentaires à une si grande échelle au plan national—c'est de l'ordre de plusieurs millions de livres—que nous avons dû engager les excellents services des chemins de fer du Canadien Pacifique et du Canadien National, qui se chargent de nos expéditions d'un bout à l'autre du pays. Il s'agit par là d'acheminer des millions de livres de secours alimentaire d'urgence dans l'un des pays les plus riches du monde.
Notre organisation est indépendante. Nous ne recevons aucun crédit du gouvernement et aucun financement de Centraide. Nous sommes financés par nos membres et par les campagnes de financement que nous effectuons.
Notre rôle est avant tout de distribuer des produits alimentaires, mais nous nous sentons par ailleurs obligés de rendre compte de ce que nous voyons et d'effectuer des enquêtes au sujet des gens qui ont faim au Canada. Dans ce domaine, nous avons divulgué, il y a dix jours, les résultats de notre étude de 1997 sur la faim. Cette enquête a été effectuée auprès de toutes les banques alimentaires du Canada dans le but de recenser la totalité des utilisateurs des banques alimentaires. C'est la première fois depuis huit ans qu'une enquête nationale de ce type est effectuée.
Nous avons constaté qu'entre 1989 et 1997, l'utilisation des banques alimentaires au Canada a doublé. Le nombre de collectivités faisant appel au Canada aux banques alimentaires a triplé, passant de 150 en 1989 à 479 cette année. En mars 1989, 329 000 Canadiens utilisaient les services d'une banque alimentaire; cette année ce chiffre était de 669 000.
• 0950
C'est un problème passé sous silence. La plupart de ceux qui
utilisent les banques alimentaires ne le crient pas sur les toits.
Chacun d'entre vous dans cette salle a probablement un voisin, un
ami ou un parent qui utilise les services d'une banque alimentaire.
Nous n'ignorons pas que les gens qui fréquentent les banques
alimentaires ne le disent même pas aux membres de leur propre
famille.
Les familles canadiennes font tout ce qu'elles peuvent pour s'en sortir. Les banques alimentaires ne sont qu'un dernier recours.
Avec la pratique actuelle du délestage, le soutien apporté aux familles au Canada est passé du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux, des provinces au niveau municipal, et des municipalités à notre niveau.
Nous sommes venus vous dire ici que nous ne pouvons plus faire face. Les banques alimentaires du Canada n'ont pas suffisamment de produits alimentaires pour nourrir les gens qui s'adressent à elles. Il y a une crise de la famine qui s'accentue dans notre pays, pourtant l'un des greniers du monde. C'est totalement absurde.
La vice-présidente de notre association, qui est en même temps directrice de l'une des plus grande banque alimentaire du Canada, Sue Cox, de la Daily Bread Food Bank, m'accompagne aujourd'hui. Elle va vous dire quelques mots de la situation en Ontario.
Mme Sue Cox (vice-présidente, Association canadienne des banques alimentaires): Merci. Josephine Grey vous a exposé d'une manière très éloquente la situation des familles dont elle s'occupe. C'est quelque chose que l'on retrouve dans toute la province.
Ce sont les retombées dévastatrices du délestage auquel a procédé au départ le gouvernement fédéral. Vous avez mis le doigt dans l'engrenage en réduisant les transferts aux provinces et les paiements d'AC. Les provinces ont réagi à leur tour en réduisant les prestations du bien-être, l'Ontario se montrant particulièrement sévère. Aujourd'hui, davantage de programmes sont transférés aux municipalités et, par la suite, aux organismes de charité. Lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins essentiels, c'est alors qu'interviennent les banques alimentaires.
Finalement, nous avons maintenant en Ontario un nouveau programme d'assurance-chômage. C'est le bien-être, parce que la plupart des gens touchent des prestations du bien-être lorsqu'ils sont au chômage et non plus l'AC, et nous accueillons des personnes en très grande difficulté. Tous les mois, il y a largement plus de 300 000 personnes en Ontario qui utilisent un service quelconque de secours alimentaire, qu'il s'agisse d'une soupe populaire—et la plupart des soupes populaires sont organisées par les banques alimentaires—ou en fait d'une forme quelconque de banque alimentaire.
Je pense cependant qu'il y a autre chose, quelque chose d'assez sinistre. C'est la tendance qui consiste à accorder des dégrèvements fiscaux pour appuyer les organismes de charité qui répondent aux besoins fondamentaux de la population alors même que le gouvernement cesse effectivement d'aider directement les gens. Donc, au moment même où vous vous retirez de l'AC et des paiements de transfert, vous choisissez plutôt d'accorder des avantages fiscaux pour aider les organismes de charité.
Je viens vous dire ici de ne pas vous engager dans cette voie. Ne faites pas cela. C'est ce qui s'est passé aux États-Unis. Là- bas, étant donné les avantages fiscaux consentis, les organismes de charité qui ont bénéficié d'un appui—et ce n'est pas une mauvaise chose—ce sont les hôpitaux et les universités. Toutefois, la population n'a pas choisi d'appuyer les programmes au service des plus pauvres.
Aujourd'hui, en Ontario, il y a des signes qui montrent que cette privatisation du bien-être ne marche tout simplement pas. Il suffit de regarder ce que contiennent les paniers alimentaires distribués dans toute la province.
Certaines collectivités ne peuvent se permettre, ou n'ont peut-être pas le désir, de fournir de quoi manger pour plus de deux ou trois repas dans un panier. Dans d'autres collectivités, il y a des provisions pour une semaine. Ce n'est pas au... Les organismes de charité sont mal placés pour dispenser un soutien uniforme et garanti aux personnes à faible revenu de façon à s'assurer de leur santé et de leur bien-être.
Je pense donc que c'est une orientation très dangereuse qu'a prise le gouvernement et nous en voyons en Ontario les répercussions d'une façon alarmante en certains endroits.
Merci.
Le président: Merci, madame Cox. Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Solberg.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je commencerai par un commentaire sur toute cette question de l'allégement fiscal et de ses effets sur le secteur social, notamment de ses avantages pour les personnes à faible revenu. C'est principalement cette catégorie que les groupes ici présents représentent. Je regrette que Mme Popham soit partie car j'aurais aimé lui poser une question sur un certain nombre des observations qu'elle a faites.
Il me semble que le Canada a probablement l'une des exemptions personnelles les moins généreuses des pays industrialisés, ce qui affecte avant tout les personnes à faible revenu. Si le montant de cette exemption était largement relevé, cela contribuerait à faire sortir complètement les catégories à faible revenu de l'assiette de l'impôt fédéral.
J'ai relevé que Mme Stewart et d'autres intervenants ont déclaré que même s'ils faisaient des réserves en ce qui concerne l'allégement fiscal, cet allégement fiscal était bon pour les personnes à faible revenu. Je pense que tout le monde peut me répondre, mais j'ai relevé que Mme Stewart avait déclaré dans ses recommandations qu'il fallait réduire de manière significative le fardeau fiscal imposé aux femmes.
Quelqu'un voudrait-il apporter des commentaires concernant l'intérêt social d'un allégement fiscal, notamment d'un allégement du type dont je viens de vous parler, qui se présenterait sous la forme d'un relèvement de l'exemption personnelle faisant en sorte que, bien souvent, des gens qui paient des milliers de dollars d'impôt à l'heure actuelle et qui sont au bas de l'échelle des revenus n'auraient soudainement plus aucun impôt à payer.
Mme Alison Kemper: Je pense que si vous faites les calculs, ce que je fais chaque année en avril, parce que pour une femme je me situe en haut de l'échelle des revenus de la classe moyenne, je suis nettement plus avantagée si mes revenus sont de l'ordre de 50 000 $ que si je ne gagne que 15 000 $. Si je bénéficie de 3 000 $ ou 4 000 $ d'exemptions supplémentaires, mon taux marginal d'imposition baisse beaucoup plus que celui d'une personne à très faible revenu.
Bien sûr, j'en serais très heureuse, mais je n'aime pas les conséquences que cet allégement disproportionné aurait sur la situation que je vis quotidiennement dans mon bureau. C'est le genre de calcul qui se fait depuis longtemps en Ontario. Nous connaissons le coût de ce genre de calcul.
M. Monte Solberg: Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. Voulez-vous nous dire qu'une personne qui gagne 25 000 $ ne bénéficierait pas considérablement d'un relèvement...
Mme Alison Kemper: Je suis sûre qu'elle en bénéficierait considérablement, mais j'en bénéficierais encore plus.
M. Monte Solberg: La différence serait si considérable?
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Madame Stewart?
Mme Cheryl Stewart: D'après ce que j'ai pu constater dans mon travail auprès des familles n'ayant qu'un seul revenu, il est indéniable que le relèvement des exemptions personnelles leur serait très bénéfique. Les familles à revenu unique se retrouvent le plus souvent dans les tranches de revenu les plus basses. Une diminution de leur revenu imposable les aiderait certainement à mieux pourvoir aux besoins de leurs enfants. Ce serait aussi l'occasion pour le couple ou pour l'un des parents de rester à la maison s'il souhaite le faire pour élever les enfants. De notre point de vue ce serait là une priorité qui serait dans l'intérêt des enfants.
Mme Josephine Grey: Je tiens simplement à faire observer que même si l'idée est louable, les contribuables qui se trouvent dans les tranches les plus basses de revenu ne verraient pas augmenter de beaucoup les sommes dont elles disposent chaque mois si on leur consentait cet allégement fiscal. Ce serait un plus, mais le problème à l'heure actuelle, c'est que l'on privatise tellement de choses et que l'on fait payer aux utilisateurs un si grand nombre de services publics que si l'on continue à privatiser et à restructurer comme nous le faisons actuellement, il n'y a pas grand monde qui y gagnera finalement. Il nous faut voir plus loin que les simples déductions fiscales consenties aux tranches des bas revenus pour que l'on voit vraiment la différence.
Mme Cheryl Gulliver: Soixante-quinze pour cent des gens que je représente et que je défends vivent au-dessous du seuil de la pauvreté. Même si je trouve que c'est une bonne mesure et si je suis en fait d'accord avec tous ceux qui préconisent des allégements fiscaux, j'aimerais bien que parmi nos gens il y en ait beaucoup qui paient de l'impôt sur le revenu.
• 1000
Vous riez, et c'est dommage. Ma fille serait pourtant bien
contente de pouvoir travailler, vous ne croyez pas? C'est une
question très importante. Elle serait ravie d'abandonner ses
prestations familiales, de payer un loyer et d'avoir l'impression
de participer à la vie de la société sans être pénalisée en ce qui
a trait à des prestations comme celles qui s'appliquent aux
médicaments.
À un moment donné, sa facture de médicaments s'élevait à 300 $ par mois, sans compter le coût d'une chaise roulante, qui est inabordable pour ceux d'entre nous qui ne bénéficient pas du PAAF, le programme d'appareils et accessoires fonctionnels. Nous sommes en fait dans une bien triste situation. Si elle n'habitait pas avec moi dans un joli quartier de la classe moyenne, elle vivrait très pauvre et devrait se contenter de très peu.
Elle a de la chance. Elle peut compter au Canada sur sa famille et sur des organisations comme l'ACIC qui la défendent, sinon elle ne pourrait rien faire.
Mme Alison Kemper: Veuillez m'excuser. Pour la plupart, nous avons affaire à des gens qui seraient très heureux de pouvoir payer des impôts. La plupart des gens pour lesquels nous travaillons autour de cette table ont des revenus tellement minimes qu'ils atteignent à peine le seuil à partir duquel on paie de l'impôt.
C'est pourquoi nous avons ri. J'en suis désolée.
Mme Cheryl Gulliver: Très bien.
Le président: Madame Diamond.
Mme Frumie Diamond: Laissez-moi reformuler ma question. Pourquoi parle-t-on toujours de concéder des allégements fiscaux aux personnes dont le revenu est faible alors qu'en réalité il est bien prouvé que nombre des sociétés et de personnes très riches doivent des millions de dollars d'impôts en retard? Je crois que le véritable problème est là et que c'est ce qu'il faut régler en priorité.
Le président: Merci, madame Diamond.
Nous allons passer à la question suivante, qui sera posée par M. Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président.
Ce qui ressort clairement de cette discussion ce matin, à mon avis, c'est qu'une déduction ou un allégement fiscal ne vont pas faire grand-chose pour remédier aux problèmes qui ont été exposés par presque tous les intervenants.
Il est évident que ce qui ressort aux yeux des membres du comité, c'est l'impression nette qu'il y a un niveau terrible de pauvreté dans notre pays, pauvreté qui est en fait en augmentation, tout ce qui concerne la pauvreté des enfants.
J'ai apprécié les observations qui ont été faites. Elles nous seront d'une grande utilité lorsque nous rédigerons notre rapport.
Je ne sais plus qui a mentionné que les hôtels et les motels, d'ici jusqu'à Hamilton, étaient pleins à craquer de familles expulsées et d'autres personnes sans logis.
C'était vous, Josephine? J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus. Je pense que c'est un symptôme sur le terrain qui démontre clairement l'existence d'une situation que nous n'avions pas encore rencontrée dans le pays. Ce sera ma première question.
Disons tout de suite que 52 p. 100 des personnes qui travaillent au Canada gagnent moins de 20 000 $... et je pense que les personnes qui gagnent moins de 20 000 $ ne paient pas beaucoup d'impôt. Ce sont ceux-là les travailleurs. Voilà qui remet les choses en place.
J'ai aussi une question à poser à Linda en ce qui a trait aux mines terrestres. Le Canada a mis de côté, je pense, 4 millions de dollars en vue de l'enlèvement des mines terrestres existantes. Pour mettre les choses en perspective, les Travailleurs canadiens de l'automobile ont fait une provision d'un million de dollars en tant que syndicat et la Norvège, quant à elle, a mis de côté 140 millions de dollars. Pensez-vous que notre contribution soit suffisante et appropriée?
Josephine pourrait peut-être me répondre en premier.
Mme Josephine Grey: Pour commencer, le ministre des Services sociaux et communautaires fait des gorges chaudes du nombre de personnes qui ne figurent plus sur la liste du bien-être, mais malheureusement c'est parce qu'un grand nombre d'entre elles vivent désormais dans des refuges et bénéficient d'une allocation municipale d'indigence. Je pense que c'est un indice très important dont il vous faut tenir compte lorsque vous examinez le coût du délestage. Ce qui se passe en réalité, c'est que l'on répercute les coûts à d'autres niveaux, sur la taxe municipale. En voilà un exemple parfait.
Quelqu'un qui bénéficie de l'assistance sociale ou d'une certaine allocation venant s'ajouter à son salaire va coûter, vous savez, quelque chose comme 800 $, 900 $ ou 1 000 $ par mois, mais une fois qu'il ne relève plus de ce système et qu'il se retrouve dans un motel ou dans un refuge, il va soudainement coûter bien davantage, lui et sa famille. C'est l'assiette fiscale s'appuyant sur les impôts fonciers qui va être mise à contribution, ce qui n'est tout simplement pas tenable.
Le nombre de gens qui se retrouvent dans des motels est en lien étroit avec le nombre d'évictions, qui lui-même a beaucoup à voir avec l'absence de logements abordables, mais aussi avec la loi provinciale de protection des locataires, comme on l'appelle cyniquement dans notre province, qui fait que les gens sont de plus en plus facilement jetés dehors. Ils ne bénéficient plus non plus de protection contre la discrimination dans le logement; cette disposition a elle aussi été supprimée par le projet de loi 96.
• 1005
Notre merveilleux gouvernement provincial crée donc une
situation qui lui permet de se vanter du nombre de personnes
sorties des listes de l'assistance sociale tout en répercutant les
coûts à d'autres niveaux et en augmentant considérablement les
frais d'entretien des personnes qui jusque-là vivaient de
l'assistance.
L'exemple de l'enfant qui bénéficie de l'assistance sociale à domicile est lui aussi édifiant; on verse pour lui une centaine de dollars par mois. Une fois que sa famille est jetée à la rue, qu'elle s'est dispersée, l'enfant finit par être pris en charge par les services de l'aide à l'enfance et il coûte soudainement 700 $ ou 800 $ par mois, ou s'il est placé dans une institution, plusieurs milliers de dollars. Il est temps de faire une véritable analyse coûts-bénéfices de ce qui se passe dans la réalité.
Le président: Je vous remercie. Madame Kemper.
Mme Alison Kemper: Si vous le voulez, monsieur le président, je vais vous laisser ce document. C'est le rapport adopté la semaine dernière par le Conseil de la communauté urbaine au sujet de la crise des sans-abri, qui indique que la capacité d'accueil dans la communauté urbaine est actuellement de 2 500 familles. Pour pouvoir en accueillir davantage, on va ouvrir un refuge de masse équipé de lits de camp pour 800 familles. C'est comme au plus fort de la guerre. Nous allons avoir des réfugiés au sein de nos propres collectivités.
Il s'est passé aussi une chose intéressante la semaine dernière lorsque le Conseil de la communauté urbaine a adopté une proposition visant à classer tout logement dont on est sur le point d'expulser une mère vivant seule en tant que refuge d'urgence pour que l'on puisse bénéficier des fonds provinciaux prévus pour les refuges. Cela coûtera moins cher que d'expulser cette famille pour la loger dans un motel.
La situation actuelle est donc critique ici. Nous avons d'innombrables familles sans abri. Je me ferai un plaisir de vous laisser un exemplaire de mes documents. Vous pouvez en faire des copies, mais il y a beaucoup d'information...
Le président: Je vous remercie. Nous allons maintenant donner la parole à M. Jones.
Excusez-moi, madame Tripp, vous voulez dire quelque chose?
Mme Linda Tripp: Oui. M. Riis m'a demandé d'apporter un commentaire sur les mines terrestres.
Le président: Sur les mines terrestres, c'est bien ça.
Mme Linda Tripp: Vous avez indiqué que le Canada avait fait une provision de 4 millions de dollars. Pour mettre les choses en perspective, le département des affaires humanitaires des Nations Unies a calculé qu'il en coûterait 33 milliards de dollars et qu'il faudrait 1 000 ans pour enlever les 100 millions de mines terrestres qui sont actuellement enterrées dans plusieurs pays du monde, si l'on s'en tient à la technique courante d'enlèvement des mines.
Bien évidemment, les 4 millions de dollars que le Canada a mis de côté au départ n'est qu'une goutte d'eau. C'est pourquoi nous réclamons entre autres que l'on s'assure que ces crédits ne soient pas pris sur le budget d'aide actuel. Lorsque M. Axworthy a affecté 10 millions de dollars à la nouvelle initiative de paix, ces crédits ont été pris à l'ACDI. L'APD n'a pas augmenté de 10 millions de dollars. Autrement dit, nous déshabillons Pierre pour habiller Paul.
Après la signature du traité en décembre, il n'y aura pas simplement le déminage, mais des programmes de sensibilisation aux problèmes posés par les mines, auxquels participe activement Vision mondiale dans des pays comme le Mozambique, l'Angola et le Cambodge. Il y aura aussi une assistance à long terme aux victimes des mines en plus de la lente opération de déminage.
Le président: Merci, madame Tripp.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président.
Je sais que vous avez tous bien réfléchi à ce que vous dites et c'est vous qui êtes au coeur des difficultés. Je reconnais l'importance de votre action. Il y a des années peut-être que notre pays vit au-dessus de ses moyens. Je pense qu'il n'est personne parmi vous qui ne paie pas chaque mois son hypothèque. C'est chaque mois que vous la payez et vous n'avez pas 10 ans pour le faire. Si vous restiez 10 ans sans la payer, vous finiriez par perdre votre maison.
Eh bien, voilà 27 ans que le gouvernement fédéral n'équilibre pas son budget. Il se contente d'emprunter de l'argent. Nous parlons des problèmes qui nous touchent. Je ne vois pas pourquoi nous continuerions à payer des intérêts aux grandes banques et aux banques étrangères.
Nous versons 44, 46 ou 48 milliards de dollars—on ne connaît pas vraiment le chiffre exact—en intérêt sur notre dette. Cela correspond au coût d'un ministère qui serait le plus gros du gouvernement fédéral. Rien qu'en Ontario, nous versons près de 10 milliards de dollars par an en intérêts sur la dette.
Pensez maintenant que si nous n'avions pas ces deux ministères—techniquement, ce sont des ministères, et tous deux presque les plus gros de leurs gouvernements respectifs. Imaginez les programmes que nous pourrions avoir.
• 1010
Je pense que l'on a mal posé la question. On nous demande ce
que nous allons faire du dividende financier lorsque nous allons
équilibrer le budget. Il n'y a pas dans ce cas de dividende
financier. Le dividende financier correspondra au surplus que nous
allons dégager une fois que nous aurons équilibré notre budget,
lorsque nous pourrons commencer à rembourser la dette pour pouvoir
retrouver l'usage de ces 48 milliards de dollars et rétablir nos
programmes de santé et d'éducation, nos programmes sociaux et
éventuellement d'autres programmes pour faire d'autres choses.
C'est à ce moment-là que nous pourrons toucher le dividende
financier.
Je pense aussi que l'on se trompe en disant que nombre de sociétés du secteur privé ont elles aussi souffert. Bien des gens ont perdu 10 ou 20 p. 100 de leur salaire ou encore leur emploi parce que, malheureusement, nous vivons dans un monde au sein duquel le secteur privé doit faire des profits et procurer un rendement à ses actionnaires. C'est notre dilemme. Je crois qu'il est important que nous nous mettions à vivre selon nos moyens, que nous équilibrions notre budget et que nous payions au fur et à mesure.
Je considère que dans l'ensemble la population canadienne a du coeur et qu'elle saura se montrer à la hauteur. Toutes mes félicitations à M. Martin, qui est le premier ministre des Finances à être parvenu si près du but. Je crois que nous aurons un budget équilibré et probablement un surplus cette année.
Mme Linda Tripp: Laissez-moi faire un commentaire.
Personne ici ne veut que le Canada devienne un pays du tiers monde. Comme je l'ai dit dans mon exposé, les compressions ont frappé de manière disproportionnée l'APD. Je crois être la seule personne autour de cette table à représenter le point de vue international. Parallèlement, nous appuyons résolument ce que nous disent ici nos collègues qui s'intéressent davantage à la situation au Canada.
Il n'en reste pas moins que le gouvernement a procédé à des compressions. Le coût humain a été considérable dans certains secteurs, tant au Canada qu'à l'étranger. Nous pouvons tous citer des exemples réels. Le gouvernement, il le reconnaît lui-même, est maintenant en avance sur ses prévisions. Je me félicite pour ma part que le Canada se soit arrêté dans sa chute et qu'il ne va pas devenir un pays du tiers monde, mais il n'en reste pas moins qu'il vous faut équilibrer les deux choses.
Vous ne pouvez pas faire passer votre raisonnement fiscal avant l'intérêt humain. Nous avons entendu les appels en faveur des enfants. L'avenir est entre les mains de nos enfants. Si nous pratiquons des compressions trop rapides, d'une manière draconienne, pour en arriver à résorber ces 48 milliards de dollars, nous passerons bien trop de temps à rattraper tous ces gens que l'on aura perdu en route en raison de l'absence de filet de sécurité, que ce soit ici ou à l'étranger.
Je vous répondrai donc que oui, il faut que le Canada soit responsable sur le plan fiscal, mais nous demandons par ailleurs qu'il le fasse à un rythme raisonnable et en procédant de manière stratégique pour que les plus pauvres et les plus vulnérables ne perdent pas pied comme ils l'ont fait. Voilà à mon avis notre position.
Le président: Merci, madame Tripp. Madame Richler.
Mme Diane Richler (vice-présidente exécutive, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Laissez-moi raisonner à partir de la situation internationale. Ce qui nous apparaît tout à fait paradoxal, c'est que les autres pays du monde admirent les succès du Canada. L'un de nos grands succès, c'est la cohésion sociale de notre pays, qui vient du fait que nous avons investi dans des programmes s'efforçant de réduire le fossé entre les gens qui se trouvent aux deux bouts de l'échelle économique.
Cheryl Gulliver a mentionné dans son exposé un contrat que notre association a passé récemment avec la Banque interaméricaine de développement. Les institutions financières internationales reconnaissent que la cohésion sociale est l'un des fondements de la démocratie et de la stabilité économique. C'est une chose pour laquelle le Canada est renommé. Pourtant, on voit d'un côté le Canada vanter des politiques qui ont justement permis cette cohésion sociale alors que de l'autre on voit ces politiques se désintégrer dans tout le pays.
Il est très important à mon avis que l'économie ne régisse pas toutes les situations individuelles. Il y a aussi les disparités qui existent dans un pays et le type d'environnement qui a été créé pour en arriver à une stabilité comme la nôtre. Ce que nous voyons dans d'autres pays, que ce soit au sud de nos frontières ou partout ailleurs dans le monde, c'est que des gens deviennent de plus en plus marginalisés parce qu'ils ne peuvent plus profiter des avantages de leur collectivité. C'est à ce moment-là qu'apparaissent les troubles de l'ordre civil et que l'on est aux prises avec le genre d'environnement qui remet en cause tous les gains économiques que l'on a pu réaliser.
• 1015
Je pense donc qu'il est très important de ne pas faire preuve
d'un économisme étroit et qu'il faut considérer le pays dans son
ensemble et les grands principes qui régissent le Canada.
Le président: Merci, madame Richler. Je pense que c'est maintenant à Mme Riley.
Mme Helen Riley: Comme nous l'avons dit dans notre exposé, nous pensons que c'est au départ une mauvaise administration qui nous a mis dans cette situation. Il est toutefois absolument inadmissible de chercher à remédier au problème en mettant le fardeau sur les épaules des membres les plus vulnérables de la société. Alors que vous étiez occupé à faire baisser les impôts sur les sociétés, vous avez entrepris de pratiquer des compressions dans des programmes comme le Régime d'assistance publique du Canada ou les transferts effectués au titre des services sociaux et de santé.
Si l'on a réussi à réduire le déficit, c'est dans une large mesure—si j'en crois un article que je viens de lire dans le Toronto Star—en raison de la croissance économique et de la baisse des taux d'intérêt. Je pense que votre comité devrait s'occuper de toute cette question des taux d'intérêt. Rapatriez la dette canadienne et faites en sorte que la Banque du Canada la rembourse de façon à ce que l'on n'ait pas à payer des investisseurs étrangers et que l'on ne soit pas à la merci des organismes qui cotent les obligations.
Il y a de nombreuses façons de résoudre ces problèmes et d'améliorer le bien-être des Canadiens si l'on ne se contente pas d'agir dans le cadre très étroit que les responsables actuels des finances semblent s'être fixés. Nous demandons simplement un peu de bon sens, un peu de l'expérience des maîtresses de maison qui ont appris à équilibrer un budget avec pratiquement rien. On peut y parvenir.
Le président: Merci, madame Riley.
Nous allons entendre très rapidement Mme Bass puis Mme Kemper, parce que nous avons aussi des députés qui voudraient intervenir.
Mme Julia Bass: Je voulais simplement dire que n'importe quel économiste sait qu'une fois que l'on a supprimé le déficit, la dette va automatiquement baisser du seul fait du fonctionnement de l'économie. Même le Globe and Mail a publié un tableau montrant comment ça fonctionne, et pourtant ce journal n'est pas généralement considéré comme une publication socialiste.
Je souscris aux arguments des autres intervenants qui ont évoqué la question et je demande bien franchement à M. Jones, s'il apprenait que l'un de ses voisins a finalement réussi l'exploit de rembourser son hypothèque mais qu'entre-temps ses enfants sont morts de faim au deuxième étage de sa maison, pourrait-on considérer cela comme une belle réussite pour un citoyen?
Mme Alison Kemper: Je tiens à signaler que le Star, ce grand bastion de la gauche, a signalé ce matin à l'intention du Centre canadien de politiques alternatives—je l'ai mentionné rapidement dans mon exposé—que 40 p. 100 seulement de la réduction du déficit pouvait être attribuée aux compressions. Plus de 60 p. 100 doit être attribué au coût inférieur du service de la dette en raison de la baisse des taux d'intérêt par la Banque du Canada. Nos taux d'intérêt étant tombés à un niveau historique—même s'il y a eu une petite surprise la semaine dernière—nous avons réussi. Je pense qu'il nous reste une marge de manoeuvre de 60 p. 100 pour relancer les programmes qui ont subi des compressions. Ce ne sont pas simplement les compressions de programmes qui ont permis d'y parvenir, mais je crois qu'il faut rétablir les programmes.
M. Jim Jones: Je sais qu'il y a d'autres personnes qui veulent poser des questions, mais je crois que sur bien des choses nous pensons ici de manière très simpliste. Il nous faut aussi reconnaître que l'un des enjeux est celui de l'emploi et que par ailleurs le Canada n'est plus une île. Nous devons concurrencer le reste du monde ainsi que des emplois peu coûteux, et si nous voulons créer davantage d'emplois, il nous faut abaisser nos coûts.
Mme Alison Kemper: Pourquoi ne pas nous inviter à revenir vous parler des accords internationaux concernant la main-d'oeuvre?
Mme Frumie Diamond: Pourquoi ne cherchez-vous pas à vous assurer que les questions d'environnement et que les normes de travail figurent bien dans ces accords internationaux?
Le président: Veuillez vous identifier avant de répondre à une question. Nous allons maintenant passer la parole à Mme Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): J'ai bien apprécié la sincérité de tous ceux qui sont ici aujourd'hui. Je vous garantis que nous sommes nous aussi résolument disposés à vous écouter.
• 1020
L'art de gouverner, à mon avis, n'est rien d'autre qu'un
exercice d'équilibre incroyablement difficile et je suis très fière
de ce qu'a fait notre gouvernement pour remettre de l'ordre dans
nos finances. Vous nous faites remarquer ici que cette opération
n'a pas été sans dommages. Nombre de vos propos d'aujourd'hui
s'apparentent à ce que nous avons entendu dans d'autres provinces.
Mme Diamond comme Mme Grey ont parlé expressément des compressions fédérales en matière de paiements de transfert. Cependant, alors que l'Ontario a effectivement perdu à un moment donné 1,2 milliard de dollars de paiements de transfert, je pense que le gouvernement provincial d'Harris a imposé de son côté quelque chose comme 4,9 milliards de dollars de compressions aux services sociaux et de bien-être dont vous avez parlé.
Dans une vie antérieure, j'ai déjà siégé au sein de conseils municipaux et régionaux, et je suis donc bien placée pour savoir qu'il y a eu le délestage dont vous parlez et que le filet de la sécurité sociale est de plus en plus troué. Toutefois, dans les autres provinces, c'est avec un grand scepticisme que l'on nous a parlé du partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces et de la façon dont il peut répondre aux besoins des populations locales.
Il y a donc une question que j'aimerais poser à Mme Diamond et à Mme Grey. Quelqu'un a évoqué un retour au RAPC. Là encore, c'est une chose qui a été mentionnée dans d'autres provinces. Avez-vous des idées à ce sujet ou des recommandations précises que vous voudriez faire au gouvernement fédéral concernant le type de partenariat que l'on devrait instaurer avec les provinces pour nous aider à sauvegarder des services qui sont de toute évidence nécessaires et que l'on ne dispense pas à l'heure actuelle?
Mme Frumie Diamond: Je suis en fait partisane d'un gouvernement fédéral fort. Je crois effectivement que le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer pour maintenir des normes nationales. Lorsqu'on se débarrasse des paiements de transfert, on perd tout pouvoir. Je pense que tout le monde recherche le pouvoir, y compris les provinces, et je ne suis pas sûre... Nous sommes au bas de la chaîne, les bénéficiaires. Que ce soit le gouvernement fédéral ou les provinces qui luttent pour le pouvoir, nous sommes ceux qui, à la base, ressentent les effets des politiques.
Il est vraiment important que le gouvernement fédéral continue à jouer un véritable rôle de chef de file pour que l'on puisse, je vous l'ai dit, faire respecter des normes nationales, notamment en ce qui a trait aux services sociaux et aux soins de santé. Sinon, il y aura tant d'inégalités d'un bout à l'autre du pays que nous serons comme un pays du tiers monde.
Le président: Madame Grey.
Mme Josephine Grey: Il y a un certain nombre de choses très concrètes que peut faire dès maintenant le gouvernement fédéral. Je pense que nous traversons une période de l'histoire dans laquelle il est possible de saisir l'occasion de sortir du chaos.
J'ai assisté en 1995 au Sommet mondial pour le développement social qui s'est tenu à Copenhague. J'étais en fait l'observatrice officielle du Canada sur les questions intérieures, même si cela s'est avéré totalement inutile. J'ai cependant relevé un certain nombre de choses. Le Canada s'est engagé à essayer de corriger les indicateurs nous permettant de juger de notre santé économique et de la bonne marche de notre société et, à cette fin, il a entrepris d'ajouter une question au recensement. Il faut aller plus loin. Si l'on pouvait prendre en compte de véritables indicateurs de progrès, on aiderait en fait les décideurs à tenir compte de questions plus sérieuses lorsqu'ils prennent leurs décisions, des questions telles que la santé et le bien-être des familles et de l'environnement.
À maints égards, le Canada est à la pointe dans le monde sur ces questions et, bien entendu, le Canada n'est pas isolé, c'est un leader. Ainsi, on s'était engagé à étudier le principe d'une taxe sur les transactions internationales lors du sommet du G-7 qui a suivi le sommet mondial. Toutefois, cette question a été retirée de l'ordre du jour par notre ministre des Finances, unilatéralement, si je ne me trompe pas. Il serait donc judicieux d'aborder entre les pays de l'OCDE un certain nombre des questions susceptibles d'amener un rééquilibrage entre le secteur des entreprises et le reste de la population.
Il y a une autre chose, cependant, qui me paraît tout à fait fondamentale si l'on veut que le Canada puisse conserver sa réputation et se donner en exemple pour le reste du monde. Je pense qu'il est grand temps d'essayer véritablement d'incorporer les droits sociaux et économiques à notre Charte et à notre Constitution. C'est possible; nous avons la richesse, les ressources et la capacité pour le faire. Nous savons dans notre pays être rationnels et humains au sein d'une économie forte, en santé et stable. Nous avons tout simplement choisi de ne pas le faire. C'est compréhensible lorsqu'on est un pays pauvre qui ne réussit pas à s'en sortir ou qui est livré pieds et poings liés à la Banque mondiale. Ce n'est pas notre cas. Nous avons des possibilités de choix, et nous pouvons les exercer.
• 1025
Les droits économiques et sociaux feraient partie intégrante
des responsabilités des provinces. Il serait véritablement
important de trouver d'autres moyens de renforcer les mécanismes de
responsabilité pour que tout soit bien contrôlé et évalué, afin que
l'on sanctionne effectivement les gouvernements et les agents
d'administration des programmes sociaux qui ne parviennent pas à
respecter les droits fondamentaux de la personne et les besoins
fondamentaux de la population. Ces moyens ne peuvent pas être
négociés sur un pied d'égalité par les provinces et le gouvernement
fédéral parce que, comme la plupart des choses et les questions
politiques de ce pays, ils ne font pas l'objet d'un compromis, mais
d'une lutte pour savoir qui va gagner et qui va perdre.
Le gouvernement fédéral, dans la mesure où l'on cherche à s'affronter, va malheureusement s'imposer en raison de ses pouvoirs plus étendus et dira «Excusez-moi, mais c'est moi qui dois défendre la Constitution et les droits de la personne et qui va décider que vous n'allez pas percevoir de paiements de transfert tant que vous ne vous conformerez pas à toutes ces choses».
Vous devriez voir le rapport présenté par l'Ontario devant le comité des affaires économiques et sociales. C'est trop drôle. C'est une blague et ça ne pourra pas passer. Toutefois, les seuls qui peuvent faire rendre des comptes en ce moment à l'Ontario—ou même à votre gouvernement—ce sont les ONG. C'est lamentable. Vous devriez avoir vos propres mécanismes de responsabilité et il est temps de les mettre en place. Un corps de droits économiques et sociaux vous en donnerait les moyens. Les indicateurs sociaux et économiques, qui reflètent en fait la santé d'une société, vous fourniraient les statistiques et vous donneraient la preuve de ce dont vous avez besoin pour maintenir en place tout ce dont nous avons parlé.
Le président: Nous allons donner la parole à M. Szabo pour qu'il pose très rapidement une question, qui sera suivie d'une réponse encore plus rapide.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je pense que nous devons tous vous remercier pour votre sincérité. Je veux que vous sachiez que tout ce que vous nous avez dit aujourd'hui est tout à fait au diapason de ce que nous avons entendu ailleurs. Je pense que cela traduit le besoin que nous avons de revenir aux valeurs canadiennes et familiales fondamentales. Dès que l'on a affaire à une personne qui a faim, qui est sans abri, handicapée, dans le besoin, c'est elle qu'il faut aider en premier. Je pense que c'est ce que vous nous avez dit.
J'aimerais vous signaler une chose cependant. Je sais que l'on a tendance à critiquer, mais il n'en reste pas moins que la réduction des paiements de transfert au titre des services sociaux et de santé n'a représenté qu'un pour cent environ des recettes des provinces et que cela s'est monté à environ 1,2 milliards de dollars en Ontario. Il faut rapprocher ce chiffre des réductions d'impôt qu'a consenti l'Ontario à tous les contribuables et dont le coût s'est élevé à environ 4,9 milliards de dollars. Ce sont des choses dont il faut être conscient—les réductions d'impôt, notamment lorsqu'elles sont généralisées, coûtent très cher, mais pour les particuliers cela ne représente qu'une très faible quantité d'argent.
Vous nous dites donc, je pense, qu'il nous faut être prudent et bien cibler les prestations fournies, que ce soit sous la forme de réductions d'impôt ou autres. S'il y a quelqu'un ici qui préfère une intervention généralisée à une intervention ciblée, je pense qu'il faut nous le dire tout de suite.
Mme Alison Kemper: Des prestations sociales universelles?
M. Paul Szabo: Non, des déductions d'impôt universelles, généralisées, par opposition à des déductions profitant à ceux qui en ont le plus besoin.
Le président: Monsieur Ianno, une dernière intervention.
M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): Tout d'abord, merci de votre participation. Ce sont des gens comme vous qui contribuent à garder la société dans la bonne voie. Je pense qu'une grande partie de votre travail n'a rien à voir avec les questions d'argent, surtout lorsqu'on connaît le nombre de bénévoles qui contribuent fortement à garantir notre cohésion sociale et notre foi dans la société. Avant toute chose, je vous félicite.
Si plusieurs milliards de dollars étaient disponibles à un moment donné et si les députés réussissaient à amener le ministre des Finances à affecter spécialement une partie de cet argent aux Canadiens à faible revenu, quelle solution recommanderiez-vous qui vous paraît la plus efficace? Doit-on privilégier les pauvres qui travaillent? Doit-on donner davantage aux provinces? Doit-on donner directement aux individus? Avez-vous une idée de la meilleure façon d'atteindre l'objectif en vous mettant au service de vos clients?
Mme Josephine Grey: Je pense qu'il ne faut absolument pas donner de l'argent aux provinces—surtout pas à celle-ci.
M. Tony Ianno: Vous êtes donc d'accord avec la réduction des transferts sociaux, mais il faudrait donner davantage en s'adressant directement aux gens, et non pas par l'intermédiaire des provinces.
Mme Josephine Grey: Étant donné l'absence de normes, il faut donner aux individus. Ils ne vont pas réinvestir les économies tirées des prestations pour enfants en faveur des familles pauvres, ça c'est sûr.
Une autre chose que l'on pourrait faire avec une partie de cet argent, ce serait d'investir dans des projets locaux afin de relancer le développement économique local. C'est une forme de création d'emploi, une redistribution effective des moyens de créer de la richesse qui aurait...
M. Tony Ianno: Sur le modèle du PACE?
Mme Josephine Grey: En quelque sorte, oui, mais un peu plus en profondeur et un peu plus à long terme. Je pense qu'il vous faut vous engager à suivre un projet local et à injecter des crédits lorsque c'est nécessaire à différentes étapes du plan stratégique. C'est l'une des façons de créer effectivement des emplois sans attendre que les sociétés étrangères veuillent bien saupoudrer quelques emplois ici et là.
Il vous faut aussi tenir compte des biens des gens, et pas seulement de leurs revenus. Je n'aurai jamais une hypothèque de ma vie. Je suis une mère de famille monoparentale qui a quatre enfants. J'habite, Dieu merci, un logement dont le loyer est calculé en fonction des revenus. Il y a d'énormes trous dans mon plafond, mais je me sens plus en sécurité que la plupart des gens. Le logement est donc en fait un investissement essentiel.
Il est temps que vous vous mettiez à enregistrer les biens du pays pour les rapprocher de la dette et que vous vous penchiez par ailleurs sur les éléments d'actif des particuliers. Je pense que tous les enfants devraient avoir un régime d'épargne en vue de leur éducation dans lequel l'argent s'accumule dès le départ. Il pourrait servir d'investissement jusqu'à ce qu'ils s'en servent pour aller à l'université.
Il y a une foule d'autres biens socialement utiles dont le gouvernement pourrait se servir pour aider à bâtir le pays, qui pourraient être utilisés pour procéder à des investissements économiques locaux et qui permettraient de garantir la stabilité des familles à long terme.
M. Tony Ianno: Il leur faut dépenser bien plus que plusieurs milliards. Ce que j'essaie de voir, c'est si vous pouvez nous donner quelque chose de concret... Faites un choix. Vous voulez que cet argent soit investi dans la création d'emplois au sein de la collectivité, c'est une chose. Si vous voulez l'affecter au logement, c'est différent. Essayez de choisir ce qui va être le plus bénéfique pour vos clients et nous nous efforcerons dans le prochain budget, en étant réaliste, de faire valoir certaines recommandations.
Mme Josephine Grey: Essentiellement, il faut investir dans les enfants et les familles à bas revenus pour qu'ils mangent à leur faim.
M. Tony Ianno: Très bien.
Le président: Deux dernières interventions, d'abord Mme Tripp puis Mme Richler.
Mme Linda Tripp: Si l'on parle de quelques milliards de dollars, je demanderais aussi, je pense, qu'une partie en soit affectée à l'aide internationale. Je pense qu'il est totalement injuste et irréaliste d'opposer les besoins des enfants canadiens à ceux des enfants du reste du monde et de nous demander de choisir entre les deux. Tous sont terriblement dans le besoin.
La compassion, la générosité et l'esprit de compromis dont a toujours fait preuve le Canada lui ont valu une place enviable à l'échelle internationale. Alors que nous nous intéressons, tout particulièrement ce matin autour de cette table, aux besoins des enfants, des femmes, des personnes âgées et des handicapés au Canada, nous ne devons pas nous désintéresser du village global dans lequel nous vivons. La santé et l'avenir des enfants canadiens dépendent aussi de la santé des marchés mondiaux.
Il faut donc aider les pays moins développés à obtenir sur le marché mondial un statut plus équitable qui nous sera profitable à tous et qui contribuera à créer des bases solides pour tous les enfants du Canada et du monde.
À mon avis, ce qu'il importe de dire surtout ce matin, c'est que l'on ne peut pas agir tout seul. Nous faisons beaucoup de choses. Nous le faisons grâce aux efforts des bénévoles, grâce aux dons privés, mais nous pourrions faire bien davantage au sein d'un véritable partenariat avec le gouvernement.
Le président: Très rapidement, madame Richler.
Mme Diane Richler: J'ai fait état tout à l'heure de nos préoccupations concernant la cohésion sociale de notre pays, et je pense que c'est là un autre domaine à considérer. Nous craignons que l'on adopte des solutions trop simplistes face à des problèmes si complexes. Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en dispensant directement des prestations aux particuliers, mais l'union doit aussi avoir sa place en matière sociale. On ne peut pas se passer des provinces lorsqu'on examine les questions sociales.
Il est donc nécessaire de mettre en place de meilleurs mécanismes coopératifs dans le cadre desquels le gouvernement fédéral et ceux des provinces s'entendent sur le fait que leurs programmes doivent se compléter, et non pas s'opposer, ce qui est le risque actuellement. C'est pourquoi nous aimerions bien que l'on tire parti des possibilités qui existent, comme le fait que les premiers ministres sont prêts à examiner des programmes de revenu pour les personnes handicapées, reconnaissant qu'il y a là peut- être un rôle à jouer pour le gouvernement fédéral pour ce qui est du volet correspondant aux revenus, et pour les provinces en ce qui a trait au volet correspondant aux services indispensables à la population, et dans une même optique en cherchant à réunir des représentants du secteur bénévole, des entreprises et du gouvernement afin de résoudre ensemble les problèmes plutôt que de s'en remettre constamment à des discussions bilatérales.
• 1035
Il est symptomatique que votre gouvernement parle ici aux
groupes sociaux. Il parlera ensuite aux groupements représentant
les milieux d'affaires. Toutes ces discussions vont se dérouler
séparément sans que l'on réunisse les gens pour résoudre ensemble
les problèmes.
Le président: Je vous remercie.
Au nom du comité, je tiens à tous vous remercier de ces exposés très intéressants. J'estime que le travail que vous faites au niveau local revêt une très grande importance et répond à de réels besoins.
Je vais vous quitter sur le message suivant: nos préoccupations sont plus ou moins les mêmes que celles de tous les Canadiens. Les recommandations que nous ferons au ministre des Finances s'attacheront à améliorer la qualité de vie des gens. C'est là essentiellement notre mandat et nous agirons en conséquence. Merci encore.
Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes.
Le président: Auriez-vous l'amabilité de vous asseoir?
Nous avons réuni ici aujourd'hui un certain nombre d'intervenants. Comme vous le savez, nous disposons d'environ une heure et 45 minutes pour écouter une douzaine d'intervenants. En ma qualité de président, je déteste interrompre les gens. Pour éviter cela, je vous demande de ne pas dépasser les cinq minutes qui vous sont allouées. Je demanderai par ailleurs aux membres du comité de ne pas s'écarter du sujet lorsqu'ils posent leurs questions. La même chose est valable pour les réponses.
La première intervenante représente la Chinese Business Association. Yolanda Chan, vous êtes la bienvenue.
Mme Yolanda Chan (présidente, Chinese Business Association): Monsieur le président, je me demande ce que l'on fait pour améliorer la déduction fiscale pour les petites entreprises. Ainsi, voilà six ans que l'on maintient le seuil à 200 000 $. Allons-nous faire quelque chose au cours des prochaines années?
Le président: Eh bien, madame Chan, qu'est-ce que vous voulez que nous fassions? Le but, ici, c'est que vous nous exposiez les solutions que vous préconisez étant donné les nouvelles réalités économiques canadiennes. Nous aimerions que vous nous disiez quelles sont vos priorités.
Mme Yolanda Chan: Oui. Ne devrions-nous pas relever le seuil de 200 000 $?
Le président: C'est à vous de nous présenter un exposé à ce sujet.
Mme Yolanda Chan: D'après ce que nous disent les membres de ma communauté, je pense qu'il faudrait porter le seuil de 200 000 $ à 500 000 $ afin d'améliorer la déduction consentie aux petites entreprises.
Le président: C'est tout?
Mme Yolanda Chan: Oui, je vous remercie.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant donner la parole à Gerald Vandezande, qui représente Citizens for Public Justice.
M. Gerald Vandezande (directeur national des affaires publiques, Citizens for Public Justice): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir permis de comparaître à nouveau devant vous. J'imagine que notre mémoire a été distribué. Il s'intitule «Use Fiscal Dividend to Eliminate Poverty: A Call for a New National Investment Priority».
L'opération de réduction du déficit qu'a menée le gouvernement fédéral a causé un préjudice grave et durable à notre pays. En mettant unilatéralement l'accent sur le déficit budgétaire, le gouvernement a créé de nouveaux déficits dangereux qui remettent directement en cause le bien-être de notre population et de notre pays, en l'occurrence, la santé de notre économie, de notre système d'enseignement, de l'environnement et de notre société, y compris la santé de notre population.
L'objectif louable de la réduction du déficit budgétaire a toutefois servi à justifier des méthodes arbitraires et de mauvaises politiques. L'une des pires d'entre elles a consisté à abolir unilatéralement le Régime d'assistance publique du Canada en même temps que les engagements pris traditionnellement dans ce cadre en faveur des gens dans le besoin et des normes nationales. Josephine Grey, la représente de Low Income Families Together, en a parlé éloquemment, et j'y reviendrai plus tard.
Le gouvernement a remplacé le RAPC par un régime canadien bien moins généreux de paiements de transfert au titre des services sociaux et de santé, et a considérablement réduit les paiements consentis aux provinces et aux territoires. À notre avis, il faut que le gouvernement fasse désormais ce qu'a déclaré publiquement le ministre des Finances Paul Martin—et je le cite—«les Canadiens ne considèrent pas uniquement leur gouvernement comme un bon comptable. Ils veulent qu'il maintienne une société attentive aux besoins de tous.»
Voici encore ce qu'a déclaré M. Martin la semaine dernière: «Certains considèrent que le débat qui se prépare ne va porter que sur des questions financières. Ce n'est pas le cas. C'est un débat portant sur les valeurs.» Nous sommes pleinement d'accord. De quelles valeurs parle-t-on cependant?
Citizens for Public Justice estime que le devoir de bien gérer les affaires de la nation doit s'appliquer de manière uniforme. Ce devoir exige que l'on n'équilibre pas nos comptes aujourd'hui sans tenir compte des coûts financiers que cela va supposer à l'avenir. De même qu'on ne peut pas permettre que le fardeau d'un déficit budgétaire soit transmis aux générations futures, on ne peut pas non plus permettre que le fardeau des déficits économiques, éducatifs, écologiques, sanitaires ou sociaux soit transmis à nos enfants et à nos petits-enfants.
• 1050
Le chômage chronique, l'augmentation des frais de scolarité,
la pollution généralisée, l'insuffisance des soins de santé,
l'augmentation de la pauvreté parmi les enfants du Canada ainsi que
leurs parents, le sort de plus en plus difficile réservé aux
Premières nations ainsi que les famines terribles qui surviennent
à l'étranger, nous rappellent tristement que les inégalités
économiques et les injustices sociales sont les conséquences
coûteuses de l'abandon généralisé des grandes valeurs
fondamentales. Ces distorsions grossières de nos relations
économiques, environnementales et sociales exigent l'attention
immédiate de tous les intéressés.
Les cris de désespoir de la population—et vous en avez entendu quelques-uns ce matin—exigent des actions concrètes pour ramener l'espoir. Ces actions doivent être menées à la fois par notre gouvernement fédéral et par les provinces. Ce sont eux qui ont la responsabilité publique de faire preuve d'un esprit visionnaire de façon à changer véritablement la situation pour le bien de tous, notamment des pauvres et des laissés-pour-compte.
CPJ était d'accord avec le ministre des Finances lorsqu'il a déclaré:
-
Il est très clair que notre pays est bientôt parvenu à un point où
il est souhaitable et possible de procéder à des investissements
plus résolus et plus responsables pour l'avenir. Nous convenons par
ailleurs que tant que le dividende ne sera pas suffisamment
important pour que l'on puisse en toute sécurité réduire le fardeau
fiscal global, la démarche la plus responsable consiste à apporter
des allégements bien ciblés là où les besoins se font le plus
sentir.
Ce sont là les propres paroles de M. Martin, que devrait en fait refléter son prochain budget.
Nous savons tous que le fossé entre les riches et les pauvres au Canada s'est élargi en raison du chômage chronique et de la baisse des prestations de chômage.
J'entends la cloche et je vais passer rapidement à nos recommandations.
Le président: Allez-y. Vous avez une minute. C'est un moment bien choisi pour présenter des recommandations.
M. Gerald Vandezande: Je vais vous les lire attentivement pour qu'elles figurent bien au procès-verbal.
Nous recommandons que la grande priorité du Canada en matière d'investissement soit l'élimination de la pauvreté. Voici ce que nous recommandons dans un premier temps.
Premièrement, la suppression immédiate de l'impôt sur le revenu fédéral que doivent payer à l'heure actuelle les personnes dont les revenus se situent au-dessous du seuil de la pauvreté.
Deuxièmement, une augmentation substantielle de la prestation nationale pour enfants pour que tous les enfants et toutes les familles qui vivent au Canada au-dessous du seuil de la pauvreté en bénéficient également.
Troisièmement, une augmentation substantielle du crédit remboursable au titre de la TPS pour tous ceux dont le revenu se situe au-dessous du seuil de la pauvreté.
Quatrièmement, une augmentation substantielle des paiements de transfert effectués aux provinces au titre des services sociaux et de santé, s'accompagnant d'un grand nombre de normes appliquées en commun et d'un mécanisme de contrôle efficace qui s'applique par ailleurs à tous les programmes de sécurité sociale et de complément des revenus. Il devrait y avoir entre autre une norme permettant de s'assurer que personne au Canada ne vit au-dessous du seuil de la pauvreté.
Cinquièmement, une suppression immédiate du droit d'installation de 975 $ qui s'applique aux réfugiés et aux immigrants à faible revenu et le rétablissement immédiat des crédits de développement à l'étranger, qui devraient finalement être porté à 7 p. 100 du PIB.
CPJ recommande en outre—là encore compte tenu des observations faites lors de la première séance—que le ministre des Finances entreprenne rapidement de mettre sur pied un conseil consultatif élargi représentant tout l'éventail des opinions sur les choix budgétaires et sur les priorités d'Ottawa en matière de politiques. Ce conseil devrait se donner pour but d'établir un véritable consensus entre les différents secteurs concernant les principales lignes de conduite et les choix budgétaires que doit adopter le gouvernement pour bâtir notre nation. L'unité nationale exige aussi que l'on veille à la justice et à l'équité économique et sociale pour tous les Canadiens. Le clivage actuel entre les riches et les pauvres est aussi grave, sinon plus grave, que le débat actuel entre le Québec et le reste du Canada.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre la représentante de l'Association canadienne des personnes retraitées, Lillian Morgenthau.
Mme Lillian Morgenthau (représentante, Association canadienne des personnes retraitées): C'est moi.
Le président: Soyez la bienvenue.
Mme Lillian Morgenthau: J'ai ici la liste de tous les témoins qui sont venus participer à cette table ronde, mais je n'ai pas la liste des députés et des présidents. Est-il possible d'obtenir cette liste?
Le président: Oui. Je suis le président. Les autres sont des députés.
Mme Lillian Morgenthau: Par écrit.
Le président: Certainement. Nous ne manquerons pas de vous la fournir.
Mme Lillian Morgenthau: Il y a le compte rendu de mon exposé oral, que vous avez tous, je crois, et un document complet qui vous sera remis pour que vous le consultiez à tête reposée.
• 1055
Je vous remercie chaleureusement de m'avoir donné l'occasion
de me présenter devant le Comité des finances de la Chambre des
communes lors de cette consultation prébudgétaire de 1997.
J'ai déjà comparu devant votre comité à maintes reprises lors de ces mêmes consultations prébudgétaires. J'espère que cette audition ne se déroulera pas uniquement pour la galerie. Les questions sont graves et il faut les aborder avec sérieux.
Je suis présidente de l'Association canadienne des personnes retraitées, qui compte plus de 320 000 membres dans tout le pays, âgés de 50 ans et plus, retraités ou non. Pendant les cinq minutes qui me sont imparties, je vais vous résumer les questions qui sont détaillées dans le plus long mémoire que nous avons présenté au comité. Ce mémoire, sorti de nos dossiers pour les besoins de votre comité, je l'avais déjà présenté à M. Martin lorsque je l'ai rencontré, lui et ses fonctionnaires du ministère des Finances, dans les bureaux nationaux de l'ACPR le 4 septembre 1997.
Je répondrai tout d'abord aux deux questions que le gouvernement se doit d'aborder dans son budget de 1998. Je présenterai ensuite les recommandations précises de l'ACPR concernant les dispositions budgétaires à prendre.
La réduction du déficit s'est faite trop rapidement et le message transmis a été trop dur. Ces mêmes objectifs auraient pu être atteints de manière plus progressive et plus humaine. Ainsi, les paiements de transfert en faveur des provinces n'auraient pas dû être réduits si violemment. À leur tour, les gouvernements provinciaux n'auraient pas été obligés de comprimer et de réduire si sévèrement des programmes essentiels dans le secteur de la santé, de l'éducation et des services sociaux. Les priorités pour 1998 devraient être réparties entre la réduction de la dette, l'augmentation des dépenses et les allégements fiscaux. La réduction de la dette est indispensable, mais ça ne doit pas se faire nécessairement du jour au lendemain. Une réduction progressive permettra aux Canadiens de s'adapter plus facilement à la nouvelle situation financière. Même si elles ne sont que symboliques, les déductions fiscales peuvent créer un climat positif parmi la population canadienne.
Plus précisément, l'ACPR recommande que l'on abaisse le taux de cotisation à l'assurance-emploi. Dans notre mémoire, nous proposons que le pourcentage des cotisations à l'AE soit abaissé en relevant le plafond—en l'occurrence, le maximum annuel des gains ouvrant droit à pension. L'ACPR est d'accord aussi avec la proposition de M. Martin pour que l'on ramène la TPS à cinq pour cent. Ces deux mesures stimuleraient l'économie en faisant augmenter les dépenses, la productivité et les emplois.
Enfin, il faudrait augmenter les dépenses en augmentant les paiements de transfert en faveur des provinces qui, à leur tour, pourraient augmenter les crédits consacrés à la santé, à l'éducation et aux services sociaux dans les secteurs qui relèvent de leur compétence. Les provinces obéissent à certaines exigences dans leurs domaines réservés et il faut tenir compte du fait que tout n'est pas bon pour tout le monde. Il convient cependant de conserver les cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé.
Par ailleurs, l'ACPR recommande que les politiques actuelles concernant les Canadiens âgés soient repensées de la manière suivante.
Tout d'abord, dans le discours qu'il a prononcé la semaine dernière à Vancouver, lorsqu'il a décrit les différents domaines dans lesquels il convenait de procéder à des investissements avec prudence, M. Martin n'a pas mentionné les personnes âgées. Nous espérons que cet oubli sera corrigé en notre faveur dans le budget.
En second lieu, nombre des projets qui ont été présentés dans le budget de 1996 de M. Martin et qui sont désormais mis en application ne sont plus valides. Étant donné l'état actuel de notre économie, la situation financière qui prévalait en 1996 est désormais totalement dépassée. M. Martin m'a dit que les changements qu'il avait proposé d'apporter aux pensions publiques pour les personnes âgées n'étaient pas motivés par la nécessité de réduire le déficit. Il n'en reste pas moins que les politiques de M. Martin ont considérablement réduit le déficit, qui sera supprimé l'année prochaine. Par conséquent, une orientation différente des politiques et de l'ensemble des priorités touchant les Canadiens âgés s'impose.
• 1100
Au sujet du RPC, M. Martin devrait préciser clairement dans
son budget que lors de la deuxième ronde de consultations avec les
provinces en 1999, il sera sérieusement envisagé de relever le
plafond des cotisations au-dessus du seuil actuel de 35 800 $.
L'ACPR recommande que ce plafond soit porté à 39 000 $, que la base
de 3 500 $ soit indexée et qu'au moins un tiers des sièges au sein
de la Commission d'experts autonomes chargée de conseiller les
investissements effectués avec les fonds du RPC aillent à des
représentants des cotisants—en l'occurrence les employeurs et les
employés.
En ce qui concerne la prestation pour personnes âgées, même si aucune législation n'a été déposée devant le Parlement, l'ACPR recommande que M. Martin annonce dans son budget que la prestation proposée soit complètement repensée, y compris en ce qui a trait à la suppression du calcul en fonction des revenus combinés de la famille.
J'ai essayé de retrouver deux lettres que je tenais vraiment à vous apporter. Nous avons reçu un nombre considérable de lettres de gens qui sont très mécontents du revenu combiné. Il y en a une qui m'a paru très bonne. Elle provenait d'un de nos membres qui nous a écrit qu'il avait le bonheur d'être marié depuis 53 ans, même si l'on ne peut pas toujours parler ici de bonheur puisqu'il y a des hauts et des bas. Je suis mariée depuis 47 ans, et je m'y connais. Voici ce qu'il m'a écrit au sujet du revenu familial combiné. Il me dit que lorsque sa femme en a entendu parler, elle est venue lui demander: «Harold, combien coûte un divorce?»
Je pense que le calcul en fonction du revenu familial combiné, si j'en crois les lettres qui me parviennent, est une discrimination à l'encontre du mariage. On encourage à mon avis le concubinage alors qu'on a déjà bien assez du mal à rester marié. J'ai quatre enfants mariés, je peux vous dire qu'il n'est pas facile de faire en sorte qu'ils restent mariés, et cette mesure ne va certainement pas nous aider.
Le président: Madame Morgenthau, vous êtes à peu près dans les temps, à trois minutes près.
Mme Lillian Morgenthau: Il me reste trois minutes?
Le président: Non. Vous avez largement dépassé les cinq minutes. Continuez, vous pourrez conclure rapidement en 30 secondes.
Mme Lillian Morgenthau: Très bien, parce que vous savez qu'en trois minutes on n'a même pas le temps de faire un appel téléphonique.
Nous voulons que l'on abandonne la notion de revenu familial. Nous voulons que l'on supprime ou que l'on réforme complètement la rétrocession, que l'on rétablisse l'universalité—ce qui paraît exclu. L'imposition des revenus individuels, puisque c'est les particuliers que l'on impose, doit être maintenue. Nous voulons que l'on augmente de plus des 10 $ par mois qui sont proposés le montant des pensions pour les personnes âgées à faible revenu. De plus, il ne faut pas que l'on change pendant au moins 20 ans le niveau de la prestation pour les personnes âgées.
Je vais sauter un certain nombre de choses.
Dans le domaine de la santé, M. Martin devrait annoncer le financement d'un forum national spécial sur les soins de santé dispensés aux personnes âgées, qui regrouperait des spécialistes et des groupements de consommateurs. Il conviendrait de revoir dans le cadre de ce forum l'état de santé actuel des personnes âgées en recommandant que l'on améliore la qualité des soins dans les institutions et dans les foyers, et que l'on garantisse un financement approprié pour mettre en oeuvre ces recommandations. Il faudrait par ailleurs que l'on rajuste le RPC et que l'on augmente les crédits d'impôt à l'intention des bénévoles ou des membres de la famille qui s'occupent de personnes âgées dont la santé est délicate, sur le modèle de ce que l'on fait pour les parents qui s'occupent de leurs enfants.
Merci et excusez-moi d'avoir pris tant de temps.
Le président: Pas de problème.
Mme Lillian Morgenthau: Je m'étais en fait chronométrée, vous savez.
Le président: Nous allons maintenant donner la parole à Wayne Poirier, de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants de Toronto. Soyez le bienvenu. Nous avons déjà entendu Brad Lavigne.
M. Wayne Poirier (président pour l'Ontario, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants de Toronto): Merci. Je suis sûr que vous allez entendre le même message dans tout le pays de la part de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.
Je représente ici les 110 000 membres de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants en Ontario, qui suivent des études dans plus de 25 établissements postsecondaires de la province.
Je vous prie de m'excuser, tout d'abord, de ne pas avoir apporté un mémoire officiel, mais les notes que vous avez devant vous sont tirées d'un certain nombre de documents illustrant les difficultés que nous éprouvons en ce qui a trait à l'accès à l'éducation postsecondaire et au démembrement du système universel d'enseignement postsecondaire dont le Canada bénéficiait par le passé et qu'il n'a plus aujourd'hui. De plus, je vous ai joint une annexe du document A Blueprint for Access: Strategy for Change, qui illustre avec un esprit tout à fait visionnaire la façon de mettre en place des réseaux d'enseignement postsecondaire pleinement accessibles.
• 1105
Je vais commencer par vous parler brièvement du mandat
précédent et de ce qu'il a signifié pour l'enseignement
postsecondaire en Ontario et dans l'ensemble du pays.
Nous avons enregistré des augmentations massives des frais de scolarité. Même si ce n'est pas une compétence qui lui incombe, le gouvernement fédéral doit prendre directement la responsabilité des niveaux de financement de l'enseignement postsecondaire et c'est ce qui explique la situation actuelle pour ce qui est du montant des frais de scolarité dans tout le pays. L'Ontario arrive aujourd'hui en deuxième place en ce qui concerne le montant des frais de scolarité dans le pays et, en conséquence, nombre d'étudiants sont empêchés de suivre un enseignement postsecondaire.
La situation s'est traduite par des compressions budgétaires de 400 millions de dollars frappant l'enseignement postsecondaire et par une augmentation des frais payés par les étudiants pour suivre leurs études. La part payée par les étudiants était jusque- là d'environ 25 p. 100, alors que maintenant elle est en moyenne de 40 p. 100 des budgets d'exploitation des universités et des collèges et qu'elle s'élève même à 50 p. 100 à l'Université de Nipissing.
De plus en plus les établissements actuels sont davantage aidés par les fonds publics que financés par des fonds publics, et nous aimerions mettre fin à cette tendance. Nous aimerions qu'une révision donne lieu à un financement intégral du réseau d'enseignement postsecondaire.
L'un des intervenants précédents, et nombre de porte-parole de LIFT qui nous ont précédés, ont déclaré que la réduction du déficit avait créé un déficit social, et nous n'aimerions pas que cette tendance se poursuive.
Laissez-moi vous parler maintenant de Strategy for Change, un document tout à fait visionnaire, qui doit nous donner les moyens de mettre en place un réseau d'enseignement postsecondaire pleinement accessible dont aucun étudiant ne soit exclu du fait de ses revenus. Nous comprenons bien que c'est une démarche audacieuse et qu'il est peu probable que le gouvernement l'emprunte, mais nous tenons à signaler que votre gouvernement a pris des mesures similaires dans d'autres domaines. S'inspirant de l'ensemble de notre document, par exemple, le ministère de la Défense nationale dispense un enseignement gratuit aux personnes enrôlées dans les forces armées. Par ailleurs, les objectifs de Strategy for Change peuvent être mis en application à un degré moindre et avec des résultats susceptibles d'améliorer l'accès à l'enseignement postsecondaire.
Le gros problème qui se présente au niveau fédéral est celui de l'augmentation des dettes. Aujourd'hui, les étudiants sortent diplômés avec en moyenne 20 000 $ de dettes et l'on s'attend à ce que ce montant soit porté à 25 000 $ en 1998. C'est un niveau d'endettement totalement inacceptable. Il est supérieur aux normes internationales. Nous constatons que même les étudiants qui sortent avec un diplôme aux États-Unis sont moins endettés que leurs homologues canadiens.
Voici les mesures que doit prendre immédiatement le gouvernement.
Supprimer l'application des régimes de remboursement en fonction des revenus, qui ne font qu'accroître l'endettement des étudiants une fois diplômés, surtout pour des catégories comme les femmes, les parents seuls soutiens de famille, les étudiants ayant des besoins spéciaux et les personnes à faible revenu.
Le premier ministre a annoncé, ce qui est une bonne chose, son intention d'affecter de l'argent à des bourses d'études, mais nous pensons que ce n'est pas la bonne mesure à prendre. Les bourses d'études ne sont pas le bon moyen d'améliorer les possibilités d'accès. C'est au moyen des subventions affectées à des catégories particulières que l'on va améliorer l'accessibilité. Plus particulièrement, les subventions accordées aux parents seuls soutiens de famille, aux étudiants ayant des besoins spéciaux, aux familles à faible revenu et aux étudiants de première et de deuxième années, sont le moyen le plus raisonnable de garantir et d'améliorer l'accessibilité.
Sur le plan de l'emploi, nous avons pu constater que les étudiants éprouvaient de plus en plus de difficultés du fait du chômage généralisé et qu'il leur était donc plus difficile d'économiser en vue de leurs études en occupant un emploi d'été. Les programmes d'emplois d'été mis sur place par le gouvernement doivent s'efforcer tout particulièrement de garantir un emploi à plein temps pendant les 16 semaines complètes et avec une paie raisonnable qui corresponde au marché, et non pas au salaire minimum, qui ne permet pas aux étudiants de défrayer leurs études postsecondaires. Il faut aussi que les sommes consacrées à ces programmes soient augmentées.
Enfin, sur le plan de la fiscalité, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants veut qu'il soit bien pris acte du fait qu'elle s'oppose aux réductions d'impôt généralisées. Ce genre de mécanisme a été adopté en Ontario et nous avons constaté qu'il bénéficie bien davantage aux riches qu'à l'ensemble de la province et que cela ne s'est pas traduit par une augmentation des dépenses. Toute réduction d'impôt qui serait pratiquée devrait profiter aux personnes à faible revenu pour qu'elles puissent dépenser et réinjecter directement cet argent dans l'économie.
Le président: Merci, monsieur Poirier.
Nous allons maintenant passer aux représentants du Halton Social Planning Council, Michael Cushing. Soyez le bienvenu.
M. Michael Cushing (membre du conseil d'administration, Halton Social Planning Council): Merci, monsieur le président.
Nous tenons à remercier tout particulièrement notre membre de Burlington, Paddy Torsney, qui a veillé à ce que nous soyons invités.
Il est probable que bien des gens autour de cette table connaissent les localités de la région de Halton, et notamment Burlington et Oakville, qui sont renommées dans notre pays comme étant les meilleures pour élever une famille et qui figurent certainement parmi les villes les plus florissantes.
Je signale cependant à votre attention que même dans une collectivité aussi florissante que celle d'Halton, des organismes tels que le District Health Council ont été obligés d'accorder la plus grande priorité, en planifiant leurs besoins de santé, aux questions de la pauvreté des enfants et des familles.
M. Martin a reconnu lui-même dans sa déclaration de Vancouver que les résultats obtenus pour ce qui est du déficit sont dus à un certain nombre de facteurs: la reprise économique, l'allégement du service de la dette publique et ce qu'il a appelé «des mesures de restrictions budgétaires sans précédent» qui remontent à la fin des années 80. Ces mesures sont en fait au coeur de cet exposé.
Nous estimons qu'il a été très instructif, notamment pour des organisations ou des personnes qui auraient pu douter de la capacité à aboutir véritablement à quelque chose, de voir ce qu'a réussi le gouvernement fédéral au cours des dernières années en mettant fin au financement par le déficit. Il y a une leçon importante à tirer ici: notre pays a la capacité d'agir lorsqu'il le fait avec des objectifs clairs et de manière résolue.
Il nous faut reconnaître, cependant, que les résultats obtenus en matière de déficit ont eu un coût social très élevé pour un grand nombre de Canadiens, pour des institutions importantes et pour la communauté. Les chiffres ne sont pas encore tout à fait connus, parce qu'il reste des compressions à venir qui ont fait l'objet d'un débat lors des dernières élections, mais au titre du plafonnement du Régime de l'assistance publique du Canada par le gouvernement précédent, puis des dispositions prises dans le cadre des paiements de transfert canadiens en matière de services sociaux et de santé, entre 11 et 13 milliards de dollars ont disparu de l'enveloppe sociale du gouvernement fédéral.
En particulier, nos citoyens les plus vulnérables—les pauvres, les personnes âgées, les handicapés et les enfants—ont plus que les autres subi les contrecoups de cette lutte contre le déficit.
Nous n'aimons pas beaucoup non plus les changements de programmes qui ont été faits, indépendamment de la question financière. Ainsi, le remplacement des ententes fédérales- provinciales de partage des coûts par des enveloppes de financement a endommagé le filet de sécurité sociale du Canada. Il a grandement diminué la possibilité pour le gouvernement fédéral de parler au nom de l'ensemble du Canada et d'être le premier à garantir l'existence d'un système de sécurité sociale dans notre pays.
Les questions que pose le comité—est-on allé trop vite? A-t- on employé les bons moyens?—restent en grande partie de pure forme. Tout cela étant désormais dépassé, nous proposons que notre pays se penche désormais sur le déficit social puisque le déficit fiscal est résorbé.
Ce qu'il nous reste à faire, c'est de lancer une campagne nationale contre le déficit social d'une façon au moins aussi concertée que la campagne pour laquelle le ministre des Finances a été félicité.
Pour ce qui est des recommandations précises, nous considérons qu'il faut remédier rapidement à la baisse d'influence d'Ottawa en tant que garant de la sécurité sociale des Canadiens. Puisque vous êtes en Ontario, je suis sûr que vous avez entendu d'autres intervenants vous dire qu'avec l'abandon de programmes tels que le partage conditionnel des coûts, les gouvernements provinciaux hésitent à mettre en oeuvre leur propre politique sociale et à l'infliger aux populations qu'ils desservent.
C'est ainsi qu'ici en Ontario nous voyons que la responsabilité du logement social est transférée aux municipalités, qui ne sont pas équipées pour relever ce défi, et que nous nous dirigeons vers la suppression de l'assistance sociale bénéficiant aux populations, contrairement à toutes les règles de l'équité et de la justice naturelle.
Je proposerai aussi au comité—et je vais bientôt conclure, monsieur le président—que malgré les pressions qui s'exercent sur la Chambre des communes pour que l'on institue des réductions d'impôt généralisées, le gouvernement s'abstienne, comme nous l'espérons, de s'engager dans cette voie. Des réductions d'impôt stratégiques et bien ciblées peuvent éventuellement se justifier lorsqu'on peut prouver qu'elles entraînement la création d'emplois utiles.
• 1115
Répétons qu'il ne faut pas oublier que la reprise économique
n'a pas fait le bonheur de tous et que ceux qui ont souffert plus
que les autres des coûts de la réduction du déficit ont désormais
le droit d'être les premiers à toucher les dividendes prévus.
Je sais que vous avez entendu Campagne 2000 plus tôt ce matin, et nous recommandons nous aussi que vous intensifiez la lutte contre la pauvreté des enfants. Bien évidemment, lorsque nous constatons qu'un enfant canadien sur cinq ou davantage vit au- dessous du seuil de la pauvreté, il y a là un véritable gaspillage de notre potentiel pour l'avenir.
Nous passons beaucoup de temps à nous adapter à l'évolution de nos ententes commerciales et à faire évoluer la formation de notre population. Nous n'abordons pas les véritables questions. Il y a des programmes, comme le plan d'action canadien pour les enfants ou le programme de nutrition prénatale, qui vont dans le bon sens. Il nous en faut davantage comme ceux-là.
Enfin, pour ce qui est des modèles que suit le Canada, nous vous incitons à ne pas regarder uniquement notre voisin du sud. Dieu sait s'il est important pour nous, mais il y a d'autres pays qui ont aussi une fiscalité, des stratégies d'emplois et des mécanismes d'entraide sociale qu'il nous faudrait imiter dans une perspective mondiale. Une fois de plus, il est plus que temps de s'intéresser à notre déficit social et de réinvestir dans notre capital humain.
Merci de nous avoir accueilli ce matin. C'est pour nous un honneur.
Le président: Merci, monsieur Cushing.
Nous allons maintenant passer à
[Français]
Regroupement des intervenantes et intervenants francophones en santé et en services sociaux de l'Ontario, qui est représenté par Diane Plante and Claudia Lebeuf.
Mme Diane Plante (Regroupement des intervenantes et intervenants francophones en santé et en services sociaux de l'Ontario): Bonjour. Nous vous avons remis de la documentation présentant nos recommandations, ainsi qu'un bref aperçu en anglais décrivant notre organisme.
Nous vous remercions de votre invitation à comparaître, monsieur le président. Je me permettrai d'abord de présenter brièvement le Regroupement des intervenantes et intervenants francophones en santé et en services sociaux de l'Ontario. Créé en 1990, il est composé de personnes et d'associations de professionnels francophones oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux, et financé dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale entre le ministère du Patrimoine canadien et celui de la Santé et des Services sociaux et communautaires de l'Ontario. Nous visons l'autofinancement d'ici cinq ans.
Nous possédons une banque de 15 000 noms d'intervenants et intervenantes francophones qui peuvent servir la clientèle en français et en anglais et qui représentent la très grande majorité des disciplines de la santé et des services sociaux, dont 12 professions. C'est un modèle de coopération et de partenariat en santé et en services sociaux unique au Canada.
Le RIIFSSSO vise à promouvoir la communication entre ses membres et à améliorer la prestation des services de santé en français en Ontario. Bien que nous soyons un organisme parapluie provincial, nous travaillons aussi sur le plan national. À cet égard, nous avons organisé au printemps dernier la première rencontre nationale des professionnels francophones en santé et en services sociaux hors Québec. Nous avons créé, à la demande des professionnels des provinces, un réseau national d'intervenants. C'est un projet d'envergure qui promet.
Nous sommes aussi fiers de pouvoir dire que le RIIFSSSO a déjà été décrit par plusieurs intervenants du milieu comme l'un des organismes les plus dynamiques et efficaces de la communauté franco-ontarienne. Nous avons la réputation d'accomplir des choses, de les faire bien, et nous voulons bâtir sur cette réputation et la mériter.
Puisque nous représentons une majorité de cliniciens, d'éducateurs et de gestionnaires en santé et en services sociaux, nous limitons aujourd'hui nos commentaires et recommandations au système de soins de santé et de services sociaux.
Comme tous les Canadiens et Canadiennes, nous nous réjouissons de voir que cette année, le déficit national n'a jamais été à un niveau aussi bas depuis 20 ans et nous vous offrons nos félicitations. En ce qui concerne le processus de réduction du déficit et de la dette nationale, nous vous mettons cependant en garde. S'il est important de réduire le déficit et la dette nationale, il est essentiel, dans vos efforts de responsabilité fiscale, non seulement de ne pas perdre de vue le maintien des programmes de santé et des programmes sociaux, mais aussi de voir au développement et à l'amélioration des soins et des services. Il faut inclure également les programmes de formation collégiale et universitaire en français.
Il est inacceptable, par exemple, que dans nos universités, les professionnels francophones de la santé et des services sociaux soient forcés d'utiliser des livres en anglais; les livres en français sont d'un coût si élevé qu'ils ne peuvent se les permettre. C'est nous condamner à la médiocrité ou à l'assimilation que de perpétuer une situation qui ne devrait plus exister à l'aube de l'an 2000.
• 1120
La baisse du déficit a été réalisée en partie grâce à
des réductions des paiements de transfert effectués
aux provinces. Lors des compressions, aucune mesure
n'a été prise par le gouvernement fédéral pour faire
respecter l'équivalence des services aux francophones.
Ces réductions ayant causé des problèmes sérieux aux
provinces, celles-ci ont dû de leur côté ajuster leur
budget en procédant à des restructurations majeures
dans les soins de santé et les services sociaux.
Les gouvernements semblent avoir beaucoup de mal à comprendre ou à accepter que, lorsqu'on fait des compressions dans les services à la minorité francophone, ce n'est pas d'une simple réduction de services que l'on parle, mais d'une disparition totale de certains de ces services. Il est évident que dans plusieurs cas, les minorités francophones ont beaucoup perdu du fait que le principe de l'équivalence des services à la minorité a été laissé à la discrétion des gouvernements provinciaux.
Nous ne pouvons nous empêcher de souligner à cet égard le malheureux exemple de l'hôpital Montfort, qui a perdu les trois quarts de ses services en soins actifs. Cela a sérieusement ébranlé notre sentiment de citoyens à part entière dans ce pays. Le Canada ne peut se permettre de sacrifier l'avenir et le développement socioéconomique de ses minorités francophones en permettant l'élimination de services de santé ou même d'institutions qui constituent un minimum vital. On ne peut équilibrer les livres comptables en diluant l'essence même du pays.
Il est urgent que le gouvernement fédéral, qui a une responsabilité morale et juridique au chapitre de la protection des minorités, réagisse vigoureusement pour renverser cette tendance.
Le RIIFSSSO recommande les mesures suivantes:
1. Que le gouvernement fédéral utilise une partie de tout excédent budgétaire pour améliorer les services de santé et les services sociaux pour la minorité francophone;
2. Que le gouvernement fédéral, en vertu du principe de l'équivalence, prenne l'engagement ferme et indéfectible de protéger les services de santé et sociaux en français, et que le principe de l'équivalence des services à la minorité francophone soit rattaché aux paiements de transfert aux provinces comme condition essentielle de l'apport fédéral;
3. Que le principe de l'équivalence soit respecté dans tous les programmes de santé et programmes sociaux financés partiellement ou entièrement par le gouvernement fédéral, tels que les programmes pour enfants d'âge préscolaire, en l'occurrence les garderies, les programmes d'aide à la jeunesse, en l'occurrence la prévention du suicide chez nos jeunes, et les programmes de soins transitoires aux personnes âgées dans la communauté en particulier;
4. Que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour s'assurer que les minorités francophones en santé et en services sociaux, tant les professionnels que les étudiants, aient accès, tout comme la majorité, à une technologie de pointe et à des outils de formation et d'information validés dans leur langue pour être en mesure de mieux servir la clientèle qu'elles desservent;
5. Que le gouvernement fédéral réserve des fonds de transition pour le développement et l'application de nouveaux modèles de prestation de soins de santé et de services sociaux.
Nous considérons que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, particulièrement en ces temps où l'unité nationale est si fragile. Il a une responsabilité vis-à-vis des francophones à l'extérieur du Québec.
Nous comptons sur votre appui pour nous aider à améliorer la prestation des services en français en santé et en services sociaux offerts à l'extérieur du Québec.
Notre présence à votre table aujourd'hui démontre déjà votre ouverture au fait francophone. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous offrir quelques solutions.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, madame Plante.
[Traduction]
La prochaine intervenante est la représentante de la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants, Martha Friendly.
Mme Martha Friendly (membre du conseil, Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants): Merci et bonjour à tous ceux que j'ai déjà vus au sein des comités et devant d'autres instances.
Je suis chargée de recherches politiques à l'Université de Toronto. Je représente le Comité canadien d'action sur le statut de la femme au sein de la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants.
Pour ceux qui ne savent peut-être pas ce qu'est la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants, il s'agit d'une coalition fondée en 1980 pour se faire l'avocat des services de garde d'enfants et de l'enseignement dès la petite enfance. Elle regroupe une cinquantaine de coalitions locales et d'organisations à l'échelle de la province qui représentent les parents et les enseignants.
Nous avons été nombreux à être intrigués par la mention de l'apprentissage de la lecture dans le dernier discours du Trône et par le fait que le ministre des Finances a insisté dans une déclaration récente sur l'importance des premières années d'école. Je pense que ça va servir d'introduction à mon exposé.
• 1125
Pendant de nombreuses années, nous avons proposé des solutions
politiques concrètes devant permettre de faire sortir toutes ces
grandes idées de la liste des voeux pieux des discours du Trône
pour les faire passer dans la réalité et les traduire en action
afin que le Canada puisse devenir une société axée sur la
connaissance tout en restant humaine et entre de plain-pied dans le
troisième millénaire. Par conséquent, je viens vous dire une fois
de plus qu'il est temps de mettre en oeuvre un plan d'action
traduisant tous ces souhaits, les nôtres et maintenant ceux du
ministre des Finances, dans la réalité.
En fin de semaine, un ami m'a dit que je devrais intituler cet exposé: «Moins de paroles, montrez-nous l'argent».
En 1994, au moment du réexamen de la sécurité sociale, un document de discussion fédéral vraiment excellent a été publié— M. Bevilacqua s'en souviendra—qui considérait que la garde d'enfants était fondamentale dans trois grands domaines: le travail, ou l'emploi; l'apprentissage; la sécurité. On y disait que la garde d'enfants était au coeur de l'action menée dans ces trois domaines car elle apportait un soutien crucial à l'emploi, mais qu'elle était bien davantage qu'une mesure d'emploi en offrant à l'enfant un cadre approprié lui permettant de se développer et d'apprendre.
Ce rapport avait saisi très justement ce que nous avançons depuis longtemps, soit que les services de garde d'enfants et d'enseignement lors de la petite enfance, s'ils sont organisés de manière cohérente, peuvent répondre à plusieurs objectifs à la fois. Si vous avez les documents que je vous ai distribués, vous trouverez tout cela dans votre trousse d'information, et je vous conseille de la consulter. Je m'en suis servie pour exposer tout le potentiel de la garde et de l'enseignement dans la petite enfance. Toutefois, ce que nous avons aujourd'hui au Canada, c'est tout un attirail de programmes de garde et d'enseignement destinés à la petite enfance dont les objectifs sont liés mais qui s'adressent à des populations différentes.
Nous avons réglementé les garderies, les maternelles, les programmes d'intervention communautaire s'adressant aux enfants, le programme Bon départ pour les Autochtones, le projet de garde d'enfants s'adressant aux Autochtones et aux Inuits, la déduction pour frais de garde d'enfants, les allocations de garde de personnes à charge et différentes autres mesures. Tous ces programmes relèvent de ministères fédéraux différents: DRHC, Santé, Finances et MAINC.
Notre longue expérience de cette politique nous enseigne qu'il est inefficace d'essayer d'aborder de manière aussi dispersée les programmes de garde et d'enseignement dès la petite enfance en s'adressant à des secteurs restreints de la population. Il s'agit de secteurs comme les mères qui vivent des prestations du bien- être, les enfants à haut risque, la garde d'enfants des Autochtones sur les réserves, les enfants autochtones en dehors des réserves, les familles prospères qui veulent un enseignement dès la petite enfance, pour le bien de leur enfant, pour être employables ou pour déduire des frais d'entreprise. Ce ciblage et cette fragmentation font que certaines couches de la population ne bénéficient d'aucun service; les objectifs et les besoins ne sont pas respectés; enfin, et c'est peut-être le plus important pour un comité des finances comme le vôtre, les fonds publics sont très mal employés. Peu d'enfants et de parents obtiennent les services dont ils ont besoin en dépit de l'importance des fonds publics dépensés. La politique suivie par le Canada en matière de garde et d'enseignement dès la petite enfance est la moins rentable qui soit.
Les recherches récentes nous enseignent que ces services se dégradent dans tout le pays. Alors même que le gouvernement fédéral accentuait son retrait des programmes sociaux au cours des années 90, les gouvernements provinciaux ont réduit eux aussi leurs engagements concernant le financement et la réglementation.
Que peut-on faire pour remédier à la situation? Ma démarche sera différente de celle des autres intervenants puisque je m'attacherai d'abord à examiner ce que l'on peut faire avec ce que nous avions auparavant avant d'aborder la question de l'expansion.
La première chose à considérer se situe dans le cadre du programme national qui doit voir le jour concernant les enfants. Pour bien aider les enfants et les familles dans notre pays, nous avons besoin d'un système cohérent de garde et d'enseignement dès la petite enfance et il serait facile dans un premier temps de mettre au point une démarche cohérente de ce type à l'intérieur de vos propres ministères fédéraux. Nous espérons que l'initiative prise par les deux ministres qui sont chargés de l'élaboration du programme national s'adressant aux enfants, les ministres Rock et Pettigrew, sera un premier pas dans la bonne direction.
Dans un deuxième temps, il faudra trouver des ressources financières supplémentaires, en commençant par rétablir les crédits que vous avez déjà supprimés dans ce secteur. Selon How Ottawa Spends 1997, environ un tiers de l'argent fédéral qui était jusque- là affecté à ce genre de programmes est désormais perdu.
Nous sommes bien conscients des contraintes engendrées par les impératifs de la lutte contre le déficit ces cinq dernières années ainsi que par les exigences du nouveau contrat social, mais nous faisons valoir en réponse que les services de garde et d'enseignement dès la petite enfance ne doivent pas être considérés seulement comme des dépenses publiques, mais comme des investissements publics.
• 1130
En second lieu, nous considérons que si nous n'apprenons pas
à résoudre des questions d'importance nationale comme celle-ci, le
nouveau contrat social que nous sommes en train d'élaborer risque
de signifier que nous avons inventé un Canada qui ne peut pas
fonctionner.
Sur ce point, je suis d'accord avec Michael Cushing lorsqu'il nous a dit que les mécanismes étaient tout aussi importants que les crédits et que la substitution des enveloppes de crédit dans le cadre des paiements de transfert au titre des services sociaux et de santé, le remplacement du Régime d'assistance publique du Canada et les ententes conditionnelles de partage des coûts ont tous eu d'importantes conséquences sur notre capacité à dispenser ces programmes au niveau de la collectivité.
Donc, pour répondre finalement aux deux questions précises que le comité a posées, oui, nous considérons que les méthodes employées pour réduire le déficit n'ont pas été appropriées. Nous estimons que la réduction du déficit financier a eu pour pendant une augmentation du déficit social au Canada. La coalition pour la garde d'enfants considère que le gouvernement du Canada a réduit en partie son déficit en se délestant de ses coûts sociaux sur le dos des provinces, qui pour nombre d'entre elles les ont à leur tour répercuté sur les municipalités puis, en bout de chaîne, sur les enfants et les familles. Par conséquent, nous proposons que le gouvernement fédéral reprenne en charge une partie de ces coûts en augmentant les dépenses sociales.
Je vous remercie.
Le président: Merci de cet exposé plein d'enseignements.
Nous allons maintenant donner la parole au représentant de Centraide de la communauté urbaine de Toronto, Robin Cardozo.
M. Robin Cardozo (vice-président et administrateur en chef, Centraide de la communauté urbaine de Toronto): Merci, monsieur le président.
Laissez-moi vous dire dès le départ que nous sommes heureux que l'on ait prévu dans le dernier budget d'encourager davantage les dons de charité.
En cinq minutes, je vais vous dire quelques mots des services de Centraide de la communauté urbaine de Toronto. Je vais vous représenter l'environnement dans lequel opèrent nos organismes. Je ferai quelques observations au sujet des tendances que nous avons pu constater en matière de philanthropie et cela m'amènera à parler des mesures incitatives visant à encourager les dons de charité.
Parlons tout d'abord de Centraide de la communauté urbaine de Toronto. Les services Centraide et United Way espèrent recueillir cette année plus de 260 millions de dollars de dons pour appuyer les activités de quelque 4 000 organismes membres opérant dans les secteurs du service social et de la santé communautaire. Bien d'autres organismes de charité bénéficient de notre programme au choix des donateurs, mais les 4 000 organismes qui travaillent dans le secteur des services offerts à la population sont au coeur du financement dispensé par United Way et Centraide. L'organisation que je représente, le service Centraide de la communauté urbaine de Toronto, espère recueillir, en 1997, 54,1 millions de dollars de dons. C'est environ 20 p. 100 du total national.
Pour ce qui est maintenant des organismes membres de Centraide, nous avons à Toronto quelque 205 organismes financés dans le secteur des services dispensés à la population, et pour la plupart d'entre eux l'avenir est incertain. Cette incertitude s'explique par les facteurs suivants: premièrement, la réduction des paiements de transfert fédéraux aux provinces, ce qui ne permet pas aux provinces de financer comme elles le voudraient les services dispensés à la population; deuxièmement, les importantes compressions budgétaires appliquées par le gouvernement de l'Ontario dans le secteur des services sociaux et de bien-être, qui ont entraîné la suppression ou la réduction de nombreux programmes aidant les personnes les plus vulnérables de la collectivité; enfin, troisièmement, la crise humaine qui frappe de nombreuses personnes au sein de cette collectivité.
Le rapport publié récemment par Centraide intitulé «Metro Toronto: A Community at Risk», que certains d'entre vous ont peut- être vu, faisait état d'un certain nombre de tendances alarmantes, notamment le fait que près de 19 p. 100 des résidants de la communauté urbaine de Toronto vivent au-dessous du seuil de la pauvreté et que 36 p. 100 des enfants âgés de 10 ans et moins vivent dans la pauvreté. Étant donné cette situation, le rôle joué par Centraide n'a jamais été aussi important.
Sur un troisième point, je vais maintenant vous parler des tendances en matière de philanthropie. La campagne annuelle de Centraide de la communauté urbaine de Toronto a progressé normalement ces dernières années, les fonds recueillis augmentant légèrement chaque année. Nous ne pouvons jamais compenser les réductions de crédit du gouvernement, mais grâce à la générosité de la collectivité, nous avons pu procurer une source stable de financement à nos organismes. L'analyse de la campagne révèle cependant que les tendances ne sont pas positives à long terme. Tout simplement, il y a moins de donateurs et ceux-ci donnent davantage. En 1996, pour la troisième année consécutive, nous avons observé une diminution du total des donateurs lors de notre campagne.
Comment réagir face à ces tendances? Je pense qu'il y a deux façons de voir les choses: tout d'abord, il faut bien reconnaître que dans la conjoncture économique actuelle, ce sont les personnes qui ont le plus de revenus et de biens personnels qui offrent le meilleur potentiel de croissance pour la philanthropie; en second lieu, si nous voulons réussir à long terme, nous devons nous efforcer d'inverser cette tendance à la baisse en élargissant la base de donateurs, ce qui m'amène à parler de ce que le gouvernement peut faire à notre avis.
Comme je l'ai dit dès le départ, les gens de notre secteur ont été très heureux de constater les changements apportés dans le dernier budget, notamment la réduction de l'impôt sur les gains en capital en cas de dons d'actions inscrites en bourse. Nous sommes très heureux par ailleurs que les fonctionnaires du ministère des Finances aient entrepris des consultations avec les représentants du secteur bénévole lors d'une table ronde organisée au cours des mois qui ont précédé l'élaboration du budget de l'année dernière.
Notre message aujourd'hui est bien simple. N'arrêtez pas en chemin. Il y a beaucoup à faire et si vous nous procurez les outils nous sommes certains de pouvoir faire ce que l'on attend de nous.
• 1135
Je vais faire deux propositions bien précises. L'une consiste
à encourager la philanthropie parmi les sociétés privées et les
fondations. On peut y parvenir en retirant du budget de l'année
dernière la résolution 21 afin de la revoir. Même modifiée, cette
résolution fait obstacle aux dons d'actions privées, qui sont
souvent la principale source de richesse du donateur.
Laissez-moi vous donner simplement deux exemples. À Centraide, par exemple, une personne est récemment venue nous voir pour donner des actions privées d'une valeur de plus de 200 000 $, mais elle a dû changer d'avis précisément à cause de la résolution 21.
Deuxième exemple, le principal donateur de Centraide, la fondation Apotex—elle permet que je cite son nom—nous a informés que l'effet combiné de la résolution 21 et des dispositions légales s'opposant à ce que l'on appelle les retours de prêts limite sérieusement la fondation dans sa volonté d'envisager d'autres donations.
Je recommande en second lieu de mettre en oeuvre le projet s'appliquant au mécanisme de dépassement. Cette mesure incitative en faveur des donateurs qui augmentent leurs dons d'une année sur l'autre a été recommandée par votre comité dans son rapport de l'année dernière. Nous comprenons les inquiétudes éventuelles de Revenu Canada au sujet de la mise en application de cette proposition. Nous respectons bien sûr son avis, mais nous serions très heureux de rencontrer les fonctionnaires du gouvernement afin d'étudier les solutions susceptibles d'apaiser toute réticence administrative éventuelle. Cette proposition serait à notre avis une mesure incitative aussi bien pour celui qui donne 100 $ que pour celui qui en donne 100 000 $. Pour cette raison, nous vous incitons à la recommander à nouveau.
Je conclurai en répétant ma demande essentielle. S'il vous plaît, n'arrêtez pas les changements en cours. Nous devons relever des défis énormes dans le secteur des services à la population et certains de mes collègues en ont évoqué un grand nombre. Si vous nous donnez les outils, nous sommes certains d'avoir la volonté et les compétences de pointe dans la gestion de ce secteur pour réussir véritablement à changer les choses.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Cardozo.
Nous allons maintenant passer à la représentante de Let's Talk Science, Bonnie Schmidt.
Mme Bonnie Schmidt (Let's Talk Science): Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à nous adresser à vous aujourd'hui.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Let's Talk Science, nous sommes une organisation à but non lucratif qui s'efforce de développer les connaissances scientifiques au sein d'une société compétitive au niveau mondial. Nous sommes là parce que nous sommes convaincus que les talents dans notre pays ne seront pas suffisamment nombreux pour répondre à la demande du siècle prochain à moins que des changements majeurs interviennent rapidement.
Let's Talk Science a toute une gamme de programmes que je vais vous énumérer très rapidement. Nous formons des professeurs à enseigner des mathématiques et les sciences. Nous travaillons auprès des enfants dès l'âge de trois ans pour leur donner la soif de la découverte et les aider à comprendre les carrières qui s'ouvrent à eux. Nous faisons des recherches pour comprendre ce qui fait que nos programmes sont efficaces et pour apprendre les meilleures méthodes d'enseigner les sciences.
Nous avons appris que même une petite intervention peut avoir des résultats très constants. Nous considérons que tous les jeunes Canadiens méritent de bénéficier du meilleur enseignement scientifique possible pour pouvoir apprécier les merveilles du monde, prendre part pleinement à la vie de notre société démocratique et développer leurs compétences afin d'élargir leurs possibilités de carrière.
Grâce à de petites subventions de démarrage du gouvernement fédéral, nous avons pu persuader le secteur privé, les universités et les fondations de s'impliquer dans l'enseignement élémentaire. Plus précisément, à partir d'un somme de 100 000 $ versée par Industrie Canada au cours des quatre dernières années, nous avons réussi à recueillir plus de 2,25 millions de dollars dans le secteur privé.
Ces quatre dernières années, nous sommes partis d'une toute petite organisation de divulgation, dirigée par des étudiants de troisième cycle et des professeurs en sciences et en génie d'une université de l'Ontario, à une organisation nationale ayant des centaines de bénévoles dans 12 universités et du personnel dans trois provinces. Nous nous adressons désormais chaque année à plus de 100 000 jeunes ainsi qu'à leurs enseignants. Toutefois, la demande de nos services dans les différentes provinces, qui nous vient des enseignants eux-mêmes, dépasse à l'heure actuelle nos ressources.
Partant du principe que l'enseignement est devenu l'infrastructure de base qui conditionne tout le reste, ainsi que l'a déclaré le ministre des Finances dans l'exposé qu'il vous a fait la semaine dernière, je me félicite de voir que le gouvernement fait part d'un intérêt renouvelé pour l'enseignement postsecondaire. Je suis d'accord pour dire que l'enseignement doit devenir une priorité nationale et qu'il nous faut investir dans nos jeunes. Toutefois, il faut que cet investissement commence avant qu'ils n'atteignent les collèges et les universités.
Les bourses d'études, les subventions et les crédits d'impôt sont importants, mais le type d'enseignement dont nous avons vraiment besoin pour bâtir une société fondée sur l'innovation, une société d'entrepreneurs qui va en fait prospérer au sein d'une économie axée sur la connaissance, doit commencer avant 18 ans. Si l'on veut au Canada faire naître les talents nécessaires afin de rester le premier pays au monde pour la qualité de vie, il nous faut commencer par l'enseignement donné à nos enfants.
Le Canada compte environ 5,5 millions d'élèves de la maternelle à la 12e année, et environ 1,5 millions d'étudiants suivent un enseignement postsecondaire, quel qu'en soit le type. Il ne s'agit là que de quelque 30 p. 100 de la génération des jeunes ayant l'âge d'être étudiants. Que font les 70 p. 100 restants parmi nos jeunes? Pensez-vous qu'ils quittent de nos jours l'école secondaire en étant prêts à participer utilement à notre économie? Il est probable que non si l'on en croit le taux de chômage élevé chez les jeunes à l'heure actuelle.
• 1140
Je ne suis pas partisan que tout le monde aille à
l'université, mais je suis convaincu cependant qu'il nous faut
faire en sorte que tous nos jeunes sortent diplômés d'une école
secondaire et soient mieux à même de se débrouiller et de répondre
à l'évolution rapide du monde. Ce monde est très différent de celui
que vous avez connu lorsque vous êtes sortis avec votre diplôme de
l'école secondaire.
Le gouvernement fédéral ne peut pas continuer à attendre que nos enfants aient un diplôme et quittent l'école pour répondre à leurs besoins. Pour que les élèves canadiens puissent s'en sortir, a fortiori pour qu'ils puissent prospérer, il faut qu'ils acquièrent de nouvelles compétences de base. Le Conference Board du Canada, entre autres, a procédé à de nombreuses études portant sur les compétences que devaient avoir nos enfants pour occuper un emploi. Il s'agit de la capacité à résoudre des problèmes, à prendre des décisions, à penser de manière critique, à communiquer, à utiliser les techniques d'information, à planifier et organiser, à prendre des risques, à compter, et bien d'autres choses encore. C'est bien davantage que le simple apprentissage de la lecture, de l'écriture et de l'arithmétique dans notre système d'enseignement traditionnel.
Un bon enseignement scientifique répond à tous ces besoins essentiels. Il contribue par ailleurs à préparer nos enfants à travailler dans certains secteurs du Canada à très forte croissance. Pourtant, très peu de maîtres de l'enseignement élémentaire ont une formation scientifique. Ils ne savent pas comment enseigner les sciences. Nos propres recherches ont révélé qu'ils ne se faisaient pas vraiment confiance lorsqu'il s'agissait d'enseigner les sciences et qu'ils étaient nombreux à éviter la chose dans la mesure du possible. Les élèves nous disent généralement qu'ils détestent étudier les sciences parce que c'est ennuyant et parce qu'on ne les laisse jamais rien toucher et jamais faire d'expériences en classe. Comparativement aux maîtres de l'enseignement élémentaire américain, les enseignants canadiens se sentent personnellement moins efficaces. Pourquoi s'étonner alors que nombre d'élèves abandonnent les sciences et les mathématiques dès qu'ils le peuvent, généralement lors des premières années de l'école secondaire. Par la suite, il leur est alors très difficile de se rattraper et leurs possibilités de carrière diminuent rapidement. Ce sont des jeunes perdus pour le Canada.
L'enseignement de la maternelle à la 12e année est considéré comme un domaine qui relève des compétences provinciales, mais l'enseignement doit être une priorité nationale. Les provinces et les territoires collaborent en ayant cette chose à l'esprit. D'ailleurs, un nouveau cadre national s'appliquant à l'enseignement scientifique, élaboré par le Conseil des ministres de l'Éducation, vient d'être rendu public vendredi, et l'on en parle longuement dans le Star de samedi. On y propose un changement radical de l'enseignement scientifique qui est dispensé à l'heure actuelle dans les écoles. Malheureusement, on ne dispose pas en fait de ressources pour mettre en place ce nouveau cadre.
Il est temps que le gouvernement fédéral fasse preuve de son engagement en faveur de l'éducation permanente. Je vous demande de prendre l'initiative et de vous assurer que des ressources seront mises à la disposition de nos enfants et de leurs enseignants. En fait, nous avons vu d'autres pays exceller lorsque l'enseignement devient une priorité nationale. Prenez par exemple Singapour. Il y a 10 ans, Singapour obtenait de piètres résultats lors des tests d'évaluation internationaux. Aujourd'hui, ce pays est à la tête dans le monde. Je crois savoir que Singapour vient d'annoncer une augmentation de 40 p. 100 des crédits d'enseignement. Les meilleurs font de leur mieux pour être encore plus forts.
Si vous acceptez le défi d'aider nos jeunes avant qu'ils ne deviennent de simples statistiques pour le chômage, vous ne serez pas seuls. Le secteur privé et le secteur bénévole sont prêts à travailler. Comme vous l'avez entendu aujourd'hui, le secteur bénévole souhaite ardemment collaborer avec vous.
L'industrie n'a jamais été si disposée à faire des oeuvres philanthropiques à long terme. D'ailleurs, deux des sociétés qui nous patronnent ont investi 1 million de dollars dans Let's Talk Science, et une autre 500 000 $ afin d'améliorer l'enseignement élémentaire. Elles ne pensent donc pas à court terme en ne s'intéressant qu'à nos diplômés. Elles reconnaissent qu'il faut investir dans nos enfants.
Nous sommes tout disposés à travailler avec vous pour obtenir de véritables résultats dans la pratique. Il nous faut tous travailler ensemble en vue de l'avenir.
Merci de votre attention.
Le président: Merci, madame Schmidt.
Nous allons maintenant passer la parole au représentant du Collège Frontière, John Daniel O'Leary.
M. John Daniel O'Leary (président, Collège Frontière): Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier les membres du comité de m'avoir invité parmi vous.
Je suis enseignant et je préside le Collège Frontière. C'est une organisation nationale d'alphabétisation créée en 1899. Nous recrutons et nous formons des bénévoles et nous les envoyons enseigner à des adultes, des enfants et des adolescents de tout le pays qui ont besoin d'être alphabétisés et d'améliorer leur capacité à lire et à écrire.
En ma qualité d'éducateur, je célèbre aujourd'hui un anniversaire important puisque c'était il y a 10 ans, en 1987, qu'a été publié le rapport intitulé Broken Words: Why Five Million Canadians Are Illiterate. Ce rapport a soulevé un énorme intérêt dans tout le pays et, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, on faisait une enquête nationale concernant l'analphabétisme. Un nombre considérable d'activités ont eu lieu depuis lors.
En 1988, le gouvernement fédéral a créé le Secrétariat national à l'alphabétisation et a entrepris de dispenser des programmes d'alphabétisation. Les Nations Unies ont choisi l'année 1990 en tant qu'Année internationale de l'alphabétisation. En 1991, une étude de suivi effectuée par Statistique Canada a confirmé ce chiffre de 5 millions. En 1993, le gouvernement a nommé pour la première fois un ministre chargé spécialement de l'alphabétisation, la sénatrice Fairbairn, qui a énormément fait pour l'alphabétisation au cours de son mandat. Enfin, l'année dernière, nous avons enregistré la publication d'une étude internationale sur l'alphabétisation des adultes, qui a révélé que le Canada jouait un rôle de chef de file en matière d'organisation.
• 1145
Ces 10 dernières années, nous avons fait d'énormes progrès. Je
tiens à le souligner. Il y a 10 ans, il y avait quelques dizaines,
éventuellement deux centaines de programmes d'alphabétisation des
adultes au Canada; aujourd'hui, il y en a plus de 2 000.
Il y a de nouveaux programmes pour les enfants et les familles afin d'éviter l'analphabétisme à l'avenir, et d'intéressants projets sur les lieux de travail et parmi les groupes ayant des besoins particuliers, tels que les Premières nations, pour lesquelles l'analphabétisme est un grave problème de nos jours.
Je tiens à remercier votre comité de son intérêt et de son soutien. J'ai comparu l'année dernière devant votre comité. Certains d'entre vous y siégeaient déjà. Il en ait résulté une augmentation significative des crédits affectés au Secrétariat national à l'alphabétisation, ce qui s'est révélée d'une grande utilité. C'est une chose que je reconnais et que j'apprécie. Par ailleurs, l'allégement fiscal s'appliquant à la TPS sur les articles et le matériel de formation, dont se servent des groupes comme le mien pour former nos bénévoles, a été très utile.
Je vous demande à l'avenir de considérer à quel point l'alphabétisation est importante lorsque vous étudiez les différentes politiques publiques. La santé, la justice, et bien évidemment l'emploi et la formation, sont tributaires de l'alphabétisation. La prévention de la criminalité et bien d'autres choses encore ne peuvent se faire que si la population reçoit et comprend l'information imprimée.
Il y a autre chose dont je veux prendre acte. En ma qualité d'enseignant, j'ai écouté avec intérêt le ministre des Finances nous exposer la semaine dernière avec une telle clarté et de manière si convaincante l'importance que revêtaient l'enseignement et la connaissance pour l'avenir de notre pays. Je pense que c'est quelque chose que nous commençons à tous comprendre. Il nous faut prendre davantage de mesures.
Je considère que le rôle du gouvernement fédéral en matière d'enseignement est de mobiliser les ressources de toute la collectivité en faveur de l'apprentissage et de l'alphabétisation. Cela doit se faire en partenariat avec les entreprises, les syndicats et les groupes communautaires de toutes sortes.
J'ai assisté à une réunion la semaine dernière. L'Association canadienne pour la santé publique organise des ateliers à l'intention des infirmières de la santé publique afin de les aider à comprendre que lorsqu'elles travaillent auprès de familles qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté, nombre de parents ne sont pas en mesure de lire et de comprendre l'information imprimée. Il faut qu'elles le sachent pour bien les informer des questions de santé.
J'ai quatre recommandations à faire.
Premièrement, maintenir le montant des crédits dispensés au Secrétariat national à l'alphabétisation—il fait partie du ministère du Développement des ressources humaines—et envisager de les augmenter l'année prochaine.
Deuxièmement, je le répète, s'assurer que l'ensemble des politiques et des programmes du gouvernement tiennent compte des questions d'alphabétisation. Il nous faut bien voir que nombre de Canadiens ont du mal à lire et à comprendre les documents imprimés.
Nous sortons d'une élection au cours de laquelle chacun d'entre vous a fait circuler de l'information écrite. Je suis sûr que nombre d'entre vous, même la totalité, ont dans leur circonscription des électeurs qui ont du mal à lire et à comprendre l'information que vous leur donnez. Notre régime démocratique est tributaire de l'alphabétisation.
Troisièmement, s'engager à mener une action personnelle en votre qualité de député. Le mois dernier, chacun d'entre vous a reçu une trousse d'information du Secrétariat national à l'alphabétisation vous indiquant ce que vous pouviez faire en tant que député. Je vous invite à en prendre connaissance et à mener une action dans votre circonscription.
Enfin, je le répète, je recrute et je forme des bénévoles en tant qu'agents d'alphabétisation. Toutes les semaines, je reçois des demandes d'emploi de tout le Canada en provenance de jeunes enseignants au chômage. Ce sont des enseignants qui n'arrivent pas à trouver un emploi dans une école. Je voudrais organiser dans ce pays un corps d'alphabétisation, passez-moi l'expression, au sein duquel j'engagerais de jeunes enseignants au chômage venant travailler au Collège Frontière afin de dispenser des cours de formation et d'alphabétisation, non pas dans une salle de classe, mais dans les rues, dans les usines et dans des hôtels comme celui- ci.
Les gens nous demandent souvent où se trouve l'analphabétisme. Il est dans des hôtels comme celui-ci, qui emploie des hommes et des femmes qui ne sont pas très alphabétisés. Par ailleurs, en raison de leur situation professionnelle et personnelle, ils n'ont pas la possibilité de suivre des cours plus structurés. Je peux donner une formation ici aux employés de l'hôtel qui savent lire pour qu'à leur tour ils apprennent à lire aux autres.
Je travaille aussi sur un projet qui dit peut-être quelque chose à certains d'entre vous. Il s'agit du «collège pour les taxis». De nombreux conducteurs de taxi au Canada ont besoin d'apprendre à mieux lire et écrire et, dans certains cas, à parler anglais ou français. Ils travaillent 10 ou 12 heures par jour, sept jours par semaine; ils ne peuvent pas suivre des cours dans une classe. Voilà le genre de choses que l'on peut faire pour mobiliser la collectivité en faveur de l'apprentissage et de l'alphabétisation.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur O'Leary. Certaines de vos idées méritent d'être retenues.
L'exposé suivant sera fait par Daniel Bogue, de l'Etobicoke Brighter Futures Coalition.
M. Daniel Bogue (représentant, Etobicoke Brighter Futures Coalition): Bonjour. Je suis venu remplacer l'un de mes collègues qui m'a demandé vendredi de me présenter au nom de notre coalition.
• 1150
L'Etobicoke Brighter Futures Coalition est une coalition
multisectorielle regroupant divers fournisseurs de services, des
groupes communautaires, des groupes ethnoculturels et des parents
d'Etobicoke qui veulent améliorer le développement et le bien-être
des enfants dont l'âge va de zéro à six ans. Notre mission consiste
aussi à développer un réseau regroupant tous ces partenaires.
Nous avons démarré il y a quatre ans environ et nous étions appuyés au départ par des crédits du PACE de Santé Canada. Par la suite, nous avons bénéficié d'un financement multiple. Nous avons réussi entre autres à rassembler différents partenaires appartenant aux organismes établis, aux programmes communautaires, aux cliniques de santé, etc., ainsi que des groupes de parents, pour qu'ils se penchent sur ces questions.
Nous voulons dire trois choses aujourd'hui.
Tout d'abord, voici quelle est notre analyse. Les gens avec lesquels nous travaillons sont en fait les victimes de la lutte contre le déficit. La réduction du déficit menée avec succès a été obtenue à un coût élevé pour la qualité de vie de nombre d'enfants et de familles. Le message n'est pas nouveau, mais il est utile de le répéter.
Une croissance économique qui crée de la richesse en causant des inégalités sociales et en élargissant le fossé entre les pauvres et les nantis ne donne pas naissance à des collectivités florissantes. Les signes sont nombreux: une dépendance croissance vis-à-vis des banques alimentaires, davantage de parents seuls soutiens de famille qui élèvent leurs enfants dans la pauvreté, un jeune sur six qui ne peut trouver un emploi, une plus longue liste d'attente pour les logements sociaux, l'augmentation du nombre d'enfants dont le poids est faible à la naissance, un moins grand nombre de garderies de qualité, et davantage d'enfants confiés à la Société de l'aide à l'enfance.
Nous travaillons auprès de tous ces enfants et de toutes ces familles. Pour reprendre une analogie médicale, nous avons l'impression d'être parvenus à un point dangereux où les effets secondaires du remède deviennent plus pernicieux que les maux à l'origine.
Qu'avons-nous à dire? L'un de nos messages consiste à dire que lorsqu'on investit dans le bien-être et le développement des jeunes enfants, on investit dans le capital social de demain. L'importance des premières années de la vie a été bien étudiée par différentes organisations, que vous avez entendues elles aussi, j'imagine, des organisations comme Voices for Children et Campagne 2000.
Nous sommes aussi conscients du fait que le ministre des Finances a récemment proposé que l'on dégage des crédits pour renforcer nos connaissances et notre compétence au sein de la nouvelle économie et pour nous aider «à bâtir l'infrastructure des idées et de l'information, dont dépend la croissance économique et les emplois».
Nous tenons à préciser que les citoyens de l'avenir ont non seulement besoin d'acquérir des compétences liées aux emplois mais qu'ils ne pourront le faire que s'ils ont grandi pendant leurs premières années au sein de collectivités qui les appuient, les protègent et les encouragent. Les deux choses sont nécessaires.
Les collectivités harmonieuses ne sont pas uniquement composées de citoyens en mesure de réussir et d'affronter la concurrence, mais de citoyens qui peuvent aussi coopérer et qui tiennent aux autres, ont des relations d'interdépendance et savent faire preuve d'un esprit charitable.
Investir dans les enfants, ce n'est pas seulement leur donner une bonne instruction; c'est aussi mettre à leur disposition dès leur plus jeune âge une collectivité et une famille aimante et propre à les soutenir.
La fin de semaine passée, l'un de mes collègues qui fait aussi de la consultation pour les grandes entreprises me disait qu'il y avait une nouvelle étude... Je ne sais pas quelles sont les sources, mais je pourrais certainement les trouver si quelqu'un est intéressé. Nous connaissons tous les vieilles catégories correspondant au type A et au type B. On a fait une étude pour savoir si les principaux PDG de notre pays appartenaient au type A ou au type B. Tout le monde s'attendait à ce qu'ils soient du type A. Résultat intéressant, 63 p. 100 d'entre eux étaient du type B. Dans un premier temps, tout le monde a été surpris. Rétrospectivement, ça ne m'étonne pas parce que, d'une certaine façon, ceux qui apportent beaucoup à notre société sont aussi ceux qui ont des qualités relationnelles. Ils savent communiquer et travailler de manière interdépendante au sein d'une équipe. Ce sont aussi des choses que les enfants apprennent très tôt.
Notre première recommandation est en fait une vision pour l'avenir et no pas une recommandation précise. Nous considérons qu'il nous faut entreprendre de créer un environnement et une culture donnant droit aux enfants d'âge préscolaire au même type de services et de programmes que ceux qui ont été créés pour les enfants d'âge scolaire et qui font qu'au minimum on sait qu'ils vont à l'école et que l'on peut commencer à examiner leur comportement. Il nous faut prévoir les mêmes droits pour les enfants d'âge préscolaire.
• 1155
Cela signifie que des garderies de qualité, des visites à
domicile pour les nouveau-nés, la promotion de la santé, la
prévention ainsi que des programmes d'intervention précoce pour les
enfants à risque doivent être un droit pour les enfants d'âge
préscolaire comme ça l'est pour les enfants d'âge scolaire.
En second lieu, nous jugeons très important que le gouvernement fédéral continue à s'impliquer et joue un rôle dans tous ces secteurs. Il ne faut pas qu'il se décharge de toutes ses obligations sur les provinces.
On peut citer les expériences que nous avons faites dans nos collectivités, les programmes PACE de Santé Canada ayant permis d'adopter des méthodes novatrices et diversifiées sur toutes ces questions. Il ne s'agit pas de rejeter l'idée d'une intégration, d'une cohésion et de l'appartenance à un réseau, mais l'on peut quand même autoriser une certaine diversité.
La conférence Jane Jacobs qui a été organisée cette semaine à Toronto a bien montré que les programmes ne pouvaient pas être reproduits à l'identique dans toutes les collectivités. Il faut tenir compte des caractéristiques propres de chacune. Je pense que c'est ce que permet un financement diversifié.
Nous voulons remercier—je ne sais pas qui—pour ce qui est du dernier budget. On a parlé de mettre fin au programme PACE. Nous estimons que ce serait une erreur. Nous pensons en fait qu'il faut le maintenir et l'augmenter afin de continuer à appuyer un certain nombre de ces programmes novateurs.
Je vous remercie.
Le président: Nous allons maintenant entendre le représentant de la Coalition oecuménique pour la justice économique, Jim Marshall qui fera la dernière intervention de cette table ronde.
M. Jim Marshall (Coalition oecuménique pour la justice économique): Merci de me donner l'occasion de présenter le point de vue de la Coalition oecuménique pour la justice économique.
La CEJE est un projet national regroupant les églises anglicane, catholique romaine, luthérienne, presbytérienne et unie du Canada. Nous avons pour mandat d'aider les églises membres dans leur mission, qui consiste à promouvoir la justice économique et sociale au Canada et dans le monde.
Tout d'abord, nous nous opposons à des réductions d'impôt généralisées, qui profiteraient surtout aux riches et qui constituent un moyen très inefficace de créer des emplois. Les dépenses directes du gouvernement réussissent bien mieux à stimuler l'emploi en raison de l'effet multiplicateur qui entraîne une augmentation de la demande de biens et de services produits par le secteur privé.
Nous nous opposons aux réductions d'impôt généralisées, mais nous sommes en faveur du rétablissement de tranches d'imposition supplémentaires pour ceux qui gagnent plus de 100 000 $ par an et du recours aux crédits d'impôt pour que les travailleurs pauvres reçoivent davantage d'argent.
Aujourd'hui, alors que le déficit fédéral va presque certainement être éliminé au cours du prochain exercice, nous réitérons avec force qu'il faut accorder une attention renouvelée au déficit social du Canada, qu'il y a un besoin pressant de remédier à la pauvreté des enfants et de créer de bons emplois et qu'il faut nous engager à rétablir les services sociaux.
Le ministère des Finances s'est fixé des buts précis pour éliminer le déficit fédéral. Nous jugeons essentiel maintenant que M. Martin se fixe des buts pour réduire, puis éliminer, la pauvreté chez les enfants. La pauvreté des enfants a augmenté de près de 50 p. 100 depuis 1989, année au cours de laquelle la Chambre des communes s'est engagée à l'unanimité à éliminer la pauvreté chez les enfants au Canada en l'an 2000. Même un objectif modeste qui nous engagerait à réduire de 50 p. 100 la pauvreté des enfants dans un délai de cinq ans, ce qui nous ramènerait au niveau de 1989, serait un bon point de départ.
En plus des objectifs fixés, nous avons besoin d'une stratégie globale pour lutter contre la pauvreté des enfants, une stratégie qui englobe un relèvement de la prestation pour enfants, un programme national de garde d'enfants et un soutien à l'emploi. Nous constatons avec plaisir que nombre d'autres organismes proposent des éléments d'une telle stratégie globale.
Cela consiste, tout d'abord, à permettre aux personnes qui vivent des prestations du bien-être de conserver 50 p. 100 de la prestation améliorée pour enfants. Il est injuste de punir les enfants dont les parents vivent des prestations du bien-être pour la seule raison que leurs parents ne parviennent pas à trouver du travail. Nombre des enfants les plus pauvres du Canada appartiennent à des familles qui vivent des prestations du bien- être, et le principal obstacle pour se sortir du bien-être, c'est le manque d'emploi ou d'une formation professionnelle adaptée. En second lieu, cela englobe un programme national de garde d'enfants, de qualité et abordable, conformément à la promesse faite par ce gouvernement lors de l'élection de 1993. De plus, il convient de mettre en oeuvre une bonne planification fédérale-provinciale afin d'élaborer des lignes de conduite garantissant la création de programmes provinciaux de lutte contre la pauvreté des enfants grâce aux crédits dégagés par la prestation fédérale améliorée s'appliquant aux enfants, plutôt que de s'en servir pour construire des routes ou rembourser la dette provinciale.
Les femmes ont elles aussi été particulièrement touchées par les réductions des dépenses sociales résultant de la diminution des paiements de transfert au titre des services sociaux et de santé. Compte tenu de cette situation, nous proposons que les nouvelles dépenses rendues possibles par l'excédent budgétaire soient affectées en priorité aux programmes s'adressant aux femmes, y compris en ce qui a trait aux transferts fédéraux destinés à l'aide sociale dont bénéficient les femmes vivant dans la pauvreté.
• 1200
Pour être sûrs de ne pas s'égarer et de respecter nos
objectifs dans la lutte contre le déficit social du Canada, nous
avons besoin de recenser régulièrement l'état de santé de la nation
en matière sociale. Nous avons toutes sortes d'indicateurs
économiques qui semblent dicter le programme économique du
gouvernement et il est temps que nous ayons quelque chose de
semblable pour le programme social.
Nous proposons l'élaboration d'un véritable indicateur de progrès sur le modèle de ce qui est étudié par Statistique Canada. Nous réclamons par ailleurs que des discussions en profondeur aient lieu avec les ONG et les intervenants sociaux du Canada pour qu'ils participent à l'élaboration de cet indicateur.
Selon une étude publiée aujourd'hui à Ottawa par le Comité du budget fédéral de rechange, auquel participe la CEJE, près de 60 p. 100 de la réduction du déficit fédéral depuis 1995 est la conséquence des faibles taux d'intérêt, qui ont réduit le coût du service de la dette du gouvernement et stimulé l'activité économique, celle-ci entraînant à son tour une augmentation des recettes fiscales.
Les réductions de dépenses fédérales ont moins contribué au retour à l'équilibre du budget fédéral qu'on le pense généralement. Autrement dit, le ministre des Finances aurait pu réduire le déficit comme il le préconisait en se contentant de bloquer les dépenses de programmes et d'attendre de profiter des avantages de la poursuite de la croissance et de la baisse des taux d'intérêt.
Nous craignons que la reprise économique actuelle et que les perspectives de reconduite des excédents budgétaires soient court-circuitées si la Banque du Canada relève à nouveau les taux d'intérêt. Avec une inflation très faible, un taux de chômage officiel de neuf pour cent et un taux de chômage réel, si l'on compte les travailleurs lassés de chercher et les travailleurs à temps partiel involontaires, qui s'élève à 13 ou 14 p. 100, rien ne justifie un relèvement des taux d'intérêt. Des taux d'intérêt plus élevés ne profiteront qu'aux riches et réduiront l'ampleur des dividendes financiers avant que l'on puisse véritablement créer des emplois et réduire le déficit social.
Les efforts faits par les églises pour lutter contre la pauvreté et l'injustice dans le tiers monde ont été gênés par les compressions imposées à l'Agence canadienne pour le développement international. Nous demandons au gouvernement de cesser les compressions budgétaires et de porter à nouveau l'aide publique au développement qu'offre le Canada à son niveau historique de 0,44 p. 100 à 0,5 p. 100 du PIB. L'OPD canadienne a subi des compressions disproportionnées—40 p. 100 depuis 1991-1992 contre 23,5 p. 100 en moyenne pour les autres programmes. Nous devons revenir en arrière si nous voulons atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 du PIB établi auparavant.
La situation financière du gouvernement s'améliorant, nous sommes confiants que les membres de votre comité sauront défendre la cause des chômeurs et des pauvres du Canada, qui ont le plus souffert des politiques d'austérité du passé. Nous vous invitons ardemment à vous montrer très fermes et à bien faire comprendre au ministre des Finances que la grande priorité, dans le budget de 1998, est de remédier à notre déficit social.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Marshall.
Nous allons passer maintenant aux questions.
[Français]
Monsieur Desrochers, avez-vous une question?
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Je ferai un court préambule, après quoi je poserai deux brèves questions.
Tout le Canada connaît maintenant le triste sort qu'a connu l'hôpital Montfort à Ottawa. D'ailleurs, le jour où le gouvernement Harris avait fait connaître sa décision, notre chef du Bloc québécois, M. Gilles Duceppe, avait réagi en déclarant que les recommandations du gouvernement conservateur ontarien étaient en fait une fermeture déguisée du seul hôpital francophone de l'Ontario.
Madame Plante, n'eût été les réductions des paiements de transfert aux provinces, est-ce que l'hôpital Montfort aurait pu conserver sa vocation? Dans un deuxième temps, face à la décision prise dans le dossier du seul hôpital francophone de l'Ontario, comment voyez-vous le rôle du gouvernement fédéral dans la défense de vos revendications?
Mme Diane Plante: Pourriez-vous préciser votre question?
M. Odina Desrochers: Si vous aviez reçu du gouvernement fédéral les sommes qui étaient prévues, l'hôpital Montfort aurait-il pu conserver sa vocation actuelle?
Mme Diane Plante: Nous avions posé cette question directement à M. Harris, qui nous avait répondu que le transfert aux provinces avait été considérablement réduit. Il nous disait qu'il devait transiger avec le budget dont il disposait et prendre les mesures nécessaires pour le gérer. Il avait alors mandaté une commission pour décider du sort de l'hôpital Montfort.
On nous a dit qu'aucune somme n'avait été identifiée pour défendre les droits des minorités francophones, ce qui a eu pour conséquence qu'on a éliminé les trois quarts des services du seul hôpital francophone de l'Ontario ayant une mission importante au niveau académique et au niveau de toute la gamme des services de santé en français. La mission académique de l'hôpital Montfort a été considérablement touchée, puisqu'il accueillait plus de 200 stagiaires cliniques, dont des médecins, physiothérapeutes, ergothérapeutes et infirmières.
• 1205
Les étudiants ont perdu leur milieu d'enseignement
francophone. On a suggéré que les services soient transférés
dans un hôpital bilingue, mais nous savons que dans un
hôpital bilingue, la langue de travail, c'est l'anglais.
Nous avons des craintes importantes quant à
l'assimilation. On pense que c'est une
décision qui nous fera mourir à petit feu.
M. Odina Desrochers: Ma deuxième question était: est-ce que le fédéral peut prendre le leadership compte tenu de...
Mme Diane Plante: Nous verrions un rôle au niveau de la notion d'équivalence, qui consisterait à vraiment enchâsser dans la loi les droits des minorités et à protéger les services de santé en français. C'est un élément qui est capital pour nous. Actuellement, aucune loi ne protège les francophones hors Québec et ne leur assure des services dans la langue de leur choix.
M. Odina Desrochers: Est-ce que vous avez fait une demande en ce sens au gouvernement fédéral?
Mme Diane Plante: L'hôpital Montfort examine différentes options, dont une injonction qu'elle se propose de déposer si les négociations en vue de reprendre certains services ne satisfont pas à ses attentes. L'injonction est toujours sur la table en ce moment.
M. Odina Desrochers: Merci et bonne chance.
Le président: Merci, monsieur Desrochers. Monsieur Riis.
[Traduction]
M. Nelson Riis: J'ai deux petites questions à poser. Je vois que nous n'avons pas beaucoup de temps. La première s'adresse à Martha et l'autre à Jim Marshall.
Martha, depuis un certain nombre d'années, différents gouvernements fédéraux ont pris des engagements en faveur du financement de la garde d'enfants, mais il semble que depuis une année ou deux la question n'est pratiquement plus à l'ordre du jour. On n'entend même plus les gens parler de garde d'enfants. La question n'apparaît plus dans les grands discours, les discours du Trône et autres. Compte tenu de tout ce que nous avons entendu, pourquoi pensez-vous qu'il en est ainsi, que ce ne soit plus à l'ordre du jour des pouvoirs publics?
Jim, je comprends que vous êtes venu représenter ici un certain nombre de vos collègues, mais pourquoi les églises ne n'élèvent-elles pas davantage la voix sur ces questions sociales? Je sais que la Conférence des évêques catholiques a fait de fortes déclarations, et c'est la même chose pour d'autres, mais dans une large mesure, à mon avis, les églises de notre pays restent silencieuses sur ces grandes questions sociales dont on parle aujourd'hui. Comment cela s'explique-t-il à votre avis? Comment se fait-il que les églises apparaissent si timides face à ces grandes questions sociales?
Mme Martha Friendly: Je pense que la garde d'enfants n'est évidemment plus à l'ordre du jour social du gouvernement. Je ne sais pas si c'est cela que vous évoquiez. La dernière législature, au cours de laquelle l'opposition n'a pas été très forte, explique toute cette situation à mon avis.
Je considère que la garde d'enfants a été marginalisée dans la structure du gouvernement fédéral et considérée comme une simple question déterminant la possibilité d'occuper un emploi. J'ai écouté avec intérêt la coalition d'Etobicoke, la Brighter Futures Coalition, nous parler du PACE, un programme pour la petite enfance financé par Santé Canada, l'un de ces programmes limités et isolés dont j'ai parlé. Ce qui s'est passé, à mon avis, c'est que l'on a mis à l'ordre du jour la question de la pauvreté en ce qui concerne les enfants. Je trouve que c'est très important, la question étant bien plus complexe que la façon dont on cherche à la régler, et les intervenants en ont déjà parlé.
Bien évidemment, la garde et l'enseignement dès la petite enfance, ou encore le développement dès la petite enfance, sont tout à fait à l'ordre du jour sur la question de la pauvreté des enfants, mais étant donné que le gouvernement fédéral est incapable de prendre des décisions, ou peut-être en raison des contraintes que lui impose la situation du Québec, de même que le déficit, la garde d'enfants est évidemment une question de financement et de politique. Il ne s'agit donc plus de financer un nouveau programme national.
La question ne fait plus partie de l'ordre du jour politique du gouvernement parce que ce dernier a décidé de ne plus prendre d'initiatives dans le secteur des programmes sociaux national, comme il l'a répété dans le discours du Trône l'année après l'adoption des paiements de transfert du Canada au titre des services sociaux et de santé.
Je ne pense pas que l'on puisse améliorer les services de garde et d'enseignement dès la petite enfance dans notre pays si le gouvernement fédéral ne prend pas en fait l'initiative. Je considère qu'à la place d'un programme national de garde d'enfants, on nous a présenté des solutions parcellaires, telles que le PACE, qui sont en soi des programmes utiles mais qui ne répondent qu'à une petite partie des besoins.
• 1210
Je ne sais pas si ça répond à votre question, monsieur Riis,
mais j'ai l'impression que le gouvernement fédéral ne juge plus
utile de poursuivre une politique de garde d'enfants. D'un autre
côté, il est inévitable que la question continuera à se poser. Elle
se posera dans le cadre de l'apprentissage de la lecture, de la
lutte contre la pauvreté des enfants et des engagements
internationaux au titre de la convention de l'ONU sur les droits
des enfants. À n'en pas douter, lorsque l'on se posera la question
de la politique nationale à mener au sujet des enfants, cela en
fera inévitablement partie. Je répète qu'il va bien falloir que le
gouvernement du Canada se penche sur la question de la garde et de
l'enseignement dès la petite enfance.
Le président: Monsieur Marshall.
M. Jim Marshall: C'est une question intéressante, Nelson.
Ce que l'on doit garder à l'esprit, à mon avis, c'est que nos églises nationales ont dû faire face aux mêmes types de contraintes budgétaires et de besoins pour... Nous avons tous subi des réductions de personnel et il nous a été plus difficile d'agir de manière indépendante—au niveau de chaque église—et détaillée sur chacune des grandes questions qui touchent le pays.
Ces cinq dernières années, plus particulièrement, nous avons cherché davantage à oeuvrer au sein de coalitions oecuméniques comme la Coalition oecuménique pour la justice économique. Nous avons davantage hésité à intervenir individuellement pour avoir plus de temps à consacrer plus précisément à ces questions de politique.
Deuxièmement, plusieurs d'entre nous ont pris du recul pour se consacrer à long terme à leur paroisse et faire du travail d'animation et d'éducation à long terme au sein de nos congrégations locales, reconnaissant ainsi que d'importants changements se sont produits dans notre pays, changements qui portent sur la façon dont nous définissons notre tissu social et dont nous considérons les choix qui s'offrent légitimement pour l'avenir.
Nous ne voulons pas continuer à préconiser des solutions en partant uniquement de modèles périmés ou encore de situations dépassées qui sont promises au changement, et nous avons donc collaboré à un certain nombre de programmes de recyclage. À l'heure actuelle, par exemple, notre coalition participe avec d'autres à l'organisation d'une série nationale d'ateliers qui s'intitule «Rebâtir une économie morale au Canada». Nous cherchons ensemble à recueillir à la base divers points de vue dans nos paroisses concernant les types de changements politiques que l'on voudrait nous voir étudier.
Le président: Merci, monsieur Marshall.
Monsieur Vandezande, vous voulez intervenir. C'est une question ou un commentaire?
M. Gerald Vandezande: Je voudrais enchaîner sur la réponse donnée par Mme Friendly.
Le président: Allez-y.
M. Gerald Vandezande: Monsieur Riis, je pense que si la garde d'enfants n'est plus à l'ordre du jour, c'est parce que la justice sociale en a disparu elle aussi. Contrairement à ce qu'ils avaient fait dans leur premier livre rouge, les libéraux ont abandonné leurs valeurs. Ces valeurs ne sont plus à l'ordre du jour et il n'en est resté qu'une, en l'occurrence celle de la réduction du déficit budgétaire, et c'est tout un changement.
Il y a là, à mon avis, une crise fondamentale des valeurs et de la façon dont nous concevons l'avenir de notre pays, la vie en communauté, la façon dont nous traitons les enfants, les pauvres, les familles, les chômeurs, etc. À moins que le Parlement—tous les partis confondus—ne se mette à considérer la garde d'enfants, la pauvreté et le chômage comme des questions nationales et non partisanes exigeant des solutions non partisanes, nous continuerons à être en porte-à-faux en raison de l'existence de valeurs concurrentes, et cela ne nous mènera nulle part.
Cela nous ramène en partie à la question soulevée par M. Desrochers. L'abandon de la communauté française par le gouvernement provincial est dû en partie au RAPC. Si le RAPC n'avait pas été supprimé, mais renforcé, ou encore si les paiements de transfert au titre des services sociaux et de santé avaient prévu suffisamment de normes claires et remises à jour, s'appuyant sur un mécanisme de contrôle de l'application, le gouvernement Harris n'aurait pas pu abandonner la communauté française et fermer arbitrairement des hôpitaux. Nous aurions alors eu quelque chose.
• 1215
Votre comité, comme il l'a fait par le passé, doit exiger du
premier ministre ainsi que du ministre des Finances—le ministre
des Finances, c'est tout à son honneur, a d'ailleurs bien commencé
dans son discours de Vancouver—repensent les valeurs qui doivent
guider ce pays. Le débat ne porte pas sur des questions
financières, a-t-il déclaré, mais sur des valeurs. La question est
alors de savoir quelles valeurs votre comité permanent va faire
valoir au Parlement, au ministre des Finances et au premier
ministre afin de leur montrer que nous sommes entrés dans une
nouvelle ère. Ces valeurs doivent aussi faire comprendre, à l'ouest
comme à l'est du Canada, de même qu'au Québec, que nous avons
besoin d'un nouveau projet, d'une nouvelle union pour que la
cohésion sociale et l'unité nationale ne soient pas un vain mot,
non seulement par opposition au séparatisme politique qui menace
aujourd'hui la vie nationale, mais aussi aux profondes divisions
que l'on enregistre dans les domaines économiques et sociaux.
Sinon...
Le président: Merci, monsieur Vandezande.
M. Gerald Vandezande: Si ces clivages ne sont pas supprimés, la crise sera pire qu'avant.
Le président: Nous devons donner à d'autres intervenants la possibilité de prendre la parole. Je vous remercie.
Mme Lillian Morgentau: Je dirai bien simplement que lorsqu'on fait des enfants, ils ne naissent pas dans le vide. Je suis sûre que nous aurons bientôt des enfants qui naîtront en laboratoire dans des tubes, mais pour l'instant ce sont les parents qui les élèvent, les deux ou un seul d'entre eux.
Il faut être très réaliste, on nous parle de la pauvreté des enfants et de toute autre forme de pauvreté et on ne veut rien faire, ce qui n'est pas mon cas, mais il ne faut pas mélanger les problèmes. C'est tout à fait impossible.
Lorsque je suivais des cours d'économie, mon professeur nous a dit un jour: «Mesdames et messieurs, tout, absolument tout, est fondé sur l'économie.» À l'époque, je pensais qu'il exagérait un peu, mais lorsqu'on y pense, une fois que l'on aura remédié à la situation financière canadienne, on aura à n'en pas douter suffisamment d'argent pour faire tout le reste.
Tout le reste, c'est quoi? Je pense qu'il nous faut parler en termes de responsabilité. Celui qui a un enfant a une responsabilité. Si vous n'êtes pas responsable, quelqu'un d'autre doit l'être à votre place. Soyons donc très réalistes. Essayons d'enseigner la responsabilité et de prendre soin de ce que nous produisons, que ce soit un enfant, un légume ou n'importe quoi d'autre.
Le président: Monsieur Jones, vous voulez poser une question?
M. Jim Jones: Quel est le seuil de la pauvreté—je pense que Gerald en a parlé—dans la région de Toronto et en Ontario? Donnez- nous la définition d'un riche. Cela étant établi, quel est le pourcentage de riches et, par opposition, de gens qui élèvent leurs enfants dans la pauvreté? Par ailleurs, quel est le pourcentage d'étudiants qui ont ces prêts de 20 000 $ à 25 000 $ en sortant de l'université? Tout d'abord, j'aimerais que vous me définissiez ce que l'on entend par riche et par pauvre.
M. Gerald Vandezande: Il y a différents seuils de pauvreté selon les villes et les régions. Citizens for Public Justice utilise les seuils fixés par Statistique Canada pour les bas revenus. Nous n'appliquons pas les seuils retenus par l'Institut Fraser parce que nous estimons qu'ils sont notoirement mal adaptés aux besoins des gens. Donc, selon la taille de la famille—le nombre d'enfants et le nombre d'adultes—les seuils de pauvreté varient énormément, en fonction du coût de la vie dans chaque région.
Nous considérons que le seuil de pauvreté correspond...
M. Jim Jones: De quel chiffre vous parlez?
M. Gerald Vandezande: Excusez-moi, mais j'ai subi une série de petites attaques et ma mémoire en ce moment... Je me ferai cependant un plaisir de vous le fournir.
M. Jim Jones: Je peux vous donner ce chiffre. Pour une famille de quatre personnes de Toronto, le seuil des bas revenus est de 31 753 $. Définissez-moi ce que vous entendez par riche. Qui sont les riches?
M. Gerald Vandezande: Par «riche», nous entendons à la fois des gens qui gagnent suffisamment et qui mènent une vie intéressante. Autrement dit, dans cette course à l'argent qui nous amène continuellement à augmenter le produit national brut et notre prospérité matérielle au détriment de la qualité de vie, ceux qui en bénéficient sont les personnes financièrement, socialement et politiquement puissantes. Les statistiques sont là pour le montrer. Je suis sûr que Centraide et les divers organismes qui se trouvaient autour de cette table à 8 h 30 pourront vous donner d'autres statistiques.
Dans la situation actuelle, il faut qu'il y ait une nouvelle solidarité socio-économique entre les gens à l'aise, d'une part, et les chômeurs ainsi que les personnes à faible revenu, de l'autre. Cela signifie, comme on l'a fait dans d'autres pays, qu'il faut non seulement avoir un revenu minimum, mais aussi un plafond concernant les revenus. Il faudrait faire ce qu'a proposé le premier ministre Schryer il y a bien longtemps: faire en sorte éventuellement que le revenu maximum ne soit pas plus de sept à dix fois plus élevé que le revenu minimum.
Nombre de gens aisés nous disent: «Les prestataires du bien- être peuvent s'en sortir facilement avec le salaire minimum ou les taux d'aide sociale actuels». Eh bien, s'il en est ainsi, les gens aisés pourront certainement s'en sortir avec sept fois cette somme.
Il conviendrait que le gouvernement mette en place un barème d'impôt sur le revenu bien plus progressif et une structure de crédits d'impôt remboursable bien plus généreuse pour que l'on puisse combler le fossé dans toute la mesure du possible en agissant au moyen du barème de l'impôt sur le revenu et de la taxe de vente, et qu'il n'ait pas honte de le faire, parce qu'il s'agit là d'une valeur fondamentale. M. Martin a déclaré en 1996 devant votre comité puis, par la suite, lors d'un entretien avec l'Ottawa Citizen et à nouveau encore à Vancouver, qu'il est scandaleux qu'il y ait un tel fossé entre les dirigeants très grassement rémunérés et les personnes à très faible revenu.
Lorsque je suis entré ce matin à 8 h 30, il y avait un homme qui dormait à l'extérieur de l'hôtel de ville. Il faudrait que votre comité interroge cet homme qui dormait enroulé dans sa couverture.
Selon les prévisions, il y aura des milliers de gens qui vont dormir dans les rues de Toronto cet hiver, en partie en raison de la suppression du RAPC, en partie en raison des échecs du gouvernement Harris, parce que c'est notre faute à tous si nous ne réussissons pas politiquement à faire bloc et à dire que nous ne pouvons plus, en toute bonne foi et en toute conscience, accepter une telle dégradation de l'humanité. Sinon, nous pourrons faire tout le bien imaginable sur des questions comme les mines au plan international, les espoirs que l'on a mis dans notre pays seront déçus.
Je pense donc qu'il nous faut dire, en tant que porte-parole du Parti progressiste-conservateur, de concert avec les réformistes, les néo-démocrates et les libéraux: «Pour le bien de notre identité nationale et en prévision de l'avenir, il nous faut faire quelque chose et nous voulons appuyer M. Martin lorsqu'il affirme qu'il faut combler ce fossé scandaleux».
Le président: Merci, monsieur Vandezande.
Nous allons passer à M. Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être venu se présenter devant notre comité ce matin. Nous avons maintenant l'occasion de discuter des priorités de notre pays et des valeurs que nous partageons tous. La discussion a certainement été très utile au comité et lui permettra de définir ses priorités dans son rapport.
J'ai deux questions à vous poser. La première concerne la façon d'aborder la pauvreté des enfants. Vous direz peut-être, madame Friendly, que la méthode que nous avons adoptée jusqu'à présent est à certains égards dysfonctionnelle.
Je tenais à faire le lien avec ce que vous avez déclaré, madame Schmidt, au sujet de la nécessité d'intervenir très tôt en matière d'enseignement et de promouvoir l'innovation, étant donné que cela faisait partie du débat lancé par le ministre Martin. Vous pourriez peut-être m'indiquer en quoi les choses sont reliées et quel rôle le gouvernement national doit jouer pour appuyer précisément l'innovation dans le domaine qui vous intéresse.
Avant que vous me répondiez, cependant, j'aimerais poser une autre question plus technique à M. Cardozo.
Relativement aux commentaires que vous avez faits au sujet du dernier budget et à l'appui que vous avez apporté aux initiatives visant à fournir des crédits supplémentaires aux organismes de charité, nous avons entendu ce matin un organisme de charité local nous donner un témoignage que j'ai trouvé très préoccupant. Cet organisme nous a dit que nous nous engagions à peu près dans la même voie que les États-Unis.
• 1225
Les organismes de charité ont bien reçu des crédits
supplémentaires, mais certains organismes et groupes locaux, tels
que les banques alimentaires locales, éprouvent des difficultés à
obtenir les crédits dont ils ont besoin dans leur propre
collectivité. Ils estiment que les mesures d'incitation fiscale que
nous avons instituées en sont peut-être les responsables. Vous
pourriez peut-être me dire ce que vous en pensez.
Mme Martha Friendly: Je pense que vous m'avez posé la question des relations entre la pauvreté des enfants, d'une part, et la garde et l'enseignement précoce, de l'autre.
M. Tony Valeri: L'intervention précoce, c'est cela.
Mme Martha Friendly: Très bien. Tout d'abord, le gouvernement fédéral a adopté récemment une nouvelle politique concernant la pauvreté des enfants: c'est la nouvelle prestation pour enfants. J'appuie cette forme de sécurité des revenus, même si je n'aime pas certaines particularités de la nouvelle prestation pour enfants. Toutefois, de manière générale, c'est l'une des composantes.
Je parle toujours de garde et d'enseignement dès la petite enfance pour essayer de faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une simple garderie—de confier l'enfant à quelqu'un d'autre. Il faut garder les enfants dans la mesure où la majorité des femmes exercent un travail rémunéré, mais il ne s'agit pas uniquement d'une question de garde. Les recherches effectuées nous ont enseigné qu'un service de garde d'enfants de qualité et qu'un bon enseignement dès la petite enfance ne font qu'un.
Si nous suivions la trace des pays qui ont déjà bien réussi dans le domaine, nous adopterions une politique nationale tenant compte de tout ce que doivent apprendre les enfants jeunes pour s'intégrer à la société, dont leurs parents ont besoin pour exercer ou non un travail rémunéré. Il ne s'agit pas uniquement d'un programme s'adressant aux enfants dont l'un des parents, ou les deux, exercent un travail rémunéré. Il a plusieurs volets, mais ce dont nous avons besoin, c'est d'une approche coordonnée. Nous en avons besoin au niveau national, au niveau fédéral.
Cela ne veut pas dire pour autant qu'il doit s'agir d'un programme administré et dispensé par le fédéral. Il y a des règles constitutionnelles au Canada, mais en l'espèce cette question ne figure plus à l'ordre du jour fédéral. Nous sommes en présence de ce que je considère comme une très mauvaise politique publique regroupant une foule de petits programmes fédéraux et provinciaux disparates qui ne mènent pas à grand-chose, parce que personne n'obtient ce dont il a besoin.
Nous n'avons pas le droit à l'enseignement préscolaire dont Daniel a parlé. Nous n'avons pas les services de garde dont les parents ont besoin s'ils veulent se sortir de l'assistance sociale et suivre des programmes de formation. Nous n'avons pas les services de garde et d'enseignement dès la petite enfance auxquels les parents aisés et ceux de la classe moyenne, ce qui est le cas de nombre d'entre nous autour de cette table, ont eu recours et veulent utiliser. Nous n'avons pas les institutions communautaires qui favorisent la cohésion sociale conformément au rôle joué en Europe par les services de garde et d'enseignement dès la petite enfance.
En tant que parent j'ai employé les services de garde, je suis une féministe appartenant au mouvement des femmes, je fais de la recherche sur l'enseignement dès la petite enfance. Nous passons à côté de la chance formidable de bâtir la société dont certains d'entre nous ont parlé.
J'étais le parent de deux enfants qui sont allés en garderie dès le plus jeune âge. Je travaillais, mon mari travaillait. Mes enfants y ont appris la vie en société d'une façon que l'on ne peut même pas imaginer dans une société plus polarisée comme celle des États-Unis, dont je suis originaire. Ils se sont liés d'amitié avec des enfants appartenant à de nombreuses races et groupes ethniques, et les parents ont appris à se connaître.
C'est une grande chance que de pouvoir bâtir ce genre d'institution communautaire, et nous passons à côté. C'est ce que j'essaie de dire. Cela peut aider dans la lutte contre la pauvreté des enfants. C'est essentiel pour l'alphabétisation et l'enseignement dès la petite enfance. Il est tout à fait prouvé que l'enseignement dès la petite enfance, qui débouche sur un apprentissage tout au long de la vie, favorise l'alphabétisation. C'est la façon dont j'essaie de le présenter.
Il nous faut d'abord une volonté politique de la part du gouvernement fédéral pour que l'on puisse véritablement s'attaquer à ce problème. Je pense que nous avons beaucoup parlé de la capacité à apprendre, de l'enseignement dès la petite enfance, de la pauvreté des enfants, etc. Nous savons tout cela; il faut maintenant agir.
• 1230
J'espère que cela répond à votre question.
Mme Bonnie Schmidt: Je souscris à la nécessité d'avoir une stratégie nationale. L'enseignement doit être considéré comme une question nationale.
Ce qui me frappe, en tant qu'observateur relativement récent de toute cette question de l'enseignement, c'est que le gouvernement semble ne pas vouloir se mêler de l'enseignement qui va de la maternelle à la 12e année parce que c'est un domaine qui relève des compétences provinciales. Pourtant, on s'aperçoit que divers ministères fédéraux s'en occupent en sous-main. Il y a donc un traitement très parcellaire, exactement comme ce qui se passe pour tout ce qui concerne l'enseignement dès la petite enfance.
Il y a des crédits disponibles ici et là, mais il faut vraiment connaître le système pour pouvoir en bénéficier. Je ne pense pas qu'il faille que le gouvernement fédéral s'intéresse de trop près à l'enseignement de la maternelle à la 12e année pour ce qui est de fixer des programmes ou des choses comme ça, mais il faut cependant veiller à ce que les ressources soient disponibles.
Il y a des écoles au Canada qui n'ont pas d'évier ni même d'accès à une ligne téléphonique, et pourtant Industrie Canada, par exemple, installe des ordinateurs dans toutes les écoles. Les responsables oublient toute la formation que l'on doit dispenser en fait aux enseignants comme aux enfants pour qu'ils puissent se servir des ressources que mettent à leur disposition certains ministères. Je pense qu'avec une meilleure coordination, un faible montant de crédits du gouvernement fédéral pourrait exercer un incroyable effet de levier.
Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, l'industrie est prête, mais j'ai l'impression qu'elle attend finalement que le gouvernement prenne l'initiative. Elle veut avoir le feu vert. Elle veut pouvoir exercer un effet de levier avec de grosses sommes d'argent, et nous ne sommes que l'un des petits groupes qui peut s'atteler à la tâche.
Le président: Madame Schmidt, je vous remercie. Merci, monsieur Valeri.
Voilà qui met fin à notre table ronde. Au nom du comité, je tiens à vous remercier. Je suis sûr que nombre des idées exposées ici se retrouveront dans le rapport du Comité des finances. Merci encore.
Nous allons lever la séance jusqu'à 13 heures. Si les députés veulent bien rester quelques secondes, je veux simplement leur donner quelques directives concernant le projet de loi C-2.
La séance est levée.