Passer au contenu
;

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 21 octobre 1998

• 0812

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour.

Conformément à son mandat que lui confèrent le paragraphe 108(2) et de l'article 83.1 du Règlement, le comité reprend ses consultations prébudgétaires. Aujourd'hui, nous sommes à l'Île-du-Prince-Edouard. Nous attendons un certain nombre de députés, qui ont dû prendre le premier avion après avoir voté hier à la Chambre des communes. Comme je ne connais pas l'horaire des vols, je ne sais pas quand ils arriveront.

Le Dr Dohoo a demandé à être entendu en premier pour pouvoir recevoir ensuite une délégation, et je pense qu'il serait bon de l'entendre tout de suite. Nous pourrons ainsi attendre l'arrivée de deux autres témoins, et éventuellement celle d'un certain nombre de députés.

Je vous souhaite la bienvenue ce matin. En règle générale, les témoins qui, comme vous, se présentent devant nous font des exposés successifs de cinq à dix minutes et répondent ensuite à nos questions. Cette fois-ci, je ferai une exception et je demanderai éventuellement au Dr Dohoo de faire son exposé et de répondre immédiatement aux questions pour pouvoir ensuite nous quitter et s'acquitter de ses obligations. Nous passerons ensuite aux autres témoins. Je compte donc sur la collaboration des autres témoins s'ils n'y voient pas d'inconvénient et je vais demander au Dr Dohoo de faire son exposé.

Bonjour, soyez le bienvenu.

Le Dr Ian R. Dohoo (doyen associé, Études diplômées et recherche, Atlantic Veterinary College, Université de l'Î.-P.-É.): Bonjour et merci. C'est avec un grand plaisir que je comparais devant vous ce matin pour faire cet exposé.

J'ai un mémoire très court, de deux pages, que j'ai remis au comité.

[Français]

Je regrette, mais je n'ai pas eu assez de temps pour traduire le mémoire en français.

[Traduction]

Ce mémoire comporte aussi une annexe. Elle s'intitule Veterinary Research and Human Health. Nous vous en avons remis 30 copies, en anglais uniquement.

[Français]

Nous avons aussi apporté 10 copies de la version française, qui s'intitule Recherche vétérinaire et santé humaine.

[Traduction]

Mon exposé sera bref, monsieur le président. Je vais en fait m'en tenir à trois points. Comme l'indique votre fiche de séance, je représente avant tout l'Atlantic Veterinary College, mais je parle aussi au nom de la Confédération des fédérations d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada. Cette intervention revêt aussi un certain caractère national.

Je tiens à vous dire tout d'abord que le financement de la recherche est important et qu'il l'est relativement tout autant dans une petite ville comme Charlottetown qu'à l'Université de Toronto. Notre réputation en tant qu'école professionnelle, tant à l'échelle nationale qu'au niveau international, dépend en fait fortement de nos capacités de recherche, de notre productivité et de nos réalisations passées dans ce domaine. C'est notre réputation nationale et internationale qui fait que les sociétés privées vont être disposées à nous fournir des crédits pour financer d'autres recherches encore et aussi qui nous permet par ailleurs de dispenser des services et d'exercer des activités d'enseignement dans notre pays et dans bien d'autres pays du monde.

• 0815

Dans mon mémoire, j'ai mentionné quelques-uns des pays dans lesquels les activités du corps enseignant de l'Atlantic Veterinary College ont été financées au cours des 12 derniers mois.

Le financement de la recherche est donc important pour nous. Malheureusement, les écoles vétérinaires se retrouvent quelque peu en dehors des grands circuits étant donné qu'elles ne relèvent pas clairement du ressort du Conseil de recherches médicales ni de celui du CRSNG. Nous éprouvons donc quelques difficultés étant donné que nous ne sommes pas visés par les principaux conseils de subventions.

Pour ce qui est du financement de la recherche en général, notamment des dispositions fédérales s'appliquant au financement de la recherche, je dirais tout d'abord que je tiens à féliciter le gouvernement actuel d'avoir créé il y a un an et demi la Fondation canadienne pour l'innovation. Ce fut une véritable aubaine pour les universités. Cela va nous aider à remettre à niveau notre infrastructure. Notamment, je tiens à le remercier d'avoir pris conscience du fait que les petites universités, les petits établissements, dont bon nombre sont situés à la périphérie du pays, ont des besoins particuliers. À l'intérieur de la Fondation canadienne pour l'innovation, on a créé le Fonds de développement de la recherche, qui s'adresse tout particulièrement aux petites universités.

Il y a deux grandes questions touchant le financement de la recherche que je tiens absolument à aborder ce matin. La première est celle des Instituts canadiens de la recherche en matière de santé. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce projet. Il a été lancé par le Conseil de recherches médicales, mais il déborde aujourd'hui largement des activités du CRM. Il y a là un groupe de travail composé de 30 éminents Canadiens. Nous avons la chance de pouvoir compter sur l'un des membres de notre corps enseignant, le Dr Alastair Cribb, qui a été choisi pour représenter la médecine vétérinaire et d'autres secteurs au sein de ce groupe de travail. C'est une proposition qui vise à lancer un nouveau grand projet de financement de la recherche en matière de santé, qui serait établi au plan national et qui élargirait nettement le champ d'activités actuel du Conseil de recherches médicales. C'est cet élargissement du champ d'activités qui intéresse particulièrement le corps enseignant des établissements de médecine vétérinaire.

Il existe quatre collèges de médecine vétérinaire au Canada, qui tous sont homologués au plan international. Nous effectuons tous de nombreuses recherches fondamentales qui portent tout autant sur la santé humaine que sur la santé animale. Il y a cependant bien d'autres types de recherches parmi celles que nous faisons qui, tout en portant en fait sur les questions de santé animale, ont d'importantes répercussions sur la santé humaine.

Je pense que vous êtes tous au courant de la situation terrible à laquelle a dû faire face récemment le Royaume-Uni au sujet de la maladie de la vache folle, de la catastrophe économique que cela a entraînée et de ses conséquences sur la santé humaine. Il n'est pas besoin de remonter très loin pour se remémorer les conséquences catastrophiques de l'épidémie causée par la maladie des hamburgers préemballés aux États-Unis. Il y a bien d'autres domaines dans lesquels la médecine vétérinaire a eu de profondes répercussions sur la santé humaine. C'est ce qui fait effectivement l'objet de ces deux annexes, les annexes qui accompagnent ce mémoire.

Nous pouvons faire un immense travail pour aider, encourager et faciliter le maintien de la santé des Canadiens et nous espérons pouvoir jouer un rôle important de ce point de vue aux fins des ICRS. Nous tenons donc à dire que nous sommes résolument favorables à la création des ICRS.

Aux termes de la procédure suivie—et j'ai indiqué dans mon mémoire qu'il s'agissait là d'une échéance relativement à court terme—le groupe de travail continue à siéger et va soumettre ce projet à l'honorable Allan Rock à la fin du mois. J'imagine que de là il sera soumis à l'examen et à la discussion du cabinet. Je tiens simplement à rappeler qu'un projet comme celui-là a des retombées importantes dans des localités écartées comme Charlottetown et non pas simplement dans des villes comme Toronto et Montréal.

La deuxième question que je veux porter à votre attention se rapporte elle aussi directement au financement de la recherche par le gouvernement fédéral. Il est évident que notre faculté de médecine vétérinaire et que notre organisation qui représente plusieurs facultés de médecine vétérinaire effectue de nombreuses recherches au bénéfice du monde agricole. Notre situation est un peu particulière au Canada comparativement à ce qui se passe dans d'autres pays développés étant donné que si, au niveau fédéral, nous investissons beaucoup d'argent dans la recherche agricole, soit environ 250 millions de dollars par an, par l'intermédiaire d'Agriculture Canada, cela se fait pratiquement exclusivement à l'intérieur des services gouvernementaux. Ce sont les activités de recherche exercées par les stations agricoles exploitées par Agriculture et Agroalimentaire Canada qui sont financées.

• 0820

Loin de moi de vouloir sous-estimer le grand apport de ces stations à notre secteur agricole, mais il n'en reste pas moins que nous n'avons pratiquement pas de financement externe dans la recherche agricole appliquée et que dans tous les pays développés que je connais, il est très rare que l'on ne tire pas profit de toutes les compétences des universités du pays pour appuyer notre secteur agricole.

Le problème s'est encore compliqué récemment du fait d'une mesure prise par Agriculture Canada, qui a mis sur pied un programme qualifié de projet d'investissement à part égale, les crédits apportés par les entreprises du secteur pour appuyer la recherche devant être égalés par Agriculture Canada. Certes, j'applaudis tous les efforts qui sont faits pour encourager et multiplier les aides et la participation du secteur privé à la recherche, mais c'était là l'une de nos principales sources de recherche. Le résultat, c'est que cela nous a mis désormais en concurrence directe avec Agriculture Canada pour bénéficier de cet argent, et bien entendu Agriculture et Agroalimentaire Canada a la possibilité de mettre sur la table un montant équivalent de dollars.

Je veux bien que l'on comprenne là encore que je ne cherche pas à empêcher Agriculture Canada d'effectuer d'utiles recherches. Nous entretenons des relations de travail très productives avec les stations de recherche agricole ici à Charlottetown, comme le démontre notre collaboration de l'année dernière lors de la mise sur pied d'une installation de recherche sur les porcs, mais nous avons réellement besoin d'un mécanisme d'appui externe à la recherche agricole dans notre pays. Il faut que ce soit un projet à long terme, mais je tenais à signaler cette question à votre attention.

Ce sont là les trois points que je tenais à souligner. Tout d'abord, le financement de la recherche est important. En second lieu, notre collège ainsi que les quatre collèges de médecine vétérinaire sont résolument en faveur de la création des Instituts canadiens de recherche en matière de santé. À long terme, enfin, il nous faudra véritablement collaborer avec le gouvernement fédéral à la définition d'un mécanisme approprié de financement externe de la recherche agricole.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Dohoo.

Je vais donner la parole à M. Gerry Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci de votre exposé, docteur Dohoo. Vous nous parlez des disparités du financement de la recherche entre les petits collègues et les plus gros ou ceux qui sont implantés dans des régions plus centrales, à Toronto par exemple. Cela s'explique-t-il par certaines circonstances—nombre d'étudiants inscrits, coût des programmes dispensés aux étudiants, installations et matériel? Est-ce que cela fait partie de l'explication, ou y a-t-il d'autres raisons?

Dr Ian Dohoo: L'un des gros problèmes, c'est que l'on appuie souvent les activités de recherche se rapportant à d'importants groupements d'individus et qu'il est plus facile d'être concurrentiel au niveau de la recherche lorsqu'on fait partie d'un gros groupe. Un petit établissement n'aura qu'une ou deux personnes dans une discipline donnée alors qu'il y en aura 20 ou 30 dans un plus grand centre.

Cela a un certain nombre de conséquences. Tout d'abord, les charges d'enseignement ont tendance à être plus lourdes dans les petits établissements, ce qui laisse donc moins de temps pour la recherche alors qu'il est tout aussi important pour les personnes concernées de rester concurrentielles au plan international.

En second lieu, certains plus gros centres ont bien davantage de facilités à trouver des crédits supplémentaires pour appuyer le développement des programmes. Je vais vous donner un simple exemple, et ce n'est pas pour critiquer l'Université de Toronto, qui est un excellent établissement. Lorsque la Fondation canadienne pour l'innovation a été créée, elle a pu mettre à profit les ressources dont elle disposait pour engager un certain nombre de rédacteurs professionnels de demandes de subventions qui se sont chargés de les présenter à la FCI.

L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard ne dispose pas de telles ressources et il lui est donc plus difficile d'être compétitive. C'est pour tenir compte de cette réalité, je pense, que la FCI a créé un fonds distinct de développement de la recherche s'adressant aux petits établissements, et nous en sommes très heureux car cela contribue quelque peu à donner à chacun sa chance.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. Gerry Ritz: Oui.

Est-ce qu'un meilleur ciblage des crédits consacrés à la recherche serait une bonne chose? Vous indiquez qu'il faudrait absolument s'occuper de l'agriculture dans ce secteur, et j'en déduis que ce n'est pas ce qui se fait à l'heure actuelle.

Dr Ian Dohoo: Oh, non. Ça se fait. Nous avons un programme de santé des poissons de très haut niveau. Il est d'ailleurs probable que c'est lui qui fait le plus pour notre réputation dans le monde.

M. Gerry Ritz: Très bien, vous avez donc déjà l'immense part de cette recherche.

Dr Ian Dohoo: Oui, c'est exact, et nous faisons de notre mieux pour tirer parti de nos points forts.

Il y a aussi des possibilités bien particulières qui s'offrent à nous, c'est l'avantage d'être implanté dans une petite région avant tout rurale. Nos gens qui travaillent dans le secteur des produits alimentaires pour bétail ont probablement accès plus facilement aux populations animales sur lesquelles ils peuvent travailler que ce n'est le cas pour nombre d'autres écoles vétérinaires implantées dans des milieux plus urbains.

M. Gerry Ritz: Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

• 0825

Docteur Dohoo, vous avez indiqué que le projet d'investissement à part égale semble vous concurrencer alors que les ressources et les crédits sont limités. Pouvez-vous nous en dire davantage, et comment éviter cette situation? Y a-t-il en fait une concurrence qui s'exerce sur tous les types de financement potentiels... J'imagine en provenance du secteur industriel, ou se peut-il que certaines sources de financement ne pourront pas véritablement se matérialiser tant qu'il n'y aura pas eu intervention d'Agriculture Canada? Pouvez-vous nous apporter certaines précisions, s'il vous plaît?

Dr Ian Dohoo: Dans le cadre de ce projet d'investissement à part égale, les partenaires du secteur privé qui veulent effectuer certaines recherches peuvent y consacrer un certain montant d'argent et obtenir un crédit équivalent de la part d'AAAF, Agriculture et Agroalimentaire Canada, mais uniquement si cette recherche est effectuée par Agriculture et Agroalimentaire Canada.

À l'heure actuelle, je pense que ce projet bénéficie de crédits de recherche de l'ordre de 35 millions de dollars en provenance du secteur privé. J'ai bien peur qu'il faille se poser la question de savoir s'il s'agit là de 35 millions de dollars supplémentaires que verse le secteur privé en raison de l'existence de crédits équivalents ou s'il s'agit d'un simple transfert en provenance d'autres sources et dont auraient dû notamment bénéficier les universités pour effectuer cette recherche.

Je n'ai pas de statistiques à ce sujet. Je ne pense pas qu'au plan national nous ayons des statistiques sur la composition des crédits de recherche versés par le secteur privé aux universités dans le secteur agricole.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous allons maintenant passer aux autres témoins. Je sais que vous avez vous aussi un horaire très chargé et je tiens à vous remercier d'avoir pris part à nos travaux ce matin.

Dr Ian Dohoo: Tout le plaisir était pour moi. J'en suis très heureux et je vous remercie de m'avoir permis de parler en premier. Nous avons une délégation qui nous vient de Cuba et je suis censé la rencontrer. Je vous dis donc merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien. Je vous remercie.

Nous allons aussi entendre ce matin Mme Mary Boyd, qui est ici à titre personnel; M. Leo Broderick, qui représente le Conseil des Canadiens; M. Shawn Murphy et M. Steve Loggie, qui représentent la Chambre de commerce de la communauté urbaine de Charlottetown; enfin Mme Edith Perry, qui elle aussi est venue témoigner à titre personnel. Nous attendons par ailleurs deux autres témoins.

Nous pourrions peut-être commencer par Mme Boyd.

Mme Mary Boyd (représentante, P.E.I. Health Coalition; Réseau canadien d'action pour l'Î.-P.-É.): Merci, monsieur le président. Je représente en fait deux organisations ce matin, la P.E.I. Health Coalition et le Réseau canadien d'action pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Je commencerais par dire que l'année dernière, ceux d'entre nous qui s'étaient préparés à assister aux audiences de votre comité et qui avaient passé beaucoup de temps à examiner la situation qui règne à l'Île-du-Prince-Édouard pour que vous puissiez en avoir un compte rendu utile se sont sentis particulièrement insultés et blessés lorsqu'à la fin de la séance, en allant prendre un café dans le couloir, ils ont entendu certains membres du comité dire que c'était une perte de temps et qualifier en termes très grossiers les interventions de nos gens.

Pour des Canadiens qui comme nous sont fiers de leur pays, qui aiment leur pays, qui considèrent avoir des droits en tant que citoyens, qui estiment que l'exercice qui nous est présenté aujourd'hui est un exercice démocratique, il est tout à fait déconcertant d'entendre parler ainsi des membres de votre comité à l'extérieur de la salle. Cela signifie que ce que nous disons ne sert à rien, que toutes nos préoccupations, notre générosité, notre recherche, tout ce que les gens nous ont dit—et il y a là bien des choses et bien des idées qui sont remuées—sont écartées. Je ne pense pas non plus que l'on ait cité dans le rapport ce qu'ont dit les intervenants lors de cette séance.

Je tiens à me plaindre de cette situation, parce qu'elle est choquante. Je pense que c'est la seule façon de la qualifier. Je tenais à le dire.

Je sais que c'est difficile. Nous avons soulevé des questions au sujet des politiques, au sujet de la pauvreté. Nous avons cherché à aller jusqu'aux racines de la pauvreté et cela me rappelle ce qu'a déclaré l'archevêque de Recife, Don Helder Pessoa Camara: «Lorsque je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint; lorsque je demande pour quelle raison les gens sont pauvres, on dit que je suis un communiste.»

• 0830

Si nous sommes ici, c'est parce que nous nous demandons pour quelle raison les gens sont pauvres. C'est une question de justice. Ce genre de qualificatif est donc tout à fait inadmissible, mais pour nous c'est le reflet de tout ce qui va mal dans notre pays. C'est le reflet des tendances abominables que l'on voit apparaître aujourd'hui au Canada et de la situation à laquelle nous devons faire face. Le Canada d'aujourd'hui est très différent de celui d'il y a 15 ou 20 ans et je pense qu'il est temps de changer cette situation, monsieur le président.

Après m'être soulagée de ce poids—je sais que ce n'était pas vous et que ce n'était pas votre personnel; c'étaient des députés élus. Je tiens à le préciser.

Il semble que le ministre des Finances hésite encore à se servir de l'excédent budgétaire fédéral pour rétablir les programmes sociaux qui ont disparu avec le démembrement du programme canadien de transfert en matière de santé et de services sociaux et autres compressions budgétaires de ce genre. La dernière excuse est celle des aléas actuels de la bourse. Il semble que la réduction de la dette continue à avoir priorité sur les besoins des Canadiens qui continuent à s'enfoncer davantage dans la pauvreté après les multiples compressions imposées par les gouvernements Mulroney et Chrétien. Les Canadiens qui sont dans cette situation ont besoin de souffler et il faut rétablir à leur intention les programmes sociaux.

Quelle que soit la situation financière du pays, qui est certainement bien plus florissante qu'il y a quelques années, nous avons besoin d'un projet de réinvestissement sur cinq ans dans les soins de santé pour que la part du gouvernement fédéral soit portée à 25 p. 100 du budget de la santé. Au départ, l'assurance médicale était financée à parts égales et aujourd'hui le gouvernement fédéral ne verse plus que 11 p. 100 du total. Il est donc urgent d'agir pour ramener au minimum cette part à 25 p. 100.

Il est important de prévoir dans ce budget un programme financier sur les cinq prochaines années qui réinjecte au minimum 5 milliards de dollars par an dans les soins de santé pendant toute cette période. En l'absence d'un investissement majeur de la part du gouvernement fédéral, vous laissez entendre clairement que vous abandonnez le principe de la médecine pour tous. Nous n'envisageons pas, et nous ne parlons pas pour l'instant de nouveaux programmes mais d'un rétablissement des services essentiels qui ont été supprimés. Il faut en outre que les montants investis dans les soins à domicile servent à garantir une continuité des soins.

Nous savons que les crédits sont là, mais du fait des compressions, notre régime de soins de santé est très malade. En fait, le malade est gravement atteint. Il faut que par sa forte présence, le gouvernement fédéral utilise les gros moyens financiers dont il dispose pour faire appliquer des normes de santé publiques plutôt que de s'en remettre à des régimes privés et à but lucratif. Monsieur le président, je ne soulignerai jamais assez l'importance d'une participation du gouvernement fédéral aux soins de santé et aux programmes sociaux. Pour garantir l'application de normes nationales, nous avons besoin d'un levier. Cette nouvelle union sociale qui se profile aujourd'hui dans notre pays n'est pas une bonne chose. C'est certainement une mauvaise chose pour les Canadiens qui estiment qu'en tant que citoyens canadiens nous avons le droit de bénéficier de bons programmes sociaux.

Si l'ensemble de ce secteur est laissé aux provinces et si le gouvernement fédéral s'en retire, nous n'aurons plus de levier. Nous savons que ceux d'entre nous qui vivent dans les petites provinces les plus pauvres le paieront chèrement. Je pourrais vous citer de nombreux cas tragiques. Il faut en fait avoir une personne très malade ou s'occuper d'une personne gravement atteinte pour faire l'expérience de toutes les lenteurs du système. On supprime aujourd'hui tellement de lits dans les hôpitaux que les familles doivent désormais attendre pour obtenir une chirurgie ou payer des services qui leur reviennent de droit en vertu de l'assurance-santé. La liste en est interminable, mais je ne veux pas m'appesantir là-dessus. Je pense que nous savons tous ce qui se passe et c'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de disposer de bons programmes nationaux et de garantir l'égalité des soins de santé dans notre pays.

Essayons, je vous en conjure, de ne pas nous rabattre sur des systèmes privés et à but lucratif. Il nous apparaît que le gouvernement semble vouloir prendre l'argent des contribuables et le remettre en des mains privées plutôt que de le confier à des fonds publics pour mettre en oeuvre ces programmes. Les soins à domicile et les soins pharmaceutiques ont besoin d'être dispensés dans le cadre de programmes publics et non pas privés. C'est la première chose que je voulais vous dire.

• 0835

En second lieu, je voudrais vous parler du surplus du fonds de l'assurance-chômage. Nous continuons à parler d'AC et non pas d'AE, parce que nous estimons que les gens ont le droit de bénéficier d'un programme d'assurance qui les protège lorsqu'ils sont au chômage. C'était l'objectif de l'AC lors de sa création. Par conséquent, cet excédent appartient à ce programme d'assurance de manière à ce que les chômeurs soient protégés.

Nous constatons aujourd'hui que moins de 40 p. 100 des Canadiens sont effectivement protégés par cette assurance. Nous connaissons de nombreuses personnes qui ont dû subir d'incroyables avanies en raison de l'AC. Les compressions pratiquées dans le régime d'AC constituent l'une des plus graves attaques portées contre les pauvres dans notre pays—non seulement dans une période récente, mais à toutes les époques. Le nouveau système confine les gens dans la pauvreté et met les demandeurs dans de graves difficultés. Ça ne s'arrête d'ailleurs pas là. Selon la façon dont est calculée l'AC à l'heure actuelle, dès que le demandeur manque un certain nombre de semaines, on donne l'impression qu'il a fait quelque chose de malhonnête. C'est alors à lui de prouver qu'il n'en est rien. Certains demandeurs ont eu bien des difficultés à y parvenir.

En troisième lieu, je tiens à signaler que l'on devrait largement s'inquiéter du fait que dans le Rapport mondial sur le développement humain publié en 1998 par les Nations Unies, le Canada est classé au 10e rang parmi les 17 grands pays industriels lorsqu'on se réfère à l'indice de pauvreté humaine. C'est l'héritage des compressions de M. Martin. Il y est mentionné que le Canada est un pays qui a de graves problèmes de pauvreté. D'un côté, on dit que c'est l'un des pays les plus riches du monde. On nous dit que tout va très bien lorsqu'il est classé premier au monde en termes d'indice de qualité humaine. Toutefois, le Canada est classé 10e au monde de ce point de vue et 13e sur 17 pays lorsqu'on compare le pourcentage de gens qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté. C'est un problème très grave.

En tant que membre du comité des finances, vous savez que l'affectation des fonds visant à remédier à la pauvreté est extrêmement importante. Prenez la nouvelle prestation d'impôt pour enfant et voyez ce qui se passe. Les personnes qui sont à l'assistance sociale n'en bénéficient aucunement dans notre province et dans la plupart des autres. Ce n'est absolument pas normal. Ce crédit visait à remédier à la pauvreté au Canada. Il n'était pas censé bénéficier uniquement aux gens qui travaillent.

Bien sûr, nous savons bien que certaines personnes qui travaillent ont besoin d'aide. Il y a beaucoup de familles pauvres qui travaillent et leurs enfants souffrent. Toutefois, si nous ne créons pas de véritables emplois bien payés et offrant une bonne sécurité, si nous ne faisons pas quelque chose pour relever le salaire minimum dans nos provinces—le salaire minimum de l'Île-du-Prince-Édouard est une honte; il ne permet pas de vivre—nous nous assurons que ces travailleurs resteront au-dessous du seuil de la pauvreté.

Il nous faut remédier à la pauvreté en mettant en place des politiques en mesure de donner aux gens ce qu'ils méritent. Autrement dit, je parle d'égalité, de justice, de partage équitable et, là encore, de droits à l'égalité des citoyens de notre pays. Il n'est pas juste de demander toujours à la population de l'Atlantique du Canada d'avoir le niveau de vie le plus faible, le plus haut taux de chômage, les plus gros problèmes de santé, les salaires minimums les moins élevés et le plus gros pourcentage de travail à temps partiel. Je pourrais vous citer encore bien d'autres domaines, et je trouve que ce n'est pas juste. Nous devons remettre notre pays dans le grand chemin sur les questions d'égalité.

Nous vous avons remis un modèle de contre-budget pour l'Île-du-Prince-Édouard. Nous aimerions que vous le lisiez parce que cela vous montre bien ce qui se passe dans notre province. Vous ne manquerez pas d'y voir d'incroyables statistiques sur la pauvreté, qui n'évoluent absolument pas. On peut y voir que 5 millions de personnes vivent dans la pauvreté au Canada, dont 1,4 millions d'enfants—soit un pourcentage ahurissant de 21 p. 100 d'enfants qui au Canada sont frappés par la pauvreté. On y établit aussi des recommandations devant permettre à un contre- budget fédéral de remédier à ce problème.

Il y a des façons d'y remédier; des choix peuvent être faits. Je pense qu'il nous faut tenir compte des recommandations prévues dans les contre-budgets pour remédier à la pauvreté.

• 0840

À l'Île-du-Prince-Édouard, 30 394 familles sur 70 197 gagnent moins de 20 000 $. Plus de 60 p. 100 des familles de l'île gagnent moins de 30 000 $. Seulement 16 300 familles de l'île gagnent plus de 40 000 $. Ce qui est peut-être encore plus significatif, c'est que 25 p. 100 des foyers ne reçoivent que 5 p. 100 de l'ensemble des revenus perçus dans notre province. Cela vous donne une idée des inégalités qui existent. Nous faisons des recommandations pour que le budget provincial remédie à cette situation. Le statu quo n'est pas une nécessité. Il ne faut pas dire qu'il n'y a pas de solutions de rechange, car il y en a.

Ce qui importe, c'est une plus juste répartition des revenus. On n'y parviendra jamais tant que l'on continuera à démembrer les programmes comme celui de l'assurance-chômage, tant que nous refuserons aux enfants de l'aide sociale les bénéfices de la nouvelle prestation d'impôt pour enfants, tant que nous n'aurons pas des salaires minimums plus équitables et de meilleures conditions de travail dans tout le pays et tant que nous ne ferons pas quelque chose pour soulager le fardeau financier des pauvres parce que ce sont les pauvres qui paient le plus d'impôt dans notre pays.

Le dernier point que je tiens à souligner, c'est qu'il y a bien trop de gens qui, du fait de leur pauvreté, doivent s'en remettre aux banques alimentaires. Une nouvelle étude nous révèle que ce sont surtout les femmes et les enfants qui dépendent des banques alimentaires. On a interrogé un échantillon de 153 femmes bénéficiant des programmes de secours alimentaire d'urgence dans la communauté urbaine de Toronto, et ce sondage révèle la présence d'une situation très inquiétante, caractérisée par une grande pauvreté, un manque de nourriture et des privations. Il faut bien comprendre que les privations de nourriture révélées par l'étude existent en dépit de l'aide alimentaire charitable que ces femmes réussissent à obtenir auprès des banques alimentaires, en dépit de choses comme la distribution de dindes à Noël et en dépit d'un grand déploiement de stratégies qui sont mises en oeuvre sur le terrain pour augmenter les faibles ressources de ces foyers. Il nous faut rétablir nos programmes sociaux. Les banques alimentaires, les soupes populaires et les campagnes spéciales ne suffisent pas. Nous devons en revenir aux causes premières de la pauvreté et rétablir les politiques qui ont été mises en place pour garantir l'égalité entre les Canadiens. Je le répète, il faut pour cela que nous soyons protégés par des normes nationales.

Il en est de même pour les soins de santé. À l'heure actuelle, les femmes canadiennes sont obligées de dispenser des soins de santé à domicile à des personnes malades qui devraient soit être hospitalisées, soit être prises en charge par des professionnels. Ces malades doivent être soignés à domicile par des personnes qui ne sont pas qualifiées. C'est un énorme fardeau.

Je n'arrive pas à croire que cela se passe au Canada, avec toute notre richesse. Non seulement nous sommes parvenus à équilibrer notre budget, mais nous avons maintenant des excédents. Ces excédents ont été obtenus au détriment des pauvres de notre pays, au détriment de nos programmes sociaux, au détriment de nos soins de santé. C'est dans ces secteurs que l'on doit reverser nos excédents. C'est la seule façon pour que le Canada puisse garder la tête haute au plan international parce que nous n'avons pas bonne mine lorsque nous comparons nos statistiques en matière de pauvreté à celles des autres pays du monde.

Je vous adjure donc, monsieur le président, de tenir compte de ces paroles, de les prendre au sérieux, d'envisager les solutions de rechange qui figurent dans les contre-budgets et de ne jamais céder à la tentation de baisser les bras parce que les solutions existent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Mme Boyd de vos judicieuses observations.

Je vais maintenant demander à M. Broderick de poursuivre. À l'intention des députés qui viennent d'arriver, je précise que M. Broderick nous a remis un petit questionnaire qui comporte neuf questions. Si vous voulez bien le remplir, vous pourrez ainsi mieux suivre son propos. Je ne sais pas où il veut exactement en venir.

M. Leo Broderick (membre, Conseil d'administration, Conseil des Canadiens): Je vous ai simplement distribué ce questionnaire pour tester vos connaissances sur la mondialisation. Nous savons bien que les répercussions de la mondialisation ne sont pas bonnes pour les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, et certaines de ces situations nous affectent quotidiennement. Si vous voulez vérifier vos réponses, je vais vous donner rapidement les solutions, mais je ne m'y attarderai pas trop. Ce questionnaire a été conçu sur un mode plaisant mais il porte sur des questions très sérieuses. J'en parlerai dans quelques minutes.

• 0845

J'aborderai principalement ce matin quatre questions et je resterai très bref. La première est celle du maintien d'un taux de chômage très élevé dans notre pays et ici même à l'Île-du-Prince-Édouard, et de ce qui est fait pour remédier à ce problème social particulièrement grave. En second lieu, il y a l'augmentation de la pauvreté et la marginalisation des jeunes, des femmes et des enfants. De même, nous assistons à une marginalisation croissante des personnes âgées.

J'évoquerai rapidement les politiques fiscales qui empêchent que l'on partage équitablement le coût des programmes publics dans notre pays et ici même, dans l'Île-du-Prince-Édouard. J'évoquerai très brièvement la question de la réduction de la dette et ce que nous pouvons faire pour prélever davantage d'impôt aux particuliers et aux entreprises de notre pays.

J'aborderai tout d'abord la question de la permanence d'un chômage élevé. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons une politique de développement économique tout à fait dévoyée qui est cause d'une pauvreté généralisée et à grande échelle. C'est la politique axée sur le développement touristique. Dans le monde entier, le tourisme apporte une grande richesse à une petite minorité tout en appauvrissant la majorité.

Ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, il semble que le développement du tourisme se produise désormais à grande échelle. Les personnes qui travaillent dans le secteur du tourisme vont probablement être employées pendant 16 semaines. C'est un travail très saisonnier au salaire minimum et qui concerne un grand nombre de jeunes et de femmes. Si ces personnes travaillent pendant 16 semaines à 5,40 $ de l'heure pendant environ 40 heures par semaine, elles vont percevoir 3 396 $. Nous avons constaté, lorsque nous avons établi le contre-budget, que nombre de travailleurs du tourisme—et ils sont de plus en plus nombreux—sont devenus extrêmement pauvres. Du fait des restrictions qui s'appliquent à l'assurance-chômage, ils ne percevront pas beaucoup d'allocations-chômage.

Si donc nous continuons à appliquer dans notre province une politique de développement économique saisonnière, il nous faut assurer une certaine protection sociale à ces personnes qui contribuent utilement à la société pendant 16 semaines et faire en sorte qu'elles puissent bénéficier d'un salaire ou d'un revenu décent pendant le reste de l'année. Il faut voir aussi qu'une rémunération de 5,40 $ de l'heure est un salaire de misère et nous recommandons que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, relève d'une façon ou d'une autre les salaires minimums.

Bien entendu, la tendance dans tout le pays est de dire que nous n'avons même pas besoin de salaire minimum. En réalité, il n'a jamais été aussi urgent qu'à notre époque de s'assurer que notre population est protégée par une législation du travail qui lui garantisse un niveau de vie décent. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, notamment dans le secteur du tourisme—et cela deviendra encore plus critique à mesure que l'on injectera davantage d'argent dans le développement du tourisme—nous allons nous retrouver avec bien plus de gens qui vivent dans la pauvreté. Le taux de chômage élevé est permanent dans l'Île-du-Prince-Édouard. Il se situe à environ 13 p. 100 et il n'a pas bougé. La pauvreté augmente, je l'ai indiqué, dans les différentes couches de la population.

Je pourrais parler d'autres secteurs que de celui du tourisme, mais nous avons indiqué dans nos propositions que le développement économique peut être utile s'il est communautaire et s'il est confié à la population. Nous avons proposé dans notre contre-budget la création de conseils de travail communautaires qui seraient des organes utiles devant permettre de s'assurer que les collectivités fournissent des emplois offrant des salaires décents et de bonnes prestations sociales.

L'excédent enregistré au niveau fédéral devrait être utilisé dans le cadre de programmes coopératifs avec les provinces pour assurer un véritablement développement communautaire offrant des emplois réels, utiles et bien rémunérés aux personnes qui en ont besoin.

• 0850

Le deuxième point que je veux évoquer, c'est que nous entendons beaucoup parler ces temps-ci de réductions d'impôt, qui sont présentées comme étant la panacée par nombre de partis politiques. On nous dit aussi que les réductions d'impôt favoriseront la croissance économique et la création d'emploi. Rien n'est plus faux. Je pense que ce qui se passe aujourd'hui au Canada, c'est que tout le monde veut bénéficier d'une diminution d'impôt, surtout ceux qui ont largement les moyens d'en payer davantage.

Les études nous indiquent que si l'on prélevait 1 milliard de dollars sur l'excédent pour le consacrer à la fonction publique, on pourrait créer quelque 56 000 emplois. Le gouvernement pourrait l'année prochaine réemployer tout simplement tous les travailleurs de la fonction publique qui ont perdu leur emploi au cours des années 90 dans notre pays. Si nous réengagions les enseignants, les infirmières, les employés du gouvernement et les travailleurs du secteur de la culture, nous pourrions employer 56 000 personnes demain. Les structures sont déjà là pour les accueillir. Les études nous indiquent par ailleurs que si nous remettions 1 milliard de dollars en biens et en services au secteur privé, nous n'aboutirions qu'à la création de 28 000 emplois et que si nous consacrions 1 milliard de dollars aux programmes d'infrastructure dans l'ensemble du pays, nous n'emploierions que 26 000 personnes de plus.

Il est clair que l'embauche de personnes dans la fonction publique procurera davantage de dividendes dans un premier temps et à long terme. Ce n'est donc pas en réduisant les impôts que l'on va remédier à la situation de l'emploi. Toute cette idée de réduction d'impôt part de l'hypothèse fausse que la population de notre pays va choisir d'acheter des biens dans le secteur privé. Nous n'entendons pas les gens réclamer des autoroutes privées. Nous n'entendons pas beaucoup de gens réclamer des soins de santé privés. Nous n'entendons pas beaucoup de gens réclamer un enseignement privé. Pourtant, on nous dit que les réductions d'impôt vont alléger ou réduire les dépenses publiques et que l'on pourra prendre ces économies et aller les réinvestir dans le secteur privé. Je n'entends pas dire que cela soit très demandé dans notre pays, et pourtant on nous dit que c'est ce que veulent les Canadiens.

Cela me rappelle la situation de la Californie il y a 10 ans, lorsque ce débat a eu lieu et que l'on a entrepris de réduire fortement les impôts. Je prendrai l'exemple de l'enseignement public en Californie. La Californie occupait il y a 10 ans le premier rang aux États-Unis pour ce qui est de la qualité de l'enseignement dispensé à la majorité des gens. Aujourd'hui, à la suite des énormes réductions d'impôt et des restrictions imposées aux politiciens qui ne peuvent plus prendre de décisions dans l'intérêt des citoyens, cet État arrive en 36e place et sa situation se dégrade rapidement. Le service dispensé par l'enseignement public a été détruit.

La grande priorité de ce budget doit être axée sur les besoins des chômeurs, des personnes sous-employées et des salariés. Nous n'avons pas besoin de grosses diminutions d'impôt pour les riches et les sociétés. Nous devons augmenter les impôts, nous en avons les moyens, et imposer une petite taxe sur toutes les opérations financières avec l'étranger—vous êtes tous familiarisés avec la taxe Tobin. Je juge important que le ministre des Finances lance ce projet et en fasse une priorité lorsqu'il traite avec les gouvernements étrangers. Cela permettrait de réduire à bien des égards les investissements spéculatifs.

Il convient d'augmenter les impôts qui frappent les entreprises et les riches qui exercent des activités dans notre pays mais cherchent des abris fiscaux à l'étranger. Si les entreprises et les riches cachent leur argent dans des abris fiscaux—et je crois savoir que cela se monte à des milliards de dollars—et refusent de payer de l'impôt sur de l'argent gagné dans notre pays, il nous faut mettre ces abris fiscaux sur une liste noire. Nous devons agir dans ce domaine.

• 0855

Il nous faut envisager un impôt sur la richesse, comme cela se fait en Europe, ainsi qu'un impôt sur les mutations, comme cela se fait aux États-Unis. Nous pourrions ainsi en retirer des milliards de dollars supplémentaires.

Une dernière proposition au sujet de la fiscalité, il nous faut adopter une loi—et il devrait être possible d'instituer cette mesure dans le prochain budget—afin d'imposer une forte surtaxe à toute entreprise qui réduit ses effectifs au cours d'une année où elle a déclaré un bénéfice. Nous voyons dans le journal d'aujourd'hui que le Canadien National a fait disparaître 3 000 emplois supplémentaires alors qu'il a fait d'énormes profits cette année. Nombre de sociétés en font systématiquement autant dans tout le pays. Il semble que le rendement des actionnaires et que les salaires et les bonus des administrateurs soient plus importants que la vie des travailleurs canadiens.

Si le ministre des Finances et les députés de la Chambre des communes pouvaient se désolidariser pour une fois de ces grosses entreprises nous pourrions disposer d'une loi imposant une taxe à toute entreprise qui réduit ses effectifs alors qu'elle a réalisé un bénéfice au cours de la même année.

Nous avons besoin de continuer à établir des objectifs en matière de chômage. Nous n'en avons pas. C'est important, notamment ici à l'Île-du-Prince-Édouard, d'avoir des objectifs à atteindre en matière de chômage. En collaboration avec le gouvernement fédéral, nous pourrions réduire les taux de chômage et faire en sorte que les gens retrouvent des emplois utiles et bien rémunérés.

Je conclurai en indiquant que nous assistons dans tout le pays à une véritable saignée des fonds publics consacrés à l'enseignement public. Je sais bien que l'enseignement public relève des compétences provinciales, mais du fait de la réduction des transferts consentis aux provinces en matière de santé et de services sociaux, nous avons perdu dans notre province des millions de dollars parce que la nécessité de consacrer des crédits à d'autres secteurs tels que celui de la santé et des services sociaux nous amène à prélever de l'argent qui devrait être affecté normalement à l'enseignement public.

À titre d'exemple, l'Île-du-Prince-Édouard est la province qui consacre le moins d'argent par étudiant à l'enseignement public au Canada, et nous approchons aussi du dernier rang lorsqu'on englobe les États-Unis. Nous y consacrons 5 150 $. La moyenne nationale est de 6 074 s$. Nous sommes dans une situation désespérée en matière d'enseignement. Nous avons besoin dans tout le pays de consacrer davantage d'argent à l'enseignement public. Je sais qu'il s'agit là d'une compétence provinciale, mais il y a certainement un moyen d'en arriver à un partage plus équitable en matière d'enseignement public.

L'un des problèmes vient du fait que d'aucuns croient que les partenariats entre l'école et l'entreprise, qui prolifèrent actuellement dans tout le pays, vont permettre d'injecter les fonds nécessaires dans l'enseignement public. Nous avons vu au niveau de l'université, dans le secteur de la recherche, à quel point les crédits consentis par les entreprises peuvent venir corrompre la recherche. Nous voyons dans l'enseignement public que l'ingérence des sociétés dans tout le pays va tout simplement corrompre les esprits de nos jeunes.

Je vous demande donc de tenir compte de toutes ces considérations lorsque vous rencontrerez le ministre des Finances pour le conseiller. De toute évidence, nous avons besoin d'une répartition plus équitable de la richesse dans notre pays.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Broderick.

Je vais maintenant donner la parole aux représentants de la chambre de commerce. M. Murphy, vous allez être le seul à faire un exposé ou est-ce que M. Loggie va aussi intervenir?

M. Shawn Murphy (ancien président, Chambre de commerce de la communauté urbaine de Charlottetown): Je vais faire l'exposé, monsieur le président, et M. Loggie me servira de consultant lorsqu'on nous posera des questions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Excellent.

Monsieur Broderick, vous voulez peut-être nous donner les réponses à votre questionnaire.

M. Leo Broderick: Oui, parce que je dois repartir.

À la question un, quel est parmi les produits suivants celui que ne possède pas Philip Morris, le plus grand cigaretier du monde, la réponse est e), les croustilles Hostess.

J'espère que vous allez tous avoir 10 sur 10 parce que vous ne méritez même pas d'être à votre poste si vous ne répondez pas sans vous tromper à toutes les questions.

Question deux, à quel âge les sociétés nord-américaines commencent-elles à cibler les consommateurs de leurs produits? La réponse, c'est d), à neuf ans. Certains disent que c'est même bien avant cela. C'est absolument fondamental, parce que ces sociétés viennent dans nos écoles publiques pour faire leur publicité. Elles ciblent les jeunes.

• 0900

Troisièmement, quelles sont les deux organisations qui sont les grandes responsables de l'administration de la dette des pays dans le monde et qui mettent en oeuvre des programmes d'adaptation structurelle, handicapant ainsi les économies des pays en développement? La réponse c'est d), le FMI et la Banque mondiale.

Quatrièmement, quelle est la société qui possède plus d'argent que 161 pays? La réponse, c'est Wal-Mart, qui va s'installer bientôt à l'Île-du-Prince-Édouard.

Cinquièmement, quel est parmi les pays suivants celui qui n'est pas membre du Forum de coopération économique de l'Asie et du Pacifique? La réponse c'est d), l'Inde.

Sixièmement, l'année dernière, Michael Eisner, président de la Corporation Disney, a gagné 575 millions de dollars. Combien la société Disney paie-t-elle ses travailleurs à Haïti pour produire des vêtements d'enfants au logo des 101 Dalmatiens qui se vendent au détail 20 $? La réponse c'est a), 6c. le vêtement.

Septièmement, les transnationales vendent 33 p. 100 des biens dans le monde. Quel est le pourcentage de la main-d'oeuvre qu'elles emploient dans le monde? La réponse, c'est moins de 1 p. 100. En fait, je pense que l'on aurait dû parler des 500 plus grosses entreprises, mais cela vous fait bien voir à quel point ces sociétés sont puissantes. Dans la pratique, cependant, les responsabilités qu'elles assument vis-à-vis de la main-d'oeuvre sont très très limitées.

Huitièmement, il y a 20 ans, les États-Unis ont indiqué qu'il y avait 7 000 transnationales qui exerçaient leurs activités dans le monde. Combien y en a-t-il environ aujourd'hui? La réponse, c'est a), 40 000.

Neuvièmement, parmi les cent plus grosses économies dans le monde aujourd'hui, combien y a-t-il de transnationales? La réponse c'est d), 51.

Dixièmement, combien de Canadiens ont fait état en 1996 d'un revenu inférieur à 10 000 $? La réponse c'est c), 5,4 millions.

Ces questions et ces réponses sont très importantes. En fait, les questions sont parfois plus importantes que les réponses.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Je n'ai pas l'intention de divulguer les résultats obtenus par les députés, tout particulièrement les miens.

M. Leo Broderick: Qui a eu 10 sur 10? J'imagine que vous êtes bien partis pour prendre de bonnes décisions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Murphy, vous avez la parole. Soyez le bienvenu.

M. Shawn Murphy: Merci, monsieur le président.

M. Loggie et moi-même représentons la Chambre de commerce de la communauté urbaine de Charlottetown. La chambre de commerce est le porte-parole des entreprises dans la région de Charlottetown. Avant de commencer mon exposé, je tiens à préciser que dans leur majorité, nos membres emploient au maximum cinq personnes. Comme vous le savez, ce secteur est le moteur de la croissance économique dans notre pays depuis un certain nombre d'années.

Pour commencer, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, notre organisation souhaite féliciter et remercier le gouvernement des efforts qu'il a fait pour éliminer le déficit annuel de notre pays et entreprendre progressivement d'éliminer la dette accumulée au cours des années passées. Nous considérons que cette démarche qui consiste à équilibrer le budget, à faire baisser le ratio de l'endettement net par rapport au PNB et à éliminer la dette cumulée est la bonne. C'est cette démarche que devra poursuivre le gouvernement lorsqu'il déposera son budget pour 1999-2000 de même que les suivants.

Que nous le voulions ou non, nous sommes convaincus que nous assistons à la mondialisation des entreprises et des économies. Que nous le voulions ou non, nos taux d'intérêt et notre économie sont influencés par la conjoncture politique et les investisseurs étrangers. Il faut que notre pays ait une marge de manoeuvre suffisante pour affronter ces problèmes.

Nous affirmons que l'une des façons de disposer de cette marge de manoeuvre, c'est de faire baisser les taux d'intérêt et les déficits. Nous considérons que la diminution des déficits mène directement à la baisse des taux d'intérêt, à la croissance économique et à la création d'emploi. Surtout, cette façon d'agir donnera à notre administration et à celles qui vont suivre la souplesse dont elles ont besoin pour relever les défis de l'avenir. Nous considérons que le gouvernement n'est pas mandaté pour hypothéquer les générations futures ou pour emprunter à leurs dépens, handicapant ainsi les futurs gouvernements lorsqu'ils devront prendre des décisions. Au moment où nous nous parlons, mesdames et messieurs, il est très important que vous continuiez à appuyer sur le frein et à poursuivre dans la voie actuelle, qui est celle de la réduction du déficit. C'est donc là notre première et, ajouterai-je, notre plus importante recommandation. Toutes nos autres recommandations y sont subordonnées.

• 0905

Notre recommandation essentielle, qui figure en première place dans notre mémoire, consiste à demander que le gouvernement dépose un budget excédentaire pour l'exercice 1999-2000, que ce budget soit fondé sur des hypothèses économiques prudentes et conservatrices, et qu'il continue à comporter une provision en cas d'urgence qui, si elle reste inutilisée, devra être appliquée au remboursement de la dette accumulée par notre pays pour que l'on puisse continuer à faire baisser le ratio de l'endettement net par rapport au PNB.

La deuxième partie de notre mémoire, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, porte sur le fameux dividende budgétaire dont on a beaucoup parlé au cours des six derniers mois. Notre pays, comme bien des entreprises... Bien des problèmes commencent à se poser dans les entreprises, et j'imagine qu'il en est de même pour le gouvernement, lorsque les caisses sont pleines. Je pense que c'est ce que nous voyons aujourd'hui. Dans son budget, qu'il a déposé en février 1998, le ministre des finances a présenté un énoncé de politiques précisant que la moitié des excédents enregistrés à l'avenir serviraient à augmenter les crédits consacrés aux programmes nouveaux ou existants, le reste devant servir à réduire les déficits et l'impôt sur le revenu des personnes.

Nous prétendons que s'il veut consacrer sa crédibilité, il faut que le ministre des Finances s'en tienne à son énoncé de politique. Certains ont laissé entendre qu'il pourrait s'en écarter. Nous faisons savoir au gouvernement que, comme l'ont indiqué M. Broderick et Mme Boyd, la population canadienne a souffert et qu'il est probablement nécessaire d'augmenter les programmes. Nous ne voulons pas entrer dans le débat politique qui consiste à se demander où l'on a le plus besoin de crédits. Il semble que la santé soit la priorité numéro un. Nous demandons que l'on fasse preuve de discipline et que la réduction du déficit soit la priorité numéro un, mais que le ministre des Finances poursuive par ailleurs dans la voie ou selon la formule qu'il a annoncée en février de cette année. Voilà, mesdames et messieurs, quelle est notre deuxième recommandation.

En troisième lieu, nous aimerions aborder toute la question des primes d'EI. Nous reconnaissons qu'il n'y a pas de caisse EI distincte et que les recettes perçues par cette caisse ainsi que les prestations qui sont versées à partir de la caisse sont incorporées au budget général du pays. Nous n'en constatons pas moins que depuis trois ou quatre ans il y a un net décalage entre ce qui est perçu et ce qui est payé. Nous ne préconisons pas que notre pays—le ministre des Finances—absorbe ce déficit, parce qu'il n'en a pas les moyens. Nous recommandons toutefois qu'une diminution soit prévue cette année, comme elle l'a été l'année dernière, et que le ministre des Finances commence à réduire progressivement ces primes pour qu'elles se conforment de manière raisonnable à ce qui est versé. Là encore, cette recommandation est fonction de nos disponibilités financières et il faut que notre gouvernement ait les moyens de la mettre en oeuvre.

La dernière question que je veux porter à l'attention de votre comité ne présente peut-être pas un intérêt majeur, mais c'est quelque chose qui nous intrigue. C'est l'annonce des bourses du millénaire qui a été faite en février. C'est un programme très estimable. On peut difficilement rester ici les bras croisés et le critiquer. Bien des étudiants sont dans l'impossibilité de faire des études en raison des frais de scolarité élevés. Nous dénonçons cependant les méthodes comptables qui ont été utilisées dans le cadre de ce programme ainsi que la véritable finalité de cette annonce. Elle fausse à notre avis la situation financière qui a été présentée aux Canadiens. Nous comprenons bien que cette dotation a été engagée au cours de l'exercice. Nous savons que ce programme sera mis à profit par les étudiants à compter de l'an 2000.

Si notre pays avait un excédent de 40 ou de 50 milliards de dollars, ce serait peut-être une bonne façon de dépenser l'argent du contribuable, mais ce n'est pas le cas. Nous nous demandons simplement pour quelle raison on a agi ainsi. Quelle était la raison de cette mesure? Nous recommandons que le gouvernement ne lance plus de projet de ce type et n'engage plus de dépenses pour financer les programmes mis en oeuvre au cours des années à venir.

• 0910

Le cinquième point que nous aimerions aborder avec votre comité concerne aussi les impôts sur le revenu. Nous proposons que le gouvernement envisage des réductions d'impôt, mais là encore sous réserve de ses disponibilités financières, et que des réductions d'impôt sur le revenu n'interviennent que lorsque le gouvernement pourra se le permettre. Nous ne sommes pas venus recommander une diminution de l'impôt sur les sociétés. Nous ne recommandons pas un relèvement de la déduction pour les petites entreprises. Je pense que la prudence et la mesure doivent être les maîtres-mots à mesure que nous avançons mais qu'à partir du moment où le pays pourra se le permettre, je considère qu'il sera alors justifié de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers ce qui, à notre avis, donnera un coup de fouet à l'économie de notre pays.

La dernière recommandation que nous vous ferons, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, c'est de réduire les dépenses. Je répète que nous considérons que le gouvernement a fait de gros progrès ces dernières années. Nous estimons que la révision des programmes mis en oeuvre, les six critères de contrôle, ont une grande importance et qu'ils sont excellents. Nous demandons au gouvernement de garder les yeux bien ouverts et de s'assurer qu'il n'y ait plus de débordements, que toute augmentation des dépenses correspondant à des programmes existants ou nouveaux fasse l'objet d'un examen selon les critères stricts qui, nous dit-on, sont appliqués à l'heure actuelle, et que les nouvelles dépenses soient épluchées avec un grand soin parce que les dérapages surviennent très rapidement lorsque interviennent des pressions politiques et d'autres facteurs contre lesquels vous devez constamment vous défendre dans votre travail.

Mesdames et messieurs, voilà qui met fin à mon exposé. Nous avons particulièrement apprécié la possibilité qui nous a été offerte de comparaître devant votre comité et de faire cette intervention.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Murphy. Je suis sûr que les députés auront des questions à vous poser.

Nous allons maintenant terminer par Mme Perry. Allez-y.

Mme Edith Perry (témoigne à titre personnel): Bonjour.

J'ai un certain nombre de réflexions et d'observation à faire au sujet de l'enseignement, et cela à l'intention de ceux d'entre nous qui vivent dans l'île et des personnes présentes. Saviez-vous que si l'on cherche cette année le numéro de téléphone d'une école de l'Île-du-Prince-Édouard, il faut consulter les pages jaunes de l'annuaire comme s'il s'agissait d'une entreprise?

Je voudrais aussi vous parler de la fuite des cerveaux, qui semble aujourd'hui faire la manchette des journaux dans différentes provinces. Je vous ai distribué un petit tableau dans lequel je me suis efforcée de vous donner l'évolution de mes revenus depuis 1995. J'ai aussi indiqué en note ce que j'ai touché en salaire avant cette date. J'y reviendrai un peu plus tard. Je tiens à préciser, pour répondre à certains commentaires qui ont été faits au sujet du salaire minimum que lorsque j'ai commencé à travailler à l'extérieur en 1994, j'étais femme de chambre dans l'une des grandes chaînes d'hôtels de l'île. Le salaire minimum était à l'époque de 4,85 $ de l'heure et nous touchions 5 $ de l'heure. Les étudiants touchaient le salaire minimum, ce qui m'a paru bien étrange étant donné qu'ils devaient faire exactement le même travail avec exactement les mêmes résultats. Lorsque j'ai soulevé cette question l'année suivante au moment où l'on m'a réengagée pour l'été, l'hôtel a effectivement porté le salaire des étudiants à 5 $ et a aussi augmenté le mien, le portant à 5,10 $.

J'aimerais vous poser la question pour que vous sachiez ce qu'est un salaire de misère. Combien d'entre vous seraient en mesure de vivre avec ce qui est aujourd'hui une rémunération moyenne de 6,50 $ et de 7 $ de l'heure pendant 25 heures par semaine en moyenne?

• 0915

La plupart de ces emplois sont saisonniers et vont de mai—parfois d'avril—jusqu'à l'automne, éventuellement octobre ou novembre. D'autres emplois, comme celui que j'occupe, durent toute l'année, mais je fais en moyenne 25 heures par semaine. J'ai de la chance, j'ai réussi à faire progresser ma rémunération, vous pouvez le voir dans le tableau, jusqu'à gagner 8,25 $ de l'heure. D'autres personnes qui travaillent avec moi et qui ont moins d'ancienneté ne gagnent que 7,25 $ à 7,50 $ de l'heure.

Imaginez comment on peut faire vivre une famille et entretenir un foyer avec ce genre de revenu. Placez-vous dans cette situation.

Je voudrais dire aussi que depuis mon intervention de l'année dernière, ni ma famille, ni moi-même, n'avons vu les résultats positifs du budget fédéral qui a été voté. Pour moi, qui fait partie de la masse, il n'y a eu aucun effet positif. J'y reviendrai un peu plus tard.

J'ai promis de présenter une lettre émanant de la classe de neuvième année de notre école locale. Il y en aura d'autres. Il en est ainsi parce qu'heureusement l'un de nos enseignants progressiste a décidé de mettre un peu plus d'instruction civique dans nos classes, et je l'en félicite. Vous verrez que les lettres écrites par ces étudiants abordent toute une série de préoccupations. De toute évidence, les grands sujets de préoccupations sont l'enseignement, le coût élevé de leurs études futures, ainsi que la situation relative à l'AE.

Je recommande fortement aux députés de répondre personnellement à ces lettres, de leur accorder toute leur attention et de faire preuve d'une grande sincérité. Si vous ne vous en sentez pas capables, dites-le bien franchement. Il s'agit de la future génération et je pense que vous constatez qu'elle est déjà pleine de sagesse.

Je tiens à attirer votre attention sur une lettre au moins qui, je le sais, fait partie du lot. Cette étudiante est très préoccupée par ce qui se passe à l'AE parce que son père—il s'agit là d'une famille monoparentale—reçoit des prestations de l'AE. C'est un travailleur saisonnier. Il a des difficultés à lire et à écrire. Il se retrouve prisonnier du ghetto des emplois à temps partiel, saisonniers, peu gratifiants et mal rémunérés et sa fille, qui a 14 ans, est prisonnière avec lui de ces mêmes difficultés. Elle comprend suffisamment la situation pour savoir que s'il ne touche pas des prestations d'AE suffisantes pendant le reste de l'année, tous deux vont se retrouver gravement en difficulté.

Je vous demande donc d'accepter ces lettres. Il y en aura d'autres et, une fois de plus, je vous recommande fortement d'y répondre.

Je vais maintenant rapidement évoquer la question des soins de santé et, par la suite, Mary Boyd et d'autres intervenants aborderont toutes les questions liées à l'enseignement, à la pauvreté, à l'analphabétisme et aux soins de santé tout au long de cette séance. Je voudrais simplement ajouter une note plus personnelle et vous faire part d'une situation qui s'est présentée à moi l'autre jour.

Il s'agit du père d'un voisin, une vielle personne, qui s'est retrouvé à l'hôpital et qui est aveugle. Il ne pouvait pas manger les repas qu'on lui apportait pour la simple raison qu'avec toute la confusion qui régnait dans sa chambre, il n'était pas sûr qu'on les lui avait apportés. Il ne pouvait savoir que ses repas étaient arrivés qu'à partir du moment où un membre de sa famille était présent pour l'aider à manger. Il y avait dans le lit d'à côté un autre homme âgé qui était sourd et qui, bien entendu, n'entendait pas quand on lui apportait à manger et qui n'avait pas la chance d'avoir un membre de sa famille pour l'aider à prendre ses repas. C'est donc mon voisin et les membres de sa famille qui veillaient à ce que cet homme puisse manger, sinon il aurait dû se passer de repas.

Ce n'est pas la faute de l'hôpital. Il manque tellement de personnel et les employés sont si surchargés qu'il n'y a personne pour faire le travail. C'est simplement un point que je voulais mentionner en passant.

• 0920

Pour en revenir à mon tableau—c'est l'analyse de ma propre situation et j'ai été moi-même choquée de constater que les retenues pour les prestations de retraite personnelles, le RPC, ont légèrement augmenté, passant de 90c. à 1 $ entre 1995 et 1998. Je ne sais pas exactement combien le gouvernement verse au titre de mon RPC. La retenue d'AC, une autre forme de protection sociale me concernant personnellement, a elle aussi augmenté légèrement, en moyenne de 75c. Quant à la cotisation de l'employeur à l'AC, je crois savoir qu'elle a diminué, mais je ne sais pas exactement dans quelle mesure. La retenue d'impôt sur le revenu a nettement augmenté, passant d'environ 1 $ à 1,25 $. Mon taux horaire est passé entre 1995 et 1998 de 7,25 $ à 8,25 $. Il s'ensuit que mon revenu annuel aurait dû augmenter. Il a cependant diminué en raison de l'augmentation des retenues, y compris celles qui correspondent aux prestations que l'on pourrait me verser. J'en conclus donc que pendant que mon salaire disponible a diminué, les deux retenues correspondant aux prestations qui pourraient m'être versées à l'avenir n'ont que légèrement augmenté et que si je perçois un jour l'AC, je crois savoir que les conditions d'admissibilité sont plus strictes et que le montant des prestations sera moindre.

Dans la plupart des familles ici à l'Île-du-Prince-Édouard, et aussi dans l'ouest du Canada dont je suis originaire, pour que l'on puisse atteindre ou légèrement dépasser le seuil de la pauvreté, qui pour une famille de quatre personnes se situe autour de 21 000 $, il faut que les deux membres du couple, s'il y a un couple, exercent deux ou trois emplois. C'est bien évidemment le cas ici à l'Île-du-Prince-Édouard. Quant aux chefs de familles monoparentales, on leur souhaite bien du plaisir. Celui qui réussit à jongler avec deux ou trois emplois à temps partiel pour arriver à faire une semaine de 40 à 50 heures a bien de la chance. Voilà quelle est la réalité.

Dans mon cas particulier, mon mari a 57 ans. Il exerce une profession libérale. Il aurait été intéressé par l'exposé du Dr Dohoo parce que lui aussi est vétérinaire. Il est au chômage et il doit se rendre dans l'Ouest du Canada pour travailler pendant éventuellement trois ou quatre mois. Le reste de l'année, nous survivons grâce à l'AC.

Le plus jeune de nos trois enfants, qui a maintenant 18 ans, suit les cours de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Vous voyez ce que je gagne. Nous avons quelques économies qui peuvent s'épuiser très rapidement. Nous sommes restés très économes et nous n'avons pas d'hypothèque ni de dettes en souffrance. La difficulté, c'est donc simplement de payer les dépenses courantes, les taxes foncières, l'assurance, les factures d'électricité, et de faire tout notre possible pour aider nos enfants puisqu'ils sont encore tous les trois à l'université. Nous avons probablement un salaire combiné de quelque 25 000 $ par an.

Mon mari n'a aucune chance de trouver un emploi à temps plein. Il est diabétique et si jamais il devient aveugle, ce qui est tout à fait une possibilité, il ne pourra plus trouver du tout de travail. Nos économies s'évaporeront donc très rapidement avant que nous ayons 65 ans. J'ai 56 ans et ma capacité d'emploi, quelles que soient ma formation et mon expérience professionnelles, est nulle elle aussi. Je trie des moules pour gagner ma vie, parce que c'est tout ce que j'ai pu trouver comme emploi.

En décembre 1997, Statistique Canada a fait savoir qu'en 1996 la tranche des 20 p. 100 de revenus les plus élevés avait enregistré une augmentation de revenus de 1,8 p. 100. La tranche des 20 p. 100 de revenus les plus faibles avait enregistré une diminution de 3,1 p. 100. C'était pour l'année 1996 et je suis sûre que la situation ne s'est pas améliorée depuis. Parallèlement, le coût de la vie continue à augmenter, en partie du fait des taxes comme la TPS. Toute diminution de l'impôt sur le revenu, conformément à ce que préconise le ministre fédéral des Finances, ne profitera pas à des gens comme moi qui n'ont qu'un faible revenu, j'en suis certaine. Nous n'avons pas suffisamment de revenu pour bénéficier des dégrèvements que prévoit notre fiscalité et qui profitent en fin de compte aux gros revenus.

• 0925

Ce qui me dérange énormément, c'est d'entendre un député du gouvernement, je crois que c'est vous, monsieur Szabo, laisser entendre que M. Martin devrait modifier la façon dont Statistique Canada mesure la pauvreté au Canada. Apparemment, vous proposez que Statistique Canada fixe les seuils de pauvreté en fonction de la capacité qu'ont les gens à se procurer le strict nécessaire, chauffage et alimentation, par exemple, plutôt que de mesurer la pauvreté relativement à ce que gagnent d'autres Canadiens.

J'aimerais signaler ici qu'avec mon mari, et c'est la même chose pour d'autres familles qui nous entourent à l'Île-du-Prince-Édouard, nous réussissons quand même à vivre avec de faibles revenus. Nous avons du bois dans notre cour, certaines familles ont éventuellement hérité de leur maison familiale ou d'autres encore peuvent compter sur certains membres de la famille élargie pour les aider. Nous trouvons tous les moyens de nous en sortir même si nous n'avons pas beaucoup d'argent.

Ce n'est pas parce que nous y arrivons que nous ne sommes pas pauvres. Je préférerais que mon revenu soit comparable à celui d'autres habitants du Canada. Le risque, c'est que les pauvres se retrouvent laissés pour compte. C'est quelque chose dont il vous faudra peut-être tenir compte lorsque vous vous pencherez sur cette question.

Je trouve aussi très inquiétant les ballons d'essai que lance M. Martin au sujet de la nécessité de se serrer davantage la ceinture et d'être vigilant au Canada dans l'éventualité d'une nouvelle dépression, du fait qu'il n'y a pas d'argent neuf disponible, etc. On dit qu'il a déclaré qu'il nous fallait attendre la fin de la tempête qui fait rage autour de nous, en faisant allusion à cette prétendue grippe asiatique et à la fluctuation erratique des marchés des valeurs mobilières dans le monde, ce que je considère personnellement comme la façon la plus stupide d'évaluer notre action dans une conjoncture économique donnée. La bourse est l'instrument le plus erratique, le plus déraisonnable et le plus dérisoire que l'on puisse employer lorsqu'on manie de l'argent.

Je suis venue vous dire ici que trop c'est trop. J'en ai assez, et d'autres Canadiens comme moi en ont assez, de se serrer la ceinture. Il est temps que d'autres que nous, c'est-à-dire les riches, se serrent la ceinture. Je crois que vous avez répondu à un petit questionnaire sur les grandes entreprises, et je pense qu'il convient de se pencher sur cette question.

Je suis originaire de l'ouest du Canada, région dans laquelle les soins de santé, l'hospitalisation—les débuts de l'assurance médicale—sont apparus, et je veux que l'on puisse bénéficier de soins de santé de toute première qualité: les mêmes pour tous, financés par des fonds publics, accessibles publiquement à tous quel que soit le niveau de revenu, et bénéficiant de crédits suffisants.

Je veux un enseignement public de toute première qualité, comme il se doit. Il faut qu'il soit financé par des fonds publics et qu'il dispose de ressources adaptées et suffisantes parce que le bien-être des prochaines générations dépend de la façon dont nous réglerons ces deux questions.

Je me souviens de la situation lorsque j'avais huit ans et que nous n'avions pas l'assurance-santé; l'hospitalisation n'était pas remboursée. Mes parents ont dû attendre jusqu'à la dernière minute et ma petite soeur a failli mourir parce qu'ils n'avaient pas les moyens de l'hospitaliser. Lorsque finalement ils se sont dits qu'ils n'avaient plus le choix et qu'ils l'ont menée à l'hôpital, elle a été admise immédiatement et opérée d'urgence. Heureusement, elle n'a pas eu de séquelles au niveau de l'ouïe et, bien entendu, elle n'est pas morte. Il n'en reste pas moins que deux ans plus tard, nous avons reçu un avis d'imposition de notre municipalité locale car l'hôpital a appliqué sa facture sur notre compte de taxes. Nous avons failli perdre notre maison. Nous avons vendu trois ou quatre vaches, notre seule source de revenu, pour pouvoir payer les taxes.

Ne revenons pas là-dessus. Ce sont des choses qui arrivent. Il y a des gens, croyez-le ou non, ici dans cette province, dans ma localité et partout au Canada, qui ne vont pas à l'hôpital. Ils ne voient le médecin que lorsqu'ils ne peuvent plus faire autrement. Je pense, Mary, que votre coalition en matière de santé peut le confirmer.

Ne revenez pas à un tel régime. Lorsqu'on fait un sondage auprès des Canadiens, vous savez qu'ils disent que la santé et l'emploi... D'ailleurs, on voit dans toutes les études qui sont effectuées que le chômage, les tensions que cause le fait d'être pauvre, influent sur notre santé. Tout est lié.

• 0930

Je tiens aussi à signaler que ceux d'entre nous qui sont des travailleurs à faible revenu, et cela englobe les gens qui vivent de l'AE ou de l'aide sociale, n'ont pas les moyens de payer des soins de santé ou des écoles. Lorsqu'on parle d'enseignement et de partenariat avec des groupes privés, au bout du compte on va se retrouver avec un système d'enseignement à deux vitesses, et cela a déjà commencé. Je ne parle pas de l'école à domicile; je parle des écoles privées qui s'implantent dans tout le pays et dans lesquelles seuls ceux d'entre nous qui en ont les moyens peuvent envoyer leurs enfants. Est-ce cela que nous voulons?

J'ai été dans une petite école de campagne où il n'y avait qu'une seule classe et l'on peut certes faire des comparaisons avec l'instruction qu'ont reçue les personnes mieux nanties. Elles étaient plus nombreuses; l'assiette fiscale était plus large. Elles ont eu une meilleure instruction que moi. Et cela ne remonte qu'aux années 50.

Nous n'avons pas un gros revenu personnel et la plupart des choses dont vous parlez comme les réductions d'impôt, les allégements fiscaux, ne nous sont d'aucun secours. Je le sais. J'ai calculé l'impôt sur le revenu. Mon mari le fait aussi. Cela ne nous aide pas. Nous payons tout de même la TPS, nous payons les droits d'utilisation, tout le reste, nous le payons de notre poche. Et nous n'avons aucune déduction pour cela. Les quelques dollars qui sont versés aux familles pour les enfants représentent une somme dérisoire. Qu'est-ce qu'on nous donne? Pour un enfant, on a 3, 4, 5, 6, voire 10 ou 20 $? On ne peut même pas acheter une paire de chaussures avec cet argent.

J'ai quelques autres aspects Mary Boyd...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Perry, vous parlez depuis un bon moment. Il y a d'autres témoins qui voudraient prendre la parole et j'aimerais que les membres du comité puissent poser quelques questions. Il me paraît avantageux pour tout le monde d'avoir un dialogue. Vous aurez l'occasion de préciser certains points lorsque vous répondrez aux questions. Si vous pouviez en quelques minutes...

Mme Edith Perry: Il me reste juste un ou deux points à aborder.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien. Allez-y.

Mme Edith Perry: J'apprécie la possibilité que vous m'offrez mais la situation actuelle et l'avenir de notre pays me préoccupent beaucoup. Je crois qu'en tant que membre de la collectivité, j'ai le droit de vous présenter mon point de vue.

Vous devez prendre en considération le fait qu'il y a aujourd'hui dans notre pays d'abondance, des femmes qui n'ont pas les moyens d'avoir des enfants, c'est ce qui ressort d'un rapport de la faculté de médecine de l'Université de Toronto qui a été publié cette année, en avril. Vous savez tous ce qu'est le désir d'avoir un enfant. Il y a des jeunes femmes d'ici, de l'Île-du-Prince-Édouard, qui disent qu'elles hésitent beaucoup à avoir des enfants parce qu'elles ne savent pas si elles vont pouvoir les élever; elles ont dû s'endetter beaucoup pour étudier.

J'ai déjà parlé des retombées que pouvaient avoir les programmes sociaux pour les gouvernements provinciaux et j'en reparlerai plus tard ce matin au cours de la discussion.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Mme Perry.

Nous allons maintenant terminer avec M. Dave Barrett, qui représente le Nouveau Parti démocratique de l'Île-du-Prince-Édouard et qui va témoigner au nom de son chef, le Dr Herb Dickieson.

Bienvenue, monsieur Barrett.

M. Dave Barrett (coordonnateur, Nouveau Parti démocratique de l'Île-du-Prince-Édouard): Merci, Edith.

Je vous demande de m'excuser d'être un peu en retard. Nous sommes très occupés au bureau et le nôtre est très petit. Nous nous en remettons souvent aux bénévoles pour faire avancer les choses.

Honorables membres du comité, mesdames et messieurs, je vous souhaite à toutes et à tous une excellente journée. Je représente aujourd'hui le Dr Herb Dickieson, chef des nouveaux démocrates de l'île, ainsi que le bureau du troisième parti de l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai le plaisir de présenter à votre comité un mémoire qui traite de trois grandes questions, même s'il aurait été très possible d'en choisir davantage.

Nous nous préoccupons, en premier lieu, de l'évolution du programme d'assurance-emploi et des modifications qui lui ont été récemment apportées, notamment sur le plan de l'administration et de l'application de ce programme sur le terrain. Les nouveaux démocrates de l'île s'inquiètent en particulier de trois aspects de ces modifications. Tout d'abord, le nombre des heures de travail qu'il faut avoir accompli pour avoir droit à l'AE a augmenté. Les gains assurés ont diminué tout comme les prestations d'AE. Cela veut dire, concrètement, qu'un résident de l'île qui effectue un travail saisonnier doit travailler davantage pour avoir droit à l'AE, qu'il lui est de plus en plus difficile d'avoir accès à ce programme et qu'il reçoit des prestations plus faibles lorsque finalement, il en reçoit.

• 0935

Dans une province où il y a de nombreux travailleurs saisonniers dans les secteurs de l'agriculture, du tourisme et de la pêche, de tels changements sont tout à fait inacceptables. Il faut que tous les Canadiens reconnaissent que les travailleurs qui effectuent un travail saisonnier dans les secteurs de l'agriculture, du tourisme et des ressources apportent une contribution importante au pays, et ce, tous les jours, et qu'ils fournissent aux Canadiens des biens et des services dont ces derniers ont besoin.

Il est important que tous les Canadiens, et en particulier nos députés, n'oublient pas d'où vient le homard, la prochaine fois qu'ils vont en manger, ni les pommes de terre, ni les merveilleuses vacances qu'ils ont passées avec leur famille sur l'Île-du-Prince-Édouard. Il est probable que ces biens et ces services ont été fournis par des travailleurs saisonniers et il est également probable que ces travailleurs saisonniers vont avoir de plus en plus de mal à survivre à cause de vos décisions.

La réalité économique de l'Île-du-Prince-Édouard et des régions comparables est qu'on y trouve des industries saisonnières. C'est notre façon de vivre. Il ne faudrait pas pourtant en déduire que c'est une coutume traditionnelle ou pittoresque. Nos travailleurs saisonniers fournissent les biens et les services qu'on leur demande et ils ne devraient pas être pénalisés parce qu'ils répondent aux impératifs du marché.

L'orientation qu'a imprimé récemment le ministre responsable de Développement des ressources humaines Canada à son ministère, plus précisément, premièrement, l'adoption d'un modèle commercial, c'est-à-dire la récupération des coûts et deuxièmement, la mise en place de mécanismes d'application de la loi qui sont perçus comme étant rigides, inéquitables et bureaucratiques, soulève un autre problème dans le domaine de l'AE.

La population générale de l'île craint que Développement des ressources humaines Canada tente, par la façon dont ce ministère administre la Loi sur l'assurance-emploi et par les orientations fixées par le ministre, de faire d'un programme social, qui devait au départ profiter à tous les Canadiens, un modèle commercial de récupération des coûts axé sur la stricte application de la loi.

On pourrait citer toute une série d'exemples du coût social qu'ont entraîné pour des particuliers, pour des familles et pour leurs collectivités, les pénalités imposées à des citoyens, présumés coupables, à qui l'on reproche des infractions que DRHC présume avoir été commises. Nous exigeons que l'on revoie complètement ces mécanismes de récupération des coûts et d'application de la loi qui ont été introduits pour s'inspirer du modèle commercial adopté par DRHC.

Il est honteux d'appliquer aux Canadiens à faible revenu un système basé sur la récupération des coûts et les pénalités dont sont assorties des infractions artificielles sont tout à fait irréalistes et visent manifestement à générer des recettes et non à éduquer la population.

Nous aimerions inviter aujourd'hui les membres du comité à prendre en considération l'excédent de l'AE, la situation régionale, le fait que les Canadiens tirent profit des activités saisonnières et qu'ils déterminent ce qui constituerait une méthode raisonnable et équitable d'administrer notre régime d'assurance-emploi.

Notre deuxième préoccupation, et elle a déjà été réglée, c'est pourquoi je serai très bref là-dessus, concerne les soins de santé et les transferts fédéraux aux provinces en matière de santé et de programmes sociaux. Nous estimons, et c'est également l'opinion du Nouveau Parti démocratique en général, tant fédéral que provincial, qu'il convient d'accorder davantage d'importance à ce domaine et qu'il va falloir augmenter ces transferts si l'on veut maintenir les soins de santé à leur niveau actuel. Les fonds consacrés à ces transferts doivent être augmentés et le gouvernement du Canada doit s'engager envers tous les Canadiens à faire de la santé sa grande priorité.

Notre dernier sujet de préoccupation est l'éducation postsecondaire. Nous pensons que le gouvernement se moque des gens et ce sont les jeunes Canadiens qui en subissent les conséquences les plus graves. Nous vous indiquons respectueusement aujourd'hui qu'il faut donner à nos jeunes un accès à une éducation postsecondaire de qualité et nous voulons que le gouvernement du Canada déclare vouloir mettre fin immédiatement à la crise que connaît actuellement l'éducation postsecondaire.

Un exemple suffira à illustrer le problème. En 1995, la dette moyenne des étudiants canadiens qui avaient suivi un programme de quatre ans s'élevait à 17 000 $; en 1997, cette dette était passée à 25 000 $ et on prévoit qu'elle atteindra 40 000 $ en 2003.

En 1995, le taux de chômage moyen des étudiants des cours d'été était de 16 p. 100. Ce chiffre est passé à 19 p. 100 en 1997. Dans les seules provinces Maritimes, on évalue à 25 p. 100 le chômage chez les étudiants. Depuis 1993, les droits exigés à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard sont passé de 229 $ par cours à 331 $, soit une augmentation de 1 000 $ par an. C'est à peu près la même chose dans les collèges communautaires.

Ces chiffres démontrent qu'il existe un grave problème et nous indiquent que, très bientôt, l'éducation postsecondaire sera désormais réservée aux riches. Le secteur bancaire cherche à réduire les prêts aux étudiants, le gouvernement fédéral réduit les crédits affectés à l'éducation, la société exerce des pressions sur les jeunes pour qu'ils décident de s'instruire et pour qu'ils échappent ainsi à la pauvreté, tous ces éléments démontrent que notre pays connaît de graves difficultés dans ce domaine.

Nous pensons qu'il faut rendre le système plus équitable, rétablir les budgets à des niveaux acceptables, créer de meilleures possibilités d'emplois pour les étudiants, encourager les divers secteurs de l'économie, notamment les banques et les entreprises, à inciter le plus grand nombre de jeunes Canadiens possible à s'instruire. Notre avenir en dépend. Merci beaucoup.

• 0940

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, M. Barrett.

J'aimerais passer rapidement aux questions des membres du comité. Nous allons commencer par le Parti réformiste, monsieur Ritz vous avez la parole.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président. Merci beaucoup à tous nos témoins d'être venus nous présenter ces exposés ce matin. Je vais commencer par M. Barrett, puisqu'il était le dernier à parler.

À la dernière page de votre document, vous parlez d'encourager les études supérieures, du coût des programmes de premier cycle, par exemple. Cela semble indiquer que, pour vous, les diplômes universitaires représentent le principal moyen de lutter contre le chômage des étudiants. Ne pourrions-nous pas nous inspirer davantage du modèle européen qui vise plutôt la formation technique? On insiste davantage sur cette formation, qui est donnée principalement dans le cadre de programmes d'une durée d'un ou de deux ans. Ces jeunes entrent ensuite dans la population active. L'investissement demandé est beaucoup plus faible. Ils gagnent de l'argent. C'est une solution au problème de l'emploi chez les jeunes.

Au Canada, les charpentiers, les électriciens, les maçons, les plombiers, les mécaniciens, les carrossiers, et les opérateurs de machinerie lourdes sont très demandés. Ne pourrait-on pas faire davantage dans ce domaine? Je sais que le dernier budget visait principalement les universités. Ne serait-il pas souhaitable de faire davantage pour la technique?

M. Dave Barrett: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je suis en faveur de tout ce qui peut donner de l'emploi aux jeunes Canadiens et contribuer à leur perfectionnement. Nous pensons qu'une bonne instruction est essentielle pour les jeunes. Nous ne pensons pas qu'il suffit de former les jeunes à exécuter certaines tâches précises. Votre suggestion est toutefois intéressante. Nous n'avons abordé dans notre mémoire que trois grandes idées mais nous aurions pu en aborder beaucoup d'autres. Il n'est pas nécessaire que le gouvernement s'intéresse uniquement aux études supérieures.

De nos jours, les universités offrent une gamme de cours beaucoup plus étendue. Il y a des partenariats, etc. On offre des cours dans les secteurs dont vous avez parlé dans les universités et dans les collèges communautaires. Votre remarque est très juste et je vous en remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Perry, s'il vous plaît.

Mme Edith Perry: J'aimerais mentionner que la plupart de ces cours techniques sont offerts par les collèges communautaires et par les écoles techniques; cependant, les jeunes qui suivent ces cours sont obligés de s'endetter lourdement. Ces jeunes ne sont guère avantagés par rapport à ceux qui vont à l'université, si l'on n'adopte pas le modèle européen dans lequel l'apprentissage est intégré au programme.

M. Gerry Ritz: Le secteur privé commence à mettre sur pied des programmes d'apprentissage qui sont intégrés au système d'éducation public.

Mme Edith Perry: Oui. Je ne connais pas très bien les programmes d'apprentissage qui existent en Europe à l'heure actuelle mais je sais qu'il existe quelque chose du genre au Canada depuis 30 ou 40 ans; les gouvernements subventionnent les entreprises pour qu'elles embauchent des jeunes. Je ne pense pas que l'on puisse parler dans ces cas-là d'apprentissage. Mon mari a travaillé pour plusieurs entreprises à Winnipeg qui s'occupaient de cela. Si l'on veut parler d'apprentissage, il faut mettre sur pied de véritables programmes d'apprentissage.

M. Gerry Ritz: Vous avez tout à fait raison. Pour en revenir à ce que disait Mme Perry, elle a mentionné que le dernier budget ne lui avait pas apporté grand-chose.

Mme Edith Perry: Non.

M. Gerry Ritz: On a augmenté les crédits de garde pour enfants mais bien sûr, vos enfants sont trop âgés pour pouvoir en bénéficier. Il y a eu certains allégements fiscaux pour les... C'était un allégement fiscal ciblé, d'après ce que l'on nous a dit, mais vous affirmez que vous n'y avez pas eu droit.

Mme Edith Perry: Non.

Le vice-président (M. Nick Discepola): L'allégement fiscal dont vous parlez, M. Ritz, vient du fait que l'on a augmenté de 500 $ l'exemption personnelle de base, ce qui automatiquement a réduit l'impôt de 500 $.

Mme Edith Perry: Oui, mais en même temps, les taxes foncières ont augmenté,...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous dites que ce n'est pas suffisant mais vous avez obtenu une réduction d'impôt.

Mme Edith Perry: D'un côté, vous nous donnez certaines choses, et de l'autre, vous les reprenez.

M. Gerry Ritz: La difficulté de la situation est qu'il y a trois paliers différents de gouvernement qui lèvent des impôts, les paliers fédéral, provincial et municipal.

Mme Edith Perry: Eh bien, le gouvernement provincial...

M. Gerry Ritz: Lorsqu'un palier réduit ses impôts, l'autre se dit «Oh, il y a de l'argent à faire ici.» Il n'y a qu'un seul contribuable, mais les trois paliers de gouvernement s'en occupent.

Mme Edith Perry: C'est vrai, et lorsque nous parlons des gouvernements, nous voulons dire que tous les gouvernements devraient assumer leurs responsabilités. Le gouvernement fédéral devrait...

M. Gerry Ritz: Travailler de concert.

Mme Edith Perry: Oui.

M. Gerry Ritz: Très bien. Parfait.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Vous pouvez continuer si vous le souhaitez ou nous pourrions vous redonner la parole plus tard.

M. Gerry Ritz: Si vous voulez donner la parole à quelqu'un d'autre pour me la redonner ensuite, cela me conviendrait parfaitement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Excellent. Merci.

Monsieur Paul Szabo, vous avez la parole.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci beaucoup. Je crois que la chambre de commerce n'aurait pas beaucoup d'amis de ce côté de la table, et c'est très bien. Ce sont les personnes qui travaillent directement sur le terrain qui savent ce que c'est, et ce sont elles qui ont les opinions les plus intéressantes et les plus convaincantes.

Madame Perry, nous n'avons pas beaucoup de temps, et je sais que vous n'avez pas entendu la question que j'ai posée à M. Martin...

Mme Edith Perry: Non.

• 0945

M. Paul Szabo: ...parce que vous avez cité Rosemary Speirs, qui a écrit à ce sujet. En fait, si vous aviez entendu la question telle que je l'ai posée, cela voulait dire que les Canadiens ne savent pas qu'il y a de la pauvreté au Canada. Le seuil de faible revenu de Statistique Canada n'est pas un seuil de pauvreté; c'est un chiffre arbitraire qui vise uniquement à établir des catégories. Nous allons devoir déterminer quel est le seuil de la pauvreté, parce que, lorsque cela sera fait, les Canadiens vont être obligés de constater qu'il y a une bonne partie de la population qui vit avec moins de 10 000 $ par an. La plupart des gens qui vivent de la pauvreté ont un revenu de cet ordre. Cela ferait mieux ressortir l'urgence de la situation.

J'ai terminé mes commentaires destinés à M. Martin en disant que, pour moi, la question de la pauvreté, des sans abri, est aussi prioritaire que l'allégement des impôts et les autres dépenses de programme.

Vous m'avez demandé de changer de point de vue. Je tiens simplement à vous dire que je n'ai pas envie de changer mon point de vue.

Mme Edith Perry: Eh bien, dans ce cas, ne vous gênez pas.

M. Paul Szabo: Je ne vais pas me gêner. Si vous saviez ce que je fais... Je ne compte plus les projets de loi qui visaient à aider les familles à faible revenu et à lutter contre la pauvreté chez les enfants. En fait, on parle de pauvreté chez les enfants pour des raisons politiques, c'est en fait de la pauvreté des familles...

Mme Edith Perry: Oui.

M. Paul Szabo: ...qu'il s'agit.

J'aimerais vous poser une question à tous les deux au sujet des façons de lutter contre la pauvreté. Je sais que les provinces veulent récupérer de l'argent. Je sais qu'il faut traiter de cet aspect. Si l'on continue à donner de l'argent aux personnes qui vivent dans la pauvreté, cet argent plus toutes les autres prestations auxquelles elles ont droit vont s'accumuler pour atteindre un montant que l'on pourrait qualifier en fait de revenu annuel garanti. Cela augmente progressivement. Nous allons établir ce dont les gens ont besoin et s'ils n'arrivent pas à obtenir cet argent eux-mêmes, tous les paliers de gouvernement vont leur verser des prestations équivalentes. Nous allons en arriver à un point où je crains fort que le système ne favorise la dépendance.

J'aimerais savoir ce que l'on pourrait faire, d'après vous, pour aider les gens et non pour leur faire la charité. La différence est subtile mais il est bon que les gens se prennent en main. Je me demande si l'on peut faire quelque chose pour lutter contre la pauvreté, à part les solutions évidentes comme donner du travail aux gens ou les aider à en trouver.

Mme Edith Perry: Lorsque vous dites tous les deux, vouliez-vous dire M. Murphy?

M. Paul Szabo: Non, je faisais référence aux différents témoins.

Mme Edith Perry: Très bien. J'ai travaillé au Manitoba dans les services sociaux, pendant un certain nombre d'années avant d'avoir des enfants, après quoi j'ai décidé de rester à la maison. Vous avez parlé de dépendance mais bien souvent, les bénéficiaires dépendent de l'aide sociale pour diverses raisons. Il y a les familles dysfonctionnelles. Il peut y avoir de l'agression sexuelle ou physique. Il peut y avoir de la toxicomanie. Il peut y avoir des problèmes d'apprentissage ou d'analphabétisme. Il y a...

M. Paul Szabo: Les échecs matrimoniaux.

Mme Edith Perry: Oui. Les gens ont des handicaps physiques et mentaux. Ils se trouvent dans des situations où ils sont obligés de recourir à cette aide financière. Il y a donc ce cycle quelle qu'en soit la cause. Lorsque l'on parle de revenu garanti, il faut également tenir compte de l'ensemble des ressources qui existent.

Il faudrait donner des fonds aux petites entreprises pour les aider à embaucher des gens... Je crois que cela commence à se faire et l'on fait des efforts dans cette direction. Lorsqu'on embauche des gens dont les salaires sont subventionnés, il faudrait veiller à ce que l'employeur ne puisse abuser de la situation.

M. Paul Szabo: Mme Boyd a peut-être aussi des commentaires à faire.

Mme Mary Boyd: J'aimerais aborder quelques points. Tout d'abord, vous avez mentionné Rosemary Speirs et j'ai lu son article. Il y a un passage de cet article qui m'a vraiment dérangé. Je dois toutefois reconnaître qu'elle a mentionné que vous avez dit ces choses en plaisantant. Elle a déclaré que vous parliez de redéfinir le seuil de la pauvreté non pas pour rendre la pauvreté moins visible mais pour ouvrir un dialogue.

• 0950

M. Paul Szabo: Elle voulait dire que j'essayais de réduire le nombre des personnes vivant dans la pauvreté.

Mme Mary Boyd: Oui, mais elle a également mentionné que vous essayez de faire quelque chose. Je veux simplement être juste avec elle. Elle ne vous a pas condamné.

M. Paul Szabo: Elle a fabriqué une nouvelle au lieu de la rapporter.

Mme Mary Boyd: Très bien, mais elle a dit autre chose qui m'inquiète beaucoup. Je soupçonne, et c'est peut-être plus qu'un soupçon, que Paul Martin a l'intention d'adopter un projet de loi qui permettrait au gouvernement fédéral de conserver l'excédent de l'AE. Cela est très dangereux et j'espère que le comité le sait. Le fonds de l'AE ne devrait pas servir à cela, il a pour objectif d'assurer les gens lorsqu'ils sont en chômage. Un tel changement de politique me paraît très dangereux.

Vous avez également demandé ce que nous pouvions faire pour aider les gens qui vivent dans la pauvreté. Tout d'abord, les personnes qui travaillent au salaire minimum subventionnent en fait les entreprises qui les emploient. Cela nous le savons. Mais pourquoi entend-on sans cesse dire que ce sont les pauvres qui reçoivent des subventions? Regardez ce que Leo Broderick a dit au sujet du tourisme dans la province et ce que vient de dire M. Barrett. Dites aux gens qui viennent passer leurs vacances dans notre province que cela n'est possible que parce qu'il y a des gens qui travaillent au salaire minimum à des emplois saisonniers et qui n'ont ensuite pas droit à l'AE. Ces gens travaillent beaucoup. Il y a un peu d'écart entre le travail qu'il paraît légitime de rémunérer et les autres genres de travail. C'est donc là un problème grave.

Je serais favorable à un programme de revenu annuel garanti mais un tel programme pourrait également avoir des effets pervers. La dernière fois que j'ai vérifié cela pour l'Île-du-Prince-Édouard, je crois qu'un célibataire recevait 234 $ par moi. Comment peut-on vivre avec une telle somme? C'est incroyable. Je ne pense pas que l'on risque de créer un état de dépendance chez qui que ce soit, avec un taux de chômage aussi élevé. Je ne pense pas que ce soit de la charité. C'est pour le bien de la société. Il est important de rappeler aux politiciens que leur rôle est de préserver le bien commun.

Nous fêtons ces jours-ci le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le revenu, le travail, ce que ne fournissent pas nos gouvernements, à une rémunération équitable et à des conditions de travail satisfaisantes, etc. Notre pays ne respecte pas ces droits. Il s'agit de valeurs et de droits, pas de charité ou de choses du genre.

Le dernier aspect que je veux mentionner est le fait que les entreprises sont très bien traitées. Une bonne partie de ces programmes vise uniquement à aider les entreprises. Mais dans notre contre-budget provincial, nous ne sommes pas d'ailleurs les seuls à le faire, nous recommandons de créer des conseils de développement communautaire dont les membres seraient élus, qui seraient chargés d'élaborer des stratégies en matière de création d'emploi. Ces membres seraient élus par la population. Les membres de la collectivité pourraient indiquer quels sont les emplois qui ont un effet bénéfique pour la collectivité. On créerait ces emplois et on les attribuerait à des membres de la collectivité. On s'assurerait que les conditions de travail sont satisfaisantes, que les gens sont bien rémunérés, qu'ils peuvent vivre avec leur salaire, etc.

L'aspect essentiel est que ces personnes seraient élues selon un processus démocratique. Les membres des conseils de santé sont nommés et non élus. Nous ne fonctionnons pas comme un pays démocratique et cela crée des obstacles qui empêchent les gens d'agir.

M. Paul Szabo: Pour le cas où il y aurait des journalistes ici qui souhaiteraient parler de la mise en garde que j'ai faite aujourd'hui au sujet de la création d'un état de dépendance, je dirais que, si l'on continue à augmenter les prestations, à lutter contre la pauvreté en augmentant simplement les prestations, l'on va en arriver finalement à un revenu annuel garanti. Cela ne règle pas le problème de la prévention. Il faut aider les gens à s'en sortir seuls. L'essentiel est que les gens veulent pouvoir travailler et recevoir de l'aide lorsqu'ils en ont besoin.

Je tiens à vous informer du fait que je me trouvais hier à Ottawa pour signer un projet de loi que je vais présenter mardi prochain à la Chambre des communes. Ce projet a pour objet d'accorder aux parents des prestations d'AE pendant une période d'un an. C'est pour qu'ils investissent dans leurs enfants.

• 0955

Mme Edith Perry: Mary et vous avez parlé du revenu annuel garanti. Il y a eu en fait un projet pilote qui a été lancé à la fin des années 60 au Manitoba par le gouvernement provincial de l'époque. Les ministres provinciaux et fédéraux se sont consultés au sujet des programmes sociaux et de lutte contre la pauvreté. D'après ce que j'ai lu à ce sujet, il semble que ce projet pilote commençait à donner de bons résultats. Ensuite, le gouvernement fédéral a décidé de mettre fin à sa contribution et le gouvernement provincial n'a pas été en mesure de poursuivre seul ce programme. Il y a donc encore beaucoup de choses à faire dans ce domaine.

Vous avez demandé comment l'on pouvait mettre fin à cet état de dépendance. Je suis d'accord avec les remarques qu'a faites Mary. J'aimerais toutefois parler d'exemples concrets et j'ai mentionné aujourd'hui qu'il y avait de très jeunes femmes qui pensaient sérieusement devoir renoncer à avoir des enfants ou à en avoir plus tard parce qu'elles ne voyaient pas comment elles pourraient obtenir un emploi qui leur donnerait un revenu suffisant. Une bonne partie de ces jeunes femmes avaient commencé leur vie professionnelle en étant déjà lourdement endettées.

Dans ma propre famille, j'ai une fille de 24 ans qui a accumulé des dettes. Elle a finalement reconnu qu'elle devait 35 000 $. Cela ne comprend pas les milliers de dollars que nous avons dépensés pour elle, tant en nature qu'en espèces, pour l'aider à obtenir un baccalauréat en arts et un problème en travail social. Elle travaille dans un secteur qui l'intéresse mais elle ne touche guère plus de 11 $ de l'heure. C'est au Manitoba. Elle vit gratuitement chez nous; nous n'avons pas réussi à vendre la maison. Comment pourrait-elle rembourser sa dette et avoir des enfants?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. J'aimerais que l'on passe à une autre question, si vous permettez.

Mme Mary Boyd: Je veux glisser un mot. Il s'agit d'une question importante. J'en ai pour une minute. J'ai recommandé un régime de soins de santé qui rétablit un certain équilibre dans le financement de la santé, même si cela ne représente que 25 p. 100, c'est-à-dire cinq milliards de dollars par année.

Une grande partie des pertes d'emploi est attribuable aux compressions dans les hôpitaux, dans l'enseignement supérieur et dans le secteur public. C'est là que nous avons créé beaucoup de difficultés et de chômage. Leo Broderick a démontré qu'un gouvernement qui investit dans ces services peut créer plus d'emplois que s'il investit n'importe où ailleurs.

C'est pourquoi je suis en désaccord avec la chambre de commerce. Je ne crois pas que le secteur privé soit le moteur de la croissance dans notre pays. C'est un concept de droite, néo-libéral, que l'on essaie constamment de nous vendre.

Regardez un peu le secteur public. Le gouvernement a des responsabilités à l'égard des personnes. Il est de votre responsabilité de protéger le bien commun. Nous ne pouvons pas compter sur le secteur privé pour protéger le bien commun.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Qu'est-ce que vous recommandez en matière de financement des soins de santé? Je ne vous comprends pas bien.

Mme Mary Boyd: Nous disons qu'il faut adopter un plan quinquennal qui permettra de réinvestir cinq milliards de dollars dans les soins de santé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Cinq milliards de dollars de plus?

Mme Mary Boyd: Chaque année, pendant cinq ans. Cela permettrait de...

Le vice-président (M. Nick Discepola): S'il vous plaît, je demande des précisions. Est-ce que vous dites que vous réclamez cinq milliards de dollars supplémentaires par année pour les cinq prochaines années, c'est-à-dire un total de 25 milliards de dollars de plus?

Mme Mary Boyd: En effet, parce que c'est ce que vous avez enlevé. C'est ainsi que les réductions ont détruit...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce n'est pas ce que nous avons retiré.

Mme Mary Boyd: Eh bien, la contribution fédérale n'est plus que de 11c, mais elle comptait autrefois pour moitié.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bien, nous avons déduit cette somme de l'ensemble des paiements de transfert des secteurs de la santé et de l'éducation. Il y avait sept milliards de dollars de subventions. Les recettes supplémentaires produites par le volet fiscal s'élèvent à environ deux milliards de dollars. Le retrait net est donc de cinq milliards de dollars sur cinq ans. Si vous réclamez cinq milliards de dollars de plus pour les cinq prochaines années, cela fait toute une différence. Si vous restaurez en plus le financement, cela est différent. C'est ce que j'essaie de préciser.

Mme Mary Boyd: Il faut restaurer et renforcer le système, parce que l'instauration de différents éléments a fait augmenter le coût de la santé. Je pense entre autres au monopole sur les médicaments. C'est le coût qui augmente le plus rapidement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Où allons-nous trouver l'argent?

Mme Mary Boyd: L'argent est là.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous réclamez un très grand nombre de programmes. J'aimerais que vous réfléchissiez un peu à toutes les priorités, parce que notre tâche à nous, les membres du comité, est de présenter un rapport sur les priorités, compte tenu des ressources limitées dont nous disposons. Nous aurons un excédent de 3,5 milliards de dollars à la fin de 1998. Nous aurons peut-être, selon certaines prévisions économiques, cinq ou six milliards de dollars de plus l'an prochain.

Cela ne fait pas beaucoup d'argent pour réaliser une multitude de choses. Si votre priorité consiste à investir cinq milliards de dollars dans les soins de santé, alors il ne restera rien pour vos autres priorités.

Mme Mary Boyd: Je suis désolée, mais les personnes qui ont établi le contre-budget... Vous parlez du budget de Paul Martin. Je parle de la façon dont les responsables du contre-budget fédéral ont réussi, il y a longtemps, à équilibrer le budget. Ils ont établi que Paul Martin avait régulièrement sous-estimé la dette, les sommes disponibles et l'excédent. Il y a plus d'argent qu'on ne veut bien l'admettre, et cet argent devrait être réinvesti dans les programmes qui ont créé et continuent de créer tant de difficultés pour les Canadiens.

• 1000

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

J'aimerais maintenant entendre Mme Vautour. Soyez la bienvenue. Mme Angela Vautour représente le Nouveau Parti démocratique.

Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Je tiens à vous présenter des excuses pour mon retard, que voulez-vous, je suis mère.

Je vous remercie de votre exposé.

Dans l'Île, on entend beaucoup parler du programme et du fonds de l'assurance-chômage, et je le comprends certes fort bien, car même si je n'en suis pas une habituée j'ai dû y recourir pour me nourrir et nourrir mon enfant.

Comme vous le savez, la caisse de l'assurance-chômage affiche un excédent de 20 milliards de dollars, et vous avez raison de dire que Paul Martin voulait l'utiliser à d'autres fins.

Qu'est-ce que vous pensez de...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il n'y a pas d'excédent de 20 milliards de dollars.

Mme Angela Vautour: On ne cesse de nous le répéter en Chambre. Cet excédent existe bel et bien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il n'y a pas d'excédent de 20 milliards de dollars. Même la chambre de commerce, dans son exposé, a affirmé que l'argent avait été utilisé pour éponger le déficit.

Mme Angela Vautour: Nous savons qu'il a été utilisé. Mais ce qui compte...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il n'y a pas de trésor caché où nous pourrions puiser demain matin 20 milliards de dollars pour faire toutes sortes de choses.

Mme Angela Vautour: C'est parce que l'argent a été utilisé à d'autres fins que pour l'assurance-chômage. Mais s'il n'avait pas été utilisé, nous aurions un excédent de 20 milliards de dollars.

Est-ce que vous admettez que cet excédent puisse être utilisé à d'autres fins que l'assurance-chômage?

Mme Mary Boyd: Non, je ne l'admets pas du tout. Je pense que c'est une honte, le fait qu'il y a quelques années, 87 p. 100 des Canadiens en chômage étaient admissibles à l'assurance-emploi et que maintenant il y en a moins de 40 p. 100. Cela creuse encore le fossé entre les riches et les pauvres dans notre pays.

J'ai dû à une occasion me tourner vers l'assurance-chômage et je dois dire qu'à cette époque—et c'était avant la grande vague de compressions—j'ai pu constater à quel point le régime était étroitement surveillé, chiche et en mal d'améliorations. Plutôt que de l'améliorer, on l'a modifié sans fin et il ne ressemble plus du tout à ce qu'il était autrefois.

Je travaille à la pige et je ne serais pas admissible à l'assurance-chômage, parce que je vis d'un travail à la pige. Je suis l'une de ces personnes qui n'aurait jamais droit à l'assurance-chômage en raison de ma profession, indépendamment du besoin. Nous sommes nombreux dans cette situation. Alors rendez l'argent et utilisez-le pour offrir une police d'assurance.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Par contre, je ne crois pas que vous ayez versé de cotisations, madame Boyd...

Mme Mary Boyd: Pardon?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je travaille à mon compte depuis l'âge de 26 ans et je n'ai jamais touché de prestations d'assurance-chômage, mais par ailleurs les travailleurs autonomes ne cotisent pas.

Mme Mary Boyd: Les travailleurs autonomes ne versent pas de cotisations, mais ils paient des impôts. Ils paient bien d'autres choses.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais nous parlons de l'assurance-chômage.

Mme Mary Boyd: Oui, mais les travailleurs autonomes pourraient y adhérer s'ils voulaient être admissibles et si le système assurait vraiment les personnes lorsqu'elles sont en chômage, parce que quand vous travaillez à la pige il y a des périodes où vous êtes en chômage.

Mme Angela Vautour: Alors vous croyez que nous devrions envisager d'assurer les travailleurs autonomes?

Mme Mary Boyd: Les personnes qui travaillent à temps partiel et qui n'ont pas d'emploi permanent, celles qui terminent un contrat et n'en ont pas d'autre en vue, elles n'ont rien. Si elles cotisaient à l'assurance-chômage pendant les périodes où elles ont des contrats, elles pourraient y être admissibles quand elles ne trouvent pas de travail. C'est simplement une protection pour les travailleurs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Loggie, je crois que vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Steve Loggie (président, Comité des politiques, Greater Charlottetown Area Chamber of Commerce): Bonjour.

J'aimerais dire d'abord que les témoins d'aujourd'hui veulent essentiellement tous la même chose, c'est-à-dire un Canada bien plus fort, un Canada où personne n'éprouve de difficultés en raison du chômage, de la pauvreté, des systèmes de soins de santé et d'éducation. Les membres de la chambre de commerce sont eux-mêmes des citoyens. Ils connaissent toutes ces situations.

Il s'agit de déterminer de quelle façon nous pouvons y parvenir, durablement. Une grande partie de notre exposé porte sur la nécessité de réduire la dette fédérale. Nous reconnaissons l'existence d'un cycle, un cycle qui nous relie à l'économie mondiale en raison de l'investissement étranger et de toutes ses ramifications. Notre pays doit être fort, et nous ne pouvons donc pas nous permettre la dette que nous supportons au Canada. Si nous réduisons notre dette et si nous considérons cette réduction comme une priorité, nous pourrons profiter d'une économie saine, parce que nous maintiendrons des taux d'intérêt faibles et encouragerons les investissements étrangers dans notre pays.

• 1005

Si l'économie est saine, nos entreprises se porteront mieux. Les membres de la chambre de commerce se porteront mieux. Nous ne sommes pas des Wal-Mart. Nos membres sont, en règle générale, de très petites entreprises qui, pour la plupart, sont modérément rentables, et chaque année ils doivent s'efforcer de se maintenir, de croître et de préserver les emplois de leurs concitoyens.

Ma propre entreprise compte 100 employés. Si le climat économique ne me permet pas de poursuivre mes activités commerciales, il y aura 100 chômeurs de plus.

J'ai bien peur de devoir contredire l'un des témoins, car l'entreprise est le moteur de la croissance de l'emploi. Nous avons besoin de cet argent dans notre économie. Nous devons pouvoir compter sur la petite entreprise.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Les entreprises de cinq ou sept employés, les entreprises familiales—voilà le moteur de la croissance.

M. Steve Loggie: Nous avons donc le cycle suivant: l'entreprise crée l'emploi, l'économie saine favorise l'entreprise, et pour assurer tout cela nous avons besoin d'une infrastructure solide.

La chambre de commerce a précisé dans ses recommandations que 50 p. 100 de l'excédent devrait être consacré à la réduction de la dette. Pour le reste, l'autre 50 p. 100... Nous croyons, tout comme les autres témoins, que bien des Canadiens ont souffert et souffrent encore et qu'il est temps d'y remédier. Mais nous devons adopter une approche équilibrée pour qu'au bout du compte, dans bien des années, quand nous aurons passé la main à nos enfants, nous ayons un pays indépendant qui ne sera pas aussi tributaire qu'aujourd'hui de l'investissement étranger et où les taux d'intérêt seront bas. Nous voulons revenir au pays que nous souhaitons tous.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

J'aimerais redonner la parole à Mme Vautour. S'il vous plaît.

Mme Angela Vautour: Alors vous, représentant la chambre de commerce, vous affirmez qu'aucune des entreprises de votre organisation ne se ressent de la perte de revenu que les réductions de l'assurance-emploi ont entraînée dans la collectivité. Je me demande si vous entendez des plaintes de cet ordre. Est-ce que vous acceptez que même si nous avons un excédent, qui correspond aussi à un programme favorisant les partenariats avec l'entreprise; qui offre de la formation, ce qui aide les entreprises; qui distribue des revenus nécessaires à la vigueur de nos collectivités; qui distribue de l'argent pour que les habitants puissent s'approvisionner auprès des entreprises...? Vous acceptez que tout cela disparaisse même si nous avons un fonds qui pourrait servir à le financer?

M. Steve Loggie: Est-ce que vous faites allusion à l'excédent de la caisse de...? Nous disons que la caisse de l'assurance-emploi ou de l'assurance-chômage, le terme importe peu, a été créée dans un but précis, c'est-à-dire répondre aux besoins des chômeurs. La caisse nous paraît trop prospère; il faudrait y apporter des modifications pour revenir au mandat initial, qui était de répondre aux besoins des chômeurs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais ce n'est pas ce que vous soutenez dans votre recommandation numéro 3. Si je lis la recommandation numéro 3, vous affirmez que nous devrions traiter cet excédent comme un impôt sur les entreprises et les travailleurs canadiens, mais non pas comme...

M. Steve Loggie: Comme un excédent, en effet. Il n'y a pas d'excédent. Nous disons qu'à compter de maintenant il faudrait y apporter des changements pour que les cotisations correspondent aux besoins de la caisse. Je crois que c'est ce que...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais vous dites que nous devrions remettre, grâce à une réduction des cotisations, tout l'excédent que cet impôt a produit.

M. Steve Loggie: Non, nous disons qu'à compter de maintenant, il faut répondre aux besoins de la caisse, qui sera maintenue grâce aux cotisations que l'on nous demandera.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors nous devrions peut-être examiner, comme vient de le dire Mme Boyd, une éventuelle augmentation des prestations afin d'aider plus de gens qui ne sont plus admissibles au système à l'heure actuelle.

M. Shawn Murphy: Non, je ne crois pas avoir dit cela, monsieur le président. Je pense que nous prônons une intervention progressive. Nous reconnaissons qu'il n'existe pas de fonds distinct de l'assurance-chômage, en premier lieu, et que toute réduction doit être progressive et calculée en fonction de critères de viabilité financière.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que vous pouvez nous proposer des échéances et un calendrier de réduction?

M. Shawn Murphy: Nous n'avons pas proposé d'échéance. Je crois qu'il y a eu une réduction de 20c. l'an dernier, et nous aimerions certes une nouvelle réduction de cet ordre cette année. Cela serait un début.

• 1010

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quoi qu'il en soit, cet impôt créera un excédent. Si nous réduisons les cotisations de 10c., par exemple, nous obtiendrons un excédent de quatre milliards de dollars l'an prochain; si nous consentons une réduction de 20c., nous pourrions avoir un excédent de trois milliards de dollars. Il y aura donc toujours un excédent.

Les membres de l'opposition s'agitent et affirment que nous volons cet argent et qu'il faut le remettre aux personnes qui ont versé des cotisations, ce qui voudrait dire que 60 p. 100 retourneraient aux employeurs et 40 p. 100 aux travailleurs canadiens. C'est ce que l'opposition réclame.

M. Shawn Murphy: Si j'ai une minute, j'aimerais soulever deux points.

Nous disons que toute diminution doit être progressive, et qu'il faut toujours tenir compte du critère de la viabilité financière. Notre première recommandation porte sur la réduction du déficit.

J'ai un autre bref commentaire à faire en réponse à Mme Vautour.

Pour ce qui est des prestations de l'assurance-chômage, nous n'avons pas consulté nos membres et nous nous excusons de ne pouvoir fournir de réponse à cette question, mais il y a une question qui est sans doute plus importante pour les membres de notre organisation et pour les familles de notre collectivité. Je veux parler des taux d'intérêt. Il n'y a pas pire menace au revenu disponible d'une jeune famille que des taux hypothécaires de 12, 13, 14 ou même 15 p. 100. Cela fait monter tous les prix. La même observation vaut pour les entreprises qui empruntent de l'argent. C'est un avantage très considérable pour les entreprises et les propriétaires de maison, les propriétaires de voiture, tout le monde, que de pouvoir bénéficier de faibles taux d'intérêt.

Mme Angela Vautour: Je ne suis pas en désaccord avec vous sur ce point. Vous parliez de viabilité financière, en autant que nous pouvons nous le permettre. La caisse révèle qu'il est rentable d'accorder plus aux chômeurs et de contribuer à la création d'emplois et à la formation. Nous avons accumulé ou aurions pu accumuler 20 milliards de dollars.

Je ne pense donc pas que la question de la viabilité financière soit mise en doute ici. Ce que nous demandons, c'est s'il faut utiliser cet argent pour aider les chômeurs et les employeurs ou simplement réduire les cotisations, continuer à resserrer les critères... et ne rien faire pour tous ces gens dans le besoin.

En outre, vous avez dit que vous n'aviez pas consulté vos membres, alors je me demande de quelle façon...

M. Shawn Murphy: Nous ne leur avons pas demandé s'ils croyaient que les modifications aux prestations de l'assurance-chômage, ces dernières années, avaient entraîné une réduction ou une augmentation de l'activité commerciale. Nous avons consulté nos membres au sujet de nos positions; nous ne leur avons pas posé de questions précises sur ce point.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Tout cela est fort intéressant. Nous devions nous arrêter à 11 h, mais si mes collègues sont d'accord je crois que tout cela est assez intéressant pour que nous continuions, si les témoins peuvent rester avec nous peut-être jusqu'à midi. Est-ce que cela vous va?

Très bien. Alors je vais maintenant donner la parole à M. Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président, et bonjour à tous.

Dans les exposés, je ne constate pas beaucoup d'écart avec ce que nous avons entendu dans d'autres régions de l'est du Canada. Au sujet du témoignage de Mme Perry, toutefois, et évidemment de certaines insinuations sur l'assurance-emploi, qu'on aurait réduite pour les employeurs... cela n'a jamais été fait. En réalité...

Mme Edith Perry: Les employeurs ne paient pas de prestations?

M. Gary Pillitteri: Non, pas les prestations. De fait, quand vous versez 12,42 $ à l'assurance-emploi, les employeurs cotisent à hauteur de 17,39 $ au...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ils paient 1,4 fois plus que les employés.

Mme Edith Perry: L'employeur paie donc.

M. Gary Pillitteri: Oui, il verse la part de l'employeur.

Mme Edith Perry: Est-ce qu'il y a eu une diminution en comparaison de ce qu'il payait auparavant?

M. Gary Pillitteri: La réduction a été la même pour tous, employés et employeurs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors si vous prenez votre tableau, par exemple, la raison pour laquelle vos cotisations ont augmenté... parce que vous y avez fait allusion. Les cotisations elles-mêmes ont diminué de 10 ou 20c., je crois, comme l'a indiqué le représentant de la chambre de commerce, au cours des quatre dernières années.

Mme Edith Perry: Pour qui?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pour tout le monde.

Mme Edith Perry: Mon taux d'employé a augmenté.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, les taux ont diminué. Mais vos cotisations ont augmenté parce que vous avez eu droit à une augmentation. Les taux auxquels les employeurs et les employés cotisent ont par contre diminué.

Mme Edith Perry: Je ne veux pas entamer de débat. Je voulais simplement montrer qu'en bout de ligne, votre salaire net demeure inférieur à ce que vous payez.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Poursuivez, monsieur Pillitteri, s'il vous plaît.

M. Gary Pillitteri: Merci d'avoir tenté de l'expliquer, monsieur le président. Tôt ou tard j'aurais essayé d'exprimer cela moi-même ou de l'expliquer. Mais permettez-moi de continuer.

• 1015

Pendant votre exposé, vous avez parlé de votre déclaration de revenu. Je pense que plus de 200 $ vous seront remis, conformément à l'impôt que vous êtes censé payer. De toute façon, ce n'est pas le sujet qui m'intéresse.

Pendant tout votre exposé, vous avez affirmé que toute la question de l'excédent de l'assurance-emploi était un mirage. Depuis 1986—il y a donc 12 ans—, la caisse de l'assurance-emploi fait partie des recettes générales. Au cours des 17 dernières années, la caisse a accusé un déficit à dix reprises. Est-ce que nous ne sommes pas un peu sélectifs maintenant qu'il y a un excédent de 20 milliards de dollars dont il faut rendre compte? Je demande à mes collègues de vérifier cela aussi.

Mme Edith Perry: Est-ce que le gouvernement avait le droit d'effectuer des ponctions dans la caisse de l'assurance-emploi ou de l'assurance-chômage?

M. Gary Pillitteri: Depuis 1986. Il y avait un déficit de six milliards de dollars en 1986, et le vérificateur général a déclaré qu'il valait mieux intégrer la caisse aux recettes générales, afin que le gouvernement puisse utiliser les recettes générales pour payer.

Mme Edith Perry: Est-ce que la loi a été modifiée pour que cela soit possible?

M. Gary Pillitteri: La mesure a été recommandée par le vérificateur général de l'époque, et ces pratiques sont en vigueur depuis 1986.

M. Edith Perry: Ce qui signifie que la loi a été modifiée.

M. Gary Pillitteri: La loi a été modifiée à l'époque où le vérificateur général a déclaré que cet argent irait aux recettes générales.

Le vice-président (M. Nick Discepola): En 1992, la loi a été modifiée pour permettre au gouvernement de combler les manques à gagner. Les modifications créaient aussi l'obligation de réduire les cotisations en cas d'excédent. Je crois que c'est à cette époque que ces changements ont été apportés, mais n'hésitez pas à me corriger au besoin.

M. Paul Szabo: Lorsque l'assurance-chômage a été instaurée, en 1940, le régime n'avait pas de fonds propres déposés dans un compte de banque distinct parce qu'il a toujours été déficitaire. Le gouvernement a toujours servi de filet de sécurité.

Honnêtement, monsieur le président, mesdames et messieurs mes collègues, il est indéniable qu'il y a eu autrefois des surplus et des déficits. Nous sommes maintenant dans une situation où l'excédent semble effectivement en croissance. Mais, monsieur le président, les spécialistes de ce genre de choses affirment qu'en cas de récession, nous nous retrouverions de fait devant un déficit d'environ 12 milliards de dollars en moins d'un an. La question porte donc véritablement sur l'importance de la réserve à maintenir.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois que M. Pillitteri y venait, alors laissons-le poursuivre.

M. Gary Pillitteri: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il vous faut tellement de temps pour présenter la question que d'autres interviennent. Allez droit au but, s'il vous plaît.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président. Je croyais que vous aviez prolongé la discussion jusqu'à midi. Encore des mirages.

On dit que chaque réduction de 10c des cotisations entraîne une diminution de 700 millions de dollars de l'excédent. Est-ce que vous savez que d'après les statistiques, 80 p. 100 des chômeurs étaient autrefois admissibles et qu'il n'y en a plus que 40 p. 100 maintenant? Je vous rappelle que les employeurs de ces trois ou cinq personnes sont considérés comme des particuliers dans le régime, mais qu'ils n'y sont jamais admissibles. Aucun employeur n'est admissible. Soyons un peu plus précis en matière de statistiques, car ces statistiques ne sont pas justes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il vous faut vraiment bien du temps pour poser votre question.

M. Gary Pillitteri: Je présente d'abord quelques remarques.

Nous parlons de réduire le fonds et de remettre l'argent aux travailleurs et aux employeurs. Lorsque vous parlez d'une réduction uniforme, soyez honnêtes. Certaines personnes demandent une réduction uniquement pour les travailleurs, à l'exclusion des employeurs. C'est là qu'on entre dans... Bien des personnes affirment que l'argent appartient aux travailleurs, mais cet argent appartient aussi aux employeurs qui ont cotisé à l'assurance-emploi et qui n'y seront jamais admissibles. Par conséquent, si vous parlez d'une réduction, vous devriez parler d'une réduction pour eux aussi. Lorsque vous réduisez de 20c., de 30c. ou de 40c.—certains considèrent même qu'il faudrait ramener les cotisations à 2,70 $—cela signifierait qu'il y aurait cinq milliards de dollars de moins dans la caisse. C'est à cela que l'on arrive. S'il y a cinq milliards de dollars de moins, le gouvernement ne peut plus rien faire pour réduire l'impôt ou la dette. Évidemment, si nous en venons à cela, nous pourrions fort bien accuser à nouveau un déficit. Soyons honnêtes.

• 1020

Ce que je veux savoir, c'est si vous voulez que la réduction de la caisse de l'assurance-emploi profite à tout le monde ou seulement aux employés. C'est ce que Buzz Hargrove a proposé—uniquement les travailleurs, et oubliez tous les autres; ils ne méritent rien. C'est cette question que je pose.

Mme Mary Boyd: J'aimerais y répondre.

Le régime devait constituer une police d'assurance pour les personnes qui pourraient être en chômage. Il me semble que quelles que soient les statistiques, ces statistiques représentent des êtres de chair et de sang, des personnes qui doivent manger pour vivre. Les changements ont créé d'énormes difficultés.

L'argent vient vraiment des employeurs et des employés, et non pas du gouvernement. Lorsque le gouvernement emprunte de l'argent à la caisse de l'assurance-chômage, il paie des intérêts. Cela montre bien qu'il ne s'agit pas des fonds du gouvernement. Le gouvernement a préféré ne pas intervenir et s'en tenir aux cotisations des employeurs et des employés. Les employeurs ont accepté la création de la caisse. La caisse était l'une des grandes mesures d'équité dans notre pays. Elle reflétait les valeurs des Canadiens, la notion que nous devons aider nos frères et nos soeurs. C'est fondamental, comme l'assurance-santé, les pensions, toutes ces mesures qui contribuent au bien-être.

Si le gouvernement n'avait pas imposé des compressions si sévères, il y aurait plus d'emplois dans notre pays. Il y aurait plus de personnes qui paient des impôts. Dans ce cas, la dette diminue automatiquement. Nous n'avons pas besoin de le dire, après avoir tant enlevé aux Canadiens et avoir créé tant de misères, nous devons continuer dans cette voie s'il y a un excédent quelconque. Nous devrions injecter plus d'argent pour stimuler l'économie. Cela permettra automatiquement de rembourser la dette.

À l'heure actuelle, le Canada n'est pas considéré comme un pays mal en point sur le plan financier, sur le plan de la dette. Agissons et vivons comme un pays qui a affectivement les moyens que nous avons, et l'équité pourra régner dans notre pays.

M. Gary Pillitteri: Alors vous proposez que nous revenions aux déficits?

Mme Mary Boyd: Je ne crois pas que le déficit menace à l'heure actuelle. Nous parlons de ce que nous allons faire avec un excédent. La dette et le déficit sont deux choses distinctes. Tant que les citoyens paient des impôts, la dette diminue.

Le vice-président (M. Nick Discepola): M. Pillitteri essaie de demander si ces quatre, cinq ou six milliards de dollars devraient être remis aux employeurs et aux employés ou s'il conviendrait de les affecter à d'autres mesures prioritaires.

Mme Mary Boyd: Il faudrait les rendre afin que plus que 35 p. 100 des chômeurs soient admissibles à l'assurance-chômage et que le nombre de prestataires ne soit pas à ce point réduit.

M. Gary Pillitteri: Je n'ai pas d'autres questions à poser, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors vous dites que nous devrions conserver le fonds et réduire les cotisations légèrement, peut-être de 10 ou 20c., comme la chambre de commerce le demande. Vous dites que nous devrions peut-être envisager de relâcher les critères d'admissibilité, de réduire le nombre d'heures nécessaires pour être admissible, et de bonifier certaines prestations. Au départ, pourtant, vous demandiez une remise de l'argent. C'est ce que nous essayons de vous faire dire.

Madame Perry, je crois que vous vouliez ajouter quelque chose.

Mme Edith Perry: J'ai posé cette question l'an dernier; je l'ai posée à divers comités et je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Nous semblons beaucoup nous préoccuper de la réduction de la dette. Lorsque la TPS a été mise en oeuvre, le gouvernement de l'époque a fait valoir que l'argent allait servir à réduire la dette. Est-ce qu'une partie de cet argent a contribué à la réduction de la dette.

M. Gary Pillitteri: L'argent a toujours été versé aux recettes générales.

Mme Edith Perry: Alors le gouvernement Mulroney n'a pas utilisé la TPS pour...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non. Quand la loi sur la TPS a été proposée, on prévoyait que tout excédent de la TPS serait affecté directement à la réduction de la dette.

Mme Edith Perry: Eh bien, cela n'est pas l'argument que le gouvernement a présenté lorsqu'il voulait faire accepter ce projet.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'était la loi.

Mme Edith Perry: Alors cela n'a pas servi à réduire la dette.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Jusqu'à maintenant, les recettes produites par la TPS n'ont jamais...

Mme Edith Perry: Autrement dit, les Canadiens vont devoir encore se serrer la ceinture.

M. Paul Szabo: Monsieur le président, nous n'en sortons pas. Si vous prenez les recettes de la TPS pour réduire la dette, vous allez accroître le déficit parce que cet argent ne sera pas comptabilisé dans le compte des recettes générales. Par contre, si vous vous contentez de réduire le déficit, ce qu'il vous faut emprunter pour... C'est toujours un dollar ou quatre trente sous. On ne peut pas tout distinguer. D'une façon ou d'une autre, les fonds circulent. Cela revient au même.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Szabo.

Mme Edith Perry: Mais qu'en est-il de la dette?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vais maintenant donner la parole à M. Ritz. J'aimerais poursuivre la discussion.

• 1025

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Un aspect n'a pas encore été soulevé. Nous avons parlé du vérificateur général, qui a fait une recommandation en 1986 en vue de verser cet argent aux recettes générales. Pour cette raison, les taux n'ont cessé d'augmenter depuis 1986. Cela explique que nous ayons aujourd'hui un excédent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non.

M. Gerry Ritz: Les taux ont augmenté...

Le vice-président (M. Nick Discepola): En 1993, la caisse de l'assurance-emploi accusait un déficit de six milliards de dollars.

M. Gerry Ritz: Les taux ont été modifiés...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Depuis 1993, les taux ont baissé, comme en a témoigné la chambre...

M. Gerry Ritz: De 40c.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non. Nous avions prévu porter la cotisation à 3,30 $. Elle s'établit maintenant à 2,70 $.

M. Gerry Ritz: Tout ce que je dis c'est que le monde n'est plus ce qu'il était en 1986. En 1997, le vérificateur général a présenté des recommandations pour que le fonds soit un peu réduit, en vertu de la loi actuelle.

La question que je vous pose, à vous tous ici présents, est la suivante. Est-ce que la caisse de l'assurance-emploi doit constituer un compte distinct, ne pas être intégrée aux recettes générales? C'est une question de confiance, car seuls les employeurs et les employés y ont contribué, pas le gouvernement fédéral. Est-ce qu'il conviendrait d'en faire un fonds distinct?

M. Dave Barrett: Je peux peut-être répondre à cette question. La position des néo-démocrates fédéraux correspond à celle des néo-démocrates provinciaux, c'est-à-dire qu'il faudrait constituer une caisse distincte. Il s'agit de fonds versés en fiducie, versés par l'employeur et l'employé, et prélevés à la source...

M. Paul Szabo: Qui se souciera des déficits?

M. Dave Barrett: Qui se soucie des déficits de la caisse? Il faudrait sans doute effectuer quelques reports sur les exercices suivants ou antérieurs. La chose est faisable. Il pourrait s'agir d'un fonds financé par anticipation ou de quelque chose de ce genre. Je ne sais pas.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce qu'il s'agirait d'un organisme indépendant?

M. Dave Barrett: Il le faudrait.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Qui en serait membre?

M. Dave Barrett: Ce sont là des détails qui pourraient être déterminés plus tard. L'essentiel serait de tenir le ministre...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous présentez une recommandation très importante, et vous n'êtes pas le seul. Je crois qu'il y a d'autres groupes. Il aurait fallu y réfléchir à fond, à mon avis, avant de présenter cette recommandation au gouvernement.

M. Dave Barrett: Je ne fais que répéter la position fédérale à ce sujet, ainsi que la position provinciale...

M. Paul Szabo: Combien de Canadiens choisiraient de ne pas participer à l'assurance-emploi?

M. Dave Barrett: Je ne crois pas que cet aspect soit pertinent dans ce contexte.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors permettez-moi de vous l'expliquer. Je viens de la province de Québec. Nous vous avons posé quelques questions clés. Premièrement, s'il faut constituer une caisse indépendante, l'argent devra provenir des recettes générales. Cela signifie que le gouvernement n'a pas de responsabilité, en règle générale.

Il faudrait prévoir la représentation des provinces, du gouvernement fédéral, du monde du travail, des syndicats, de la petite entreprise et de la grande entreprise.

Nombre de personnes nous ont rappelé que le RPC est un fonds distinct. Que se passe-t-il si une province décide de ne pas participer au régime, comme ma province l'a souvent fait? Nous serions tenus d'accéder à sa requête. Est-ce exact? Alors qu'est-ce qui se passerait au prochain référendum, si un démagogue était premier ministre de la province et décidait d'utiliser non seulement les 19 milliards de dollars du RRQ mais aussi peut-être les 12 milliards de dollars du fonds de l'assurance-emploi à ses propres fins politiques.

M. Dave Barrett: Je ne perçois pas la pertinence de ces arguments, si vous me permettez cette remarque, monsieur. Vous faites une analogie avec le RPC, et aucune province ne s'est retirée de ce régime. De fait, les provinces...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si le premier ministre de la province, à la veille du référendum, disposait d'une loi et d'un processus pour s'emparer des 19 milliards de dollars qui représentent les fonds des Québécois et les utiliser à ses propres fins politiques, de quelle façon pourriez-vous l'en empêcher?

M. Dave Barrett: Alors vous dites que le RRQ est utilisé à des fins politiques par le ministre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il l'a été. Vous pouvez lire toute la documentation au sujet du plan que le premier ministre Parizeau avait élaboré pour s'emparer de ces 19 milliards de dollars.

M. Dave Barrett: Alors vous croyez que le même problème pourrait se poser si nous avions un fonds d'assurance-emploi distinct.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je me demande seulement si on y a bien réfléchi.

M. Dave Barrett: Les politiciens usurperont les fonds à des fins politiques. C'est bien cela que vous dites? Qui a-t-il de neuf à cela? C'est déjà ainsi que les choses se passent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois que le représentant de la chambre de commerce veut intervenir dans le débat.

M. Shawn Murphy: Nous ne souhaitons pas un fonds distinct, monsieur le président. Vous avez soulevé nombre de questions qui pourraient se poser si nous décidions de constituer un fonds distinct, mais je pense que le ministre des Finances n'aurait d'autre choix que d'imposer des charges sociales, comme il y en a dans les pays européens à l'heure actuelle, pour combler le manque à gagner. On pourrait se fonder sur des calculs actuariels, mais je crois que nous y perdrions en qualité.

• 1030

Et il ne faut pas oublier—je m'adresse ici à mes concitoyens de l'Île-du-Prince-Édouard—que pour chaque dollar que nous percevons nous en versons trois à la province. Je crois qu'il est juste de le rappeler. Je pense qu'il n'y a pas de honte à cela. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, vous percevez un dollar mais vous en versez trois en prestations.

Mme Angela Vautour: C'est vrai.

M. Shawn Murphy: Et cela s'explique par le caractère saisonnier de l'emploi ici. Des témoins l'ont mentionné.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il existe d'autres secteurs qui sont encore plus...

M. Shawn Murphy: Mais cela ne serait peut-être pas possible si l'on utilisait un programme fondé sur des calculs actuariels.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est exact. Vous avez tout à fait raison.

Madame Boyd, vous nous écoutons.

Mme Mary Boyd: Si je comprends bien le processus budgétaire, l'assurance-emploi est considérée comme un revenu pour le gouvernement fédéral et est calculée dans les recettes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est exact.

Mme Mary Boyd: Alors si vous retirez cet argent, vous créez un déficit, en quelque sorte.

Je n'ai entendu personne contester cet aspect, le fait que cet argent fasse partie des recettes générales, mais il faudrait alors l'administrer de façon indépendante, parce que toute la question est devenue trop politique. C'est le parti au pouvoir qui adopte tous les règlements, modifie les lois et les politiques et en fait un véritable tremplin politique. Si la caisse était administrée séparément, mais toujours sous la responsabilité du gouvernement, je crois que le régime fonctionnerait beaucoup mieux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien.

Mme Edith Perry: Si nous devons parler de l'assurance-emploi, j'aimerais traiter de quelques opinions qui, à mon avis, expliquent pourquoi nous avons maintenant un excédent, ou l'illusion d'un excédent, puisque c'est ce que vous semblez vouloir nous faire comprendre.

M. Paul Szabo: La caisse de l'assurance-emploi fait l'objet d'une analyse.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est un peu comme d'examiner les cinq ou six dernières années du budget du ménage et de constater que, pour une raison quelconque, dans un secteur de revenu particulier, parce que votre fille a commencé à travailler par exemple, la famille affiche un léger excédent.

Mme Edith Perry: Quelle qu'en soit la cause, et nous parlons bel et bien ici de l'existence d'un excédent, je veux discuter de la façon dont nous en sommes arrivés à ce point. Et je crois que l'information commence à circuler. Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler de Mike Clancy, qui a présenté un rapport sur la discrimination et les droits de la personne dans le domaine de l'assurance-emploi. C'est un ancien fonctionnaire de DRHC qui a quitté le gouvernement fédéral quand il a vu ce qui se passait. Nous avons aussi de l'information qui provient de l'Île-du-Prince-Édouard et révèle les abus dont sont victimes des prestataires de l'assurance-emploi, à qui on retire le droit à des fonds et à des prestations. Cela est ni plus ni moins une fraude et touche à la formation.

Est-ce que vous avez eu vent du rapport de Mike Clancy?

M. Paul Szabo: Je m'en souviens.

Mme Edith Perry: Nous avons des raisons de croire que la même chose se produit ici. Je connais moi-même plusieurs personnes qui ont reçu des lettres leur annonçant qu'elles avaient trop perçu et devaient rembourser cet argent dans le délai prescrit, et elles étaient incapables de s'expliquer pourquoi une telle chose se produisait. Ce n'est pas comme s'il s'agissait de nouveaux prestataires, et tout à coup ces lettres se multiplient.

Ce qui m'intéresse, et vous souhaiterez peut-être vous procurer le rapport, publié par le Unemployed Workers Council...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si vous voulez déposer le rapport, madame Perry...

Mme Edith Perry: Vous pouvez garder cet exemplaire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous pouvons en faire une copie pendant la pause, puis je vous le remettrai. Nous aurons donc notre propre exemplaire.

Mme Edith Perry: Apparemment, on encourage les directeurs régionaux à faire des économies.

M. Paul Szabo: Est-ce que vous laissez entendre que les lois ne sont pas respectées? Vous faites des allégations.

Mme Edith Perry: En effet, à ma connaissance il existe...

M. Paul Szabo: Si vous connaissez des cas où la loi n'a pas été respectée, alors vous devez les exposer.

Mme Edith Perry: Vous devriez peut-être vous adresser à Mike Clancy.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais maintenant passer à Mme Redman, qui s'est montrée fort patiente.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos interventions. Je songe en particulier à certains d'entre vous, dont vous, madame Perry, qui ont exposé des situations très personnelles. Je pense que souvent les statistiques ne sont pas aussi éloquentes que certaines expériences personnelles, alors je vous en remercie.

• 1035

Je voulais poser une question au représentant de la chambre de commerce. M. Loggie a presque répondu à la question que je voulais poser avant même que je ne la formule. Je songeais au fait que les chambres de commerce sont souvent considérées comme des «eux», un peu comme on regarde le gouvernement. Mais nous sommes tous des habitants dans nos collectivités.

Il se trouve que je suis du sud de l'Ontario, et notre région est officiellement mal desservie par la profession médicale. On entend parler de soins de santé dans tout le Canada. Nous avons quelques entreprises de fabrication, un profil économique plutôt sain, mais pourtant nous avons de la difficulté non seulement à attirer des médecins dans notre région mais aussi à obtenir des niveaux de services comparables à ceux du reste de l'Ontario et même à ceux du reste du Canada. Nous n'avons pas de grande université chez nous, et par conséquent nous avons de la difficulté à attirer les professionnels de la médecine.

Quelqu'un a dit que nous n'étions pas des Wal-Mart et précisé que la majorité des membres de la chambre de commerce comptent cinq employés ou moins. Je m'en étonne, car les statistiques indiquent que 80 p. 100 des nouveaux emplois, précisément le type d'emplois dont Mme Boyd et le premier témoin parlaient—les emplois véritables, viables à long terme—, sont créés par la petite et moyenne entreprise. Cependant, il y a des Wal-Mart dans le monde, et ils s'apprêtent à s'installer dans une province près de chez vous très bientôt. Ils modifient le climat. J'essaie de passer de l'entreprise aux soins de santé. Il y a tellement de choses qui se produisent à l'heure actuelle.

Monsieur Loggie, vous avez parlé d'en revenir au Canada que nous aimons tous. Je dois vous dire que c'est la voie de l'avenir. Certainement, dans le contexte du groupe de travail MacKay nous entendons dire que les banques virtuelles sont déjà parmi nous. Il n'y a plus de briques ni de mortier. Je ne sais pas si, à l'échelle nationale, nous pouvons les arrêter. Personnellement, j'envisage un débat philosophique sur la question de savoir s'il faut vraiment les arrêter. L'avenir du Canada sera fort différent de ce que son passé a été. Cela est en partie attribuable aux Wal-Mart, mais aussi à la mondialisation de l'économie.

La technologie apporte un vent de changement qui, à l'exception de la révolution industrielle, est sans précédent dans la civilisation moderne. Cela touche les soins de santé. Vraiment, le noeud de ma question est qu'en tant que gouvernement nous devons faire des choix. Cela est évident, nous le reconnaissons tous. Puisqu'il y a une telle multitude d'influences—qu'il s'agisse des médecins du privé qui viennent et essaient de commercialiser l'assurance-santé privée au Canada ou des personnes qui peuvent s'offrir les soins de santé dont elles ont besoin quand elles en ont besoin—est-ce que le gouvernement ne peut rien faire de mieux que de réinvestir dans le TCSPS?

On dit partout au Canada que les soins de santé sont une priorité absolue. C'est certainement une question très importante dans ma collectivité. Nous avons entendu parler des services sociaux. Nous avons entendu parler de l'enseignement. Pour le gouvernement fédéral, la réalité demeure que nous avons un partenariat avec le gouvernement provincial. Et celui-ci a aussi un partenariat avec le gouvernement municipal. M. Ritz l'a déjà souligné, et nous en sommes tous parfaitement conscients, c'est toujours le même contribuable qui paie. Tandis que le gouvernement étudie les possibilités qu'offre l'excédent et envisage peut-être divers scénarios, certains membres de ma chambre de commerce affirment qu'il ne faut pas lancer de nouveaux programmes. Pourtant, le gouvernement fédéral a promis d'examiner au cours du mandat actuel des cibles consécutives sur deux ans. Nous allons tenir compte des facteurs de prudence. Au cours du mandat, nous allons réinvestir 50 p. 100 de tout excédent. Nous ne parlons pas sur une base annuelle. Nous envisageons maintenant une période de quatre ou cinq ans. Alors je crois pouvoir dire que le ministre Martin ne semble pas avoir manqué d'honnêteté relativement à la promesse que nous avons faite pendant la campagne électorale.

Qu'est-ce que nous pouvons faire de mieux pour les Canadiens? En Ontario, certaines personnes sont apparemment fort méfiantes à l'égard du gouvernement provincial. J'ai entendu quelque chose en ce sens ici aujourd'hui. Pourtant, il faut bien l'admettre, que cela nous plaise ou non, nous avons un partenariat avec les provinces. Alors quelle est la meilleure façon de veiller à faire les choix les plus profitables pour tous les Canadiens?

Le vice-président (M. Nick Discepola): La question est d'ordre philosophique, et il est très difficile d'y répondre. Est-ce que M. Murphy ou quelqu'un d'autre veut s'y risquer?

M. Shawn Murphy: Si je comprends bien, votre question porte sur le 50 p. 100? M. Martin a fait une déclaration de politique et a affirmé que 50 p. 100 de tout excédent serait utilisé pour financer les programmes existants ou de nouveaux programmes. Est-ce là la base de la question que vous nous posez? Est-ce que vous nous demandez ce qu'il conviendrait de faire de ce 50 p. 100?

Mme Karen Redman: Ce que je vous demande n'est pas simplement ce qu'il convient d'en faire, mais aussi de quelle façon. En effet, le gouvernement c'est aussi la façon de procéder et ce que l'on choisit de financer. Alors est-ce que le TCSPS représente l'option la plus intéressante?

• 1040

M. Shawn Murphy: Je dois m'excuser, madame Redman; je ne crois pas que nous soyons mandatés par nos membres pour nous prononcer sur les aspects proprement politiques du débat.

Grâce aux médias d'information et comme les témoins l'ont indiqué, nous sommes conscients du caractère prioritaire que revêt la question des soins de santé dans l'ensemble du pays. Et comme vous l'avez dit vous-même, il y a aussi bien d'autres enjeux. L'éducation en est un. Quant à la façon dont les fonds sont actuellement dépensés, je ne pense pas que ni moi ni M. Loggie soyons mandatés par nos membres pour affirmer qu'il faudrait consacrer 30 p. 100 à la santé, etc.

Mme Karen Redman: Je vous comprends. Si vous voulez répondre en votre nom personnel, allez-y, et si vous croyez que cela ne relève pas de votre mandat, je ne vous en veux pas. Mais vous avez soulevé ce point au sujet du réinvestissement, et je suppose que vous avez un peu discuté de la façon dont il conviendrait de s'y prendre.

M. Shawn Murphy: Le réinvestissement?

Mme Karen Redman: Tout excédent de 50 p. 100. Vous avez simplement manifesté votre accord. Vous n'avez pas débattu de la façon dont le gouvernement devrait procéder.

M. Shawn Murphy: Nous avons cru, d'après les commentaires que M. Martin a faits le 14 octobre, que le gouvernement pourrait se raviser à ce sujet. Le ministre n'a pas dit cela, mais il a dit qu'il faudrait peut-être modifier certaines attentes. À notre avis, pour protéger sa crédibilité le ministre devrait respecter cet énoncé de politique.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ils ont aussi dit, Karen, dans la recommandation numéro 5, que l'impôt sur le revenu des particuliers devrait être ciblé dans toute la mesure du possible, mais ils affirment en quelque sorte qu'il faut respecter cet engagement et qu'ils laissent au ministre le soin de décider de la proportion et des priorités.

M. Shawn Murphy: Cela n'est pas de notre mandat, cependant, pas...

Mme Karen Redman: Oui, je comprends que cela n'est pas de votre mandat, mais ma question portait aussi sur le fait que vous n'avez pas discuté de la façon de procéder.

M. Steve Loggie: Les membres ne l'ont pas fait. Même si nous l'avons fait à titre personnel, je crois que nos opinions ne concordent pas nécessairement. Cela est très difficile.

C'est un truisme, mais il est vraiment très difficile pour le gouvernement de répondre à tous ces besoins, et les priorités changent d'année en année.

Je crois que Mme Boyd veut...

Mme Mary Boyd: Merci.

Premièrement, je tiens à répondre à votre question d'ordre plutôt philosophique au sujet de l'avenir qui nous attend et des Wal-Mart, qui viendront bientôt s'installer. En effet, Wal-Mart arrive à l'Île-du-Prince-Édouard, et je dois dire à nos amis de la chambre de commerce que, oui, j'en conviens, un grand nombre d'emplois, la vaste majorité des emplois sont créés par la petite et moyenne entreprise. Mais je ne comprends pas pourquoi on se réjouit de la venue de Wal-Mart, parce qu'à mon avis, cela va sonner le glas de ces entreprises, dont bon nombre vont faire faillite. C'est un problème, que de voir un géant plus important que 161 pays arriver dans une petite province comme l'Île-du-Prince-Édouard. Wal-Mart va faire concurrence à toutes ces petites entreprises et ne va pas les aider. La qualité de la marchandise qu'on y vend est d'ailleurs plutôt médiocre.

Deuxièmement, toujours du point de vue philosophique, je crois qu'il est important, quand nous disons que le gouvernement a des choix à faire, etc.: le gouvernement a aussi une responsabilité face à toute cette mondialisation. Comme Leo l'a mentionné, il y a 40 000 sociétés transnationales dans le monde à l'heure actuelle, et ces sociétés sont fortes de 200 000 succursales. Elles contrôlent le monde, et les gouvernements prêtent beaucoup trop l'oreille à ces forces et pas assez aux populations.

Le gouvernement, l'État nation, a toujours eu une responsabilité à l'égard de la population et à l'égard de la nation elle-même. Vous avez le pouvoir de le faire, et vous devez l'utiliser. Ce n'est pas que les citoyens soient démunis et qu'en raison de la mondialisation, il faille baisser les bras, nous rendre et embrasser cette idée de mondialisation. Non, le gouvernement a la responsabilité de protéger le bien commun de la population dans chaque pays.

Dans la mesure où le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux est concerné, il faut s'en débarrasser. Voyez un peu le tort qu'il a fait à l'emploi et au Régime d'assistance publique du Canada. Il a aboli les droits des prestataires de l'aide sociale, ce qui enfreint les lois des Nations Unies. Il a aboli le droit d'appel. Il a aboli le droit à l'aide sociale. Il a aboli le droit de toucher des prestations sans travail obligatoire, etc., etc., et tout cela est terriblement injuste. Il a distribué les fonds en paiements globaux, sans préciser s'il fallait les affecter à la santé, à l'enseignement supérieur ou à l'aide sociale; il a simplement distribué l'argent aux provinces, et cet argent peut servir à construire des routes, par exemple. Notre système de soins de santé se ressent de cela, tout comme notre système d'enseignement supérieur, les prestataires de l'aide sociale et bien d'autres Canadiens.

• 1045

C'est la pire mesure législative qu'on ait adoptée dans notre pays depuis bien longtemps, et elle a fait grand tort au tissu social. Éliminez-la ou réaffirmez que le financement de la santé est prioritaire. Les soins de santé doivent absolument demeurer universels.

Quand on commence à privatiser les soins à domicile et ce genre de choses, on ouvre la porte à un système à l'américaine, c'est-à-dire un système à deux vitesses. Mais il y a plus que cela. Ce système est beaucoup plus coûteux que notre régime public d'assurance-santé. Lorsque notre assurance-santé donne des résultats, elle donne de très bons résultats. En tant que membre d'une coalition de défense des droits à la santé, j'ai entendu bien souvent des médecins américains, venus assister à nos réunions au Canada, affirmer qu'il ne fallait absolument pas céder à la tentation de privatiser, d'instaurer un système à l'américaine. Ils appuient leur conseil sur toutes les choses ridicules, horribles, qui se produisent à cause des HMO, sur tout ce qui se passe aux États-Unis, où les gens meurent à deux pas des hôpitaux où, pour une raison quelconque, ils ne peuvent pas être admis.

Nous connaissons des tragédies ici en raison des compressions, mais rien... Quand on en est au point où, si vous avez des cataractes aux États-Unis votre assurance couvre l'opération d'un oeil mais pas de l'autre, à moins que vous puissiez prouver que vous avez besoin de vos deux yeux pour travailler... C'est le genre de choses que permet le système privé américain, dont nous n'avons nul besoin ici.

Mme Karen Redman: Permettez-moi d'intervenir. Est-ce que vous dites que vous voulez revenir au bon vieux temps, que vous voulez que tous les fonds soient alloués à des fins bien définies, ce qui certainement, comme vous le signalez, n'est pas le cas à l'heure actuelle? Est-ce que nous ne devons pas plutôt redéfinir les soins de santé? C'est vraiment là que je voulais en venir lorsque j'ai parlé de l'avenir. De toute évidence, il y a des aspects qui, à l'heure actuelle... Les Canadiens s'inquiètent beaucoup au sujet du régime d'assurance-santé.

Mme Mary Boyd: Mais quelle est cette nouvelle définition du système de soins de santé, à votre avis? Lorsqu'on vient me parler d'une nouvelle vision du régime des soins de santé, on me parle de laisser intervenir le secteur privé, de demander plus d'argent aux Canadiens et d'utiliser les fonds publics pour enrichir des particuliers. C'est ce que j'entends lorsqu'on m'explique la nouvelle vision en matière de soins de santé. Si nous figurons parmi les grands pays du monde, c'est en raison des cinq principes universels du régime de soins de santé, et je dis que nous devons à tout prix protéger ces principes.

Mme Karen Redman: Et votre argument serait basé sur l'élément de la protection qui s'exprime uniquement en dollars?

Mme Mary Boyd: Oui, mais on se fait des illusions au sujet des coûts croissants de notre système de santé, et je viens de mentionner que le gouvernement fédéral investit de moins en moins dans le régime d'assurance-santé, au contraire. Alors le système n'est pas plus coûteux pour le gouvernement fédéral. Là où les coûts augmentent, c'est au titre des médicaments, parce que nous avons permis aux sociétés transnationales d'exercer un monopole et que ces sociétés font monter le prix des médicaments. C'est ce qui explique l'augmentation des coûts de la santé.

Nous parlons d'un partenariat avec les provinces, en effet, parce qu'il s'agit d'un pays. Le contrat social qui donne plus de pouvoir aux provinces et n'attribue pas au gouvernement fédéral le pouvoir d'imposer des normes nationales va créer de graves disparités dans notre pays. Nous devons tous nous y opposer. À l'échelle nationale, nous avons besoin d'un intervenant fort en matière d'assurance-santé, et le gouvernement fédéral doit y investir les fonds nécessaires pour faire respecter des normes nationales. Nous sommes au Canada. Il ne s'agit pas de dix entités distinctes. Nous sommes une nation et nous devons demeurer une nation.

Quant à l'accord multilatéral sur l'investissement, dont il n'a pas encore été question, si jamais cet accord est mis en oeuvre il va énormément affaiblir notre pays—notre régime d'assurance-santé et bien d'autres choses. Nous avons des exemples locaux, ici; nous n'avons pas le temps de vous les présenter. Mais nous voyons ce genre de choses et nous savons à quel point nous sommes vulnérables face à ces influences de l'extérieur qui réclament des droits dans notre pays, et notre gouvernement ne fait rien pour protéger ses citoyens contre tout cela.

C'est un tableau très sombre de l'avenir, si cela doit se concrétiser. Il y aura encore plus de pauvreté, et le fossé entre riches et pauvres va encore se creuser. Un grand nombre de Canadiens de plus vont mourir. Si vous avez regardé This Hour Has 22 Minutes hier soir, Marg Delahunty a bien indiqué, à mon avis, la façon dont les Canadiens meurent. Et le fait de refuser des soins de santé est une excellente façon de tuer des Canadiens. Ce ne sont pas les fusils qu'il faut craindre. Nous parlons beaucoup de la loi sur la réglementation des armes à feu, et je suis en faveur de cette loi. Mais le danger ne vient pas des armes. C'est le relâchement de nos normes nationales—notre système de santé, nos mesures d'aide aux personnes dans le besoin—et l'aide sociale qui ne vous permet même pas de manger ou de vous loger convenablement, rien de tout cela. C'est le fait de permettre à nos étudiants, écrasés sous le fardeau de leur dette, d'aller travailler à cinq ou six dollars de l'heure et de devoir après toutes ces années d'université payer leurs dettes. C'est cela qui est en train de nous tuer.

• 1050

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais poursuivre, s'il vous plaît. Il ne nous reste plus qu'environ dix minutes, et il y a deux autres membres qui voudraient poser des questions.

Madame Vautour, nous vous écoutons.

Mme Angela Vautour: Il y a deux questions sur lesquelles j'aimerais connaître votre opinion. Le fonds transitoire pour la création d'emplois tire à sa fin, et je me demande ce que vous pensez de la possibilité de le maintenir. Je ne sais pas si vous êtes au courant de l'existence de ce fonds. Le fonds transitoire pour la création d'emplois a été créé sur une base triennale, à titre d'essai, pour faciliter la transition à la suite des compressions de l'assurance-chômage. Je crois qu'il est maintenant épuisé et que l'on réclame sa prolongation, parce qu'il sert à la création d'emplois. Ce fonds aide les particuliers à mettre des entreprises sur pied, etc.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est un fonds qui aide aussi les régions dont le taux de chômage est supérieur à la moyenne, et il est financé par les cotisations à l'assurance-emploi.

M. Shawn Murphy: Je suis au courant de l'existence de ce fonds, et je sais à quoi il a servi à l'Île-du-Prince-Édouard. Je dois à nouveau m'excuser du fait que la chambre de commerce n'a pas de position à ce sujet, et les membres ne m'en ont certainement pas parlé.

Je parle donc en mon nom personnel. Je reconnais certes la nécessité de ce fonds. Je pense qu'il faut le maintenir, à condition de bien l'administrer.

Cela m'amène à mon second commentaire. Je reconnais le bien-fondé d'une grande partie des interventions de M. Broderick et de Mme Boyd aujourd'hui, mais il y a une question face à laquelle je dois nettement m'inscrire en faux, et il s'agit du point soulevé par M. Broderick et appuyé par Mme Boyd au sujet de la création d'emplois, qui serait beaucoup plus stimulée par l'investissement gouvernemental dans les services publics que par l'entreprise privée. M. Broderick a présenté des statistiques que je conteste. Je conteste cette notion.

Là encore, ma remarque se rapporte à ce que vous disiez, madame Vautour, au sujet d'une administration adéquate.

Mme Angela Vautour: J'admets certainement que la petite entreprise est le moteur de la création d'emplois dans tout le pays. Nous avons reconnu ce fait. Mais je considère aussi qu'il y a place pour l'intervention gouvernementale. En réinvestissant dans les soins de santé, on crée des emplois. Cela ne signifie pas que nous devrions investir dans les soins de santé uniquement pour créer des emplois. Nous investissons dans les soins de santé parce que nous avons besoin d'investissement dans les soins de santé, et cela crée des emplois. La même chose va se produire dans le secteur de l'éducation, etc.

Malheureusement, il y a eu du gaspillage par le passé, en raison de divers facteurs. On a dit que nous devions créer des emplois, mais il n'y avait pas véritablement de planification à long terme, et la région de l'Atlantique a été victime de cette lacune. De fortes sommes ont été gaspillées pour cette raison, et je suis tout à fait prête à l'admettre. Malheureusement, cela se poursuit.

C'est la raison pour laquelle je suis heureuse de la prudence que vous manifestez face au fonds pour l'emploi, parce que le gouvernement a le dernier mot en ce qui concerne la distribution des fonds. Je fais des recommandations. Je ne sais pas si Andy le fait encore, mais Andy Scott approuvait ces recommandations ou les appuyait énergiquement auprès de M. Pettigrew.

Je m'inquiète donc de cet aspect, le manque d'indépendance.

M. Shawn Murphy: Et ici, c'est M. MacAulay.

Mme Angela Vautour: Très bien. Je suis d'accord. Je ne regarde certainement pas le parti politique lorsque je fais une recommandation. J'ai recommandé des propositions de tous les partis.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Votre temps est écoulé, madame Vautour. Le cauchemar, pour un président, c'est qu'un membre déclare «J'ai encore une toute petite question».

Mme Angela Vautour: Il ne reste que le projet pilote. Je ne sais pas si nous en avons parlé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce votre deuxième petite question?

Mme Angela Vautour: C'est une petite question.

Y a-t-il quelqu'un qui s'inquiète du projet pilote? Je crois que la chambre de commerce devrait être inquiète, puisqu'elle l'était l'an dernier lorsqu'on a pris conscience qu'une heure équivalait à une semaine, et que tout le monde se cherchait des employés pour une heure ou une journée par semaine, ce qui a fait vraiment beaucoup de tort à nos travailleurs saisonniers. On ne sait pas encore si ce régime va être maintenu, et il doit prendre fin en novembre. Est-ce qu'on y a réfléchi? Je pose cette question à la cantonade. Le projet pilote se rapporte à la semaine courte.

• 1055

M. Shawn Murphy: Je ne crois pas que nous en sachions assez à ce sujet pour vous offrir nos commentaires. Je suis désolé.

Mme Angela Vautour: Je m'étonne que vous ne soyez pas au courant, puisque la raison...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois que le projet pilote se fait au Nouveau-Brunswick, pas dans l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme Angela Vautour: Non, le projet pilote se déroule dans la plus grande partie du pays, parce qu'il comporte deux volets: il y a eu le cumul des semaines courtes, puis l'abandon des semaines courtes.

Ici, dans les Maritimes, nous avions le cumul, qui ne comporte pas de pénalité. Mais les entreprises étaient très inquiètes. Je me souviens qu'un producteur de pommes de terre ici a dû fermer pour l'hiver parce que... Et il était tout à fait d'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Et qu'en est-il de votre petite question? Il y a un autre membre du comité qui voudrait lui aussi glisser une petite question.

M. Steve Loggie: Je ne crois pas que la chambre de commerce puisse exprimer une opinion à ce sujet. Je suis membre du comité des politiques, et nous n'en avons pas discuté, alors je ne peux vraiment rien vous en dire et je ne connais pas suffisamment le dossier pour en parler en mon nom personnel. Excusez-moi.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pouvons-nous terminer sur une toute petite question de M. Szabo, s'il vous plaît?

M. Paul Szabo: Je me demande si la chambre de commerce était au courant de l'existence de la Fondation canadienne pour l'innovation, ce fonds de 850 millions de dollars qui a été créé. Est-ce que vous avez été satisfaits de ce programme et du volet reddition de comptes?

M. Shawn Murphy: Oui.

M. Paul Szabo: Vous l'avez été. Mais vous n'êtes pas satisfaits de la comptabilité du fonds des bourses du millénaire. Pourtant, elle est identique.

M. Shawn Murphy: Je n'avais pas pris conscience que les 800 millions de dollars constituaient des dépenses. Est-ce exact?

M. Paul Szabo: Oui.

M. Shawn Murphy: Si tel est le cas, alors...

M. Paul Szabo: À titre d'information, si le gouvernement avait choisi d'administrer le fonds des bourses du millénaire par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation, le vérificateur général n'aurait pas exprimé de réserve. Le problème venait simplement du fait que la Fondation des bourses du millénaire n'avait pas été officiellement créée, parce qu'elle ne pouvait pas l'être tant que le budget n'avait pas été adopté en chambre.

C'est un problème technique. De fait, le contrôleur général de la Chambre des communes, qui était appuyé par l'industrie des comptables agréés, a indiqué au gouvernement que c'était là la façon correcte de comptabiliser ces dépenses. L'ICCA a présenté des recommandations, et le gouvernement établit des méthodes comptables appropriées, car il définit les engagements qu'il faut prendre. Il doit y donner suite. Les gouvernements ne tiennent pas leurs livres comme les entreprises.

Je vous fais donc remarquer que même le vérificateur général n'a pas déclaré que le projet faussait la comptabilité. Il a simplement dit qu'il ne l'appuyait pas parce que la Fondation des bourses du millénaire n'avait pas été légalement établie.

M. Shawn Murphy: Je ne veux pas m'engager dans un vaste débat sur les principes comptables qui s'appliquent à l'entreprise privée ou au gouvernement, et je ne veux certainement pas discuter des mérites des bourses du millénaire ou du fonds d'innovation. Ces deux programmes sont valables. Ce sont d'excellents programmes. Mais nous en revenons toujours à notre recommandation et au fait qu'en agissant ainsi—et la question n'est peut-être pas très importante—le gouvernement a faussé, au sens courant du terme, sans tenir compte des règles de l'ICCA, le tableau des finances que vous avez présenté aux contribuables canadiens.

Si l'argent n'avait pas été dépensé, l'excédent budgétaire ne serait pas de 3,5 milliards de dollars mais bien de six milliards de dollars. Je pense que les politiciens élus ont, à l'égard des contribuables, le devoir de...

Vous n'avez pas pour mandat de créer des déficits, d'hypothéquer la maison, les avoirs et le revenu des générations à venir, de nos enfants et de nos petits-enfants. De même, vous n'avez pas pour mandat d'engager des dépenses...

M. Paul Szabo: Mais vous pinaillez, parce que si le gouvernement n'avait pas imputé à l'exercice tous les bâtiments qu'il a achetés l'an dernier il aurait affiché un excédent extraordinaire.

M. Shawn Murphy: Vous passez d'un argument sur la comptabilité que l'ICCA...

M. Paul Szabo: Vous aussi, parce que si vous vous engagez à l'égard de 100 000 étudiants au Canada, qui auront droit à une aide pour poursuivre des études postsecondaires, vous devez avoir préparé le terrain et mis de côté l'argent nécessaire, et l'engagement doit être respecté.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Paul, la loi dans ce cas précis n'avait pas été adoptée avant l'annonce du budget. Soyons justes, il s'agit peut-être d'un détail technique.

M. Paul Szabo: Bien sûr, vous pouvez présenter toutes sortes d'arguments, mais je veux que vous sachiez que le vérificateur général n'aurait pas exprimé de réserve si nous avions agi par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation, la situation est à ce point arbitraire. Ce n'est pas aussi grave que vous le croyez.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.

• 1100

Mme Edith Perry: Si le comité doit présenter des recommandations à M. Martin et à son personnel—je sais que la session achève—personnellement, en tant que Canadienne, je recommanderais fortement que l'on écoute ce que la population du Canada a à dire. Écoutez ce que la population vous répète constamment, dans les sondages que votre gouvernement a certainement commandés et pendant les campagnes électorales. Vous entendez la même chose lors de vos déplacements. La population réclame des fonds pour la santé et l'éducation, des emplois, des revenus...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Eh bien, nous cherchons à atteindre cet équilibre. C'est la raison pour laquelle nous tentons...

Mme Edith Perry: C'est exact. Je suis d'une autre génération et j'aimerais être certaine d'avoir de quoi vivre lorsque je serai trop âgée pour travailler. Mes enfants ont droit à un avenir. M. Murphy et son organisme s'inquiètent des générations futures. Nous aussi. Qu'arrivera-t-il à ces enfants d'ici l'an 2000? Il faut qu'ils vivent, eux aussi. Il y a des jeunes femmes qui affirment ne pas vouloir d'enfants ou qui s'interrogent à ce sujet. Je pense que nous devrions vraiment nous inquiéter des opinions de la population.

Pour ce qui est du type d'emplois, faut-il qu'ils se tournent vers la formation commerciale ou technologique si cela ne correspond ni à leur spécialisation ni à leurs talents? Bien des jeunes doivent agir ainsi. Et ils décrochent dans les écoles de commerce et les collèges communautaires, même s'ils ont des prêts étudiants, parce qu'ils n'auraient jamais dû s'y inscrire. Ce sont là des aspects qu'il vous faut examiner.

Mme Mary Boyd: J'ai une question à poser. Est-ce que je peux poser une question, s'il vous plaît?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Soyez brève.

Mme Mary Boyd: Merci. Nous n'avons pas pu aborder la question de Mme Angela Vautour au sujet de l'assurance-chômage. Est-ce que nous pouvons vous écrire, à vous et aux membres du comité?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bien sûr.

Mme Mary Boyd: Très bien. En deux mots, je veux dire à M. Murphy que le fait que la fonction publique crée effectivement de nombreux emplois n'enlève rien au secteur privé. Cette conclusion s'appuie sur la recherche effectuée pour établir le contre-budget fédéral, et 150 politicologues et économistes du pays, la plupart titulaires de doctorat, ont affirmé que tel était le cas en se fondant sur la recherche. Je n'ai rien inventé. Il s'agit d'études très sérieuses.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que votre contre-budget, à l'échelon fédéral, est bien sérieux pour ce qui est de la façon dont vous trouveriez les cinq milliards de dollars à réinvestir dans les soins de santé? Qu'en est-il des x milliards de dollars que vous ne prévoyez pas investir en éducation? Il y a x milliards de dollars que vous voulez investir dans d'autres programmes sociaux. Vous parlez de remettre les cinq ou six milliards de dollars qui représentent l'excédent de l'assurance-emploi. Si vous additionnez tout cela, vous arrivez à 15 ou 20 milliards de dollars. Où prenez-vous tout cet argent?

Mme Mary Boyd: Eh bien, je crois que nous avons présenté de nombreuses suggestions quant à la façon...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourriez-vous nous en préciser une ou deux?

Mme Mary Boyd: ...de remettre le pays sur ses pieds en stimulant... Nous avons parlé de réduire les taux d'intérêt. Nous avons présenté de nombreuses suggestions...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Et vous allez faire tout cela...

Mme Mary Boyd: Nous avons aussi parlé d'imposer les riches et les sociétés...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Mme Mary Boyd: ...et d'éliminer les échappatoires pour les sociétés. C'est là-dedans. La recherche a été effectuée. Consultez Neil Brooks. C'est un spécialiste de l'imposition au Canada. C'est l'un d'entre eux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Eh bien, merci infiniment. Vous constatez que nous avons déjà une heure de retard. Vous avez énormément alimenté la discussion. De toute évidence, vous êtes parvenue...

Mme Edith Perry: Il y a encore quelque chose...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, je suis désolé, nous devons nous arrêter jusqu'à 13 heures.

Mme Edith Perry: ...que nous n'avons pas examiné sérieusement. Je pense que Mme Boyd et son groupe devraient être...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je lui ai demandé de préciser où elle trouverait les fonds supplémentaires. Je lui ai donné tout le temps voulu pour répondre.

Mme Mary Boyd: Et je crois que j'ai répondu. Il y a un excédent, et puis il y a d'autres façons d'accroître les recettes. C'est ce que nous disons depuis des années. Je ne comprends pas...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez dit qu'il faudrait imposer les sociétés et les riches. Vous avez énuméré...

Mme Mary Boyd: Il faut aussi fixer des cibles valables en matière de création d'emplois, pour qu'un plus grand nombre de Canadiens se renflouent et travaillent et paient des impôts. C'est la plus importante source de recettes pour le gouvernement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.

Certaines personnes croient que nos audiences sont une perte de temps. Je suis convaincu du contraire. Je peux vous donner quelques exemples. Je crois bien qu'au cours des cinq dernières années, depuis que je participe à ces audiences, j'ai vu dans chaque budget une mesure qui, certainement... Je n'y ai peut-être pas trouvé ma marque personnelle, mais je me souviens de nombreuses occasions où, à la suite des pressions de groupes d'intérêt ou de membres du caucus par exemple, ou parce que nous avions entendu quelque chose, nous avons réussi à convaincre le ministre des Finances de changer d'avis. Je peux vous donner un ou deux points du budget et dire «Qui l'eût cru, j'ai contribué à faire adopter cette mesure».

• 1105

Je pense que c'est notre mandat, ici, en tant que députés. Nous sommes ici pour écouter. Il y a un groupe de députés, dans l'Ouest, qui tient des audiences à Vancouver, à Calgary, dans toutes les provinces. Nous sommes en déplacement depuis déjà trois semaines—nous en sommes à notre troisième semaine. Nous rentrerons à Ottawa la semaine prochaine et nous conclurons nos audiences à Montréal.

Nous présentons un rapport au ministre des Finances. Ce rapport est publié chaque année. Nous n'obtiendrons pas tout ce que nous demandons, évidemment, mais nous avons toujours un certain succès—jusqu'à 50 ou 60 p. 100, certainement.

Vous ne verrez peut-être pas le point pour lequel vous avez comparu, mais n'oubliez pas que nous devons équilibrer les choses. Nous devons reprendre tout ce que nous avons entendu pour l'intégrer dans ce que nous appelons un budget. Ce n'est pas chose facile. Si nous avions des solutions de rechange, nous pourrions apporter des changements très importants, mais nous devons songer à l'avenir, au court terme et à l'équilibre entre les régions, comme vous l'avez mentionné.

Je veux simplement reprendre un détail, parce qu'il me semble que nous l'avons encore escamoté. Il s'agit de l'exonération de 500 $ que nous avons relevée. Permettez-moi de vous dire ce que cela signifie pour les Canadiens. Cela signifie que tous ceux qui touchent moins de 20 000 $ au cours d'une année ont effectivement 500 $ de plus dans leur poche cette année-là. Pour une famille dont le revenu est de 40 000 $ par année, cela signifie 1 000 $ de plus à dépenser. L'élimination du 3 p. 100, par exemple, signifie que les familles à un seul revenu qui touchent 30 000 $ conservent 145 $ de plus. Les familles à un seul revenu qui font 50 000 $ conservent 138 $ de plus.

Vous voyez des mesures concrètes, mais n'oubliez pas que l'an dernier nous ne savions même pas ce que notre budget allait être. Nous devons faire des choix très difficiles, mais ce sont les choix qui nous semblent les meilleurs pour les Canadiens. C'est l'équilibre que nous devons viser. Je veux répéter que nous prenons ces audiences très au sérieux. Le rapport, comme vous le constatez, sera déposé en décembre, bien avant le processus de planification budgétaire de février. Le ministre des Finances attend nos recommandations chaque année avec impatience.

Si vous avez quelque chose à ajouter, comme l'a dit Mme Boyd, n'hésitez pas à le mettre par écrit et à l'envoyer aux greffiers du comité des finances, à la Chambre des communes. Nous allons veiller à ce que tous les membres du comité, y compris ceux qui ont tenu des audiences dans l'Ouest, en prennent connaissance.

Je veux vous remercier de votre participation. Vous nous avez certainement fourni matière à réflexion. Nous devrons équilibrer les diverses recommandations des divers groupes, et c'est ce que reflétera notre rapport. Merci encore.

Nous allons maintenant nous arrêter 50 minutes pour déjeuner et passer quelques coups de fil. Merci.

• 1108




• 1209

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bonjour, soyez les bienvenus. Nous reprenons les consultations pré-budgétaires en vertu des articles 108(2) et 83.1 du Règlement. Cet après-midi, nous avons comme ce matin un programme très chargé.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Brian Curley et à Mme Deanna Duguay, de l'organisation ALERT.

[Français]

Je souhaite aussi la bienvenue aux représentants de la Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Robichaud, le président, et Mme Marie-Berthe Losier.

[Traduction]

Accueillons maintenant la présidente de la Medical Society of P.E.I., le Dr Rosemary Henderson. Nous entendrons aussi la présidente du P.E.I. Advisory Council on the Status of Women, Mme Sharon O'Brien, qui est accompagnée de Mme Rankin.

Je crois que nous avons d'autres témoins, mais je ne peux pas voir tous les porte-noms. Madame Nimmo, est-ce que vous êtes avec ces témoins?

Mme Liz Nimmo (présidente, P.E.I. Literacy Alliance): Je représente la Literacy Alliance.

• 1210

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mme Diane Morrow représente la P.E.I. Literacy Alliance; Mary MacNeil est représentante régionale de l'Alliance de la fonction publique du Canada pour l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick; M. Lawrence Heider et M. Neil Henry, vice-président, représentent l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard.

Soyez les bienvenus. Le processus vous est sans doute familier. Nous procédons par ronde de cinq à dix minutes. J'aimerais qu'on s'y tienne parce que le groupe est fort imposant. D'autres témoins arriveront à 15 heures et nous aimerions avoir le temps de dialoguer.

Je vais suivre l'ordre indiqué sur ma liste et demander à M. Curley de commencer. Soyez le bienvenu.

M. Brian Curley (ALERT): Merci. ALERT est une association de prestataires de l'aide sociale et de sympathisants qui s'efforcent d'améliorer les conditions des personnes vivant dans la pauvreté grâce au lobbying et en informant le gouvernement et la population. Nous sommes heureux de participer à la discussion sur la politique publique, puisque cette politique influe profondément sur la vie des personnes pauvres dans notre province et au pays.

Toutefois, nous devons exprimer notre inquiétude au sujet de ce processus d'audiences. Il est difficile d'accorder beaucoup d'importance à ces audiences lorsque tout indique que le gouvernement n'a pas l'intention d'examiner sérieusement les opinions des pauvres du Canada. Lors des audiences de l'année dernière, ici à Charlottetown, après avoir entendu les avocats de la lutte contre la pauvreté, un membre du comité aurait affirmé «Quelle perte de temps, pour un député, que d'écouter toutes ces fadaises.» Ce commentaire et l'absence ou la distraction de certains membres faisaient injure au processus démocratique et aux pauvres du Canada.

En outre, dans un article publié dans le Guardian du 19 octobre, Rosemary Speirs affirmait que Paul Martin n'avait pas l'intention d'écouter les conseils imprudents des partis de l'opposition, des premiers ministres provinciaux ou des représentants du monde des affaires et des travailleurs sociaux. Si le ministre des Finances ne veut rien écouter, pourquoi sommes-nous ici et pourquoi l'argent des contribuables est-il investi dans cette parodie? Nous ne pouvons qu'espérer que tel n'est pas le cas.

Mme Deanna Duguay (ALERT): Voici quelques exemples de ce que les membres d'ALERT entendent dans l'Île-du-Prince-Édouard.

Une mère chef de famille monoparentale travaille tout le mois pour toucher un salaire net de seulement 19 $. Une mère célibataire n'a plus droit à l'allocation mensuelle de 161 $ de l'aide sociale parce qu'elle n'a pas de moyen de transport et ne peut pas se conformer à une exigence relative à l'emploi. Cette exigence est déraisonnable puisque la mère devrait lever son enfant à quatre heures, se rendre chez une gardienne à 45 kilomètres de son foyer puis parcourir encore 45 kilomètres pour se présenter au travail à six heures.

La majorité des parents prestataires de l'aide sociale consacrent une partie du budget d'épicerie au loyer, au chauffage et à l'électricité, en raison des taux inadéquats de l'aide sociale pour ces postes budgétaires essentiels. Une femme a déclaré qu'après avoir payé le loyer, il lui restait tout juste de quoi acheter les aliments pour les goûters à l'école, et pratiquement rien pour le petit déjeuner et le dîner à la maison.

Les travailleurs migrants qui viennent de l'extérieur de la province dorment sur le sol dans des appartements qu'ils n'ont pas loués. Dans bien des cas, faute de transport, le traitement médical est retardé ou ne peut être assuré. Nous avons entendu parler d'une femme qui n'avait pas de chaise pour manger à la table avec ses enfants. Tous les enfants dont les parents sont prestataires de l'aide sociale ne touchent rien au titre de la prestation nationale pour enfants.

M. Brian Curley: Nous voulons présenter quelques recommandations, mais nous n'en lirons que quelques-uns, en raison des limites de temps.

Nous recommandons que le financement et les conditions qui s'y rapportent, qui ont disparu lorsque le TCSPS a remplacé le RAPC, soient rétablis. Les conditions de financement dans les diverses provinces devraient être appliquées de façon plus stricte qu'à l'époque du Régime d'assistance publique du Canada.

Les niveaux des prestations versées en vertu de l'assurance-emploi devraient être relevés afin que les travailleurs en chômage disposent d'un revenu suffisant pour faire vivre leurs familles sans devoir recourir à l'aide sociale et aux banques alimentaires. Cette mesure pourrait être combinée à des modifications du règlement pour que les exigences d'admissibilité reflètent la réalité du taux de chômage dans la région. Ces améliorations ne coûteraient rien aux contribuables canadiens, puisque les fonds de l'assurance-emploi n'appartiennent pas au gouvernement mais bien aux cotisants, et doit produire des revenus en cas de chômage.

Les paiements de transfert au titre de l'éducation devraient être accrus pour mettre fin au délestage du déficit fédéral sur les étudiants.

Le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que tous les enfants pauvres aient également droit à la prestation nationale pour enfants. L'engagement du gouvernement en ce qui concerne l'élimination de la pauvreté des enfants ne s'est pas encore traduit par des mesures concrètes. Sans aucun doute, cette prestation nationale pour enfants serait un premier pas dans la bonne direction, si seulement tous les enfants pauvres pouvaient utiliser cet argent. Cela constituerait au mieux un geste symbolique, puisque le Canada enfreint allégrement le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

• 1215

Il est essentiel que le gouvernement fédéral conserve le droit et le pouvoir d'imposer certaines normes nationales en matière de santé et d'aide sociale. Cela est nécessaire pour que les citoyens jouissent d'un traitement équitable dans toutes les régions du pays. Par ailleurs, le Canada est signataire du Pacte de l'ONU susmentionné et il doit respecter les engagements qu'il a pris dans le cadre de cette entente. Le gouvernement doit être en mesure de surveiller l'exécution des programmes pour pouvoir s'acquitter des devoirs qu'il a ainsi acceptés.

Les exonérations personnelles et fiscales devraient être relevées en fonction du seuil de faible revenu fixé par Statistique Canada.

Ce sont là quelques-unes des recommandations que nous présentons. Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Curley.

[Français]

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard. Monsieur Robichaud, je vous invite à faire votre présentation.

M. Ulysse Robichaud (président, Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard): Notre mémoire porte sur l'éducation en français langue maternelle à l'Île-du-Prince-Édouard.

Bien que la province insulaire compte cinq régions acadiennes et francophones, on ne retrouve que deux écoles de langue française, soit l'école François-Buote de Charlottetown et l'école Évangéline d'Abram-Village.

Les régions de Prince-Ouest, Rustico et Summerside revendiquent toujours leurs écoles. À cet effet, la Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard attend la réponse de la Cour suprême du Canada au sujet de l'autorisation de se présenter devant les tribunaux afin de défendre nos droits constitutionnels quant à l'obtention d'une école de langue française dans la région de Summerside.

Le temps presse, car l'assimilation continue ses ravages. Dans certaines collectivités, les parents ne parlent plus la langue et les grands-parents n'arrivent pas à se faire comprendre lorsqu'ils parlent français à leurs petits-enfants. C'est toute une culture qui est en train de disparaître à l'Île-du-Prince-Édouard. Si rien ne change bientôt, on ne pourra même plus appliquer l'article 23 de la Charte des droits et libertés.

Quand les touristes viendront à l'Île-du-Prince-Édouard l'été, ils seront obligés de pousser des touches sur l'ordinateur s'ils veulent apprendre qu'il y avait des Acadiens et des francophones ici parce qu'on est en train de disparaître. Il est triste de penser qu'on fera partie du folklore au Canada si les gouvernements ne nous aident pas financièrement afin qu'on puisse survivre.

Pour nous, à la fédération, il est clair que l'accessibilité de l'éducation française dans chacune des communautés acadiennes constitue un outil essentiel pour combattre l'assimilation. Il en est de même pour l'intégration des maternelles dans le système scolaire à l'Île-du-Prince-Édouard, la seule province au pays où les maternelles ne font pas partie du système scolaire.

L'importance des maternelles est reconnue d'un bout à l'autre du Canada. Des études ont démontré que leur absence représente un obstacle qui s'ajoute à toutes sortes d'obstacles auxquels se heurtent les francophones à l'Île-du-Prince-Édouard. Notre province n'est pas égale aux autres provinces. L'absence d'écoles maternelles contribue aussi à notre assimilation.

L'éducation est la base de tout le développement, qu'on parle de technologie, d'économie ou d'un autre domaine. Comme je le disais auparavant, notre économie risque de souffrir si les touristes qui viennent à l'Île-du-Prince-Édouard se rendent compte qu'il n'y a plus personne qui parle le français et qu'ils doivent pousser sur un bouton pour apprendre que des Acadiens y ont déjà vécu. Ça ne va pas attirer les touristes. À mon avis, c'est un point important.

Nous avons l'obligation, en tant que société, d'offrir à nos jeunes un environnement propice et les outils nécessaires à un apprentissage de qualité. Je crois que je peux affirmer sans me tromper que tous les parents au monde veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Les parents de l'Île-du-Prince-Édouard ne font pas exception à la règle. Nous voulons l'accès à une éducation de qualité dans notre langue, peu importe le lieu de naissance. Vous comprendrez aussi l'importance pour notre survie en tant que peuple de transmettre notre culture et notre langue à nos enfants, et ce, dès le plus jeune âge. Par ailleurs, un des objectifs visés par l'article 23 n'est-il pas le maintien et l'épanouissement de la langue et de la culture des minorités de langue officielle au Canada?

La Convention relative aux droits des enfants adoptée le 20 novembre 1989 par les Nations unies et ratifiée par le Canada en 1991 vise à garantir la santé et le bien-être des enfants du monde entier en reconnaissance de leurs droits à la survie, à la protection, au développement et à la participation. La question se pose: offrir à tous nos jeunes l'occasion de fréquenter la maternelle et l'école de langue française en leur donnant accès à un programme de qualité et aux ressources nécessaires à leur apprentissage n'est-il pas un outil efficace de développement?

• 1220

Puisqu'on n'a pas d'écoles qui donnent une éducation en français langue maternelle à l'Île-du-Prince-Édouard, on se sent assimilés par le système d'immersion. C'est un bon système pour les anglophones, mais cela ne représente pas une éducation française adéquate pour nos francophones. J'aimerais souligner que le gouvernement fédéral a investi d'importantes sommes d'argent dans le système pour que les anglophones deviennent bilingues. C'est une initiative louable, mais il ne faut pas, d'autre part, que toute notre communauté et nos souches acadiennes viennent à disparaître. Avons-nous besoin de deux langues au Canada? Ceux qui ont fondé le Canada, ceux qui ont fondé l'Île-du-Prince-Édouard, nos Acadiens, ont vu disparaître leur langue, tandis qu'on bâtit des écoles d'immersion pour les fonctionnaires qui nous arrivent d'Ottawa. Tel est le problème que rencontre à l'Île-du-Prince-Édouard la communauté qui s'est établie ici aux environs de 1600, depuis la déportation des Acadiens.

À titre d'organisme voué à la promotion et à la défense de l'éducation en français langue maternelle, il nous est de plus en plus difficile de jouer notre rôle. Les réductions budgétaires, en particulier dans le fonctionnement de base, font en sorte que notre employée passe une grande partie de son temps à essayer de trouver du financement plutôt qu'à travailler à faire avancer les dossiers.

Une entente Canada-communauté ne fonctionne pas pour nous, les parents. On nous demande de faire un exercice délicat en nous confiant le soin d'établir les priorités et de sabrer nous-mêmes certains programmes. Comment faire pour établir des priorités et déterminer ce qui est le plus important dans une communauté? Tout est important. Si on sabre un programme, cela a des répercussions sur un autre. Si on accorde la priorité à l'éducation, il faut sabrer dans un autre domaine qui est peut-être lié à l'éducation.

C'est la même chose dans la nature. Si on coupe tous les arbres d'une forêt, tous les animaux vont disparaître. Si nous accordons la priorité à la protection des animaux et en particulier à celle des écureuils, ils ne pourront pas survivre si on rase la forêt. La même chose se produit quand on travaille au niveau de la communauté. Il y a un risque sérieux à sabrer un peu partout. Cette façon de procéder n'a pas fonctionné à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous ne savons même pas pendant combien de temps nous pourrons retenir les services de notre employée puisque nous avons subi des réductions de 15 000 $ à 20 000 $. Nous, les membres de la Fédération des parents l'Île-du-Prince-Édouard, considérons que nous sommes les premiers. On représente les parents et l'avenir.

Il faut ajouter que Patrimoine Canada est le principal bailleur de fonds de la Fédération des parents l'Île-du-Prince-Édouard. L'éducation n'est pas un dossier facile à vendre même si tous semblent s'entendre sur son importance.

Pourtant, il nous faut un fonctionnement stable afin que nous puissions concentrer nos efforts sur le travail à accomplir. Les réalisations de la Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard sont nombreuses. Toutefois, plusieurs projets mis sur pied nécessitent un suivi. Nous travaillons à la réalisation de toutes sortes de beaux projets, mais nous n'avons pas d'argent pour les poursuivre tous. Cela revient encore à l'entente Canada-communauté.

D'autre part, il faut demander à nos bénévoles d'assumer plus de responsabilités. Il est de plus en plus difficile de trouver de nouveaux bénévoles tellement la charge de travail est lourde. Conséquemment, ce sont souvent les mêmes personnes qui portent plusieurs chapeaux à l'intérieur des divers comités. Nos bénévoles sont épuisés. Un facteur qui n'aide pas non plus, c'est qu'on a souvent l'impression que nos gouvernements nous ont abandonnés.

J'aimerais aussi ajouter que nous avons appris ce matin que nous pourrions porter notre cause devant la Cour suprême du Canada. J'aimerais traiter au cours des prochaines minutes du Programme de contestation judiciaire. Nous sommes certainement chanceux de pouvoir compter sur l'appui du programme pour porter notre cause devant les tribunaux. Toutefois, les fonds disponibles sont insuffisants pour défrayer les honoraires de nos avocats. Les obstacles que nous devons affronter en vue de faire reconnaître et respecter nos droits constitutionnels semblent sans limites. Notre avocat, Me Robert McConnell, ne sera jamais remboursé à sa juste valeur pour tout le travail et tout le temps qu'il a consacrés à notre cause en vue de l'obtention d'une école de langue française dans la région de Summerside.

Comme vous le savez, nous porterons notre cause devant les tribunaux. Il est difficile de croire qu'il nous faut aller jusqu'à la Cour suprême du Canada pour avoir une école de langue française dans la région de Summerside-Miscouche, là où on a tenu le premier Congrès mondial acadien et où le drapeau acadien a été établi. Et dire qu'on parle aujourd'hui, dans notre beau Canada, d'être obligé d'aller jusqu'à la Cour suprême du Canada pour obtenir une école! Les parents disent que c'est pas mal triste.

Je tiens à vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui. J'ose espérer que cet exercice apportera des résultats concrets et qu'il vous permettra de mieux saisir la réalité des Acadiens et des Acadiennes de l'Île-du-Prince-Édouard.

• 1225

En conclusion, il reste encore beaucoup de travail à faire. Alors que les jeunes insulaires n'ont pas accès à l'égalité de services dont disposent les jeunes Canadiens d'autres provinces, on ose à peine parler d'épanouissement et de développement. Que dire de l'égalité de statut, sinon que c'est encore loin d'être la réalité à l'Île-du-Prince-Édouard.

Pour terminer, je tiens à souligner que le 20 novembre est la Journée de l'enfant.

Nous avons encore de l'espoir, bien qu'après avoir travaillé à titre bénévole pendant longtemps dans ce domaine, on devienne parfois de plus en plus découragés. Le gouvernement semble avoir toutes sortes de plans d'actions et de projets. Bien que les Acadiens soient davantage acceptés au Canada, ils risquent toujours de se faire assimiler parce qu'on ne leur donne pas les outils pour survivre. Il y a cent ans, un écrivain acadien de Rustico, Henri Blanchard, écrivait qu'il était triste que les Acadiens n'aient jamais été acceptés comme peuple, comme francophones par les anglophones au Canada, mais qu'au moins ils avaient su préserver leur religion et leur langue.

Aujourd'hui, on nous accepte davantage, mais on ne nous donne pas les outils nécessaires à notre survie. D'une certaine façon, il y a 100 ans, il était plus facile de préserver notre culture, même si on avait moins d'argent. Dans le monde actuel, on ne peut pas survivre dans le domaine où nous sommes plongés sans argent ni emploi. On ne peut plus vivre comme on vivait il y a 100 ans. Les règles du jeu ont changé. Les outils dont nous avons besoin nécessitent des investissements d'argent. Il faut trouver une meilleure façon de déterminer comment nous distribuerons les fonds. Nous ne devrions pas être obligés de nous mettre tout le temps à genoux. On devrait pouvoir entamer des programmes et disposer des sommes d'argent nécessaires pour les poursuivre.

Je vous remercie beaucoup. Si vous avez des questions, je serai tout disposé à y répondre. À l'Île-du-Prince-Édouard, où l'assimilation nous guette et où elle est de l'ordre de 50 à 60 p. 100, il est pressant d'agir. Je vous remercie beaucoup.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Robichaud. Je vais faire une chose pour vous: je remettrai votre mémoire aux présidents des comités du patrimoine et des langues officielles de la Chambre des communes. Un grand nombre des points que vous avez abordés relèvent en grande partie de ces comités. Cela ne nous empêchera toutefois pas de discuter davantage avec vous des points que vous avez soulevés et de vous poser des questions. Ces comités sont toutefois peut-être un meilleur endroit que le Comité des finances pour présenter vos revendications. J'admets cependant que je vois quand même les liens entre les questions que vous soulevez et notre mandat.

M. Ulysse Robichaud: Oui, je suis d'accord, mais sans appui financier, nous ne pouvons pas réaliser nos projets. Nous avons identifié une foule de choses. Nous avons fait un bon travail, mais les projets...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ça prend toujours de l'argent.

M. Ulysse Robichaud: C'est ça. Nous avons été mis dans cette situation, dans ce système. Ce n'est pas nous qui nous sommes mis dans le système.

Le vice-président (M. Nick Discepola): D'accord.

M. Ulysse Robichaud: Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Écoutons maintenant le Dr Rosemary Henderson, représentante de la Medical Society of Prince Edward Island. Soyez la bienvenue.

Dr Rosemary Henderson (présidente, Medical Society of Prince Edward Island): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Je représente la Medical Society of Prince Edward Island, qui est la division provinciale de l'Association médicale canadienne. Nous avons pour mandat d'assurer le leadership et la représentation des médecins et de promouvoir des normes strictes en matière de santé et de soins de santé, au profit de tous les habitants de l'Île. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer à ce processus consultatif.

Nous appuyons, comme la majorité des Canadiens, le principe d'un système de santé complet et public, tel que le décrit la Loi canadienne sur la santé. Nous éprouvons de graves inquiétudes quant à la viabilité d'un tel système dans le climat financier contemporain. Comme les membres du comité le savent, le gouvernement fédéral a retenu un total cumulatif de 45,5 milliards de dollars sur les paiements de transfert destinés aux gouvernements provinciaux et territoriaux depuis 1982. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, entre les exercices 1995-1996 et 1997-1998, les paiements de transfert au titre de la santé ont diminué d'environ 32,9 millions de dollars.

Pendant que le budget de la santé absorbait ces réductions, la province s'est lancée dans une réforme de la santé, afin de créer un régime d'assurance-santé uniforme, qui reconnaisse et utilise les déterminants de la santé, pour mettre l'accent sur la promotion de la santé et la prévention des maladies tout en fournissant des services de santé adéquats, accessibles et soutenables aux habitants de l'Île. Dans l'esprit de la population et de nombreux professionnels de la santé, la réforme de la santé est devenue synonyme de compressions. Une partie des buts les plus valables de l'exercice n'ont pas été atteints en raison de ce sabotage financier.

Si la double épreuve de la réforme et des compressions budgétaires a effectivement facilité quelques changements nécessaires dans le système des soins de santé, les économies qui étaient possibles, au moins dans le domaine qui relève de la réalité politique et financière de la province, ont depuis longtemps été concrétisées. Elles ont profondément perturbé le système. Les médecins ont de la difficulté à obtenir des lits d'hôpitaux pour les malades aigus. Le taux d'occupation des lits d'hôpitaux dans les unités de chirurgie du principal hôpital de l'Île est de plus de 95 p. 100. Cela signifie que l'annulation d'interventions chirurgicales électives est chose courante et que nous n'avons aucune latitude pour faire face aux conditions d'une demande accrue, qui se présentent régulièrement, par exemple pendant la saison des grippes.

• 1230

Il n'y a pas suffisamment d'infirmières dans les hôpitaux, et elles prennent soin de patients qui sont plus malades que jamais auparavant. Il n'y a pas suffisamment de ressources pour les soins à domicile et les soins de longue durée, et il est impossible d'offrir les niveaux de soins auxquels la population a droit. Certains habitants de l'Île n'arrivent pas à trouver un omnipraticien. Les listes d'attente pour certains services consultatifs, certaines procédures chirurgicales et certains tests diagnostiques sont trop longues. Les chirurgies de la cataracte et les opérations pour remplacer les grandes articulations, par exemple, sont inscrites au calendrier jusqu'à un an à l'avance. Un orthopédiste me disait il y a quelques jours qu'un de ses jeunes patients, un homme de 50 ans, était travailleur autonome, qu'il possédait une entreprise de construction et ne pouvait pas travailler depuis un an mais qu'il attendait toujours une chirurgie de remplacement d'articulation. Quelle est l'incidence de la maladie et de l'invalidité de cet homme sur l'économie locale?

Pour une épreuve diagnostique comme un lavement baryté, il faut prendre rendez-vous jusqu'à deux mois d'avance. Si vous subissez cet examen parce que vous souffrez de saignements rectaux peut-être attribuables à un cancer, cette attente est trop longue.

Le vieillissement de l'infrastructure, le vieillissement du personnel et le vieillissement de la population ne feront qu'empirer les choses. L'Île-du-Prince-Édouard a une population relativement âgée en comparaison du reste du Canada. Les personnes de 75 ans et plus formaient 6,1 p. 100 de notre population en 1996. On estime que cette proportion passera à 6,4 p. 100 cette année et à 6,5 p. 100 en l'an 2000. Cette situation exercera une forte pression sur le système. Nombre des problèmes que connaît cette population sont ceux qui nous créent déjà des difficultés.

Les troubles ophtalmologiques, comme les cataractes, les maladies dégénératives des articulations qui nécessitent une chirurgie de remplacement, les maladies cardio-vasculaires, dont les crises cardiaques et les accidents cérébrovasculaires, les démences et les cancers seront de plus en plus courants.

Par conséquent, nous appuyons les recommandations que l'Association médicale canadienne a présentées au Comité permanent des finances le 31 août dernier. Brièvement, il s'agit de stabiliser le financement des soins de santé et de créer un fonds transitoire, d'une durée limitée, qui permettrait un certain renouveau du système de santé.

Nous recommandons par conséquent:

(1) Que le gouvernement fédéral alloue à la santé une part précise des transferts financiers aux provinces et aux territoires.

(2) Qu'en plus du niveau actuel des fonds fédéraux transférés aux provinces et aux territoires au titre de soins de santé, le gouvernement fédéral ramène à un minimum de 2,5 millions de dollars en argent, sur une base annuelle, les fonds alloués aux soins de santé, et ce à compter du 1er avril 1999.

(3) Qu'à compter du 1er avril 2000, le gouvernement fédéral indexe complètement le total des fonds alloués aux soins de santé, en fonction de facteurs comme la croissance démographique, le vieillissement, les caractéristiques épidémiologiques, les connaissances actuelles au sujet des nouvelles technologies et la croissance économique.

(4) Que le gouvernement fédéral établisse un fonds spécial pour le renouvellement du système de santé, qui contiendra trois milliards de dollars à utiliser sur une période de trois ans à compter du 1er avril 1999, pour le soutien de l'infrastructure des soins aux malades aigus, le soutien de l'infrastructure des soins communautaires, l'appui aux Canadiens menacés qui ont besoin de pharmacothérapie et de dispositifs médicaux, et la technologie de l'information sur la santé.

Nous appuyons en outre les recommandations de l'AMC quant à la politique fiscale sur les produits du tabac, à l'appui au programme de contrôle du tabagisme, à la TPS, aux REÉR, aux services de santé non imposables et à la recherche dans le domaine de la santé au Canada.

La Medical Society of Prince Edward Island presse le gouvernement fédéral de réinvestir dans le secteur des soins de santé. Il nous faut retrouver notre fierté à l'égard d'un système subventionné par l'État. Nous devons continuer de tendre vers un système efficace, économique et durable. Mais, par-dessus tout, nous devons disposer des ressources nécessaires pour soigner adéquatement nos patients. Nous sommes prêts à faire front commun avec la population, les autres fournisseurs de soins de santé et les gouvernements provinciaux et fédéral pour veiller à ce que cette évolution se produise.

Je vous remercie de votre attention.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Henderson.

J'aimerais maintenant entendre la représentante du P.E.I. Advisory Council on the Status of Women, Mme Sharon O'Brien. S'il vous plaît.

Mme Sharon O'Brien (présidente, P.E.I. Advisory Council on the Status of Women): Le P.E.I. Advisory Council on the Status of Women est une organisation gouvernementale chargée de conseiller le gouvernement provincial et de sensibiliser la population aux questions liées à la situation des femmes dans l'Île-du-Prince-Édouard. Créé par décret en 1975, le conseil consultatif existe maintenant en vertu d'une loi de 1988, le P.E.I. Advisory Council on the Status of Women Act.

Indépendant du gouvernement provincial, le conseil relève de l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard par l'entremise du ministre délégué à la situation de la femme, mais il conserve son droit de publier et de commenter les questions sans aval ministériel.

Le conseil consultatif prône l'égalité des femmes et appuie la participation pleine et entière des femmes à la vie sociale, juridique, culturelle, économique et politique. À cette fin, le conseil participe à de nombreuses activités pour surveiller les questions qui intéressent les femmes et sensibiliser la population aux questions féminines. Le mandat du conseil consultatif comprend la recommandation de mesures législatives, de politiques et de pratiques propres à favoriser l'égalité des chances pour les femmes et à améliorer la situation des femmes.

• 1235

Le conseil consultatif est composé de neuf bénévoles, nommées par le conseil exécutif des membres du conseil de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que d'un personnel de soutien pour assurer une liaison permanente avec les organisations féminines et les femmes dans les collectivités. Le conseil se réunit régulièrement pour discuter et régler diverses questions intéressant les femmes de l'Île. Le conseil consultatif n'est pas chargé d'examiner des questions relevant du gouvernement fédéral; toutefois, les questions de politique fédérale se répercutent directement sur les femmes de l'Île. Même s'il y a de nombreux problèmes que nous pourrions examiner aujourd'hui, nous allons nous pencher brièvement sur les quatre questions suivantes: un organisme gouvernemental chargé de faciliter le règlement des conflits familiaux; une aide juridique accessible et adéquate pour les familles; l'équité salariale; un financement accru pour les programmes destinés aux femmes.

La création d'organismes de règlement des différends familiaux dans l'ensemble du pays est une mesure positive face aux difficultés auxquelles les familles sont confrontées après l'échec d'un mariage. Un organisme de règlement des conflits familiaux devrait être créé dans chaque province pour aider les femmes, les hommes et les enfants à négocier progressivement leurs différends afin de régler les questions de garde et de droit de visite et d'autres questions familiales. Cet organisme serait le point d'entrée pour l'évaluation de cas et le renvoi et servirait de centre d'échange d'information récente sur les programmes et les services offerts aux citoyens.

Un organisme de règlement des différends familiaux pourrait succéder au système actuel d'exécution des ordonnances alimentaires. Le système canadien d'exécution des ordonnances a été mis sur pied sous la direction du gouvernement fédéral et grâce à son financement. Il a été conçu et mis en oeuvre par les gouvernements provinciaux, selon les besoins et les ressources des provinces. L'organisme de règlement des différends familiaux pourrait s'inspirer du modèle d'exécution des ordonnances alimentaires et servir de centre d'échange d'information et de ressources dans des secteurs autres que le secteur juridique.

Nous recommandons que les organismes de règlement des différends familiaux deviennent les points d'entrée pour les femmes, les hommes et les enfants, au moment de la désintégration de l'unité familiale, à des fins d'information, d'évaluation et de renvoi à des services d'aide juridique et non juridique.

Pour ce qui est de l'aide juridique, le programme de l'Île-du-Prince-Édouard convient bien aux affaires pénales, mais très mal aux affaires de droit de la famille. Dans les cas de divorce, à l'exception de certaines situations où il y a risque de violence imminente, les habitants de l'Île n'ont pas droit à une aide juridique quelconque. Les prestataires de l'aide sociale ont accès à un avocat du gouvernement qui les aide à toucher la pension alimentaire pour enfants, quoique les listes d'attente contiennent des centaines de noms et qu'il faille parfois attendre jusqu'à 12 mois.

Chaque année, des femmes de l'Île—et dans certains cas des hommes—sont privées de la pension alimentaire pour enfants par leur ex-conjoint, n'ont pas d'entente de séparation adéquate, n'ont pas d'entente satisfaisante en matière de droit de visite et n'ont même pas la garde de leurs enfants, tout cela parce qu'elles ne peuvent pas payer un avocat pour obtenir un règlement juridique. Lorsqu'un besoin financier juridique est manifeste, l'aide juridique devrait être accordée. Nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte une disposition de partage des coûts de l'aide juridique dans les cas de droit de la famille. Cette disposition pourrait être similaire à celle qui s'applique aux affaires de droit pénal.

En matière d'équité salariale, tout le monde sait maintenant que les femmes de l'Île-du-Prince-Édouard et du Canada en général touchent 72c. pour chaque dollar que gagne un homme. La vérité est que les femmes n'ont généralement pas le même type d'emplois que les hommes et que les emplois des hommes sont mieux rémunérés. C'est dans ce contexte que la récente décision du Tribunal canadien des droits de la personne en matière d'équité salariale marquait une victoire historique pour les travailleuses. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, il y a plus d'un millier de personnes, surtout des femmes, qui seraient touchées par cette récente décision. Ces femmes sont nos soeurs, nos mères, nos voisines et nos amies. Elles sont souvent parents uniques et elles ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Il ne faut pas oublier que ces femmes à faible revenu rendraient au gouvernement fédéral, sous forme d'impôt, une partie de l'argent qui leur serait ainsi accordé.

Les femmes de l'Île ont besoin de savoir que le gouvernement fédéral est déterminé à défendre l'égalité des sexes en dédommageant ceux, et en particulier les femmes, qui ont été victimes de pratiques d'emploi inéquitables pendant des dizaines d'années. Nous savons que si le gouvernement accepte cette décision du tribunal et fixe une norme nationale à tous les employeurs, tous les Canadiens, hommes, femmes et enfants, en profiteront. Nous recommandons donc que le gouvernement fédéral respecte la décision relative à l'équité salariale prise par le Tribunal canadien des droits de la personne.

• 1240

En matière de financement des programmes destinés aux femmes, ce financement doit être accru afin d'assurer la capacité des groupes de défense des droits des femmes de réaliser des études, de mener des campagnes d'éducation publique, d'offrir des services et d'influer sur les politiques gouvernementales aux paliers national, provincial, territorial et local. Les programmes destinés aux femmes sont un volet essentiel d'une vaste stratégie de politiques, de programmes et d'autres initiatives qui ciblent les femmes. Il faudrait reconnaître que les programmes destinés aux femmes sont essentiels pour encourager et soutenir la capacité des organisations féminines de réaliser des études, de sensibiliser la population, d'offrir des services et d'influer sur la politique gouvernementale en matière d'égalité des sexes.

Le conseil consultatif presse le gouvernement de veiller à ce que les femmes du Canada puissent participer pleinement à la société canadienne, en appuyant concrètement les mécanismes qui leur permettent d'exprimer leurs opinions et de déployer des efforts au sein d'organisations de défense de l'égalité en vue d'assurer la justice sociale, économique et politique. Nous recommandons que le gouvernement fédéral alloue dans le budget fédéral de 1999 plus de fonds aux programmes destinés aux femmes.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame O'Brien.

Je voudrais continuer par...

M. Paul Szabo: Je voudrais un éclaircissement, monsieur le président. Mme O'Brien pourrait-elle nous préciser de quel programme destiné aux femmes elle parlait?

Mme Sharon O'Brien: Il relève de Hedy Fry...

M. Paul Szabo: Le programme de la condition féminine.

Mme Sharon O'Brien: En effet.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci de cet éclaircissement, monsieur Szabo.

Nous allons maintenant entendre Mme Dianne Morrow, qui représente la P.E.I. Literacy Alliance. Soyez la bienvenue.

Mme Dianne Morrow (directrice générale, P.E.I. Literacy Alliance): Merci. Je suis accompagnée de Liz Nimmo, présidente de l'Alliance, et de Lillian Mead, qui représente les apprenants adultes au conseil d'administration de l'Alliance. Après mon aperçu d'ensemble de cinq minutes, elles participeront à la discussion, ce dont elles se réjouissent d'avance.

Je vous remercie de nous donner la possibilité de vous présenter nos vues. La P.E.I. Literacy Alliance est un groupe qui coiffe 28 organisations travaillant toutes dans le domaine de l'alphabétisation—je crois qu'on vous a remis notre brochure avec notre mémoire. Notre intention est d'insister sur le fait qu'il est important que le gouvernement fédéral ne se contente pas de maintenir sa participation dans ce domaine, mais qu'il l'intensifie.

L'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, l'EIAA, a été effectuée en 1995 par Statistique Canada et par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Des enquêtes de suivi ont été effectuées en 1996, en 1997, et elles se poursuivront. Ces enquêtes montrent clairement que l'existence d'une population adulte alphabétisée est un préalable indispensable à la croissance économique. L'EIAA a une position très nette. Pour relever les défis de l'économie nouvelle, il est indispensable d'avoir de solides capacités de lecture et d'écriture.

Avant d'évoquer brièvement ce que certains ont appelé les statistiques catastrophiques de l'EIAA relatives à l'alphabétisation des adultes, je tiens à préciser ce que nous entendons par «aptitude à la lecture et à l'écriture» afin que vous compreniez ce que mesurent également ces statistiques. Il ne suffit pas d'être capable de lire des lettres et de prononcer un mot pour être alphabète. C'est ce qu'on appelle le décodage. Moi qui aimerais tant être bilingue, je suis capable de décoder un peu de français, mais cela ne signifie pas que je suis capable de comprendre le sens de la phrase. Le décodage est une fonction essentielle, mais elle n'est pas tout, loin de là.

Dans l'enquête de l'EIAA, «l'aptitude à la lecture et à l'écriture» s'applique à l'acquisition des compétences et des connaissances requises pour comprendre une information écrite et pour l'utiliser. Un exemple classique est la capacité de comprendre le mode d'emploi d'un médicament et de l'utiliser à bon escient. Une mère qui donne un médicament à son enfant doit être capable de comprendre ce qui est écrit sur l'étiquette. Il devient de plus en plus nécessaire que les gens soient sachent utiliser les guichets automatisés tels que ceux que l'on trouve dans les banques ou encore, au Centre canadien d'emploi pour obtenir des renseignements qui les aideront à trouver du travail. Les factures de téléphone et beaucoup d'autres factures deviennent parfois de plus en plus difficiles à comprendre. Cette aptitude à décoder des documents pose des problèmes très précis. Il y a aussi la question de la communication avec l'établissement scolaire que fréquente votre enfant. Il faut pouvoir lire une lettre de son professeur ou de son instituteur. Il faut aussi être capable de lui écrire un mot.

L'EIAA s'appuie sur cette définition fonctionnelle pour conclure que 50 p. 100 des Canadiens ont des difficultés de lecture. En fait, le pourcentage moyen est de 48 p. 100, mais dans l'Île-du-Prince-Édouard et dans l'est du Canada, il est de 50 p. 100 ou plus. Les niveaux d'alphabétisation augmentent d'est en ouest; c'est à Terre-Neuve, le niveau semble être le plus bas.

• 1245

Voici comment se répartissent les chiffres. Vingt-deux pour cent des Canadiens de 16 ans et plus ont de grosses difficultés à résoudre les problèmes quotidiens de lecture et d'écriture. Soixante pour cent de tous les assistés sociaux au Canada appartiennent à cette catégorie. Un groupe supplémentaire de 26 p. 100 des Canadiens éprouvent certaines difficultés dans ce domaine lorsque l'information écrite a trait à un sujet qu'ils connaissent mal ou lorsqu'elle n'est pas clairement présentée et facile à lire, c'est-à-dire, lorsque le texte est trop dense ou imprimé en trop petits caractères, ou que les phrases sont trop longues.

Dans une perspective différente, les données statistiques qui vous surprendront peut-être le plus sont celles qui montrent qu'un Canadien sur cinq seulement a une capacité très élevée de lecture et d'écriture. Il s'agit des compétences requises pour remplir efficacement des emplois à base de connaissance. Par niveaux «les plus élevés», nous entendons la capacité d'intégrer l'information provenant de divers documents imprimés afin de résoudre des problèmes complexes.

Ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, une stratégie d'alphabétisation des adultes extrêmement intéressante, baptisée Tough Challenges, Great Rewards, a été lancée le 8 septembre 1996, Journée internationale de l'alphabétisation. Elle a été engagée par la sénatrice Joyce Fairbairn—qui, comme vous le savez, a été la cheville ouvrière de l'alphabétisation—et par Catherine Callbeck, premier ministre à l'époque. Ce document est l'oeuvre d'un comité provincial présidé par le ministère de l'Éducation. Il comportait des représentants d'autres ministères ainsi que de groupes communautaires tels que la P.E.I. Literacy Alliance. Cette stratégie avait pour objectif de rendre les programmes d'alphabétisation des adultes accessibles à tous les apprenants adultes de l'Île-du-Prince-Édouard, à un prix raisonnable.

Je vais sauter une partie de notre mémoire à cause du manque de temps. Je parlerai simplement des questions qui, à notre avis, se dégagent de cet objectif par ailleurs louable.

Un des problèmes essentiels de l'alphabétisation des adultes est la nécessité d'un environnement propice à la stabilité des programmes permanents et à l'innovation. J'ai déjà entendu des témoins dire aujourd'hui combien il était pénible pour un personnel sous-payé d'être constamment obligé d'aller quémander à gauche et à droite des fonds pour des petits projets. Ce dont on a vraiment besoin, c'est d'une aide financière constante et soutenue pour assurer le succès du programme. Dans la pratique, les programmes d'alphabétisation des adultes fonctionnent au coup par coup car ils ne disposent pas de fonds suffisants. Un apprenant peut suivre un programme de 12 semaines ou, s'il a de la chance, de 20 semaines, mais il est ensuite obligé d'attendre six mois ou un an avant de pouvoir participer à un autre programme. Cette approche fragmentée présente des inconvénients évidents, aussi bien pour les apprenants que pour les instructeurs.

L'autre question sur laquelle je voudrais insister est qu'il n'est pas possible d'utiliser les fonds de DRHC pour assurer le fonctionnement de programmes d'alphabétisation permanents à l'intention des adultes. Nous savons très bien que l'éducation relève de la compétence provinciale, en particulier les jardins d'enfants—ce que nous n'avons pas ici—et l'enseignement de la première à la douzième années. Il n'existe malheureusement pas de système d'éducation des adultes parallèle au système scolaire, si bien que beaucoup d'excellents projets pilotes financés par le gouvernement fédéral ont disparu parce qu'il était impossible de trouver l'argent nécessaire ailleurs. Ces fonds n'existent pas au niveau provincial; on voit donc des alphabétiseurs qui se démènent pour trouver constamment d'autres façons de proposer des programmes à court terme afin de répondre aux besoins permanents des apprenants adultes. Il est facile de comprendre que lorsqu'on débute au niveau de lecture de troisième ou de quatrième année, un programme de 12 semaines sera loin d'être suffisant. Nous nous demandons donc pourquoi l'aide financière fédérale ne pourrait pas être prolongée pour les programmes qui ont fourni la preuve de leur efficacité.

La troisième question qui nous intéresse est la suivante: Au cours de ces dernières années à l'Île-du-Prince-Édouard, grâce, surtout, à des initiatives communautaires, 11 centres d'apprentissage ont été créés dans diverses régions de l'Île. Certains se trouvent dans des collectivités minuscules—l'un d'entre eux utilise d'ailleurs les locaux des Chevaliers de Colomb sur le chemin Palmer, à West Prince—les mêmes locaux sont aussi utilisés pour le bingo. Nos collectivités fournissent une aide non financière à ces centres—conseils d'administration de bénévoles, chauffage, éclairage et logement gratuit—mais elles n'ont pas les moyens de payer les salaires des coordonnateurs. Sans coordonnateur rémunéré, l'effort de diffusion nécessaire pour encourager les gens à fréquenter le centre et pour le maintenir ouvert une fois que ces derniers en ont découvert l'utilité, est impossible. Voilà le problème.

• 1250

Le quatrième problème est celui du transfert des fonds de formation qui est une sérieuse source d'inquiétude pour les analphabètes apprenants. Ces fonds jusque-là entièrement administrés par Développement des ressources humaines Canada le sont maintenant dans le cadre d'un système de cogestion à l'Île-du-Prince-Édouard. Un comité mixte fédéral-provincial est chargé de la mise en oeuvre de l'accord sur le développement du marché du travail.

Nous savons que c'est un processus complexe et nous savons que le sous-comité chargé des compétences, de prêts et de subventions a étudié les répercussions de ces changements sur les apprenants. En juillet, je crois, les gens obtiendront des bons de formation pour couvrir leurs frais de formation et il n'y aura plus d'achat groupé d'un certain nombre de places, ce qui se faisait toujours auparavant afin de créer des classes que les gens pouvaient fréquenter s'ils étaient à l'assurance-chômage. Cela signifie que chacun devra dorénavant choisir l'endroit où il suivra des cours de rattrapage. La tâche n'est pas facile, en particulier pour les personnes qui ont des problèmes de lecture et d'écriture.

Comme il n'y aura plus d'achat groupé de places qui permettrait d'offrir un bon service de formation, nous craignons que le nombre et la fragmentation des programmes à court terme n'augmentent et que la stabilité et la prévisibilité diminuent encore. Nous avons trois solutions simples à proposer.

Premièrement, nous proposons que les décideurs étendent le mandat du Secrétariat national à l'alphabétisation ou de Développement des ressources humaines Canada au financement permanent de projets qui ont montré qu'ils avaient un effet positif sur les niveaux d'alphabétisation des adultes dans leurs collectivités. Le travail effectué par le Secrétariat national à l'alphabétisation est extrêmement utile et il faut qu'il continue. En outre, les programmes d'alphabétisation dans l'Île-du-Prince-Édouard et dans tout le Canada—je suis membre du conseil national et c'est ce que j'entends dire partout—ont désespérément besoin d'un appui à plus long terme pour poursuivre leur travail de base.

La seconde solution consiste à assurer un financement global par le biais du programme d'intervenants sur les marchés du travail afin de soutenir les centres d'apprentissage. Ces centres sont tout à fait différents des établissements qui n'offrent que des programmes de 12 à 20 semaines. Ce sont des organisations communautaires dont l'objectif est de créer un changement à long terme au sein de la collectivité. Ils utilisent un service de porte ouverte flexible, des programmes de groupe et des horaires flexibles. C'est tout à fait différent d'un système dans lequel l'apprenant est obligé d'obtenir un bon pour pouvoir suivre un programme à court terme.

La plupart des apprenants qui fréquentent ces centres ne seront de toute façon pas admissibles s'ils ne sont pas prestataires de l'assurance-emploi. Il y a des besoins qui n'ont pas été satisfaits. Pour la première fois, les centres ont pu fournir aux adultes des cours de rattrapage gratuits dans la journée ou en fin de semaine. Il serait donc utile de disposer d'un financement global qui serait assuré par l'intermédiaire du programme des intervenants sur le marché du travail.

La troisième solution consisterait, en dépit de ce que le ministre Martin vous a dit au début de la semaine, à utiliser une partie de l'excédent budgétaire afin de créer des programmes permanents d'alphabétisation des adultes.

En conclusion, l'affectation d'une partie de cet excédent à la satisfaction d'un besoin fondamental constituerait un investissement en faveur des Canadiens qui en ont le plus besoin. Pour accroître nettement les niveaux d'alphabétisation au Canada, il faut que le gouvernement fédéral ne se contente pas de solutions à court terme et prenne un engagement à long terme. Le Canada fera les frais de ces problèmes d'alphabétisation. La question est de savoir comment procéder. Ou bien nous investirons dès maintenant de manière proactive dans l'alphabétisation des adultes, ou bien nous aurons à le payer plus tard—nous le faisons déjà—sous forme d'une augmentation des coûts d'aide sociale, des prestations de chômage et des autres formes d'aide aux personnes sans travail.

• 1255

Nous faisons déjà les frais de la situation à cause des coûts plus élevés liés aux accidents, aux problèmes de santé eux-mêmes liés aux faibles taux d'alphabétisation. Nous le faisons aussi à cause des niveaux plus faibles de productivité qui, selon les recherches, sont également liés à ces faibles taux d'alphabétisation.

Je vous remercie d'avoir bien voulu nous rencontrer aujourd'hui. Nous espérons que vous retiendrez nos suggestions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie vivement de ces remarques, madame Morrow.

J'invite maintenant Mme Mary MacNeil à continuer; je demanderai aussi à Mme O'Brien de bien vouloir passer son micro à M. Heider. Merci.

Madame MacNeil, soyez la bienvenue.

Mme Mary MacNeil (représentante régionale pour l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, Alliance de la fonction publique du Canada): Je vous remercie.

Je représente les employés fédéraux de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Nous avons d'autres membres qui travaillent dans d'autres secteurs.

Les employés fédéraux n'ont pas négocié de convention collective depuis 1989. En 1991, il y a eu une grève légale suivie par 155 000 employés. Lorsque le gouvernement n'est pas parvenu à établir un contrat juste et équitable, il a adopté une mesure législative qui a contraint ces employés à reprendre le travail.

Nous avons été témoins d'une profonde transformation du milieu de travail à cause des changements technologiques. Dans ces bureaux, la réorganisation et la restructuration sont monnaie courante. Le gouvernement a rejeté par voie législative notre offre pourtant raisonnable en faveur de nombreuses autres formes de prestation de programmes.

En 1993, le nouveau gouvernement a fait de nouvelles promesses en arrivant au pouvoir. Au lieu de les respecter, il a prolongé de quatre ans le gel des salaires jusqu'en 1996, gel qui a coûté des milliers de dollars aux membres de l'Alliance. Les conventions collectives ont encore une fois été ramenées en arrière lorsque le gouvernement a suspendu les augmentations.

Les employés vivent une période de gels des salaires, de suspensions des conventions collectives et de véritable éviscération des services publics. Il y a trois ans, on a annoncé dans le budget fédéral que 45 000 postes fédéraux allaient être supprimés, et ce chiffre a rapidement été dépassé. On en est maintenant à plus de 55 000. Il y a aussi la question de l'équité salariale qui n'est toujours pas réglée.

Dans le même temps, des cadres supérieurs obtiennent des augmentations pouvant aller jusqu'à 19 p. 100, et des primes de 12  000 $ par an. Les députés se sont voté une augmentation de 8,4 p. 100 et ils ont doublé leur allocation de logement. La GRC a obtenu une augmentation de 12,85 p. 100, les militaires, de 9,4 p. 100, et les magistrats, de 12 p. 100. En plus de leur salaire, les sénateurs se sont voté une allocation de logement de 9 000 $ par an, plus 181 $ par jour exonérés d'impôt pour faire simple acte de présence.

Entre-temps, je me demande si les gens se rendent compte que les négociations ont été rompues avec l'Alliance. L'offre qui lui avait été faite comportait une foule de conditions et prévoyait plus de concessions. L'augmentation proposée aux employés du gouvernement se réduisait en fait à légèrement plus de 1 p. 100.

À titre de représentante de l'Alliance, je voudrais cependant vous présenter aujourd'hui une situation que je trouve fort alarmante. Je traite tous les jours avec des employés de la Garde côtière, des services pénitentiaires, des Affaires des anciens combattants, de Revenu Canada et d'Agriculture Canada. Ils me disent qu'ils travaillent beaucoup plus et qu'ils sont soumis à des conditions de travail extrêmement stressantes. Le volume de travail n'a pas diminué après le départ de ces 55 000 employés. Là où il y avait autrefois trois ou quatre personnes, il n'y en a plus qu'une seule pour faire le même travail.

La plupart des budgets de fonctionnement ont aussi été réduits, comme vous le savez. Les fonds sont insuffisants et les conditions de travail, dangereuses.

Le passage au statut d'organisme d'État, lors du dernier budget fédéral, a suscité de sérieuses inquiétudes chez les travailleurs au sujet de leur avenir, et la privatisation de l'organisme leur fait très peur.

Cette privatisation semble être proche. Tous ces gens là ramènent chez eux moins d'argent qu'en 1991. Cela est dû aux gels des salaires comme je viens de le dire, ainsi qu'à l'augmentation des déductions au titre du Régime de pensions du Canada et de l'AE. Les talons de chèque de paie que j'ai pu voir prouvent qu'ils gagnent moins d'argent qu'en 1991.

Le moral est au plus bas. L'inspection des aliments, les aéroports, les parcs et le revenu, tout cela a été mis en vente.

Nous estimons qu'il incombe au gouvernement d'assurer la sécurité de notre pays. Il a des responsabilités très précises à assurer dans le domaine de l'environnement, du revenu, des affaires des anciens combattants, de l'agriculture, de la protection de nos passages frontaliers, de la Garde côtière, de la défense nationale, etc.

• 1300

Ce que me disent cependant les travailleurs, c'est que le gouvernement agit de manière hypocrite en augmentant les salaires des cadres supérieurs mais pas les leurs. Il fait preuve d'une grave négligence en déstructurant les services gouvernementaux. Il fait passer les profits, le recouvrement des coûts et la privatisation avant la sécurité en vendant nos aéroports et en démantelant peut-être les fonctions de la Garde côtière. Nous avons déjà perdu des millions de dollars lorsque la Garde côtière a été transférée au ministère des Pêches.

Le budget de la Garde côtière subira une coupure de 55 millions de dollars avant avril prochain. Rien que dans l'Île-du-Prince-Édouard, on évoque la possibilité de lever les bouées. Il se peut que les services de recherche et sauvetage et que notre équipe d'intervention environnementale quittent l'Île. Nous ne savons pas dans quels secteurs ces coupures de 55 millions de dollars seront effectuées, mais c'est une des possibilités qu'on a déjà laissé entrevoir aux employés. Les services de recherche et sauvetage seront sans doute basés à Halifax.

On prédit une augmentation des catastrophes aériennes, des tragédies dans le domaine de la sécurité des aliments ou de l'environnement. J'en entends parler tous les jours. Les employés m'apprennent par bribes, ce qui se passe dans le milieu de travail et ce qu'ils prévoient. Qu'il s'agisse de la Garde côtière et des hélicoptères... Je pourrais continuer à n'en plus finir. La plupart de leurs prédictions, je le reconnais hélas, sont en passe de se réaliser.

Le gouvernement a maintenant la réputation d'être un employeur mesquin qui ne respecte pas ses employés et qui se place au-dessus de la loi en ignorant les droits de la personne.

Nous savons que le prochain budget ne permettra pas de répondre aux besoins de tous. Pourtant, une halte aux transferts, à la réduction des effectifs et à la destruction des services gouvernementaux devrait être une priorité. Nous ne survivrons pas à de nouvelles coupures.

Les employés m'ont demandé de vous parler aujourd'hui de leurs craintes au sujet de la privatisation et de l'impartition. Ce ne sont pas là les moyens les plus efficaces de travailler. Ce sont simplement des moyens d'apaiser les entreprises privées et de réaliser des profits sur l'inspection des aliments. Par exemple, si l'on privatise les emplois dans ce secteur, c'est l'industrie elle-même qui inspectera ses propres produits, et nous savons pertinemment les résultats que cela peut donner.

Il suffit de regarder ce que la privatisation a fait au réseau d'alimentation en eau en Grande-Bretagne. Voilà une excellente raison de ne pas agir de cette manière. La maladie de la vache folle est un autre exemple de ce qui peut se produire lorsqu'on privatise.

Les employés fédéraux demandent que l'on respecte leurs conventions collectives, qui sont des documents légaux. Ils réclament une juste augmentation de leurs salaires. Tout ce qu'ils veulent c'est que leurs salaires ne décollent pas par rapport au coût de la vie, que l'on respecte leurs droits en tant que personnes en se soumettant aux décisions du tribunal de l'équité en matière de salaire. Ils veulent offrir aux Canadiens la protection et la sécurité qu'ils méritent dans divers domaines: alimentation, eau, pêches, frontières, revenus, anciens combattants, Régime de pensions du Canada, sécurité de la vieillesse et assurance-emploi. Ce sont tous là des services essentiels dont doivent bénéficier tous les Canadiens.

Nous espérons que le prochain budget tiendra compte des services dont ont besoin les Canadiens, qu'il respectera nos droits ainsi que les ententes légales, et qu'il sera équitable à l'égard des travailleurs. Les employés fédéraux travaillent dur et ils prennent leur rôle et leurs responsabilités au sérieux. Ils voudraient pouvoir continuer à faire leur travail avec dignité.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, madame MacNeil.

Nous allons maintenant terminer par l'exposé de M. Lawrence Heider, de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Monsieur Heider, vous avez la parole.

M. Lawrence E. Heider (président intérimaire, Université de l'Île-du-Prince-Édouard): Merci.

L'Association des universités et collèges du Canada doit présenter un mémoire sur les questions soulevées au cours de la consultation actuelle. L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard appuie les déclarations contenues dans ce document.

Le bien-fondé de ces déclarations est confirmé par les données relatives à l'emploi et au salaire dans l'Île-du-Prince-Édouard. Les personnes qui ont des titres universitaires jouissent de taux d'emploi plus élevés et de meilleurs salaires. C'est extrêmement important pour notre bien-être futur.

Pour que notre nation bénéficie au maximum du potentiel de ses citoyens les plus brillants et que ceux-ci puissent le réaliser, il faut donner une priorité plus élevée à l'éducation postsecondaire. À cet égard, deux programmes fédéraux récemment institués sont très précieux. L'appui de la Fondation canadienne pour l'innovation et les subventions aux petites universités, en particulier pour nous, nous permettront de mieux servir nos étudiants et de toucher un plus large groupe d'intéressés en développant notre infrastructure de recherche.

Le fonds du millénaire aidera les étudiants à accéder aux études universitaires. Cela devrait contribuer à renverser la tendance à la baisse des effectifs dans les universités. Les inscriptions ont en effet diminué d'environ 19 p. 100 depuis 1992-1993.

• 1305

L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard apprécie ce que le gouvernement fédéral a fait pour renforcer l'infrastructure de recherche et pour l'aide financière qu'il a apportée aux étudiants. Les autorités fédérales et les provinces devraient collaborer afin d'augmenter le financement de base aux universités.

Au cours de ces sept dernières années, le financement de base de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard a diminué de plus de 15 p. 100. Cette baisse s'est produite alors que les coûts augmentaient à cause d'une pression inflationniste modérée et plus particulièrement, de l'effet des taux de change.

Les bibliothèques sont particulièrement touchées par les taux de change, mais tous les départements universitaires en souffrent également. Nous avons réduit le corps professoral et le personnel. Nous n'avons pas pu maintenir nos installations au niveau que la simple prudence exige. Moins de possibilités s'offrent aux étudiants du fait de la diminution du nombre de membres du corps enseignant. Il faut absolument inverser cette tendance.

Le fait que nous ne sommes pas en mesure d'assurer l'entretien approprié de nos installations crée un problème pour l'avenir, problème qu'il faudrait s'efforcer de résoudre sans tarder. Certes, les nouveaux fonds mis en place pour l'infrastructure de recherche sont précieux, mais il faut que nous puissions assurer l'entretien de toutes les installations nécessaires à l'université, si nous voulons continuer à assumer nos responsabilités à l'égard des étudiants au cours des années à venir. Lorsque le financement de base est réduit, ou même lorsqu'il demeure simplement stable, cela nous oblige à envisager l'augmentation des frais de scolarité et des autres droits d'utilisation des services universitaires.

Bien qu'aucune administration universitaire ne veuille augmenter injustement les droits de scolarité, une saine gestion doit tenir compte de ces deux sources de recette pour assurer le maintien de programmes de qualité. Manifestement, si les recettes totales d'une université demeurent statiques ou diminuent, des programmes se trouvent éliminés ou affaiblis. Aucun administrateur responsable ne veut voir réduire le nombre des programmes, leur qualité ou leur contenu.

Quelle autre solution est possible, si le financement de base diminue et si les droits ne sont pas augmentés? Manifestement, ce sont les programmes qui en font les frais. Il faut donc que nous inversions la tendance de ces dernières années. Il faut élaborer des plans d'appui de base à long terme. C'est un objectif que tous les ordres de gouvernement devraient poursuivre de concert.

Certains étudiants capables de réussir à l'université sont encouragés à choisir d'autres programmes. Les étudiants qui ont accumulé un temps de travail suffisant sont admissibles aux prestations d'AE, même lorsqu'ils sont inscrits dans un collège communautaire ou une école technique.

En soi, c'est une bonne chose. Cependant, si un étudiant apte aux études universitaires choisit une autre voie pour la simple raison que cela lui permet d'obtenir le soutien financier à court terme nécessaire, l'avantage à long terme d'études universitaires est perdu non seulement pour lui, mais aussi pour le bien-être à long terme du Canada. Il faudrait trouver un moyen pour que les étudiants qui choisissent de faire des études universitaires soient aussi avantagés par les programmes fédéraux qu'ils le seraient s'ils adoptaient une autre filière postsecondaire.

Nous sommes heureux d'avoir pu vous présenter ces observations. Nous espérons que nos efforts et ceux des autres personnes présentes aujourd'hui encourageront le gouvernement fédéral à faciliter l'accès des Canadiens aux universités et à rétablir un système universitaire qui soutient aisément la comparaison avec les meilleurs systèmes étrangers.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Heider.

Il nous reste environ un quart d'heure. J'invite donc les membres à poser des questions très précises. Chacun des cinq membres dispose de dix minutes, y compris le temps de réponse. Je demanderai donc aussi à ceux qui répondent d'essayer de ne pas dévier du sujet et de présenter leur information de manière la plus précise possible. D'accord? C'est donc ce que nous allons faire. Commençons par M. Ritz, du Parti réformiste.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, mesdames et messieurs, des exposés que vous venez de présenter.

Passons tout de suite à la question de l'alphabétisation. Comme le temps dont nous disposons est limité, je voudrais savoir si les professeurs d'université ont constaté que les étudiants de première année avaient un problème dans ce domaine. Ce problème apparaît-il encore à ce niveau, ou avez-vous la chance de n'avoir que des étudiants qui sont alphabètes, c'est-à-dire une personne sur cinq au Canada?

M. Lawrence Heider: Nous reconnaissons qu'il existe là un problème. J'ajouterai que, pour le résoudre, nous avons proposé un programme à DRHC. Un groupement constitué par l'Université Memorial de Terre-Neuve, University College of Cape Breton et University College of Prince Edward Island sont chargés de mettre sur pied un programme d'apprentissage continu et d'amélioration de la capacité de lecture et d'écriture.

La plupart des étudiants qui veulent venir chez nous sont alphabètes, à cause des exigences de l'entrée à l'université. Quelques-uns cependant, ils sont moins de 10 p. 100, auraient des difficultés.

• 1310

M. Gerry Ritz: Bien. Poursuivons la question avec Mme Morrow. L'analphabétisme est-il dû à un manque de possibilités de s'instruire? Les écoles ne font-elles pas leur travail? Ou faut-il revenir à la technologie et dire que c'est l'ordinateur qui fait tout le travail et que tout ce que le jeune élève à faire est d'appuyer sur des boutons? Tous ces facteurs entrent-ils en ligne de compte, ou avez-vous d'autres idées à ce sujet?

Mme Dianne Morrow: Je crois qu'il y a de nombreux facteurs.

Voudriez-vous en parler, Lillian?

Mme Lillian Mead (représentante des apprenants adultes, P.E.I. Literacy Alliance): Je crois qu'il y a une foule de facteurs différents. Le problème est dû en grande partie au fait qu'environ 60 p. 100 des habitants de l'Île ont un niveau d'éducation correspondant à la première année, qu'ils sont chômeurs et sont des assistés sociaux. Il faudrait investir un peu plus d'argent pour leur permettre de suivre des cours de rattrapage. Ils ne veulent pas être tributaires des services sociaux, ce qu'ils veulent, c'est pouvoir travailler. Mais ils n'ont pas les moyens de le faire, et ils ont besoin qu'on les aide.

M. Gerry Ritz: Vous parlez de jeunes gens de 16 ans dans votre exposé. Fréquentent-ils encore l'école? Que faire pour étouffer les problèmes dans l'oeuf, si j'ose dire?

Mme Dianne Morrow: Une des méthodes les plus communément utilisées pour cela est d'apporter un soutien aux programmes d'alphabétisation familiale. J'ai été vraiment heureuse de voir qu'on avait accordé des fonds supplémentaires au Secrétariat à l'alphabétisation dans le dernier budget. L'alphabétisation dans le milieu familial et le milieu de travail est devenue une priorité de recherche grâce à cela.

Lorsque vous aidez des parents qui ont des difficultés de lecture et d'écriture, cela change tout au foyer. Ils se sentent alors suffisamment à l'aise pour enseigner l'amour de la lecture à leurs enfants. Ils leur lisent des histoires, le soir. Ce sont là des choses que beaucoup de gens considèrent comme allant de soi. C'est pourquoi le processus de vie entière.

La pauvreté est une des principales raisons. Il y a une foule de problèmes à résoudre. Il y a notamment les besoins d'enfants souffrant de difficultés d'apprentissage, qui ne sont pas satisfaits. Peut-être y a-t-il trop d'élèves en classe, si bien qu'ils ne bénéficient pas de l'attention individuelle nécessaire. Il y a toute...

M. Gerry Ritz: Mais vous parlez de quatre personnes ou étudiants sur cinq. Ce sont des chiffres énormes.

Mme Dianne Morrow: Le niveau trois, au milieu, constitue le niveau de base des compétences nécessaires pour faire face aux tâches quotidiennes telles que la lecture du journal, celle des horaires d'autobus et autres choses du même genre. Ceux qui se trouvent au niveau supérieur sont ceux qui sont prêts et capables d'occuper les emplois de haut niveau dans notre économie.

L'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes a fait une comparaison. Le Canada ne se place que dans la moyenne. Regardez des pays tels que la Suède et l'Islande qui ont des cultures totalement différentes. Dans la plupart des lieux de travail, on trouve une bibliothèque et un centre de garde de jour. Les enfants sont gardés, ce qui permet aux parents d'aller les voir à l'heure du déjeuner et de leur lire des histoires.

Quant à la bibliothèque, elle n'est pas uniquement pour les enfants. Mon mari est allé à une réunion de l'industrie forestière en Suède et il est revenu absolument époustouflé par le fait que les bûcherons en chemises à gros carreaux et en tenue de travail, fréquentaient la bibliothèque et ramenaient chez eux des livres pour leurs épouses, pour eux-mêmes et pour leurs enfants. C'est une approche totalement différente.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il vous reste environ cinq autres minutes.

M. Gerry Ritz: Oh, chouette.

Madame MacNeil, vous mentionnez dans votre exposé le cas de lieux de travail dangereux. Pouvez-vous élaborer un peu? Que voulez-vous dire au juste?

Mme Mary MacNeil: L'exemple que je donne est celui de la Garde côtière canadienne, qui a de graves préoccupations. Quant aux exemples qui sont connus du public, j'en entends souvent de la part d'employés, qui hésitent à parler. Le ministère de l'Agriculture a mis sur pied une agence, et il est même question de privatiser l'inspection des aliments.

M. Gerry Ritz: Comment cela rend-il le milieu de travail dangereux?

Mme Mary MacNeil: Relativement à la privatisation de l'inspection des aliments, je vous ai donné l'exemple de la maladie de la vache folle. Voilà un exemple très clair de privatisation. Quand on privatise, on s'attend à faire de l'argent. Quand une entreprise rapporte, on coupe les coins et le service n'est plus le même que celui qui est offert maintenant.

On nous dit déjà que les inspecteurs des viandes qui travaillent sur l'Île pouvaient, il n'y a pas si longtemps, retourner le poulet pour l'examiner. Il y a en tant à faire par minute. Actuellement, on a doublé et même triplé la cadence. Tout va très vite.

La pression est très forte. Je connais même des cas plutôt difficiles où l'on a arrêté une chaîne de production parce qu'on s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas avec la viande. C'est l'argent. Quand vous arrêtez une ligne de production, vous parlez d'argent, et pourtant c'est ce que l'on fait dans l'espoir de préserver la nourriture qui en sort.

Il y a eu des situations dangereuses où un inspecteur des viandes a vu ses pneus lacérés et où il a été projeté contre un mur. C'est ce qui se produit avec les augmentations de rythme. Les compagnies subissent maintenant des pressions.

En privatisant, il serait possible de racheter... L'autre préoccupation est que vous allez sans doute leur donner moins d'argent. La privatisation leur donnera moins d'argent.

• 1315

M. Gerry Ritz: Vous parlez de cas d'assaut. Un tel acte est un motif d'arrestation.

Mme Mary MacNeil: Oui, nous avons à traiter de plusieurs cas qui se sont avérés très dangereux. Il est question de privatiser l'inspection des pommes de terre, une mesure qui pourrait ne pas affecter la santé et la sécurité, mais qui selon les inspecteurs pourrait abaisser les normes.

Vous dites qu'il est question de faire le même travail qu'actuellement, mais en cherchant à le rentabiliser. Nos laboratoires de recherche sont paralysés; on ferme des laboratoires de recherche mais on demande aussi à certains scientifiques de faire du recouvrement de coûts dans le cadre de leur travail. Ils doivent faire certains travaux pour l'industrie privée et quand cela est terminé, ils peuvent s'adonner à la recherche sur la sécurité des aliments. Ils doivent faire du recouvrement des coûts.

Les inspecteurs de pommes de terre peuvent rejeter la production d'un agriculteur dont le champ n'est pas bon, puis ils doivent aller voir cet agriculteur et lui demander de verser tel montant pour ce travail. Voilà la situation, voilà la réalité.

La Garde côtière est un exemple très grave. Je n'ai pas à vous parler des hélicoptères ni de ce qui s'est produit le mois dernier. Actuellement, on parle d'enlever les bouées qui sont à l'Île-du-Prince-Édouard sous prétexte qu'elles ne sont pas nécessaires, qu'un grand nombre de bateaux de pêche sont équipés de radar. Les bateaux de pêche de première classe peuvent avoir un radar à bord, mais les bateaux de pêche moyens n'en sont pas équipés. Comment les pêcheurs pourront-ils savoir où ils se trouvent et à quelle profondeur se trouve le fond? Les bateaux de plaisance n'ont pas de radar. Une des raisons invoquées pour éliminer les bouées est que certaines personnes ont un radar à bord de leur bateau.

M. Gerry Ritz: J'ai une autre petite question rapide.

Madame Henderson, vous dites dans votre exposé que la société médicale est disposée à se ranger du côté du public et à travailler avec d'autres professionnels des soins de santé et, bien sûr, avec divers niveaux de gouvernement pour s'assurer que les soins de santé durables deviennent une réalité. Que voulez-vous dire par le public et d'autres professionnels des soins de santé?

Mme Rosemary Henderson: Exactement ce que j'ai dit. Je parle du public qui est déjà dans le système de santé, c'est-à-dire les patients, de même que des autres groupes d'intérêt public qui s'intéressent à la santé et d'autres professionnels de la santé comme les infirmières, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les IAA—ceux et celles qui fournissent directement des soins de santé.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Il fait bon voir la discipline qui règne ici.

Madame Redman, je vous en prie.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. Je serai moi aussi un modèle de concision.

J'aimerais que M. Heider nous parle de notre investissement dans la R-D. Je sais qu'il y a dans ma circonscription des universités qui sont très satisfaites de cette situation.

Plus tôt aujourd'hui, un témoin nous a surtout parlé—et je le paraphraserai—de la pollution des dollars des entreprises dans la R-D. Et pourtant, il me semble que nous pouvons atteindre un certain équilibre. Je me demande, et c'est l'éducatrice qui parle, comment on peut trouver le bon équilibre entre les fonds publics et les fonds privés pour s'assurer qu'il y ait un milieu de recherche approprié?

M. Lawrence Heider: Je ne puis vous donner de formule. Nous savons que plusieurs choses se sont produites. Nous savons que certaines choses pourraient aussi se produire dans le futur. Un des problèmes éprouvés ces dernières années est que les organismes subventionnaires accordent moins de fonds directs à l'appui de la recherche.

Il y a actuellement une initiative en vue d'injecter des fonds nouveaux pour la recherche en santé par l'entremise d'instituts canadiens, et nous y sommes favorables. Nous espérons qu'elle ira de l'avant afin qu'il y ait davantage d'argent consacré à la recherche biomédicale. Nous estimons que cela est très important.

Une autre des choses qui se sont produites concerne, par exemple, Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui a mis sur pied un programme de partage des frais pour l'investissement en R-D. Cette initiative permet à l'industrie d'investir et au ministère de verser une contre-partie, ce qui s'est traduit par accroissement de la recherche effectuée par ce ministère.

L'intervention du fédéral a pourtant eu des répercussions. Le gouvernement fédéral verse à ces programmes de recherche des montants équivalents à ceux que l'industrie fournit à Agriculture et Agroalimentaire Canada, mais les universités ne peuvent participer. Par conséquent, les universités ne touchent plus ces montants et elles sont doublement pénalisées par les actions du fédéral.

Quelle est la meilleure combinaison? Nous aimerions que toute université obtienne une proportion très élevée de fonds sous forme d'octroi, parce que nous croyons qu'elles sont les mieux placées pour faire de la recherche. Toutefois, il ne faut pas négliger la possibilité d'obtenir de l'argent de l'industrie pour des travaux de recherche contractuels. Actuellement, ce financement favorise les travaux de recherche à contrat de l'industrie dans une proportion de 60-40. J'aimerais que les octrois pour la recherche représentent 80 p. 100, mais ce n'est là qu'une opinion personnelle. Je n'ai jamais vu d'étude sur la question.

• 1320

Mme Karen Redman: Merci beaucoup. De fait, c'est tout à fait ce que je pensais. J'apprécie votre intervention.

Madame O'Brien, votre mémoire fait état de l'accroissement du financement pour les programmes des femmes. J'aimerais savoir plus particulièrement si vous parlez du niveau de financement ou du type de financement, ou des deux? Je sais qu'il y a eu certains changements, et je sais aussi que les groupes de femmes ont eu des réactions partagées.

Mme Heidi Rankin (directrice générale par intérim, P.E.I. Advisory Council on the Status of Women): Je crois que c'est les deux. Je crois que c'est une réponse assez simple.

Les niveaux de financement doivent refléter le nombre de femmes dans la population et les besoins, mais il y a eu aussi un rétrécissement de la portée. On a rétréci le champ de la recherche et dans le milieu des femmes on estime que cette recherche doit être remise aux femmes de la collectivité. Elles doivent participer davantage à l'établissement des programmes et à l'établissement des questions importantes à ce niveau. Par conséquent, le financement organisationnel ou le financement de base, qui était disponible aux organisations de femmes de la collectivité, a été éliminé et il est maintenant accordé en fonction de projets. Cela limite les options.

Mme Karen Redman: J'ai une autre question, si vous me le permettez.

Vous parlez d'accès ou d'une répercussion sur le financement. Croyez-vous que le mécanisme actuel qui permet aux groupes de femmes communautaires d'accéder aux fonds et d'avoir leur mot à dire est suffisant, ou faudrait-il également examiner cette question?

Mme Heidi Rankin: Cela a été décevant d'un bout à l'autre, y compris l'élimination du Conseil consultatif canadien de la situation de la femme. Je crois qu'il faut approfondir la discussion sur des questions qui entourent la recherche et sur la façon dont elle est faite. La situation est telle que les organisations doivent parfois se concentrer sur des aspects qui pourraient ne pas être des priorités. Et la recherche communautaire participative n'est certainement pas valorisée ou ne peut être incorporée de la même manière qu'elle l'était. Je crois qu'il faut revenir à une vue d'ensemble.

Mme Karen Redman: Merci.

Madame Henderson, vous parlez de soins de santé et de restructuration. Les choses bougent beaucoup dans le domaine des soins de santé et cette question est manifestement présente à l'esprit de tous les Canadiens, je puis vous l'assurer. Nous en entendons parler partout au Canada. En tant que gouvernement, nous devons trouver un équilibre, nous devons déterminer s'il faut accorder du financement particulier ou s'il faut mettre davantage d'argent dans le TSPS. Je sais que votre mémoire en fait état.

Il faut aussi se demander ce qui se produirait si nous établissions des conditions ou si nous identifiions les fonds qui seraient remis aux provinces dans le cadre du TSPS et que les provinces ne respectaient pas les cinq principes ou les six principes, à supposer que nous imposions des normes, un outil logique que le gouvernement fédéral pourrait utiliser pour retenir les fonds. Et pourtant, cela ne pénalise que les Canadiens et le système de santé. Bien que tout cela soit attrayant comme levier pour traiter avec les provinces, plusieurs Canadiens de différentes provinces nous disent ne pas être sûrs que les provinces consacreront bel et bien cet argent aux soins de santé. Par conséquent, le fait de retenir ces fonds nuit uniquement aux Canadiens et aux consommateurs, ou aux patients, peu importe comment vous les appelez. Par conséquent, je ne crois pas que ce soit là un bâton satisfaisant, et, je ne sais pas quoi en faire. Je vous demande donc si vous y avez réfléchi.

Mme Rosemary Henderson: Selon moi, il s'agit d'une préoccupation tout à fait légitime. Pour commencer, je ne crois pas que le gouvernement fédéral dispose véritablement d'un bâton, à moins qu'il ne soutienne très fermement le système de santé par le biais de transferts quelconques. De toute évidence, vous perdez la capacité de faire la promotion de normes nationales si vous retirez le financement ou si vous le retenez.

Dans une certaine mesure, je crois que cette préoccupation pourrait être atténuée en réservant une part du paiement du TSPS à la santé, comme je le mentionne dans mon mémoire. Cela constitue à tout le moins une assurance que les sommes seront allouées au système de santé. Par contre, je crois que les provinces doivent maintenir une certaine souplesse afin d'être en mesure d'utiliser ces paiements comme elles le jugent à propos dans le cadre du système de santé.

Par exemple, le budget est ainsi organisé que l'aide sociale fait partie des dépenses pour la santé. Si nos conseils régionaux, dans leur sagesse, décident que c'est là où l'investissement sera le plus rentable, c'est là qu'une partie des fonds iront. Il faut qu'il y ait un mélange d'allocation, du moins dans le secteur de la santé, et de souplesse au niveau provincial.

• 1325

Mme Karen Redman: Merci.

Il me reste trois minutes et j'aimerais en faire profiter mes collègues.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien, merci beaucoup. Je donne la parole à madame Vautour.

[Français]

Mme Angela Vautour: Ulysse, j'aimerais d'abord te remercier de la présentation que tu as faite. Je suis Acadienne et je comprends tes préoccupations au sujet des langues officielles. Tu as raison d'être inquiet. Il n'y a pas qu'au Nouveau-Brunswick que des communautés francophones hors Québec ou des Acadiens tentent de survivre. On a démontré que les communautés francophones minoritaires hors Québec était en train de disparaître, cela à cause de toutes les raisons que tu as invoquées.

On ne pensait pas que tous ces problèmes pouvaient nous arriver d'un bout à l'autre du pays. Nous avons de graves problèmes et il est difficile de garder notre pays uni. Ces problèmes démontrent que nous avons encore du travail à faire.

Je vais certainement présenter ton mémoire aux membres du comité. Je crois qu'on a prévu visiter les provinces de l'Atlantique et, si tel est le cas, il sera important que ton nom figure sur la liste des témoins qui comparaîtront. Tu ne devrais pas laisser le dossier que tu défends. J'espère qu'on saura reconnaître qu'il y a deux langues dans ce pays, qu'il y a des Acadiens qui vivent dans les provinces de l'Atlantique et qu'on devrait les respecter.

Voilà mon message pour toi, Ulysse. Je suis bien contente que tu sois ici. Je me permets d'utiliser ton prénom parce que je te connais bien. Nous avons travaillé ensemble à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y avait longtemps qu'on s'était vus.

[Traduction]

Je m'adresse maintenant à Mary—je l'appelle Mary parce que je la connais très bien. Ayant été employée et membre de l'Alliance de la fonction publique du Canada pendant 14 ans, je comprends le sentiment de frustration. Je comprends d'autant plus cette frustration quand il est question d'augmentation de salaire. Oui, les députés se sont voté une augmentation, et j'ai de sérieuses réserves à ce sujet.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Était-ce 8,4 p. 100? Pourriez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivée à ce chiffre?

Mme Angela Vautour: Oui, c'est peut-être bien cela. C'est deux, deux, et deux et deux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Et c'est sur combien d'années?

Mme Angela Vautour: C'est sur quatre ans.

Le vice-président (M. Nick Discepola): D'accord. Je pensais que c'était 2 p. 100, alors je me posais des questions.

Mme Angela Vautour: Non, c'est 2 p. 100 par année pendant quatre ans.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourquoi n'avez-vous pas dit que c'était sur une période de 30 ans? Ainsi, vous auriez pu dire que c'était 60 p. 100.

Mme Mary MacNeil: J'ai les chiffres ici pour vous. Nous accepterions la même offre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Voulez-vous répéter cela? Vous accepteriez 2 p. 100...

Mme Mary MacNeil: Cela fait 8,4 p. 100 sur quatre ans.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors vous accepterez la même offre?

Mme Mary MacNeil: Je ne fais pas partie de l'équipe de négociation.

Je sais ce que les fonctionnaires fédéraux disent. Plusieurs estiment qu'à moins de 2 p. 100, c'est trop faible et qu'il faut éliminer les conditions. Mais je pourrais vous dire que d'après mes conversations avec les employés, il y aurait un lointain rapport entre 8,4 p. 100 et ce qui leur est offert à l'heure actuelle.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien, j'en ferai part à M. Massé.

Mme Mary MacNeil: L'offre ne s'est jamais rapprochée de cela. Un pour cent, c'est très loin de 8,4 p. 100.

Mme Angela Vautour: De plus, on a soulevé la question de l'équité salariale à quelques reprises. Je ne comprends toujours pas pourquoi la question n'est pas réglée...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourrais-je vous poser une question à ce sujet, si vous me le permettez, Angela?

Selon vous, est-ce véritablement une question propre aux femmes?

Mme Mary MacNeil: Assurément.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourquoi?

Mme Mary MacNeil: Il y a 14 ans, j'ai été mêlée à une plainte d'équité salariale à titre d'infirmière auxiliaire, et j'en suis donc persuadée. J'étais infirmière auxiliaire. À cette époque, on embauchait n'importe qui comme préposé aux soins, tandis que moi j'ai suivi une formation de 12 mois et j'avais un emploi totalement différent. La seule raison que l'on m'a fournie il y a 14 ans, est que ces hommes avaient une famille à faire vivre.

Même le vérificateur général a dit que le système de classification en vigueur au gouvernement était sexiste, empreint de préjugés et vieillot, et le tribunal a fait la même observation. Selon notre système de classification, le travail de plusieurs femmes n'avait pas de valeur pour ce qui est des conditions de travail, tandis que le travail des hommes... Si un mécanicien se salit les mains, on parle de conditions de travail. On lui donne alors un point. Si l'infirmière se salit les mains mais qu'elle porte un uniforme blanc, c'est propre. Cela n'a donc pas de valeur au plan des conditions de travail. C'est véritablement une question d'hommes et de femmes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc, vous pensez vraiment qu'il ne doit pas en être ainsi?

• 1330

Mme Mary MacNeil: Non, il ne devrait pas y avoir de problème. Nous cherchons actuellement à modifier le système de classification, un système vieillot.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je suis désolé, Angela, j'ai pris un peu de votre temps.

Mme Angela Vautour: Je connais les organismes, et je comprends, puisque je m'occupe des parcs.

Que pensez-vous que sera la diminution de salaire qui accompagne le passage aux organismes et à d'autres modes de prestation de services?

Mme Mary MacNeil: L'organisme des consommateurs est tout nouveau, mais nous prétendons qu'il éloigne les services gouvernementaux de la responsabilité du gouvernement en les confiant à des organismes et à des sociétés d'État. La responsabilité n'est plus celle du ministre responsable, mais bien de l'office ou de l'organisme en place.

Il y a donc des ententes d'une durée de deux ans, ce qui fournit une certaine sécurité. Déjà, il est question dans ces ministères de coupures supplémentaires dans deux ans, de sorte qu'il y aura d'autres coupures majeures. L'Agence canadienne d'inspection des aliments, par exemple, existe depuis un an à peine, et elle fait déjà des études qui indiqueront comment elle privatisera certains emplois. Nous voyons donc que la création d'une agence visait à éloigner le gouvernement de ses responsabilités, puis à faire d'autres coupures et des privatisations supplémentaires. C'est ce que je constate et je lis la même chose au sujet des privatisations.

Mme Angela Vautour: Et la privatisation se traduirait par des salaires plus faibles?

Mme Mary MacNeil: Assurément, les salaires seraient moins élevés. Prenez par exemple la privatisation de l'aéroport de Goose Bay, qui appartenait à la Défense nationale. Cet aéroport est maintenant exploité par une compagnie britannique qui s'occupe des emplois civils, et qui sous-traite à d'autres compagnies. Comme je l'ai dit, la sécurité et la sûreté à la base de Goose Bay de la Défense nationale est entre les mains d'une compagnie britannique, et certains des employés travaillent au salaire minimum. C'est une disgrâce. Parce que c'est à Goose Bay, plusieurs ont dû accepter ces emplois, et accepter aussi des diminutions de salaire de plusieurs milliers de dollars.

Par le passé, uniquement à l'Île-du-Prince-Édouard, certaines personnes qui travaillaient aux pêches ont accepté une diminution de salaire de 10 000 $ dans le seul but de demeurer sur l'Île, pour continuer de travailler pour le même ministère et parfois, pour faire le même travail. Certains ont vu une modification légère de leur emploi à cause des coupures.

Mme Angela Vautour: Il y a aussi le problème de l'alphabétisation, et on s'est demandé quels pouvaient être les facteurs. Je vous donnerai un exemple personnel, celui de ma propre famille. Nous étions très pauvres à la maison. Je me souviens que ma soeur a abandonné ses études en 11e année afin de travailler pour aider à élever le reste de la famille. Je crois donc que la pauvreté est un facteur très important. Dirions-nous que c'est le plus gros facteur?

Mme Dianne Morrow: Je n'aime pas dire quoi que ce soit sans pouvoir corroborer, mais c'est un facteur considérable. Mon propre père a quitté l'école en 8e année pour aider sa famille.

Mme Angela Vautour: Même si nous parlons de personnes qui n'ont que 16 ans, vous ne devez pas oublier que si les parents sont pauvres, il y a comme une continuité.

Mme Dianne Morrow: Absolument.

Mme Liz Nimmo: Il faudrait ajouter que 80 p. 100 des Canadiens plus âgés ont de très graves problèmes d'alphabétisation. Il s'agit sans doute d'une question de génération et du fait que les gens quittaient l'école tôt. Cela est manifeste dans les régions agricoles, où les gens travaillent à la ferme, ou dans le domaine des pêches, et ainsi de suite. Il y a plusieurs raisons à ce problème, et je ne pense pas que vous puissiez l'attribuer à ce seul élément.

Mme Dianne Morrow: Le plus inquiétant est que Statistique Canada fera une autre étude en 2002 et 2003 pour connaître les progrès réalisés. Mais selon les prévisions, il faudra attendre l'an 2035. C'est un problème très important. Il y a 20 ans, j'espérais et je croyais que tout serait bien mieux 20 ans plus tard.

Mme Angela Vautour: Y a-t-il des preuves à l'effet que les enfants élevés dans des familles plus riches reçoivent une meilleure instruction ou lisent mieux, ou peut-être cela se produit-il dans les deux cas, par rapport aux enfants qui sont élevés dans une famille très pauvre?

Mme Dianne Morrow: Voilà une question embêtante. Les Prince-Édouardiens chercheront à contourner la question. Je crois qu'il y a un rapport positif.

Mme Lillian Mead: Je crois que près de la moitié de notre population ne sait pas lire. On voudrait que l'on lise pour nos enfants et que l'on rende la chose agréable. Il n'y a aucun plaisir à le faire si vous ne savez lire, et ce n'est pas très drôle à entendre. Je crois qu'il serait possible de faire quelque chose s'il y avait des fonds disponibles. Si vous n'avez pas d'argent, vous ne pouvez obtenir les services dont vous avez besoin.

Je vis la même situation personnellement, parce que mon enfant a un problème. Il y a toutes sortes de problèmes liés au faible niveau d'alphabétisation. J'ai quêté de l'argent pour que mon enfant reçoive un peu plus d'enseignement, mais par le passé, il a été très en colère et il s'en est pris aux personnes qui sont le plus près de lui, celles qui le soutiennent. Maintenant qu'il commence à en apprendre un peu plus, il est plus heureux. Il disait qu'il s'en prenait à nous parce qu'il était fâché et qu'il avait trop de problèmes. Il apprend maintenant à lire et toute la famille lui paraît plus aimante de nouveau. C'est cela que nous voulons.

• 1335

L'analphabétisme est à l'origine d'un très grand nombre de problèmes. Si seulement nous pouvions aborder ces problèmes. Sans aide, il n'y a aucun espoir et les choses iront de mal en pis.

Mme Angela Vautour: Mon temps est-il écoulé?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous disposez de 30 secondes environ, si vous les voulez.

[Français]

Mme Angela Vautour: J'aimerais simplement porter un fait à l'attention d'Ulysse, qui a parlé des Acadiens. Lorsqu'on a révisé les limites de la circonscription que je représente, on a retranché une partie du territoire où habite la majorité des communautés de langue française et on l'a ajoutée à une circonscription à majorité anglophone. La culture est très différente. On a vraiment fait fi de la loi, qui veut qu'on protège les Acadiens, lorsqu'on a pris de telles décisions. Il faudra arrêter de prendre de telles décisions à l'avenir afin de protéger les Acadiens.

M. Ulysse Robichaud: Tous les programmes et initiatives que le gouvernement met sur papier paraissent bien. Mais la réalité se vit dans nos communautés et ce sont les Acadiens qui en subissent les conséquences. Le gouvernement comprend mal nos besoins et met en place des programmes qui n'y satisfont pas. Ils nous divisent et finissent par diviser les communautés.

Nos bénévoles travaillent très fort à la réalisation de beaux projets. Nous avons accompli des choses intéressantes, entre autres dans la région de Tignish, où se trouvent la plupart des Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard. Mais on a dû mettre ces projets de côté puisqu'on a jugé qu'ils étaient moins prioritaires. Nous travaillons à la réalisation de projets dans cette région, mais on n'a pas l'argent nécessaire pour engager des employés. Au moment où on se parle, on a tenté de mettre sur pied une école maternelle francophone pouvant accueillir une trentaine d'élèves, mais on n'a pas d'argent pour acheter des chaises et des pupitres. Ce sont des situations semblables auxquelles nous sommes confrontés. C'est pourquoi nous disons que c'est une question d'argent. Cette responsabilité relève du gouvernement canadien. S'il veut que ce pays soit bilingue et qu'on y favorise l'épanouissement des deux langues et des deux cultures, il doit reconnaître qu'il doit faire quelque chose. Sans cela, nous disparaîtrons. Il est peut-être d'accord sur ces principes, mais il ne fait rien. On va disparaître de la carte; on ne sera plus que du folklore.

D'après moi, c'est triste. Les touristes qui viendront ici et qui voudront rencontrer des Acadiens, leur parler et apprendre à connaître leur culture ne pourront plus le faire. Notre culture est un enrichissement pour tout le Canada, y compris au point de vue économique.

Mme Angela Vautour: On parle d'éducation postsecondaire, mais il faut aussi se rendre compte qu'il existe de sérieux problèmes dans nos écoles élémentaires. L'autre jour, mon fils est rentré de l'école et m'a remis des cartes pour un bingo de 1 000 $. En quatrième année, il allait jouer au bingo dans sa classe et tenter de gagner 1 000 $. J'éprouve de sérieux problèmes face à ça. Les sommes recueillies devaient servir à l'achat de matériel pour l'école.

M. Ulysse Robichaud: Nous, les parents, sommes à la base et si nous disparaissons, tout l'avenir de la francophonie s'effacera lui aussi. Qui d'autre prendra la relève? On va se faire étouffer et on va en mourir. Il y a de nombreux programmes qui ont été mis sur pied seulement pour nous assurer qu'on pourra bien finir nos vieux jours, mais il n'y a rien après cela pour enclencher le progrès et garantir l'avenir.

À l'Île-du-Prince-Édouard, la commission scolaire francophone est contrôlée par le gouvernement provincial. Son financement tout entier lui provient du gouvernement provincial et toute nouvelle initiative qu'elle désire entreprendre doit être soumise au ministre de l'Éducation. Nous avons formé notre fédération parce que nous croyions qu'il était important que les parents soient représentés. Nous ne sommes pas liés au gouvernement; nous sommes une fédération indépendante.

Il y a 100 ans, on aurait pu survivre, mais aujourd'hui cela est impossible en raison du système de gouvernement actuel. La réalisation de tout projet nécessite aujourd'hui beaucoup d'argent. En vue d'établir une école francophone à Summerside, depuis deux ou trois ans, notre employée a passé tout son temps en cour. Nous sommes allés deux fois devant les tribunaux. Nous avons gagné notre cause, mais la Cour d'appel a renversé ce jugement. Nous devons maintenant porter notre cause à la Cour suprême du Canada. Toutes nos ressources et tous nos employés vouent tout leur temps à la défense de la cause de Summerside. Si on abandonne la bataille, on n'aura pas d'école francophone, on se fera assimiler et ce sera la fin. Il s'agit vraiment d'une affaire test destinée à faire jurisprudence. Si nous perdons notre cause devant la Cour suprême du Canada, ce sera la fin de nos écoles francophones à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est pourquoi j'affirme que c'est une question d'argent. Nous n'avons présentement même pas assez d'argent pour payer notre avocat. Nous aimerions que le gouvernement fédéral reconnaisse l'urgence de notre situation et trouve des façons plus faciles de nous aider au point de vue financier. Le système actuel est beaucoup trop compliqué.

• 1340

Mme Angela Vautour: C'est pour cela qu'ils disent qu'on devrait premièrement faire quelque chose....

Le vice-président (M. Nick Discepola): Angela, je vous prie de ne pas interrompre M. Robichaud. Votre intervention a déjà duré cinq minutes de trop.

M. Ulysse Robichaud: Je m'en excuse.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais clarifier un fait qui échappe peut-être à Mme Vautour parce qu'elle n'était pas députée en 1993, contrairement à la plupart d'entre nous. Conformément à la Constitution canadienne, on doit effectuer une révision des limites des circonscriptions électorales et du nombre de sièges après chaque recensement. Ainsi, le nombre des circonscriptions est passé de 296 en 1993 à 301 en 1997. Je dois concéder, madame Vautour, que je ne connais aucun député qui soit satisfait de la nouvelle répartition des circonscriptions. On a présenté un projet de loi en vue de la contester, mais la Chambre des communes ne l'a pas adopté. Ce n'est pas la faute du gouvernement libéral s'il en est ainsi. Ce processus a a été déclenché en 1990 et il fallait le poursuivre.

Mme Angela Vautour: J'aimerais que vous me donniez l'occasion de répliquer. Je voulais simplement faire valoir les droits des Acadiens et des francophones qui doivent porter leur cause devant les tribunaux. On a quand même retranché 35 p. 100 de la circonscription, et la communauté francophone est maintenant représentée par un député unilingue anglophone.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais le gouvernement ne peut pas empêcher une telle situation de se produire. C'est Élections Canada qui a le mandat de déterminer les limites des circonscriptions électorales en se basant sur des données démographiques, et je suis d'accord sur ce point.

Mme Angela Vautour: Mais il faudrait les respecter.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous aurions également pu entreprendre des démarches et suivre le processus prévu dans de tel cas.

Mme Angela Vautour: Oui, mais cela n'a pas été fait.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Szabo, s'il vous plaît. Nous vous accordons 10 minutes.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Je tiens à vous remercier.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous pouvez en prendre dix et Gary en aura huit.

M. Paul Szabo: Nous en prendrons neuf chacun.

Je crois sincèrement que le processus est important, qu'il donne des résultats et qu'il peut avoir une influence. Dans notre monde parlementaire, le véritable objectif est le consensus, et non de savoir qui a voté pour telle chose. Il faut savoir ce que les gens ont dit, combien de fois ils l'ont dit et avec quelle passion, etc. Je trouve que vous avez tous très bien présenté votre cas. Cela est très important et vous devez en être satisfaits et vous devez savoir que nous avons écouté.

J'ai été particulièrement touché par l'exposé de ALERT, parce que l'expression d'une frustration, d'un peu de colère et peut-être même d'un peu d'irritation, ne signifie pas que vous êtes de nature coléreuse, méchante ou mesquine. C'est parce que la question est importante. Il est manifeste aussi que les gens du groupe ALERT et peut-être aussi d'autres personnes ont lu le texte de Mme Rosemary Speirs, qui fait état de certaines choses.

En réalité—et j'ai posé moi-même la question qui a donné lieu à une bonne partie de l'article—j'ai dit que nous devrions peut-être redéfinir ou définir pour une première fois la notion de pauvreté est au Canada et laisser tomber le SFR de Statistique Canada, qui, par exemple, est de 16 500 $ pour une personne vivant en milieu urbain. Mme Rosemary Speirs laisse entendre que M. Paul Szabo a posé cette question piège parce que l'on cherche uniquement à abaisser le seuil de pauvreté, afin qu'il y ait moins de gens à vivre dans la pauvreté. Par contre, l'article ne mentionne pas ce que j'ai dit par la suite. J'ai dit que les Canadiens devraient comprendre que même si on abaisse le seuil de pauvreté de 16 500 $ à 10 000 $, ou quelque chose du genre, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté ne diminuerait pas beaucoup parce qu'au Canada, la majorité des personnes qui sont dans cette situation touchent moins de 8 000 $ par année. Voilà la réalité.

Plusieurs Canadiens ne croient pas vraiment que des gens ont faim, n'ont pas d'abri ni les nécessités appropriées de la vie. Nous ne sommes pas conscients de la gravité de la situation, parce que quelqu'un a fixé ce seuil qui semble tout à fait satisfaisant. Par exemple, ce seuil est de 26 000 $ par année pour une famille de quatre personnes. Toutes nos collectivités comptent des sans-abri. À Ottawa, il y a des gens qui dorment sur des grilles d'air de l'autre côté de la rue, en face du Parlement. Chaque jour, quand je rentre chez moi, à ce petit hôtel ordinaire où j'habite, je vois des hommes qui dorment sur des grilles à air dans la capitale de notre pays.

Je tiens à ce que vous sachiez que j'ai dit au ministre des Finances, et j'en ai parlé à plusieurs personnes de manière très publique, que selon moi, le fait de traiter de la pauvreté dans le budget constitue une priorité aussi grande que toute autre priorité. Cette question devrait être au même niveau que le régime de soins de santé et que toute autre priorité. Je ne dis pas qu'il faille que ce soit la seule priorité, mais comme nous pouvons nous permettre de faire un certain nombre de choses sur plusieurs fronts, cette question ne devrait pas être reléguée au second rang de nos priorités.

• 1345

Cela étant dit, je tiens à partager quelque chose avec vous, parce qu'il est important que nous comprenions le sens de quelques questions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez déjà six minutes d'écoulées...

M. Paul Szabo: D'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): ...peut-être voudriez-vous lui donner une chance.

M. Paul Szabo: Permettez-moi d'ajouter ceci rapidement. Si nous devions relever le niveau d'exemption personnelle jusqu'au niveau du SFR, la mesure profiterait à tous les Canadiens. Cela se traduirait par une somme supplémentaire de 2 500 $ par année dans la poche du Canadien pauvre, et de 5 000 $ pour les Canadiens ayant les revenus les plus élevés. Je ne crois pas que vous vouliez faire cela. De plus, une telle mesure coûterait environ 35 milliards de dollars. Je crois que vous avez probablement voulu dire que les Canadiens à faible revenu ne devraient pas commencer à payer des impôts avant d'avoir atteint un certain revenu, de sorte que la mesure vise davantage les contribuables à faible revenu.

Mon second point concerne le report d'impôt des sociétés, et je le mentionne afin que vous ayez un peu de temps pour le commenter. Il en est question bien souvent. Je suis expert-comptable de profession et je peux vous dire qu'à l'exception de certaines corporations qui fraudent le gouvernement ou qui trichent et ainsi de suite, les entreprises versent tous les impôts exigibles. Leurs états financiers comportent une ligne intitulée «Impôts reportés». Les impôts reportés sont des impôts que l'entreprise devra payer plus tard en raison de ce qui a déjà été versé. La Loi de l'impôt sur le revenu précise qu'elles peuvent amortir, par exemple, 100 p. 100 des biens de fabrication et de transformation au cours de l'année d'acquisition, tandis que les principes de comptabilité généralement acceptés disent que l'amortissement doit se faire sur cinq ans. L'amortissement accéléré à des fins fiscales donne lieu à ce compte d'impôt différé. Vous devriez comprendre que les impôts différés ne sont pas exigibles aujourd'hui, mais qu'ils le seront plus tard. Ce n'est qu'une note. Cet élément n'est pas votre point fort, mais le reste de votre exposé est en plein dans le mille.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Peut-être devrions-nous les laisser répondre à leurs propres questions. Vous commenciez à poser des questions également, ce qui me préoccupait un peu.

M. Paul Szabo: D'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Donnons-leur un peu de temps.

M. Paul Szabo: Je suis sûr qu'ils ont quelque chose à dire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Curley, je vous prie.

M. Brian Curley: Je ne voulais pas que notre exposé soit truffé de données statistiques parce qu'il est possible qu'une partie du problème soit attribuable au fait que lorsque des gens comme Paul Martin commencent à préparer leur budget, ils jonglent avec des statistiques et peuvent facilement oublier les humains qui sont derrière, les personnes qui sont véritablement affectées. Il est possible que nous ayons tort sur certaines choses ou que nous n'ayons pas tout à fait raison sur d'autres, mais nous vous avons fourni quelques exemples de ce qui se produit réellement pour la population.

Je veux aussi commenter la question de l'alphabétisme. Il y a une véritablement relation entre la pauvreté et l'analphabétisme, et l'Organisation internationale anti-pauvreté a fait une étude sur cette question il y a quatre ans. Le rapport est disponible au bureau de l'organisme à Ottawa, et il pourrait être utile de le consulter. Je crois que c'est tout.

M. Paul Szabo: Bien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Szabo. Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose? Croyez-le ou non, vous disposez toujours d'une minute.

M. Paul Szabo: Monsieur Heider, l'éducation postsecondaire est extrêmement importante. Les enfants qui reçoivent une éducation postsecondaire au Canada affichent un taux de chômage de 6,5 p. 100 après avoir obtenu leur diplôme, et les Canadiens qui ont un diplôme d'études universitaires ont—dans l'ensemble—un taux de chômage de 4,5 p. 100. Bien que je souhaite sincèrement que tous aient leur chance, je dois dire en toute honnêteté que le taux moyen de 30 p. 100 d'abandon au niveau secondaire au Canada me préoccupe beaucoup. Les enfants qui quittent l'école avant d'avoir obtenu même un diplôme d'études secondaires sont les futurs pauvres du Canada. Quel est votre sentiment à ce sujet?

M. Lawrence Heider: Je crois que je vous entends bien, mais je ne crois pas non plus que l'éducation postsecondaire doive être prise isolément ni que l'alphabétisme doive être considéré isolément. Le problème en est un d'apprentissage durant toute la vie.

Je me suis présenté ici en tant que représentant de l'université pour vous soumettre ce cas, mais j'appuie également ce que Mme Dianne Morrow vous a dit au sujet de l'alphabétisme. J'ai tenté de travailler dans ce sens et d'amener l'université à apporter un soutien. J'ai parlé du programme universitaire des îles de l'Atlantique, que nous cherchons à mettre de l'avant.

Nous croyons à l'apprentissage sur toute la vie. L'éducation postsecondaire, qu'il s'agisse de l'université ou d'un collège communautaire ou d'une autre formation, en fait partie. Je souhaite que nous puissions garder un plus grand nombre d'enfants à l'école. Si davantage d'enfants restent à l'école, il y en aura plus à se rendre à l'université. Notre taux d'alphabétisme s'en trouverait amélioré.

• 1350

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup de votre réponse concise.

Il nous reste maintenant à entendre M. Pillitteri, qui a l'habitude de parler à bâtons rompus. Il m'assure qu'il posera ses questions très rapidement.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président. J'espère que ni vous, monsieur le président, ni mes collègues n'interviendrez pendant que je poserai des questions, parce que j'entends utiliser la totalité des dix minutes qui me sont allouées.

D'abord, permettez-moi de commenter certains des exposés. M. Szabo a tenté de corriger quelqu'un au sujet de l'impôt différé des sociétés. La même recommandation numéro un comprend une demande pour que la loi qui exempte les fiducies familiales de tout impôt soit abrogée et que des impôts soient perçus. Des impôts sont perçus sur ces montants. La période de remboursement est de 21 ans, mais éventuellement, tous les impôts sont payés. Voilà un élément.

Il y a aussi une autre partie, c'est-à-dire que les spéculateurs sur le marché monétaire devraient être imposés. Quiconque fait de l'argent sur le marché boursier paie des impôts. Vous parlez sans doute de la taxe Tobin. Toute transaction devrait être imposée, mais non les transactions commerciales. Quiconque fait de l'argent en bourse paie des impôts.

Autre chose: le transfert d'argent à des filiales. Cela aussi est imposé également.

Je m'adresse maintenant à Mme Mary MacNeil, qui a fait certaines observations au sujet de l'agriculture. Cela me touche davantage parce que j'ai été agriculteur bien avant la mise en place des mécanismes de recouvrement des coûts. Cette mesure qui s'applique dans tous les segments est un fardeau indu pour le producteur, parce qu'éventuellement tout est refilé au consommateur.

Vous avez fait une remarque concernant les subventions. Pour en revenir aux pommes de terres qui sont rejetées, je dis que l'agriculteur doit être payé. Par le passé, les producteurs revenaient une fois, deux fois ou même trois fois et ils étaient soumis à la même inspection. Par conséquent, le contribuable payait pour quelque chose qui n'était pas vraiment nécessaire. Je veux aussi dire que certains de ces emplois ne valent pas vraiment le travail accompli. Nous avions des inspecteurs pour les pommes de terre, des inspecteurs pour les fruits, des inspecteurs pour les légumes, et ils inspectaient la qualité—ils déterminaient si le produit était suffisamment mûr pour se rendre sur le marché et s'il n'était pas dangereux pour la consommation humaine. Plusieurs de ces emplois à Agriculture Canada ont leur contrepartie dans les ministères de l'Agriculture des provinces, qui font leurs propres inspections. Par conséquent, il y a un chevauchement des inspections faites par le gouvernement fédéral. Cela n'a rien de neuf à l'Île-du-Prince-Édouard. Cela s'est produit partout au pays. Plusieurs de ces emplois étaient redondants. Éventuellement ce sont tous les contribuables qui paient.

Vous parlez des inspecteurs des viandes et ainsi de suite. Nous sommes le pays au monde qui a le moins de souci à se faire concernant la disponibilité et l'inspection de nos aliments, peu importe qu'il s'agisse de boeuf ou de volaille. Certains d'entre nous ne mangent pas de poulet américain, dont moi. Si seulement vous saviez... l'inspection est confiée au secteur privé. Je comprends ce que vous voulez dire. Mais dans le cas des fruits et des légumes, une foule d'emplois d'inspecteur deviennent redondants. Bien que je sois du domaine, je crois que le recouvrement des coûts est une mesure acceptable à cause de la redondance de ces activités.

Vous avez également fait une observation au sujet de...

Le vice-président (M. Nick Discepola): En arriverez-vous bientôt à votre question?

M. Gary Pillitteri: J'arrive à ma question.

Vous avez fait une observation concernant la vente des aéroports et de tout ce qui se produit en rapport avec cette initiative. Le gouvernement fédéral n'a vendu aucun aéroport. La gestion des aéroports a été confiée à une administration locale. Du moins dans ma propre région, l'aéroport a été cédé à une administration locale, mais le gouvernement fédéral conserve son droit de propriété, et je pense qu'il en est ainsi partout au pays.

• 1355

Voici ma question. Vous avez parlé d'équité salariale et vous dites que les montants auraient dû être versés. Vous n'avez reçu aucune augmentation et ainsi de suite, et vous dites que l'équité salariale devrait être instaurée. Sur la base de quel montant le règlement devrait-il se faire?

Mme Mary MacNeil: C'est simple. Le gouvernement fédéral a mené une étude de 1985 à 1989. Pour cela, il a retenu une société américaine à qui il a versé un million de dollars US. La société a fait une étude en profondeur de 4 500 emplois. Le gouvernement fédéral a insisté sur l'utilisation d'une méthodologie faisant abondamment appel au calcul de moyennes. À ce moment, le gouvernement n'avait pas dit d'aller d'un emploi à l'autre et d'utiliser d'autres méthodes. C'est ce qu'on a dit au syndicat. J'ai fait partie de cette étude. La méthodologie a été utilisée en raison du grand nombre d'emplois visés. Comme je l'ai dit, le gouvernement nous a convaincus de cela et nous a affirmé qu'il s'agissait de la seule façon de procéder, et que l'autre méthode serait trop coûteuse. Et voilà pour la méthodologie.

Le tribunal a examiné plusieurs documents sur une période de six ans et il a dit que la méthodologie était bonne. Il a apporté quelques petits changements, mais tout est très près de la méthodologie utilisée. Le gouvernement l'a trouvé bonne de 1985 à 1989. Le tribunal a dit que c'était la bonne méthodologie. En ce qui a trait à l'argument concernant les autres méthodologies, il y a un million de raisons pour lesquelles il est impossible de passer d'un emploi à l'autre parce qu'il en coûterait beaucoup plus au gouvernement de commencer à examiner chacun des emplois. La méthode retenue permettait de faire des calculs de moyenne. C'est l'argument qui nous a été présenté. La méthodologie est équitable.

C'est très simple. La seule chose qui reste à faire, et elle peut se faire en une semaine ou deux, est d'imprimer les chèques.

M. Gary Pillitteri: On a utilisé une méthodologie différente dans le cas de Bell Canada et de Muldoon.

Mme Mary MacNeil: Mais...

M. Gary Pillitteri: Permettez-moi d'ajouter une chose, puis vous pourrez répondre.

Si nous devions aller de l'avant avec cette méthodologie, le montant serait déjà couvert, compte tenu de la somme de 1,3 million de dollars offerte par le gouvernement fédéral pour l'équité salariale. On a dit alors que le secteur privé pourrait aller de l'avant avec l'équité salariale. Le secteur privé a adopté l'équité salariale. Personnellement, je crois qu'il s'agit de discuter et de négocier avec les syndicats plutôt que de recourir à la méthodologie qui a servi à régler la question de l'équité salariale.

Mme Mary MacNeil: J'aimerais clarifier votre commentaire au sujet de Bell Canada. Bell Canada est en cour pour déterminer si l'entreprise doit se présenter devant le tribunal. Voilà l'objet de l'audience de Bell Canada.

Nous sommes allés en cour en 1991, et nous avons gagné. Le gouvernement a porté la cause devant une cour supérieure, et nous avons gagné. Ensuite, nous avons demandé une audition.

Bell Canada n'a publié aucun fait ni aucun chiffre. La compagnie a parlé d'examiner les emplois, mais elle n'a pas publié toutes les données de l'étude que nous avons en main. Cela n'a toujours pas été entrepris chez Bell Canada. J'estime que l'argument invoqué par la société est très faible et qu'il n'a aucun fondement. Il y a plusieurs raisons à cela. Je pourrais vous fournir un document qui vous expliquerait pourquoi l'examen de tous les emplois ne donne pas de bons résultats, et le gouvernement s'en est servi il y a plusieurs années pour nous le dire. Lors de l'examen par le tribunal, le Conseil du Trésor n'a jamais dit «C'est ce que nous proposons», parce qu'il sait que ce n'est pas bon. Je considère qu'il s'agit d'un argument faible.

Vous avez parlé de l'inspection des aliments. Nos scientifiques ont fait des commentaires lourds de sens. Plusieurs des laboratoires d'inspection des aliments ont été fermés à l'échelle du Canada. Le gouvernement fédéral les a fermés. Le laboratoire de recherche sur les drogues a été fermé. C'est pourquoi nous nous préoccupons de ce qui se passe en matière d'inspection des aliments. Il y a de moins en moins d'inspecteurs des aliments et il y a de moins en moins de personnes en poste à la frontière.

Vous avez entendu nos craintes au sujet de la sécurité. Il est possible que les inspections d'aliments soient les mêmes qu'il y a quelques années, que nous ayons peut-être une bonne feuille de route, mais il y a de moins en moins de personnes pour accomplir le même travail. Voilà un motif qui devrait pousser tout employeur à se préoccuper de la sécurité. Je parle à des employés qui sont complètement stressés et fatigués et qui disent devoir inspecter davantage d'aliments au cours d'une minute qu'ils ne devaient le faire il y a deux, trois ou quatre ans. C'est le problème de santé et de sécurité. Je comprends ce que vous voulez dire quand vous parlez des pommes de terre et ainsi de suite. Les entreprises devraient également se préoccuper de la situation parce que nous voulons un produit de bonne qualité. En matière d'inspection des aliments, il y a des risques pour la sécurité et les employés disent que nous approchons du seuil critique. La situation commence à se corser.

M. Gary Pillitteri: Puis-je avoir 30 autres secondes pour mon commentaire suivant?

• 1400

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous disposez de 30 secondes, et ce sera la dernière observation.

M. Gary Pillitteri: Selon les délibérations du tribunal des droits de la personne, l'équité salariale exigerait un déboursé de cinq à sept milliards de dollars. Aujourd'hui, il est question d'un excédent de 3,5 milliards à quatre milliards de dollars. Si c'est la voie que nous sommes à la veille d'emprunter je crois que le prochain budget sera déficitaire.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Dans cette ligne de pensée j'aimerais clarifier un détail fourni par Mme Henderson. Les chiffres présentés dans votre tableau de la page deux n'ont rien éveillé chez moi. Je pensais que c'était surtout des chiffres surprenants obtenus lors du calcul du manque à gagner pour les soins de santé, parce que nous entendons dire que les soins de santé sont une priorité pour les Canadiens.

En tant que parlementaire, je me demande souvent quel est le montant ultime que le pays devrait investir dans les soins de santé. Quand on songe que d'autres pays dépensent 8 ou 9 p. 100 de leur PIB—ce qui habituellement est une bonne mesure, du moins je le crois—et que nous dépensons 8 p. 100 et que nous obtenons un rendement nettement supérieur, je me dis «Que devrions-nous faire en tant que gouvernement, pour en arriver à un montant optimal?» Il ne saurait toujours être question d'argent. Il faut qu'il y ait une approche équilibrée.

La première chose que le gouvernement a faite quand il en a eu la chance, a été de réinvestir dans les soins de santé. Cela est survenu dans la foulée des recommandations du Forum national sur les soins de santé. Je crois qu'après 18 mois d'études par des spécialistes du domaine, on a fini par dire qu'il faudrait revenir à un financement d'un milliard de dollars. Nous sommes revenus à un niveau de 12 milliards de dollars, ou de 12,5 milliards de dollars.

Partout au pays on nous dit que cela ne suffit pas. Encore ce matin, on nous a dit qu'il faudrait un montant supplémentaire de cinq milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour les soins de santé seulement. À Ottawa, nous avons entendu des représentations semblables à la vôtre à l'effet que nous devrions dépenser 2,5 milliards de dollars de plus par année.

Les tableaux comparatifs que vous nous fournissez peuvent être trompeurs, parce que le manque à gagner de 39,5 milliards de dollars est un point de départ. Mais il faut inclure également dans vos tableaux, ce que vous ne semblez pas avoir fait—et voilà l'occasion que je vous offre de corriger—cette lacune—le point d'impôt pour le TSPS. Il faut comprendre que le point d'impôt, le montant réel, aurait été ramené à zéro si le gouvernement avait continué de suivre l'ancien régime. Puis, Mme Redman a parlé de recourir à un mécanisme, une sorte de fouet ou de bâton, pour menacer les provinces qui ne se conformeraient pas à cette règle. Les marges de manoeuvre n'auraient pas existé parce qu'il n'y aurait pas eu ce mécanisme.

Par conséquent, est-il équitable de faire une comparaison? Si je prends les chiffres et que j'y ajoute le point d'impôt, j'obtiens un résultat différent. Il ne s'agit plus de 39,5 milliards de dollars. Je crois que vous parlez d'une période de sept ans. Si vous ajoutez à mes chiffres les revenus supplémentaires que les provinces obtiennent sous forme de recettes fiscales, le résultat serait réduit de moitié, ou presque, à 19,6 milliards de dollars. Vos chiffres comprennent-ils les recettes fiscales ou non?

Mme Rosemary Henderson: Je dois commencer par préciser que le chiffre de 45,5 milliards de dollars mentionné dans mon exposé tient évidemment compte des 30 milliards de dollars provenant des modifications apportées aux formules de péréquation dans les années 80 et au début des années 90, jusqu'à la mise en oeuvre du TSPS.

En ce qui a trait à votre question concernant la valeur du point d'impôt, les calculs étaient basés—et vous avez raison—sur les droits en argent. La somme de 2,5 milliards de dollars est basée sur le rétablissement des droits en argent au niveau de 1995-1996.

Si vous me le permettez, je m'en remettrai au directeur de l'économie de l'AMC, assis derrière moi, concernant la valeur relative d'inclure votre valeur des points d'impôt par rapport aux droits en espèce. Je ne suis pas économiste et je ne me sens pas tout à fait à l'aise avec cette question.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, mais j'essayais de vous faire dire quel est le niveau ultime, vous qui êtes de la profession. Êtes-vous en train de nous dire que nous devrions investir six milliards de dollars de plus?

Mme Rosemary Henderson: Ce que je voudrais vous dire n'est pas par opposition à six milliards de dollars ou à une valeur quelconque. J'aimerais vous dire que nous sommes d'avis que les dépenses devraient se situer à un niveau approprié pour obtenir des résultats raisonnables pour la population en matière de santé. Il y a toutes sortes de mesures économiques qui peuvent être mises en place, peu importe que vous vouliez les mettre en rapport avec le PIB et ainsi de suite comme façon traditionnelle de comparer et de mesurer. C'est assurément une façon de procéder.

Je pense qu'il faut se demander dans quelle mesure la population est en santé et commencer à s'intéresser aux résultats. C'est un des objectifs en matière de santé et nous n'avons pas beaucoup progressé. À quel niveau voulez-vous que votre population se situe au plan de la santé? Quelle priorité voulez-vous adopter?

• 1405

Le vice-président (M. Nick Discepola): Gary.

M. Gary Pillitteri: Je pense que vous avancez des chiffres, et pourquoi pas? La plupart des nations le font. Actuellement, nous dépensons près de 10 p. 100 du PIB. Aux États-Unis, on dépense plus de 16 p. 100 et cette proportion augmente, tandis que certains pays européens en sont à 6 ou 8 p. 100. Par conséquent, si vous voulez aller dans cette voie, quelle proportion du PIB voudriez-vous que les Canadiens dépensent pour les soins de santé?

Mme Rosemary Henderson: Je ne répondrai pas à cette question. Comment voulez-vous comparer la santé des Canadiens à celle des Américains, sachant que nombre d'Américains ne sont pas couverts par le régime d'assurance-santé? La santé des Japonais comparée à la santé des Canadiens...?

M. Gary Pillitteri: On nous a parlé déjà de certains pays d'Europe et des succès qu'ils connaissaient. J'ai entendu parler de la Suisse, de la Suède et d'autres pays et des succès qu'ils connaissent avec leurs programmes sociaux. En tenant compte de ces cas et en utilisant les chiffres fournis, à quel niveau voudriez-vous que se situent nos dépenses?

Mme Rosemary Henderson: Vous n'arrivez pas à me coincer là-dessus. J'en suis désolée.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est là le coeur du débat, parce qu'il faut tenir compte des abus, de la surutilisation occasionnelle du système par les Canadiens. Peut-être devrait-il y avoir davantage d'obligation de rendre des comptes. Je me dis souvent que nous devrions recevoir un état des soins de santé, un peu comme le relevé de compte de Visa.

En tant que Canadiens, nous devrions savoir à chaque année combien nous a coûté le régime de soins de santé. Ce n'est pas le cas actuellement. Par conséquent, nous nous présentons dans un hôpital pour obtenir une opinion médicale, puis, si nous n'en sommes pas satisfaits, nous allons dans un deuxième hôpital, puis dans un troisième. Chaque fois que nous le faisons, nous exerçons des pressions supplémentaires sur le régime.

Nous essayons de déterminer si nous pourrions mettre plus d'argent dans le système, et peut-être y aurait-il une meilleure façon de rendre des comptes et une meilleure façon d'utiliser l'argent disponible, à des fins plus utiles.

Mme Rosemary Henderson: Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Il ne fait aucun doute que la reddition de comptes est un aspect sur lequel nous devrions nous pencher au cours des prochaines années.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Je remercie les membres du comité et les invités de leur patience et de leur concision.

Nous faisons une pause de deux ou trois minutes. Je vous en prie, ne vous éloignez pas, ne quittez pas la salle. Nous faisons un peu de nettoyage avant d'accueillir nos prochains invités.

Merci à tous encore une fois.

• 1408




• 1415

Le vice-président (M. Nick Discepola): À l'ordre. Nous reprenons le processus de consultation pré-budgétaire en vertu des articles 108(2) et 83.1 du Règlement.

Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Robert Morrissey, député et critique financier de l'opposition officielle de l'Île-du-Prince-Édouard, à Mme Mette Ching, présidente, et Mme Lisa Dennis, Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard, et à MM. Rory McLellan et Donald Strongman, P.E.I. Fishermen's Association. Bienvenue à tous.

Je m'en tiendrai donc à ma liste, puisque c'est probablement la meilleure façon de procéder. Monsieur Morrissey, je vous en prie.

M. Robert Morrissey (député à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard): Vous voulez que je commence?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui, je vous en prie. Le format est le suivant: vous avez cinq ou dix minutes pour votre exposé, puis il y a une période...

M. Robert Morrissey: Je me demande tout simplement où sont les autres membres de votre comité.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je commence toujours quand je suis prêt, parce que si je leur donne cinq minutes, en bons politiciens qu'ils sont, ils en prendront 50. Par conséquent, nous commençons. Quand ils entendront les voix, ils se précipiteront. Vous les verrez revenir.

M. Robert Morrissey: Au nom de l'Opposition officielle de l'Île-du-Prince-Édouard, je vous remercie, vous et votre comité, de l'occasion qui nous est offerte d'exprimer nos points de vue concernant l'exposé économique récent du ministre des Finances. Je tiens aussi à vous remercier d'être venus à l'Île-du-Prince-Édouard pour offrir aux insulaires la possibilité de vous faire part de leurs points de vue.

Comme je dispose de peu de temps, j'irai droit au but. Dans le contexte des finances nationales, notre préoccupation principale, en tant qu'opposition, est la pertinence du financement pour les soins de santé aux niveaux fédéral et provincial.

Monsieur le président, il est assez facile de prétendre que le Canada est un des États-nations qui connaît le plus de succès dans toute l'histoire. Une des raisons clés de ce succès est la volonté historique de développer graduellement et de manière efficace les composants clés de notre société altruiste. Il y a plusieurs piliers au sens particulier des responsabilités sociales du Canada. Ce sont la santé, la prospérité, l'éducation et les capacités des citoyens. On est parvenu à démontrer de manière efficace que plusieurs de ces piliers, la santé, la richesse, l'éducation et les aptitudes sont interdépendants. Ils dépendent les uns des autres.

En d'autres mots, monsieur le président, si nous réduisons notre investissement dans notre régime de soins de santé, nous mettons en péril la prospérité et les capacités de notre pays. Par conséquent, je crois fermement qu'un investissement substantiel dans notre régime de soins de santé, un investissement visant à adapter notre régime d'assurance-santé au XIXe siècle, est un investissement qui est loin d'être isolé. De fait, la santé et les succès futurs du pays dépendent dans une large mesure de la façon dont nous approcherons les défis reliés aux soins de santé.

En écoutant la déclaration du ministre des Finances, je me suis arrêté plus particulièrement aux mots suivants, qui concernent la taille de l'économie: «Les dépenses actuelles du gouvernement pour les programmes sont déjà à leur niveau le plus bas depuis la démobilisation qui a suivi la Deuxième Grande guerre». Monsieur le président, cela remonte à plus d'un demi-siècle, avant l'assurance-santé et avant les progrès de la science médicale qui ont contribué à allonger l'espérance de vie de nos personnes âgées. C'était avant les progrès réalisés en matière d'immunisation qui ont contribué à rassurer notre population sur la santé publique. Au cours du demi-siècle écoulé depuis la Deuxième Grande guerre, les Canadiens se sont donnés un régime de soins de santé qui favorise la santé, qui fait la promotion du bien-être et qui nous offre la possibilité d'un niveau d'éducation supérieur.

Lorsque les Canadiens se sont donné un régime d'assurance-maladie, ils ont accepté aussi de payer un prix qu'ils jugent plus qu'équitable étant donné les avantages qu'il procure à tous. C'est pour cette raison, monsieur le président, que j'estime que les Canadiens sont justifiés de s'attendre à un investissement plus considérable dans notre régime de soins de santé. Je m'inscris en faux contre la déclaration du ministre des Finances qui dit «Nous ne pouvons le faire, parce que nous n'avons tout simplement pas l'argent actuellement».

Monsieur le président, nous avons l'argent. Le ministre des Finances prévoit un surplus de 3,5 milliards de dollars pour l'exercice, le premier excédent en près de trois décennies. Cet argent appartient aux Canadiens, aux Prince-Édouardiens. Quand j'entends les gens qui m'entourent, j'ai la très nette impression qu'une grande majorité de nos citoyens veulent que cet argent soit investi dans les soins de santé.

• 1420

Monsieur le président, l'insuffisance de l'aide fédérale pour les régimes de soins de santé provinciaux est bien connue à l'Île-du-Prince-Édouard. Le gouvernement provincial, dont je fais partie, a toujours de la difficulté à boucler son budget. Cela a eu pour conséquence de saper le moral du personnel et de susciter un désenchantement et un manque de confiance croissant chez plusieurs Prince-Édouardiens. En conséquence, il semble que toute discussion sur notre régime de soins de santé s'accompagne d'une longue liste de coupures ou d'augmentations de coûts potentielles. Plus récemment, notre gouvernement provincial s'est engagé sur une voie que j'estime dangereuse lorsqu'il a entrepris un examen des ressources pour soigner la sclérose en plaque, une chose qui ne s'était jamais vue à l'Île-du-Prince-Édouard.

Toutefois, bien que je sois en désaccord avec la méthode de budgétisation actuelle du gouvernement provincial, je sympathise avec leur mauvaise situation. Bien souvent, il n'y a pas suffisamment d'argent, et dans le contexte des fermetures de lits et d'hôpitaux bondés, les propos du ministre des Finances sur la complexité des pressions du marché boursier global nous semblent tout aussi éloignés par rapport à la situation sur l'Île que pourrait l'être une formule d'algèbre par rapport à une liste d'épicerie.

Monsieur le président, je reconnais aussi que le financement approprié pour les soins de santé exige une compréhension réfléchie des responsabilités sociales du gouvernement. Je ne puis certainement pas m'attendre à ce que votre comité explique comment notre trésorier provincial est parvenu à obtenir une somme supplémentaire d'environ 30 à 35 millions de dollars en revenus fédéraux non prévus l'an dernier. De toute façon, les priorités en matière de dépenses de notre gouvernement provincial ne représentent pas une préoccupation importante pour votre comité.

Monsieur le président, j'aimerais citer le ministre des Finances. Je crois que les mots suivants en disent long sur cette question, sur les priorités:

    Malgré les problèmes actuels, nous ne devons jamais plus faire en sorte que les préoccupations du court terme masquent les besoins à long terme de la nation. C'est bien ce que les gouvernements ont fait trop souvent, négligeant ainsi la nécessité d'une stratégie économique uniforme et à long terme—et ce sont les Canadiens qui en ont payé le prix.

Cette citation comporte beaucoup d'éléments. Premièrement, les soins de santé ne sont pas une préoccupation à court terme, mais bien une question essentielle aujourd'hui. Deuxièmement, les besoins à long terme de notre nation sont basés sur un régime de soins de santé efficace. Troisièmement, la stratégie économique à long terme devrait appuyer les besoins en matière de santé, de bien-être et d'éducation. Cette stratégie à long terme doit porter sur les besoins de notre nation, et non sur les préoccupations des courtiers en devises à Tokyo ou à New York.

Je voudrais réitérer, monsieur le président, qu'il est vital d'investir à nouveau dans les soins de santé. Un tel investissement ne peut que contribuer à la prospérité économique générale de notre pays.

Monsieur le président, je sais que votre temps est limité, et je conclus donc mon intervention. Je remercie votre comité de l'occasion qu'il m'a fournie d'exposer mon point de vue au nom de l'opposition officielle de l'Île-du-Prince-Édouard.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Morrissey. Je cède maintenant la parole à Mme Ching. Madame Ching, je vous en prie.

Mme Mette Ching (présidente, Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard): Merci. Nous vous remercions également de nous offrir la possibilité d'exposer certaines de nos vues, peut-être avec une saveur toute prince-édouardienne.

La Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard est essentiellement une organisation de lobbying agricole qui représente des agriculteurs ayant une production diversifiée, des exploitations de tailles différentes et des niveaux de revenus différents. Nous sommes fiers de nos fermes familiales à l'Île-du-Prince-Édouard. En 1997, les revenus bruts en espèces des exploitations agricoles ont été d'environ 273 millions de dollars. Bien que la pomme de terre demeure la récolte principale, l'industrie du bétail apporte une stabilité à notre économie agricole.

Selon les prévisions, les agriculteurs continueront d'être l'employeur numéro un du secteur privé. Toutefois, nos propres agriculteurs, tout comme leurs homologues canadiens, sont confrontés à une réduction des prix des produits cette année, principalement à cause de la crise économique asiatique dont les effets commencent à se faire sentir en Amérique du Nord. Selon les prévisions, le revenu des producteurs pourrait diminuer de près de 40 p. 100 cette année. Nous sommes fiers de l'économie agricole de notre Île, mais en même temps nous craignons ce que la prochaine année nous apportera.

• 1425

Lors de notre comparution devant votre comité en novembre 1995, nous avions fait état de recettes agricoles en espèces de 311 millions de dollars à l'Île-du-Prince-Édouard. En 1997, ces recettes étaient de 273 millions de dollars. Cette tendance à la baisse nous préoccupe grandement. La santé économique de l'Île est intégralement liée à la santé de l'économie agricole, tout comme la santé agricole est intimement liée à celle de l'économie canadienne.

Nous apprécions l'occasion qui nous est offerte de faire un exposé et nous aimerions aborder les questions suivantes: les programmes de secours aux sinistrés; le recouvrement des coûts; l'infrastructure de transport; les surplus de la caisse d'assurance-emploi et le FCARD, Fonds canadien d'adaptation et de développement rural.

Notre fédération est fière d'être associée à la Fédération canadienne de l'agriculture (FCA), la plus grande organisation de lobbying agricole général au pays. En tant qu'administratrice de la FCA, j'ai pu récemment discuter des revenus agricoles prévus pour 1998. Il serait inexcusable de ma part de ne pas profiter de l'occasion pour réitérer les inquiétudes exprimées lors de cette réunion du conseil d'administration.

Selon Statistique Canada, les revenus agricoles en espèces ont été de 14,1 milliards de dollars entre janvier et juin 1998, soit une diminution de 5,1 p. 100 par rapport à la première moitié de 1997. Les secteurs des récoltes et du bétail ont enregistré une diminution par rapport à la même période l'an dernier. Les revenus des récoltes ont diminué de 6,8 p. 100 à 6,6 milliards de dollars à la suite d'une baisse marquée des revenus du blé. Les revenus pour le bétail ont chuté de 4,2 p. 100 pour atteindre 6,9 milliards de dollars, surtout en raison de prix plus faibles pour les porcs. La déstabilisation de la demande mondiale de produits agricoles et la crise financière asiatique sont les causes majeures de la baisse historique des prix du porc et du grain.

Face à cette situation, les agriculteurs canadiens ont dû puiser dans leur CSRN, c'est-à-dire le compte de stabilisation du revenu net auquel contribuent les agriculteurs de même que les gouvernements fédéral et provinciaux. Au cours des six premiers mois de cette année, les retraits du CSRN ont augmenté de près de 70 p. 100. En moyenne, ces comptes représentent environ 18 500 $ par agriculteur au pays.

Plusieurs agriculteurs canadiens n'ont pu accumuler de réserves suffisantes dans ce compte pour parer aux situations difficiles et pour surmonter la crise. Il faut donc élargir les programmes de filet de sécurité, y compris établir un nouveau programme de revenu en cas de sinistre qui aidera les agriculteurs en cas de diminutions majeures de leur revenu à la suite d'une catastrophe naturelle.

La Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard demande au gouvernement fédéral d'examiner cette crise financière et d'offrir un programme de filet de sécurité important aux agriculteurs canadiens.

Ces dernières années, le gouvernement fédéral a très bien entendu les doléances des organisations agricoles, qui ont des réserves au sujet du recouvrement des coûts. Les agriculteurs sont conscients de la nécessité de réduire le déficit si le Canada entend rembourser sa dette importante, et nous applaudissons le ministre des Finances Paul Martin qui annonçait récemment un excédent de 3,5 milliards de dollars, une première pour un gouvernement canadien en près de trois décennies. Les agriculteurs sont bien conscients qu'il faut faire preuve de responsabilité au plan financier, mais l'escalade des coûts à la ferme représente un fardeau de plus en plus lourd à porter.

Prenons par exemple le secteur de l'horticulture de l'Île-du-Prince-Édouard. Les droits d'inspection obligatoires à l'exportation ont entraîné une escalade des montants payés selon le principe de l'utilisateur-payeur qui sont passés de 370 000 $ en 1995-1996 à 516 000 $ en 1996-1997. En l'occurrence, il s'agit uniquement des droits payés pour l'inspection des expéditions à destination des États-Unis.

Le secteur de l'horticulture est lourdement touché par le recouvrement des coûts, et de manière disproportionnée. Dans un marché global, ces coûts ne peuvent être refilés au consommateur. Si le Canada souhaite maintenir l'emphase sur les exportations et sur l'équité régionale, il faudra établir des règles du jeu équitables afin d'assurer la compétitivité du secteur agricole.

À l'assemblée annuelle de 1998, les membres de la fédération ont adopté la résolution suivante:

    Attendu qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada et d'autres ministères fédéraux continuent d'appliquer le recouvrement des coûts;

    attendu que les chiffres d'Agriculture et Agroalimentaire Canada montrent clairement que les répercussions de ces mesures ont touché les agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard plus durement que ceux de toute autre province au pays;

    attendu que le maintien de ces mesures érode la rentabilité et la viabilité;

    Il est résolu que la Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard et le ministère de l'Agriculture et des Forêts de l'Île-du-Prince-Édouard continuent de travailler avec les organisations agricoles et les groupes de producteurs pour assurer une répartition équitable des coûts entre les secteurs public et privé.

• 1430

La Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard recommande une approche plus équilibrée entre les initiatives de recouvrement des coûts des secteurs publics et privés.

En matière de transport et d'infrastructure, presque tout le transport à destination et en provenance de l'Île se fait par la route depuis l'effondrement des chemins de fer à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce lien crucial pour l'approvisionnement et le transport des produits est menacé par l'augmentation des coûts alors que les gouvernements provinciaux des autres provinces mettent en place un réseau de routes à péage. Les disparités régionales augmenteront avec la prolifération des droits de péage pour nos routes publiques. Plus la distance pour atteindre les marchés est grande, plus les effets cumulatifs de ces routes à péage seront considérables.

En réponse à cela, la Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard demande au gouvernement de s'assurer que l'infrastructure des routes interprovinciales soit équitable pour toutes les provinces.

Votre comité a sans doute entendu plusieurs groupes et personnes parler de l'excédent actuel de sept milliards de dollars dans la caisse d'assurance-emploi. Je serai brève. Nous estimons que les argents perçus des employeurs pour un régime d'assurance destiné aux travailleurs canadiens ne devraient pas servir à payer la dette à long terme du pays. Cela correspondrait à un impôt indirect par l'entremise d'une caisse créée à des fins entièrement différentes. Les sommes versées dans cette caisse appartiennent aux travailleurs canadiens et aux employeurs qui ont contribué. Les travailleurs saisonniers et les employeurs de travailleurs saisonniers comptent sur un programme d'assurance-emploi solide.

La Fédération de l'agriculture demande au gouvernement d'utiliser ces fonds aux fins prévues au départ, c'est-à-dire assurer un revenu aux chômeurs.

En ce qui a trait au Fonds canadien d'adaptation de développement rural, la Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard tient à féliciter le gouvernement fédéral qui a annoncé, en septembre 1998, que le FCARD sera maintenu au début du prochain millénaire. La façon dont les fonds seront partagés n'est toujours pas claire.

En tant qu'intervenants agricoles, les agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard sont heureux que le gouvernement favorise la stabilité en maintenant le financement et qu'il reconnaisse l'importance du secteur agroalimentaire du Canada. Établi en 1995, le FCARD est une initiative gouvernementale de 60 millions de dollars par année qui vise à favoriser la croissance, le développement et l'adaptation de l'industrie agroalimentaire au Canada. L'Île-du-Prince-Édouard a profité de ce fonds dans divers domaines.

La Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard est heureuse d'administrer le programme canadien de filet de sécurité agricole, une initiative du FCARD et de la Coalition canadienne pour la santé et la sécurité en milieu agricole. Depuis la mise en oeuvre du programme, les dix provinces ont eu accès à une part du financement d'un million de dollars par année. Les fonds ont servi à lancer et à coordonner des projets de sensibilisation à la sécurité et à la santé en milieu agricole.

L'Île-du-Prince-Édouard, comme les autres provinces et territoires du Canada, a profité des conseils d'adaptation du FCARDS. Le ADAPT Council de l'Île-du-Prince-Édouard a reçu 1,75 million de dollars au cours de la première phase de financement du FCARD. Ces fonds visent à encourager l'innovation, la croissance et les bonnes pratiques en matière d'environnement.

Le FCARD a servi, entre autres, à appuyer les initiatives suivantes: la planification commerciale pour les projets de coentreprises agricoles; le programme canadien de la gestion d'entreprises agricoles; le programme canadien de sécurité alimentaire à la ferme; les services de médiation dans les cas d'endettement agricole; le HACCP, le Système national d'analyse des risques et de maîtrise de contrôles critiques; et le programme de partage des frais pour l'investissement.

Nous applaudissons l'engagement pris par le gouvernement du Canada vis-à-vis le Fonds canadien d'adaptation et de développement agricole et nous demandons que ce fonds soit porté de 60 millions de dollars à 75 millions de dollars par année. Ce fonds a notamment permis de donner plus de pouvoir en matière de prises de décision à l'industrie pour appuyer la croissance et la création d'emplois dans le secteur agroalimentaire et dans les collectivités rurales.

• 1435

Au nom des membres de la Fédération de l'agriculture, je vous remercie de la possibilité que vous nous avez offerte de nous adresser à votre comité permanent. La fédération croit que l'industrie et le gouvernement doivent travailler en étroite collaboration pour assurer la vitalité économique et sociale de notre industrie, de notre province et de notre pays.

Je termine sur cette réflexion: la santé et le bien-être de nos collectivités rurales dépendent de la capacité d'un agriculteur de survivre et de prospérer.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Mme Ching.

Nous allons maintenant passer à la P.E.I. Fishermen's Association. Qui va prendre la parole M. McLellan, M. Strongman, ou vous deux?

Monsieur Strongman, bienvenue.

M. Donnie Strongman (président, Prince Edward Island Fishermen's Association Ltd.): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de nous avoir accordé le privilège de prendre la parole devant votre comité qui poursuit ses travaux sur le budget fédéral que va bientôt annoncer M. Martin, le ministre des Finances.

Je m'appelle Donnie Strongman. Je suis le président de la P.E.I. Fishermen's Association. M. McLellan est notre directeur général. Nous faisons partie de la P.E.I. Fishermen's Association et nous représentons environ 1 500 pêcheurs côtiers ici sur l'Île-du-Prince-Édouard. La plupart de nos pêcheurs pêchent le homard et à la différence de nos collègues des autres provinces, ils dépendent moins de la morue et des autres poissons de fond.

Dans l'ensemble, nos pêcheurs obtiennent d'excellents résultats, ils emploient directement près de 3 000 personnes et en font travailler 5 000 autres dans les usines et les autres industries connexes. On discute pour savoir si nous venons au deuxième ou au troisième rang dans l'économie de l'île, après la pomme de terre. Il est toutefois certain que par habitant, notre industrie est plus importante pour l'économie de l'île que ne l'est l'industrie automobile en Ontario.

En avril 1958, le gouvernement du Canada a lancé un programme d'assurance-chômage pour les Canadiens. Dès le départ, ce programme reconnaissait le fait que notre économie dépendait des travailleurs saisonniers et à temps partiel et que leurs activités profitaient à tous les Canadiens; ces travailleurs avaient besoin d'un programme comme l'AC pour pouvoir vivre sans avoir à demander la charité.

Les Canadiens qui vivent dans les régions urbaines pensent à tort que les régions rurales sont un fardeau pour l'économie. Cela est tout à fait faux et il y a de nombreuses études qui le démontrent, la plus récente, intitulée Redécouvrir les richesses de la mer, a été faite à la demande de notre organisation nationale, le Conseil canadien des pêcheurs professionnels.

Il y a également l'étude qu'a préparée le Groupe de travail sur le travail saisonnier et l'assurance-chômage. Ce groupe de travail qui était présidé par Patrick Grady a préparé un rapport que l'on peut se procurer facilement et avait été créé par le ministre Axworthy lorsqu'il était ministre de l'emploi.

De nombreux gouvernements canadiens ont reconnu l'importance pour notre économie des agriculteurs, des pêcheurs, et des autres occupations rurales axées sur les ressources et ont mis en place de nombreux programmes destinés à soutenir ces activités. On a lancé de nombreuses initiatives qui visaient à donner à ces ruraux la place qui leur revenait dans l'économie canadienne. Une de ces mesures, particulièrement importantes, a été la décision d'étendre à tous les pêcheurs les prestations d'assurance-chômage en 1972.

Le gouverneur général Roméo LeBlanc était ministre des Pêches au moment où il a reconnu que l'État devait assurer aux pêcheurs un revenu stable. C'est pour des raisons pratiques que cette stabilisation du revenu des pêcheurs s'est faite par le truchement du régime d'assurance-chômage, mais elle a eu pour effet de donner aux pêcheurs les moyens de passer l'hiver sans trop de difficultés.

Le dernier budget a mis à mal ce programme et il a, ce faisant, mis à mal les Canadiens vivant dans les zones rurales. En voici quelques exemples.

Il y a d'abord le fait que les employeurs ont répercuté leurs cotisations sur les pêcheurs par le biais de ce que l'on a appelé les frais d'administration de l'assurance-emploi. Selon la nouvelle loi, les pêcheurs indépendants sont tenus de verser des cotisations d'employés correspondant à 2,9 p. 100 de leurs ventes de poisson assurables jusqu'à un plafond de 39 000 $. Les sociétés de leur côté sont tenues de payer des cotisations d'employeur qui représentent 1,4 fois les cotisations des pêcheurs. Dans l'ensemble du pays, les sociétés de pêche ont toutes violé de façon systématique l'esprit de la loi en répercutant les coûts de leurs cotisations d'AE sur les pêcheurs en leur faisant payer des frais d'administration équivalant aux cotisations d'AE des employeurs.

L'annexe A est un exemple typique d'un rapport de vente des prises consécutives à une sortie de pêche au flétan de sept à dix jours en Nouvelle-écosse. Je ne vais pas vous le lire en détail, monsieur le président. Le rapport montre que les cotisations totales d'AE de l'équipage s'élèvent à 524,36 $. La contribution correspondante de l'employeur, qui ne figure pas sur le rapport, est calculée en multipliant par 1,4 les cotisations de l'équipage ou des employés. Dans ce cas-ci, la contribution de l'employeur s'élevait à 734,11 $, c'est-à-dire à 524 $ multiplié par 1,4, ce qui représente exactement le montant des frais d'administration que la société a fait payer à l'équipage à titre de dépenses relatives à la sortie de pêche. Nous avons reçu des informations indiquant que cette pratique s'est répandue rapidement chez les sociétés de pêche de l'île depuis l'entrée en vigueur de ce nouveau règlement de l'AE relatif à la pêche. Cette pratique nous paraît contraire à l'article 84 de la Loi sur l'assurance-emploi concernant le partage des responsabilités entre les employés et les employeurs à l'égard des cotisations d'AE.

• 1440

Il y a ensuite le fait que les pêcheurs continuent à payer des frais d'administration pour l'AE sur les gains assurables supérieurs à 39 000 $. Comme nous l'avons montré ci-dessus, les pêcheurs paient les cotisations d'AE à titre d'employés et à titre d'employeurs. Le nouveau règlement prévoyait qu'il n'y aurait plus de cotisations à payer lorsque le produit de la vente de poisson atteignait un montant de 39 000 $. En pratique, cependant, le versement des cotisations d'AE à titre d'employé et des frais d'administration de la société n'est plus exigé que lorsque le montant des ventes faites à la même société atteint le plafond de 39 000 $.

Avec le nouveau régime, les pêcheurs qui ont des ventes assurables supérieures à 39 000 $ réparties entre plusieurs sociétés de pêche continuent de payer à la fois les cotisations d'AE à titre d'employés et les frais d'administration jusqu'à ce que les ventes dépassent le plafond de 39 000 $ avec chacune des sociétés concernées. La plupart des pêcheurs répartissent leurs ventes entre plusieurs sociétés de traitement du poisson de façon à stimuler la concurrence chez les acheteurs. Cette situation est donc à la fois très répandue et très coûteuse pour les pêcheurs individuels.

Comme l'indique le tableau ci-dessous, le pêcheur qui a vendu des prises pour un montant total de 100 000 $ à trois acheteurs ou plus, de sorte qu'il n'a pas versé plus de 39 000 $ à chacun d'entre eux, paie environ 2 500 $ de plus de frais d'administration d'AE que le pêcheur qui a vendu toutes ses prises au même acheteur pour la somme de 100 000 $. Il y a un exemple là.

Troisièmement, les sociétés peuvent obtenir le remboursement des cotisations d'AE versées à titre d'employeurs par les pêcheurs. Ces derniers peuvent demander un remboursement d'impôt sur le revenu pour les cotisations payées en trop à titre d'employés mais ils n'ont pas droit à un remboursement lorsque le trop-payé concerne les frais d'administration. Par contre, les sociétés de pêche peuvent réclamer jusqu'à 10 000 $ de trop-payé en vertu du programme pour l'embauche de nouveaux travailleurs. En fin de compte, les sociétés de pêche se font rembourser des versements qui ont été effectués par les pêcheurs.

Quatrièmement, les sociétés se servent des frais d'administration pour réduire la concurrence entre les acheteurs. Les pêcheurs nous ont informés que certaines sociétés de pêche utilisaient les frais d'administration pour inciter les pêcheurs à ne pas vendre leurs prises à plusieurs acheteurs. Comme nous l'avons mentionné plus haut, les pêcheurs ont tendance à vendre leurs prises à plusieurs acheteurs dans le but de stimuler les prix à quai et d'amener les acheteurs à se faire concurrence. Il y a toutefois des acheteurs qui avisent les pêcheurs qu'ils sont prêts à renoncer à leur demander des frais administratifs si ces derniers acceptent de leur vendre des prises pour un total supérieur à 39 000 $. Comme cela a été démontré ci-dessus, les pêcheurs dont les prises sont supérieures à 39 000 $ et qui continuent de vendre leur poisson à plusieurs acheteurs sont gravement pénalisés. Le nouveau règlement de l'AE a donc un effet pervers sur les prix à quai et sur la concurrence.

Voici quelles sont les conclusions:

- Premièrement, le nouveau règlement sur l'assurance-emploi concernant la pêche a eu de nombreux effets négatifs imprévus sur les pêcheurs, notamment parce que ces derniers sont amenés à s'acquitter eux-mêmes des cotisations à titre d'employés et d'employeurs parce qu'on leur impose des frais d'administration sur leurs ventes assurables.

- Deuxièmement, les pêcheurs continuent à verser des cotisations à titre d'employeurs au-dessus du montant maximum requis parce qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun mécanisme administratif permettant de calculer le total des ventes assurables effectuées par un pêcheur à plusieurs acheteurs au cours d'une campagne de pêche.

- Troisièmement, la situation a un effet négatif sur la concurrence et sur les prix à quai payés aux pêcheurs.

- Quatrièmement, les sociétés de pêche ont la possibilité de récupérer le trop-payé des cotisations à titre d'employeurs, qui ont en fait été versées par les pêcheurs.

- Cinquièmement, le régime comporte de nombreuses incohérences graves, puisque certains pêcheurs dans certaines régions sont tenus de verser des cotisations alors que dans d'autres régions, les pêcheurs n'ont pas à le faire.

• 1445

M. Rory McLellan (directeur général, Prince Edward Island Fishermen's Association Ltd.): Nous croyons savoir que ces problèmes ont été réglés en partie dans certaines régions. Nous estimons toutefois qu'il conviendrait de leur apporter des solutions plus globales.

Il y a également le fait que les pêcheurs craignent que le gouvernement au pouvoir ne voie pas l'avenir de la pêche de la même façon que le gouverneur général. Nous pensons que M. Martin pourrait atténuer ces craintes s'il mentionnait dans le budget que le gouvernement est prêt à garantir un revenu stable aux pêcheurs à long terme.

Cela nous amène à notre principale préoccupation aujourd'hui, c'est-à-dire la retraite des pêcheurs. À l'heure actuelle, les pêcheurs prennent leur retraite en sachant qu'ils n'ont pas besoin d'un régime de retraite à cause de la valeur que représentent leur navire et leur permis, le fruit de dures années de labeur. Ils constatent par contre que l'impôt sur les gains en capital menace leur sécurité financière à long terme. Nous travaillons avec tous les pêcheurs du pays, qui ont d'ailleurs déjà présenté des mémoires au ministère des Finances et continueront à le faire, pour faire passer à 500 000 $ l'exonération des gains en capital pour les pêcheurs, exonération qui serait alors identique à celle dont bénéficient les agriculteurs depuis 1985. Cette exonération a été accordée aux agriculteurs en 1985 pour remplacer un programme qui autorisait ces derniers à réduire leur impôt sur les gains en capital en cotisant à un programme agricole spécial de REER. Selon les dispositions actuelles, 75 p. 100 de l'exonération à laquelle a droit un agriculteur est déductible d'impôt, ce qui veut dire que sur un gain en capital maximum de 500 000 $, un agriculteur a le droit de déduire 375 000 $ de son revenu imposable.

Cette exonération s'applique aux gains en capital réalisés sur la vente de biens agricoles admissibles tels que définis par Revenu Canada. Les biens agricoles admissibles comprennent les biens-fonds et les bâtiments ainsi que les actions d'une corporation agricole familiale dont l'agriculteur ou sa conjointe est propriétaire. Ces biens comprennent également les contingents d'oeufs et de lait, éléments que Revenu Canada qualifie de biens en immobilisation admissibles. Il y a gain en capital lorsque des biens agricoles admissibles sont vendus à un prix supérieur à leur coût d'acquisition initial. Par exemple, lorsqu'un agriculteur vend des biens agricoles valant 1 million de dollars, comprenant des terres, des bâtiments, des actions dans la corporation familiale et des contingents, alors que ces biens lui ont coûté initialement 500 000 $, il réalise un gain en capital de 500 000 $.

À l'heure actuelle, les pêcheurs peuvent essayer de réduire l'impôt qu'ils paient sur les gains en capital en utilisant deux méthodes. Premièrement, si leur entreprise de pêche est constituée en petite société et que celle-ci répond à certains critères, il faut, par exemple, que la société soit propriétaire de tous les biens de l'entreprise, c'est-à-dire des navires, des engins de pêche et des contingents, par contre la société ne peut légalement être propriétaire d'un permis, et nous avons donc commis une erreur en mentionnant cela dans notre mémoire, les propriétaires ont alors droit à l'exonération des gains en capital pour les petites entreprises qui s'élève à 500 000 $. Cette possibilité existe mais elle est rarement utilisée. Deuxièmement, si le pêcheur a choisi d'effectuer une disposition présumée de ses biens au moment où l'exonération des gains en capital qui étaient de 100 000 $ pour les particuliers a été supprimée en 1994, alors il aurait droit à une exonération maximum de 100 000 $ sur ses gains en capital.

D'après la Fédération canadienne de l'agriculture, les agriculteurs ont droit à l'exonération des gains en capital parce qu'on considère que l'argent qu'ils ont investi dans leurs biens agricoles équivaut aux cotisations qu'ils auraient versées dans un fonds de retraite. Les agriculteurs ont réussi à convaincre Revenu Canada qu'il convenait d'exonérer les gains en capital découlant de la vente de biens agricoles parce que les agriculteurs n'ont pas accès aux régimes de pension privés non imposables.

Nous estimons que nous nous trouvons dans la même situation. Il est significatif que Revenu Canada ait inclus la vente de contingents, comme les contingents d'oeufs et de lait, dans sa définition de biens en immobilisation exonérés d'impôt sur le revenu en vertu des dispositions relatives aux gains en capital. Les contingents agricoles semblent tout à fait semblables aux contingents de pêche et aux permis d'accès limités, deux éléments qui sont imposés à l'heure actuelle lorsque leur vente produit un gain en capital.

Les fonctionnaires du MPO ont été amenés à intervenir auprès de Revenu Canada au sujet de l'exonération des gains en capital réalisés par les pêcheurs, dans deux cas récents où il y avait eu rachat de permis. En 1992-1993, les pêcheurs du poisson de l'Atlantique qui ont vendu des permis dans le cadre du programme d'adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord ont bénéficié de l'exonération des gains en capital de 100 000 $ qui étaient applicables à tous les Canadiens. Lorsque le PARPMN a été supprimé en 1994, il a été remplacé par la LSPA, la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, qui comprenait un programme de rachat de permis. L'exonération des gains en capital de 100 000 $ ayant été supprimée en 1994, le ministère des Pêches et des Océans a obtenu de Revenu Canada le maintien de cette exonération dans le cas des pêcheurs ayant vendu leurs permis conformément à la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. En 1996, le ministère a demandé une fois de plus à Revenu Canada d'accorder la même exonération de 100 000 $ aux pêcheurs du saumon du Pacifique dans le cadre du programme de rachat de licence dont le budget s'élevait à 80 millions de dollars et que l'on a appelé le plan Mifflin. Cette fois-ci, la demande a été refusée.

• 1450

Il est important que les pêcheurs puissent bénéficier d'une exonération des gains en capital équivalant à celle des agriculteurs. Les gains en capital sont imposés au même taux que les autres revenus imposables. Le taux de l'impôt fédéral sur le revenu est de 29 p. 100 pour la tranche de revenu supérieure à 59 180 $. Les taux d'impôt provincial varient entre 60 et 63 p. 100 de l'impôt fédéral et représentent environ un autre 18 p. 100 du revenu imposable. Lorsqu'on ajoute la surtaxe fédérale, on constate que le taux d'imposition des revenus supérieurs à 59 180 $ est d'environ 50 p. 100.

La possibilité de bénéficier d'une exonération de l'impôt sur les gains en capital a un effet important pour les personnes dont le revenu imposable se trouve dans la tranche supérieure, celle des revenus de 59 000 $ et plus. L'exemple A indique qu'un contribuable ayant réalisé un gain en capital de 100 000 $ n'ayant droit à aucune exonération paierait 37 500 $ d'impôt sur le revenu alors que dans l'exemple B, avec une exonération, le contribuable ne paierait aucun impôt.

Selon certains fonctionnaires du MPO, les fonctionnaires de Développement des ressources humaines Canada et du gouvernement provincial s'inquiètent de ce qui risque d'arriver aux personnes qui acceptent des offres de rachat. Ils craignent en effet que ces mesures n'augmentent le nombre des prêts demandés en vertu des programmes de DRHC ou des prestations des programmes d'aide sociale provinciaux lorsque les montants acceptés sont soit trop faibles, soit investis de façon peu judicieuse.

L'effet des programmes antérieurs semble démontrer que ces craintes ne sont pas dénuées de fondement. Notre source a laissé entendre que l'on pourrait soutenir que le gouvernement aurait intérêt à s'attaquer dès le départ à ce problème en augmentant le montant des primes de rachat grâce à une exonération des gains en capital plutôt que d'avoir ensuite à dépenser ces fonds sous la forme de prestations sociales.

Les agriculteurs bénéficient d'exonération de gains en capital très généreuse parce que ce sont des travailleurs indépendants et ce raisonnement pourrait aussi bien s'appliquer aux pêcheurs. Il semble donc que le gouvernement n'accorde pas le même traitement à ces deux secteurs. L'équité exigerait que les pêcheurs bénéficient de la même exonération d'impôt que les agriculteurs.

De plus, il pourrait arriver que de nombreux pêcheurs canadiens soient amenés à réaliser des gains en capital importants si le gouvernement met en oeuvre les programmes de rachat de permis qui visent les pêcheurs de poisson de fond de l'Atlantique et aux pêcheurs de saumon du Pacifique. Les pêcheurs qui ont été les premiers à acquérir des permis d'accès limité et des contingents individuels vont enregistrer des gains en capital particulièrement élevés. L'absence d'exonération de ces biens pourrait influencer grandement l'acceptation des offres faites dans le cadre de ces programmes.

Enfin, nous savons que notre temps de parole est limité; nous allons donc être obligés de passer sous silence un certain nombre de choses mais nous ne pouvons éviter de mentionner les répercussions qu'ont eu sur les pêcheurs et sur le secteur de la pêche dans la région de l'Atlantique les récentes coupures fédérales.

Les droits que nos pêcheurs doivent verser au gouvernement fédéral pour obtenir leur permis ont augmenté de plus de 600 p. 100. Les frais d'amarrage de nos bateaux à des quais mal entretenus sont passés de 3 $ à parfois plus de 1 000 $. On ne s'occupe pratiquement plus de dragage alors que le sable s'accumule. Il serait difficile de calculer le coût des vies perdues à cause de ces carences. On supprime systématiquement les phares et les aides à la navigation, qui auront d'ailleurs disparu complètement d'ici 2002 et là encore, il serait difficile de calculer le coût des vies humaines perdues pour ces raisons. Il y aurait beaucoup d'autres exemples du même genre.

Les pêcheurs voient leurs coûts augmenter de façon exponentielle mais les services fournis par le gouvernement fédéral déjà insuffisant sont maintenant en train d'être supprimés. Par exemple, on a réduit de façon considérable les ressources humaines affectées aux mesures de conservation et de protection, ce qui a entraîné une recrudescence du braconnage et de la pêche illégale.

On demande maintenant aux pêcheurs de payer pour qu'on comptabilise les débarquements de poisson parce que le ministère a décidé qu'il ne pouvait pas faire confiance aux chiffres fournis par les pêcheurs et les acheteurs et qu'il n'était pas disposé à payer du personnel pour faire ce travail. Cette attitude a entraîné l'abandon d'activités halieutiques viables comme la pêche au crabe commun, à l'aiguillat et d'autres encore ont été abandonnées à cause de ces coûts. La richesse et les devises qu'auraient pu apporter ces activités au Canada ont été perdues à cause de la mise en oeuvre tatillonne d'un règlement.

Pour résumer, nous vous avons demandé deux choses aujourd'hui: premièrement et principalement, faire passer de 100 à 500 000 $ le montant de l'exonération sur les gains en capital et deuxièmement, nous souhaitons que le ministre des Finances mentionne dans son budget qu'il est disposé à préserver et à renforcer le régime d'AE pour les pêcheurs et qu'il déclare que le gouvernement se préoccupe du sort des pêcheurs et des Canadiens de la région de l'Atlantique.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole au Parti réformiste et je demande à M. Ritz de commencer à poser des questions.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

J'ai écouté ces exposés avec beaucoup d'intérêt. Il y a en outre le fait que je connais bien l'agriculture et donc un peu la pêche, puisque ces activités sont toutes les deux axées sur les ressources.

• 1455

Sur la question de l'agriculture, vous parlez de la diminution du revenu sur l'île. Dans l'agriculture, cette diminution est de 40 p. 100 cette année. Dans ma province, la Saskatchewan, le revenu net des agriculteurs va, d'après les prévisions, diminuer de 84 p. 100. Nous connaissons également une crise du revenu dans cette région.

Nous constatons que l'âge moyen des agriculteurs augmente constamment dans les provinces des Prairies. Il n'y a que les vieux qui restent. Les jeunes sont obligés de quitter l'exploitation. Retrouve-t-on ce phénomène ici? Vous trouvez-vous dans une situation où la véritable question est la survie, comme c'est le cas pour nous?

Mme Mette Ching: Vous avez posé plusieurs questions. Tout d'abord, est-ce que le revenu va chuter de 80 p. 100 ici? Nous envisageons 40 p. 100. La pomme de terre est un de nos produits agricoles les plus volatiles mais près de la moitié de la superficie consacrée à cette récolte fait l'objet de contrat, ce qui stabilise les prix. Cela réduit beaucoup les variations de prix, de sorte que la situation n'est pas aussi mauvaise que celle des céréales, dans l'Ouest.

La deuxième question portait sur l'âge moyen des agriculteurs. Je crois qu'il est de 57 ans et demi sur l'île. Il y a de moins en moins de jeunes. Je ne pense pas que ce soit parce qu'ils n'ont pas envie de rester. Je sais que les représentants des pêcheurs ont beaucoup parlé de gains en capital. Je crois que l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard, et celle du Canada, se trouvent dans une phase de transition difficile. Il faut maintenant beaucoup d'argent pour exploiter une ferme. Nous avons acheté récemment un tracteur et il nous a coûté plus cher que vous paieriez pour un navire et un permis. Et nous n'avons pas besoin que d'un tracteur, il nous en faut plusieurs.

Avec les montants à investir et les transferts de capitaux indispensables dans ce secteur, nous connaissons une crise grave, non pas en termes d'argent mais en termes de problèmes d'administration et de gestion. Je sais que nous avons droit à une déduction de gains en capital de 500 000 $, mais cela ne veut pas dire grand-chose de nos jours. Il faut faire en plus toutes sortes de contorsions pour arriver à optimiser et utiliser ces possibilités.

M. Gerry Ritz: En Saskatchewan, je dirais que la machinerie de l'agriculteur moyen vaut plus d'un million de dollars et il y en a beaucoup qui valent deux fois plus. La déduction accordée pour les gains en capital de 500 000 $ ne tient pas compte de la valeur de la terre, et tout le monde en a racheté. Cette mesure n'a pas eu l'effet recherché.

Avez-vous ressenti l'effet des subventions européennes et américaines? La faiblesse du dollar canadien vous a-t-elle aidé? Vous avez parlé de prix garanti par contrat et vous avez dit qu'une partie de votre production était exportée aux États-Unis. Cela a-t-il eu un effet positif?

Mme Mette Ching: La faiblesse du dollar canadien a eu un effet positif. Par contre, une bonne partie de notre équipement vient de l'étranger. La plupart des tracteurs ne sont pas construits ici. Nous avons récemment acheté un tracteur. Entre le moment où nous avons pris des renseignements et celui où nous nous sommes décidés, son prix avait augmenté de 2 000 $ à cause du taux de change.

Les subventions qu'accordent les pays européens et la subvention que le gouvernement des États-Unis a récemment annoncée vont avoir de graves répercussions sur l'agriculture au Canada et dans l'Île-du-Prince-Édouard. Nous ne sommes plus concurrentiels. Parmi les pays industrialisés, il n'y a que deux pays qui subventionnent encore moins que nous les agriculteurs et qui font moins que nous pour harmoniser les règles du jeu.

M. Gerry Ritz: Lorsque vous traitez de la période de transition, à la page 2, vous parlez d'un programme de garantie du revenu en cas de catastrophe naturelle. Nous avons connu une vraie sécheresse ici, et c'est une catastrophe naturelle, bien sûr, tout comme une tempête de glace ou une inondation. Est-ce qu'il y a des tentatives de mise en oeuvre de tels programmes ou est-ce simplement une idée?

Mme Mette Ching: Non, il y a eu des tentatives. Il y en a une dans l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons utilisé une partie des fonds que nous a distribués le CSRN pour mettre sur pied un petit programme de ce genre dans l'Île-du-Prince-Édouard. Je crois qu'il y en a également une en Alberta et un en Colombie-Britannique, mais ils sont modestes et sont alimentés par le financement accordé actuellement. Il y a des provinces qui ont utilisé les fonds du programme CSRN pour mettre sur pied des programmes de soutien en cas de catastrophe naturelle, et ce sont donc les provinces qui ont décidé de lancer ces initiatives. Le programme CSRN avait pour but de stabiliser les revenus agricoles, mais il est relativement récent, puisqu'il a été lancé en 1992. La plupart des agriculteurs n'ont pas accumulé des avoirs propres suffisants pour pouvoir s'en servir en cas de désastre naturel.

• 1500

M. Gerry Ritz: Dans les Prairies, les jeunes agriculteurs n'arrivent pas à obtenir des prêts suffisamment rapidement. Les banques se fondent sur leur revenu net, mais il n'y en a pas. Sans revenu net, ils ne peuvent pas bénéficier des programmes où les gouvernements accordent une subvention égale à l'investissement effectué par le particulier. Voilà qui est regrettable. Cela pourrait être un excellent outil si nous pouvions en profiter, mais il faut de l'argent frais.

Mme Mette Ching: Il y a aussi le fait que le secteur bovin n'est pas très bien traité par ce programme.

M. Gerry Ritz: Oui, il ne vise pas l'ensemble de l'exploitation agricole.

Mme Mette Ching: C'est ce qu'ils essaient de faire. Je crois que cela va se faire mais cela n'est pas encore fait.

M. Gerry Ritz: Est-ce qu'il me reste encore du temps?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui.

M. Gerry Ritz: Très bien.

Monsieur Morrissey, vous dites dans votre brochure qu'il va falloir mettre en oeuvre une stratégie économique à long terme. Je suis d'accord avec vous mais vous poursuivez en disant qu'il faut s'occuper de nous et pas tenir compte de ce que souhaitent les spéculateurs sur devises de Tokyo et New York. Que voulez-vous dire exactement? Il y a une bonne partie de notre dette nationale qui leur appartient. Comment pourrions-nous les tenir à distance? Comment leur dire que nous avons d'autres priorités et qu'ils vont devoir attendre leur tour?

M. Robert Morrissey: Il y a d'abord le fait que cette dette nationale n'a pas été créée en un jour. Il va donc falloir élaborer un plan systématique à long terme ayant pour objet de la stabiliser et de commencer à la rembourser. Il existe, je crois, des modèles économiques qui indiquent que la dette diminue lorsque le PIB augmente. Je crois que M. Martin a utilisé des modèles de ce genre pendant quelques années après sa nomination au ministère des Finances, pour s'attaquer au problème de la dette. Il existe également des modèles qui démontrent que la santé de la population influe directement sur la capacité de créer des richesses et sur la productivité d'une nation. Vous pouvez prendre des modèles européens ou des modèles canadiens.

J'ai entendu un certain nombre de témoignages aujourd'hui et je crois que vous entendriez la même chose dans les autres régions du pays. Il y a un secteur qui a vraiment souffert et il semble bien que ce soit le secteur de la santé. J'ai travaillé pour le gouvernement provincial et je peux vous dire que les gouvernements provinciaux et la population disent tous la même chose. Les coupures qui ont été faites dans le domaine de la santé ont été trop profondes et trop brutales.

J'écoutais le commentaire que faisait le président il y a un instant. Il a déclaré que si le gouvernement avait poursuivi dans cette direction, la situation serait encore pire qu'elle ne l'est actuellement. Eh bien, nous félicitons le gouvernement d'avoir arrêté de déséquilibrer la situation et introduit un certain équilibre mais cela ne nous rend pas ce qui nous a été pris. Ces mesures ont eu un impact considérable dans l'Île-du-Prince-Édouard. Pour les petites provinces, et la Saskatchewan en est une, parce qu'elle est peu peuplée, les effets ont été graves. J'ai connu plusieurs années de coupures dans le budget de la santé et nous n'avions pas d'autres solutions. Nous avons été obligés de choisir entre créer un déficit de 100 millions de dollars dans le budget de l'Île-du-Prince-Édouard et examiner la possibilité d'épargner de l'argent ailleurs. La santé est le premier poste de dépenses.

Plutôt que de revenir sur des sujets qui ont été fort bien exposés aujourd'hui, j'ai pensé mentionner ce qui semble inquiéter la plupart des habitants de l'île, et je dirais la plupart des Canadiens. C'est la santé et son financement.

M. Gerry Ritz: Mais selon les chiffres qu'on utilise, lorsque l'on sait que 27c. à 30c. des recettes fiscales servent à payer les intérêts de la dette, ne serait-il pas prudent de réduire cette dette? Dans vos finances personnelles, il vous faut bien réduire votre hypothèque si vous voulez avoir davantage d'argent pour consommer. Dans le cas du gouvernement, cela comprend la santé, l'éducation, le filet social, par exemple. N'est-il pas plus prudent de contenir ces dépenses?

M. Robert Morrissey: Je crois qu'on ne peut pas comparer les finances nationales aux finances personnelles. Vous ne représentez pas un ménage.

M. Gerry Ritz: Je le sais.

M. Robert Morrissey: Lorsque vous parlez de chiffres et de ratios, cela dissimule le problème sous-jacent qui est celui de la situation de la santé. C'est déjà une excellente chose que vous ayez réussi à ne pas augmenter la dette et à la maintenir à son niveau. Mais il faut également se demander quels sont les problèmes que cette situation pourrait susciter par la suite. Notre population aussi est vieillissante. Si l'on prend le nombre d'agriculteurs ici, dans l'Île-du-Prince-Édouard, cela donne des chiffres très inquiétants pour ce qui est des tendances démographiques. C'est pourquoi nous avons examiné de près la question des soins à domicile. Le gouvernement fédéral devrait s'intéresser au domaine de la santé.

M. Gerry Ritz: Merci.

Une voix: Mais l'argument de M. Ritz est excellent. En Ontario, nous pourrions investir, par exemple, 10 milliards de dollars dans un programme ponctuel ou dans des mesures qui régleraient certains problèmes à court terme. Mais si nous prenions ce montant de 10 milliards de dollars pour rembourser notre dette, cela nous rapporterait au minimum 800 millions de dollars par an, à perpétuité, et cela nous permettrait de lutter contre des problèmes à long terme. C'est de cela qu'il parlait lorsqu'il a fait cette comparaison avec les finances personnelles.

• 1505

Je dis la même chose à mes enfants. Lorsqu'ils ont un peu d'argent à investir, je ne leur conseille pas d'acheter des actions parce qu'ils n'obtiendront jamais un rendement de 18 ou 20 p. 100. La première chose à faire est de rembourser leurs cartes de crédit.

Je sais que par rapport à la dette, le gouvernement, le législateur, a des responsabilités morales et sociales envers la population, et il ne doit pas se soucier uniquement des aspects financiers.

Nous disons qu'il faut équilibrer les choses. J'espère que le comité va repartir... Je ne mettrai pas de chiffres là-dessus, parce qu'il est facile de comparer les pourcentages de notre PIB avec ceux d'autres pays. On dit que cela dépend de la personne qui fournit les chiffres utilisés pour calculer les ratios. Je ne vais donc pas parler de 9 ou 10 p. 100 et ensuite comparer ce pourcentage avec celui d'autres pays.

Je me trouvais en Suède et j'ai examiné leur système. Il est très différent du nôtre. Je ne me contenterais pas de dire que ce pays dépense 10 p. 100 alors que le Canada dépense 8 ou 9 p. 100 et qu'il faudrait donc viser ce niveau. Je reviendrais plutôt à l'aspect essentiel. Je crois que l'élément essentiel que vous allez retenir des audiences que vous avez tenues dans l'ensemble du pays c'est que la santé est le domaine qui préoccupe le plus la population. C'est donc manifestement un problème et le gouvernement fédéral doit en tenir compte, il doit commencer à réparer et à renforcer le système de santé, tout en réduisant la dette nationale. Comme je l'ai mentionné, le gouvernement a fait d'excellentes choses, il n'a pas aggravé la dette et il en a même remboursé une partie ces dernières années. Il faut toutefois s'occuper de la santé lorsqu'on pense aux coûts à long terme que peut entraîner notre dette nationale. N'oublions pas que le sous-financement du secteur de la santé pourrait avoir des répercussions très coûteuses par la suite.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Les législateurs se trouvent dans une position délicate aussi. Vous avez très bien montré que la population vieillit et qu'il va falloir augmenter les crédits accordés à la santé mais en tant que législateurs, nous sommes également moralement obligés de ne pas hypothéquer l'avenir de la génération suivante.

M. Robert Morrissey: La santé ne préoccupe pas uniquement les personnes âgées.

M. Gerry Ritz: Non, non, je le sais mais vous avez mentionné qu'il fallait s'occuper des soins aux personnes âgées.

M. Robert Morrissey: J'ai simplement parlé des aspects démographiques. Que nous le voulions ou non, cet aspect va alourdir la demande de soins.

M. Gerry Ritz: Oui, et nous devons également réfléchir soigneusement à ce que nous allons transmettre aux jeunes.

M. Robert Morrissey: Exactement. La santé intéresse tous les secteurs de la population...

M. Gerry Ritz: Oui, c'est vrai.

M. Robert Morrissey: Si nos jeunes sont obligés de s'occuper de leurs parents ou de leurs grands-parents, cela va représenter un fardeau pour eux. On ne peut pas séparer les jeunes des personnes âgées.

M. Gerry Ritz: C'est exact.

M. Robert Morrissey: C'est une question qui va continuer à se poser à votre gouvernement. Elle se pose à tous les gouvernements provinciaux.

Lorsque je regarde la situation de la région de l'Atlantique, il semble qu'il n'y aura pas d'excédents budgétaires cette année. Toutes les provinces sont lourdement déficitaires. D'où vient le problème, de la santé. Pourquoi? Ce n'est pas que l'on dépense trop pour la santé; c'est plutôt que le budget de la santé a toujours été insuffisant. Il était insuffisant lorsque je travaillais pour le gouvernement, et il l'est toujours aujourd'hui. Les gouvernements ne lui ont jamais consacré les sommes qu'il fallait.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quel serait le montant optimum?

M. Robert Morrissey: Vous avez posé cette question à une doctoresse tout à l'heure.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Elle ne m'a pas répondu.

M. Robert Morrissey: Eh bien, c'est un peu comme si vous me demandiez de vous dire combien il va tomber de neige cet hiver. Si vous me dites cela, je pourrais peut-être vous répondre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): On prépare un budget tous les ans. Parfois nous le respectons, d'autres fois, non.

M. Robert Morrissey: Le problème est que...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Le problème est que nous en subissons les conséquences.

M. Robert Morrissey: Oui, on ne sait jamais quand on va tomber malade et quand on va être amené à utiliser le système. Avec le système que les Canadiens souhaitent apparemment, celui qui a été adopté en 1970 avec l'arrivée de l'assurance-santé, alors on ne devrait pas payer quoi que ce soit lorsqu'on utilise les services de soins de santé. C'est un système axé sur l'utilisateur. Lorsque les Canadiens l'utilisent, c'est l'État qui a toujours payé ces soins.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais il y a eu le Forum national sur la santé. On a étudié le processus, les mécanismes de financement. On a étudié la situation dans l'ensemble du pays et on a recommandé un financement de 12,5 milliards de dollars.

M. Robert Morrissey: En argent frais?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, le budget total. C'est le montant qui est apparu comme étant le montant optimum.

M. Robert Morrissey: C'est ce que l'on dépense actuellement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est exactement ce que nous avons fait. Nous avons fixé ce niveau l'année dernière, je crois, dès que nous en avons eu la possibilité financière.

Le débat s'est maintenant déplacé...

M. Robert Morrissey: Mais pourquoi sommes-nous encore en train de supprimer des lits d'hôpitaux et pourquoi...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je ne sais pas pourquoi les provinces suppriment des lits d'hôpitaux. Je viens d'une province qui a fermé cinq hôpitaux et cela n'a pas empêché le gouvernement de décider d'investir 160 millions de dollars pour raccorder le métro à une île. Je ne comprends pas. C'est une responsabilité provinciale...

M. Robert Morrissey: Vous critiquez notre gouvernement provincial parce qu'il a fait, l'année dernière, un usage détourné des sommes versées par Ottawa. Vous en faites un exemple.

Le vice-président (M. Nick Discepola): L'Ontario est un autre excellent exemple.

M. Robert Morrissey: Mais excusez-moi. L'assurance-maladie relève du gouvernement fédéral. Les politiques...

Le vice-président (M. Nick Discepola): L'administration est locale.

• 1510

M. Robert Morrissey: Oui, mais la politique est fixée par le gouvernement fédéral. Je le sais parce que nous avons essayé d'introduire plus de souplesse dans nos provinces. Lorsque nous avons voulu le faire, Ottawa est intervenu et nous a interdit de le faire. Je crois que l'Ontario a eu des différends avec Santé Canada à cause de certaines pratiques provinciales en matière de soins de santé.

C'est donc un programme national. Le gouvernement fédéral a tout à fait raison de veiller jalousement à ce qu'il demeure un programme national et il prétend de façon tout à fait légitime imposer des normes nationales en matière de soins de santé et en déterminer les modalités d'application. Je suis tout à fait en faveur de cela mais si l'on veut imposer des choses, il faut être prêt à en payer le prix.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais nous le sommes. Nous en payons plus de la moitié.

M. Robert Morrissey: Ce n'est pas tout à fait suffisant.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vois.

Monsieur Pillitteri, vous avez la parole.

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir présenté ces exposés.

J'aimerais poser une question. On nous a parlé davantage d'agriculture ici, c'est normal, sur l'île. On ne nous en a pas autant parlé dans les autres provinces, à Terre-Neuve ou en Nouvelle-Écosse, notamment.

L'étude que vous avez faite sur l'agriculture m'a beaucoup impressionné, elle contient de nombreux faits et chiffres intéressants mais il y a un aspect qui n'a jamais été bien signalé à la population, c'est la question des subventions qu'accordent les Européens, c'est contre cela que nous nous battons. Cela fait je ne sais pas combien de rondes de négociations qu'ils acceptent de réduire leurs subventions mais dès que nous tournons le dos, ils les augmentent. Les États-Unis sont pareils, parfois avec l'ALENA; avant d'être accusés de subventionner un programme, ils en changent le nom, ils modifient le programme et continuent à verser des subventions.

Le libre-échange a eu de nombreux effets positifs. J'étais contre, comme la plupart des agriculteurs. Cela a été catastrophique pour mon secteur mais l'agriculture de l'ouest du Canada a profité du libre-échange et il y a des régions ici qui en ont profité également, il ne faut donc pas tout critiquer.

Je voudrais signaler quelque chose à propos de ce programme d'adaptation, dont vous aimeriez voir le budget passer de 60 à 70 et à 75 millions de dollars. Les Canadiens ne voient pas toujours les avantages que cela peut offrir pour le pays. Il faut tenir compte de ce qui avantage différemment les régions du pays. Vous avez donc consacré, comme le disent vos propres chiffres, 1,5 million de dollars à ce programme d'adaptation. Dans l'ensemble de la province de l'Ontario, qui représente environ 40 p. 100 de la population et où l'élément agricole est plus important, le budget de ce programme n'était que de 7 millions de dollars. Ces programmes ont parfois profité davantage aux petites collectivités et aux petites provinces, et il arrive qu'une subvention avantage plus une province qu'une autre.

Je me demande parfois, dans la même veine, si politiquement, mais ce n'est peut-être pas l'endroit pour en parler. J'aurais pu en parler en Ontario mais bien souvent, ces programmes n'ont pas toujours reçu l'appui qu'ils méritaient. Le programme d'adaptation était un programme fédéral et les gouvernements provinciaux s'appropriaient le crédit chaque fois qu'on annonçait le lancement d'un nouveau programme agricole. Je me demande comment cela s'est passé dans l'Île-du-Prince-Édouard. Je sais qu'en Ontario, on en a fait un usage partisan. Les gens croyaient même que c'était le gouvernement provincial qui avait créé ce fonds d'adaptation. Nous avons présenté tout un mémoire au ministre de l'Agriculture, Lyle Vanclief, pour qu'il conserve ce programme. Je me demande ce que la communauté agricole de l'île en pense.

Mme Mette Ching: Pensez-vous précisément au programme d'adaptation?

M. Gary Pillitteri: Oui.

• 1515

Mme Mette Ching: Les débuts ont été difficiles. Il y avait pas mal de gens qui faisaient partie du comité initial. Ils ont élaboré des politiques mais les autorités d'Ottawa leur ont dit qu'ils avaient choisi une mauvaise orientation. Il y avait déjà une entente signée qui précisait les orientations dans lesquelles ils devaient s'engager. Je ne voudrais pas que... oui, j'en ai gardé un goût un peu amer.

Mais ce programme est lancé maintenant et il y a eu des progrès mais pour dire que cela a beaucoup apporté à notre région... Vous parliez de l'agriculture européenne et elle est subventionnée à un taux de près de 42 p. 100 alors qu'au Canada ce taux est d'environ 23 p. 100.

M. Gary Pillitteri: Ce taux est même encore plus bas aujourd'hui.

Mme Mette Ching: Oui, il diminue sans cesse. Ces statistiques datent probablement de plus de deux ans et ce taux est sans doute d'environ 17 p. 100 maintenant. Il y a les programmes qu'on appelle les «GATT verts» et qui sont acceptés par nos partenaires commerciaux. Nous leur consacrons des fonds mais nous pourrions leur en affecter davantage.

Il faut également se demander si les programmes verts sont une bonne chose pour les agriculteurs ou pour la société dans son ensemble? Ces programmes verts servent habituellement à financer les améliorations immobilières. Ce sont souvent des choses que les agriculteurs ne feraient sans doute pas s'ils avaient à en payer intégralement le coût et s'ils n'avaient pas droit à un avantage ou à un incitatif fiscal. Mais à long terme, ces programmes améliorent la qualité de nos terres.

M. Gary Pillitteri: Oui. Je voudrais poser une dernière question.

J'ai entendu M. Morrissey dire que la dette n'avait pas été créée en une seule année. Il serait peut-être bon de rappeler qu'en 1972, la dette était de 6 milliards de dollars. En 1985, elle avait bondi à près de 185 milliards de dollars. En 1993, lorsque les Libéraux sont de nouveau arrivés au pouvoir, elle était de 485 milliards de dollars et elle se situe aujourd'hui autour de 587 milliards de dollars. Si l'on remboursait tous les ans 3 milliards de dollars de la dette grâce au fonds d'urgence, combien d'années faudrait-il pour rembourser complètement une dette de 587 milliards de dollars? Avez-vous étudié cette question? Si vous pensez que ce n'est pas la génération qui nous suit ni celle d'après, combien de générations vont assumer ce fardeau si l'on rembourse à cette vitesse et si l'on ne modifie pas notre façon de dépenser?

M. Robert Morrissey: Je crois qu'il faut voir cette question d'un point de vue plus général. Il faudrait comparer la valeur du dollar actuel avec celle qu'il avait en 1970. Il y aussi le fait que ces programmes ont profité à plusieurs générations de Canadiens, même s'ils ont finalement créé cette dette. Cette dette a profité à tous les Canadiens et nous avons des actifs largement suffisants.

Certains collègues me critiquaient lorsque je disais qu'on ne peut pas comparer les finances du gouvernement avec les finances personnelles. C'est bien sûr ce qu'il faut essayer de faire mais on ne peut pas se décider en fonction des mêmes principes. Les gouvernements ont des responsabilités plus vastes que les familles et les gens d'affaires.

Le Canada est, ce n'est sans doute pas le bon terme mais je ne lui donne pas un sens négatif, un État socialiste. Nous avons adopté beaucoup de programmes sociaux et en tant que Canadien, j'en suis fier. Cela ne me fait rien de payer autant d'impôt. J'ai choisi de vivre au Canada et pas aux États-Unis, où les impôts sont moins élevés mais je sais à quoi ils servent. Ils ont servi à construire ce pays, qui est un pays unique et qui nous place tout en haut des pays membres des Nations Unies; ce sont nos programmes d'assurance-maladie universels et nos filets sociaux très larges, qu'il s'agisse d'assurance-emploi pour les pêcheurs ou des filets de sécurité pour les agriculteurs. C'est ce qui fait que le Canada est un pays différent des autres.

Ce n'est pas parce que nous avons 3 milliards de dollars qu'il faut se précipiter pour rembourser la dette parce que le ciel risque de nous tomber sur la tête... eh bien, je ne pense pas que ce risque soit réel.

• 1520

Il faut agir avec prudence et ce n'est pas ce qu'a fait le gouvernement fédéral. Vous avez réussi à empêcher la dette d'augmenter, comme elle le faisait auparavant, mais nous en avons tous payé le prix. Que ce soit les pêcheurs et les droits imposés aux utilisateurs ou les agriculteurs, tout le monde en a payé le prix mais il y a une chose que nous avons en commun, c'est la santé et le besoin d'avoir des services de santé adéquats. Ce n'est pas moi qui vais préparer le prochain budget fédéral, mais vous allez devoir concilier la nécessité de répondre à des besoins criants et le souci de préserver notre équilibre financier.

M. Gary Pillitteri: Monsieur Morrissey, je comprends et je veux en savoir davantage au sujet des coupures dans le domaine social et mon gouvernement m'a envoyé ici pour m'en occuper. Il est tout à fait vrai que nous avons profité des soins de santé mais c'est notre génération qui en a profité. La génération suivante va devoir financer ses propres soins de santé ainsi que les nôtres à partir de l'infrastructure que nous avons aménagée, de celle que nous avons supprimée et en subissant nos erreurs. Il est donc urgent de s'attaquer à ces problèmes...

M. Robert Morrissey: Y a-t-il des pays qui ne sont pas endettés?

M. Gary Pillitteri: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Il y en a peut-être mais il faut regarder les choses comme ceci.

M. Robert Morrissey: Sommes-nous prêts à accepter toute cette violence, comme à Hong Kong?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous en prie!

M. Gary Pillitteri: Voilà comment je vois les choses, M. Morrissey. Supposons au départ que nous avons un excédent budgétaire de 50 milliards de dollars et que nous en utilisons 42 milliards de dollars pour rembourser la dette. Imaginez tout ce que nous aurions pu avoir, et les générations qui vont nous suivre aussi, si nous avions vécu selon nos moyens.

M. Robert Morrissey: Mais quel est le prix que nous aurions dû payer si nous n'avions pas créé ce déficit au départ? C'est toujours le même argument et je vais terminer de cette façon. Chaque fois que nous essayions de préparer notre budget, et celui de l'Île-du-Prince-Édouard est modeste, 156 millions de dollars de notre budget de 800 millions de dollars servaient à payer les intérêts de notre dette. Bien sûr, on aurait pu faire toutes sortes de choses extraordinaires avec 156 millions de dollars mais si nous n'avions pas payé les intérêts de notre dette, il y aurait des gens qui en auraient gravement souffert.

Il faut examiner tout cela selon une perspective plus longue. C'est pourquoi je reviens à la façon dont la dette a été créée, dont elle s'est accumulée. C'est parce qu'on a fourni des services à toute la population, qu'il s'agisse d'éducation, de routes ou de l'infrastructure qui rend notre pays unique, que nous avons accumulé cette dette. Je ne pense pas que notre situation soit bien pire que celle des autres.

M. Gary Pillitteri: Une dernière question, monsieur le président.

Je me souviens également qu'on a modifié le programme d'AE en 1978. Il suffisait de travailler pendant huit semaines pour recevoir des prestations pendant 52 semaines.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois que vous devez partir et donc...

M. Robert Morrissey: Nous avons beaucoup changé depuis cette époque et aujourd'hui, ce programme nous coûte beaucoup moins. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a généré un tel excédent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mme Redman, une brève question, parce qu'un de nos invités doit nous quitter.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Avant que M. Morrissey ne parte, je vois qu'il a retiré son carton et qu'il va sans doute...

M. Robert Morrissey: Je reviens demain. Ils m'ont dit de revenir. Vous voyez, la dette me préoccupe vraiment.

Mme Karen Redman: Vous avez parlé de la dette provinciale dans votre mémoire et dans vos commentaires. D'après vous, le gouvernement fédéral devrait-il s'inquiéter de la dette provinciale?

M. Robert Morrissey: Bien sûr. Si nous devenons insolvables, qui est-ce qui va nous renflouer? Je crois que nous vivons dans un monde irréel, lorsqu'on voit des provinces permettre aux municipalités d'accumuler de telles dettes. En fin de compte, si elles deviennent insolvables, ce sont toujours les mêmes qui paient, qu'il s'agisse du gouvernement municipal, provincial ou fédéral. Ils viennent tous prendre l'argent dans nos poches.

M. Paul Szabo: Êtes-vous en faveur d'exonérer les gains en capital des pêcheurs?

M. Robert Morrissey: Il faut modifier cela et examiner la question en fonction des valeurs actuelles. Un bateau de pêche vaut de nos jours bien plus de 100 000 $.

M. Paul Szabo: Ils recommandent 500 000 $.

M. Robert Morrissey: Je ne sais pas si ce montant est réaliste, si on le compare à l'agriculture. Je ne le pense pas. Ces personnes n'ont cependant pas accès aux régimes de retraite auxquels ont droit les députés et les professionnels. Ce sont des producteurs primaires autonomes. Je crois qu'il faudrait augmenter cette exonération pour ces deux catégories.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pour poursuivre sur ce sujet, n'oublions pas que nous parlons de 500 000 $ ou 100 000 $ de gains en capital. Si j'étais agriculteur et que j'avais investi 2 millions de dollars dans mon exploitation et que celle-ci valait maintenant 2,5 millions de dollars, je pourrais mettre 500 000 $ directement dans ma poche. Combien de Canadiens peuvent mettre de côté 500 000 $ sans être imposés sur leurs gains en capital? Je comprends certes que les frais de démarrage ou d'équipement sont très élevés dans certains secteurs, mais c'est uniquement le gain réalisé qui est imposé.

• 1525

M. Robert Morrissey: Je crois que c'est une bien petite récompense pour la souffrance et l'incertitude que vivent les salariés de ces secteurs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'ai moi-même dirigé une petite entreprise, Monsieur, pendant 26 ans, et j'ai vécu des situations angoissantes également.

M. Robert Morrissey: Je suis d'accord. J'en suis, moi aussi, et je pense qu'il en faut un peu.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais avoir des gains en capital de 500 000 $ pour mon entreprise...

M. Robert Morrissey: Vous devriez l'obtenir. Vous devriez faire du lobbying à cette fin.

M. Rory McLellan: Juste un mot. Un trait commun à l'agriculture et aux pêches et que vous pouvez examiner de près, c'est que, si c'est une activité aussi fantastique qu'on le dit, pourquoi, dans les deux secteurs, les chiffres baissent-ils, et ce dangereusement. Le nombre des fermiers à l'«le-du-Prince-Édouard, le nombre des fermes familiales et le nombre des petites entreprises de pêche dans l'Atlantique ne cessent de diminuer. Il est évident qu'il y a un problème économique quelque part.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous savez, la mise de fonds nécessaire est très élevée et c'est peut-être ce qui explique le faible nombre de personnes qui se lancent dans ces secteurs. Quand vous devez acheter un tracteur—et le prix peut atteindre 75 000 $ ou 100 000 $—, c'est incroyable.

C'est sous cet angle que je veux étudier la question. Étant donné que M. Morrissey n'a pas encore quitté la salle, j'aimerais passer au problème de la dette.

Quand j'étais maire, mon administration a fait l'objet de critiques en raison de l'importance de la dette municipale. J'ai souvent affirmé que, si l'on calculait le montant de la dette par habitant, soit 19 000 $ par Canadien, je paierais volontiers l'intérêt sur ce montant—calculez, cela fait moins de 1 900 $—pour vivre dans le meilleur pays du monde, étant donné la qualité des soins de santé et de l'éducation.

Mes parents n'ont pas eu les moyens de transport que nous avons. Ils n'ont pas eu accès aux mêmes écoles que nous. Ils n'ont pas pu utiliser les aéroports comme nous le pouvons. Ce ne sont pas les exemples qui manquent. Affirmer que nous allons laisser un héritage pitoyable à nos petits-enfants, à mes petits-enfants... Je n'en suis pas convaincu.

L'argument que j'évoquais, quand j'étais maire, c'était que, s'il y avait un citoyen à la réunion du conseil, je lui disais: «Monsieur ou madame, demain matin, si vous quittez la municipalité, je ne vous enverrai pas une facture pour vous demander de payer une partie de la dette.»

C'est la même chose quand on vous accueille dans une autre province. La province ne vous envoie pas une facture pour vous faire payer votre part de la dette. Comme vous l'avez dit, c'est une question de service et de qualité de vie au Canada. On ne devrait pas oublier cela et le débat actuel devrait porter sur la façon de restaurer cet équilibre qui s'est rompu à un moment donné ces dernières années. Je vous remercie donc de vos observations.

M. Robert Morrissey: Je suis d'accord. Je suis un Canadien de la première génération. Ma mère est d'origine américaine, donc j'ai des liens étroits avec les États-Unis.

Les gens arrivent et me disent: «Je suis allé aux États et tu ne devineras jamais quel est le prix de l'essence.» C'est une comparaison un peu trop facile avec le Canada. Nous payons des impôts et leur montant est élevé, mais on obtient beaucoup plus en échange qu'aux États-Unis, que ce soit des provinces ou du gouvernement fédéral. Je ne voudrais pas changer de système.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'ai des cousins aux États-Unis. Ils déboursent 16 000 $ par enfant pour les études. Cela coûte 6 000 $ à 7 000 $ pour accoucher à l'hôpital, juste pour donner naissance à un enfant.

M. Robert Morrissey: J'espère qu'on n'oubliera pas ce point de vue. Je crois qu'il faut être reconnu et confirmé. Je ne crois pas que j'aimerais revivre ces années où on laissait accumuler la dette; je ne voudrais vraiment pas cela.

M. Paul Szabo: Monsieur le président...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ah! l'Institut Fraser, le meilleur ami du Parti réformiste.

M. Paul Szabo: ...juste un exemple. Le Canada, sans compter les terrains, a une valeur de l'ordre de trois billions de dollars, plus, disons, une dette de 600 milliards, donc un avoir net positif, si on dressait un vrai bilan et qu'on chiffrait tous nos actifs.

Vous soulevez la question de savoir ce que nous allons laisser à nos enfants. On ne leur laisse pas une dette, nous leur laissons un pays qui vaut diablement plus que la dette à long terme.

M. Robert Morrissey: Il est vrai qu'on a une belle dot qu'il faut gérer et payer et je suis d'accord avec vous.

Si je regarde la vie que je mène à l'«le-du-Prince-Édouard avec les soutiens que je reçois, notre sort s'est quand même amélioré. Nous voulons tous de l'argent, mais le système est essentiellement composé de routes... L'infrastructure est meilleure qu'elle ne l'était il y a 20 ans à peine, et de beaucoup. Si vous voyagez au pays, vous remarquez cela partout.

M. Paul Szabo: Je pense que je vais m'arrêter pour que Karen puisse...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vais donc donner la parole à Karen, si vous voulez bien.

• 1530

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Je tentais seulement d'en glisser une, parce que je croyais que vous partiez.

M. Robert Morrissey: C'était en effet mon intention, avant qu'on ne pique ma curiosité.

Mme Karen Redman: Je voulais simplement vous demander si on devrait s'inquiéter de la dette totale. C'est ce que je crois, lorsque les autres pays nous regardent, et c'est une observation qui a souvent été faite dans les mémoires présentés. Bien sûr, nous avons bien vu, grâce aux travaux du groupe de travail MacKay, qu'il existe vraiment un marché international et que c'est la voie de l'avenir. Ces forces mondiales ont une influence sur nous et c'est là une considération dont il faut tenir compte.

M. Robert Morrissey: Je crois qu'il va falloir faire preuve d'une grande prudence dans les délibérations sur l'AMI et c'est ce qu'on a pu constater ces derniers mois. Si vous parlez de la mondialisation du marché et de l'incertitude qui est apparue, je crois qu'il serait risqué de s'embarquer dans l'accord multilatéral sur le transfert des capitaux. Les pourparlers qui se déroulaient, je crois, sont de nouveau interrompus. Oui, il faut prendre soin de ne pas perdre le contrôle de notre avenir. Je ne suis pas certain que cela aurait des répercussions; c'est plutôt simplement de la spéculation.

Mme Karen Redman: Je crois que c'est un peu spéculatif, mais il n'empêche que c'est là et qu'on en parle au moment où les joueurs internationaux se demandent si le Canada est risqué ou non pour un investissement ou un prêt. Je crois donc que la question de la dette provinciale doit faire partie des discussions.

M. Robert Morrissey: Est-ce que c'était vraiment leur façon de nous juger qui a fait baisser notre dollar? J'ai beau examiner chaque cas, on dirait que cela dépend de la saveur du mois ou de la semaine—de la monnaie sur laquelle les cambistes ont décidé de se ruer. Après un bout de temps, à mon avis, il n'y avait plus grand-chose qui pouvait expliquer la pression exercée sur les devises étrangères par rapport au dollar américain.

Mme Karen Redman: Merci beaucoup.

C'était là la seule question que je voulais poser à M. Morrissey. Mon autre question, qui est à la fois une question et une observation, s'adresse à MM. McLellan et Strongman.

J'ai fait partie d'un groupe d'étude sur l'assurance-emploi et je vous suis gré d'être venus nous présenter des cas concrets, parce que je conviens avec vous qu'il y a eu des conséquences imprévues.

Il y a une question que je veux aborder et je ne sais si c'est tout à fait loyal, mais vous avez parlé de la LSPA dans votre mémoire. En fin de compte, et je sais que ce n'est pas terminé, mais est-ce que ce programme est une bonne chose?

M. Rory McLellan: Il était nécessaire. Ce qui arrive après une catastrophe naturelle, est-ce vraiment une bonne chose? Est-ce que c'est une bonne chose que des bateaux soient en train de chercher les débris de l'avion de Swissair? La disparition de la pêche du poisson de fond à Terre-Neuve a été qualifiée de désastre digne de la Bible par Richard Cashin. Un mode de vie a été complètement annihilé. Le gouvernement fédéral devait réagir.

Il est malheureux que ces événements aient eu lieu. Il est donc malheureux que la LSPA soit devenue nécessaire. Par ailleurs, la LSPA n'a pas donné les résultats escomptés. Elle représentait un espoir de reconstruire un avenir, la possibilité de recycler les gens, d'offrir un départ à la retraite, l'indépendance par rapport à une réalité qui n'existait plus. Cela n'a pas marché.

Cela n'a pas marché pour bien des raisons, mais qui ont plus à voir avec le coeur qu'avec l'argent. D'abord, les gens ne voulaient pas quitter leur économie rurale. Ils ont toujours fait partie de l'Atlantique et ils ne veulent pas déménager à London ou à Oshawa. C'est une des raisons de l'échec de cette stratégie. Une autre, c'est la nature de l'offre. À l'heure actuelle, si vous acceptez de vous retirer, si vous acceptez 200 000 $ du gouvernement, vous allez vous retrouver avec un impôt sur le gain en capital. Donc, ce que le gouvernement vous donne d'une main, il vous le reprend de l'autre.

Il n'y a pas d'industrie pour prendre la place. Si ces personnes pouvaient partir et faire quelque chose d'autre, parfait, mais, quand l'arrière-arrière-grand-père pêchait au large des Grands Bancs il y a 500 ans, il est difficile de dire à cet homme qu'il y a autre chose dans la vie, qu'il peut exercer un autre métier. Le coeur n'y est pas, il n'a pas cela dans le sang et il ne le fera pas sans difficulté.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Strongman, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Donnie Strongman: Je dirais que c'est la même chose pour les pêcheurs que pour les fermiers; 37 ou 38 p. 100 des pêcheurs de l'Atlantique sont âgés de plus de 55 ans. Si vous déménagez, qui va embaucher un homme de 55 ans?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Redman, autre chose?

• 1535

Mme Karen Redman: Non, je veux simplement vous remercier.

M. Rory McLellan: Nous sommes au courant de votre travail au sein de ce groupe d'étude, et nous vous en remercions.

Mme Karen Redman: De rien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci beaucoup.

M. Morrissey a déclaré qu'il était ici pour donner le point de vue de l'«le-du-Prince-Édouard. J'ai trouvé très intéressant et important ce qu'il a dit au sujet des pêcheurs. Il est très difficile pour eux de faire autre chose et, pour nous, de leur demander d'essayer de faire autre chose. On n'a peut-être pas le choix. En théorie, est-ce que cela veut dire que l'on devrait envisager un revenu annuel garanti pour les pêcheurs, fixer une valeur à leurs besoins, répondre à ces besoins et ne plus s'en occuper?

M. Rory McLellan: Je ne connais pas Roméo LeBlanc personnellement, bien que je l'aie croisé à l'occasion, mais c'est ce qu'il avait à l'esprit. L'assurance-chômage n'est pas quelque chose que Roméo LeBlanc admirait. Il voulait assurer une source de revenu stable aux pêcheurs pour qu'ils ne meurent pas de faim. Dans certaines parties de sa circonscription de Beauséjour, dont il est originaire, il y avait des gens qui vivaient dans des conditions plutôt difficiles. Donc, c'était cela le dividende social. C'est la raison pour laquelle les pêcheurs reçoivent de l'assurance-chômage, parce qu'il avait compris qu'il leur fallait un revenu stable.

En tant qu'association de pêcheurs, bien sûr la notion de revenu annuel garanti dépasse notre compétence. Il me semble cependant qu'il y a beaucoup de bureaucraties différentes dans ce pays, qui distribuent les chèques. Si j'étais roi, je considérerais plus facile de n'avoir qu'un seul service qui fait les chèques au lieu d'en avoir plusieurs. C'est une question d'ordre politique pour tous les Canadiens. Cela ne concerne pas seulement les pêches.

M. Paul Szabo: Je pense que c'est bien vrai. L'efficacité administrative signifie qu'un seul est mieux que toute une bande.

L'important, au sujet du revenu annuel garanti, c'est qu'il y a bien des endroits où les gens peuvent bénéficier de l'aide sociale à divers chapitres, et quand vous calculez le coût de l'administration de tous ces programmes et le reste, on se demande pourquoi il ne serait pas préférable d'éliminer toute cette administration et de réaffecter l'argent là où on en a besoin.

C'est une question de principe. Roméo LeBlanc voulait s'assurer que les gens ne meurent pas de faim et qu'ils aient un revenu stable, et je considère que personne au Canada ne devrait avoir peur d'avoir faim.

Statistique Canada fixe le seuil de faible revenu, pour une famille de quatre personnes vivant dans une ville d'au moins 500 000 habitants, à environ 26 000 $ par année. Je crois comprendre comment on en arrive à ce chiffre. Cependant, il est difficile de comparer cela, comme le disait M. Discepola, aux calculs qui ont été faits, du genre: «Je gagne 59 000 $ par année et je veux avoir droit à l'exonération de 100 000 $ pour les gains en capital, ce qui va me permettre d'économiser 67 500 $.» Il n'y a que 10 p. 100 des Canadiens, à peu près, qui gagnent plus de 50 000 $ par année et il semble que ni l'un ni l'autre n'a parlé de la façon dont les pauvres voyaient les prestations, c'est-à-dire, d'un côté, on a diminué les prestations d'AE et il faut les remettre en place et, de l'autre, on veut des allégements fiscaux sinon on va payer trop d'impôt sur les 500 000 $. J'espérais que nous pourrions déterminer la façon d'axer les efforts sur les besoins réels. Si vous croyez vraiment que les ressources pour aider les Canadiens sont limitées à court terme, quelle serait votre priorité?

M. Rory McLellan: Vous ne pouvez pas faire cela. Mon amie Mette vous dira ce qu'il en est pour l'agriculture—en passant, j'ai remarqué qu'elle portait une épinglette en forme de poisson.

• 1540

M. Paul Szabo: Vous voyez, la collaboration.

M. Rory McLellan: Je connais un peu la pêche, et je crois que c'est la même chose en agriculture. C'est un secteur très cyclique et il arrive que les gens fassent beaucoup d'argent en très peu de temps. Dans la pêche au crabe des neiges, par exemple, les gens peuvent faire une fortune. Ils peuvent devenir riches en une année. Par contre, il y a des pêcheurs qui gagnent beaucoup moins que 26 000 $ par année et qui auraient de la difficulté à nourrir une famille de quatre personnes, et certaines années sont pires que les autres.

Quand le morceau de papier qu'est le permis de pêche au homard de nos jours coûte 250 000 $, même si vous savez qu'il y aura beaucoup d'argent en jeu, vous êtes mieux de suivre vos affaires de près. Selon mes calculs, vous seriez obligés de produire 42 000 $ en capital, en revenu, pour être rentable sans faire de profits. Il y a des sommes importantes qui changent de main, mais cela ne veut pas dire qu'il y a quelqu'un qui s'enrichit. En fait, c'est bien souvent le contraire.

M. Paul Szabo: J'ai une dernière question à vous poser. Nous avons des secteurs industriels au Canada qui reçoivent une part disproportionnée de l'assurance-emploi, comme vous le savez. L'industrie de la construction reçoit environ quatre dollars pour chaque dollar qu'elle verse. Le secteur automobile a tendance à être un utilisateur abusif à l'occasion. Il y a les pêches. La forêt en est un autre où cela existe depuis longtemps.

J'ai entendu dire qu'on allait créer un groupe de travail qui se rendrait un peu partout au Canada pour tenir des consultations sur l'assurance-emploi. Étant donné que tout le monde semble intéressé par l'excédent théorique, ce groupe de travail demanderait aux Canadiens ce que devrait être l'assurance-emploi. L'objectif serait de trouver une définition, finalement. Est-ce que c'est une assurance-salaire? Un supplément de revenu? Ou quelque chose d'autre? Je dois vous avouer que j'ai bien peur que certains Canadiens ne vous disent que personne ne devrait en sortir plus qu'il n'en met.

M. Rory McLellan: Ce n'est plus une assurance, c'est un fonds commun de placement. Une assurance, c'est la mise en commun d'un montant d'argent pour répartir le risque.

M. Paul Szabo: Je vous parle de quelqu'un qui ferait cela constamment, une année après l'autre, parce qu'il a un travail saisonnier et qu'il a besoin d'un revenu minimum.

M. Rory McLellan: Mais ce principe est contraire à l'idée d'assurance. Une telle attitude me fait dire qu'on ne veut pas de l'assurance-chômage, mais plutôt d'un fonds d'investissement pour les chômeurs. C'est très différent.

M. Paul Szabo: Je sais, c'est de la vraie bouillie pour les chats quand on essaie d'en parler.

Mme Mette Ching: Je crois que le point que nous voulions soulever, c'est que, si c'est de l'assurance-emploi, il faudrait préserver la formule initiale. Il faut s'en servir en cas de chômage, au lieu de l'utiliser pour la formation ou quelque autre fin, par exemple augmenter les recettes publiques.

M. Paul Szabo: Les subventions salariales.

Mme Mette Ching: Les subventions salariales, peu importe, en autant qu'on retourne à l'usage prévu au départ pour certains de ces programmes. S'il y a un excédent, tant mieux; on rajuste la caisse et on réduit le montant des cotisations.

Je suppose que l'idée était de rendre à ces programmes leur fin première. Lorsqu'on ne préserve pas leur intégrité, on confond les programmes sociaux, les programmes d'assurance et les divers autres programmes.

M. Paul Szabo: Je suis d'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: J'ai une brève observation.

Revenons à votre intervention au sujet des pêches. Vous avez parlé des frais d'administration de l'assurance-emploi. Un peu plus loin, vous avez déclaré que «cette pratique contrevient à l'article 84». L'avez-vous contesté? Est-ce que quelqu'un étudie la question?

M. Rory McLellan: Oui, mais je ne sais pas qui.

Vous savez, il arrive que les gens mentent. En fait, l'entreprise de transformation déduit le montant exact de sa cotisation. Si vous l'amenez devant un officiel, devant quelqu'un de l'assurance-emploi et que vous lui demandez si c'est ce qu'il fait, il va vous dire que c'est une simple coïncidence, qu'il n'y est pour rien. Étant donné que, par principe, les agents de l'assurance-emploi font confiance à tout le monde, ils ont tendance à le croire, et c'est tout.

M. Gerry Ritz: Sur votre facture, vous avez cette annexe A. On y mentionne des frais d'administration. Est-ce qu'on les inscrit vraiment sur la facture?

M. Rory McLellan: Oh oui!

M. Gerry Ritz: Alors, comment l'expliquent-ils?

M. Rory McLellan: Ils disent que c'est parce qu'ils s'occupent de votre comptabilité.

M. Donnie Strongman: Rien n'interdit la facturation des frais d'administration.

M. Rory McLellan: Dans certains cas, c'est interdit.

M. Gerry Ritz: Donc, c'est un truc juridique.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Monsieur Pillitteri, rapidement, s'il vous plaît.

M. Gary Pillitteri: Me permettez-vous deux brèves questions?

• 1545

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous avons deux courtes questions et la dernière viendra de M. Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président. Au départ, M. McLellan, je dois dire que vous avez répondu avec franchise à toutes les questions, et une chose sur laquelle vous me permettrez de ne pas être d'accord avec vous, c'est que, dans votre mémoire, vous demandez une déduction de 500 000 $.

Les gains en capital sont les mêmes pour le fermier et il ne faut pas oublier que ce dernier subit des hauts et des bas. Vous savez bien que les revenus ont chuté et le fait de choisir de rester dans les limites de ce niveau de vie... Par ailleurs, chez les pêcheurs, tant l'employeur que l'employé ont droit à l'assurance-emploi; dans le cas du fermier, l'employeur n'a pas droit à l'assurance-emploi.

M. Rory McLellan: J'ai toujours trouvé cela gênant. Là où je travaille, il y a beaucoup de groupes agricoles et je suis surpris qu'ils ne lancent pas des pierres dans nos fenêtres pour protester contre cette situation.

Ça m'a toujours semblé plutôt bizarre. Je ne comprends pas pourquoi c'est ainsi. Il me semble qu'il y a bien des gens qui sont moins méritants que les fermiers—et, non, je ne donnerai pas de noms—et qui ont droit à l'assurance-emploi. Je ne comprends pas du tout pourquoi les fermiers n'y ont pas droit. Il est évident que dans l'Ouest, vous ne pouvez vraiment pas ramasser du blé enterré sous la neige. Ce n'est pas votre faute s'il neige. Je ne vois pas pourquoi. On en a parlé quand on a demandé l'exonération de 500 000 $ pour gains en capital et on a dit que le gouvernement devrait peut-être ramener l'exonération des fermiers à 100 000 $, ce qui mettrait tout le monde sur le même pied. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Qui a dit cela?

M. Rory McLellan: Je pense qu'on devrait obtenir une exonération de 500 000 $ et que les fermiers devraient avoir droit à l'assurance-emploi.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Y a-t-il d'autres questions? Non? Je remercie nos invités pour leurs exposés. Bien sûr, nous devons veiller à décrire votre situation d'une façon équitable et, en tant que gouvernement, nous devons nous assurer de bien traduire votre volonté et vos priorités, que vous avez présentées d'une façon éloquente, dans notre budget. C'est ce que nous ferons en décembre.

J'aimerais suspendre maintenant la séance jusqu'à 9 heures demain matin; nous reprendrons alors les audiences sur l'avenir des établissements financiers. Je vous remercie.