FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 23 octobre 1997
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite à tous la bienvenue ici à Ottawa, après une quinzaine de journées passées à sillonner le pays pour entendre des Canadiens d'un petit peu partout. Conformément à l'article 83.1 du Règlement, le comité reprend donc ses consultations prébudgétaires.
Comme vous le savez, nous vivons une nouvelle ère économique. Pour la première fois depuis fort longtemps, nous aurons un budget équilibré, puis, par la suite, un surplus. L'une des principales raisons pour lesquelles nous tenons ces consultations prébudgétaires est pour déterminer, en tant que Canadiens, quelles sont nos priorités et nos valeurs. Qu'est-ce qui va déterminer le programme fiscal de notre pays?
L'une des autres grosses questions dont il nous faudra nous occuper est, bien sûr, celle des dividendes financiers. Nous avons le privilège d'accueillir parmi nous ce matin plusieurs experts, dont Maureen Farrow, de Loewen, Ondaatje, Mccutcheon Ltd. Bonjour.
Sont également des nôtres Craig Wright, économiste en chef adjoint à la Banque Royale du Canada, Josh Mendelsohn, premier vice-président et économiste en chef à la Banque Canadienne Impériale de Commerce, et Rick Egelton, de la Banque de Montréal.
Selon le mode de fonctionnement habituel du comité—et nous sommes heureux de vous accueillir une nouvelle fois parmi nous, monsieur Mendelsohn—vous disposerez d'environ cinq minutes pour nous donner votre aperçu général de la situation et nous présenter votre point de vue quant aux défis et aux choix devant lesquels nous nous trouvons confrontés. Nous aurons ensuite une période de questions et, peut-être, de réfutations.
Nous allons commencer avec Maureen Farrow. Bienvenue parmi nous.
Mme Maureen Farrow (vice-présidente exécutive, directrice, Stratégie économique et de portefeuille, Loewen, Ondaatje, Mccutcheon Ltd.): Bonjour, mesdames et messieurs. C'est un plaisir pour moi d'être de retour ici.
J'ai fait distribuer quelque chose, mais il ne s'agit que d'un très bref résumé. Ce que je me propose de faire, c'est d'aborder dans mes observations les questions que vous nous avez posées. Vous nous avez demandé de nous prononcer sur le processus de réduction du déficit et sur les méthodes employées. J'entends traiter très brièvement de cette question. Ce que je tiens surtout à faire c'est féliciter les Canadiens, qui assument les sacrifices, et féliciter le comité et le ministre des Finances d'avoir entrepris de montrer la voie et de s'attaquer au problème du déficit.
• 0910
J'aimerais dire en passant qu'il ne sert à rien de discuter de
la question de savoir si l'on a bougé assez rapidement ou s'il
aurait fallu procéder plus lentement. C'est fait, et c'est là-dessus qu'il
nous faut nous concentrer.
Quant aux leçons apprises, je pense qu'il y en a quelques-unes qui sont très critiques et dont on devrait bénéficier.
La première, qui est, selon moi, la plus importante, est que lorsque, en tant que nation, on s'attarde sur un problème, on définit l'objectif, on explique les avantages et on établit des critères de mesure très clairs, alors on réussit plutôt bien. C'est ce qui s'est passé relativement aux objectifs en matière d'inflation et à la suppression du déficit. C'est très bien, et nous devrions retenir ces leçons et les appliquer au ratio de la dette au PIB.
La deuxième leçon que nous avons, selon moi, apprise—et elle est elle aussi très importante—est que le budget devrait toujours être établi à partir d'hypothèses économiques très conservatrices. L'on devrait continuer d'épouser cette philosophie. Cela permettra d'éviter les écueils du passé et d'atteindre, voire même de dépasser à l'occasion, les objectifs fixés. C'est cela qui a vraiment rétabli la confiance, et des Canadiens dans leur ensemble et des marchés financiers, à l'égard des capacités de planification du gouvernement.
Une autre leçon à tirer du passé est qu'il faut établir un fonds de prévoyance—c'est-à-dire mettre de l'argent de côté en cas d'imprévus afin de ne pas compromettre le budget—puis y puiser pour réduire le déficit et, par la suite, la dette.
La quatrième leçon que nous avons, selon moi, apprise est qu'il importe de travailler, et je dis bien travailler, pour contenir en permanence les dépenses publiques, tant du côté administratif que du côté des programmes. Ce principe a été bien accepté et devrait être maintenu.
Et quelles sont les priorités pour demain?
Passons maintenant à la dette. Nous pouvons nous féliciter d'avoir gagné la bataille contre le déficit, mais le vrai combat ne fait que commencer: notre Waterloo, c'est la dette. Et je veux parler de la dette globale fédérale et provinciale. Celle-ci se chiffrait au total à 800 milliards de dollars à la fin du dernier exercice financier, soit un petit peu plus que 100 p. 100 du PIB.
À notre avis, c'est l'endettement total du pays qui compte, et en tant que nation, il faut qu'il y ait consensus sur un plan visant à ramener ce ratio de la dette au PIB à un niveau plus gérable. Ce ratio devrait à mon avis se situer aujourd'hui à environ 40 p. 100, et non pas 100 p. 100. C'est le niveau que connaissait le ratio d'endettement au début des années 80.
M. Martin s'était refusé à fixer un objectif en matière de ratio de la dette au PIB pour la partie fédérale de la dette, sauf pour dire que la dette se chiffrait à 583 milliards de dollars—et il parlait là de la dette fédérale, représentant 73 p. 100 du PIB—, qu'elle était trop élevée et qu'il allait falloir la réduire.
Ce que je dirais aujourd'hui, c'est que le budget doit renfermer un objectif. Il doit fixer un objectif en matière de ratio de la dette au PIB de façon à asseoir le Canada dans une position durable à long terme. Je sais que cela ira au-delà du mandat de l'actuel gouvernement, mais en tant que parlementaires, c'est un devoir qui vous revient. Ce plan permettrait donc aux Canadiens de comprendre cette question fort critique et d'évaluer les compromis à envisager pour atteindre l'objectif fixé.
Vous avez parlé, monsieur le président, d'un dividende financier, d'un surplus. L'on pourrait arguer qu'il ne s'agit pas d'un surplus ou d'un dividende financier, mais plutôt de ce qu'il nous faut payer pour rembourser la dette.
• 0915
Si les Canadiens parviennent à comprendre ce qui est
nécessaire pour réduire le ratio de la dette au PIB, je pense que
l'on pourra faire beaucoup. Les marchés financiers pourront eux
aussi nous surveiller et les mesures prises continueront d'être
bien accueillies. Ce sera également un outil fort utile sur la
Colline en matière d'établissement des priorités sur le plan des
dépenses. Cette discipline va être nécessaire, et vous
l'apprécierez tous lorsque vous serez assis en train de discuter de
ces questions.
Si je recommande un ratio de la dette totale au PIB de 40 p. 100, c'est pour la raison que voici: il est difficile de choisir un objectif, surtout en quelques minutes au comité, mais 73 p. 100 pour la partie fédérale, c'est trop, et 100 p. 100, en ce qui concerne l'endettement total, c'est trop.
Si vous regardez ce que la Communauté européenne a recommandé dans le Traité de Maastricht, c'est 60 p. 100. Ce pourcentage est lui aussi trop élevé. Le ministre des Finances s'est prononcé là-dessus également, et j'applaudis à ce qu'il a dit.
Si vous regardez en arrière—et vous avez un tableau qui récapitule l'historique de la chose—vous remarquerez que si vous remontez aux objectifs du début des années 80 ou 70, cela aurait davantage correspondu à la situation qui existe aujourd'hui aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France. Je pense que l'on constaterait, nous fondant sur la démographie et la vague démographique qui va frapper plus tard, que de tels niveaux seraient durables.
Un autre message que j'aimerais vous communiquer au sujet de la reprise du contrôle du ratio d'endettement est le suivant: il ne s'agit pas seulement de le réduire; ici, à Ottawa, il faut veiller à ce que l'on ne renvoie pas tout simplement la dette au palier de gouvernement inférieur. C'est le ratio d'endettement total qui compte, car il n'y a qu'un groupe de Canadiens pour payer la note. Il n'y a pas au pays deux ensembles de Canadiens; il n'y en a qu'un.
En ce qui concerne la répartition du soi-disant surplus ou dividende—le partage 50-50—je recommanderais au comité de s'y repencher. Si vous examinez les cycles économiques passés... et le cycle va revenir. Nous ne sommes pas sortis de la mécanique des cycles économiques. Ils sont peut-être moins contrastés étant donné la fonction démographie-consommation et les systèmes d'inventaire, mais ils seront toujours dans le tableau et il arrivera à l'avenir que l'on accumule des déficits. Je pense qu'il est très important que l'on utilise les premiers dividendes... Tout le monde convient que l'économie va bon train. Ces premiers dividendes devraient être appliqués directement à la réduction du fardeau de la dette. C'est un petit peu comme lorsqu'on rembourse plus tôt son hypothèque. Nous devrions appliquer ici la même règle.
Je pense qu'il nous faut également établir un certain nombre de critères en matière de compétitivité pour ce qui est des dépenses gouvernementales. En effet, les dépenses publiques devraient aujourd'hui être consenties en fonction d'un ensemble de critères en matière de compétitivité, de façon à assurer une croissance à long terme à partir de cet investissement. Cela ne veut pas dire qu'il ne nous faut pas reconnaître qu'au sein de notre société la douleur causée par la réduction du déficit a également amené un certain nombre d'inégalités, et nous devrions justement chercher à utiliser certains de ces gains pour corriger certaines de ces inégalités. Il nous faut néanmoins examiner attentivement les dépenses dans le contexte de la capacité concurrentielle à long terme.
Par exemple, j'habite Toronto et j'ai été horrifié lorsque, me promenant dans mon parc de quartier, j'ai aperçu un gros panneau expliquant que le nouvel éclairage qu'on installait dans le parc relevait du programme d'infrastructure. Cela n'a rien à voir avec la compétitivité à long terme. Cela ne servira à rien car personne ne se promène dans ce parc la nuit.
• 0920
Réfléchissons donc avant de dépenser. Nous savons qu'il y aura
des élections. Il y en a toujours tous les quatre ou cinq ans, mais
je ne pense pas que les Canadiens souscrivent à ce genre de
gaspillage.
Il nous faut également commencer dans ce pays à examiner très attentivement la réforme fiscale. Les États-Unis vont entreprendre encore une nouvelle série de réformes fiscales. Nous avons un régime fiscal qui nuit à la compétitivité. Je ne pense pas qu'il nous faille jouer avec ou se lancer dans du rafistolage. J'estime qu'il nous faut l'examiner en profondeur, puis établir une stratégie. Dans le cadre de cette stratégie, il nous faut ramener les taxes de 36,6 à 32 p. 100 du PIB.
Enfin, je vous exhorte de surveiller de très près les frais d'administration du gouvernement et les dépenses publiques. Il nous faut nous consacrer à réduire sensiblement la part totale du PIB que dépense Ottawa en vue de la ramener de 19 p. 100, soit son niveau actuel, au seuil des 16 p. 100 atteint à la fin des années 60 et au début des années 70.
Mesdames et messieurs, je vous ai exhorté d'envisager d'un oeil très critique le prochain budget et les messages et les initiatives à prévoir en vue de régler le vrai problème du Canada, soit le ratio de la dette au PIB. Ce ne sera pas chose facile, mais j'ose espérer que mes propos d'aujourd'hui vous aideront dans vos délibérations. Vous pouvez continuer de compter sur mon appui. Merci.
Le président: Merci, madame Farrow.
Nous allons maintenant entendre le représentant de la Banque Royale, son économiste en chef adjoint, Craig Wright.
M. Craig Wright (économiste en chef adjoint, Banque Royale du Canada): Merci.
Les observations dont j'aimerais vous faire part aujourd'hui s'appuient largement sur les travaux effectués par notre économiste en chef, John McCallum, qui regrette de n'avoir pu venir ici aujourd'hui. Il y aura beaucoup de ressemblances avec l'exposé que vient de vous faire Maureen, et je m'excuse au préalable pour tout chevauchement.
Je vais commencer par traiter brièvement du passé pour ensuite parler plus en détail de l'avenir, en vous soumettant une analyse prospective de ce que pourrait faire Ottawa une fois son budget équilibré, situation que nous connaissons peut-être déjà aujourd'hui. Tout le monde connaît bien les chiffres, alors je ne vais pas les passer en revue, mais le déficit a été presque éliminé comparativement à l'énorme gouffre qui existait il y a à peine quelques années.
Nous autres qui nous intéressons aux sciences économiques pensons que l'attaque qui a été lancée était appropriée. Il est vrai que les restrictions ont imposé un freinage budgétaire et des pertes d'emplois, mais nous pensons que l'autre possibilité n'était pas un choix envisageable. Le statu quo aurait certainement débouché sur des taux d'intérêt plus élevés, une croissance plus lente et une création d'emplois plus faible que ce que nous avons constaté depuis le changement.
En ce qui concerne l'avenir, dans les années à venir et avec l'actuelle politique, l'on peut s'attendre à ce que l'endettement canadien rétrécisse continuellement en proportion du dynamisme de l'économie. Au fur et à mesure que cela arrive, les Canadiens bénéficieront de dividendes financiers importants et toujours croissants. Ces dividendes résultent cependant d'un ratio d'endettement inférieur et ne peuvent par conséquent pas être versés à l'avance.
Aujourd'hui, les gouvernements canadiens, quel que soit le parti politique, et l'ensemble des principaux partis, ont réalisé un vaste consensus quant à l'intérêt de passer d'un système de financement déficitaire à une administration fondée sur des budgets équilibrés. L'on ne peut pas espérer, dans un proche avenir, un consensus sur le bon mélange de dépenses et de changements fiscaux, car cela se trouve au coeur même de la politique, et je veux parler ici d'idéologies et d'élections. Mais ce pourrait être possible de faire un petit pas vers un large consensus sur un plan à moyen terme visant à réduire le ratio de la dette du gouvernement fédéral au PIB et, partant, sur l'importance des dividendes financiers que le système aura les moyens de verser à un moment ou à un autre.
La réalisation d'un consensus sur l'endettement fournirait aux marchés canadiens et à la population dans son ensemble une ancre financière crédible, ce qui résulterait en une réduction des taux d'intérêt, un raffermissement de la croissance et une multiplication des perspectives d'emploi. Cela engendrerait par ailleurs l'équité entre les générations. Les jeunes Canadiens ont reçu très peu de ce pourquoi l'on s'est endetté, et ils se trouvent confrontés aux augmentations de coûts attribuables au départ en retraite des membres de la génération du baby-boom. Doté d'un plan crédible visant la réduction du ratio de la dette au PIB, l'on pourrait utiliser le dividende financier qui en résulterait pour venir en aide à la population vieillissante sans devoir imposer indûment les membres de la population active de demain.
Troisièmement, le pays serait moins exposé aux chocs externes, ce qui a toujours été un point faible pour les marchés canadiens par le passé. Enfin, la dette relative est elle aussi importante, comme l'a souligné Maureen, en ce qu'elle a une incidence sur notre compétitivité internationale. L'endettement canadien est à l'heure actuelle supérieur à l'endettement américain. Le coût du service de la dette est donc lui aussi supérieur, ce qui creuse l'écart entre les impôts perçus et les dépenses publiques, nous obligeant à accepter des impôts supérieurs ou des dépenses gouvernementales réduites, ou une combinaison des deux. En fait, comparativement aux États-Unis, le Canada a des frais de service de la dette et des dépenses publiques supérieurs, ce qui nous frappe sur deux fronts pour militer en faveur d'un taux d'imposition accru.
• 0925
Si l'on parvenait à réduire le ratio d'endettement, l'on
pourrait rabaisser les impôts et(ou) augmenter les dépenses, ce qui
constituerait un atout important dans notre lutte pour amener les
sociétés à implanter leurs activités et, partant, leurs emplois, au
Canada en vertu d'ententes commerciales toujours plus ouvertes. Les
ingrédients d'un tel plan—puisant dans certaines des initiatives
qui ont réussi—le récent plan budgétaire de base... Nous
recommanderions le maintien de cibles bisannuelles à atteindre
«quoi qu'il arrive», ainsi que de réserves permanentes et
d'hypothèses économiques prudentes.
Le nouvel ingrédient, ce serait l'établissement de projections quinquennales continues. Il ne s'agirait pas d'objectifs à atteindre, mais plutôt de projections ciblées ou de fourchettes de réalisations dans le contexte du plan à moyen terme de réduction de l'endettement du gouvernement. L'un des chiffres clés dans ces projections quinquennales serait le dividende financier ou le total d'argent frais que l'on espérerait libérer. L'on pourrait envisager l'établissement de budgets équilibrés dans un avenir prévisible, ce qui présenterait l'avantage, outre la simplicité, de jouir déjà de l'appui des contribuables.
Quant aux initiatives plus sévères, genre réductions, cela exige des budgets équilibrés, mais le résultat le plus probable serait une série de surplus en période de conjoncture normale, le coussin résultant de la conjugaison d'hypothèses économiques conservatrices et du maintien de réserves de prévoyance importantes. Sur le plan pratique, les données supplémentaires exigées pour tout budget seraient trois années supplémentaires de prévisions—non pas des objectifs mais des prévisions, qui pourraient être révisées—auxquelles viendraient s'ajouter des dividendes estimatifs, qui résulteraient d'un exercice largement mathématique à ce stade.
Les avantages ont déjà été évoqués, soit un abaissement des taux, l'équité entre les générations, une économie plus concurrentielle et la diminution de l'exposition de l'économie à des chocs externes. Mais il y en a d'autres. Ce plan aurait pour fondation les réussites financières des processus budgétaires réalisés au cours des dernières années. En gros, si quelque chose fonctionne, il vaut mieux ne pas y toucher. La crédibilité de l'établissement d'objectifs a été raffermie dans le cadre des budgets récents et a peu de chances de gagner du terrain sur ce plan. Cela pourrait néanmoins suffire pour effacer le souvenir des prévisions à moyen terme antérieures, qui, typiquement, ne se réalisaient pas.
Le plan proposé n'engendre par ailleurs pas de conflit idéologique en ce qui concerne les éléments clés, comme par exemple le rôle du gouvernement et des seuils d'imposition appropriés, ce qui lui assure de bonnes chances de faire l'objet d'un certain consensus. Les principaux ingrédients d'un tel plan seraient les suivants: des hypothèses économiques et des réserves de prévoyance adéquates, un programme de réduction de la dette acceptable et un bon objectif à long terme en ce qui concerne le ratio de la dette au PIB, tous éléments qui pourraient faire l'objet d'un vaste débat dans le cadre de tribunes comme celle-ci et d'autres, avant l'élaboration d'un quelconque plan.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Wright.
Nous allons maintenant entendre le représentant de la Banque Canadienne Impériale de commerce, Josh Mendelsohn, premier vice-président et économiste en chef.
M. Josh Mendelsohn (premier vice-président et économiste en chef, Banque Canadienne Impériale de Commerce): Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je serai bref. Je pense que certains d'entre vous ont entendu l'exposé que j'ai fait lundi alors que je représentais devant le comité la Chambre de Commerce du Canada. Je vais aborder le même thème, mais d'un point de vue légèrement différent. Il va sans dire qu'il y a entente autour de la table, ou en tout cas parmi les témoins ici réunis, relativement à certains des éléments clés qui devront figurer dans le prochain budget et au problème que le Canada doit résoudre. La dette figure clairement en tête de liste.
Nous sommes à un carrefour ici au Canada. Nous avons réussi à équilibrer le budget. Nous croyons qu'il est tout à fait concevable que nous y parvenions cette année. Nous devrions commencer à examiner la stratégie à long terme que devrait suivre le Canada. Cette stratégie à long terme exige que l'on se penche sur les moyens à mettre en oeuvre pour réduire le fardeau de la dette du pays. Une méthode serait de rembourser la dette en maintenant les équilibres réalisés et en constituant des surplus. Une autre serait de faire cela mais, en plus, de renforcer cette stabilité en favorisant la croissance économique. La réduction du fardeau de la dette faciliterait la croissance économique, mais l'on peut promouvoir la croissance économique d'autres façons également.
Je pense qu'il nous faut examiner l'ensemble des options qui existent pour le Canada, qu'il s'agisse de réduction de la dette, de réduction des impôts ou d'augmentation des dépenses, dans un cadre—et il me semble que Maureen a abordé cela—qui nous permette d'évaluer ce que chacune de ces mesures politiques, ou son dérivé, contribuera à la croissance économique à long terme du Canada. Au fur et à mesure que la croissance prendra de l'ampleur, nous réduirons le fardeau de la dette et raffermirons un bien-être supérieur. Dans ce contexte, l'important est que nous évaluions non pas chaque politique, car, clairement, certaines politiques sociales ne pourront pas être jugées dans ce contexte, mais un maximum de politiques—d'ailleurs, je dirais que la plupart relèveraient de cette catégorie—en fonction de ce qu'elles contribueront à la croissance économique, à la productivité économique, à la compétitivité du Canada, à notre capacité de créer de la richesse et, partant, à notre capacité de distribuer cette richesse pour que l'ensemble des Canadiens en bénéficient.
• 0930
Il est intéressant que Maureen ait cité, à titre d'exemple,
l'éclairage dans les parcs. L'on pourrait envisager cela de bien
des façons; sa réaction en est une parmi d'autres.
Dans le contexte de ce modèle, j'imagine que dans les premières années, même si nous aurons des surplus, il nous faudra nous attendre à ce que les eaux ne soient pas toujours calmes. Comme je l'ai déjà dit dans le cadre d'autres réunions, un grand nombre des hypothèses au sujet des surplus qu'affichera le Canada dans les années à venir... Je pourrais produire des feuilles de calcul électronique faisant état de surplus de 30 ou de 40 milliards de dollars, mais ces estimations s'appuieraient toutes sur une croissance régulière, sans soubresaut où que ce soit dans le monde. Mais l'on a pu voir ce qui peut arriver, même dans le Sud-Est asiatique, où tout le monde pensait que l'utopie était là pour toujours. Nous avons au Canada le problème de l'unité nationale, qui pourrait toujours provoquer des accrocs, peut-être même importants, dans notre économie. Nous ne devrions pas tenir pour acquis que nous connaîtrons une croissance économique régulière sans récession.
Dans ce contexte, j'arguerais qu'il nous faut en effet commencer par réduire notre dette de façon à avoir la souplesse et la marge de manoeuvre nécessaires pour progresser.
J'aimerais à ce propos traiter du long terme. D'ici environ 15 ans, les rangs des retraités vont augmenter d'un bond, et il nous faut nous doter de la marge de manoeuvre nécessaire pour résoudre les problèmes que cela créera. Les services gouvernementaux, notamment les services pour les personnes âgées, pourraient connaître une demande accrue.
Voilà pourquoi je pense qu'il nous faut prendre le fardeau de la dette comme point de départ et travailler à reculons à partir de là. Nous savons qu'il faut que le ratio d'endettement soit sensiblement inférieur, mais je ne peux pas dire si le bon pourcentage est 25, 30 ou 40 p. 100. Je ne pense pas qu'il y ait à ce niveau de message clair, mais nous savons qu'il nous faut l'entamer sérieusement au niveau national. Je conviens avec Maureen que le problème ne se limite pas à la dette fédérale; il s'agit de la dette fédérale-provinciale globale. Ce serait donc là la première tâche à accomplir.
Dans le contexte du modèle de croissance, ma position, et celle de la BCIC, seraient sans doute que nous devrions également faire un examen très attentif du régime fiscal et réglementaire du pays, en ce sens qu'il nous faut les concevoir dans le contexte de ce qu'ils contribuent à la croissance économique. Je ne songe pas ici à des réductions d'impôts pour gonfler l'économie et créer une croissance supplémentaire de 1 p. 100 cette année ou l'an prochain. Je pense que c'est là l'histoire de l'an dernier, lorsque nous ne connaissions pas le rendement que nous affichons aujourd'hui et que nous allons vraisemblablement connaître pendant quelques trimestres encore.
La question est une question de compétitivité, de mesures incitatives. Il s'agit d'amener les Canadiens à prendre des risques rationnels pour créer, bâtir des entreprises et des activités productrices d'emplois à valeur élevée. C'est une façon de réduire notre taux de chômage à long terme en créant de bons emplois plutôt que de petits boulots.
Enfin, en ce qui concerne les dépenses, notre évaluation ne les exclut pas, car il existe à l'intérieur du cadre de la place pour les dépenses, s'il peut être démontré que celles-ci seront bénéfiques. Dans ce contexte, j'arguerais que lorsqu'il s'agit de déterminer les programmes de dépenses, il importe de faire en sorte que les programmes visent des objectifs extrêmement précis, que l'évaluation de leur exécution soit très explicite et que chacun d'entre eux fasse l'objet d'un examen.
À ce propos, comme je l'ai déjà expliqué à d'autres groupes, la notion que le programme de prestations pour enfants, récemment annoncé, se verra régulièrement évalué en vue de vérifier son efficacité, constitue certainement un pas dans la bonne direction. C'est ce qu'il nous faut faire pour tous les programmes, qu'ils soient à caractère social ou économique.
Voilà donc dans quel contexte d'ensemble il nous faut, je pense, envisager notre avenir. J'estime qu'il nous faut avoir un certain nombre d'objectifs explicites. Les marchés se sont habitués à ce genre d'objectifs dans les pays qui chauffent un peu les oreilles au gouvernement, comme l'a, je pense, dit M. Martin par le passé. C'est une bonne façon de faire, car vous avez un étalon par rapport auquel mesurer le rendement du gouvernement. C'est ainsi que l'on procède pour évaluer le rendement d'une quelconque entreprise ou d'un quelconque individu.
Voilà donc pourquoi je pense que cela est nécessaire. Peut-être que la meilleure façon de procéder serait de fixer des lignes directrices ou des paramètres en matière de ratio de la dette au PIB.
• 0935
Nous avons proposé une formule que certains trouvent étrange:
récupérer la notation triple-A du Canada pour son solde en monnaie
étrangère. Nous savons que cela ne relève pas exclusivement du
Canada, car les agences de notation utilisent des facteurs autres
que le ratio d'endettement pur. Elles feront intervenir la question
de l'unité nationale. Tant que nous n'aurons pas réussi à régler
cela, on ne va pas nous accorder cette cote, mais cela ne nous
empêche pas de mettre en place les autres facteurs. Si donc nous
parvenons à surmonter cet obstacle, le reste viendra tout
naturellement. C'est peut-être là un repère.
Songeons maintenant aux mesures fiscales. Nous ne recommandons pas de tout faire d'un coup. Il nous faut veiller à ce que les surplus soient bien en place. Il nous faut attendre de voir s'ils seront durables.
Une chose qu'il faudrait certainement faire assez rapidement c'est réindexer le régime fiscal. Le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation a en effet augmenté sensiblement les taux d'imposition des Canadiens au cours des dernières années. Voilà un domaine dans lequel on peut faire quelque chose. Si l'on réussit à maintenir le taux d'inflation au Canada à un faible niveau, ce qui semble être la très nette intention de la Banque du Canada—et je pense que la plupart des Canadiens sont en faveur, en dépit de certains des arguments qui ont été avancés en opposition à certaines mesures récentes—alors il n'y a pas beaucoup de risques en matière de pertes d'impôt, mais, en même temps, cela compense les Canadiens qui souffrent du non-ajustement des tranches d'imposition à l'inflation.
Comme je l'ai dit, il y a encore d'autres choses que nous devons faire. Il nous faut remanier encore nos programmes d'assurance-chômage pour en augmenter la souplesse et pour accroître la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada.
Pour ce qui est des programmes de dépenses, j'en ai déjà traité.
Je vais donc m'arrêter là et je répondrai avec plaisir à vos questions dans quelques instants.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mendelsohn.
Nous allons maintenant entendre le représentant de la Banque de Montréal, M. Rick Egelton.
M. Rick Egelton (premier vice-président et économiste en chef adjoint, Banque de Montréal): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous.
J'aimerais esquisser très brièvement les priorités que le gouvernement devrait, selon nous, enchâsser dans son budget de février ou mars de cette année et des années à venir.
J'aimerais très rapidement dire quelques mots au sujet du rythme passé de la réduction du déficit et de la possibilité, évoquée par certains, que ce rythme ait peut-être été un petit peu trop rapide.
Nous rejetons cela presque catégoriquement, en un sens. Nous y travaillons en vérité depuis le milieu des années 80. On a, je pense, du milieu des années 80 jusqu'au début des années 90, suivi une approche d'intervention très lente dans le but de réduire le déficit. L'on s'est retrouvé dans une situation où le déficit a fini par être supérieur à ce qu'il avait été lors du lancement du programme, alors je ne pense pas que cette approche ait été très efficace.
Deuxièmement, je pense qu'il est important de souligner que la politique monétaire et la politique financière peuvent se conjuguer pour viser de concert la réalisation d'objectifs communs. Par conséquent, dans la mesure où la politique financière au cours des quatre ou cinq dernières années a été très serrée, la question n'était pas de savoir si elle l'était trop mais bien si la politique monétaire était suffisamment souple pour s'intégrer aux initiatives découlant de la politique financière mise en place par le gouvernement.
Enfin, pour un pays comme le Canada qui accuse un lourd fardeau imputable à son endettement, il n'est même pas clair à mes yeux qu'une politique budgétaire expansionniste soit très efficace, étant donné la perte de confiance que cela pourrait engendrer chez les investisseurs et le recul des taux d'intérêt à long terme qui pourrait en résulter. Je maintiens donc fermement que le rythme de réduction du déficit que nous avons constaté au cours des quatre dernières années était tout à fait approprié.
Si nous nous tournons maintenant vers l'avenir pour voir quelle attitude adopter dans le cadre des budgets à venir, il faut dire que l'économie du Canada se porte aujourd'hui plutôt bien. Elle connaît une croissance d'environ 5 p. 100. Nous avons beaucoup de chemin à faire pour réaliser le plein emploi, mais la croissance est assez forte et nous nous attendons à ce que cette tendance se maintienne. Dans un tel contexte, il est clair qu'il n'est pas nécessaire de multiplier les politiques expansionnistes. En effet, la question primordiale est celle de savoir combien rapidement l'on peut supprimer les facteurs de stimulation à l'intérieur du système.
Il est utile de repenser à la situation d'il y a environ un an, avant le dernier budget, lorsque d'aucuns réclamaient des réductions d'impôts qui n'auraient pas été accompagnées de compressions du côté des dépenses. Vous comptez alors sur des réductions d'impôts amenées par le déficit pour relancer l'économie.
Fort heureusement, ces conseils n'ont pas été suivis. Je pense que l'histoire a prouvé que ces conseils étaient très mauvais. S'ils avaient été suivis, la situation en ce qui concerne le déficit serait aujourd'hui beaucoup moins prometteuse. La croissance serait peut-être plus forte, mais la Banque du Canada serait sans doute en train de mener une dure lutte pour contenir les taux d'intérêt à court terme, et les taux d'intérêt à long terme seraient plus élevés. La réduction d'impôts qui aurait ainsi été accordée aux Canadiens aurait en grande mesure été absorbée par des taux d'intérêt et des dépenses hypothécaires supérieurs.
Je pense que nous conviendrions tous que l'actuel programme financier va produire un surplus, et ce vraisemblablement d'ici l'an prochain. Par la suite, nous verrons l'excédent grossir de plus en plus. La question est alors de savoir qu'en faire?
Je pense que notre problème financier est loin d'être réglé, contrairement à ce que certains prétendent. Nous continuons d'accuser un lourd fardeau d'endettement comparativement aux autres pays industrialisés qui ont la cote triple-A. Nos taux d'imposition sont extrêmement élevés comparativement à ceux pratiqués par notre principal partenaire commercial, les États-Unis.
• 0940
Ces taux ont eu une incidence très pernicieuse sur la
croissance économique. Lorsque je regarde la situation financière,
je constate que le niveau élevé de l'endettement a eu une incidence
très néfaste sur le rendement de l'économie, car cela vous rend
vulnérable, vous exposant aux fluctuations des taux d'intérêt
internationaux. Cela vous expose aux variations de la confiance des
investisseurs et des taux d'intérêt. Je pense que le fait d'accuser
un lourd endettement a rendu difficile pour nous d'attirer et de
conserver une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Il ne semble pas
y avoir grand-preuve que nous ne dépensons pas suffisamment
d'argent ou que les programmes qui relèvent du gouvernement fédéral
manquent de ressources.
Si je regarde vers l'avenir, voici ce que M. Martin devrait, selon moi, se fixer comme objectif pour les quelques prochaines années: je pense que pour 1998 et 1999 il devrait viser, au minimum, un budget équilibré avec un déficit nul, tout en continuant de s'appuyer sur des hypothèses économiques très prudentes, soit des taux d'intérêt supérieurs à ceux du consensus du secteur privé, des hypothèses de croissance inférieures à celles du consensus du secteur privé et l'établissement d'un fonds de prévoyance de 3 à 4 milliards de dollars.
Si vous mettez à exécution un programme comme celui-là, cela devrait vous permettre, en moyenne, d'accumuler des surplus d'environ 5 milliards de dollars. Si vous appliquez cet argent à la dette, alors d'ici à l'an 2002 ou 2003, vous devriez avoir un ratio de la dette au PIB équivalent à celui d'autres pays triple-A comme, par exemple, les États-Unis, la France ou l'Allemagne. Comme Josh l'a dit tout à l'heure, cela fera peut-être beaucoup pour rétablir la cote triple-A du Canada.
Par ailleurs, viendront plus tard de très importantes augmentations d'impôt sous forme de primes accrues versées au RPC. Je pense qu'étant donné les très lourds impôts que subissent déjà les Canadiens, le gouvernement devrait songer sérieusement à contrecarrer dans toute la mesure du possible ces augmentations au titre du RPC grâce à la réduction du taux de cotisation à l'AE, de façon à empêcher une augmentation du fardeau des charges sociales ou du moins à en limiter l'importance.
En dehors de cela, je pense que tout dividende financier qui s'avère être supérieur à ce qui avait été prévu dans le budget devrait être utilisé d'abord pour réduire notre dette et rétablir notre cote triple-A. Une fois qu'on aura retrouvé un ratio de la dette au PIB qui s'inscrit au moins dans le même ordre de grandeur que celui des autres pays industrialisés cotés triple-A, alors le moment sera, je pense, venu d'envisager sérieusement de réduire les taux d'imposition des sociétés et des particuliers.
Le grand tableau est le suivant. Je pense que le fardeau de la dette est le problème le plus pressant auquel nous nous trouvons aujourd'hui confrontés. Le fardeau fiscal suit de très près derrière.
Par ailleurs, alors que nous avançons, j'insisterais sur la prudence. Comme l'a indiqué Josh, nous nous attendons tous à ce que les surplus deviennent de plus en plus importants. Toutes ces prévisions s'appuient sur le maintien d'une forte croissance économique et de taux d'intérêt relativement bas.
Bien que ce soient là les meilleures prévisions que je puisse faire à l'heure actuelle, tout est possible. Tout est possible dans l'économie américaine. Nous avons également vu ce qui s'est passé dans le Sud-Est asiatique et sur le front unité nationale. Ces éléments pourraient provoquer des bouleversements. Je pense qu'il nous faut y aller, mais prudemment.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Egelton. J'aimerais remercier les membres du panel pour la perspective très intéressante qu'ils nous ont présentée.
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Monsieur Harris.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je m'excuse auprès du panel de mon retard. J'avais compris que l'un de mes collègues allait me remplacer ici aujourd'hui, mais cela ne s'est pas fait.
Je suis arrivé à temps pour entendre les dernières observations de M. Egelton. Il me faut certainement convenir que notre énorme dette nous place dans une situation de vulnérabilité, en cas, surtout, de soubresaut dans l'économie mondiale, voire même dans notre économie nationale. C'est un petit peu comme lorsqu'un ménage accumule de lourdes dettes: au moindre accroc, il se trouve en sérieuses difficultés.
J'aimerais néanmoins vous poser la question suivante. Vous avez parlé des augmentations d'impôts, par exemple sous forme de cotisations accrues au RPC, qui s'en viennent. Pourriez-vous nous résumer votre opinion? Quel genre d'incidence auront ces augmentations des cotisations au RPC, premièrement, sur l'économie et, deuxièmement, sur l'offre d'emplois? Il y a un lien direct entre les augmentations de taxes et le rendement économique ainsi que l'emploi.
M. Rick Egelton: Merci. Assurément, à une époque où l'on s'efforce de créer des emplois, les charges sociales ne sont pas le genre de taxes que l'on veut voir augmenter. Je pense qu'à très long terme l'incidence sur la création d'emplois ne sera pas si négative qu'on pourrait le croire, mais à court terme, je prévois que l'augmentation des charges sociales aura une incidence très néfaste sur la création d'emplois.
• 0945
Je ne suis pas en mesure de vous dire exactement combien de
milliers d'emplois nous allons perdre par suite de l'augmentation
du taux de cotisation au RPC, et je ne pense pas que nous ayons
d'autre choix que de rééquilibrer le régime de pensions. Ce que je
dis, c'est que le fardeau fiscal aux prises avec lequel nous nous
trouvons est déjà très élevé. Je ne pense pas qu'il puisse
s'alourdir et je crois qu'il nous faut profiter de l'occasion pour
tenter de contrecarrer dans toute la mesure du possible l'effet
néfaste que cela va avoir du côté de l'emploi.
À mon sens, cela signifie que les surplus que nous attendons ne seront en réalité pas aussi importants que d'aucuns peuvent le penser, car il s'agira de contrecarrer l'incidence d'une très forte augmentation d'impôts.
M. Dick Harris: J'aimerais maintenant poser une question aux autres membres du panel. Je n'ai pas entendu vos exposés, mais estimez-vous que nous devrions continuer de nous attaquer à la dette en utilisant les surplus que l'on va enregistrer?
Permettez-moi de reformuler ma question. Une fois le budget équilibré et des surplus réalisés, la dette sera la première cible, mais l'on enchaînera très vite avec une réduction des taux d'imposition, tant des particuliers que des sociétés. Tout le monde s'entend-il là-dessus?
M. Josh Mendelsohn: Permettez-moi d'aborder cette question d'une perspective quelque peu différente.
Vous avez raison, en ce sens que le premier article à l'ordre du jour est la réduction du fardeau de la dette, et je ne parle pour l'instant qu'en mon nom personnel. Notre premier devoir sera en fait de trouver le moyen d'évaluer la contribution de chaque mesure envisagée à la croissance à long terme. Il se pourrait que l'on trouve une balle magique—mais je ne pense pas que ce soit le cas—du côté des dépenses, du côté de la réduction des impôts, qui permette d'abattre la dette. J'en doute, mais si vous en trouviez une, je voterais pour.
De mon point de vue, donc, ce devrait être là le premier article à l'ordre du jour, et ce pour nombre des raisons qu'a évoquées M. Egelton.
En fait, je pense que j'irais plus loin, renforçant la position annoncée dans le cadre de la campagne électorale et tout récemment dans la mise à jour sur la situation économique, lorsque le ministre des Finances a évoqué le partage 50-50 des surplus entre dépenses et réductions d'impôt et réduction du déficit et de la dette. Il y a une ligne tracée dans le sable qui est selon moi tout à fait inutile et déraisonnable, tant que l'on n'a pas vraiment vu ce qui doit être fait.
Mme Maureen Farrow: J'aimerais enchaîner sur ce qu'a dit Josh car je crois en effet que le premier article à l'ordre du jour est de faire une estimation de ce que nous jugeons être un niveau durable, de sorte que le Canada puisse être concurrentiel à long terme et assumer sa dette. Je veux parler ici de la dette totale—c'est-à-dire les dettes fédérale et provinciales et le ratio de la dette au PIB—et de l'intérêt de s'y attaquer, d'avoir des objectifs, etc. Je pense que si nous ne faisons pas cela, nous serons passés à côté de quelque chose de très critique... Comme l'a dit Josh tout à l'heure, nous sommes à une croisée de chemins dans notre histoire.
Je pense que c'est par la suite qu'il faut s'asseoir et se demander ce qu'on devrait envisager d'autre. Il ne faut pas être myope. Il est très important de réfléchir à la compétitivité à long terme du Canada. Notre régime fiscal nuit à la compétitivité, et c'était le point de départ de votre discussion, mais la question n'est pas de savoir s'il faut rafistoler tel morceau ou tel autre. Il importe de faire un examen exhaustif et de comprendre ce que nous faisons. Cela est très important, car les États-Unis se lancent dans une nouvelle ronde de réformes fiscales.
Nous avons manqué la cible dans les années 80. Nous avons complètement raté la cible en matière de réforme fiscale. Nous avons commencé par y réfléchir de façon très saine et très sensée, puis nous sommes passés complètement à côté. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter la même erreur.
Nous nous trouvons à l'heure actuelle dans une position tout à fait unique.
M. Craig Wright: L'ancre à long terme, comme je le disais, présente plusieurs avantages, et je pense que tout le monde ici les a abordés de diverses façons.
Étant donné qu'il y a une certaine incertitude quant à l'appétit politique, quelle est la véritable volonté d'avoir quelque chose de plus qu'un budget équilibré? Si le but est d'avoir un budget équilibré, avec des hypothèses économiques très conservatrices et d'importantes réserves de prévoyance, alors comme Rick et moi-même l'avons dit, dans la plupart des cas vous vous retrouverez avec des surplus plutôt qu'un simple équilibre, surplus qui peuvent alors servir à réduire la dette.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wright.
[Français]
Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): J'ai quatre questions et un commentaire. Mes trois premières questions s'adressent à Mme Farrow, ma quatrième, à l'ensemble des panélistes, et mon commentaire, au représentant de la Banque Royale.
Voici ma première question, madame Farrow. Vous dites qu'il faut continuer à émettre des hypothèses très conservatrices quant à l'évolution des finances publiques et du déficit, dans le même sens que ce à quoi M. Martin nous a habitués depuis deux ans. Est-ce que vous conviendrez tout de même avec nous que le fait que la prévision du déficit ait varié de 53 p. 100 sur huit mois peut amener les gens à banaliser de telles prévisions et à ne plus y accorder de crédibilité? Ils vont se dire que c'est exagéré et que cela n'a aucun sens. Chez vous, si on engageait un économiste qui faisait une erreur de prévision de 53 p. 100 sur huit mois, je pense qu'il serait mis à la porte et assez rapidement.
Ma deuxième question s'adresse encore à vous, madame Farrow. Vous dites que l'objectif en matière d'endettement devrait être d'atteindre un ratio dette nette-PIB de 40 p. 100 pour les administrations fédérale et provinciales. Oh, non! Je crois que le 40 p. 100 concernait uniquement la dette fédérale. Quel échéancier rattachez-vous à cette réduction?
Troisièmement, vous dites qu'il faut payer l'hypothèque le plus tôt possible, et donc appliquer les premiers dividendes de l'assainissement des finances publiques, c'est-à-dire les surplus, au remboursement de la dette. Ne croyez-vous pas qu'un tel raisonnement peut être très dangereux? Faisons une comparaison logique. Une famille va étaler un peu plus le remboursement de son hypothèque pour pouvoir nourrir ses enfants convenablement.
À l'heure actuelle, l'incidence de la pauvreté est encore plus grande qu'en 1993; elle est passée de 16 à 20 p. 100. Cela peut s'expliquer, du moins en partie, par les coupures du gouvernement fédéral.
Ma quatrième question s'adresse à vous tous. Vous qui êtes des disciples de l'efficacité, de la concurrence, de la préparation de la compétitivité du Canada face aux autres pays du monde, ne croyez-vous pas que les nouvelles initiatives annoncées par le ministre des Finances la semaine dernière, à Vancouver, relatives à l'augmentation des investissements dans des secteurs comme l'éducation et la santé, équivalent à faire du top loading dans des secteurs sous juridiction provinciale, déjà rattachés à du travail effectué par les provinces grâce à une armée de fonctionnaires, à des programmes déjà en place? Ne s'agirait-il pas plutôt de hausser les transferts fédéraux, qui ont été coupés dans les deux dernières années, pour réussir à régler une partie des problèmes dénoncés par M. Martin?
Enfin, ma remarque s'adresse à M. Wright. Pourriez-vous transmettre un message à M. McCallum? Je croyais qu'il serait ici ce matin et j'avais préparé un message spécialement à son intention. Pourriez-vous lui dire de ma part de cesser de faire de la politique et de faire un peu plus d'analyses économiques sérieuses?
Lorsqu'il a présenté ses prévisions la semaine dernière et qu'il a dit que l'écart entre le Canada et le Québec s'expliquait par l'incertitude politique, il a omis de mentionner que cela fait 35 ans qu'il y a un écart structurel entre les deux PIB. Ainsi, lorsqu'on prend des mesures crédibles, telles que le PIB par habitant au Québec par rapport au PIB par habitant au Canada, on s'aperçoit que le ratio est de 90 p. 100 et qu'il en est ainsi depuis 35 ans.
Il y a 35 ans, le débat souverainiste n'était pas encore à l'ordre du jour et il ne se tenait pas de référendum non plus. Alors, pourrait-on lui demander de raffiner ses analyses économiques? Je vous fais le message parce qu'il n'est pas ici. S'il avait été ici, je lui aurais dit moi-même de faire un peu moins d'analyses politiques et de maintenir la crédibilité de la Banque Royale, qui a été assez échaudée depuis 1992, depuis la publication d'une pseudo-analyse prédisant un scénario catastrophique advenant un non au référendum de Charlottetown: un million de Canadiens s'en iraient habiter les États-Unis, le PIB chuterait de 25 p. 100, etc. À un moment donné, la crédibilité de la Banque royale finit par en prendre un coup. Il en va de même pour vous qui êtes un représentant de la Banque Royale. C'est tout.
[Traduction]
Le président: Allez-y, madame Farrow.
Mme Maureen Farrow: Permettez-moi de répondre aux questions dans l'ordre.
• 0955
Lorsqu'on parle de la nécessité de continuer de s'appuyer sur
des hypothèses économiques conservatrices, je pense que les membres
du panel conviendraient tous que l'avantage, c'est que les
surprises ont alors tendance à être bonnes. Cela a également
rétabli la crédibilité, du côté tant des marchés financiers que des
Canadiens, car nous rations toujours la cible. Dans les années 80,
chaque budget, chaque initiative, tombait immanquablement à côté,
et ce n'est pas une façon de travailler. Dans le monde des
affaires, là encore on a tendance à avoir des cibles
conservatrices.
Les premières choses sur lesquelles nous insistons sont les hypothèses relatives au taux d'intérêt et à la croissance, car elles sont toujours très critiques.
En ce qui concerne la question la plus récente, soit le déficit, je pense que les membres du panel diraient que pour l'exercice financier en cours l'on pourrait se retrouver soit avec un petit surplus soit avec un petit déficit, soit n'importe où entre les deux. L'on ne sait pas ce qu'il y a vraiment dans les livres à l'heure actuelle, mais les chiffres les plus récents que nous ayons vus nous mènent à cette conclusion. Pourquoi le ministre des Finances n'en a-t-il pas parlé?
Je ne peux pas parler en son nom, mais je pense que cela s'inscrit dans la tradition de ne pas vouloir avoir de mauvaises surprises si vous avez annoncé que le pays va se retrouver dans une situation donnée. Je pense que lors du dépôt du prochain budget, sa crédibilité et celle du gouvernement s'assoiront sur le fait qu'il pourra dire: «On a réussi, voici pourquoi, alors félicitons-nous en et passons à l'étape suivante».
En ce qui concerne l'objectif, nous pourrions rester ici et en discuter ad nauseam. Tout au long des années 80, on s'assoyait et on n'en finissait pas de discuter de ce que devrait être le déficit, et je faisais partie de ces panels. On se disputait dans cette même salle au sujet du niveau à viser pour le ratio du déficit au PIB, etc. Nous savons tous que les choses iraient mieux si nous n'avions pas de dette. Nous ne serions pas ici aujourd'hui aux prises avec les problèmes que nous connaissons.
Je vous ai fait distribuer des graphiques, et vous pourrez y voir à quel rythme le ratio de la dette au PIB diminuera. Je pense qu'il faut tenir compte du montant global de la dette gouvernementale, paliers fédéral et provincial pris ensemble, ce qui figure au dernier graphique. Vous pouvez voir où nous en sommes à 100 p. 100, et vous pouvez voir ce qui se passera avec une croissance normale du PIB de 5 p. 100 par an, ce qui est vraiment sûr, un taux d'inflation de 2 ou de 2,5 p. 100, et une croissance de 2,5 p. 100, ce qui correspond plus ou moins à notre moyenne à long terme. C'est un beau chiffre rond. Vous pouvez voir que cela diminue et vous pourriez très bien vous dire que nous pourrions tout simplement nous asseoir et attendre que cela arrive.
Ce que je dis, c'est que je pense qu'il serait très utile d'examiner ce qu'ont fait d'autres gouvernements qui ont eux aussi connu des difficultés. Mais 40 p. 100 me semble être un bon pourcentage. Si nous remontions en arrière, nous pourrions très bien dire que notre préférence serait de retrouver un niveau de 20 p. 100. Mon message est le suivant: choisissons un pourcentage et comprenons bien pourquoi nous voulons l'atteindre. Je choisirai quant à moi 40 p. 100 d'ici dix ans pour l'ensemble du secteur public. Je veux parler là du ratio de la dette au PIB. Cela donnerait environ 30 p. 100 pour la partie fédérale et 10 p. 100 pour les provinces.
La raison est que la vague démographique des retraités commencera à frapper d'ici dix à 15 ans, et je pense que nous voudrions asseoir auparavant une position financière durable. En tant que pays, nous allons vouloir augmenter les dépenses ou modifier le mélange des dépenses au fur et à mesure que changera notre mélange démographique. C'est vraiment là le fondement de mon raisonnement.
Pourquoi est-ce que je parle du premier dividende? Je soulignerai que la série de dividendes devrait servir à la réduction de la dette. Je n'aime pas ce partage arbitraire 50-50. Il me semble que nous aurions dû en discuter davantage. Je pense que les dernières élections auraient dû tourner autour de toute la question de savoir quoi faire. L'étape suivante est critique, et j'espère que le Comité des finances s'en occupera.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu beaucoup de souffrances. Je félicite les Canadiens d'avoir assumé toute la souffrance qu'ils ont connue pour que le déficit puisse être ramené au niveau que l'on sait. Je pense que votre leadership est important, mais je pense que ce sont vraiment les Canadiens qui ont souffert. Il faudrait peut-être s'occuper de certaines questions d'équité, mais il faut prendre un très petit morceau et faire le nécessaire. Toute somme que vous dépensez... Et je suis de l'avis de Josh. Il y a peut-être tout un mélange de choses que nous devrions examiner. Mais si nous passons trop de temps à chercher le bon mélange—réduction de la dette, augmentation des dépenses et réforme fiscale—nous allons nous tromper. Nous aurons dépensé l'argent sur les mauvaises choses.
• 1000
C'est pourquoi j'en reviens au critère de compétitivité. Je
pense que l'éducation, les dépenses en matière de santé, etc. sont
tous des éléments constitutifs d'une société compétitive et d'un
pays compétitif et que ce sont d'importants postes de dépenses. Il
y a un certain nombre de problèmes d'équité qu'il nous faudra
résoudre dans les années à venir, mais ne nous plions pas en deux.
Le président: Merci beaucoup. La parole est maintenant à M. Wright.
M. Craig Wright: J'aurai une observation à faire. Je suis certain qu'on attend avec impatience vos observations aussi, John, mais j'aimerais apporter deux précisions.
Premièrement, ni John ni moi-même n'étions à la Banque Royale à l'époque de cette étude. Deuxièmement, du point de vue de l'autre institution financière, pour laquelle je travaillais à l'époque, je ne pense pas qu'il y aurait eu grand-chose à redire sur l'analyse économique qui y était incluse, ni sur le moment choisi pour la publier.
Le président: Merci, monsieur Wright. Monsieur Egelton.
M. Rick Egelton: J'aimerais revenir très brièvement sur la question de la compétitivité. Je pense qu'il s'agit là d'une question extrêmement importante.
L'expression «investissements stratégiques» me fait toujours un petit peu peur lorsque j'imagine des gouvernements en train d'effectuer des investissements stratégiques, car c'est ce que nous avons vécu de la fin des années 60 jusqu'à la fin des années 80, et cela s'est soldé par une augmentation énorme du fardeau de notre dette.
Je pense que dans l'ensemble la meilleure chose que puisse faire le gouvernement fédéral ou un quelconque autre gouvernement pour veiller à ce que notre économie soit compétitive est de faire en sorte que le taux de l'inflation reste bas, que notre régime fiscal soit bien en ordre afin que les gens d'affaires soient en mesure de planifier au lieu de craindre d'énormes dettes et des augmentations d'impôt, et d'imposer un régime fiscal qui soit compétitif, qui favorise l'esprit d'initiative parmi la population et qui rende celle-ci concurrentielle sur le plan international.
Certes, les dépenses au titre de l'éducation et la formation professionnelle... il ne s'agit pas de dépenser beaucoup, mais ces programmes sont essentiels pour avoir une main-d'oeuvre hautement productive. Reste à savoir s'il y a suffisamment de ressources dans ces domaines. Je ne pense pas que l'on puisse affirmer que ce soit le cas à l'heure actuelle.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Egelton.
Nous allons maintenant passer au parti au pouvoir. Allez-y, madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais poser une question d'ordre technique, puis une autre, un petit peu plus longue.
Je ne suis pas certaine de vous avoir bien compris. Recommandez-vous que les primes d'AE soient réduites le plus tôt possible, par exemple dès l'an prochain, sachant qu'une réduction de 25c. nous coûtera 1,7 milliard de dollars? Où ira-t-on selon vous chercher l'argent si c'est en fait ce que vous proposez pour contrecarrer l'augmentation du côté du RPC?
Deuxièmement, même si je n'ai aucun doute que nombre des déclarations que vous avez faites sont justes, j'essaie de les concilier avec ce que nous avons entendu d'un bout à l'autre du pays. Nous avons dans plusieurs endroits au pays entendu des personnes qui doivent se débrouiller avec 263 $ par mois, et que va-t-on leur dire? Qu'il leur faut être sur les premières lignes pour combattre la dette? Que nous allons être compétitifs sur le plan international? Que ce n'est pas grave qu'ils ne parviennent pas à nourrir leurs enfants?
Êtes-vous préoccupés par ce que vous voyez dans la rue à Toronto lorsque vous quittez vos bureaux tard le soir? Comment nous attaquer à ce genre de problème, sachant que tout ce que nous donnons à ces gens est dépensé et remis intégralement dans l'économie? Comment nous attaquer à ce genre de problème étant donné ce que vous avez dit au sujet des efforts accrus pour réduire la dette?
Le président: Qui aimerait répondre à ces questions? Monsieur Egelton, suivi par M. Mendelsohn.
M. Rick Egelton: En ce qui concerne le taux des primes d'AE, il serait extrêmement coûteux de compenser les augmentations du côté du RPC, et ce n'est peut-être pas faisable. Ce que je dis, c'est que si l'on parvient à dépasser nos objectifs financiers, c'est à ce domaine-là qu'il nous faudrait nous attaquer en premier. Peut-être que nous nous trouverons dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit, mais j'ose espérer que ce serait la première priorité, car je pense que cela a une très forte incidence.
D'autre part, vos observations au sujet de l'incidence de la pauvreté... et, en fait, le niveau d'emploi est à l'heure actuelle extrêmement élevé. J'estime que la meilleure façon d'améliorer le niveau d'emploi est d'avoir de saines politiques économiques. Je pense que si l'on parvient à contrôler le déficit et à maintenir les faibles taux d'intérêt que l'on connaît à l'heure actuelle, on sera en mesure de remettre de plus en plus de chômeurs au travail. Il me semble que c'est là notre meilleure chance pour améliorer le niveau de vie des Canadiens.
Merci.
Le président: Monsieur Mendelsohn.
M. Josh Mendelsohn: En ce qui concerne l'AE et les autres choses du genre, il est évident que cela est coûteux, et nous ne devrions intervenir que si nous en avons les moyens.
Je dois avouer que cela m'a quelque peu amusé lorsqu'on a reçu toutes ces plaintes de personnes qui nous disaient qu'on avait un énorme surplus au titre du programme d'assurance-emploi et qu'il serait bon de le réduire. Eh bien, la vérité est que c'est une fabrication de comptable. L'argent réel n'est pas là. En fait, on s'en sert pour réduire le déficit, et si l'on diminuait cela trop brusquement, l'on se retrouverait une nouvelle fois dans une situation déficitaire.
La question, donc, est de savoir si, quand et comment on peut le faire. Je pense néanmoins qu'il faut toujours garder à l'esprit, et ne jamais oublier, le fait que nous augmentons le fardeau fiscal automatiquement, en vertu et du non-ajustement des tranches d'imposition à l'inflation et, maintenant, des primes au RPC. Il nous faut donc nous en rappeler, et ce tout de suite.
En ce qui concerne l'AE, ce n'est pas tout simplement une question de primes. Il nous faut changer le programme afin qu'il corresponde bien à ce qui avait été prévu au départ: un régime d'assurance, qui intègre peut-être même le critère de l'expérience, destiné à améliorer la mobilité de la main-d'oeuvre à l'échelle du pays.
L'on pourrait discuter de toutes sortes d'autres questions, y compris les transferts interprovinciaux et autres.
En ce qui concerne l'autre question que vous avez soulevée, soit la pauvreté, je ne pense pas que quiconque, en quittant son bureau ou en se rendant n'importe où, ne voit pas ce qui se passe. Si la pauvreté existe, c'est en partie dû au fait que nous avons mal géré l'économie par le passé. Nous avons dépensé de l'argent pour des choses qui ne produisaient pas la croissance et le rendement qui auraient créé le genre d'emplois... Et parce que l'argent a été dépensé pour les mauvaises choses, on n'en avait plus assez pour les bonnes choses.
Je me souviens que lorsqu'on s'est vraiment attaqué au problème du déficit, j'étais à Vancouver pour une émission-débat à la radio. Une personne handicapée a téléphoné. Ce monsieur était très préoccupé par le sort qui allait être réservé à ses prestations par suite de l'adoption du programme. La réponse est vraiment la suivante: si nous faisons bien notre travail, il devrait y avoir plutôt plus que moins d'argent pour ce genre de personnes.
Par conséquent, pour ce qui est des personnes qui ne peuvent pas se débrouiller par elles-mêmes, si nous nous y prenons bien, il devrait en fait y avoir davantage d'argent à redistribuer. Et si l'on s'y prend bien et si l'on parvient à relancer l'économie, on aura un plus gros gâteau à redistribuer à ces personnes qui ont besoin d'aide, et qui le méritent, au lieu de tout simplement dépenser de l'argent pour toutes sortes de questions d'intérêt particulier.
Mme Paddy Torsney: Madame Farrow, vouliez-vous dire quelque chose?
Mme Maureen Farrow: Eh bien, je suis d'accord avec Josh. La question est vraiment celle du fardeau fiscal total. Qu'il s'agisse de l'assurance-chômage, du Régime de pensions du Canada ou de la totalité des impôts personnels ou de sociétés, c'est le tout qu'il faut examiner. J'insiste vraiment là-dessus, car cela ne suffit pas de faire du rafistolage.
En ce qui concerne la question des 263 $, j'ai commencé par dire que ce sont les Canadiens qui ont souffert. Mais je ne pense pas que l'on puisse se retourner et dire: «Nous avons réussi à mater le déficit, alors tout va bien maintenant». Et je ne pense pas non plus que la solution soit tout simplement de distribuer de l'argent de-ci de-là. Je pense qu'il faut profiter de l'occasion pour amener l'économie à se rebâtir. Et j'aimerais appuyer ce que vient de dire Josh: à condition de ne pas mal gérer le programme, vous aurez au bout du compte davantage à distribuer à bon escient.
Mais c'est à vous, les politiques, qu'il revient d'agir. Vous vous trouvez confrontés à un problème qui va demander un peu plus de temps. Il ne s'agit pas d'offrir aux gens des récompenses instantanées.
Le président: Merci beaucoup, madame Farrow.
Nous allons maintenant passer à l'intervenant suivant, M. David Iftody.
M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, monsieur le président. Et merci aux témoins pour leurs exposés.
À Toronto, nous avons entendu un certain Mullins. Il a évoqué plusieurs modèles et théories relativement au remboursement de la dette et les initiatives gouvernementales qui seraient selon lui les plus opportunes en la matière. Il a déclaré qu'au lieu d'examiner la dette en fonction du montant total de la réduction à viser, il vaudrait mieux se pencher sur les taux d'intérêt ou sur le montant versé au titre des intérêts, ce qui permettrait de fixer des objectifs plus réalistes.
Il est intéressant de constater que d'après les tableaux fournis par Mme Farrow, le plus bas niveau d'endettement du pays a été enregistré dans l'après-guerre, entre 1975 et 1980: le ratio était alors d'environ 20 à 25 p. 100. Cela laisse entendre que notre vulnérabilité en ce qui concerne des influences extérieures—MM. Wright et Egelton ont je pense tous les deux fait état de cela —aurait été moindre.
• 1010
Or, ce qui s'est passé, lorsqu'on voit cette augmentation
spectaculaire, que l'on a constatée à peu près en même temps—en
1975, bien sûr—dans les autres pays du G-7, c'est que la crise du
pétrole a augmenté l'endettement des gouvernements partout dans le
monde. Parallèlement à cela, et quelques années plus tard
seulement, les taux d'intérêt ont augmenté de façon dramatique pour
atteindre presque 20 p. 100, ce à une époque où la dette du pays
était à son plus bas.
Lorsqu'on parle donc de réduire notre dette et de l'incidence des taux d'intérêt, comment expliquez-vous cette apparente disparité, et quels conseils pouvez-vous donner au comité? J'aimerais savoir comment vous expliquez ce qui s'est passé, dans le contexte de ces deux importantes variables, soit la crise du pétrole et l'augmentation subséquente des taux d'intérêt alors que notre dette était d'environ 20 p. 100, soit un niveau que nous aimerions bien connaître à l'heure actuelle.
Je demanderais à Mme Farrow, à M. Mendelsohn et aux autres membres du panel de bien vouloir m'expliquer cela.
M. Josh Mendelsohn: Permettez-moi de réagir rapidement. Tout d'abord, nous ne sommes pas en train de nous leurrer et de dire que le Canada est à l'abri des mouvements de capitaux internationaux ou de l'évolution des marchés financiers internationaux. Ce qui s'est passé dans les années 70 était en fait une réaction à l'incidence inflationniste de l'initiative des pays membres de l'OPEP. D'autre part, à l'époque, il y avait également, jusqu'à un certain point, synchronisation de notre économie avec le rendement économique de nombreux autres pays. L'on a ainsi connu une situation où les taux d'intérêt ont été rehaussés pour des fins anti-inflationnistes face à l'incertitude qui planait dans le monde.
Le problème est que nous avions à l'époque un ratio d'endettement de 20 p. 100. Songez à ce qu'auraient été nos frais d'intérêt si notre ratio d'endettement avait été de 75 p. 100 à l'époque. Et c'est vraiment cela que nous disons.
J'étais présent à la réunion avec M. Mullins, et je ne pense pas que l'on puisse vraiment cerner les dépenses au titre de l'intérêt. En fait, il s'agit là d'un de ces éléments que vous pouvez dans une certaine mesure contrôler en contrôlant ou en gérant l'échelonnement et la structure de votre dette, entre le court et le long terme.
C'est ce que s'efforce de faire à l'heure actuelle le gouvernement, ayant opté pour la branche plus longue de la courbe de rendement, afin de se mettre davantage à l'abri de toute volatilité à court terme. En fait, notre exposition sur le plan intérêts est passée d'environ 1,8 milliard de dollars pour chaque point de base à près de 1 milliard de dollars. C'est une façon d'assurer une certaine protection.
L'autre façon est d'avoir un plus bas ratio d'endettement, car on ne peut pas empêcher les taux d'intérêt d'aller où ils iront, exception faite de certains petits rajustements. En gros, nos taux refléteront les taux mondiaux et, logiquement, les taux américains. Mais si notre ratio d'endettement demeure bas, cela signifie que les coûts d'intérêt totaux seront inférieurs advenant une hausse des taux. En maintenant un faible ratio d'endettement, cela nous permet également de maintenir des écarts négatifs comparativement aux États-Unis et peut-être même de mieux nous positionner pour l'avenir.
Au bout du compte, donc, je ne pense pas que les dépenses d'intérêt elles-mêmes puissent être explicitement contrôlées, car cela est fonction du taux du marché. Nous pouvons néanmoins contrôler notre exposition en contrôlant le fardeau de la dette. Je pense que c'est de cet angle-là que j'aborderais la question.
Le président: Merci, monsieur Mendelsohn. Madame Farrow.
Mme Maureen Farrow: J'aimerais me faire l'écho de ce que vient de dire Josh. Je suis d'accord avec lui à 100 p. 100.
Je pense qu'il y a encore autre chose qui ressort de ce tableau que vous avez examiné. À partir de la fin des années 60, le Canada a lancé un certain nombre de programmes fort importants dans le domaine des soins de santé, et quantité d'autres programmes ont été mis en place. L'on a également instauré un mécanisme d'indexation qui a lui aussi contribué à augmenter nos dépenses. C'est lorsque nos revenus ont pris du retard par rapport à nos dépenses que l'on a commencé à accumuler ce déficit.
Le déficit n'était donc pas le produit des seuls coûts d'intérêts. Il est également né de notre décision très claire de lancer un certain nombre de programmes et de consentir certaines dépenses, et ce selon des orientations bien précises. Nous pensions pouvoir le faire au vu de notre très bonne situation financière d'alors.
L'un des messages que je tiens à vous communiquer ici aujourd'hui est le suivant: réfléchissons avant de dépenser quelque surplus que ce soit, car nous ne voulons pas répéter les erreurs passées. D'autre part, il importe de réfléchir sérieusement aux changements démographiques que va connaître notre société.
Le président: Merci, madame Farrow. Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse aux quatre témoins.
On nous a proposé trois types d'objectifs à long terme. On a entendu parler du ratio de la dette au PIB, que ce soit la dette fédérale ou bien les dettes fédérale et provinciales combinées. On nous a également parlé, à titre d'objectif, de l'obtention de la notation triple-A. Certains intervenants ont également parlé de ramener le coût du service de la dette fédérale à environ 14 p. 100 des revenus.
Cela m'intéresserait beaucoup de connaître les mérites relatifs de ces trois suggestions.
Le président: Qui aimerait commencer? Monsieur Egelton.
M. Rick Egelton: Malheureusement, les ratios optimaux de la dette au PIB sont sans doute un sujet—parmi beaucoup d'autres—sur lequel la science économique n'a pas grand-chose à dire. Le seuil optimal serait-il les 40 p. 100 que d'autres ont recommandé, ou bien 20 ou 25 p. 100?
Je pense que ce qui est clair, c'est ceci: à l'heure actuelle, le ratio est beaucoup trop élevé. Nous voulons le réduire le plus rapidement possible. Comme cible intermédiaire, comme premier pas, il faudrait selon moi au moins tenter de le ramener au niveau enregistré par d'autres pays industrialisés bien cotés. Cela voudrait dire réduire de près de 20 p. 100 l'actuel ratio de la dette fédérale. Si cela était réalisé, nous récupérerions vraisemblablement notre cote triple-A.
Si l'on s'alignait sur le ratio moyen de la dette au PIB des autres pays solvables dans le monde, ces deux objectifs seraient sans doute réalisés: l'on récupérerait notre cote de crédit triple-A et l'on atteindrait la cible.
Quoi faire ensuite? Voudriez-vous réduire encore davantage ce ratio pour bénéficier d'un avantage concurrentiel et d'un coussin supplémentaire? Oui, sans doute. Je pense que certaines des suggestions faites par Josh sont tout à fait raisonnables.
Mais vu qu'on en est pour l'instant très loin, que les autres pays industrialisés qui ont des cotes triple-A... à mon sens, ce serait là un bon premier pas vers la réalisation de notre objectif à long terme en matière de ratio de la dette au PIB. Il me semble que cela ne devrait pas nous demander trop de temps d'y parvenir.
Le président: Merci, monsieur Egelton. Monsieur Wright.
M. Craig Wright: Mon point de vue est très semblable à celui de Rick. En ce qui concerne les trois objectifs que vous avez mentionnés, les deux premiers iraient sans doute de pair pour ramener à un niveau plus raisonnable le ratio de la dette au PIB, et leur réalisation nous rendrait sans doute notre cote triple-A.
Comme l'a souligné Rick, la théorie économique n'offre pas grand-chose là-dessus, mais vous pouvez vous appuyer sur plusieurs considérations, dont l'aspect concurrentiel. Le coût élevé du service de la dette, sur lequel nous n'exerçons pas beaucoup de contrôle, comme l'a fait ressortir Josh, a bel et bien tendance à creuser un fossé entre les revenus et les dépenses. Je dirais, tout comme Rick, qu'un objectif serait de nous aligner davantage sur le ratio enregistré par nos partenaires commerciaux, et plus particulièrement les États-Unis.
Le président: Monsieur Mendelsohn.
M. Josh Mendelsohn: Comme, j'imagine, l'auteur de la cible triple-A... il y a une raison fort simple de fixer un tel objectif. Il vous faut un repère, une cible à viser. Que ce soit la cote triple-A ou bien que vous choisissiez un autre repère qu'on jugerait rationnel, c'est vraiment là la motivation. Il n'y a rien d'autre que cela.
Au lieu de dire qu'on va suivre une tendance vers la baisse—dans quoi, quand et de combien?—on dit qu'on veut la cote triple-A d'ici la fin du siècle. Cela vous donne, comme je le disais, un repère, tout comme votre repère pour le long terme, c'est ce dont vous aurez besoin pour survivre avec le grossissement des rangs des retraités. Cela va de concert avec la réduction générale de la dette.
Comme je l'ai déjà souligné, et comme l'ont fait d'autres, en ce qui concerne le coût du service de la dette, pour moi c'est accessoire.
Mme Maureen Farrow: J'épouse tout à fait ce que Josh vient de dire.
Le président: C'était une réponse fort concise.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président. Je serai bref, car je sais que le président a un horaire à suivre.
Madame Farrow, vous avez parlé du fait que les États-Unis entreprennent une nouvelle ronde de réformes fiscales et de la nécessité pour nous de ramener le fardeau fiscal total de 36,6 à 32 p. 100 du PIB. Vous avez évoqué les années 80, expliquant qu'on a manqué la cible à l'époque. Pourriez-vous nous donner un échéancier? De combien de temps disposons-nous pour résoudre le problème du fardeau fiscal?
Deuxièmement, quelles seraient certaines des priorités? Vous avez parlé du fardeau fiscal global. Vous pourriez-peut-être nous donner une idée de ce à quoi nous devrions nous attaquer en premier pour réduire ce fardeau fiscal. Voilà donc une autre question.
Enfin, monsieur Mendelsohn, vous avez parlé de la nécessité d'examiner les fardeaux fiscal et de réglementation et, quelle que soit la politique, de mettre en place un système qui permette d'évaluer l'efficacité des changements que nous apportons. Je conviens qu'il s'agit là d'un bon conseil. Pourriez-vous nous préciser certaines initiatives que le comité pourrait envisager et qui contribueraient elles-mêmes à la compétitivité et au climat nécessaires pour relancer notre économie?
• 1020
Mme Farrow pourrait peut-être commencer.
Mme Maureen Farrow: Je reviendrai à ce que j'appellerais une réforme fiscal exhaustive. Ce qu'il nous faut vraiment faire c'est entreprendre cela tout de suite, et cela doit faire l'objet d'une discussion entre les pouvoirs fédéraux et provinciaux. Cela est important, car dans les années 80, on a divisé la réforme fiscale en deux blocs. Les provinces, bien sûr, ont choisi le chemin du milieu et ont pris la fenêtre ou l'ouverture qu'on avait préparée au niveau fédéral.
Je souligne cela car je pense qu'il importe d'y réfléchir davantage. Il faut du temps, premièrement pour comprendre ce que vous voulez faire avec l'ensemble du régime fiscal, c'est-à-dire l'ensemble des critères en matière de concurrence que vous voulez mettre en place pour la décennie à venir. Il ne s'agit pas d'entreprendre chaque année une nouvelle réforme fiscale. On peut jouer avec la marge d'une année sur l'autre, mais il nous faut vraiment réfléchir à ce à quoi cela devrait ressembler pour la décennie à venir et faire porter la discussion là-dessus.
Il importe de veiller à ce que nous comprenions bien ce que nous faisons et à ce que nous examinions la situation en nous comparant à nos partenaires commerciaux. Il ne faudrait pas se limiter à un examen des taux d'imposition des particuliers, des taux d'imposition des sociétés ou de l'impôt sur les gains en capital. Il faut envisager le régime en tenant compte du RPC ainsi que du volet emploi.
Une fois qu'on aura décidé ce qui serait bon pour le Canada et où cela s'insère et une fois qu'on aura compris ce que l'on perdra du côté concurrentiel ainsi que ce qu'on gagnera, on pourra alors élaborer d'autres politiques qui s'inscrivent dans le tout, afin d'être certains de rehausser notre capacité concurrentielle au lieu de lui nuire. Il s'agit là d'un exercice qui nous demandera vraisemblablement au moins deux ans. Nous devrions alors être prêts, à la veille de la nouvelle décennie, à mettre notre projet à exécution.
Voilà donc ce que j'envisagerais, et non pas tout simplement un petit exercice de rafistolage. Nous sommes très doués pour dire qu'on va se contenter de faire un petit quelque chose par-ci ou par-là.
De temps à autre, c'est ce qu'il faut faire pour résoudre les problèmes d'équité. Comme l'a dit votre collègue, il y a des gens auxquels nous devons venir en aide. Nous ne devons pas être une société sans compassion. Aucun membre du panel ici réuni ne voudrait, je pense, que notre société soit sans compassion, mais il faut qu'il y ait un équilibre, et il nous faut comprendre ce que nous faisons et pourquoi.
Nous sommes vraiment à un carrefour—je le répète ici encore—et je pense que des occasions merveilleuses sont juste là devant nous. Nous n'avons pas vu de telles possibilités depuis 15 ans.
M. Tony Valeri: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Valeri. Merci, madame Farrow.
Monsieur Mendelsohn.
M. Josh Mendelsohn: Il reste encore une question en suspens. J'espère l'avoir bien comprise, mais si ce n'est pas le cas, interrompez-moi. En ce qui concerne la façon d'aborder le problème —et prenons le régime fiscal comme un repère parmi d'autres—l'on peut passer en revue toute la structure du régime fiscal, et examiner ce que fait, par exemple, chaque mesure fiscale sur le plan redistribution de revenu par opposition à la création d'incitatifs pour l'esprit d'entreprise, pour la prise de risques, pour la croissance, ou autre.
Il vous faut alors aborder la chose, malheureusement ou heureusement selon le cas,—et, messieurs dames, c'est vous qui devrez vous en occuper—dans le contexte des priorités du gouvernement, en soupesant taux de redistribution et taux de croissance. Vous pouvez hiérarchiser les différents éléments, et ce dans le contexte des programmes de dépenses, etc.
Pour ce qui est de mesures précises, l'éducation et la santé ont été relevées, et il est évident que ces deux secteurs ont contribué et continueront de contribuer au rendement du Canada. Je ne pense cependant pas que la question se limite à tout simplement dépenser davantage d'argent. Je pense qu'il nous faut décortiquer le système, faire le tri entre ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas. Cela peut être fait du point de vue de l'efficience. Notre système de soins de santé est une chose dont nous pouvons être fiers, en dépit de certains manquements qui existent mais qui résultent des coupures qui ont été effectuées. Cela étant dit, notre système de soins de santé est, à une exception près, le plus coûteux de tout le monde industrialisé.
Passons maintenant à notre système d'éducation. Les chiffres que j'ai vus montrent que nos dépenses à ce titre par tête d'habitant nous placent au premier ou au deuxième rang. Or, tous les rapports que vous pouvez lire disent que les résultats obtenus ne sont pas proportionnels. Pourquoi? Parce que les repères, les cibles ne sont pas les bons.
Quelles devraient être les cibles? Une fois les cibles choisies il faut restructurer et financer le système en conséquence, et il faut faire de même avec le processus de réglementation. Nous avons des règlements, nous avons des limites qui sont imposées aux différents secteurs de l'économie mais qui ne correspondent pas forcément avec ce qui se passe ailleurs dans le monde.
• 1025
Nous sommes en train de vivre—et en tant que banquier,
j'imagine qu'il me faut soulever cela—une réforme de l'industrie
des services financiers, et de la documentation produite par nous
et par d'autres fera ressortir certains des problèmes qu'il nous
faudra régler si nous voulons maintenir dans ce pays un secteur
financier solide, énergique et productif. Voilà ce qui se passe, et
je ne le nierai pas. Chez nous, on a élaboré ce concept de cadre...
en tout cas la façon d'aborder les choses. Nous nous efforçons
d'élaborer des critères précis pour la façon de procéder.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, messieurs Valeri et Mendelsohn.
J'aurais une question pour Mme Farrow. Vous avez dit qu'il faudrait repenser le partage 50-50. L'avez-vous repensé?
Mme Maureen Farrow: Oui.
Le président: Et quelle serait votre formule de partage?
Mme Maureen Farrow: Au départ, il faudrait presque la totalité pour rembourser la dette. Je ne pense pas être en mesure de répondre relativement à l'aspect impôts, car je ne pense pas que l'on y ait réfléchi suffisamment pour pouvoir faire les réformes. Je pense qu'il nous faut faire cela, puis passer à l'étape suivante. Il nous faut savoir si c'est de la croissance ou de la redistribution, quel est le mélange, etc.
Je m'occuperais d'une petite partie des problèmes d'équité. Je pense qu'il conviendrait de revoir certaines des questions en matière d'équité, mais ce ne serait qu'un très petit pourcentage. Voilà ce que je ferais pour commencer.
Le président: Pourriez-vous étoffer un peu votre explication? Qu'entendez-vous par question d'équité?
Mme Maureen Farrow: Je veux parler des personnes qui doivent se débrouiller avec 263 $ par mois, des familles avec enfants qui vivent dans la pauvreté. La pauvreté chez les enfants est une honte dans ce pays.
Il existe donc quelques questions très critiques. Vous pourriez également arguer que la pauvreté chez les enfants, dans le cadre de notre système d'éducation, doit faire l'objet d'un investissement à long terme en vue de procurer un avantage concurrentiel à long terme. C'est à ce genre de choses que je songe, mais je pense qu'il faut être prudent. Il ne s'agit pas de se dire que tout d'un coup on a de l'argent et qu'il faut courir après ceci ou cela. Il faut commencer par s'occuper de la dette, et c'est ce que veulent les Canadiens. Les Canadiens veulent savoir qu'on a un objectif et qu'on va se concentrer sur ce problème fort grave, parce que nous avons maintenant, avec la croissance que connaît notre économie, les moyens de le faire.
Mais les Canadiens reconnaissent également qu'il y a certains secteurs de la société pour lesquels la souffrance... comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, les Canadiens ont payé très cher. Ils l'ont fait plutôt de bon coeur et nous devrions les en féliciter. Il nous faut néanmoins franchir le pas suivant, sans quoi tout ce que nous avons gagné sera perdu, balayé, auquel cas je pense que tous les Canadiens seraient très fâchés.
Le président: Pour ce qui est de la question de la compétitivité, de nombreuses études que j'ai lues disent que l'infrastructure est un élément important de toute société concurrentielle. Si un pays n'a pas les bons aéroports et les bonnes routes pour distribuer ses produits, il lui sera difficile a) d'accroître sa productivité et b) d'instaurer le genre de capacité concurrentielle dont vous avez parlé. Or, j'ai l'impression en vous écoutant... Je sais que l'éclairage dans le parc n'était qu'un exemple.
Mme Maureen Farrow: En effet, c'était juste un exemple.
Le président: Il est parfois dangereux de se promener dans le noir.
Qu'en dites-vous?
Mme Maureen Farrow: L'existence d'une infrastructure compétitive est critique pour la capacité concurrentielle à long terme d'un pays, mais à l'époque où nous vivons, je pense qu'il importe de se demander ce qu'est une infrastructure compétitive. Cela ne se limite pas à des briques et à du mortier; cela englobe l'éducation, la santé, la formation et les communications. En cette deuxième moitié des années 90, il y a beaucoup d'éléments que nous insérerions sous la rubrique infrastructure. Je pense qu'il nous faut redéfinir ce qu'est l'infrastructure. Les gouvernements songeront surtout aux aéroports et aux routes, et il est vrai que nous en avons besoin, mais je pense qu'il existe d'autres moyens de s'en doter, et je songe ici au financement de la construction de ces ressources au moyen de frais d'utilisation.
J'ai toujours pensé, en parcourant le pays, que nous sommes plutôt bien fournis en infrastructure du genre briques et mortier et qu'en fait il nous faudrait maintenant nous occuper de certains des autres investissements dans l'infrastructure que nous devrions consentir, en comprenant bien ce que nous espérons en tirer.
• 1030
Encore une fois, je suis de l'avis de Josh. Je dirais que la
plus grosse pierre d'achoppement, c'est l'éducation. Nous avons
dépensé beaucoup d'argent sur l'éducation mais les résultats ne
sont pas là. C'est une question d'orientation et de normes, et je
pense que le pendule est en train de repartir dans l'autre sens.
Le président: Merci.
Une dernière question, monsieur Harris.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.
Madame Farrow, que diriez-vous de la suggestion suivante? Je conviens avec vous qu'il nous faut nous attaquer à la dette, mais au lieu d'un partage 50-50, que diriez-vous si l'on appliquait la totalité du surplus à la dette, pour ensuite verser à nos programmes sociaux ce qu'on aurait économisé en réduisant le coût du service de la dette? Cela représenterait bien moins que 50 p. 100 de nos surplus, mais cela donnerait au moins au gouvernement une certaine marge de manoeuvre pour assouvir son désir secret de commencer à dépenser un peu plus d'argent.
Mme Maureen Farrow: J'aimerais vous citer au sujet de ce «désir secret de dépenser davantage d'argent». Je pense que le moment est venu de donner un avertissement à tous les politiques quant à ce désir secret de dépenser de l'argent. Je ne pense pas que ce soit une recette pour recueillir davantage de votes, et je ne pense pas non plus que ce soit la façon de bâtir un Canada concurrentiel pour l'avenir.
Vous voudrez peut-être réaliser certaines des choses dont on a parlé, mais ne perdez pas de vue les objectifs en matière de réduction de la dette. Dites très clairement ce qu'ils devraient être, de façon que nous le sachions et que nous puissions commencer à réfléchir aux compromis. Le secteur privé peut participer aux compromis. Il va bénéficier des plus bas taux d'intérêt, alors il y aura là un mécanisme de création d'emplois. Ne faites pas du simple rafistolage et ne cédez pas à ces désirs secrets de dépenser.
Le président: Merci de vos observations.
J'aimerais, au nom de tous les membres du comité, remercier le panel. Cette séance a été très instructive. Je pense que le message relativement à la réduction de la dette a été entendu haut et fort, tout comme votre conviction qu'une société concurrentielle n'est pas une fin en soi, mais un moyen de veiller à ce que... Société compétitive et société généreuse ne s'excluent pas mutuellement. Les deux peuvent aller de pair. Je pense que c'est là le message que nous retenons de cet entretien avec vous. Merci beaucoup.
Je vais maintenant suspendre la séance et nous reprendrons dans cinq minutes.
Le président: J'aimerais rouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à tous pour cette deuxième table ronde de la matinée.
Je veux vous présenter les participants. Du Bureau d'assurance du Canada, nous avons George Anderson, président, et Paul Kovacs, économiste en chef. De la Compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada, Don McIver, économiste en chef; et du Conseil canadien des chefs d'entreprise, Thomas d'Aquino, président-directeur général.
Bienvenue, messieurs. Comme vous le savez, notre comité a sillonné le pays et est maintenant de retour à Ottawa pour entendre le point de vue de personnalités telles que vous sur le dividende financier et les défis et les choix qui nous confrontent en cette ère économique nouvelle.
J'aimerais également attirer l'attention des téléspectateurs sur le fait que nous avons posé à nos invités trois questions: premièrement, quelles hypothèses économiques, y compris le facteur de prudence, faudrait-il retenir pour les années 1998 et 1999, dans le cadre de la planification du budget de 1998? Deuxièmement, quels nouveaux investissements stratégiques et quelles modifications du régime fiscal permettraient-ils le mieux au gouvernement de réaliser ses objectifs? Troisièmement, quelle est la meilleure façon pour le gouvernement d'assurer que la nouvelle économie offre à tous les Canadiens un vaste éventail d'emplois? Les sujets abordés devraient englober la façon dont le gouvernement peut le mieux aider les Canadiens à acquérir les connaissances et les compétences requises pour réussir dans l'économie fondée sur le savoir et comment le gouvernement peut promouvoir l'application du savoir à l'échelle de toute l'économie.
Voilà donc le cadre de nos délibérations, et nous allons commencer avec une intervention de George Anderson et Paul Kovacs.
Vous avez la parole, messieurs.
M. George Anderson (président, Bureau d'assurance du Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Nous vous sommes reconnaissants de votre invitation à comparaître aujourd'hui et sommes heureux de cette occasion de prendre part à ce qui est un débat très important. Les progrès réalisés au cours des quatre dernières années sur le plan de l'assainissement de nos finances sont réellement remarquables. Comme je le disais à mes collègues hier soir, je me demande combien d'entre nous, il y a quatre ans, auraient réellement pensé que nous en serions aujourd'hui là où nous sommes. C'est une réalisation tout à fait remarquable pour notre pays. Il convient d'en féliciter le gouvernement. Notre message aujourd'hui est celui-ci: continuons dans cette voie et finissons le travail.
• 1045
Comme nous le savons tous, notre bonne santé financière offre
quantité d'avantages et les intervenants précédents en ont recensé
quelques-uns. L'un d'entre eux est que nous avons le luxe de
débattre de l'utilisation du dividende financier, même si ce
dernier sera relativement faible à court terme. Je pense que c'est
un débat extrêmement sain et, comme d'autres l'ont souligné,
extrêmement important. Nous sommes à une croisée des chemins dans
notre histoire.
Je pense que tout le monde a conscience des multiples avantages qu'il y a à réduire la dette. Premièrement, il y a toutes les inévitables comparaisons internationales, qui montrent que le ratio de notre dette totale au PIB est trop élevé selon les normes internationales. En effet, si l'on combine l'endettement du gouvernement fédéral et celui des provinces, le total est beaucoup trop élevé.
Deuxièmement, si nous ne réduisons pas la dette, nous risquons une pénurie de ressources. Avec une dette élevée, si notre croissance économique s'enraye, le gouvernement aura à absorber des frais d'intérêt accrus, de même que des dépenses sociales plus élevées. Nous estimons donc que la réduction de la dette doit être un objectif important une fois que le dividende financier se sera matérialisé.
Nous pensons également que les Canadiens ont accepté des réductions de dépenses et d'importantes majorations d'impôt au cours des dernières années afin de prévenir ce qu'ils considéraient être, et je pense à juste titre, une crise nationale. Il est donc parfaitement raisonnable pour eux de s'attendre à un réinvestissement direct et visible du dividende financier, surtout si l'économie continue sur sa lancée actuelle. Après tout, les dépenses fédérales en pourcentage du PIB devraient tomber l'année prochaine au niveau le plus bas jamais enregistré depuis 1949. Il est donc incontestable que le gouvernement, depuis quelques années, ponctionne considérablement moins l'économie.
Dans notre mémoire, nous nous prononçons en faveur d'une approche équilibrée privilégiant des dépenses de programmes sélectives et des coupures d'impôt circonscrites—et je souligne les mots «sélectives» et «circonscrites»—tout en conservant la flexibilité voulue pour réduire de façon plus agressive la dette si les circonstances le justifient. Les thèmes prédominants de nos propositions en matière de réduction d'impôt et d'augmentation des dépenses sont la création d'emplois, l'amélioration de notre compétitivité et, surtout, l'aide aux plus démunis.
Tout à l'heure, M. Kovacs pourra vous donner davantage de précisions à ce sujet, mais pour l'instant, monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais, comme l'année dernière, attirer l'attention sur l'environnement et le risque que des désastres naturels survenant dans notre pays exercent un effet dévastateur sur notre progrès financier.
Nous avons fait état ici, l'année dernière, du caractère inévitable d'un tremblement de terre de grande amplitude sur le littoral de Colombie-Britannique et peut-être au Québec. Le coût d'une telle secousse en Colombie-Britannique pourrait atteindre 30 milliards de dollars. C'est un chiffre admis non seulement dans le secteur de l'assurance, mais aussi dans les milieux gouvernementaux.
La plus grande partie de cette perte n'est pas assurée. Le pays est loin d'être suffisamment préparé à une telle catastrophe. Nous avons demandé à votre comité l'année dernière de nous aider à convaincre le gouvernement de prendre des mesures. Je suis ravi de pouvoir dire que votre comité et le gouvernement ont réagi de manière positive. De concert, nous avons pu réaliser des progrès dans ce domaine au cours de l'année dernière. Avec votre soutien, nous espérons voir d'autres progrès encore dans le prochain budget.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos efforts. Permettez-moi de rappeler à l'intention des nouveaux membres du comité ce que le rapport du comité a recommandé à cet égard l'année dernière:
-
Le comité recommande que le gouvernement collabore avec le secteur
de l'assurance pour assurer que les Canadiens soient protégés
financièrement contre un tremblement de terre de grande ampleur. En
particulier, il conviendrait d'autoriser l'accumulation de primes
d'assurance dans des fonds exonérés d'impôt jusqu'à un niveau tel
qu'elles puissent couvrir les pertes éventuelles.
Nous espérons que vous jugerez bon aujourd'hui et dans votre rapport subséquent de réitérer cette recommandation au gouvernement.
Nous pensons également qu'il est temps de regarder au-delà de la menace d'un tremblement de terre, bien que celle-ci représente le risque de catastrophe naturelle le plus pressant dans ce pays, et de commencer à travailler à des programmes offrant une plus grande sécurité aux Canadiens confrontés à une marée croissante de désastres naturels, dont la plupart infligeront un coût énorme au gouvernement fédéral.
• 1050
C'est un phénomène pancanadien et mondial. Ici, au Canada,
nous avons échappé jusqu'à présent au pire. Nous n'avons pas connu
de Kobe ni d'ouragan Andrew—pas encore. Pourtant, nous vivons dans
un pays qui est de plus en plus exposé à la perspective d'un
désastre naturel majeur.
Si vous parcourez la carte du pays, vous devez envisager la possibilité de tremblements de terre de grande ampleur sur le littoral continental de la Colombie-Britannique et, au Québec, sur l'axe Ottawa-Montréal-Québec; vous devez envisager des chutes de grêle et des tornades dans les Prairies. Nous gardons tous évidemment en mémoire les inondations de la Red River au printemps dernier. Qui peut oublier la dévastation au Saguenay il y a juste deux ans? Et aussi les inondations au Nouveau-Brunswick et la perspective d'ouragans ravageurs sur la côte Est et à Terre-Neuve?
Nous pensons donc que c'est un problème national. C'est un problème qui ira s'amplifiant dans les années à venir. Nous avons besoin d'une impulsion du gouvernement national à cet égard. Pour cela, nous recommandons dans notre mémoire une série de mesures destinées à édifier des collectivités plus sûres au Canada, à établir des partenariats pour la sécurité avec toutes les parties intéressées—nous avons vu maints exemples d'imprévoyance, même lorsqu'il s'agit de déblayer les rues de Vancouver lorsqu'il tombe quatre pouces de neige là-bas—et à sensibiliser le consommateur. Nous pensons que l'information du public et l'action communautaire sont les moyens les plus efficaces pour minimiser les pertes humaines et matérielles.
Le secteur de l'assurance multirisque a récemment créé un institut pour la réduction des pertes catastrophiques au Canada. Nous invitons le gouvernement à nous rejoindre dans cette entreprise, une entreprise dans laquelle les Canadiens d'une côte à l'autre peuvent se rassembler et s'entraider.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson.
Nous allons passer au représentant de la Compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada, Don McIver. Bienvenue.
M. Don McIver (économiste en chef, Compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada): Merci beaucoup.
Comme tant de mes collègues, j'aimerais tout d'abord saluer la réussite du gouvernement sur le plan de l'équilibrage du budget. J'aimerais consacrer mon temps de parole à un thème unique. Je sais que le président nous a posé plusieurs questions, et je suis sûr que nous aurons l'occasion de les aborder pendant la période des questions, mais j'aimerais commencer par parler de ce qui nous a permis d'améliorer si considérablement la situation financière et de ce qu'il conviendrait de faire à l'avenir.
La réalisation de l'équilibre budgétaire a été facilitée, considérablement à mon avis, par l'annonce d'objectifs fixes pour le ratio déficit-PIB. Lorsque le ministre des Finances a adopté cette démarche, il a, à toutes fins pratiques, tracé une ligne dans le sable et mis dans la balance sa crédibilité personnelle et celle de son ministère. Lui-même et ses fonctionnaires ont oeuvré avec diligence et parlé avec conviction pour assurer que les résultats dépassent régulièrement les attentes.
C'est précisément parce que cette démarche s'est avérée si efficace qu'il y a lieu de s'inquiéter du vide apparent qui semble maintenant caractériser la stratégie financière du gouvernement. Le dividende financier virtuel est mal défini et sa répartition projetée entre objectifs concurrents a été arbitrairement décidée. Les Canadiens et le marché international sont privés de repères clairs qui permettraient de mesurer les progrès réalisés au long de notre nouveau chemin financier. Nous n'avons même pas encore une idée de la destination que nous voulons atteindre.
La mise à jour économique et financière définit le dividende financier comme l'excédent prévisionnel des recettes totales sur les dépenses totales qui surviendrait en l'absence de tout nouvel impôt et dépenses depuis le budget de 1997. Assurément, un concept plus significatif serait l'économie d'intérêts résultant d'une réduction effective de la dette. Quoi qu'il en soit, le dividende est calculé en chiffres prévisionnels, sur la base des résultats financiers prévus sur la durée du mandat du gouvernement.
Ce mécanisme est hautement vulnérable à des changements de la conjoncture économique. Des taux de croissance plus lents que prévus ou des taux d'intérêt plus élevés qu'anticipés peuvent altérer les résultats de n'importe quelle année. Cependant, les dépenses de programmes ou allégements fiscaux nouveaux, une fois introduits, ne peuvent raisonnablement être annulés l'année suivante. En d'autres termes, s'il y a une erreur de jugement, il devient très difficile de la rectifier.
• 1055
Quoi qu'il en soit, le fait que les objectifs soient établis
en fonction de la durée complète du mandat du gouvernement fait
qu'il est impossible d'évaluer concrètement les résultats avant
l'expiration de ce mandat. C'est encore une fois un net contraste
par rapport à la facilité avec laquelle on pouvait mesurer les
progrès pendant le premier mandat et qui a conféré tant de
crédibilité au gouvernement: la notion de chiffres de réduction du
déficit fixes.
La répartition moitié-moitié est arbitraire. Le fait d'attribuer aux dépenses la moitié de l'excédent projeté suppose que le gouvernement fédéral ne dépense pas suffisamment aujourd'hui, mais suffisamment pour quoi faire? Les dépenses suffisent-elles pour soutenir l'emploi, pour assurer les services essentiels qui peuvent être le mieux fournis par le gouvernement fédéral ou pour promouvoir la croissance économique à long terme?
Maints économistes considèrent qu'en dépit des coupures budgétaires récentes, les dépenses gouvernementales représentent toujours une proportion beaucoup trop forte du produit intérieur brut canadien.
Les Canadiens ont parfaitement le droit de déterminer le niveau de dépenses publiques qu'ils préfèrent. Cela n'est pas contestable. Mais, à tout le moins, le gouvernement devrait faciliter cette détermination par le public du niveau approprié, au lieu de décider arbitrairement de majorer ce niveau.
Le ministre des Finances, d'accord en cela avec de très nombreux Canadiens, considère que le citoyen paye plus d'impôts qu'il ne faut. Le plan du gouvernement prévoit qu'une partie des 50 p. 100 restants du dividende soient restitués aux Canadiens sous forme d'allégements fiscaux. Or, ces dernières années, on a eu de plus en plus recours à des allégements fiscaux dont l'effet ne peut être différencié de celui d'augmentations des dépenses.
Les crédits d'impôt remboursables ont les mêmes conséquences financières que les subventions gouvernementales mais des effets redistributifs délibérément inégaux. Ils sont conçus pour cela. La latitude de concevoir des programmes pouvant être classés soit comme augmentation des dépenses soit comme allégements fiscaux jette encore davantage le doute sur l'utilité de la règle des 50-50. Encore une fois, la catégorie dans laquelle on range la mesure est quelque peu arbitraire et peut varier selon la manière dont le plan est construit.
La règle des 50-50 reste muette sur la manière dont la moitié de l'excédent sera répartie entre allégements fiscaux et réduction de la dette. Il faut signaler que le ministre des Finances a fortement insisté sur l'importance de la réduction de la dette et les assurances qu'il a données à l'effet que les budgets seront établis sur la base de normes de prudence rigoureuses permettent de tabler sur des niveaux importants de remboursement de la dette. Pourtant, en l'absence d'un programme clairement défini de réductions graduelles, il sera difficile aux observateurs d'évaluer la détermination du gouvernement à cet égard.
Encore une fois, le contraste est frappant entre les incertitudes actuelles et les objectifs transparents concernant le ratio déficit-PIB annoncés antérieurement.
Au vu de ces critiques, quel cadre le processus budgétaire devrait-il mettre en place pour les prochaines années? Premièrement, il faudrait l'engagement clair de maintenir constant le niveau des dépenses, à moins que les majorations puissent être explicitement justifiées dans l'intérêt d'une meilleure efficience économique.
Deuxièmement, il faudrait l'engagement d'introduire des allégements fiscaux visant à remédier aux distorsions du régime actuel qui nuisent le plus à la création d'emplois, et de ne pas introduire une plus grande discrimination dans le régime d'impôt sur le revenu des particuliers, du moins tant que la progressivité actuelle n'aura pas fait l'objet d'un débat public.
Troisièmement, il faudrait délimiter clairement l'objectif ultime en matière de réduction de la dette. Quel est le point de destination au bout du chemin? Cela nous donnerait une indication sur les niveaux d'endettement que le pays devrait maintenir et sur les raisons de les maintenir. Cela aiderait les analystes canadiens et étrangers à déterminer la résolution du pays à réduire son endettement et fournirait des repères en vue de l'évaluation des progrès réalisés.
Quatrièmement, il faudrait un ensemble d'objectifs budgétaires moins arbitraires et établis en temps plus opportun que la règle provisoire des 50-50 concernant la répartition du dividende.
Le président: Je vous remercie, monsieur McIver.
Nous allons maintenant passer au représentant du Conseil canadien des chefs d'entreprise, M. Thomas d'Aquino. Bienvenue.
M. Thomas d'Aquino (président et directeur général, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Je suis ravi de me trouver ici. Je suis accompagné de l'économiste du conseil, Sam Boutziouvis.
Permettez-moi de vous féliciter, moi aussi, pour votre nomination récente à la présidence de ce comité. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise et moi-même avons une longue association avec ce comité, qui s'étend sur de nombreuses années. J'ai la plus haute considération pour le travail que vous faites et je sais combien il importe d'obtenir votre aval aux idées qui vous sont soumises, car nous aimons croire que vous exercez une influence considérable sur les orientations du ministre des Finances.
• 1100
Vous êtes manifestement aux prises avec un défi très important
et, après 20 années de comparution devant ce comité, je pense que
vous vivez peut-être la période la plus difficile, car l'objectif
impérieux de l'élimination du déficit, que nous aurions tous dû
poursuivre pendant les 15 dernières années, cède la place
maintenant à un problème beaucoup plus complexe. Le ministre des
Finances a évoqué ces questions à Vancouver et j'aimerais moi-même
en aborder quelques-unes ce matin.
Premièrement, je suis extrêmement encouragé, tout comme mes collègues du Conseil des chefs d'entreprise, par les progrès et le succès enregistrés jusqu'à présent sur le chemin de la réduction du déficit. Pourquoi? Le déficit de l'an dernier, avec 8,9 milliards de dollars, soit 1,1 p. 100 du PIB, est inférieur de plus de 15 milliards de dollars aux prévisions. Pour cela, le ministre des Finances mérite nos plus grandes félicitations, bien que beaucoup estiment qu'un dépassement aussi important dans l'autre sens amène à s'interroger sur la capacité du ministère des Finances à formuler des prévisions. Mais laissons cela de côté ce matin.
Deuxièmement, dans une déclaration que j'ai faite devant ce comité même le 27 octobre 1994, je recommandais que le gouvernement fédéral équilibre son budget au plus tard en 1998-1999. Lorsque j'ai formulé cette recommandation, la majorité des membres du comité se sont montrés hautement sceptiques, tout comme ceux du gouvernement. On me rétorquait que c'était impossible, inatteignable et que je demandais beaucoup trop.
Or, le récent discours du Trône, tout comme la déclaration économique et financière du ministre, contenaient l'engagement d'équilibrer le budget d'ici 1999. Cela ne prouve ni la sagesse de nos conseils ni la justesse de nos prévisions, mais cela montre ce qu'il est possible de faire lorsque les gouvernements le veulent vraiment. Ce résultat n'intervient pas une minute trop tôt.
Sur la base de nos besoins financiers nets, qui sont un indicateur plus souple aux fins des comparaisons internationales, nous avons en fait remboursé cette année une toute petite partie de notre dette. Lorsque nous présentons nos diagrammes aux étrangers et pouvons montrer que nos besoins financiers sont tombés à zéro, nos collègues, les chefs d'entreprise du G-7, s'émerveillent et c'est donc certainement une réalisation remarquable.
Pour ce qui est de la situation économique actuelle, les dépenses ont baissé et, comme vous le savez, ont atteint leur niveau le plus bas en pourcentage du PIB depuis plus de deux décennies. Une croissance économique rapide et des taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas ont aussi contribué largement à l'amélioration récente de notre situation financière. Il est clair que le Canada est entré dans une longue période de forte croissance économique et le moteur continue d'accélérer.
La plupart des prévisionnistes ont de nouveau, cette année, rajusté à la hausse leurs prévisions de croissance. Nous pensons que le Canada sera en tête du G-7, ou à tout le moins l'égal des États-Unis, avec une croissance réelle supérieure à 3,7 p. 100. Depuis plus de cinq ans, le taux d'inflation, que mes collègues et moi-même, encore une fois, avons tellement lutté à contenir face à un comité et à un gouvernement hautement sceptiques, récompense abondamment les Canadiens. La confiance des entreprises est à des niveaux record et celle des consommateurs est en hausse.
Au sein de notre conseil, les patrons se réunissent trimestriellement pour faire le point de la situation des sociétés individuelles, et les niveaux de confiance en terme de croissance—carnets de commande et possibilités d'exportation—n'ont jamais été meilleurs. Cependant, les prélèvements fiscaux du gouvernement fédéral, en particulier l'impôt sur le revenu des particuliers et les charges sociales, ont spectaculairement augmenté. Les recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers, en pourcentage du PIB, ont augmenté de 2 p. 100 et les cotisations d'assurance-chômage ont doublé en pourcentage du PIB au cours des 20 dernières années.
• 1105
Ainsi que nous le prédisions en 1994, les progrès réalisés
jusqu'à présent n'ont pas été sans douleur et secousses pour de
nombreux Canadiens. Nous en avons une conscience aiguë et c'est là
une amère leçon que nul ne devrait oublier au moment où les
Canadiens commencent à réfléchir collectivement à l'orientation
future de la politique financière.
Le taux de chômage aujourd'hui reste obstinément bloqué au niveau inacceptable de 9 p. 100. Pourtant, nous avons vu une amélioration de la création d'emplois, avec sept mois consécutifs de gains nets dans le chiffre d'emplois. Le Canada connaît aujourd'hui le meilleur taux de création d'emplois du G-7—ce que nous avions prédit il y a trois ans—, dépassant même les États-Unis au cours des derniers mois. Jusqu'à présent, le secteur privé a créé plus de 300 000 emplois nets dans l'économie canadienne. Bien que toujours trop élevé, le taux de chômage des jeunes commence également à baisser, même si le mouvement est très lent. En chiffres absolus, l'emploi des jeunes a, en fait, augmenté de plus de 50 000 avec au moins trois mois consécutifs de croissance depuis mai, soit l'augmentation soutenue la plus importante depuis 1994.
Maintenant, monsieur le président, le pari sera à la fois de préserver et d'exploiter la dynamique que j'ai décrite et qui imprègne l'économie, et d'assurer une période prolongée de croissance de l'emploi, de hausse de productivité et d'accroissement régulier du niveau de vie de tous les Canadiens. La direction future de la politique financière déterminera dans quelle mesure nous parviendrons à tenir le pari de l'amélioration de la compétitivité d'ensemble du Canada, cette compétitivité étant bien sûr la condition de l'augmentation du niveau de vie. À mon sens, il faudra surtout éviter de retomber dans le même piège, celui de majorations incontrôlables des dépenses, de déficits galopants et de l'alourdissement de la dette qui a coûté si cher à notre pays au cours des 15 dernières années, monsieur le président.
On parle beaucoup d'un soi-disant dividende financier—comment le définir, comment le dépenser, comment économiser pour le réaliser—mais sauf tout notre respect, mes collègues et moi-même pensons que de tels discours sont inconvenants, prématurés et de courte vue. L'emploi du terme «dividende» implique une sorte de récompense ou d'aubaine, et c'est loin d'être le cas. Les faits parlent pour eux-mêmes. Ce n'est pas une affaire de conjectures; les chiffres ne mentent pas, monsieur le président. Le Canada reste l'un des pays les plus endettés du G-7, devançant seulement l'Italie.
La dette étrangère du Canada, bien qu'en recul, reste l'une des plus élevées des pays du G-7, avec environ 40 p. 100 du PIB. Les intérêts sur notre dette de presque 600 milliards de dollars approchent les 45 milliards de dollars. C'est un coût énorme et qui signifie que le gouvernement fédéral doit afficher un excédent opérationnel de plus de 40 milliards de dollars par an rien que pour équilibrer les comptes. Ce sont 45 milliards de dollars qui pourraient être dépensés pour la santé, l'éducation, des allégements d'impôt, la réduction de la dette ou d'autres priorités. Au lieu de cela, ils s'envolent pour payer les intérêts sur la dette accumulée.
La clé d'une situation financière saine consiste à créer un véritable dividende financier, monsieur le président, à réduire la dette de manière soutenue dans le courant du mandat du gouvernement, et à faire baisser les taux d'intérêt servis sur cette dette. Je pense que les Canadiens comprendront cette position, monsieur le président. De fait, nous disposons de sondages d'opinion qui établissent clairement que les Canadiens se soucient grandement de la dette nationale.
Pourquoi? Parce que c'est précisément la politique que suivent aujourd'hui les propriétaires de leur maison. Demandez à quiconque paye aujourd'hui une hypothèque. Les considérations clés sont le taux d'intérêt que paye le propriétaire et la durée du remboursement. Aujourd'hui, monsieur le président, les propriétaires de tout le pays remboursent leur hypothèque plus rapidement et cherchent constamment à réduire leurs frais d'intérêts. Finie l'époque de l'amortissement sur 25 ou 30 ans. Les propriétaires canadiens remboursent aujourd'hui leur hypothèque sur 15, dix et même cinq ans, dans le but d'accéder à une plus grande liberté financière—leur réel dividende financier.
Dans cette optique, le gouvernement fédéral devrait faire de même. La priorité du gouvernement fédéral devrait être de réduire le coût du service de la dette en réduisant le montant de celle-ci sur la durée de son mandat.
Il y a une autre raison pour cela, que je n'aurai pas le temps d'approfondir, monsieur le président, mais que vous avez déjà entendue bien souvent. Je veux parler de l'impact intergénérationnel de la dette. C'est une considération majeure. Le fait de léguer un fardeau aussi énorme aux générations futures représente un enjeu moral, et pas seulement économique.
• 1110
Permettez-moi de dire rapidement quelques mots sur le facteur
prudence. Notre conseil souscrit à la création d'une réserve pour
éventualités. Nous allons même jusqu'à dire que cette réserve
devrait être portée à peut-être 5 milliards de dollars. La règle
des 50-50 semble maintenant être devenue un mantra. Nous contestons
la règle des 50-50. Nous ne pensons pas que la règle des 50-50 soit
une bonne règle. À notre sens, ce ne devrait pas être 50, les
autres 50 divisés en deux, car nous sommes convaincus que
l'avantage le plus important proviendra de la réduction directe de
la dette.
Certains d'entre vous réagiront peut-être avec scepticisme aujourd'hui, mais rappelez-vous ce que j'ai dit en 1994, que le plus grand avantage pour les Canadiens sera la diminution des taux d'intérêt résultant de notre déficit réduit. C'est précisément ce qui s'est passé. C'est ce qui permet au ministre des Finances de faire si bonne figure. Réfléchissez donc très sérieusement, s'il vous plaît, à ce que je dis sur la réduction de la dette.
À mon avis, oublions la règle des 50-50 et privilégions la réduction de la dette. Épongez-la plus rapidement que vous ne l'envisagez. Le pilote automatique ne suffira pas; l'emploi des réserves pour éventualités, en sus, ne suffira pas; il faut la faire baisser plus rapidement.
Enfin, pour conclure sur la question des impôts, nous avons manifestement un gros problème sur le front fiscal au Canada. Le Conseil des chefs d'entreprise n'est pas en faveur d'allégements fiscaux immédiats, directs. Nous avons combattu le déficit pendant 15 ans et nous savons combien la tâche est difficile. Tout d'abord, nous voulons voir des progrès convaincants sur le plan de la réduction de la dette.
Monsieur le président, chaque ministre des Finances, de M. MacEachen jusqu'à M. Lalonde, en passant par MM. Mazankowski et Wilson, m'ont tous promis que le ratio dette-PIB diminuerait et ils se sont tous trompés. M. Martin, pour la première fois, y est parvenu, mais je ne serai pas convaincu, pas plus que mes collègues, tant que nous ne verrons pas une baisse beaucoup plus radicale.
Une fois que ce progrès sera visible, alors il nous faudra songer à une réduction d'impôt substantielle. Pourquoi une réduction substantielle? L'impôt sur le revenu des particuliers en proportion du PIB est chez nous parmi les plus élevés du monde industrialisé. Le fardeau fiscal global est trop lourd. Nous souffrons d'une grave fuite des cerveaux et je peux vous dire que dans les 150 plus grosses sociétés canadiennes, nous avons d'énormes difficultés à conserver ou à essayer de faire revenir des États-Unis les jeunes que nos impôts ont servi à former.
Enfin, je dirais que le gouvernement est assis sur une bombe à retardement fiscale. À la fin de votre deuxième mandat, si vous n'avez pas introduit des allégements d'impôt majeurs—j'entends, une fois que vous aurez privilégié la dette—les Canadiens vous poseront une question très simple: comment se fait-il que vous ayez été au pouvoir pendant huit ans, mais que nous n'avons vu aucune augmentation appréciable de notre revenu disponible et une majoration aussi lourde des impôts? Le gouvernement fédéral, avec, je l'espère, l'appui de tous les partis, y compris du NPD, devrait opter pour une stratégie d'allégements fiscaux prévoyant des réductions substantielles pendant les années deux, trois et quatre du mandat de ce gouvernement.
Je m'en tiendrai là, monsieur le président, et je vous exhorte encore une fois: la dette d'abord. Réglez le problème de la dette de façon spectaculaire. Gagnez les résultats qui vous donneront le dividende. Ce dividende pourra alors être utilisé pour toutes sortes de choses impossibles aujourd'hui car cet argent est accaparé par le service de cette dette, ce qui est inacceptable. Enfin, pour le long terme, commencez à mettre en place maintenant une stratégie de diminution des impôts telle que nous commencions à en voir des avantages concrets dans les années trois et quatre du mandat de ce gouvernement.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur d'Aquino.
Nous allons maintenant passer à la période des questions, en commençant avec M. Harris.
M. Dick Harris: Je vous remercie, monsieur le président. Comme vous pouvez l'imaginer, je suis très heureux de pouvoir assister à cette séance ce matin. J'ai réellement apprécié les propos que j'ai entendus.
Je voudrais en particulier remercier M. d'Aquino, M. McIver et M. Anderson d'avoir clairement établi dans leur exposé qui sont les vrais héros dans cette bataille contre le déficit: les Canadiens. Je pense que si des louanges sont adressées au ministre des Finances, elles doivent aller tout autant aux Canadiens qui, ainsi que M. d'Aquino l'a fait remarquer, ont vu leur revenu disponible rétrécir au cours des trois dernières années et demie, sous l'effet des majorations d'impôt.
• 1115
Je conviens également avec M. McIver que la répartition 50-50
est très arbitraire. Si vous prépariez un plan d'entreprise pour
les trois ou quatre prochaines années, la dernière chose à faire si
vous voulez impressionner votre banquier est d'y inscrire un
chiffre arbitraire qui vous est venu sur un coin de la table de la
cuisine un bon matin.
Pour ce qui est de l'établissement d'objectifs par M. Martin et le gouvernement dont vous avez parlé... Pendant la première année de leur mandat, il est surprenant, une fois ces objectifs en passe d'être atteints, que l'on ait maintenant un chiffre arbitraire tiré de nulle part et qui ne semble pas faire partie du plan.
J'ai une question pour M. McIver. Il s'agit des prochaines augmentations de la cotisation au Régime de pensions du Canada, que beaucoup d'économistes assimilent à une autre taxe. Étant donné la gestion du Régime de pensions du Canada depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui, et l'existence d'un passif non capitalisé de 560 milliards de dollars, en tant qu'économiste auprès d'une société d'assurance et de placement et ayant connaissance des propositions avancées par le gouvernement, quelle confiance avez-vous dans le plan de gestion future du Régime de pensions du Canada? Y voyez-vous de graves faiblesses?
M. Don McIver: Les propositions actuelles me paraissent assez raisonnables. Je trouve que la création d'un office chargé de superviser le placement des cotisations sur le marché financier est très raisonnable. L'inconvénient, rétrospectivement, est l'injustice intergénérationnelle, que M. d'Aquino a évoquée. Elle a déjà eu lieu.
Il n'y a plus grand-chose que l'on puisse faire pour y remédier. Il ne fait aucun doute, à mon sens, que la gestion du RPC a été extrêmement piètre, puisqu'elle a ignoré la démographie la plus rudimentaire.
Pour ce qui est de l'avenir, je crains que si l'on n'impose pas aux Canadiens un régime de retraite obligatoire, l'État sera obligé de les prendre en charge de toute façon. Une fois que les gens parviennent à un certain âge où ils ne sont plus capables de travailler, s'ils n'ont pas épargné sous une forme ou sous une autre pour subvenir à leurs besoins, ils seront à la charge de l'État. Je suis sûr qu'aucun de nous ne recommanderait autre chose que de secourir les personnes sans ressources.
Y a-t-il des faiblesses? Est-ce un plan idéal? Je pense qu'il faut répondre à cette question à la lumière de la situation actuelle plutôt que de ce qui serait l'idéal si l'on partait de zéro.
M. Dick Harris: Il y a une relation directe entre les majorations d'impôt et les taux de chômage et de croissance économique. Étant donné que ce relèvement des cotisations au RPC peut être considéré comme une charge sociale pesant sur les entreprises, monsieur Anderson, avez-vous cherché à déterminer quels effets cela pourrait avoir sur l'emploi au Canada, quelles seraient les répercussions sur les petites entreprises, par exemple, qui sont confrontées à un alourdissement des charges sociales susceptible de tempérer leurs velléités d'expansion?
M. George Anderson: Pas précisément, bien que dans nos recommandations nous parlions d'allégements très ciblés précisément dans le domaine des charges sociales, car c'est là que vous obtiendriez les meilleurs effets sur le plan de la création d'emplois en général. Je conviens donc avec vous qu'il y a une relation, mais nous n'avons pas cherché à chiffrer les répercussions des changements au RPC. Mais de façon générale, nous considérons que les diminutions de charges sociales sont importantes pour la création d'emplois dans ce pays.
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, je sais que le patronat ne s'exprime pas d'une seule voix sur cette question, mais je suis heureux de l'occasion d'intervenir à ce sujet. Le fait est que le système de pensions du Canada, comme beaucoup d'autres dans le monde, doit être étayé pour faire face à la difficulté d'une population vieillissante et au départ à la retraite de la génération du baby boom. Je pense que l'accord intervenu entre le gouvernement fédéral et les provinces représente réellement une approche équilibrée de ces problèmes.
Il est vrai que les cotisations au RPC vont augmenter rapidement à court terme, mais le fait est qu'elles ont été insuffisantes jusqu'à présent—ce qui est un constat de mauvaise gestion. Franchement, cela nous retombe maintenant sur la figure. Il vaut bien mieux commencer à endosser une juste part du coût maintenant que de se décharger du fardeau sur les jeunes.
Certes, je connais les arguments qui sont avancés et nul n'a besoin de me convaincre des avantages d'un système privé, mais je dirais ceci: le seul inconvénient que je vois dans la position du Parti réformiste et de tous ceux qui critiquent le système concerne les frais administratifs de la gestion d'un régime public. Le nouvel office sera indépendant et j'espère que certains de mes collègues et d'autres en qui j'ai grande confiance administreront ces fonds de manière à en retirer un rendement maximal. Vous auriez beaucoup de mal à me convaincre que l'administration de millions de régimes privés coûterait moins cher.
La dernière chose que je dirais à ce sujet est qu'il y a un problème qui m'a toujours gêné dans la position réformiste. Qu'en est-il du passif de près de 600 milliards de dollars? Qui va le prendre à charge? Qui va payer? Tout en étant fervent partisan des REER et du système privé—et je pense que non seulement ce système doit être protégé mais que les limites de cotisation doivent être majorées pour établir un terrain de jeu plus égal et permettre aux gens d'épargner davantage pour leur retraite—je pense aussi qu'il y a un besoin évident d'un régime de pension public.
Pour revenir à votre question, que cela signifie-t-il sur le plan de l'alourdissement des coûts? Je sais qu'il y a un débat sur la question de savoir si c'est un investissement ou une taxe. Il n'en demeure pas moins que je recommande d'accepter cela à titre de bonne et indispensable politique publique, et de viser des allégements fiscaux dans d'autres domaines, et nous serons alors heureux de nous joindre à vous pour les réclamer. Mais je pense que c'est là où il faut tracer la ligne.
Le président: Je vous remercie, monsieur Harris et monsieur d'Aquino.
Monsieur Perron.
[Français]
M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Bonjour, messieurs. Merci de votre présence et de vos savants commentaires.
Mme Farrow et plusieurs autres intervenants lors de notre tournée pancanadienne sont venus nous parler de l'urgence d'effectuer une réforme en profondeur de la fiscalité canadienne ainsi que de la politique monétaire.
Dans vos commentaires de ce matin, je ne vous ai pratiquement pas entendu parler de ces sujets. Donc, j'aimerais entendre vos remarques sur ces questions.
[Traduction]
M. Thomas d'Aquino: Oui, monsieur. Après une période prolongée de débat public, je pense que la Banque du Canada est maintenant parvenue à une position éminemment défendable sur la politique monétaire. J'entends par là ses chiffres cibles.
Il est vrai que la politique monétaire a été extrêmement accommodante ces dernières années, ce qui était approprié étant donné le climat économique dans lequel nous nous trouvions. Le fait est que tant la banque fédérale aux États-Unis que la Banque du Canada ont fait savoir, face au dynamisme de l'économie, qu'elles étaient absolument résolues à étouffer tout retour d'inflation. Je pense que vous conviendrez avec moi qu'il n'y a actuellement que très peu de probabilité que l'inflation revienne au galop ou nous prenne par surprise.
• 1125
Cela dit, des signaux du genre de ceux que nous avons vus
récemment pour montrer que la banque centrale ne s'endort pas me
paraissent souhaitables. La vraie question n'est pas de savoir si
nous voulons ralentir sensiblement la croissance. La vraie question
est de savoir si des taux de croissance de 4,5, 5 ou 6 p. 100
peuvent être maintenus durablement sans engendrer inéluctablement
des problèmes.
Comme vous le savez—je suis sûr que vous êtes versé en politique monétaire—ces décisions doivent être prises longtemps avant que les problèmes ne surviennent. Mais avec un taux de chômage de 9 p. 100, un taux d'inflation nettement inférieur à 2 p. 100, le risque d'une explosion inflationniste est tout simplement inexistant, ce dont nous devons d'ailleurs tous nous féliciter. Cela garantit pratiquement de bons résultats économiques au Canada pendant un et peut-être deux ans.
Le président: Monsieur McIver.
M. Don McIver: Je trouve que les banques centrales, pas seulement au Canada mais dans le monde entier, et certainement en Amérique du Nord, sont de moins en moins convaincues elles-mêmes de l'efficacité de la politique monétaire, ou de la capacité de la politique monétaire à fournir des résultats économiques réels.
Cela coïncide, et je me réfère là encore non seulement à notre situation propre mais aussi à celle du Federal Reserve Board aux États-Unis, avec une baisse de confiance dans la relation historique entre la masse monétaire et les indicateurs de l'activité économique. Il y a un manque d'information sur ce qui se passerait si on laissait galoper la masse monétaire ou si on réduisait drastiquement son expansion.
De ce fait, je pense qu'il est évident que les États-Unis tiennent les rênes monétaires d'une main très souple, essayant de juger la situation au jour le jour, de mois en mois, d'année en année. Je pense que, vu les circonstances, c'est la bonne façon de procéder. Elle est reprise ici, au Canada.
La dernière chose que je recommanderais serait que les autorités monétaires cherchent activement à accomplir un autre objectif macro-économique que la stabilité des prix.
Le président: Je vous remercie, monsieur McIver et monsieur Perron.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Je vous remercie, monsieur le président.
Bon nombre de mes questions ont déjà trouvé réponse, mais j'ai manqué quelques exposés, malheureusement.
Monsieur McIver, pourriez-vous me préciser quelque peu le deuxième point de votre mémoire, où vous dites qu'il ne faut pas plus de discrimination dans le régime d'impôt sur le revenu des particuliers? Qu'entendez-vous par là, exactement?
M. Don McIver: Ce que je veux dire par là—et je pense que Mme Farrow a fait la même observation dans une intervention précédente—c'est qu'il faudrait revoir de près tout le régime fiscal canadien et en réaménager les priorités. On vient de parler des répercussions sur l'emploi de la majoration des cotisations au RPC ou de toute autre charge sociale. Le fait est que toutes les taxes détruisent des emplois. Je pense qu'il faut tout remettre à plat, en commençant, je suppose, par les dépenses, afin de voir quel est le niveau de dépenses dont nous avons besoin en tant que pays, et pour quels programmes, puis rechercher la façon la plus efficiente de percevoir les recettes voulues pour couvrir ces dépenses.
M. d'Aquino a mentionné les difficultés que beaucoup de sociétés canadiennes connaissent du fait de la forte progressivité actuelle de l'impôt. Une statistique parlante que j'ai citée l'autre jour devant un comité à Toronto, c'est que si vous prenez le ratio du cinquième supérieur de tous les revenus avant impôt au cinquième inférieur, ce ratio est d'environ 20:1. Cela signifie que le groupe supérieur gagne 20 fois plus, avant impôt, que ce que touchent les 20 p. 100 inférieurs.
• 1130
Mais une fois que vous prenez en compte les impôts et
transferts, ces derniers étant une sorte d'impôt à l'envers, et
tenez compte de tous les prélèvements, le ratio tombe à 5:1. C'est
peut-être un ratio judicieux. Je ne sais pas. J'ai l'impression
qu'il est dangereusement faible à cause de son effet sur
l'incitation à travailler. Mais je pense qu'il faudrait un examen
serré et un débat public pour, tout d'abord, faire comprendre aux
Canadiens que c'est là le degré de progressivité fiscale que nous
avons et donner aux Canadiens l'occasion de décider si c'est bien
là ce qu'ils veulent.
M. George Anderson: Peut-être pourrais-je intervenir là-dessus aussi. Je reviens au début de la question de M. Perron.
Nous estimons aussi qu'un réexamen du régime fiscal s'impose et serait productif. Mais je me sépare de Mme Farrow lorsqu'elle dit qu'il faut arrêter tout le reste en attendant, car beaucoup d'années pourraient se passer pendant que nous discutons de savoir quel est le meilleur système, et nous avons des décisions à prendre dans l'intervalle. Mais il ne fait aucun doute qu'une refonte de divers éléments de notre régime fiscal s'impose.
Je vais demander à M. Kovacs de vous donner un exemple du fardeau fiscal que nous avons dans le domaine de l'assurance multirisque.
Paul.
M. Paul Kovacs (économiste en chef, Bureau d'assurance du Canada): Nous avons commandé à Ernst and Young une étude des taxes payées sur les produits d'assurance multirisque en proportion de la taille de l'industrie. Nous avons constaté que près de 100c. sur chaque dollar de valeur ajoutée apportés par notre industrie sont prélevés par l'impôt—tout y passe. C'est un taux qui est le triple de celui des banques et des compagnies d'assurance-vie et de divers autres secteurs.
Nous subissons un tel éventail de taxes complexes, dont beaucoup au niveau provincial, que tout cela finit par se retrouver dans le coût du produit. Alors que la loi exige que quiconque possède une voiture soit assuré, beaucoup d'automobilistes roulent sans assurance. C'est simplement trop cher. Une partie de ce coût prend la forme de taxe. Les banques exigent que tout propriétaire d'un logement ait une assurance-incendie mais certains n'en souscrivent pas ou sous-assurent leur propriété, encore une fois à cause du coût.
Nous payons des taxes provinciales spéciales sur les primes et il y a aussi des taxes de vente provinciales spéciales. Il y a toute une série de taxes complexes. Nous parlons là d'un secteur que nous connaissons bien, celui de l'assurance, mais si vous regardez la fiscalité dans d'autres secteurs, vous trouverez là aussi de très grosses différences dans les taux de prélèvement réels d'un secteur à l'autre. Cela induit des changements de comportement qui ne sont pas nécessairement bons pour l'économie ou pour la société.
Le président: Monsieur Jones, d'autres questions?
M. Jim Jones: Oui.
Le taux de chômage aux États-Unis est de 5 p. 100. Chez nous, il est à 9 p. 100. Est-ce un écart qui va perdurer pendant les 20 prochaines années, ou bien y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour nous amener au moins au niveau américain?
M. Don McIver: Beaucoup d'études ont été faites pour essayer de déterminer pourquoi nous avons un taux de chômage différent de celui des États-Unis. Si vous remontez jusqu'au début des années 70, ce n'était pas le cas. Nous avions un taux à peu près identique à celui des États-Unis.
Je ne veux pas minimiser les efforts déployés par bon nombre d'analystes qui ont rejeté certaines explications évidentes—ou qui m'apparaissent évidentes—mais une fois tous les facteurs pris en compte, je pense qu'il faut reconnaître que nous avons dans ce pays un système d'assurance-chômage et de subventions régionales qui décourage clairement la mobilité de la main-d'oeuvre d'une région du pays vers une autre.
Le meilleur exemple, et que j'ai déjà cité maintes fois, remonte à la fin des années 80, lorsque nous avions à Toronto un taux de chômage de l'ordre de 3 p. 100. Dans le même temps, nous avions à Terre-Neuve un taux de chômage tournant aux alentours de 16 ou 17 p. 100. Il y a là un problème, un problème structurel qui appelle un réexamen des politiques sociales, redistributives, que nous suivons dans ce pays.
• 1135
Encore une fois, je ne prétends pas... En tant qu'économiste,
je peux exprimer des opinions, mais la décision quant aux valeurs
sociales que nous voulons soutenir au moyen de ces programmes
appartient aux Canadiens, pourvu qu'ils la prennent en connaissance
de cause. Mais je pense qu'il faut leur expliquer quel prix nous
payons pour cela. Dans la mesure où nous appliquons des programmes
régionaux qui découragent la mobilité de la main-d'oeuvre, il faut
le dire explicitement et en payer le coût explicitement.
Le président: Monsieur d'Aquino.
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, M. Jones a posé une question extrêmement importante.
Si je puis compléter rapidement ce qu'a dit M. McIver, lorsque je voyage à l'étranger et que l'on me demande comment il se fait qu'il y ait 14 p. 100 de chômage en France, 9 p. 100 au Canada et 5,5 p. 100 aux États-Unis, je commence tout de suite par détromper les gens qui affirment—et d'ailleurs, c'étaient là des sujets de débat lors des divers sommets sur l'emploi du G-7, comme vous le savez—que les Américains ont un taux de chômage de 5,5 p. 100 parce que ce sont tous des petits «Macboulots». C'est de la «Macstupidité». Ce n'est pas vrai. Les États-Unis sont l'économie la plus innovatrice du monde et même les Européens les plus sceptiques en sont maintenant venus à admettre que les emplois et la qualité des emplois qui ont été créés sont réellement sans commune mesure ailleurs.
À l'exception du Royaume-Uni, si vous regardez la France, l'Allemagne, l'Italie et la Belgique, puis le Canada, vous remarquez un certain nombre de choses que nous avons en commun.
Tout d'abord, nous avons tous des fardeaux fiscaux plus élevés, qui coûtent certainement des emplois.
Deuxièmement, nous avons une vaste gamme d'obstacles structurels, les désincitations à travailler, qui sont la raison pour laquelle il y a des émeutes dans les rues de Paris et de Berlin aujourd'hui, parce que toute tentative de démonter certains de ces obstacles structurels se heurte à une forte résistance de la part des syndicats et des entreprises, de même que d'un grand nombre de gens qui ne veulent pas voir ces obstacles démantelés.
Troisièmement, il y a au Canada le problème des différences régionales. Il est frappant que le chômage à l'ouest de la rivière des Outaouais soit d'environ 7,7 p. 100, et je n'ai pas besoin de vous dire ce qu'il est aujourd'hui en Alberta, alors que si vous englobez le Québec et les Maritimes, il passe à 9 p. 100. Donc, ce facteur est-ouest et ces différences régionales y contribuent.
Nous n'avons pas encore réalisé notre plein potentiel d'emploi au Canada après cette sortie de récession et avec cette croissance. Ces chiffres vont baisser, comme nous avons prédit qu'ils le feraient. J'ai étudié sept récessions; il y a toujours un retard. Le chômage va baisser au Canada aussi sûrement que le soleil se lèvera demain, mais la question est de savoir jusqu'où?
La dernière remarque que je ferais est que nous ne pouvons négliger ce que j'appelle le facteur instabilité politique. Je peux vous dire catégoriquement qu'il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'incertitude résultant de la volonté de M. Bouchard et de ses collègues de faire sortir le Québec de la fédération comporte un coût. Cela dit, si vous me demandez si cela vaut un point ou un demi-point...
Si vous prenez tous ces facteurs ensemble, cela explique pourquoi il y a au moins une différence de 3,5 p. 100 entre les deux taux de chômage. Éliminez ces problèmes, notamment en suivant les conseils que nous avons donnés ce matin sur la dette, et je peux vous promettre que le chômage dans ce pays baissera beaucoup plus rapidement que vous le pensez.
Le président: Je vous remercie, monsieur d'Aquino.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais vous citer quelques lignes de la mise à jour économique du ministre. Il a déclaré:
-
... ceux qui définissent la responsabilité du gouvernement
uniquement en terme de réduction de la dette et de l'impôt, disent
en pratique que des investissements ciblés dans la santé ou
l'éducation, dans l'innovation ou la lutte contre la pauvreté, ne
sont pas essentiels à la réalisation de la vision canadienne.
-
Exclure toute idée d'investissement stratégique—que ce soit par le
biais de mesures fiscales ciblées ou de nouvelles dépenses visant
des besoins nationaux fondamentaux—n'est pas seulement de la
mauvaise politique sociale, c'est de la mauvaise politique
économique.
Je pense que ce que nous avons entendu pendant nos déplacements à travers le pays se situait à un extrême, et ce que nous entendons aujourd'hui se situe à l'autre extrême. Le ministre des Finances semble se situer quelque part au milieu, avec une position assez équilibrée.
Pour ce qui est de l'écart entre les taux de chômage, le ministre des Finances m'a parlé de l'ampleur et de la profondeur de la dernière récession, ce que vous avez passé sous silence; de l'écart entre les riches et les pauvres au Canada, comparé aux États-Unis, ce que vous avez passé sous silence; le taux de criminalité dix fois supérieur aux États-Unis qu'au Canada, ce que vous avez passé sous silence; le fait que nous avons un système de santé qui fait l'envie de beaucoup de pays dans le monde, et qui fait contrepoids à une fiscalité plus lourde à cause des avantages sociaux... Je n'admets donc pas un instant que ce soit quelque chose de simplistiquement mécanique.
• 1140
Ma question, cependant, porte sur votre préoccupation avec la
réduction de la dette à l'exclusion de toute autre considération.
Monsieur d'Aquino, vous avez fait l'analogie avec une hypothèque sur une maison. Tout le monde rembourse son hypothèque plus rapidement, dites-vous. Je suis propriétaire, et je ne rembourse pas plus rapidement. Mais je ne fais pas que rembourser le principal et payer les intérêts; je répare aussi mon toit, je repeins et je remplace l'équipement ménager. Je fais ces choses parce que je ne veux pas me retrouver libre d'hypothèque mais avec une maison délabrée.
Je pense que l'analogie que vous utilisez revient à dire: Canada, continue à trimer, réduit la dette et quand tout sera fini, tu auras toutes ces choses merveilleuses que tu pourras t'offrir. Eh bien, monsieur d'Aquino, je crains beaucoup que si nous adoptions cette vision très linéaire du Canada, nous nous retrouverions avec un Canada dévasté et un peuple dévasté.
M. Thomas d'Aquino: Tout d'abord, monsieur le président, je constate avec grande détresse qu'en dépit de nos efforts M. Szabo n'a pas saisi le message, sauf tout le respect que je lui dois. Rien dans ce que j'ai dit ce matin ne signifie que nous avons une obsession linéaire au sujet de la dette. L'analogie avec 1994 que j'ai faite—et je n'ai pas la moindre idée s'il était là à l'époque—était lorsque M. Szabo, très sceptique—mais c'était peut-être un homologue—a dit: «Monsieur d'Aquino, votre obsession avec le déficit mènera ce pays à sa perte».
Aujourd'hui, le ministre des Finances peut prendre la parole à Vancouver, monsieur Szabo, et dire aux Canadiens et au monde que le gros dividende, ou les avantages ou les récompenses dont nous jouissons, sont le fruit d'un équilibre budgétaire réalisé contre l'avis de membres de votre parti au cours des cinq et six dernières années.
Ce que je veux faire ressortir ici et que beaucoup n'ont pas compris, c'est que la réduction du déficit n'est pas une fin en soi. Nous l'avons dit longtemps avant M. Martin. La réduction du déficit vise à mettre de l'ordre dans les finances du pays, afin que nous puissions mettre argent là où il est le plus utile. Si vous pensez me convaincre que payer 45 milliards de dollars par an en intérêts est un bon usage de notre argent, vous et moi avons un désaccord fondamental. Si l'on avait suivi nos conseils il y a sept ans, le déficit aurait été effacé il y a trois ans déjà et nous afficherions aujourd'hui des excédents de 15 à 20 milliards de dollars par an. Qu'aurions-nous fait de ces excédents? Nous les aurions utilisés pour le genre de choses dont le pays a besoin.
Il y a un besoin énorme de ressources supplémentaires dans ce pays dans des domaines clés. Nous avons recensé ces domaines maintes et maintes fois: la santé, l'éducation, la formation professionnelle—tous domaines névralgiques. À notre sens, il n'y a pas là de divergence d'opinions. La question est de savoir quel est le meilleur moyen de parvenir à cela.
Le message que je veux vous faire saisir, c'est la raison de cette obsession avec la réduction de la dette. C'est pour assurer une meilleure équité intergénérationnelle, pour réduire les 45 milliards de dollars que nous payons aux détenteurs d'obligations et faire bon usage de cet argent. Est-ce manquer de conscience sociale? Non, ce n'est pas seulement de la bonne politique économique, pour paraphraser M. Martin, mais aussi de la bonne politique sociale. La question est donc de savoir comment accomplir cela le plus efficacement?
Aussi, je vous prie, n'interprétez pas notre préoccupation avec la dette comme une fixation sur les chiffres et l'absence de conscience sociale. Ceux qui ont le plus nui au Canada au cours des 15 dernières années sont ceux-là mêmes qui prétendaient que les déficits n'importaient pas, et ils sont en grand nombre dans votre parti, monsieur. Aujourd'hui, nous voyons les choses autrement.
Le président: Monsieur Anderson.
M. George Anderson: Nous convenons avec vous, je pense, que pour gérer une maison il ne suffit pas d'équilibrer des chiffres. Il faut nourrir également l'esprit du ménage. Le gouvernement a là un rôle à jouer.
Notre mémoire reconnaît tout à fait la haute utilité d'un réinvestissement dans la santé, dans l'éducation et la formation, dans le renouvellement de notre infrastructure vieillissante, qui est dans un état lamentable dans beaucoup de régions du pays et qui nuit à notre compétitivité. Tout cela cadre pleinement avec les positions que vous avez exprimées. Si vous avez le temps de jeter un coup d'oeil à notre mémoire lorsque vous en aurez le temps, vous verrez que nous insistons sur ces aspects. Nous ne pensons pas qu'une fixation sur la réduction de la dette soit opportune, bien que nous jugions important de ne pas perdre de vue ce dossier.
• 1145
Encore un mot sur le taux de chômage canadien. Je passe
souvent mes étés en Nouvelle-Écosse au milieu des pêcheurs et il y
a là aussi un déficit intergénérationnel, mais dans l'autre sens.
Les programmes que nous appliquions dans ce pays constituaient une
incitation positive à quitter l'école à l'âge de 14 ans et à partir
pêcher en mer. Pour peu que le pêcheur accumule un nombre minime de
semaines de travail, il était récompensé par des programmes
gouvernementaux qui assuraient sa subsistance pendant l'hiver. Ces
gens sont maintenant dans la cinquantaine et illettrés. On ne peut
les asseoir devant un ordinateur et en faire des continentaux. Nous
allons devoir porter le fardeau de ce déficit pendant encore 30
ans.
Le président: Monsieur McIver.
M. Don McIver: Les arguments invoquant la qualité de la vie sont parfaitement valides. En tant qu'économiste, je n'aurais pas la présomption de dire quel palier de gouvernement devrait consacrer quelles ressources à quels programmes. C'est une décision qui appartient aux Canadiens. Toutefois, c'est une décision qui doit être prise explicitement, en pleine connaissance de cause et avec une pleine conscience des conséquences, car il y a des conséquences.
Lorsque vous partagez une frontière ouverte avec un pays qui a des priorités de dépense sensiblement différentes et, comme vous l'affirmez, peut-être une qualité de vie très différente, si vous allez commercer avec ce pays et vivre dans l'ombre de ce pays, alors il y a une limite aux divergences qui peuvent exister entre les politiques des deux pays.
Tout ce que je demande, c'est que les décisions soient explicites et, une fois que nous avons décidé ce que nous voulons dépenser, payons le prix. C'est un débat différent. Si nous décidons que nous voulons un niveau supérieur de services gouvernementaux dans ce pays, très bien, payons pour cela. Cependant, si, en payant le coût, nous constatons que les impôts requis sont si douloureux que nous perdons nos meilleurs cerveaux et nos meilleurs producteurs, nous aurons peut-être un problème. Je suis sûr que nous aurons un problème.
J'ai une autre objection à opposer à ceux qui disent qu'il est maintenant automatiquement nécessaire d'augmenter les dépenses. Plus de la moitié des citoyens de ce pays vivent encore dans des provinces connaissant des déficits substantiels et qui prévoient ou sont en passe de comprimer encore leurs dépenses, par exemple dans le domaine de la santé. Vous savez de quelles provinces je parle.
Serait-ce une bonne chose que le gouvernement fédéral, à ce stade, ayant mis de l'ordre dans ses finances au point d'équilibrer son budget, se retourne et introduise un nouveau programme en matière de santé, par exemple, alors que les Canadiens dans ces provinces—plus de la moitié de la population—préféreraient peut-être, s'ils avaient le choix, ralentir le rythme de contraction des programmes existants au lieu de payer pour de nouveaux programmes?
Le président: Je vous remercie, monsieur McIver.
Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney: Tout d'abord, monsieur Anderson, j'ai réellement apprécié les informations que vous avez données sur les catastrophes naturelles. Je vais examiner cela de près et voir ce que le comité a recommandé la dernière fois, puisque je suis nouvelle ici.
Je tiens également à vous dire combien j'ai apprécié vos remarques concernant le travailleur de 50 ans. On nous a beaucoup parlé d'équité intergénérationnelle selon la perspective des jeunes—je me range encore dans ce groupe bien que les années passent vite. Je saisis le problème et la précarité de l'équilibre, mais nous ne pouvons pas négliger non plus d'autres problèmes intergénérationnels et interrégionaux. Je pense qu'il y a là une opportunité et un rôle pour le gouvernement et ce comité.
Vous avez mentionné plus particulièrement dans votre mémoire une réduction de la cotisation d'assurance-emploi. Selon vous, devrait-elle intervenir cette année, l'année prochaine, être égale à la majoration du RPC ou de combien exactement?
Mon autre question s'adresse à tous les participants. On parle beaucoup d'une baisse du ratio dette-PIB et d'aucuns préconisent 60 p. 100 et d'autres, ce matin encore, parlaient de 40 p. 100. Mais personne n'a proposé de calendrier. Le calendrier devrait-il être le même que celui de Maastricht, différent de Maastricht—quand exactement faudrait-il atteindre cette cible? Quelle cible exactement faudrait-il viser?
M. Paul Kovacs: Pour ce qui est des cotisations d'assurance-emploi, nous considérons que l'excédent dans ce fonds devient très important et il y a certainement là une possibilité d'apporter quelques changements. On peut débattre de la question de savoir si cette réduction devrait être de même importance que la majoration probable ou prochaine des cotisations au RPC, mais il y a certainement une occasion de compenser le fardeau de l'augmentation du RPC, et il y a une marge de manoeuvre.
Pour ce qui est des allégements fiscaux, je pense que les deux plus urgents à l'heure actuelle sont la baisse des cotisations d'assurance-emploi et l'allégement de l'impôt payé par les contribuables à faible revenu, sous la forme d'un relèvement du crédit d'impôt pour enfants. Nous pensons que ce sont là les bonnes priorités et que c'est là qu'il faudrait mettre l'accent du côté fiscal, mais nous n'avons pas vraiment d'avis sur l'ampleur à donner à ces mesures.
Pour ce qui est du remboursement de la dette et d'un calendrier à cet égard, nous avons longuement débattu entre nous de la situation actuelle, de ce que serait une échéance raisonnable et du chiffre à viser, et ce n'est pas simple. C'est une question difficile.
Nous faisons ressortir dans notre mémoire que notre chiffre de déficit est aujourd'hui le meilleur, ou l'un des meilleurs, des pays du G-7, mais notre dette est l'une des pires du G-7. Nous avons proposé, en partant d'une comparaison avec nos principaux partenaires commerciaux, un objectif de remboursement de la dette propre à ramener notre ratio dette-PIB au moins en dessous de la moyenne des autres pays du G-7. Il n'est pas facile de déterminer une échéance raisonnable, mais je pense qu'on pourrait réaliser cela à moyen terme, soit à échéance de quatre ou cinq ans. Mais d'autres que moi sont mieux qualifiés pour déterminer un calendrier précis si cela va être l'objectif retenu.
Notre proposition est donc de considérer notre dette par comparaison à celle de nos principaux partenaires commerciaux, les autres pays du G-7, et d'essayer de passer au moins en dessous de la moyenne de ces pays.
Le président: Monsieur McIver.
M. Don McIver: Je vais essayer de répondre à cette question. C'est un sujet immensément difficile. La première chose que je préconise est d'entamer un débat public, comme je l'ai recommandé déjà à plusieurs reprises aujourd'hui. Il faut décider quel résultat ultime on veut atteindre.
Je reconnais qu'il y a beaucoup de divergences parmi les économistes quant au rapport souhaitable entre la dette et le PIB. Le ratio devrait-il être de 40 p. 100, 60 p. 100, ou bien faudrait-il opter arbitrairement pour le chiffre le plus bas jamais atteint dans la période de l'après-guerre et décréter que c'est cela l'idéal? C'est peut-être draconien, mais je commencerais par poser la question de savoir, si nous n'avions pas de dette aujourd'hui, pour quelle fin déciderions-nous d'en accumuler une?
Il peut y avoir quelques bonnes raisons. L'une est le développement de l'infrastructure, qui nous rapporterait peut-être un flux d'avantages économiques étalés sur des années. Une autre serait de pallier certaines des difficultés de l'iniquité intergénérationnelle, si l'on veut remonter en arrière. Si quelqu'un a combattu dans une guerre pour vous, vous lui devez peut-être quelque chose. Il faut peut-être s'endetter pour subvenir à ses besoins et peut-être cette dette devrait-elle être étalée sur plusieurs générations, je ne sais pas.
Tout d'abord, il nous faut décider du résultat final que l'on veut atteindre. Si nous disons que c'est un endettement zéro, alors nous pouvons tracer le chemin pour cela. Au cours de la consultation, d'autres chiffres seront peut-être avancés, pour je ne sais quelle raison. Peut-être 25 est-il un bon chiffre, ou 50, ou le chiffre de Maastricht. Si nous savons où nous voulons aller, alors nous pouvons faire exactement ce que le ministre des Finances a fait lors de son mandat précédent et fixer une série de cibles pour y parvenir. Si le monde explose dans l'intervalle, nous pourrons changer de cap, mais seule une catastrophe majeure pourra nous détourner de notre route.
Le président: Monsieur d'Aquino.
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, pour ce qui est plus particulièrement de la réduction des cotisations d'assurance-emploi et de l'impôt sur le revenu des particuliers, l'actuaire a recommandé comme approprié un solde d'environ 15 milliards de dollars dans le compte AE. Nous ne contestons pas ce chiffre. On peut arguer qu'il pourrait être un peu inférieur, mais admettons 15 milliards de dollars. À moins de réductions plus prononcées des cotisations, le compte AE va grimper à 20 milliards, 25 milliards ou 30 milliards de dollars. Le ministre des Finances va bien devoir faire quelque chose à un moment donné.
Cependant, à notre avis, la question de l'AE est réellement secondaire par rapport à celle de l'impôt sur le revenu des particuliers. Les avantages réels pour les Canadiens, de façon générale, dériveront d'une diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers. Tant pour ce qui est des seuils... Nous évoquions tout à l'heure la fuite des cerveaux. Lorsque les taux marginaux supérieurs interviennent à 65 000 $, ou entre 60 000 $ et 70 000 $, par opposition à 250 000 $ comme aux États-Unis, vous pouvez facilement comprendre pourquoi il y a des problèmes.
Toutefois, nous réalisons pleinement que l'arithmétique milite contre l'octroi par M. Martin de réductions substantielles de l'impôt sur le revenu étant donné l'état des finances publiques. Mais elle ne milite pas nécessairement contre une baisse sensible la troisième année du mandat de ce gouvernement—ce qui, incidemment, serait très commode en prévision des prochaines élections. Mais laissons de côté les considérations politiques. Tant du point de vue de la vision que nous avons pour les finances publiques du pays que du point de vue de la chronologie, il convient de réduire la dette d'abord et d'accorder des réductions d'impôt ensuite, en guise de récompense.
Sur le dernier point, le ratio de la dette au PIB, M. Martin a remarquablement réussi avec ses objectifs à court terme, aussi appelés cibles mobiles. Nous avons recommandé à M. Martin d'appliquer le principe des cibles mobiles à la réduction de la dette. Je vous ai peut-être dit ce matin que dans le monde où je vis et dans lequel nous faisons nos calculs—ou dans la perception qu'a le reste du monde du Canada—si nous avions un ratio dette-PIB de 40 p. 100, je peux vous assurer que nous en retirerions énormément d'avantages.
Ce que je vous recommanderais donc, à vous et au ministre des Finances, c'est de fixer vos objectifs tout comme vous l'avez fait pour la réduction du déficit, puis les atteindre et continuer à les atteindre. Si vous faites cela, c'est un objectif très viable qui, une fois atteint, apportera les mêmes avantages, sur le plan financier, au niveau du marché et du gouvernement, que les objectifs mobiles de réduction du déficit.
Le président: Avant de passer à M. Pillitteri, j'aimerais m'attarder sur ce que vous venez de dire, monsieur d'Aquino.
Vous avez dit que la priorité devrait être la réduction de la dette, et qu'ensuite nous pourrions nous occuper de l'impôt pendant les troisième et quatrième années de notre mandat. Je ne pense pas que les chiffres que nous pourrons réaliser les première et deuxième années seront si importants—je parle là d'excédents éventuels. L'impact sur la réduction de la dette ne sera donc pas très important. Pouvez-vous m'expliquer comment vous parvenez à cette sorte de conclusion?
M. Thomas d'Aquino: Volontiers. Supposons que nous ayons encore deux ou trois ou peut-être même quatre années de bonne croissance, avec une inflation faible et des taux d'expansion très bons, de l'ordre de ceux que nous connaissons actuellement—de l'ordre de 3 à 4 p. 100. Supposons encore que les niveaux de productivité continuent à augmenter et que nos exportations soient fortes—en d'autres termes, que la conjoncture actuelle se maintienne. Ajoutez à cela que M. Martin a promis que la réserve pour éventualités sera attribuée à la réduction de la dette. Avec cette combinaison de réserve pour éventualités consacrée à la réduction de la dette, de croissance économique soutenue et de faibles taux d'intérêt, le ratio de la dette au PIB va automatiquement baisser, comme nous l'avons déjà vu.
J'ai dit ce matin que j'aimerais que la réserve pour éventualités soit portée à 5 milliards de dollars. Pourquoi? Si nous appliquions chaque année 5 milliards de dollars à la réduction de la dette, nous verrions notre ratio dette-PIB tomber plus rapidement. Dans l'intervalle, à moins que l'on décide de jeter l'argent par les fenêtres—et je ne pense pas que les Canadiens le toléreraient—on peut espérer une augmentation seulement modeste des dépenses. Dans un tel environnement, vous aurez des excédents budgétaires considérables dès la troisième ou la quatrième année. Bien qu'une partie en sera accaparée par les dépenses que vous avez promises, ces excédents considérables et leur accumulation d'ici la troisième et la quatrième années seront de telle ampleur que le ministre des Finances sera en mesure d'accorder une baisse d'impôt qui sera politiquement et économiquement significative, telle que les Canadiens verront que oui, effectivement, ils ont plus d'argent dans leur poche.
• 1200
Voilà, en termes généraux, monsieur le président, le scénario
que nous esquissons pour vous. La raison pour laquelle je vous
demande de le considérer très sérieusement est que, à notre avis,
il établit non seulement le bon ordre de priorités... Tous les
Canadiens ont été élevés dans l'idée—et c'est certainement leur
conception aujourd'hui—que, oui, je vais faire des sacrifices,
mais ensuite je veux voir une récompense substantielle.
M. Szabo a demandé quelle serait la récompense. De grosses réductions d'impôt sont une forme de récompense. De faibles taux d'intérêt sont une forme de récompense. Tous les avantages dont j'ai parlé aujourd'hui sont les récompenses pour lesquelles les Canadiens paient aujourd'hui un prix très douloureux. Voilà le scénario, monsieur le président, que nous vous exhortons à adopter.
Le président: Monsieur Pillitteri, une dernière question.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président, et bienvenue à ces messieurs.
Évidemment, monsieur d'Aquino, j'ai eu le plaisir de vous écouter au cours des quatre dernières années, à chacune de vos comparutions devant le comité. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait des pessimistes parmi nous, mais je peux vous dire que je n'en faisais pas partie. Je me souviens qu'il y a deux ans, lorsque le ministre des Finances, M. Martin, avait ses objectifs mobiles de 2 p. 100, je lui ai demandé pourquoi il ne visait pas 1 p. 100 d'ici 1996-1997. Vous voyez donc que nous ne sommes pas tous pessimistes.
J'aimerais revenir sur quelque chose d'autre qui a été évoqué ce matin, à savoir combien l'économie est dynamique et combien les gens d'affaires sont enthousiastes devant la croissance de l'économie et l'afflux des commandes—combien tout cela est fantastique. Par ailleurs, nous avons un taux de chômage qui reste obstinément à 9 p. 100, et même encore plus dans certaines régions du pays.
Vous avez évoqué—et j'ai trouvé cela très intéressant car je suis cela depuis pas mal de temps—la situation européenne, où l'Italie, l'Allemagne et la France ont des taux de chômage si élevés. Mais je constate un phénomène en Europe. Bien souvent, il en coûte moins cher de mettre en place des programmes pour minimiser la mobilité de la main-d'oeuvre à travers le pays. Il est beaucoup moins coûteux de garder les chômeurs dans leur région que de les voir se déplacer, car l'État doit les prendre en charge. Nous savons que cela a été fait systématiquement en Europe. Vous avez signalé le phénomène mais sans en indiquer l'ampleur.
Nous n'avons pas tout à fait cela au Canada, mais quelque chose de similaire. Comment faire que tous les Canadiens, dans toutes les régions et pas seulement dans certaines, bénéficient de cette forte croissance économique? Que faut-il faire? Ou bien devrions-nous suivre le modèle européen et dire: bon, vous êtes une province pauvre, nous allons vous payer pour rester sur place sans vous donner l'opportunité de la mobilité? J'aimerais votre avis à ce sujet.
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, c'est là au Canada un problème social, et aussi économique, très important. Si M. McKenna était là aujourd'hui... et vous avez entendu ce qu'il a eu à dire tout récemment lors d'une conférence des premiers ministres dans les Maritimes. M. McKenna, qui a très bien su gérer les finances de sa province, a déclaré que ce n'est pas une solution que d'arroser les gens avec de l'argent pour les garder où ils sont, d'arroser les entreprises pour les amener à investir. Nous prêchons cela depuis 15 ans, et cette idée rencontre beaucoup de résistance. Les gens nous rétorquent: est-ce que cela signifie qu'il faut vider Terre-Neuve et que ses habitants aillent chercher du travail en Ontario et en Alberta? Non, je ne le pense pas.
• 1205
Si M. Tobin était là aujourd'hui, il vous dirait qu'entre
Hibernia et Voisey Bay et certains des autres objectifs économiques
de Terre-Neuve, le jour viendra peut-être où Terre-Neuve ne sera
plus une province pauvre et où davantage de ses habitants pourront
y gagner leur vie.
Mais fondamentalement, la plus grande force de l'économie canadienne et du peuple canadien, contrairement à l'Europe mais tout comme aux États-Unis, est le degré phénoménal de mobilité qui a été possible et que nous avons promu dans notre pays.
Le Canada a eu les meilleurs chiffres de création d'emplois du monde industrialisé entre 1983 et 1990. Pourquoi? Parce que des emplois ont été créés en grand nombre. Des emplois ont été perdus, mais il s'en est créé en plus grand nombre et les Canadiens sont allés vers ces emplois.
Je suis de Colombie-Britannique. Je travaille en Ontario. Combien de gens connaissons-nous dans ce pays...? Un grand nombre des habitants de Vancouver viennent de la Saskatchewan et un nombre énorme de gens en Ontario viennent du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. C'est une grande force. Il ne faut pas y voir un attribut négatif.
Aux mères, aux pères et grands-parents qui aimeraient garder leurs enfants chez eux—qui n'aiment pas les voir partir—je dis que c'est une bénédiction de vivre dans un pays qui autorise autant de mobilité, dont la mentalité admet qu'un jeune prenne sa valise et parte travailler dans une autre province. Il n'y a rien de mal à cela. Après tout, nous sommes un seul et même pays. Il n'y a rien de mal dans la mobilité. Les Européens en ont beaucoup moins que nous. C'est l'une des raisons pour lesquelles les États-Unis et le Canada, comparés à l'Europe, s'en tirent beaucoup mieux que les Français, les Allemands ou les Italiens.
Le président: Je dois vous rappeler que nous avons dépassé midi.
M. Tony Valeri: Je promets d'être bref.
Je voudrais juste faire une remarque et remercier M. Anderson et le Bureau d'assurance du Canada d'avoir encore une fois attiré l'attention du comité sur les obligations qui seraient associées à une éventuelle catastrophe.
Je pense que les gens autour de cette table font leur l'approche que vous recommandez au gouvernement, à savoir la prévoyance, la mise en route d'un plan pour couvrir ces obligations imminentes. Je vous remercie donc.
Ma question s'adresse à vous, monsieur d'Aquino. Vous y avez répondu en partie lorsque vous avez dit que vous aimeriez que la réserve pour éventualités soit portée à 5 milliards de dollars. Je sais maintenant que votre raison est qu'elle servirait à réduire la dette si elle n'était pas utilisée. L'autre moitié de l'équation, que le gouvernement a utilisée avec grand succès dans sa lutte contre le déficit, sont les hypothèses économiques prudentes. J'aimerais savoir si, parallèlement à la réserve pour éventualités, dont je sais que vous êtes partisan, vous souhaitez également le maintien d'hypothèses économiques prudentes.
M. Thomas d'Aquino: Absolument. Lors d'une conversation que j'ai eue avec M. Martin peu de temps après son accession au ministère des Finances, je lui parlais de ses prédécesseurs, disant que je n'avais jamais compris pourquoi M. Wilson, M. Mazankowski ou aucun de ses prédécesseurs n'a jamais fait ce que nous faisons tout le temps dans le secteur privé pour faire bonne figure, à savoir formuler des hypothèses économiques prudentes. Si vous dirigez la grande société X et que vous faites des promesses que vous ne pouvez tenir, le marché vous sanctionnera. De même les gouvernements se voient punis lorsqu'ils fixent des objectifs qu'ils ne peuvent tenir.
Je lui ai donc dit que je ne voyais pas pourquoi un ministre des Finances ne pourrait pas poser des hypothèses très conservatrices, même encore plus conservatrices que dans le secteur privé. Établissez-les de façon très conservatrice car en politique, tout comme en économie, on ne sait jamais quand viendra la pluie—lorsque nous tombera dessus un désastre comme celui que nous avons eu dans les Maritimes, où toute la pêche a disparu, à un coût énorme pour le contribuable canadien, ou bien où vous aurez une année de très mauvaise récolte. Nous allons toujours nous heurter à ce genre de problèmes et il vaut mieux se préparer pour la tempête. Posez des hypothèses prudentes et économisez plus plutôt que moins, car en dernière analyse vous, le gouvernement et le pays feront bien meilleure figure.
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Eh bien, c'est ce que M. Martin a fait et Dieu l'en bénisse
car il nous a donné les résultats qui ont fourni au gouvernement et
au pays leur plus gros atout, celui de taux d'intérêt réduits.
J'accepte donc les hypothèses contenues dans la dernière
déclaration économique. Nous n'avons rien à y redire. Nous espérons
simplement qu'elles continueront à être très prudentes et modestes.
Le président: Je vous remercie, monsieur Valeri. Merci, monsieur d'Aquino.
Monsieur Assad, une dernière question, très brève.
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Monsieur d'Aquino, M. Szabo a émis une opinion que je partage en partie: les récompenses que nous avons vues ont été piètres. Nous espérions voir un recul du chômage plus rapide et une réduction des paiements de transfert aux provinces. Nous espérions mettre un terme à cela.
Ma question porte sur votre conception de la dette. Je sais bien que notre endettement compte, et il y a d'autres voix qui s'expriment, celles de gens responsables et compétents. Je vous rappelle que l'ancien président de l'Association canadienne d'économique, M. Pierre Fortin, et ses collègues ont publié il y a un an environ un ouvrage intitulé Unnecessary Debts. Il mettait en accusation la Banque du Canada et la politique monétaire suivie ces dernières années, signalant que les trois quarts de notre dette cumulative sont dus aux taux d'intérêt.
Je suis heureux de voir que quelqu'un a parlé de mettre de l'ordre dans nos finances. J'espère que cela englobera une refonte complète du régime fiscal. Peut-être faudrait-il reprendre le rapport de la Commission Carter et suivre certaines des recommandations qu'elle a formulées à l'époque dans ce document que je considère comme révolutionnaire. Un débat national sur ce que devrait être notre niveau d'endettement serait le bienvenu, mais lorsque le vérificateur général l'a réclamé il y a un an environ, je n'ai pas vu d'encouragement en ce sens de la part des milieux financiers de ce pays.
S'il est une organisation qui pourrait dire oui, ayons un libre débat sur la dette et même sur le rôle de la politique monétaire dans l'accumulation de cette dette, avec la participation de ces voix dissidentes, je pense que c'est bien le Conseil national des chefs d'entreprise, monsieur d'Aquino.
M. Thomas d'Aquino: Monsieur Assad, si vous avez suivi ce que nous avons dit au fil des ans, nous n'avons cessé de réclamer un débat public, d'abord sur la lutte contre l'inflation, puis sur la lutte contre le déficit, puis sur le libre-échange, maintenant sur la dette, et ce matin sur le changement climatique planétaire.
Nous pensons que le débat est la meilleure façon de non seulement englober les Canadiens, mais aussi de leur permettre de comprendre pourquoi certaines questions sont si importantes, peut-être bien avant les gourous ou les politiciens ou les gens d'affaires. La raison en est que vous ne trouverez pas de Canadien, ou très peu, aujourd'hui dans le pays... Même les gouvernements néo-démocrates de ce pays se sont tous ralliés au principe de la compétitivité et de l'équilibre budgétaire. Ce n'était pas le cas il y a dix ou 15 ans. Il a fallu plaider pendant 15 ans pour amener les Canadiens—avec aussi l'aide des coups de canon tirés par les marchés—à admettre l'impératif de la réduction du déficit.
Aujourd'hui, vous savez, et vos sondages vous disent, que la grande majorité... Si quelqu'un arrivait aujourd'hui pour dire: dépensons sans compter et peu importe le déficit, il se ferait descendre en flammes. La même chose vaut maintenant pour la dette. Ce que nous réclamons, souhaitons, désirons et préconisons est le débat le plus large possible sur la question de la réduction de la dette, car nous croyons...
J'ai employé ce matin l'analogie avec le Canadien qui a une hypothèque. M. Szabo ne rembourse peut-être pas son hypothèque, mais les chiffres montrent que la vaste majorité des Canadiens essaient de le faire, tout en repeignant leur toit et en entretenant leurs trottoirs. Le fait est que les Canadiens comprennent. Ils comprennent et c'est pourquoi vos sondages disent aujourd'hui qu'ils ne veulent pas d'une augmentation massive ou importante des dépenses.
Les Canadiens disent aussi que l'éducation et la santé sont primordiales. Je suis d'accord avec cela. Je pense comme eux. Je ne veux pas que l'érosion des services de santé et éducatifs se poursuive, pas plus que mes collègues. Mais s'agissant de dépenses accrues ou de la manière de régler le problème de la dette, tenons ce débat, absolument. Nous sommes raisonnablement certains de ce que les Canadiens vont choisir. De fait, plus grand le nombre de Canadiens qui participent et comprennent ce débat, et plus clair sera le message qu'ils nous enverront à tous sur ce qu'ils veulent réellement. Donc absolument oui, oui, oui, ayons ce débat.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur McIver.
M. Don McIver: Très brièvement, je pense que l'une des plus grandes frustrations ressenties ces dernières années par la plupart des économistes a été de faire comprendre aux députés l'importance du déficit. Très souvent, nous constations que d'autres pressions s'exerçaient sur les députés qui faisaient que le message ne passait pas clairement. Mais il a fini par passer, cela ne fait aucun doute.
Je pense que maintenant le message concernant la dette, parce que la porte était déjà ouverte, est passé beaucoup mieux et beaucoup plus vite. Je pense qu'il incombe au Parlement, à ses membres, avec l'aide du ministère des Finances, d'orchestrer ce débat car ce n'est pas quelque chose dont les gens parlent dans une soirée typique.
Le président: Je vous remercie, monsieur McIver.
Au nom du comité, je veux vous exprimer notre gratitude la plus sincère pour vos interventions. Elles étaient très réfléchies.
Une chose dont je peux vous assurer est que nous comprenons tous, et c'est assez manifeste, que pour produire des richesses dans une société, nous devons réaliser des gains de productivité, que nous devons tous produire le type de richesse requis si nous voulons maintenir les programmes sociaux auxquels les Canadiens sont accoutumés.
Un aspect que je veux souligner est que ce débat ne peut pas être simplement un débat pour ou contre. Je pense que l'on peut investir dans les hommes. Je pense que l'on peut investir dans la santé et l'éducation et en même temps régler le problème de la dette. Je pense que ce sera la pensée finale pour ce matin. Nous voulons que les analystes comprennent bien que nous abordons ce processus avec une très grande ouverture d'esprit.
La séance est levée jusqu'à 13 heures.