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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 30 octobre 1998

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous.

Comme vous le savez, le comité des finances procède actuellement à des consultations pré-budgétaires. Ce matin, nous aurons le plaisir d'entendre trois députés. Nous accueillons en effet le chef du Bloc Québécois, M. Gilles Duceppe, et les députés Yvan Loubier et Odina Desrochers.

Soyez les bienvenus. Je crois que vous savez de quelle façon le comité fonctionne. Vous participez à nos travaux depuis un certain nombre d'années déjà. Vous avez de 10 à 15 minutes pour faire votre exposé, puis nous passerons à la période de questions.

Soyez les bienvenus.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Je suis en effet accompagné de M. Odina Desrochers, député de Lotbinière, qui vous expliquera le processus de préparation de ce mémoire, et de M. Yvan Loubier, député de Saint-Hyacinthe—Bagot, responsable du dossier des finances, au Bloc québécois, qui expliquera plus en détail les propositions que nous ferons ce matin.

Je vous dirai d'abord que nous avons largement consulté la population. Sans vouloir offenser qui que ce soit ici, il nous a semblé que les consultations du Comité des finances étaient trop limitées et que nous devions absolument en tenir une de plus grande envergure. Cela nous a semblé essentiel pour bien saisir la volonté, les besoins et les désirs de l'ensemble des hommes et des femmes qui paient des taxes et impôts. Nous avions à l'esprit que les taxes et les impôts payés par tous les citoyens et les citoyennes du Québec et du Canada devaient les servir et que l'économie devait être au service des hommes et des femmes, et non pas l'inverse, c'est-à-dire les hommes et les femmes au service de l'économie.

J'aborde immédiatement les points principaux. Nous prévoyons, pour cette année, un surplus de l'ordre de 15 milliards de dollars. Je vous ferai remarquer qu'au cours des années précédentes, toutes les prévisions faites par le Bloc québécois avaient correspondu, à peu de choses près, à ce qui s'était produit dans la réalité. Je me souviens que le déficit prévu par Paul Martin, de l'ordre de 24 milliards de dollars, avait été estimé par nous à 10 milliards de dollars; il a été, en réalité, de 9 milliards de dollars. On pourrait revoir ainsi les années les unes après les autres.

Notre chiffre de 15 milliards de dollars repose sur une analyse rigoureuse de la situation. Par exemple, le Conseil du patronat, qui a participé à nos consultations, prévoit un surplus de 19 milliards de dollars et le Mouvement coopératif Desjardins, un surplus de 17 milliards de dollars. Donc, notre estimation de 15 milliards de dollars nous semble conservatrice, dans le bon sens du terme.

• 0905

D'après les gens que nous avons consultés, ces 15 milliards de dollars doivent servir en priorité aux programmes sociaux, principalement à celui de la santé, à celui de l'éducation postsecondaire et à celui de l'aide sociale, en somme à ce que l'on appelle communément les paiements de transfert, à ce qui fait également l'objet de la proposition d'union sociale signée et proposée par tous les premiers ministres des provinces, à Saskatoon, en août dernier.

La deuxième priorité est une réduction des impôts, en ce sens que les citoyens et les citoyennes sont conscients et persuadés d'avoir fourni, au cours des dernières années, un grand effort dont ils devraient recueillir les fruits, tout au moins en partie.

La troisième priorité est l'assurance-emploi, parce que, d'une part, les entreprises ainsi que les travailleurs et les travailleuses paient pour un service qui a diminué énormément et, d'autre part, parce que les cotisations sont beaucoup trop élevées pour les besoins de la cause.

Donc, il y a trois priorités, la santé étant la première.

Rappelons cette entente conclue à Saskatoon entre les premiers ministres. Rappelons que le fédéral, de 1994 à 2003, aura réduit les paiements de transfert de 42 milliards de dollars. On nous dit qu'il y a 6 milliards de dollars de plus. Dans les faits, on devait effectuer une compression de 48 milliards selon un budget de Paul Martin, mais on a réduit cette compression à 42 milliards de dollars par la suite. Cela veut dire, pour l'an passé, un manque à gagner de 6,3 milliards de dollars.

Je rappelle aussi la déclaration de Jean Charest, qui disait que les problèmes dans le domaine de la santé au Canada n'étaient pas la faute de Harris, Klein, Rochon ou Bouchard, mais bien plutôt de Jean Chrétien.

La deuxième priorité est une réduction des impôts par l'indexation des tables d'impôt. Depuis 1994, les Canadiens ont payé 37 milliards de dollars en impôts de plus qu'auparavant. Soixante pour cent de ce fardeau a été assumé par la classe moyenne. Il importe donc d'indexer les tables d'impôt, et cela coûte 2 milliards de dollars.

Une autre façon d'abaisser les impôts des citoyens serait certes de reluquer du côté des cotisations à l'assurance-emploi, ce qui m'amène à la troisième priorité.

L'assurance-emploi a été conçue pour que les travailleurs frappés par le chômage touchent des prestations. Or, les derniers chiffres nous démontrent que seulement 42 p. 100 des chômeurs qui ont cotisé reçoivent des prestations en période de chômage. Cela signifie que 58 p. 100 des gens qui ont payé des cotisations ne reçoivent pas de prestations.

Nous vous disons donc de ne pas toucher pas à l'assurance-emploi. Cela veut dire 7 milliards de dollars: un coussin de 1 milliard de dollars s'ajoutant au surplus accumulé au cours des ans; 3 milliards de dollars pour permettre une réduction des cotisations de 35c. les 100 $; et 3 milliards de dollars pour améliorer l'accessibilité et la qualité des prestations. Par rapport au surplus prévu de 15 milliards de dollars, il y aurait donc un montant de 7 milliards de dollars qui irait à l'assurance-emploi, un montant de 6 milliards de dollars pour les paiements de transfert et un montant de 2 milliards de dollars pour la réduction d'impôt, pour un total de 15 milliards de dollars.

Nous ne touchons pas à la dette cette année. Pourtant, dans nos consultations, les gens nous ont dit qu'il était important de réduire la dette et nous considérons que ce l'est effectivement. La question porte davantage sur le moment où il convient de procéder à une réduction de la dette.

En ce sens-là, nous sommes tous conscients qu'il y a danger de récession. Il y a eu baisse du produit intérieur brut au cours des quatre derniers mois, réduction de l'activité économique, recul des principaux indicateurs. Un gouvernement responsable, devant une telle situation, doit injecter de l'argent dans le circuit économique en abaissant les impôts, en réduisant les cotisations d'assurance-emploi et également en rétablissant les paiements de transfert.

Il faut être conscient également que l'indice servant à évaluer la dette d'un pays doit être calculé en fonction du produit intérieur brut. M. Loubier vous expliquera la nécessité de considérer ce ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut. Il nous apparaît qu'il deviendra important de réduire la dette quand nous pourrons y consacrer au moins 5 ou 6 milliards de dollars.

Donc, nous proposons deux hypothèses pour le moment où les surplus dépasseront 15 milliards de dollars: soit consacrer à la dette le surplus supérieur à 15 milliards de dollars—par exemple, si le surplus est de 25 milliards, on en consacrera 10 à la dette, ce qui amène une diminution importante du ratio PIB-dette—, soit y consacrer 50 p. 100 des surplus supérieurs à 15 milliards. Dans l'exemple que je vous donnais, cela voudrait dire 5 milliards de dollars, l'autre 5 milliards pouvant servir aux situations imprévues ou à de nouveaux programmes importants dans le cadre des compétences fédérales ou dans le cadre du transfert de points d'impôts aux provinces.

• 0910

Nous proposons également qu'une bonne partie des surplus d'opérations non budgétaires soit consacrée au service de la dette. Cette proposition a également été formulée par le Mouvement des caisses Desjardins.

Voilà les grandes lignes des propositions que nous vous soumettons. Nous croyons que les surplus appartiennent aux citoyens, conformément aux promesses qu'a faites le gouvernement et selon lesquelles il devait en consacrer 50 p. 100 aux programmes sociaux et à la réduction des impôts, ce qui n'a pas été le cas. Nous croyons que l'ensemble de ces propositions représente bien la volonté de ceux et celles que nous avons rencontrés.

Je vous remercie de nous avoir accordé le temps dont nous avons disposé. M. Desrochers vous expliquera très brièvement le processus par lequel nous en sommes arrivés à ces conclusions.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Merci, monsieur Duceppe. Cette belle démarche démocratique a débuté par une consultation qui a été menée dans le cadre d'une opération de sensibilisation par le chef du Bloc québécois, M. Gilles Duceppe, le porte-parole en matière des finances, M. Yvan Loubier, le président du caucus, M. Bernard Bigras, ainsi que de nombreux députés de toutes les régions du Québec.

Cette tournée a eu lieu du 15 au 19 septembre 1998. Nous avons travaillé à partir d'un document qui regroupait les thèmes que je vais vous exposer: rembourser les provinces en augmentant les transferts sociaux pour la santé, l'éducation et l'aide sociale; mieux gérer le système d'assurance-emploi; diminuer de façon significative le fardeau fiscal des Québécois; ne pas créer de nouveaux programmes; et adopter une loi sur l'équilibre budgétaire.

De quelle façon cette consultation a-t-elle été menée? Elle l'a été de différentes manières. Tout d'abord, on a organisé des tables rondes, des réunions à portes ouvertes et des assemblées publiques. Nous avons diffusé par courrier des questionnaires et des sondages, y compris un sondage scientifique dans le comté de Rimouski—Mitis, que représente Mme Suzanne Tremblay. D'autres députés ont même eu recours à des lignes téléphoniques sans frais, de façon à s'assurer que tous les gens puissent exprimer leur point de vue sur les surplus budgétaires.

Voici nos résultats. En tout, une centaine d'organismes régionaux issus de divers milieux, soit les milieux communautaire, éducationnel, syndical, des affaires, financier, politique, environnemental, municipal et agricole, ont répondu à notre appel. Quatorze organismes nationaux ont pris part à cette démarche mise de l'avant par le Bloc québécois. Ces organismes nationaux ont fait entendre leur point vue lors de deux réunions distinctes, l'une à Québec et l'autre à Montréal.

Ce matin, nous avons le plaisir de déposer ce document qui regroupe 26 rapports-synthèses qui couvrent 11 régions du Québec. Cela signifie que plus de 2 500 personnes représentant plusieurs centaines de milliers de Québécois se sont exprimées quant à l'utilisation des surplus budgétaires en prévision du prochain budget du ministre fédéral des Finances, Paul Martin.

Pour vous dire le sérieux de cette démarche, nous avons même rencontré le ministre de l'Économie et des Finances du Québec, M. Bernard Landry, qui est venu exposer les positions de son gouvernement et commenter ce document que nous avons remis à tout le monde.

De quelle façon a-t-on amorcé les discussions et la réflexion? Les participants étaient invités à répondre aux questions suivantes: êtes-vous d'accord sur les positions défendues à ce jour par le Bloc québécois, y a-t-il lieu de compléter ou d'enrichir ces positions et, si oui, comment?

Quant à l'essence de ce rapport et aux questions plus précises, je cède maintenant la parole à mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot, M. Yvan Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur Desrochers. Monsieur le président, permettez-moi de prendre quelques minutes pour expliquer les grandes opinions majoritaires qui ont été exprimées lors de cette consultation.

D'abord, au moment où nous avons mené cette consultation, nous avons voulu partir sur la base des vrais chiffres, sur les chiffres les plus crédibles possibles de prévisions concernant le surplus budgétaire pour l'exercice courant, c'est-à-dire 1998-1999. Pourquoi parlons-nous de vrais chiffres? C'est parce que depuis quatre ans, nous considérons qu'il y a un déficit démocratique; à notre avis, M. Martin traficote un peu les chiffres, y compris ceux qui concernent les prévisions budgétaires. Par exemple, dans l'espace de six mois, il peut commettre de légères erreurs de prévision de l'ordre 63 p. 100 sur ses déficits ou ses surplus. Personne ne croit plus aux chiffres du ministre des Finances. D'ailleurs, uniquement lors du dernier budget, le ministre des Finances a non seulement dit, mais aussi écrit qu'au cours du présent exercice, de l'exercice de l'an prochain et dans deux ans, le surplus budgétaire serait égal à zéro. Tout le monde sait que ça n'a aucun sens. Les chiffres de M. Martin n'ont plus aucune crédibilité. D'ailleurs, depuis qu'il a prononcé son énoncé économique lors de son passage ici, au Comité des finances, plusieurs analystes se posent des questions à cet égard et n'ont plus confiance aux chiffres qui sont véhiculés.

• 0915

Au cours des cinq premiers mois du présent exercice financier, les surplus déjà accumulés dans la caisse de M. Martin sont de l'ordre de 8 milliards de dollars. Nous sommes donc loin du zéro présenté par M. Martin. Comme l'indiquait mon chef, M. Duceppe, l'année dernière, au mois de février, on avait prévu que le déficit budgétaire du gouvernement se situerait autour des 10 milliards de dollars. M. Martin réfutait nos affirmations et disait que le déficit serait de l'ordre de 24 milliards de dollars. Il s'est par la suite ravisé et a parlé de 19 milliards de dollars. Il nous a même accusés de lancer des chiffres en l'air. Six mois plus tard, lors d'une conférence à Vancouver, il nous présentait le véritable chiffre du déficit pour 1996-1997: il était de l'ordre de 9 milliards de dollars, donc à peu près de ce que le Bloc québécois prévoyait. Le ministre de Finances s'est trompé de plus de 60 p. 100 dans ses prévisions en moins de six mois.

Alors, on est partis des vrais chiffres, des prévisions conservatrices parce que, comme le mentionnait M. Duceppe, il y a même des organismes qui ont comparu à la consultation d'envergure menée par le Bloc québécois et qui nous ont dit que cela pourrait même dépasser 17, 18 et même 19 milliards de dollars pour l'un d'entre eux, malgré le ralentissement économique. Donc, nous sommes partis de l'hypothèse de 15 milliards de dollars.

Il y a eu plusieurs opinions très fortement majoritaires qui ont été émises et je les reprendrai une à une. De façon très majoritaire—cela faisait quasiment le consensus—, les gens ont demandé que le gouvernement fédéral, avec les surplus de cette année et ceux des années à venir, rembourse en priorité les provinces pour les coupures effectuées dans les transferts sociaux. En particulier, la santé est apparue comme étant la plus grande des priorités énoncées. Cette priorité était celle de la quasi-unanimité des intervenants qui ont comparu devant le Bloc québécois lors de cette importante consultation.

Notre deuxième grande conclusion nous indique qu'au Québec, on veut, de façon très majoritaire et même quasi unanime, qu'on remette 6 milliards de dollars dans le circuit des transferts sociaux aux provinces, comme le demandent d'ailleurs tous les premiers ministres au Canada, y compris celui du Québec. Mais on veut aussi que ce remboursement, qui servirait principalement à financer les soins de santé, soit donné aux provinces sous forme de points d'impôts, cela afin d'éviter que les provinces aient à vivre à nouveau la situation qu'elles ont vécue il y a quatre ans, lorsque le ministre des Finances a imposé des réductions arbitraires. Voilà nos recommandations au sujet des 6 premiers milliards de dollars réservés sur les 15 milliards de surplus pour cette année.

J'aborde maintenant le deuxième grand élément consensuel, au sujet duquel une opinion fortement majoritaire a été présentée par les participants. On dit qu'il faut diminuer de façon substantielle l'impôt des particuliers, mais pas de façon bébête, ni de façon générale, car ce seraient les plus riches qui pourraient bénéficier de cette diminution du fardeau fiscal. Il faut plutôt cibler ces réductions d'impôt, les accorder aux contribuables à faible et à moyen revenu, cela pour deux raisons majeures.

Premièrement, depuis quatre ans, ce sont eux qui ont écopé de la très grande partie de l'augmentation des taxes et des impôts décrétée par M. Martin, laquelle est de l'ordre de 20 milliards de dollars. Ce sont eux qui ont payé et qui ont été étranglés par un fardeau fiscal qui n'a pas été réduit année après année, depuis quatre ans et demi de régime libéral.

Deuxièmement, étant donné que nous sommes dans une phase de ralentissement économique—ce que les gens ont très bien compris au Québec—et une phase d'incertitude liée à la crise asiatique et à ses effets en Amérique du Nord et même sur l'ensemble de la planète, ce sont les catégories de revenu qui sont les plus susceptibles de prendre les nouvelles recettes qu'on leur accorderait par des diminutions ciblées d'impôts, par l'entremise d'une pleine indexation des tables d'impôts ou une réduction très ciblée des taux de cotisations à l'assurance-emploi, et de les dépenser au lieu de les thésauriser ou de les épargner, donnant de ce fait un coup de pouce à la croissance économique.

Nous croyons que, dans un premier temps, une belle contribution du ministre des Finances quant à l'utilisation de ces surplus pour réduire le fardeau fiscal de ces catégories de revenu serait de réserver 2 milliards de dollars pour accorder une pleine indexation des tables d'impôts.

Le troisième grand élément de consensus, c'est qu'il faut améliorer le régime d'assurance-emploi. Je vous dirais que cela a fait l'unanimité. Que l'on prenne un aspect ou l'autre de l'assurance-emploi, les gens dénoncent le fait que ce régime est dépassé, ne satisfait aucunement aux besoins du marché du travail ni à ceux des chômeurs et même des employeurs. Je vous rappellerai que plusieurs employeurs saisonniers, tels des agriculteurs, ont comparu devant nous et nous ont dit qu'ils n'arrivaient plus à recruter de la main-d'oeuvre—c'était déjà difficile auparavant—à cause des balises imposées par ce régime d'assurance-emploi, de la réduction des prestations et des nombreuses exclusions.

• 0920

Les 7 milliards de dollars du surplus qui sont, à l'heure actuelle, accumulés et prévus pour cette année à la caisse d'assurance-emploi devraient être consacrés intégralement à l'amélioration de l'accès et des prestations et, par ailleurs, à la réduction des cotisations des employeurs et des employés à cette taxe déguisée. Sept milliards de dollars seraient donc consacrés à cela de façon prioritaire. En tout, les 15 milliards de dollars prévus en surplus budgétaire seraient alloués à ces trois éléments qui font l'objet d'un consensus ou de l'approbation d'une forte majorité des Québécois et des Québécoises qui ont été consultés lors de cet important travail de consultation publique effectué par les députés du Bloc québécois dans toutes les régions du Québec.

Au cours de ces consultations, la dette a paru importante à plusieurs participants. Elle est aussi importante pour nous. Une dette aussi élevée mérite qu'on lui porte attention et qu'on prenne les mesures nécessaires pour arriver à la contrôler, ce que nous faisons depuis que nous avons atteint l'objectif du déficit zéro, mais surtout pour en arriver à utiliser une partie des surplus générés pour rembourser une partie de cette lourde dette.

S'il y a un grand consensus qui se dégage autour de la dette, c'est parce qu'il faut d'abord et avant tout répondre aux besoins des citoyens en s'occupant des priorités clairement énoncées par eux lors de la consultation prébudgétaire: un rehaussement des transferts sociaux aux provinces pour financer de façon très particulière la santé; la réduction des impôts des particuliers à revenu faible et moyen; une réforme en profondeur du régime d'assurance-emploi.

Une fois ces trois priorités réalisées, ce qui viendrait par la suite pourrait être consacré en partie à la dette et en partie à de nouvelles initiatives.

J'entends déjà vos commentaires venir. Vous allez nous dire: «Vous faites une gestion très serrée des surplus qu'on prévoit, il y a une période d'incertitude à cause de la crise asiatique, et si ce n'était pas 15 milliards...». J'ai quelques remarques à faire là-dessus avant de passer à vos questions.

La première, c'est que ce sont des prévisions que nous faisons à la lumière des informations dont nous disposons aujourd'hui. Dans le domaine des prévisions, tout peut arriver. On est dans une période où on ne sait pas quand la crise asiatique et ses effets vont se terminer. Encore aujourd'hui, on est certain du surplus de 15 milliards de dollars. Ces 15 milliards de dollars sont déterminés à partir d'une situation, comme on dit en économie, ceteris paribus, ou toutes choses étant égales par ailleurs. Avec la structure fiscale et le régime d'impôt actuels, on s'attendrait, au cours des prochains mois et à la fin du présent exercice financier, à avoir 15 milliards de dollars de surplus. Si le ministre des Finances se décidait enfin à réformer la fiscalité des particuliers et des entreprises, comme le Bloc québécois le demande depuis qu'il est à Ottawa—et cela fait l'objet d'un consensus très fort au Québec depuis que nous avons fait la consultation—, il aurait les moyens de dégager d'autres liquidités et d'utiliser l'argent des dépenses fiscales à des fins plus productives. Par exemple, les sommes pourraient aller au service des citoyens. Le régime fiscal est dépassé à bien des égards.

Il y a trois ans, nous avons présenté 400 pages d'analyse sur la réforme de la fiscalité des particuliers et des entreprises. Lorsque nous avons déposé cette étude—tout le monde va se rappeler ça ici, autour de la table—, M. Martin a dit que c'était un travail sérieux, que c'était un bon travail et que ça méritait de l'attention. Depuis ce temps, il a mis en place un groupe de travail, le groupe Mintz. Ce groupe n'a pas retenu 10 p. 100 de ce que nous lui avions proposé. Pourtant, le but de nos propositions était vraiment d'améliorer le sort des personnes à faible et moyen revenu et de faire en sorte que les ressources fiscales soient utilisées à la création d'emplois. Il n'a pas réalisé plus de 10 p. 100 de ce que nous lui avions présenté. De plus, il n'a pas dégagé les liquidités supplémentaires que l'on pourrait dégager et qui pourraient s'ajouter au surplus de 15 milliards de dollars et aux autres surplus de cette envergure qu'on aura au cours des prochaines années.

S'il le faisait, il pourrait financer des initiatives, par exemple l'établissement d'une véritable politique de construction navale au Canada. Le Canada est le seul pays industrialisé à ne pas avoir de politique de construction navale, alors qu'il est le pays le plus entouré d'eau. Cela n'a aucun sens. On entend souvent dire: «Si M. Martin déposait un tel projet de politique de construction navale, vous l'accuseriez de favoriser son secteur et vous feriez, comme l'année dernière pour le C-28, une charge à fond de train.»

• 0925

Nous répondons à M. Martin, s'il pense que c'est cela, qu'il y a une différence entre déposer un projet de loi comme ministre des Finances, quand vous êtes armateur, un projet de loi qui vous concède ou qui pourrait vous concéder des avantages fiscaux considérables, et mettre en place une politique de construction navale qui pourrait bénéficier à l'ensemble des Québécois et des Canadiens, qui pourrait créer des emplois et qui pourrait faire en sorte que nos chantiers navals, au Québec comme au Canada, profitent d'une politique comme celle dont les autres pays industrialisés profitent. À l'heure actuelle, nous sommes les seuls dans ce cas.

On pourrait dégager des surplus supplémentaires avec une réforme de la fiscalité et aussi avec la conjoncture, au cours des prochaines années. On pourrait prendre de telles initiatives constructives et structurantes sur le plan de l'économie. De plus, on pourrait ainsi investir auprès des provinces pour qu'elles puissent contribuer à la construction de nouveaux logements sociaux, par exemple. Enfin, on pourrait consacrer le reste du surplus au remboursement d'une partie de la dette.

C'est ce que j'avais à vous apporter comme information supplémentaire concernant la vaste consultation que le Bloc québécois a menée auprès des Québécoises et des Québécois. Nous serons heureux, M. Duceppe, M. Desrochers et moi-même, de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, messieurs Loubier, Duceppe et Desrochers.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Commençons par M. Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens d'abord à remercier le parti, et en particulier MM. Duceppe, Loubier et Desrochers, qui ont effectivement répondu à la demande du comité et procédé à leurs propres consultations pré-budgétaires.

Comme vous le savez, le président du Comité permanent des finances nous a écrit en juin, comme l'an dernier et à peu près dans les mêmes termes, pour nous demander d'élargir la consultation afin de permettre aux Canadiens de toutes les régions du pays de participer à un débat public dans le cadre du processus de consultation, puis de soumettre toute l'information ainsi recueillie à l'examen du comité. Je veux donc vous remercier d'avoir accédé concrètement à la demande que le comité a présentée à de nombreux députés et sénateurs.

J'ai deux ou trois questions à poser et je veux d'abord faire remarquer que vous demandez essentiellement une augmentation des paiements de transfert aux provinces, une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, une certaine réduction des cotisations à l'assurance-emploi et, enfin, un remboursement partiel de la dette.

Je veux donc vous remercier d'appuyer ce qui est, au bout du compte, la politique du gouvernement: une augmentation des paiements de transfert, le désir de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, une tendance à la baisse des cotisations à l'assurance-emploi et une réduction de la dette. Nous ne nous entendons peut-être pas sur les proportions, mais en règle générale l'orientation est identique, et je veux profiter de cette occasion qui m'est offerte pour vous remercier d'appuyer vous aussi la politique gouvernementale.

Mes questions précises seraient les suivantes. Vous parlez de réductions d'impôt, mais vous ne précisez pas si vous souhaitez des réductions pour tous ou si vous envisagez plutôt des réductions ciblées. Lorsque vous parlez de réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers, est-ce que vous suggérez un régime plus progressif? Quelle serait l'incidence de cette mesure sur l'exode des cerveaux? Au fond, nous ne devons pas oublier que ceux qui touchent des revenus de plus de 50 000 $ représentent seulement environ 12,4 p. 100 des contribuables. Vous savez aussi, monsieur Loubier, vous qui êtes économiste, que ces personnes paient 55,3 p. 100 de l'impôt sur le revenu des particuliers au niveau fédéral. Cela semble plutôt progressif à la plupart des gens.

De fait, permettez-moi d'aller plus loin encore. Vous parlez aussi du facteur de prudence. Vous proposez de dépenser les premiers 15 milliards de dollars—je crois que c'est ce que vous avez dit dans votre exposé—plutôt que d'affecter une partie de cette somme à la réduction de la dette. Alors les premiers 15 milliards de dollars seraient alloués à d'autres initiatives. Je suppose, parce que M. Loubier a indiqué que vous utilisiez les données disponibles, que la réserve pour éventualités est comprise dans ces 15 milliards de dollars. Je crois qu'il y a quelques jours à peine, Pierre Fortin a témoigné devant le comité et affirmé sans équivoque que la réserve pour éventualités devrait être consacrée au remboursement de la dette. Est-ce que vous nous laissez entendre maintenant que vous souhaitez voir cette réserve devenir un poste de dépenses plutôt que d'être maintenue pour faire face à des circonstances imprévisibles ou affectée au remboursement de la dette?

• 0930

Pour ce qui est des facteurs de prudence, essentiellement, vous avez déclaré que les projections n'étaient pas tout à fait justes. Comprenez-moi bien. Le gouvernement ne va certainement pas s'excuser d'avoir dépassé la cible et d'avoir ainsi amélioré la situation du pays, monsieur le président. Alors est-ce que vous dites que nous devrions maintenant modifier le processus d'élaboration budgétaire que nous utilisons depuis plusieurs années déjà? Est-ce que vous proposez que les facteurs de prudence adoptés par le gouvernement soient maintenant abandonnés et que nous éliminions cet élément de circonspection?

J'ai bien entendu M. Loubier dire que son parti était fort conscient de la situation internationale et la turbulence actuelle des marchés. Là encore, il y a quelques jours à peine—et ce sont des économistes, alors ce sont des collègues de M. Loubier—, Mme Maureen Farrow a indiqué qu'elle n'avait jamais vu l'économie mondiale dans une situation aussi précaire. Alors à une époque où l'économie du monde est précaire, est-ce que vous proposez—et je me fonde sur votre proposition et votre suggestion de dépenser 15 milliards de dollars avant de tenter de réduire la dette—que nous abandonnions les facteurs de prudence? Quel genre de signal est-ce que vous voulez ainsi communiquer aux marchés? Je suis certain que M. Loubier veut répondre à cela.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur Valeri, votre question est très large. Par contre, j'ai beaucoup de réponses à vous fournir, moi aussi.

[Traduction]

M. Tony Valeri: Mes questions ressemblent fort aux vôtres, de fait. C'est la première occasion que j'ai de les poser concrètement.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je vais commencer, monsieur Valeri, par ce que vous appelez »la prudence». Nous sommes aussi des gens qui avons la prudence comme bannière dans nos interventions. D'ailleurs, je vous rappelle que nous sommes le seul parti à la Chambre des communes à avoir présenté un projet de loi antidéficit. On ne veut pas que le gouvernement fédéral retombe dans ses vieux travers du passé, qui nous ont mis dans le trou, avec une dette accumulée de 600 milliards de dollars.

S'il y en a qui sont extrêmement prudents, ce sont bien les gens du Bloc québécois. Toutefois, il y a une différence entre la prudence et le trafic des données, qui va même quelquefois jusqu'aux mensonges éhontés. La prudence n'égale pas le mensonge. Au mois de février 1997, Paul Martin, dans ses prévisions, a dit qu'il y aurait un déficit de l'ordre de 24 milliards de dollars pour 1996-1997. Quelques semaines plus tard, il parlait de 19 milliards de dollars. De notre côté, avec les faibles ressources que nous avons et avec nos moyens limités—on n'a pas les milliers de travailleurs du ministère du Revenu et du ministère des Finances à notre service—, on a vraiment réussi à pointer du doigt la véritable ampleur du déficit.

Six mois après que M. Martin nous ait dit que nos chiffres n'avaient pas d'allure, ce sont nos chiffres qui se sont réalisés. M. Martin fait la même chose depuis le début. Je ne reprocherai jamais à quelqu'un d'être prudent et d'avoir un coussin, mais entre être prudent et rire des gens, il y a une grosse marge. Je pense que M. Martin a franchi cette ligne depuis un bon bout de temps.

Comme je vous le mentionnais tout à l'heure, le Bloc québécois est très conscient que la dette est un problème majeur. Je vous ai rappelé plus tôt, monsieur Valeri, que lors de nos consultations, plusieurs avaient dit que la dette était préoccupante. Ne croyez-vous pas, comme le disait M. Chrétien il y a quelques semaines, que vous en avez fait assez cette année pour la dette? En 15 mois, vous avez pris 20 milliards de dollars de surplus que vous avez dégagés, d'une façon ou d'une autre, pour rembourser une partie de la dette, alors que partout au Canada, les gens vous demandaient de mettre au moins quelques milliards de dollars dans les soins de la santé. À l'unanimité, les premiers ministres des provinces vous ont dit: «On a besoin de l'argent que vous nous enlevez, année après année, depuis trois ans, parce que les besoins sont criants dans le secteur de la santé.»

De votre côté, vous avez fait la sourde oreille et vous avez tout mis sur la dette. Ça aussi, c'est une définition de la prudence.

• 0935

Quand vous prenez toutes vos ressources fiscales et que vous mettez—la sagesse paysanne revient—tous vos oeufs dans le même panier, comme votre gouvernement l'a fait en prenant 20 milliards de dollars de ressources fiscales disponibles depuis 15 mois et en mettant tout sur la dette, ce n'est pas de la prudence. Cela a pour effet de nous priver d'une partie des ressources dont on pourrait avoir besoin si le ralentissement économique se poursuivait. Sur ce point, je suis d'accord sur l'idée qui fait l'objet du consensus des ministres des Finances du G-7, qui disaient que tous les pays industrialisés du G-7 devaient prendre des mesures pour raffermir la croissance économique déjà amochée par la crise asiatique et par quatre mois de réduction de la croissance du PIB, ici même au Canada.

Le fait d'avoir utilisé les 20 milliards de dollars au complet pour rembourser la dette, ce n'est pas de la prudence. À mon avis, c'est de l'incohérence. Premièrement, cela a contribué à faire dégringoler le dollar canadien encore plus bas. Paul Martin l'a reconnu lors de son énoncé économique ici, au Comité des finances. Deuxièmement, il est nécessaire de stimuler l'économie, comme tous le demandent maintenant.

Rappelez-vous qu'au milieu du mois d'août, le Bloc québécois avertissait le gouvernement qu'avec trois mois de réduction consécutifs de la croissance du PIB, il fallait prendre les ressources fiscales qu'on avait, c'est-à-dire les surplus, pour stimuler l'économie. Il fallait injecter de l'argent par l'entremise des programmes sociaux pour raffermir la croissance économique. Aussi, il fallait donner un coup de pouce aux entreprises en réduisant, par exemple, les taux de cotisation à l'assurance-emploi de façon substantielle, parce que c'est une taxe sur la masse salariale. À l'heure actuelle, avec le ralentissement de la demande, les entreprises ont besoin de ce coup de pouce.

Certains analystes étaient d'accord avec nous, mais la plupart d'entre eux, dont John McCallum, l'économiste en chef de la Banque Royale, nous disaient qu'on était dans les patates, que ça n'avait pas d'allure et qu'il n'y avait pas assez de données pour conclure qu'on était dans un ralentissement économique.

La semaine dernière, le lundi 26 octobre, John McCallum déclarait qu'il y avait effectivement un problème. On disait:

    À la plus grande banque canadienne, la Royale, l'économiste en chef partage ces préoccupations quant à la récession. Les difficultés économiques sont loin d'être terminées et cela va continuer à se faire sentir sur l'économie, croit John McCallum.

Je continue à citer:

    M. McCallum, de son côté, suggère qu'Ottawa stimule l'économie, soit par des dépenses fédérales accrues, soit des réductions d'impôts.

Écoutez, cela fait l'unanimité. Si John McCallum, dont se réclame notre ministre des Finances fédéral depuis toujours, vient de lui dire exactement ce que le Bloc québécois lui dit, eh bien, il devient intéressant de porter une oreille attentive à nos suggestions et à celles de l'ensemble des Québécois, maintenant, après la consultation prébudgétaire.

Vous avez parlé de la réduction des impôts. Probablement que vous étiez en train de parler avec les recherchistes, mais on a bien précisé que la réduction des impôts devait cibler d'abord et avant tout les personnes à faible et moyen revenu, parce que ce sont elles qui ont contribué de façon plus constante à l'exercice d'assainissement des finances publiques depuis quatre ans et ce sont aussi elles qui sont les plus susceptibles d'utiliser les ressources supplémentaires qu'on va leur donner par des baisses d'impôt pour consommer et stimuler l'économie.

Je ne sais pas si cela répond à vos questions, monsieur Valeri, mais vous aviez de grandes questions qui exigeaient de grandes réponses.

[Traduction]

M. Tony Valeri: Oui, c'est très bien, mais je dois faire remarquer que vous insistez sur les paiements de transfert, mais que l'autre volet de votre exposé se rapporte essentiellement à une augmentation de ces paiements de transfert grâce aux points d'impôt. C'était effectivement fort intéressant. Vous indiquez que vous voulez augmenter les fonds grâce aux points d'impôt, puis vous affirmez qu'il faut rétablir les six milliards de dollars défalqués du transfert social.

Pardonnez ma franchise, mais l'incohérence me paraît évidente. Là encore, monsieur Duceppe, vous êtes le chef du parti, alors je m'attends à ce que vous ayez accès à ce genre d'information. M. Loubier, lui, est économiste.

Lorsque vous calculez le total des droits, et je suis certain que vous vous rendez compte qu'il s'agit d'une combinaison d'argent comptant et de points d'impôt, vous n'arrivez pas vraiment à six milliards de dollars mais bien à 3,8 milliards de dollars. Vous ne pouvez pas d'une part soutenir que les paiements en argent ont été réduits de six milliards de dollars et qu'il faut les rétablir, et réclamer d'autre part des points d'impôt. Si vous présentez cet argument, vous vous éloignez de la réalité, c'est-à-dire du fait que le problème se rapporte au total des droits—personne ne le conteste—plutôt qu'aux simples paiements en argent auxquels vous faites allusion.

• 0940

Est-ce que vous convenez que les droits totaux sont la base de la discussion et que les points d'impôt sont un élément important de ces droits accordés aux provinces? Ou est-ce que vous dites simplement qu'ils sont importants, mais que vous ne vous en souciez pas vraiment?

[Français]

M. Gilles Duceppe: Rappelons-nous que les points d'impôt avaient été négociés par Jean Lesage et Pearson et qu'il y avait eu le retrait de 29 programmes fédéraux. Plus les points d'impôt augmentent, plus les revenus augmentent. Il faut aussi tenir compte du fait que les dépenses augmentent de la même façon au fil des ans et qu'on les estime en dollars courants; on ne tient pas compte uniquement de ce que cela coûtait dans le temps, mais de ce que cela coûte maintenant. Si on veut régler la question, nous croyons qu'il faut tenir compte des sommes versées à titre de paiements de transfert et les convertir en points d'impôt. Nous appuyons cette approche et, on vous le dit à l'avance, si vous l'acceptez, on va régler cela tout de suite.

Cependant, une fois qu'on aura réglé la question des points d'impôt, il faudra se pencher sur une autre question. C'est le Parti libéral de Pierre Elliott Trudeau qui avait mis sur pied certains programmes conjoints dans le cadre desquels le fédéral versait des paiements de transfert pour s'assurer d'une certaine visibilité, ce qu'il a très bien réussi à faire. Avec le temps, de façon très pernicieuse, le fédéral s'est retiré de ces programmes qu'il avait mis sur pied et a pigé dans l'argent qui devait être consacré à ces programmes pour combler le déficit. Maintenant qu'il a de l'argent, il nous dit qu'il entend mettre sur pied de nouveaux programmes. Nous lui répondons que ça suffit, ce jeu qui mène les provinces à des culs-de-sac, puisque les provinces doivent continuer à offrir ces services. C'est pourquoi nous vous recommandons de tout régler en points d'impôt dans le cadre du système fédéral, tant qu'on y est.

Qu'on ne nous fasse pas croire que la question des paiements de transfert n'est pas venue du fédéral et qu'on ne nous demande pas d'accepter que le fédéral se retire maintenant. Ce ne sont pas uniquement les souverainistes qui disent cela; l'ensemble des premiers ministres, le Forum pour la santé et les partis d'opposition le disent aussi. Vous êtes sûrement à peu près les seuls à avoir raison.

[Traduction]

M. Tony Valeri: Personne ne conteste l'idée que les paiements de transfert aux provinces sont importants, mais vous me confirmez qu'au fond, les points d'impôt sont importants dans votre raisonnement mais pas si vous parlez de l'ensemble des droits. C'est très bien.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Non.

[Traduction]

M. Tony Valeri: Eh bien, c'est essentiellement ce que vous avez dit. Vous voulez régler le problème passé grâce aux points d'impôt, mais par la suite vous ne considérez pas les points d'impôt comme un élément du total des droits.

[Français]

M. Yvan Loubier: Si vous me le permettez, j'ajouterai quelques éléments à ce que mon chef vient de dire. Ce qu'on demande est bien simple. Lors de son budget de 1995, M. Martin a décrété un plan de coupures budgétaires dans les transferts sociaux aux provinces, lesquels devaient financer principalement la santé, l'aide sociale et l'éducation supérieure. Si ce plan continue jusqu'en 2003, on aura enlevé 42 milliards de dollars en espèces aux provinces, argent qui aurait dû servir à financer ces trois secteurs-là. Avant l'élection de l'an dernier, il avait prévu une réduction de 48 milliards de dollars, mais votre premier ministre s'est par la suite engagé à remettre 6 milliards de dollars dans les programmes sociaux. Donc, au lieu de s'élever à 48 milliards de dollars, les coupures seront de 42 milliards de dollars. En réalité, il n'a pas augmenté les transferts aux provinces. Il n'a fait que décréter qu'au lieu d'imposer des coupures de 48 milliards de dollars d'ici 2003, il imposera des coupures de l'ordre de 42 milliards de dollars. À l'instar des Québécoises et Québécois consultés, ainsi que de tous les premiers ministres des provinces qui s'étaient réunis à Saskatoon, nous vous demandons de décréter que les coupures de 6 milliards de dollars ne seront pas imposées cette année. Les premiers ministres sont plus flexibles encore pour cela.

Vous parliez de coussin et de prudence. Les premiers ministres ont dit que le remboursement des 6 milliards de dollars sous forme de points d'impôt, parce que c'est plus prudent étant donné la façon arbitraire dont vous faites les coupures, pourrait se faire sur deux ou trois ans. Au lieu de rembourser 6 milliards de dollars d'un coup aux provinces, on pourrait rembourser 2 ou 3 milliards une année et le reste l'année suivante. Vous les avez, votre coussin et votre prudence, et vous avez la logique de notre demande aussi.

M. Gilles Duceppe: Je voulais préciser une chose au sujet des points d'impôt et des paiements de transfert. Cela vaut la peine de la souligner parce qu'il n'arrive pas tous les jours que le Bloc québécois ait la même opinion que le Parti libéral du Canada. Je vous dirai que notre position sur les paiements de transfert, les points d'impôt et la réduction unilatérale du gouvernement fédéral est exactement celle qu'avait adoptée le Parti libéral de Jean Chrétien alors qu'il était dans l'opposition et dénonçait les conservateurs. On a repris exactement votre raisonnement et le discours que vous teniez quand vous étiez assis de l'autre côté de la Chambre. Mais il semble que les choses aient changé puisque maintenant, vous faites exactement ce que les conservateurs faisaient à l'époque. Nous nous sommes beaucoup inspirés des propos de Jean Chrétien, alors chef de l'opposition.

• 0945

[Traduction]

M. Tony Valeri: Et dans la suite de la campagne électorale provinciale, j'imagine que vous finirez par appuyer Jean Charest. Lors de la dernière élection fédérale, il a mentionné que les paiements de transfert aux provinces devraient se faire entièrement sous forme de points d'impôt. Maintenant que vous avez officiellement exposé votre position devant le comité, lorsque vous ferez du porte à porte au Québec, je crois que vous direz que pendant la dernière élection fédérale M. Charest avait indiqué que les paiements de transfert aux provinces devraient être entièrement versés sous forme de points d'impôt et qu'il ne devrait plus y avoir de transferts en argent. Je crois que vous vous situez quelque part entre le Parti conservateur et le Parti libéral sur la scène fédérale, mais je n'en suis pas tout à fait certain.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Il ne faudrait pas exagérer. Je pense que M. Charest en a bien assez de l'appui de M. Chrétien.

[Traduction]

M. Tony Valeri: J'ai un dernier commentaire à faire, monsieur le président. Je crois que M. Loubier a fait une allusion à une augmentation des fonds alloués au logement social dans les provinces.

Dans votre conclusion, vous avez parlé de fonds supplémentaires pour le logement social. Je me trompe peut-être, et corrigez-moi si tel est le cas, mais j'ai cru comprendre qu'il existait à l'heure actuelle un processus pour transférer les responsabilités aux provinces afin de leur donner plus de contrôle sur le logement social. Je crois que vous endosseriez aussi ce type de politique dans le domaine des conventions sur le marché du travail, du transfert du logement social et de ce genre de choses pour les provinces.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Oui, c'est fort intéressant.

[Traduction]

M. Tony Valeri: Là encore, il s'agit d'une initiative fédérale.

[Français]

M. Gilles Duceppe: D'ailleurs, je vous ferai remarquer que les exemples que vous avez soulevés concernant la main-d'oeuvre, les commissions scolaires ou encore l'immigration ont toujours été réalisés.

[Traduction]

M. Tony Valeri: Je n'ai pas parlé des commissions scolaires, du travail ni de l'immigration.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Non, mais votre premier ministre en a parlé. Je vous rappelle que cela a toujours été fait alors qu'il y avait un gouvernement souverainiste à Québec. Il y avait alors un rapport de force suffisant pour imposer quelque chose au fédéral.

Cela étant dit, nous revendiquons non seulement qu'on nous accorde la responsabilité du logement social, mais aussi qu'on nous verse les sommes nécessaires pour l'assumer, puisque vous avez perçu des taxes pour le logement social. Vous vous retirez de ce secteur, mais vous ne nous remettez pas le financement qui devrait y être associé. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas d'entente actuellement avec le Québec sur la question du logement social. Les coûts de logement social du Québec étant inférieurs à ceux de l'Ontario, on nous a pénalisés parce qu'on réussissait mieux. C'est pour cela qu'il n'y a pas d'entente et qu'une entente est nécessaire au sujet du logement social. Il ne faut pas simplement nous remettre symboliquement cette responsabilité, mais aussi nous donner le cash. C'est ce que réclame tout le monde au Québec.

M. Yvan Loubier: Cela correspond aussi à une promesse qu'avait faite M. Chrétien lors des campagnes électorales de 1993 et de 1997. Il s'était engagé à transférer ce secteur crucial aux provinces, ainsi qu'à en augmenter les ressources, ce que vous avez complètement occulté. En ce qui a trait au Québec de façon particulière, les intervenants sociaux ont été très clairs. Après avoir fait les calculs, on constate qu'au Québec, il y a un manque à gagner de 450 millions de dollars par rapport aux sommes versées aux autres provinces canadiennes.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

M. Tony Valeri: Je voulais conclure, monsieur le président. Je sais que mon temps est écoulé et j'espère avoir l'occasion d'intervenir de nouveau. Je veux cependant remercier les témoins d'appuyer, au fond, l'orientation adoptée par le gouvernement, et je leur souhaite la bienvenue devant le comité.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup. Je suis pratiquement certain que nos invités ne seront pas d'accord, mais je voulais essayer de ramener la discussion sur certains points précis. J'ose espérer que je pourrai aussi obtenir des réponses claires et précises.

Je retiens que, selon vous, le Bloc est le seul parti à avoir présenté un projet de loi antidéficit. Vous avez peut être oublié la très grande importance que le Parti réformiste accorde à une loi sur l'équilibre budgétaire, alors je voulais vous poser une question d'ordre général à ce sujet.

Quel est votre engagement à l'égard des budgets équilibrés à l'avenir? Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que sera votre philosophie économique dans cinq ou dix ans? Si vous dites que vous avez un projet de loi antidéficit, est-ce que cela suppose que vous vous engageriez fondamentalement, en tant que parti, à défendre un budget équilibré chaque année, à moins d'une situation d'urgence nationale inhabituelle? Discutons d'abord de ce point.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur Forseth, je m'excuse, mais je ne connaissais pas l'initiative du Parti réformiste. Lors de la campagne électorale de l'an passé, la possibilité d'une loi sur l'équilibre budgétaire avait été invoquée dans le cadre de notre plateforme électorale. J'ai déposé un tel projet de loi et j'ai comparu devant le sous-comité récemment à ce sujet. Je ne connaissais pas l'existence de votre projet, mais c'est tant mieux si vous êtes d'accord sur une telle loi. On sera ensemble. On n'utilisera peut-être pas les mêmes termes mais, chose certaine, on peut faire front commun.

• 0950

On est toujours obnubilé lorsqu'on est dans une période de surplus. On tend à oublier que les libéraux peuvent revenir à leurs vieux travers, continuer à faire des dépenses excessives ne visant qu'à augmenter leur visibilité, par exemple en multipliant des initiatives dans des secteurs qui sont de compétence provinciale, comme les bourses d'études du millénaire et autres, et risquer de nous rembarquer dans un processus explosif de déficit annuel.

Notre projet de loi sur l'équilibre budgétaire a pour but d'interdire au gouvernement fédéral—un peu à l'instar de ce qui s'est fait à Québec par M. Landry et de l'excellente loi qui a été adoptée par l'Assemblée nationale—, comme principe de base, d'encourir des déficits annuels, sauf dans des conditions bien particulières, par exemple si la situation économique générale commençait à se détériorer et qu'on devait augmenter les transferts sociaux pour les particuliers, les sommes versées à titre de soutien de revenu, etc. En cas de catastrophe naturelle ou de participation du Canada au règlement de conflits internationaux exigeant des dépenses accrues, on ferait preuve d'une certaine souplesse et on permettrait qu'il y ait un déficit.

Cependant, s'il encourait un déficit supérieur à 3 milliards de dollars, une telle loi obligerait le ministre des Finances à présenter un plan échelonné sur six ans en vue de la résorption du déficit et à rembourser 75 p. 100 du déficit réalisé cette année-là au cours des trois premières années. Elle obligerait aussi le ministre des Finances—et cela est fichtrement intéressant pour nous—à rendre des comptes à la Chambre des communes, chose qu'il n'est pas obligé de faire à l'heure actuelle. Il nous lance n'importe quels chiffres et on a beau le questionner, il n'y a ni processus rigoureux de contrôle des dépenses publiques ni contrôle des méthodes comptables utilisées par le ministre des Finances.

Dans notre projet de loi, dont on aura l'occasion de débattre à la Chambre des communes, il y a une section qui traite justement de l'impact des changements comptables du gouvernement, ou de l'interprétation de ces changements comptables, sur les finances publiques générales. Le ministre des Finances serait obligé de les justifier. Qu'est-ce que cela veut dire? Il ne pourra désormais plus nous passer les petites vites qu'il nous a passées en inscrivant à son bilan financier courant la somme de 1 milliard de dollars de compensation qu'il allait verser ultérieurement aux provinces Maritimes pour l'harmonisation de la TPS avec les taxes de vente provinciales. Il a fait la même chose pour les bourses d'études du millénaire, en imputant l'ensemble des dépenses des bourses du millénaire au budget de l'année dernière, alors qu'on commencera à les verser uniquement en l'an 2000. Cette loi ne lui permettrait plus de le faire. Tel est l'avantage d'une loi sur l'équilibre budgétaire. Je suis content que vous nous appuyiez là-dessus.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Le soutien est mutuel. Alors, si votre parti n'est pas disposé à former le gouvernement pour mettre son programme à exécution, vous devriez dire aux Québécois qu'un gouvernement réformiste exécuterait votre programme et vous devriez faire campagne dans ce but et en informer la population du Québec.

Je vous demande de préciser un peu...

M. Gilles Duceppe: Est-ce que vous voulez être réélu?

M. Paul Forseth: J'avais l'impression que votre réponse était fort ambiguë.

M. Tony Valeri: C'est gentil de confirmer que vous collaborez depuis quelques temps.

M. Paul Forseth: Vous parlez de budgets équilibrés et de réductions d'impôt, mais vous proposez aussi des initiatives permanentes en matière de dépenses. Je me demande si vous avez réfléchi à une responsabilité financière accrue dans certains secteurs où le gouvernement fédéral ne devrait pas dépenser d'argent, pour être mieux en mesure de maintenir le but que vous fixez. Vous avez un objectif clairement défini, c'est-à-dire l'adoption de budgets équilibrés à l'avenir, et pourtant vous continuez de demander bien poliment de nouvelles initiatives en matière de dépenses. Où est la liste des postes proposés qui permettraient au gouvernement de faire preuve de beaucoup plus de sagesse en matière de dépenses?

[Français]

M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Forseth. En ce qui a trait à la Loi antidéficit et à la promotion du Parti réformiste, je vous dirais qu'on va commencer par nous promouvoir nous-mêmes et qu'il y a déjà une loi antidéficit à Québec. Dans l'optique où le Bloc québécois est un parti souverainiste, notre pays sera équipé pour affronter les possibilités.

M. Gilles Duceppe: On négociera avec vous.

M. Yvan Loubier: Oui, on négociera avec vous et ça va nous faire plaisir, d'ailleurs.

• 0955

Venons-en aux domaines où le gouvernement fédéral ne devrait pas aller chercher de liquidités supplémentaires, lesquelles s'ajouteraient au surplus annuel déjà considérable de cette année et à ceux des années suivantes. Nous avons bien indiqué, dans toutes nos interventions depuis que nous avons été élus en 1993, et il est ressorti clairement, dans les consultations prébudgétaires menées auprès des Québécois et des Québécoises, qu'une importante réforme de la fiscalité pourrait nous permettre...

D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, le Parti réformiste nous avait appuyés quand nous avions déposé, il y a trois ans, nos 400 pages d'analyse des grandes dépenses fiscales et de la structure des impôts payés par les gens, et quand nous avions proposé un nouvel équilibre permettant de dégager des liquidités à partir de l'abolition de certaines dispositions fiscales ne correspondant plus aux besoins actuels, comme certaines qui avaient été insérées au cours de la décennie 1960, par exemple.

On pourrait maintenant, en rééquilibrant le régime fiscal existant et en le réformant en profondeur, mais pas avec des propositions mineures comme celles de M. Mintz, dégager des surplus.

De plus, si le gouvernement fédéral se mêlait de ses affaires, il y en aurait des liquidités supplémentaires. Combien de fois a-t-on dit au gouvernement fédéral de ne pas toucher au secteur de l'éducation avec ses bourses du millénaire? C'est un point qui fait l'unanimité au Québec parce que c'est un champ de compétence québécois. Et combien d'autres initiatives prend-il dans des champs de compétence du Québec et des autres provinces? Il pourrait s'en tenir à ses compétences et dégager ainsi des surplus qui lui permettraient de financer certaines initiatives, notamment la construction navale.

[Traduction]

M. Paul Forseth: J'ai bien aimé, je le répète, ce que vous avez dit puisque le Parti réformiste ne parle pas, lui non plus, de décentralisation, mais très précisément de rééquilibrage. Il est évident que la situation changerait à Ottawa si nous avions un autre gouvernement.

Je veux examiner en particulier votre proposition de réforme fiscale. Est-ce que vous proposez quelque chose comme un taux d'imposition plus uniforme, qui élimine une grande partie des échappatoires tout en accroissant peut-être sensiblement les exemptions personnelles de base qui aident en particulier les personnes dont le revenu est marginal?

[Français]

M. Yvan Loubier: Ce que nous avions proposé, monsieur Forseth—et je me ferai un plaisir de vous transmettre nos deux analyses sur la fiscalité des particuliers et des entreprises—, c'est de revoir ce qu'on appelle les dépenses fiscales, c'est-à-dire tous les avantages et privilèges fiscaux dont bénéficient les grandes entreprises ou les personnes dont les revenus dépassent 150 000 $. Notre but n'était pas d'augmenter globalement le fardeau fiscal, mais plutôt de rééquilibrer tout cela, pour établir une plus grande justice fiscale et une plus grande équité entre ce que les citoyens paient et ce que les grandes entreprises souvent ne paient pas, et la contribution des PME.

D'ailleurs, nous avions dit qu'en dégageant près de 4 ou 5 milliards de dollars, si ma mémoire est bonne, par la réforme de la fiscalité des entreprises, on aurait pu allouer cette somme aux PME, qui sont les principales créatrices d'emplois, pour justement favoriser la création d'emplois durables.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Forseth.

[Français]

Monsieur Dubé, avez-vous une question?

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): J'adresserai ma première question à M. Duceppe. Je ne suis pas au courant, mais il me semble que ce n'est pas tous les jours qu'un chef de parti comparaît devant un comité. Vous vous êtes engagé personnellement dans la tournée de consultation prébudgétaire organisée à l'invitation du ministre des Finances lui-même. Voici la question d'ordre général que j'aimerais vous poser: qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager personnellement à fond de train dans cette opération de consultation prébudgétaire?

M. Gilles Duceppe: Je pense que cela a été dit au tout début de la rencontre: il est important de bien saisir les besoins de la population. C'est la première fois, depuis de nombreuses années, qu'il y a un surplus. On n'est pas contre le fait qu'il y ait un surplus. Au Québec, on se dirige vers le déficit zéro, après avoir hérité d'un déficit de 6 milliards de dollars du Parti libéral du Québec.

Or, pour une fois qu'il y a un surplus, on veut voir comment ces surplus ont été accumulés. On se rend compte que ces surplus ont avant tout été produits par les entreprises, les travailleurs et les travailleuses, et les provinces dans les domaines de la santé, l'éducation et de l'aide sociale.

Sachant que les contribuables y ont consacré beaucoup de leurs ressources—c'est de là que sont venus les surplus, ils ne sont pas tombés du ciel—, on veut savoir comment ces surplus doivent leur servir aujourd'hui, face à une situation économique qui, effectivement, est en péril avec tout ce qui se passe en Asie et en Russie, d'où la nécessité de consulter nos gens pour être bien équipés quand on proposera des choses correspondant à leurs besoins.

• 1000

M. Antoine Dubé: Tout à l'heure, M. Valeri parlait d'un équilibre dans toute la question des points d'impôt. Si je comprends bien, de toute façon, au niveau des points d'impôt, les choses auraient continué de la même manière. Les coupures dans les paiements de transfert en sommes d'argent ont donc entraîné une perte sèche pour les provinces.

M. Gilles Duceppe: Sur les paiements de transfert, tout le monde s'entend, non seulement les souverainistes, mais l'ensemble des premiers ministres, le Forum pour la santé, les éditorialistes, etc. Or, le fédéral doit reconnaître que les paiements de transfert ont été établis afin que le fédéral en tire de la visibilité.

Si ces transferts s'effectuaient par le truchement de points d'impôt, cela aurait pour effet que, dans les champs de compétence des provinces, l'argent proviendrait directement du transfert des points d'impôts, plutôt que d'être soumis à la décision unilatérale du fédéral. Nous disons qu'on doit nous transférer des points d'impôts parce que c'est beaucoup mieux.

M. Antoine Dubé: J'ai une sous-question là-dessus. On a vu, lors de la consultation, que les Québécois considéraient comme une priorité qu'on rembourse les provinces de l'argent qui leur est dû. D'après vous, lors de la consultation, quel secteur la population considérait-elle comme prioritaire?

M. Gilles Duceppe: C'est bien clair que c'est la santé, de toute évidence. Et il n'en est pas ainsi seulement au Québec. On s'en est bien rendu compte lors des déclarations des premiers ministres des autres provinces: c'est la santé. Les premiers ministres ont même affirmé, dans le cadre des négociations avec le fédéral, que le remboursement des 6,3 milliards de dollars pourrait être échelonné sur trois ans, ce qui permettrait encore plus de souplesse. On aura un surplus de l'ordre de 15 milliards de dollars.

M. Antoine Dubé: C'étaient là mes principales questions. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Au nom des membres du comité, monsieur Duceppe, monsieur Loubier et monsieur Desrochers, je tiens à vous remercier de votre contribution. Comme vous le savez sans doute déjà, nous sommes soucieux de faire participer les partis politiques et les députés au processus. Je crois que votre rapport témoigne de cet engagement. Je vous en suis infiniment reconnaissant.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Je voudrais vous remercier de nous avoir écoutés. Je veux aussi remercier tous mes collègues qui ont participé à cette opération, de même que tous les groupes et individus, hommes et femmes, du Québec qui ont participé aux consultations menées par le Bloc québécois dans toutes les régions du Québec.

[Traduction]

Le président: Merci.

Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.

• 1002




• 1011

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): De la Fondation Héritage Canada, nous accueillons Brian Anthony; nous entendrons aussi MM. Graham Cooper et David Bradley, qui représentent l'Alliance canadienne du camionnage.

Je parie que vous êtes plutôt étonnés de vous retrouver ensemble devant le comité.

M. Brian Anthony (directeur exécutif, Fondation Héritage Canada): Le camionnage est un élément très important de notre patrimoine, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Vous pouvez commencer par un bref exposé, mais je vous rappelle que nous avons 45 minutes.

M. David H. Bradley (administrateur principal, Alliance canadienne du camionnage): Nous avons l'art de faire le vide dans une salle, de toute évidence. Nous n'avons même pas commencé.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Comme vous le savez, les vendredis, la période de questions a lieu à 11 heures. La journée se déroule bien différemment pour les députés. Les personnes qui doivent assister à la période de questions doivent nous quitter, et nous nous en excusons. Comme vous le savez, cependant, tous les membres du comité lisent attentivement tous les témoignages, et les chanceux qui regardent les séances de la commission à la télévision auront bien du plaisir.

Un témoin: Ce qui compte, c'est la qualité de l'audience.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): C'est la qualité, en effet.

Monsieur Anthony.

M. Brian Anthony: Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier tous de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui encore. J'assume la direction de la Fondation Héritage Canada depuis l'automne 1995, et c'est la quatrième fois que je comparais devant votre comité dans le cadre des discussions et des consultations pré-budgétaires. Je tiens à vous remercier infiniment de l'intérêt constant que vous portez à nos préoccupations. À cet égard, j'ai déposé trois mémoires en autant d'années auprès du comité, et aucune de nos demandes n'a véritablement changé. J'ai donc préféré, puisqu'il ne s'agit que d'un détail administratif, ne pas déposer de mémoire cette année, et je me contenterai de passer en revue nos intérêts et nos préoccupations.

Permettez-moi de placer brièvement en contexte la Fondation Héritage Canada. La Fondation a été créée par le gouvernement fédéral il y a 25 ans, en tant que fondation caritative non gouvernementale, et son mandat consistait à promouvoir la conservation du patrimoine bâti, du patrimoine architectural du Canada. La fondation est non gouvernementale pour tout ce qui est matériel, mais nous relevons néanmoins de la Couronne, ce qui nous donne le statut un peu ambigu d'organisation non gouvernementale quasi-autonome. Notre fonds a été constitué au moment de notre création, et nous fonctionnons avec les intérêts de ce fonds qui s'élève maintenant à 23 millions de dollars, en valeur comptable. Nous sommes indépendants du gouvernement fédéral sur les plans financier, politique et administratif, même si nous sommes fiduciaires de la Couronne, comme je l'ai dit, et que nous pouvons intervenir à bon escient au nom du gouvernement fédéral dans certaines circonstances.

Madame la présidente, votre comité a par le passé réservé un bon accueil aux demandes que nous avons présentées au ministre de Finances, dans le contexte des discussions pré-budgétaires, au sujet de certaines concessions fiscales qui favoriseraient la conservation du patrimoine bâti du Canada. Vous avez effectivement présenté des recommandations au ministre des Finances par le passé, et je tiens à remercier le comité de son appui. Je dois dire que si nos discussions avec le ministère des Finances deviennent de plus en plus productives et prometteuses, l'intérêt et le soutien constants du comité nous demeurent essentiels. Dans le contexte pré-budgétaire, votre appui nous est indispensable, et je veux que cela soit inscrit dans le compte rendu.

• 1015

Je vais maintenant, si vous le permettez, vous résumer les trois principales préoccupations fiscales dont nous avons traité avec le comité ainsi qu'avec le ministre des Finances et ses fonctionnaires ces dernières années.

La première porte sur le traitement fiscal des coûts de restauration d'édifices patrimoniaux à revenu. C'est une question fort importante, et nous avons le sentiment que si nous pouvons la régler de façon satisfaisante nous encouragerons la restauration et la conservation d'édifices au moindre coût pour Revenu Canada et de façon fort efficace pour ce qui est des perspectives d'emploi.

Nous avons aussi réclamé un traitement fiscal plus favorable des dons d'édifices patrimoniaux à la Couronne ou aux fiduciaires de la Couronne. Comme vous le savez, si vous faites don d'un édifice vous avez droit à un crédit d'impôt, mais si l'édifice s'est apprécié au cours de la période où vous en étiez propriétaire, vous devez payer une lourde taxe sur les gains en capital, ce qui constitue une puissante mesure de dissuasion.

Nous croyons que si l'on peut s'appuyer sur nombre de précédents pour l'exemption des gains en capital, ce qui est le cas pour les ressources foncières écologiquement vulnérables et les biens culturels mobiliers, les objets d'art et les objets façonnés, alors il est tout à fait logique de s'attendre à ce qu'en théorie, les biens culturels immobiliers, et notamment les édifices patrimoniaux, aient droit à un traitement similaire. Et de fait, la Commission d'examen des exportations de biens culturels a à six reprises levé l'obligation de payer un impôt sur les gains de capital pour les dons d'édifices patrimoniaux.

Je suppose donc que la Commission considérait que tout bâtiment est en théorie mobilier et qu'en conséquence, elle pouvait prendre des décisions concernant même les édifices patrimoniaux, quoiqu'il s'avère parfois difficile de les déplacer.

Finalement, nous avons demandé que le gouvernement intervienne au sujet de la question dite de la perte finale. Lors de nos discussions avec le ministère des Finances, les fonctionnaires ont affirmé qu'il ne s'agissait pas d'un encouragement notable à démolir un bâtiment. Ils nous ont demandé de faire enquête auprès de nos membres pour déterminer s'il existait des preuves concrètes que la disposition de perte finale incite les propriétaires à démolir les bâtiments anciens pour aménager, par exemple, des terrains de stationnement.

Je dois admettre, comme j'ai été forcé de le faire devant le ministère des Finances, et je n'aime pas beaucoup faire amende honorable, que je n'ai pas encore réussi à réunir des données indiquant que la disposition sur la perte finale est un instrument aussi néfaste que nous ne le croyions. Je pense que le nom même de la disposition évoque peut-être toutes sortes d'idées sinistres.

Nous continuerons à interroger nos membres dans l'espoir de préciser un peu la question, mais pour l'instant nous devons admettre que nous avons été incapables de rassembler des preuves.

Voici les trois principaux éléments de notre liste d'épicerie pré-budgétaire, si vous me permettez l'expression, qui vaut non seulement pour les années précédentes mais aussi pour cette année. Comme je l'ai dit, vous avez par le passé appuyé nos demandes et j'espère pouvoir compter à nouveau sur votre soutien.

Dans la lettre de convocation des témoins, le président du comité posait un certain nombre de questions qu'à mon avis, j'ai abordées de façon très générale dans ma réponse. Par souci de concision, plutôt que de m'étendre en détail sur ce point, je vais attendre la période de questions pour répondre de façon détaillée.

Pour résumer, madame la présidente, je crois que relativement à la nécessité de préserver le patrimoine bâti du pays, en raison de l'intérêt que les Canadiens portent à leur histoire et à leur patrimoine et compte tenu de l'époque difficile dans laquelle nous vivons, je ne vois rien de mieux comme secteur d'investissement que la préservation de notre passé, dans l'intérêt des générations à venir. Et je crois que toutes les mesures que le ministre des Finances pourrait instaurer, sur la recommandation du comité—les moyens indirects, notamment des mesures fiscales, et directs, dont des programmes de dépenses qui pourraient être consacrés à la préservation de notre milieu bâti et de nos édifices patrimoniaux—profiteraient aux Canadiens d'aujourd'hui et de demain.

Je tiens à vous remercier à nouveau de nous avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui devant vous.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.

Monsieur Cooper. Monsieur Bradley.

M. David Bradley: Je vais commencer.

Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle David Bradley et je suis directeur exécutif de l'Alliance canadienne du camionnage. J'ai à ma droite Graham Cooper, vice-président principal de l'Alliance.

Nous avons présenté un résumé d'une page à votre intention, je crois que vous l'avez en main. Un exemplaire de notre mémoire plus détaillé est en cours de distribution.

• 1020

L'Alliance canadienne du camionnage est une fédération d'associations provinciales du camionnage au Canada. Nous représentons environ 2 000 transporteurs routiers au Canada. Ces transporteurs produisent quelque 20 milliards de dollars de revenus par année.

Je crois que le rôle de l'industrie canadienne du camionnage dans l'économie nationale est parfois mal compris. Cela est vraiment très étonnant. Plus de 90 p. 100 du transport terrestre, en termes de valeur des biens transportés à l'intérieur du Canada, se fait par camion, alors que du côté des exportations les camions transportent plus de 70 p. 100 des produits canadiens à destination des États-Unis, toujours selon la valeur.

Le camionnage est en outre une industrie à forte densité de main-d'oeuvre. L'ensemble du secteur du camionnage commercial assure des emplois à quelque 400 000 Canadiens. Ces Canadiens sont répartis dans tout le pays, dans pratiquement toutes les collectivités où une route se rend. De fait, le recensement canadien de 1996 a révélé que la profession de camionneur était la plus répandue chez les hommes au Canada. Plus de 220 000 hommes canadiens ont répondu que leur profession principale était le camionnage.

J'ai, au fil des ans, participé aux travaux de divers groupes d'étude et de travail de Transports Canada et du ministère des Finances qui se sont penchés sur la compétitivité fiscale de l'industrie canadienne, en particulier dans le secteur des transports. La question est d'importance, car toute augmentation des coûts de transport finit par se répercuter sur le coût des produits vendus et sur la compétitivité de l'ensemble de l'économie canadienne.

La plupart des études indiquaient que si on tient compte de tous les impôts les régimes fiscaux canadien et américain se valent à peu près. Cela s'explique essentiellement et surtout par les coûts de la sécurité sociale et des services de santé aux États-Unis. Si vous examinez d'autres variables, le Canada n'est plus vraiment dans la course.

C'est peut-être parce que nous sommes canadiens que nous tenons si fort à l'équité des règles du jeu. Je me demande pourquoi nous ne pourrions pas avoir des règles du jeu inéquitables en faveur du Canada, pour une fois. En raison de la taille et de la structure de notre économie, je pense que c'est ce dont nous avons besoin. Les trois ou quatre principaux transporteurs routiers américains sont certainement aussi importants que l'ensemble de l'industrie du camionnage du Canada, alors ils bénéficient d'économies d'échelle non négligeables, ce qui leur donne un avantage.

Ce que nous voulons vraiment obtenir du comité, et au bout du compte dans le prochain budget et les budgets futurs, c'est l'instauration d'une ère nouvelle de cohérence et d'équité à l'intérieur du régime fiscal canadien, non seulement en comparaison de nos principaux concurrents, mais aussi entre les industries au Canada. Le régime fiscal canadien réserve un traitement discriminatoire au secteur des services et, en particulier, au secteur des transports, à bien des égards, en comparaison d'autres secteurs comme la fabrication ou la production. Pourtant, nous sommes irrémédiablement liés à ces secteurs. Sans le transport par camion, l'économie cesse de fonctionner, les biens n'arrivent pas jusqu'aux marchés, et le consommateur ne peut pas les acheter.

En outre, le gouvernement a adopté un ambitieux programme pour améliorer la sécurité sur les routes et la performance écologique de l'industrie ainsi que pour créer des emplois. Je pense que la structure fiscale actuelle entrave dans une certaine mesure la réalisation de tous ces objectifs.

Voici l'une de nos recommandations détaillées. Je crois que d'autres groupes vous ont sans doute dit que lorsque l'on examine les taux d'imposition des sociétés au Canada, au niveau provincial et fédéral, et qu'on les compare avec ceux des États-Unis, fédéral et par État, on constate que nous avons un handicap. Par conséquent, nous aimerions que l'on réduise le taux d'imposition des sociétés. En outre, le taux d'imposition actuel de la petite entreprise est en vigueur depuis très longtemps, et il faudrait peut-être le revoir.

Pour parler uniquement du camionnage, nous souffrons d'un handicap concurrentiel face aux transporteurs américains pour ce qui est des déductions pour amortissement du matériel, qui sont moins avantageuses qu'aux États-Unis. Pour cette raison, il est plus difficile pour les transporteurs routiers du Canada d'adopter de nouveaux équipements plus sûrs qui font appel à des moteurs plus écologiques, etc. Pour être concurrentiels, nous devons renouveler nos parcs de camions tous les cinq ou sept ans. Nous ne sommes pas en mesure de le faire, alors qu'aux États-Unis, comme vous le constaterez dans l'information que nous vous soumettons, l'industrie peut amortir presque entièrement le matériel au cours de cette période.

• 1025

Le comité technique chargé d'examiner l'impôt des entreprises, dont vous connaissez certainement l'existence, a fait quelques commentaires intéressants notamment en matière de taxe sur les intrants d'entreprises. Il a attiré l'attention en particulier sur la taxe d'accise sur le carburant diesel, qui s'établit actuellement à 4c du litre et coûte à l'industrie canadienne du camionnage environ deux milliards de dollars par année. Il a fait remarquer qu'il n'y avait vraiment aucune raison de maintenir cette taxe aujourd'hui, si ce n'est la production de recettes, car la plupart des fonds ainsi recueillis ne sont pas affectés à l'infrastructure routière ni à l'assainissement de l'environnement.

Je me souviens qu'à cette table, il y a quelques années, dans la foulée de l'adoption de la TPS, le Comité permanent des finances de l'époque considérait qu'il convenait d'intégrer à la TPS la taxe d'accise sur le carburant diesel, parce que la TPS visait entre autres à mettre fin à la taxation multiple, aux taxes cumulées. La situation n'a pas changé, nous avons toujours une taxe d'accise sur le carburant diesel. Malheureusement, à l'époque, le déséquilibre fiscal n'était pas ce qu'il est devenu aujourd'hui. De fait, il était bien pire, comme vous le savez, et les membres du comité ont cru que malgré le bien-fondé de nos arguments le pays ne pouvait se permettre la mesure. Il est peut-être temps de revoir cette proposition.

Dans le rapport, les membres du comité technique sur l'impôt des entreprises ont déclaré que si l'on voulait utiliser la taxe sur le carburant comme taxe écologique, il fallait en réduire le taux et l'appliquer aussi à des industries énergétiques polluantes, et que le fait d'établir une discrimination uniquement à l'égard de l'industrie des transports mettait nos transporteurs en mauvaise posture face à la concurrence des transporteurs américains.

La question de l'investissement fédéral dans l'infrastructure routière se rapporte bien sûr à tout cela. L'Association des transports du Canada a réalisé il y a 10 ans une étude qui avait révélé que 40 p. 100 du système routier national ne répondaient pas aux normes. Apparemment, cette étude a récemment été mise à jour. Les résultats n'ont pas encore été publiés, mais nous croyons savoir que les chiffres sont sensiblement pires et que l'infrastructure s'est encore détériorée. Néanmoins, le gouvernement du Canada ne réinvestit toujours dans l'infrastructure qu'environ quatre pour cent des quatre milliards de dollars qu'il touche grâce à la taxe d'accise sur l'essence et sur le carburant diesel. Le Canada est le seul grand pays industrialisé qui n'a pas encore de politique routière nationale, même si tous les économistes, quelles que soient leur affiliation politique et leur école de pensée, vous diront que sans infrastructure compétitive l'économie souffrira.

En outre, notre mémoire fait ressortir certaines des grandes économies qui se concrétiseraient, sur les plans de la sécurité et de l'usure des véhicules, si de fait nous améliorions le système routier national. Nous croyons que nous avons l'argent pour le faire. Nous savons qu'il existe bien d'autres priorités, mais cela n'enlève rien à la nôtre.

Pour ce qui est de l'équité, dans l'un des premiers budgets du gouvernement en place la déduction fiscale des repas pour les employés, y compris les chauffeurs de camion, a été ramenée de 80 à 50 p. 100. La mesure visait à nous aligner sur ce qui se passait aux États-Unis à l'époque. Cette taxe a eu pour effet de prendre chaque année des milliers de dollars plus directement dans la poche des camionneurs canadiens qui, pour la plupart, passent la majeure partie de leur temps sur la route, loin de chez eux. Ils n'ont pas le loisir de choisir le restaurant ni le moment où ils mangent. Leurs heures de travail leur imposent des moments d'arrêt—ce genre de choses. Il est intéressant de constater qu'aux États-Unis, l'an dernier, des mesures ont été adoptées pour modifier la situation, pour restaurer l'exemption fiscale de 80 p. 100. Nous croyons qu'en toute équité, il conviendrait de faire la même chose au Canada.

Nous comprenons pleinement que cette règle a été adoptée pour qu'on ne puisse pas déduire une bouteille de vin de 150 $ au Club Rideau. Cela nous paraît raisonnable. Nous ne parlons pas de cela ici; nous parlons d'une alimentation de base. Et certainement nous croyons qu'il faut imposer certaines limites raisonnables à ce genre de dépenses, mais il faut rétablir la déduction.

Nous avons rencontré le ministre des Finances il y a moins d'un an, et il nous a dit à l'époque qu'il comprenait notre point de vue, qu'il voyait bien qu'il n'était pas question de ce genre de déjeuners de luxe, et nous espérions qu'il ferait les changements nécessaires. De toute évidence, nous les attendons toujours et nous serions heureux si le comité voulait bien appuyer notre position dans son rapport.

• 1030

Finalement, cela peut sembler futile, mais c'est encore une question de cohérence de la politique, le gouvernement a bien fait connaître sa position en ce qui concerne l'amélioration de la sécurité, et en particulier de la sécurité dans l'industrie du camionnage, et son intention de récompenser les sociétés et les employés qui ont un excellent dossier de sécurité. Cependant, nous constatons que dans certains cas Revenu Canada intervient et impose l'intéressé, par exemple, un chauffeur de camion qui reçoit un prix de sécurité de son employeur. Il reçoit peut-être une prime de 100 $ ou une veste de la société, une boucle de ceinture, une casquette de base-ball. Ces récompenses sont maintenant imposables, ce qui est non seulement injuste pour l'employé qui croyait qu'il faisait du bon travail et qu'on le récompensait, mais en outre cela crée un cauchemar administratif pour les entreprises et nuit vraiment à l'introduction et à la distribution de ce type de récompenses.

Nous croyons qu'il conviendrait de modifier un peu la loi. Nous me comprenons pas bien pourquoi le ministère du Revenu interprète les choses de cette façon. Quoi qu'il en soit, c'est un aspect que nous aimerions voir modifier.

Le camionnage au Canada est une industrie canadienne. C'est le bastion de l'entrepreneuriat canadien. Même si nous nous heurtons de plein fouet aux transporteurs américains aux États-Unis, et il y a 10 millions de voyages de camion par année outre-frontière, notre industrie demeure essentiellement de propriété canadienne et fournit des emplois dans toutes les collectivités du Canada. Nous ne demandons pas la lune, nous demandons simplement l'équité.

Nous vous remercions de nous avoir écoutés aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Jordan, devez-vous vous absenter?

Monsieur Forseth, accepteriez-vous que M. Jordan pose d'abord sa question?

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): J'ai certaines choses à dire qui prendront la forme d'un commentaire.

Monsieur Anthony, ce que vous dites constitue à la fois de bonnes et de mauvaises nouvelles. Je suis d'accord avec tout ce que vous dites, mais je ne fais pas partie du comité, je ne suis qu'un remplaçant. Je fais partie du comité du patrimoine canadien. J'espère donc que vos propos ont trouvé un écho chez les membres du comité.

Quant à vous, monsieur Bradley, j'ai bien aimé ce que vous avez dit et je suis d'accord avec votre analogie au sujet de règles du jeu équitables, parce que nous en entendons parler si souvent. Manifestement, il n'y a pas de règles de jeu uniformes au départ. Au plan géographique, vous avez dit que nous exigions que nos entreprises paient des frais de transport très élevés pour atteindre les ports et ainsi de suite. Même si les tarifs étaient semblables, ils ne seraient toujours pas équitables, et la situation s'en trouverait plus compliquée.

Un autre exemple est celui de la période d'amortissement de l'équipement. Je le répète, si les véhicules doivent circuler sur des routes non conformes aux normes et sur des routes sur lesquelles on utilise des abrasifs, le matériel canadien s'usera plus rapidement que le matériel qui circule sur une belle route asphaltée de Floride. Je crois donc que votre argument est très solide à cet égard.

J'ai une question concernant le rapport entre le camionnage et le chemin de fer. J'ai vu cette technologie qui permet aux camions ou aux remorques de monter sur un wagon pour se rendre dans un centre métropolitain, puis de reprendre la route. Pourriez-vous nous donner rapidement un aperçu de cette technologie. L'industrie du camionnage travaille-t-elle de concert avec l'industrie ferroviaire pour ce genre de choses? Tout cela me paraît sensé.

M. David Bradley: Je dirais que l'industrie du camionnage est un chef de file dans ce domaine, parce que les chemins de fer doivent d'abord chercher à émuler le service par camion, puis travailler en partenariat avec l'industrie. Le transport intermodal, puisque c'est ainsi qu'on l'appelle, est un segment croissant du secteur. Toutefois, cette notion n'est pas nouvelle, et il faut bien comprendre que le transport intermodal a des limites.

La concurrence entre le transport par camion et le transport par rail ne touche que 10 p. 100 environ des marchandises transportées. Le caractère intermodal pourrait véritablement intervenir dans le marché du transport à grande distance. Les chemins de fer se concentrent sur le transport de produits de vrac sur de longues distances, tandis que de son côté, l'industrie du camionnage s'occupe du transport de marchandises sur de courtes distances, du transport de petits volumes et de marchandises pour lesquelles le temps est un facteur critique. On croit souvent que nous sommes des éléments interchangeables, mais tel n'est pas le cas. C'est pourquoi le transport intermodal est un segment en pleine croissance du secteur; mais il faut aussi comprendre qu'il a ses limites.

L'autre question est que tout se ramène aux prix et au service. La plupart de nos membres ne se préoccupent pas tellement de savoir si la marchandise est transportée par route ou par chemin de fer. Nous devons composer avec un manque de camionneurs et d'autres problèmes aussi. Si nous pouvons éviter ces problèmes, soit. En bout de ligne, c'est le client, l'expéditeur qui est l'élément important de l'équation. S'il doit payer davantage ou s'il n'obtient pas le service, il choisira le camionnage. C'est la raison pour laquelle le camionnage a l'avantage.

Une bonne partie de ce que notre économie produit actuellement est constituée de biens manufacturés à forte valeur ajoutée et tout dépend de la méthode juste à temps ou de systèmes à types rapides. Dans le transport intermodal, il faut charger le train et attendre qu'il soit complètement chargé avant qu'il ne se mette en marche, et à ce moment, le camion a déjà parcouru la moitié de la distance pour se rendre à Chicago.

• 1035

Voilà le problème. Je crois que les chemins de fer ont un rôle à jouer et que l'on examine attentivement la technologie dont vous avez parlé, mais cette technologie n'est pas une panacée. Chose sûre, elle ne réglera pas les problèmes d'environnement ou de smog ni les problèmes de congestion en milieu urbain. Je ne sais pas combien de voies ferrées se rendent, mettons au centre-ville de Toronto ou au coeur de n'importe quelle ville. Même dans le marché du transport à longue distance, les compagnies ferroviaires abandonnent des lignes secondaires, comme ce fut le cas dans l'Ouest pour le transport des céréales en vrac. C'est pourquoi les collectivités dépendent du camionnage.

Bien sûr, il y a des conséquences, mais les études menées par le gouvernement fédéral montrent que la possibilité d'un transfert modal est extrêmement limitée, peu importe qu'on examine le problème du point de vue de la congestion routière ou d'un point de vue environnemental. Peut-être la solution pourrait-elle convenir à quatre pour cent des marchandises transportées.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Anthony veut faire une observation.

M. Brian Anthony: Merci, madame la présidente. J'aimerais répondre brièvement aux observations de M. Jordan.

Je suis heureux qu'il fasse partie du Comité permanent du patrimoine canadien. D'ailleurs, j'ai comparu hier devant ce comité dans le cadre des délibérations sur la politique culturelle. Je distribuerai aux membres de notre comité le mémoire que j'ai présenté hier, parce qu'il traite des préoccupations fiscales que j'ai mentionnées et qu'il les place dans un contexte approprié. J'ai pensé que vous aimeriez avoir ce contexte, et je vous le présenterai, puisque je dois revenir la semaine prochaine pour parler des édifices d'intérêt patrimonial appartenant aux banques dans le cadre de l'examen des institutions financières. Par conséquent, il est possible que ce mémoire soit utile à vous, madame, et à vos collègues du comité.

M. Joe Jordan: Merci beaucoup. Je remercie aussi mon collègue de m'avoir cédé la parole.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Monsieur Anthony, vous avez énoncé trois éléments de base de votre programme. Vous avez aussi dit à plusieurs reprises que vous étiez venu sur la colline du Parlement pour présenter votre programme et vos points ont toujours été rejetés ou n'ont pas fait partie de la réponse du gouvernement. Je me demande donc si vous pourriez nous faire part de certaines des objections traditionnelles à vos propositions.

Quand j'y pense, je crois que d'une certaine façon nos édifices patrimoniaux n'ont pas vraiment de prix. Quand le Canada dans son ensemble ou même certaines provinces ont connu des difficultés financières, les politiciens et les leaders ont toujours dit que le tourisme et notre patrimoine étaient des arguments de vente. Même en temps de crise, nous nous tournons de ce côté pour nous en sortir. Nous pouvons faire notre promotion à l'échelle mondiale. Cela est particulièrement utile en termes de devises étrangères et constitue un réel soutien à notre économie.

Par conséquent, il y a assurément un élément économique, non seulement au fait de bien nous sentir, mais au fait que notre bien-être économique tient d'abord et avant tout au soin que nous prenons de notre patrimoine.

Pouvez-vous énoncer certaines des objections qui ont été formulées? Le gouvernement est-il particulièrement sourd ou insensible, et pourquoi vos trois points particuliers n'ont-ils pas été accueillis favorablement?

M. Brian Anthony: Je vous remercie beaucoup d'avoir posé cette question.

Je travaille dans le secteur culturel, défini en termes larges, depuis un quart de siècle, et ce n'est pas la première fois que j'ai à traiter avec le ministère des Finances. Je dois dire—peut-être que nous vieillissons tous et que nous prenons de l'expérience—que le ministère des Finances est beaucoup plus sensible à ces préoccupations. Cela étant dit, ces choses prennent du temps.

Quand j'étais beaucoup plus jeune, j'ai fait campagne pour une réforme fiscale en matière de traitement des arts et des artistes, et je croyais alors pouvoir tout régler en un an. J'ai découvert de la dure façon, au fil du temps, qu'on ne peut changer le régime fiscal du jour au lendemain. Je n'ai plus l'ambition de le faire, mais je dois dire que les progrès accomplis jusqu'à maintenant sont encourageants. Comme je l'ai dit plus tôt, le soutien que m'a accordé votre comité a été essentiel pour attirer l'attention du ministère sur nos préoccupations.

Pour ce qui est de la disposition concernant la perte finale, le ministère des Finances en a fait l'analyse et il est d'avis qu'il y a d'autres considérations plus importantes que la perte finale dans la décision de démolir un immeuble historique. Comme je l'ai dit, le ministère estime qu'il s'agit d'un facteur mineur. J'ai sondé nos membres et les responsables de questions patrimoniales au niveau des municipalités et des gouvernements et organismes provinciaux. Nul n'a pu me fournir de preuve concrète que la disposition de perte finale constitue un puissant incitatif pour démolir contrairement à ce que plusieurs pensent. Par conséquent, j'ai dû céder sur ce point.

• 1040

Je crois que le budget présenté il y a deux ans apportait certaines modifications au traitement fiscal des gains en capital pour le don d'immeubles historiques, mais cela n'était pas associé spécifiquement aux dons d'immeubles historiques et la mesure n'était pas aussi complète que nous aurions aimé qu'elle soit. Si on accorde une remise d'impôt de 100 p. 100 pour le gain en capital dans le cas de dons de biens culturels meubles comme les oeuvres d'art ou les artefacts, je crois qu'il est possible de faire de même pour des édifices d'intérêt patrimonial.

Le troisième point est le traitement fiscal accordé aux frais de restauration des immeubles historiques. Nous avons passé beaucoup de temps sur cette question avec le ministère du Revenu et le ministère des Finances. Revenu Canada cherche une façon de clarifier et de modifier son bulletin d'interprétation à cet égard. Les fonctionnaires admettent que, dans telle juridiction, la personne qui restaure un immeuble historique peut amortir la plus grande partie de ses frais comme s'il s'agissait de frais courants, tandis que dans une autre juridiction, les agents qui s'occupent du dossier en donnent une interprétation légèrement différente et sont obligés de traiter ces dépenses comme un capital à des fins d'impôt. On reconnaît qu'il y a un déséquilibre majeur dans l'interprétation de l'application de la loi.

Le ministère des Finances reconnaît aussi qu'il s'agit d'un problème que Revenu Canada n'est peut-être pas en mesure d'aborder tout simplement parce qu'il est question de modifier le bulletin d'interprétation. De fait, le ministère des Finances nous a laissé entendre qu'il était disposé à aller beaucoup plus loin pour nous permettre de considérer les véritables frais de rénovation d'immeubles historiques comme des dépenses courantes, si nous pouvions trouver une façon de certifier ces activités de restauration à des fins fiscales. On nous a dit de regarder du côté de Patrimoine canadien, qui accrédite les investissements en matière de production audiovisuelle à des fins d'impôt et qui se charge d'une foule d'autres choses connexes. La Commission sur l'exportation et l'importation de biens culturels joue également un rôle dans la certification des biens meubles culturels.

Le ministère des Finances a laissé entendre que si nous pouvions trouver une façon de dresser la liste des biens admissibles qui seraient désignés par des autorités fédérales, provinciales ou locales dûment constituées afin de définir un corpus—bien sûr, cela pose toujours un problème pour le ministère des Finances qui craint que les propositions ouvertes et les crédits d'impôt scientifiques leur donnent toujours des cauchemars, je crois—il aimerait qu'un organisme du ministère du Patrimoine canadien reconnaisse la liste et confirme que les coûts de restauration sont légitimes et, par conséquent, admissibles pour un certain traitement fiscal, ou que l'activité de restauration n'est pas admissible.

Par conséquent, je crois que nous progressons. J'ai dû apprendre dans mon grand âge que tout progrès en la matière est lent—et je ne voudrais pas avoir l'air résigné au plan philosophique ni chercher à me justifier de quelque manière que ce soit. Peut-être est-il vrai que le véritable changement est à plus long terme, ce qui le rend plus durable, moins facile à renverser.

M. Paul Forseth: J'ai une toute dernière question. Il est dommage que nous ayons si peu de temps. Êtes-vous en train de nous dire que le Canada n'a pas d'équivalent au registre national américain des lieux historiques, qui énumère des milliers sinon des millions d'édifices et de lieux aux États-Unis et qui permet tout de même de dire de quelle couleur peindre tel édifice, sur telle île et sur tel lieu patrimonial pour le maintenir? Leur registre national contient des détails aussi précis. N'avons-nous rien de similaire au Canada?

M. Brian Anthony: Nous avons ce qu'il est convenu d'appeler une liste d'édifices patrimoniaux, un inventaire si vous voulez, mais il n'y a rien d'aussi élaboré que ce que les Américains ont créé et rien d'aussi complet qui nous permettrait d'atténuer les préoccupations du ministère des Finances relativement au traitement fiscal de ces édifices.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Permettez-moi d'ajouter ma voix aux remerciements adressés à M. Anthony et aux représentants de l'Alliance canadienne du camionnage pour leur exposé.

À Hamilton, où j'habite, des résidents propriétaires d'églises et de résidences ont bénéficié de désignations accordées par la Commission des lieux et monuments historiques. Pour mon propre bénéfice et pour celui des téléspectateurs qui pourraient regarder nos travaux à CPaC, pouvez-nous nous fournir, monsieur Anthony, une comparaison entre la façon dont votre fondation et la Commission des lieux et des monuments historiques fonctionnent, soit en collaboration, soit individuellement? Après avoir entendu vos demandes, j'aimerais savoir s'il y a une possibilité que la fondation puisse réaliser votre objectif souhaité et déclaré, peut-être à la suite d'un changement de désignation ou d'un statut qui serait similaire à celui de la Commission des lieux et monuments historiques, afin que vous puissiez obtenir un traitement fiscal favorable.

• 1045

M. Brian Anthony: Merci beaucoup. La Commission des lieux et monuments historiques est une institution vénérable qui joue un rôle très important dans la désignation des biens d'importance nationale. Bien entendu, il y a aussi, comme vous le savez, des institutions provinciales et locales qui font de même à l'échelle du pays.

Comme vous pourrez le constater à la lecture du mémoire culturel que je ferai parvenir plus tard, nous soutenons notamment qu'il faut renforcer les pouvoirs de la Commission des lieux et monuments historiques. À l'heure actuelle, la désignation n'a qu'un poids moral pour ce qui est de la protection des immeubles en question. Elle n'a aucun poids légal. Si le propriétaire d'un édifice—et la plupart des immeubles à valeur patrimoniale appartiennent à des intérêts privés—est bien déterminé à démolir son édifice, il n'y a pas grand-chose que la Commission ou tout autre organisme puisse faire pour l'en n'empêcher.

C'est pourquoi nous aimerions que ces pouvoirs soient similaires à ceux qui sont en vigueur aux États-Unis, comme le disait M. Forseth, où il existe des protections réelles permettant de faire certaines choses, mais pas d'autres, comme la démolition.

En ce qui a trait à la consolidation des pouvoirs de mon organisme, les membres du comité seraient peut-être intéressés de savoir qu'il y a 25 ans, au moment de notre mise sur pied, l'expression «fiducie nationale» faisait partie des documents de relations publiques annonçant la création de Patrimoine Canada. Toutefois, mon organisme n'a jamais pu véritablement jouer ce rôle, parce qu'il faut un levier fiscal incroyable. Ce levier existe dans le cas du système fiduciaire national des Britanniques, qui utilise les droits de succession pour exercer des pressions sur le propriétaire du bien. Pour éviter des droits de succession très élevés, il suffit de faire don à perpétuité de la propriété à une fiducie nationale. Ensuite, le propriétaire peut pousser un soupir de soulagement et vivre le reste de sa vie dans la propriété en question, bien qu'il soit exposé au passage de hordes de touristes dans sa cuisine à l'heure du petit déjeuner.

Les États-Unis ont un système de traitement fiscal incroyablement efficace et complexe qui permet à la fiducie nationale du pays de jouer un rôle très important dans l'acquisition de biens et de s'assurer que ces biens sont préservés. Cet organisme s'assure en outre que les personnes ou les entreprises propriétaires de biens à valeur patrimoniale reçoivent également un traitement favorable.

Mon organisme n'a jamais obtenu ces pouvoirs complets. Je devrais également mentionner qu'à cette époque—et il y a quelque chose de familier à cela—les gouvernements provinciaux contestaient l'aptitude du gouvernement fédéral de créer un tel organisme parce qu'ils étaient sous l'impression qu'en vertu des dispositions constitutionnelles en vigueur au Canada, ces pouvoirs devraient être cédés aux provinces.

Au temps impétueux du début des années 70, alors que l'on avait tendance à dépenser l'argent de nos enfants, la plupart des provinces ont constitué des fiducies provinciales ou on fait en sorte que des organismes existants jouent ce rôle. Il y avait alors une forte concurrence et mon organisme était sous l'impression que faute de pouvoirs suffisants, nous ne pourrions tout simplement pas exercer ce rôle. Toutefois, les provinces ont, pour la plupart, adopté cette formule en toute hâte et ont en tout le temps voulu pour s'en repentir par la suite quand elles ont constaté que l'acquisition de biens patrimoniaux est une chose, mais que leur entretien sur une période d'une génération, comme plusieurs l'ont fait, est une toute autre histoire.

Nous avons aujourd'hui la possibilité de revoir la notion de fiducie au Canada et la façon d'élaborer un modèle coopératif intergouvernemental fait au Canada pour l'exercice de ce rôle. Bien entendu, mon organisme aimerait que son mandat et ses moyens soient renforcés, mais il serait tout à fait disposé à jouer ce rôle. Je crois qu'il existe une possibilité pour faire en sorte que nous ne soyons pas nécessairement propriétaire et exploitant de biens patrimoniaux de façon continue, bien que je n'exclue pas cette possibilité, mais que nous soyons un mécanisme de transition.

• 1050

Supposons qu'il existe un tel mécanisme dans le secteur privé, par exemple, et qu'une institution financière décide qu'un immeuble à valeur patrimoniale dont elle est propriétaire est déclaré excédentaire. En l'occurrence, nous pourrions absorber cet immeuble si nous avions les pouvoirs fiscaux appropriés et nous pourrions, en retour, accorder un dégrèvement fiscal à la banque. Nous pourrions alors travailler en collaboration avec la collectivité locale afin de trouver un nouvel utilisateur pour l'édifice, peut-être même établir un groupe local qui deviendrait propriétaire et exploitant de l'immeuble, à perpétuité. Une telle mesure nous donnerait aussi le temps de nous assurer que l'édifice en question est protégé grâce à des avenants appropriés, une désignation et ainsi de suite.

Nous pourrions jouer ce rôle pour le gouvernement fédéral. La vague de fond du gouvernement fédéral se retire actuellement et laisse sur la rive plusieurs édifices à valeur patrimoniale qui sont inscrits sur les listes de biens que les ministères doivent garder. Le ministère de la Défense nationale en est un exemple frappant. De même, plusieurs des phares appartenant à Transports Canada et exploités par le ministère sont excédentaires, comme c'est le cas aussi de bureaux de poste.

La possibilité existe, parce que nous sommes fiduciaires de la Couronne, de retirer ces édifices de l'inventaire des ministères gardiens, d'en assumer la responsabilité, de leur trouver de nouvelles vocations et de nouveaux utilisateurs et de trouver une façon de les protéger à perpétuité, afin que les bureaux de poste, les gares ferroviaires et les phares qui, dans plusieurs cas, caractérisent une collectivité et constituent des points de repère visibles, soient maintenus à jamais plutôt que d'être perdus.

M. Stan Keyes: Merci.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Monsieur Bradley, je veux vous poser une question concernant votre recommandation sur l'exemption des prix de sécurité. Certaines entreprises accordent une récompense au rendement à leurs employés, qu'il s'agisse de sécurité ou de ventes, à la fin de l'année. Par exemple, M. Cleghorn de la Banque Royale touche une prime plutôt importante pour son rendement à chaque année. Un grand nombre d'industries au pays accordent des récompenses monétaires à leurs employés à la fin de l'année. Pourquoi les camionneurs devraient-ils être exemptés alors que tout le monde paie des impôts sur ces récompenses?

M. David Bradley: Je ne dis pas qu'un camionneur devrait être exempté d'impôt s'il touchait une prime comme celle de M. Cleghorn. Je pense plutôt aux blousons et aux cravates et à ces petites choses. Je crois qu'il serait utile de fixer des limites raisonnables, peut-être de 250 à 500 $, et de préciser les critères d'exemption. Je ne parle pas de trouver une façon de verser des primes non imposables aux personnes, mais plutôt de récompenses tangibles et non financières ayant une faible valeur.

M. Roger Gallaway: Je suis désolé, je vous avais mal compris. Je pensais que vous parliez d'argent.

M. David Bradley: Non.

M. Roger Gallaway: D'accord, c'est très bien.

Monsieur Anthony, je crois que vous avez répondu à ma question en partie. Patrimoine Canada vous a demandé de dresser une liste des édifices qui pourraient être cédés. Avez-vous une idée de ce qu'il en coûterait au Trésor fédéral si on proposait une sorte de renonciation générale?

M. Brian Anthony: Madame la présidente, nous avons eu des discussions préliminaires sur les répercussions fiscales de nos demandes concernant les édifices. Le ministère du Patrimoine canadien a fait beaucoup à ce chapitre. Nous avons partagé les services d'un consultant, un ex-directeur de l'Association canadienne d'études fiscales, qui a fait un travail très utile.

Pour le moment, il s'agit de coûts approximatifs, parce qu'il nous est impossible de fournir une définition globale avant d'avoir dressé une liste complète ou exhaustive. Nous sommes parvenus à faire suffisamment de calculs sommaires pour nous laisser croire que même si nous obtenions tout ce que nous avions demandé, il en coûterait probablement guère plus d'un dollar par Canadien par année. Cela suppose, au départ, toute une série de dons d'édifices à valeur patrimoniale. Mais nous ne croyons pas qu'il s'agirait d'un phénomène majeur...

M. Roger Gallaway: Vous en concluez qu'il en coûterait 30 millions de dollars par année.

M. Brian Anthony: Au maximum, je dirais.

• 1055

M. Roger Gallaway: Je ne comprends pas toutes les dispositions contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Vous avez peut-être vu le texte. Je ne sais pas si vous habitez Ottawa, mais on y trouve un édifice qui sera démoli—ou qui a peut-être déjà été démoli, je n'en suis pas sûr—et que certaines personnes ont proposé de déclarer édifice à valeur patrimoniale. On me dit que la Loi de l'impôt sur le revenu contient une disposition de perte finale, qui, pour plusieurs personnes, pourrait être une incitation à démolir plutôt qu'une incitation à préserver. Je me demande si vous pourriez me dire pourquoi on a l'impression que cette disposition de perte finale constitue une incitation à démolir.

M. Brian Anthony: Comme je l'ai dit plus tôt, madame la présidente, il est malheureux que l'on ait donné un tel nom à la disposition pour perte finale, une désignation qui évoque des cauchemars. Si lÂon avait parlé de disposition du «Stroumpf bienheureux», les gens se sentiraient probablement beaucoup plus à l'aise, mais la notion de «perte finale» évoque des scénarios d'apocalypse.

Il fut un temps, il y a peut-être une décennie ou plus, où cette disposition pour perte finale avait un pouvoir incitatif beaucoup plus marqué. Il faut dire, au crédit du ministère des Finances, que l'expression a été modifiée, mais non pour des raisons patrimoniales mais pour d'autres raisons, faut-il le penser.

Comme je l'ai dit plus tôt, le ministère des Finances ne considère plus que cette disposition a la même valeur incitative qu'autrefois. De fait, les fonctionnaires ont laissé entendre qu'il y a probablement d'autres incitatifs ayant un attrait plus fort pour inciter les propriétaires à croire qu'il vaut mieux démolir les immeubles patrimoniaux qu'ils possèdent. Laissez-moi vous donner un exemple.

J'habite Ottawa, et j'y habite, je dois l'avouer, depuis la fin des années 50. Au fil des ans, j'ai assisté à la démolition de plusieurs édifices à valeur patrimoniale, et je le regretterai toujours. Je vous donne un exemple et nous pourrons ensuite discuter sur le fait que vous auriez pu ou non considérer ces édifices comme ayant une valeur patrimoniale.

Il y avait sur la rue piétonnière Sparks, tout près d'ici, les anciens édifices Kresge et Woolworth, construits entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale, des immeubles plutôt uniques, typiques de l'architecture de l'époque. Ils ont été démolis par la banque qui en avait fait l'acquisition lorsque le propriétaire n'a pu respecter ses obligations financières. La banque a cherché à vendre les édifices, mais sans succès; elle les a donc démolis.

Nous avons discuté de ce cas avec le ministère des Finances—nous n'avons pas accès aux détails de la transaction financière parce qu'il s'agit de données confidentielles—et les fonctionnaires nous ont dit que la disposition de perte finale ne serait pas suffisante pour entraîner la démolition. En toute équité, il est probable que le plus grand facteur ayant donné lieu à la démolition était que la conversion du terrain en parc de stationnement permettrait de réduire considérablement la valeur foncière du bien, parce que le propriétaire aurait un terrain et non plus un immeuble. De plus, ce terrain permet d'obtenir des revenus, ce qui n'était pas possible auparavant, parce que l'exploitation d'un terrain de stationnement est une activité lucrative.

Par conséquent, je crois que cela aurait été un incitatif beaucoup plus puissant pour la démolition de ces immeubles ou de tout autre immeuble, que la disposition de perte finale. Je le dis parce que nous n'avons trouvé aucune autre preuve, d'une façon ou d'une autre, permettant de démontrer que la disposition de perte finale joue ce type de rôle crucial.

Nous savons par ailleurs qu'il existe des impôts municipaux et provinciaux, de même que des impôts fédéraux et d'autres mesures, par exemple, le zonage et ainsi de suite, qui agissent comme incitatifs—des incitatifs ridicules. Il y avait sur la rue Albert ou Slater un immeuble relativement moderne. Le propriétaire l'a vidé complètement et a enlevé les fenêtres parce qu'il ne parvenait pas à le louer. Par conséquent, ce bien est devenu une sorte de non-immeuble, ce qui a fait baisser considérablement sa valeur du point de vue fiscal. C'est ainsi que pendant deux ou trois ans cet immeuble sans fenêtres a été le refuge des pigeons. Voilà le genre de choses que produit le traitement fiscal local en milieu urbain.

De telles conditions sont probablement plus incitatives que ce qu'on nous a donné à penser que la perte finale pouvait être.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci.

Le but de la disposition pour perte finale était-il de se débarrasser d'une laideur, de permettre la démolition d'édifices qui contribuent à la pollution visuelle?

M. Brian Anthony: Non. C'est une de ces choses qui a été adoptée sans référence aux répercussions pour les édifices à valeur patrimoniale. Cette disposition offre la possibilité au propriétaire d'un immeuble, qu'il soit neuf, vieux, grand ou petit, de le démolir et d'obtenir un répit fiscal pour l'avoir fait. Elle a peut-être favorisé le développement à l'époque où on croyait que le développement était une bonne chose et que tout ce qui était neuf était bon et que tout ce qui était vieux était mauvais. Mais la disposition ne visait pas les édifices plus vieux ou les immeubles à valeur patrimoniale de façon particulière. Cela est un fait accessoire.

• 1100

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Vous recommandez donc que la situation demeure inchangée jusqu'à ce que vous ayez pu déterminer les répercussions qu'elle peut avoir.

M. Brian Anthony: Oui. Il me semble inutile de combattre une telle mesure si nous ne pouvons prouver qu'elle a des effets nuisibles.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci.

M. Graham Cooper (vice-président principal, Alliance canadienne du camionnage): Madame la présidente, je me demande si je puis ajouter un peu d'information relativement à la question de M. Gallaway et aussi pour clarifier la question des récompenses et des incitatifs accordés aux employés en matière de sécurité.

Nous demandons simplement une mesure similaire à celle qui existe actuellement aux États-Unis, c'est-à-dire une exemption pour les récompenses nominales. Aux États-Unis, par exemple, le montant est de 400 $. C'est la valeur qui nous intéresse.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Votre mémoire ne précisait pas très clairement que vous parliez de récompenses en espèces. Je vous remercie de cette clarification.

M. Graham Cooper: Merci. J'apprécie votre observation.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Je crois que M. Forseth a une toute petite question.

M. Paul Forseth: J'ai une toute petite question pour les représentants de l'industrie du camionnage.

MM. Bradley et Cooper, vos recommandations portent essentiellement sur la notion de comparabilité par rapport à vos concurrents principaux. Accepteriez-vous de vous joindre à votre concurrent canadien, c'est-à-dire l'industrie ferroviaire, qui demande aussi la comparabilité par rapport à ses concurrents américains? Peut-être qu'il pourrait y avoir une combinaison des intervenants sur la question générale de la déduction pour amortissement. À l'échelle du marché nord-américain, il faut passer à un mode concurrentiel quand on constate que l'on est dans une situation désavantageuse particulière.

M. David Bradley: Je crois que nous l'avons fait, et nous ne considérons pas nécessairement les chemins de fer comme nos concurrents. Je crois qu'au plan historique, il y a 50 ans ou 30 ans, ils l'étaient, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous oeuvrons maintenant dans deux secteurs distincts. Nous sommes tous les deux prestataires de services de transport et dans les deux cas, la principale source de concurrence vient des transporteurs américains, qu'il s'agisse du camionnage ou des chemins de fer.

M. Paul Forseth: Je crois donc que vous devez combiner vos forces à celles de l'industrie ferroviaire canadienne pour examiner la question de comparabilité de la déduction pour amortissement sur le marché nord-américain, parce que les exposés faits par les représentants des chemins de fer vont dans ce sens et qu'ils semblent coïncider avec vos propos. Selon moi, vous devriez vous associer dans ce but.

M. David Bradley: Merci.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup. Le comité des finances reprendra ses travaux de consultation pré-budgétaire à 12 h 30.

• 1103




• 1234

Le président: Je déclare la séance ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous ici cet après-midi. Comme vous le savez, le comité des finances se prépare à formuler des recommandations au ministre des finances sur ce que les priorités du budget de 1999 devraient être, et nous nous efforçons toujours d'entendre les Canadiens, d'un océan à l'autre, nous exprimer leurs points de vue et leurs attentes vis-à-vis du budget.

• 1235

Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants des organismes suivants: l'Association canadienne pour la promotion des services de garde d'enfance; l'Association canadienne des centres de vie autonome; la Canadian Co-operative Association; le Canadien National; Goldstein and Goldstein; T-Base Communications Inc.; et, à titre individuel, M. André Lizotte.

Nous entendrons d'abord la représentante de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, Mme Kim Rudd. Bienvenue.

Mme Kim Rudd (membre du conseil, Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance): Merci de m'avoir invitée cet après-midi.

J'aimerais prendre un peu de votre temps pour discuter des caractéristiques que doit prendre à notre avis le financement des écoles et des garderies s'adressant à la petite enfance au cours du prochain millénaire, et des responsabilités que doit prendre le gouvernement dans cette optique.

Nous considérons qu'il est temps que nous touchions un dividende social. Le gouvernement du Canada aborde le prochain millénaire dans une position enviable qui lui permet de réinvestir les crédits tirés du dividende budgétaire.

Des dividendes sociaux, se montant à au moins 50 p. 100 de l'excédent budgétaire, ont été promis pour le prochain budget fédéral. Les Canadiens, qui ont été témoins des compressions apportées aux programmes sociaux dont ont besoin nos collectivités pour se développer, espèrent que l'an 2000 verra un rétablissement de notre infrastructure sociale.

L'augmentation des crédits consacrés aux écoles et aux garderies s'adressant à la petite enfance bénéficie d'un large appui dans le public et il est indispensable de verser immédiatement un minimum de 460 millions de dollars pour combler le déficit de financement des services de garde entraîné par la disparition des crédits spécialement affectés au RAPC lorsque les transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux ont été mis en place en 1996, si l'on veut respecter l'engagement pris lors de la campagne électorale de 1993.

Ces trois dernières années, des compressions et des bouleversements majeurs ont été apportés aux services de santé et aux programmes sociaux. La mise en place en 1996 des transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux a regroupé les subventions distinctes qui s'appliquaient jusqu'alors à la santé, aux services sociaux et à l'enseignement postsecondaire.

La dégradation du financement, s'ajoutant à la tendance à la décentralisation des responsabilités et à l'affectation des programmes à des catégories précises, a affaibli l'infrastructure sociale. L'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance appuie les demandes faites par de nombreux particuliers ainsi que par nos partenaires du secteur social pour que notre gouvernement respecte ses engagements et rétablisse le versement de 50 p. 100 de son excédent budgétaire au titre des programmes sociaux lors du prochain budget fédéral.

Les compressions ont touché de plein fouet les écoles et les garderies s'adressant à la petite enfance, ce qui englobe tout un éventail de programmes comme les centres de garderie, les pouponnières, les maternelles, les programmes d'intervention communautaire s'adressant aux enfants et les programmes de démarrage précoce alors même que le secteur des garderies, qui n'a jamais bénéficié d'un plein financement de la part des pouvoirs publics, était déjà bien fragile.

Une étude du secteur des garderies effectuée récemment par Développement des ressources humaines Canada a conclu qu'il fallait que le gouvernement fédéral prenne l'initiative, en collaboration avec les gouvernements des provinces et des territoires ainsi que des Premières nations, en vue d'élaborer un cadre de politique intégré devant permettre de consacrer des fonds publics à des services de garderie de qualité, abordables et accessibles aux familles canadiennes. Le rétablissement immédiat des 460 millions de dollars perdus en raison de la nouvelle comptabilité des transferts canadiens et de l'abandon des promesses faites dans le livre rouge en matière des garderies contribuerait à garantir et à améliorer l'infrastructure d'enseignement et de garde destinée à la petite enfance.

En second lieu, nous considérons qu'une politique globale en matière familiale est elle aussi prioritaire. Dans les pays qui ont de bonnes stratégies d'enseignement et de garde s'adressant à la petite enfance, les services de garderie viennent s'insérer dans le cadre d'un ensemble de politiques fiscales et professionnelles bien conçues.

Les prestations de maternité et de congés parentaux au Canada ne s'élèvent qu'à 55 p. 100 des salaires, pendant un maximum de 25 semaines. Étant donné que ces prestations sont administrées dans le cadre du régime d'assurance-emploi, on peut difficilement tenir compte de l'instabilité des emplois et de la nécessité de faire en sorte que davantage de parents puissent prétendre à bénéficier des congés parentaux. Les excédents enregistrés dans la caisse d'assurance-emploi doivent être mis à profit pour bonifier les programmes de congés parentaux afin d'aider les familles ayant des enfants.

Des mesures fiscales doivent être adoptées pour remédier aux inconvénients de la déduction de frais de garde pour enfants, qui profite avant tout aux familles à revenu moyen, et des «bons» de garde de courte durée s'adressant aux familles à faible revenu, dont le contrôle par les pouvoirs publics est difficile. L'opinion publique est favorable au Canada à l'affectation de crédits à des programmes contribuant à favoriser le développement des collectivités et apportant un appui essentiel au développement des enfants. Une étude au moins, effectuée par le CPRN en 1998, indique que la population est prête à payer davantage d'impôts pour que les enfants puissent avoir accès à des programmes d'enseignement et à des garderies de qualité.

• 1240

Les programmes qui s'adressent actuellement aux enfants et aux familles du Canada sont mal équipés pour répondre aux défis posés par la nouvelle économie. Pour ce qui est des congés parentaux administrés dans le cadre de l'assurance-emploi, il y a un besoin urgent de faire en sorte que davantage de parents puissent y prétendre afin d'améliorer l'accès à des congés conçus de manière plus souple et s'accompagnant d'un revenu suffisant pour élargir les possibilités de choix en matière de garderie. Il appartient au gouvernement fédéral d'affecter les excédents de l'AE au rétablissement du niveau des prestations et au versement de prestations aux parents qui ne sont pas dans une situation classique en matière d'emploi.

Nous manquons aussi cruellement de dispositions fiscales permettant aux enfants et aux familles d'accéder à tout un éventail de choix en matière de garderies. La déduction des frais de garderie profite essentiellement aux familles à revenu moyen et, en dépit de l'augmentation accordée l'année dernière, ne reflète pas le coût réel des garderies pour nombre de familles. Une fiscalité plus juste devrait plutôt tenir compte des véritables besoins des enfants au sein de leur famille, et une première étape consisterait par exemple à indexer sur l'inflation la prestation d'impôt pour enfants.

En troisième lieu, il y a le programme national pour l'enfance. Avec le programme national pour l'enfance, nous avons la chance de nous assurer que les crédits consacrés à l'enfance sont affectés de manière à favoriser leur développement actuel et futur dans le cadre d'une politique globale de l'enfance et de la famille.

Jusqu'à présent, quatre projets ont été mis en place par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial établi dans le cadre du programme national pour l'enfance: la prestation nationale pour enfants, l'extension des programmes d'intervention précoce pour les Autochtones, la création des centres d'excellence devant assurer le développement des enfants et la mise en place d'indicateurs de préparation à l'apprentissage. Nous incitons le gouvernement à s'assurer que ces projets sont bien garantis, qu'ils bénéficient de fonds publics suffisants et qu'ils sont intégrés à une stratégie globale de développement de l'enfance.

Lors d'une première étape, il faudra consacrer avant l'an 2000 2,5 milliards de dollars à la prestation nationale pour enfants pour lutter contre la montée croissante de la pauvreté des enfants dans notre pays. Il est stimulant de voir le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires collaborer au Canada à l'élaboration de politiques intégrées s'adressant à l'enfance dans le cadre du groupe de travail qui relève du programme national pour les enfants.

L'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance espère bientôt pouvoir participer aux discussions portant sur les moyens d'apporter une aide publique efficace aux enfants et à leur famille. Ainsi, la mise en place d'un système intégré d'écoles et de garderies de grande qualité s'adressant à la petite enfance sera un premier pas dans la voie de l'établissement d'une stratégie efficace de ce type. Les garderies et les écoles s'adressant aux jeunes enfants de notre pays ont fait l'objet de nombreux débats et d'études approfondies, ce qui nous a amenés à relever la nécessité de mettre en place à l'intention des enfants et des familles un système global et coordonné d'écoles et de garderies de qualité et abordables qui s'adressent à la petite enfance.

Aucun rapport n'a recommandé que l'on adopte des solutions axées sur le marché ou des transferts personnels en faveur des individus, mais c'est pourtant ce modèle qui a prévalu en l'absence d'un cadre intégré de politiques de garderies au Canada. Jusqu'à présent, les petits changements apportés au programme de prestations d'impôt pour enfants ne sont que des ajustements parcellaires dont on ne peut pas penser qu'ils peuvent résoudre globalement la situation des enfants et des familles.

La prestation d'impôt pour enfants ne permet pas actuellement de remédier utilement au taux incroyablement élevé de pauvreté qui règne chez les enfants et qui a d'ailleurs augmenté dans notre pays alors que ce dernier s'apprête à entrer dans le nouveau millénaire prêt à aborder les nouvelles réalités économiques. Les 850 millions de dollars supplémentaires que prévoit le budget de 1999 ne sortiront pas les enfants de la pauvreté alors que ceux-ci sont plus de 1,4 millions—ces chiffres sont tirés des statistiques pour 1997 de Campagne 2000—et n'aideront pas non plus les enfants qui appartiennent à des familles qui vivent de l'aide sociale, pour lesquelles cette augmentation s'accompagnera d'une déduction correspondante de leurs prestations d'aide sociale.

Si l'on veut que le programme national pour enfants réponde véritablement aux besoins de tous les enfants du Canada, il faut qu'il fasse un tout premier pas dans la voie d'une politique globale de la famille nous amenant à promouvoir le développement des enfants tout en aidant les familles à faire face aux nouvelles réalités économiques.

Enfin, il faut parler des avantages et des inconvénients de garderies de qualité. Nous estimons que c'est tout à fait le moment d'avancer ce quatrième point étant donné la publication de l'analyse coûts-bénéfices qui a été faite récemment par DRHC.

Les garderies ont le grand intérêt de procurer toute une série d'avantages à un coût qui reste minime pour les pouvoirs publics. Dans notre nouvelle économie, un système bien conçu d'écoles et de garderies s'adressant à la petite enfance permettra à nos enfants de se développer tout en aidant les parents à travailler, à étudier et à accomplir efficacement leur tâche de parents. Une nouvelle étude économique effectuée par deux économistes de l'Université de Toronto nous révèle que chaque fois que l'on consacre un dollar à des programmes globaux de garderies publiques, les enfants et leurs parents en retirent plus de deux dollars de bénéfice. Ce programme peut être mis en place à un coût inférieur à un pour cent du PNB du Canada.

• 1245

L'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance considère qu'un système d'écoles et de garderie global, coordonné, abordable et de grande qualité qui s'adresse à la petite enfance doit être la grande priorité de toute stratégie nationale visant à appuyer et à promouvoir la santé et le bien-être des enfants.

Une politique nationale globale, comprenant toute une gamme de programmes d'enseignement et de garde dès la petite enfance contribuera à aider les familles canadiennes à refaire le chemin perdu. En raison de l'absence de garderies de qualité et abordables, de nombreux parents ont dû quitter leur emploi et placer leurs enfants dans des conditions qui ne sont pas optimales.

Pour ce qui est plus particulièrement des femmes, dont le salaire est en moyenne de 64,8 p. 100 de celui des hommes, les conditions de travail et l'absence de garderies abordables ont causé des difficultés qui en ont amené certaines à quitter le marché du travail et d'autres à accepter des travaux à temps partiel et mal rémunérés pour lesquels il n'y a pratiquement pas de possibilités d'avancement.

La garde et l'éducation des jeunes enfants sont trop importantes pour être confiées aux forces du marché et les avantages qu'en retirent les parents sont bien supérieurs aux coûts de la fourniture de cet appui essentiel aux familles. Les économistes estiment qu'un programme de garderies de qualité s'adressant aux enfants de deux à cinq ans peut être mis en place à un coût inférieur à un pour cent du PNB annuel du Canada, soit 5,3 milliards de dollars par an.

Il incombe au gouvernement fédéral de prendre l'initiative pour mettre en oeuvre des programmes d'écoles et de garderies s'adressant à la petite enfance qui feront passer dans la réalité le projet établi par le Canada dans le cadre du programme national pour les enfants. Nous demandons que l'on tienne compte de ces considérations lors de la formulation du prochain budget du gouvernement.

Je suis prête à répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Rudd.

Nous allons maintenant entendre la représentante de l'Association canadienne des centres de vie autonome, Mme Tracey Walters, sa directrice nationale. Soyez la bienvenue.

Mme Tracey Walters (directrice nationale, Association canadienne des centres de vie autonome): Je suis Tracey Walters. Je suis directrice nationale de l'Association canadienne des centres de vie autonome.

Je vous ai distribué une section de la partie deux du livre rouge. C'est une véritable aubaine pour moi puisque, ainsi, je n'ai pas eu à rédiger un rapport par écrit. C'est rédigé dans les deux langues officielles. Je viens ici vous donner un aperçu de ce que vivent réellement les personnes handicapées dans notre pays.

De par mes fonctions, je suis chargée de mettre sur pied et d'assurer le développement des centres de vie autonome, qui sont des organisations dirigées par des personnes handicapées et créées pour elles. Ces organisations aident les personnes handicapées à faire face aux conséquences dramatiques de la baisse des transferts au titre de la santé et des programmes sociaux. À l'heure actuelle, il y a dans tout le pays des personnes handicapées qui ne peuvent bénéficier de transport, de logement ou de services adaptés leur permettant de se lever chaque matin pour aller à l'école ou au travail.

Je vais vous lire un passage du budget de 1997 de M. Martin. On nous dit:

    En dépit des nombreuses difficultés auxquelles font face les Canadiens dans leur vie quotidienne, la plupart d'entre eux réussissent à mener une vie de citoyens en bonne santé et valides. Toutefois, les Canadiens qui sont handicapés n'ont pas les mêmes possibilités. Ils doivent surmonter de véritables obstacles dans leur vie quotidienne. Monsieur le président, ce n'est pas un traitement spécial que demandent ces Canadiens. Ils veulent être des citoyens comme les autres. Ils ont besoin de notre appui pour y parvenir.

Je vous ai aussi apporté des rapports du groupe de travail libéral sur les personnes handicapées, qui sont rédigés dans les deux langues. J'ai eu la chance de voyager avec ce groupe en tant que membre du groupe de travail représentant la communauté des personnes handicapées. En compagnie d'Andy Scott, d'Andy Mitchell, d'Anna Terrana et de Clifford Lincoln, je me suis déplacée en 1996 dans l'ensemble des provinces et des territoires.

J'ai dû dépoussiérer mon rapport des tiroirs et je suis sûre que bien des personnes autour de cette table n'ont même pas eu l'occasion de le voir ou de le lire. Lorsque nous l'avons publié, nous avons tenu une conférence de presse dans cette salle en présence des députés. La presse avait déclaré à l'époque qu'il fallait que le gouvernement agisse très rapidement—d'urgence— parce que la dévolution des responsabilités et le financement bloqué avaient des répercussions extrêmement négatives sur les personnes handicapées.

Cette semaine marque le deuxième anniversaire de notre conférence de presse. Aujourd'hui, huit recommandations ont été suivies d'effet, les plus faciles à mettre en oeuvre. La plupart des mesures visées étaient en fait déjà en place.

Nous avons adjuré Doug Young de ne pas repasser la réadaptation professionnelle aux provinces parce que cela leur permettrait d'affecter les crédits à la construction de routes et de canalisations d'égouts si elles le jugeaient bon. Nous avons donc demandé au gouvernement fédéral de ne pas s'en départir. Le gouvernement fédéral s'en est départi.

Nous avons réclamé 45 millions de dollars. Il s'agissait d'un ancien montant correspondant à la stratégie canadienne pour l'emploi visant à aider les personnes handicapées qui n'avaient pas d'emploi. Ce montant avait été ramené à zéro par M. Young. Nous avons donc demandé que ces 45 millions de dollars soient rétablis. Ils l'ont été, mais dans le cadre d'une nouvelle stratégie d'emploi, et seulement à concurrence de 30 millions de dollars. La population du Canada a donc été en quelque sorte trompée dans le budget parce qu'on a parlé d'une nouvelle stratégie d'emploi alors qu'en fait, il s'agissait de l'ancienne stratégie dont les crédits avaient été réduits de 15 millions de dollars.

• 1250

Ce sont donc en fait huit recommandations qui ont été soumises à la Chambre des communes, vieilles de deux ans, et la plupart d'entre elles avaient déjà été étudiées pendant dix ans par d'autres gouvernements.

Dans tout le pays, les gens perdent leurs droits à bénéficier d'appareils de soutien tels que fauteuils roulants ou fauteuils tricycles. Du fait que la dévolution des responsabilités dont se rend responsable le ministre des Transports, tout est facultatif désormais. Cela signifie que personne n'est tenu d'assurer le transport des personnes handicapées.

Cela signifie que 17 p. 100 des membres de notre population n'ont pas les mêmes droits en tant que citoyens que toutes les personnes assises autour de cette table. Aujourd'hui vous pouvez vous déplacer d'une province à l'autre, d'une ville à l'autre, d'occuper un emploi dans une ville et de vous rendre dans une autre. Les personnes handicapées n'ont cependant pas cette chance, elles n'ont pas ce droit.

Nous venons de tenir une assemblée nationale à Halifax et à cette occasion j'ai entendu dire beaucoup de choses. C'est ainsi qu'en Colombie-Britannique, celui qui a besoin d'un fauteuil tricycle doit aller le quémander dans les clubs philanthropiques. On en revient à cette situation pathétique: ayez pitié de moi, faites-moi la charité pour que je puisse avoir, si vous le voulez bien, un appareil dans lequel je pourrai me déplacer en ville pour faire mes courses. On retrouve aussi ce même genre de situation dans les autres provinces.

On signe des ententes sur le marché de la main-d'oeuvre avec les provinces sans que rien ne soit fait pour les personnes handicapées. En tant que citoyens et que contribuables, nous avons le droit de nous attendre à ce que chaque dollar tiré de l'impôt dans notre pays soit dépensé d'une manière juste, au bénéfice de l'ensemble des Canadiens. Ce n'est pas le cas. Le vérificateur général lui-même le dit dans son rapport.

Tous les ministères gouvernementaux dépensent de l'argent sans même penser aux personnes handicapées, ou uniquement lorsqu'on les menace. Ils se contentent alors d'adopter une solution de fortune et de distribuer une poignée de dollars pour que les gens se taisent jusqu'à l'élection suivante.

Lorsqu'il a été élu pour la première fois, ce gouvernement a fait des efforts concertés pour supprimer la voix des Canadiens handicapés ainsi que celle des autres groupements favorables à une politique sociale. Dans une véritable démocratie, de petits montants d'argent doivent aider les groupements minoritaires à se faire entendre. Il y avait des subventions minimes qui aidaient les organisations parlant au nom des personnes handicapées et regroupant ces personnes. Le gouvernement libéral les a supprimées purement et simplement et a fait taire cette voix, la voix de la démocratie qui fait que la société représente tout le monde.

En 1996, à la Chambre des communes, M. Young a déclaré qu'il avait du respect pour les personnes handicapées mais pas pour les organisations qui prétendaient les représenter. Puis, après que l'opinion publique a été fortement sensibilisée et que les médias sont intervenus, le budget libéral de 1997 a rétabli temporairement les subventions versées aux organisations qui représentent les personnes handicapées. Si les responsables l'ont fait, c'est essentiellement parce qu'ils n'avaient pas le choix.

Il y a donc eu un effort concerté pour faire taire de nombreux groupes. Je tiens en fait dans mon bureau la liste de tous les groupes dont le gouvernement a effectivement cherché à supprimer les subventions.

Le gouvernement avait adopté une nouvelle politique: il voulait supprimer progressivement les crédits de tout le monde sur une période de trois ans. Il nous a donc remerciés pour le travail effectué, pour notre présence à des séances comme celles d'aujourd'hui, pour tous les documents que nous avions su rédiger dans les deux langues officielles, déclarant d'un même souffle qu'il n'allait plus nous subventionner.

C'est la seule relation finalement que le gouvernement fédéral veut conserver avec la population: l'envoi de chèques au service des impôts. Il n'en veut pas d'autres.

C'est malheureux, mais je pense que la grande victoire dont peuvent se targuer les responsables dans leur budget d'il y a deux ans, c'est le fait d'avoir accordé 70 millions de dollars en dégrèvements d'impôts aux personnes handicapées. Nous n'avons cependant pas manqué de répéter que dans leur majorité, ces gens qui représentent 17 p. 100 de la population vivent dans la pauvreté, gagnent moins de 10 000 $ par an et n'ont donc pas de revenu imposable. Ces dégrèvements fiscaux ne s'adressent donc qu'aux personnes—bien entendu, il y en a quand même un certain nombre—qui ont un revenu imposable et qui sont en mesure de réclamer certains crédits d'impôt. Voilà donc quelle a été en fait la grande victoire du gouvernement.

• 1255

La section qui traite des personnes handicapées dans la deuxième partie du livre rouge est pour l'essentiel exacte. Toutefois, je m'oppose absolument à l'une de ces dispositions, celle qui a trait au programme de revenus. À l'origine de ce programme, il y a le fait que le gouvernement fédéral ait pensé que s'il adoptait éventuellement un superprogramme de bien-être pour les personnes handicapées, il n'aurait plus à s'inquiéter du reste. Donc, dans un certain nombre de documents, y compris dans ce rapport, dont la section consacrée au soutien du revenu n'a pas été appuyée, la pratique consiste à dire que si l'on adoptait éventuellement un superprogramme de bien-être pour les personnes handicapées, on n'aurait plus à les prendre en compte dans les mesures relatives à l'AE ou au RPC, ce qui reviendrait essentiellement à les retirer de la plupart de ces programmes.

La preuve en a d'ailleurs été faite. Les règles s'appliquant au RPC viennent d'être modifiées de façon à ce qu'il soit plus difficile aux personnes handicapées de toucher des prestations. Ottawa aura ainsi économisé 1 milliard de dollars en l'an 2005. C'est donc une grosse victoire pour le parti.

Toutefois, qu'avez-vous fait en réalité? Vous avez écarté des milliers de gens du RPC. J'imagine que l'on espère un jour qu'on instaurera un programme-dépotoir pour les personnes handicapées, ce qui permettra de leur accorder une aumône. Les provinces n'auront donc plus rien à faire, le gouvernement fédéral n'aura plus rien à faire et nous pourrons nous féliciter d'avoir ce programme-dépotoir pour les personnes handicapées.

L'expression à la mode, c'est le partage des responsabilités. Vous savez ce que l'on entend par partage des responsabilités? Cela signifie: aucune responsabilité. Nous pouvons le voir dans tous les rapports. Nous le lisons, nous l'entendons. Cela signifie que l'on n'a même pas besoin de réunir tout le monde autour de la table. On se dit ainsi que les provinces et le gouvernement fédéral finiront bien un jour par s'entendre sur quelque chose.

Le partage des responsabilités, c'est un faux-semblant. Qui prend l'initiative dans ce partage des responsabilités? Si tout le monde partage les responsabilités, qui préside, qui est le chef de file, qui fait des recommandations? Surtout, qui est responsable?

À l'heure actuelle, lorsque je prends mon cas personnel—dans le secteur au sein duquel je lutte, l'obtention de services—je n'ai personne à qui envoyer une simple lettre. Je dirais dans cette lettre qu'il faut au bout du compte que quelqu'un soit responsable des questions qui concernent les personnes handicapées dans notre pays.

Le gouvernement fédéral est si occupé aujourd'hui à repasser les responsabilités aux provinces, et ces dernières si occupées à les repasser aux régions, puis de là aux municipalités, qu'il n'y a finalement personne dans notre pays qui soit responsable des personnes handicapées.

C'est une recommandation importante: nous avons besoin d'un ministre responsable des questions liées aux handicaps.

Nous tenons par conséquent à ce que vous sachiez qu'il vous en coûte des milliards de dollars pour tenir les personnes handicapées à l'écart du monde du travail, de la société, alors qu'avec un investissement minime vous pourriez faire en sorte qu'elles y soient intégrées.

À l'heure actuelle, la situation des personnes handicapées du point de vue des droits de la personne est assez catastrophique. Donc, même si nous parcourons le monde entier en nous vantant de nos réalisations dans le domaine des droits de la personne, nous devrions en fait nous remettre en question et balayer devant notre propre porte.

Nous affirmons donc que l'on peut beaucoup apporter aux personnes handicapées sur le plan économique, politique, social et culturel. Je recommande aussi que dans le budget vous teniez compte sérieusement des recommandations du rapport du groupe de travail—produit par le gouvernement fédéral à coup de millions de dollars—que vous réexaminiez le rapport, que vous le distribuiez à tous les partis et que vous en adoptiez les recommandations. Assurez-vous par ailleurs que ce soit fait avant la prochaine élection parce que vous avez fait d'importantes promesses et qu'il vous faut continuer à adopter ces recommandations de la deuxième partie du livre rouge.

Nous vous prions d'aider les personnes handicapées et de vous assurer que les crédits qui seront engagés éventuellement le seront de manière équitable à l'échelle des pays au profit de tous les Canadiens. Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Walters.

Nous allons maintenant entendre les responsables de la Canadian Co-operative Association: Nora Sobolov, sa directrice générale, Bill Turner, son président et Mary Pat MacKinnon, sa directrice des politiques, Affaires gouvernementales.

Soyez les bienvenus.

Mme Nora Sobolov (directrice générale, Canadian Co-operative Association): Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les membres du comité et autres témoins ici présents, bonjour.

Nous sommes heureux d'être ici cet après-midi pour prendre part à cette table ronde. Toutefois, avant de vous faire part de notre point de vue au sujet des questions portant sur la politique budgétaire, je consacrerai quelques instants à la présentation de la Canadian Co-operative Association.

Nous avons déjà pris part à d'autres consultations budgétaires du comité des finances, mais la composition de nos membres a changé au cours de l'année qui vient de s'écouler et il serait utile que je vous donne quelques précisions au sujet de la CCA. Nous vous avons par ailleurs remis des trousses d'information qui vous donnent des précisions supplémentaires au sujet de la CCA et de ses membres, ainsi qu'une carte de répartition de nos membres qui fait état de l'implantation des diverses coopératives et caisses de crédit dans vos circonscriptions.

• 1300

La CCA est l'organisation nationale qui chapeaute les coopératives et les caisses de crédit anglophones. Pour le compte de ses 35 membres, la CCA fait la promotion des coopératives et des caisses de crédit, qui sont des entreprises distinctes dont les objectifs sont à la fois sociaux et économiques et qui contribuent à maintenir des collectivités viables dans l'ensemble du pays ainsi que dans le monde entier.

Nos membres se retrouvent dans pratiquement tous les secteurs économiques, et leur présence est particulièrement forte dans les secteurs de l'agriculture et de l'agro-alimentaire, du commerce de gros et de détail et des services financiers. Les membres de la CCA sont par ailleurs très présents dans les secteurs des services, des garderies, du logement, de l'emploi et de la santé. Ensemble, nos membres ont un actif de plus de 56 milliards de dollars, regroupent plus de 5 millions de personnes et emploient des dizaines de milliers de travailleurs.

Si l'on prend l'ensemble du système des coopératives au Canada, anglophones et francophones, on obtient une force économique et sociale énorme: plus de 10 000 coopératives ayant un actif de plus de 120 milliards de dollars, des effectifs de 151 000 personnes et plus de 7 000 membres bénévoles des comités et des conseils d'administration.

Nombre de coopératives sont des petites et moyennes entreprises mais d'autres sont très grosses. Parmi les 100 plus grandes entreprises au Canada, selon la liste la plus récente publiée par le Financial Post, il y a 32 coopératives, caisses de crédit ou caisses populaires. Vous avez aussi peut-être vu le supplément que nous a consacré le Financial Post lors de la semaine des coopératives.

L'adoption l'année dernière d'une nouvelle loi fédérale sur les coopératives, qui a modernisé les dispositions législatives s'appliquant aux coopératives, va renforcer l'activité des coopératives qui sont du ressort fédéral. Nous tenons à remercier les ministres, les ministères, le secrétariat aux coopératives et les comités qui ont participé avec nous à cette opération.

De plus, si elles sont mises en application, les recommandations du rapport du groupe de travail MacKay qui s'adressent au secteur des coopératives financières contribueront à mettre en place un cadre législatif devant paver la voie à un secteur dynamique de coopératives financières en mesure de concurrencer les banques au plan national.

Vous vous rappelez peut-être que l'organisation qui est notre partenaire, la Centrale des caisses de crédit du Canada, ainsi qu'un certain nombre de nos membres—la plupart des centrales provinciales des caisses de crédit ainsi que Co-operators Group Limited—sont venus témoigner devant votre comité dans le cadre de la consultation menée au sujet du rapport du groupe de travail MacKay.

La CCA travaille en étroite collaboration avec notre homologue francophone, le Conseil canadien de la coopération, et au plan mondial nous sommes en relation avec l'Alliance internationale des coopératives et le Conseil mondial des coopératives d'épargne et de crédit, qui ont plus de 700 millions de membres dans plus de 100 pays.

Ce sont les principes coopératifs qui guident à la base notre démarche. Ces principes sont ceux de l'affiliation volontaire et ouverte à tous, du contrôle démocratique exercé par les membres, de la participation financière des membres, de l'autonomie et de l'indépendance, de l'éducation, de la formation et de l'information, de la coopération entre diverses coopératives, et du souci du bien-être de la collectivité.

Pour aider à la préparation de son intervention lors des consultations prébudgétaires du ministre des Finances, la CCA fait enquête chaque année auprès de ses membres en ce qui a trait à la politique budgétaire fédérale. Nous sommes encore en train d'enregistrer les réactions de nos membres et nous en ferons part au ministre lorsque nous lui présenterons un mémoire.

Nous allons quand même aujourd'hui vous faire part des opinions que nous avons déjà reçues. Je vais maintenant demander à notre directrice des politiques, Affaires gouvernementales, Mary Pat MacKinnon, de poursuivre cet exposé.

Mme Mary Pat MacKinnon (directrice des politiques, Affaires gouvernementales, Canadian Co-operative Association): Votre comité a demandé aux témoins de répondre à quatre questions: que faire du dividende budgétaire, quels sont les investissements stratégiques et les modifications fiscales qui s'imposent, comment faire en sorte que les Canadiens puissent tirer parti des possibilités qui s'offrent, et quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de garantir l'emploi dans la nouvelle économie. Comme il s'agit ici d'une table ronde, nous résumerons nos différents arguments au sujet du budget et des questions posées. D'ailleurs, certains de nos membres, les syndicats du blé et certaines centrales provinciales, par exemple, ont déjà comparu devant votre comité.

Avant de répondre effectivement à la question du dividende budgétaire, laissez-nous dire tout d'abord que si nos membres ne manquent pas de féliciter le gouvernement d'avoir mis sa comptabilité à jour, ils restent catastrophés face au taux de chômage élevé, notamment dans les Maritimes, la Colombie-Britannique et les collectivités autochtones.

Ils sont aussi très inquiets de voir que le niveau de vie du Canada se dégrade avec les graves conséquences que cela entraîne. D'ailleurs, aujourd'hui même se tient tout près nous, au Château Laurier, une conférence organisée par le Centre d'études des niveaux de vie. On s'y penche justement sur ce problème—en l'occurrence sur le fait que le niveau de vie du Canada se dégrade, que sa productivité baisse et que les répercussions se font sentir sur la grande majorité des Canadiens.

Nous sommes aussi inquiets du fait qu'en dépit de la forte croissance économique enregistrée ces deux dernières années, nous continuons à éprouver des difficultés économiques persistantes qui doivent être corrigées.

Le changement récent de conjoncture économique va vraisemblablement entraîner une diminution des dividendes budgétaires cette année et l'année prochaine, mais nous continuerons à enregistrer des excédents. Par conséquent, la question que s'est posée votre comité en juin dernier reste pertinente.

• 1305

Nos membres sont en faveur d'un équilibre entre les trois mesures proposées: dépenses de programmes, réduction de la dette et réductions d'impôt. Étant donné la diversité de nos membres, que ce soit au niveau sectoriel ou géographique, il n'est pas surprenant que tout le monde ne soit pas d'accord sur les pourcentages ou la répartition à l'intérieur de chacune des catégories. Il est toutefois justifié d'affirmer de manière générale que l'on accorde une plus grande priorité aux dépenses de programmes et à la réduction de la dette qu'aux réductions d'impôt.

Pour répondre à la question sur les investissements stratégiques, les membres de la CCA préconisent que l'on engage ou que l'on réengage des crédits dans les secteurs suivants: programme fédéral-provincial d'infrastructure des transports; transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, notamment pour ce qui est des soins de santé, y compris le financement des soins à domicile; financement de la recherche fondamentale et appliquée; aide officielle au développement; projets de formation et d'emploi des jeunes; enfin, développement coopératif.

Nous tenons à souligner plusieurs questions relatives aux politiques budgétaires qui intéressent nos membres. La plupart d'entre eux préconisent une réforme de la caisse d'assurance-emploi qui entraînerait la création d'une caisse autonome et distincte sur le modèle du Régime de pensions du Canada. Les membres ne sont pas d'accord pour que le gouvernement fédéral continue de verser dans les coffres de l'État l'excédent enregistré par la caisse d'AE.

Sur la question des primes d'AE, les avis sont partagés. Certains membres appuient résolument une diminution des primes alors que d'autres voudraient les conserver au même niveau et consacrer davantage d'argent à la formation ou encore étendre la couverture à un plus grand nombre de chômeurs.

Comme vous l'avez déjà entendu dire, on s'inquiète de plus en plus de l'insuffisance des programmes de sécurité agricole étant donné la chute considérable des prix des matières premières et les retombées de la crise économique asiatique. Nos producteurs de l'Ouest souffrent par ailleurs beaucoup du harcèlement commercial enregistré dernièrement à nos frontières.

La CCA est tout à fait d'accord avec nos membres du secteur de l'agriculture pour demander que le comité réexamine les engagements de dépenses pris par le gouvernement envers les programmes de sécurité agricole afin que soient mis à la disposition des agriculteurs des programmes leur offrant la stabilité dont ils ont besoin pour investir en prévision de l'avenir.

Pour ce qui est de la politique de développement économique du gouvernement, nos membres sont d'accord pour dire que le gouvernement doit collaborer avec le secteur privé et le secteur bénévole à la création et au maintien de l'emploi au sein des collectivités. Dans ce cadre, le secteur coopératif participe actuellement à un certain nombre de projets associatifs avec le gouvernement.

Ainsi, la CCA s'est associée à l'ACDI à un projet d'aide au développement national faisant appel au modèle coopératif. Le secteur des caisses de crédit s'est allié à la Banque de développement du Canada pour mieux servir les petites et moyennes entreprises. Pour le compte de l'ACDI, la CCA administre par ailleurs un programme de stages internationaux à l'intention des jeunes.

Les organisations régionales qui nous sont affiliées dans les Maritimes, le Centre régional de développement des coopératives et la Fédération des coopératives de Terre-Neuve et du Labrador, se sont associées à l'APECA afin de mettre en place un fonds de participation au capital devant favoriser le développement des coopératives et des projets économiques communautaires. Dans l'Ouest du Canada, l'Agence de diversification de l'économie de l'Ouest s'est associée à un certain nombre de nos caisses de crédit pour mettre en place des programmes de microprêts.

Nos membres cherchent à mettre en place de nouveaux partenariats avec le gouvernement fédéral afin d'aider les collectivités rurales et éloignées, de promouvoir et de développer le modèle coopératif de façon à pouvoir fournir des services davantage axés sur les besoins des citoyens, d'étudier les moyens de tirer parti du modèle coopératif pour contribuer à répondre aux besoins sociaux et économiques des collectivités autochtones tant dans le nord qu'au sud du pays, et de mettre en oeuvre un nouveau programme d'administration des coopératives de logement fédérales.

La CCA et le Conseil canadien de la coopération sont actuellement en train d'élaborer une proposition de développement coopératif conjoint destinée au gouvernement fédéral. Ce projet de partenariat axé sur la formation chercherait à instaurer des progrès socioéconomiques durables au sein des collectivités dans le besoin grâce à la mise en place d'un modèle de développement coopératif.

Pour terminer, la CCA souhaite la meilleure des réussites à votre comité lorsqu'il présentera son rapport à la Chambre des communes et au ministre des Finances. Nous vous incitons à réfléchir à la nécessité d'adopter une stratégie de développement économique visionnaire, ce que nos membres jugent de la première importance. Ce n'est pas un simple exercice d'équilibrage des comptes. Les Canadiens méritent mieux que les sacrifices qu'ils ont consentis, et nos membres nous l'ont bien fait savoir.

Nous nous ferons un plaisir de participer aux discussions de la table ronde et à répondre à vos questions. Nous vous remercions.

Le président: Je vous remercie vivement de votre exposé. Nous allons maintenant entendre les représentants du Canadien National: Mme Thi Nguyen, qui est présidente du Canadian Employee Relocation Council, et M. Scott Roberts. Soyez les bienvenus.

Mme Thi Nguyen (présidente, Canadian Employee Relocation Council; gestionnaire, Réinstallation des employés et Planification financière, Canadien National): Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie de nous offrir cette occasion de témoigner devant votre comité. Je suis comptable agréée et je suis gestionnaire des services de réinstallation des employés et de planification financière au Canadien National, dont le siège social se trouve à Montréal.

• 1310

Le conseil représente près de 400 entreprises et organisations canadiennes qui s'occupent, sous une forme ou sous une autre, de la réinstallation des employés.

Chaque année, au Canada, environ 30 000 mutations sont décidées par l'employeur. Chacune d'entre elles coûte 40 000 $. Autrement dit, les employeurs injectent directement quelque 1,2 milliard de dollars dans l'économie canadienne. Ces chiffres n'incluent pas les déménagements décidés par les employés eux-mêmes lorsqu'ils changent d'emploi, en trouvent un nouveau ou lancent une nouvelle entreprise.

L'objet de mon exposé est de parler de la récente modification fiscale qui pourrait réduire de 20 p. 100 le nombre de mutations à l'initiative de l'employeur et donc, coûter 250 000 $ à l'économie canadienne pour environ 13 millions de dollars de recettes fiscales. Je m'explique.

Toutes nos entreprises membres paient les coûts de déménagement lorsqu'un employé est contraint d'aller s'installer ailleurs pour conserver son emploi ou pour assurer son avancement professionnel. Cela inclut les frais juridiques, les commissions de courtage, les frais de déménagement, la recherche d'un logement, et le logement provisoire. Quatre-vingt-quinze pour cent de nos membres remboursent les employés qui quittent une région où les coûts sont modiques pour une région où les coûts sont élevés, ce qui les oblige à emprunter s'ils veulent pouvoir acheter une maison comparable pour leur famille. La personne qui déménage de Calgary à Vancouver cette année devra augmenter son prêt hypothécaire de près de 125 000 $, uniquement pour trouver une maison à deux étages équivalente.

Plus de 90 p. 100 de nos membres remboursent leurs employés de la perte de valeur nette ainsi subie. Par exemple, le prix des logements à Vancouver a diminué d'environ 15 p. 100 entre 1994 et 1998. Le propriétaire d'une maison ordinaire de deux étages achetée en 1994, qui est obligé de déménager cette année essuiera une perte de 40 000 $ sur la valeur nette de sa maison et devra donc contracter un prêt hypothécaire plus important pour en acheter un nouveau logement. Aux termes de la modification fiscale adoptée cette année, les particuliers sont imposés comme si le remboursement de la perte de valeur nette et les coûts d'intérêt hypothécaire supplémentaires constituent un revenu d'emploi. Les employés contraints de déménager pour conserver leur emploi doivent payer des impôts lorsqu'ils bénéficient de ce genre de remboursements. Le conseil estime que c'est foncièrement injuste.

Monsieur le président, déplacer sa famille est une décision difficile à prendre pour l'employé, à cause de la perturbation de la vie familiale et de la perte de revenu pour le conjoint. Les entreprises qui ont le sens des responsabilités à l'égard de leurs employés s'efforcent simplement de minimiser les répercussions financières additionnelles en protégeant la valeur nette dont nous parlons. Cette protection n'ajoute rien à cette valeur et ne crée pas de gain économique. Elle est en fait souvent régie par des ententes syndicales. Si l'on demande aux particuliers d'assumer cette charge fiscale, cela aura des répercussions négatives sur les relations entre employeur et employé.

Monsieur le président, j'ai rencontré des fonctionnaires des finances afin de discuter avec eux de ces modifications. Malheureusement, ils disent que la mesure est nécessaire pour uniformiser les règles du jeu. Ils font valoir que les employés qui décident de déménager devraient être soumis au même traitement fiscal que ceux qui sont contraints de le faire, et que la solution est donc d'adopter cette modification fiscale. C'est une logique spécieuse qui a un effet beaucoup plus marqué qu'on pourrait le penser sur l'économie.

La réinstallation des employés est une méthode utilisée par la plupart des entreprises pour demeurer compétitives et pour conserver des employés ou les former afin qu'ils acquièrent les compétences irremplaçables dont elles ont beaucoup besoin. C'est aussi un moyen pour les employés de conserver leurs emplois alors qu'ils risqueraient autrement de se retrouver au chômage. Les employés seront donc moins enclins à accepter des mutations dont l'effet peut être une augmentation des dépenses gouvernementales au titre de l'assurance-emploi et des autres coûts sociaux.

Un impôt sur des remboursements qui permettent à un employé de s'en sortir a un effet dissuasif sur les particuliers et sur les entreprises. Les membres du conseil prédisent que le nombre annuel des réinstallations diminuera d'environ 6 000, ce qui coûtera 250 millions de dollars à l'économie canadienne et entraînera d'autres pertes d'emploi dans le secteur des services de réinstallation à cause de la réduction du nombre de ces réinstallations.

• 1315

Monsieur le président, permettez-moi de vous présenter les chiffres. Cet impôt produit des recettes de 13 millions de dollars; il coûte 250 millions de dollars à l'économie canadienne et réduit donc les recettes fiscales de 120 millions de dollars.

Il ne s'agit cependant pas seulement de chiffres, monsieur le président. La mobilité de la main-d'oeuvre et l'élimination des obstacles au commerce intérieur sont deux objectifs du gouvernement actuel auxquels les entreprises privées souscrivent volontiers. L'ALÉNA a été un succès, mais les entreprises canadiennes et leurs employés ont déjà pris du retard sur leurs concurrents américains si l'on considère le revenu après impôt. Imposer plus lourdement les particuliers creusera encore cet écart et constituera un frein à la mobilité commerciale.

Monsieur le président, il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles cet impôt porte préjudice aux Canadiens et à leurs employeurs. Au nom des membres du conseil, je demande à votre comité de recommander l'abrogation de cette modification fiscale et de rétablir l'application des exonérations fiscales au remboursement.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie de votre exposé.

Nous allons maintenant entendre M. Sidney Goldstein, de Goldstein and Goldstein.

M. Sidney W. Goldstein (associé principal, Goldstein and Goldstein, Barristers and Solicitors): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je représente mon cabinet et un certain nombre de nos clients. Nos clients nous consultent pour diverses questions, notamment au sujet des services fiscaux, de la planification successorale; nous avons aussi des clients du secteur de la haute technologie. Je viens vous exposer les inquiétudes que m'inspire l'orientation générale du régime fiscal au Canada, et du fait que l'assiette fiscale canadienne, selon la direction prise par le gouvernement—pas seulement cette année mais au cours des prochaines années—risque d'être menacée à long terme. Cette orientation aura peut-être aussi pour effet de nous faire perdre des chances d'accroître les recettes fiscales de notre pays.

Chaque régime fiscal a un effet sur les choix. Le régime canadien aussi. Ces effets se manifestent à la fois au Canada et en dehors de nos frontières. Le régime fiscal canadien est un élément critique de la concurrence mondiale qui s'exerce pour attirer et retenir les entreprises et les particuliers qui constituent la base du merveilleux système de prestations sociales canadien, malgré toutes ses imperfections, comme l'ont noté un certain nombre de témoins.

Nous vivons dans un monde dominé par la concurrence. Nous ne sommes plus dans la situation où nous nous trouvions à l'époque de la réforme fiscale Carter. Nous ne sommes plus dans les années 70 ni les années 80. Il faut que nous tenions compte d'une plus grande liberté de choix pour tous les contribuables canadiens. Je laisserai le soin à d'autres de déterminer les exigences macroéconomiques des recettes fiscales pour maintenir tous les programmes auxquels nous sommes si attachés, et beaucoup de ceux dont on a discuté cet après-midi. Je tiens cependant à souligner que la décision de modifier notre régime fiscal n'est pas une décision neutre. Nous avons maintenant affaire à trois facteurs qui n'ont jamais eu jusqu'à présent de rôle important dans le système de prises de décision du gouvernement canadien.

Le premier est la mobilité accrue des contribuables. Le témoin qui m'a précédé a parlé des effets de cette mobilité des employés. La mobilité est due aux contraintes de la concurrence qui obligent les entreprises à placer leur personnel aux endroits où ils seront les plus efficaces. La question ne se pose pas uniquement au Canada. Elle influe également sur le choix entre une réinstallation au Canada ou ailleurs.

Le second facteur est la mobilité accrue des services. Il est maintenant possible de fournir des services du Canada au reste du monde et du reste du monde au Canada. Le choix de l'implantation de l'entreprise qui fournit ces biens ou services n'est plus limité par les obstacles qui existaient auparavant.

• 1320

Troisièmement, l'augmentation de la connaissance grâce à l'Internet, la diversité des situations internationales et le fait qu'elles soient connues, ont de plus en plus sensibilisé les particuliers et les entrepreneurs à l'importance de leurs choix, dont l'un peut être motivé par les différences de traitement fiscal et de taux d'imposition.

Sans entrer dans le détail de ces choix, une chose me préoccupe, c'est la différence entre les systèmes en vigueur au Canada et aux États-Unis. En fait, les choix faits par les particuliers et les entrepreneurs canadiens—et j'inclus les professionnels dans leur nombre—sont de plus en plus déterminés par les conditions de vie, de travail, etc., en Europe, ici, à Hong Kong ou dans divers autres pays.

Il y a de plus en plus de choix possibles, facteur qui n'a pas été mentionné dans les débats sur les priorités des 100 dernières années. Nous étions un pays beaucoup plus autonome, pour le meilleur et pour le pire, si bien que l'effet de pertes dues à la capacité des contribuables et des entreprises de déménager n'avait pas autant d'importance qu'on devrait, à mon avis, lui en donner aujourd'hui.

Au fil des années, des analyses approfondies ont été faites afin de déterminer si, dans l'ensemble, le fardeau fiscal au Canada est moins lourd qu'aux États-Unis. D'après tout ce que j'ai pu lire—et j'étudie la question depuis bien plus longtemps que je suis prêt à le reconnaître—si l'on tient compte de tous les éléments, y compris les avantages sociaux, le mode de vie, etc., le Canada soutient souvent beaucoup mieux la comparaison qu'il ne le ferait si nous discutions uniquement du régime fiscal; notamment de la possibilité de déduire les paiements hypothécaires et de taux d'imposition élevés.

Nous ne pouvons cependant pas regrouper tous ces éléments car beaucoup des avantages dont nous discutons ont trait aux services sociaux utilisés surtout par les très jeunes et par les personnes âgées. Manifestement, il y a des éléments importants de la société canadienne qui ont besoin d'un soutien social pendant toute leur existence, mais la consommation primaire et les avantages qui ressortent lorsque l'on compare les régimes fiscaux, ont trait aux coûts des soins de santé et autres coûts du même genre.

Chez les personnes qui sont dans la force de l'âge, y compris nombre de celles à qui j'ai eu affaire, l'optimisme règne. Elles sont moins préoccupées par leurs besoins en matière de santé. Elles ont terminé leurs études, et ne s'attendent pas à tomber malades dans un proche avenir. À ce stade, l'imposition des avantages économiques éventuels qu'elles créeront au cours de leur vie active est une préoccupation beaucoup plus importante. En ce qui a trait à cette période de la vie, j'estime que le régime fiscal canadien actuel laisse beaucoup à désirer par rapport à celui d'autres pays.

Je dois noter que depuis un certain nombre d'années, le ministère des Finances a beaucoup fait pour éliminer un grand nombre des techniques de planification d'un traitement fiscal soi-disant préférentiel, notamment le partage du revenu, la planification des investissements, ou les avantages relatifs de dispositions telles que l'utilisation de sociétés, de fiducies et de régimes de retraite. Bien que cela se soit fait au nom de l'équité et de la justice—je ne me permettrai même pas d'ergoter là-dessus—il reste que cela a pénalisé les personnes qui vivent leurs années les plus productives et qui sont mobiles. Le résultat a été un taux d'imposition réel élevé qui s'ajoute aux augmentations générales d'impôt éventuelles ou aux restrictions des déductions fiscales.

Dans une société où nous craignons une explosion des demandes d'une population vieillissante, et dans laquelle il y a une baisse de la population active sur laquelle on compte pour fournir les recettes fiscales nécessaires au fonctionnement du système, je crains que nous ne perdions de jeunes canadiens productifs qui peuvent faire des choix et qui choisiront les pays dans lesquels les impôts sont moins élevés, en particulier notre voisin du sud mais aussi, divers autres pays.

• 1325

Je ne contredirai même pas ceux qui disent que certaines de ces décisions sont peut-être à courte vue. Pourtant, une jeune personne de 27 ans qui a terminé ses études au Canada et qui cherche un emploi, lorsqu'elle planifie ses 30 prochaines années, peut fort bien décider d'aller en Californie. Peut-être le regrettera-t-elle à 65 ans lorsque sa santé déclinera, mais pendant tout ce temps-là, nous aurons perdu des revenus et des recettes fiscales, ainsi que les effets sur l'entreprise et les retombées.

Il est difficile de faire revenir les gens sur des décisions qui sont déterminées par de tels facteurs. Je peux vous assurer qu'en ce moment même, les discussions et les contacts que j'ai avec diverses personnes montrent bien qu'entre les effets du taux de change du dollar et les impôts, bien des gens décident d'aller vivre dans d'autres pays et, malheureusement, ce ne sont pas des décisions temporaires.

Toute décision relative à l'installation d'une entreprise hors du Canada, toute décision prise par des ingénieurs hautement qualifiés, des médecins, etc., d'aller s'installer ailleurs nous prive de dizaines de millions de recettes fiscales et de retombées économiques du système canadien.

Les mêmes différences militent contre la décision, par des ressortissants étrangers, des entreprises et des entrepreneurs étrangers, de venir s'installer au Canada, ce qui représente un manque à gagner supplémentaire, en dépit du fait qu'avec les technologies nouvelles, il n'y a aucune raison pour que quelqu'un qui vit à North Bay ne puisse pas fournir des informations technologiques, divers services, etc., au monde entier. Mais c'est la décision concernant les avantages personnels des entrepreneurs et les craintes que leur inspire le fardeau fiscal assumé par leur personnel qui font qu'une entreprise décide de s'installer à Raleigh, en Caroline du Nord, plutôt qu'à North Bay.

La viabilité de tous les programmes sociaux dont nous avons discuté cet après-midi et qui ont été présentés ces dernières semaines au comité, ainsi que les possibilités de tirer le profit maximum du libre-échange, des technologies nouvelles, exigent une meilleure compréhension du rôle du régime fiscal. J'estime qu'actuellement le régime fiscal canadien est incapable de soutenir la comparaison avec ceux d'autres pays. Je n'en parlerai pas aujourd'hui, mais notre régime comporte encore un certain nombre de facteurs qui pénalisent ou, au contraire, favorisent divers secteurs. Mais ces facteurs ont trait à la question tout de même moins critique de l'ensemble de l'économie, celle d'une division et d'une répartition des ressources entre les contribuables canadiens.

Ce qui me préoccupe plus, ce sont les coûts de mobilité pour les contribuables qui sont libres de choisir d'aller s'installer ailleurs—et le font—à cause d'une réglementation fiscale peu attrayante au Canada en comparaison de celle d'autres pays. Ce qui me préoccupe aussi, ce sont les occasions perdues, à un certain nombre desquelles j'ai d'ailleurs eu affaire ces dernières semaines. Le premier exemple est celui des entreprises étrangères qui ont décidé de ne pas venir s'installer au Canada. Une des raisons les plus importantes et les plus précises qu'elles ont invoquées est le problème des coûts aux fins de l'impôt pour les employés et la difficulté d'attirer du personnel compétent.

• 1330

Mon mémoire ne vise pas précisément ce budget-ci, mais je peux vous assurer que si le ministre a l'intention d'apporter des changements, il y en a un certain nombre qui permettraient de réduire cette différence. Je tiens simplement à faire remarquer que nous perdons aujourd'hui des contribuables parce que notre régime fiscal n'est pas compétitif; et les pertes encourues ne seront pas compensées grâce à de futures modifications futures du régime, à moins qu'elles ne soient encore plus énergiques.

Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Goldstein.

Nous allons maintenant entendre M. André Lizotte.

[Français]

M. André Lizotte (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, permettez-moi d'abord de vous remercier pour l'occasion que vous me donnez de faire connaître mes vues et opinions concernant les recommandations du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens.

Lorsque j'ai pris connaissance du rapport du groupe de travail, j'étais particulièrement intéressé à savoir comment on assurait la concurrence, la compétitivité, la rentabilité et la stabilité du secteur des services financiers au pays. J'étais aussi curieux de savoir ce qu'on aurait à dire concernant les deux projets de fusion des grandes banques. Je n'ai certes pas été déçu.

Il y a tout lieu de féliciter les membres du groupe de travail pour la qualité exceptionnelle du boulot qu'ils ont accompli. Aussi, j'appuie sans aucune réserve les recommandations visant: premièrement, à permettre aux compagnies d'assurance-vie, aux fonds communs de placement et aux courtiers en valeurs mobilières d'avoir directement accès au système de paiement; deuxièmement, à assurer une démutualisation rapide des grandes compagnies d'assurance-vie pour qu'elles soient ainsi en mesure de mieux concurrencer les grandes banques; troisièmement, à autoriser le plus rapidement possible les banques étrangères à opérer au Canada en y ouvrant tout simplement un aussi grand nombre de succursales qu'elles le désirent; quatrièmement, à établir un cadre prévoyant des règles claires pour les sociétés financières étrangères qui veulent accorder des prêts aux Canadiens, sans avoir de présence physique au pays; cinquièmement, à accroître le pouvoir des consommateurs de services financiers; et sixièmement, à améliorer le cadre réglementaire en y incluant le renforcement du mandat du Bureau du surintendant des institutions financières pour assurer la protection du consommateur ainsi que pour lui permettre de réaliser un équilibre entre les impératifs de concurrence et d'innovation et ses obligations actuelles en matière de solidité et de fiabilité du système financier.

Je n'ai été aucunement surpris de lire que le groupe de travail avait été en mesure de constater qu'en ce moment, les grandes institutions financières du pays ne bénéficient pas de la confiance et de l'appui des Canadiens. Je me réjouis qu'ils reconnaissent que les attentes élevées du public à l'endroit des grandes banques sont tout à fait légitimes. Le public est à juste titre d'avis qu'en raison du privilège qui leur est accordé, leur permettant d'oeuvrer dans l'industrie des services financiers, les grandes banques doivent absolument se conformer à des normes de conduite plus élevées que celles qui s'appliquent généralement aux autres institutions financières ou aux autres types d'entreprises au pays.

Les Canadiens ne sont pas sans savoir que ces normes de conduite ne sont pas toujours respectées par leurs grandes banques et ils le déplorent au plus haut point. Aussi n'est-il pas surprenant que, face aux deux projets de fusion des grandes banques, mis de l'avant par la Banque Royale du Canada et la Banque de Montréal ainsi que par la Banque canadienne impériale de commerce et la Banque Toronto-Dominion, les Canadiens soient des plus réticents. Ils craignent entre autres que le pouvoir économique ne se concentre davantage entre les mains d'un nombre relativement restreint de très puissantes institutions financières et d'individus exerçant une influence désordonnée sur la capacité des gens de gérer leur vie et de réaliser leurs projets.

• 1335

[Traduction]

Ayant été victime des tactiques brutales de la Banque Royale et de sa succursale RBC Dominion Securities à la fin de 1991 et au début de 1992, au lieu de me laisser rudoyer, j'ai décidé de contre-attaquer en intentant un procès pour violation de contrat de plusieurs millions de dollars, cause qui va finalement être entendue devant un tribunal de Montréal, cet automne. Je n'ai donc absolument aucune difficulté à accepter le point de vue des Canadiens les plus méfiants à l'égard des grandes banques et de leurs dirigeants.

Ayant eu le courage, ou devrais-je dire la témérité, de défendre mes droits et de lutter du bec et des ongles pour résister à la confiscation de mon bien, RBC Dominion Securities a fait le nécessaire pour que cela me coûte très cher. La RBCDS n'a reculé devant aucun moyen et les marques que je porte le prouvent. Mon mariage s'est désintégré. Je n'ai pas tardé à me retrouver sans un sou. Ma vie professionnelle et sociale a été totalement détruite, et dans une large mesure, je suis devenu un paria dans mon ancienne collectivité. Pour la banque, la réussite a été totale. Il n'y a qu'une seule ombre au tableau: Je suis toujours là.

Monsieur le président, cela intéressera peut-être le comité de savoir de quoi il retourne. Voici l'affaire en deux mots: RBCDS, représentée par sa haute direction, a signé une convention de partenariat en bonne et due forme et a ensuite invoqué des prétextes cousus de fil blanc pour camoufler sa responsabilité de manière à ce que je ne puisse pas être dédommagé. Cette affaire met en cause la valeur des engagements et le caractère sacro-saint des contrats. C'est une question de confiance.

Le problème fondamental qui se pose ici n'est rien de moins que la bonne foi et l'intégrité des transactions commerciales—c'est effectivement assez grave. À peine croyable, me direz-vous! Je ne reprocherai d'ailleurs certainement jamais à personne d'hésiter d'accepter sans discussion qu'un membre du groupe financier de la Banque Royale, considéré comme un des piliers du monde des affaires au Canada, n'honore pas un contrat en bonne et due forme et ait la stupidité d'entreprendre une opération de camouflage ratée.

Le président: Monsieur Lizotte, excusez-moi, mais nous voudrions que vous ne vous écartiez pas du sujet. Je sais que vos commentaires portent sur le rapport MacKay. Veuillez donc vous en tenir à vos observations sur ce rapport.

M. André Lizotte: J'avais presque fini, monsieur le président. Préférez-vous que je saute ce passage et que je passe immédiatement à la suite?

Le président: Oui, au lieu de nous parler de votre affaire au tribunal, vous pourriez peut-être vous en tenir au rapport MacKay.

M. André Lizotte: Je vais donc passer à la fin de mon exposé.

Le président: D'accord.

M. André Lizotte: Merci beaucoup.

[Français]

J'ai pris bonne note du fait que le groupe de travail recommande que chacun des projets de fusion des grandes banques soit étudié au mérite. Il ajoute que ces fusions ne devraient être autorisées que si, après l'application de mesures de redressement ou d'atténuation qui pourraient être nécessaires, le ministre des Finances est d'avis que: premièrement, le niveau de concurrence demeure toujours élevé; deuxièmement, la fusion ne soulève aucune préoccupation significative en matière de solidité financière; et troisièmement, la fusion est conforme à l'intérêt public.

À titre de Canadien ordinaire et de petit homme d'affaires, permettez-moi de dire, monsieur le président, que je suis tout à fait contre ces deux projets de fusion de grandes banques. Je suis persuadé que ces fusions ne serviraient en rien les véritables intérêts des clients de ces banques et du public canadien en général. Les seuls qui en bénéficieraient seraient les dirigeants et les actionnaires de ces grandes banques.

Aussi le ministre des Finances devra-t-il veiller à ne pas confondre, d'une part, les intérêts des dirigeants et des actionnaires de ces grandes banques et, d'autre part, les meilleurs intérêts des consommateurs de services financiers et du public canadien en général.

Il se doit aussi d'être conscient que donner le feu vert à ces projets de fusion bancaire constitue une décision irréversible qui, d'un seul coup, aura pour effet d'éliminer un tiers du système bancaire canadien. Voilà qui est lourd de conséquences pour le pays.

De façon générale, les Canadiens sont d'avis que leurs grandes banques sont déjà suffisamment grosses. À mon sens, ils ont tout à fait raison. J'ai beau écouter les arguments mis de l'avant par MM. Cleghorn, Barrett, Flood et Bailey pour justifier ces fusions, je dois dire que je n'ai toujours pas entendu d'arguments irréversibles, irrésistibles de leur part, ni de la part de qui que ce soit d'autre.

• 1340

[Traduction]

En résumé, monsieur le président, j'estime que le rapport MacKay, qui est convaincant et bien construit, a fort bien traité les questions touchant la concurrence, la compétitivité, ainsi que la rentabilité et la stabilité de notre secteur des services financiers. Il appartient maintenant au gouvernement du Canada de réagir promptement à ce rapport et de commencer à appliquer les recommandations qui n'exigent pas de changement législatif, comme il l'a déjà fait en interdisant la pratique des ventes liées par les banques.

Quant aux fusions de banques géantes, je ne vois pas vraiment en quoi nos banques devraient fusionner pour pouvoir faire concurrence aux grandes banques étrangères. D'ailleurs, ces mégafusions ne sont pas dans l'intérêt du consommateur et du public. Le gouvernement du Canada devrait les interdire. Nous n'avons pas besoin de plus grosses banques; nous avons besoin qu'elles soient meilleures.

Pour ma part, je me bats avec une grande institution financière qui essaie de m'étrangler depuis sept ans et je n'apprécierais pas du tout que le gouvernement du Canada la laisse se transformer en une sorte de Godzilla des finances. Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lizotte.

Nous allons maintenant entendre les représentants de T-Base Communications Inc., Sharlyn Ayotte, la présidente et directrice générale, et Leonard J. Fowler, jr. Soyez les bienvenus.

Mme Sharlyn Ayotte (présidente et directrice générale, T-Base Communications Inc.): Bonjour, mesdames et messieurs, monsieur le président. Je vous remercie de m'offrir l'occasion; de comparaître aujourd'hui et je tiens à souligner, en tant que citoyenne canadienne et propriétaire d'entreprise, que je considère cela comme un honneur.

Mon exposé va sortir un peu de l'ordinaire. Comme je n'ai pas pu en faire imprimer le texte, je vous demande de m'autoriser à vous le présenter selon la méthode habituelle que j'utilise pour accéder à l'information.

Le président: Je vous invite tous à mettre vos écouteurs; nous allons entendre un enregistrement sur bande.

Nous avons quelques difficultés techniques. On entend bien le son, mais il n'est pas suffisamment fort. Je suis certain que les techniciens vont régler rapidement le problème.

Je pense que nous ferions bien de suspendre la séance pendant quelques minutes.

• 1344




• 1350

Le président: Je déclare la séance ouverte à nouveau.

Maintenant que nous avons réussi à régler les détails techniques, nous sommes prêts à commencer. Veuillez remettre vos écouteurs.

Mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, consultations pré-budgétaires, Chambre des communes, Ottawa, par Sharlyn Ayotte, présidente et directrice générale, T-Base Communications Incorporated, le 30 octobre 1998:

Introduction: Plus tôt ce mois-ci, j'ai téléphoné au ministre des Finances afin d'obtenir une copie du rapport de septembre 1998 du Groupe de travail sur l'avenir des secteurs du service financier canadien, le rapport MacKay. J'ai demandé si ce rapport existait sur audiocassette et on m'a répondu qu'il était constitué par six documents distincts et que le public pouvait l'obtenir gratuitement sur support papier ou y accéder électroniquement sur l'Internet.

Je communique surtout par voie sonore. J'établis des contacts avec le monde entier grâce à la radio, à la télévision, au téléphone, aux enregistrements sonores et aux conversations personnelles. Lorsque l'information est sur support papier, il faut que quelqu'un me la lise; autrement, on doit l'enregistrer pour moi sur audiocassette.

Les livres-cassettes me permettent d'avoir accès à l'univers merveilleux de la littérature. Les enregistrements audio m'apportent tous les renseignements essentiels sur les mondes merveilleux des affaires et du gouvernement.

En tant que directrice générale d'une société canadienne, et consommatrice de services financiers pour ma société et à titre personnel, l'avenir de ce secteur me préoccupe beaucoup. Cependant, je suis une femme d'affaires aveugle, et la gamme étroite des méthodes de communication de l'information limite mon accès à un processus et à des informations qui sont très importants pour moi, pour mes employés et pour l'avenir de mon entreprise.

Il s'agit là d'une barrière systémique. Comme le rapport n'existe pas sur audiocassette et comme je ne peux pas le lire sur support papier ou sur l'Internet, j'ai été contrainte de demander à un collègue de lire à voix haute le rapport de 800 pages. Cela a représenté deux jours complets de travail à deux personnes.

J'ai beaucoup de chance de pouvoir m'offrir ce luxe. Beaucoup de Canadiens ne peuvent pas se le permettre. Tous les jours, des milliers de citoyens se trouvent empêchés de participer et de contribuer à la vie économique et sociale de notre pays parce qu'il leur est impossible d'accéder à des renseignements sur d'importants programmes, services et processus de prise de décision du gouvernement. Il est possible d'être isolé sur le plan culturel, linguistique ou à cause d'une maîtrise insuffisante de la lecture et de l'écriture, mais on peut l'être aussi par des insuffisances physiques, cognitives ou sensorielles.

Les Canadiens ont été invités par la presse et sur l'Internet à apporter leur concours aux consultations publiques portant sur l'élaboration du rapport du groupe de travail. Les Canadiens qui ne sont pas capables d'accéder à une information imprimée ont donc été exclus. C'est là une forme de discrimination systémique.

Les Canadiens à qui on fournit des informations et des services essentiels grâce à des méthodes de communication d'accès facile, par exemple, textes imprimés en gros caractères, textes en Braille, enregistrements audio, télé-autographes, systèmes d'écoute et technologie informatique, sont mieux armés pour participer et contribuer activement à la vie de la société.

La participation pleine et entière des citoyens aux processus gouvernementaux est la marque d'une société démocratique forte et dynamique. J'ai constaté que dans son rapport, le groupe de travail insistait constamment sur ce point. Lorsque des obstacles systémiques empêchent tous les Canadiens de participer, c'est tout le Canada qui en souffre.

Points saillants et droits de la personne: Les progrès réalisés dans le domaine des sciences médicales permettent aujourd'hui de sauver et de prolonger la vie de personnes de tout âge; le corollaire est parfois l'existence de divers types de handicaps. L'Enquête sur la santé et les limitations d'activités publiée en 1991 par Statistique Canada estime que 16 p. 100 des adultes canadiens souffrent d'une déficience quelconque. Selon les projections, en 2001, 37 p. 100 de la population des personnes de plus de 55 ans souffriront d'une perte de capacité sensorielle et physique. La vue, l'ouïe et la mobilité seront particulièrement vulnérables aux effets du temps. Avec le vieillissement du segment le plus important de la population, la génération du baby-boom continuera à avoir besoin d'accéder à l'information, aux produits et aux services qui les aident à vivre, à travailler et à communiquer de manière indépendante.

• 1355

Le Secrétariat national à l'alphabétisation signale que près de 40 p. 100 des Canadiens adultes ont des difficultés à lire les journaux quotidiens. L'enquête sur les ménages effectuée par Statistique Canada en 1997 nous apprend que des 11 580 000 ménages canadiens, 1 500 000 ont accès à Internet—soit 10 p. 100.

Le gouvernement du Canada a publiquement reconnu le droit de tous les citoyens d'avoir également accès à l'information, aux programmes et aux services fédéraux. En mai 1992, le Parlement a adopté le projet de loi C-78. Ce projet de loi omnibus modifiait six lois afin d'assurer le respect des droits des personnes handicapées. L'information doit dorénavant être fournie sur formats de remplacement, tels les textes imprimés en gros caractères, les textes en Braille, les audiocassettes et les disquettes, afin d'assurer l'égalité d'accès à l'information pour tous les Canadiens.

Le 10 juin 1998, la modification S-5 apportée à la Loi sur les droits de la personne a été adoptée par le Parlement. Cette modification porte sur la prestation équitable des services au public, en particulier aux personnes handicapées. Selon la politique de communication du Conseil du Trésor, toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour s'assurer que les personnes handicapées reçoivent l'information dont elles ont besoin pour participer à la vie sociale et économique de notre pays.

Le succès du principe d'accès physique facile incite les leaders de la fonction publique et du secteur privé les plus imaginatifs à encourager les architectes, les ingénieurs et les concepteurs à adopter une conception plus large de l'accessibilité organisationnelle qui inclue des domaines connexes tels que la conception et l'application de technologies, la conception et la diffusion de l'information, et la commercialisation et la promotion des biens et services.

Dans le passé, les stratégies d'aide aux handicapés se résumaient à élaborer des produits et des services spéciaux destinés à des personnes ayant des besoins spéciaux. La conception de l'aménagement organisationnel est fondée sur le principe d'une approche dynamique à l'accessibilité totale, et non sur celui d'une planification distincte destinée à répondre à des besoins distincts. C'est donc l'accessibilité, et non le handicap qui devient l'objectif principal. Si l'on applique le principe de l'aménagement organisationnel au cours du processus de création du cycle d'élaboration, cela permet d'inclure automatiquement tout le monde.

Les critères qui guident la conception et l'élaboration de systèmes et méthodes pour la fourniture d'informations, de services et de produits doivent être étendus aux besoins en matière de communication de tous les citoyens. Dans les enquêtes publiques, où il y a interaction entre les membres du public et le gouvernement, des services appropriés doivent être fournis pour répondre aux besoins individuels. Il est absolument indispensable que le message, le médium utilisé et les facilités soient conçus de manière à n'exclure aucun membre du public. Le contact peut se faire en personne, par courrier, par téléphone, par la presse écrite, grâce aux systèmes de radiodiffusion publics ou aux médias électroniques.

Il est indispensable de consulter les consommateurs. Pour établir les critères d'accessibilité des produits et des services, il faut consulter une large gamme de consommateurs, y compris les personnes handicapées, les membres des divers groupes d'âge et les personnes ayant des antécédents culturels divers. La mise au point d'une approche intégrée et accessible de prestation de programmes et de services d'information à notre population dont la composition est si diverse, permettra au gouvernement d'affirmer son rôle de leader et de mieux servir un plus large public de manière économique et en temps opportun.

• 1400

Je recommande que le gouvernement du Canada affirme son leadership en assurant la participation et la contribution la plus complète possible de tous les citoyens à la vie sociale et économique de notre pays, afin de mieux tenir compte des réalités juridiques, statistiques et démographiques. Je demande que l'on prévoie le financement des initiatives suivantes dans le budget fédéral de 1999.

Une politique et une stratégie de communications nationales devraient être élaborées et mises en oeuvre afin de régir l'utilisation de méthodes d'information et d'exécution pour les programmes et les services gouvernementaux, afin de s'assurer que tous les citoyens sont pleinement et également informés.

En ce qui concerne la consultation du public, le gouvernement devrait concevoir et mettre en oeuvre des méthodes faciles à utiliser pour toutes les consultations commanditées par lui, comme c'est le cas du rapport MacKay, et il devrait avertir les Canadiens de ses prochaines initiatives dans ce domaine en utilisant des méthodes qui facilitent la participation du plus grand nombre possible de Canadiens.

Pour ce qui est des médias électroniques, le gouvernement devrait s'assurer que l'interface homme-machine pour la technologie et ses applications, y compris les centres d'accès communautaires du gouvernement, les postes d'information électronique et les sites Web sur Internet sont accessibles aux personnes handicapées et compatibles avec la technologie des équipements adaptés aux besoins des handicapés.

En ce qui concerne les médias imprimés, le gouvernement devrait s'assurer que toutes ses publications incluses dans le programme national des services aux dépositaires—le filet de sécurité du Canada pour la formation—existent en formats multiples dans les bibliothèques désignées de tout le pays.

Le président: Merci beaucoup. Je vous prie de nous excuser pour les difficultés techniques que nous avons eues tout à l'heure.

Mme Sharlyn Ayotte: Merci.

Le président: J'en appelle au règlement. Monsieur André Lizotte, vous avez présenté des commentaires sur le groupe de travail MacKay. Comme vous le savez probablement, il s'agit d'une table ronde organisée pour les consultations pré-budgétaires. Je vais donc demander au greffier d'inclure votre exposé comme témoignage présenté dans le cadre des consultations sur le rapport MacKay. Êtes-vous d'accord?

M. André Lizotte: Certainement.

Le président: Très bien.

Nous avons suffisamment de temps pour une séance de questions et réponses. Commençons par M. Forseth.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup; bienvenue à nos témoins.

Comme ils sont nombreux, je ne pourrai pas engager un dialogue avec chacun d'entre eux. Je crois que Tracey Walters, de l'Association canadienne des centres de vie autonome, a cité un rapport très important rédigé par le groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées. Ce rapport a pour titre Donner un sens à notre citoyenneté canadienne: La volonté d'intégrer les personnes handicapées. Je me posais des questions sur l'utilisation du mot «act» dans le titre anglais. Il est ambigu car il peut aussi bien provenir du mot «action» que signifier «jouer un rôle», ce qui n'est pas le cas.

L'introduction a été écrite par M. Andy Scott, qui est aujourd'hui le solliciteur général du Canada—et qui est donc membre du Cabinet. Il écrit ceci:

    Des Canadiens appartenant à une foule d'organisations ont bien voulu faire confiance, une fois encore, à une entreprise qui n'a pas toujours produit les résultats escomptés dans le passé. Cette confiance nous a inspiré notre tâche.

Il ajoute que:

    Les Canadiens se sont personnellement confiés à nous et ont demandé à leur gouvernement de se montrer digne de son engagement à l'égard du Canada.

Le temps a passé depuis que ces lignes ont été écrites. Compte tenu du rapport, de ses 52 recommandations et de ces paroles de M. Scott, qui fait maintenant partie du Cabinet, le gouvernement a-t-il vraiment respecté cet engagement? Étant donné ce qui a été fait et surtout ce qui ne l'a pas été, les propos de M. Scott sonnent un peu creux.

Je vous demande donc directement—il ne nous reste pas beaucoup de temps—ce qu'il faut faire, sans aller jusqu'à renverser ce gouvernement et le remplacer par des gens qui appliqueront vraiment les recommandations du rapport? Venons-en directement à ces recommandations. Que reste-t-il encore à faire?

Je sais qu'une suite partielle a été donnée à certaines des recommandations. Cependant, les 52 recommandations comportaient un grand nombre de mesures secondaires à prendre, ce qui veut dire qu'en réalité, il y avait quelque 150 recommandations dans le rapport. Vous avez eu largement le temps de vous livrer à une réflexion sur cet important travail du Parlement. Il y a eu des consultations dans tout le pays. Je voudrais que vous me disiez, en deux ou trois minutes, quelle voie, à votre avis, nous devrions prendre à partir de maintenant et ce qu'il reste à faire pour mettre en oeuvre le reste des recommandations du rapport.

• 1405

Mme Tracey Walters: Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les handicapés en ont vraiment assez de toutes ces consultations, de ces groupes de travail et des groupes de référence. Nous avons eu beaucoup de mal à faire venir quelques milliers de personnes, parce que ces gens-là ne voulaient pas perdre leur temps une fois de plus.

Il s'agit de personnes qui ont des incapacités graves, des incapacités multiples, des incapacités sensorielles, des incapacités sur le plan de la mobilité, à qui les membres du groupe de travail ont promis que le gouvernement ferait quelque chose lorsque cela serait terminé.

L'article du Globe and Mail qui rapportait la conférence de presse du 26 octobre 1996 mentionnait que le gouvernement avait pris un engagement: il allait agir rapidement. Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas ce qu'il a fait. Je me demande même s'il va faire quoi que ce soit.

Je suis très déçue, j'ai participé aux travaux du groupe de travail à titre d'observatrice, j'ai passé pratiquement trois mois loin de mes enfants, loin du soutien médical dont j'ai besoin, et j'ai mis ma santé en danger pour faire cela. Je suis vraiment déçue et j'ai perdu toutes mes illusions. Andy Scott était prêt au moins à faire des choses mais maintenant qu'il est solliciteur général, ce n'est plus lui qui s'occupe de cette question.

Que peut-on faire? Prenons les deux aspects qui préoccupent Sharlyn. Il y a la loi sur les Canadiens handicapés, qui aurait dû être adoptée il y a longtemps. Il existe aux États-Unis une Loi sur les Américains handicapés. Si elle était élaborée en consultation avec les handicapés, cette loi répondrait aux besoins de Sharlyn ainsi qu'à ceux de 4,6 millions de personnes au Canada. Voilà donc une chose, un projet de loi.

On a beaucoup parlé des mesures que les provinces devaient prendre volontairement, cela est tout à fait ridicule. Les handicapés n'arrivent même pas à lutter contre les puissants groupes d'intérêt provinciaux. Ils ne peuvent même pas se faire entendre à Queen's Park en Ontario. C'est pour cela que nous avons besoin d'une loi, nous avons besoin d'un projet de loi. Nous avons besoin de quelque chose qui va montrer qu'il y a un gouvernement qui est prêt à agir dans ce domaine.

La première mesure à prendre, d'après moi, serait d'adopter une loi de ce genre qui répondrait aux besoins de tous les Canadiens, et non pas à ceux d'une élite choisie ou des gens qui ont de l'argent, et qui rendrait plus transparente l'utilisation des fonds publics. Nous avons besoin de quelque chose du genre et nous sommes très en retard sur les Américains dans ce domaine.

On a également proposé d'accorder un supplément de 1 000 $ aux personnes à faible revenu, aux personnes qui n'ont pas de revenu imposable. Cela serait comparable à la prestation pour enfants, qui est versée à beaucoup d'entre nous. Cela ne constituerait pas un revenu. Ce serait plutôt une façon d'assumer une partie des coûts reliés à l'invalidité et pour lesquels les handicapés sont obligés de supplier les autorités d'aide sociale qui leur font sentir qu'il s'agit là d'un privilège. Ce sont en fait des coûts essentiels qui devraient être couverts.

Voilà le genre d'approche intégrée que nous demandons. Il faudrait que les divers ministères collaborent. La plupart des ministères fédéraux ne savent même pas que ce groupe de travail existait. Il faut que le gouvernement s'engage, il pourrait peut-être charger un ministre fédéral de cette question de sorte que tout le monde saurait à qui s'adresser pour tout ce qui touche à ce domaine.

Ce sont les mesures par lesquelles il faudrait je crois commencer: un projet de loi et l'accès à une vie sans obstacles physiques pour tous les citoyens. Merci.

M. Paul Forseth: Je vais poser une question supplémentaire avant de laisser la parole à d'autres.

Vous avez également apporté avec vous la photocopie d'un passage du livre rouge libéral, Bâtir notre avenir ensemble. Je vais vous lire quelques lignes de la page 67 et j'aimerais que vous me disiez ensuite ce que vous pensez de ce passage.

On peut lire, en belles phrases ronflantes:

    les gouvernements fédéral et provinciaux harmoniseront les initiatives dont les résultats sont tangibles et prépareront la mise en place d'un système de prestation de services à guichet unique. À terme, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux intégreront leur démarche pour assurer un dispositif efficace d'allocations compensatrices aux personnes handicapées. Pour ce faire, il faudra réaménager le dispositif actuel qui comprend l'indemnité versée aux accidentés du travail, les pensions d'invalidité prévues au titre du RPC et les assurances privées.

J'aimerais que vous me disiez ce que cela veut dire exactement, d'après vous. Que veut dire concrètement cette promesse que l'on trouve dans le livre rouge, en lisant entre les lignes, qu'a-t-on promis et qu'a-t-on donné?

Mme Tracey Walters: C'est une excellente question, à laquelle j'essayais tout à l'heure de faire allusion. C'est un aspect que nous n'avons pas demandé.

Les gens qui ne sont pas handicapés ont droit à l'assurance-emploi; en cas d'accident de travail, ils sont protégés par cette législation; ils ont droit au RPC. Cela indique en fait que le gouvernement souhaite offrir tous ces services par l'intermédiaire d'un guichet unique. Il souhaite changer la définition d'invalidité pour qu'il soit plus difficile d'avoir accès à ces services.

• 1410

Le gouvernement veut nous enfermer dans un programme. J'en parlais il y a un instant. Le gouvernement voudrait refuser aux personnes handicapées l'accès au RPC, à l'indemnisation des accidents de travail et à l'AE, il veut fermer la porte, diriger ces personnes vers un autre guichet unique, qui leur offrira peut-être certains services.

Voilà comment j'interprète le livre rouge numéro deux et cette histoire de guichet unique. Nous avons lutté pendant des années pour avoir accès à différents programmes et pour ne pas être obligés à nous adresser à un seul endroit.

M. Paul Forseth: Merci. Le temps passe.

Je crois que c'est Kim Rudd qui a parlé des programmes de garderie. Vous pourriez peut-être me donner une brève réponse.

Les Canadiens demandent que l'on augmente les fonds destinés aux garderies mais je me demandais si vous pouviez nous parler de la discrimination qu'introduit l'impôt sur le revenu, le formulaire de déclaration également, entre les familles, et l'on a effectivement parlé de discrimination, qui choisissent de payer des frais de garderie et celles qui préfèrent s'occuper elles-mêmes d'élever leurs enfants. Avez-vous des suggestions à faire au sujet de cette différence de traitement aux termes de l'impôt sur le revenu?

Mme Kim Rudd: Tout d'abord, je crois qu'il faut préciser une chose. Nous ne préconisons pas l'institutionnalisation des soins donnés aux enfants, nous sommes en faveur d'une plus grande diversification des services destinés aux jeunes enfants et à leur éducation, et d'offrir ces services à toutes les familles canadiennes. Ces services pourraient prendre la forme de cours d'aptitudes parentales, de centres de rencontre pour les parents, de garderies agréées et d'autres services de soutien offerts aux familles.

Il est vrai que la Loi de l'impôt sur le revenu contient de nombreuses lacunes, notamment le fait que le crédit d'impôt pour enfants soit bien souvent... En fait, Tracey parlait des gens qui ont un revenu imposable. Il y a des personnes qui ont besoin de services de garderie mais qui n'ont pas nécessairement un revenu imposable. Où sont les mécanismes de soutien auxquels ces personnes peuvent avoir accès?

Ces responsabilités sont passées aux provinces, aux régions et aux municipalités et résultat, ce sont bien souvent les personnes qui ont le plus besoin d'aide pour les frais de garderie ou d'éducation aux jeunes enfants qui n'ont droit à rien. Elles n'ont pas droit à une déduction d'impôt parce qu'elles n'ont pas de revenu imposable et les parents qui y auraient droit se retrouvent bien souvent dans la tranche d'impôt moyenne, c'est-à-dire celle où les deux parents, les deux personnes doivent gagner un revenu suffisant pour pouvoir subvenir aux besoins de leur famille.

Les parents qui ont la possibilité de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants ont également besoin d'un soutien à l'extérieur. Nous pensons bien souvent que, lorsqu'un parent décide de rester à la maison et qu'il peut le faire, c'est qu'il n'a pas besoin de services de garderie. Eh bien, ces parents ont toutes sortes de besoins, notamment d'autres types d'appui.

Je viens d'une région rurale de l'Ontario. Je peux vous dire que si vous restez à la maison et que vous n'avez pas un réseau d'aide, vous avez besoin d'un soutien extérieur pour conserver une attitude qui vous permette d'élever vos enfants de façon positive, sinon vous vous sentez trop isolée, trop enfermée.

Vous avez tout à fait raison, il y a toutes sortes d'aspects fiscaux qu'il conviendrait de modifier. Dans notre exposé, nous avons présenté quelques suggestions qui traitent de ces questions. Ce document vous sera remis dans les deux langues lundi.

M. Paul Forseth: J'essayais avec ma question d'aborder la discrimination qu'établit la déclaration d'impôt sur le revenu des particuliers pour ce qui est des arrangements choisis pour élever les enfants. J'ai l'impression que vous hésitez à aborder cette question. Vous parlez des autres problèmes, notamment la question de l'appui accordé aux parents par la collectivité, qui englobe les services de garderie mais que pensez-vous des autres formes d'appuis financiers qui viennent faciliter le rôle des parents?

Pourriez-vous aborder directement l'aspect dont je parle? Je reconnais qu'il y en a d'autres mais j'aimerais me pencher sur cette question précise et savoir si vous avez des suggestions ou des recommandations à formuler à ce sujet.

• 1415

Mme Kim Rudd: Je dirais que l'un n'exclut pas l'autre. Il faut bien sûr traiter de façon équitable les parents qui ont la possibilité de rester à la maison et ceux qui, pour diverses raisons, ont besoin de services offerts à l'extérieur de la maison. Est-ce que j'ai un chiffre ou une formule spéciale à proposer, je dirais que non. On a fait beaucoup d'études sur cette question et si je ne suis pas en mesure de vous les citer, je pourrais au moins vous en faire parvenir des copies.

Nous avons tendance, et c'est le point que vous soulevez je crois, à faire des catégories et je ne pense pas que cela soit toujours bon. Il y a trop de recoupements pour que l'on puisse traiter différemment ces catégories de parents.

M. Paul Forseth: Merci. J'aurais une autre question.

Le président: Allez-y.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le président, peut-être pourrait-on revenir plus tard au Parti réformiste, car je dois quitter et j'aurais aimé pouvoir poser toutes mes questions.

[Traduction]

Le président: Bien sûr. Madame Gagnon, vous avez la parole.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je m'excuse, mais j'ai un train à prendre et je dois être à la gare à 15 heures. Le vendredi après-midi, on est toujours un peu déchiré quand un comité tient une rencontre aussi intéressante, avec des invités qui nous sensibilisent à plusieurs dossiers. Je tiens donc à poser quelques questions avant de quitter.

Par exemple, j'aimerais m'adresser à Mme Nora Sobolov, qui nous a fait connaître ses priorités quant à ce que le gouvernement devrait faire, soit remettre de l'argent dans les programmes sociaux, rembourser la dette et, en troisième lieu, diminuer les impôts.

Ne pensez-vous pas qu'il ferait mieux de diminuer d'abord les impôts? Ne vaudrait-il pas mieux que le remboursement de la dette vienne en troisième lieu? On sait qu'en récession ou en période plus difficile sur le plan économique, la croissance ne connaît pas un rythme aussi élevé et que, si les gens se mettent à acheter moins, cela aura un impact sur l'économie. À ce moment-là, on pourrait se trouver dans une récession beaucoup plus dure que celle qu'on avait prévue.

Rembourser la dette alors qu'on vient d'éliminer déficit... Je pense que cela a été une bonne affaire, même si cela a été très dur pour la population. On le voit partout dans nos circonscriptions. Je puis vous dire que les gens ont sans aucun doute besoin de souffler un peu. Sans suggérer qu'on s'engage dans des dépenses extravagantes, je pense qu'il serait temps de laisser un peu de jeu aux familles, qui paient beaucoup d'impôts.

Je pense aussi à l'effritement de la classe moyenne, dont le revenu moyen a chuté de 27 p. 100 au cours des dernières années. On sait que cela a un contrecoup sur les achats courants et que ce sont les petits commerces, les PME qui, finalement, subissent les plus grands effets de la récession.

[Traduction]

Mme Nora Sobolov: Madame, dans notre exposé, nous avons essayé de refléter les opinions de nos membres. Nos membres représentent des groupes très divers, des entreprises relativement importantes, des petites entreprises et des organismes de services. Mais tous ces groupes s'entendaient pour que l'on donne la priorité aux dépenses de programme et à la réduction de la dette.

Les raisons pour lesquelles ils en sont arrivés à cette conclusion sont peut-être très diverses mais ils ont estimé qu'il serait plus rentable d'augmenter maintenant les dépenses de programme plutôt que de redonner de l'argent aux particuliers. Un certain nombre d'entre eux, en particulier ceux de l'Ontario, ont bénéficié de réductions d'impôt mais ils ont constaté que ces réductions avaient un effet plutôt minime sur l'économie, comme vous l'avez décrit. C'est la raison pour laquelle nos membres nous ont déclaré que, s'il fallait faire un choix entre ces différentes solutions, il faudrait utiliser une partie des fonds pour chacune des catégories, parce que nous estimons que toutes ces choses sont importantes pour l'économie.

S'il fallait par contre fixer une priorité, nous serions favorables à ce que l'on augmente les budgets des programmes pour que tous les Canadiens puissent en bénéficier et pour que l'on s'attaque ensuite à la réduction de la dette. Notre expérience des réductions d'impôt n'a pas été très positive. C'est ce qui explique le choix de nos membres et le contenu de notre exposé.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je voulais aussi vous demander si vous favorisiez une baisse d'impôts ciblée ou une baisse d'impôts générale. On sait que la classe moyenne paie beaucoup d'impôts. Elle s'étiole et finit par perdre de son pouvoir d'achat.

• 1420

[Traduction]

Mme Mary Pat MacKinnon: Je dirais pour vous répondre que nous avons demandé à nos membres de bien préciser quelle était leur priorité en matière de fiscalité. Nous avons reçu des réponses variées parce qu'un certain nombre de nos membres ont exprimé une inquiétude face, disons, à l'inégalité croissante qui existe entre les revenus supérieurs et les revenus inférieurs, c'est-à-dire l'écrasement de la tranche moyenne ou la croissance des catégories inférieures et supérieures.

C'est pourquoi ils ont indiqué que les allégements fiscaux devraient viser davantage les revenus faibles et moyens que les revenus supérieurs. Je dois vous dire malgré tout que les réponses reçues à ce sujet ne sont pas suffisamment nombreuses pour que je puisse vous donner beaucoup d'autres détails. Je vous communique certains commentaires qui ont été faits.

Comme Mme Sobolov l'a déclaré, pour nos membres, la principale priorité n'est pas la réduction des impôts, ce n'est pas l'élément essentiel qu'ils voulaient voir dans le budget fédéral de 1999.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Merci. J'aurais maintenant une question à poser à Mme Walters. On sait que la Loi sur l'assurance-emploi a été modifiée et que beaucoup de restrictions ont été ajoutées dans les divers critères d'admissibilité. En révisant les critères d'admissibilité, on a réussi à aller chercher un surplus de 20 milliards de dollars dans la caisse de l'assurance-emploi. On sait que beaucoup de groupes ont été touchés par ce resserrement des critères et ne peuvent plus recevoir de prestations d'assurance-emploi.

Vous nous disiez tout à l'heure que le gouvernement avait promis à vos membres, aux gens que vous représentez, un meilleur accès à l'assurance-emploi. Est-ce que vous constatez de façon concrète l'impact des nouvelles mesures contenues dans la Loi sur l'assurance-emploi sur vos clientèles? Si on resserre les critères, c'est qu'on cherche à se donner toutes sortes de raisons pour rendre une personne inadmissible.

[Traduction]

Mme Tracey Walters: Exactement. Tout comme avec le RPC et de nombreux autres programmes du gouvernement, on ne tient pas compte des besoins des personnes handicapées. Ce sont les premières personnes à qui l'on refuse l'accès à ces programmes, notamment à l'AE, parce qu'elles ne répondent pas toujours aux conditions qui leur donneraient droit à ces prestations.

À titre d'exemple, le gouvernement fédéral a adopté une Loi sur l'équité en matière d'emploi qui n'est pas toujours respectée. Les personnes atteintes d'une invalidité sont embauchées les dernières, parce qu'on retient leurs services sur une base contractuelle pour les congés de maternité, etc., et ce sont les premières à être congédiées. Tout comme avec l'AE, il arrive bien souvent que ces personnes ne travaillent pas suffisamment longtemps pour avoir droit au RPC et à l'AE à cause des obstacles que le gouvernement et la société placent sur leur route.

Comme je l'ai dit, les ententes relatives au marché du travail ne tiennent pas compte des personnes handicapées. Dans le rapport du groupe de travail que j'ai distribué, on parle d'un certain nombre de mesures qui permettraient aux personnes handicapées de s'intégrer plus facilement à la population active. Ces mesures n'ont toutefois pas encore été adoptées. Dès qu'il y a des coupures dans un programme, que ce soit un programme fédéral ou provincial, bien sûr, ce sont... Les personnes handicapées sont celles qui défendent le moins bien leurs intérêts; elles n'ont pas les moyens de se faire entendre et ce sont à elles que l'on refuse la participation à toutes sortes de programmes, à l'AE, à tout le reste.

Effectivement, ces changements touchent gravement ces personnes et le gouvernement fédéral ne fait rien, ou très peu, on pourrait parler de cataplasme sur une jambe de bois, pour remédier à l'effet de ces changements.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: En terminant, j'aimerais remercier particulièrement Mme Sharlyn Ayotte et vous, madame Tracy Walters, de nous avoir sensibilisés à certains aspects de ce dossier. C'en est un qui, souvent, sera jugé secondaire, mais qui ne l'est pas quand on doit vivre avec un handicap. En tant que députée, je vous remercie de nous y avoir sensibilisés une fois de plus. Chaque fois qu'une personne est sensibilisée à la question, elle peut devenir un porte-parole, transmettre vos revendications à la Chambre et en sensibiliser d'autres. Donc, je vous remercie de votre présentation.

[Traduction]

Le président: Merci.

Tout d'abord, j'aimerais faire un commentaire sur l'exposé qu'ont présenté les représentants du Canadien National. Mme Nguyen, je vais m'occuper personnellement de donner suite à cette proposition. Je vais suivre l'affaire avec le ministre responsable mais vous allez devoir m'aider en expliquant au comité comment vous avez calculé ces chiffres.

• 1425

Je veux dire par là que cet impôt produit des recettes de 13 millions de dollars mais coûte à l'économie 250 millions de dollars, ce qui a pour effet global de réduire les recettes de 120 millions de dollars. Si vous pouviez faire ce calcul et l'expliquer au comité, j'en serais très heureux mais de toute façon, je vais personnellement suivre cette question.

Mme Thi Nguyen: Merci beaucoup.

Essentiellement, voici comment s'effectue le calcul. Nous avons évalué, à partir de l'enquête faite auprès de nos membres, que 79 p. 100 d'entre eux répercutent cette taxe sur leurs employés. Nous pensons que 30 p. 100 de nos membres accordent une majoration, c'est-à-dire qu'ils paient cette taxe pour les employés. Si l'on parle d'une majoration moyenne de 30 p. 100, l'on constate que cette taxe génère des recettes de 15 millions de dollars.

Cependant, nos membres nous ont également déclaré qu'avec ces 79 p. 100 d'entreprises qui répercutent cette taxe sur leurs membres, cela va réduire les déménagements d'au moins 20 p. 100. Si nous redéployons 30 000 employés par an, 20 p. 100 de ce nombre représente 6 000 déménagements qui n'auront pas lieu. Si l'on évalue à 40 000 $ le coût d'un déménagement annuel et compte tenu du fait que le nombre des déménagements sera réduit de 6 000, cela représente une perte pour l'économie d'environ 250 millions de dollars pour ce qui est des déménagements. Si cela réduit les recettes de 250 millions de dollars, les recettes fiscales correspondant à cette perte sont d'environ 120 millions de dollars.

Le président: Vous avez expliqué tout ceci au ministère des Finances?

Mme Thi Nguyen: Oui, et les fonctionnaires nous ont demandé de leur fournir des données supplémentaires.

Le président: Très bien. Nous en sommes donc à peu près au même point. Si vous leur fournissez ces données, nous aimerions que vous fassiez la même chose pour le comité et je vais m'occuper de cela personnellement.

Monsieur Goldstein, vous avez parlé de certaines mesures fiscales qui pourraient être avantageuses pour notre pays. Nous examinons différents aspects du régime fiscal. J'aimerais savoir quelles devraient être, d'après vous, les priorités. Il existe plusieurs possibilités. Nous pourrions réduire la surtaxe fédérale, rétablir l'indexation, réduire le taux d'imposition marginal, mais toutes ces choses coûtent de l'argent, comme vous le savez probablement. Quelle serait, d'après vous, la première chose à faire?

M. Sidney Goldstein: La partie la plus visible de l'équation, ce sont les taux d'imposition, mais il est vrai que toute réduction de ces taux va entraîner une réduction considérable des recettes.

À plus long terme, il me paraît tout aussi important de montrer que le gouvernement se préoccupe de certaines choses que d'essayer d'avoir... Je ne propose pas de ramener le taux d'imposition marginal à 30 p. 100 comme il l'est aux États-Unis mais de donner un signe, qu'il s'agisse d'une réduction de la surtaxe ou quelque chose du genre, montrant que le gouvernement veut prendre des mesures concrètes.

Je sais que ce n'est pas un sujet particulièrement populaire, parce que les principaux bénéficiaires d'une réduction de la surtaxe ou des taux d'imposition marginaux sont les «riches»; mais en fin de compte, j'ai constaté que nous y perdons. Les gens qui prennent ce genre de décisions me donnent l'impression qu'ils ne recherchent pas, à long terme, à réduire les écarts de cette nature.

Aux États-Unis, sur le plan politique, que nous soyons d'accord avec cela ou non, il y a davantage de pressions... Tout d'abord, leurs taux sont plus faibles, mais deuxièmement, il y a davantage de politiciens, les Républicains et les autres, qui demandent une réduction des taux d'imposition, même par rapport à ce qu'ils sont à l'heure actuelle. Les gens qui ont la possibilité de se déplacer regardent autant les tendances à long terme que... et pourtant ils veulent rester. En fait, le Canada a beaucoup de choses à offrir qui n'existent pas aux États-Unis.

• 1430

Mais dans le cas d'une personne qui gagne 150 000 $, l'écart entre les taux d'imposition se situe entre 25 et 30 000 $, tous les ans, sans compter l'écart entre les revenus canadiens et américains. Je connais un médecin qui a eu la possibilité de s'établir aux États-Unis et ce n'était pas parce qu'il était contre notre système d'assurance-maladie mais son revenu brut a plus que doublé en dollars américains et son taux d'imposition a diminué d'un tiers.

Les gens ne prennent pas ce genre de décisions à la légère mais je crois que les forces en jeu et les écarts sont tels qu'il y a beaucoup de gens qui vont être obligés de prendre ce genre de décisions. Et cela est tellement facile de nos jours. J'ai participé aux travaux des commissions Carter, Macdonald, et les autres, et on avait à l'époque fondé les politiques fiscales sur l'hypothèse que les choix des contribuables étaient très restreints. Je dois vous dire, et je parle uniquement pour le secteur privé, que les gens pensent qu'il n'est pas plus difficile de déménager d'Ottawa à Toronto que d'Ottawa à Phoenix et ils le font. Ce sont des personnes qui travaillent. Ce sont les conséquences à long terme... Chaque déménagement représente des millions de dollars de recettes fiscales perdues.

Je connais une entreprise qui est implantée à l'heure actuelle au Canada mais qui a choisi, pour son expansion, d'installer, elle ne déménage pas, un nouveau centre d'opérations aux États-Unis principalement à cause de la difficulté qu'elle a rencontré pour attirer du personnel technique.

Les taux d'imposition jouent un grand rôle et si l'on modifiait un aspect visible comme le taux d'imposition... La surtaxe est un élément du régime fiscal qui vise principalement les contribuables à revenu élevé, pour des raisons d'équité initialement, et je ne le conteste même pas. Je dirais tout de même qu'une telle mesure comporte des désavantages graves qui vont nous nuire à long terme.

Le président: Vous voulez que l'on modifie le taux d'imposition marginal?

M. Sidney Goldstein: Le taux d'imposition marginal est un élément particulièrement visible. Je tiens à mentionner, et j'en ai parlé dans mes commentaires, qu'on a supprimé peu à peu un bon nombre d'abris fiscaux parce que les gens les considéraient comme des abus, par exemple le fractionnement du revenu, le recours à des sociétés, possibilités qui étaient qualifiées de distorsion du système par les personnes qui s'opposaient à ces allégements fiscaux. Pour ceux qui étaient en faveur de ces mesures, il s'agissait de techniques utilisées pour réduire l'impôt en diversifiant les types de revenu, conformément au système, et cela permettait aux gens de structurer leur revenu de façon à réduire l'impôt.

Je dirais que, pour les clients dont je m'occupe, la suppression de ces techniques de planification fiscale a probablement eu pour effet d'augmenter de 10 à 15 points le taux d'imposition réel de ceux qui les utilisaient, conséquence qui justifie leur suppression pour ceux qui s'opposaient à ces techniques. Mais elles servaient en fait de soupape de sécurité. Les gens acceptaient des taux d'imposition élevés en théorie pourvu qu'ils puissent transformer leur revenu, par exemple, en revenu d'entreprise, ce qui offrait des avantages précis pour l'économie, mais...

• 1435

Le président: Merci. Vous affirmez qu'il faut réduire le taux d'imposition marginal et indiquer aux Canadiens que le gouvernement est prêt à s'engager à long terme à s'attaquer à ce problème. Cela est très important.

Nous allons également devoir augmenter notre productivité, si nous voulons accroître nos revenus. Lorsque vous me dites qu'aux États-Unis, les revenus sont trois fois plus élevés qu'ici, ce n'est pas uniquement une question d'impôt. Pour multiplier un revenu par trois, il faut qu'il existe une grande différence, à moins de vivre dans un monde sans impôt, chose que nous ne connaîtrons jamais au Canada.

M. Sidney Goldstein: Rien ne nous oblige à viser les taux américains; le fait de vivre au Canada offre d'autres avantages.

Les personnes qui ont la possibilité d'établir leur entreprise ou d'exercer leurs activités professionnelles dans l'un ou l'autre pays et qui chiffrent les écarts, tels que reflétés dans les taux de change et les taux d'imposition, ne sont pas de gros consommateurs de soins de santé et elles ont fini d'étudier, deux aspects qui avantagent le Canada par rapport aux États-Unis.

Mais prenez le cas d'une personne qui a entre 27 et 50 ans. Lorsque l'on prend ce genre de décision, cela veut dire qu'on est optimiste et que l'on n'envisage pas d'avoir besoin de services hospitaliers ou d'éducation. Vous avez fait vos études et vous pensez que vous n'aurez jamais besoin des autres services. C'est pourquoi l'écart entre les deux pays, une fois traduit en chiffres, influence beaucoup leur décision.

Même dans le cas des gens qui restent au Canada un peu par inertie, je sais qu'il y en a qui, pour ces raisons, poussent leurs enfants, pourvu qu'ils puissent faire les mêmes choix, à tenir compte de ces éléments lorsque vient le moment de choisir un endroit pour s'établir.

Le président: Merci beaucoup, M. Goldstein.

M. Sidney Goldstein: Je vous en prie.

Le président: Je veux revenir à Mme Walters.

Au cours des années que j'ai passé dans l'opposition, j'étais le critique qui s'occupait des personnes handicapées. Je me souviens du jour où ce rapport a été publié. On parlait de 3 300 000 Canadiens. Est-ce bien cela?

Mme Tracey Walters: Ce chiffre est beaucoup plus élevé maintenant.

Le président: Il est beaucoup plus élevé maintenant?

Mme Tracey Walters: Oui, on parle d'au moins 4,6 millions de Canadiens.

Le président: Ce rapport est donc dépassé. Vous vous souvenez de ce rapport? Il parlait de 3 300 000 Canadiens.

Mme Tracey Walters: Oui, mais cela fait tout de même un moment. Avec Statistiques Canada, et avec les nouveaux médicaments et les nouvelles technologies, il y a moins de gens qui meurent dans les accidents. Ces facteurs expliquent qu'il y a aujourd'hui 4,6 millions de personnes handicapées.

Le président: Il y a donc 4,6 millions de personnes handicapées. Manifestement, cela pose des défis considérables qui ne peuvent que croître. Vous dites que les défis sont considérables mais que la volonté d'agir n'est pas là.

Mme Tracey Walters: Excusez-moi, vous avez parlé des défis et...

Le président: J'ai parlé de la volonté d'agir. Vous dites que nous devrions nous engager davantage.

Si vous aviez à nous présenter deux ou trois recommandations, quelles seraient-elles?

Mme Tracey Walters: Comme je l'ai dit, le gouvernement fédéral doit assumer davantage ses responsabilités et faire preuve d'initiative. Il devrait adopter des mesures législatives pour faire en sorte que tous les citoyens participent à la vie de notre pays.

Ce n'est pas une question d'argent. Cela coûte des milliards de dollars d'opprimer, de mettre à l'écart, d'isoler et d'institutionnaliser les personnes handicapées. Ce n'est donc pas une question d'argent. Cela nous fera faire des économies. Il nous faut une mesure législative.

À l'heure actuelle, chacun définit au niveau local quels sont les besoins des personnes handicapées... Ce pourrait être M. Latimer qui décide quels sont les besoins des personnes handicapées en Saskatchewan. Cela fait un peu peur, n'est-ce pas?

Il est donc très important que vous compreniez qu'il faut une mesure cadre. Il ne faut pas croire que nous allons tous nous entendre et que toutes les provinces vont faire ce qu'il faut. C'est pourquoi nous avons recommandé d'adopter une loi pour les Canadiens handicapés qui contiendrait un mécanisme...

L'article 15 de la Charte interdit la discrimination contre les personnes handicapées mais ces personnes n'ont pas les moyens d'intenter des poursuites judiciaires. Lorsqu'on vous traite de façon discriminatoire 30 fois par jour, vous n'avez pas la possibilité d'intenter des poursuites, parce que vous n'avez ni l'argent, ni les ressources, ni l'énergie pour le faire. Il faut donc un mécanisme. Une loi, la volonté d'agir, affirmer qui vous êtes, comment ce gouvernement entend gouverner. Il faut que quelqu'un assume cette responsabilité devant la population.

• 1440

Sharlyn, je croyais que...

Mme Sharlyn Ayotte: Oh oui!

Mme Tracey Walters: Cela est essentiel. Nous avons absolument besoin de quelque chose de ce genre.

Le président: Est-ce qu'elle s'appelle la Loi sur les Américains handicapés?

Mme Tracey Walters: Oui. Les Américains ont adopté, sous le président Bush, quelque chose qu'ils appellent la Loi concernant les Américains handicapés, qui leur garantit l'accès à la vie en société. Nous avons des années de retard sur eux. En fait, sur le plan économique, il y a ici des entreprises de haute technologie qui n'arrivent pas à faire concurrence au marché américain parce que tous nos citoyens n'ont pas accès à ces emplois. Les États-Unis sont donc en avance dans certains domaines, parce qu'ils possèdent l'équipement, les programmes et la technologie qu'exige leur propre Loi sur les Américains handicapés.

Il faut donc une loi canadienne, quelle que puisse être sa forme, qui veillerait à ce que l'article 15 de la Charte... Ce n'est pas une loi répressive que nous vous demandons d'adopter; il faut créer un mécanisme qui garantisse que toutes les provinces, les municipalités et le gouvernement fédéral vont adopter des normes sur la façon dont nous traitons nos citoyens handicapés.

Le président: Les organismes fédéraux ne répondent pas toujours aux besoins de ces personnes et je me souviens qu'on avait contesté la position qu'avait adoptée l'Office national des transports au sujet des mesures d'adaptation prises pour une personne handicapée. Ce problème a-t-il été résolu?

Mme Tracey Walters: Savez-vous de quel cas il s'agit, Sharlyn? Lequel est-ce? Il y en a tant eu qu'il est difficile de savoir duquel il s'agit.

Le président: Voici ma question. Pensez-vous que le gouvernement a vraiment tardé à agir dans ce domaine?

Mme Tracey Walters: C'est terrible. C'est une vraie honte nationale, il n'y a plus rien d'obligatoire. Tout est facultatif.

Je suis dans mon bureau tous les jours et je reçois des plaintes qui concernent l'Office national du transport du Canada. Je dois en recevoir au moins deux ou trois par semaine. Il en arrive constamment et pour la plupart, c'est à cause de nos mesures facultatives. Nous n'avons en fait rien qui oblige le secteur public, le secteur privé, les gouvernements... Il y a encore des députés qui ont des bureaux qui ne sont pas accessibles aux personnes handicapées.

Le président: Je me demande ce qui me fait penser que la population est plus sensibilisée aujourd'hui aux défis que rencontrent les personnes handicapées qu'elle ne l'était il y a 10 ans?

Mme Tracey Walters: La sensibilisation?

Le président: Oui, la sensibilisation. La sensibilisation et le fait que les gens comprennent les difficultés auxquelles font face les Canadiens handicapés.

Mme Tracey Walters: Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Il y a peut-être des gens qui sont un peu plus sensibilisés à cette question, parce qu'ils ont vu un appareil qui aide quelqu'un ou un certain genre de fauteuil électrique. On voit peut-être davantage de gens en chaise roulante. Mais nous ne voyons pas les gens qui sont entreposés, immobilisés dans des institutions et dans certains types d'hôpitaux et de foyers. Il y a beaucoup de gens qui vivaient dans la collectivité et qu'on a ramené dans des hôpitaux où le personnel est insuffisant et surchargé.

C'est triste mais de là à dire que les gens sont plus sensibilisés... Je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous là-dessus. Ici, au Parlement, il y a quelques dizaines d'années, des collègues à nous ont dû se faire hisser en haut d'un escalier pour se rendre à la Chambre des communes. Il y a peut-être un peu de sensibilisation mais il y a encore énormément à faire.

Le président: Mais vous parlez d'il y a quelques années. On ne fait plus cela à l'heure actuelle, n'est-ce pas?

Mme Tracey Walters: À l'heure actuelle, dans la Chambre des communes, est-ce que les personnes handicapées peuvent se présenter aux élections et prendre place à la Chambre des communes dans leur chaise roulante? Je ne sais pas. Je vous pose la question. Pouvons-nous être candidats et faire rentrer nos petites voitures et nos chaises roulantes dans la Chambre des communes? Pensez-vous qu'il y a un espace suffisant pour que nous puissions nous asseoir là où les membres de votre parti siègent à la Chambre des communes?

Le président: En fait, je crois que M. Robinson s'est présenté en chaise roulante, après son accident, mais je comprends ce que vous voulez dire. J'aimerais savoir si vous considérez qu'il y a eu des progrès ou non. J'avais l'impression que la société était plus sensible aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 10, 15 ou 20 ans.

Mme Tracey Walters: Oui, mais accordez-moi encore une minute.

Je vais vous dire ce qui s'est passé. Sous le gouvernement précédent, il y a eu ce qu'on appelait la stratégie pour l'intégration des personnes souffrant de handicaps. Cela représentait 158 millions de dollars sur cinq ans. Quand le gouvernement actuel est arrivé, il a réduit cela à rien, zéro. Alors, nous avions fait quelques percées, mais, actuellement, on recule et on n'a rien. Il n'y a aucune stratégie à l'heure actuelle. Il n'y a aucun objectif. Le gouvernement fédéral n'a absolument aucune orientation, ni rien sur papier quant à la position qu'il veut adopter par rapport à tous ces citoyens.

• 1445

Oui, on avait un objectif, mais tout s'est arrêté en 1994, en 1995 et en 1996.

Le président: Les groupes qu'ils représentent voient-ils les choses de la même façon?

Mme Tracey Walters: Oh oui! Nous sommes tous d'accord sur l'orientation à prendre.

Le président: Il n'y a aucun désaccord entre les divers groupes?

Mme Tracey Walters: Il peut y avoir un désaccord, si c'est un groupe de personnes non handicapées, qui aimerait que certains soient encore en institution. C'est la première fois, par ailleurs, que la communauté des personnes handicapées est aussi unie. Cela est dû en grande partie à ce qui s'est passé, et, depuis, c'est incroyable. Il n'y a pas de controverse. Nous avons tous la même vision des choses.

Le président: Madame Ayotte.

Mme Sharlyn Ayotte: J'aimerais dire, au sujet de toute cette question de vision, qu'à bien des égards, je suis d'accord avec Tracey; on commence à voir se dégager une conception commune des stratégies d'intégration. Il n'y a plus d'unanimité, cependant, avec la moitié des personnes qui souffrent d'un handicap sur le plan de la communication. Aucun budget ne peut suffire pour nous permettre, en tant que groupes, de communiquer entre nous d'une façon qui rendra possible un front uni sous quelque forme que ce soit. C'est comme nous inviter à la fête sans nous donner l'adresse. C'est un peu la situation actuelle.

En ce qui concerne ce qu'il faut faire, une première chose serait d'admettre que les personnes handicapées ont une contribution à apporter à la société, qu'elles créent de l'emploi, qu'elles ont des espoirs, qu'elles accomplissent des choses extraordinaires. Ce serait bien comme première étape.

Ensuite, il s'agirait en fait de remplir les engagements déjà pris en matière d'information et de communication. Commençons par l'important: information de base, santé, protection, sécurité, économie, éducation, emploi et transport. Sans ces choses, nous ne faisons pas partie de votre monde.

Merci.

Le président: Merci. Il est certain que les membres de ce comité se préoccupent de maximiser le potentiel en ressources humaines de ce pays.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais continuer de parler du projet des Canadiens handicapés. Je pense que le rapport Scott a été très bien accueilli. Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'on avait réalisé le plus facile—les questions fiscales—mais qu'on se traînait les pieds pour le reste.

Je m'excuse de ne pas avoir été là pour entendre l'exposé initial. Bien sûr, quand Laurie est venue témoigner à Winnipeg et, la semaine dernière, quand j'ai entendu David Baker au Centre d'aide et de défense juridique pour les handicapés, mon réflexe a été de penser que l'on peut sûrement faire davantage sur le plan fiscal. En tant qu'omnipraticienne, les critères d'admission au crédit d'impôt pour personnes handicapées m'inquiètent encore. Qu'il s'agisse de fibrose cystique ou de lésion cérébrale, il est difficile de remplir des formulaires parce que chaque cas est différent.

Quand on n'est pas d'accord avec les professionnels qui affirment qu'une personne est handicapée ou a des difficultés qui empêchent sa pleine participation à la société, ou lorsque la possibilité de contribuer coûte plus cher—c'est une autre façon de voir le crédit fiscal, parce que le fait de sortir et de contribuer coûte plus cher à ces personnes—on devrait essayer d'égaliser les chances un peu. Est-ce que c'est là le genre de...

Mme Tracey Walters: Je suis un peu confuse. Est-ce qu'on parle du crédit d'impôt pour personnes handicapées?

Mme Carolyn Bennett: Je parle des différents aspects fiscaux et des façons d'aider ces personnes. Je suppose que cela renvoie à la question du président sur ce qu'on pourrait... Au moment des consultations pré-budgétaires, rien ne nous ferait plus plaisir que d'annoncer qu'il faut adopter une loi pour les Canadiens handicapés, mais cela nous serait plus difficile que d'ajouter un poste au budget des dépenses, pour accorder un traitement fiscal spécial. C'est le genre de choses qu'on arrive à faire des fois, à l'occasion des consultations pré-budgétaires, et, ensuite, il faut exercer des pressions comme d'habitude pour obtenir une loi qui a le mordant nécessaire.

• 1450

Mme Tracy Walters: Comment se fait-il que personne ne défend notre cause au sein du comité des finances? Allez voir vos patrons et dites-leur que, s'ils veulent que l'on fasse quelque chose, il va falloir donner un peu d'argent et nous pourrons éventuellement devenir un chef de file dans ce domaine à l'échelle mondiale. Si vous voulez faire quelque chose de sérieux, il faut commencer par adopter une loi. De plus, je crois qu'il faudrait un poste au budget, puisqu'il ne faut pas grand-chose pour lancer les pourparlers. C'est ainsi qu'on arrivera à un meilleur régime fiscal, puisque vous aurez plus de personnes handicapées qui paieront de l'impôt.

En Ontario, nous venons de terminer une étude pour laquelle nous avons réussi à obtenir des fonds pour que les personnes achètent eux-mêmes des services auxiliaires. Cent personnes ont participé au projet pilote. Après une enquête approfondie effectuée par l'Institut Roeher, on a constaté que le gouvernement avait économisé 50 p. 100 de l'argent des contribuables et que la qualité de vie de ces personnes s'était améliorée de 100 p. 100. Des personnes handicapées étaient maintenant en mesure d'aller travailler, d'aller à l'université et de payer de l'impôt.

Il faut viser plus loin et ne plus se contenter de quelques dollars par le truchement du régime fiscal. Je le répète—peut-être que vous n'étiez pas là—nombre de personnes handicapées vivent avec moins de 10 000 $ par année et leur revenu n'est pas imposable, donc ça ne réglera pas la question.

Je crois qu'en tant que gouvernement, vous pouvez vous engager à remplir vos promesses budgétaires. Il faut commencer à s'occuper des vrais problèmes de manière à aider la société.

Mme Carolyn Bennett: Il doit y avoir quelque chose qu'on peut changer dans le régime fiscal. Ça m'a inquiétée d'entendre dire que certaines entreprises ont posé de bons gestes sur une base volontaire—vraiment, elle ont même reçu des prix pour cela—, mais que, dès que les choses sont devenues facultatives, elles ont tout arrêté. Y a-t-il un incitatif fiscal qui motiverait les entreprises à bien agir en ce qui concerne...

Mme Tracy Walters: Je pense qu'on a essayé bien des choses. Peut-être qu'à Halifax, il y aura une société qui se comportera bien. Peut-être qu'à Winnipeg, quelqu'un fera une bonne action un jour par année pour la cause. Cela ne sert à rien. C'est une bonne idée, mais je pense qu'on l'a fait partout. En fait, la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées n'existe plus, parce que ce n'est pas comme cela que ça marche.

Le régime fiscal? Non, vous ne pouvez rien faire, pas si vous visez un crédit d'impôt pour les enfants, un crédit pour les personnes handicapées qui n'ont aucun revenu, aucun revenu imposable. On a recommandé 1 000 $ par année, et c'est une possibilité. Mais si vous voulez faire quelque chose d'utile avant la fin du siècle, adoptez une loi. Je crois qu'il est temps de faire quelque chose de concret pour s'assurer que chaque palier de gouvernement donne l'exemple en ce domaine.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Pour donner suite à votre désir d'avoir une loi, il y a, bien sûr, la Loi canadienne sur les droits de la personne et l'obligation de prendre des mesures d'adaptation pour les sociétés et les entreprises, en particulier en ce qui concerne certains handicaps. Bien sûr, les banques et les mesures d'adaptation sont un sujet de controverse. Qu'il s'agisse des guichets automatiques ou de l'accès en général, bien que les banques soient des entreprises privées à certains égards, elles sont quasiment l'équivalent d'un service d'utilité publique. Elles sont tellement essentielles au fonctionnement de notre économie que l'obligation de prendre des mesures d'adaptation est certainement un enjeu selon la Loi des droits de la personne. Il serait peut-être possible d'apporter quelques correctifs à ce processus en particulier.

J'aimerais poser quelques questions à Sharlyn Ayotte. Avant tout, j'ai été très impressionné par l'enregistrement sur cassette de sa lecture du texte imprimé que nous avions devant nous. J'ai eu l'impression qu'elle lisait le texte, parce que c'était exactement ce qui était écrit. Ce n'était pas comme si quelqu'un improvisait; il était évident que vous lisiez un texte.

Vous avez affirmé que:

    En tant que femme d'affaires qui est aveugle, le faible éventail des moyens de diffusion de l'information utilisés limite mon accès à un processus et à une information qui sont importantes pour moi, mon personnel et mon entreprise. C'est un obstacle systémique.

• 1455

J'aimerais que vous nous décriviez comment vous réussissez cet exploit, qui, à mon avis, est de très haut niveau. J'ai une autre question après celle-ci.

Mme Sharlyn Ayotte: J'ai dépensé un peu d'argent pour engager une narratrice professionnelle pour qu'elle lise mon allocution sur une cassette, afin que vous l'entendiez sur un ton non saccadé et pour inclure tous les points dont je voulais vous faire part dans mon exposé.

M. Paul Forseth: Ce n'était pas vous, sur le ruban?

Mme Sharlyn Ayotte: Non, mais elle est très bonne, n'est-ce pas?

M. Paul Forseth: D'accord. Êtes-vous au courant de la nouvelle taxe dissuasive sur les cassettes, qui est maintenant en vigueur? Elle a été annoncée officiellement il y a peu de temps et faisait l'objet d'un projet de loi adopté pendant la dernière législature dans le but d'appuyer les musiciens du pays en imposant une taxe punitive, pourrait-on dire, sur les cassettes vierges. Nous découvrons que, bien sûr, la plupart des enregistrements et des cassettes vierges n'ont rien à voir avec la musique, mais qu'on s'en sert pour des choses comme celles que vous demandez et que les entreprises s'en servent pour les textes publicitaires, la formation et les aide-mémoire.

Êtes-vous au courant de ce qui se passe pour les petites entreprises qui dépendent de ce genre de choses et qui offrent le genre de services que vous recherchez? Est-ce que la taxe dissuasive nuit vraiment à cette petite industrie?

Mme Sharlyn Ayotte: J'aimerais donner la parole à mon collègue, Len Fowler. Allez-y, Len.

M. Leonard J. Fowler, jr. (T. Base Communications Inc.): En bout de ligne, à cause de cette taxe, les petites et moyennes entreprises hésitent davantage à engager des dépenses pour diffuser de l'information d'une façon utile pour leurs employés, parce que la réaction en chaîne, en commençant par le fabricant de la cassette, ne fait qu'alourdir les coûts tout au long du processus. Cela rend la formation plus dispendieuse, cela rend tout plus dispendieux pour les organisations intéressées.

M. Paul Forseth: Peut-être que les répercussions de cette taxe ne sont pas encore claires. Un jeune entrepreneur de ma circonscription, qui emploie trois personnes, affirme que, d'après lui, avec cette taxe, il va être obligé de mettre la clé sous la porte et cesser toute activité. Son service de cassettes enregistrées pour les ateliers de formation et autres choses du genre n'a rien à voir avec l'objectif de la taxe en premier lieu. Les artistes considéraient qu'ils perdaient de l'argent d'une certaine façon en raison du piratage de leur matériel protégé par le droit d'auteur, alors cette taxe visait à soutenir les arts de la scène au Canada. J'apprends que cette petite entreprise dans ma circonscription et d'autres probablement vont devoir fermer et que le travail sera confié à une entreprise de Bellingham, à Washington.

Mme Sharlyn Ayotte: Puis-je faire une observation?

M. Paul Forseth: Oui, bien sûr.

Mme Sharlyn Ayotte: En gros, quel que soit le mode de diffusion de l'information, que ce soit une cassette, une disquette, un document en Braille, Internet ou tout autre mode de diffusion, quelles que soient les taxes visant la diffusion de l'information par ce produit, elles devraient s'appliquer partout. Qu'il s'agisse d'une cassette ou d'une disquette, c'est un produit d'information, par conséquent, il ne devrait pas y avoir de taxe sur les cassettes vierges si elles doivent servir à des produits d'information.

M. Paul Forseth: Pour résumer votre exposé, vous demandez une forme de soutien. Il est évident que le genre de matériel de facilitation d'aujourd'hui n'était pas disponible il y a 20 ans. La technologie recule les limites de l'accès, mais vous demandez que la réglementation favorise également l'élargissement de cette limite. Si vous deviez limiter votre examen à un point de vue d'orientation lié au budget et aux impôts et à cet aspect en particulier, que demanderiez-vous?

• 1500

Mme Sharlyn Ayotte: Ce que je demanderais, c'est que, dans le budget, on répartisse l'argent d'une façon plus équitable afin que les ministères puissent répondre aux besoins de tous les citoyens qu'ils servent; que l'on augmente les budgets, ou que l'on distribue autrement les budgets de communication et de diffusion de l'information afin que nous ayons tous accès également à la même information. Il suffit de répartir différemment les crédits.

M. Paul Forseth: Je terminerai avec une observation qui reprend une déclaration du ministre de la Santé. Il y a assez d'argent dans le système, mais il faut le dépenser plus intelligemment.

Quand je pense aux tonnes de documents sur papier qui sortent de la Colline parlementaire, sans parler de ce qu'on laisse dans ma boîte aux lettres... Je reçois tous les jours des documents, des brochures, des journaux, des rapports comme celui-ci, qui font au moins un pied de haut. Je suis incapable d'absorber tout cela. C'est trié par mon personnel et il y en a une bonne partie qui est simplement déchiqueté et jeté.

On pourrait dire qu'il y a gaspillage des ressources. Au sein d'un gouvernement, par exemple, vous pourriez suivre la durée de vie de ce rapport en particulier, calculer le nombre de fois qu'il est lu, le nombre d'exemplaires qui ne seront même pas ouverts ni sortis de leur boîte et le nombre d'exemplaires qui finiront dans la poubelle. Peut-être que ce dont vous parlez, c'est que, quand on a mis des fonds à notre disposition pour que soit imprimé ce rapport en particulier, on aurait peut-être dû réserver un certain pourcentage à son enregistrement sur cassette ou autre support. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?

Mme Sharlyn Ayotte: La technologie rend cela possible. C'est l'application de la technologie qui rend possible la production d'informations sous quelque forme qu'on le demande.

C'est une autre façon de voir le mode d'affectation de nos crédits. Si on a un budget de 100 000 $ pour produire ce document, ne produisez qu'une copie maîtresse sur support électronique et reproduisez l'information sur demande seulement, et ce, de façon égale pour tous les Canadiens. Il faut aussi s'assurer d'avoir des stratégies équitables pour tous les Canadiens quand il faut leur dire que c'est là. Si on annonce cela dans un journal, je ne reçois pas le message et, par conséquent, on ne me traite pas de façon équitable.

M. Paul Forseth: Je crois que vous l'avez expliqué avec éloquence. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Forseth.

Au nom du comité, j'aimerais remercier tous les membres du groupe pour leurs exposés. Vous aurez compris qu'il y a de nombreux besoins dont il faudra s'occuper dans le budget à venir.

Un peu partout au pays, des Canadiens ont demandé que le discours du budget s'inspire d'une stratégie à long terme, contrairement à ce qu'on a fait jusqu'à présent, où la vision était d'au plus cinq ans. C'est là une chose dont nous sommes très conscients, parce que nous croyons au fonds qu'en dernière analyse, ce comité vise un but essentiel—soit l'amélioration de la qualité de vie des habitants du Canada. C'est notre but ultime.

Au nom du comité, je vous remercie beaucoup pour votre contribution.

La séance est levée.