FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 15 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte et je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici ce matin.
Nous avons le plaisir d'accueillir l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, Citizens for Public Justice, l'Ordre des hygiénistes dentaires de l'Ontario, l'Employer Committee on Health Care de l'Ontario ainsi que l'Ontario Public Health Association.
Nous allons commencer avec les représentants de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, Mme Wendy Gauthier et M. Ian Markham.
Je vous souhaite la bienvenue.
M. Ian Markham (vice-président, Comité de parrainage et des relations gouvernementales, Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite): Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le comité.
L'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite ou ACARR est le porte-parole national des promoteurs de régimes de retraite du Canada. Les membres de l'ACARR, qui sont près de 1 000, possèdent un actif de retraite de plus de 226 milliards de dollars. De plus, l'ACARR compte parmi ses membres des représentants des plus importantes sociétés d'actuariat et de gestion de placement ainsi que des principaux cabinets d'experts-comptables et d'avocats qui fournissent des services de consultation aux promoteurs, aux conseils d'administration et aux administrateurs de régimes. L'ACARR fait aussi partie de la Coalition pour le revenu de retraite, qui témoignera devant ce comité le mois prochain.
Je m'appelle Ian Markham, vice-président du Comité de parrainage et des relations gouvernementales de l'ACARR et actuaire à KPMG. Voici Wendy Gauthier, qui est membre de la Commission d'étude sur le revenu de retraite de l'ACARR et conseillère principale en gestion des placements à PriceWaterhouseCoopers. Je tiens aussi à souligner que la présidente du Comité de parrainage est Gretchen Van Riesen, qui témoigne ici aujourd'hui au nom de l'Employer Committee on Health Care - Ontario.
Permettez-moi de décrire brièvement les idées de l'association.
Le gouvernement ne doit pas oublier que l'amélioration de l'état de ses finances est le reflet, en grande partie, de la vigueur dont jouit l'économie depuis quelques années et de la croissance des recettes fiscales qui en découlent, ainsi que des faibles taux d'intérêt. L'amélioration de l'état des finances du gouvernement reflète également l'effet de la croissance de ses revenus qui résulte du non-ajustement des tranches d'imposition en fonction de l'effet de l'inflation sur le revenu des particuliers.
Le gouvernement devrait fournir aux Canadiens une représentation honnête du dividende fiscal réel et des nombreux autres facteurs qui contribuent à un excédent budgétaire. L'excédent qui provient des augmentations d'impôt devrait être redistribué aux contribuables. L'excédent qui découle de conditions favorables devrait servir à réduire la dette.
Le gouvernement doit également continuer de chercher et de trouver des moyens d'améliorer le système de revenu de retraite du Canada afin que tous les Canadiens jouissent de possibilités équitables d'économiser pour leur retraite.
L'ACARR a déjà fourni au gouvernement du Canada un plan pour s'attaquer aux problèmes clés du système de revenu de retraite dans son énoncé de principe sur le revenu de retraite.
Voici les huit recommandations que nous faisons au comité:
Premièrement, le gouvernement devrait publier le rapport sur le vieillissement qui a été promis par le ministre des Finances dans le cadre du budget fédéral de 1994. Un rapport sur le vieillissement était une nécessité en 1994 et il l'est encore plus aujourd'hui. Les Canadiens doivent connaître la vision qu'a le gouvernement du système de revenu de retraite dans un contexte de population vieillissante.
• 0805
Deuxièmement, il faut mettre fin au non-ajustement des
tranches d'imposition au taux d'inflation. Pendant les 25 dernières
années, certains groupes de la société canadienne ont eu droit à
une protection contre l'inflation, contrairement à d'autres. Les
bénéficiaires de la SV ou du SRG reçoivent des prestations
pleinement indexées dont une partie est non imposable. Les
travailleurs et les personnes qui reçoivent des indemnités
imposables du gouvernement paient un pourcentage de plus en plus
important de leur revenu en impôt. Les tranches d'imposition
devraient être pleinement indexées comme aux États-Unis et au
Royaume-Uni.
Troisièmement, le régime fiscal désavantage les travailleurs à faible revenu par rapport aux aînés retraités. Les travailleurs célibataires doivent payer de l'impôt lorsque leur revenu d'emploi dépasse 7 000 $ et les couples lorsqu'il dépasse entre 12 000 $ et 13 000 $. En comparaison, un aîné célibataire a actuellement un revenu garanti de 11 000 $ par année après impôt. L'impôt sur le revenu doit être réduit pour les Canadiens les moins bien payés afin d'atteindre l'équité.
Quatrièmement, la Loi de l'impôt sur le revenu ne fournit pas à tous les Canadiens la même possibilité d'épargner suffisamment pour atteindre le niveau de prestations de retraite correspondant à leur revenu de préretraite; 70 p. 100 est la cible normalement suggérée. Les limites actuelles d'épargne-retraite qui s'appliquent aux REER et aux régimes de retraite d'employeurs sont trop basses. Elles ont également été gelées. En comparaison, les limites aux États-Unis et au Royaume-Uni sont beaucoup plus élevées—elles sont pratiquement du double en pourcentage des salaires moyens—et elles sont indexées.
Cinquièmement, il n'existe aucune possibilité d'épargne viable pour ceux dont le revenu excède la limite de couverture des REER, qui se situe actuellement à 75 000 $. Il est impossible pour ces personnes d'épargner un montant proportionnel à leur revenu. Par comparaison avec leurs homologues de la plupart des pays industrialisés, ils ont une capacité limitée de différer le paiement de leur impôt tout en étant assujettis à des taux d'imposition marginaux élevés et des taux d'imposition élevés sur les gains en capital.
Sixièmement, la règle sur les biens étrangers de 20 p. 100 coûte aux Canadiens qui contribuent à des régimes enregistrés de retraite et qui possèdent des REER plus de 1 milliard de dollars par année en avoir de retraite perdu. Il est inacceptable que le gouvernement canadien maintienne cette règle étant donné son coût énorme pour les Canadiens et l'appui généralisé de son élimination.
Septièmement, le gouvernement devrait appuyer l'application d'une réglementation uniforme des régimes de retraite dans toutes les juridictions et assurer la direction nécessaire à cette initiative importante qui a pour but d'améliorer la protection particulière en matière de pension. La convocation d'une assemblée des ministres responsables des pensions pourrait concrétiser ce concept.
Huitièmement, les Canadiens ont besoin de mieux comprendre notre système de revenu de retraite. Les principes de l'épargne-retraite ne sont pas enseignés dans nos établissements scolaires. Par conséquent, les Canadiens arrivent sur le marché du travail sans les bases leur permettant de bien comprendre le fonctionnement du système de revenu de retraite et la meilleure façon d'en profiter.
Ces recommandations favoriseront la création d'une plus grande richesse et de meilleures possibilités pour les Canadiens en général.
C'est ce qui conclut, monsieur le président, nos commentaires préliminaires. Nous attendons avec impatience la période des questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Markham.
Nous allons maintenant passer aux représentants de Citizens for Public Justice, M. Greg deGroot-Maggetti et M. Gerald Vandezande, directeur national des affaires publiques.
Je vous souhaite la bienvenue messieurs.
M. Gerald Vandezande (directeur général des affaires publiques, Citizens for Public Justice): Merci, monsieur le président.
Je salue les membres du comité.
Je suis en compagnie de Greg deGroot-Maggetti et de Harry Kits, le directeur exécutif.
J'attire votre attention sur le fait que CPJ a déjà déposé un mémoire antérieur devant le comité et que le présent mémoire s'inspire de l'exposé que nous avons fait en juillet. Nous allons lire nos observations préliminaires.
M. Greg deGroot-Maggetti (chercheur en politiques, Citizens for Public Justice): Merci.
Tout au long de l'été, le ministre des Finances Paul Martin et le premier ministre Jean Chrétien se sont donné beaucoup de mal pour prouver que les facteurs économiques fondamentaux du Canada sont justes. Encore hier, M. Martin rappelait à quel point les facteurs économiques fondamentaux du Canada sont bien établis. Eh bien, en période de crise financière, cela devient une exigence professionnelle pour un ministre des Finances ou un premier ministre de faire ce genre d'affirmation. Mais qu'en est-il de cette affirmation selon laquelle nos facteurs économiques fondamentaux sont si justes?
M. Martin a insisté fièrement sur le fait que le gouvernement fédéral et de nombreux gouvernements provinciaux avaient éliminé le déficit budgétaire, que les taux d'intérêt sont plus bas et que l'inflation est très faible. Et même si le taux de chômage se maintient au-dessus de 8 p. 100, il a souligné le fait que nous avions enregistré deux années de croissance vigoureuse de l'emploi.
Pourtant, lorsqu'on gratte un peu sous la surface, on découvre que la situation n'est pas aussi réjouissante qu'elle le paraît. Vous pourriez supposer qu'après une année de croissance économique vigoureuse, les banques alimentaires seraient en perte de vitesse, mais c'est justement le contraire qui est vrai. L'Association canadienne des banques alimentaires a déclaré dans son recensement HungerCount de 1998 que les banques alimentaires avaient enregistré une affluence supérieure de 5 p. 100 entre 1997 et 1998. Et les collectivités font face à de sérieuses pénuries de logements abordables, même dans les régions prospères. Il s'agit d'un problème qui vient aggraver celui de la faim.
• 0810
Si on regarde de plus près comment le gouvernement fédéral en
est arrivé à cet excédent budgétaire tellement vanté, on obtient
des résultats quelque peu inquiétants. Le gouvernement projette
pour 1998-1999 un excédent oscillant entre 5 milliards et
10 milliards de dollars. Pourtant, si l'on soustrait les 7
milliards de dollars d'excédent dans le compte de l'AE et les
4 milliards de dollars de recettes additionnelles du système fiscal
partiellement désindexé, il ne reste plus d'excédent budgétaire.
La croissance inquiétante de la pauvreté infantile est l'un des aspects les plus graves de la détérioration des facteurs économiques et sociaux fondamentaux du Canada. Le fait de grandir dans la pauvreté a des répercussions sur la santé, l'éducation et les perspectives d'emploi des enfants. Les coûts entraînés par le maintien de ces niveaux élevés de pauvreté sont en définitive absorbés par la société dans son ensemble. D'un autre côté, les sommes consacrées à l'élargissement des possibilités pour tous les enfants sont un investissement qui entraîne des bénéfices importants sur le plan social et économique.
Par conséquent, le gouvernement doit établir un plan sur plusieurs années afin de réduire le taux de pauvreté et l'ampleur de cette pauvreté, particulièrement chez les enfants, et établir un programme de soutien à long terme donnant une chance équitable dans la vie à tous les enfants du Canada. Ce projet nécessite un grand effort à l'échelle nationale, comme l'a dit le ministre des Finances Paul Martin. Cet effort ne peut attendre que la dette ait atteint un certain niveau. Il doit se faire maintenant.
Le ministre Martin a proposé que le Canada se fixe un objectif pour l'an 2000. Il nous a présenté une vision du Canada qui est celle d'une nation où l'écart entre les riches et les pauvres irait en s'amenuisant et où la classe moyenne serait graduellement élargie. C'est une vision que CPJ partage. La question qui se pose au ministre des Finances et à ce comité est la suivante, quelles sont les politiques devant conduire à l'atteinte de cet objectif?
Est-ce que le fait d'utiliser l'excédent de l'assurance-emploi pour rembourser la dette fédérale contribuera à réduire l'écart entre les riches et les pauvres? Vous ne pouvez décider de la façon dont vous utiliserez l'excédent de l'AE sans tenir compte des répercussions que cette décision de réduire de façon draconienne la couverture du programme entraîne. L'augmentation de la pauvreté au cours de la dernière décennie provient en partie du fait que davantage de personnes occupent des emplois instables. Et pourtant, les critères d'admissibilité plus sévères introduits lors de la dernière réforme de l'AE ont effectivement contribué à exclure les travailleurs canadiens des avantages qui découlent d'un programme pour lequel ils ont versé des cotisations.
Par conséquent, nous recommandons que le fonds de l'AE soit sans lien de dépendance avec le budget de sorte que le fonctionnement du fonds devienne plus transparent. Nous recommandons aussi que le gouvernement établisse un groupe de travail sur l'assurance-emploi et la création d'emplois afin d'effectuer un examen complet, indépendant et public du programme de l'assurance-emploi. Cet examen devrait étudier les répercussions que les récentes réformes ont eues sur les chômeurs canadiens de même que leur impact sur les budgets des provinces et les programmes d'aide sociale. Le groupe de travail devrait être formé de représentants du monde des affaires, des travailleurs et du secteur social, et ce groupe de travail devrait être formé immédiatement et chargé de déposer son rapport d'ici janvier. On devrait tenir un moratoire sur les changements apportés au programme d'AE jusqu'à ce que le groupe de travail ait déposé son rapport et qu'il y ait eu un débat public et à la Chambre des communes concernant le rapport.
Est-ce que les réductions d'impôt permettront d'atteindre l'objectif fixé par le ministre des Finances Martin? Dans ce cas aussi, nous voulons insister sur la nécessité pour le gouvernement de mener une enquête publique complète, avant le prochain budget, sur l'effet des diverses mesures fiscales sur la disparité des revenus et la pauvreté au Canada.
L'analyse effectuée par Campagne 2000 sur l'incidence des diverses mesures fiscales sur les familles ayant des enfants a permis de conclure que la réduction de l'impôt sur le revenu, des charges sociales ou encore du taux de la TPS profiterait davantage aux familles à revenu moyen et élevé qu'aux familles à revenu faible et modeste. Une augmentation du crédit pour TPS ou de la prestation fiscale pour enfants permettrait de mieux répartir les avantages qui en découleraient à l'endroit des familles à revenu faible et modeste.
L'examen des impôts devrait inclure une analyse de l'incidence de la désindexation partielle du système fiscal sur les Canadiens ayant des niveaux de revenu différents. On connaît de mieux en mieux le fait que la désindexation a eu des effets disproportionnés sur les Canadiens à revenu faible et modéré.
S'il est une taxe qui doit être éliminée immédiatement, c'est bien le droit de 975 $ exigé pour l'établissement que l'on appelle aussi la taxe d'entrée pour les réfugiés et les immigrants. Nous demandons au gouvernement d'éliminer la taxe d'entrée pour les réfugiés et les immigrants de la catégorie de la famille. Nous attirons votre attention sur le mémoire que la coalition contre la taxe d'entrée a adressé le 9 mars au ministre de l'Immigration et dans lequel elle décrit les problèmes liés à cette taxe. Nous attirons aussi votre attention sur l'analyse effectuée par CPJ concernant la faisabilité d'éliminer cette taxe.
Avant de choisir les politiques budgétaires susceptibles de stimuler l'emploi et de réduire les inégalités, nous devons d'abord reconnaître le fait que la croissance désordonnée possède certains défauts importants. Tout d'abord, l'efficacité de la croissance économique et de la croissance de l'emploi dans la réduction de la pauvreté et des inégalités en matière de revenu a diminué depuis les deux dernières décennies. De plus, la croissance économique a traditionnellement entraîné une consommation beaucoup plus intensive d'énergie et a imposé un stress supplémentaire à une situation environnementale déjà insoutenable.
• 0815
Par conséquent, les politiques budgétaires retenues devraient
être conçues non seulement pour stimuler la croissance économique
en tant que telle, mais aussi dans le but de réduire l'écart entre
les riches et les pauvres et pour contribuer à réaliser les
engagements politiques du Canada sur le plan de l'environnement.
Le prochain budget fédéral devrait s'attaquer aux causes de l'augmentation de la pauvreté au Canada. Il devrait présenter une stratégie efficace visant à augmenter le nombre de bons emplois. Il devrait aussi réaliser un investissement important dans le logement abordable et approprié. Ce budget devrait aussi inclure les prochaines étapes à suivre pour mettre sur pied un programme national de prestations pour enfant qui offre une meilleure protection pour les familles à revenu faible, modeste et moyen ayant des enfants, y compris celles qui reçoivent des prestations d'aide sociale.
Bref, le prochain budget fédéral devrait faire un effort intégré afin de réduire le fossé entre les riches et les pauvres.
Le ministre des Finances Martin a présenté un objectif louable pour le Canada à l'aube du prochain millénaire. Cet objectif peut être atteint, et le moment est maintenant venu d'entreprendre un effort décisif pour l'atteindre.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Evie Jesin, présidente de l'Ordre des hygiénistes dentaires de l'Ontario, et Peter Landry, conseiller.
Soyez les bienvenus.
Mme Evie Jesin (présidente, Ordre des hygiénistes dentaires de l'Ontario): Bonjour. Je me nomme Evie Jesin, je suis la présidente de l'Ordre des hygiénistes dentaires de l'Ontario. Je suis accompagnée de Peter Landry, de Public Perspectives Incorporated, qui est un consultant pour l'Ordre des hygiénistes. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de faire cet exposé devant le comité permanent des finances.
L'Ordre des hygiénistes dentaires de l'Ontario est l'organisme réglementaire pour plus de 6 000 hygiénistes dentaires qui exercent leur profession en Ontario. Le mandat de l'Ordre est de réglementer la profession des hygiénistes dentaires dans l'intérêt du public et de faire en sorte que le public reçoive des soins d'hygiène buccale abordables et de qualité.
Les hygiénistes dentaires sont des spécialistes très bien formés et éduqués qui représentent souvent le premier contact dans le système de santé buccale en offrant des traitements préventifs dans les écoles, les centres d'accueil, les installations résidentielles et les hôpitaux. Les hygiénistes dentaires suivent un peu le modèle médical des infirmières. Les hygiénistes dentaires sont en mesure d'offrir le niveau approprié de soins, au moment approprié, à de nombreuses personnes.
Même si l'Ordre sait que l'administration du système de santé relève du gouvernement provincial, il reste que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans l'orientation que prennent les provinces lorsque vient le moment d'allouer des ressources. L'Ordre des hygiénistes dentaires est conscient que les soins de santé figurent en tête de la liste des priorités pour tous les Canadiens.
La raison pour laquelle l'Ordre des hygiénistes dentaires témoigne devant ce comité est double. L'Ordre est préoccupé du fait que la politique publique continue de traiter les soins bucco-dentaires comme étant séparés du reste de l'organisme et de l'ensemble des soins de santé, ce qui est contraire à la preuve médicale. L'Ordre des hygiénistes est aussi préoccupé par le nombre important de Canadiens qui ne reçoivent aucuns soins bucco-dentaires. Dans un pays aussi prospère que le nôtre, c'est carrément inacceptable.
La documentation scientifique actuelle a établi un lien entre les maladies bucco-dentaires et le reste de l'organisme. Nous savons que les maladies parodontales, ou les maladies des tissus de soutien des dents, comptent parmi les affections chroniques humaines les plus répandues, soit 95 p. 100 de toutes les maladies chroniques chez les enfants, les adolescents et les adultes. Si la bouche n'est pas en bonne santé, il en résultera des maladies dans la cavité buccale qui contribueront à affaiblir la santé générale de l'organisme.
Alors que la population canadienne continue d'avancer en âge, de plus en plus de personnes vivent plus longtemps et conservent un plus grand nombre de leurs dents naturelles. L'accès aux services de soins bucco-dentaires augmentera en conséquence.
Un sondage Gallup réalisé en 1997 en Ontario et commandité par l'Ordre des hygiénistes dentaires de l'Ontario a révélé que 25 p. 100 des Ontariens n'avaient reçu aucun service de santé bucco-dentaire au cours des douze mois précédents. Les coûts élevés des soins bucco-dentaires et l'absence de régime d'assurance sont les raisons invoquées par les répondants au sondage.
• 0820
Les personnes ayant le plus besoin de soins bucco-dentaires
sont souvent les personnes âgées, les jeunes de la rue, les enfants
des familles pauvres et à faible revenu et les handicapés. Ce sont
ces mêmes personnes qui n'ont pas les ressources financières
nécessaires pour avoir accès à ces services privés. Elles doivent
faire appel au système de soins de santé subventionné par l'État.
La diapositive no 1 montre un jeune de la rue hospitalisé pour une infection grave des gencives. Il
[Note de la rédaction: difficultés techniques] au moment de l'affection. La diapositive no 2 montre un homme âgé de 45 ans qui souffre d'une maladie grave des gencives et qui a perdu son régime d'assurance dentaire. Sur la dernière diapositive, la diapositive no 3, vous pouvez voir une personne âgée qui est alitée et qui est incapable de payer pour des services de santé bucco-dentaires à même son revenu fixe. Ce ne sont que quelques-uns des exemples de Canadiens qui ont besoin de services d'hygiène dentaire.
Bien des Canadiens ne sont pas en mesure physiquement ou économiquement d'avoir accès aux services d'hygiène bucco-dentaire traditionnels. Cette situation demeure un problème important pour le système des soins de santé, parce que, comme nous le savons, prévenir vaut toujours mieux que guérir. Par exemple, des études récentes ont établi un lien entre une mauvaise santé bucco-dentaire et une augmentation du risque de maladies cardiaques, la cause numéro un de décès chez les Canadiens.
L'Ordre des hygiénistes dentaires reconnaît que si le niveau des soins de santé bucco-dentaires était amélioré pour tous les Canadiens, les économies et les contributions à la qualité de la vie seraient très importantes. Des personnes en santé contribuent à créer une société plus productive. Il est par conséquent dans l'intérêt public d'élargir l'accès aux services de santé bucco-dentaires. Le gouvernement doit maintenant prendre les mesures nécessaires pour corriger cette situation.
L'Ordre des hygiénistes dentaires fait les recommandations suivantes.
Premièrement, les soins de santé bucco-dentaires devraient être inclus dans le système de financement des soins de santé pour tous les Canadiens.
Deuxièmement, le système fiscal devrait être modifié de manière à offrir de meilleurs incitatifs fiscaux aux fournisseurs de soins de santé comme les hygiénistes dentaires qui sont prêts à travailler avec des groupes ne recevant pas suffisamment de services.
Troisièmement, les crédits d'impôt devraient être modifiés pour les familles qui n'ont pas d'assurance dentaire.
Quatrièmement, le gouvernement devrait instituer des mesures d'encouragement au mieux-être pour les personnes qui ont démontré un désir d'adopter un style de vie sain en maintenant une bonne santé bucco-dentaire.
Cinquièmement, la taxe sur les produits et services devrait être éliminée pour des produits d'hygiène préventive comme les brosses à dents, la soie dentaire et le dentifrice thérapeutique.
Sixièmement, encourager la prévention en instituant une campagne de sensibilisation visant à faciliter le passage du modèle de traitement médical au modèle de prévention et de mieux-être.
Et, septièmement, instituer des mesures fiscales et des exemptions pour les programmes de mieux-être et les produits d'hygiène préventive de base contribuerait à aider tous les Canadiens.
En conclusion, l'Ordre des hygiénistes dentaires est convaincu que le comité considérera l'amélioration de l'accès aux mesures de prévention des maladies bucco-dentaires à titre de stratégie valable. Il n'y a aucun doute que la santé bucco-dentaire d'une personne a des incidences sérieuses sur sa santé générale. La santé bucco-dentaire est un déterminant important de la santé générale et ne doit plus être négligée. Nous devons travailler tous ensemble à rétablir les liens entre la bouche et le reste de l'organisme.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Mme Gretchen Van Riesen, directrice générale adjointe, Division des ressources humaines, à CIBC qui représente l'Employer Committee on Health Care - Ontario.
Vous êtes la bienvenue.
Mme Gretchen Van Riesen (directrice, Politique en matière de pensions et d'avantages sociaux, Banque canadienne impériale de commerce; membre de l'Employer Committee on Health Care - Ontario): Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Gretchen Van Riesen, et je suis directrice de la politique en matière de pensions et d'avantages sociaux à la CIBC et aussi membre de l'Employer Committee on Health Care - Ontario, ou ECHCO. Je suis accompagnée de Vic Clive, vice-président adjoint à la rémunération et aux avantages sociaux à Canada Trust, qui est aussi très actif au sein de l'ECHCO.
J'aimerais tout d'abord remercier le comité de nous avoir invités à participer à ces consultations prébudgétaires. Nous avons déjà participé dans le passé et avons toujours apprécié l'écoute que nous avons reçue de la part des membres du comité et la réaction à nos préoccupations. Nous répondrons avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir concernant les travaux de notre comité dans le domaine des soins de santé.
• 0825
L'ECHCO est un groupe de 30 employeurs parmi les plus
importants de l'Ontario. Pour économiser du temps pour le reste de
mes remarques, je n'entrerai pas dans le détail; vous trouverez des
précisions dans la documentation qui accompagne le mémoire. Je
voudrais seulement insister sur le fait que les membres de notre
comité réunis dépensent plus de 1 milliard de dollars à l'échelle
du Canada dans les programmes de soins de santé, ce qui représente
seulement un peu moins de 30 p. 100 du budget total des soins de
santé de ce pays.
D'autres comités d'employeurs comme le nôtre au Canada—en Alberta et au Québec—se penchent sur des questions semblables. Toutefois, nous ne prévoyons pas parler en leur nom en cette occasion. Nous sommes convaincus que vous leur donnerez l'occasion de le faire lors de vos consultations aux quatre coins du pays.
Dans notre exposé d'aujourd'hui, nous aimerions demander au comité de concentrer son attention sur le mémoire que nous avons rédigé concernant l'avenir du système des soins de santé au Canada. Notre mémoire intitulé «Towards Integrated Delivery Systems: An Employer View» a été transmis en même temps que notre mémoire au mois d'août et je pense qu'il doit être entre les mains du greffier aujourd'hui. Ce document encourage les administrations à tous les paliers à commencer à envisager un système intégré pour la prestation des soins de santé plutôt que de continuer à soutenir l'actuel système inefficace et peu rentable qui fonctionne en vase clos.
Il ne faudrait pas vous surprendre qu'un grand nombre de fournisseurs dans l'industrie des soins de santé ne vous tiennent pas le même discours. Les économies qu'un système de prestation des soins intégré propose pourraient avoir une incidence sur les services d'approvisionnement favorisés par un grand nombre de groupes d'intervenants. Notre objectif est d'améliorer la qualité des soins de santé à meilleur coût, un objectif qui, selon nous, devrait être et est étroitement lié aux intérêts de tous les paliers du gouvernement. Mais ce n'est pas nécessairement l'objectif de plusieurs des systèmes cloisonnés du régime de soins de santé qui visent plutôt à protéger leur chasse gardée.
On s'entend habituellement sur le fait que les administrations provinciales doivent restructurer la prestation des soins de santé à l'échelle provinciale afin d'offrir des soins de qualité dans les limites de budget abordables par les contribuables. Là où on ne s'entend plus, c'est sur la façon de procéder.
Injecter davantage d'argent dans le système, même si cet argent était disponible, ne constitue pas nécessairement la réponse. Les comparaisons effectuées à l'échelle internationale indiquent que le niveau total de soutien financier accordé aux soins de santé au Canada en pourcentage du produit intérieur brut compte parmi les plus élevés du monde.
Au Canada, le secteur privé assume environ 30 p. 100 de tous les coûts des soins de santé. En tant qu'employeurs, nous ne recommandons pas nécessairement une réduction des coûts des soins de santé, et nous n'envisageons pas nécessairement de réduire nos cotisations au système. Nous reconnaissons que les employeurs doivent continuer d'assumer en partie les coûts des soins de santé par l'entremise des charges sociales ou des impôts généraux.
Avec une meilleure intégration des services, l'Ontario et les autres provinces au sein desquelles nos membres exploitent des entreprises pourraient offrir de meilleurs soins de santé dans les limites des budgets existants. Des augmentations futures de coûts ou des répercussions des coûts doivent être endiguées au moyen d'une gestion resserrée des soins de santé si non seulement nous voulons maintenir les normes actuelles, mais aussi les améliorer.
Plusieurs ministres de la Santé provinciaux ont identifié le besoin de doter le régime des soins de santé d'une vision. L'articulation et la communication d'une vision complète sont essentielles pour réunir des intérêts disparates. Cette vision doit se concentrer sur les besoins des personnes les plus importantes dans ce système: la population du Canada. L'Employer Committee on Health Care - Ontario recommande instamment que tous les gouvernements s'engagent dès maintenant à fournir des soins de santé par l'entremise de systèmes de prestation intégrés.
Les systèmes de prestation intégrés permettent d'offrir la gamme complète des soins de santé, y compris les soins primaires et aigus, de même que la promotion de la santé, la prévention de la maladie, la réadaptation et les soins palliatifs. Le financement et la gestion sont axés sur le consommateur; ils sont orientés vers la santé de la communauté.
Les systèmes de prestation intégrés se concentrent sur les consommateurs de soins de santé, et non sur les fournisseurs. Les soins et les mesures de prévention sont offerts dans le cadre le plus approprié—qui peut être soit la collectivité, l'hôpital ou une autre institution—et sont offerts par le fournisseur le plus compétent. Les patients sont inscrits sur une liste, et le financement des systèmes de prestation intégrés est fondé sur le nombre de personnes qui figurent sur la liste, pondéré par les facteurs d'incidence générale tels que l'âge, le sexe et les statistiques sur la santé pour cette collectivité.
Les systèmes de prestation intégrés sont le payeur unique pour tous les services, traitements et médicaments prescrits nécessaires. Le financement peut provenir de diverses sources, mais il est établi en fonction du consommateur inscrit. Les techniques modernes d'information et la prise de décisions fondées sur l'expérience clinique sont essentielles pour effectuer le suivi des traitements et des résultats cliniques de même que pour élaborer des lignes directrices en matière d'ordonnance. Les systèmes de prestation intégrés sont responsables sur le plan clinique et budgétaire de l'atteinte du meilleur équilibre entre les résultats, l'opportunité et les coûts.
Nous sommes convaincus que cette vision est accessible et qu'elle est dans le meilleur intérêt de la population du Canada. Les systèmes de prestation intégrés permettront d'obtenir de meilleurs résultats, de fournir de meilleurs services au public et d'effectuer un contrôle plus serré des coûts que les autres solutions proposées.
Dans l'intérêt d'offrir des soins de santé complets et efficaces, nous ne recommandons pas la création de systèmes de santé administrés et axés sur les fournisseurs ou de systèmes de soins de santé proposés dans certaines provinces qui se contentent de fournir les services et les soins qui sont actuellement assurés par les gouvernements provinciaux. Nous ne nous faisons pas non plus les défenseurs des organismes de soins de santé du type américain. Notre vision va au-delà de la réduction ou de la compression des coûts, et vise plutôt la prestation de meilleurs soins de santé.
• 0830
Nous nous trouvons à la croisée des chemins en ce qui concerne
les soins de santé. Le gouvernement peut commencer à élaborer une
vision complète des systèmes de prestation intégrés ou alors il
peut continuer à manoeuvrer pour effectuer des réorganisations
fragmentées de la prestation des soins de santé, qui sont trop
souvent motivées par des considérations politiques ou des jeux de
coulisse.
La progression du ministère provincial de la Santé pourrait être freinée par le grand nombre des programmes en concurrence. Le gouvernement doit prendre les devants et imposer une vision plus large. Il faudra peut-être cinq à dix ans pour mettre en place le cadre du système de prestation intégré, pour atteindre l'objectif que nous visons, mais il faut jeter dès maintenant les bases de ce projet.
Les systèmes de prestation intégrés fourniront un contexte au sein duquel on pourra entreprendre les réformes actuelles des soins de santé, notamment la réorganisation des hôpitaux, des soins primaires, des soins communautaires et dans trois ans, l'examen de la rémunération des médecins en Ontario.
Les systèmes de prestation intégrés serviront aussi à mettre en place le cadre de responsabilisation qui s'impose. À titre d'employeurs, nous sommes à même de constater des lacunes importantes dans la structure actuelle du secteur de la prestation des soins de santé. De toute évidence, les clients ne paient pas les fournisseurs, et les payeurs sont extérieurs au système. L'industrie est dirigée par le côté approvisionnement et souvent même par les fournisseurs. Il n'y a aucun accent sur la responsabilisation en matière de résultats ou de coûts.
Nous reconnaissons que la mise sur pied des systèmes de prestation intégrés présentera de grands défis sur le plan politique, administratif et d'éducation du public. Nous offrons notre appui. Les membres de l'ECHCO ne sont pas des spécialistes en matière de soins de santé, même si nous faisons appel à d'excellents conseillers dans le domaine. Il y a quelques années, le Conseil du premier ministre de l'Ontario avait déclaré que la réforme du système des soins de santé de la province passerait par l'amélioration de la productivité, de l'éducation, de la gestion des ressources humaines et la consultation. Ce sont tous des domaines dans lesquels nous possédons de l'expertise.
En conclusion, et en réponse aux questions que votre comité nous a posées dans le cadre du processus de consultation concernant le nouveau dividende fiscal, nous recommandons instamment au gouvernement de ne pas dépenser davantage d'argent en matière de services de soins de santé, mais plutôt de trouver de nouveaux moyens d'encourager et de favoriser des projets-pilotes efficaces et de mettre en oeuvre, en bout de ligne, un système de prestation des soins de santé intégré. Il est capital que les gouvernements fédéral et provinciaux assument un leadership en ce domaine. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre plus longtemps, la population vieillit et la pression augmente sur le système de soins de santé. Le moment est venu d'agir.
Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup, Mme Van Riesen.
Nous allons maintenant passer à l'Ontario Public Health Association, et nous entendrons M. Brian Hyndman.
Vous êtes le bienvenu.
M. Brian Hyndman (président, Ontario Public Health Association): Bonjour. Je m'appelle Brian Hyndman, je suis président de l'Ontario Public Health Association et je suis accompagné de Debbie Sheehan, qui est coprésidente de notre groupe de travail sur la santé des enfants.
Je décrirai très brièvement l'organisation dont nous faisons partie. L'Ontario Public Health Association est un regroupement de bénévoles au sein d'organismes de charité sans but lucratif qui proviennent de divers secteurs et domaines et qui sont actifs au sein de la communauté et dans les milieux de la santé publique en Ontario. À titre d'organisation, nous représentons les intérêts de près de 3 000 personnes qui oeuvrent dans le domaine de la santé publique et communautaire, y compris les infirmières de la santé publique, les dentistes de l'hygiène publique, les épidémiologistes, les inspecteurs hygiénistes et les travailleurs faisant la promotion de la santé entre autres. Notre mission consiste à renforcer l'influence des personnes qui sont actives dans les programmes de santé communautaire et de santé publique au moyen d'activités éducatives, du partage de l'information, du réseautage, de moyens de pression et d'activités de publicité justificative.
Nous aimerions remercier le comité de nous avoir donné la possibilité de participer aux consultations prébudgétaires ce matin. Notre exposé portera sur les principales mesures qui, à notre avis, devraient être prises par le gouvernement fédéral afin de soutenir une croissance saine et un développement harmonieux des enfants canadiens.
Nous avons identifié la santé des enfants comme étant une priorité élevée de notre organisation parce que nous sommes profondément convaincus que d'offrir un départ sain dans la vie et un milieu favorable joue un rôle essentiel dans le maintien de la santé des enfants pendant leur développement jusqu'à l'âge adulte. À long terme, en soutenant la croissance saine des enfants et leur développement nous obtiendrons une société en meilleure santé et plus productive et nous contribuerons aussi à réduire les coûts des soins de santé et d'autres coûts sociaux qui sont assumés par les gouvernements à la longue.
Si vous vous rendez à la page 7 du mémoire que nous vous avons distribué, vous verrez que nous faisons huit recommandations pour des mesures qui devraient être prises par le gouvernement fédéral afin d'investir dans la croissance saine et le développement des enfants. Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a amorcé le mouvement dans certains de ces domaines, notamment dans les programmes communautaires de nutrition prénatale et les programmes de développement sain, mais il est nécessaire de prendre des mesures additionnelles afin de renforcer l'impact des efforts actuels et de s'assurer de doter les enfants canadiens d'un milieu favorable à leur santé.
• 0835
Je vais maintenant demander à Debbie de vous parler de
certaines de ces recommandations de façon plus détaillée.
Mme Debbie Sheehan (coprésidente, Child Health Work Group, Ontario Public Health Association): Bonjour. Nous sommes devant vous aujourd'hui pour faire état de huit recommandations concernant le financement qui devrait être accordé en priorité pour venir en aide aux enfants et aux familles du Canada. Toutes nos recommandations sont fondées sur des recherches probantes. Les documents d'information et de référence qui sont à la base de nos recommandations figurent dans le mémoire que nous avons rédigé à votre intention.
La première recommandation vise à investir dans des programmes d'intervention précoce auprès des enfants de la naissance à six ans. Cette recommandation s'appuie sur les travaux effectués par le Dr Fraser Mustard, qui affirme que les expériences vécues dans l'enfance et la petite enfance ont des répercussions profondes sur toute l'existence de la personne de même que sur le développement et la santé globale et le mieux-être de nos enfants.
Deuxièmement, on a noté très peu d'amélioration en ce qui concerne le taux de faible poids de naissance des nouveau-nés au Canada au cours des vingt dernières années. Nous recommandons par conséquent que l'on poursuive le financement des programmes qui favorisent une meilleure nutrition prénatale de même que la mobilisation dans les communautés défavorisées de notre pays. Des exemples précis de ces initiatives comprennent notamment le programme de nutrition prénatale du Canada et le programme d'action communautaire pour les enfants.
Nous recommandons aussi que le gouvernement affecte des fonds aux programmes de visites à domicile afin de venir en aide aux familles et aux jeunes enfants vulnérables. Il existe des éléments de recherche probants selon lesquels les visites à domicile effectuées par des infirmières auprès de femmes à faible revenu qui sont enceintes ou qui ont de jeunes enfants contribuent à réduire les blessures chez les enfants, la violence et la négligence envers les enfants de même que l'utilisation de l'aide sociale.
De plus, nous recommandons que l'on alloue un financement additionnel aux projets de recherche qui serviront à évaluer l'efficacité des programmes de santé et de promotion de la santé de la population conçus pour améliorer la santé des enfants.
Merci.
M. Brian Hyndman: J'aimerais vous entretenir brièvement des quatre dernières recommandations.
À un niveau de politique un peu plus macroéconomique, il est important que les gouvernements investissent dans des programmes de soins aux enfants abordables et de haute qualité. À l'heure actuelle, environ 32 p. 100 des enfants âgés de moins de 12 ans bénéficient, d'une manière ou d'une autre, des services de garde d'enfants; et étant donné le temps que les enfants passent dans ces programmes d'aide à l'enfance, il est important de nous assurer de l'accessibilité, de l'abordabilité et de la qualité de ces services.
Il est important, en particulier, d'offrir un éventail plus large d'options en matière de soins aux enfants afin que ce programme soit mieux adapté aux besoins des familles individuelles, notamment celles dont les parents doivent travailler sur des quarts et les week-ends. Des quarts de travail épisodiques contribuent à empêcher l'enfant d'avoir accès à des programmes de qualité.
Sixièmement, il est important aussi d'encourager la promotion de la santé à l'échelle communautaire de même que les programmes de santé de la population, notamment dans le cadre de campagnes préconceptuelles de promotion de la santé portant sur les risques pour la santé liés à la grossesse. Nous constatons que ces travaux constituent un bon complément des investissements actuels du gouvernements fédéral dans les programmes pour enfants tels que le RAPC et le PCNP.
Septièmement, reconnaître l'importance de déterminants plus larges de la santé en favorisant un développement sain de l'enfant et en adoptant les stratégies appropriées. Il est d'une importance capitale que les enfants puissent vivre dans un milieu favorable à leur croissance et à leur développement. Cela inclut un logement adéquat et abordable, une alimentation suffisante, un milieu biophysique sain, et un cadre scolaire salubre entre autres choses.
À cette fin, il est essentiel que le gouvernement adopte des politiques budgétaires visant à éliminer la pauvreté infantile. Ici en Ontario, nous avons constaté une augmentation de 8 p. 100 du taux de pauvreté infantile depuis les six dernières années et la recherche indique de façon continue que les niveaux plus élevés de pauvreté infantile sont associés à une mauvaise santé et à une plus forte incidence de maladies évitables.
À titre d'organisation, nous appuyons entièrement les réformes suggérées dans le cadre de Campagne 2000, notamment l'indexation complète de la prestation fiscale pour enfants à l'inflation et la fourniture d'une enveloppe nationale aux provinces pour des programmes de développement précoce complets et des programmes de soins aux enfants. Nous encourageons fortement le gouvernement fédéral à mettre en oeuvre ces recommandations visant à éliminer la pauvreté infantile et ses conséquences connexes sur la santé et la société.
Voici qui résume nos recommandations. Nous tenons à vous remercier de nous avoir donné la possibilité de venir témoigner et de les partager avec vous.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période de questions. Commençons avec M. Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Est-ce mon imagination ou fait-il vraiment froid ici? Nous sommes en train de discuter d'un thème sur les soins de santé. Nous aurons besoin des soins de santé d'ici la fin de la journée si la situation perdure. Peut-être que quelqu'un pourrait s'en occuper. Nous aurons bientôt besoin de sacs de couchage pour nous réchauffer.
J'aimerais remercier tous les témoins, au nom de notre comité, pour leurs exposés très intéressants. Je dois dire que je suis moi-même d'accord avec la plupart des recommandations qui ont été faites, à quelques exceptions près.
Gretchen, puis-je vous poser une question? Vous mentionnez un système intégré. Considérant la déclaration faite par M. Martin hier, dans laquelle il suggérait de ne plus injecter d'autre argent mais plutôt de modifier le système et d'en améliorer l'efficacité au moyen de cette approche intégrée...
Dans l'exposé, vous vous référez spécifiquement, à la page 2, à des organismes de prestation de soins de santé administrés et axés sur les fournisseurs, des organismes de services de santé et des organismes de gestion des soins de santé américains. Pouvez-vous nous expliquer très précisément en quoi votre proposition de système intégré diffère de chacun de ceux que je viens de mentionner?
Mme Gretchen Van Riesen: La différence fondamentale avec un système intégré tient à l'exhaustivité de la couverture. Nous verrions cette couverture inclure les médicaments, par exemple, alors que les services de santé actuels ne vont pas au-delà des limites des services assurés actuellement. Donc, premièrement, il est plus complet.
Deuxièmement, il existe des similitudes avec les systèmes fondés sur la technologie qui permettraient à divers fournisseurs à l'intérieur du système de partager l'information et c'est là que certaines des économies pourraient être réalisées. La proposition relative aux systèmes de prestation intégrés que nous avons mise de l'avant va probablement plus loin que les autres propositions que nous avons entendues concernant les organisations actuelles de services de santé.
Je ne sais pas si j'ai été suffisamment précise. J'aimerais insister sur l'exhaustivité comme étant probablement la différence la plus importante.
M. Nelson Riis: Merci. C'est très bien.
Madame Jesin, je suppose que dans votre exposé, lorsque vous avez établi un lien entre la santé bucco-dentaire et les maladies cardiaques, vous parliez essentiellement du mieux-être. Si j'ai une bouche en santé, dans ce cas probablement que les autres parties de l'organisme seront en santé aussi. Est-ce une bonne hypothèse?
Mme Evie Jesin: C'est exact. Nous pensons réellement que la bouche est la porte d'entrée de l'organisme. Si la bouche n'est pas en santé, dans ce cas les bactéries qui l'envahissent peuvent être la cause de problèmes importants ailleurs dans l'organisme.
M. Nelson Riis: Merci. C'était un excellent exposé.
Ian, dans votre exposé, vous dites qu'à l'exception des personnes âgées de moins de 25 ans et de celles âgées de plus de 65 ans, nous constatons que 25 p. 100 des Canadiens participent à un plan de retraite permettant de différer le paiement des impôts. Pouvez-vous nous fournir d'autres renseignements en ce qui concerne la valeur de ces cotisations et le nombre de personnes qui contribuent réellement à ces plans de retraite afin de nous donner une idée de la façon dont ils sont utilisés pour garantir une retraite éventuelle?
Nous avons souvent l'impression que ces régimes sont bien établis, mais si vous considérez les chiffres que vous nous avez fournis, ce n'est pas très encourageant en ce qui concerne les personnes qui sont en mesure de mettre suffisamment d'argent de côté pour se protéger au moment de la retraite.
M. Ian Markham: C'est un système assez compliqué. Le montant que les personnes cotisent varie de 0 bien entendu jusqu'à une limite de 13 500 $. Nous parlons ici du système des REER.
M. Nelson Riis: Quel pourcentage des contribuables se prévaudrait de la limite supérieure?
M. Ian Markham: Je dirais que cela représente 5 p. 100 des Canadiens. Si vous considérez l'Ontario, je rappelle que 15 p. 100 des contribuables ontariens gagnent plus que le double du salaire moyen, aussi j'imagine que de ces 15 p. 100, peut-être le tiers ou la moitié pourraient tirer profit de leurs limites maximales de cotisation aux REER. Mais c'est une supposition.
M. Nelson Riis: Vous voulez augmenter le contenu étranger dans les REER. Vous savez probablement, je suppose, que dans certaines compétences, qui permettent un plafond plus élevé, ce plafond dépasse rarement les 20 p. 100. Lorsque les gens ont la possibilité d'investir davantage que 20 p. 100 dans un portefeuille équilibré, très peu s'en prévalent. Aussi, pourquoi devrions-nous élever le nôtre, si en fait personne ne l'utilise?
M. Ian Markham: Il y a à cela plusieurs raisons. Mais si vous parlez des REER, vous devez aussi tenir compte des régimes privés de retraite. La limite s'applique aux deux réunis.
• 0845
L'objectif des Canadiens en ce qui concernent les sommes
versées dans le régime de retraite de l'employeur et leur propre
argent consiste à maximiser leur revenu de retraite pour l'avenir.
M. Nelson Riis: Je comprends l'argument, mais comme je l'ai déjà dit, dans certaines compétences où vous n'avez pas ces limites, il est très rare que les gens dépassent la limite de 20 p. 100.
M. Ian Markham: Non, ce n'est pas vrai. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, par exemple... J'aimerais vous parler surtout du Royaume-Uni. Dans ce pays, il n'y a absolument aucune limite, et elle se situe quelque part entre 26 p. 100 et 27 p. 100. Je pense que les Pays-Bas n'ont pas de limite non plus ou alors une limite qui peut être contournée, et il me semble qu'ils se soient stabilisés à un niveau à peu près semblable.
M. Nelson Riis: Il pourrait être utile de nous fournir certaines statistiques sur ce sujet, parce que...
M. Ian Markham: Je les ai justement ici.
M. Nelson Riis: D'accord. Nous allons jeter un coup d'oeil à ces chiffres, parce que les autres ont dit pratiquement le contraire. Il pourrait y avoir une ou deux compétences en fait mais, encore une fois, nous atteignons un sommet avec 26 p. 100. Est-ce que c'est vraiment un gros problème? Particulièrement, lorsqu'il s'agit de régimes qui sont en partie des abris fiscaux, lorsque les gens obtiennent une prestation fiscale au Canada pour y investir et que cela contribue à aider des économies à l'étranger, nous devons nous poser aussi certaines questions d'ordre éthique.
M. Ian Markham: Revenons un peu en arrière, au Royaume-Uni, 26 p. 100 des actifs de pension sont investis à l'extérieur du pays et aux Pays-Bas, il s'agit de 27 p. 100.
M. Nelson Riis: Est-ce que vous avez certaines préoccupations concernant le fait que, comme je l'ai dit, ce sont des régimes qui sont plus ou moins des abris fiscaux et, par conséquent, la société canadienne ne reçoit pas les recettes qu'elle devrait normalement en retirer? Est-ce que vous n'avez pas de problème avec cette idée que les gens utilisent leurs investissements pour aider les économies situées ailleurs dans le monde? Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir certaines limites ou peut-être seriez-vous satisfait si vous pouviez investir 100 p. 100 de vos régimes permettant de différer le paiement d'impôt dans des investissements étrangers?
Mme Wendy Gauthier (membre, Commission d'étude sur le revenu de retraite, Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite): La principale préoccupation du répondant d'un régime de retraite est, comme l'a dit Ian, de maximiser l'épargne-retraite pour les prestataires de la fiducie. Une bonne administration d'un régime de retraite dicte qu'il s'agit de la première préoccupation, par opposition à toutes les autres questions comme l'investissement social et d'autres types de priorités.
Mme Gretchen Van Riesen: Puis-je ajouter quelque chose à cela? Rappelez-vous qu'en fait, en investissant à l'extérieur du Canada, on améliore le rendement global du fonds, qui éventuellement revient au pays. On en revient à la question du fonds de pension canadien qui est alors investi principalement dans des actifs canadiens. Donc rappelez-vous, il y a certainement une incidence sur le Canada si on améliore le rendement des investissements.
M. Nelson Riis: Oui, effectivement.
Greg, dans votre exposé, l'objectif fondamental était que l'écart s'élargit entre les riches et les pauvres, écart qui se creuse davantage chaque jour, j'en ai bien peur. Vous essayez de trouver des initiatives qui permettraient de rétrécir cet écart. Ma question est la suivante: «Voyez-vous des mesures qui pourraient être prises soit par le gouvernement fédéral ou par le gouvernement provincial ici en Ontario qui permettraient de réduire cet écart? Nous avons déjà identifié un certain nombre d'initiatives qui contribuent à creuser cet écart, et vous nous en avez nommées quelques-unes, mais êtes-vous en mesure de nous fournir un exemple d'un programme ou d'une initiative qui contribuerait à réduire considérablement cet écart?»
M. Greg deGroot-Maggetti: On pourrait signaler le programme de prestation fiscale pour enfant national comme étant la première mesure qui possède certaines possibilités de réduire cet écart et de diminuer le problème de la pauvreté infantile, mais comme je l'ai déjà souligné dans mon exposé, il nous faut d'abord jeter un coup d'oeil intégré à tous les différents programmes.
Les changements apportés au programme du fonds de l'assurance-emploi étaient conçus pour le transformer et le faire passer d'un programme de soutien du revenu passif en un programme d'emploi actif. Lorsqu'un programme ne fournit plus de prestations aux deux tiers des personnes qui y cotisent, il n'est plus ni un programme actif ni un programme de soutien du revenu passif. C'est pourquoi nous disons qu'il faut étudier les changements qui pourraient être apportés et les évaluer afin de voir si un programme comme celui de l'assurance-emploi peut réellement contribuer à remettre les gens au travail et les aider à se trouver un emploi.
Existe-t-il d'autres exemples de programmes qui ont été mis en place à l'échelle fédérale ou provinciale et qui contribuent à réduire cet écart? Je ne peux pas vous en nommer beaucoup.
M. Gerald Vandezande: Si je peux ajouter quelque chose, cela m'amène à une opinion que j'ai exprimée antérieurement. Même si l'intégration aux mécanismes d'élaboration des politiques du gouvernement était soulignée dans le premier livre rouge, il est tout à fait évident que nous en sommes très loin.
• 0850
Même dans le discours prononcé hier par M. Martin, vous pouvez
constater une approche unidimensionnelle à l'élaboration du budget.
Nous faisons ces choses tout d'abord, même si lui—et je lui ai
parlé en privé à ce sujet—même si lui admet qu'au cours du
processus, en suivant l'avenue de la réduction de la dette vous
créez une autre dette que vous devrez régler tôt ou tard. Vient
ensuite cette rhétorique phénoménale concernant la façon dont nous
devons procéder pour combler l'écart entre les riches et les
pauvres. À notre avis, l'intégration des mécanismes d'élaboration
des politiques empêche à la fois de créer une dette sur le plan
budgétaire et social de même que sur le plan de l'environnement.
Mais si vous arrivez à créer une dette sociale en voulant réduire
une dette budgétaire, dans ce cas vous créez davantage de problèmes
que vous n'en réglez.
Nous espérons que le ministre des Finances prendra au sérieux les recommandations qu'il a faites lui-même au Parlement dans le passé; sa propre plate-forme politique, ses propres discours, et surtout celui qu'il a prononcé lors de la conférence de Couchiching; et même sa rhétorique d'hier. On ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Le gouvernement doit livrer la marchandise en ce qui concerne son propre engagement vis-à-vis de la pauvreté infantile, par exemple.
Vers la fin de son discours, M. Martin a déclaré: «Demandez aux personnes qui se portent à la défense d'une augmentation des dépenses pour les programmes comment ils entendent procéder pour financer ces dépenses». Ma réponse à cette question est la suivante: «Éliminez ou réduisez le plafond sur les REER, par exemple». Je fais cette suggestion à dessein, en présence de nos amis ici.
La structure fiscale des REER est tout à fait inéquitable. S'il y avait un crédit d'impôt—et je suis comptable en prix de revient de formation—ce serait beaucoup mieux. Mais à l'heure actuelle, une personne à faible revenu qui cotise à un REER n'obtient pas le même crédit d'impôt qu'une personne qui a un revenu élevé.
En intégrant la structure fiscale et en s'assurant que les personnes à faible revenu obtiennent les mêmes crédits d'impôt que les personnes à revenu élevé, on permettrait aux deux de financer l'élimination de la pauvreté infantile, comme le ministre des Finances l'a promis à maintes reprises, et ce serait un moyen d'intégrer la politique publique. Cela contribuerait aussi à dissiper le soupçon qui pèse sur le premier ministre et le ministre des Finances; on pourrait ainsi assainir l'atmosphère.
Est-ce que nous nous sommes engagés à éliminer les deux démons de la dette financière et de la dette sociale? Si c'est ce que nous faisons, eh bien, éliminons simultanément ces deux dettes. Parce qu'en réalité ce que nous sommes en train de faire c'est d'augmenter le déficit social et environnemental, de diminuer la dette financière et de créer encore plus de problèmes.
Le président: Merci.
Monsieur Markham, est-ce que vous aimeriez répondre?
M. Ian Markham: Est-ce que vous suggérez que le problème de la pauvreté infantile pourrait être résolu en abaissant le plafond des REER?
M. Gerald Vandezande: C'est un moyen d'y arriver. Les chiffres nous indiquent que le Canadien moyen cotise environ 7 000 $ dans son REER. Pourquoi est-ce que les gens à revenu élevé auraient la possibilité de mettre encore plus d'argent de côté, avec l'aide du gouvernement—des recettes fiscales qui pourraient être utilisées à meilleur escient pour réduire l'écart entre les riches et les pauvres et créer des emplois?
Par-dessus le marché, comme l'a souligné M. Riis, nous permettons de plus en plus les investissements à l'étranger, et il n'y a rien qui garantisse que cet argent reviendra d'une manière ou d'une autre. Ce n'est pas ainsi que nous créerons les emplois dont ce pays a besoin et que nous réduirons l'écart entre les riches et les pauvres. Cette façon de procéder ne fait qu'améliorer la rentabilité des fonds d'investissement à l'étranger sur le dos des Canadiens ordinaires qui doivent financer le remboursement d'impôt qui va dans les poches des personnes à revenu élevé qui réclament le maximum de déductions pour leurs REER.
M. Ian Markham: Vous passez sous silence le fait que les salariés à revenu élevé—c'est ainsi que vous les appelez—paient beaucoup plus d'impôts que les salariés à faible revenu.
M. Gerald Vandezande: Pas proportionnellement, monsieur. Il y a toutes sortes de statistiques qui montrent que les salariés à faible revenu et à revenu moyen paient en proportion davantage d'impôts que les salariés à revenu élevé. C'est pourquoi nous recommandons l'établissement d'une commission de l'équité fiscale, pour qu'avant le prochain budget, nous puissions disposer d'une analyse fouillée effectuée sur une base de comparaisons qui montrerait clairement qui paie les impôts et qui en profite.
M. Ian Markham: Voulez-vous éliminer, pour les personnes qui gagnent disons le double du salaire moyen, la possibilité d'épargner en vue de leur propre retraite?
M. Gerald Vandezande: Je veux seulement m'assurer que quiconque peut participer dans la création de...
M. Ian Markham: Vous négligez le fait que dans d'autres pays—par exemple, les pays où il faut faire très attention de ne pas laisser nos personnes âgées émigrer et d'où nous aimerions bien attirer les talents—les limites sont le double des nôtres, et même davantage.
• 0855
Vous négligez aussi le fait que les salariés à faible revenu
reçoivent déjà passablement d'aide de la part du gouvernement au
moment de leur retraite et qu'ils bénéficient de meilleurs
avantages que les salariés à haut revenu. Nous disposons déjà de
mesures de récupération dans le cadre de la sécurité de la
vieillesse par exemple et ainsi de suite.
M. Gerald Vandezande: Je ne veux pas passer sous silence aucune de ces situations.
M. Ian Markham: Nous devons absolument rendre notre système fiscal équitable.
M. Gerald Vandezande: Ma préoccupation concerne le fait que des personnes ne devraient pas vivre dans la pauvreté jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge de la sécurité de la vieillesse. C'est ma principale préoccupation, et actuellement on encourage cette situation grâce à une formule de déduction au niveau des REER qui est carrément injuste et qui fait de la discrimination à l'endroit des salariés à faible revenu.
M. Ian Markham: Si vous vous rappelez, l'un des huit points que j'ai mentionnés était que les personnes âgées reçoivent actuellement un montant de 11 000 $ non imposable si elles vivent seules, tandis que les travailleurs canadiens ne reçoivent que 7 000 $ s'ils sont célibataires. Nous sommes d'accord qu'il s'agit d'une anomalie du système fiscal.
M. Gerald Vandezande: Je suis content de voir que vous l'admettez.
M. Ian Markham: Mais nous ne voulons pas que cette situation soit corrigée sur le dos des personnes qui gagnent plus du double du salaire moyen de sorte qu'ils ne pourront pas avoir accès à un revenu raisonnable au moment de la retraite.
M. Gerald Vandezande: Je ne suggère pas que le fardeau au complet soit imposé aux personnes qui gagnent le double du revenu des autres, mais je fais référence aux salariés à très faible revenu qui ne reçoivent pas tous les avantages auxquels ils auraient droit.
Je suis d'accord avec votre recommandation selon laquelle nous devrions nous assurer que les personnes qui n'ont pas encore droit à une pension ne soient pas injustement traitées par le système fiscal. C'est précisément pourquoi je me fais le défenseur de ce point de vue. Tant que nous n'aurons pas corrigé cette anomalie, nous perpétuerons ces iniquités, et ces personnes ne pourront cotiser dans un REER avec la formule que vous proposez.
Nous avons besoin d'une commission de l'équité fiscale pour analyser, de préférence avant le dépôt du prochain budget quelles mesures fiscales profiteraient à qui et aux dépens de qui, de sorte que, collectivement, nous puissions mettre l'épaule à la roue et alléger le fardeau à la fois du déficit social et de la dette financière. Mais en suggérant, à l'instar de votre groupe et d'autres personnes, que les investissements étrangers devraient augmenter, et en nous privant par le fait même d'investissements qui seraient nécessaires pour créer des emplois au Canada et en forçant le gouvernement canadien à emprunter davantage des prêteurs internationaux, ce qui nous occasionne précisément le genre de crise du dollar que nous vivons actuellement...
M. Ian Markham: Toutes les études réalisées par les spécialistes du domaine de l'investissement...
M. Gerald Vandezande: J'aimerais qu'une étude soit effectuée par des gens qui ne sont pas dans le domaine des investissements.
M. Ian Markham: ... et des économistes qui le comprennent bien, diront que la limite de 20 p. 100 est coûteuse pour le Canada.
Si je peux prendre une minute, Keith Ambachtsheer est peut-être l'une des personnes les plus reconnues au Canada pour son expertise dans ce domaine. Le présent document que l'ACARR a produit concernant la stratégie sur les revenus de retraite, et à laquelle nous avons participé tous les trois, énonce certaines des raisons pour lesquelles il faudrait élever le plafond de 20 p. 100. Si je pouvais passer en revue une ou deux de ces raisons, cela pourrait peut-être vous aider à comprendre.
M. Gerald Vandezande: Bien sûr, allez-y.
M. Ian Markham: Le Canada est actuellement l'un des principaux exportateurs de même qu'un importateur de capitaux. À l'heure actuelle il importe pratiquement autant qu'il exporte. Donc, il n'est plus nécessaire de contrebalancer le déséquilibre des mouvements de capitaux en maintenant captifs les capitaux nationaux.
Je vais maintenant passer à un point qui est peut-être plus pertinent par rapport à ce que vous dites. Cette limite ne nous donne pas plus de capitaux d'investissement disponibles au Canada. Elle ne fait que déplacer les capitaux étrangers, et les remplacer par des capitaux canadiens. Lorsqu'il y a trop de capitaux canadiens et pas assez de capitaux étrangers sur les marchés financiers canadiens, le coût du capital canadien devient plus élevé que nécessaire, ce qui entraîne des effets négatifs pour les émetteurs de valeurs.
Si vous examinez l'incidence sur les Canadiens qui détiennent des REER et des régimes de retraite, le coût annuel estimé dans l'avenir de cette limite se situe à environ 0,2 p. 100 de l'actif du fonds. Si vous faites des calculs, cela se chiffre à un peu plus de 1 milliard de dollars par année de recettes délaissées. Si vous traduisez ce montant en pertes de prestations de retraite à l'avenir, cela représente une diminution d'environ 3 ou 4 p. 100 des futures prestations de retraite pour toutes les personnes qui cotisent aux régimes de retraite et qui détiennent un REER.
C'est totalement incohérent avec les exigences de la loi selon laquelle les gestionnaires de fonds de retraite canadiens doivent s'acquitter de leurs responsabilités de fiduciaires en maximisant le rendement.
M. Gerald Vandezande: Permettez-moi d'ajouter, monsieur le président, que peut-être même cette loi—selon laquelle les gestionnaires doivent maximiser le rendement sur l'investissement sans égard à l'intérêt du public canadien—est une question cruciale que nous devons aborder.
• 0900
Laissez-moi seulement dire quelque chose concernant le point
que vous venez de soulever au sujet du capital canadien qui
deviendrait captif. Ces dernières semaines, nous avons vu un
gouvernement provincial devoir rajuster brusquement ses prévisions
budgétaires parce que les versements d'intérêt sur ses emprunts à
l'étranger, qui doivent être versés en dollars américains,
entraînaient un déficit, plutôt qu'un surplus en Nouvelle-Écosse.
Si nos investisseurs canadiens avaient vraiment à coeur les intérêts des Canadiens, le mieux-être des Canadiens et de l'économie canadienne, je suis persuadé, ayant travaillé avec le secteur bancaire et le secteur des investissements, que ces investisseurs canadiens investiraient avec sagesse dans des projets au pays qui auraient un aussi bon rendement que ceux de l'étranger.
En tout état de cause, vos déclarations sont plus ou moins l'équivalent de ce que les spéculateurs internationaux font actuellement sur les grands marchés: ils déplacent leur argent là où ils le désirent sans égard aux frontières, sans égard à l'intérêt national et sans tenir compte des besoins du peuple canadien. Il est grand temps que l'industrie des investissements canadienne, le secteur bancaire canadien et le gouvernement du Canada disent: «Nous sommes d'abord Canadiens, et nous allons faire en sorte qu'il n'y ait pas 1,5 million d'enfants pauvres dans ce pays.»
Je serais ravi de voir les courtiers en valeurs mobilières canadiens régler cette question et j'aimerais bien répondre en détail à cette fameuse étude. Ce que nous demandons finalement, c'est une étude indépendante qui analyserait sérieusement ce que vous avez déposé devant nous, et nous aimerions d'ailleurs y avoir accès, pour pouvoir effectuer une analyse comparative.
Il est clair d'après le discours de M. Martin que les mesures qu'il a proposées à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international—et j'ai pris connaissance de ces mesures—que nous devons commencer à réglementer afin de déterminer qui investit et aux dépens de qui... Nous devons commencer cet exercice au pays, sinon nous risquons de créer, au moyen de ces politiques d'investissement erronées, le même chaos qui est en train de s'installer à l'échelle internationale.
Je ne sais pas dans quelle mesure vous contribuez, en faisant des investissements à l'étranger, à la stabilité et à la viabilité du Canada.
Le président: Merci beaucoup. Le document auquel vous faites référence, monsieur Vandezande, est du domaine public.
M. Gerald Vandezande: Oh, je le savais.
Le président: Donc si vous voulez réagir à ce document, nous serions ravis de lire votre réponse.
M. Gerald Vandezande: Je n'y manquerai pas. Et peut-être que nous pourrions obtenir un peu de financement à partir de cet argent qu'ils ont réalisé à l'étranger afin d'effectuer une analyse adéquate.
Le président: Peut-être que vous pourriez communiquer avec certains courtiers en valeurs mobilières.
Des voix: Oh, oh!
M. Gerald Vandezande: Oui.
Le président: Un dernier commentaire, monsieur Markham.
M. Ian Markham: Réfléchissez un peu au message que cette limite envoie aux investisseurs étrangers. Ils ont l'argent et ils peuvent l'investir dans certains pays autour du monde. Devraient-ils investir au Canada, un pays qui force ses citoyens qui cotisent à des régimes de retraite et à des REER à garder leur argent au Canada? Les investisseurs étrangers se diront: «Mon Dieu, s'ils élèvent le plafond, probablement que tout cet argent s'en ira à l'étranger. Ces Canadiens ne désirent pas investir dans leur propre pays. Pourquoi devrions-nous le faire?» Réfléchissez un peu à ce message.
M. Gerald Vandezande: Le message que nous enverrions au Canada serait très clair—c'est ce qui se produit de plus en plus, et nous, par l'entremise de divers groupes confessionnels, avons l'intention de l'encourager—que les gens investissent uniquement dans des fonds qui restent au Canada et qui contribuent au mieux-être de la communauté, à la création d'emploi, etc., et que nous nous tenions loin des investisseurs et des banques qui n'ont pas les intérêts du Canada à coeur.
Si en procédant de cette façon nous lançons au monde entier le message que nous sommes en faveur d'un type différent d'économie et d'un type différent de mieux-être national qui transcende la maximisation des profits, comme vous l'avez appelée, eh bien c'est un bon signe. Je pense que les pays du tiers monde seraient d'accord avec nous, parce que, actuellement, ils se font démolir, avec l'aide de nos banques et de nos sociétés d'investissement, par des manipulateurs de capitaux internationaux, de sorte qu'ils doivent vivre dans la pauvreté.
Ce qui s'est produit en Indonésie et dans d'autres pays est en partie le résultat des décisions que les investisseurs canadiens et les banques ont prises.
Le président: Merci.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
J'ai beaucoup apprécié cet échange. Il a réchauffé l'atmosphère. C'est un changement bienvenu.
Monsieur Vandezande, pensez-vous que si l'on force les Canadiens à investir au Canada, qu'en bout de ligne la rentabilité de leur investissement sera la même que ce qu'elle aurait été s'ils avaient pu investir à l'étranger, en supposant qu'ils aient eu la liberté de le faire?
M. Gerald Vandezande: Si toutes les déclarations faites antérieurement par tous les gouvernements précédents avaient un semblant de vérité—c'est-à-dire, qu'ils étaient forcés d'emprunter à l'étranger et que les gouvernements provinciaux devaient créer des mesures d'encouragement particulières afin de s'assurer que les gens examineraient la possibilité d'investir au Canada...
• 0905
Si les Canadiens avaient une définition plus large du bien
commun et de l'intérêt public, au-delà de la maximisation des
profits qui leur reviennent, je pense que cela contribuerait à
créer un meilleur sens de la communauté, une économie plus
vigoureuse et un avenir plus souriant. Cela contribuerait aussi à
éliminer ou même à réduire les problèmes que nous devons affronter
actuellement—et M. Martin y a fait référence dans son discours
d'hier, et M. Manning l'a fait aussi et tout le monde en a
parlé—que nous sommes en quelque sorte les jouets des grands
manipulateurs de l'argent à l'échelle internationale.
M. Scott Brison: Monsieur Vandezande, j'ai posé une question très précise. Y aurait-il des compromis à faire en ce qui concerne l'épargne-retraite des Canadiens?
M. Gerald Vandezande: Non, il n'y en aurait pas.
M. Scott Brison: Vous pensez qu'il n'y en aurait pas?
M. Gerald Vandezande: Non.
M. Scott Brison: Donc, les Canadiens pourraient obtenir le même rendement sur leur investissement que s'ils...
M. Gerald Vandezande: Eh bien, vous voyez...
M. Scott Brison: Ma question est la suivante...
M. Gerald Vandezande: Oui, et je m'efforce d'y répondre.
M. Scott Brison: ... s'ils peuvent obtenir le même rendement sur leur investissement, pourquoi devrions-nous nous préoccuper de réduire ou d'éliminer les obstacles à l'investissement à l'étranger? Ils n'investiront nulle part ailleurs. Est-ce que cela n'élimine pas l'obligation des compagnies canadiennes, des fonds canadiens et des marchés d'actions canadiennes de produire des investissements viables et un bon rendement si nous créons une fausse barrière qui oblige à garder l'argent?
M. Gerald Vandezande: Ce n'est pas une fausse barrière. D'autres pays le font actuellement afin d'éviter ce qui se produit à l'échelle internationale.
M. Scott Brison: Très bien alors...
M. Gerald Vandezande: Me permettez-vous de terminer?
M. Scott Brison: Bien sûr.
M. Gerald Vandezande: J'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous ne devrions pas avoir une vision unidimensionnelle du rendement sur l'investissement. Vous pouvez maximiser votre rendement sur l'investissement en investissant dans la prostitution et le travail des enfants et dans d'autres moyens d'exploitation des femmes et des enfants. Vous pouvez obtenir un rendement de 100 p. 100 sur votre investissement. La question à se poser est la suivante, est-ce que l'investissement contribue au bien commun?
La façon dont je comprends les sondages qui sont effectués auprès des Canadiens concernant leurs valeurs fondamentales est qu'ils sont intéressés par le mieux-être de l'humanité, comme nous en avons déjà discuté des deux côtés de la table, en particulier du mieux-être des enfants qui n'ont pas voix au chapitre et des familles vulnérables. Aussi, maintenant nous devons nous poser la question suivante, à savoir si la politique d'investissement favorisée par le gouvernement, à l'échelle fédérale et provinciale, de même que par nos investisseurs canadiens, contribue au mieux-être personnel, communautaire et collectif de sorte que nous ne continuions pas à nourrir les courtiers en valeurs toujours affamés?
M. Scott Brison: Personnellement, je ne pense pas que le fait de comparer les Canadiens qui s'efforcent de maximiser leur revenu d'épargne-retraite à la prostitution contribue beaucoup à donner de la crédibilité à vos arguments.
M. Gerald Vandezande: Vous savez cela se produit tous les jours, monsieur.
M. Scott Brison: J'aimerais ajouter...
M. Gerald Vandezande: Lorsque les investisseurs canadiens mettent leur argent dans les compagnies qui forcent les travailleurs à travailler dans des conditions inférieures à celles du BIT des Nations Unies et qui ne s'approchent pas et de loin des normes canadiennes—et cela a été prouvé au cours de plusieurs mois en Indonésie et ailleurs—et lorsque les Canadiens font des investissements simplement pour maximiser le rendement de leurs investissements, ce n'est pas une bonne politique en matière d'investissement.
M. Scott Brison: Bien entendu.
M. Gerald Vandezande: Il s'agit d'une politique d'investissement négative qui n'apporte rien au bien commun.
M. Scott Brison: Donc, vous suggérez qu'il serait préférable pour la population des nations en développement que nous n'investissions pas chez eux.
M. Gerald Vandezande: Non, nous devons investir dans les pays en développement, comme les églises le font. Mais nous devons toutefois le faire à des taux d'intérêt bas, parfois seulement à 2 p. 100, afin de les aider véritablement et non de les exploiter afin de maximiser nos profits.
M. Scott Brison: D'accord, mais dans quelle mesure les investissements des églises, pris dans leur ensemble, vont-ils aider? De quels types de chiffres parlons-nous ici? Est-ce que ces chiffres se comparent à ceux des investissements du secteur privé?
M. Gerald Vandezande: Je peux fournir les chiffres au comité. Mais ceci se fait de plus en plus, parce que les Canadiens sont préoccupés du fait que leurs frères et leurs soeurs du tiers monde sont exploités. On peut les aider de bien des façons désintéressées, et un éventail de comités de développement et de secours existe à travers toute la gamme des groupes confessionnels qui accordent soit des prêts sans intérêt ou encore des prêts à faible taux d'intérêt. Une fois que ces populations ont obtenu ce genre d'aide, elles peuvent ensuite s'en tirer toutes seules. Ainsi, l'homme ordinaire ne compte pas sur des mégaprojets d'investissement qui tombent à l'eau parce que les manipulateurs décident à un moment donné de retirer leur argent et de le placer ailleurs en raison des fluctuations du marché.
Au sein de la communauté chrétienne évangélique, de la communauté catholique romaine, de la communauté anglicane et de la communauté de l'église unie, de même que de la communauté juive—bref de toutes les communautés—on entend de plus en plus les gens dire: «Nous ne pouvons plus faire confiance aux normes éthiques des investisseurs canadiens qui manipulent les marchés de manière à maximiser le rendement sur leur investissement. Ce que nous souhaitons c'est la sécurité, nous voulons pouvoir dormir tranquilles en nous disant que notre argent sert à faire du bien pour l'humanité.» De plus en plus, les gens s'interrogent sur leurs priorités.
• 0910
Donc, notre recommandation à ce comité est qu'il faudrait
commencer à réduire les sommes que les investisseurs canadiens
investissent actuellement à l'étranger et à nous assurer, de la
bonne manière, que cet argent peut être investi au Canada de sorte
que les provinces canadiennes n'aient pas à emprunter à l'étranger,
à la manière de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de
Terre-Neuve.
M. Scott Brison: Il y a des fonds d'investissement mondiaux qui respectent une certaine éthique; ils investissent à l'échelle mondiale mais en respectant des critères d'éthique.
M. Gerald Vandezande: Oui bien sûr, et cela serait...
M. Scott Brison: Donc, vous suggérez qu'ils devraient être exonérés de...
M. Gerald Vandezande: Non. Ils devraient être exonérés, mais je dirais que cela devrait être étudié.
M. Scott Brison: Donc ce n'est pas une question d'éthique, c'est une question de xénophobie?
M. Gerald Vandezande: Non, monsieur, avec tout le respect que je vous dois. Le Parlement se préoccupe des questions d'éthique. Nous l'avons vu au cours des dernières semaines. Mais elle peut aussi s'appliquer à la manière dont nous investissons l'argent de la population canadienne et la manière dont elle est traitée par le système fiscal. C'est une décision d'éthique.
M. Scott Brison: Nous sommes d'accord.
M. Gerald Vandezande: Et tout parti qui suggère qu'il ne s'agit pas d'une décision éthique devrait revoir sa plate-forme.
M. Scott Brison: J'apprécie votre commentaire. Il a ajouté une nuance intéressante à ce débat.
L'aspect du système de santé décrit par l'Employer Committee on Health Care est très intéressant pour ce qui est du potentiel de
[Note de la rédaction: difficultés techniques] des soins de santé dans la prestation des services
[Note de la rédaction: difficultés techniques], et de la création d'un système hybride qui introduit jusqu'à un certain point les forces du marché et fait appel à la technologie.
Un des aspects qui n'a été mentionné par aucun des témoins est l'idée de faire appel davantage au bénévolat ou de créer un système qui intégrerait le bénévolat un peu plus dans la prestation des soins de santé. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Certaines organisations—comme les infirmières de l'Ordre de Victoria, par exemple—travaillent dans le domaine des services de soins à domicile.
Je suis toujours frappé, lorsque nous étudions ces deux options, particulièrement lorsque nous considérons des éléments comme les programmes Bon départ à l'échelle nationale, les programmes de soins de santé ou lorsque nous envisageons d'accroître la couverture au niveau des soins bucco-dentaires, et si nous tenons compte des fonds disponibles actuellement, il faut nécessairement envisager les instruments du secteur privé de même que faire appel à un engagement plus senti des bénévoles. J'aimerais connaître vos impressions sur ce sujet.
Mme Gretchen Van Riesen: Nous n'avons pas étudié cet aspect de façon spécifique dans notre mémoire; toutefois, ce modèle n'est pas incompatible avec la vision d'un système de prestation intégré. S'il y avait des fournisseurs de services intégrés, ils pourraient certainement conclure des contrats ou établir des arrangements ou encore mettre en place des réseaux avec diverses associations de bénévoles, surtout dans le domaine des soins palliatifs dans lequel le bénévolat est extrêmement actif et où nous disposons d'un grand bassin de ressources.
Je ne vois donc pas d'incompatibilité à cet égard, même si nous n'avons pas souligné cet aspect ou si nous ne l'avons pas sérieusement envisagé.
M. Scott Brison: Très bien.
J'ai une dernière question. J'ai beaucoup aimé l'intervention sur l'idée d'un programme Bon départ national, et encore une fois, j'aimerais bien connaître votre opinion sur cette question. Pensez-vous qu'il existe une possibilité d'améliorer l'efficacité de la prestation de ce service à l'aide d'un mécanisme de prestation privé ou d'un système de mécanismes de prestation privés pour un service public assorti de normes publiques? Parce que, la critique entendue concernant les véhicules de prestation de services traditionnels ou encore les véhicules de prestation de services publics, c'est que leur efficacité en matière de prestation de ces services n'est pas proportionnelle à l'investissement qui est nécessaire dans ce domaine.
M. Brian Hyndman: Les programmes existants d'envergure nationale en matière de développement précoce dont nous disposons au Canada, tels que Grandir ensemble, le programme canadien de nutrition prénatale et un certain nombre de programmes provinciaux complémentaires sont établis comme des programmes communautaires. À titre de programmes financés à même les fonds publics, ils sont rentables. Ils reposent beaucoup sur la mobilisation des collectivités et sur la mobilisation des actifs existant dans ces communautés.
Dans certains cas, ces groupes ont formé des partenariats créatifs avec les entreprises locales. Ils ont amorcé des participations dans des projets de développement économique communautaire chez les parents—par exemple, en permettant à des mères de démarrer des coopératives d'artisanat et, dans certains cas, ils ont réparti les profits afin d'aider à soutenir leurs familles.
• 0915
Je considère ces projets comme très rentables. Ce ne sont pas
des projets où les normes de prestation sont rigides. Le principe
qui régit ces projets est d'amener les communautés à identifier
leurs propres besoins et leurs problèmes et à réfléchir pour
trouver des moyens de mobiliser les actifs existant dans la
communauté, y compris les entreprises et le secteur privé, lorsque
ces démarches sont appropriées pour régler les problèmes de soutien
des familles.
À ce que je sache, il ne se fait pas beaucoup de travail au Canada dans le domaine de la prestation des services par le secteur privé. Encore une fois, ces projets ne sont pas liés à des critères particuliers de prestation des services, autres que les objectifs au sens large notamment l'amélioration de la nutrition infantile et des bébés et il existe plusieurs possibilités d'agir à cet égard.
Je vois très bien une collaboration du secteur privé à l'issue des projets notamment par des dons et des contributions non financières. Les entreprises ont déjà contribué à un certain nombre de programmes servant à offrir des petits déjeuners et des goûters dans les écoles.
J'ignore si le secteur privé serait intéressé à participer à ce type de prestation de programme communautaire. Particulièrement dans les communautés défavorisées, où il n'y a pas beaucoup de ressources financières, nous avons réellement besoin d'une participation du secteur public.
[Note de la rédaction: difficultés techniques] le financement pour pouvoir démarrer des projets.
Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Evie Jesin: Oui.
Pour répondre à votre question concernant la rentabilité en rapport avec le financement privé, les services d'hygiène dentaire sont très facilement transportables. Nous pouvons nous rendre dans la communauté, plutôt que d'attendre que le patient ou que le client vienne à nous. Si nous arrivons à joindre les enfants lorsqu'ils sont très jeunes et si nous mettons l'accent sur la prévention plutôt que le traitement...
Lorsque l'on considère les soins de santé tels qu'ils existent actuellement, on constate que l'accent est beaucoup mis sur le traitement une fois que la maladie est déclarée. Nous savons tous que si nous pouvons atteindre les enfants avant que la maladie ne s'installe, si nous pouvons les intégrer dans ces programmes Bon départ... Est-ce que ce ne serait pas merveilleux si tous les enfants canadiens possédaient leur propre brosse à dents? C'est pourtant un objet très simple. C'est un objet de nécessité pour diminuer les maladies bucco-dentaires.
Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Jesin.
Maintenant je vais passer au côté des libéraux. M. Szabo, Mme Redman, Mme Bennett, M. Pillitteri et Mme Leung veulent tous poser des questions aussi, essayez d'en tenir compte lorsque vous posez vos questions et, bien entendu, lorsque vous y répondez.
Allez-y, monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): De combien de temps disposons-nous chacun?
Le président: Vous êtes cinq personnes et nous disposons d'environ quarante minutes.
M. Paul Szabo: Bon ça me laisse moins de huit minutes, très bien.
Monsieur Markham, si je gagne 1 million de dollars par année, d'après votre déclaration, pensez-vous que je pourrais arriver à mettre suffisamment d'argent de côté pour avoir un revenu à la retraite de 700 000 $ par année?
M. Ian Markham: Non, je ne pense pas...
M. Paul Szabo: D'accord, il doit y avoir un plafond probablement.
M. Ian Markham: Oui, effectivement.
M. Paul Szabo: Quel est ce plafond? De combien est-il? Et où se trouve-t-il?
M. Ian Markham: C'est très difficile de donner un chiffre qui soit absolument logique, aussi faut-il considérer les choses de deux points de vue différents. Le premier est le suivant, qu'est-ce que les autres pays ont fait? Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt au cours de mon exposé, en pourcentage du salaire moyen, les États-Unis et le Royaume-Uni ont établi des limites qui sont d'environ du double des nôtres.
L'autre façon d'envisager les choses est de revenir en arrière jusqu'en 1976, et à cette époque il se situait à...
M. Paul Szabo: Bon, nous y sommes. Je viens de déclencher un nouveau discours. Vous savez que mon temps est compté.
M. Ian Markham: Très bien. C'est tout simplement une autre façon d'en arriver à un chiffre similaire.
M. Paul Szabo: Vous êtes un actuaire.
M. Ian Markham: Oui, c'est exact.
M. Paul Szabo: Si je voulais obtenir un revenu de 50 000 $ par année au moment de la retraite, quel montant de capital devrais-je accumuler à titre de rente pour y arriver?
M. Ian Markham: Si vous êtes à l'âge de la retraite?
M. Paul Szabo: Oui.
M. Ian Markham: Disons autour de 500 000 $.
M. Paul Szabo: C'est bien ce que je pensais. Donc, si vous prenez la limite actuelle de 13 500 $ pendant un certain nombre d'années, plus l'accumulation ou l'intérêt composé sur le montant accumulé, même à raison de 13 500 $ par année, vous pourriez facilement atteindre la somme de 500 000 $ au moment de la retraite, n'est-ce pas?
M. Ian Markham: Essayez d'expliquer cela à une personne qui se prépare à prendre sa retraite aujourd'hui, juste après les restrictions.
M. Paul Szabo: À 13 500 $, une personne peut aujourd'hui... Vous recommandez que l'on élève ce plafond à partir du niveau d'aujourd'hui. Disons que nous le maintenons à 13 500 $ et que j'investis le maximum possible. Vous faites une recommandation qui concerne les salariés à revenu élevé. Si je cotise au maximum et si je prends des obligations d'épargne du Canada, est-ce que je ne pourrai pas disposer au moment de la retraite d'un montant de 500 000 $, même si je ne cotise que pendant 25 ans? J'ai fait les calculs, et c'est possible.
M. Ian Markham: D'accord, si vous avez fait les calculs.
M. Paul Szabo: M. Riis vous a demandé quel était le pourcentage de Canadiens se prévalant du maximum de cotisation et vous ne pouviez pas répondre avec précision; vous aviez avancé le chiffre de 5 p. 100. En fait, j'ai vérifié auprès de nos recherchistes ici, et en réalité seulement 3 p. 100 des Canadiens investissent autant d'argent. Parmi ceux-ci, combien réellement le maximum dans leurs REER? Donc en fait
[Note de la rédaction: difficultés techniques]
Vous vous présentez devant nous à la défense, d'après ce que je vois, de 1 p. 100 de tous les Canadiens.
[Note de la rédaction: difficultés techniques] Pour ce qui est d'établir les priorités dans le climat économique d'aujourd'hui et dans la situation financière dans laquelle nous nous trouvons, laissez-moi vous dire que vous devriez avoir honte. Je pense que vous devriez être gêné de vous présenter devant nous et d'affirmer ce que vous venez de dire. Je suis désolé.
M. Vandezande avait tout à fait raison lorsqu'il a déclaré que les salariés à revenu élevé obtiennent davantage que les salariés à faible revenu. Nous le savons, en déduction, 5 000 $ sont alloués à un salarié à revenu élevé
[Note de la rédaction: difficultés techniques] jumelés aux taux combinés des impôts fédéral et provincial. Mais en bout de ligne, vous devez toujours payer pour obtenir un revenu de retraite marginal.
Mais l'un des avantages qui incombent aux salariés à revenu élevé est qu'ils ont la possibilité d'acheter des REER pour leur conjoint et de diviser les cotisations. En structurant votre FERR, vous pouvez l'étaler à plus ou moins 5 p. 100 et obtenir un taux marginal inférieur à celui que vous obtiendriez si vous l'y versiez. Cette façon de procéder n'est pas accessible aux petits salariés.
Les salariés à revenu élevé ont obtenu d'énormes avantages dans le cadre des REER, et je suis désolé, mais ce n'est vraiment pas une priorité. Je voulais seulement que vous sachiez que vous devrez vous justifier et nous expliquer pourquoi vous vous portez à la défense d'une élévation de la limite supérieure alors qu'en réalité, la plupart des gens n'ont même pas la possibilité de s'en prévaloir.
Pour ce qui est du pourcentage de 18 p. 100 du revenu gagné, les petits salariés, même s'ils disposaient de la somme, ne pourraient pas la cotiser, parce que la Loi de l'impôt sur le revenu ne leur permet pas. Donc il y a...
Le président: Monsieur Szabo, étant donné que nous avons effectivement le droit de nous défendre, je vais passer à Mme Van Riesen et à M. Markham.
Mme Gretchen Van Riesen: C'est très rhétorique que de se concentrer sur les personnes qui gagnent 1 million de dollars par année, nous ne parlons pas de ces gens-là. Notre proposition vise plutôt les gens à revenu moyen qui, eux, ne disposent pas d'un filet de sécurité sociale sur lequel ils pourraient se fier, parce qu'ils ont des revenus trop élevés pour tomber dans cette catégorie.
Et soit dit en passant, la définition de revenu élevé est un terme très relatif. Essayons de nous entendre sur ce que vous entendez par cela. Si, en fait, nous nous entendons pour dire qu'un revenu élevé commence à partir de 40 000 $ par année—ce qui est le plus souvent le seuil fixé par la plupart des témoins que nous avons entendus sur le sujet—en fait, bien des Canadiens doivent affronter la réalité suivante, à savoir qu'au moment de la retraite, ils n'auront pas réussi à accumuler suffisamment d'argent, même en combinant les programmes gouvernementaux, les programmes des employeurs et leurs propres économies.
Nous disposons d'une masse de recherches qui nous donnent des exemples à cet effet. Nous ne les avons peut-être pas sous la main maintenant, mais nous nous ferons un plaisir de les transmettre au comité. C'est un fait très important. Nous ne parlons pas des gens qui gagnent 1 million de dollars par année. Nous visons les salariés qui se situent dans la tranche de 50 000 $ à 100 000 $. C'est le revenu moyen au Canada, et les salariés qui se situent dans cette tranche ne disposent pas d'un filet de sécurité. Les gens qui se situent à un niveau inférieur n'ont pas besoin d'économiser en vue de la retraite, parce que le filet social subviendra à tous leurs besoins. Si on considère le ratio de remplacement du revenu, ce dernier offre un niveau raisonnable de remplacement du revenu.
M. Gerald Vandezande: Quel est le rapport avec les soins de santé?
Mme Gretchen Van Riesen: Je suis en train de répondre dans le cadre de mon autre fonction.
M. Paul Szabo: Laissez-moi vous présenter un autre aspect de la question. Si vous prenez deux postes identiques, un assorti d'un salaire et d'un régime de retraite et l'autre sans régime de retraite, seulement un salaire, quel salaire sera le plus élevé?
Laissez-moi répondre à cette question. Si vous essayez d'obtenir ce poste dans deux compagnies différentes, un qui n'offre pas de régime de retraite et un autre qui en offre un, la compagnie qui n'a pas de régime de retraite devra offrir un salaire plus élevé pour attirer la même personne. Autrement dit, le gain économique, même si vous n'avez pas de régime de retraite, sera de beaucoup supérieur pour les personnes qui n'ont pas de régime de retraite. Cela signifie que l'accumulation de richesses sera plus importante tout au long de leur carrière professionnelle.
• 0925
Un des aspects que vous avez négligés—et il me semble que
c'est une lacune dans votre exposé—est le fait que le revenu de
retraite ne provient pas uniquement des pensions du gouvernement et
des REER; il réside aussi dans l'accumulation de la richesse. Si
vous désirez investir dans des valeurs étrangères, etc., et si vous
dépassez la limite des 20 p. 100, il n'y a pas de restriction sur
l'investissement que vous voulez faire dans des valeurs étrangères.
Aucune restriction. Il se trouve que le REER n'est qu'un des
éléments du portefeuille d'investissement.
Cet exposé, et en particulier ce passage qui parle de redonner aux Canadiens l'argent qu'ils ont cotisé... Le fait est que tous les contribuables canadiens subventionnent les allégements fiscaux, et cela signifie que les salariés à revenu élevé, qui retirent le maximum d'avantages des REER, sont subventionnés par tous les contribuables, y compris les plus pauvres. Voilà la question.
Le président: Y a-t-il des commentaires?
Bon je vois qu'il n'y a pas de commentaires, alors je passe à la prochaine personne qui est Mme Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener—Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais adresser ma question à Mme Gauthier et à M. Markham.
Hier, le ministre Martin a parlé de la nécessité de poursuivre sur le chemin que nous nous sommes tracé et d'adopter une vision à long terme plutôt qu'une vision à court terme. Deux éléments ont permis aux Canadiens et à ce gouvernement de déposer un budget équilibré, ce sont les hypothèses prudentes et l'utilisation de la règle des deux ans.
Le ministre Martin a aussi parlé de diminuer le ratio de la dette au PIB et de l'utiliser comme un critère pour mesurer la santé de notre économie. Pour y arriver, il suffit d'enregistrer une croissance d'un côté de l'équation, qui est celui du PIB, tandis que de l'autre côté on diminue régulièrement et sagement la dette.
Je suis d'accord avec cette affirmation. Jusqu'ici elle nous a bien servi. D'autres personnes qui siègent au comité vous diront que ces mesures sont assorties d'un coût social et, à mon sens, vous trouverez très peu de gens, certainement pas dans le caucus libéral, qui seront en désaccord avec cette affirmation. Il y a eu effectivement des coûts, et nous devons porter une attention sérieuse à cette question.
À la page 2 de votre mémoire, j'éprouve certaines difficultés à départager la vérité des suggestions. Cela me donne l'impression que vous voulez que les pratiques comptables soient un peu plus transparentes. Vous dites que l'excédent qui découle des augmentations d'impôt devrait être remboursé aux contribuables et que l'excédent qui découle du hasard, comme les taux d'intérêt qui se maintiennent à des taux inhabituellement bas et des taux de chômage assez faibles devrait être appliqué à la dette.
Je dois vous demander de quelle façon. Il me semble que les gains que nous avons réalisés sont le résultat des hypothèses prudentes qui ont été faites et des mesures que nous avons prises et qui se révèlent judicieuses à long terme. Je ne vois rien d'autre dans votre suggestion qu'une base économique qui fluctue incroyablement. Comment pouvez-vous offrir du financement de programmes durant une année, alors que vous n'avez aucune idée si l'année suivante il restera toujours de l'argent dans les coffres?
L'une des choses que nous avons entendues clairement, lorsque nous avons traversé le Canada, l'année dernière lors des consultations prébudgétaires était: «N'essayez pas de régler les problèmes à coup d'argent et de nous donner des solutions miracles.» Donc, d'après ce que nous avons entendu des Canadiens, et maintenant que le ministre Martin a mis en place une formule gagnante, je dois vous demander de quelle façon votre suggestion pourrait s'articuler.
M. Ian Markham: La thèse de l'ACARR est qu'il est trop facile de dire que l'excédent dont a parlé M. Martin est le résultat d'une gestion admirable. En réalité, il est un fait qu'une partie de cet excédent provient de la taxation sur un certain nombre d'années. La thèse que nous défendons est la suivante, par exemple, le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation—c'est-à-dire la façon dont les gens sont amenés à payer de plus en plus d'impôt, année après année, au fur et à mesure que l'inflation gruge leur revenu—est responsable d'une portion importante de l'excédent actuel.
Nous voulons que les Canadiens soient informés de cela en toute honnêteté. La situation financière dans laquelle nous nous trouvons actuellement dépend largement des impôts qui ont été payés, et le moment est venu de les rembourser aux Canadiens. Fondamentalement, ce que nous recherchons c'est la mise en place de principes comptables honnêtes.
Mme Karen Redman: La question que je vous pose est la suivante, êtes-vous en train de nous dire que déposer des budgets équilibrés et à faire des hypothèses prudentes, alors qu'il est prouvé que cela nous aide à traverser les temps économiques difficiles—l'économie mondiale est fustigée à mort, mais de toute évidence des forces extérieures à nos frontières nationales sont en jeu et nous pouvons difficilement les contrecarrer—devrait cesser juste parce que vous trouvez que ce serait une meilleure pratique comptable?
Le ministre Martin parle du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. Ces éléments font certainement l'objet d'une discussion et ils doivent être étudiés de près, mais est-ce que vous êtes en train de suggérer que nous devrions risquer de déséquilibrer notre budget et de retomber dans un déficit afin de réaliser ce que vous proposez?
M. Ian Markham: Je ne suggère pas que tout l'excédent soit remboursé aux contribuables. L'ACARR voudrait plutôt voir le niveau actuel de la dette réduit. Nous préférerions voir l'excédent servir à réduire la dette, assorti de certaines réductions d'impôt modestes, plutôt que de voir d'énormes augmentations dans les dépenses. Il doit y avoir un équilibre entre les deux: la réduction de la dette et la réduction des impôts.
Mme Karen Redman: Est-ce que j'ai encore un peu de temps pour une autre question?
Le président: Vous disposez d'amplement de temps pour poser plusieurs questions.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser une question à Greg et à Gerald, si c'est possible.
Vous mettez réellement en lumière un des aspects qui est revenu le plus souvent lors des consultations que nous avons effectuées aux quatre coins du Canada, et il s'agit de la nécessité de se montrer plus attentifs à certains des coûts sociaux découlant de notre grand ménage dans nos affaires financières. Quel serait, à votre avis, le geste le plus significatif que pourrait poser le gouvernement pour répondre à cette préoccupation?
M. Greg deGroot-Maggetti: J'aimerais commencer en soulignant le fait que lorsque l'on considère l'excédent et la façon dont on y est arrivé, ce n'était pas seulement en augmentant les impôts. Il y a eu aussi de très sévères compressions dans d'importants programmes sociaux à l'échelle du pays.
Nous recommandons au gouvernement fédéral de continuer à améliorer son programme de lutte contre la pauvreté infantile. Des mesures doivent être prises dans ce domaine.
Jetez un coup d'oeil sur le problème des sans-abri qui ne cesse de croître. Nous devons nous arrêter un moment et prendre les mesures de cette situation. Il y a maintenant deux ans que nous enregistrons une croissance économique très vigoureuse et, dans ma propre ville—je lis sans cesse des rapports à ce sujet—de plus en plus de gens sont dépourvus de logement adéquat et ont faim. Et cela se produit dans une période de prospérité.
Le gouvernement fédéral a pris des mesures pour financer le logement adéquat et abordable, et certains gouvernements provinciaux ont fait de même. Mais il y a un autre investissement à faire. Nous avons négligé ce type d'investissements sociaux, et nous voyons maintenant que les coûts commencent à s'accumuler. Les besoins sont trop importants pour que l'on s'imagine pouvoir y répondre par des efforts volontaires et des refuges d'urgence et d'autres mesures semblables.
Donc, le gouvernement devra aussi investir dans des logements abordables. Le gouvernement fédéral doit donner l'exemple et montrer qu'il prend l'engagement de s'assurer que tous les Canadiens disposent d'un logement ou d'un abri adéquat.
Ce ne sont que quelques idées.
Gerald, vous en avez peut-être d'autres.
M. Gerald Vandezande: Monsieur le président, à l'appendice A, qui est joint au mémoire que nous avons déposé aujourd'hui, nous énumérons une liste de recommandations qui, à mon sens, seraient appropriées à titre de premières mesures à prendre pour éliminer la pauvreté.
Nous sommes d'accord que l'élimination du plus grand nombre de taxes possible pour les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté défini par Statistique Canada devrait être une priorité. Si on veut envisager les réductions d'impôt, cette mesure permet d'atteindre deux objectifs: premièrement vous obtenez une réduction dans le taux et dans l'ampleur de la pauvreté et vous permettez aux gens de commencer à améliorer leur estime de soi. Donc, il s'agit d'un important pas en avant.
Il se trouve que je suis très à l'aise avec une grande partie de ce qu'affirme M. Martin, et ce n'est pas facile pour moi de l'avouer. Par contre, on ne peut établir un budget d'une année sur l'autre. Il faut se fonder sur un cadre à plus longue portée et l'utiliser pour prendre les décisions importantes. Le type de cadre que M. Martin a décrit au Fonds monétaire international et dans son dernier discours hier me sourit, dans la mesure où il ne s'agit pas simplement de rhétorique.
Cette question devient de plus en plus une préoccupation pour bien des gens. Mardi, une vaste coalition s'est formée à Queen's Park, et tous les médias se sont pointés. Ce que nous entendons de la part de M. Martin a du bon sens et ce que déclare M. Chrétien se tient aussi. Mais nous devons affronter une crise, comme l'attaque du dollar par des gens qui sont âpres au gain, et soudainement cela devient le prétexte pour ne rien faire par rapport aux programmes sociaux.
Il est important, dans le cadre de mécanismes d'élaboration des politiques intégrés, qu'on ne laisse pas un secteur de la population souffrir injustement parce que l'autre se préoccupe du bien de la nation. Il doit y avoir un moyen d'intégrer tout cela.
• 0935
Par exemple, dans le prochain budget, on pourrait reporter
l'élimination de la surtaxe au revenu pour les salariés à revenu
élevé, et cet argent pourrait servir à aider les personnes qui
vivent sous le seuil de la pauvreté. Donc vous pouvez facilement
prendre des mesures internes qui permettent de recueillir les mêmes
recettes, mais de les dépenser d'une manière plus avisée.
Il est important, pour la crédibilité du gouvernement libéral, à une époque où les gens sont de plus en plus sceptiques, pour ne pas dire cyniques à l'égard du gouvernement et des politiciens, que lorsque des engagements sont pris dans le discours du Trône, de même que dans le discours prononcé par le premier ministre à Saint John, dans le discours de Couchiching et encore hier, dans le discours de M. Martin où celui-ci nous disait que la pauvreté infantile figurait en très haute position sur la liste des priorités... Eh bien, nous disons, bien respectueusement, passez à l'action.
Et ne vous occupez pas de ceux qui veulent des allégements fiscaux pour leurs propres groupes d'intérêt. Nous ne parlons pas en notre nom personnel. J'appartiens à la catégorie des revenus moyens; j'ai un revenu brut de 50 000 $. Mais je me préoccupe de cette femme de notre église qui doit subvenir aux besoins de trois enfants, qui est monoparentale et qui n'arriverait pas à joindre les deux bouts, si ce n'était de l'aide qu'elle obtient des personnes de notre groupe confessionnel.
Ce serait très bien si les groupes confessionnels continuaient d'aider, et une façon de le faire serait de payer davantage d'impôt.
Le président: Merci, monsieur Vandezande, je veux aussi amener un point, pour poursuivre sur la question de Mme Redman. Vous semblez très préoccupé de la situation des Canadiens à faible revenu, et je pense que nous le sommes tous. De façon générale, nous nous soucions d'eux. Nous sommes un pays plein de compassion. Mais qu'en est-il de la famille de la classe moyenne qui travaille fort et qui se démène pour maintenir son niveau de vie, pour conserver ses acquis depuis un certain nombre d'années? Jusqu'à tout récemment, nous avons vu les revenus diminuer dans ce pays et aux États-Unis. C'est une des conséquences de la vie en société.
C'est aussi un problème, le fait que la classe moyenne diminue, que les gens dont vous parlez sont de moins en moins nombreux et que cette classe sociale est pratiquement en voie de disparition.
Je vais vous dire pourquoi j'appartiens à mon parti. C'est parce que je crois non seulement que ceux qui ont besoin de protection et de soins doivent être aidés, mais aussi parce que je suis fondamentalement persuadé que les personnes doivent avoir une chance de gravir les échelons de la société. Si de plus en plus de gens tombent dans cette catégorie de la population dont vous parlez, alors j'ai un problème. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
M. Gerald Vandezande: Je le pense aussi. Donc, lorsque je parle des petits salariés, j'inclus des personnes comme ma propre fille et mon gendre, qui ont une famille à un seul revenu et trois enfants. Ils se démènent pour joindre les deux bouts dans une ville comme Toronto. Ce sont ces gens-là qui ont besoin d'aide. Nous devons nous doter d'une classe moyenne vigoureuse—je n'aime pas parler des classes sociales—de familles qui peuvent réellement subvenir à leurs besoins.
Donc, s'il doit y avoir des réductions d'impôt, ces réductions devraient être accordées en priorité aux personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, puis aux personnes à revenu moyen et modeste, et ensuite elles pourraient être accordées aux gens qui ont suffisamment d'argent pour subvenir à leurs besoins, qui ont un esprit communautaire et font preuve de solidarité en disant, «Si mon argent peut être dépensé pour venir en aide à ces familles, eh bien je suis tout à fait d'accord.»
Le président: Oui, mais surtout ne laissons pas l'impression que les gens ayant un revenu de 50 000 à 60 000 $ pour une famille et qui vivent à Toronto ont le style de vie des gens riches et célèbres.
M. Gerald Vandezande: Non, non.
Le président: C'est bien loin de la réalité.
M. Gerald Vandezande: C'est exact. Tout ce que je dis finalement, c'est qu'il y a une différence entre la vie que nous menons ma femme et moi, sans enfants à la maison, et celle d'une famille de cinq personnes qui habite en ville et qui a beaucoup plus d'obligations.
Le président: Exactement.
M. Gerald Vandezande: Donc, tout ce qui peut être fait...
Par exemple, ma fille et son mari s'occupent des enfants à tour de rôle, et ils ne reçoivent pas de prestations fiscales pour enfants vraiment importantes, parce qu'ils prennent soin de leurs enfants eux-mêmes. Pourquoi est-ce qu'une famille qui décide de prendre soin de ses enfants à la maison n'obtient pas certains avantages du système fiscal de la même façon que ceux qui mettent leurs enfants en garderie? C'est simplement un exemple.
Le président: Je suis désolé, monsieur Vandezande, je dois revenir à la liste des témoins. Mais je veux que ce soit très clair que les gens de la classe moyenne au Canada font tout à fait partie du présent débat et qu'ils ne peuvent être marginalisés.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.
En tant que grande partisane des systèmes de prestation intégrés, j'ai été très heureuse de voir que vous présentiez ces systèmes au gouvernement provincial. Je suis aussi très heureuse de constater qu'à l'instar d'un grand nombre d'entre nous, et de bien des Canadiens, vous demandez, à la page 5 de votre mémoire sur les systèmes de prestation intégrés, que l'on mette en place des normes nationales. Ces normes nationales visent des résultats et des lignes directrices plus logiques que les règles qui existent actuellement à l'échelle provinciale, particulièrement en ce qui a trait à la Loi canadienne sur la santé. Vous mentionnez aussi la technologie de l'information et l'infostructure des services de santé.
J'aimerais savoir quelle serait, selon vous, la prochaine mesure à prendre par le gouvernement. L'AMC a accès à un comité sur la qualité des soins où elle siège sans qu'il y ait de représentant des consommateurs, uniquement des médecins, qui dictent les règles du jeu comme bon leur semble. Il y a beaucoup de demandes pour un carnet de santé électronique. Le livre de Lisa Priest paraîtra sous peu et, comme vous le savez, on a remis en question la méthodologie suivie. Si vous ne disposez que des bases de données du gouvernement pour obtenir des renseignements, et si vous ne parlez pas réellement à... Les chiffres ne disent pas toujours la vérité, en fait, lorsque l'on considère les soins de santé.
La confiance que les Canadiens mettent dans leur système de soins de santé repose, à mon avis, sur des mesures réelles de la qualité. Il faut commencer par mesurer la qualité avant de s'attaquer aux disparités et avant même d'établir des normes à l'échelle nationale.
Donc, j'aimerais savoir ce que vous pensez du rôle du gouvernement fédéral à savoir s'il devrait faciliter cette infostructure des services de santé. Si le gouvernement fédéral pouvait trouver quelque argent à consacrer aux projets de technologie de l'information sur les soins de santé, cela permettrait aux provinces de libérer des dollars consacrés aux soins de santé et de les diriger vers les soins aux patients, est-ce que c'est une idée que vous endosseriez?
De plus, est-ce que vous avez eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur le rapport sur l'infostructure des services de santé qui est sorti le week-end dernier, et qui est issu de la conférence qui s'est tenue à Edmonton l'année dernière de même que du Comité Noseworthy-Michael Decter qui s'est penché sur la question en adoptant une perspective fédérale?
M. Vic Clive (vice-président adjoint, Rémunération et Avantages sociaux, Canada Trust; membre, Employer Committee on Health Care - Ontario): J'aimerais répondre en partie à cette question. J'ai pris connaissance du document dont vous parlez qui est sorti la semaine dernière, et j'ai aussi lu celui qui parle des soins à domicile et de l'assurance-médicaments.
Vous voulez parler des systèmes de prestation intégrés. J'ai moi-même participé à la conférence sur l'assurance-médicaments qui s'est tenue à Regina en janvier, et je pense que j'étais très naïf parce que j'ai été complètement estomaqué de constater qu'il y avait près de 200 organismes clients représentés, et que ce sont eux véritablement qui constituent le système des soins de santé. Donc, lorsque nous parlons de systèmes cloisonnés, nous parlons d'une quantité assez impressionnante de systèmes.
Le gouvernement a tenu des conférences sur ces trois questions, mais ce à quoi Gretchen faisait allusion et qui est toujours absent, c'est une perspective sur la direction que nous devrions prendre. Nous n'en avons pas beaucoup parlé aujourd'hui, mais à certains égards, un projet d'assurance-médicaments national serait quelque peu en contradiction avec le type de système de prestation intégré que nous imaginons. Donc, qui élaborera cette vision d'un système de soins de santé plus efficace pour les Canadiens?
Pour nous doter d'un excellent système, il ne suffit pas d'y injecter de l'argent. Ce qui doit se produire, c'est la même chose qui est déjà en place dans les corporations nord-américaines: la prestation doit être, si vous me passez l'expression, réorganisée.
Il semble que lors de la conférence sur l'assurance-médicaments, beaucoup de gens soient allés à la pêche. Maintenant que nous disposons de ces trois documents sur l'infostructure, les soins à domicile et l'assurance-médicaments de même que du rapport du Forum national sur la santé, quand est-ce que quelqu'un se mettra au travail pour construire une vision à laquelle les Canadiens pourront s'identifier? C'est ce genre de leadership que le gouvernement devrait offrir.
Mme Gretchen Van Riesen: Puis-je ajouter quelque chose? Comme je l'ai déjà suggéré dans notre mémoire, si l'on doit dépenser de l'argent à quelque chose, il serait préférable de le consacrer à la mise à l'essai de modèles qui sont déjà en place. Nous avons donné l'exemple de trois modèles que nous connaissons: le Conseil des services de santé d'Ottawa-Carleton, Partenaires pour la santé, et...
• 0945
Parlons maintenant des systèmes d'évaluation. Il s'agit de
mesurer l'efficacité des projets pilotes. Il suffit de créer
certains projets pilotes qui mesurent réellement comment ces
systèmes de prestation devraient fonctionner pour que nous
puissions faire évoluer le modèle et que nous puissions donner un
exemple qui marche. C'est là que les investissements devraient
aller, et non seulement dans l'addition de services aux divers
organismes clients. Cette suggestion fait réellement partie des
recommandations de notre mémoire.
Mme Carolyn Bennett: C'est intéressant de parler des modèles, mais il faudrait aussi parler de connectivité. Nous devons pouvoir mettre en place des moyens d'évaluation continue, mais à moins que les gens soient mis en relation...
Mme Gretchen Van Riesen: Oui, absolument.
Mme Carolyn Bennett: Personnellement, j'étais inquiète de constater qu'aucun omnipraticien ne faisait partie du Comité de l'infostructure. C'est de toute évidence le premier élément à consulter si vous voulez obtenir les résultats des hôpitaux et des laboratoires... Si on veut éviter que les gens aient à répéter les mêmes tests quatre fois parce que personne n'arrive à retrouver les résultats.
Je voulais simplement poser une question à notre ami de Citizens for Public Justice. Hier, Janet Ecker a déclaré qu'elle cesserait de construire des logements sociaux, parce que les experts lui disent que ce n'est plus nécessaire. De quels experts parle-t-elle?
M. Gerald Vandezande: Eh bien, nous avons tenu une réunion avec le ministre à ce sujet, et elle ne nous a pas donné de noms. Je ne pense pas qu'il y en ait. Avec tout le respect que je dois à la ministre, son idéologie prend le dessus ou alors elle la rend insensible aux réalités sociales.
Ce n'est pas un secret. Anne Golden, de Centraide, et bien d'autres nous ont fait part de l'ampleur du problème des sans-abri et de la situation désespérée de ces gens. Mais pour Janet Ecker et le premier ministre Harris, les soi-disant résultats financiers sont le mot magique. Et si des gens doivent être sacrifiés à l'intérieur du système de santé, du système d'éducation ou de tous les systèmes sociaux, eh bien c'est tant pis, parce que l'autel de la révolution du gros bon sens exige de plus en plus de victimes et que l'agneau sacrificiel est la population des pauvres et des sans-abri.
Janet Ecker devrait le savoir, mais son idéologie la rend imperméable à la réalité des gens qui dorment dehors à Queen's Park en nombre croissant. Tous les organismes, y compris ceux qui sont appuyés par les soi-disant groupes de droite—et je ne pense pas qu'ils sont vraiment de droite—déclarent qu'ils sont dépassés par les événements. Déjà à l'heure actuelle—et il ne fait pas encore froid, des gens meurent.
Pour ce qui est des propositions, il nous faut des normes nationales concernant les paiements de transfert de sorte que le gouvernement ontarien et les autres ne puissent simplement utiliser les paiements de transfert comme bon leur semble. Le gouvernement fédéral doit prendre ses responsabilités à l'échelle nationale et, à cette époque critique, il doit s'assurer que les sommes transférées aux provinces sont assorties de normes et de contraintes légitimes de sorte que l'argent donné pour les services sociaux, l'aide sociale et les soins de santé soit bien utilisé dans ces enveloppes budgétaires.
Janet Ecker et la province dans son ensemble devraient rendre des comptes sur la façon dont ils dépensent l'argent obtenu du gouvernement fédéral. Donc, il devrait y avoir une procédure de reddition de comptes. Nous espérons que la discussion autour de l'union sociale proposée se prolongera et que le gouvernement fédéral ne fléchira pas devant les provinces ou les partis d'opposition.
Si nous ne nous dotons pas de normes nationales, nous obtiendrons deux classes de citoyens. Autrement dit, vos droits à des prestations dépendront de l'endroit où vous habitez ou de qui est au pouvoir. Les citoyens canadiens ont droit à une justice égale et à des droits égaux en tant que citoyens et ils ne devraient pas y avoir de discrimination de la part des gouvernements provinciaux. Et si cela cause des remous et que les gouvernements des provinces se mettent à hurler, eh bien, c'est bon pour leurs poumons.
Le président: Merci.
Deux autres personnes désirent poser des questions—M. Pillitteri et Mme Leung—il nous reste huit minutes.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Je reconnais certains visages qui ont déjà fait plusieurs exposés devant nous.
Avant de poser ma question, j'aimerais vous faire part de quelque chose qui me tarabiscote concernant la règle sur les biens étrangers de 20 p. 100 et pourquoi certaines personnes désirent la voir augmenter ainsi que le fait que, dans certains pays, il n'y a pas de contrôle. Bien entendu, dans vos exposés vous avez oublié de mentionner les pays qui sont dotés de mesure de contrôle.
• 0950
J'aimerais vous donner des chiffres, et vous pourrez vous
faire une idée ensuite des pays en question. Le troisième plus
grand pays du monde a des mesures de contrôle, la quatrième plus
grande économie dispose de certains contrôles et la cinquième plus
grande économie a des contrôles très stricts. Pourtant, ici même au
Canada, nous avons une règle sur les biens étrangers de 20 p. 100,
et vous voulez l'augmenter.
Eh bien, si vous examinez attentivement ce qui se produit actuellement dans l'économie au Canada, ce ne sont certainement pas les experts financiers, les gestionnaires de portefeuille ou les conseillers financiers qui sont à l'origine de la création de la richesse. Bien au contraire, là où ils ont investi, nous sommes à même de constater les problèmes qu'ils causent et les tribulations qu'ils entraînent pour notre dollar canadien. Laissez-moi vous dire qui crée réellement la richesse dans une nation: ce sont l'agriculture et les mines, et non l'exportation de nos finances et de nos dollars à l'extérieur de pays.
Nous sommes arrivés ici ce matin pour poser une question concernant les consultations prébudgétaires. Que l'excédent en question soit de—4 milliards de dollars, 5 milliards de dollars ou de 3 milliards de dollars—que devrions-nous faire avec cet excédent?
J'ai entendu parler du fonds de l'assurance-emploi, et bien entendu cet excédent ne peut provenir que du fonds de l'assurance-emploi, qui n'en est pas un; car il n'existe que sur papier. Il n'y a pas vraiment d'argent, parce que cet argent a déjà été dépensé pour équilibrer le budget. Il fait partie des recettes générales depuis 1986.
Donc, la question que j'aimerais vous poser est la suivante: voulez-vous que nous consacrions cet excédent de 4 à 6 milliards de dollars aux soins de santé, à l'amélioration de certaines prestations qui ont été négligées ces dernières années? Ou encore voulez-vous que nous augmentions la marge des déductions pour que tous les Canadiens obtiennent un allégement fiscal? Ou encore voulez-vous que nous remboursions le fonds de l'assurance-emploi qui, pour chaque dollar d'excédent, ne représenterait que 40 cents pour chaque employé qui y a contribué, et 60 cents pour chaque employeur cotisant? Comment voulez-vous que cet argent soit dépensé? De quelle manière voulez-vous que le gouvernement procède pour rendre cet argent au peuple canadien? Voilà la question.
M. Greg deGroot-Maggetti: Nous avons dit qu'il fallait examiner le programme d'AE et nous avons aussi affirmé qu'il fallait revoir les mesures fiscales. À l'heure actuelle, comme vous l'avez dit, le fonds d'AE est utilisé à titre de recettes générales.
M. Gary Pillitteri: Depuis 1986, monsieur.
M. Greg deGroot-Maggetti: Oui, c'est exact. Donc, pour les deux tiers des gens qui y cotisent, il s'agit tout simplement d'une autre forme d'impôt. Et rappelons-nous que cette forme d'impôt ne touche que les revenus inférieurs à 39 000 $. Pour quiconque a des revenus supérieurs à ce montant, le taux d'imposition marginale tombe à zéro. Il s'agit donc d'une imposition très régressive. C'est la raison pour laquelle il faut absolument réexaminer tout cela. Nous devons mettre en place un niveau de prestations d'assurance-emploi adéquat qui réponde vraiment aux besoins de l'économie actuelle.
Comme je l'ai déjà souligné, l'un des problèmes croissants de l'économie est la pauvreté...
M. Gary Pillitteri: Excusez-moi, monsieur. Je ne veux pas remettre en question qui cotise au régime. J'ai seulement dit que 60 p. 100 de chaque dollar est versé par l'employeur et que l'employé cotise 40 p. 100. À qui voulez-vous que ces sommes reviennent? Je comprends l'idée des 39 000 $. Je comprends tout cela. Mais à quelle fin voulez-vous dépenser cet argent? Nous savons qu'il y a une iniquité dans le système. Mais à quoi voulez-vous consacrer cet argent, monsieur?
M. Gerald Vandezande: Le ministre n'a pas à décider quelles seront ses priorités en matière de dépenses avant de déposer son budget en février, et il a été très clair sur ce point. Ce que nous disons, c'est qu'entre maintenant et février, cette analyse comparative en profondeur doit absolument être menée. Autrement, le gouvernement continuera d'être sévèrement critiqué pour avoir mis en place une mesure d'imposition régressive qui sert à payer pour toutes sortes de choses sur le dos des petits salariés qui, parce qu'ils gagnent moins de 39 000 $, de même que les employeurs qui sont dans cette catégorie, sont désignés pour cela.
Donc, notre recommandation est la suivante, que l'on donne suite à cette suggestion excellente selon laquelle ce comité et/ou le ministre, en collaboration avec les entreprises et les syndicats, mettent sur pied un groupe de travail qui examine vraiment la question et qui produise un rapport, comme il l'a fait il y a quelques années concernant la répartition des heures et du temps supplémentaire et que ce rapport fasse partie de la discussion prébudgétaire. Alors, nous pourrons tous participer. Ensuite, nous serons en mesure de prendre collectivement une décision concernant le meilleur moyen de contribuer au bien commun.
• 0955
Dire simplement que cet argent devrait revenir aux employeurs
ou aux employés ne règle en rien la question, même M. Martin l'a
admis, étant donné que des iniquités graves doivent être corrigées.
M. Gary Pillitteri: Monsieur Vandezande, ce comité doit présenter son rapport au ministre des Finances d'ici le 3 décembre. Nous n'avons pas le temps de faire ce que vous demandez.
M. Gerald Vandezande: Oui, vous avez le temps. La dernière fois que le Comité a fait ce genre de choses, il tenait aussi un groupe de travail en simultané qui était formé de personnes de diverses provenances, chargées d'étudier la répartition des heures de travail et du temps supplémentaire. Cela peut se faire très rapidement.
Le président: Je vous remercie, monsieur Vandezande.
Mme Leung, vous avez le dernier mot.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins pour leurs exposés. Je suis originaire de la Colombie-Britannique, aussi j'ai entendu beaucoup de commentaires différents, et j'ai une question très simple à poser.
Beaucoup de gens exigent une réduction d'impôt. J'aimerais demander à tous les témoins ce qu'ils pensent des réductions d'impôt. Il y a beaucoup de demandes; bien des gens disent que les impôts sont trop élevés. Mais je ne veux pas entrer dans ce sujet.
Le président: Donc la question fait référence aux réductions d'impôt, qu'est-ce que vous en pensez? Nous allons procéder en partant de la droite, monsieur Hyndman jusqu'à monsieur Landry.
Quelles sont vos priorités?
M. Brian Hyndman: Comme bien d'autres personnes assises autour de la table, j'aimerais que tout ce qui sera fait en ce qui concerne les réductions d'impôt profite aux familles à faible revenu qui, comme l'a souligné un autre témoin, paient en proportion plus d'impôt que les salariés à revenu élevé.
Mais, regardons les choses en face: les réductions d'impôt sont une forme de dépense; il s'agit tout simplement de recettes différées. Je ne veux pas que les réductions d'impôt se fassent au détriment d'autres besoins pressants en matière de santé et de services sociaux, comme la nécessité de lutter contre la pauvreté infantile.
Le président: Madame Gauthier, s'il vous plaît très brièvement.
Mme Wendy Gauthier: Du point de vue de l'ACPM, l'une des choses sur lesquelles nous voulons insister est que le gouvernement doit adopter une approche impartiale en ce qui concerne la question de l'imposition et du non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. Étant donné que la population vieillit rapidement, le gouvernement devrait envisager le système du revenu de retraite dans son ensemble et il ne devrait pas s'attaquer à ce problème de façon fragmentaire.
Le président: Merci.
Quelqu'un d'autre a-t-il une question?
Mme Sophia Leung: Monsieur le président, j'aimerais faire un commentaire.
Je voudrais que vous preniez note du fait que si nous économisons un milliard de dollars en réductions d'impôts, cela revient à une économie de 75 à 6 $ par personne. Je ne veux pas entrer dans le détail. Je veux simplement que vous preniez bonne note de ce chiffre.
Le président: Qui veut faire le prochain commentaire?
M. Greg deGroot-Maggetti: Comme nous l'avons déjà dit, lorsque l'on envisage les mesures fiscales, il faut considérer les répercussions que ces mesures peuvent avoir sur des personnes ayant des niveaux de revenus différents.
Nous avons mentionné que, quelles que soient les mesures fiscales prises, celles-ci doivent d'abord servir à diminuer le fardeau des familles à revenu faible et modeste. Nous devrions aussi reconnaître qu'il y a de plus grands avantages économiques pour le Canada, en ce qui concerne la création d'emplois et à tous égards, à rediriger les prestations fiscales vers ceux qui en ont le plus besoin. Chaque dollar versé sous forme d'allégement fiscal à une personne à faible revenu est dépensé, tandis que lorsque nous offrons des allégements fiscaux à des personnes à revenu élevé, une grande partie de cet argent n'est pas réinjecté dans l'économie, il est consacré à l'épargne.
Depuis environ dix ans, les réductions fiscales que nous avons vues en place, ont servi à abaisser les tranches d'imposition pour les salariés à haut revenu et sont l'un des principaux éléments à l'origine du ballon des valeurs financières qui est entrain d'éclater autour de nous. Si nous faisons en sorte que les allégements fiscaux soient ciblés sur les gens qui ont assumé une lourde part du fardeau dans l'exercice de réduction du déficit que nous venons de traverser, cela contribuera à réduire l'écart entre les riches et les pauvres, à élargir la classe moyenne, à stimuler l'économie et nous obtiendrons une économie plus stable et plus sûre.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Madame Jesin, un dernier commentaire.
Mme Evie Jesin: Notre priorité est de faire en sorte que les réductions fiscales servent à faire en sorte que les Canadiens reçoivent des soins de santé bucco-dentaire et à mettre en place un système réglementaire et une base de financement pour ceux qui n'ont pas accès à ces soins. Encore une fois, l'accès aux soins de santé commence par la santé bucco-dentaire étant donné que celle-ci fait le lien avec tout l'organisme. Les Canadiens en bonne santé pourront ensuite adopter des styles de vie sains et contribuer à toutes les autres activités dont nous avons entendu parler aujourd'hui.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Vous l'avez sans doute constaté, les défis et les choix qui s'offrent à nous sont nombreux, aussi nous ferons tout notre possible pour faire de bons choix—des choix qui sont à l'avantage des Canadiens et du pays.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier. Nous avons eu un comité très animé, ce qui est une très bonne chose. J'aimerais aussi vous exprimer notre plus sincère gratitude pour cette excellente discussion.
Nous prendrons une pause de cinq minutes pour deux raisons: nous éprouvons certaines difficultés techniques, et nous voulons aussi nous dégourdir un peu. J'aimerais aussi informer les membres du comité que nous avons prévu un certain répit pour le déjeuner. Ce dernier aura lieu de 13 heures à 13 h 30, c'est-à-dire une demi-heure de déjeuner. C'est un luxe.
La séance est levée.
Le président: J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, au Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, à Childcare Resource and Research Unit de même qu'à Growing Up Healthy Downtown.
Nous commencerons avec M. Dick Calkins, le vice-président de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire.
Je suis désolé, nous sommes en concurrence avec un interlude musical en bruit de fond.
M. Dick Calkins (vice-président, Association canadienne pour l'intégration communautaire): On dirait de la musique de danse aérobique.
Merci, mesdames et messieurs du comité. Nous représentons l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Je suis accompagné de Connie Laurin-Bowie.
La plupart des gens ignorent qui nous représentons. En fait, nous représentons, dans tout le pays, environ 40 000 personnes souffrant de handicap intellectuel de même que les membres de leurs familles. Lorsque nous parlons d'une personne souffrant d'un handicap intellectuel, c'est différent d'une personne ayant une maladie mentale ou psychiatrique. Anciennement, ce sont des gens que l'on qualifiait de déficients mentaux et, à l'époque reculée où l'on mettait les gens dans des institutions, on les étiquetait comme retardés.
Nous aimerions que les membres de ce comité réalisent à quel point nous ressentons les répercussions du TCSPS. En 1994, le budget a éliminé le plafond des FPE et l'a transformé en ce que nous appelons maintenant les TCSPS. La conséquence du passage aux TCSPS pour ces personnes handicapées et leurs familles est que ces personnes vivent désormais dans la pauvreté. Elles se situaient déjà, au départ, à l'échelon le plus bas de l'échelle et désormais elles s'aperçoivent qu'elles se sont engagées encore un peu plus profondément sur le chemin de la pauvreté et de la ruine.
La plupart des gens ne réalisent pas les dépenses extraordinaires que les personnes vivant avec un handicap ou leurs familles doivent assumer. Ces dépenses sont énormes. Si vous avez déjà fréquenté une personne handicapée, vous pouvez probablement vous faire une idée de ce que cela représente.
Nous espérons aujourd'hui être en mesure de vous faire comprendre qu'un large segment de notre population—3 p. 100—souffre d'un handicap intellectuel et que ces gens et leurs familles ont le droit d'être traités comme des citoyens de ce pays. Ce droit leur a été retiré systématiquement. Les systèmes qui ont été mis en place dans le cadre du TCSPS sont davantage des mesures de contrôle que ce qu'ils étaient auparavant: un système qui était véritablement préoccupé des gens et qui les aidait. Nous constatons de plus en plus une certaine insensibilité au sein des divers organismes, du gouvernement, et ailleurs, à l'endroit des personnes avec un handicap.
Nous aimerions vous présenter aujourd'hui des stratégies qui visent à intégrer les personnes handicapées dans la société et qui, à long terme, contribueront à alléger le fardeau des divers coûts que la société doit assumer pour que les personnes handicapées deviennent des membres actifs de la société et même, dans certains cas, des contribuables.
Connie.
Mme Connie Laurin-Bowie (coordonnatrice, Liaison avec le gouvernement, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Bonjour. Je m'appelle Connie Laurin-Bowie. Je fais aussi partie de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Je suis membre du personnel consultatif de cet organisme.
J'aimerais souligner un certain nombre des initiatives que nous aimerions voir mises de l'avant. Le titre de notre mémoire est «Incapacité: une déficience sociale».
[Français]
Je regrette que la traduction ne corresponde pas exactement à la version anglaise. Les principes sont identiques, mais c'est un peu différent en français. On fera parvenir aux membres du comité une version française correspondant mieux à la version anglaise.
[Traduction]
Je ne sais pas qui cela peut déranger, mais j'ai pensé qu'il valait la peine de souligner que le texte français n'est pas exactement identique à celui de la version anglaise, parce que nous avons légèrement modifié l'anglais.
Nous avons noté avec intérêt la contribution du comité au dernier budget, et nous aimerions le féliciter à ce sujet. Nous sommes très heureux, pas tellement en ce qui a trait aux interventions directes visant les personnes avec un handicap intellectuel ou un handicap général, mais plutôt pour ce qui est de la nature même de ce budget qui reconnaissait et fournissait un modèle pour régler la question de la participation des groupes dans notre société. Il y avait des modèles significatifs, sinon d'énormes sommes d'argent, qui portaient sur les enfants et l'éducation. Ces modèles étaient des approches intéressantes et innovatrices à l'utilisation de la politique fiscale et des dollars pour les programmes.
Nous aimerions, un peu comme nous l'avons fait dans le cadre de notre mémoire, commencer à élaborer un peu sur ces modèles. D'une certaine manière il semble que le remplacement du modèle du RAPC par le TCSPS au programme du gouvernement national. Le budget décrit actuellement certains moyens assez intéressants d'établir des modes de coopération avec les provinces en ce qui concerne des groupes ciblés de notre société qui ont été victimes d'exclusion. Nous aimerions voir ces initiatives aller de l'avant, et nous avons commencé à examiner des moyens de les appliquer aux personnes handicapées.
Par exemple, l'une de nos propositions à long terme vise à offrir une prestation fiscale pour enfants accrue—même si nous devons regarder ce plus près cette proposition—qui viendrait aider les familles dont un des membres a des incapacités. De même, nous aimons le modèle d'éducation qui utilise un investissement dans un RÉER et des sommes d'argent provenant de la famille étendue. Nous savons que bien des familles ayant un enfant handicapé font des prévisions à long terme concernant l'avenir de leur fils ou de leur fille. Ils y sont forcés de plus en plus, parce que les listes d'attente sont longues que les réductions de services dans de nombreuses collectivités les forcent à penser à très long terme concernant l'avenir de leurs enfants lorsqu'eux seront partis. Nous avons élaboré certaines propositions précises concernant la façon dont nous pourrions faciliter les cotisations des familles dans un programme semblable.
Le point principal est que nous avons vraiment apprécié les modèles contenus dans le dernier budget et c'est une des approches les plus innovatrices. Nous comprenons que dans le climat actuel, il n'y aura pas de dépenses importantes au chapitre des programmes sociaux dans le prochain budget. Il était très clair ce matin que le ministre nous a «tassés». Il n'y a pas grand-chose à dire concernant son exposé d'hier, sauf que nous devons commencer à travailler sur les systèmes que nous devrons créer lorsque nous émergerons de ce prochain cycle encore une fois. Et ces systèmes devraient inclure les personnes handicapées. Il en coûte beaucoup d'argent à notre société de continuer à laisser ces gens de côté. Un grand nombre d'entre eux désirent travailler et participer et se sentir des membres à part entière de leur collectivité, et tout ce que nous avons à faire c'est de restructurer nos systèmes pour que cela puisse se faire.
Je ne sais pas quelle forme prendra la période de question aujourd'hui, mais je serai très heureuse d'avoir la possibilité de discuter davantage. Restons-en là, pour le moment.
Le président: Nous aurons une période de questions et réponses une fois que tout le monde aura parlé.
Nous allons maintenant entendre M. Basil «Buzz» Hargrove du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile et M. Jim Stanford, économiste.
M. Basil Hargrove (président, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité, de nous avoir invités et de nous donner la possibilité de nous exprimer sur les perspectives économiques et le prochain budget fédéral.
J'ai la vague impression que nous sommes un jour trop tard, après avoir entendu le ministre hier. Je suis sûr que ce matin il doit se sentir comme ce vieil avare qui avait annulé Noël. Je me sentais si mal, une fois qu'il nous a décrit à quel point les choses étaient dans un état désastreux, que j'ai eu envie d'arriver ici ce matin, et de proposer une augmentation des impôts afin de l'aider à régler tous les problèmes que nous avons. C'est un grand maître du déguisement, et étant donné que nous sommes en octobre et que l'Halloween approche, on devrait au moins le complimenter pour sa grande aptitude à se déguiser.
Comme la plupart des Canadiens, nous sommes inquiets au sujet du ralentissement de l'économie et de l'instabilité qui en résulte sur les marchés financiers privés. Notre recommandation est que le gouvernement fédéral doit faire tout en son possible pour préserver la croissance nationale et la création d'emplois. Le gouvernement doit parler d'offrir des mesures de relance, contrairement à ce qu'a dit M. Martin hier.
• 1020
La politique monétaire est contrainte, à l'heure actuelle, par
la turbulence des problèmes financiers à l'échelle internationale,
et le gouvernement fédéral devra continuer à administrer avec un
excédent de fonctionnement supérieur à 50 milliards de dollars
encore pour le présent exercice. Étant donné le ralentissement de
l'économie privée, le gouvernement doit relâcher son emprise sur le
plan fiscal.
Nous acceptons le raisonnement selon lequel le budget du gouvernement doit être équilibré en moyenne pendant toute la durée du cycle économique. Les déficits chroniques et l'accumulation constante d'une dette publique que ces déficits entraînent ne sont pas des expériences à renouveler. Et nous ne sommes pas en train d'affirmer qu'ils le devraient non plus.
Un gouvernement qui prône l'équilibre budgétaire à tout prix alors que l'économie entre dans une récession ne fera qu'empirer cette récession. Si le gouvernement réagit à un ralentissement dans le secteur privé en y ajoutant ses propres restrictions budgétaires, il ne fait qu'aggraver les choses.
La plupart des économistes seront d'accord—et je pense que M. Martin l'a confirmé ce matin—nous nous préparons à générer des excédents de plusieurs milliards de dollars cette année et l'an prochain. Ce matin, les journaux rapportaient que M. Martin a déclaré qu'au cours des cinq premiers mois de l'année, il avait empoché un excédent de 7,9 milliards de dollars.
Jim Stanford, un économiste de notre syndicat, a estimé au cours d'une étude qui a été publiée cette semaine par le Centre canadien de politiques alternatives que le gouvernement fédéral accumulera plus de 12 milliards de dollars en excédent en 1998 et en 1999, même si le ralentissement de l'économie est beaucoup plus grave que les prévisionnistes ne l'avaient anticipé.
Durant les cinq premières années du mandat de M. Martin comme ministre des Finances, le gouvernement fédéral a largement atteint ses objectifs officiels au niveau du budget en accumulant ou total environ 50 milliards de dollars. La mise à jour fiscale que nous a servie le ministre hier perpétue cette tradition de ce que nous pouvons appeler au mieux une super performance factice. Nous affirmons que ses projections sont gonflées avec des fonds pour éventualités, des hypothèses économiques conservatrices et des prévisions des revenus et des dépenses qui sont pessimistes, même en rapport avec les hypothèses économiques conservatrices que certains font.
Les affirmations du ministre selon lesquelles nous ne pouvons toujours pas nous permettre de relâcher la pression sur le système fiscal du gouvernement fédéral ne sont tout simplement plus crédibles.
Notre préférence va vers des mesures de relance budgétaire qui consisteraient à mettre fin aux réductions profondes qui ont été imposées, depuis 1995 à divers programmes fédéraux. Nous vous recommandons instamment de rétablir les paiements de transfert aux Canadiens à faible revenu et les prestations d'assurance-emploi. Il y a un million de travailleurs au Canada aujourd'hui qui ne se qualifient pour aucune prestation.
J'ai assisté à une conférence de presse il y a quelques jours avec un groupe de citoyens préoccupés qui ne peuvent que constater l'augmentation incroyable de la pauvreté, particulièrement la pauvreté infantile de même que du nombre de sans-abri dans les grandes villes de tout le pays. Ça n'a rien de surprenant et les gens devraient s'y attendre étant donné qu'un million de personnes ne reçoivent aucun revenu, vous êtes en train de créer encore plus d'enfants affamés, encore plus de familles qui vivent dans la pauvreté et encore plus de sans-abri.
De plus, nous proposons que le gouvernement consacre des fonds à des travaux publics importants dont nous avons grand besoin, comme la liaison ferroviaire à haute vitesse dans le corridor Windsor-Québec ou encore une super installation portuaire à Halifax. Ces projets contribueraient à injecter de l'argent dans les poches des personnes qui en ont le plus besoin et serviraient aussi de levier puissant à l'économie nationale.
Une réduction générale d'impôt aurait moins d'impact à titre de mesure de relance budgétaire. Les réductions d'impôt sur le revenu en particulier accordent des avantages disproportionnés aux salariés à revenu élevé qui ont déjà amplement profité de l'économie chancelante du Canada dans les années 90. Si le gouvernement fédéral réinjectait son excédent éventuel dans l'économie, cela contribuerait à compenser pour le ralentissement qui s'annonce dans le secteur privé.
Comme bien d'autres Canadiens, nous sommes scandalisés de la manière dont le gouvernement a utilisé le système d'AE pour financer ses autres priorités budgétaires. Nous estimons que les modifications apportées à la caisse de l'assurance-emploi qui a été siphonnée dans les recettes générales du gouvernement sont responsables du quart des progrès totaux réalisés par le gouvernement dans sa lutte contre le déficit. En sabrant comme il l'a fait dans les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi et dans les niveaux de prestations, le gouvernement a forcé les plus pauvres d'entre les pauvres au Canada à assumer une part disproportionnée du fardeau total découlant de la réduction du déficit. Pour empirer encore les choses, le gouvernement donne actuellement des signes de vouloir continuer à utiliser ces fonds pour financer ses autres priorités.
Les cotisations à l'AE sont recueillies d'une manière très régressive. Le travailleur moyen verse des cotisations à l'assurance-emploi qui sont cinq fois plus élevées que celles d'un courtier en valeurs mobilières moyen du centre-ville de Toronto. La seule justification possible de ce système fiscal est que ces mêmes fonds sont par la suite utilisés pour offrir une sécurité du revenu à ces mêmes petits salariés qui cotisent au système.
• 1025
Si les recettes de l'AE sont canalisées vers d'autres
priorités, même si ce sont des projets tout à fait louables comme
les soins de santé, alors le gouvernement fédéral agit comme un
Robin des Bois à l'envers. Avec ce système, le gouvernement
imposerait les petits salariés canadiens à un taux supérieur pour
des projets qui devraient être soutenus au moyen de l'impôt sur le
revenu progressif. L'idée même d'utiliser l'argent de l'assurance-chômage
pour financer un impôt sur le revenu qui serait plus
profitable aux salariés à revenu élevé est particulièrement
répugnante.
Nous vivons à une époque, monsieur le président, et les historiens pourront le dire plus tard, où l'on constate que nous sommes les artisans du plus massif transfert de revenus et de richesses puisés à même les poches des petits salariés canadiens au profit des haut salariés et des plus riches de toute l'histoire de ce pays.
Mais les choses n'ont jamais été faites aussi ouvertement, alors que nous demandons aux pauvres d'abandonner leurs prestations d'assurance-chômage et de vivre sans aucun moyen de subsistance. Le CCCE et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et d'autres aussi parlent d'utiliser cet argent pour accorder des réductions d'impôt aux plus riches. Il me semble que c'est carrément inacceptable et que cela devra être condamné par le gouvernement et par tous les partis qui siègent à la Chambre. Nous avons vu à quel point nous sommes vulnérables aux décisions et aux sentiments des investisseurs financiers du secteur privé. Les efforts déployés par ces investisseurs pour maximiser leur investissement ou encore pour réduire leurs risques ont créé un chaos caractérisé dans nombre d'économies du monde entier, et ils menacent maintenant le mieux-être du Canada et des Canadiens aussi.
Le gouvernement fédéral, monsieur le président, doit agir de toute urgence de son propre chef en accord avec les autres gouvernements afin d'élaborer des mesures qui contribueraient à réglementer et à stabiliser les flux financiers à l'échelle internationale. Nous avons permis à un groupe d'élite d'investisseurs privés de s'arroger le droit de placer leur argent là où ils le désirent, au moment où ils le désirent, peu importe le tort que cela peut causer au reste d'entre nous. C'est devenu carrément inacceptable dans l'ordre des priorités économiques.
À cet égard j'aimerais vous parler de la question des limites imposées au contenu étranger dans le cadre des régimes enregistrés de retraite. La communauté financière désire que ce plafond de 20 p. 100 soit augmenté. Nous sommes carrément opposés à cette suggestion et, en fait, nous aimerions que le plafond soit plutôt abaissé graduellement jusqu'à zéro. Si les investisseurs décident d'accepter les généreuses subventions qui sont offertes par le gouvernement, dans ce cas ils devraient au moins montrer un peu de reconnaissance en investissant leur argent au Canada.
Cette mesure, jumelée avec d'autres pourrait contribuer à stabiliser les marchés financiers. Nous nous opposons aussi au rôle de plus en plus marqué que jouent les marchés boursiers et à leur influence croissante sur nos programmes sociaux. Étant donné l'instabilité intrinsèque et, parfois, l'irrationalité de ces marchés boursiers et des marchés financiers, ces derniers devraient jouer un rôle plus effacé dans nos existences économique et sociale.
Mais ce gouvernement s'engage dans la direction opposée: il accorde des subventions généreuses aux RÉER privés plutôt que d'améliorer notre régime de pensions public, et investit des sommes encore plus importantes du RPC dans le marché boursier et même, il finance des programmes comme les bourses universitaires à même des investissements dans les actifs financiers privés.
En conclusion, monsieur le président, je suis par ailleurs en désaccord avec une grande partie du mouvement ouvrier en ce qui concerne les fonds de capital de risque de travailleurs. Je note avec surprise que le gouvernement a l'intention, et il l'a annoncé récemment, de renverser sa décision prise en 1996 de réduire la subvention maximale au titre d'investissement dans les fonds de capital de risque de travailleurs. Si le gouvernement veut commencer à renverser certaines des réductions douloureuses qu'il a imposées dans le cadre de son budget de 1995-1996, je pourrais énumérer une centaine d'autres priorités qui devraient être choisies avant que l'on assouplisse ce schéma de subvention bizarre pour les investisseurs privés.
Le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile s'oppose à ce que les fonds publics soient utilisés dans ce type d'instrument de placement. Nous sommes en faveur du principe du financement public pour les investissements créateurs d'emplois à la fois dans les secteurs privés et sans but lucratif, mais cet appui devrait être canalisé par l'entremise d'une banque d'investissement devant rendre publiquement des comptes, plutôt qu'au moyen de notre infrastructure de financement inefficace et onéreuse administrée par les experts financiers privés.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de me présenter ici ce matin. Je serais très heureux de répondre à vos questions ou à vos commentaires.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hargrove et monsieur Stanford.
Nous allons maintenant entendre la représentante de Growing Up Healthy Downtown, Mme Karen Serwonka. Vous êtes la bienvenue.
Mme Karen Serwonka (coordonnatrice de projet, Growing Up Healthy Downtown): Bonjour. Merci beaucoup. Je suis très heureuse de pouvoir participer à cette table ronde ici ce matin.
Le message que nous voulons vous adresser aujourd'hui, alors que vous vous préparez à dépenser l'excédent anticipé sur le budget fédéral, est que vous devez absolument garder à l'esprit à quel point il est d'une importance vitale d'investir dans les enfants. En manière d'introduction, Growing Up Healthy Downtown est l'un des 600 projets financés par le programme d'action communautaire de Santé Canada destiné aux enfants et aux programmes de nutrition prénatale. Nous offrons un appui aux parents et aux fournisseurs de soins aux jeunes enfants dans le domaine de la formation au rôle de parent, du développement sain des enfants, de l'assistance aux parents, des banques alimentaires et de tout un éventail de projets faisant la promotion de la santé.
• 1030
J'aimerais commencer aujourd'hui par établir un lien important
entre l'économie et la santé. La sécurité économique est reconnue
par l'Organisation mondiale de la santé comme un déterminant
fondamental de la santé. En deux mots, plus les enfants sont
pauvres et plus ils ont de chances d'avoir une mauvaise santé.
Alors que certains affirment que notre économie commence à reprendre du poil de la bête, un nombre important de parents se débattent financièrement pour élever de jeunes enfants et ne sont pas convaincus du tout que tout va bien dans notre économie.
Les chiffres de Statistique Canada nous indiquent aussi que le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté a augmenté depuis dix ans. Dans le cadre de nos actions quotidiennes au sein de Growing Up Healthy Downtown, nous sommes quotidiennement en contact avec des centaines de familles ayant de jeunes enfants dans huit établissements disséminés dans le centre-ville de Toronto qui nous rappellent d'une manière très concrète que la stabilité économique joue un rôle important pour élever des enfants en santé.
Par exemple, des femmes enceintes viennent pour participer à nos programmes de nutrition prénatale parce qu'elles n'ont pas les moyens de s'acheter des aliments nutritifs pendant toute la durée de leur grossesse. Des parents et des fournisseurs de soins viennent participer à nos programmes de ressources familiales pour y trouver un appui et de la formation sur des moyens d'améliorer leur rôle de parent, et pendant qu'ils y sont, ils partagent aussi avec nous les nombreux défis qu'ils doivent affronter pour subvenir aux besoins économiques de base de leur famille.
Nombre d'entre eux cherchent à suivre une formation afin de réintégrer la population active et de se procurer un emploi régulier assorti d'un salaire décent. La majorité de ces parents se débattent aussi pour pouvoir offrir à leurs enfants des soins abordables et de qualité.
En accordant une contribution financière à Growing Up Healthy Downtown et à plus de 600 autres programmes de nutrition au Canada de même qu'aux programmes RAPC dans tout le Canada, le gouvernement fédéral a apporté une contribution vitale depuis les cinq dernières années à l'amélioration du développement des enfants jusqu'à l'âge de six ans.
Même si l'engagement fédéral existant à l'égard du développement sain des jeunes enfants par l'entremise des projets du RAPC et du PCNP a contribué à maintenir, jusqu'à un certain point, la stabilité sociale et économique dans ces temps difficiles en Ontario, on ne peut s'attendre à ce que ces sommes compensent pour les répercussions de la réduction de 2,4 milliards de dollars effectuée dans les paiements de transfert fédéraux pour la santé avec l'élimination de la loi fédérale sur le RAPC.
En Ontario, les communautés que nous desservons ont été durement touchées par la réduction des paiements de transfert fédéraux jumelée avec les mesures prises à d'autres paliers du gouvernement, y compris la restructuration de la prestation des services, les compressions et le pelletage.
Dans ce climat, afin de relever ces défis et de maintenir notre avance en matière de santé et de continuer la progression, Growing Up Healthy Downtown et 600 autres projets axés sur la santé des enfants pourraient bénéficier aujourd'hui de certaines assurances venant du gouvernement fédéral selon lesquels notre financement sera maintenu et même prolongé alors que nous nous engageons dans un cycle de financement de trois ans. Est-ce que nos projets visant la santé des enfants peuvent jouir d'une certaine garantie de stabilité et compter sur des ressources à long terme en matière de santé dans les communautés aux quatre coins du Canada que nous desservons?
Nous reconnaissons que nos programmes, même s'ils sont d'une importance vitale pour la santé des enfants, ne peuvent pas être la seule stratégie adoptée pour régler les problèmes de santé qui surviennent dans les familles qui ne peuvent subvenir à leurs besoins fondamentaux. Pour y arriver, nous aurions besoin d'une politique en matière de santé publique beaucoup plus large et de mesures budgétaires.
Voici le moment où notre deuxième recommandation entre en jeu, laquelle prévoit que le gouvernement fédéral pourrait utiliser une partie de son excédent budgétaire pour améliorer la santé et le mieux-être des jeunes enfants et de leurs familles.
J'aimerais donc maintenant attirer votre attention sur notre deuxième recommandation qui suggère au gouvernement fédéral d'utiliser son excédent budgétaire afin de maintenir et d'élargir le financement accordé au RAPC et au PCNP. Dans l'espoir de réduire la pauvreté infantile et d'améliorer la santé des enfants, je suis venue ici aujourd'hui vous faire une suggestion concrète de moyens que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour véritablement faire bouger les choses. Nous recommandons que le gouvernement fédéral investisse dans des programmes qui atteindront directement les familles de tous les enfants qui sont dans leur première année d'existence, qui comme chacun le sait est critique pour le développement, d'un littoral à l'autre. Notre suggestion est la suivante: le gouvernement fédéral devrait élargir et améliorer les prestations accordées lors des congés de maternité et des congés parentaux par l'entremise du système de l'assurance-emploi.
Dans l'état actuel des choses, bien des parents dans nos communautés sont aux prises avec les critères d'admissibilité de l'assurance-emploi durant les congés de maternité et les congés parentaux parce qu'ils sont soit des travailleurs à temps partiel ou encore des travailleurs autonomes, et qu'ils doivent survivre avec seulement un peu plus de la moitié de leur ancien salaire alors que les coûts pour subvenir aux besoins du ménage ont augmenté avec l'arrivée du nouvel enfant. Ces mêmes parents ont aussi l'impression qu'ils doivent revenir beaucoup plus rapidement au travail alors que leurs enfants sont encore très jeunes et ils éprouvent des difficultés à trouver des services de garde de qualité à prix abordables. Nous exhortons le gouvernement fédéral à emboîter le pas aux autres pays qui ont réussi à trouver de l'argent à même leurs budgets pour étendre les prestations de congés de maternité aux travailleurs autonomes, aux travailleurs à temps partiel et aux contractuels—étant donné que le nombre de ces travailleurs ne cesse d'augmenter dans les secteurs de l'emploi—en allégeant la période pendant laquelle les prestations sont versées et en augmentant le montant de ces prestations.
• 1035
Nous pourrions commencer par prolonger la période de
prestations et améliorer les prestations lors des congés de
maternité et de paternité dans le cadre de l'assurance-emploi. Mais
si nous voulions aller un peu plus loin, nous pourrions aussi viser
l'augmentation des prestations d'aide sociale aux parents ayant un
nouveau-né ou des enfants nouvellement adoptés afin de les aider à
élever leur famille au-dessus du seuil de la pauvreté. Nous
pourrions aussi offrir des programmes de soins aux enfants
abordables, complets et de haute qualité de même que des programmes
de formation précoce aux jeunes enfants aux quatre coins de pays.
Nous demandons instamment au comité de recommander au gouvernement d'investir l'excédent de l'assurance-emploi et tout autre excédent budgétaire dans l'expansion du système existant des prestations parentales et lors des congés de maternité. Une telle initiative du gouvernement fédéral contribuerait à placer l'argent là où il peut le plus directement profiter aux familles: dans leurs poches. Des chèques mensuels pendant un an provenant du gouvernement fédéral et adressés directement aux familles avec un nouveau-né et des enfants adoptés pourraient leur profiter énormément.
Dans l'enveloppe de chaque chèque adressé aux nouveaux parents, vous pourriez inclure de l'information sur la façon d'avoir accès à plus de 600 programmes du RAPC et du TCNP que le gouvernement fédéral finance aussi—ce serait donc un moyen de prolonger nos interventions à l'endroit des familles qui sont très isolées. Ce programme financier ciblé pourrait avoir des résultats palpables dans la réduction de la pauvreté infantile et il pourrait améliorer la santé des enfants, et c'est un geste dont le gouvernement fédéral et tous les Canadiens pourraient être très fiers.
Ces nouvelles prestations accorderaient aux familles davantage de ressources à investir pour élever des enfants en bonne santé, pour prolonger l'allaitement maternel, pour offrir une nutrition de meilleure qualité et pour offrir des programmes de stimulation précoce et d'apprentissage, ce qui préparera les enfants à apprendre et à devenir des membres de notre société plus productifs et en meilleure santé. Nous sommes persuadés qu'il s'agit d'une solution concrète pour venir en aide aux enfants alors qu'ils sont dans les années les plus vulnérables de leur existence. C'est aussi un moyen d'accorder de la valeur aux enfants et à leurs parents. Nous pensons qu'il s'agit aussi d'un investissement permettant d'améliorer la santé des enfants et leur mieux-être. Nous n'avons qu'une seule chance de donner à nos enfants le meilleur départ possible dans la vie.
En concluant mon exposé d'aujourd'hui, j'aimerais vous faire partager mes sentiments à l'égard d'une personne qui n'a cessé de travailler pour mettre fin à la pauvreté infantile au Canada. Il s'agit de Rosemary Popham. Plusieurs d'entre vous se rappelleront Rosemary qui, lors de la Campagne 2000, a participé à d'innombrables tables rondes pendant quelques années. J'aimerais vous demander d'observer une minute de silence à la mémoire de Rosemary, ma collègue, qui est décédée avant-hier et d'avoir une pensée pour ses espoirs et ses rêves de mettre fin à la pauvreté infantile dans ce pays. Rosemary reconnaissait que ce comité avait un rôle à jouer dans la réalisation de ses rêves.
Je vous remercie.
[Note de la rédaction: une minute de silence est observée]
Le président: Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer à la période de questions et réponses, en commençant par M. Nystrom suivi de M. Brison.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins pour les renseignements qui nous sont fournis ce matin. J'aimerais dire à Karen que l'on évalue une société en fonction de l'héritage qu'elle lègue à ses enfants. Il me semble que nous avons entendu des témoignages assez émouvants ce matin de la part de tous les témoins.
Ma question s'adresse à monsieur Hargrove ou à monsieur Stanford. Cette question porte sur l'orientation générale que prend le gouvernement en matière de politique macroéconomique.
À mon avis, des erreurs fondamentales ont été commises au cours de la dernière décennie ou à peu près par les gouvernements fédéraux. Une de ces erreurs a été commise par John Crow avec sa politique monétaire restrictive qui remonte jusqu'aux années 80. À une certaine époque, nos taux d'intérêt se situaient à 5 p. 100 plus élevés que ceux des États-Unis. Cela a entraîné un ralentissement terrible de l'économie canadienne—plus de chômage, des taux d'intérêt plus élevés, une dette à long terme—et un problème de déficit ou de dette accru. M. Crow était encore plus restrictif dans ses mesures que la réserve fédérale des États-Unis, et je pense que cela a été une erreur fondamentale.
• 1040
À mon avis, la deuxième erreur s'est produite lorsque les gens
que j'appelle les bureaucrates du ministère des Finances ont
convaincu notre ministre des Finances Paul Martin, il y a quelques
années, d'abandonner l'ancien Paul Martin—je ne fais pas référence
à son père, mais plutôt à l'ancien Paul Martin, celui qui était
alors dans l'opposition—qui parlait de la croissance et des
mesures de relance de l'économie. Il est devenu vraiment un
conservateur en matière budgétaire et peut-être le ministre des
Finances le plus conservateur que nous ayons connu depuis quatre ou
cinq générations.
En février 1995, M. Martin a réagi dans le cadre de son budget avec les compressions les plus massives que nous ayons jamais vues dans les programmes sociaux. Le résultat que nous voyons maintenant est que nous avons le plus petit gouvernement fédéral depuis la Deuxième Guerre mondiale—et à cette époque nous n'avions pas de programmes de soins de santé. Si vous prenez cela en considération de cet élément, vous constaterez que nous avons actuellement un très petit secteur public fédéral. Hier, le ministre ne parlait pas du tout d'expansion ou de réinvestir dans l'économie.
Buzz, j'ai remarqué que vous parliez beaucoup de croissance. Je suis certainement d'accord avec vous que nous devrions essayer de stimuler la croissance de l'économie, que nous devrions dépenser l'excédent à essayer d'améliorer certains des programmes qui ont subi des compressions en février 1995, et surtout les soins de santé.
J'aimerais vous demander à vous ou à monsieur Stanford—et j'utiliserai même les chiffres très conservateurs de Paul Martin, selon lesquels nous avons un excédent de 3,5 milliards de dollars—quelle serait l'incidence si nous décidions de réinjecter tout cet argent dans les programmes gouvernementaux, et surtout dans les soins de santé, par l'entremise des transferts aux provinces et ainsi de suite. Quelle serait donc l'incidence sur l'économie en matière d'emplois supplémentaires, et quelles seraient aussi les répercussions pour le gouvernement fédéral en ce qui concerne les impôts et les versements inférieurs de prestations d'assurance-emploi? Quelle serait la projection générale pour un tel scénario?
Si on considère l'envers de la médaille, en ce qui concerne ce qui se produit aujourd'hui dans l'économie mondiale, comment évalueriez-vous les répercussions de ces mesures sur l'économie canadienne c'est-à-dire quelle serait l'incidence négative de ces mesures si nous utilisions tout cet argent pour rembourser la dette plutôt que de le réinjecter dans des programmes utiles comme les prestations fiscales pour enfant, les soins de santé et ainsi de suite?
M. Jim Stanford (économiste, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Peut-être pourrais-je répondre à cette question.
Monsieur Nystrom, à mon avis, vos commentaires sont tout à fait justes. Pour ce qui est de l'aspect monétaire et financier, les conséquences des politiques de la droite qui ont été suivies à la fin des années 80 et durant toutes les années 90 ont été que la reprise au Canada a été profondément faible et incertaine. Nous avons tiré de l'arrière par rapport à l'économie américaine et aux économies des autres grands pays industrialisés pour ce qui est de la croissance durant toute cette décennie. Ironiquement, les répercussions de cette croissance au ralenti et de ces taux d'intérêt élevés—en particulier ceux qui ont prévalu au tout début de la décennie—sur le déficit et la dette du gouvernement ont été profondément négatives.
Pour ce qui est de l'incidence particulière de la décision du gouvernement de réinjecter son surplus latent dans l'économie, on a indiqué hier que l'excédent de l'année dernière tournait autour de 3,5 milliards de dollars. Si cette somme est consacrée à la prestation de vrais services par le gouvernement, particulièrement des services sociaux qui utilisent beaucoup de main-d'oeuvre ou encore si ces sommes sont consacrées à des paiements de transfert destinés aux petits salariés, ceux qui n'épargnent aucune partie de leurs revenus—les statistiques suggèrent qu'ils dépensent tout ce qu'ils gagnent, et qu'ils le dépensent dans une large mesure pour des biens et des services produits dans leurs communautés—vous pourriez vous attendre à un effet multiplicateur sur la production canadienne qui oscille entre 1,5 et 2.
Même si nous acceptons le chiffre de 1,5, cela signifie que pour chaque dollar réinjecté par le gouvernement dans ce type de programmes, il retire en fin de compte l'équivalent de 1,50 $ additionnel dans le PIB. En retour, le gouvernement fédéral récupère près de 20 cents sur chaque dollar additionnel qui s'ajoute au PIB de sorte que l'incidence sur les coffres gouvernementaux est limitée et que l'incidence sur le taux de chômage pourrait être positive. Si la somme de 3,5 milliards de dollars avait été dépensée l'année dernière, cela aurait pu se traduire par une injection de plus de 5 milliards de dollars dans le produit intérieur brut final total, et cela représente près d'un demi-point de la croissance du PIB.
Cette année, l'incidence du réinvestissement de l'excédent serait encore plus significative parce que l'excédent sera encore plus important. Nous estimons que, même dans l'éventualité d'un ralentissement économique, le gouvernement encaissera un surplus de 5 milliards de dollars. S'il le réinvestit dans des services à forte main-d'oeuvre ou dans des transferts destinés aux petits salariés, nous nous acheminons vers un point additionnel au niveau de PIB. Cela pourrait être extrêmement valable à une époque où l'économie privée subit un ralentissement.
En réinvestissant l'excédent dans des programmes publics plutôt que de thésauriser en vue de réduire la dette, nous pensons que le gouvernement pourrait stopper la croissance du chômage à laquelle nous pouvons nous attendre pour l'année prochaine ou même pour dans deux ans. Plutôt que de voir le chômage s'élever jusqu'à 10 p. 100 ou même plus d'ici l'exercice financier 1999, le gouvernement devrait maintenir le taux de chômage à son niveau actuel qui se situe autour de 8,5 p. 100 en réinvestissant l'excédent.
M. Lorne Nystrom: Donc, en consacrant la totalité de l'excédent au remboursement de la dette, on obtiendrait un taux de chômage encore plus élevé. Cela pourrait aussi contribuer à faire augmenter les taux d'intérêt. Et cela pourrait aussi entraîner une augmentation de la dette, parce que si l'économie est au ralenti, les taux d'intérêt risquent d'augmenter, il y aura moins de gens au travail et vous pouvez vous attendre à ce que le problème se complique encore davantage.
M. Jim Stanford: Certainement, et en s'efforçant de réduire le fardeau de la dette en remboursant effectivement cette dette, le gouvernement fédéral néglige les importantes leçons qu'il aurait dû tirer de notre histoire économique. Nous sommes sortis de la Deuxième Guerre mondiale, par exemple, avec une dette fédérale qui dépassait de 100 p. 100 notre PIB. Cette dette s'est ensuite rapidement évanouie au cours des trois décennies qui ont suivi, même si le gouvernement n'a pas remboursé un seul dollar de la dette de façon explicite. Comment avons-nous réussi à réduire le fardeau de la dette? Nous l'avons fait grâce à une croissance rapide et par l'expansion de notre économie, et c'est tout ce qui compte finalement.
C'est un peu comme pour une demande d'hypothèque. La somme que vous devez à la banque n'a pas vraiment d'importance. La banque compare le montant de l'emprunt à vos revenus. C'est la raison pour laquelle la banque vous demande toujours quel est votre salaire lorsque vous faites une demande d'hypothèque. Le même principe s'applique à la dette nationale.
Qu'il s'agisse d'un gros fardeau ou pas, ce n'est pas le montant réel en dollars de la dette qui compte finalement pour chaque pays. C'est plutôt l'importance de la dette par rapport au PIB. Le fardeau de la dette a diminué depuis deux ans, et il continuera à le faire cette année. Ce n'est pas parce que nous avons remboursé davantage, mais c'est plutôt parce que l'économie est en pleine croissance. En mettant en péril cette croissance par son conservatisme financier, le gouvernement fédéral nuit vraiment à la réduction du fardeau de la dette.
M. Lorne Nystrom: Pour ce qui est de la mondialisation, monsieur Stanford, croyez-vous que les mesures de relance budgétaires nationales ont autant d'impact aujourd'hui qu'elles en avaient il y a dix ou quinze ans? Certains de l'autre côté de la table affirment que nous sommes tellement interreliés avec les autres économies du monde entier que nous n'avons pas une très grande marge de manoeuvre et que tout ce que nous faisons finalement c'est de nous enfoncer davantage.
Si on retourne en arrière jusque dans les années 60, à l'époque où la mondialisation était moins présente dans les économies, nous avions plus d'impact pour ce qui est des mesures de relance budgétaires directes dans ce pays. Que vaut cet argument par comparaison au type de mesure de relance dont nous disposions dans les années 60 ou 70? C'est l'un des principaux arguments qui nous est servi—selon quoi c'est comme de jeter du sable au vent, et que nous ne disposons pas d'une grande marge de manoeuvre face aux forces mondiales.
M. Jim Stanford: La mondialisation a eu des effets très fondamentaux à certains égards, et les marchés financiers sont le secteur qui en a ressenti les effets le plus négativement. Pour ce qui est d'une pénétration commerciale accrue dans l'économie canadienne, c'est un facteur qui sape certains types de mesures de relance de gouvernement. Ironiquement, la mondialisation et la pénétration des importations dans notre économie sont réellement un argument en faveur des autres types de mesures de relance du gouvernement, particulièrement l'investissement direct dans la prestation de services publics, de services à forte main-d'oeuvre et de services sociaux communautaires, de soins de santé et d'éducation. Ce sont des formes de production économique qui ont très peu de contenu en importation. Dans ce sens, vous vous assurez réellement qu'une grande partie des mesures de relance budgétaires reste ici au Canada.
En comparaison, une large part des mesures de relance provenant d'une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers échappera à ce pays simplement en raison de la plus grande proportion d'importations dans le panier du consommateur type canadien. Donc, finalement, la mondialisation a joué un rôle de stimulant pour ce qui est de l'amélioration ou plutôt du renforcement du rôle direct du secteur public dans la prestation des services communautaires aux Canadiens, selon moi.
M. Lorne Nystrom: J'aimerais vous poser une autre question en ce qui a trait aux événements qui se produisent dans le monde en rapport avec la déflation, étant donné que les deux tiers du monde se trouvent en récession.
Le monde a été légèrement ébranlé par la taxe de M. Tobin sur les transactions financières internationales. Je me demande si vous pourriez nous expliquer quelle est la position du Syndicat sur ce sujet. Je suppose que vous êtes d'accord avec l'idée d'une taxe à la Tobin, de même que vous acceptez son mode de fonctionnement et que vous pensez qu'elle pourrait contribuer à corriger en partie la volatilité des marchés financiers et des marchés de devises?
M. Jim Stanford: Nous avons effectivement appuyé la taxe Tobin, mais comme un élément d'un train plus large de mesures qui devront être mises en place pour réglementer et stabiliser les flux financiers. Je pense que la taxe Tobin pourrait être utile à cet égard mais, sincèrement, elle serait insuffisante pour faire obstacle à l'effondrement financier actuel. Le type de gains et de pertes auxquels les investisseurs réagissent auraient pour effet de flouer l'impact stabilisateur de la taxe Tobin. Nous sommes actuellement à la recherche de mesures plus directes et plus rigoureuses pour contrôler les marchés financiers, notamment la restriction du contenu étranger en ce qui concerne les régimes enregistrés de retraite.
Nous avons noté avec plaisir que même le ministre des Finances avait parlé des vertus de mesures de contrôle réelles et explicites de même que de limites à imposer aux flux financiers à l'échelle internationale. C'est de loin beaucoup plus direct et puissant comme mesure que la taxe Tobin pour ce qui est de ralentir un peu les choses. Il a été très prudent, cependant. Il a dit que ces mesures devraient être invoquées par certains pays seulement et dans des périodes d'extrême urgence. Mais nous serions prêts à aller plus loin que cela. Nous dirions que ce principe est valable et que tous les pays devraient le mettre en oeuvre.
• 1050
Le problème actuellement, c'est que nous avons donné à ce
groupe d'élite d'investisseurs—c'est vraiment d'eux qu'il est
question; et non pas des spéculateurs à bretelles rouges qui ne
sont finalement que des courtiers rémunérés, nous visons les
individus qui possèdent la richesse, car celle-ci est entre les
mains d'une poignée d'heureux élus—donc nous avons confié à ces
gens le droit de placer leur argent partout où cela leur chantait,
quand ils en avaient envie, peu importe les dommages qu'ils
pouvaient causer dans leur sillage. C'est un droit qui n'est pas
immuable et il faudrait peut-être commencer à le remettre en
question. La direction que nous voulons emprunter est celle des
formes très directes d'intervention du gouvernement visant à
stabiliser les marchés financiers.
M. Lorne Nystrom: D'après mes renseignements, ce serait environ 1,3 billion de dollars qui circulent chaque jour autour du monde en devises. Quel type de contrôle voudriez-vous mettre en place ici? Bien sûr, il faudrait un accord international pour les mettre en vigueur, mais quel conseil donneriez-vous au Comité des finances pour que nous puissions à notre tour conseiller le Parlement et le ministre des Finances sur cette question?
M. Jim Stanford: Il est évident qu'une partie de la solution viendra à l'échelle internationale. Nous aimerions que le ministre des Finances travaille en collaboration avec d'autres pays à l'établissement d'une banque centrale mondiale véritable suivant les lignes tracées par Keynes immédiatement après la guerre. Ce serait une banque qui imposerait une discipline à la fois aux pays débiteurs et à ceux qui ont un excédent, et cette institution agirait aussi à titre de prêteur en dernier ressort pour les banques et les économies nationales. Nous verrions aussi le maintien d'un rôle important accordant davantage de pouvoirs aux gouvernements nationaux afin de stabiliser les entrées et sorties de capitaux. Les moyens d'intervention seraient notamment des mesures comme la restriction des investissements étrangers, des fonds de retraite et une partie de ces mesures consisterait simplement à permettre aux gouvernements d'interdire certains types de portefeuilles d'investissement.
Si l'investissement étranger sert à créer une usine, à exploiter une mine, à construire un édifice à bureaux ou quelque chose de vraiment concret et productif, voilà quelque chose qui constitue un apport à l'économie locale. C'est aussi un investissement qui ne peut plier bagage du jour au lendemain comme les billions de dollars de capitaux financiers peuvent le faire. C'est donc le type d'investissement étranger que nous devrions favoriser.
Nous devrions travailler véritablement à restreindre la plupart des types d'investissements de portefeuille. À tout le moins, nous devrions demander aux investisseurs de portefeuilles de rendre des comptes. Les Chiliens ont donné un exemple de ce mode de fonctionnement, ils ont essayé de forcer les investisseurs de portefeuilles à conserver une partie de leur argent en dépôt à la Banque centrale nationale. Cela a fonctionné pendant quelques années. Cependant, ce n'était pas suffisant par rapport au chaos mondial aussi, ils ont fini par retirer cette mesure. Mais c'est le type de réglementation directe qui devrait être mise en place.
D'une manière plus fondamentale, nous devons aussi restreindre la croissance de l'influence des marchés financiers privés de façon générale. C'est ici qu'entre en jeu le choix entre disons, un régime de pensions public et un régime enregistré d'épargne-retraite privé. Si vous empruntez la route des REER privés, tout ce que vous réussirez à faire finalement c'est d'accroître encore davantage la taille et l'influence de ces marchés financiers privés qui se sont déjà montrés tellement instables et qui risquent de causer tellement de dommages. Encore une fois, c'est, à mon avis, la raison pour laquelle je pense nous assistons à ce chaos à l'échelle internationale depuis quelques années—et l'année dernière surtout—et c'est aussi un solide argument en faveur du recours à la prestation publique directe de certains de ces importants services.
M. Lorne Nystrom: C'est dommage que les gens du Parti réformiste ne soient pas ici ce matin, parce qu'ils souhaitent la privatisation totale du Régime de pensions du Canada, comme vous le savez. Pour le moment, ils n'ont pas recueilli beaucoup d'appui au sein du public de ce pays, Dieu merci!
M. Jim Stanford: Pour ce qui est de la question des Régimes de retraite en particulier, la bourse de Toronto a reculé d'un tiers depuis le sommet atteint en avril. Cela signifie que si vous preniez votre retraite aujourd'hui, vous seriez un tiers plus pauvre dans un régime de pensions du style réformiste que si vous aviez pris votre retraite en avril. Quelle est l'efficacité ou la rationalité de cette décision? Je l'ignore.
M. Lorne Nystrom: Je voulais vous poser une question au sujet du fonds de l'assurance-emploi. Est-ce que vous êtes d'accord avec l'idée que ce fonds est un fonds distinct et qu'il ne doit pas faire partie du Trésor comme c'est le cas aujourd'hui? Si vous êtes d'accord, est-ce qu'on ne devrait pas étaler sur une période de deux ou trois ans ou même une période de cinq ans? Je suis d'accord que nous devons améliorer les prestations, bien sûr, comme le disait Buzz. Mais est-ce que le fonds pourrait servir à autre chose? Qu'est-ce que vous pensez de la formation, du marché du travail, et ainsi de suite?
M. Buzz Hargrove: Tout d'abord, monsieur le président et membres du comité, nous rejetons le principe selon lequel cet argent appartient à quiconque sauf les travailleurs en chômage. Les cotisations sont versées par les entreprises et les travailleurs en vertu de la loi qui dit que les sans-emploi, les personnes qui perdent leur travail, doivent recevoir un revenu pendant qu'ils sont à la recherche d'un autre travail au sein de notre économie. Chaque année, il y a des centaines de milliers de personnes qui se trouvent entre deux emplois ou, dans la meilleure des situations, qui ont une période assez courte de chômage. Il y en a d'autres par contre qui subissent des périodes assez prolongées de chômage pour diverses raisons.
Donc, nous voulons être absolument clairs: nous rejetons toute idée selon laquelle cet argent devrait être divisé par qui que ce soit. Ce n'est pas un fonds d'assurance pour les entreprises. C'est un fonds d'assurance pour les chômeurs, qui doit être utilisé pour leur verser des prestations.
C'est intéressant de voir qu'ils ont changé le nom de l'assurance-chômage pour l'assurance-emploi. Si vous écoutez bien le CCCE, la Fédération canadienne de l'entreprise individuelle, le Parti réformiste et bien d'autres, vous verrez qu'ils parlent de prendre cet argent et d'accorder des allégements fiscaux à ceux qui travaillent, à ceux qui s'en tirent finalement assez bien par comparaison aux chômeurs, à ceux qui n'ont aucun revenu. Finalement, cela revient à donner encore plus d'argent à ceux qui sont à l'aise financièrement, au moyen d'une subvention versée par ceux-là mêmes qui sont sans emploi et qui ne retirent aucun revenu.
• 1055
Je suis contre cet argument selon lequel il devrait y avoir un
certain principe d'autonomie régi par les entreprises et les
travailleurs. S'il s'agit d'avoir une autonomie par rapport au
gouvernement, cette autonomie devrait être régie par les
travailleurs. Elle devrait être régie par ceux qui travaillent,
parce que c'est leur argent. Une fois que c'est argent est versé
dans le fonds, il n'appartient à personne d'autre. Donc ce n'est
pas exactement le message que nous entendons aujourd'hui,
malheureusement.
Un débat très intéressant se déroule au pays aujourd'hui alors que les entreprises, et le gouvernement compris, veulent resserrer leur emprise sur le revenu des travailleurs. Dans le secteur fédéral, par exemple, des employés n'ont obtenu aucune augmentation depuis six ou sept ans, leur revenu a chuté radicalement à cause de l'inflation. Il y a aussi des personnes à qui l'on a refusé l'équité salariale dans le secteur public. Les travailleurs du secteur privé ont été forcés de subir des compressions salariales. L'ensemble de l'économie est en décroissance en raison de l'incidence de ces compressions sur les revenus individuel et familial.
Ce qu'il faut faire maintenant, c'est remettre cet argent dans les poches des gens. Je ne pense pas que Tom d'Aquino du CCCE, ni Catherine Swift de la Fédération canadienne de l'entreprise individuelle aient un seul mot à dire sur ce que l'on devrait faire avec cet argent qui appartient aux travailleurs en chômage. J'ai participé à la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Nous avons tenu cette discussion concernant les baisses de cotisations ou l'augmentation des prestations, et je connais exactement le point de vue des entreprises aujourd'hui. Ils veulent récupérer l'argent dans les poches des plus pauvres entre les pauvres et le donner aux plus riches d'entre les riches.
Quant à ce que nous recommandons, je pense qu'il s'agit d'un avantage social. Les avantages sociaux sont censés être mis en oeuvre et régis par le gouvernement. La tragédie, aujourd'hui, c'est que le gouvernement abuse de son pouvoir en ce domaine. En dépit du fait que nous avons diverses sources financières pour fournir des prestations aux chômeurs, nous leur enlevons ces prestations et nous négligeons l'effet négatif que cette décision entraînera. Comme la religieuse le disait tout à l'heure, les effets négatifs de ces mesures sont notamment la pauvreté infantile, la pauvreté en général, les sans-abri, et le niveau de vie général de même que l'impression que dans notre pays, il y a de plus en plus de personnes à faible revenu. Voici les questions auxquelles nous devrions revenir.
Nous devrions aussi revenir à l'époque où le gouvernement se tenait debout face aux entreprises et à l'époque où il servait de contrepoids à cet incroyable pouvoir dont parle Jim Stanford, ce pouvoir que nous avons mis entre les mains du capital privé. Il faut que quelqu'un se lève et parle au nom des travailleurs, particulièrement de ceux qui sont défavorisés, des sans-emploi et des enfants qui vivent dans la pauvreté.
Le président: Merci, monsieur Nystrom et monsieur Hargrove.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Merci à vous pour votre exposé. J'aurais une question pour l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Dans quelle mesure avez-vous exploré des propositions précises concernant l'intervention précoce et le rendement social du capital investi—par exemple, chez les jeunes, et chez les membres de votre organisme? En dernier ressort, avez-vous exploré des modèles et disposez-vous de certains projets ayant réussi dans ce contexte, un peu comme l'ont démontré les études du docteur Mustard pour ce qui est de l'intervention précoce en général?
Mme Connie Laurin-Bowie: Les études du docteur Mustard sont plutôt centrées sur des questions de développement clinique. Au cours des ans, des projets sociaux, des activités et des expériences ont démontré que, qu'ils aient ou non un handicap intellectuel, les enfants qui vont à l'école avec leurs pairs et grandissent dans leur communauté finissent par continuer à vivre dans leur communauté en nécessitant moins de soutien que celui dont ils auraient pu avoir besoin s'ils avaient été exclus ou séparés. Ils finissent aussi souvent par obtenir un diplôme d'études secondaires et par aller travailler.
Le phénomène intéressant auquel nous assistons est que la génération actuelle est la première génération d'enfants à avoir été admis dans le système scolaire, par exemple, et qui sont maintenant en voie de devenir des membres contribuant à la société et qui travaillent. Ils sont les premiers, proportionnellement, à être davantage employés que leurs pairs.
Du côté clinique, nous avons fait moins de travail d'intervention sur les types de déterminants... Je me souviens de l'exposé du docteur Mustard au Comité du développement des ressources humaines sur l'intervention précoce. Je crois qu'il a dit quelque chose comme quoi si un enfant vit dans un foyer où il y a beaucoup de violence, il aura du mal à apprendre. Eh bien, nous n'avons pas eu besoin d'une étude pour comprendre cela.
• 1100
De la même façon, pour les enfants qui ont un handicap
intellectuel, je crois que nous sommes parvenus à mieux comprendre
certaines données de l'environnement social parce qu'une génération
d'enfants a été intégrée et soutenue différemment. Ils sont
intégrés et soutenus du fait que leur famille dispose maintenant de
moyens d'action au sein de la communauté. Cela est impossible si
les familles restent isolées. C'est l'un des éléments importants
des découvertes.
M. Scott Brison: Dans quelle mesure utilise-t-on les technologies de l'information, ou du moins les développe-t-on, afin d'aider les citoyens des zones rurales, pour ne citer que ceux-là? Je représente une circonscription rurale. Les distances sont un facteur déterminant pour le coût des télécommunications, et il me semble évident qu'il faut explorer les moyens technologiques qui permettraient d'améliorer la prestation des services, surtout les technologies de l'information. Est-ce qu'on fait des recherches en ce sens?
Mme Connie Laurin-Bowie: Une série de projets dans le pays visent le suivi du travail de désinstitutionnalisation. Cette dernière démarche ayant été conclue avec un certain succès, nous avons mis en branle des projets d'étude de l'infrastructure communautaire et des activités de développement communautaire. Je ne suis certes pas celle qui connaît le mieux ces projets, mais je crois que certains portent précisément sur l'utilisation de ces technologies.
Je ne peux vous donner le détail sur la façon dont on les a utilisées, si elles sont axées sur l'emploi, sur les enfants ou sur l'apprentissage, ni dans quelle mesure. Mais les technologies sont devenues en effet des sources d'information de plus en plus précieuses pour les familles, ainsi que pour les établissements d'enseignement et les prestataires de services à la communauté. On utilise dorénavant les technologies de l'information à tous les échelons et dans toutes les sphères, mais les ressources manquent pour en accroître l'implantation.
M. Scott Brison: Merci.
Docteur Stanford, j'ai beaucoup aimé votre intervention. La dilapidation de l'excédent relève de la théorie keynésienne. Vous nous suggérez de dépenser le surplus, sans que l'on crée un autre déficit. C'est bien cela?
M. Jim Stanford: À la condition que l'économie ne s'engage pas dans une récession irréversible, oui, j'opterais pour que l'on dépense les surplus jusqu'à l'atteinte de l'équilibre budgétaire. Il en résultera une économie plus forte et des revenus plus élevés pour le gouvernement.
Par ailleurs, je ne souscris pas au principe selon lequel le budget doit être équilibré à tout prix, sans égard à la conjoncture économique. Il est normal que le gouvernement affiche un déficit quand le pays est en récession. Le déficit découle automatiquement d'une décroissance des revenus et de l'augmentation des dépenses dans les programmes sociaux. Si le gouvernement tente de maintenir un budget équilibré alors que l'économie est en récession, celle-ci ira de mal en pis, parce que les dépenses seront diminuées en même temps que le secteur privé cherchera désespérément des contrats.
M. Scott Brison: Vous avez raison sur le fait que, si on applique strictement le modèle keynésien durant une récession, le gouvernement peut continuer d'investir même s'il crée un déficit. Ce n'est pas faux. Malheureusement, les gouvernements n'ont pas démontré dans le passé qu'ils pouvaient régler déficit accumulé quand arrive une période de croissance. La vapeur a été renversée récemment, mais beaucoup de politiciens semblent avoir lu Keynes, sans toutefois être en mesure d'appliquer l'ensemble de ses recommandations.
Croyez-vous que des réductions d'impôt seraient plus ou moins pertinentes si on mesure les incidences réelles? Le modèle keynésien suggère d'instaurer des réductions d'impôt—par exemple, il faudrait réduire considérablement les cotisations à l'AE parce que ce sont des impôts et qu'elles ont un effet négatif sur l'emploi, alors que le chômage est plus élevé que nécessaire. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Jim Stanford: Nous reconnaissons que les réductions d'impôt constituent un stimulant budgétaire. En ce sens, à l'heure actuelle, ce serait mieux que rien. Il vaudrait beaucoup mieux que le gouvernement fédéral nous fasse bénéficier de réductions fiscales au lieu de dilapider des milliards de dollars pour payer la dette, ce qui ralentit encore l'économie.
Certaines formes de réductions d'impôt sont de meilleurs stimulants que d'autres. Les réductions d'impôt ciblées du dernier budget ne sont pas mal du tout, car elles permettent de redistribuer les profits parmi les Canadiens à faible revenu qui dépenseront le plus. Cependant, l'introduction de réductions globales dans le régime fiscal ne constitue pas un stimulant très efficace. Ce sont les plus hauts salariés qui ramassent la manne des profits, et qui placeront la grande partie de leur revenu incrémental net d'impôt au lieu de le dépenser. On n'obtient aucun effet stimulant direct. De plus, les personnes à salaire élevé sont très enclines à acheter des biens d'importation de luxe.
• 1105
Sans doute, des réductions d'impôt sont stimulantes, mais nous
croyons qu'il est encore plus stimulant d'injecter l'argent dans
des programmes publics. Le taux de rendement de l'investissement
est beaucoup plus élevé.
M. Buzz Hargrove: J'aimerais ajouter un commentaire à ce propos. Quand on réduit les cotisations, la grande partie de l'argent va aux entreprises. Les entreprises paient 7/12, comme vous le savez, et les travailleurs versent l'autre 5/12 des cotisations d'AE. Si vous accordez des réductions, comme Martin l'a fait... C'est la seule chose sur laquelle j'étais d'accord avec lui hier soir: ils ont jusqu'à maintenant réduit trois ou quatre fois les cotisations d'AE. C'est au Canada que les cotisations sociales sont les moins élevées parmi tous les pays de l'OCDE. Et nous occupons un rang enviable à l'échelle mondiale. Il n'y a donc aucune raison aujourd'hui de donner de l'argent aux travailleurs sans emploi—de le prendre dans leurs poches, comme nous le faisons actuellement, et de le redonner aux entreprises en réduisant leurs cotisations.
On pourrait juger à propos d'accorder des réductions de prime à un groupe ciblé de travailleurs ayant un certain niveau de revenu. Mais, comme c'est souvent le cas, on prendra de l'argent aux plus pauvres parmi les pauvres pour le redonner aux citoyens les plus riches.
M. Scott Brison: Hier, le ministre Martin a annoncé que d'éventuelles réductions d'impôt prendraient la forme d'une imposition progressive, ou moins régressive qu'elle ne l'est actuellement, et qu'il tenterait de favoriser les Canadiens ayant des revenus faibles ou moyens. Mais le fait que l'on maintienne arbitrairement des cotisations d'AE élevées ne contribue-t-il pas au maintien de l'imposition régressive, fondée sur le plafond de 39 000 $?
M. Buzz Hargrove: Oui, mais la solution, comme nous l'avons suggéré récemment à M. Martin au cours d'une réunion, serait de changer le mode de calcul des cotisations d'AE. On a fixé le plafond à 39 000 $, ce qui signifie que beaucoup de hauts salariés—y compris des membres de mon syndicat—ne souscrivent pas autant qu'ils le devraient à une assurance dont ils pourraient retirer des bénéfices.
Le réel problème est donc le surplus. À mon avis, si nous n'avions pas privé les chômeurs de cet argent, il n'y aurait pas de surplus actuellement. Beaucoup de gens souffrent. J'aimerais vous rappeler que 1 million de chômeurs n'ont aucun revenu et que cette situation est à la source de ce surplus. Il faut donc que toutes les actions visent à retourner l'argent à ceux qui les ont accumulés. Je ne parle pas de réductions de cotisations, parce que cet argent bénéficiera en grande partie à des entreprises qui n'en ont pas besoin. Si nous voulons restructurer le calcul des cotisations, une avenue très censée à mes yeux, il faut instaurer un régime d'impôt progressif. Les salariés à revenu élevé devraient payer des cotisations d'AE plus élevées. On ne devrait pas fixer de plafond, comme c'est le cas maintenant. C'est ce que nous avons suggéré à M. Martin.
Le président: Merci, monsieur. Brison.
Mme Friendly vient tout juste de se joindre à nous. Je vous accorde cinq ou six minutes pour faire votre exposé, puis nous poursuivrons la période de questions. Bienvenue.
Mme Martha Friendly (coordonnatrice et professeure adjointe, Childcare Resource and Research Unit, Centre for Urban and Community Studies, Université de Toronto): Merci. Je suis désolée de m'être méprise sur l'horaire.
Je me nomme Martha Friendly. Je suis coordonnatrice du Childcare Resource and Research Unit de l'Université de Toronto. Je connais déjà plusieurs d'entre vous: je viens chaque année. Sur la route qui me conduisait ici ce matin, j'écoutais le ministre des Finances à la radio. Et je me suis demandé pourquoi je revenais.
Je suis toujours venue pour vous parler des politiques familiales au Canada; je le ferai de nouveau, en m'attardant toutefois sur un élément de celles-ci qui est touché par l'excédent budgétaire. En guise de préambule, je rappellerai que la plupart des autres pays se sont dotés au cours de la dernière décennie de politiques familiales et à l'enfance qui sont relativement cohérentes, mais que le Canada reste résolument ambivalent en ces domaines, et n'a jamais réussi à se donner des politiques solides.
M. Szabo et moi-même avons beaucoup discuté de cette question au cours de l'été, et certaines de mes remarques s'adresseront particulièrement à lui. Au cours des deux dernières années, hormis une déduction fiscale pour enfants, la politique en matière familiale est plus éclatée que jamais. Nous avons vraiment besoin de politiques cohérentes et globales, sans quoi nous serons incapables d'affronter les défis que nous réserve le XXIe siècle, dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'économie autant que de celui des droits de la personne.
• 1110
Je parlerai plus précisément aujourd'hui des congés de
maternité et parentaux. Je vais expliquer en quoi ils sont touchés
par l'excédent budgétaire et ce qu'il faut faire à mon avis.
Les prestations de congés de maternité et parentaux sont nettement de compétence fédérale. Vous savez peut-être que les modalités des congés sont édictées au provincial; toutefois, le versement des prestations relève de la Loi sur l'assurance-emploi. Notre politique en cette matière a toujours laissé à désirer. Elle arrive très loin derrière celles des pays européens sur de nombreux points.
Pour ce qui est du montant de la prestation versée aux familles, même en 1990, le Canada se classait au dernier rang par rapport aux 18 autres pays membres de l'OCDE; depuis, les cotisations à l'AC ont diminué, tout comme certains salaires. Seules la Grande-Bretagne et la Grèce arrivaient derrière le Canada. Tous les autres pays donnaient des prestations plus élevées pour les congés de maternité. En outre, la durée du congé accordé est très courte, ne permet aucune souplesse et n'est pas accessible à beaucoup de nouveaux parents.
C'est le point sur lequel je m'attarderai par rapport à l'AE et à l'excédent budgétaire; je vous proposerai certaines actions en ce domaine. Le nombre et le pourcentage de nouveaux parents ayant accès aux prestations de maternité ont beaucoup diminué. Au cours de la dernière année, le nombre de demandes de prestations de maternité est passé de 153 000 à 141 000. C'est une diminution de 7,3 p. 100 pour 1997, alors que les naissances ont diminué de 2 p. 100 seulement.
Après avoir entendu les propos du ministre des Finances hier, je ne peux m'empêcher de penser que, si l'excédent est utilisé pour rembourser la dette, ce sont les nouvelles mères et leurs enfants qui en feront les frais.
Je soulève le problème des congés de maternité et parentaux en partie pour faire le lien avec certaines discussions que j'ai eues avec M. Szabo l'été dernier sur le soutien accordé aux parents qui ne font pas partie de la main-d'oeuvre active. Parmi ces derniers se trouvent ceux qui ont récemment eu des enfants.
J'aimerais proposer, comme première étape d'une politique familiale globale, que votre comité suggère d'augmenter le montant des prestations, la durée et l'accès des congés de maternité et parentaux. Cette mesure serait tout à fait opportune, étant donné le surplus de la caisse de l'AE, et parce qu'il est temps de songer à se donner une politique familiale cohérente au Canada.
C'est tout ce que j'avais à dire. Je serai heureuse de répondre à vos questions à ce sujet. Merci de m'avoir entendue malgré mon retard.
Le président: Merci beaucoup, madame Friendly.
Monsieur Discepola, vous pouvez poser votre question.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Ma question s'adresse à M. Hargrove. Je tiens à le remercier de son témoignage. Je m'attendais à ce qu'il arrive ici avec des chargées à bloc, prêt à faire feu, mais j'ai été rassuré, surtout par son introduction. Corrigez-moi si je vous cite mal, mais je vous ai entendu dire que «le gouvernement devait faire tout en son pouvoir pour maintenir une stabilité et un régime fiscal stable.» C'est certainement, je crois, ce qu'a tenté de nous dire M. Martin hier soir.
Cependant, je m'interroge au sujet de certaines de vos recommandations. Bien que le Dr Stanford n'ait jamais admis de quelque façon que les politiques gouvernementales pouvaient être à l'origine de ce surplus—si je le cite correctement, il affirme que le surplus est dû à une performance exceptionnelle de l'économie ou à des taux d'intérêt peu élevés. Peu importe. Ce qui compte, c'est qu'il existe en effet des surplus.
• 1115
Je m'inquiète en entendant certaines de vos recommandations à
l'effet qu'il faudra augmenter les dépenses. Je suis toujours
rébarbatif à une augmentation de dépenses parce qu'il est difficile
d'oublier que, si la performance de notre économie n'est pas aussi
bonne qu'elle ne l'a été dernièrement, depuis peu à vrai dire, les
fonds viendront à manquer. Si on appliquait certaines de vos
recommandations d'investir dans les secteurs que vous avez nommés,
nous devrons assumer des dépenses récurrentes. Ainsi, si nous
investissons ne serait-ce que 1 milliard de dollars, nous aurons
cette même dépense l'année suivante et encore l'année suivante.
Nous devrons être sûrs de disposer de ces sommes si nous voulons
continuer à offrir ces programmes et éviter un nouveau déficit.
Je me demande pourquoi le Dr Stanford s'oppose avec une telle force à une réduction de la dette. Selon les théories économiques que je connais, si nous diminuons la dette de 9 ou 10 milliards de dollars, selon le montant du surplus, les remboursements seraient moins élevés, un avantage certain pour la population. Nous avons déjà réduit la dette de 9 milliards et nous avons pu accumuler, d'année en année, des fonds supplémentaires de 800 millions de dollars—grâce à des paiements moins élevés sur la dette. Ce sont des sommes que vous pouvons investir dans des programmes permanents, dont certains font partie de vos recommandations.
Ne devrions-nous donc pas recommander prioritairement à M. Martin de mettre en oeuvre des mesures concertées de réduction de la dette, avant toute autre mesure qui risque encore une fois de nous amener au déficit?
M. Jim Stanford: À mon avis, les avantages réels pour les Canadiens des mesures visant la réduction de la dette accumulée vont de négligeables à iniques. Il me semble particulièrement ironique que l'on veuille rembourser la dette alors même que des milliers d'investisseurs financiers privés tentent d'acheter des obligations d'État, qu'ils considèrent comme un havre de sécurité contre l'instabilité de la bourse des valeurs mobilières. En fait, il existe un bon argument économique pour que le gouvernement conserve une dette importante par rapport au PIB: cette dette confère aux marchés des capitaux privés une certaine stabilité durant les périodes d'instabilité de la bourse.
Pourquoi bloquer l'accès à ces refuges tant convoités par les investisseurs, alors que les océans financiers sont encore bouleversés par de terribles tempêtes? Les investisseurs veulent mettre la main sur ces obligations maintenant. Certains prétendent même qu'il y a pénurie de ces obligations.
M. Nick Discepola: Où est la faille dans ma logique? Si je réduis mon hypothèque, pour utiliser votre analogie, de 10 000 $, j'économise 10 p. 100 de cette somme qui autrement aurait grevé mon budget familial. Je pourrai donc utiliser cet argent à d'autres escients. Estimez-vous que les gouvernements ne sont pas dignes de confiance et ne seront pas capables d'investir ces économies dans certaines des mesures que vous avez présentées, et que cette incapacité rend inutile même la plus petite tentative de réduire la dette?
M. Jim Stanford: Le seul avantage direct d'une réduction de la dette est l'infime économie sur les intérêts payés au cours de l'année suivante...
M. Nick Discepola: Il ne s'agit pas d'un infime montant: on parle de 800 millions de dollars si nous réduisons la dette comme nous l'avons fait.
M. Jim Stanford: Quand on parle d'une dette qui s'élève à 600 milliards de dollars environ, le fait de rembourser 3,5 milliards a une infime incidence sur les intérêts à payer.
Si vous voulez vraiment réduire le fardeau des intérêts, la réduction des taux d'intérêt réels sera beaucoup plus efficace. Les taux d'intérêt réels ont atteint des sommets inégalés au cours des années 90, encore une fois en théorie, parce qu'ils devaient nous assurer une certaine stabilité financière. Le gouvernement s'est en quelque sorte tiré dans le pied, car le service de la dette élevé était devenu un véritable fardeau, encore plus que la hausse de la dette elle-même.
Les avantages réels de rembourser la dette sont négligeables. Le fardeau de la dette s'amoindrira rapidement dans un contexte de budget équilibré, en raison de la croissance du dénominateur PIB. En fait, en tentant d'accumuler de l'argent pour régler la dette, l'État ralentit la croissance du PIB, qui...
M. Nick Discepola: Vous croyez donc que c'est la croissance qui permettrait le mieux de réduire le ratio dette - PIB?
M. Jim Stanford: Considérons le changement survenu entre 1945, alors que la dette du fédéral équivalait à 110 p. 100 du PIB, et 1975, alors que la dette s'élevait à 15 p. 100 du PIB: on n'en est pas arrivé là parce qu'on a payé la dette. En fait, la valeur réelle de la dette a augmenté durant cette période. Sur le plan arithmétique, la croissance du PIB est beaucoup plus déterminante que la diminution du poids de la dette. C'est un fait que l'État bafoue continuellement avec son attitude radine.
M. Nick Discepola: Merci.
Monsieur Hargrove, j'aimerais comprendre votre position par rapport à l'excédent de la caisse de l'AE: je reçois des signaux contradictoires de la part des membres de l'opposition, dont certains sont supposés défendre les travailleurs. Pensez-vous que les sommes générées par ce soi-disant fonds de l'AE ne devraient pas être retournées à ceux qui ont permis l'accumulation de l'excédent?
M. Buzz Hargrove: Non. L'argument utilisé par le Parti réformiste—si vous y faites référence, c'est que vous invoquez le même argument—est le suivant: une fois que Ford du Canada Ltée nous a versé nos salaires, elle a le droit de les reprendre parce qu'ils leur appartiennent, qu'un éventuel surplus leur appartient. L'argent de la caisse a été gagné par des travailleurs qui travaillent pour des sociétés qui paient des cotisations, en vertu de la loi. Ce n'est pas une assurance pour l'entreprise. Ce n'est pas une assurance pour ceux qui paient des cotisations. C'est une assurance pour ceux qui perdent leur emploi et qui ont besoin d'un revenu, et cet argent devrait donc leur être destiné exclusivement.
M. Nick Discepola: Pas nécessairement les 60 p. 100 qui sont versés par les employeurs. Nous ne devrions pas...
M. Buzz Hargrove: Il ne faudrait même pas donner 5 ¢ à un employeur. Ils n'y ont pas droit.
M. Nick Discepola: Bien. C'est ce que je voulais comprendre le plus clairement possible.
Pour ce qui est des façons d'utiliser l'argent, j'aimerais que vous nous disiez s'il devrait être débité du fonds comme somme compensatoire, avant que l'on y verse tout surplus éventuel. Actuellement, pour le meilleur ou pour le pire, peu importe l'angle de vue, les fonds générés sont utilisés à divers escients. Je me demande s'il est juste de dire que tout cet argent devrait être retourné aux travailleurs, alors que l'on sait qu'une partie permet de payer des prestations de maternité, des programmes de formation en entreprise, et même des prestations de maladie.
Alors, avant de décider de retourner la totalité des 6 milliards de dollars aux employés, nous recommandez-vous d'en garder une partie pour augmenter les prestations ou la portée du régime pour ceux qui ne peuvent en bénéficier autrement, ou d'augmenter le nombre de programmes de formation en entreprise pour d'autres?
M. Buzz Hargrove: La nouvelle Loi sur l'AE comprend beaucoup de nouvelles dispositions. Son titre, Loi sur l'assurance-emploi, me fascine toujours. La seule chose dont vous êtes assuré est que, dorénavant, si vous perdez votre emploi, vous n'obtenez rien. Je crois que c'est la signification la plus exacte.
Une partie doit permettre de payer les prestations de maternité, et une autre partie les formations. Nous n'avons aucune objection à ce sujet. Cela va dans le meilleur intérêt des travailleurs qui contribuent au fonds. C'est tout à fait dans l'optique d'une décision politique qui viserait à soutenir les travailleurs. Mais ce n'est pas ce dont on parle.
Nous parlons aujourd'hui d'une réduction de cotisations demandée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. On redonnerait de l'argent à des personnes qui n'en ont pas besoin et, fait encore plus grave, on prive celles qui en auraient besoin. Le Canada compte 1 million de personnes sans emploi qui ne touchent aucun revenu du tout, et le CCCE demande que l'on accorde à tous des réductions d'impôt. Sauf votre respect, si des personnes gagnant 51 000 $ par année ont besoin de plus d'argent, il faudrait demander aux employeurs de leur verser un salaire plus élevé, au lieu d'enlever de l'argent aux chômeurs qui ne reçoivent rien.
M. Nick Discepola: Mais que feriez-vous avec les 6 milliards de dollars? Une réduction des impôts n'équivaut-elle pas à une augmentation de salaire?
M. Buzz Hargrove: Il y a 1 million de personnes qui attendent. J'ai fait le tour des centres pour itinérants du centre-ville de Toronto voilà deux semaines, où des personnes vivent. Des femmes avec des enfants vivent dans les pires conditions imaginables. Peut-être pourrait-on commencer par mettre un peu d'argent dans leurs poches? On pourrait dépenser un peu d'argent pour empêcher que des enfants ne meurent de faim en arrivant à l'école le matin ou en se couchant le soir. Nous pourrions peut-être mettre quelques vêtements sur le dos de jeunes enfants vivant dans certains quartiers du centre-ville de Toronto, dès maintenant. Cela les empêcherait d'aller à l'école l'hiver en espadrilles percées, avec un manteau de printemps ou d'automne plutôt qu'un manteau d'hiver. On pourrait poser quelques gestes du genre.
M. Nick Discepola: Vous nous suggérez donc de garder les excédents, peu importe leur provenance, et de les réserver aux domaines prioritaires que vous avez décrits.
M. Buzz Hargrove: Le gouvernement devrait prendre de nouveau ses responsabilités, et prendre l'argent qui était destiné à aider des personnes ayant perdu leur emploi—le plus souvent des salariés à faible revenu qui sont ballottés d'un emploi à l'autre—pour leur garantir le revenu dont elles ont besoin. Certains travailleurs saisonniers de ce pays ne perçoivent aucun revenu d'aucune nature aujourd'hui en raison des règles édictées par votre gouvernement.
M. Nick Discepola: Mais nous n'avons pas cette latitude, monsieur. Si vous nous dites que...
M. Buzz Hargrove: Vous le faites.
M. Nick Discepola: ... si on prenait ces 6 milliards de dollars pour les redonner aux travailleurs, et investir dans certains secteurs prioritaires à vos yeux. Le problème est que nous aurons un manque à gagner de 6 milliards de dollars.
M. Buzz Hargrove: Le surplus accumulé s'élève à 20 milliards de dollars.
M. Nick Discepola: On l'a déjà dépensé.
M. Buzz Hargrove: Vous n'avez pas le droit de le dépenser. Vous le devez aux gens sans emploi au pays. Ne me dites pas qu'il a déjà été dépensé.
M. Nick Discepola: On croit à tort qu'il existe un montant de 20 milliards de dollars dans un compte de banque, où nous pouvons puiser à loisir pour réaliser toutes sortes de choses.
M. Buzz Hargrove: Non, non. Vous avez emprunté cet argent.
M. Nick Discepola: En 1986, monsieur...
M. Buzz Hargrove: Votre gouvernement l'a emprunté auprès des personnes sans emploi. Si j'emprunte de l'argent à quelqu'un, je dois le rembourser. Vous n'avez pas le choix de le rembourser à ceux à qui il appartient, soit les personnes sans emploi.
M. Nick Discepola: Merci.
Le président: Monsieur Hargrove, vous ne voyez aucun problème à ce que le gouvernement dépense de telles sommes alors qu'il est en déficit?
M. Buzz Hargrove: Je n'ai pas entendu la question.
Le président: Actuellement, il existe un excédent, ce qui est exceptionnel. Mais nous avons connu des périodes de récession dans le passé et le gouvernement devait renflouer les fonds. Était-ce correct?
M. Buzz Hargrove: Que le gouvernement finance le déficit...?
Le président: Oui, le déficit et la caisse de l'AC.
M. Buzz Hargrove: Oui, c'est le devoir de l'État. C'est un programme social. La caisse a été instituée et conçue de façon qu'elle soit pleine, en disant aux employeurs: «Vous avez un devoir. Vous êtes responsables des mises à pied. Vous devez payer tant.» Les travailleurs ont choisi de payer aussi. Nous avons besoin d'un revenu quand nous perdons notre emploi. Mais il a toujours été reconnu dans ce pays, jusqu'à très récemment, que les exigences des chômeurs ne pouvaient être entièrement satisfaites en cas de récession grave. Le gouvernement a donc complété la somme, ce qui est à mon avis son rôle légitime.
Le président: Laissez-moi vous demander quelque chose. Cet excédent de 20 milliards de dollars dans la soi-disant caisse de l'AC est une situation exceptionnelle. Si nous abdiquions aux conseils de certaines personnes et que nous retournions l'argent aux employeurs ou aux employés... Je veux dire, des personnes adhérant à différentes écoles de pensée nous disent en gros que l'argent devrait être remboursé en totalité. Si ce geste se traduisait par un nouveau déficit, je crois que nous comprenons tous les incidences sur les taux d'intérêt, par exemple. Ils monteraient probablement. Tous les gens autour de cette table comprennent, je crois, le lien entre l'augmentation des taux d'intérêt et le taux de chômage. Quand les taux d'intérêt montent, l'économie ralentit. Il est donc clair qu'il faut—c'est une question d'harmonisation des objectifs.
Nous dites-vous qu'il importe peu en fait de revenir à un budget déficitaire ou non, que tout ce qui compte est de récupérer votre argent?
M. Buzz Hargrove: Non, on ne vous dit pas de prendre les 20 milliards aujourd'hui et de les répartir entre les chômeurs, même si ce serait tout à fait légitime et légal. Cet argent leur appartient. Il n'appartient pas aux employeurs. J'aimerais vous faire comprendre clairement que rien dans la loi n'indique que l'argent appartient aux employeurs. Il est mis en réserve à l'intention des personnes qui perdent leur emploi. Une fois qu'il a été ramassé, c'est à eux qu'il appartient.
Nous disons simplement qu'il est très honteux pour un pays comme le nôtre que 64 p. 100 des gens qui perdent leur emploi—et c'est plus de 70 p. 100 en Ontario—ne seront admissibles à aucune sorte de compensation. Les retombées pour eux-mêmes et pour leurs familles sont désastreuses. Un groupe de gens attendent désespérément de l'aide. Nous pourrions prendre quelques milliards de dollars pour combler les besoins urgents de ces personnes et, au cours des prochaines années, pour recouvrer les taux antérieurs de 75 à 80 p. 100 d'admissibilité en cas de perte d'emploi. Ces personnes pourraient de nouveau recevoir ce à quoi elles ont droit si elles perdent leur emploi, recevoir en prestations ces montants qu'elles ont versés en cotisations d'assurance.
Nous ne disons pas au gouvernement de créer un déficit en sortant tout l'argent dès aujourd'hui. Mais s'il dépensait 20 milliards de dollars aujourd'hui, le pays connaîtrait un réel essor économique, et tous ces gens pourraient en tirer des bénéfices globaux, si les sommes étaient réparties adéquatement.
Le président: Vous nous dites donc qu'il faut aussi augmenter les avantages. J'aimerais vous poser une question à cet effet. Quel devrait être selon vous le ratio entre le salaire moyen dans l'industrie et le maximum de la rémunération assurable? Quel serait le lien idéal? Monsieur Stanford, monsieur Hargrove...
M. Buzz Hargrove: Je crois que nous avons avancé un taux de 60 p. 100. Il devrait se situer autour de 60 p. 100. Je crois qu'il est inférieur à 50 p. 100 actuellement.
Le président: Oui. Certaines personnes prétendent que, quand le régime de l'assurance-emploi, jadis appelé régime de l'assurance-chômage, attire autant d'employés que les employeurs, on peut parler de distorsion du système économique. Qu'en pensez-vous?
M. Buzz Hargrove: Cet argument est tout à fait inepte. Il suffit de voir ce qui se passe dans les pays où on ne verse pas de prestations du tout. L'Indonésie est un bon exemple. On en faisait le modèle à copier par le Canada voilà quelques mois. Équipe Canada est allée visiter l'Indonésie. Ce pays se targuait d'avoir un excédent. Les recettes publiques étaient excédentaires. Idem pour le commerce. Aucun avantage social n'était versé—pas de programmes de santé, pas d'assurance-chômage, pas d'allocation de logement, pas d'allocations pour enfants. Malgré tout, l'économie a connu une descente rapide aux enfers pour toutes sortes de raison. Et les chômeurs sont maintenant nombreux. Ils ne trouvent pas d'emploi parce qu'ils ne reçoivent pas d'avantages sociaux.
Il est donc tout à fait insensé d'arguer que les avantages sociaux empêchent les gens de travailler. Chaque fois que McDonald's ouvre une nouvelle succursale et affiche des offres d'emploi, au moins 1 000 ou 2 000 personnes attendent en file. Dans toutes les localités où cela arrive au pays... Les gens ne vont pas là pour recevoir des avantages sociaux; ils veulent un emploi.
Le président: Qu'en est-il de ces personnes qui disent...? On cite souvent les pays scandinaves comme étant des modèles de justice, d'équité sociale, d'avant-gardisme. On y construit semble-t-il une société fondée sur la justice et la compassion. La tendance semble changer actuellement. En fait, on constate que les dépenses sociales commencent à décroître et que les programmes ne sont plus aussi généreux qu'auparavant. Quelles sont les causes de ce retournement de situation selon vous?
M. Buzz Hargrove: La droite fait des siennes, et le pouvoir du capital a augmenté. La mondialisation a entraîné l'augmentation du pouvoir du capital et celui du chantage. Le chantage prend de très nombreuses formes.
Les gouvernements font du chantage au moyen des impôts. Vous n'entendrez pas Tom d'Aquino et le CCCE parler du phénomène de la pauvreté au pays et des solutions possibles. Ils vous parlent de réductions d'impôts au bénéfice de ceux qui en ont déjà trop. Le Toronto Star je crois a donné une très bonne explication des incidences de leur proposition.
Les mêmes pouvoirs exercent leur influence au Canada, dans tous les domaines. Les lois environnementales sont bafouées ou abrogées. L'an dernier, une entreprise avait promis d'investir dans une localité voisine de la région de Toronto; cependant, elle exigeait l'élimination de toute la bureaucratie, y compris les consultations sur l'environnement et autres procédures. Le conseil a voté massivement et rapidement afin d'acquiescer aux demandes de l'investisseur. Au diable les lois environnementales!
Le chantage que permet d'exercer le capital, de faire abolir entre autres les restrictions qui mettraient des bâtons dans les roues des promoteurs, met beaucoup de pression sur tous les pays, que les avantages sociaux y soient les meilleurs ou les pires. Je voyage partout sur la planète. Je constate avec intérêt que, où que j'aille, les mêmes forces sont à l'oeuvre. Si les gens travaillent pour un salaire quotidien de 5 $, ils se font dire qu'ils doivent accepter une réduction pour permettre à l'employeur de rester concurrentiel dans l'économie mondiale. C'est le genre de pressions contre lesquelles nous nous battons.
Le président: Qu'arrivent-ils aux effectifs des syndicats canadiens?
M. Buzz Hargrove: Ils sont relativement stables sur le plan du nombre. Cependant, sur le plan de la rémunération, nos membres logent à la même enseigne que le restant de la population: leur revenu familial n'a pas bougé au cours de la dernière décennie. Il est intéressant de voir que l'on ne discute jamais de la façon dont nous pourrions de nouveau partager la richesse. Nous produisons actuellement plus de richesses que jamais auparavant dans toute l'histoire du Canada. Mais ce sont les employeurs et les actionnaires qui remplissent leurs goussets. Les dividendes ont monté en flèche et les salaires des cadres sont partis en fusée. On continue tout de même de dire aux travailleurs: «Non, on ne peut pas se permettre d'augmenter vos salaires.»
Je participe à beaucoup de négociations. Depuis beaucoup trop longtemps, selon certains. J'ai pourtant très hâte de m'attabler pour entreprendre les prochaines négociations. Chrysler a annoncé juste hier que ses profits s'élevaient à 680 millions de dollars pour le troisième trimestre. Ford affichait hier des profits de 1 milliard de dollars. Je les rencontre dans quelques mois. J'aimerais les entendre dire que leurs affaires vont bien et qu'ils aimeraient en faire profiter les travailleurs. Mais ils ne le feront pas. Ils nous diront que, vu la mondialisation des marchés, la compétition est féroce, et qu'ils doivent réduire les salaires et les avantages, et éliminer la sécurité d'emploi.
C'est ainsi que cela se passe pour les travailleurs, et les gouvernements dirigent les opérations. C'est d'ailleurs ce qui m'horripile le plus. Beaucoup de travailleurs au fédéral n'ont pas eu d'augmentation de salaire depuis six ou sept ans. C'est tout à fait honteux dans une économie comme la nôtre.
Le président: Êtes-vous en train de me dire que les syndicats perdent du pouvoir dans ce pays et partout dans le monde?
M. Buzz Hargrove: Non. J'ai dit que ce sont les employeurs qui s'usurpaient plus de pouvoirs. Le capital gagne en puissance. Ce n'est pas que les syndicats perdent du pouvoir. Mais si vous traciez une ligne droite entre les forces lors de négociations collectives et la capacité des syndicats à améliorer les conditions des membres, oui, il faudrait admettre que les syndicats perdent du pouvoir.
Voyez comment nous sommes incapables d'attirer l'attention de l'État sur le salaire social. On le traîne dans la poussière partout au pays, et cela contribue à gruger la capacité des travailleurs syndiqués à faire progresser les choses. Les entreprises brandissent continuellement un bâton au-dessus de nos têtes, parce qu'elles ont la possibilité de déplacer les capitaux comme bon leur semble, et nous menacent sans cesse d'aller s'installer au Mexique, dans le sud des États-Unis, en Indonésie. Si on regarde froidement les faits, alors, oui, il faut avouer qu'un écueil s'est creusé.
Le véritable affront pour nous est que l'État n'assure plus l'équilibre des forces. L'État est indubitablement du côté du capital et de l'entreprise, et ne tente plus, comme c'était jadis son rôle, d'équilibrer le pouvoir incroyable du capital dans les négociations avec les travailleurs syndiqués ou non.
Le président: Merci.
Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci à tous pour ces exposés.
Je voulais parler avec M. Hargrove d'une contradiction flagrante dans son point de vue. Au premier niveau, vous dites que l'argent du «surplus»—nous savons tous qu'il s'agit d'un surplus virtuel—appartient aux travailleurs, et qu'il devrait leur être retourné. Vous affirmez que les employeurs devraient garder leurs doigts avides loin de la cagnotte. Nous ne devrions pas réduire les cotisations, parce que 60 p. 100 de ces cotisations reviendraient à un employeur de toute façon. Au deuxième niveau, vous dites que, si le fonds accuse un déficit, ce qui a été le cas durant de très nombreuses années, d'une façon ou d'une autre, ce sont les contribuables qui sont responsables, et ils doivent donc compenser le déficit.
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Un élément m'échappe: si le gouvernement paie les avantages,
comme il lui incombe, qu'il y ait déficit ou surplus, alors
pourquoi auriez-vous des opinions sur le traitement de la caisse de
l'AE?
M. Buzz Hargrove: Monsieur McKay, je suis content de voir que vous avez écouté. Je ne croyais pas que c'était le cas, parce que je vous ai vu sourire et rire tout au long de nos témoignages.
Si vous me disiez que le gouvernement entendait prendre la responsabilité entière et qu'il instaurait l'imposition progressive afin d'assurer le versement de prestations d'assurance-chômage aux personnes qui perdent leur emploi, en vertu des principes édictés par le Parti libéral dans les années 60 et 70, alors je vous donnerais ma bénédiction. Je crois en effet que cette responsabilité relève de l'État. Si vous avez un excédent, vous pouvez l'utiliser comme vous l'entendez, pourvu que vous ayez de l'argent pour soutenir les travailleurs nécessiteux en période difficile.
M. John McKay: Nous devrions donc dépenser l'argent comme nous l'entendons, même si le gouvernement devait endurer un déficit?
M. Buzz Hargrove: Ce n'est pas la question. C'est une toute autre question. Vous m'avez demandé si le gouvernement avait une responsabilité dans les temps durs, même s'il n'a pas de récompense en période faste.
M. John McKay: Mais c'est clair. Où est la différence?
M. Buzz Hargrove: Qu'est-ce qui est clair?
M. John McKay: Que le gouvernement a cette responsabilité quand les temps sont durs.
M. Buzz Hargrove: Mais il ne l'a pas. La caisse est entièrement alimentée par les employeurs et les employés. Le gouvernement n'a nullement l'obligation de la renflouer en cas de déficit.
M. John McKay: Mais jusqu'à maintenant, le gouvernement l'a toujours regarnie.
M. Buzz Hargrove: Jusqu'à ce que la loi soit amendée. La loi a changé, alors on ne remplit plus la caisse. On ne pourra jamais vérifier ce qui se passerait, mais il y aurait sûrement un tollé de protestations dans la population si cela devait arriver. Cependant, si on regarde le resserrement de la réglementation imposé par votre gouvernement, qui fait en sorte qu'il est rendu virtuellement impossible d'être admissible, vous ne connaîtrez plus jamais de déficit de la caisse de l'AE. Parce que plus grand monde n'est admissible: 36 p. 100 des chômeurs ne sont pas admissibles.
M. Jim Stanford: J'aimerais ajouter un élément au sujet du déficit de la caisse à certains moments et des surplus enregistrés à d'autres.
Loin de nous l'idée de prétendre que la caisse de l'AE doit être équilibrée chaque année. Ce serait une vision tout à fait ridicule du point de vue économique. Il en ressortirait que, en période de vaches maigres, alors que les taux de chômage ainsi que le nombre de personnes ayant besoin de prestations culminent, mais que le nombre de celles qui contribuent décline, il faudrait élever les cotisations afin de conserver l'équilibre. Cela serait très néfaste pour la création d'emplois.
Nous savons qu'il y aura des mouvements de flux et de reflux compensatoires dans la caisse de l'AE, ce qui créera un excédent quand le chômage est relativement faible, et un déficit s'il est relativement élevé. Tous les déficits ont jusqu'à maintenant été remboursés par la caisse.
Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est que l'ampleur et la permanence du surplus indiquent que nous avons dépassé le simple niveau d'aplanissement compensatoire de la caisse de l'AE. Nous générons des surplus. Même le vérificateur général, ou l'actuaire, avouent que nous générons des excédents beaucoup plus élevés que nécessaire afin de protéger la caisse de l'AE contre une récession. C'est cela qui nous préoccupe.
Nous ne demandons pas que l'on équilibre la caisse toutes les années. Nous savons qu'elle sera parfois déficitaire, et que ce déficit sera compensé par des apports provenant des recettes générales de l'État. Nous disons simplement que le système global devrait être autofinancé et que, en moyenne, les revenus de la caisse devraient servir uniquement au versement de prestations d'assurance-chômage.
M. John McKay: C'est un commentaire justifié. Je l'apprécie beaucoup, parce qu'il clarifie certaines choses. Parce que j'entendais dans vos propos, monsieur Hargrove, une grossière contradiction.
J'aimerais passer à une autre de vos affirmations qui a trait au PIB et à la dette. D'une façon ou d'une autre, à votre avis, c'est la croissance économique qui devrait permettre de réduire le ratio, et il faudrait mettre en oeuvre les mesures appropriées. Le ratio PIB-dette est passé de 73 p. 100 à 68 p. 100 environ. Si le ministre des Finances atteint son objectif, le ratio se situera autour de 60 p. 100.
Notre compétiteur le plus proche, soit l'économie américaine, entretient un ratio PIB - dette se situant plutôt autour de 50 p. 100. Que ce soit pour le meilleur ou pour le pire, 80 p. 100 de nos transactions commerciales se font avec les États-Unis. Nous devons faire en sorte que notre ratio soit similaire au leur, et mettre en place une structure fiscale similaire. C'est le cas actuellement, sauf en ce qui a trait à l'impôt sur le revenu des particuliers.
Quand j'examine ces deux secteurs, je ne comprends pas comment on peut justifier une complète indifférence envers la dette, en supposant que la croissance économique se chargera de l'engloutir. Je ne comprends pas pourquoi certains s'opposent à des réductions d'impôts, qui ne seraient pas des réductions linéaires générales, mais aussi des réductions pour les contribuables à revenus élevés. Il ne faut pas oublier que 10 p. 100 d'entre eux paient 50 p. 100 du total des impôts perçus au pays. Je ne comprends pas cette réticence envers des réductions d'impôt à cette période-ci.
M. Jim Stanford: Je ne vois aucune raison qui justifie que des pays qui font du commerce ensemble devraient avoir le même ratio dette - PIB. Je ne vois pas le lien.
Dans le marché commun européen, où un niveau d'intégration élevé existe depuis plus longtemps qu'en Amérique du Nord, certains pays—les pays scandinaves entre autres—ont une dette négligeable, alors que d'autres pays ont des dettes deux fois plus importantes que la nôtre—l'Italie et la Belgique, par exemple. Tous ces pays sont des compétiteurs dans le même marché commun. Je ne vois donc aucun argument en faveur de l'harmonisation des niveaux de dette.
Je ne vois pas non plus d'avantage économique à la réduction de notre dette. Le président a parlé d'un lien entre les déficits et la dette d'une part, puis avec les taux d'intérêt d'autre part. On se sert de ce soi-disant lien depuis des années pour justifier la nécessité de contrôler le déficit, parce que c'est la seule façon de faire baisser les taux d'intérêt. Comment expliquons-nous alors que le taux d'intérêt au Canada a monté de trois points depuis le printemps de l'an dernier, au moment même où le budget fédéral accusait un surplus énorme et que le ratio dette - PIB était en chute libre?
Il est clair que l'on accorde une importance démesurée au lien entre les finances publiques et les taux d'intérêt. Existe-t-il vraiment? Je suis très sceptique quant aux présumés avantages macroéconomiques du remboursement de la dette, et je crois que la thésaurisation de milliards de dollars dans un surplus fédéral est malsaine sur le plan macroéconomique, surtout quand l'économie connaît des soubresauts.
M. John McKay: Seriez-vous donc d'avis que le dollar canadien et notre taux d'intérêt, ainsi que l'économie en général, auraient été aussi performants au cours des trois derniers mois si nous avions été dans la même situation que voilà cinq ans, au moment de l'institution du présent gouvernement—le déficit s'élevait alors à 42 milliards de dollars—si le dollar avait eu la même valeur, les taux d'intérêt le même niveau?
M. Jim Stanford: Certains pays autrement plus endettés que le Canada—la Belgique et l'Italie, entre autres—s'en sont tirés beaucoup mieux que nous devant la crise financière actuelle. Par ailleurs, d'autres pays moins endettés que le Canada, dont certains sont des modèles de droite, comme la Nouvelle-Zélande, s'en sont moins bien tirés durant la crise.
Alors quand le système financier mondial se déchaîne, l'état des facteurs économiques fondamentaux importe peu. Avec une monnaie dont le poids est aussi peu important—c'est notre principal problème—on se retrouve entre deux feux, sans égard à l'état des finances publiques.
J'ai publié un article dans Canadian Business Economics l'an dernier où j'étudie à la lumière de faits historiques les liens supposés entre les taux d'intérêt, la dette de l'État et le déficit. J'en suis venu à la conclusion que ces liens n'existaient pas.
M. John McKay: Mais cette conclusion est très contre-intuitive par rapport à la façon dont nous gérons nos finances personnelles.
Je comprends qu'on ne puisse comparer tout à fait la gestion des finances personnelles et celle des finances d'un État, mais quand l'économie est prise d'assaut par de violents orages, ce qui semble être le cas, alors pourquoi alourdir la dette et se doter d'autres programmes avec une infrastructure imposante?
M. Jim Stanford: Parce que c'est le rôle du gouvernement. En fait, les consommateurs individuels, devant la menace du mauvais temps, ont tendance à fermer les écoutilles et à mettre tout leur argent à l'abri en prévision du mauvais temps. Vous savez très bien que ce comportement en lui-même peut être source de mauvais temps. C'est l'effet Pygmalion. Quand les consommateurs se laissent prendre par leurs émotions et qu'ils cessent de dépenser, ils créent par là même la récession tant crainte: c'est la difficulté majeure quand l'économie est fonction de décisions individuelles ou d'entreprises privées.
Le seul rôle du gouvernement dans un tel système est d'équilibrer la situation en mettant de l'avant des politiques anticycliques. Si le gouvernement agit comme le citoyen ordinaire, qu'il ferme les écoutilles quand il voit arriver le mauvais temps et qu'il engrange des milliards de dollars, il accélère tout simplement et aggrave la récession.
Le gouvernement est un agent stabilisateur de l'économie et, à ce titre, il a tout simplement à compenser les mouvements de flux et de reflux du secteur privé. Si le gouvernement se contente de plagier le comportement des particuliers, en faisant sienne la pensée simpliste selon laquelle «un dollar économisé est un dollar gagné», alors nous allons tête baissée vers de plus graves difficultés.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour à tous, et merci de vos témoignages.
Monsieur Hargrove, j'ai bien écouté votre exposé. Et, bien entendu, j'ai écouté certaines réponses. Votre dernière réponse me fascine particulièrement. Vous devriez vous souvenir de ce que vous dites, monsieur.
M. Buzz Hargrove: Ma mémoire n'est pas mauvaise.
M. Gary Pillitteri: Souvenez-vous que vous venez de dire, monsieur, que vous aimeriez aller à la table de négociations pour demander à des entreprises de partager leurs profits. J'ai bien entendu ces propos de votre bouche, non?
Si ma mémoire est bonne, votre prédécesseur, M. White, a été à l'origine de la séparation de la branche canadienne des TUA de la branche américaine. Alors qu'aux États-Unis, on leur a offert de partager les profits, les Canadiens ont refusé et vous avez déclenché une grève pour vous séparer du syndicat américain. Vous faisiez partie de ces membres.
Voyez-vous, monsieur, j'ai aussi travaillé pour General Motors, et je me souviens d'être allé en grève parce que vous aviez refusé le partage des profits. Vous vouliez tout simplement une augmentation de 2 ou 3 p. 100. Est-ce exact?
M. Buzz Hargrove: Non. Vous venez tout juste de confirmer que vous n'écoutiez pas non plus. Je n'ai pas dit que j'allais leur demander de partager les profits. J'ai dit que, à un certain moment de ma carrière, avant de me retirer, j'aimerais entendre à une table de négociation une entreprise qui nous dirait: «Nous faisons de très bons profits, et nous aimerions les partager avec les travailleurs.»
Nous partageons les profits parce que nous forçons les employeurs à nous donner un plus gros chèque de paye, là où l'argent est censé aller. Nous ne croyons pas, et nous n'avons jamais cru—c'est ce qui a causé la grève des employés de General Motors cette année, qui leur a coûté beaucoup plus que prévu que les quelques économies réalisées au moyen de leurs tentatives de partage des profits au cours des années—que la rémunération des travailleurs devait être fonction des profits réalisés par l'entreprise pour une telle année. En effet, les factures, les hypothèques, ce dont nous parlons ici, les factures d'électricité, de téléphone, les remboursements du prêt-auto, toutes ces dépenses ne dépendent pas des profits de la société. Les travailleurs doivent payer la totalité des sommes, c'est tout.
M. Gary Pillitteri: Je comprends bien cela. Ma remarque portait sur le partage des profits, monsieur.
Laissez-moi ajouter quelque chose. J'ai oublié de dire que j'étais fermier. Durant 18 années, j'ai travaillé pour General Motors et j'exploitais en même temps une ferme. Je n'étais pas admissible à l'assurance-emploi, même si je versais des cotisations à deux titres. Je payais en tant qu'employeur embauchant des employés, et en tant qu'employé. Je n'ai jamais été admissible en aucun cas. En fait, si je quitte mon présent emploi, je ne crois pas que je serai admissible non plus.
M. Buzz Hargrove: Vous n'avez pas l'air d'en avoir besoin.
M. Gary Pillitteri: Je voudrais vous poser une question, même si je ne suis pas assis avec un économiste. Je suis simplement, comme je l'ai dit, un fermier. Il n'est pas nécessaire d'avoir recours à des ratios tels que 7/12 payés par l'employeur et 5/12 payés par l'employé. Pourquoi ne dites-vous pas simplement que 0,60 $ de chaque dollar sont payés par l'employeur, et que 0,40 $ sont payés par l'employé? C'est aussi simple que ça.
M. Buzz Hargrove: C'est l'explication donnée par le gouvernement, Gary.
M. Gary Pillitteri: Laissez-moi vous poser ma question. J'y arrive.
Nous faisons des choix, ce à quoi je suis assez bon aussi parce que j'ai déjà été en affaires—je veux dire, choisir en fonction de la réalité, et non de faits et chiffres.
Seriez-vous d'accord pour dire que tous les impôts permettent d'une certaine façon de redistribuer la richesse, qu'il s'agisse des impôts aux entreprises, sur les sociétés, sur le revenu des particuliers, de la TPS ou des cotisations d'AE? À titre d'employeur, je considère que c'est un impôt parce que je paie mais je ne reçois rien; je n'obtiens aucun remboursement. C'est une forme d'impôt. Si l'AE constituait un fonds isolé, on contribuerait à l'AE, ce serait une assurance. Mais, étant donné que je suis employeur durant certaines périodes, je paie l'impôt, mais je ne suis jamais admissible et je ne reçois rien en retour.
Si toutes les formes d'impôt permettent de redistribuer la richesse, pourquoi parle-t-on d'excédent? Si je me souviens bien, monsieur, quatre partis de l'opposition ont fait coalition à la Chambre des Communes pour énoncer que cet argent devrait être retourné à ceux qui l'ont amassé, au moyen de réductions des cotisations. Cela signifie que les employés recevront seulement 40 p. 100, alors que les employeurs recevront 60 p. 100. Les quatre parties se sont entendues à cet effet; je contemple la situation de ce côté-ci et je demande pourquoi n'en fait-on pas meilleur usage?
Monsieur Hargrove, je comprends que vous vouliez choisir ceux à qui l'argent sera distribué, mais pourquoi ne pourrait-il servir à aider des personnes, à améliorer les soins de santé, à aider les Canadiens à faible revenu? Pourquoi ne pas le retourner à ces personnes? Si on augmentait les déductions, le montant des prestations, la plupart des Canadiens qui en profiteraient se trouveraient parmi les plus bas salariés, comme je l'ai mentionné. Les salariés à faible revenu, les personnes âgées avec des revenus fixes, les prestataires d'aide sociale, tous accueilleraient avec joie de telles mesures.
• 1150
Parlez-vous au nom d'un groupe particulier? Vous ne pouvez
mettre tous les gens dans le même paquet, monsieur, parce que
certains seraient plus avantagés par des réductions d'impôt, alors
que d'autres auraient tout avantage à retirer de l'argent.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Des commentaires, monsieur Hargrove?
M. Buzz Hargrove: Premièrement, j'ai compris que la seule chose faisant l'unanimité au sein des quatre partis était que M. Martin ne devrait pas utiliser l'argent aux fins qu'il avait prévues. Je n'ai pas entendu parler de consensus au sujet des réductions des cotisations à l'AE. Du moins, je n'ai rien lu à cet égard. Si c'est le cas, je suis en désaccord avec les quatre partis: ce n'est pas l'élément central.
Je ne peux croire que j'entends un député, qui a travaillé pour General Motors et qui a été un fermier très prospère, dire qu'il n'a pas profité du régime fiscal parce qu'il paie des impôts. Nous vivons dans un pays civilisé. J'ai tout vu dans ce domaine...
M. Gary Pillitteri: Attendez un instant. J'ai dit que je n'étais pas admissible, monsieur.
M. Buzz Hargrove: Non, vous avez dit que vous n'aviez obtenu aucun avantage.
De toute façon, nous en tirons tous de nombreux avantages, et les impôts ne constituent nullement une façon de redistribuer la richesse dans la société. Beaucoup de gens qui gagnent beaucoup d'argent paient très peu d'impôts.
Ce qui est proposé aujourd'hui—le transfert d'argent des poches des chômeurs vers les poches des riches—est, je suppose, une forme de répartition, mais elle va dans le mauvais sens. Ce sont les plus pauvres d'entre les pauvres qui subventionnent ceux qui ont déjà trop de pouvoir et trop de richesses.
Je ne peux donc souscrire à aucun de vos commentaires. Je ne crois pas qu'aucun d'entre eux est conforme à la réalité.
Je vous fais part aujourd'hui d'une vision du Canada différente de la vision en vogue actuellement. La mienne respecte certaines valeurs, par rapport aux gens âgés—qui ne bénéficieraient d'aucune façon de réductions des cotisations à l'AE—et nous permettrait de mettre un peu d'argent dans leurs poches. Ma vision tient compte des chômeurs, qui n'obtiendront rien non plus de réductions des cotisations à l'AE parce que leurs prestations ont été éliminées, et des enfants qui vivent dans la pauvreté. Ceux-là non plus ne bénéficieraient pas des réductions parce que leurs parents n'ont ni emploi ni revenu.
Notre proposition sera avantageuse pour ces gens parce qu'elle vise à leur distribuer l'argent que j'ai versé—tout comme vous l'avez fait du temps que vous travailliez pour Chrysler—en tant que membre de notre syndicat, et maintenant de président. J'ai versé cet argent avec joie. J'en verserais plus, soit dit en passant, si je savais qu'il aiderait ceux qui en ont tellement besoin et que M. Martin a ignoré totalement dans son exposé d'hier... et qui ont été les grands perdants des compressions mises en oeuvre par les libéraux depuis leur élection en 1993.
Merci.
Le président: Monsieur Pillitteri, une dernière question.
M. Gary Pillitteri: J'aimerais répondre à une allégation.
Monsieur, vous avez dit qu'un fermier gagnait beaucoup d'argent. Mon voisin—nous avions l'habitude d'aller au travail ensemble—n'était pas fermier. Il se contentait d'avoir une maison. Mais chaque fois que nous étions mis à pied, il était admissible au chômage, monsieur. Je n'étais pas admissible, parce que j'avais selon eux un revenu supplémentaire. J'étais donc autosuffisant. Je ne pouvais me fier au régime de l'assurance-emploi. Je ne pouvais rien demander au gouvernement. En tant que Canadien, monsieur, je pouvais seulement me fier à moi-même pour mes besoins.
Ce n'est pas parce que, alors que mon voisin immédiat s'assoyait au soleil, je me précipitais sur mon tracteur... Ce n'est pas parce que mon voisin immédiat... Je le respectais. Cela ne signifie pas, comme vous le prétendez, que je faisais de l'argent. À vrai dire, monsieur, je travaillais peut-être pour la génération suivante, et non pour ma propre génération, pas pour moi-même, mais peut-être pour mes petits-enfants.
Nous avons donc tous une vision différente. Certains estiment que le gouvernement ne devrait pas donner de l'argent à tous et combler tous les besoins. Je voulais tout simplement éclaircir ce point.
M. Buzz Hargrove: Certaines personnes croient que le gouvernement ne devrait rien donner à personne, peu importe les besoins.
Le président: Merci, monsieur Hargrove. Je m'intéresse particulièrement à la transformation de l'économie canadienne. Bien franchement, le ministre Martin a énoncé hier que les marchés connaissent très mal toutes les subtilités de l'économie canadienne, qu'elle s'appuie en fait sur des fondements financiers très solides. Il a continué en expliquant ce nouveau Canada que, je vous l'accorde, très peu comprennent. Non seulement les acteurs des marchés comprennent mal la nouvelle économie canadienne: les Canadiens eux-mêmes ne comprennent pas les changements survenus.
J'ai été très intéressé de vous entendre dire qu'une soi-disant idéologie de droite était maintenant dominante dans notre société. Pourquoi? J'ai souvent considéré que les syndicats étaient des organisations de notre système économique qui avaient accès à beaucoup de gens. Malgré tout, selon vos propres dires, les syndicats semblent avoir été vaincus par une autre idéologie.
• 1155
Qu'en est-il donc, premièrement, du fait que votre point de
vue ne soit pas celui de la majorité des Canadiens et,
deuxièmement, du leadership dans les syndicats actuellement?
M. Buzz Hargrove: Je n'ai jamais dit personnellement que nous avions été «vaincus». C'est un terme que vous avez trouvé vous-même. J'ai dit que l'efficacité des syndicats se trouve aujourd'hui très, très limitée à cause du pouvoir du capital.
Pour ce qui est de la diffusion de notre message, on pourrait l'illustrer en citant le cas du Dr Stanford, qui est membre du Centre canadien des politiques alternatives, un groupe de brillants économistes et écrivains réputés au pays. Ce groupe étudie beaucoup les questions économiques, selon une perspective différente de celle qui est en vigueur, par exemple, au Fraser Institute. Pour chaque article publié par ce groupe dans un quotidien important du pays, on en publie 15 ou 20 provenant du Fraser Institute.
Le président: Quel est l'effectif du Fraser Institute? Combien de personnes représente-t-il?
M. Buzz Hargrove: Il représente les grandes entreprises.
Le président: Je sais, mais combien de personnes sont membres du Fraser Institute?
M. Buzz Hargrove: Il brasse de grosses affaires. Il représente les grandes entreprises. C'est l'argent qui compte, pas le nombre de personnes: c'est leur richesse qui compte. Vous savez, on s'imagine que c'est le nombre de personnes qui fait la différence... En fait, c'est l'argent.
Conrad Black a plus d'influence qu'aucun autre Canadien et que tous les Canadiens réunis. Son point de vue est exprimé dans presque tous les journaux du pays. On citera aussi le point de vue de Ken Thomson. Nous ne sommes pas si naïfs pour penser que les journaux publieront notre version de l'histoire.
Je me souviens d'avoir fait un exposé à Toronto devant une assemblée de rédacteurs en chef de journaux de tout le pays, voilà deux ou trois ans. Je faisais partie d'un panel, avec Diane Francis. J'ai soulevé la question du manque d'équilibre dans les comptes rendus journalistiques. J'ai donné quelques exemples—le Financial Post et le Maclean's, qui comptent comme journalistes Diane Francis, David Frum et Barbara Amiel, parmi d'autres journalistes de droite, qui ne citent jamais les propos de la gauche, aucune autre façon de voir les choses. Le président a alors crié: «Viva le media!» et l'assemblée s'est levée pour lui donner une ovation debout.
Je ne me fais pas d'illusions. Ce n'est pas que les gens ne veulent pas entendre notre message: nous ne sommes tout simplement pas capables de le diffuser. Nous n'avons pas l'argent de Mike Harris, qui peut se payer dix minutes de temps d'antenne à la télévision pour dénigrer les professeurs de l'Ontario et essayer de nous convaincre qu'ils sont incompétents. Nous n'avons pas cet argent.
Le président: J'aimerais vous poser une question, pour être juste, parce que vous avez parlé vous-même d'une idéologie de gauche—bien que l'on pourrait se demander si elle fait partie du nouvel ordre mondial.
M. Buzz Hargrove: Oh! cela ne fait aucun doute! Elle en fait partie sans contredit. Croyez-moi, nous sommes beaucoup plus intégrés dans la société maintenant que jamais, de mon vivant du moins.
Le président: M. Riis est ici. Il représente le Nouveau Parti démocratique du Canada. Récemment, eux aussi ont fait un léger virage, selon votre spectre, et se trouvent un peu plus à droite que vous ne l'étiez auparavant.
Eh bien, vous parlez de déficit, et du fait qu'un budget équilibré est en grande partie...
Vous pourrez répondre, M. Riis, si vous voulez. Il y a eu un virage. Du moins, c'est ce que rapportent les médias. J'aimerais aussi lire quelques-uns des exposés faits à ce sujet.
M. Nelson Riis: Puis-je faire un rappel au Règlement?
Le président: Bien sûr.
M. Nelson Riis: Dans le témoignage des travailleurs de l'automobile, il est dit qu'ils «acceptent le principe d'équilibre moyen des budgets gouvernementaux, durant un cycle économique».
Le président: Vous êtes d'accord avec cela.
M. Nelson Riis: C'est ce que nous affirmons. Cependant, il est tout à fait inutile de savoir si cela relève d'une idéologie de gauche ou de droite. Je crois que tous s'entendront pour dire que nous devrions tenter d'atteindre un équilibre au cours d'un cycle économique. De vouloir catégoriser cette affirmation est...
Je ne vois pas bien où vous voulez en venir.
Le président: Je réagissais à son affirmation concernant la gauche et la droite.
M. Buzz Hargrove: Je ne faisais pas allusion à cette partie des commentaires de M. Riis ni des autres. Nous avons toujours été conséquents en ce domaine: malgré ce qu'en pensent certains, nous ne pensons pas seulement à la dépense. Notre syndicat n'a jamais défendu cette position.
Nous disons, comme nous l'énonçons dans notre mémoire, que, au cours d'un cycle, d'une certaine période, il faut viser l'équilibre. Et qu'il n'est pas nécessaire de sabrer dans les programmes sociaux pour ce faire, comme l'a fait le gouvernement libéral depuis 1993.
Le président: Monsieur Brison, une dernière question.
M. Scott Brison: J'ai une seule question. Elle est liée à la question qu'a posée le président, je crois.
Les partis d'allégeance social-démocrate ont obtenu des succès électoraux importants, qu'il s'agisse des démocrates aux États-Unis ou du Labour Party en Grande-Bretagne. Ils implantent actuellement des politiques qui semblent beaucoup plus conservatrices, ou tout autant conservatrices, que celles des gouvernements précédents.
On pourrait dire que le débat économique n'est pas tant de nature idéologique que pragmatique—il faut déterminer ce que seront les priorités, du point de vue économique, pour les électeurs ou les citoyens, à l'aube du XXIe siècle.
Pourquoi ces partis sociaux-démocrates mettent-ils en oeuvre des politiques qui sont indubitablement de droite ou du centre?
M. Buzz Hargrove: C'est une bonne question, mais votre analyse omet la croissance de partis de gauche dans ces pays qui ne défendent pas cette logique. À mon avis, il y a beaucoup trop de gens dans le monde qui se disent sociaux-démocrates de gauche mais qui sont complètement à la merci des idéaux commerciaux.
Cette influence, cependant, est due en grande partie au chantage dont j'ai parlé plus tôt. Les entrepreneurs disent aux élus anglais qu'ils doivent assouplir les lois sur le travail et cesser d'augmenter les dépenses sociales, sans quoi les investisseurs vont fuir ailleurs. Les gouvernements ont très peur des gens d'affaires.
Je ne crois pas que le contexte actuel permette aux gouvernements de défier seuls les entrepreneurs. Ils sont beaucoup trop puissants. Comme nous l'énonçons dans notre mémoire, il faut mettre sur pied un mouvement mondial.
J'ai lu avec plaisir voilà quelques mois que M. Martin entendait demander aux pays de l'OCDE de se joindre au Canada pour élaborer des mesures de contrôle des mouvements de capitaux à l'intérieur des pays participants. Il a par après préciser qu'il s'agirait de mesures à «court terme». Nous croyons qu'il est sur la bonne piste, mais qu'il devrait viser le long terme.
Mais nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour défendre toutes les actions entreprises par les gouvernements sociaux-démocrates de la planète. Les problèmes actuels sont nombreux.
Le président: Merci, monsieur Hargrove.
Nous entendrons deux derniers interlocuteurs, M. Valeri et M. Discepola.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais aborder quelques affirmations faites au cours de l'exposé, et demander des éclaircissements quant aux commentaires.
Monsieur Stanford, vous avez parlé d'un surplus de 12 milliards de dollars en 1998-1999. Nous savons que les estimés varient d'une source à l'autre. Je crois qu'on pourrait se contenter de dire, même si certains contesteront vos chiffres—ce n'est pas à proprement parler une science exacte—que l'excédent sera de 10 milliards de dollars. C'est une chute de 5 milliards, y compris la baisse de 3 milliards du fonds de prévoyance.
Les 12 milliards de dollars dont vous parlez incluent-ils le fonds de prévoyance? Quels sont les fondements de votre calcul par rapport à ceux utilisés par le secteur privé, qui arrive à un autre montant?
M. Jim Stanford: La somme de 12 milliards de dollars correspond à l'excédent budgétaire cumulé au cours des 2 exercices, soit 1998-1999 et 1999-2000. Ce n'est pas une prédiction. Je dis que le surplus sera de 12 milliards de dollars même si le ralentissement est beaucoup moins important que celui qui est annoncé par les experts.
Selon mon scénario, la croissance réelle du PIB durant l'exercice courant atteindra 1,7 p. 100, et 0,9 p. 100 au cours du prochain exercice. Il s'agit de chiffres encore plus pessimistes que ceux qu'a avancés Paul Martin hier soir.
Ce que je dis, c'est que, en dépit d'un ralentissement très prononcé, le gouvernement fédéral accumulera malgré tout un excédent de 12 milliards de dollars au cours des 2 prochaines années.
M. Tony Valeri: Bien. Mais je veux savoir si, plus tard—ces consultations prébudgétaires visent surtout le budget 1999-2000—nous devrons soustraire 6 milliards de dollars? Car les chiffres ont déjà été calculés en 1998, alors il faut voir plus loin. Votre estimé pour 1999-2000 s'élèverait-il à 6 milliards de dollars?
M. Jim Stanford: Je répète que ce n'est pas un estimé ni une prédiction de mon cru. C'est une simulation liée à la question «Qu'est-ce qui se passerait si?». Même si le ralentissement était très grave, la croissance serait de 0,9 p. 100.
M. Tony Valeri: Très bien. C'est le genre d'estimé que j'aime—même si nous subissons un ralentissement.
M. Jim Stanford: Exactement.
Alors, pour l'exercice 1999, nous estimons le surplus à 6,5 milliards de dollars pour l'année.
M. Tony Valeri: Ces 6,5 milliards de dollars comprennent-ils un fonds de prévoyance, ou le surplus total s'élève-t-il à 6,5 milliards?
M. Jim Stanford: Non. Le fonds de prévoyance est inclus dans les 6,4 milliards.
M. Tony Valeri: Ainsi, le surplus réel s'élève à 3,4 milliards de dollars, si on exclut le fonds de prévoyance.
Bien. Je voulais m'assurer que je comprenais bien les chiffres.
Deuxièmement, vous dites dans votre mémoire que le surplus d'exploitation atteint les 50 milliards de dollars. Exact? Eh bien, quand la plupart des gens liront cela, ils supposeront que nous disposons de 50 milliards de dollars que nous pouvons réaffecter à divers secteurs prioritaires. Ne devriez-vous pas inclure dans les 50 milliards de dollars les versements d'intérêt sur la dette? Est-ce que mon interprétation est exacte?
M. Jim Stanford: Pour ce qui est de la situation budgétaire de base du gouvernement, bien entendu, il faut calculer les remboursements de la dette. Je mesure pour ma part l'incidence nette de l'orientation financière promulguée par le gouvernement sur le plan macroéconomique.
L'ennui avec les versements d'intérêt, les quelque 40 milliards de dollars que nous payons en intérêts, est qu'ils sont en règle générale versés dans les poches d'investisseurs qui ne les dépensent pas. Si l'on mesure l'incidence sur la vie de tous les jours des décisions financières du fédéral, on peut dire qu'il retire du Trésor réel 50 milliards de dollars de plus en impôts qu'il n'en injecte dans l'économie réelle, soit les biens et les services livrés.
M. Tony Valeri: Je comprends vos commentaires, mais je suis sûr que vous admettez que le gouvernement n'a pas le choix de payer des intérêts sur sa dette, et le but de ce comité est de demander aux Canadiens ce qui doit faire partie du budget.
Donc, si j'inclus les versements en intérêts, l'excédent d'exploitation de 50 milliards de dollars n'est pas le chiffre réel dont nous devons traiter.
M. Jim Stanford: Nous n'affirmons nulle part dans le mémoire que l'on devrait dépenser 50 milliards de dollars sans porter atteinte à l'équilibre budgétaire.
M. Tony Valeri: Non. Je n'ai pas dit que vous nous recommandiez de les dépenser.
M. Jim Stanford: D'accord.
M. Tony Valeri: Ce que j'ai dit, c'est que si des gens lisent le mémoire, où on affirme qu'il existe un excédent d'exploitation de 50 milliards de dollars, et qu'ils ne calculent pas les coûts des versements des intérêts sur la dette de l'État, alors ils pourraient très bien en déduire que les 50 milliards pourraient être réinvestis dans des secteurs de l'économie.
Je voulais simplement clarifier cela, pour la documentation, c'est tout.
Je voulais par ailleurs discuter d'un autre point ayant trait au dollar. Vous avez indiqué qu'il n'existait aucun lien entre le ratio réel dette - PIB et le dollar. Cela est vrai en partie. Le ratio dette - PIB, je crois, n'est pas le seul facteur d'évaluation du dollar. N'est-il pas également vrai—vous pourrez, à titre d'économiste, être d'accord ou non, selon le modèle que vous appliquez—que notre dollar est en règle générale fonction du prix des marchandises? Que, dans le marché mondial, on nous perçoit comme étant une économie fondée sur les marchandises, et que cela a changé? Dans notre esprit, cela a changé mais, selon la perception des autres pays, nous sommes encore une économie dominée par les marchandises et, si les prix des marchandises se mettent à baisser, ou si des pressions sont exercées sur ces prix, notre dollar en souffre. L'autre facteur influant sur le dollar est le ratio dette - PIB. Je ne dis pas que c'est le seul, mais c'est certainement l'un des facteurs qui font fluctuer notre monnaie.
Seriez-vous d'accord avec cela?
M. Jim Stanford: Le lien entre les prix des marchandises et la valeur du dollar semble très fort du point de vue empirique. Je suis d'accord avec vous; mais c'est une mauvaise perception des marchés financiers. Nous exportons beaucoup plus de produits finis que de marchandises non finies. Mais le lien semble très fort, et c'est la raison pour laquelle moi-même et d'autres économistes avons dit à la Banque du Canada de laisser libre cours aux répercussions sur le dollar plutôt que d'imposer des taux d'intérêt plus élevés.
M. Tony Valeri: Le gouverneur a bien augmenté les taux d'intérêt de 1 p. 100 pour les abaisser ensuite de 0,25 p. 100, je crois, récemment. Je suis tout à fait en faveur de cette mesure.
M. Jim Stanford: Nous avons tous les mêmes espoirs.
Pour ce qui est de la dette, il suffit de se rappeler la dernière fois où la valeur du dollar a grimpé, durant les années Mulroney. Les déficits étaient alors faramineux, atteignant 40 milliards de dollars par année. L'économie favorisait les banques, en raison des taux d'intérêt élevés et des négociations autour du libre-échange, ce qui n'a pas empêché le dollar de passer de 0,70 $ à 0,90 $.
Si les investisseurs étaient si rationnels quand ils font leurs calculs pour déterminer quels pays vont bien et lesquels vont mal, comment expliquons-nous ce phénomène?
M. Tony Valeri: Je crois que je vais tenter une explication. Cela a été dû à mon avis aux taux d'intérêt élevés. En effet, on voulait investir au pays parce que le taux de rendement était meilleur. Les taux d'intérêt entraînaient une inflation artificielle de la valeur du dollar. Mais nous pourrions en débattre longtemps entre économistes.
J'ai une dernière question.
Monsieur Hargrove, je veux clarifier un point. Pour ce qui est de l'AE, vous nous avez fait remarquer plus tôt qu'elle relevait de la responsabilité du gouvernement, et que celui-ci devrait compenser le manque à gagner si la caisse de l'AE accusait un déficit. Cela incombe au gouvernement. J'aimerais comprendre comment vous pouvez dire que le gouvernement n'a pas de toute façon cette responsabilité. Essentiellement, si le programme était de nouveau en déficit, le gouvernement ne serait pas responsable de le renflouer?
• 1210
Essentiellement, vous nous dites que si, à la fin du cycle
économique, les cotisations recueillies ne sont pas suffisantes en
regard des prestations à verser, le gouvernement n'a pas à soutenir
le régime? Je veux m'assurer que je comprends bien.
M. Buzz Hargrove: Eh bien, il y a eu des modifications à la loi. Vous devriez mieux les connaître que moi. J'oublie en quelle année elles ont été votées, mais elles enlevaient bel et bien toute responsabilité au gouvernement quant au financement de la caisse; elle devenait la responsabilité unique des employés et des employeurs. Ce n'est plus un avantage social mais un régime d'assurance.
Je dis pour ma part que ce devrait être un régime d'assurance, comme par le passé, alors que les paiements... Je ne parle même pas de ce que nous payons en tant que travailleurs. Je demande que le plafond de 39 000 $ soit élevé. Les cotisations sur les heures supplémentaires devraient être plus élevées, afin d'éviter que l'on favorise le temps supplémentaire au lieu d'embaucher d'autres employés.
Je suis généreux, très généreux, quand je dis au gouvernement que, s'il enregistre effectivement un surplus et que les avantages versés sont décents, alors il peut utiliser l'argent pour d'autres programmes, y compris pour réduire la dette... que je ne considère pas comme étant une priorité importante. Je crois que la croissance, comme il a été démontré aux États-Unis, permettra de réduire la dette, plus que l'orientation que nous avons prise.
Le problème aujourd'hui est que le gouvernement s'en tire de toutes les façons. Il n'a pas la responsabilité de combler la caisse, mais il peut—comme le disent les élus, ils ne peuvent prendre l'argent—emprunter l'argent au lieu de le prendre dans la caisse. Autrefois, il pouvait prendre l'argent. En vertu des nouvelles lois, le gouvernement doit emprunter l'argent, ce qui veut dire qu'il doit le rembourser, bien que M. Martin affirme qu'il n'en a pas l'obligation. M. Chrétien estime que tout l'argent est dans le même panier.
Ce n'est pas ce qui est stipulé dans la loi. Elle a été modifiée afin que les fonds soient distincts.
M. Tony Valeri: Je ne répondrai pas directement à cela, parce que je veux, une fois encore, vérifier les faits pour être sûr de ne pas me tromper. Votre logique me semble boiteuse. Le vérificateur général a demandé que le fonds soit versé dans les recettes consolidées parce que, en 1986, la caisse accusait un déficit, et le gouvernement a dû absorber le déficit parce qu'il soutenait le programme. Mais vous nous dites maintenant que, en fait, si un nouveau déficit apparaît, le gouvernement ne serait pas tenu de l'aplanir.
J'essaie de comprendre pourquoi le vérificateur général nous demande encore de l'inclure dans les recettes consolidées. Si le gouvernement fédéral n'est pas tenu de compenser le manque à gagner du régime, alors pourquoi faudrait-il l'inclure dans les recettes consolidées?
M. Buzz Hargrove: Il n'existe aucune exigence légale, mais je suppose—je ne suis pas économiste non plus, comme Gary l'a mentionné—que s'il y avait un déficit dans l'avenir, et que le gouvernement se sentait obligé de prêter de l'argent à la caisse, alors le vérificateur général lui demanderait de l'inscrire comme dette de l'État.
Je ne sais pas comment le vérificateur gère ces secteurs, mais je sais par ailleurs que la loi a été modifiée et que cette responsabilité n'incombe plus au gouvernement, ce qui n'est pas pour le mieux.
Le président: Merci.
Monsieur Discepola, une dernière question.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président. Merci de me permettre de poser une question.
Ma question s'adresse à Mme Serwonka.
Sans aucun doute, ma plus grande déception, non seulement à titre de politicien mais aussi à titre de citoyen canadien, a été de constater les niveaux élevés de pauvreté chez les enfants de ce pays. Malgré les efforts pour trouver des solutions, je ne vois pas quelle serait la meilleure approche. Est-ce uniquement une question de financement? C'est beaucoup plus, à mon avis, fondamentalement.
J'aimerais que vous me disiez quelles seraient, si vous étiez premier ministre pendant cinq ou dix ans, ou pendant la période nécessaire selon vous pour éliminer la pauvreté des enfants, les trois premières étapes à mettre en oeuvre pour atteindre ce but.
Mme Karen Serwonka: Il est certain que toutes les démarches visant à éliminer la pauvreté doivent avoir une portée à long terme, étant donné l'ampleur du problème. J'imagine que l'illusion selon laquelle c'est uniquement un problème de financement nous donne bonne conscience pour le simplifier. En fait, il s'agit d'un très grave problème de santé, un problème tentaculaire.
• 1215
Je vais vous parler de mon expérience avec les familles du
centre-ville de Toronto. Nous remarquons que beaucoup d'autres
facteurs sociaux se combinent à la pauvreté et décuplent les effets
pour les enfants—l'isolation des familles, parce qu'elles n'ont de
parenté en ville ou qu'elles viennent d'autres régions du pays ou
d'autres pays, la violence faite aux femmes, etc. Ces difficultés
sont aggravées par la pauvreté.
Si le financement permet de traiter les autres problèmes sociaux—par exemple, on pourrait mettre en place un régime de services à l'enfance et d'éducation global, envoyer des intervenants dans les communautés isolées, qui rejoignent les femmes qui subissent la violence conjugale et réussissent à les amener vers les centres où on leur offre des solutions à leurs problèmes d'isolation et de pauvreté, en plus de la violence dont elles sont victimes—alors nous mettrons en oeuvre des mécanismes pour régler des difficultés interreliées.
Pour ma part, je crois que l'une des premières étapes d'une action visant l'élimination de la pauvreté des enfants serait la mise en oeuvre d'un régime global d'avantages pour les familles, qui seraient d'ordre financier—pour aider ceux qui luttent chaque mois pour payer le loyer et pour mettre de la nourriture sur la table—et la mise en place dans les communautés de services d'entraide, tels que des centres de ressources familiales et un réseau amélioré de garderies.
M. Nick Discepola: Bien. Merci.
Je cède ma place à madame Bennett.
Le président: Dernière question, madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
J'aimerais poser une question à Martha Friendly.
Le Canada n'aime pas être au dernier rang, je crois, dans aucun domaine, et si nous faisons quoi que ce soit dans le domaine des prestations de maternité... Je veux dire, je ne crois pas que quinze semaines soient suffisantes. Des femmes m'ont dit qu'elles aimeraient, surtout si elles allaitent, avoir la possibilité de retourner travailler à temps partiel, et bénéficier d'autres mesures facilitantes.
Que nous recommandez-vous de proposer? Il sera difficile pour moi d'exiger un congé d'une année. Quelle serait la longueur idéale?
Comme vous le savez, les gouvernements aiment gagner sur deux fronts quand ils enfin ils font quelque chose. Avez-vous des preuves qui démontrent que, si le congé était d'un an, on favoriserait la création d'emplois? Que les entreprises auraient plus tendance à engager une autre personne, tout en protégeant un poste, au lieu d'attendre que la personne revienne, parce qu'il ne vaut pas la peine d'engager une personne pour quinze semaines seulement?
Mme Martha Friendly: Non, je n'ai pas de preuves, pour répondre à votre deuxième question.
Pour répondre à votre première question, quant aux solutions que je propose, elles touchent quatre domaines qui posent problème. Vous pouvez faire différentes combinaisons.
Premièrement, les prestations sont trop basses et, deuxièmement, le congé est court. Certains pays donnent tout d'abord des prestations élevées, puis les réduisent. La plupart des pays européens accordent des prestations élevées au début, qui sont peu à peu réduites. Je proposerais que le congé dure une année au moins.
La troisième chose que nous remarquons est l'exclusion de beaucoup de gens de la structure actuelle. Même avant, plus de gens auraient été exclus en vertu des nouvelles règles de l'AE. Depuis toujours, une minorité de femmes qui ont des enfants peuvent recevoir des prestations, même celles qui occupent une forme ou une autre d'emploi. Des travailleuses autonomes ne reçoivent rien, et les étudiantes n'ont aucun emploi.
Il y a aussi les femmes qui ne faisaient pas auparavant partie de la main-d'oeuvre active et que nous voulons aider à s'y intégrer. C'est un autre domaine où il faut trouver des solutions.
Finalement, je crois que la structure est trop rigide. Il faudrait assouplir les modalités, afin que les gens puissent retourner au travail à temps partiel—les hommes et les femmes. Il faut aussi revoir le congé parental, de la possibilité de combiner les avantages.
Dans ces quatre domaines, beaucoup d'éléments sont à améliorer. Mes remarques ont été très brèves, mais je répète qu'une partie de l'excédent de la caisse de l'AE provient des cotisations versées par des femmes enceintes, qui ne reçoivent aucun avantage. Ce n'est pas toute la solution, mais c'est une grande partie de la solution. J'espère que j'ai répondu à votre question.
Mme Carolyn Bennett: Oui, merci.
Je m'adresse maintenant à l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Vous n'avez pas mentionné le crédit d'impôt accordé aux soignants. Il s'élève à 120 millions de dollars. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose, ou...?
Mme Connie Laurin-Bowie: En effet, une gamme de mesures dans le dernier budget étaient à mon avis très bonnes. Comme Martha l'a indiqué, nos commentaires ont été très courts mais, étant donné que vous me posez la question, j'en profiterai pour vous donner mon avis.
• 1220
Il est toujours intéressant d'écouter les débats plutôt
idéologiques sur l'avenir d'un pays. Il me semble que nous n'avons
pas parlé ici de nos objectifs, mais des moyens de les atteindre.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que nous ne semblons pas tous
d'accord quant à notre destination.
Il m'a semblé que le débat était tellement axé sur les modèles macroéconomiques que nous avons ignoré l'essence même des enjeux—les enfants, l'aide à l'enfance, les familles, la santé, les handicapés—qui constituent une partie de la solution aux difficultés économiques en cause. Les interlocuteurs ont mis beaucoup d'efforts pour combattre les idées de M. Hargrove, qui représente beaucoup de ces personnes, et non seulement un syndicat, comme beaucoup d'entre vous semblez le croire.
Pour en revenir à votre question, madame Bennett, je crois que le dernier budget comportait des éléments très intéressants mais que, comme Martha l'a souligné, il nous manque une stratégie concertée pour soutenir... Pourquoi perdre du temps à se demander s'il faut prendre soin des citoyens de ce pays? Nous devrions plutôt nous demander comment nous pourrions revoir les programmes afin d'y faire participer les gens, au lieu de les prendre en charge.
Mme Carolyn Bennett: Mais le vrai débat, le plus important, ne vise-t-il pas à déterminer si le PIB permet vraiment de mesurer toute la valeur du pays? Quand on constate la valeur du travail non rémunéré qu'effectuent les femmes de ce pays, qui n'est mesuré d'aucune façon... J'estime que le crédit d'impôt accordé aux soignants constitue un point de départ, que c'est un signe que l'on commence à reconnaître la valeur de ce travail.
Mme Connie Laurin-Bowie: C'est vrai, tout comme les mesures permettant aux familles de faire une certaine planification financière pour l'un de leurs membres qui est handicapé. Beaucoup de femmes âgées donnent des soins primaires, et le font depuis la naissance de la personne handicapée. Il en est de même pour beaucoup d'hommes, qui luttent pour assurer un revenu futur à un membre de leur famille.
Il y avait donc les mesures visant les soins à l'enfance, d'autres qui touchaient la prestation de soins, puis d'autres qui reconnaissent les efforts des familles pour assurer l'avenir de leurs propres enfants.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Le président: Merci. Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Pour informer les témoins, en ce qui a trait aux résultats constatés à l'issue de cette première année, la Société canadienne de pédiatrie a donné son appui formel en février à l'Organisation mondiale de la santé en faveur d'un congé de 1 an pour allaiter l'enfant. En fait, la Société est tellement convaincue des bienfaits de cette recommandation qu'elle ne collaborera plus avec aucune organisation qui ne la promulgue pas.
De plus—je crois que Martha s'en souviendra: j'en ai parlé l'été passé lors de notre petite incartade à la télévision—à l'University of North Carolina, le Dr Christopher Ruhm a diffusé les résultats d'une étude des données sur la population recueillies depuis 25 ans dans 7 pays européens. Il a été trouvé que le taux de mortalité infantile était 29 p. 100 moins élevé dans les pays qui offraient un congé parental payé de 1 an. Ce sont deux exemples seulement.
Martha se rappellera aussi que, en juin de cette année, avant les travaux du comité sur le développement des ressources humaines, le Dr Fraser Mustard a décrété que, de toutes les choses qui avaient été dites, il importait surtout de se souvenir que «la première année était cruciale».
L'investissement dans nos enfants, ce dont a parlé Mme Laurin-Bowie je crois, est capital. Je suis très content que vous soyez venue encore une fois en parler, parce que ce sujet revient réunion après réunion. Il est crucial d'investir dans nos enfants. Des familles fortes contribuent à former une nation forte, sur les plans fiscal, social, de même que de la santé.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Mme Friendly veut ajouter un commentaire je crois.
Mme Martha Friendly: La Dr Bennett m'a demandé si j'avais des preuves démontrant que de telles mesures créaient de l'emploi, et j'ai répondu que je n'en avais pas. Cependant, je serais portée à penser que oui.
En fait, on n'a pas besoin de preuves concrètes pour démontrer que l'enfant éloigné de ses parents biologiques durant sa première année subit des torts: les gens demandent un congé d'un an. La vie de famille est importante, et il faut donner aux citoyens le choix de rester avec leurs jeunes enfants.
Je n'accorderais pas trop de crédit à l'étude, parce qu'elle est présentée dans Junk Science, comme exemple d'étude bizarre. Néanmoins, je crois que nous serons tous d'accord sur le fait de donner aux parents la possibilité de passer la première année avec leurs jeunes enfants. Personne ne pourra dire le contraire.
Le président: Monsieur Szabo, un très bref commentaire s'il vous plaît.
M. Paul Szabo: Le dernier commentaire au sujet de la science-camelote me désole, parce que l'étude portait principalement sur l'allaitement, et je ne vois pas en quoi le fait de donner la possibilité aux mères d'allaiter est de la camelote.
• 1225
J'aimerais aussi aviser Mme Laurin-Bowie que voilà trois
semaines, j'ai soumis un projet de loi à la Chambre des Communes
visant l'extension du congé de maternité payé par l'AE à une année.
Je déposerai le projet de loi à la Chambre des Communes avant Noël.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier tous. Vous formez un excellent panel. Vous nous avez présenté des perspectives dont nous tiendrons sûrement compte dans les recommandations que nous ferons au nom des Canadiens au ministre des Finances. Une fois encore, merci.
Nous allons maintenant prendre une pause; nous reprendrons les travaux immédiatement après.
Le président: Je déclare maintenant la reprise des audiences. Bienvenue à tous nos témoins de l'après-midi.
Nous sommes très heureux d'accueillir, du Conseil canadien des chefs d'entreprises, M. Thomas d'Aquino. Nous entendrons aussi des représentants de l'Association des banquiers canadiens, dont M. Ron Friesen, le président du Comité sur la fiscalité.
Je cède la parole à M. d'Aquino. Bienvenue.
M. Thomas d'Aquino (président-directeur général, Conseil canadien des chefs d'entreprises): Monsieur le président, je me réjouis à chaque fois de me trouver dans cette merveilleuse ville de Toronto, devant ce comité très important.
Laissez-moi vous présenter mes collègues: David Stewart-Patterson, vice-président des politiques et des communications, et Sam Boutziouvis, vice-président des affaires économiques et de la concurrence mondiale.
Monsieur le président, si vous le permettez, je commencerai par une brève réponse à l'exposé du ministre des Finances hier soir.
La dernière fois que je me suis adressé à ce comité, en juin, j'ai annoncé que la plupart des indicateurs économiques étaient positifs. Je vous ai aussi avisés que le cycle économique n'était pas complété et qu'il ne fallait pas que les politiques fiscales tiennent pour acquis que les temps fastes dureraient toujours. Les événements survenus depuis sur la planète rendent toute argumentation supplémentaire inutile.
Je vous avais dit aussi que le Conseil des chefs d'entreprises avaient entrepris d'établir ses priorités en matière de fiscalité pour la période qualifiée de l'après-déficit.
• 1235
Plus particulièrement, mes collègues du CCCE, soit 150
directeurs généraux d'entreprises, ont discuté longuement et en
détail des moyens à mettre en oeuvre pour réduire le fardeau fiscal
au Canada, de façon abordable et durable.
Au début du mois, nous avons soumis au ministre des Finances ainsi qu'à tous les membres de ce comité un cadre de travail visant la réduction progressive des impôts. Notre mémoire, intitulé Creating Opportunity, Building Prosperity: A Tax Reduction Strategy for Canadians, a été distribué à chacun d'entre vous. J'ai déjà eu l'occasion d'en discuter avec certains.
Nous avons aussi distribué des exemplaires du mémoire que nous avons expédié au premier ministre en septembre. Il faisait état de nos perspectives quant à des choix et à des stratégies plus vastes en matière de fiscalité, alors que la mondialisation de l'économie fait naître beaucoup d'incertitude.
Je ne passerai pas en revue le détail de ces documents cet après-midi, monsieur le président, mais j'aborderai les thèmes importants à la lumière des propos tenus hier par le ministre des Finances sur les questions fiscales.
Dans notre mémoire soumis en septembre au premier ministre, nous mettions l'accent sur la nécessité de réduire au plus vite la dette afin de minimiser les risques encourus par les Canadiens. Nous nous sommes réjouis de voir que, comme nous l'avion prévu, l'exercice 1997-1998 se soldait par un excédent considérable, et que la totalité de l'excédent servirait à réduire la dette publique.
La décision de réduire la dette nous a semblé de très bon augure, après 28 années d'augmentation. Je n'ai pu m'empêcher de demander aux membres du comité ce que l'on comptait faire après. Le discours livré par le premier ministre devant la Chambre de commerce, à la mi-septembre, nous a semblé très encourageant, parce qu'il s'engageait à accélérer le rythme de réduction de la dette. Nous avons aussi apprécié son engagement à ne pas lancer à la dernière minute de nouveaux programmes de dépenses, et d'utiliser l'excédent de cette année pour réduire la dette.
Toutefois, le gouvernement ne s'est pas engagé à fixer des objectifs fermes quant à la réduction de la dette: pas d'objectif ultime, pas plus que d'objectifs provisoires. Le ministre des Finances a affirmé hier que le ratio dette - produit intérieur brut pourrait descendre à 55 p. 100 d'ici 5 ans, mais il n'a fait aucune allusion à quelque moyen que ce soit pour tenter d'atteindre ce niveau. Il a simplement dit que le gouvernement continuerait de diminuer ce ratio, même si on atteignait les 55 p. 100, mais il n'a fixé aucun but.
Le ministre a réussi à équilibrer le budget, comme vous le savez, dans un laps de temps très court. Il y est arrivé parce que ses priorités étaient très claires et que, pour citer ses propos, rien ne le détournerait du but fixé. Il est tout aussi important d'amenuiser les risques incommensurables que fait peser sur les Canadiens l'immense solde de notre dette. Cependant, quand on parle de réduction de la dette, il semble que M. Martin ait mis en berne l'engagement et l'enthousiasme déployés pour réduire le déficit. Et cela nous inquiète.
À l'évidence, le ministre veut se montrer prudent en matière de gestion fiscale, et nous sommes tout à fait d'accord avec cette attitude. Il a raison de se montrer prudent: pas question d'agir rapidement et nonchalamment quand on gère les finances d'un pays. Cependant, cet engagement à la prudence aurait été plus convaincant si le ministre avait énoncé clairement aux Canadiens sa position quant aux enjeux auxquels nous faisons face.
En ces temps où les investisseurs canadiens et étrangers attentent des signaux clairs, M. Martin, selon nous, s'est contenté de décliner une longue liste de souhaits pieux.
Il a dit, et je le cite, que:
-
Nous aimerions réduire les cotisations à l'AE de façon sensible.
Nous aimerions réduire considérablement l'impôt sur le revenu des
particuliers. Nous aimerions injecter beaucoup de nouvelles
ressources dans la santé. Nous aimerions investir beaucoup plus
dans l'environnement, dans la création d'emplois, dans la R-D, dans
les programmes de lutte contre la pauvreté chez les enfants.
-
Nous aimerions faire tout ça—et plus encore.
C'est ce qu'il a dit. Visiblement, il voulait nous dire que le Canada n'avait pas les moyens de ses ambitions, pas même de la plus grande partie de ses ambitions. Il ne nous a malheureusement pas dit ce qu'il entendait faire au juste.
À notre avis, le temps est arrivé, plus que jamais, de faire des choix courageux. Il est révolu le temps des souhaits pieux. Le fait de choisir ne signifie pas que nous faisons moins que ce qui a été planifié. Faire des choix oblige à voir en face ce qui compte vraiment, et à concentrer les efforts du gouvernement sur les mesures les plus susceptibles de favoriser la croissance de l'économie et de renflouer les goussets des Canadiens qui triment dur.
Monsieur le président, nous ne laisserons planer aucun doute quant à la position du Conseil par rapport aux enjeux importants. Nous croyons M. Martin quand il nous dit que la caisse du fédéral n'est pas des plus garnies. Cependant, compte tenu des ressources limitées dont nous disposons, nous croyons, à l'instar du ministre, qu'il faut donner la priorité à la réduction de la dette, suivie de réductions d'impôts à grande échelle sur le revenu des particuliers. Pour ce faire, il faudra mettre en oeuvre des mesures de réduction progressive des cotisations à l'AE, et mettre totalement de côté toutes les dépenses facultatives.
• 1240
Quand je suis venu témoigner ici en juin, on croyait que
l'excédent serait suffisamment important pour envisager des
dépenses supplémentaires dans les secteurs les plus urgents, tels
que l'éducation et la santé. À mon avis, ce n'est plus le cas.
Le Conseil des chefs d'entreprises a clairement dit au premier ministre en septembre que cela n'empêchait en rien le gouvernement de régler les problèmes urgents et les priorités nouvelles. Cependant, toutes les ressources supplémentaires consacrées à ces domaines devraient provenir d'autres programmes que le gouvernement juge moins prioritaires. La réaffectation de fonds se fera certes au prix de choix difficiles, parce qu'il faut déterminer les besoins moins importants. Il ne faut pas oublier que les familles sont confrontées à de tels choix chaque jour. On n'en attend pas moins du gouvernement.
Cela m'amène à parler de l'importance qu'accorde le CCCE aux réductions d'impôt sur le revenu des particuliers. Il est clair que l'équilibre budgétaire a été atteint en grande partie sur le dos des contribuables. La facture fiscale réelle a augmenté pour tous les contribuables, et de façon outrancière pour ceux dont les revenus se situent dans les tranches moyenne à supérieure. L'augmentation de ces factures fiscales s'est soldée par une situation encore pire qu'elle ne l'était dans les années 80 pour les Canadiens à faible revenu. Le Canada tire des poches des contribuables une plus grande partie de ses recettes que tout autre pays industrialisé important.
Les impôts élevés sur le revenu des particuliers découragent l'envie de travailler et d'investir, et ils grèvent notre concurrentialité de même que notre croissance économique. Il est grand temps d'introduire des réductions considérables, à grande échelle.
Afin d'établir nos priorités en matière de réduction d'impôts, nous avons tenu de longues discussions et consultations auprès des directeurs généraux membres du Conseil. Nous leur avons demandé de classer par ordre d'urgence diverses sources d'impôts. L'impôt sur le revenu des particuliers a obtenu une majorité écrasante. Les réductions des cotisations à l'AE venaient loin derrière, suivies de près par les réductions d'impôt pour les entreprises et la réduction des taux d'impôt provincial.
À l'intérieur du régime fiscal d'imposition des particuliers, nos membres ont accordé la priorité aux trois éléments suivants: l'élimination de la surtaxe fédérale; la réduction à grande échelle des taux d'imposition, et l'aplanissement des pires incidences de la désindexation partielle.
Ces opinions, monsieur le président, apparaissent dans notre proposition relative à la réduction des impôts. Le plan qui y figure indique des réductions d'impôts annuelles de 18 milliards de dollars pour les 7 prochaines années. Parmi ces réductions, 80 p. 100 viseront les taux d'imposition pour les particuliers. Les réductions de 14,5 milliards de dollars de l'impôt sur le revenu des particuliers équivalent à 20 p. 100 environ des recettes gouvernementales tirées des impôts sur le revenu des particuliers pour cette année.
Nous avons établi trois objectifs. Le premier vise à réduire le niveau record de l'impôt sur le revenu des particuliers actuellement—il représente plus de 20 p. 100 du revenu d'une famille moyenne, soit 1 $ sur 5—au niveau qui prévalait en 1985, soit 1 $ sur 6.
Le deuxième objectif prévoit d'éliminer les effets négatifs de la désindexation partielle. Pour ce faire, il faudra d'une part éliminer les cotisations d'impôt pour au moins 1 million de Canadiens à faible revenu. Contrairement à ce que les médias et beaucoup de gens ont laissé entendre au sujet des propositions du CCCE, nous les qualifions de très progressives. Comme je l'ai déjà dit, et je le répète, nous proposons de rayer du rôle d'imposition le nom de plus de 1 million de Canadiens à faible revenu.
Notre troisième objectif vise l'amélioration de la force concurrentielle du Canada. Pour y arriver, il faudra réduire le taux marginal d'imposition de cinq points de pourcentage pour les personnes dont le revenu est de une à cinq fois plus élevé que le salaire moyen dans l'industrie.
Pour calculer les coûts du premier objectif, monsieur le président, il suffit de calculer la valeur totale des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers.
Le second objectif sera atteint surtout au moyen d'augmentations substantielles aux montants de base et du conjoint, pour un total de 1 500 $ par année au cours des 7 prochaines années. Ainsi, on annulerait complètement les incidences néfastes de la désindexation partielle pour les Canadiens à faible revenu. De plus, cette mesure serait beaucoup plus efficace qu'une réduction du taux d'imposition à 17 p. 100, parce qu'elle permet d'aiguillonner le soutien vers les familles.
Le moyen le plus efficace de soulager les salariés des classes moyenne et supérieure est de leur accorder des réductions des taux marginaux. On leur permettra ainsi de conserver une plus grande partie de chacun des dollars supplémentaires qu'ils gagnent. Remarquez que la réduction de 5 points de pourcentage ne serait pas applicable aux revenus annuels excédant 150 000 $.
La raison d'être de ce plafond est fort simple: l'une des embûches principales à notre force concurrentielle est l'écart fiscal entre le Canada et les États-Unis. Les taux américains sont beaucoup moins élevés que les taux canadiens, mais l'écart est le plus important pour les niveaux plus modestes. Pour un même revenu, alors qu'un Canadien est considéré comme étant assez riche pour payer le taux d'impôt le plus élevé au Canada, un Américain paiera 12 points de pourcentage, ou 30 p. 100, de moins que le taux le plus élevé aux États-Unis.
• 1245
Aux États-Unis, la tranche d'imposition la plus élevée est
appliquée à partir d'un revenu de 271 000 $ US, après déduction des
dépenses telles que les versements d'intérêt sur les hypothèques.
L'écart fiscal s'élargit à partir des revenus moyens jusqu'aux
revenus dépassant les 100 000 $; or, la majorité des professionnels
et des gestionnaires hautement qualifiés qui quittent le Canada et
vont travailler pour des concurrents américains ont un revenu entre
70 000 $ et 150 000 $ environ.
Je sais que l'on est sceptique quant à l'ampleur réelle de l'exode des cerveaux. Je sais aussi que les directeurs généraux dans tous les secteurs et dans toutes les régions du pays ont de sérieuses difficultés dans ce domaine. Les chiffres ne sont pas toujours extravagants, mais les sociétés canadiennes éprouvent des difficultés réelles et croissantes à recruter et à conserver le personnel dont elles ont le plus besoin pour demeurer concurrentielles dans une économie fondée sur le savoir. Rien n'a été prouvé, mais je tire ces renseignements d'acteurs qui sont aux premières lignes.
Notre régime fiscal n'explique pas à lui seul que des Canadiens décident de partir, mais il n'en demeure pas moins un facteur majeur. Nous devons faire en sorte que notre régime fiscal non seulement traite mieux les moins fortunés, mais qu'il favorise le travail et l'épargne. Le régime fiscal doit laisser aux familles des revenus après impôt suffisants pour bien vivre, mais aussi permettre aux Canadiens qui travaillent fort de garder une plus grande partie de ce qu'ils ont gagné. Notre régime fiscal doit encourager non seulement la création d'emplois peu rémunérateurs, mais aussi d'emplois très rémunérateurs. Ce n'est pas le cas actuellement, et nous devons aller dans cette direction, sans tarder.
Je terminerai sur quelques mots au sujet de l'AE. C'est le principal domaine qui force le CCCE à aller à contre-courant et à vanter les mérites des réductions d'impôts sur le revenu des particuliers par rapport à la réduction des cotisations à l'AE. Nous nous sentons bien seuls sur notre île, parce qu'il semble que seuls le CCCE et le gouvernement défendent cette position.
Je vais vous expliquer les fondements de notre position. Les Canadiens doivent bénéficier des réductions fiscales les plus élevées que le gouvernement peut offrir. Ils ont fait de grands sacrifices afin de permettre la remise en ordre des finances de l'État. On doit leur accorder une pause. Vous le savez autant que moi. Plus que toute autre solution, les réductions d'impôt pour les particuliers permettront à plus de gens d'avoir plus d'argent.
Et cela pour une raison bien simple: la grande partie des cotisations à l'AE est versée par les employeurs. Ainsi, la grande partie d'une réduction des cotisations irait directement dans la caisse des sociétés et des autres employeurs.
Un élément de la proposition du CCCE visant des réductions d'impôt en 1999, soit l'augmentation de 500 $ des montants de base et du conjoint, coûterait environ 1,4 milliards de dollars. Une telle mesure accorderait un allégement fiscal à la plupart des Canadiens à faible revenu, beaucoup plus qu'une réduction de 40 p. 100 des cotisations à l'AE, qui coûterait pourtant 2,8 milliards de dollars. L'argent que l'on remettrait aux employeurs ne pourrait servir à promulguer d'autres allégements fiscaux à grande échelle sur le revenu des particuliers.
Monsieur le président, c'est de cela dont parle le CCCE quand il parle de choix courageux. Les chefs d'entreprise qui constituent notre Conseil—leurs entreprises emploient un travailleur canadien sur dix—seraient plus qu'heureux de bénéficier des réductions des coûts de la main-d'oeuvre découlant des réductions des cotisations à l'AE. Mais ils jugent que—c'est très important—ils jugent que des réductions fiscales à grande échelle sur l'impôt des particuliers seraient de loin plus efficaces pour combler les besoins des Canadiens et améliorer la position concurrentielle du Canada.
D'une façon ou d'une autre, toutes les formes d'imposition enlèvent de l'argent aux particuliers. Les cotisations de l'AE ne sont pas subtilisées aux travailleurs, pas plus que les impôts sur le revenu déduits sur le chèque de paye. Ce qui importe, c'est de répartir équitablement le fardeau fiscal, et de donner aux Canadiens des services de qualité en retour de l'argent qu'on leur demande.
La réduction accélérée de la dette; des mesures solides visant des allégements à grande échelle de l'impôt sur le revenu des particuliers; aucune nouvelle dépense... Voilà des mesures qui sont impopulaires, mais elles seront à notre avis les plus efficaces dans le contexte actuel. C'est notre position, monsieur le président.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur d'Aquino.
Nous entendrons maintenant, de l'Association des banquiers canadiens, M. Ron Friesen et M. Mark Weseluck. Bienvenue.
M. Mark Weseluck (vice-président, Opérations bancaires, Association des banquiers canadiens): Merci, monsieur le président et membres du comité, de cette invitation à témoigner aujourd'hui dans le cadre de vos consultations prébudgétaires.
Je suis accompagné par Ron Friesen, vice-président de la Fiscalité à la Banque de Montréal et président de notre Comité sur la fiscalité.
Lors de notre dernière rencontre, le 11 juin dernier, nous avons exprimé notre appui aux constats du rapport du Comité Mintz sur la fiscalité des entreprises et nous avons exhorté le gouvernement à procéder à une réforme fiscale, de manière à ce que notre structure fiscale puisse mieux faire concurrence à celle des autres grands pays, en particulier les États-unis et le Royaume-Uni.
Pour mener à bien cette réforme, il n'est pas nécessaire d'appliquer le critère de non-incidence sur les recettes fiscales, auquel était contraint le Comité Mintz. La réforme devrait plutôt viser à réduire le fardeau fiscal des industries les plus lourdement imposées afin qu'il corresponde davantage à celui qui s'applique aux autres secteurs du Canada et de l'étranger.
Cependant, nous reconnaissons que le gouvernement fédéral doit respecter des contraintes fiscales pour assurer une politique prudente et qu'il reçoit quantité de demandes de la part des divers groupes d'intérêt. Dans le mémoire que nous vous avons présenté le 8 septembre dernier, nous avons estimé le surplus du prochain exercice à entre 3 et 6 milliards de dollars et nous avons recommandé qu'une forte proportion de ce surplus serve à diminuer la dette nationale. Cette mesure aura l'avantage de réduire les coûts d'intérêt qui doivent être couverts par chaque budget. La majeure partie du reste du surplus devrait servir à réduire l'impôt sur le revenu des particuliers.
Compte tenu de ces priorités, nous comprenons que le gouvernement ne soit pas en mesure de procéder à une réforme majeure de la fiscalité des entreprises dans le cadre du prochain budget. Néanmoins, nous croyons qu'il serait constructif que le gouvernement indique que la réforme de la fiscalité des entreprises figurera à son programme des années à venir. Sans la présence d'un secteur privé concurrentiel—cela s'applique particulièrement au secteur des services, le principal facteur de croissance et le plus important foyer d'emplois plus rémunérateurs, mais qui est pourtant le plus imposé—l'investissement et la création d'emploi seront entravés, et ce, au détriment du niveau de vie des Canadiens.
Les impôts élevés qui ciblent de façon discriminatoire des industries précises se traduisent par une mauvaise allocation des ressources et ont des conséquences néfastes sur les clients et les autres intervenants.
Le récent rapport du groupe de travail MacKay ainsi que le document de recherche que ce groupe et le Comité Mintz ont commandé à Kevin Dancey confirment une évidence flagrante: les banques et les autres institutions financières sont les plus lourdement imposées du Canada et cette situation nuit directement aux clients, aux autres intervenants et à l'économie en général.
Nous vous faisons part de notre point de vue sur les constats et les recommandations de ces deux rapports en matière de fiscalité. À cause des contraintes de temps, je soulignerai quelques-uns seulement des constats auxquels nous souscrivons.
Le rapport MacKay a révélé qu'un niveau d'imposition élevé a des conséquences néfastes sur la compétitivité des institutions financières et le niveau de concurrence, au détriment des choix offerts aux consommateurs et du coût qu'ils paient.
Plus particulièrement, le rapport Dancey estime que les taxes sur le capital des institutions financières augmentent le coût des prêts d'en moyenne 12 à 13 points de base. Cela signifie qu'un propriétaire ayant contracté un prêt hypothécaire de 100 000 $ d'une durée de 5 ans à un taux de 7 p. 100 paierait 100 $ de plus par année.
De même, une petite entreprise constaterait une augmentation de ses versements d'intérêt d'environ 1 700 $ pendant la durée de 5 ans d'un prêt de 250 000 $, aux taux d'emprunt actuels.
En outre, les taxes sur le capital minent les efforts de réglementation visant à accroître le capital des institutions financières afin d'assurer la sécurité et la stabilité. Des impôts élevés nuisent également à l'entrée sur le marché de concurrents étrangers en mesure d'investir considérablement et de créer un grand nombre d'emplois. Force est de constater qu'ils ont plutôt recours à la technologie pour réduire au minimum l'investissement, tout en vendant leurs services aux Canadiens.
Non seulement les impôts excessivement élevés dissuadent-ils les investisseurs étrangers, mais ils favorisent également le transfert de l'investissement, du Canada vers des territoires offrant un niveau d'imposition plus faible. Les progrès de la technologie qui, faisant fi des frontières, permettent de produire des services financiers dans un territoire et de les vendre dans un autre, offrent aux institutions financières la possibilité d'exercer leurs activités de production dans les territoires les plus rentables.
Nous avons commandé une étude auprès du groupe de consultants Ivey, affilié à la Ivey School of Business, afin de déterminer l'incidence des niveaux d'imposition sur le choix de l'emplacement des services financiers. Nous sommes heureux de vous fournir un exemplaire de cette étude, laquelle a révélé que les écarts de niveau d'imposition ont constitué un facteur déterminant dans le transfert de services financiers, de la ville de New York vers le Delaware et le New Jersey, de divers pays d'Europe vers l'Irlande et, enfin, de l'Allemagne qui, jusqu'à tout récemment, prélevait une taxe sur le capital, vers le Luxembourg et la Suisse.
Bien que d'autres facteurs de coût soient entrés en jeu dans les cas précités, le taux d'imposition relève sans conteste de l'État. À l'évidence, si le Canada désire éviter la perte d'investissements et d'emplois dans les services financiers au profit d'autres pays offrant des régimes fiscaux plus favorables, il doit prendre des mesures pour réduire le niveau d'imposition des institutions financières afin qu'il corresponde davantage à celui que proposent ces territoires.
La taxe sur le capital constitue le principal écart auquel il faudrait accorder la priorité. Le Canada est l'un des quelques pays qui prélèvent une taxe sur le capital, une taxe qui, comme le décrit Harold MacKay, exerce un effet particulièrement pervers lorsqu'elle s'applique aux banques et aux autres institutions financières, puisque la réglementation exige que ces sociétés maintiennent un niveau de capitalisation élevé. Qui plus est, ce problème est exacerbé par la dépendance encore plus forte des provinces envers les taxes sur le capital comme sources de recettes fiscales.
Si nous souscrivons vivement à la recommandation du groupe de travail MacKay en faveur de l'élimination des taxes sur le capital, nous reconnaissons qu'elle ne pourra pas se réaliser au cours du prochain budget. Toutefois, le gouvernement peut très bien abolir la surtaxe temporaire sur le capital dans le cadre du prochain budget. Cette surtaxe fut instaurée afin de faciliter l'élimination du déficit et cet objectif est maintenant atteint.
• 1255
Pour conclure, je tiens à vous faire part des deux citations
suivantes; la première provient du document de recherche Dancey et
la seconde, du rapport MacKay:
-
«Il y a de fortes preuves qui nous permettent de conclure que le
niveau d'imposition actuel du secteur des services financiers du
Canada est excessif par rapport au secteur non financier du pays
aussi bien que par rapport à la concurrence étrangère croissante à
laquelle les fournisseurs de services financiers sont confrontés.»
«Les impôts sur le capital rendent nos institutions financières réglementées moins compétitives et créent des incitations incompatibles avec une bonne gestion prudentielle.»
Le message est clair: les banques paient trop d'impôts et l'assouplissement de ce fardeau doit être entrepris sans tarder.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Monsieur Brison, nous commencerons la période de questions par votre section.
M. Scott Brison: Monsieur le président, j'apprécie beaucoup d'être le premier pour une fois.
Une voix: Les derniers seront les premiers.
M. Scott Brison: Merci pour ces témoignages.
Monsieur d'Aquino, j'aurais quelques questions relatives à l'excédent de la caisse de l'AE, un sujet qui a divisé des personnes qui sont depuis toujours d'accord, et qui en a rallié d'autres qui sont normalement en désaccord.
Les cotisations à l'AE, en leur qualité de charges sociales, augmentent directement le coût de la main-d'oeuvre; par ailleurs, tous s'entendront pour dire que le taux de chômage est beaucoup trop élevé et ne semble pas vouloir redescendre au Canada. Alors, si nous voulons vraiment réduire le chômage, ne devrait-on pas classer parmi les priorités la réduction des cotisations à l'AE, et partant, le coût de la main-d'oeuvre, afin d'augmenter la demande en main-d'«uvre et de favoriser le retour au travail de nombreux Canadiens?
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, M. Brison nous pose une excellente question, dont il faut débattre en longueur, avec tout le sérieux qu'elle mérite.
Premièrement, afin qu'il n'y ait pas de malentendu au sein des membres du comité, je tiens à dire que le Conseil des chefs d'entreprises, depuis des temps immémoriaux—certainement avant qu'on ne commence à parler d'un éventuel excédent—recommande prioritairement que les cotisations soient réduites. Deuxièmement, nous avons déjà exprimé notre frustration et notre insatisfaction quant au fonctionnement du régime de l'AE.
Nous avons participé au grand débat sur la réforme de l'assurance-chômage, nous faisant les défenseurs d'un régime qui serait avant tout une assurance. Je n'ai certainement pas à rappeler à M. Brison le nombre d'années durant lesquelles il a fallu débattre de la réforme de l'AC pour en arriver au régime actuel. D'ailleurs, je suis d'accord avec les propos émis au cours de la session précédente je crois par un membre du comité, à savoir que l'ancien régime dissuadait fortement le retour au travail. Nous le savons. Même les artisans de cette loi admettent maintenant que c'était le meilleur moyen de dissuasion possible.
Il est aussi vrai que les charges sociales entravent fortement la création d'emploi. Cependant, le défi qui nous occupe actuellement...
Oh, incidemment, pour terminer sur la question de l'AE, dans notre mémoire présenté à ce comité et au ministre des Finances, malgré notre position relative aux impôts sur le revenu des particuliers, nous avons réitéré nos préoccupations et nos frustrations sur l'AE, et nous avons aussi indiqué qu'il fallait diminuer les cotisations.
Monsieur Brison, nous avons été forcés, comme c'est le cas pour vous, je crois, de faire des choix. Et ce choix était très simple: avec le genre de calculs que nous a servis M. Martin hier—supposons que l'excédent se situera entre 5 et 7 milliards de dollars... Premièrement, la réduction de la dette arrive au faîte des priorités; c'est très bien. Nous nous réjouissons que le premier ministre et le ministre des Finances soient de cet avis.
Nous avons ensuite affirmé que la réduction des impôts des particuliers constituait la deuxième priorité. La troisième est la réduction des cotisations. Pourquoi avons-nous fait ce choix? Parce que si 3 milliards de dollars ou un peu plus sont consacrés à la réduction de la dette, et si nous supposons qu'il restera 3 milliards de dollars environ, le gouvernement ne pourra même pas envisager quelque baisse d'impôt des particuliers que ce soit, ni même à vrai dire réduire la dette, parce que tout l'argent aura été grugé par les réductions des cotisations.
• 1300
Le compromis que nous avons fait, M. Brison, est le suivant:
le premier constat est que notre niveau d'imposition des
particuliers est le plus élevé parmi les pays du G-7, de même que
parmi un grand nombre de pays membres de l'OCDE; le deuxième, c'est
que les charges sociales sont parmi les moins élevées. Alors que
ferait un individu avec un excédent limité? Il se demanderait
quelle est l'utilisation la plus avantageuse. Par conséquent, en
étant tout à fait conscients d'aller à l'encontre du courant
actuel—je tiens à vous souligner qu'il n'a pas été facile
d'accepter cette conclusion—nous avons reconnu que la réforme de
l'AE pourrait prendre trois, quatre ou même cinq années. Quel est
le plus grand avantage pour le plus grand nombre de Canadiens
actuellement? Nous sommes arrivés à la conclusion que la baisse à
grande échelle de l'impôt des particuliers atteindrait le plus
grand nombre de Canadiens.
Enfin, j'aimerais m'attaquer à la supercherie monstrueuse que propagent des personnes telles que mon bon ami Buzz Hargrove, selon laquelle notre proposition vise à prendre l'argent des pauvres pour le redonner aux riches. Quels sont les faits? En réalité, si nous agissions seulement pour notre intérêt personnel, nous demanderions de réduire les cotisations à l'AE, maintenant. Parce que la grande majorité de l'argent irait dans les goussets de nos sociétés. Cet argument irait dans notre propre intérêt, et c'est l'action qui peut sembler la plus normale. Mais nous disons non, qu'il faut remettre cet argent dans les poches des Canadiens, du plus grand nombre possible, parce que c'est là que se trouve le plus grand avantage pour le pays.
En conclusion, j'aimerais vous dire, à vous et à vos collègues du Parti conservateur, et à tous les autres aussi qui, comme nous, souscrivent à la nécessité de réformer le régime, que nous ne sommes pas divisés à ce sujet. Ce qui nous distingue, c'est notre conviction qu'une baisse de l'impôt des particuliers dès maintenant et au cours des prochaines années sera à la source de grands avantages pour le plus grand nombre de Canadiens.
M. Scott Brison: Pour ce qui est de poursuivre la réforme de l'AE, un rapport issu d'une étude britannique est paru dans The Economist voilà quelques mois. Je ne l'ai pas encore lu cependant. On y traite de comptes individuels pour l'AE. Les dernières modifications à l'AE étaient de nature punitive. Elles permettaient de brandir un petit bâton devant ceux qui retirent souvent des prestations, mais pas de carotte pour ceux qui ne retirent jamais rien. Si on mettait sur pied des comptes individuels d”AE, les Canadiens pourraient amasser un certain niveau de capital durant une période donnée dans un compte personnel. L'investissement serait minimal, mais il en resterait quelque chose s'ils ne le retirent pas. Ce régime mérite-t-il quelque considération selon vous?
M. Thomas d'Aquino: Voilà 10 ou 12 ans, nous avons longuement débattu avec la prédécesseure de M. Hargrove, Shirley Carr, ainsi qu'avec Bob White et d'autres, de la question de la séparation des fonds. Même des membres de la communauté des entrepreneurs estiment que l'argent nous appartient, ainsi qu'aux travailleurs, et que l'État ne devrait pas se mêler de la gestion. Cette proposition m'a beaucoup inquiété.
Pourquoi ne peut-on gérer de l'argent qui nous appartient? Je me suis fortement opposé au concept de séparation des comptes tel qu'il était présenté, pour diverses raisons. D'une part, les travailleurs syndiqués, et en particulier les chefs du CTC, voulaient mettre la main sur cet argent, pas nécessairement pour le donner aux travailleurs, mais pour soutenir leurs initiatives, du genre de celles dont nous a parlées Buzz Hargrove. Je ne le nommerai pas, mais l'un des leaders syndicaux en vue m'a dit un jour: «Tom, pourquoi n'êtes vous pas en faveur de la séparation des comptes? Vous pourriez en dépenser la moitié, au gré des entrepreneurs, et nous pourrions dépenser l'autre moitié, au gré des syndicats.» C'est alors que j'ai commencé à rejeter ce concept.
J'ajouterai ceci, monsieur Brison. Le concept proposé est le suivant, en gros: on aurait une caisse indépendante, qui serait gérée par un conseil d'administration indépendant relevant de mandants et, sur le plan comptable, de la population canadienne. La gestion de comptes individuels est extrêmement complexe. À titre de membre d'un parti qui défend haut et fort le libre-arbitre, aimeriez-vous vraiment dire aux Canadiens qu'ils sont obligés de déposer leur argent dans un compte individuel d'AE, au lieu de l'investir dans un instrument qui leur donnerait un meilleur rendement? J'aurais plutôt tendance à favoriser un compte séparé, indépendant et comptable, dont la gestion serait relativement objective, plutôt qu'un compte géré par des mandants qui agissent en fonction des objectifs d'une politique qui peut être très éloignée des principes de base en assurance.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Je vais faire une tentative. Beaucoup de membres de ce côté veulent poser des questions. Je vais leur demander d'énoncer toutes leurs questions, et les membres du panel pourront prendre des notes, pour répondre ensuite à toutes les questions une après l'autre.
Monsieur Szabo, puis madame Leung, madame Redman, monsieur Pillitteri, monsieur Discepola, et monsieur McKay. Une brève question chacun.
M. Paul Szabo: Le ministre des Finances a de nouveau abordé le thème des liens entre les politiques sociales et les politiques fiscales. Étant donné que vous n'avez pas assez d'argent pour faire tout ce que vous voulez faire, et étant donné que nous n'avons peut-être même pas les moyens de promulguer des réductions linéaires générales d'impôt, croyez-vous qu'il soit indiqué de poursuivre la réforme et de courir le risque de dérégler complètement le régime fiscal, déjà fragile?
Le président: Madame Leung.
Mme Sophia Leung: Je viens de la Colombie-Britannique. La majorité des électeurs qui sont proches de la communauté des affaires voudraient que je recommande des réductions fiscales à M. Martin. Selon lui, si chaque particulier bénéficiait d'une baisse d'impôt de 600 $, la facture de l'État s'élèverait à 9 milliards de dollars. Je demande quels sont nos véritables moyens? Nous ne pouvons certes pas nous offrir une dépense de 9 milliards de dollars. Quelle est votre réponse? Quelle devrait être la nature de la baisse d'impôt?
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à l'Association des banquiers canadiens. À la p. 4, vous faites référence aux banques virtuelles comme ING et Wells Fargo. La logique de ce paragraphe m'échappe. On y dit que les charges sociales et que notre régime fiscal permettent aux banques virtuelles de faire des affaires ici sans y être installées, mais qu'elles seraient disposées à construire des établissements bancaires si nos impôts étaient moins élevés. J'aimerais que vous étayiez cette logique, parce que je ne la comprends pas du tout.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Monsieur le président, toutes mes questions ont déjà trouvé réponse.
Le président: Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Je suis un peu dépassé par cette façon de faire, monsieur le président. Je vais faire de mon mieux.
Monsieur d'Aquino, un autre élément semble encore aller à l'encontre d'un fonds externe géré par les provinces. Comme je viens de la province de Québec, je peux très bien m'imaginer ce qu'un Parizeau ferait avec 12 milliards de dollars qui seraient détournés vers ses coffres, comme nous l'avons vu au dernier référendum. Mais ce n'est pas ma question.
Je souscris tout à fait à votre position selon laquelle il faudrait tout d'abord trouver des moyens d'alléger le plus possible le fardeau fiscal. Là où je ne suis pas d'accord, c'est avec la notion de réductions à grande échelle. Dans votre exposé, vous nous avez dit que l'on devrait aider les Canadiens qui en ont le plus besoin. Par conséquent, pourquoi ne pas instaurer des réductions d'impôt ciblées plutôt que des réductions à grande échelle?
Le président: Monsieur McKay, vous pouvez poser la dernière question.
M. John McKay: Les trois dernières questions, à vrai dire.
Premièrement, en ce qui a trait au ratio PIB - dette, dans quelle mesure serait-il profitable pour le ministre Martin de fixer un but précis?
Deuxièmement, si l'on préfère les réductions d'impôt aux soins de la santé, il faut savoir que les citoyens du pays nous répètent inlassablement que le programme de la santé est en déficit. Opteriez-vous pour des réductions d'impôt plutôt que pour le refinancement de ce programme?
J'aimerais enfin que vous commentiez la proposition de M. Hargrove quant à des mesures contre-cycliques: il propose que le gouvernement recommence à investir pour contrer les effets des orages dans les océans économiques.
Voilà mes questions.
Le président: Monsieur d'Aquino, voulez-vous commencer?
M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, je vais essayer de répondre avec la même discipline que les membres du comité.
Très rapidement, monsieur Szabo, pour répondre à votre question sur les liens entre les domaines social et fiscal, je sais que certains membres de ce comité—et à l'évidence des membres de votre caucus—croient dur comme fer que nos demandes répétées depuis 15 ans relativement à l'intégrité du régime fiscal ne peuvent d'aucune façon être compatibles avec des politiques sociales. Je l'ai déjà dit devant ce comité, mais je vais le répéter. Je crois très fortement que les positions que nous défendons depuis longtemps sont parmi les plus équitables sur le plan social. En effet, si on avait tenu compte de nos recommandations voilà 15 ans, nous ne serions pas obligés aujourd'hui de payer 40 milliards de dollars par année en intérêt sur la dette, et de tenter constamment de nous sortir la tête de ce noeud coulant, en nous demandant si nous pouvons dépenser quelques dollars dans le domaine de la santé. Voilà pourquoi il ne faut pas répéter les erreurs commises au cours des quinze dernières années, au moins pour les dix prochaines années. Le lien entre les politiques sociales et fiscales est continu. Je le disais alors, je le dis maintenant, et je crois que l'histoire a démontré que nous avions raison.
• 1310
Je veux ajouter rapidement un deuxième élément au sujet de la
réforme du régime fiscal, à savoir si c'est réellement une
priorité, par rapport à d'autres domaines tels que la santé. Je
répondrai en même temps à cette question et à celle portant sur les
baisses d'impôts par rapport au refinancement du programme de
santé. Nous indiquons dans le mémoire soumis à ce comité et au
ministre des Finances que le programme de soins de santé est la
priorité numéro un au pays. Nous sommes de cet avis, parce que nous
connaissons les faits, tout comme vous. Quantité de directeurs
généraux membres du CCCE siègent à des conseils d'administration
d'hôpitaux. Ils sont aux premières lignes des débats sur la
fermeture des hôpitaux, sur la réduction des services, sur les
moyens à mettre en oeuvre pour réduire des files d'attente de plus
en plus longues. Nous sommes profondément conscients de ces
difficultés. Nous avons bel et bien affirmé que le premier secteur
où le gouvernement du Canada pourrait dépenser de l'argent était le
secteur de la santé. En fait, nous avons même dit que
l'investissement ne devrait pas aller dans les programmes
administrés ou initiés par le fédéral, tels que les soins à
domicile ou l'assurance-médicaments, mais qu'il devrait être
redonné aux provinces par le truchement du TCSPS.
Nous ne sommes pas d'accord avec les premiers ministres qui demandent qu'on leur retourne 6,2 milliards de dollars. L'argent n'existe tout simplement pas. Nous avalisons cependant toute proposition du gouvernement du Canada, ou des ministres de la Santé et des Finances, de redonner de l'argent aux provinces pour les programmes de santé. Cependant, nous demandons que les transferts soient reportés d'un an, en raison de la turbulence sur les marées actuellement. Nous proposons, si vous décidez dans le prochain budget de financer les programmes de santé, selon des lignes de conduite que nous avons énoncées, de trouver l'argent ailleurs, et non d'engager de nouvelles dépenses.
Enfin, existe-t-il un lien entre les soins de santé et la probité en matière fiscale? Bien entendu, il y a un lien. Je suis tout à fait de l'avis de MM. Martin et Rock, de même que d'autres, quand ils disent qu'un pays en santé est un pays concurrentiel. Un pays en santé est un pays plus heureux. Un pays en santé est un pays plus productif.
Quant à la troisième question, qui portait sur les objectifs relatifs au ratio dette - PIB, je vous donnerai une réponse très rapide. Quel a été le plus grand succès du gouvernement fédéral? Comment avez-vous réussi à obtenir une telle cote de popularité au sein du public? En ramenant un semblant d'ordre dans le cauchemar de la mauvaise gestion de la fiscalité. Les citoyens canadiens vous récompensent pour cette raison. Ils vous accordent leur vote de confiance pour cette raison. Comment y êtes-vous arrivés? Tout simplement, votre ministre des Finances, pris avec un déficit de 42 milliards, a dit: «Je vais fixer des objectifs et je vais les atteindre, contre vents et marées.» Il a établi un objectif à revoir après deux années. L'objectif était la seule chose qui comptait. C'était devenu un facteur moteur au pays, dans les médias, dans votre caucus. Ce but était le nerf de la guerre, quelque chose en quoi les gens pouvaient croire.
Nous vous suggérons de faire la même chose avec la dette. Pourquoi une stratégie qui a été si efficace pour le déficit ne serait-elle pas appliquée à la dette? Vous devez réitérer cette stratégie.
Une autre raison devrait vous forcer à appliquer cette stratégie. Quand vous avez établi les objectifs pour la réduction du déficit—ce que je considère comme étant votre plus grande victoire au chapitre des politiques gouvernementales—on s'est immédiatement dit, dans les marchés internationaux: «Ces gars sont sérieux. Ils ont établi des objectifs à revoir dans deux ans et ils les ont atteints, et ils ont établi un autre objectif à revoir dans deux ans, et ils l'ont encore atteint.» Les marchés y ont vu un signe très encourageant. Cela nous a permis d'obtenir des taux d'intérêt beaucoup plus bas, ce qui aurait été inconcevable pour le Canada—des taux d'intérêt inférieurs à ceux demandés aux Américains. Pourquoi? Parce que les gens ont cru en la probité de notre régime fiscal. Ils ont cru en sa crédibilité. Faites la même chose pour la dette; déployez le même degré de zèle, et vous marquerez des points. Croyez-moi, vous marquerez des points.
• 1315
Le discours d'hier a malheureusement amené quantité de gens à
se dire que, oui, ils ont bien agi l'an dernier, mais ils nous
servent maintenant une longue liste de voeux pieux. Comment
intégrer cette liste parmi toutes les autres priorités? C'est
pourquoi je vous dis qu'il faut établir des objectifs. Ce serait
bon sur le plan politique, tout autant que sur le plan économique.
J'aborderai enfin la question des mesures contre-cycliques. Si tous les gouvernements de ce pays avaient appliqué les recommandations relatives à des mesures contre-cycliques que nous ont servies au cours des 20 dernières années Buzz Hargrove et Bob White, les chefs syndicaux du pays, nous serions littéralement en faillite aujourd'hui. Le dollar vaudrait peut-être 0,40 $. On serait la risée de la communauté internationale. Il reste un fait indubitable: durant ces quinze années où nous avons demandé une plus grande probité en matière fiscale, ces mêmes personnes disaient non; elles disaient que le déficit était sans importance. Vous vous souvenez? Les déficits font partie intrinsèque du plan des ministères. Les déficits ne sont qu'un argument invoqué pour prendre de l'argent aux travailleurs. Il faut dépenser, et non réduire les dépenses.
Si on avait écouté ces gens, le Canada serait dans un énorme chaos financier. Les chiffres l'ont démontré très clairement. Ne vous attardez même pas à penser que les mesures contre-cycliques sont efficaces: elles ne fonctionnent pas.
Quant au dernier élément soulevé par M. Brison, je vous dirai que Tony Blair représente aujourd'hui le grand héros de l'une des économies les plus avant-gardistes et les plus prospères du monde, soit le Royaume-Uni. Tony Blair est un travailliste. Il vient de cette même tradition social-démocrate qui avait auparavant conduit le Royaume-Uni au bord de la faillite. Aujourd'hui, les discours et les politiques du gouvernement Blair pourraient nous faire croire que le Parti conservateur, voire le Parti réformiste, sont de gauche. Si la social-démocratie fonctionne et porte fruit au Royaume-Uni, pourquoi en serait-il autrement ici? Le mouvement de travailleurs que vous avez entendu aujourd'hui est le dernier du monde industrialisé à réaliser que le monde a changé, que nous sommes à l'époque moderne. Ne lui accordez aucune attention.
M. Nick Discepola: Rappel au Règlement, monsieur le président. M. d'Aquino a été tellement discipliné qu'il a oublié de répondre à ma question.
M. Thomas d'Aquino: Je suis désolé.
M. Nick Discepola: Elle portait sur les réductions d'impôt linéaires générales par opposition aux réductions ciblées.
M. Thomas d'Aquino: Je serai heureux de répondre à votre question. David Stewart-Patterson ou Sam Boutziouvis pourront peut-être compléter rapidement ma réponse.
Nous avons choisi de recommander des réductions à grande échelle parce que, premièrement, nous savions que, si nous avions choisi les réductions ciblées, on n'aurait pas tardé à nous brandir l'argument des réductions d'impôt aux particuliers par opposition aux réductions des cotisations à l'AE. En fait, je vous ai expliqué aujourd'hui que les réductions des cotisations valent moins que les réductions à grande échelle de l'impôt des particuliers parce que ces dernières sont plus profitables pour plus de gens. La réduction des cotisations à l'AE est, en fait, une forme de baisse d'impôt sélective, parce que la moitié est destinée aux entreprises.
Dans notre mémoire, nous recommandons un allégement... nous demandons que un million de Canadiens à faible revenu ne paient plus d'impôt, et nous demandons aussi des allégements fiscaux importants pour les Canadiens dont les revenus se situent dans les tranches inférieure, inférieure à moyenne, et moyenne. En ce sens, les réductions n'ont pas une portée aussi générale qu'il ne serait souhaité. Autrement, j'aurais aussi demandé que ceux d'entre nous dont le revenu est parmi les plus élevés bénéficient aussi d'un allégement important.
Nous n'avons pas demandé non plus, comme vous l'aurez probablement remarqué, d'allégement de l'impôt des entreprises. Cette mesure serait aussi avantageuse pour le secteur industriel—un allégement fiscal à grande échelle, se traduisant par d'importants montants d'argent, qui soit dit en passant serait réalisable, malgré les propos de M. Martin hier.
Si on suppose que l'excédent se situera entre 5 et 7 milliards de dollars, et que l'on en consacre 3 milliards à la réduction de la dette et 3 milliards aux baisses d'impôt, c'est tout à fait possible. On aurait les moyens. On pourra intégrer de telles mesures dans le prochain budget. Pour ce qui est des années suivantes, nous avons préféré nous en tenir à des estimations prudentes. Si l'économie mondiale est moins florissante durant trois ou cinq ans, il faudra à l'évidence revenir sur les prévisions faites en temps de fortune.
David, voulez-vous ajouter quelque chose à ma réponse?
M. David Stewart-Patterson (vice-président, Politiques et Communications, Conseil canadien des chefs d'entreprises): Je vais me contenter de répéter quelques positions énoncées dans notre document sur l'impôt.
Nous devons aujourd'hui composer avec le fait que nous avons trop bien ciblé les mesures. Tant de mesures ont été trop bien ciblées, tant d'éléments du régime fiscal, pour avantager les plus nécessiteux, que les gens qui ont un salaire peu élevé ne peuvent aller plus loin. Nous connaissons la prison de l'aide sociale, qui menace les gens de perdre presque tous les avantages, ou tous les avantages, qu'ils reçoivent s'ils essaient d'intégrer le monde du travail. Un autre mur confine les familles à revenu faible et modeste—celles dont le revenu est de 20 000 $ ou un peu plus. Le fait que nous ayons ciblé de façon si pointue le supplément de prestation fiscale pour enfants se traduit par des pertes possibles de 60 ou 70 p. 100, et plus de 70 p. 100 dans certaines provinces, pour chaque dollar supplémentaire gagné. Il n'est pas facile dans ces circonstances d'améliorer le revenu après impôt. Ces gens frappent un autre mur dès qu'ils passent à la tranche d'imposition supérieure. Si vous examinez les chiffres, vous verrez que des taux d'imposition, des taux d'imposition marginaux, dépassent les 60 p. 100.
• 1320
Enfin, si nous allons plus haut dans l'échelle, c'est l'écart
entre les régimes fiscaux américains et canadiens qui pose
problème. C'est cet écart qui fait perdre du personnel aux
entreprises canadiennes. C'est pourquoi nous disons au
gouvernement: les Canadiens de toutes les classes sont desservis
par notre régime fiscal. Il faut faire en sorte de réduire les
obstacles qui nous empêchent tous d'améliorer notre situation, quel
que soit le niveau de notre revenu.
M. Nick Discepola: Si vous examinez les niveaux d'imposition, cependant, il faut voir que ce sont les personnes dont le revenu se situe entre 25 000 $ et 35 000 $ ou 40 000 $ qui ont subi l'augmentation la plus disproportionnée. C'est pourquoi je dis que, si nous accordons des baisses d'impôt générales, nous ne favorisons par les salariés à revenu moyen, ou ceux qui ont le plus contribué jusqu'à maintenant.
Mais je comprends... vous ne parlez pas d'une baisse linéaire générale... Vous suggérez... Oui, peut-être pourrait-on y arriver en instaurant des exemptions personnelles, par exemple, que vous avez aussi suggérées.
M. Sam Boutziouvis (vice-président, Conseil canadien des chefs d'entreprises): En fait...
Le président: Soyez le plus bref possible, parce que nous devrons laisser du temps à M. Weseluck après.
M. Sam Boutziouvis: ... notre régime fiscal s'inscrit dans une stratégie septennale qui prévoit évidemment des baisses d'impôt à large échelle. Cependant, pour la première année, nous demandons une augmentation de 500 $ du montant pour conjoint, une mesure dont pourraient bénéficier tous les contribuables. Nous demandons aussi l'élimination de la surtaxe.
Une voix: Et d'ajouter d'autres mesures dans les années suivantes.
M. Sam Boutziouvis: C'est exact.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Weseluck ou monsieur Friesen.
M. Ron Friesen (président, Comité sur la fiscalité, Association des banquiers canadiens): Monsieur le président, je crois qu'on m'a demandé si Wells Fargo voudrait s'installer au Canada si les taux d'imposition étaient concurrentiels ou équivalents à ceux en vigueur aux États-Unis.
Nous tentions de démontrer que, depuis l'avènement du commerce électronique, les banques étrangères ne sont pas tenues d'être établies physiquement au Canada pour transiger dans nos marchés, avec une base de coûts beaucoup moins importante. Si nous tentons de les concurrencer dans leurs marchés, nous devons nous conformer au régime fiscal canadien, et nous devons fournir du capital pour mener à bien ces activités. De plus, en raison de l'impôt sur le capital que nous devons payer, ce qui n'est pas leur cas, nous nous retrouvons en porte-à-faux sur le plan de la compétition, parce que notre base de coût est en règle générale plus élevée que la leur. Ces banques peuvent donc venir nous concurrencer sur nos marchés, alors que notre base de coût plus élevée constitue une embûche de taille quand nous nous présentons sur leurs marchés.
M. Mark Weseluck: J'aimerais ajouter que la technologie qu'ils utilisent est un outil très puissant. Ces banques offrent des services très épars, ce qui ne les empêche pas de concurrencer les institutions financières établies.
J'aimerais aussi vous citer un extrait de la p. 9, parce que, si j'ai bien compris, des représentants de Wells Fargo, ING Direct et Capital One sont venus témoigner devant ce comité le 29 septembre dernier, et je crois qu'ils ont affirmé eux-mêmes que l'impôt sur le capital représentait un réel obstacle à la croissance de leurs affaires au Canada.
Tout simplement, les facteurs coûts sont trop élevés. Ces banques peuvent vendre des produits en maintenant des coûts d'exploitation très bas. Nous sommes donc privés de l'impôt sur le capital et des coûts de la main-d'«uvre qu'ils investiraient peut-être ici s'ils n'étaient pas prélevés, et nous sommes privés par ricochet des charges sociales.
Le président: Merci. Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. Les audiences d'aujourd'hui ont été très intéressantes jusqu'à maintenant. Les idéologies et les visions quant à l'avenir du pays divergent parfois, mais chacun de vous nous fait part de perspectives très intéressantes, surtout celles qui ont trait aux priorités que nous devrons établir en vue du prochain budget.
Notre comité a très hâte de faire des recommandations au ministre des Finances, comme nous l'avons fait l'an passé, qui tiennent compte du fait que nous vivons dans un pays très moderne, ouvert sur le monde, qui doit se préoccuper non seulement de ses intérêts nationaux, mais aussi des intérêts internationaux, qui sont un élément important du débat.
Encore une fois, au nom du comité, je vous remercie grandement.
Les audiences sont interrompues pour une pause de cinq à sept minutes, après quoi nous reprendrons les travaux.
Le président: Nous allons reprendre les audiences.
J'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux représentants du Board of Trade of Metropolitan Toronto, de Dundee Bancorp Inc., de Hockley Valley Resort, de l'Association des hôpitaux de l'Ontario, ainsi que de l'Université de Toronto. Comme vous le savez, chacun a de cinq à sept minutes pour faire un exposé, après quoi nous passerons à une période de questions.
Nous commencerons avec la représentante du Board of Trade of Metropolitan Toronto, Mme Elyse Allan. Soyez la bienvenue.
Mme Elyse Allan (présidente-directrice générale, Board of Trade of Metropolitan Toronto): Bon après-midi. Vous l'avez entendu, je me nomme Elyse Allan. Je suis présidente-directrice générale de la Chambre de commerce de Toronto. Je suis accompagnée par deux membres bénévoles de la chambre, qui font partie de notre comité sur les politiques: Maralynne Monteith, présidente du Comité sur les politiques fiscales, et Michael Beswick, vice-président du Comité sur les pensions et les avantages sociaux. Louise Verity, directrice des politiques de la chambre, s'est aussi jointe à nous.
C'est grâce au travail de ces membres bénévoles que la chambre peut venir présenter ici ses positions quant aux politiques gouvernementales. Nos quelque 10 000 membres, qui représentent des entreprises de toute taille et de tout type, font du Toronto Board of Trade la plus importante chambre de commerce locale du Canada.
Le Toronto Board of Trade se réjouit de cette occasion qui lui est donnée de témoigner devant le Comité permanent des finances. Nous avons déjà soumis un mémoire à ce comité dans le cadre des consultations prébudgétaires pour 1999. Nous ferons quelques mises à jour à ce mémoire qui tiennent compte des changements survenus récemment dans le contexte mondial.
J'aborderai très brièvement aujourd'hui certains énoncés importants du document, qui sont considérés comme tels par la communauté des affaires de Toronto, afin que le Canada puisse aller de l'avant et continuer de prospérer sur le plan économique. Plus précisément, je parlerai de la réduction de la dette, de réductions d'impôt, de l'assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada.
Le prochain budget fédéral devra donner suite à l'effort soutenu pour réduire la dette. Le Canada souffre encore de l'un des ratios dette - PIB les plus élevés parmi les pays de l'OCDE. Notre Chambre de commerce considère qu'il faut utiliser en priorité les excédents pour continuer d'abaisser ce ratio. Non seulement cette réduction diminue-t-elle la prime de risque sur la dette canadienne, mais aussi la vulnérabilité du pays devant les chaos de l'économie. Si l'on considère l'état chaotique des marchés financiers et de l'économie en général sur la planète, il est devenu encore plus urgent de réduire la zone de flanc offerte par le Canada.
La structure de l'impôt sur le revenu ainsi que les charges sociales imputées ne sont pas concurrentielles avec celles d'autres États, tels que les États-Unis. L'une des nombreuses incidences de cette situation est notre incapacité à recruter et à conserver les meilleurs employés. Le Toronto Board of Trade s'inquiète au plus haut point de cet exode de personnel qualifié vers d'autres pays. Nous perdons une ressource de valeur, pour laquelle nous avons engagé des frais, et qui constitue un facteur de plus en plus crucial à notre prospérité et à notre concurrentialité dans une économie fondée sur le savoir. Le gouvernement fédéral doit prendre les mesures qui s'imposent dès maintenant pour endiguer la fuite de cette ressource.
De nombreux facteurs expliquent cette fuite. S'il règle les plus importants, ce gouvernement contribuera au développement et au maintien d'une base solide de capital humain. C'est le fondement de notre future prospérité économique.
Aux États-Unis, un contribuable doit gagner bien au-dessus de 200 000 $ US par année pour se voir imputer le taux le plus élevé d'imposition sur les revenus marginaux. En Ontario, le taux marginal le plus élevé est imputé à partir de 65 000 $ par année. De nos jours, de tels revenus sont courants pour les emplois au niveau d'entrée qu'occupent des diplômés très mobiles, déjà attirés par les possibilités de revenus plus élevés et d'avancement professionnel qu'offrent les États-Unis. La réduction des taux marginaux d'imposition contribuerait grandement à endiguer cet exode de nos diplômés.
La façon la plus directe de réduire le taux marginal d'imposition serait d'éliminer la surtaxe générale de 3 p. 100 et la surtaxe supplémentaire de 5 p. 100. Le coût de telles mesures s'élèverait à 1,3 milliards de dollars seulement—en tenant compte des modifications à la surtaxe apportées dans le budget du dernier exercice—soit moins de 1 p. 100 des recettes du fédéral. Il en résulterait l'amélioration tant attendue de la concurrentialité des taux d'imposition sur le revenu des particuliers par rapport aux taux américains: le taux marginal d'imposition supérieur passerait de 49,6 p. 100 à 47,3 p. 100 en Ontario.
• 1340
Nous recommandons au gouvernement d'agir maintenant afin de
réduire les taux marginaux d'imposition imputés aux Canadiens.
On a beaucoup discuté dernièrement du régime de l'assurance-emploi. Le Toronto Board of Trade a appuyé les réformes à ce régime, qui visaient à en faire un régime d'assurance plutôt qu'un programme social. Cependant, certains ajustements sont nécessaires. Les cotisations à l'AE représentent un impôt supplémentaire prélevé sur les salaires, un impôt qui pèse lourdement sur les employeurs et sur les employés. Des cotisations élevées sont un obstacle à la création d'emplois dans le secteur privé, et réduisent le revenu disponible des particuliers. Aujourd'hui, les cotisations à l'AE se traduisent par des contributions beaucoup plus élevées que nécessaire au Trésor fédéral, et par des excédents de la caisse du régime.
C'est inacceptable. Le régime de l'AE est un fonds d'assurance, qui vise à soutenir les travailleurs canadiens durant les périodes de chômage. Ce régime ne doit pas fonctionner comme un fonds dans lequel le gouvernement fédéral peut aller puiser allègrement pour financer ses projets.
Le gouvernement fédéral doit s'assurer que les surplus de la caisse de l'AE ne dépassent pas le montant de prévoyance qui serait nécessaire selon l'actuaire en chef en cas de grave récession. Selon le taux de contributions actuel, l'excédent pourrait atteindre 20 milliards de dollars, qui seront noyés dans les recettes générales de l'État. Ce n'est pas le but de ce régime.
À l'évidence, les taux de contribution sont trop élevés, et les employeurs ainsi que les employés paient beaucoup trop. Le Toronto Board of Trade exhorte le gouvernement à réduire progressivement les cotisations des employés et des employeurs, afin d'atteindre un taux de contribution compensé qui permettra d'atteindre le point mort du taux de cotisation dans un temps raisonnable.
Nous estimons que ces changements stimuleront la création d'emplois et annihileront la tentation d'aller travailler à l'étranger. Nous devons ajouter que la Chambre de commerce du Canada a approuvé cette même recommandation lors de son assemblée générale annuelle, en septembre dernier.
Nous aimerions enfin que l'on applique des mesures de redressement du Régime de pensions du Canada, un programme qui a fait couler autant d'encre que l'assurance-emploi.
Je tiens à dire que la Chambre de commerce est un membre fondateur de la Retirement Income Coalition, qui témoignera devant le comité le 10 novembre prochain.
Certains demandent que l'on privatise le RPC, en exigeant la mise en place de régimes individuels obligatoires. La Chambre de commerce ne souscrit pas à une telle mesure, car elle est d'avis que le Régime doit conserver ses prérogatives de programme gouvernemental universel. Le Toronto Board of Trade a accueilli avec enthousiasme la décision du gouvernement de ne pas abroger les prestations aux aînés. Cette décision, cependant, jumelée à la nécessité de réformer le RPC, met en lumière la nécessité de se doter d'un programme universel «sur le vieillissement». Ce gouvernement doit se donner des orientations claires quant à l'avenir du régime de sécurité de revenu des retraités canadiens.
Le Toronto Board of Trade estime que le gouvernement, s'il met en oeuvre les recommandations énoncées aujourd'hui, donnera un grand coup de fouet à l'économie canadienne. Le gouvernement rassurera par ailleurs les Canadiens quant à la capacité concurrentielle du pays sur l'échiquier mondial, à l'importance accordée à notre sécurité de revenu personnel et à la sécurité économique du pays, ainsi qu'à la valeur accordée aux efforts de tous les individus pour assurer la croissance nationale.
Merci. Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, madame Allan.
Nous céderons maintenant la parole aux représentants de Dundee Bancorp Inc. M. Donald K. Charter et M. Garth MacRae. Bienvenue.
M. Garth MacRae (vice-président, Dundee Bancorp Inc.): Merci beaucoup. Mesdames et messieurs, nous sommes heureux de participer à ces consultations prébudgétaires.
Je me nomme Garth MacRae. Je suis vice-président de Dundee Bancorp. Je suis accompagné de Don Charter, président-directeur général de Dundee Securities Corporation qui, je le note en passant, est un nouveau cabinet indépendant de courtage en valeurs mobilières. Il est aussi directeur général de Dundee Capital Markets, voué aux services bancaires d'investissement. Nous sommes une société publique de gestion des biens, dont la valeur comptable dépasse les 500 millions de dollars; nous occupons une place enviable dans l'industrie des services financiers.
Vous nous avez demandé de répondre à des questions précises, et de vous faire par de nos points de vue quant aux priorités. Malgré les récentes sorties de M. Martin, qui nous indiquent que les excédents ne seraient pas aussi importants qu'on nous l'a laissé croire, nous avons été très contents que ce gouvernement parvienne à équilibrer le budget, et nous espérons que sa volonté de poursuivre dans le même sens ne sera pas compromise. Si les surplus sont aussi importants que prévu, il faut sans contredit les utiliser pour diminuer la dette de l'État et pour permettre aux contribuables d'obtenir un revenu net plus élevé en réduisant les impôts des particuliers.
• 1345
Les Canadiens subissent des taux d'imposition élevés, et les
taux supérieurs d'imposition s'appliquent sur des revenus
relativement bas. Nous entendons de plus en plus parler de la perte
de travailleurs qualifiés parce que nous ne pouvons rivaliser avec
le régime fiscal des particuliers dans d'autres pays. Le
gouvernement devrait revoir les tranches d'imposition des
particuliers ainsi que les taux, et faire en sorte d'offrir un
régime fiscal concurrentiel à l'échelle mondiale.
On devrait éliminer les surtaxes temporaires. Le taux d'imposition devrait être celui qui est en vigueur, point à la ligne. Si la surtaxe est temporaire, il faudrait en faire la première priorité quant aux soi-disant dividendes fiscaux.
Pour les entreprises, tous les impôts devraient être fonction des revenus, et l'impôt sur le capital, si nécessaire, devrait être maintenu au strict minimum.
Pour encourager les investissements dans les nouvelles entreprises, le gouvernement devrait instaurer un impôt sur les gains en capital similaire à celui qui est en vigueur aux États-Unis. Ce régime, implanté récemment, vise à encourager les investissements à long terme, et permet de déterminer de façon purement objective les gains en capital. Les investissements retenus pendant moins de 1 année seraient imposés comme un revenu, ceux qui seraient retenus entre 1 année et 18 mois seraient imposés à un taux de 28 p. 100—ce sont les taux en vigueur aux États-Unis—, et les investissements retenus pendant plus de 18 mois seraient imposés à 10 p. 100 si la tranche d'imposition inférieure est applicable, et à 20 p. 100 pour toutes les autres tranches. Un tel régime encouragerait les démarrages d'entreprise et l'entrepreneurship, qui sont à mon sens les sources principales de nouveaux emplois. C'est une mesure qui serait peu coûteuse dans la mesure où tous les gains à court terme seraient imposés à un taux supérieur qu'ils ne le sont présentement.
J'aimerais rappeler au gouvernement que les taxes sur la valeur ajoutée, si elles sont appliquées correctement, devraient résulter en une réduction des impôts personnels; c'est le modèle qui a été appliqué en Grande-Bretagne. Le gouvernement a tiré des recettes très intéressantes de la TPS, mais elles ont été engouffrées dans les recettes générales et utilisées dans les dépenses de programme. Quand cette taxe a été introduite, elle remplaçait la taxe de vente cachée des fabricants, et les articles à prix élevé tels que les automobiles et les appareils ménagers ont pu être produits à un coût légèrement moindre. En même temps, tous les consommateurs ont constaté des augmentations du coût de la vie et des services, des vêtements, des loisirs, etc. Si vous additionnez les factures de TPS personnelles et que vous multipliez par le nombre de travailleurs, les chiffres seront impressionnants. Je crois que tous les gains liés à la TPS devaient servir à l'origine à rembourser la dette, mais cela ne s'est pas passé ainsi. Il faudrait revoir l'utilisation des recettes de la TPS.
Notre secteur des services bancaires d'investissement a toujours été en lien étroit avec l'industrie primaire. Nous entendons aujourd'hui que, parce que notre économie est fondée sur les ressources naturelles et que le prix des marchandises subit des pressions, notre dollar est plus faible. La plupart des entreprises fondées sur les ressources sont à risque élevé et, par le passé, le gouvernement en tenait compte et offrait à ce secteur des mesures incitatives. Récemment, le gouvernement a eu tendance à traiter ces entreprises à risque élevé de la même façon que n'importe quelle autre industrie, parce que ce n'est pas une industrie à forte densité de main-d'«uvre et qu'elle n'emploie pas autant de personnes que le secteur de la fabrication dans les grands centres urbains.
Nous exhortons le gouvernement à redonner des mesures incitatives aux sociétés exploitantes de ressources. Les jours détaxés et les déductions pour épuisement sont des mesures incontournables étant donné l'importance des risques et l'épuisement des biens. Il faudrait revoir ces mesures incitatives. Je comprends que le rapport de la Commission Mintz recommande de traiter l'industrie d'exploitation des ressources au même plan que les autres, mais justement, cette industrie est différente.
Notre société a déjà témoigné devant ce comité relativement à l'étude du groupe de travail MacKay. Nous avons alors fait quelques suggestions quant à des mesures incitatives à inclure dans le budget, qui visaient la création de nouvelles banques saines, qui auraient la possibilité de concurrencer avec les banques établies. Nous avions fait deux suggestions: la première indiquait que les banques de deuxième rang devaient bénéficier de plus grands avantages fiscaux, outre l'impôt sur le capital suggéré. On devrait leur accorder le droit à des pertes fiscales illimitées, qu'elles pourraient reporter sur les dépenses d'exécution liées aux pertes en capital, et on ne devrait pas reporter ces pertes en cas de changement de main de la gestion de la banque. De plus, on devrait pouvoir transférer les pertes aux sociétés mères ou dans le domaine public, au moyen d'actions accréditives, qui permettraient à d'autres contribuables canadiens de radier ces pertes. Les banques de deuxième rang auraient ainsi la possibilité d'augmenter leur capital efficacement.
• 1350
Afin de favoriser le flux de nouveaux intrants dans ce secteur
bancaire, on pourrait envisager de mettre en oeuvre un mécanisme
permettant de faire des déclarations de taxe collectives, de sorte
que les nouvelles institutions financières puissent mieux gérer les
pertes de démarrage.
Nous avons fait une autre suggestion qui touchait la technologie. La mise sur pied d'une nouvelle banque exige des investissements considérables dans la technologie. Nous suggérons d'accorder des mesures extraordinaires d'amortissement des dépenses liées à la technologie engagées par les banques de deuxième rang. On devrait aussi permettre de transférer ces dépenses à la société mère, ou dans le domaine public par l'émission d'actions accréditives. Ainsi, les banques de deuxième rang disposeraient d'instruments efficaces pour accroître leur capital et pour construire l'infrastructure dont elles ont besoin pour concurrencer les autres institutions, parce que les règles du jeu seraient équitables.
Nous aimerions aussi faire remarquer que ces mesures seraient un formidable atout pour l'essor de l'industrie fondée sur les connaissances au Canada. Elles font en sorte que les dépenses sont accordées à un fournisseur canadien de technologie fondée sur le savoir.
Nous savons que des mesures ont été mises en oeuvre afin d'aider les petites entreprises en vue du passage à l'an 2000. Cependant, les déductions pour amortissement accéléré ne favorisent nullement le lancement de nouvelles banques. Il faut pour ce faire instaurer un mécanisme visant l'augmentation du capital, de sorte qu'une nouvelle institution puisse se procurer la technologie nécessaire à sa force concurrentielle.
Merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup, monsieur MacRae.
Nous entendrons maintenant, de l'Association des hôpitaux de l'Ontario, M. David MacKinnon. Bienvenue.
M. David MacKinnon (président, Association des hôpitaux de l'Ontario): Merci beaucoup de cette occasion que vous me donnez de faire un exposé.
Les problèmes liés aux soins de santé préoccupent beaucoup les Canadiens. J'ai pensé diviser mon exposé en deux parties. Dans la première partie, je vous ferai un portrait global rapide de la situation financière des centres hospitaliers en Ontario. Dans la deuxième partie, je ferai l'analyse des causes de toutes les difficultés qui assaillent le domaine hospitalier dans tout le pays.
Premièrement, je parlerai du régime hospitalier en Ontario qui, incidemment, comprend quelque 200 hôpitaux qui font partie d'une association fondée voilà 75 ans. Une nouvelle tendance au déficit est née dans les hôpitaux ontariens. Je dois dire, comme vous le constaterez dans un moment, que l'ampleur des déficits est connue depuis très peu de temps. En effet, jusqu'à tout récemment, le plan d'exploitation générale des hôpitaux n'avait jamais été intégré à l'analyse de la situation en vue de la planification du budget des opérations courantes.
Si on retournait dans le passé, on découvrirait probablement que ces déficits ont commencé au début des années 90; par ailleurs, le déficit de l'année prochaine s'élèvera fort probablement aux alentours de 250 millions de dollars. Si ce pays a appris quoi que ce soit au cours des 30 dernières années, c'est qu'un tel taux de croissance est néfaste à long terme.
Quant à la situation financière de chacun des types d'hôpitaux, voici les faits: un ratio de 1 pour 1 dénote une parité des actifs et des passifs. Pour la plupart des grands hôpitaux de l'Ontario, le ratio actuel est de 0,8 environ. Cela signifie que les passifs excèdent largement les actifs.
Vous pouvez constater que c'est dans les grands centres hospitaliers universitaires de Toronto, de London, d'Ottawa et de Kingston que la situation est la plus difficile. Cependant, les hôpitaux communautaires, surtout ceux situés dans l'agglomération torontoise délimitée par l'indicatif régional 905, éprouvent aussi de graves difficultés financières. Les unités de soins de longue durée et de réadaptation, ainsi que les petits hôpitaux, bien qu'en position précaire, ne subissent pas les mêmes pressions et affichent un état relativement stable. Toutefois, les hôpitaux communautaires et les principaux centres universitaires desservent environ 80 p. 100 de la clientèle.
• 1355
En bref, la situation financière générale des hôpitaux membres
de notre association est mauvaise et va de mal en pis. Le pire,
c'est que l'ampleur des difficultés a été évaluée très récemment.
Je dois dire qu'on a pu l'évaluer grâce à un partenariat très
innovateur entre l'AHO et la CIBC. La banque a déployé des efforts
considérables pour améliorer notre collecte de données financières
sur l'industrie.
Notre association appuie en général les demandes de l'Association canadienne des soins de santé relativement à une injection immédiate de fonds. Nous estimons que les réductions imposées dans le domaine hospitalier ont été trop rapides. Pour vous expliquer les raisons de cette assertion, j'ai pensé vous donner deux exemples qui illustreront les incidences de telles compressions dans la vraie vie.
Voilà quelque temps, je me suis entretenu avec une infirmière des soins intensifs, qui venait tout juste de commencer dans un nouveau centre. Elle me disait qu'il lui faudrait entre trois et six mois avant d'être à l'aise dans son nouveau travail, parce que non seulement elle doit savoir ce qui touche directement son travail, mais aussi tout ce qui touche le travail des autres dans la salle, en plus de connaître l'emplacement exact de tout ce qui se trouve dans la salle. Si le régime est privé de certaines sommes, il devra faire face à court terme à ce genre de difficultés, qui amenuisent considérablement la souplesse des opérations.
De plus, très récemment, j'ai participé à une réunion entre l'Assemblée législative d'Ontario et deux présidents d'hôpitaux. Nous n'avions pas les chiffres exacts à ce moment, mais entre la moitié et les deux tiers des gens travaillant dans ces deux hôpitaux avaient changé d'emploi au cours des deux années précédentes.
Si vous juxtaposez ces deux cas, vous constaterez à quel point il est risqué d'imposer des réductions budgétaires trop rapides dans ce domaine. Le risque principal menace le travail d'équipe dont dépend le service de première ligne dans les hôpitaux. C'est un mécanisme délicat, très complexe. Peter Drucker l'a décrit comme étant le mécanisme le plus complexe qui puisse exister dans une société industrielle. Les entrées et les sorties d'argent précipitées requièrent des modifications complexes, très difficiles à mettre en oeuvre.
Cependant, je voudrais surtout vous donner des renseignements qui vous seront très utiles, sur les raisons qui font que les difficultés ont pris une telle ampleur au Canada. Certains d'entre vous ont peut-être pris connaissance récemment du commentaire émis par le président de la Hamilton Health Sciences Corporation. Il nous demandait alors si, devant le genre de difficultés qui assaillent les hôpitaux partout au pays, nous n'aurions pas commis une erreur systématique dans la façon d'implanter les changements. Pour ma part, je considère que c'est la question qu'il faut se poser, et c'est celle que je pose depuis deux ans—mon expérience est assez limitée, je l'avoue—que je suis actif dans le domaine des soins de santé.
J'aimerais vous soumettre une thèse qui vous interpellera, qui est difficile, que la plupart de nos membres veulent étudier, mais qui ne fait pas l'unanimité. Je crois que le vrai problème, c'est que la restructuration des soins de santé au Canada a été mise en branle malgré un manque flagrant d'information. Avant d'effectuer une restructuration, de quoi que ce soit, il faut évaluer la situation financière fondamentale. Comme je l'ai mentionné, dans notre cas et dans le cas de nombreuses provinces, on n'a jamais fait la compilation globale des résultats de tous les hôpitaux.
Si on examine toutes les actions visant la restructuration des soins de la santé en Ontario au cours des dix dernières années, on ne trouve jamais d'évaluation de la situation financière de base du régime hospitalier, du rôle clinique, du leadership à déployer pour effectuer le changement, des demandes de la clientèle, ni des incidences potentielles sur le personnel de première ligne.
Nous avons mis en branle—en Ontario, c'est sûr, mais ce l'est aussi dans d'autres provinces, du moins selon ce que je peux constater—une restructuration majeure du régime des soins de la santé sans avoir pris la peine de recueillir les données nécessaires, comme on l'aurait fait avant de restructurer une entreprise ou tout autre régime dans la société. J'ai déjà dit que c'était le coeur du problème. C'est un problème très grave de la restructuration en Ontario et dans toutes les communautés où sont situés les établissements membres de notre association.
• 1400
Vous constaterez que beaucoup de gens croient fermement que
cette crise est attribuable, en fait, à des tendances
démographiques, et les tendances démographiques sont importantes,
que cela est lié à des problèmes financiers et, comme je l'ai déjà
mentionné, les problèmes financiers ont sans aucun doute contribué
grandement à cette difficulté. Je pense vraiment que nous avons
affaire ici à un manque total d'imagination en gestion, à un refus
ou à une incapacité d'envisager les moyens de base utilisés par
d'autres personnes dans la société pour se restructurer. C'est donc
pour cette raison que nous faisons face à tous ces problèmes d'un
bout à l'autre du pays. La bonne nouvelle, bien entendu, est que
c'est beaucoup plus facile à régler que des problèmes d'une autre
nature.
Si je pouvais terminer par deux réflexions, la première serait que si nous voulons faire du processus de changement dans les soins de santé quelque chose de plus ordonné et plus durable, nous devrons accorder une attention à ce que les consommateurs veulent et faire tout ce qu'il faut comme si nous procédions à la restructuration d'une entreprise.
Ma deuxième réflexion n'a aucun lien avec les commentaires que j'ai faits jusqu'à maintenant, mais porte sur le fait que les hôpitaux de l'Ontario sont d'importants établissements de recherche. Il existe huit ou dix hôpitaux qui effectuent une très grande partie de la recherche dans les sciences de la vie et d'autres domaines connexes qui est menée au Canada. Nous croyons que, éventuellement, au cours du prochain siècle, la recherche dans les sciences de la vie ou les sciences de la vie en général seront peut-être pour le développement économique alors ce que la technologie de l'information a été pour le siècle présent. En partant de ce point de vue, le gouvernement fédéral a un rôle très naturel à remplir, de s'occuper de ce qui se passe relativement aux aspects de la recherche effectuée dans les hôpitaux, d'apporter son aide en accordant des fonds adéquats et de mettre fin à la diminution graduelle spectaculaire que l'on a connue au cours des dix dernières années en ce qui a trait aux fonds destinés aux établissements de recherche rattachés à des hôpitaux dans cette province et ailleurs.
• 1405
Ce sont en fait mes deux messages. Nous devons apprendre en
examinant ce qui se fait ailleurs dans le domaine de la
restructuration, et le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle
très approprié et naturel pour contribuer grandement au
développement du type d'établissements de recherche et de
compétences dont nous aurons certainement besoin sur une échelle
beaucoup plus grande au cours des dix, quinze ou vingt prochaines
années.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant des représentants de l'Université de Toronto, le président, M. J. Robert S. Prichard, et le président du Conseil étudiant, M. Chris Ramsaroop. Nous leur souhaitons la bienvenue.
M. J. Robert S. Prichard (recteur, Université de Toronto): Monsieur le président, merci beaucoup.
Je m'appelle Robert Prichard. J'ai le privilège d'être le recteur de l'Université de Toronto, et je comparais aujourd'hui avec mon collègue, Chris Ramsaroop, qui est le président du Conseil étudiant de l'Université de Toronto. À titre de président du Conseil étudiant, M. Ramsaroop dirige 33 000 étudiants à plein temps de premier cycle à l'Université de Toronto. Il est un étudiant de quatrième année en sciences politiques, et j'ai pensé que l'audience d'aujourd'hui constituerait un bon exemple concret de politiciens à l'oeuvre. Je suis ravi que Chris m'ait accompagné pour comparaître avec moi aujourd'hui.
En comparaissant ensemble, à titre de recteur de l'Université et de président du Conseil étudiant respectivement, j'espère que nous vous donnerons le sentiment profond que les messages que nous transmettons ensemble représentent un front uni de l'Université de Toronto, de ses professeurs, de son personnel, de ses étudiants et de ses diplômés. Je crois que les sujets que nous abordons constituent une cause commune pour les étudiants, les professeurs, le personnel et les diplômés de l'ensemble du Canada.
L'Université de Toronto est la plus grande université canadienne. Nous avons 55 000 étudiants à plein temps et à temps partiel. Nous avons environ 12 000 professeurs et employés. Nous occupons le troisième rang en importance des organismes de recherche au Canada et nous nous classons, je crois, parmi les universités de recherche publiques les plus réputées au monde.
En présentant nos points de vue cet après-midi—et nous vous sommes très reconnaissants d'avoir cette occasion—je tiens à dire que l'Université de Toronto souscrit entièrement au mémoire que l'Association des universités et collèges du Canada à Ottawa a présenté, et nous appuyons ce mémoire sans réserve.
En termes simples, notre position, monsieur le président, est que nous recommandons à votre comité, dans sa recommandation à M. Martin et au gouvernement, de réaffirmer le rôle du gouvernement fédéral et la responsabilité qui lui incombe en ce qui concerne l'appui de l'enseignement supérieur public au Canada. Nous croyons que le gouvernement du Canada, le gouvernement national, a joué un rôle historique essentiel dans la fondation du pays en instituant le système d'enseignement postsecondaire au Canada, et nous sommes persuadés qu'il est primordial que le gouvernement du Canada réaffirme ce rôle et s'appuie sur les bases établies dans le passé en renforçant ce rôle national qui est d'appuyer l'enseignement supérieur public.
Selon moi, la mise en place du système d'enseignement postsecondaire du Canada depuis la Deuxième Guerre mondiale compte parmi les plus importantes réalisations publiques de l'histoire de notre pays. Nous croyons que peu importe l'importance que cette réalisation a eue au cours des 50 dernières années, elle revêtira encore plus d'importance au cours des 50 prochaines années, car il faudra miser sur ce qui a été réalisé jusqu'à maintenant et même renforcer ce système, mieux encore, le rendre plus accessible aux jeunes Canadiens.
Par conséquent, notre recommandation, monsieur le président, est que la première priorité du gouvernement du Canada dans son prochain budget soit d'investir dans l'avenir de nos jeunes Canadiens, d'investir dans les gens, d'investir dans les idées et d'investir dans l'innovation. Nous croyons que cela devrait constituer la première priorité, car investir dans les jeunes c'est contribuer à notre avenir économique, à l'avenir des particuliers, à la justice sociale, aux perspectives d'avenir, à l'égalité.
Nous croyons que tous ces objectifs fondamentaux peuvent être atteints en investissant dans les jeunes gens. Cela aidera également le Canada à se préparer, en tant que pays, pour l'économie mondiale et contribuera grandement à mettre fin à l'exode des cerveaux, question qui devient une si grande source de préoccupation pour tant de personnes d'un grand nombre de milieux.
En vous demandant, monsieur le président, de réaffirmer le rôle que joue le gouvernement fédéral dans l'enseignement postsecondaire, je tiens à signaler la gratitude de l'Université de Toronto pour les mesures prises au cours des deux dernières années en vue d'appuyer l'enseignement supérieur public. Nous croyons que la Fondation canadienne pour l'innovation et le Fonds des bourses d'études du millénaire constituent des mesures positives importantes qui ont grandement aidé le développement de l'enseignement supérieur au Canada, et nous vous demandons de prendre exemple sur ces deux premières mesures pour en prendre d'autres en matière de nouveaux investissements importants du fédéral dans l'enseignement supérieur public.
Bien que nous soyons reconnaissants de ce qui a été accompli, s'il y en a qui croient que cela a réglé le problème, ils font fausse route. Il s'agit des premières étapes très importantes et très utiles d'un processus qui se doit d'être échelonné sur plusieurs années en vue de rétablir l'appui et les bases nécessaires à l'enseignement supérieur public.
Pour être précis, monsieur le président, en terminant, je tiens à mentionner les trois principaux secteurs des dépenses publiques auxquels il faudrait, selon nous, accorder la première priorité dans le domaine de l'enseignement supérieur. Ensuite, mon collègue, M. Ramsaroop, abordera la question de l'aide financière aux étudiants, car nous sommes tous deux persuadés qu'il faut un investissement public plus important dans le financement des universités, le financement de la recherche et le financement de l'aide financière aux étudiants. Je traiterai des deux premiers points et M. Ramsaroop abordera la troisième question.
En ce qui concerne le nouvel investissement public, nous croyons que le gouvernement devrait prendre de nouveaux engagements importants pour appuyer les trois conseils subventionnaires nationaux, soit le Conseil de recherches en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches médicales. Nous croyons tout particulièrement que le budget du Conseil en sciences humaines devrait être doublé au cours des cinq prochaines années. Nous croyons que le budget du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie devrait être augmenté de 50 p. 100 au cours des cinq prochaines années. En ce qui concerne le Conseil de recherches médicales, nous tenons à accorder notre appui sans équivoque à l'Institut canadien de recherches en santé proposé, un réseau national d'instituts virtuels, un réseau qui nous permettrait d'augmenter considérablement la base de données sur la santé et la médecine au Canada et d'être concurrentiels à l'échelle internationale dans le domaine de la recherche sur la santé et des recherches médicales.
Nous estimons qu'il s'agit d'une occasion unique pour le gouvernement fédéral dans le cadre du budget des soins de santé de mettre en place l'infrastructure nécessaire pour améliorer le rendement des systèmes de soins de santé provinciaux individuels. Nous croyons que la recherche et les données sont une responsabilité relevant uniquement du gouvernement fédéral qui devrait être abordée dans le budget de février.
Enfin, en troisième place au chapitre des dépenses, nous croyons que le gouvernement du Canada doit recommencer à augmenter les paiements de transfert dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) s'il doit y avoir une augmentation dans les paiements de transfert à ce moment-ci. Nous estimons que ce serait une grave erreur de n'augmenter que les paiements de transfert destinés aux soins de santé et qu'il devrait y avoir des augmentations équivalentes dans les paiements de transfert pour l'enseignement postsecondaire.
• 1410
Enfin, en troisième place au chapitre des dépenses, si le
gouvernement du Canada devait augmenter les paiements de transfert
dans le cadre du TCSPS, nous croyons que ce serait une grave erreur
de n'augmenter que les paiements de transfert destinés aux soins de
santé. Il devrait y avoir des augmentations équivalentes dans les
paiements de transfert pour l'enseignement postsecondaire. Les
arguments en faveur du financement de base des universités et des
collèges du Canada sont, selon moi, tout aussi valables que les
arguments en faveur du financement de nos hôpitaux et de notre
système de soins de santé. Par conséquent, nous appuyons vivement
les augmentations dans le cadre du TCSPS tant et aussi longtemps
qu'il comportera des dispositions particulières pour veiller à ce
que ces fonds soient dépensés pour des universités et des collèges
publics situés au Canada.
Monsieur le président, je vous ai fait part de mes commentaires. M. Ramsaroop terminera notre exposé et traitera de l'aide financière aux étudiants.
Le président: Merci, monsieur Prichard.
M. Chris Ramsaroop (président, Conseil étudiant, Université de Toronto): Nous, du Conseil étudiant, croyons que notre société est actuellement en crise. En raison de l'augmentation du taux de pauvreté et du nombre de sans-abri et du manque de logements à des prix abordables, nous estimons qu'une grande proportion de la société ne peut pas participer pleinement. Nous croyons qu'en grande partie cette situation a été attribuée aux réductions de 3 milliards de dollars dans les transferts sociaux. En raison de l'excédent actuel, nous croyons qu'il est nécessaire de réinvestir dans l'élément le plus important de notre société—c'est-à-dire les gens.
Dans notre secteur, le système d'enseignement postsecondaire ici en Ontario, ces coupures associées à celles du gouvernement provincial ont créé un système d'éducation inaccessible. Les frais de scolarité plus élevés, la déréglementation et l'endettement des étudiants ont créé un système à deux vitesses. En tant que défenseur de l'enseignement postsecondaire, je dois arriver à convaincre votre comité qu'il est crucial de réinvestir dans le secteur postsecondaire en augmentant le financement. Pour être concurrentiels à l'échelle mondiale, nous devons disposer d'un solide système d'éducation subventionné—non pas aidé—par l'État.
Le gouvernement fédéral doit instaurer un système national de subventions fondé sur les besoins financiers et non sur les résultats scolaires. Nous devons éliminer les obstacles financiers qui empêchent un grand nombre de Canadiens de participer au système postsecondaire. Divers groupes sont encore marginalisés et, en raison d'obstacles systémiques, comme la situation financière, ils ne peuvent pas devenir autonomes grâce à l'éducation. Des taux de participation accrus à l'éducation profitent à l'ensemble de notre société.
Les États-Unis sont un exemple où l'absence d'un système de subventions a entraîné des problèmes. De 1975 à 1985, le système de subventions est passé de 80,3 p. 100 à 47,8 p. 100 des dépenses totales du gouvernement fédéral en matière d'aide financière aux étudiants. On a également été témoin d'un manque de participation des groupes marginalisés. La population afro-américaine a diminué de presque 11 p. 100 et la collectivité autochtone a diminué de 7 p. 100.
Pour tenter de remédier à cette situation, il est important que ces groupes de notre société disposent d'un certain type de programme, c'est-à-dire d'un système de subventions national, pour s'assurer qu'ils peuvent participer pleinement à notre société.
Le dernier point que j'aimerais aborder est la nouvelle Loi sur la faillite et les changements qui ont été apportés en ce qui concerne l'endettement des étudiants et la faillite chez les étudiants. Il est maintenant de notoriété publique que l'endettement des étudiants a été augmenté à 25 000 $ et que la loi a été modifiée de manière à ce qu'un étudiant ne puisse pas déclarer faillite avant dix ans. Je crois que pour un grand nombre d'étudiants c'est très injuste, et que c'est discriminatoire envers nous en tant que groupe. Si vous jetez un coup d'oeil aux statistiques, 88 p. 100 des étudiants remboursent leur prêt dans les délais prescrits. À titre d'exemple, ce pourcentage augmente à 94 p. 100 si vous incluez les étudiants qui ont eu un seul défaut de paiement. Si vous examinez les statistiques relatives aux sociétés, le taux de remboursement s'établit à 12 p. 100. Par conséquent, il semble que nous pénalisons en fait un groupe de notre société qui fait sa juste part.
Mes deux commentaires sont en fait que nous devons disposer d'un système de subventions national et que nous devons nous pencher sur la Loi sur la faillite. Nous devons également nous assurer que les étudiants sont traités comme tout autre groupe de notre société.
Je m'arrêterai là. Merci.
Le président: Merci beaucoup pour vos commentaires.
Nous amorcerons maintenant une période de questions d'une durée de sept minutes, et nous commencerons avec monsieur Harris.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président et merci aux témoins pour vos excellents exposés.
J'ai quelques questions. Ma première s'adresse à Mme Allan du Board of Trade of Metropolitan Toronto. Dans votre mémoire et vos commentaires, vous avez parlé du programme d'assurance-emploi et des cotisations. Vous avez mentionné que vous appuyiez le rapport Mintz qui recommandait la mise en place d'un programme de fixation de taux particuliers de cotisations d'assurance-emploi qui permettrait aux employeurs ayant le meilleur dossier de verser des cotisations moins élevées.
• 1415
Est-ce que ces diminutions s'appliqueraient également aux
employés ou uniquement aux employeurs?
Mme Maralynne Monteith (présidente, Comité sur la politique fiscale, Board of Trade of Metropolitan Toronto): Elyse ne partage pas mon avis sur cette question.
Selon nous, cela devrait s'appliquer aux employeurs et aux employés. Le but est de laisser l'excédent diminuer lentement en réduisant toutes les cotisations, mais d'en faire profiter davantage les industries stables qui n'ont pas autant recours à ce système. C'est là que la fixation de taux particuliers de cotisation entre en jeu. Il n'est pas question d'augmenter qui que ce soit, mais tout simplement de diminuer les cotisations.
M. Dick Harris: À propos de l'excédent en plus du fonds accumulé, tel que calculé par l'actuaire en chef, il y a environ 7 milliards de dollars. Vous dites dans votre exposé que le gouvernement devrait réduire graduellement les cotisations que versent les employés et les employeurs et passer à un taux de cotisation égal afin que le taux de cotisation correspondant au seuil de rentabilité soit atteint dans un délai raisonnable.
Est-ce en plus de la nouvelle structure du système de cotisations d'assurance-emploi que vous proposez, ou du système exposé dans le rapport Mintz? En ce qui concerne le fonds de 7 milliards de dollars, laissez-vous entendre que cette somme doit être retournée intégralement à l'ensemble de la main-d'oeuvre du milieu des affaires? Voulez-vous leur remettre cet argent et ensuite amorcer le nouveau programme de fixation de taux particuliers de cotisation? Est-ce que c'est ce que vous proposez?
Mme Maralynne Monteith: Je suppose que dans un monde idéal vous feriez les deux en même temps, mais compte tenu du fait que tous ceux qui ont contribué sont répartis dans l'ensemble du système, il semble plus équitable pour vous de le retourner à l'ensemble du système et, ensuite, de passer à la fixation de taux particuliers de cotisation et de demander à votre actuaire d'appliquer l'excédent dans le nouveau système de fixation de taux.
M. Dick Harris: D'accord. Merci.
Vous dites que nous devrions diminuer graduellement les cotisations. À quel genre d'échéancier pensiez-vous?
Mme Maralynne Monteith: C'est là que vous devez être actuaire. Il est malheureux que cette information ne soit pas disponible afin que les gens puissent l'analyser, mais ce serait là que vous feriez appel à l'actuaire pour déterminer cet échéancier. Ensuite, vous examineriez votre population globale et vous vous demanderiez comment ramener cela à son avantage. Vous ne voulez pas dire 20 ans donc, ce serait peut-être cinq ans, ou un échéancier qui a du sens.
M. Dick Harris: Merci beaucoup.
Mme Maralynne Monteith: Merci.
M. Dick Harris: Pour monsieur MacRae et monsieur Charter de Dundee Bancorp Inc., à la page 1, vous parliez des excédents prévus dans le budget de cette année.
J'aimerais simplement faire quelques commentaires, puis avoir votre avis sur ces commentaires. J'essaierai de formuler une question quelque part.
Tout excédent prévu dans le budget de cette année englobe tout l'excédent du fonds d'assurance-emploi qui, je suppose, s'élèvera à environ 20 milliards de dollars à la fin du présent exercice. Ce montant comprend à la fois la portion accumulée, soit les 15 milliards de dollars qui sont mis de côté pour maintenir le fonds en cas de récession et ainsi de suite, et les 7 milliards de dollars d'excédent que l'on prévoit ajouter à ce montant.
Croyez-vous que le gouvernement est honnête avec les Canadiens lorsqu'il dit qu'il a réussi à équilibrer le budget simplement parce qu'il a emprunté dans la famille au lieu de faire appel au banquier ou au marché? En fait, si ce fonds de 22 milliards de l'assurance-emploi n'existait pas, et si le gouvernement n'avait pas emprunté du régime de retraite des fonctionnaires, nous ne parlerions pas, en fait, d'un budget que l'on perçoit équilibré. Croyez-vous que le gouvernement soit vraiment honnête avec les Canadiens lorsqu'il dit qu'il a réussi à équilibrer le budget alors qu'il ne leur dit pas vraiment qu'il a emprunté dans la famille pour le faire?
M. Garth MacRae: Je crois que ma réponse à cette question se fonderait sur ma formation de comptable. Est-ce que cela correspond aux budgets qui nous ont été présentés au cours des 15 dernières années? S'il s'agit des mêmes principes qui ont été adoptés dans le cadre de la préparation et de la présentation du budget, alors je dirais si vous êtes cohérent, que vous examinez les mêmes données. Si nous avions eu un déficit de 40 milliards de dollars sur cette base, et nous avons actuellement un excédent de 5 millions de dollars, alors on ne se fait pas berner. Si, en fait, ce n'est pas cela, alors on se fait avoir.
M. Dick Harris: Si votre entreprise, Dundee Bancorp, empruntait 10 millions de dollars à Dundee Securities pour équilibrer son budget, indiqueriez-vous ce 10 millions de dollars comme étant une dette, un passif, dans votre bilan financier de fin d'année, ou...
M. Garth MacRae: Bien entendu.
M. Dick Harris: Vous l'indiqueriez.
M. Garth MacRae: Et nous n'indiquerions pas qu'il s'agit de recettes.
M. Dick Harris: Quel est votre avis...? J'essaie d'avoir un large éventail d'opinions sur l'excédent de l'assurance-emploi, tout particulièrement sur les 7 milliards de dollars. L'actuaire en chef a dit que c'est l'excédent qui pourrait être retourné aux employeurs et aux travailleurs sous forme de réduction des cotisations. Il semble y avoir des avis partagés à ce sujet: le gouvernement a son idée là-dessus et l'opposition en a une autre. De plus, c'est partagé du côté des entreprises. Voulez-vous nous faire part de la vôtre?
M. Garth MacRae: Je crois que si vous administrez un fonds d'assurance dans le but de verser des prestations à des chômeurs, et qu'il peut faire l'objet de calculs actuariels, vous feriez exactement la même chose que toute autre entreprise. Vous réduiriez les cotisations dans le but de ne pas entraîner des excédents importants étant donné que les excédents appartiennent uniquement aux gens qui ont contribué au fonds.
M. Dick Harris: Donc, à votre avis, le 33 p. 100 environ qui est payé en trop actuellement pourrait de façon plus appropriée être considéré simplement comme une autre charge sociale?
M. Garth MacRae: Excusez-moi? Il serait plus approprié de le considérer comme une autre charge sociale?
M. Dick Harris: Je veux dire une charge sociale, ou une charge en plus d'une charge sociale...
M. Garth MacRae: Voulez-vous dire en plus de ce qui est exigé?
M. Dick Harris: Oui.
M. Garth MacRae: Je serais d'accord avec cela.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Je vais laisser aux gens le temps de se brancher. C'est la beauté du Québec que d'avoir une autre langue. Mais on ne partira pas un débat linguistique aujourd'hui.
Ma question s'adresse tout d'abord aux représentants de la Chambre de commerce de Toronto et porte sur l'assurance-emploi. Vous faites des suggestions sur ce qu'on devrait faire avec les surplus à l'avenir. Compte tenu des surplus et compte tenu qu'on a énormément de difficultés dans l'administration, que diriez-vous de l'idée qu'un comité indépendant administre dorénavant l'assurance-emploi, comme l'ont suggéré les quatre partis de l'opposition?
[Traduction]
Mme Maralynne Monteith: La question à savoir si un comité doit être indépendant ou non, je pense que dorénavant il devra être perçu comme étant exact dans ses calculs actuariels afin que nous n'ayons pas un excédent permanent de l'ordre de celui que nous avons aujourd'hui, et de façon à ce qu'il soit précis et que l'on considère qu'il fait profiter les bonnes personnes de cet excédent. Je ne peux pas me prononcer quant à savoir s'il doit être indépendant ou venir du gouvernement sous la supervision d'un groupe indépendant d'actuaires. Les deux seraient tout aussi acceptables. Je crois qu'il s'agit seulement que la population ait l'assurance que les calculs sont effectués avec exactitude et que les bonnes personnes profitent de la réduction de l'excédent accumulé.
[Français]
M. Odina Desrochers: Disons qu'on reste avec le système actuel, avec les surplus qui sont disponibles. Seriez-vous favorables à une baisse assez importante des taux de cotisation, tant pour les employés que pour les employeurs?
[Traduction]
Mme Maralynne Monteith: Oui. Nous partageons en fait le point de vue selon lequel il ne s'agit pas d'autre chose qu'un système d'assurance, et qu'il n'a jamais été question que ce soit autrement. Il ne doit pas être un système d'imposition qui augmente les recettes générales. Donc, il faut le ramener à quelque chose qui ressemble à l'exercice qu'un assureur ferait pour fixer des taux particuliers pour ses clients et exiger d'eux des primes appropriées.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci. Ma question s'adresse maintenant à M. MacKinnon. Elle a trait aux soins hospitaliers en Ontario.
Hier, dans son énoncé économique, le ministre Martin a laissé entendre qu'il n'avait pas l'intention d'augmenter les montants d'argent destinés aux services de santé. Il a laissé entendre clairement que la priorité sera donnée au remboursement de la dette. Je sais qu'ici, en Ontario, vous avez subi des coupures particulièrement importantes. Si le gouvernement fédéral augmentait les paiements de transfert, quel montant vous faudrait-il pour rééquilibrer la situation en Ontario?
[Traduction]
M. David MacKinnon: Nous étions d'accord avec la recommandation de l'Association canadienne des soins de santé dans l'ensemble du pays pour une injection de 2,5 milliards de dollars dans le TCSPS. La part de ce montant pour l'Ontario se situerait probablement aux environs de 40 p. 100 en ce qui a trait à la population, à l'importance du système et ainsi de suite.
Il s'agit d'un chiffre pour lequel nous voudrions être certains que le travail minutieux nécessaire a été effectué pour évaluer les parties individuelles du système de soins de santé, déterminer qui offrirait mieux le service et pour le meilleur rapport qualité prix et, enfin, fournir un chiffre détaillé à partir de ces éléments. Cependant, en général, je crois que 40 p. 100 de 2,5 milliards de dollars est probablement le chiffre auquel nous arriverions en gros.
[Français]
M. Odina Desrochers: Hier, le ministre a livré un énoncé économique. Un énoncé économique peut signifier une tendance officielle ou être une façon de vérifier l'opinion publique.
Si vous aviez à fixer des priorités pour le gouvernement fédéral, ce montant-là serait-il nécessaire dans les plus brefs délais pour stabiliser la situation en Ontario?
[Traduction]
M. David MacKinnon: Oui. Nous avons besoin d'une stabilité à court terme pour les raisons que j'ai mentionnées dans mon exposé. Nous croyons que les réductions apportées au cours des trois dernières années ont été trop importantes et trop rapides et, par conséquent, toute solution pour y remédier doit être apportée rapidement.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président. Dans leur exposé, madame Allan et monsieur MacRae ont tous deux fait allusion au régime fiscal et à ce que nous pourrions en général appeler l'exode des cerveaux et à la crainte qu'il y ait un lien entre les deux. Je sais qu'on nous a fourni beaucoup d'exemples anecdotiques de cette question et de ce problème. Avez-vous des preuves empiriques? Avez-vous des données précises qui pourraient être fournies au comité pour étayer ce que vous considérez comme un problème?
M. Garth MacRae: Je n'ai aucune donnée précise. Je suppose que c'est ce qu'on entend, ce qu'on sait au sujet de personnes qui le font et ainsi de suite. Pour ce qui est des statistiques, je n'en ai aucune.
Madame Allan?
Mme Elyse Allan: Sans aucun doute qu'un grand nombre des données ont été établies à partir d'exemples précis fournis par nos bénévoles et par des sociétés avec qui nous avons discuté, exemples qu'ils nous ont cités à titre anecdotique.
Un de mes employés croit que l'Institut C.D. Howe a publié un rapport qui faisait également allusion à cela.
Le président: Merci.
M. Nelson Riis: Monsieur Prichard, aviez-vous quelque chose à ce sujet?
M. Robert Prichard: Monsieur Riis, il existe deux études. Il y a l'étude du C.D. Howe qui a été publiée hier. Je crois qu'il s'agit de l'étude la plus exhaustive effectuée jusqu'à maintenant dans laquelle on tente de quantifier, dans tous les domaines, la détérioration de la situation.
Deuxièmement, il y a une étude qui a été effectuée conjointement par Statistique Canada et l'Association des universités et collèges du Canada l'an dernier, étude qui se penchait sur des domaines de l'enseignement supérieur—donc qui ne portait pas sur tous les domaines de l'économie—et cette étude pourrait facilement être mise à votre disposition.
Ces deux études en sont venues à la même conclusion, c'est-à-dire qu'il existe un problème grave et sans cesse croissant. Ce n'est pas que le Canada n'a pas beaucoup de talents—le Canada a été bâti en grande partie sur l'importation de talents provenant des quatre coins du monde—mais nous subissons actuellement un exode très important de talents, tout particulièrement vers les États-Unis, et ce dans de nombreux domaines. L'enseignement supérieur est probablement le secteur le plus durement touché actuellement en ce qui concerne le besoin en personnel enseignant et la rétention du personnel.
M. Nelson Riis: Merci beaucoup pour ce commentaire. Je crois que le Fraser Institute publiera un rapport sur ce même sujet probablement à la fin de cette semaine ou au début de la semaine prochaine.
J'ai posé cette question car il y a un an, je crois, Statistique Canada a publié un rapport indiquant qu'on vivait un phénomène inverse à l'exode des cerveaux à de nombreux égards, en ce sens que le Canada attirait des professionnels et d'autres personnes pendant qu'il y avait de toute évidence une émigration principalement vers les États-Unis. Quant à savoir si ces gens déménagent aux États-Unis en raison du régime fiscal ou parce qu'ils touchent un salaire trois ou quatre fois plus élevé, c'est une autre question que nous devons examiner, pour être bien franc, mais j'apprécie vos commentaires.
Madame Allan, est-ce que le point que vous avez soulevé aujourd'hui et que votre Chambre de commerce appuie, c'est-à-dire la fixation de taux particuliers, est appuyé par la Chambre de commerce du Canada et par les chambres de commerce du Canada atlantique? Nous nous rendons dans les provinces atlantiques et il serait bon de savoir.
Mme Elyse Allan: Au pied levé, je ne connais pas la position de la Chambre de commerce du Canada sur cette question. Je vais demander à Louise si elle se souvient de la position de la chambre là-dessus.
Mme Louise Verity (directrice de la politique, Board of Trade of Metropolitan Toronto): Je crois que la Chambre de commerce du Canada est en faveur de cela, bien que nous devrons le confirmer. Je pense que des représentants de cette chambre vous présenteront bientôt un exposé, c'est-à-dire au cours des prochains jours. En fait, elle vient tout juste de tenir son assemblée générale annuelle et présentera toutes les résolutions adoptées lors du congrès qui a eu lieu récemment à St. John's.
M. Nelson Riis: Parfait, merci.
Monsieur Prichard, en ce qui concerne l'Université de Toronto, on nous dit que bien entendu l'augmentation des frais de scolarité est l'un des moyens que les universités et les autres établissements d'enseignement supérieur utilisent pour composer avec les coupures. Pourriez-vous commenter sur l'orientation que prendra votre université et sur ce que vous avez planifié pour les prochaines années, compte tenu de la situation financière actuelle, en ce qui concerne l'établissement des frais de scolarité dans votre établissement.
M. Robert Prichard: Merci, monsieur Riis.
L'Université de Toronto ainsi que d'autres universités ontariennes subventionnées par l'État ont subi de très importantes réductions du financement public. Il y a deux ans, les fonds accordés à l'Université de Toronto ont été réduits de 56 millions de dollars. Depuis que j'occupe le poste de recteur, notre financement public a été réduit de 100 millions de dollars au cours de ces dix années.
Nous avons compensé cette réduction par des augmentations considérables des frais de scolarité et l'université s'est engagée à garantir à chaque étudiant qu'il aura accès aux ressources dont il a besoin pour fréquenter l'université, et ce à des conditions raisonnables. Donc, nous avons mis en place une garantie financière individuelle pour chaque étudiant. Malheureusement, nous sommes l'unique université ontarienne qui a réussi à faire cela jusqu'à maintenant. Je crois que d'autres emboîteront le pas. En conséquence, les étudiants de l'ensemble de l'Ontario ont subi des augmentations très importantes de frais de scolarité.
Je crois que les augmentations de frais de scolarité ne devraient pas se poursuivre. On ne peut pas continuer à les augmenter, mais la pression continuera de se faire sentir jusqu'à ce que nous disposions d'un investissement public adéquat. En ce qui concerne la responsabilité du gouvernement fédéral, ce n'est que par l'entremise d'une augmentation du TCSPS, dont une partie est liée à l'enseignement postsecondaire, que nous obtiendrons cette aide. Faute d'investissement public, nos étudiants continueront de payer un pourcentage de plus en plus important des coûts associés à leur éducation et, personnellement, je ne crois pas que ce soit juste.
M. Nelson Riis: Pouvez-vous donner au comité un exemple de deux ou trois frais de scolarité plus élevés?
M. Robert Prichard: À la Faculté de médecine, les frais de scolarité en septembre prochain seront de 11 000 $ par année. Les frais de scolarité de la Faculté de médecine dentaire seront de 12 000 $. Les frais de scolarité à la Faculté de droit seront de 8 000 $ par année.
M. Nelson Riis: Merci.
Je suppose que les étudiants étrangers paient des frais de scolarité beaucoup plus élevés. Dans quelle mesure une université comme la vôtre envisage-t-elle d'admettre des étudiants étrangers en vue de faire face—je ne sais pas si vous l'admettrez—à cette restriction financière à laquelle vous êtes confrontés?
M. Robert Prichard: Nous recrutons et inscrivons des étudiants étrangers non seulement pour leur contribution financière à l'université, mais parce que nous croyons que cela permet d'améliorer l'éducation offerte à nos étudiants. Il s'agit d'une bonne contribution que le Canada peut apporter au reste du monde.
En chiffres, environ 3 p. 100 de notre population étudiante est constituée d'étudiants étrangers. Sur le plan de la contribution financière, si vous faites le total—étudiants de premier cycle, étudiants de deuxième et de troisième cycles, aide financière—je dirais que c'est bon. Ce n'est certainement pas une contribution nette positive pour les finances de l'université. C'est une contribution nette très importante pour la qualité de l'enseignement et l'université. Nous avons l'ambition d'augmenter ce pourcentage d'étudiants étrangers à l'université parce que, encore une fois, nous croyons que cela peut contribuer à améliorer l'université et le milieu d'apprentissage, et non pas parce que nous croyons que la contribution financière nette est favorable de façon importante.
M. Nelson Riis: Merci beaucoup. Je m'excuse d'avoir prêté cette intention à l'Université de Toronto, mais ce que nous ne vous avons pas dit est qu'il y a beaucoup d'autres établissements d'enseignement supérieur qui ont recours à ce moyen pour accumuler de l'argent pour l'éducation.
M. Robert Prichard: Notre université est inondée de demandes. L'Université de Toronto a enregistré une augmentation des demandes provenant d'étudiants du pays de plus de 25 p. 100 au cours des trois dernières années. Nous devons tenir compte de notre capacité de servir; donc, nous ne nous sommes pas engagés dans une augmentation importante du pourcentage d'étudiants étrangers pour obtenir un interfinancement. Nous avons essayé de structurer l'inscription des étudiants du pays et des étudiants étrangers de manière à créer le meilleur milieu d'apprentissage possible pour nos étudiants, et ce à des conditions raisonnables.
Il y a deux ans, nous avons en fait diminué de 50 p. 100 les frais de scolarité des étudiants étrangers de deuxième et troisième cycles parce que nous étions inquiets de la diminution du nombre d'étudiants étrangers de deuxième et troisième cycles fréquentant l'université, ce qui nuisait à la qualité de l'expérience d'apprentissage. Voilà pourquoi il ne s'agit pas principalement d'une question d'ordre financier. Les questions financières sont secondaires. Il s'agit d'une question de qualité de l'expérience d'apprentissage dans la façon dont l'Université de Toronto peut desservir le monde entier.
M. Nelson Riis: Excellent.
Ma dernière question porte sur le fardeau d'endettement des étudiants. Est-ce que le fardeau d'endettement des diplômés de l'Université de Toronto serait le même que la moyenne canadienne ou serait-il plus élevé ou plus bas?
Deuxièmement, en ce qui concerne le point soulevé relativement à la Loi sur la faillite, pour quelles raisons les étudiants croient-ils avoir été pris à part compte tenu des commentaires que vous avez faits précédemment sur le remboursement de leur dette et ainsi de suite?
M. Chris Ramsaroop: En raison de la déréglementation et des augmentations des frais de scolarité, actuellement nous voyons des étudiants ne possédant qu'un diplôme de premier cycle endettés de 25 000 $. Je peux en principe garantir que les étudiants qui désirent entrer dans une faculté de médecine par la suite ou une autre faculté d'un établissement d'enseignement supérieur auront une dette allant de 50 000 à 75 000 $, sinon plus. À un moment donné, c'était irréaliste et beaucoup de gens ici seront probablement en désaccord avec moi, mais nous avons atteint ce plafond en raison de frais de scolarité plus élevés, de la déréglementation et du manque de financement public.
En ce qui concerne la Loi sur la faillite, la raison pour laquelle nous disons que nous avons été pris à part est parce qu'il n'y a aucun autre groupe dans notre société qui dispose d'une période d'attente de dix ans pour rembourser. Les étudiants ont l'impression que les gens disent que c'est une excuse, c'est quelque chose que nous voulons faire et c'est une option, mais ce n'est pas une chose à laquelle nous voulons avoir recours. Nous enlever cette option est discriminatoire.
M. Nelson Riis: Reprenant votre expression, «discriminatoire», selon vous pour quelles raisons exercerait-on de cette façon une discrimination envers les étudiants par opposition à tout autre groupe? Pourquoi les étudiants ont-ils été pris à part?
M. Chris Ramsaroop: Je crois qu'il y a un lien avec toutes les autres attaques—l'augmentation des frais de scolarité et le manque de financement public. Il semble que les gens considèrent encore que les universités regroupent des personnes faisant partie de l'élite. Cependant ce n'est pas le cas. Il y a beaucoup de gens qui occupent deux ou trois emplois. Il y a beaucoup d'étudiants monoparentaux, il y a beaucoup d'étudiants qui font en fait des sacrifices. Je sais quels sacrifices ma mère et moi avons dû faire. Je pense que les gens pensent encore que ce ne sont que les bien nantis qui peuvent fréquenter l'université, et c'est peut-être pour cette raison qu'ils nous prennent à part.
M. Nelson Riis: Merci.
Le président: Merci, monsieur Riis.
Nous avons quatre membres qui veulent poser des questions. Il ne faut pas l'oublier car nous avons dix-huit minutes pour le faire. Monsieur Szabo, suivi de monsieur Valeri, de monsieur McKay et de madame Bennett.
M. Paul Szabo: Monsieur MacKinnon, les hôpitaux ont des fonds de développement futurs. Avez-vous la moindre idée du montant total des fonds de développement futurs?
M. David MacKinnon: La meilleure évaluation du montant qui se trouverait dans les fondations d'hôpitaux, d'où proviennent la plupart des fonds de développement en Ontario, serait probablement aux alentours de 1,5 milliard de dollars. Le montant annuel versé aux hôpitaux provenant de ces fondations pour équiper les hôpitaux se situerait juste au-dessous de 100 millions de dollars. Ces chiffres sont approximatifs, mais le chiffre de 100 millions de dollars est pas mal juste et assez près de la réalité.
M. Paul Szabo: J'ai soulevé cette question parce que beaucoup de gens se sont demandé si on pourrait faire confiance aux provinces pour qu'elles réinvestissent dans les soins de santé les montants ajoutés au TCSPS. Comment contrôlez-vous cette situation?
J'ai fait partie du conseil d'administration de l'hôpital de Mississauga pendant environ neuf ans, et une année le gouvernement provincial nous a en fait versé une somme équivalant à 13 mois de transferts simplement parce que les hôpitaux ne peuvent pas dépenser ces paiements de transfert provenant du fonds de développement futur sans l'autorisation du gouvernement provincial. Si vous faites ce paiement de transfert équivalant au treizième mois à la fin de l'exercice financier, l'hôpital n'a pas la chance de le dépenser et, par conséquent, elle bloque l'argent.
J'ai été témoin de quelques manigances avec cela dans le passé. Je ne crois pas que qui que ce soit s'obstinerait au sujet de l'importance d'investir dans le système de soins de santé canadien, mais la question est comment arrivons-nous à le transformer de manière à nous assurer que le genre de situations que nous venons tout juste de vivre avec les pénuries de salles d'urgence, par exemple, à Toronto, ne se produisent pas et que les soins de santé essentiels de base pour les Canadiens constituent non seulement un droit, mais qu'ils sont disponibles?
M. David MacKinnon: Un très grand nombre de personnes ont tenté de fournir toute une série de réponses à cette question. Un des éléments qui à mon avis sont absolument essentiels est la remise en place d'un porte-parole des consommateurs en ce qui concerne les soins de santé. Certains d'entre eux ne se prononcent pas en raison tout simplement des mécanismes de paiement et ainsi de suite. Les gens ont bien souvent de la difficulté à faire les choix personnels auxquels ils sont confrontés quotidiennement.
Faire l'éducation des gens dans la salle d'urgence de l'hôpital ou dans un cabinet de médecin est un processus qui coûte très cher. Nous prenons actuellement certaines mesures pour tenter d'aider vraiment le consommateur à faire des choix qui en retour, reflétant l'ensemble de la population, permettront aux consommateurs d'exercer une plus grande influence dans le façonnement du système que c'est le cas actuellement.
À titre d'exemple, dans les prochaines semaines, nous produirons le premier bulletin sur le système hospitalier en Ontario, et je crois que c'est assez unique au pays. Nous espérons qu'il permettra vraiment aux gens de faire des choix plus économiques, éclairés, au fur et à mesure que nous mettons au point ce mécanisme.
Nous procédons également à la mise en place d'un nouvel hôpital à domicile sur Internet dans le but également de fournir aux consommateurs de meilleurs renseignements pour les aider à faire toute une série de choix avec lesquels ils seront plus à l'aise et qui seront plus économiques pour la société.
M. Paul Szabo: Au cours du dernier exercice financier, la diminution réelle dans les paiements du TCSPS versés à l'Ontario était d'environ 1,2 milliard de dollars et, pourtant, la valeur annuelle des réductions d'impôt que le gouvernement Harris a accordées était de l'ordre de 4,3 milliards de dollars. Le gouvernement provincial a fait des choix. Il était plus important de réduire les impôts, semble-t-il, que de maintenir les niveaux de financement du système de soins de santé; donc, avons-nous un problème de priorité?
M. David MacKinnon: Dans les soins de santé, nous avons vraiment de la difficulté, comme je l'ai mentionné, à obtenir des chiffres exacts. Nous nous trouvons dans une position terriblement défavorable—je ne crois pas qu'il y ait d'autres façons de l'exprimer—en ce qui a trait à la compréhension des questions d'ordre financier, économique et industriel associées aux hôpitaux et aux soins de santé en général.
Si on examine la question du point du vue du gouvernement, je crois que M. Harris estime que le gouvernement a été informé que certaines de ces réductions étaient possibles, et qu'il y avait des personnes oeuvrant au sein du système de soins de santé qui ont donné ces conseils. Cependant, les données quantitatives pour évaluer, année par année, ce que ces décisions relatives au système de soins de santé entraîneraient comme conséquences n'étaient jamais disponibles. Faute d'information de ce genre, il est difficile de voir comment des représentants élus, quelles que soient leurs convictions, pourraient prendre des décisions éclairées et appropriées.
• 1445
En ce qui concerne le deuxième point que vous avez soulevé,
pour revenir à la question de l'hôpital de Mississauga et du
13 mois, on a appliqué tellement de solutions temporaires à ce
problème au fil des dix dernières années que sa complexité défie
toute compréhension. Nous devons vraiment disposer d'un système
grandement amélioré et plus détaillé pour comprendre le financement
des soins de santé.
Au cours de la dernière année, nous avons marqué un pas important en publiant, je crois pour la première fois au Canada, un bilan consolidé et un état financier d'un système hospitalier. Cependant, on doit avoir beaucoup de sympathie pour les législateurs à qui on demande de prendre des décisions appropriées en matière de finance sans disposer de ce type de données au départ.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
Je n'ai que deux questions—une pour monsieur MacRae et une pour monsieur Charter. Dans votre proposition, vous parlez de la nécessité d'éliminer la surtaxe, de la nécessité de faire quelque chose relativement aux gains en capital à l'exemple du système américain, de la nécessité de faire quelque chose avec la TPS et de la nécessité de revoir certains incitatifs offerts aux entreprises du secteur des ressources. Je me demande simplement si, à titre de comptable, vous avez établi des coûts pour cette proposition.
M. Garth MacRae: Je ne crois pas que le type de choses que nous proposons puissent être dissociées de la création d'emplois, tout particulièrement l'impôt sur les gains en capital et les diminutions de l'impôt sur le revenu. Je suppose que tout cela débouche sur la création d'emplois, et si vous créez des emplois vous avez des recettes plus élevées dans tous ces secteurs. Par conséquent, je ne suis pas certain qu'il y aurait des coûts nets.
M. Tony Valeri: Sauf tout le respect, nous avons principalement une prévision du secteur privé quelque part entre 5 milliards et 7 milliards de dollars d'excédent supposé, y compris un fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars; donc, nous travaillons à l'intérieur de ces paramètres. Le but de ma question était essentiellement de savoir si l'établissement de coûts serait de quelque utilité pour nous dans nos discussions.
Par le passé, le défi auquel les gouvernements faisaient souvent face était qu'ils faisaient ce genre d'investissement dans l'espoir qu'il entraîne des recettes et dans l'espoir que cet apport plus important de recettes leur permette d'éponger le déficit et la dette. Nous essayons d'adopter une approche différente. Je me demandais simplement s'il y avait un établissement des coûts à cela, mais j'accepte votre réponse.
En ce qui concerne la Chambre de commerce, vous avez mentionné dans votre mémoire qu'elle recommande au gouvernement de réduire graduellement les cotisations des employeurs et des employés et d'adopter un taux de cotisation égal afin d'atteindre un taux de cotisation correspondant au seuil de rentabilité dans un délai raisonnable. Je pense que vous serez d'accord sur le fait que passer dès maintenant au taux que l'actuaire demande nous ramènerait en situation de déficit. Lorsque vous dites que vous appuierez une réduction graduelle des cotisations, parlez-vous d'environ 5 p. 100, 10 p. 100—une réduction de 350 millions à 700 millions de dollars par année pour finalement en arriver à ce point? Est-ce bien ce que vous dites dans votre mémoire?
Mme Maralynne Monteith: Je ne pense pas que nous nous soyons attardés au délai en particulier. Nous savons qu'il y aura des spécialistes qui pourront déterminer mieux que nous s'il est préférable d'échelonner cela sur cinq ans ou sept ans. Nous disons simplement de ne pas attendre 30 ans, d'être rationnels par rapport à cette question et d'adopter une approche scientifique. Les actuaires existent, l'expertise est là et il devrait être possible d'avoir une surveillance indépendante.
M. Tony Valeri: Donc, la Chambre de commerce ne demande pas une réduction de 7 milliards de dollars dans les cotisations d'assurance-emploi pour le prochain budget.
Mme Maralynne Monteith: Non.
M. Tony Valeri: D'accord.
Vous mentionnez également—et je me demande si vous pouvez simplement commenter—que la Chambre de commerce du Canada a approuvé une recommandation de ce genre lors de son assemblée générale annuelle mettant l'accent sur l'assurance-emploi. Récemment, Sharon Glover a signalé dans le Globe que les membres de la chambre n'avaient pas oublié la question de l'assurance-emploi et qu'elle était toujours importante, mais ils nous disent de plus en plus que l'impôt sur le revenu des particuliers est plus important pour eux. Avez-vous entendu des commentaires de ce genre de la part de vos membres?
Mme Louise Verity: Je pense que la question à savoir si nous accordons la préférence à une question par rapport à une autre est probablement le problème le plus difficile à résoudre, et compte tenu du fait que le rôle de ce comité est de fournir des conseils, nul doute qu'il ne s'en tiendra qu'à cela.
• 1450
De notre point de vue, l'une des recommandations que nous
envisageons est de réduire le taux d'impôt sur le revenu marginal
par la surtaxe. Nous donnons un exemple précis, que je ne
reprendrai pas, et dont le coût serait de l'ordre d'environ 1,3
milliard de dollars.
Nous n'avons pas donné un délai précis en ce qui concerne l'assurance-emploi, mais nous pensons que des mesures sont justifiées sur les deux fronts et nous appuierions des mesures responsables, en tenant compte que vous n'allez pas tout obtenir en l'espace d'une année.
M. Tony Valeri: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Valeri. Monsieur McKay.
M. John McKay: J'aurais une question pour M. MacKinnon. Dans votre conclusion, vous dites que vous appuyez une demande de l'ACS concernant une injection immédiate de fonds, puis vous ajoutez que la crise est attribuable à une mauvaise planification beaucoup plus qu'à des facteurs liés à la démographie, aux finances ou à la technologie. Cela me semble un peu contradictoire. D'une part, vous appuyez une demande relativement à la part de l'Ontario, disons, relativement à la réinjection de 2,4 milliards de dollars au chapitre du TCSPS, et vous dites en même temps que cela n'a rien à voir avec l'argent, mais bien avec une mauvaise planification.
Les Canadiens consacrent quelque chose comme près de 9 p. 100 de leur PIB aux services de soins de santé, soit environ 74 milliards de dollars par année. Ce qui semble ressortir, c'est que nous n'avons pas véritablement de contrôle sur cet argent, la façon dont il est dépensé et si nous en avons effectivement pour notre argent. Nous pouvons établir une comparaison entre nous et d'autres pays, mais de toute évidence ces comparaisons se font sur des valeurs quelque peu différentes.
J'aimerais que vous analysiez cette contradiction, car je ne sais pas comment nous pouvons continuer d'être assis ici et d'écouter les demandes d'argent et en même temps se demander si cet argent ne sera pas tout simplement jeté par les fenêtres.
M. David MacKinnon: En fait, il y a deux choses dont on a besoin. Il faut une cohésion gestionnelle beaucoup plus grande en ce qui concerne les décisions fiscales que nous prenons en nous fondant sur les données que la plupart des autres dans la société ordonneraient pour prendre de telles décisions. Si on ne fait pas mieux, il y a un risque que la rentabilité soit de beaucoup inférieure à ce que nous aimerions qu'elle soit pour ces montants. Je pense donc que l'on devrait se donner une priorité nationale très importante de s'appuyer sur les centres d'excellence actuels en matière d'information de santé, de les développer et de les faire fonctionner comme il faut.
Il y a plusieurs endroits où on déplore des efforts magnifiques, notamment l'Institut canadien de l'information sur la santé et la Commission d'utilisation des soins de santé de la Saskatchewan.
Par contre, ce que je voulais vraiment dire, c'est que l'argent à lui seul n'est pas une garantie que le problème sera réglé, bien au contraire, en particulier compte tenu des décisions que vous avez prises au cours des dix dernières années. Il ne fait aucun doute, d'après ce que nous savons, et certainement en fonction de ce qui se passe actuellement dans le système hospitalier en Ontario, que l'argent est une question très importante. Pour ce qui est de la rentabilité globale de nos dépenses nationales, nous avons beaucoup de travail à faire pour répondre aux normes ordinaires de diligence raisonnable.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Pour poursuivre dans la même veine, je crois comprendre que du point de vue des hôpitaux vous aimeriez que le TCSPS soit augmenté. Je crois comprendre cette notion que nous ne savons pas vraiment ce que nous faisons pour ce qui est de la gestion des soins de santé, que c'est le grand problème.
M. David MacKinnon: La restructuration des soins de santé et le changement en ce qui concerne les soins de santé—c'est très différent.
Mme Carolyn Bennett: Oui, mais nous n'avons pas certains des renseignements dont nous avons besoin pour bien le gérer. Y a-t-il quelque chose d'autre que le gouvernement fédéral pourrait faire en ce qui concerne la gestion pour créer un certain consensus quant à la façon de mesurer ce que nous mesurons? J'ai toujours dit que nous devrions demander aux consommateurs ce qu'ils veulent que nous mesurions, comment ils veulent que nous le mesurions et comment ils veulent aider à son interprétation afin qu'en même temps nous redonnions effectivement confiance dans le système.
M. David MacKinnon: Je pense que l'insistance de M. Rock sur les bulletins et tout le reste est tout à fait exacte, pour cette raison. Une des choses que le gouvernement fédéral pourrait continuer de faire, c'est de s'appuyer sur quelques-unes de ces initiatives pour améliorer le rapport et la reddition de comptes des consommateurs. Ainsi, nous recevrions certains signaux du marché qui seraient plus exacts que ceux que le système nous achemine actuellement.
Mme Carolyn Bennett: Même la semaine dernière, dans le Toronto Star, l'ombudsman a dû reconnaître qu'en mettant au point le système de bulletins fondé uniquement sur les renseignements dans les bases de données informatiques du gouvernement au lieu de parler directement aux gens sur la première ligne, ce que vous nous avez décrit... nous faisons de graves erreurs si nous laissons les comptables gérer le système.
M. David MacKinnon: Effectivement. Après une année de travaux sur le bulletin—dont la grande partie, soit dit en passant, est faite à l'Université de Toronto et est dans l'ensemble quelque chose de tout à fait nouveau. Il s'agit d'une tâche énormément compliquée et dispendieuse. C'est dix fois plus compliqué que cela en a l'air à prime abord, et cela ne fait qu'indiquer son importance et la nature essentielle du soutien fédéral qui repose sur la politique de M. Rock.
Mme Carolyn Bennett: Est-ce que votre organisme, ainsi que l'ACS, sera en mesure de...? Avez-vous l'impression, avec l'ICIS et les administrateurs dans le domaine de la santé, qu'il y a maintenant un organisme qui peut diriger cela? Pouvons-nous alors, dans le cadre du TCSPS, mettre une certaine reddition de compte pour ce qui est de l'argent que verse le gouvernement fédéral, que ce que les Canadiens veulent soit mesuré correctement et que les systèmes soient gérés correctement de sorte qu'il y a effectivement une reddition de compte?
M. David MacKinnon: Les dépenses nécessaires pour améliorer de façon importante la connaissance que l'on a de l'utilisation que l'on fait du dollar investi dans la santé et de ce que nous en retirons sont infimes par rapport à l'argent qui est consacré au service lui-même. Voilà la première partie de la réponse à cet ensemble de questions.
La deuxième partie est que nous avons effectivement, tel que je l'ai mentionné, quelques endroits où il se fait un travail exceptionnel, et nous devons nous en servir et renforcer ces gens. Si nous faisons cela, nous apporterons une contribution et nous serons en mesure de réagir de façon beaucoup plus efficace aux souhaits des consommateurs, et fournir un meilleur service.
Mme Carolyn Bennett: Le montant de 2,2 milliards de dollars que nous avons donné aux quatre provinces de l'Ouest uniquement pour les listes d'attente des malades du coeur... c'est beaucoup d'argent. C'est tout ce que nous en avons récolté.
M. David MacKinnon: Je regarde les factures que me fait parvenir l'Université de Toronto et je pense exactement la même chose. C'est très dispendieux. C'est difficile.
M. Robert Prichard: Mais c'est encore plus dispendieux de ne pas le faire. C'est ça la clé.
M. David MacKinnon: Absolument.
M. Robert Prichard: La clé, c'est que les dépenses qui auraient le rendement le plus élevé et que le gouvernement fédéral peut faire, c'est d'investir dans l'information, dans la recherche relative à cette information et dans la compréhension de cette information, car c'est de là que peuvent venir un grand nombre d'améliorations en ce qui concerne le rendement du système de soins de santé d'un océan à l'autre.
Le président: Dernière question, madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Monsieur Prichard, par conséquent, en cherchant de toute évidence à avoir une certaine reddition de compte dans chacun des éléments pour ce qui est du TCSPS, peut-être séparément, peut-être ensemble, quelles sortes de mesures voulez-vous que le gouvernement... ou qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire pour s'assurer que ces montants sont affectés à l'éducation postsecondaire? En retour, est-ce que le gouvernement pourrait intervenir sur la question du montant des frais de scolarité?
M. Robert Prichard: Mon opinion personnelle sur la dernière question est que le gouvernement fédéral ne devrait pas essayer de se mêler de la question des frais de scolarité. Je pense que ce serait une erreur. Je pense que M. Axworthy serait de cet avis, si je me fie à la dernière fois où j'ai comparu devant l'actuel président lorsque nous discutions de ces questions.
Je ne pense tout simplement pas que le gouvernement fédéral a cette capacité. Il n'a pas le rôle constitutionnel. Cela ne me semble pas être la bonne forme de reddition de compte. Je pense qu'il est essentiel, en particulier dans la province de l'Ontario, de s'assurer qu'il y a une reddition de compte en ce qui concerne les dépenses de fonds parce qu'il y a eu un historique, sous les trois partis politiques qui ont dirigé l'Ontario au cours des 15 dernières années, d'insister sur le fait que les transferts fédéraux ne pouvaient aucunement dicter le niveau de dépenses de la province.
Donc il nous faudrait, tout comme le gouvernement a dû s'entendre avec les provinces, une nouvelle reddition de compte à l'égard des nouvelles sommes affectées aux soins de santé, le cas échéant. Il nous faut une entente exactement correspondante au niveau fédéral-provincial afin de nous assurer que ces montants représentent une augmentation nette du soutien de fonctionnement de base pour les collèges et les universités au Canada. Autrement, je pense que transférer les fonds, c'est les transférer dans un trou noir à l'égard duquel il est impossible d'obtenir une bonne reddition de compte.
Mme Carolyn Bennett: Je vous dirais que dans le domaine des soins de santé, nous avons la Loi canadienne sur la santé qui insiste sur l'accessibilité. Devrait-on avoir la même chose pour l'éducation postsecondaire?
M. Robert Prichard: Je pense que le gouvernement fédéral devrait prendre un engagement formel vis-à-vis de l'accessibilité et devrait assumer le leadership pour s'assurer que chaque étudiant qualifié qui veut faire ses études dans un collège ou une université au Canada a accès aux ressources dont il a raisonnablement besoin pour être en mesure de s'inscrire et de rester dans le programme en tant qu'étudiant à plein temps si tel est son désir.
L'aide financière aux étudiants au niveau fédéral est, je crois, la plus grande contribution du gouvernement fédéral a l'accessibilité et à la mobilité.
Le président: Merci beaucoup, madame Bennett.
• 1500
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. Nous avons abordé
un nombre de questions très importantes—soins de santé, éducation.
Le grand nombre des questions que nous avons en fait examinées
illustre clairement à chacun ici présent que nous avons de nombreux
défis à relever et de nombreux choix à faire. Tous ces défis et
tous ces choix comportent des compromis. C'est là le défi que nous
devons relever en tant que comité alors que nous essayons de
formuler des recommandations en vue du prochain budget.
Ceci étant dit, je voudrais vous dire que nous sommes motivés par une volonté de véritablement améliorer la qualité de vie des gens qui vivent au Canada, de créer une économie efficace, productive et concurrentielle. Ce sont des valeurs de classe internationale.
Donc, au nom du comité, je vous remercie une fois de plus.
Nous allons prendre une petite pause, et nous reviendrons.
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Je veux souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association canadienne d'études fiscales; de la Chambre de commerce de Kitchener—Waterloo; de la Georgian Bancorp Inc.; de la Micross Fur Canada Inc.; de la Walker Chocolate Company Ltd.; et à Mme Deborah Kusturin, qui comparaît à titre personnel.
Nous allons commencer par M. Robin MacKnight, de l'Association canadienne d'études fiscales. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Robin MacKnight (directeur, Association canadienne d'études fiscales): Merci, monsieur le président.
Contrairement à un grand nombre des témoins que vous avez entendus, je ne suis pas ici pour promouvoir des changements précis ou pour faire des propositions particulières, mais plutôt pour offrir une aide et pour expliquer dans quelle mesure l'Association canadienne d'études fiscales pourrait vous aider.
Permettez-moi d'abord de vous expliquer qui nous sommes. L'Association canadienne d'études fiscales est un organisme de recherche indépendant dans le domaine de la fiscalité qui a pour objet de fournir tant aux contribuables qu'au gouvernement du Canada des services de recherche impartiaux et spécialisés à l'égard des problèmes actuels qui ont trait à l'imposition et aux finances gouvernementales. Nos activités sont financées dans leur totalité par nos membres, qui sont de façon générale les fiscalistes et les professionnels du système, avocats, comptables, économistes et universitaires. Notre objectif est de promouvoir un débat qui mènera à la création du meilleur système fiscal possible au Canada, un système qui soit aussi équitable que possible et qui favorise la croissance et la productivité au pays.
Ce qui est le plus important pour vous, nous n'avons pas de parti pris. Au contraire, une fois qu'une politique a été annoncée, nous l'examinons et nous formulons des observations quant à savoir de quelle façon elle est conforme aux objectifs de la politique fiscale, notamment son efficacité, la facilité d'administration, la conformité des contribuables et la production de revenus.
Nous avons publié tout récemment deux ouvrages qui pourraient être d'une certaine importance ou d'un certain intérêt pour votre comité. Un premier ouvrage traite des charges sociales en général. On l'a publié plus tôt cette année, et il a reçu le prix Douglas Purvis en économique, qui est accordé au meilleur document traitant de l'économie publié au cours de l'année. Compte tenu du débat actuel au sujet de l'assurance-emploi, je recommande à votre comité d'en faire la lecture. Si vous en voulez des exemplaires, vous n'avez qu'à me le faire savoir et je prendrai les dispositions pour vous les faire parvenir.
L'autre ouvrage, c'est notre Revue fiscale canadienne. Dans Journal 2, qui est paru il y a environ six semaines, il y a un article de M. Ruggiero, un économiste, sur le dividende fiscal et la dette fédérale. Il inclut certains commentaires sur la façon dont vous pourriez aborder la question du dividende fiscal et ainsi qu'un certain nombre de solutions de rechange. Ce sont ses points de vue précis, mais ils offrent des renseignements intéressants que vous n'avez peut-être pas entendus. Encore une fois, si le comité le veut, nous pouvons vous en fournir des exemplaires.
Ce que j'ai fait circuler aux membres du comité, c'est un extrait, encore une fois, du Journal 2 intitulé Fiscal Figures, qui est un résumé des taux d'impôt sur le revenu marginal au fédéral. J'y ferai référence plus tard cet après-midi. On peut y voir des statistiques plutôt alarmantes sur l'actuel système d'imposition au Canada et les résultats et conséquences de certaines des propositions qui ont découlé du budget de février 1998.
• 1515
J'aimerais maintenant passer à quelques observations au sujet
du bilan économique fait hier par le ministre des Finances, M.
Martin.
Tout d'abord, nous sommes d'accord que l'approche prudente à la pronostication financière est préférable à une approche optimiste. Il vaut bien mieux dépasser de faibles attentes que rater des attentes trop élevées. Nous sommes également d'accord qu'il faut faire preuve de prudence dans les prévisions de nature financière compte tenu de l'actuelle incertitude économique. Nous reconnaissons que le gouvernement subit des pressions politiques pour offrir plus qu'un simple soulagement aux contribuables surchargés. Après tout, le budget de février promettait des diminutions d'impôt de seulement 2 $ par semaine pour les Canadiens à faible revenu, ce qui se traduit seulement par deux Joyeux festins par mois pour les enfants ou un café Starbucks supplémentaire par semaine pour les parents qui travaillent. Ce n'est pas ce que j'appellerais une distribution généreuse.
Malheureusement, nous sommes très préoccupés de la complexité qui a été introduite dans le système fiscal pour apporter un si petit soulagement. Nous sommes particulièrement préoccupés de l'incidence des taux marginaux disproportionnellement élevés sur les Canadiens à faible revenu qui sont les moins capables de supporter le fardeau de l'impôt ou le coût pour engager une personne qui préparerait la déclaration de revenus afin de les aider à déterminer quel montant ils doivent.
Je vais prendre ce document intitulé «Fiscal Figures». Permettez-moi de vous donner un exemple de ce que je voulais dire par des impôts disproportionnellement élevés. Si vous allez à la page 480, il y a un tableau qui énonce les taux d'impôt marginaux au fédéral en 1998 pour un particulier célibataire. Si vous parcourez la colonne de droite, vous allez voir le taux d'impôt marginal. Je dois insister sur le fait qu'il s'agit uniquement des taux s'appliquant à l'impôt fédéral. Vous devez donc ajouter au moins 50 p. 100 si vous êtes en Ontario.
La valeur décalée est pour un particulier célibataire qui gagne 28 950 $. Le taux d'impôt marginal fédéral est de 35,9 p. 100. Pourquoi ce pourcentage? Il est le résultat direct de toutes les dispositions de récupération qui entrent en vigueur à environ 21 000 $. Lorsque vous commencez à tenir compte des dispositions de récupération pour les prestations pour enfants, les prestations relatives à la TPS, l'allégement pour les personnes à faible revenu, toutes ces dispositions entrent en vigueur. Vous constatez que les personnes qui peuvent le moins supporter ces remboursements ont à acquitter un énorme compte d'impôt fédéral et provincial.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: J'aurais seulement une précision afin que tout le monde puisse comprendre. La plus basse tranche d'imposition est 29 560 $. Ce que vous dites, c'est que dès que l'on dépasse ce montant de 1 $, le taux fédéral passe de 17 p. 100 à 26 p. 100. On ne dit donc pas que c'est le montant total de 29 000 $ qui est imposé à 35 p. 100.
M. Robin MacKnight: C'est exact, nous parlons des taux marginaux d'impôt.
M. Paul Szabo: Oui, mais le taux marginal s'applique uniquement à chaque dollar additionnel au-dessus de la première tranche d'imposition. C'est donc vraiment 1 $. La différence entre le taux marginal...
M. Robin MacKnight: C'est exact.
M. Paul Szabo: Le taux réel pour ce même montant serait environ 26 p. 100.
M. Robin MacKnight: Pour le même montant, oui, c'est exact.
M. Paul Szabo: Bien, merci.
M. Robin MacKnight: Si vous passez à la page suivante, soit à la page 481, il y a un graphique qui illustre le taux moyen et le taux marginal d'impôt. Il met en évidence le point que soulève M. Szabo.
Les dernières tentatives faites pour simplifier le système fiscal n'ont pas connu un très grand succès. Dans leurs efforts pour élargir l'assiette fiscale et réduire les taux, les gouvernements successifs—ce n'est pas juste le gouvernement actuel, mais certainement le gouvernement précédent aussi—ont introduit de plus en plus de complexité dans le système.
Il est maintenant impossible pour les Canadiens moyens ou même les Canadiens à la fine pointe de saisir ou de comprendre nos lois fiscales. On ne s'y retrouve plus. Ce qui était à l'origine un ensemble de mesures disparates d'options en matière de politique sociale et de mécanismes de production de recettes et de répartition du revenu a été ramené à un lambeau de mécanismes provisoires visant à résoudre une multitude de problèmes contradictoires et sans aucune conception générale apparente.
Nous devons faire en sorte que le système fiscal puisse être compris. Le Canada jouit d'une réputation enviable en ce qui concerne la conformité fiscale volontaire. Selon les statistiques gouvernementales—et il n'y a aucune raison d'en douter—plus de 95 p. 100 des contribuables canadiens respectent volontairement nos lois. Cependant, il y a un risque de plus en plus grand et des preuves de plus en plus évidentes de non-conformité, partiellement parce que les contribuables ne comprennent pas leurs obligations et partiellement parce qu'ils estiment que le gouvernement n'agit pas de façon responsable dans l'application des recettes fiscales.
• 1520
Nous devons rétablir la confiance dans le système. Vous ne
devez pas oublier qu'il y a deux éléments essentiels dans le
système fiscal: le percepteur d'impôt et le contribuable. Si l'un
ou l'autre perd confiance, le système ne survivra pas.
Avant que le gouvernement rafistole davantage le régime fiscal actuel, nous le pressons d'élaborer une approche coordonnée à la réforme fiscale. La réduction des impôts n'est pas suffisante. Elle est nécessaire, mais elle devrait être entreprise dans un cadre plus général de la refonte du système. Le rapport récent du comité Mintz a donné un exemple de la façon dont l'impôt des sociétés pourrait être réformé de manière à rendre les entreprises canadiennes plus concurrentielles tant sur le marché national qu'international, et ce sans réduire les recettes fiscales provenant des sociétés. Nous laisserons à d'autres le soin de décider si cette contrainte à l'égard du rapport était nécessaire.
Nous devons entreprendre un examen semblable du système d'impôt sur le revenu des particuliers. Il est plein de règles spéciales visant à donner des incitatifs ou des répits à certaines catégories précises de contribuables tels les personnes à faible revenu, les personnes handicapées, les enfants, les parents uniques et de nombreux autres, et plein de règles spéciales pour récupérer ces mêmes prestations une fois que les seuils de revenu sont dépassés. Notre système d'impôt des particuliers doit être examiné dans le contexte des normes internationales. Je vous renvoie aux commentaires que je viens d'entendre de la Chambre de commerce au sujet d'emplois au niveau d'entrée à 60 000 $ pour les programmeurs en informatique.
Notre système fiscal à l'endroit des particuliers présente de graves inconvénients sur le plan de la concurrence pour les entreprises canadiennes qui veulent attirer et garder des employés talentueux. Les charges sociales, y compris l'AE, constituent un autre frein à la création d'emplois.
Lorsque vous examinez l'impôt sur le revenu des particuliers, ne vous limitez pas à ce petit livre, la Loi de l'impôt sur le revenu au Canada. Tenez compte d'autres aspects. Examinez les impôts provinciaux, les impôts en matière de santé pour les employés, les primes d'AE, ainsi que les cotisations au RPC et à la RRQ. Examinez toutes les autres primes et tous les impôts que les particuliers canadiens paient et qui se retrouvent en réalité dans la catégorie des recettes gouvernementales.
La réforme de l'impôt sur les particuliers doit inclure des consultations avec les provinces. Je constate qu'il y a de nombreuses références dans d'autres documents qui ont été mentionnés plus tôt cet après-midi pour s'assurer que les provinces ne viennent pas occuper un champ fiscal que le gouvernement fédéral abandonne. Il est évident que les changements annoncés dans le budget de février visaient directement à s'assurer que les recettes fiscales des provinces n'étaient pas réduites.
Nous ne sous-estimons ni le temps ni le capital politique que ces consultations nécessiteront. Cependant, le système fiscal actuel se fonde sur un modèle remontant à 1867. Ce modèle ne s'applique plus depuis des décennies. Nous avons des ententes de partage entre le fédéral et les provinces ainsi que des ententes de perception de l'impôt depuis 40 ans. Ces ententes font à l'heure actuelle l'objet d'un examen et de discussions. Il y a eu un délestage de services entre les divers paliers de gouvernement.
Il est maintenant temps de revoir toutes ces ententes et de concevoir un régime de partage des recettes intégré et coordonné pour le gouvernement fédéral et les provinces qui reconnaît un fait essentiel: il n'y a qu'un seul contribuable.
L'Association canadienne d'études fiscales serait heureuse de vous aider de toutes les façons possibles à examiner toutes les propositions sur une base impartiale et confidentielle, si vous le demandez. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos délibérations.
Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKnight.
Nous accueillons maintenant la Chambre de commerce de Kitchener—Waterloo. Je souhaite la bienvenue à Linda Korgemets.
Mme Linda Korgemets (présidente, Sous-comité sur l'imposition du Comité des affaires fédérales et provinciales, Chambre de commerce de Kitchener—Waterloo): Merci beaucoup. Au nom de la Chambre de commerce de Kitchener—Waterloo, je tiens à vous remercier de nous donner cette occasion aujourd'hui.
Je crois comprendre que vos délibérations sont longues. Je voulais en réalité essayer de composer un poème en cinq vers à votre intention, mais je n'ai pas été assez créative dans la voiture en m'en venant sur la 401.
Je suis la présidente du sous-comité de l'imposition qui relève d'un comité plus important, celui des affaires fédérales et provinciales. La chambre compte 1 450 membres dans notre région et ces membres emploient plus de 43 000 personnes. Nous sommes la deuxième chambre en importance en Ontario.
Je suis une comptable agréée, je suis une fiscaliste-conseil et je suis membre de l'organisation de M. MacKnight. Monsieur MacKnight, je vous dis donc bravo.
Pour résumer, afin que vous sachiez où nous allons, dans notre résumé—nous avons dit cela depuis longtemps dans un grand nombre de lettres adressées à M. Martin—nous disons que nous croyons que la réduction de la dette, y compris une stratégie ouverte, devrait être le principal objectif budgétaire. Les diminutions de l'impôt des particuliers, bien que nécessaires à un moment donné, ne devraient pas se faire aux dépens de la réduction de la dette d'une façon prudente, structurée, et elles ne devraient pas se financer à même les excédents du régime d'assurance-emploi.
Le régime d'AE devrait servir à ce pour quoi il a été créé, c'est-à-dire verser des prestations aux personnes en chômage. L'actuel excédent devrait donc servir à réduire les primes futures. En outre, un organisme indépendant devrait être mis sur pied pour administrer le fonds et s'assurer qu'on s'en sert comme véhicule d'assurance.
• 1525
C'est donc le résumé. Je voudrais maintenant parler de chacun
des points séparément.
Lorsque nous examinons le plan de remboursement de la dette—et j'étais très heureuse d'entendre dire que l'excédent de 1998 avait effectivement été appliqué à la dette, à savoir les 3,5 milliards de dollars dont on a fait l'annonce hier. Je pense que je devrais vous dire que lorsque nous avons mené un sondage auprès de nos membres au début de février 1998, avant l'annonce du dernier budget, la grande majorité de nos membres favorisait la réduction de la dette au lieu d'un accroissement des dépenses ou de diminutions d'impôt. Parmi les personnes auprès de qui nous avons mené ce sondage, 19 p. 100 voulaient que 100 p. 100 de tous les excédents soient affectés à la dette. Plus de 83 p. 100 des gens à qui nous avons posé la question voulaient que plus de 50 p. 100 de tout excédent soit également affecté à la dette. Nos mandants nous ont fait savoir sans l'ombre d'un doute qu'ils favorisaient la diminution de la dette.
Dans notre mémoire, on parle du dividende fiscal et de la façon que vous vous proposez de le dépenser, ainsi que de la formule 50-50. Cependant, nous disons que le fait que le budget de cette année et celui des deux prochaines années—ou je pense que maintenant c'est celui de l'an prochain, un budget d'un an—seront équilibrés, qu'il n'y aura pas de déficit et qu'il n'y aura pas d'excédent, signifie que vous n'avez donc pas vraiment à recourir à cette formule. Le public considère cela comme un jeu de chiffres auquel il ne peut pas gagner. Un budget base zéro, un budget vraiment équilibré, cela n'inspire pas un sentiment de véritable reddition de comptes pour le public. C'est mieux qu'un déficit, mais c'est tout de même un peu énervant lorsque nous n'avons rien à dire quant au moment où le budget devient un budget base zéro.
Nous avons lu la stratégie de gestion de la dette du ministère qui a été publiée en avril 1998. On y parle d'un fonds de contingence ou fonds de réserve de 3 milliards de dollars qui sert à réduire le montant de la dette dans la mesure où cette somme n'est pas nécessaire pour des besoins urgents. Je suppose que c'est ce qui est véritablement arrivé dans le bilan financier de 1998 à la somme de 3,5 milliards de dollars qui a été appliquée à la dette.
Nous estimons que c'est tout de même une somme négligeable par rapport à la dette globale de 583 milliards de dollars. Parce que c'est relié à divers points indépendants de la volonté du gouvernement, telle l'actuelle crise financière internationale que nous vivons, cette somme de 3 milliards de dollars pourrait facilement disparaître à tout moment. Nous ne croyons pas qu'un fonds de réserve de 3 milliards de dollars soit un plan de gestion concret de la dette ou un plan ouvert. Le gouvernement doit établir une prévision des excédents à venir et des montants qui seront appliqués à la dette, et qui permettront de ramener la dette à un niveau raisonnable du PIB dans une période prescrite. C'est le genre de chose que nous voulons voir dans une stratégie ouverte de gestion de la dette.
Outre le fonds de réserve, nous sommes en faveur d'un point que nous constatons, soit que vous essayez de modifier la composition de notre dette en faisant en sorte que les deux tiers du marché de la dette soient à taux fixe, ce qui nous rendrait beaucoup moins vulnérables aux changements du taux d'intérêt à l'avenir. Nous sommes d'accord avec ce principe bien certainement et nous aimons la gestion que l'on fait du fardeau de la dette totale de cette façon. La véritable question est et demeure le fardeau total de la dette accumulée, qui est supérieur à 70 p. 100 du PIB.
Hier, lors des annonces qui étaient faites, je me suis rendu compte—c'était écrit avant les annonces faites dans le discours de M. Martin—que ce niveau avait descendu à 67 p. 100. C'est beaucoup d'argent pour chaque homme, femme et enfant au Canada. Les coûts d'intérêt dans les montants budgétés sont censés augmenter et passer de 41.5 milliards de dollars à 45 milliards de dollars en l'an 2000. Nous estimons tout simplement que ce n'est pas la direction que nous devrions prendre.
J'ai lu que cette facture fédérale de l'intérêt suffirait à elle seule à exploiter chaque hôpital au Canada pendant deux ans, ou pourrait permettre à 4 millions d'étudiants de faire leurs études universitaires pendant quatre ans. Ce montant correspondrait au budget de fonctionnement des gouvernements de Terre-Neuve, de l'Île-du-Pince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta, et il en resterait suffisamment pour effacer les dettes publiques de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard. Que dites-vous de cela comme paiement de transfert? Nous ne suggérons pas du tout que l'on fasse cela, mais 45 milliards de dollars en intérêt, c'est beaucoup d'argent.
Je lisais que Paul Martin a dit la semaine dernière lorsqu'il a adressé la parole au Forum des initiatives de Halifax, la Création d'une richesse commune. Il était question des fardeaux de dette insoutenables auxquels étaient confrontés un grand nombre des pays les plus pauvres et de l'extrême nécessité d'agir afin de prévenir d'autres crises financières. Paul Martin a dit:
-
Un service de la dette et une dette excessive, c'est l'un des plus
importants obstacles à la croissance économique et au développement
durable. Les paiements au service d'une dette excessive ne font que
déplacer des dépenses essentielles pour la santé, l'éducation et
d'autres besoins humains vitaux.
De toute évidence, le Canada n'est pas un pays du tiers monde, mais ses commentaires s'appliquent très bien à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Une fois que le fardeau de la dette sera sous contrôle, on pourra introduire des réductions d'impôt dont nous avons un grand besoin, en plus d'accroître les dépenses gouvernementales dans les domaines stratégiques. La réduction des frais d'intérêt à l'égard d'une dette réduite pourrait servir à financer de tels projets.
• 1530
Nous croyons comprendre que le ratio dette-PIB diminuera en
fonction de la croissance de l'économie. Cependant, les projections
actuelles de croissance ne sont pas aussi optimistes qu'elles
l'étaient il y a six mois. Nous continuons de recommander—et les
résultats de notre sondage auprès de nos membres appuient ce point
de vue—qu'un pourcentage important de tous les excédents à venir,
en plus du fonds de secours de 3 milliards de dollars mentionné
dans les publications du gouvernement, devrait servir à réduire la
dette. Cela a l'avantage supplémentaire de mettre de l'ordre dans
nos affaires advenant un futur ralentissement de l'économie.
Nous croyons également que les quinze prochaines années sont cruciales sur le plan démographique pour le Canada et nos finances. Nous estimons que si nous ne parvenons pas à réduire cette dette gigantesque au moment où la majorité de nos citoyens sont dans leurs années de production de revenu, nous ne serons pas capables de le faire par la suite lorsque toutes ces personnes prendront leur retraite. Il y aura moins de personnes qui travailleront pour subvenir aux besoins des personnes à la retraite après 2015, et ce défi démographique en soi devrait être abordé le plus tôt possible, en particulier compte tenu de la volte-face du gouvernement au sujet du programme proposé relatif aux prestations aux personnes âgées, avec lequel nous sommes de façon générale en faveur, mais nous savons que cette question doit être réglée. Au cours de l'été, lorsque Paul Martin a justement fait volte-face au sujet des programmes de prestation aux aînés, il a dit que nos finances étaient en bon état à ce moment. Nous pouvons nous permettre d'être généreux. Ce qu'il a dit en août n'est probablement pas ce qu'il a dit hier, le 14 octobre.
Nous considérons donc qu'il s'agit là de notre période favorable pour réduire la dette accumulée et réduire les futurs frais d'intérêt, qui limitent notre capacité de financer des réductions d'impôt.
Uniquement au chapitre des réductions de l'impôt des particuliers, nous sommes de toute évidence en faveur de ces réductions. Nous croyons que le bon moment n'est pas encore arrivé en raison de la crise internationale qui sévit et du fait que nous devons faire preuve de prudence. Évidemment, nous appuyons les hypothèses prudentes énoncées dans le budget. Nous estimons tout simplement que nous n'avons pas encore l'excédent budgétaire suffisant pour mettre en place des réductions généralisées de l'impôt sur le revenu des particuliers dans le budget de 1999. Ces réductions sont tout simplement trop dispendieuses et nous devons faire preuve de prudence en ces temps incertains. Nous voulons que les diminutions de l'impôt des particuliers restent au programme fiscal, mais qu'elles ne soient mises en place que lorsque leur portée à l'intérieur du budget correspondra à un excédent permettant d'accorder de telles réductions, une fois que des remboursements de la dette auront été faits.
Maintenant, nous abordons l'un des points les plus litigieux, celui de l'excédent de l'AE. Nous avons fait parvenir une lettre à Paul Martin à ce sujet pas plus tard qu'hier afin de faire connaître notre point de vue. Je dois admettre qu'il est difficile de prendre une décision éclairée à ce sujet parce que ce n'est pas clair, ni pour moi ni pour qui que ce soit d'autre avec qui je travaille à la chambre, quelle est la question juridique au sujet de cet excédent. J'estime que je ne dispose pas de tous les faits pour prendre la bonne décision quant à savoir si cet argent devrait être porté aux recettes générales ou non, et à titre de particulier qui travaille, je n'ai pas vraiment le temps d'aller voir dans la Loi sur l'assurance-emploi, ou peu importe l'endroit, pour connaître de quelle façon cet argent est porté dans les bilans financiers du gouvernement.
J'estime que lorsque vous considérez cet argent comme une source de recettes fiscales générales, vous le traitez vraiment comme un impôt et non comme une prime d'assurance distincte, ce qui techniquement devrait être le cas. Je sais que la base comptable relative au fonds d'assurance-emploi a été modifiée dans les années 80 lorsqu'elle enregistrait des déficits. Paul Marin a été très clair hier. Il a dit que nous l'avons financé au cours de la période de déficit des années 80 et que nous en récoltons maintenant l'excédent. Je ne pense pas que cela soit aussi simple, et quiconque a examiné des fonds de pension dernièrement et qui retire l'excédent d'un fonds de pension sait qu'il y a de nombreuses questions juridiques qui doivent être analysées à cet effet. J'estime que le gouvernement est très obstiné à cet égard et que nous, en tant que citoyens, ne possédons pas tous les faits. J'estime que les actions à ce sujet, parce qu'elles sont tellement—encore une fois, j'utilise le mot «obstinées» ou unilatérales. J'estime qu'il n'y a pas une véritable discussion sur ce sujet, et une discussion équitable où tous les faits sont divulgués.
À la Chambre de commerce, nous sommes d'accord que les charges sociales font disparaître des emplois, et nous avons mené une enquête auprès de nos membres en juin de cette année précisément à ce sujet. Quatre-vingt pour cent des répondants considéraient les primes d'AE comme un impôt à l'emploi pour les entreprises et leurs travailleurs plutôt qu'un véritable programme d'assurance. En outre, 26 p. 100 des répondants ont dit qu'ils engageraient d'autre personnel si le gouvernement réduisait les primes d'AE. Un grand nombre de répondants, tout en indiquant que les réductions des primes d'AE auraient pour résultat une embauche directe dans leurs entreprises, estimaient que les réductions des primes aideraient à créer des emplois dans tous les secteurs de l'économie.
Certainement que compte tenu des cotisations accrues du Régime de pensions du Canada que nous devrons tous verser, et ce depuis l'an dernier et jusqu'en 2003, et du fait qu'il y a un excédent dans le fonds de l'AE, c'est une très bonne période pour envisager de réduire les primes que nous versons à l'AE.
En outre, la Chambre de commerce aimerait que le plan soit administré par un organisme indépendant, qu'il soit administré comme un véhicule d'assurance. Nous disons cela parce que nous ne sommes tout simplement pas à l'aise avec la situation actuelle et la façon dont c'est traité. S'il y a quelqu'un ici qui a des renseignements à ce sujet, j'aimerais les entendre.
• 1535
Si le gouvernement ne suit pas cette recommandation et veut
utiliser l'excédent, et modifier la loi pour utiliser cet excédent,
nous ne voulons pas que l'excédent s'applique à des diminutions
d'impôt ou aux soins de santé. Si nous utilisons cet argent, nous
voulons qu'il soit appliqué à la dette.
Si la raison pour laquelle il y a un excédent est parce qu'il y a eu des déficits par le passé qui étaient financés par le gouvernement, ces déficits font partie de notre dette, et les excédents—si on ne les retourne pas aux travailleurs et aux entreprises par une diminution des cotisations—nous voulons qu'ils s'appliquent à une diminution de la dette.
Au sujet des soins de santé, je vous dirai seulement que nous avons certainement besoin de beaucoup d'aide dans notre région. Nous sommes insuffisamment desservis. Nous présentons d'autres demandes à d'autres forums. Si cela vous intéresse, notre région a obtenu des entreprises locales qu'elles fassent des dons à un fonds de 600 000 $ grâce auquel nous allons essayer de recruter l'aide médicale appropriée dans notre région administrative. Nous ne considérons pas nécessairement cela comme quelque chose que le gouvernement devrait faire pour nous; nous nous en occupons nous-mêmes.
Le dernier point que je veux aborder—et je suis bien brave et bien vaillante. J'ai dit à ma secrétaire, je vais passer aux actualités ce soir et ils vont me jeter en prison, mais je veux communiquer ce message au sujet de l'intégrité du ministère des Finances. Diverses situations ont pris naissance et ont jeté le doute quant à la reddition de comptes du ministère des Finances à l'endroit des Canadiens.
Apparemment, le ministère des Finances n'a pas suivi des principes comptables canadiens généralement acceptés lorsqu'il a préparé ses états financiers de sorte que le vérificateur général a fini par exprimer une réserve à l'égard de ces états financiers. Nous estimons qu'il s'agit d'une grave infraction aux normes canadiennes. Si d'autres entreprises commettent une telle infraction, il y a tout un tollé qui est soulevé. Mais il semble que le ministère des Finances puisse se le permettre. Je ne sais pas si le bilan financier de cette année a fait l'objet de réserves semblables de la part du vérificateur général.
On se demande si les chiffres ne sont pas manipulés pour arriver à un déficit-excédent zéro de façon à ne pas avoir à répondre à la question difficile de savoir comment on va dépenser l'excédent. Il nous semble que le gouvernement dépense effectivement l'excédent avant de devoir recourir à la formule 50-50 relative aux dividendes fiscaux.
Des préoccupations semblables commencent à ressortir en ce qui a trait au Régime de pensions du Canada et aux allégations de l'actuaire en chef de ce fonds que l'on a récemment congédié. En outre, les agissements du ministre pour ce qui est de l'excédent de l'AE ne lui donnent pas un bon éclairage. La confiance que l'on avait dans le ministre des Finances s'érode. Nous espérons que le présent forum permettra de lui transmettre ce message.
J'ai terminé. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de présenter ce mémoire au comité permanent, et nous espérons poursuivre ce dialogue ouvert relativement aux questions susmentionnées et à d'autres qui pourraient toucher le milieu des affaires.
Le président: Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à Mme Deborah Kusturin, puis à la Georgian Bancorp Inc., et enfin à la Walker Chocolate Company Ltd., parce que je crois que ces deux témoins vont parler de la question des banques. Est-ce exact? Aujourd'hui, nous parlons de consultation prébudgétaire, mais nous allons accepter votre rapport et l'incorporer dans notre examen du groupe de travail MacKay.
Oui, monsieur Stevens?
M. Sinclair Stevens (président, Georgian Bancorp Inc.): Monsieur le président, dans notre cas, il est vrai que nous parlerons des fusions des banques, mais nous le faisons beaucoup dans le contexte des consultations prébudgétaires. Les banques qui ont maintenant des actifs de 800 milliards de dollars, il est très difficile d'envisager des mesures budgétaires sans tenir compte de ce que le système bancaire fait ou propose de faire.
Le président: Nous sommes très chanceux cette année; nous faisons les deux en même temps.
Merci.
Madame Kusturin?
Mme Deborah Kusturin (exposé à titre personnel): Merci de me permettre d'adresser la parole au comité.
Je comparais aujourd'hui devant votre comité pour parler de la question de l'imposition injuste pour les familles à revenu unique où un parent s'occupe de ses enfants à domicile. En tant que parent, je m'inquiète du fait que notre gouvernement n'accorde pas d'importance à ma présence dans la vie de mes enfants. J'estime que c'est mon devoir et mon obligation d'être une influence positive et importante dans l'éducation de mes enfants.
Il a été très frustrant au fil des ans de savoir que nos impôts peuvent servir à quelqu'un d'autre pour s'occuper de mes enfants. Si j'assume cette tâche, alors notre famille doit payer plus d'impôt, pas moins; pourtant, nous ne demandons pas et nous de retirons pas de prestations des services pour lesquels nous payons des impôts.
Lorsque mon premier enfant a atteint l'âge d'un an, j'ai dû revenir au travail et ce fut toute une lutte. J'étais très jeune et je ne me rendais pas compte à quel point cela affecterait nos rapports dans les années à venir. Dix ans plus tard, j'ai eu mon deuxième enfant. J'étais déterminée à rester à la maison avec elle. À cette époque, mon mari était un salarié de sorte qu'il n'y avait aucune façon de compléter son revenu. Même s'il l'avait fait, ce serait disparu en impôt.
• 1540
La perte de mon revenu a fait qu'il est devenu très difficile
de maintenir notre ménage, mais nous y sommes parvenus pendant un
certain temps. Je m'occupais d'autres enfants dans la région de
Peel, ce qui m'a permis d'avoir un petit revenu additionnel, mais
ce n'était pas suffisant pour nous soutenir pendant très longtemps.
Lorsque ma fille a eu 18 mois, je suis retournée au travail à temps
plein. Ça n'a toutefois pas été pour bien longtemps. C'était
uniquement pour nous aider en vue de l'arrivée de notre troisième
enfant. Vous voyez, nous avions appris à être très économes, de
sorte que le revenu devait nous assurer un tampon pour l'enfant
suivant. Je suis à la maison avec mes enfants depuis les trois
dernières années et demie.
Je suis encore fâchée que notre gouvernement ne reconnaisse pas l'importance du travail que je fais auprès de mes enfants. Ils reçoivent les meilleurs soins qui soient, et que rien ne peut acheter. La famille qui vit en face de chez nous peut se rendre au travail, possède une maison et deux voitures, et déduit les frais de garderie des enfants du revenu familial. Mon fils participe à un programme préscolaire deux fois par semaine pendant deux heures parce que je sais qu'il a besoin de cette forme de stimulation qu'un tel programme procure à un enfant de trois ans et demi. Nous n'obtenons aucune déduction de notre revenu pour cela, et en plus nous devons payer des impôts en fonction d'une tranche d'imposition plus élevée. Nous sommes pénalisés parce que nous avons des valeurs différentes.
Les parents jouent un rôle essentiel dans le bien-être de leurs enfants. Un rapport présenté en juin 1996 par le Conseil national de la prévention du crime dit que des parents qui sont accessibles et qui prennent soin de leurs enfants aident ces derniers à tisser des liens sûrs et sains et que ces liens sûrs entraînent une foule de facteurs positifs pour les enfants, notamment la confiance de base, l'empathie, l'estime de soi, la capacité de se consoler et l'identification formelle aux parents.
Nous devons aider à nous assurer que les enfants font l'expérience de liens sûrs, de familles qui s'intéressent et de parents efficaces. Ces facteurs de protection favorisent le bien-être, la responsabilité sociale et la compétence chez les enfants. Au cours des premières années de la vie d'un enfant, l'influence et l'engagement d'un parent sont essentiels à sa croissance et à son développement sains.
Grâce à sa déduction au titre des dépenses de garderie, le système d'imposition favorise actuellement la philosophie de procréation dans laquelle les soins ne sont pas donnés par des parents. Les politiques d'imposition encouragent les gens à faire certains choix. Enlever à un parent la responsabilité de former un lien sûr et sain avec ses enfants en faisant la promotion uniquement de solutions de rechange à des parents à plein temps est néfaste pour le bien-être des enfants. Si on donne des crédits aux parents pour élever leurs propres enfants, il en résultera quelque chose de positif pour tous les enfants du Canada.
La déduction au titre des frais de garderie a aussi un rapport inverse aux besoins, et elle profite injustement aux riches. Les familles qui font des sacrifices financiers pour procurer les meilleurs soins possibles à leurs enfants sont pénalisées par le régime fiscal en raison des impôts disproportionnellement élevés.
Le comité permanent de la santé a publié un rapport en avril 1997 intitulé Vers le bien-être: stratégies pour des enfants en santé. Dans ce rapport, on faisait des recommandations visant à réexaminer les lois et politiques fiscales afin de s'assurer qu'elles traitent toutes les familles et tous les enfants de façon juste et équitable. On recommandait également que le ministre de la Santé, ainsi que le ministre des Finances, examinent des façons d'offrir des avantages fiscaux équivalents aux familles qui choisissent d'offrir des soins parentaux à domicile et à celles qui ont des personnes qui donnent des soins à leurs enfants.
Jusqu'à maintenant, rien de cela ne s'est fait. Les familles à revenu unique n'ont aucun crédit pour subvenir aux besoins et prendre soin de leurs enfants lorsque l'un des parents reste à la maison pour le faire. La déduction de conjoint est inférieure à l'exemption personnelle de base, et il n'y a aucune déduction permise pour les enfants à charge dont un parent prend soin à domicile.
En septembre 1996, un document de travail préparé par le ministère des Finances en vue d'une rencontre avec les provinces au sujet de l'imposition indiquait que dans certains cas, une famille à revenu unique peut payer jusqu'à 85 p. 100 de plus en impôt qu'une famille à deux revenus au même niveau de revenu. L'éclatement de la famille et l'abandon par un parent assumant les frais d'entretien sont les deux plus importants facteurs de la pauvreté chez les enfants. Donner un crédit d'impôt qui reconnaît l'obligation envers la famille semblerait une initiative raisonnable pour réduire la pauvreté chez les enfants. Permettre à un conjoint de transférer une partie de son revenu à l'autre conjoint qui prend soin des enfants à domicile reconnaîtrait l'importance et la valeur du travail que l'autre conjoint fait à la maison. Cela réduirait également le fardeau fiscal dans le cas des familles qui prennent soin d'enfants d'âge préscolaire.
J'espère sincèrement que vous accorderez toute votre attention à cette question et que vous examinerez de quelle façon on pourrait être équitable pour toutes les familles canadiennes qui font le choix d'avoir un parent à la maison pour procurer des soins aux enfants pendant leurs premières années de vie.
• 1545
Le témoin précédent a fait remarquer que les données
démographiques indiquent que nous avons beaucoup moins d'enfants
pour assurer le soutien du nombre croissant de nos aînés. Si nos
politiques n'empêchaient pas les gens d'avoir des enfants, on
n'aurait peut-être pas à examiner ce genre de problème non plus.
Merci de m'avoir laissée vous adresser la parole.
Le président: Merci pour vos observations.
Nous allons maintenant entendre le président de la Georgian Bancorp Inc., M. Sinclair Stevens.
Je vous souhaite la bienvenue.
M. Sinclair Stevens: Merci, monsieur le président.
J'aimerais également remercier le comité et ses membres de nous donner une occasion de partager certaines de nos pensées avec vous. Comme un grand nombre d'entre vous le savent peut-être, il y a quelque temps j'ai fait parvenir une lettre à tous les députés dans laquelle je soulignais certaines préoccupations que nous avions au sujet des projets de fusions de banques. Dans cette lettre, j'incluais également un article que j'avais rédigé et qui a paru dans le Toronto Star.
La raison pour laquelle je mentionne cela, monsieur le président, c'est que nous avons reçu des douzaines de réponses de députés qui faisaient part de leur position sur la question des fusions de banques. Un grand nombre d'entre eux, j'ai remarqué, faisaient référence au rapport MacKay. Le rapport MacKay n'avait toujours pas été déposé à ce moment-là, et ce qu'on disait, «Nous attendons le rapport MacKay et peut-être que nous serons en mesure de nous faire une idée d'une façon plus éclairée».
La plupart d'entre vous, je suppose, ont eu l'occasion de lire le rapport MacKay—je vois un membre qui fait non de la tête—mais je pense pour ceux d'entre vous qui n'ont pas lu le rapport MacKay, qu'il serait juste de le résumer ainsi: il est beaucoup plus intéressant pour ce qu'il ne dit pas au sujet de l'industrie bancaire qu'au sujet de ce qu'il dit.
La raison pour laquelle je vous donne ce petit contexte, monsieur le président, c'est que lorsque vous examinez le budget à venir, comme je l'ai indiqué plus tôt, je pense que vous devrez tenir compte de deux aspects très importants. Nos banques—principalement cinq, les cinq grandes banques—ont, tel que je l'ai mentionné, des actifs totaux de 800 milliards de dollars. C'est à peu près la même taille que notre produit intérieur brut total. Maintenant, si un budget doit être préparé sans que l'on tienne compte de la conséquence de cette industrie bancaire—ce qu'en fait elle peut faire pour avoir une incidence sur l'économie canadienne, que ce soit positivement ou négativement—est, je dirais, très insouciant.
Deuxièmement, Janet a déjà mentionné cette question de la dette cumulative, de 583 milliards de dollars. Je pense que vous devez examiner ce paramètre également. Par ailleurs, vous avez une dette de 580 milliards de dollars—et ne l'appelons pas par un autre nom, c'est un trou dans lequel nous sommes tombés—et d'autre part, nous avons une industrie bancaire qui est, parmi les pays du G-7, la plus concentrée au monde et qui propose de le devenir encore plus afin qu'elle puisse participer à ces marchés mondiaux, ayant des actifs, comme je le dis, de 800 milliards de dollars.
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais aborder trois grands thèmes. Tout d'abord, j'aimerais examiner avec vous ce qu'est au juste une industrie bancaire, parce que je suis toujours surpris du fait que des gens qui ne se rendent pas compte de la distinction entre une banque et, disons, une caisse populaire ou une autre institution financière. Voici un exemple d'un point pour lequel le rapport MacKay, reflétant très fidèlement la position de l'Association des banquiers canadiens, embrouille la question. Il les met tous ensemble, comme s'il ne s'agissait que d'une seule entité.
La deuxième chose que j'aimerais aborder est la suivante: quoi qu'il arrive, dans quelle mesure est-ce que les banques canadiennes desservent bien les Canadiens, tant les particuliers que les entreprises?
Enfin, j'aimerais aborder la question de notre dette cumulative.
Mais tout d'abord, si vous me le permettez, monsieur le président, nous avons quelques transparents qui pourraient m'aider sur certains de ces points.
• 1550
J'aimerais vous montrer une citation d'un texte, un livre tout
à fait ordinaire—et j'insiste sur ce point. Toute personne qui
oeuvre dans le domaine de l'économie se rend compte que les banques
sont privilégiées du fait qu'elles ont le droit de créer de
l'argent. Et comme le signalent les auteurs de ce livre:
-
L'utilisation par le public des dépôts bancaires en argent serait
suffisante pour que l'on examine de près le fonctionnement des
banques. Mais les banques méritent qu'on leur accorde une certaine
attention pour une autre raison—et une raison de grande
importance. Dans le cours normal de leurs activités, elles créent
de l'argent.
Nous, en tant que gouvernement, par l'entremise de la Banque du Canada, avons donné à nos banques à charte le privilège de créer de l'argent. Lorsque je dis que leurs actifs sont d'environ 800 milliards de dollars, à un point donné dans l'histoire—autrement que pour environ 30 milliards de dollars, qui représentent des devises—ce montant de 800 milliards de dollars a été créé par les banques.
C'est pourquoi je pense que nous devons faire très attention lorsque le banquier essaie d'indiquer qu'il ne représente pas une force aussi grande dans notre économie qu'il l'est, qui est évidemment ce que les banquiers aiment montrer. Nous ne devons pas oublier qu'ils représentent le cercle restreint, les fabricants de l'argent. Par exemple, une caisse populaire doit gagner son argent de vous ou de moi une fois qu'il a été créé. Et la raison pour laquelle c'est important, je pense, c'est que les banques peuvent comprimer ou étendre le régime monétaire beaucoup plus facilement que qui que ce soit d'autre.
Mais laissez-moi aborder mon prochain point, qui traite de cette question: compte tenu de ce privilège d'avoir le droit de créer de l'argent—unique au sein des institutions financières—dans quelle mesure desservent-elles bien les Canadiens? Et je pense que la réponse est qu'elles desservent certains Canadiens extrêmement bien et d'autres très mal.
Soit dit en passant, voici quelque chose qui provient de l'Association des banquiers canadiens, et dont il est fait mention dans la Revue de la Banque du Canada de l'hiver 1997-1998. Ce ne sont pas mes chiffres. Mais comme vous pouvez le constater, il est surprenant de constater que des autorisations de prêts bancaires totalisant 368 milliards de dollars, ce qui correspond à 75 p. 100 du crédit total accordé aux banques au Canada... En d'autres mots, 75 p. 100 de toutes les autorisations au Canada concernent 9 630 clients ou 1,27 p. 100 du total.
C'est radicalement différent de ce qui se passe aux États-Unis. L'une des raisons à la base de cette situation, c'est que lorsque nos banques deviennent tellement concentrées, elles se rendent compte qu'elles peuvent faire de l'argent beaucoup plus facilement, par exemple, en accordant tel type de crédit à ces gens. En passant, ce sont des gens qui ont des lignes de crédit de 5 millions de dollars ou plus. Elles font certainement plus d'argent à partir de ces prêts qu'en prêtant à 1 000 petites entreprises.
Aux États-Unis, au lieu de nos 11 banques, il y en a 9 000, et qu'une banque aux États-Unis le veuille ou non, elle doit desservir les petites entreprises, parce que c'est leur réalité géographique, c'est la région dans laquelle elles se trouvent.
Nos banques au Canada, comme vous le savez, sont nationales et elles ont utilisé ce privilège de créer de l'argent pour accorder 75 p. 100 du crédit total, comme je le dis, à moins de 10 000 personnes.
Regardez à l'autre extrême. Considérez que 54,9 p. 100 des clients des banques—je mets l'accent sur ceux qui sont dans le domaine des affaires—reçoivent 1,3 p. 100 du total des autorisations; ils obtiennent 6,2 milliards de dollars.
Monsieur le président, la raison pour laquelle j'espère que votre comité saisira toute la signification de cela, c'est que plus les banques restreignent le crédit aux petites entreprises, plus elles ont une incidence sur notre économie, amoindrissant les perspectives d'emploi et amoindrissant la croissance technologique au pays. Et c'est un facteur qui contribue à l'exode—il y a des données qui ont paru aujourd'hui à ce sujet—des gens d'affaires et de la technologie aux États-Unis.
• 1555
Au Canada, les petites entreprises ont besoin d'une aide
significative des banques. Et le fait que les cinq banques à charte
se retrouvent dans cette position où, si vous voulez résumer ce que
j'ai dit, les 9 630 plus importants clients de banques ont, en
moyenne, 38 millions de dollars en crédit autorisé tandis que les
autres petits fretins auxquels j'ai fait référence, 415 000 en
tout, ont en moyenne 15 000 $... Ces données sont certainement
significatives.
Et je le dis dans le contexte que dans la mesure où ces petites entreprises n'obtiennent pas leur part équitable de ce qui a été créé au pays, cela a une incidence sur notre économie, tant au niveau du revenu qu'au niveau de la création d'emplois.
Ceci étant dit, j'aimerais poser la question suivante: s'il semble y avoir une composante des entreprises qui est très bien desservie par les banques—c'est-à-dire les 9 600 personnes dont j'ai parlé—qu'arrive-t-il en réalité au niveau des administrateurs des banques?
Ici, je crois que vous trouverez cela fascinant de constater comment les administrateurs des banques se solidarisent. Ils constituent un club de banquiers. C'est une règle établie qu'ils travaillent de façon concertée avec les grandes sociétés et, en fait, nous allons vous démontrer ici que ce n'est pas tout simplement une question de George Weston, disons, qui a un administrateur au sein du conseil d'une banque; dans certains cas, le président de la banque fera partie du conseil de George Weston. Comme c'est pratique!
Permettez-moi de vous montrer ce à quoi je fais référence. Pour ce qui est de la Banque Royale, par exemple, M. Cleghorn fait les manchettes aujourd'hui parce qu'il dit qu'il a besoin de plus d'espace de manoeuvre pour faire une expansion dans des pays étrangers. Cela peut avoir une incidence sur Toronto, dit-il, s'il n'obtient pas sa fusion avec la Banque de Montréal.
Eh bien, je trouve cela très intéressant, et j'espère que le comité aussi trouve intéressant de constater que non seulement les diverses sociétés avec lesquelles les banques transigent font de façon générale partie des conseils avec lesquels elles transigent, mais que parfois les présidents des banques font l'inverse, c'est-à-dire qu'ils font partie du conseil du client.
McDonald's est un exemple. M. Cleghorn fait partie de ce conseil. M. Cohon, le chef de la direction de McDonald's, fait partie du conseil de la Banque Royale. Allan Taylor de la Banque Royale, est un administrateur de Canadien Pacifique, et le chef de la direction de Canadien Pacifique, M. O'Brian, fait partie de son conseil.
Si vous prenez la CIBC, vous constaterez un phénomène semblable. M. Fullerton fait partie de trois conseils différents: George Weston, Westcoast Energy et Argus Corporation. À leur tour, Galen Weston, de George Weston, fait partie du conseil de la Banque de Commerce et M. Phelps, de Westcoast, fait partie du conseil de la CIBC, tout comme Conrad Black.
Je prétends, monsieur le président, que ce genre de chose est ce qui mène à une distorsion incroyable du crédit au pays.
Je pourrais vous montrer ce qu'il en est avec la Banque de Montréal. Je pense que M. Barrett a comparu devant votre comité.
Le président: Oui.
M. Sinclair Stevens: Je ne sais pas s'il a fait un spécial pour vous mentionner qu'il est un administrateur de Les Compagnies Molson, et qu'à son tour, Eric Molson, le président de Molson, fait partie de son conseil. Je suis convaincu d'ailleurs qu'il a dû vous mentionner bien d'autres choses, mais je doute qu'il vous ait mentionné cela.
Chez Toronto-Dominion, nous avons le même scénario. Richard Thomson, président de la TD, fait partie du conseil d'Inco et, chose très pratique, M. Sopko, chef de la direction d'Inco, fait partie du conseil de M. Thomson. M. Brock, de la Toronto-Dominion, fait partie du conseil du Groupe Jim Pattison—en Colombie-Britannique—et Jim Pattison fait partie du conseil de la TD.
Monsieur le président, je pourrais le formuler ainsi: si votre comité était en fait un conseil supérieur d'une banque canadienne, vous pourriez gagner des millions de dollars en tant que président.
• 1600
Et si chacun des membres du comité était administrateur, ils
auraient le plaisir de profiter, en moyenne, d'au moins
150 millions de crédit autorisé, soit directement pour leur propre
usage, soit pour leurs entreprises.
Le président: M. Sinclair, j'en ai besoin au sein de ce comité, ne leur suggérez surtout pas de quitter s'il vous plaît.
Des voix: Oh, oh!
M. Sinclair Stevens: Monsieur le président, j'espérais simplement qu'ils puissent se précipiter et créer de nouvelles banques.
Des voix: Oh, oh!
M. Sinclair Stevens: Donnez-nous un peu de concurrence.
Quoi qu'il en soit, permettez-moi de vous montrer une autre façon d'examiner dans quelle mesure les banques sont à l'aise, en particulier avec elles-mêmes.
Cette illustration que nous avons présentée indique qu'il y a des transactions entre apparentés. Pour ceux d'entre vous qui ne peuvent pas lire les petits caractères, cela vient des rapports annuels de trois des banques, dans lesquels elles disent effectivement combien elles ont prêté aux directeurs, administrateurs et employés de leur banque. En ce qui concerne les deux autres banques, qui font une référence aux prêts à leurs apparentés mais ne donnent pas les chiffres, nous les avons évalués à 1,1 milliard de dollars chacun.
Bref, les opérations entre apparentés de nos banques s'additionnent, comme vous pouvez le constater, pour atteindre 5,7 milliards de dollars. Par contre, et c'est un contraste marqué, si vous prenez les personnes qui ont emprunté 50 000 $ ou moins—415 000 Canadiens—le crédit total qui leur a été accordé s'élève à 4,3 milliards de dollars. Donc, ceux qui font partie de la crème de la crème, les apparentés par rapport à nos banques, obtiennent 5,7 milliards de dollars. Les 415 000 Canadiens qui ont emprunté à l'autre extrémité de l'échelle obtiennent 4,3 milliards de dollars.
Monsieur le président, j'espère que votre comité, dans le cadre de ces délibérations, recommandera à M. Martin—en passant, j'étais heureux de constater qu'il a utilisé le montant de 3,5 milliards de dollars pour réduire la dette, mais n'oubliez pas que même à ce rythme, il faudra 100 ans pour réduire la dette à 50 p. 100 de sa taille actuelle—qu'il donne une réponse très ferme—et bientôt—aux banques: non.
Je dirais que si vous, en tant que comité, lui recommandez qu'il réponde non, vous vous trouverez à protéger les banques contre elles-mêmes. Parce que comme elles disent, elles aimeraient beaucoup se retrouver sur le marché mondial qui est vraiment concurrentiel—non concentré sur le marché canadien. Un des présidents de banque m'a dit en toute franchise, «Le Canada est mûr. Nous en retirons tout ce que nous pouvons. Nous devons aller sur les marchés étrangers et en accaparer une part».
Ce sera très dangereux si on leur permet de le faire. Elles demandent d'aller sur le terrain bancaire le plus risqué dans le monde. La suggestion qu'elles devraient constituer l'une des dix plus grandes banques au monde ne tient pas compte du fait que les dix plus grandes n'incluent même pas une banque américaine. Ce sont surtout des banques japonaises, qui ont d'énormes ennuis, et il y a une banque française, qui connaît également de graves ennuis. C'est là que l'on trouve les ennuis.
Monsieur le président, j'arrive à mon dernier point, cet intérêt cumulatif dont nous avons hérité au Canada, qui nous a donné cette dette considérable, 580 milliards de dollars, dont j'ai parlé. J'espère que nous n'oublierons jamais que l'extrémité de la dette est en fait l'intérêt cumulatif des dépenses gouvernementales totales, à un moment donné, de seulement 40 milliards de dollars. Il s'agit là d'une statistique de la Dominion bond rating. La citation que nous donnons ici vient directement d'une étude réalisée en mars 1996.
La raison pour laquelle je fais référence, comme je l'ai fait au début, non seulement à la situation des banques mais aussi à celle de la dette, est que nous, au Canada, sommes sur une corniche très étroite.
• 1605
Si nous commettons des erreurs, si quelque chose devait
déclencher des taux plus élevés au Canada, c'est la dette
cumulative que nous avons... Plus nous pouvons la réduire, plus
cela nous aidera certainement, mais nous ne devons pas oublier que
nous ne devrions pas accepter de nouveaux risques inutiles.
Et lorsque les banques à charte canadiennes disent, «s'il vous plaît, permettez à quatre de devenir deux», ce qu'elles demandent en réalité au gouvernement canadien, c'est de garantir leur entrée sur la scène internationale. Parce qu'il ne faut pas l'oublier, nous sommes tous garants des banques canadiennes. Lorsqu'elles sont grandes, nous ne pouvons permettre à l'une d'entre elles de faire faillite.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stevens.
Nous allons maintenant entendre un représentant de la Walker Chocolate Company Ltd., Harry Walker, le président.
Je vous souhaite la bienvenue.
M. Harry Walker (président, Walker Chocolate Company Ltd.): Merci. Je sais que je me présente devant vous un jour plus tôt, mais on m'a donné aujourd'hui. J'espère que les chocolats me permettront un petit passe-droit...
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je veux tout simplement que vous sachiez que vous ne devriez pas conclure quoi que ce soit du fait que vous êtes dernier parce que je n'ai pas reçu de boîte.
M. Harry Walker: Vous n'avez pas reçu une boîte? Eh bien alors, je pense que votre greffier en a peut-être deux.
Des voix: Oh, oh!
M. Harry Walker: Monsieur le président, mesdames et messieurs, je comparais autant à titre de citoyen préoccupé que je suis qu'à titre de président et de responsable des opérations bancaires d'une petite entreprise. Je pense qu'il n'y a absolument rien qui justifierait d'autoriser le projet de fusion des banques. En fait, je dirais que le pays a besoin d'au moins quelques autres banques d'envergure nationale pour accroître la concurrence et mieux desservir les Canadiens dans toutes les régions et partout au pays.
Je m'inquiète qu'il y ait déjà un manque de réactions à l'égard des besoins des consommateurs au sein des banques canadiennes. Je vis et travaille à Burlington, en Ontario, et j'aimerais vous faire part de quelques-unes de mes récentes expériences auprès des banques dans notre région. Pour nos affaires personnelles, nous transigeons avec la Banque Toronto-Dominion depuis 20 ans et, en tant qu'entreprise, avec cette banque et d'autres depuis plus de 15 ans. Pour la plus grande partie de cette période, nous avons été heureux et nous avons constaté qu'elles donnaient un bon service à la clientèle. Il y a environ un an, les choses ont changé du tout au tout. En février 1998, j'ai écrit à la Banque TD—une copie est jointe au mémoire—et dans cette lettre je me plaignais du manque de services de caissiers.
Il y a de nombreuses choses que vous pouvez faire avec les guichets automatiques, mais vous ne pouvez pas, à la TD, effectuer vos opérations bancaires d'entreprise. Vous ne pouvez pas effectuer des dépôts ou des retraits à partir de comptes courants. Vous ne pouvez pas obtenir de pièces de monnaie pour une entreprise. Vous ne pouvez pas déposer les pièces justificatives des cartes de crédit dans un compte de marchand, et vous ne pouvez pas non plus obtenir des devises étrangères, des chèques de voyage ou des lettres de change, ni faire viser un chèque. Ce sont toutes des fonctions pour lesquelles vous avez besoin d'un caissier.
En guise de réponse de la banque, j'ai reçu un appel téléphonique d'un vice-président qui a essayé d'embellir un service de caissier réduit, mais qui a dit que l'on n'était pas sur le point de revenir aux filées dans les succursales. Il est très frustrant d'attendre entre 15 et 20 minutes chaque fois que vous devez effectuer vos opérations bancaires en présence d'un caissier. Cependant, la situation est sur le point d'empirer à la Banque Toronto-Dominion. À compter du 16 novembre, dans les sept succursales de la banque à Burlington, une ville d'environ 130 000 habitants, il n'y aura qu'une seule succursale dans toute la ville où on aura des caissiers en tout temps. Les six autres succursales n'auront plus de service de caissier du tout.
Si les clients de la TD dans toute la ville ont besoin d'un service de caissier, ils seront obligés de se rendre à une seule succursale, qui pourrait se trouver à six ou sept miles de là. C'est incroyable, et c'est révélateur du manque total d'égards pour les besoins des clients. Cela ne peut survenir que dans une entreprise qui croit qu'elle n'a aucune concurrence très efficace ou qui croit que les projets de fusion sont un fait accompli.
Si la banque réussit—ce dont je doute étant donné que le bon sens de leurs clients l'emportera—la TD pourrait alors réduire son nombre d'employés, augmenter ses revenus et ne pas tenir compte de ses clients.
Si on autorise les banques à fusionner, ce ne sera pas dans l'intérêt du pays. Il y aura des fermetures nombreuses de succursales, de considérables pertes d'emplois, un manque d'accès aux banques, en particulier dans les régions rurales, et une indifférence accrue à l'endroit des clients des banques.
• 1610
C'est un scandale que seulement deux banques comptent pour
environ 70 p. 100 des opérations bancaires au Canada. Il n'y a
aucun autre pays développé où on retrouve un tel degré de
concentration. Les grandes banques suisses et hollandaises sont
grandes parce que la plupart de leurs recettes viennent
d'entreprises outre-mer.
Les banques canadiennes peuvent être et sont concurrentielles outre-mer, prêtant dans le cadre de syndicats financiers créés avec d'autres banques. Mais comme l'a dit M. Stevens, elles peuvent obtenir ce qu'elles souhaitent et finir, comme cela a été le cas au Mexique, avec des dettes qu'elles ne peuvent rembourser. Mais ça, c'est leur problème.
Il n'est pas nécessaire de réduire la concurrence au Canada pour être concurrentiel à l'étranger. Rien non plus ne prouve que les grandes banques sont plus efficaces que les petites, étant donné que tant la Banque TD que la Banque Scotia sont plus efficaces que la Royale, la CIBC et la Banque de Montréal. Ces preuves ont été établies au cours des cinq dernières années. C'est peut-être surprenant, mais c'est vrai.
En tant qu'ancien employé de la plus importante banque canadienne et à titre d'actionnaire actuel de l'une des banques, je crois que c'est manquer de vision de tenir compte uniquement des profits des banques aux fins d'imposition. Ces entreprises les plus importantes et les plus rentables au Canada ont le devoir de fournir de plus en plus d'emplois aux Canadiens. L'emploi à long terme d'un grand nombre de Canadiens à revenu moyen engendrera plus d'impôts que l'impôt perçu sur les importantes primes de direction rendues encore plus grandes du fait de l'élimination d'emplois à la banque.
Je crois que les projets de fusion vont à l'encontre d'un système bancaire accessible et concurrentiel et réduisent les perspectives d'emploi dans l'industrie bancaire canadienne maintenant et pour l'avenir.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Walker.
Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers: Mon intervention portera sur deux points, le premier étant la tournée prébudgétaire. Nous allons discuter de toute la question de l'avenir des services financiers au Canada. Je m'adresse à la personne qui représente aujourd'hui la Chambre de commerce de Kitchener—Waterloo.
En ce qui a trait à l'assurance-emploi, vous semblez appuyer ce qui a été avancé il y a deux semaines, à savoir que les fonds de l'assurance-emploi soient dorénavant administrés par un comité distinct; ce ne serait plus une activité gouvernementale. Cela se rapproche-t-il de ce que les quatre partis d'opposition ont proposé? En quoi améliorerait-on la situation en changeant la façon d'administrer la caisse d'assurance-emploi?
[Traduction]
Mme Linda Korgemets: Je crois que c'est ce qui a été publié il y a quelques semaines dans la presse financière que les partis d'opposition ont proposé. C'est eux qui ont recommandé que les fonds soient administrés par un comité distinct. Et bien que peut-être cela ressemble à une autre couche de bureaucratie, je crois que la raison pour laquelle la Chambre de commerce de Kitchener—Waterloo l'appuie, c'est que nous estimons que pour protéger l'argent de ce fonds, nous aimerions qu'il soit gardé dans un fonds distinct, à l'extérieur des recettes générales.
Depuis un bon nombre d'années, nous avons reconnu que des fonds étaient en excédent. Nous avons écrit à Paul Martin au cours des deux dernières années, je crois, au sujet de cette même question—encore une fois, sur la façon dont on retrouve ces données dans les recettes générales. Et je pense qu'il est tout simplement trop tentant que ce soit dans le bilan financier actuel comme source de recettes. C'est pour cette raison que la Chambre de commerce appuie peut-être ce que suggèrent les partis d'opposition: confier cet argent à un comité distinct afin de s'assurer qu'il est conservé pour la raison pour laquelle on l'a perçu.
[Français]
M. Odina Desrochers: Vous parlez également de l'intégrité actuelle du ministère des Finances. Notre formation politique a dit à maintes reprises que les montants d'argent sont calculés maintenant alors que les dépenses ne se font que plus tard, et le vérificateur général s'est exprimé dans le même sens. Que pourrait-on faire de plus pour amener M. Martin à respecter les normes de comptabilité? Ce qu'il fait fausse complètement les chiffres du surplus budgétaire. Y a-t-il autre chose qu'on pourrait faire pour l'amener à dire correctement ce qui se passe dans une année financière au lieu d'inscrire cette année des montants qui ne seront dépensés que dans deux ans?
[Traduction]
Mme Linda Korgemets: Je suis une comptable agréée et j'ai reçu une formation en ce qui concerne les principes comptables acceptés de façon générale. Cela fait un certain temps que je les ai consultés étant donné que je suis devenue fiscaliste, mais je recommanderais à Paul Martin d'écouter le vérificateur général. Cet homme met en pratique des principes comptables acceptés de façon générale à l'égard des bilans financiers du gouvernement du Canada, et ces règles, en ce qui me concerne, sont faites pour être observées. Elles constituent une norme que doivent respecter toutes les entreprises.
Donc, autrement qu'à l'aide d'un grand bâton... Je ne sais pas comment les choses se passent en politique entre le vérificateur général et Paul Martin, mais il semble que c'est une impasse et une guerre froide, peut-être, entre les deux. Comment puis-je faire que ces deux personnes se parlent à nouveau pour que l'on respecte les principes comptables acceptés de façon générale dans les bilans financiers du gouvernement canadien? Je ne le sais pas.
Peut-être que ma propre association, l'Institut canadien des comptables agréés, devrait faire ses propres représentations auprès de Paul Martin. Peut-être qu'il l'a déjà fait et je ne suis pas au courant.
[Français]
M. Odina Desrochers: Je vais poser quelques questions à M. Stevens au sujet de son opposition aux fusions bancaires. Dans le petit document que vous nous avez remis, vous dites qu'en Australie, il y avait un mouvement similaire vers des fusions bancaires mais que ce mouvement-là a pris fin à cause de l'opposition du public. Selon les renseignements que vous avez, en Australie, cette démarche avait-elle été faite dans le contexte qu'on connaît actuellement au Canada? Une commission semblable à celle qui a produit le rapport MacKay s'était-elle penchée sur ce sujet?
[Traduction]
M. Sinclair Stevens: Oui, et je pense que c'est un parallèle assez intéressant. Vous avez mis le doigt directement sur la question. Il y avait une version du rapport MacKay qui ne recommandait pas exactement les fusions, mais on laissait clairement entendre qu'il n'y avait aucune raison véritable de les empêcher, un peu sur le ton de M. MacKay—«nous ne disons pas que la fusion devrait se faire»—mais il y a la vieille idée selon laquelle gros signifie que vous ne devriez pas le faire, et selon M. MacKay, ils n'ont pas l'impression que ce soit acceptable.
On adopte le même ton dans le rapport en Australie. Lorsque le gouvernement l'a reçu, il a indiqué qu'il allait aller de l'avant et donner son accord aux fusions. Il y a eu une telle levée des boucliers dans la population que le gouvernement est revenu sur sa décision. La politique a gagné. Et de cette façon, je pense, l'Australie a été épargnée de ce qui, je l'espère, nous sera également épargné.
[Français]
M. Odina Desrochers: Vous dites également que dans les conseils d'administration des différentes banques, on voit énormément de vases coulants, si je peux m'exprimer ainsi, qu'on retrouve à peu près les mêmes personnes. De 15 à 20 personnes décident de l'avenir du pays. Avez-vous une suggestion à faire là-dessus? Afin que ces gens-là soient plus objectifs, recommanderiez-vous que les conseils d'administration des banques ne soient pas liés à d'autres organisations financières, comme les grosses compagnies?
[Traduction]
M. Sinclair Stevens: Eh bien, je suppose que la recommandation que je peux formuler est que vous demandiez tout simplement aux banquiers d'accepter les mêmes règles que vous devez respecter. Je fais référence ici aux règles générales des conflits d'intérêts que la plupart des politiciens doivent respecter. Elles sont codifiées.
• 1620
La situation dans les banques, si ce n'était pas si sérieux,
est presque drôle, dans ce sens que dans ces conseils
d'administration, en règle générale, 90 p. 100 des administrateurs
ont des entreprises qui empruntent de cette même banque.
Et ce que les administrateurs vous diront, c'est qu'ils s'adonnent à une petite charade, c'est-à-dire que s'il s'agissait du conseil d'administration et que votre prêt était à l'ordre du jour, le président vous demanderait de quitter pendant quelques instants. À votre retour—parfois ils vont même jusqu'à vous applaudir—ils vous diraient que votre prêt a été approuvé. Puis viendrait le tour de M. Pillitteri et s'il avait un prêt consenti par la banque, ils lui diraient de se retirer pendant quelques instants, il sortirait, la même chose se produirait, et son prêt serait approuvé. À savoir si on l'applaudirait ou non, je ne peux pas dire.
Et, monsieur le président, si les députés présents veulent une confirmation de ce que je dis, demandez au premier ministre. Il faisait partie d'un tel conseil d'administration. Il l'a vu de ses yeux. Demandez-lui de vous dire directement à quel point c'est drôle de voir de quelle façon ces prêts sont traités.
Comparez cela à ce que le petit emprunteur doit faire. S'il peut rejoindre un banquier à qui parler de sa transaction, ça devient très embrigadé. En règle générale, les succursales des banques sont principalement des succursales où l'on accepte des dépôts, et non où l'on effectue des prêts. En bout de ligne, la décision est prise par quelqu'un que vous n'avez jamais rencontré; d'une façon ou d'une autre, il additionne les plus et les moins et dit que vous pouvez accorder le prêt ou ne pas l'accorder. C'est une norme totalement différente pour le petit emprunteur par rapport à la grosse légume.
[Français]
M. Odina Desrochers: Je terminerai mon intervention avec M. Walker. J'ai goûté à votre chocolat et il est excellent. Cependant, ce n'est pas ce qui m'a sensibilisé davantage à votre document qui, soit dit en passant, est bien fait.
Vous êtes dans une communauté rurale et vous craignez que les fusions bancaires réduisent l'accès au crédit. À la lumière de l'expérience que vous avez eue et de la décision qu'on attend—fusion ou non-fusion—, quelles recommandations avez-vous à faire pour protéger la collectivité rurale dans le contexte actuel?
[Traduction]
M. Harry Walker: Nous ne sommes pas exactement dans une région rurale. Nous sommes dans la région du grand Toronto, je suppose.
Mais je dirais que les banques ont joui d'une protection en vertu de la Loi sur les banques au fil des années. Je pense qu'elles ont prospéré. Je pense qu'elles doivent au pays de mettre en place des véhicules de dépôt dans les collectivités rurales.
Je ne sais pas exactement de quelle façon on pourrait s'y prendre, mais s'il y avait plus de banques, il y aurait une certaine concurrence pour un plus grand nombre de régions. Si vous étiez dans une région rurale, vous pourriez obtenir un compte client qui a aussi une succursale dans une grande région... Nous avons vu des fermetures dans des régions rurales, et de concentrer les banques encore plus ne fera qu'empirer la situation. Il sera encore moins nécessaire d'avoir une concurrence et on aura moins besoin d'offrir des services aux clients. Je pense qu'on a besoin d'un plus grand nombre de banques, et non d'un plus petit nombre, partout dans toutes les régions du Canada.
[Français]
M. Odina Desrochers: Excusez le lapsus. Je ne parlais pas de Burlington. Je savais que Burlington n'était pas une communauté rurale mais une communauté urbaine. Je m'excuse, et je cède maintenant la parole au président, que je remercie.
[Traduction]
Le président: Avez-vous terminé?
M. Odina Desrochers: Oui.
Le président: Magnifique.
Merci, monsieur Walker.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Monsieur Desrochers, si vous voulez voir une région rurale, vous devriez voir celle que je représente. Je ne sais pas si cela répondra à votre demande.
Tout d'abord, je tiens à remercier chacun et chacune d'entre vous pour vos exposés.
Et je tiens à vous remercier d'être ici, monsieur Stevens. C'est formidable de vous revoir à nouveau dans un forum de politique publique. Votre exposé était tout à fait bien pensé.
• 1625
Mes questions s'adressent à M. Stevens et à M Walker, dont la
compagnie fabrique des chocolats extraordinaires—et chaque fois
que vous voudrez faire un exposé, M. Walker, je suis convaincu que
le président facilitera les choses.
Des voix: Oh, oh!
M. Scott Brison: Mes questions ont rapport à certaines des recommandations du groupe de travail MacKay et à tout le potentiel pour de nouvelles banques. L'une des différences fondamentales entre le système bancaire canadien et le système bancaire américain, c'est le nombre de participants. M. Stevens disait qu'il y a 9 000 banques aux États-Unis, alors que nous avons un système bancaire canadien très concentré. L'accès au capital est essentiel, en particulier pour le développement et la croissance des petites entreprises.
Lorsque j'avais 19 ans, je me suis assis pour la première fois en face d'un banquier pour effectuer un emprunt afin de démarrer une petite entreprise. C'était passablement intimidant. Je me suis retrouvé dans cette position un certain nombre de fois lorsque je travaillais dans des petites entreprises avant de me lancer en politique.
L'une des suggestions faites par le groupe de travail MacKay, c'est que ces petites banques pourraient démarrer avec une exigence minimale de capital de 10 millions de dollars. Elles auraient une exemption de 10 ans de l'impôt sur le capital. Elles auraient accès complet au système de paiement. Certaines recommandations dont nous avons entendu parler veulent que les nouvelles banques pourraient, par exemple, avoir accès au marché de la location d'auto tandis que les autres banques, les grandes banques, n'y auraient pas accès. Elles pourraient également avoir accès aux entreprises de courtage en assurance, tandis que les autres ne pourraient pas. Elles pourraient avoir une assurance dépôt de 120 000 $ par rapport à 60 000 $. Ce ne sont que quelques-unes des choses que nous recommanderions et qui constitueraient des avantages pour ces nouvelles banques.
La question que je vous pose est la suivante, croyez-vous que nous créerions un climat de réglementation quant à savoir où ces nouvelles banques commenceraient et prospéreraient. Le cas échéant, quelles recommandations feriez-vous pour faciliter cela ou pour permettre à ces nouvelles banques de croître et de se développer? Je pense que nous pouvons nous entendre qu'il serait dans les meilleurs intérêts de tout le monde de voir une foule de ces nouvelles banques démarrer.
Le président: Qui aimerait commencer?
M. Sinclair Stevens: Merci, monsieur le président.
C'est une réflexion intéressante. Je peux parler avec une certaine connaissance de cause. Nous étions, je suppose, le premier groupe à former une banque au cours des 60 dernières années, la Bank of Western Canada. Nous avons amassé non pas 10 millions de dollars de capital, mais 13 millions de dollars, dans les années 60, ce qui se compare probablement à environ 50 millions de dollars aujourd'hui.
La façon dont la communauté financière—et je veux dire les banques—a réagi à cela a été très intéressante. Elles étaient absolument choquées. La Banques Scotia—avec laquelle nous avions diverses autres entreprises—m'a dit un jour que j'étais passé d'une cote de crédit a à une cote de crédit z. J'ai demandé ce que nous avions fait qui n'était pas correct et on m'a répondu «Vous formez une banque». Ils ont dit qu'Eaton ne prêtait pas d'argent à Simpsons et qu'en ce qui les concernait, nous n'étions plus en affaires.
M. McKinnon, le chef de la CIBC à l'époque, était tout à fait préoccupé. Son agent des relations publiques m'a rencontré il y a six mois et il m'a dit, «Je ne suis plus avec eux désormais, mais laissez-moi vous dire que la seule chose qui préoccupait M. McKinnon lorsque votre projet de banque faisait les manchettes, c'était de savoir comment l'arrêter». J'ai dit, «Eh bien, Frank, je ne peux pas le croire. Voici une petite banque. Pourquoi est-ce que quelqu'un à la CIBC en serait le moindrement préoccupé»? Et la réponse a été, «C'est une entaille dans le blindage. Et si jamais elle démarre, nous aurons perdu notre position privilégiée».
En réalité, c'est ce que votre comité, je crois, doit accepter. Ces banques se rendent compte qu'elles ont une position extrêmement privilégiée. Elles ont été capables, d'une façon ou d'une autre, de se faire donner une position toujours meilleure.
• 1630
Je pourrais vous donner des exemples survenus au cours des
années de dépression, lorsque le Parlement d'alors a jugé bon
d'empêcher les banques de se lancer dans l'immobilier. Il y a déjà
eu une interdiction pour que les banques ne puissent être
propriétaires d'immobiliers. Les banquiers ont alors eu recours à
des avocats extrêmement bien payés, qui leur ont demandé ce que
cela signifiait vraiment et qui leur ont dit qu'ils avaient besoin
de succursales; pourquoi ne construisaient-ils pas de grands
immeubles et dire que c'était en vue d'opérations à venir? C'est
ainsi que ces gratte-ciel au nom des banques ont vu le jour. Sur le
plan technique, ils ne pouvaient simplement pas en être
propriétaires en tant qu'éléments d'immobilier; ils devaient en
être propriétaires en vue de leurs activités futures.
Les banques se sont lancées dans le domaine du courtage. Elles se sont lancées dans le domaine de l'assurance. Elles ont été en mesure de prendre leur position privilégiée et même de l'étendre.
Pour vous répondre, je pense qu'il y a seulement deux choses que vous pourriez recommander. La première serait qu'au lieu de favoriser la fusion des banques, vous pourriez mettre sur pied un programme indiquant de quelle façon elles pourraient faire l'inverse. Séparez-les. Nos banques sont devenues une charge sur le Canada en ce qui concerne l'économie, ce qui contribue, comme je le dis, à un haut niveau de chômage. Notre chômage, comme vous le savez, est deux fois plus élevé qu'aux États-Unis. C'est en partie attribuable à la concentration de nos banques et à leur refus de crédit aux petites entreprises.
J'ai assisté à une partie des audiences de la Commission Porter. M. MacKay y fait référence dans son étude. Les banques étaient là et ont dit, «S'il vous plaît, éliminez le plafond de 6 p. 100 auquel nous sommes assujettis». Les banques, jusqu'alors, ne pouvaient jamais exiger plus de 6 p. 100. Leur argument était qu'elles voulaient venir en aide aux petites entreprises, mais comment pouvaient-elles prêter aux petites entreprises à 6 p. 100 lorsqu'elles prêtaient déjà aux grosses entreprises à 6 p. 100? Elles ont dit qu'elles avaient besoin d'un meilleur taux que 6 p. 100 si elles devaient assumer ce risque supplémentaire. La Commission Porter l'a recommandé. Mitchell Sharp, ministre des Finances alors, l'a mis dans la Loi sur les banques. On a alors mis en place une formule selon laquelle elles n'ont plus de plafond maintenant.
Donc, ce que je dis, c'est que si elles étaient séparées, je pense ce serait très rafraîchissant pour le pays. La Bank of British Columbia, par exemple, n'aurait jamais dû être autorisée à se fusionner à la Banque Hongkong. Ce n'était pas nécessaire.
La deuxième chose que vous pourriez recommander, c'est que nous ouvrions le pays à une concurrence étrangère sincère. Le rapport MacKay dit:
-
Les banques étrangères devraient pouvoir effectuer des opérations
bancaires au Canada et non seulement des dépôts de détail (c.-à-d.,
des dépôts de moins de 150 000 $) par l'entremise de succursales de
banques étrangères ainsi que de filiales, comme c'est présentement
le cas.
Pourquoi 150 000 $? En effet, on dit à une banque américaine, par exemple, «Venez, ouvrez une succursale et assumez tous les coûts reliés à cette succursale, mais évidemment ne prenez aucun dépôt inférieur à 150 000 $ de qui que ce soit». Cela reflète bien l'attitude des banquiers. C'est leur principe vital. Elles ont besoin de succursales, ce qu'elles ont en milliers, pour essentiellement canaliser l'argent dans leurs bureaux chefs pour qu'il soit alors réacheminer à ces grandes sociétés dont j'ai parlé.
Elles ne veulent pas une véritable concurrence de la part d'une banque étrangère de sorte qu'elles ont réussi à faire accepter par M. MacKay d'inclure un minimum: «Elles peuvent avoir tout ce qu'elles veulent au-dessus de 150 000 $, mais nous allons prendre les petits dépôts».
Donc, séparez-les ou faites entrer les banques étrangères.
Le président: Si je peux me permettre, monsieur Brison, pourrais-je poser une question à M. Stevens?
M. Scott Brison: Maintenant.
Le président: Je vais vous redonner la parole lorsque j'aurai terminé.
Permettez-moi de vous demander quelque chose. Si les banques sont si mauvaises que vous le dites—et je l'ai entendu d'un grand nombre de personnes—et si elles vont avoir un impact aussi négatif sur l'économie que vous le dites, est-ce que leur but ultime est de détruire l'économie de façon à ce qu'elles s'en porteront mieux? Elles dépendent beaucoup d'une économie en bonne santé, de sorte qu'il serait inefficace pour elles de s'en prendre à l'économie de la façon que vous dites, à moins qu'il y ait un lien que je ne fasse pas. Je n'ai peut-être pas bien compris ce que vous avez dit.
M. Sinclair Stevens: Je pense que c'est une observation intéressante et également une question intéressante.
• 1635
Je suis un capitaliste, mais je pense que nous devons accepter
que le capitalisme n'est efficace que s'il est en concurrence.
Chose curieuse, un aspect inhérent au capitalisme, c'est que les
gens d'affaires disent qu'ils veulent de la concurrence, mais ils
essaient par tous les moyens de la limiter, parce que c'est de
cette façon qu'ils peuvent se donner une plus grande marge de
profit. Et si quelqu'un dans les pouvoirs publics les laisse faire,
vous obtenez la situation dans laquelle nous nous trouvons avec nos
banques.
La raison, monsieur le président, pour laquelle la situation présente s'est développée au Canada, c'est que les banques, au lieu de devenir des institutions au service du Canada, pour s'assurer que nous avons la capacité économique de faire de bons échanges commerciaux et tout cela, sont devenues de plus en plus des moteurs de création de profits pour leurs actionnaires.
Le président: Et qui sont ces actionnaires?
M. Sinclair Stevens: Les actionnaires sont un tout petit groupe. Ce sont principalement des fonds de placement. Je sais que les banques aiment dire qu'elles ont des centaines de milliers d'actionnaires. Eh bien, ce qu'elles font en réalité, c'est de passer par les fonds de placement, ce qui en soi, est correct. Mais j'insiste pour dire qu'il doit y avoir un rôle gouvernemental approprié pour s'assurer que ce qu'elles font... C'est certain, tout le monde veut qu'elles fassent un profit, mais en même temps, elles ne devraient pas faire ce profit aux dépens du service de l'une des parties les plus essentielles de notre pays—les petites entreprises. C'est là que sont créés plus de 70 p. 100 des emplois. Je pense que dans le cadre de leur mandat, il devrait y avoir: faire des profits, mais aux dépens du service aux petites entreprises, et devenir sensibles aux besoins de tout le Canada.
Il ne doit pas y avoir de doute. Si vous et moi étions dans le domaine des opérations bancaires et pouvions prêter à quelqu'un 100 millions de dollars, nous pourrions prendre une très petite marge sur ce montant et faire beaucoup d'argent, si on compare à effectuer des opérations auprès d'un millier de petites entreprises. C'est là le problème.
Et si le gouvernement ne dit pas aux banques qu'elles ne peuvent pas lester le système tellement avec les gros prêts avec lesquels, je le concède, vous pouvez faire beaucoup d'argent... Vous devez avoir un meilleur ratio interne pour vous assurer que les petites entreprises en particulier...
Le président: Et c'est, je pense, là où réside la grande question, mais je ne veux pas entrer dans ce détail en ce moment. Il n'en demeure pas moins que si vous ne financez pas le démarrage de petites entreprises, l'économie va ralentir. Si l'économie ralentit, il importe peu que vous soyez sur le dessus ou dans le fond, vous ne faites pas autant d'argent. C'est la base de l'économie: si vous rapetissez la tarte, votre pointe rapetisse également.
Je suis tout aussi inquiet au sujet des concentrations d'entreprises que vous. Ne nous comptons pas d'histoires. C'est un véritable problème. Mais j'ai l'impression d'après votre déclaration que les banques sont là et cherchent vraiment une façon de faire souffrir les gens, et je vous le dis franchement, j'ai un problème avec cela. Je pense que nous devons reconnaître que notre système bancaire fait l'objet de plaintes d'un grand nombre de gens, mais lorsque vous le comparez à tous les autres systèmes bancaires du monde, c'est l'un des meilleurs. Nous nous devons de l'améliorer, et nous allons formuler des recommandations à cette fin, mais cette sorte de théorie que c'est tout ce qu'elles font, qu'elles ne cherchent uniquement qu'à détruire l'économie, ce n'est pas correct, je n'y crois pas.
M. Harry Walker: Je ne connais personne qui dirait qu'elles cherchent uniquement à détruire l'économie, mais elles sont là pour leurs propres intérêts, et oui, les fonds de placement sont les propriétaires d'une grande partie des banques et les particuliers sont les titulaires de fonds de placement, mais en tant qu'actionnaires à titre personnel, ils ont en réalité très peu de pouvoirs par rapport à la recommandation du président et du vice-président sur ce qui va se passer.
Le profit est une chose très importante pour ces types. S'ils peuvent faire un million de dollars de plus en primes, ils vont le faire, et je pense que le pays doit surveiller de quelle façon ils le font et aux dépens de qui. S'ils se remplissent les poches aux dépens des petites entreprises, du reste du pays, de l'accessibilité et des employés, ce n'est pas correct, et je pense que votre comité doit...
Le président: C'est ici qu'intervient la concentration des entreprises. Vous ne voulez pas donner le pouvoir à une seule unité de...
M. Harry Walker: Mais c'est ce qui se passait pour les banques.
Le président: C'est certain.
M. Sinclair Stevens: Monsieur le président, pour répondre à votre deuxième question, jamais je n'oserais penser que ce sont des méchants, qu'ils représentent le mal et qu'ils veulent faire du tort au Canada.
Ce que je dis, c'est qu'ils font passer les intérêts des actionnaires en premier. Et s'ils font passer les intérêts des actionnaires en premier, ils n'assument pas nécessairement le rôle que l'on attend des banquiers; on attend d'eux qu'ils assurent la vitalité des entreprises, surtout celle des petites entreprises. C'est le point central de notre discours. M. Walker l'a d'ailleurs confirmé.
Je connais beaucoup de ces personnes. Ce sont des gens extraordinaires pour la plupart. Mais tout simplement, si on leur enlève la bride, ils partiront tête baissée pour compétitionner dans la grande arène internationale. D'ailleurs, ils se sont déjà mis dans de beaux draps. On va annoncer bientôt que l'une de ces institutions a sombré en Asie.
Et, bien entendu, qui paie la note en dernier recours? Qui est le garant ultime? Nous, les citoyens canadiens.
Le président: Oui. Je ne les connais pas aussi bien que vous, monsieur Stevens, et je ne suis pas actionnaire d'une banque.
Allez-y, monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci. Ce que j'entends dans vos propos, monsieur Stevens et monsieur Walker, est que Marx s'est peut-être trompé à propos du communisme mais que, en l'absence d'une forme quelconque de réglementation, il avait peut-être raison en ce qui concerne le capitalisme—ou du moins le capitalisme sans entraves—et la situation des banques.
Je serais d'avis—j'adorerais en discuter avec vous par après—qu'un organisme de réglementation pourrait être fort bénéfique et donner un coup de main aux nouvelles banques. Surtout devant le mouvement «anti-grandes banques» en force actuellement, les avantages pourraient être réels sur le plan du marketing. La clientèle serait forcément attirée vers ces banques. Nous pourrons en discuter plus tard.
Madame Korgemets, j'ai aimé votre intervention. S'il fallait que l'on mette en prison tous ceux qui ont remis en question l'intégrité de la comptabilité au gouvernement fédéral, il faudrait réserver toute une aile aux députés de l'opposition. Et que dire du fonds des bourses du millénaire, qui a été mis en place alors qu'il y avait de vagues rumeurs seulement de surplus, avant même que l'on constate un surplus réel: on engageait 2,5 milliards de dollars pour de nouvelles dépenses, ce qui allait à l'encontre des principes comptables du pays et contre les recommandations du vérificateur général. Il l'a mentionné dans son rapport d'hier.
Vous parlez de l'intégrité du surplus de la caisse de l'AE. Alors que les Canadiens demandent plus de transparence et d'ouverture de la part de toutes les institutions, de leurs gouvernements et même de leurs partis politiques, il est vraiment choquant de constater de tels faits.
Vous proposez d'instaurer une caisse distincte. Quelles autres réformes suggérez-vous pour l'AE? Y en a-t-il d'autres? Nous avons entendu parler du concept des comptes individuels, d'une responsabilité accrue des individus quant à l'AE et d'un régime d'assurance mieux ciblé par opposition à un instrument général de soutien du revenu. Avez-vous d'autres suggestions relatives à l'AE?
Mme Linda Korgemets: Je répondrai à votre question plus précisément dans une minute, mais j'aimerais auparavant revenir sur votre commentaire concernant la transparence. C'est un mot que j'aurais aimé utiliser dans mon mémoire. C'est ce que le public souhaite: que le ministère des Finances soit transparent, et qu'il ait l'obligation de rendre compte de ses activités globales.
Les chiffres sont toujours impressionnants, mais je continue de croire que, quand surviennent des difficultés sérieuses ou des difficultés que le ministère aime mieux ignorer, il ne bouge pas et se contente de nous ressortir la même litanie: «Nous allons faire ceci et cela». Je n'ai pas le sentiment que le ministère me rend des comptes quant aux procédés utilisés. Je prône la transparence absolue.
Quant aux autres réformes possibles au régime de l'AE, il me semble que les comptes individuels seraient gérés de la même façon que le Régime de pensions du Canada: j'envoie un petit formulaire et on me renvoie mon solde de compte, en m'indiquant ce que je recevrai en l'an 2013 ou au moment de ma retraite. Je ne crois pas que le régime de l'AE doit être à ce point individualisé. C'est un régime d'assurance général. Je suis contente d'y contribuer pour aider d'autres gens qui ont besoin de cet argent.
• 1645
Il s'est avéré dernièrement que beaucoup moins de gens sont
admissibles au régime, et cela explique en partie pourquoi nous
avons accumulé un excédent. Des modalités du régime sont des
inepties. J'ai une opinion personnelle par rapport aux prestations
versées à des femmes enceintes, et d'autres modalités du genre. Je
n'ai jamais souscrit à ces mesures. Mes enfants sont nés dans un
autre pays. Je crois qu'il faut être riche pour se permettre
d'avoir un régime d'assurance-emploi. Mais des personnes en ont
besoin, ce qui ne simplifie pas les choses.
Pour ce qui est de la question de l'universalité, je dirai que tous mes amis, qui sont très bien payés, n'ont certainement pas besoin de prestations d'AE quand ils décident d'avoir des enfants. Cet argent sert à acheter des jouets Graco et autres biens superflus. On utilise le fonds en pure perte.
On pourrait instaurer une caisse distincte pour des raisons d'imputabilité. Quand l'argent est versé dans les recettes générales, il est utilisé comme un impôt, comme une autre façon de prélever des impôts. La cotisation d'assurance-emploi que je verse ne devrait pas être utilisée comme un impôt. C'est une cotisation que je verse à un régime d'assurance, au cas où je perdrais mon emploi un jour. Je veux que ces sommes servent à ces fins uniquement, et j'adorerais payer moins.
J'irai plus loin. L'augmentation de mes cotisations au RPC... et, en particulier—on s'entend tous sur ce point—que les cotisations soient aplanies à partir d'un plafond de 39 000 $. Ceux dont le salaire se trouve dans la plage moyenne, jusqu'à 39 000 $, versent plus de 1 000 $ par année en cotisations à l'AE. Par contre, un autre qui gagne 80 000 $ paie le même montant en cotisations que celui qui gagne 40 000 $. Celui qui gagne 40 000 $ par année ressentira très bien des déductions s'élevant à 1 000 $ sur son chèque de paye, au contraire de celui qui gagne 80 000 ou 100 000 $, ou plus. C'est ce qu'on appelle un impôt très régressif.
M. Scott Brison: Oui.
Mme Linda Korgemets: Je n'aime pas cela non plus—mais je ne veux pas payer plus non plus!
M. Scott Brison: Il y a un...
Le président: Veuillez m'excuser, monsieur Brison. C'est le tour de monsieur Pillitteri, puis de monsieur Valeri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
Eh bien, premièrement, j'aimerais faire une mise au point. J'ai apprécié votre exposé, monsieur Stevens, surtout quand vous avez dit que nous devrions siéger à un conseil d'administration composé de directeurs gagnant 150 millions de dollars.
J'aimerais vous rappeler que je ne fais pas partie d'un conseil d'administration. Je n'ai jamais fait partie d'un conseil d'administration, et je n'en ai pas l'intention. Je n'ai pas d'amis si haut placés, et je n'en aurai jamais. Sauf votre respect, dans mon secteur industriel, l'industrie du vin, peut-être pourrais-je entraîner quelqu'un...
Des voix: Oh, oh!
M. Gary Pillitteri: ... mais je doute fort que j'atteindrai cet...
Le président: Sauf quelques cas.
M. Gary Pillitteri: Mais laissez-moi vous dire que j'ai dû m'adresser à trois institutions de prêt avant d'établir mon entreprise, qui est très petite. Vous la connaissez; je crois vous avoir vu dans mon établissement.
Laissez-moi donc vous rassurer. Je ne viens pas de ces horizons. J'aimerais par ailleurs vous poser une question sur un élément que vous avez omis de mentionner. J'abonde dans le même sens que vous sur plusieurs éléments de votre exposé sur les banques, mais une chose m'interpelle. À certains moments, nous devons tous rendre des comptes—tous les gouvernements doivent le faire. Si je me souviens bien, vous n'avez pas mentionné un gouvernement qui a donné beaucoup de marge de manoeuvre aux banques au début des années 80, mais aussi en 1992. Le gouvernement élu avait fait une révision sur la situation des banques. Le gouvernement précédent a aussi donné beaucoup de lest aux banques. Je tenais à donner cette précision, et je ne crois pas que je doive élaborer à ce sujet.
Le président: Il reste seulement dix minutes pour les questions.
M. Gary Pillitteri: Bien. J'ai lu le rapport MacKay. Oui, leur charte est concentrée. Je parle de la charte s'appliquant aux franchises. Le gouvernement du Canada leur a donné six franchises, et elles sont exploitées selon des méthodes différentes. Personne au Canada n'exerce ce genre d'entreprise, avec ce degré de protection.
• 1650
Je n'ai rien trouvé de nouveau dans le rapport MacKay, mais
vous avez fait référence voilà quelques minutes aux banques qui ont
disparu. À titre de citoyen canadien, je ne veux pas voir de
nouveau une telle ouverture, et assister au démarrage de centaines
de banques—comme c'est le cas aux États-unis—qui sombreront à une
vitesse aussi folle. En fin de compte, les Canadiens paieront la
note si ces banques piquent du nez. Il en résulterait de
l'instabilité, une clientèle plus craintive et plus avertie, mais
non une concurrence plus forte. Qu'en pensez-vous? Faut-il suivre
les Américains, où des milliers de banques sont amalgamées pour en
former cinq ou six, comme c'est le cas aujourd'hui?
Le président: Merci.
Veuillez raccourcir le préambule et passer directement aux réponses aux questions.
M. Sinclair Stevens: Monsieur le président, je suis d'accord avec monsieur Pillitteri. Il n'est pas dans notre intention d'aller vers l'autre extrême, et d'avoir plus de banques pour le seul plaisir d'avoir plus de banques, dont certaines risqueraient de sombrer.
Il ne faut pas oublier que l'on avait jadis peur des faillites des banques à cause de l'assurance-dépôts. Cette embûche a perdu beaucoup de poids aujourd'hui. Bien entendu, les grandes banques adorent brandir cet atout. Elles adorent nous faire peur en disant: «Soyons prudents. Si une banque fait faillite, nous aurons des problèmes.» Je suggère simplement d'atteindre un équilibre raisonnable.
Pour mieux illustrer mes propos, je me contenterai de vous rappeler que les banques sont si prospères que, parmi les six sociétés les plus rentables au Canada, cinq sont des banques—les cinq plus grandes. Aux États-Unis, la banque la plus rentable se classe 12e parmi les sociétés les plus rentables, et pour en trouver 5, il faut aller au 44e rang.
Je considère simplement que l'on a permis aux banques canadiennes d'amasser des richesses et de se ménager une position très enviable aux dépens des plus petites entreprises.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci encore, monsieur le président. J'aimerais poursuivre sur ce sujet.
Dans votre exposé au nom de la Chambre de commerce, madame Korgemets, vous avez indiqué qu'il faudrait gérer la caisse à l'extérieur du gouvernement. Dans vos dernières remarques, parliez-vous à titre personnel ou au nom de la Chambre de commerce? Il m'a semblé que ces remarques dépassaient le mandat de la Chambre. Je ne sais pas quels intérêts vous représentiez; ce n'étaient certainement pas ceux de la Chambre de commerce. À titre de membre, je me demande parfois qui parle, et selon quelles auspices ils le font.
Mme Linda Korgemets: Je vais répondre avec plaisir. La recommandation à l'effet que l'argent devrait être versé dans un fonds distinct provient du conseil exécutif de la Chambre de commerce. Ce n'est pas mon opinion personnelle. Mais je souscris à la recommandation. En fait, quand j'ai rédigé mon mémoire, je dois avouer que—il a été révisé par le conseil—je ne souscrivais pas à cette suggestion, mais on m'a demandé de l'inclure.
Je ne suis pas contre le fait de verser l'argent dans une caisse distincte si c'est un moyen pour que l'on nous rende des comptes. Je ne suis pas une adepte de la bureaucratie. Je n'aime pas que l'on dépense de l'argent pour mettre en place des structures ou toute autre chose inutiles. Je vous affirme que ce n'est pas ma position personnelle. Elle apparaît dans le mémoire de la Chambre, parce que c'est la position de la Chambre.
Je comprends cependant vos interrogations. En tant que Chambre de commerce, nous devons rendre des comptes à nos membres. Nous faisons des sondages auprès de ces derniers, mais nous n'avons pas eu l'occasion de leur demander s'ils estimaient que l'on devrait créer un fonds distinct. Notre sondage a été réalisé en juin 1998 et nous ne leur avons pas posé cette question. Peut-être parlait-on moins de l'AE à ce moment qu'au cours de l'été et au début de l'automne.
Le président: Merci.
M. Gary Pillitteri: Je cède mon tour à monsieur Valeri.
Le président: Merci. Vous êtes très généreux.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
Pour faire suite au dernier commentaire de M. Pillitteri, j'ai entendu Mme Glover, pas plus tard que le 6 octobre, dire que la caisse distincte ne constituait pas une bonne idée. Elle arguait qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que le fonds enregistre un excédent à toutes les années. Peut-être pourrez-vous tenir compte de cet argument lors de vos futurs débats à la Chambre.
J'aimerais que l'on parcoure rapidement votre mémoire. Vous parlez tout d'abord de la dette et de l'inefficacité de la stratégie de gestion. Vous dites que le gouvernement devrait établir des prévisions quant aux excédents futurs et aux sommes qui serviront pour rembourser la dette... Quel montant est jugé raisonnable par la Chambre de commerce?
Mme Linda Korgemets: Le processus budgétaire semble s'étendre sur deux années seulement, ce qui vous empêche d'avoir des visées à long terme—plus longues que deux ans—quant aux réductions de la dette. Nous vous faisons remarquer en outre que le ministère des Finances ne semble pas avoir établi de but relativement à un ratio dette - PIB acceptable, ou n'a pas annoncé de mesures...
M. Tony Valeri: Aidez-moi. À votre avis, quel serait le ratio dette - PIB acceptable?
Mme Linda Korgemets: J'opterais pour un ratio plus proche de celui affiché par d'autres pays du G-7 que notre ratio actuel. Notre ratio est très semblable à celui de l'Italie. Ce qui n'est pas acceptable...
M. Tony Valeri: Il faudrait donc viser la moyenne du G-7?
Mme Linda Korgemets: Cela serait bien.
M. Tony Valeri: Bien.
Mme Linda Korgemets: Est-ce que je connais cette moyenne? De but en blanc, comme ça, je ne la connais pas.
M. Tony Valeri: C'est bien. Hier, le ministre a annoncé que d'ici 5 ans, le ratio dette - PIB devrait se situer autour de 55 p. 100. Néanmoins, il ne suffit pas de se donner des objectifs bisannuels roulants, parce qu'ils ne donnent pas au gouvernement une vision à long terme de la dette.
J'aimerais vous souligner que ces objectifs bisannuels roulants ont été très bénéfiques pour le Canada, parce que nous avons établi des buts à court terme que nous avons atteints. Nous nous sommes distingués des autres gouvernements qui, essentiellement, établissaient des objectifs à plus long terme, élaboraient des scénarios à l'eau de rose, mais ne faisaient rien de concret, n'atteignaient pas les objectifs. C'est une arme à deux tranchants. Si je devais choisir entre les deux, je m'en tiendrais probablement aux objectifs bisannuels roulants, que je pourrais continuer de dépasser tout en améliorant la situation économique.
Vous avez aussi indiqué que les coûts de l'intérêt augmentent proportionnellement à la dette. J'aimerais vous faire remarquer que l'augmentation de ces chiffres est due au fait que, au moment où l'on établit les prévisions budgétaires réelles, on doit faire des estimations très prudentes des intérêts à payer. Les coûts de l'intérêt semblent augmenter parce que nous nous protégeons et que nous nous efforçons de prévoir dans le budget tous les écueils possibles sur la route. C'est la seule façon qui nous permette d'atteindre nos objectifs.
Mme Linda Korgemets: Je sais tout cela.
M. Tony Valeri: Vous indiquez ici que notre orientation n'est pas la bonne. J'imagine que vous faites référence au fait que nous payons plus d'intérêt sur la dette. Je tiens à préciser que nous réduisons la dette et que le ratio dette - PIB diminue, et que l'augmentation apparente des intérêts est due à une estimation inscrite dans les documents préparatoires du budget.
Mme Linda Korgemets: Un taux plus élevé sur un capital nominal moins élevé.
M. Tony Valeri: Exactement.
Mme Linda Korgemets: Je connais le principe de la prudence appliqué à l'élaboration des budgets. Je sais que le gouvernement s'en est beaucoup vanté, durant la dernière année du moins. Croyez-moi, la Chambre de commerce est très favorable à des estimations prudentes, ainsi qu'à une transparence totale quant à l'excédent global. Nous sommes tout à fait d'accord pour que l'on donne un message clair au public.
M. Tony Valeri: Nous voulons éclaircir encore plus le message. Je suis plutôt choqué de vous entendre dire que vous souscrivez à des estimations prudentes, mais que nous le faisons pour camoufler un excédent.
Essentiellement, nous voulons atteindre nos objectifs parce que les gouvernements ont été incapables de le faire auparavant. Je suis sûr que vos membres sont en faveur d'un régime où sont maintenus des taux d'inflation et des taux d'intérêt peu élevés, parce que ce sont des ingrédients essentiels d'un environnement propice aux affaires. Quand nous avançons des estimations prudentes, ce n'est pas pour camoufler un surplus; c'est pour nous donner les moyens d'atteindre nos objectifs.
Plus loin, vous affirmez que l'assurance-emploi est en fait un impôt régressif à cause du plafond de 39 000 $. À l'évidence, vous n'appuyez pas cette mesure. Cependant, vous ne voulez pas payer plus, parce que la seule solution serait d'élever l'échelle de revenu au-dessus de 39 000 $. Malheureusement, c'est le genre de difficulté qui est le pain quotidien de ce comité. Nous n'avons pas la possibilité de dire: «Nous n'aimons pas le caractère régressif de cet impôt, mais nous ne voulons pas non plus faire quoi que ce soit à ce sujet, et nous ne voulons pas augmenter l'échelle de revenu.» Nous devons faire des choix et des compromis.
• 1700
Vous poursuivez en disant que le gouvernement considère les
cotisations d'AE «comme une source de recettes fiscales générales»,
puis vous dites que vous en comprenez la raison: que dans les
années 80, nous étions obligés de les inscrire dans les recettes
générales lorsque l'on avait un déficit. Mais vous ne croyez pas
que le gouvernement a droit de conserver l'excédent actuel.
J'ai un peu de difficulté à vous suivre dans tout cela parce qu'à la fin de votre exposé, vous parlez de suivre les conseils du vérificateur général en ce qui concerne les pratiques comptables générales, et c'est le conseil du vérificateur général au sujet du fonds d'AE. Il y a un peu de contradiction dans tout cela.
Mme Linda Korgemets: J'ai commencé mes remarques en disant que je suis encore dans une situation difficile quant à la nature factuelle et juridique de la façon dont ce point est administré et qui a droit à quel argent dans tout cela. Donc, je suis d'accord: s'il fait partie des états financiers, comme c'est le cas en ce moment, et je sais que le vérificateur général n'avait rien à voir avec cela, alors cela doit être conforme aux pratiques comptables.
J'essaie de comprendre les faits juridiques pour ce qui est de savoir à qui appartient l'excédent. Si, sur le plan juridique, l'excédent appartient au gouvernement du Canada au titre de source de recettes générales, que c'est ainsi que le tout a été organisé, qu'il en soit ainsi.
Mais ce que je comprends—je ne peux comprendre que ce que je lis, malheureusement ou heureusement, dans les journaux—c'est que je devrais avoir une cotisation réduite à payer parce que le taux est fixé en fonction d'hypothèses actuarielles comprises dans le régime. Je serais donc portée à penser qu'un excédent est censé être retourné aux cotisants—retourné par le biais de cotisations réduites. Je ne comprends pas les ramifications juridiques de cette question et je dois comprendre afin de formuler des commentaires plus intelligents.
M. Tony Valeri: C'est équitable...
Le président: Je m'excuse. M. MacKnight aimerait rajouter quelques mots à ce sujet.
M. Robin MacKnight: Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout simplement rappeler ce qu'était l'assurance-chômage à l'origine et ce qu'est maintenant l'AE. Cela nous ramène à l'origine des primes d'AC. Je sais que nous parlons tous de ces cotisations comme étant des impôts parce que nous en tenons compte dans nos déclarations de revenus et que nous récupérons tout trop-payé lors de notre déclaration de revenus. J'aimerais vous ramener 22 ans en arrière, à l'époque de la Commission de l'assurance-chômage. Dans son rapport suite à un examen approfondi du programme d'AC au Canada en 1977, elle dit ce qui suit quant à l'objectif de l'AC:
-
Fournir un revenu de remplacement temporaire et suffisant aux
travailleurs assurés sans emploi.
Aider au retour des sans-travail à un emploi plus stable et rémunérateur.
Alors, en tant que programme de sécurité sociale, l'AC protège les revenus des travailleurs contre la perte due au chômage. Elle n'a jamais été prévue comme impôt. Elle a toujours été conçue—depuis 1940, lorsqu'on l'a créée—comme un programme d'aide sociale. Quant à savoir où va l'argent, l'argent qui va au gouvernement n'a qu'une source: il appartient au gouvernement et il se retrouve dans le Trésor.
Bien que nous ayons théoriquement des impôts dédiés au Canada, il n'y a aucune autorité pour des impôts dédiés distincts. Si le gouvernement choisit de les prendre dans un fonds et de les mettre dans un autre, il le peut—et il le fait.
L'impôt pour les routes, que nous payons tous lorsque nous faisons le plein d'essence, en est un exemple classique. La grande partie de l'impôt provincial est un impôt pour les routes. Je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup d'entre nous qui empruntent le Gardiner Expressway de nos jours qui croiraient qu'une grande partie de cet argent se retrouve effectivement dans la construction des routes.
Donc, ça se produit tout le temps, mais le principal c'est que les cotisations d'AE ne sont pas un impôt. Elles sont une cotisation à un programme d'assurance sociale, tout comme le RPC. Vous devez vous en rappeler lorsque vous songerez à la façon de traiter les transferts de paiements.
Vous avez deux questions politiques à régler en ce qui concerne le financement de l'AE. La première, si on essaie d'acheminer l'excédent de l'AE dans les recettes générales—et je ne ferai aucun commentaire à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise idée—n'oubliez pas que les gens qui cotisent sont des personnes qui ont un emploi et qui cotisent jusqu'à un maximum, jusqu'à un seuil de 39 000 $. N'oubliez pas que ce montant a été réduit il y a quelques années; il était plus élevé, il était à 48 000 $ ou à 45 000 $, ou à peu près. On l'a réduit à titre d'avantage pour les Canadiens à revenu moyen.
Mais que se passe-t-il? D'où vient cet argent? Il vient des personnes qui occupent un emploi. Et si cet argent est transféré dans les recettes générales au lieu d'aller aux personnes qui occupent un emploi, ce qui se passe en fait c'est que nous transférons davantage de cet argent des gens qui l'ont payé aux personnes qui n'ont pas payé.
• 1705
Maintenant, il existe toutes sortes de transferts dans notre
système, mais c'est un aspect que l'on ne doit pas oublier: il y a
un transfert d'un groupe de contribuables à un groupe plus grand de
contribuables.
L'autre aspect qu'on ne doit pas oublier, l'autre question politique, c'est que le système d'AE fonctionne sous forme d'un transfert entre les provinces et entre les régions du Canada également. Par exemple, c'est une redistribution déguisée du revenu des provinces bien nanties aux provinces moins nanties, entre les régions. Si vous prenez cet excédent et vous le versez dans les recettes générales, alors vous éliminez ce processus de redistribution du revenu. Encore une fois, à savoir si c'est bien ou non, je ne peux faire de commentaires, mais n'oubliez tout simplement pas que cela aussi se produit, de sorte que des régions vont soutenir et lutter pour ce qui est...
M. Tony Valeri: L'inverse est également vrai lorsque le compte est en situation déficitaire; vous avez des personnes comme des retraités ou des travailleurs autonomes qui ne reçoivent pas de prestations d'assurance-emploi par le biais des impôts utilisés pour soutenir ces programmes.
M. Robin MacKnight: Absolument.
M. Tony Valeri: C'est survenu par le passé et continuera de se produire tant et aussi longtemps que le gouvernement sera derrière le programme. Et c'est mon point fondamental: tant et aussi longtemps que le gouvernement est à la base des prestations d'assurance-emploi, alors ce n'est pas une question de savoir si les employeurs ou les employés versent une prime pour ces prestations et d'autres non. Comme l'a mentionné M. MacKnight, vous avez des transferts d'impôts pour toutes les parties des divers programmes du gouvernement pour aider toutes sortes de Canadiens qui ne paient peut-être pas directement des impôts réservés à une fin particulière.
Donc, l'idée de recourir à un fonds distinct, à l'extérieur du gouvernement est bien pour ce qui est de la transparence, qui je sais vous est chère et il en va de même pour moi, mais il y a un risque qui y est associé. Le gouvernement ne serait plus à la base du programme parce que le vérificateur général ne permettrait pas au gouvernement de soutenir le programme et de ne pas l'inclure dans le Trésor. S'il est distinct du gouvernement et s'il est complètement financé à l'aide d'impôts réservés provenant des employeurs et des employés et si le gouvernement ne joue aucun rôle dans l'établissement des prestations et aucun rôle dans l'établissement des cotisations, vous pouvez alors le sortir du Trésor et vous obtenez votre transparence. Mais vous courrez également des risques.
Le président: Madame Korgemets.
Mme Linda Korgemets: Je réponds à cela que si indépendant que soit cet organisme, nous faisons un parallèle avec le fonds du RPC. Et je sais que le fonds du RPC a été considéré comme à court d'argent et se dirigeant directement dans une situation déficitaire. Le gouvernement s'est chargé de faire renaître le RPC et d'en augmenter les cotisations. Et je suppose que ce fonds de l'AE, s'il était distinct, devrait être couvert de la même façon. Je vois le gouvernement tenant également la main du fonds du RPC—et je suis peut-être très naïve avec cette pensée.
M. Tony Valeri: Le fonds du RPC est en réalité un fonds distinct à l'extérieur des recettes générales.
Mme Linda Korgemets: Oui.
M. Tony Valeri: Tant les provinces que le gouvernement sont des gestionnaires conjoints du régime. Il est donc un fonds tout à fait distinct—et peut-être monsieur MacKnight, vous pourriez commenter à ce sujet, parce que je suis convaincu que vous en savez beaucoup plus que moi dans ce domaine particulier—un fonds à l'extérieur des recettes du gouvernement, et qu'il ne joue aucun rôle dans l'exploitation d'un programme gouvernemental.
Mme Linda Korgemets: Et pourtant...
M. Tony Valeri: C'est tout à fait différent. Vous émettez l'hypothèse que la même chose se produirait. Nous suivons les conseils du vérificateur général en faisant en sorte que ce fonds soit inscrit dans les recettes générales. Ce n'est pas une idée qui vient d'un gouvernement. Les Conservateurs ont été obligés de le faire parce qu'ils sous-estimaient en réalité leur déficit d'un montant de 6 milliards de dollars.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Valeri.
Et merci à vous, panelistes. C'était excellent.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Monsieur le président, si je peux me permettre, il y a quelques personnes qui n'ont pas eu la possibilité de poser des questions, mais je voulais que Mme Kusturin sache qu'il y a un grand nombre de personnes qui l'appuient et qui ont comparu devant notre comité.
Et si je devais faire votre exposé en votre nom, je n'y changerais pas un seul mot. Vous avez frappé dans le mille, et je vous remercie d'être venue.
M. Odina Desrochers: Tout à fait.
Mme Deborah Kusturin: Merci.
Le président: Merci.
Au nom du comité, j'aimerais remercier chacun et chacune des panelistes. Au cours des derniers jours, nous avons abordé toutes sortes de questions. Notre comité a reçu un grand nombre de demandes. Les gens veulent réduire la dette nationale, réduire les cotisations d'AE, avoir de l'argent pour les soins de santé et l'éducation et une augmentation des transferts aux provinces, et consacrer plus d'argent à la R-D. La liste est passablement longue, ce qui signifie que nous avons des défis, des choix et des compromis qui nous attendent.
Évidemment, nous sommes guidés par un grand principe, et c'est que peu importe ce que nous faisons à la fin de la journée il faut que cela améliore la qualité de vie des personnes qui vivent au Canada. C'est là le moteur de notre comité.
• 1710
En ce qui concerne les banques, il est intéressant de
constater que nous avons affaire à l'avenir du secteur des services
financiers. Je veux que les gens ici présents sachent que nous ne
traiterons pas des deux projets de fusion. Nous traitons des
fusions dans la mesure où elles ont trait à une stratégie
d'entreprise que certaines entreprises ont utilisée.
Cependant, ceci étant dit, certaines observations que nous communiquerons au ministre des Finances lui diront bien clairement quelle est notre opinion à l'égard de certaines questions qui peuvent être reliées aux deux projets de fusion. Je veux être clair sur cette question.
Autre chose relativement à cette question précise, c'est qu'au moment où vous vous apprêtez à partir ce soir, nous voulons que vous sachiez que dans un secteur des services financiers concurrentiel, la protection du consommateur et le choix pour le consommateur sont des aspects extrêmement importants pour notre comité. Je vous laisserai donc là-dessus.
Merci beaucoup pour vos commentaires.
La séance est levée.