FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 26 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes ce matin.
Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de l'Association canadienne française pour l'avancement des sciences, de l'Association des universités et collèges du Canada, du Consortium canadien pour la recherche, de la Canadian Federation of Students-National Graduate Council, du Conseil canadien des études supérieures et de la Fédération des sciences humaines et sociales.
Vous êtes déjà venus au comité et vous savez comment il fonctionne. Vous avez environ cinq minutes pour faire votre exposé. Ensuite, nous passerons aux questions et réponses.
Nous allons commencer par l'Association canadienne française pour l'avancement des sciences. Avec son directeur général, M. Germain Godbout. Soyez le bienvenu.
[Français]
M. Germain Godbout (directeur général, Association canadienne-française pour l'avancement des sciences): Monsieur le président, je dirai un petit mot sur l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences étant donné que c'est la première fois que nous comparaissons ici.
C'est une association sans but lucratif qui oeuvre depuis 75 ans à la promotion et au développement de la science, de la technologie et de l'innovation. L'association compte 7 000 membres répartis partout au Canada. Son siège social est à Montréal et elle compte aussi des sections régionales: trois en Ontario, deux dans l'Ouest canadien et une dans les provinces Maritimes. M. Giroux va nous présenter le topo d'ouverture.
M. Robert J. Giroux (président, Association des universités et collèges du Canada): Merci, monsieur le président. M. Germain Godbout, qui représente l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences, s'est déjà présenté.
[Traduction]
John Service représente le Consortium canadien pour la recherche. La Canadian Federation of Students-National Graduate Council est représentée par Joy Morris; le Conseil canadien des études supérieures est représenté par Rubina Ramji, et Louise Robert représente la Fédération des sciences humaines et sociales.
Nous avons une déclaration à lire, monsieur le président, mais le National Graduate Council veut présenter un exposé à part.
Notre groupe est heureux de comparaître devant ce comité au moment où celui-ci s'apprête à conseiller le ministre des Finances sur le prochain budget fédéral. Lorsque nous avons comparu devant votre comité en juin dernier, nous avons demandé au gouvernement fédéral de poursuivre ses efforts, de maintenir ses investissements stratégiques dans l'enseignement, la connaissance et l'innovation. C'est toujours la stratégie gagnante, en particulier en ces temps de turbulence et d'incertitude internationale. Les forces en présence constituent un défi de taille, tout en présentant d'énormes possibilités.
Les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement gère ses finances avec prudence, et qu'il ait la sagesse d'investir dans des domaines stratégiques essentiels qui permettront aux Canadiens de tourner les forces de la mondialisation à leur avantage.
Monsieur le président, nous avons applaudi le gouvernement lorsqu'il a fait des investissements stratégiques dans l'enseignement, les connaissances et l'innovation lors des deux derniers budgets. Mais nous croyons aussi que le gouvernement a encore beaucoup à faire.
Nous sommes tout à fait prêts à relever le défi lancé aux Canadiens par le ministre des Finances lors de sa plus récente comparution devant ce comité. Nous pensons qu'il est temps de faire des investissements stratégiques et habilitants dans des domaines qui auront un effet plus durable qu'un allégement fiscal symbolique.
[Français]
L'expérience qu'on a connue ces derniers mois montre que notre réputation de société axée sur les produits de base et sur les ressources accentue notre vulnérabilité aux remous économiques internationaux. Notre effort de recherche anémique est l'indicateur le plus révélateur de l'engagement ambivalent que le pays a pris pour se transformer en une société fondée sur le savoir.
Notre incapacité d'offrir un financement concurrentiel à l'échelle internationale explique dans une très large mesure le mal que nous éprouvons à attirer et à retenir des chercheurs hautement productifs. Les coupures des subventions de fonctionnement versées aux universités empêchent nos établissements d'entretenir un environnement qui puisse soutenir l'excellence en recherche et d'autres formes de l'activité savante.
L'endettement décourage de nombreux étudiants de poursuivre leurs études supérieures. En outre, notre capacité de recherche en sciences humaines est sous-exploitée. Au moment où le savoir et la matière grise sont les principaux outils de concurrence, nous devons marquer nos actions collectives de l'empreinte de l'innovation sociale autant que technologique. Voilà les enjeux sur lesquels nous exhortons le gouvernement fédéral à s'arrêter en préparant le budget de 1999.
• 1110
La faiblesse de l'effort de recherche du Canada est
bien connue. Ce qui l'est moins, c'est la mesure dans
laquelle elle afflige le secteur universitaire.
Monsieur le président, nos chercheurs n'ont pas accès à
des niveaux de financement concurrentiels à l'échelle
internationale, cela parce que le gouvernement
fédéral n'investit pas assez dans la recherche.
Les données révèlent que l'appui fourni par le gouvernement
canadien à la recherche universitaire représente la moitié de
l'aide versée par le gouvernement américain. Au
Canada, les provinces et le secteur privé investissent
relativement plus que leurs homologues américains dans
la recherche universitaire. Cependant, leur
contribution est très loin de compenser le
sous-investissement fédéral.
Un autre indicateur du fossé qui sépare le Canada et les États-Unis est l'ampleur de la subvention moyenne de recherche décernée par les principaux organismes subventionnaires de chaque pays. Cette comparaison révèle que la subvention moyenne est trois fois plus élevée aux États-Unis qu'au Canada, cela sans compter les frais indirects que verse le gouvernement américain.
[Traduction]
L'idée que le Canada est un endroit où il est difficile de faire une carrière scientifique intéressante est renforcée par le déclin continu du soutien de base des universités. Le financement total de l'enseignement supérieur est tombé en flèche au cours des 15 dernières années. Ces cinq dernières années, le soutien de base des universités a été réduit d'environ 1 milliard de dollars. Ces coupures correspondent à une perte réelle de 23 p. 100, ce qui équivaut à 1 500 $ par étudiant. Encore une fois, cette situation souffre mal la comparaison avec les États-Unis, où le financement de l'enseignement supérieur est en augmentation.
Madame Robert.
Mme Louise Robert (directrice générale de la Fédération des sciences humaines et sociales): Monsieur le président, le Canada sous-utilise sa capacité de recherche universitaire. Les chercheurs canadiens sont de plus en plus considérés comme des resquilleurs qui n'ont pas grand-chose, à part leur bonne volonté, à offrir à leurs homologues étrangers. En fait, le Canada ne représente que 3 p. 100 de la production des connaissances mondiales. Il faut donner à nos chercheurs l'occasion d'entrer en contact avec les réseaux et les idées nouvelles du monde entier, de façon qu'ils puissent y contribuer et s'en servir dans l'intérêt de tous les Canadiens.
L'innovation est bien autre chose qu'une idée fixe au plan technologique. C'est plus qu'un slogan pour l'industrie de haute technologie. Monsieur le président, nous avons ici affaire, encore une fois, à une activité non terminée, car nous devons abandonner une perspective qui ne met l'accent sur l'innovation que dans le secteur technologique; il faut absolument considérer l'innovation dans les autres secteurs. Les problèmes auxquels les organismes, les gouvernements et les chercheurs font face ne sont pas de nature technique; ils exigent des solutions innovatrices d'une nature différente.
Prenons quelques exemples. Dans la restructuration des services de santé, on doit maintenant mettre l'accent sur les soins à domicile. Il faut également voir comment l'évolution du milieu de travail pourrait s'adapter à la nouvelle technologie. Il faut envisager les problèmes de la criminalité juvénile, de l'alphabétisation des adultes, de la pauvreté des enfants et des pressions exercées sur la famille. Il faut également trouver des solutions et des perspectives innovatrices aux questions de morale et d'éthique que pose la nouvelle technologie.
Le Canada devra compléter ses efforts d'innovation du côté technologique par des efforts comparables dans les domaines du développement social, de l'organisation et des principes politiques. Ce n'est qu'en tirant parti des connaissances produites par les chercheurs en sciences sociales et humaines que nous réussirons à contribuer pleinement à la stabilité, à la sécurité et à la prospérité des Canadiens. Ces connaissances devraient nous aider à amortir l'effet du changement car elles contribuent à une meilleure compréhension des forces en présence dans les domaines économique, social et culturel. Elles nous aident également à concevoir et à réorienter les interventions de façon à suivre l'évolution du changement et à favoriser la qualité de la vie. Ces connaissances ne peuvent pas être importées; les études réalisées à l'étranger peuvent alimenter le débat canadien, mais leurs conclusions sont rarement applicables aux particularités de la réalité canadienne.
[Français]
La recherche en santé est un autre domaine qu'il faut étudier. Le système de santé canadien est actuellement mis à rude épreuve. Or, la recherche fait partie de la solution parce qu'elle met en lumière ce qui peut être fait pour améliorer la santé des Canadiens et des Canadiennes, ainsi que les moyens d'y parvenir.
• 1115
Il y a une approche innovatrice à la promotion de la
recherche en santé qui est en train de voir le jour.
En effet, connu sous le nom des Instituts canadiens de
la recherche en santé ou ICRS, le projet vise à lier, à
coordonner et à appuyer la recherche de façon à faire
naître un effort national de recherche intégrée. Des
ICRS traiteront de tout l'éventail des préoccupations
de la santé, par exemple la recherche
fondamentale sur les déterminants de la santé et les
causes de la maladie, ainsi que l'organisation, la
gestion et la prestation des services de santé afin
d'en accroître l'efficacité et l'accès. Merci.
[Traduction]
Mme Rubina Ramji (présidente du Conseil canadien des études supérieures): Monsieur le président, nous sommes bien conscients des efforts déployés par le gouvernement canadien pour préparer le Canada à la nouvelle société axée sur les connaissances. En effet, il a fait des investissements ciblés dans les connaissances, l'enseignement et l'innovation, mais le Canada doit absolument maintenir et renforcer les mesures en vigueur actuellement.
Tout d'abord, le gouvernement fédéral ne peut pas faire fi de problème du financement de base des universités. Notre coalition d'étudiants, de chercheurs de toutes les disciplines et d'administrateurs universitaires préconisent une augmentation graduelle du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux dans le cadre d'un ensemble d'investissements stratégiques visant à renforcer l'enseignement supérieur, l'innovation et l'égalité des chances. Il s'agit là d'investissements habilitant, complément indispensable des investissements stratégiques et du soutien direct à la recherche universitaire.
Deuxièmement, nous prions le gouvernement fédéral de faire des investissements supplémentaires importants dans la recherche universitaire au cours des cinq prochaines années pour garantir l'accès des chercheurs universitaires canadiens à des niveaux de soutien soumis à la concurrence internationale. En particulier, nous demandons au gouvernement fédéral de remédier aux sous-investissements dans la recherche en sciences humaines et sociales en doublant le budget du CRSHC; qu'il adopte un plan pluriannuel pour investir des ressources importantes dans les instituts canadiens de recherche sur la santé; qu'il augmente progressivement de 50 p. 100 le budget du CRSNG et qu'il double l'investissement actuel dans les réseaux du programme des centres d'excellence.
L'objectif premier de nos recommandations est de préparer le Canada et tous les Canadiens à une économie soumise à la concurrence internationale et à la société de l'âge de l'information. Pour relever le défi de l'innovation qui est lancé à la société canadienne, elle aura besoin d'investissements stratégiques importants dans le secteur de la recherche.
En terminant, nous voulons attirer votre attention sur le fait que nos partenaires fédéraux sont de moins en moins en mesure de participer au bon fonctionnement de l'innovation et, à plus forte raison, d'y contribuer. Monsieur le président, il faut renforcer la gamme des activités qui composent notre régime national d'innovation. Il faut que tous les grands partenaires soient en pleine santé si l'on veut que le système fonctionne avec efficacité et efficience.
Merci de votre attention. Nous sommes prêts à engager un dialogue fructueux avec les membres du comité.
Le président: Merci.
La présidence donne la parole à Mme Morris.
Mme Joy Morris (National Graduate Council, Canadian Federation of Students): Le National Graduate Council représente plus de 45 000 étudiants diplômés dans 22 établissements canadiens publics d'enseignement supérieur. Je m'appelle Joy Morris, je suis membre de l'exécutif du conseil et je suis également étudiante diplômée en mathématiques de l'Université Simon Fraser.
Je voudrais remercier le comité de nous donner l'occasion de vous parler des questions les plus urgentes auxquelles le Canada fait face actuellement du point de vue de nos membres, et auxquelles le budget fédéral de 1999 devra apporter des réponses. Nous avons remis un mémoire au comité, mais je voudrais insister sur quelques points qui sont particulièrement importants pour nos membres. Sur la plupart d'entre eux, nous approuvons parfaitement les recommandations proposées par les autres groupes, mais nous tenons à présenter les choses de notre propre point de vue.
Dans cet exposé, j'aimerais aborder quatre questions essentielles: les fonds supplémentaires dont les conseils subventionnaires de la recherche ont besoin; la nécessité d'augmenter les versements de transfert aux provinces pour la santé, l'éducation et les programmes sociaux, la nécessité de révoquer les changements discriminatoires apportés récemment à la Loi sur les faillites et l'insolvabilité, et la nécessité de revenir sur les mesures préjudiciables ajoutées récemment au programme canadien des prêts aux étudiants.
Ce n'est pas d'allégements fiscaux que notre pays a besoin. En tant qu'étudiants diplômés qui s'attendent à des revenus supérieurs à la moyenne et, par conséquent, à des impôts plus lourds après l'obtention du diplôme, notre point de vue sur cette question n'est pas égoïste. Les étudiants diplômés que je représente considèrent de façon générale que le rétablissement du financement de base des programmes publics est essentiel. Bon nombre de ces programmes ont subi des compressions budgétaires pendant des années à cause des mesures de rééquilibrage du budget.
De ce fait, nous avons pris un retard considérable par rapport aux autres pays industrialisés en ce qui concerne le financement de certains programmes publics essentiels. Les Canadiens aiment se croire parmi les leaders mondiaux, mais les compressions budgétaires nous placent désormais bien en retard par rapport à d'autres pays. Les Canadiens se sont dotés de programmes sociaux d'accès universel et alimentés par les fonds publics, qui font leur fierté. C'est là un élément qui nous distingue des États-Unis, et nous sommes prêts à payer le prix de cette particularité.
Commençons par le financement des conseils subventionnaires: les étudiants diplômés ont été très heureux d'entendre, l'année dernière, l'annonce de l'augmentation du financement des conseils qui subventionnent la recherche; mais en définitive, le financement des conseils subventionnaires a simplement été rétabli à son niveau de 1994. C'est bien inférieur à l'augmentation de 50 p. 100 fixée l'année dernière comme minimum exigible par nous-mêmes et par d'autres membres du secteur de la recherche. De ce point de vue, le Canada est très en retard, car les autres pays ont constamment augmenté leur financement de la recherche depuis 1994.
• 1120
Un niveau insuffisant du financement de la recherche ne
permettra pas au Canada d'entrer dans l'économie des connaissances
que préconise le gouvernement. En tant qu'étudiants diplômés, nous
sommes les chercheurs de l'avenir et nous assurerons la formation
de la prochaine génération de chercheurs, ce qui fait de nous la
pierre angulaire de la société de connaissances qui pourrait se
développer au Canada. Les chercheurs qui n'obtiennent pas de
financement suffisant ont tendance à quitter le pays en emportant
leurs idées avec eux; c'est ce qu'on appelle couramment «l'exode
des cerveaux».
Il faut prendre des mesures pour empêcher ce phénomène en garantissant un financement suffisant à tous les organismes de recherche. La pénurie des fonds disponibles pour la recherche est particulièrement flagrante dans le domaine des sciences sociales et humaines. Bien que plus de la moitié des étudiants diplômés fassent de la recherche dans des secteurs qui entrent dans le mandat du Conseil de recherche en sciences humaines, moins de 15 p. 100 des fonds attribués aux trois conseils subventionnaires aboutissent au CRSH. Il faut absolument corriger ce déséquilibre.
Le cliché du professeur distrait qui marche la tête dans les nuages donne une image inexacte de la réalité de la recherche en sciences sociales. Un ami me disait récemment que deux des meilleurs analystes de la société de logiciels où il travaille sont diplômés en philosophie. Cela n'a rien d'exceptionnel. Toutes les disciplines universitaires forment les étudiants dans des domaines essentiels dans toute carrière ultérieure, notamment le raisonnement critique et la résolution des problèmes.
Nous avons préparé cette année des affiches que je serais heureuse de vous distribuer, et qui mettent l'accent sur les travaux de recherche les plus prometteurs que financent les trois conseils subventionnaires. Il est essentiel que le financement de la recherche soit assuré par des conseils subventionnaires plutôt que par des programmes qui ne mettent l'accent que sur les travaux de recherche directement utilisables par l'industrie. La recherche fondamentale est essentielle pour l'avenir des industries, en plus de sa valeur inhérente sur le plan des connaissances, et les institutions publiques peuvent se permettre une perspective à plus longue portée que l'industrie.
Les étudiants diplômés approuvent la proposition actuelle concernant les instituts canadiens de recherche sur la santé, sous réserve de l'ajout de fonds supplémentaires importants pour la recherche en sciences sociales liées à la santé. Il faut comprendre parfaitement les causes sociales des problèmes de santé, et non s'en tenir uniquement aux symptômes.
En ce qui concerne le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, on a remarqué récemment une tendance funeste, dans les décisions de financement, à favoriser les individus plutôt que le système. On a constaté la même chose en matière d'enseignement dans le dernier budget, avec la présentation du Fonds des bourses du millénaire, qui prend le pas sur une augmentation des versements de transfert aux provinces aux fins d'éducation.
Le financement individuel est certainement une question essentielle. L'endettement des étudiants prend la forme d'une véritable crise au Canada, et les étudiants diplômés font face, de ce point de vue, à des difficultés particulières à cause de la durée de leurs études. Nous avons été très déçus d'apprendre que le Fonds du millénaire ne sera pas disponible aux étudiants diplômés. Néanmoins, le financement individuel ne servira pas à grand-chose s'il n'y a pas suffisamment de financement de base pour attirer et conserver des chercheurs et des enseignants de qualité ou pour mettre les milieux universitaires à l'abri de problèmes comme la surpopulation.
En augmentant le financement individuel qui doit permettre l'accès à un milieu d'études de qualité, on met en place un système d'enseignement à deux vitesses. Les étudiants diplômés considèrent que le gouvernement fédéral devrait octroyer aux provinces un financement de base réservé à l'enseignement et aux autres programmes, et que ce financement devrait atteindre à tout le moins les niveaux de versements de transfert de 1993, corrigés en fonction de l'inflation.
En ce qui concerne la modification de la législation sur les faillites, j'espère que les étudiants des différentes régions du Canada vous ont parlé des problèmes de la nouvelle loi discriminatoire et pernicieuse, qui empêche les étudiants de se départir de leurs prêts étudiants par la faillite au cours des dix années qui suivent l'obtention du diplôme. La faillite n'est une perspective agréable pour personne. Ce n'est pas une mesure à laquelle on recourt à la légère; c'est une solution de désespoir.
En interdisant à un étudiant de se départir d'une dette pendant dix ans, on ne lui facilite certes pas le remboursement de cette dette. Lorsque les créanciers ont une chance de se faire rembourser, cette chance relève du processus de la faillite. Si elle n'existe pas, le fait d'obliger un étudiant à souffrir pendant dix ans les pressions des créanciers et des agences de recouvrement n'est guère préférable à l'emprisonnement du débiteur, qu'on a déjà abandonné il y a longtemps à cause de son caractère inhumain.
Les vérifications de crédit et les autres changements apportés au Programme canadien de prêts aux étudiants: les modifications apportées lors du budget de l'année dernière ont inclus diverses mesures, dont les vérifications de crédit, parmi les critères d'octroi d'un prêt à un étudiant. Censément, les prêts aux étudiants relèvent d'un programme gouvernemental de soutien destiné aux personnes qui en ont le plus besoin, et qui ne peuvent obtenir de prêts selon le critère ordinaire des banques. L'adoption des critères bancaires pour l'octroi de prêts aux étudiants constitue un autre pas dans la direction d'une privatisation totale de ce programme à vocation sociale.
Je vous remercie de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, madame Morris.
Voilà qui termine les exposés de ce groupe. Nous allons maintenant passer aux questions et réponses, avec un premier tour de cinq minutes.
Monsieur Epp, voulez-vous commencer?
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier tous les membres de ce groupe d'avoir pris le temps d'être des nôtres aujourd'hui et de nous avoir fait part de leurs préoccupations.
Je voudrais commencer par une question très importante. Il est un fait que nous avons toujours eu une dette nationale bien inférieure à 600 milliards de dollars qui résulte de 30 ans de dépenses gouvernementales excessives. Or, je vous entends dire que vous ne voulez pas de réductions fiscales symboliques. Vous demandez une augmentation des dépenses et aucun d'entre vous n'a parlé d'une réduction de la dette. Est-ce que j'ai bien entendu ou avez-vous des précisions à me donner?
M. Robert Giroux: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais répondre.
Tout d'abord, nous avons analysé en profondeur les déclarations de M. Martin devant votre comité il y a deux semaines. Il a dit que le dividende budgétaire serait d'environ 5 milliards de dollars, ce qui signifie que le gouvernement aura 5 milliards de dollars de latitude, si vous me permettez cette expression. Il a dit ensuite que si l'on réserve 3 milliards de dollars pour les imprévus, et qui seront automatiquement imputés sur la dette si le gouvernement n'a pas à s'en servir, comme ce fut le cas au cours des dernières années, il nous reste environ 2 milliards de dollars.
Notre position est très simple, la somme en cause est si restreinte qu'on peut se demander quels genres de réductions d'impôt pourraient avoir de véritables effets sur certains segments de la population canadienne. C'est la raison pour laquelle nous utilisons le mot «symbolique». Des réductions d'impôt, oui, mais dans quels domaines? Quels en seraient les effets?
Nous changeons ensuite de direction et nous demandons ce qu'on pourrait réaliser avec, par exemple, 1 milliard de dollars d'investissement dans des secteurs comme la recherche, l'éducation et l'innovation. Nous sommes absolument persuadés qu'à long terme, une telle somme investie dans l'économie du savoir, dans les secteurs de l'innovation et de l'enseignement—et en particulier l'enseignement postsecondaire—sera infiniment plus utile que les autres mesures envisagées.
M. Ken Epp: Vous êtes tous des universitaires. Vous avez l'habitude de penser avec clarté. Vous avez un esprit analytique. Cela me plaît beaucoup. Voilà comment il convient de voir ces problèmes.
Si nous n'avions pas cette dette—et évidemment c'est une chimère puisque c'est l'héritage de nos gouvernements des 30 dernières années—nous pourrions donner une éducation universitaire gratuite à tous les étudiants du pays au lieu de payer les intérêts sur la dette. À mon avis, nous devons voir les choses à long terme, j'aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez.
Vous parlez de «réductions fiscales symboliques». Nous avons des milliers de Canadiens qui sont considérés comme des pauvres mais qui n'en paient pas moins des impôts. Quand vous dites que tout cela est symbolique, je crains fort que vous ne vous trompiez. Ces gens-là n'ont rien de symbolique, ce sont des personnes, ils ont du mal à joindre les deux bouts mais ils doivent tout de même payer une lourde facture fiscale.
Ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux rendre l'argent à ces gens pauvres, leur laisser un petit peu plus d'argent dans leurs poches pour leur permettre de subvenir à leurs besoins? Vous qui êtes des universitaires, vous devez comprendre cette réalité.
M. Robert Giroux: Monsieur le président, nous sommes tous conscients des besoins de la population. Nous savons également qu'il y a des écarts considérables entre les éléments les plus riches de la société canadienne et les éléments les plus pauvres. Mais si on considère la somme d'argent qui est disponible, il faut se rendre compte que ce n'est pas suffisant pour faire une différence véritable pour les gens dont vous parlez. Je ne sais même pas si ces réductions profiteraient aux éléments les plus pauvres de la population canadienne.
Je le répète, notre position est qu'il faut penser à l'avenir, trouver les meilleurs investissements possibles. Étant donné que la somme disponible est très limitée, le gouvernement doit prendre une décision particulièrement réfléchie pour l'utiliser. Évidemment, de notre côté nous pensons que des investissements dans les domaines de la recherche, de la technologie et de l'éducation seraient une excellente solution qui mérite l'attention du gouvernement.
Le président: Merci, monsieur Epp, monsieur Giroux.
[Français]
Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): J'aimerais faire deux petites interventions, la première à l'intention de M. Giroux et la deuxième à l'intention de Mme Morris.
Monsieur Giroux, vous avez été assez clair sur le fait qu'il y avait une priorité qui devait être engagée par ce gouvernement au niveau de l'éducation. Je pense qu'on s'entend tous sur cette priorité; qu'on soit étudiant, recteur ou professeur, on reconnaît tous la nécessité d'investir dans l'éducation. Le gouvernement semble la reconnaître. Lorsqu'on lit ses énoncés, il est clair que l'éducation et la santé sont pour lui aussi des priorités. Par contre, dans la réalité et dans la pratique, on constate que depuis quelques années années, le gouvernement fédéral voit deux façons d'investir dans l'éducation. Il peut le faire par l'entremise des transferts fédéraux, c'est-à-dire en redonnant aux provinces la marge de manoeuvre qu'il leur a volée. C'est cette façon que nous préconisons. Deuxièmement, il peut créer de nouveaux programmes. Le gouvernement a commencé par vouloir instaurer des programmes de soins à domicile et verser les bourses d'étude du millénaire, un fonds de 2,5 milliards de dollars qui, au fond, a eu pour conséquence d'enlever aux provinces leur marge de manoeuvre.
Ma question est fort simple. Je voudrais que vous soyez clair aujourd'hui et nous disiez si vous préférez la création de nouveaux programmes en éducation ou une augmentation des transferts fédéraux aux provinces. Votre choix semble être sans équivoque: l'augmentation des transferts fédéraux aux provinces qui pourront réinvestir dans l'éducation.
M. Robert Giroux: Monsieur le président, je voudrais simplement souligner que la recommandation qui figure dans le mémoire que nous avons fait parvenir au comité la semaine dernière comprend deux parties. Dans la première partie, nous recommandons que le gouvernement restaure sur une base étagée—parce qu'il faut quand même tenir compte des disponibilités financières—les transferts aux provinces et que les sommes versées soient ciblées essentiellement pour la santé et à l'éducation postsecondaire, cette dernière représentant un élément très important de ces transferts fédéraux.
Ensuite, nous recommandons que le gouvernement continue et augmente son investissement et son soutien à la recherche universitaire, que ce soit dans les domaines des sciences sociales et humanités, de la santé, des sciences naturelles ou dans celui du génie. C'est là une des responsabilités très traditionnelles du gouvernement fédéral qui est bien reçue et qui fonctionne très bien actuellement dans notre système fédéral.
Nous lui proposons donc d'aller dans les deux directions, parce que nous avons reconnu que les budgets de base et les budgets opérationnels des universités étaient actuellement très affectés par le manque de ressources. Nous recommandons donc que le gouvernement fédéral intervienne au niveau des transferts aux provinces et, deuxièmement, afin que le Canada soit bien placé dans l'économie du savoir, qu'il mette l'accent sur l'éducation et l'innovation.
M. Bernard Bigras: Merci.
Madame Morris, les députés que je représente partagent le constat qu'on fait sur la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Ça n'a aucun bon sens qu'on adopte des amendements au projet de loi C-36 pendant que les étudiants sont en vacances. Je voudrais que vous clarifiiez un point à ce sujet. La modification législative qu'on a apportée par le projet de loi C-36 a pour conséquence de faire passer de 2 à 10 ans la période au cours de laquelle les étudiants peuvent déclarer faillite. Proposez-vous que cette période passe de 10 à 2 ans ou de 10 ans à zéro?
[Traduction]
Mme Joy Morris: Je pense que cela devrait changer et qu'on devrait supprimer l'interdiction absolument. En effet, il n'est pas raisonnable d'empêcher un groupe de la société de se libérer de sa dette et de ne pas appliquer la même interdiction à d'autres groupes.
[Français]
M. Bernard Bigras: J'ai une autre petite question au sujet des bourses du millénaire. On s'entend aussi pour dire que ça n'a pas de bon sens que des bourses soient accordées en fonction du mérite. Un seul critère devrait guider l'attribution des prêts et bourses: la situation financière des étudiants et leurs besoins. Au Québec, le système d'aide financière est fondé sur les besoins et non sur le mérite. Souhaiteriez que les provinces qui désirent invoquer leur droit de retrait de ce programme qui ne satisfait pas à leurs besoins touchent une compensation financière, dans la mesure où les fonds qui y sont destinés pourraient être investis dans le programme initial qu'elles ont lancé?
[Traduction]
Mme Joy Morris: La réponse est oui.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, j'aimerais avoir une précision. Lorsque nous avons reçu des témoins pour discuter du fonds du millénaire, n'ont-ils pas dit que les bourses d'étude seraient adjugées sur la base du mérite, et après ce critère, sur la base du besoin? Autrement dit, le principe du mérite s'appliquerait pour s'inscrire dans un collège, une université ou un autre type d'établissement. C'est ce dont je me souviens.
Le président: Le fonds du millénaire a été interprété de diverses façons, mais c'est effectivement une des interprétations.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président. Je n'ai que deux questions, d'ordre général.
Je suis d'accord avec pratiquement tout ce que tout le monde a dit, et j'ai l'impression que ce sont des opinions assez généralisées parmi tous ceux qui sont autour de la table. Dans ces conditions, je vois mal comment on pourrait contredire l'ensemble de vos opinions—pourquoi notre bilan est-il si anémique? C'est, je crois, le terme que vous avez utilisé, monsieur Giroux. Vous nous avez apporté des graphiques pour nous montrer ce qui se fait ailleurs: qu'est-ce qui ne va pas dans notre système? C'est une question un peu générale, elle ne s'adresse pas à quelqu'un en particulier.
Nous ne vivons pas dans un pays d'imbéciles, nous comptons des gens très intelligents. Vous-même, chaque année vous revenez nous refaire les mêmes recommandations, mais comment se fait-il que le message ne passe jamais, alors qu'il passe dans d'autres pays? Pourquoi sommes-nous si amorphes dans ce domaine? Il y a quelque chose que je ne comprends pas.
Deuxièmement, dans le dernier numéro du magazine Maclean's, on parle de carrières, d'emplois et d'éducation pratique. Est-ce que vous avez des idées en ce qui concerne le financement? Je vais prendre l'exemple des collèges. Monsieur Giroux, vous recommandez un système de financement stratégique, et en fait on pourrait dire que nous sommes tous de cet avis; on s'aperçoit qu'à l'heure actuelle les diplômés universitaires se tournent vers les collèges pour trouver plus facilement un emploi. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Robert Giroux: Monsieur le président, l'un de mes collègues pourra peut-être répondre à la première question mais pour ma part, j'aimerais dire quelque chose au sujet des diplômés des collèges.
Le président: L'un d'entre vous souhaite répondre à la première question? Monsieur Service.
M. John Service (président, Consortium canadien pour la recherche): Merci.
C'est une question difficile. Nous considérons que depuis 10 ans les investissements pour la recherche dans les universités canadiennes ont baissé. Les universités ont donc de plus en plus de mal à conserver leur financement de base et à maintenir le même niveau de recherche.
M. Nelson Riis: John, permettez-moi de vous interrompre un instant? Personne ne conteste ce que vous avez dit, mais je vous demande la raison de cet état de choses? Pourquoi ne voit-on pas la même chose en Italie, en Allemagne, en France ou en Autriche? Pourquoi cela ne se produit-il pas aux États-Unis, en Norvège, en Suède ou au Royaume-Uni? Pourquoi ces pays-là réussissent-ils à faire les investissements nécessaires quand nous ne semblons pas pouvoir le faire au Canada? Personne ne conteste l'importance d'un financement de base pour une économie fondée sur l'innovation, etc., mais pourquoi ne voit-on pas ici ce qui se voit ailleurs?
M. John Service: C'est une question très difficile, je vais donc demander de l'aide à mes collègues. Je vais vous renvoyer la balle, Robert.
M. Robert Giroux: Je pense que le Canada n'a pas encore réussi à établir une culture de l'investissement dans l'innovation, dans la connaissance. Nous devons accorder beaucoup plus d'importance à l'enseignement postsecondaire. Notre gouvernement doit être prêt à augmenter considérablement les investissements dans les secteurs de la science, de la technologie, des sciences sociales, etc.
Je suis désolé, monsieur le président, mais une fois encore cette année, je vous ai apporté des graphiques. Vous vous souvenez de celui de l'année dernière? Je vous avais montré un graphique où l'on voyait l'écart entre le Canada et les États-Unis, et cela illustre bien mes arguments, monsieur Riis.
La ligne bleue représente les États-Unis, évidemment. La ligne rouge représente le Canada. L'année dernière, nous étions à ce niveau-là; depuis lors, bien sûr, le Congrès a approuvé une augmentation du budget des National Institutes of Health. Cela remonte à il y a quelques semaines, et cela creuse encore plus le fossé en matière de financement. La même chose vaut pour la National Science Foundation et pour nos deux conseils, CRSH et CRSNG.
• 1140
Pourquoi les États-Unis ont-ils décidé de faire cela? Parce
qu'ils se sont rendu compte que c'est en investissant dans la
recherche, dans le développement, dans la recherche, dans
l'innovation, qu'ils pourront maintenir leur niveau de vie. C'est
la seule façon d'assurer leur croissance et leur productivité
futures.
On a beaucoup parlé de productivité. Le Conference Board du Canada a beaucoup parlé de productivité.
M. Nelson Riis: Voulez-vous dire que nous ne comprenons pas vos arguments? Tout cela me semble si évident.
M. Robert Giroux: Je ne dis pas que vous ne comprenez pas...
M. Nelson Riis: Quand je dis «nous», je parle de la société. Je ne veux pas parler de mes amis autour de cette table.
M. Robert Giroux: Non, j'ai compris cela. Je ne prétends pas que vous ne compreniez pas, et les gens auxquels nous avons parlé nous ont toujours dit à quel point la recherche et le développement étaient importants. Mais lorsque vient le moment de concrétiser cette position par des investissements, il me semble que nous prenons toujours du recul.
Toutefois, le gouvernement a fait beaucoup depuis deux ans. Je ne voudrais pas être injuste.
M. Nelson Riis: Monsieur le président, si vous le permettez, je vais oublier ma seconde question pour développer un peu celle- ci.
Le président: Allez-y. Développez.
M. Nelson Riis: Parce que le moment vient de prendre cette décision, monsieur Giroux, vous semblez dire que tous les autres pays se décident en faveur de l'innovation, de la recherche, etc., mais que ce n'est pas notre cas. Pourquoi pas? Pourquoi eux et pas nous?
M. Robert Giroux: En fait, nous prenons cette décision, mais à une échelle beaucoup plus restreinte. Je ne nie pas que nous ayons beaucoup fait, et je pense à la fondation pour l'innovation et au rétablissement des budgets des conseils subventionnaires aux niveaux de 1994. Mais nous approchons de 1999, cinq ans ont maintenant passé, et il s'agirait de faire quelque chose à cet égard.
Monsieur Riis, je ne pense pas pouvoir ajouter autre chose. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de faire passer le message, comme vous le savez certainement. Voilà trois ans d'affilés que nous comparaissons devant vous.
M. Nelson Riis: Vous avez échoué.
M. Robert Giroux: Peut-être bien.
M. Nelson Riis: J'essaye désespérément de déterminer en quoi nous sommes différents de tous ces autres pays. Vous semblez faire du bon travail, vous défendez bien vos causes, mais vous devez trouver tout cela très frustrant. C'est frustrant pour tout le monde.
M. Robert Giroux: Oui.
M. Nelson Riis: Merci.
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président. Je vous remercie pour vos exposés.
Nous vivons dans une société fondée sur le savoir, une société qui se mondialise, et cette mondialisation est condamnée et blâmée pour toutes sortes de maux. Certains prédisent que cela va devenir une course à la médiocrité, mais je pense, moi, que dans un tel environnement mondialisé et fondé sur la connaissance, cela devrait encourager les nations à rechercher l'excellence si elles veulent être concurrentielles. Et c'est cette démarche que vous prônez aujourd'hui, cette course à l'excellence.
Nous savons, par exemple, que nous perdons certains de nos meilleurs éléments dans le domaine de la recherche et du développement à cause de la situation fiscale. Ils vont aux États- Unis. J'aimerais savoir dans quelle mesure vous attribuez cela à nos impôts sur le revenu.
Deuxièmement, est-ce que nous devrions imiter l'exemple d'autres pays et accorder un traitement fiscal préférentiel, ou du moins envisager cette solution. Je sais que l'Irlande a obtenu d'excellents résultats en appliquant une politique fiscale très concurrentielle et très dynamique, ce qu'il lui a permis d'attirer des industries basées sur le savoir.
Troisièmement, sur un plan plus holistique, je représente une circonscription de la vallée de l'Annapolis en Nouvelle-Écosse. L'université Acadia se trouve dans ma circonscription, et c'est une université très innovatrice. Nous avons peut-être la meilleure infrastructure post-secondaire du pays, et plus d'universités par habitant que n'importe quelle autre province, sans parler d'un excellent système de collèges communautaires.
Dans quelle mesure devrions-nous reconsidérer certaines régions, comme celle de l'Atlantique, qui se trouve perpétuellement en difficulté dans ce domaine, et peut-être essayer d'appliquer une politique fiscale dynamique en collaboration avec les gouvernements provinciaux pour établir un lien entre l'enseignement, le développement économique et le régime fiscal? Si nous considérons chacun de ces facteurs à part, avec toute la myopie que cela suppose, nous n'allons pas saisir la vision d'ensemble qui nous permettrait d'inverser la situation dans une région en adoptant des mesures axées sur l'avenir, qui pourraient donner au Canada toute une génération de Canadiens de l'Atlantique prêts non seulement à s'affirmer sur la scène mondiale, mais également à y réussir.
Voilà les trois sujets sur lesquels j'aimerais entendre votre opinion.
M. John Service: Je vais commencer par le premier. J'ai travaillé à New Glasgow pendant 15 ans, je connais donc très bien la région.
Nous devons comprendre très clairement l'impact du régime fiscal sur l'exode des cerveaux. C'est un facteur important, et au niveau de l'éducation postsecondaire, nous ne savons pas exactement à quel point il est important. Pour l'instant, c'est encore une impression fondée sur des exemples divers. Cela dit, il importe de faire la différence entre ce groupe-là et les médecins pratiquants, psychologues, etc, qui vont pratiquer au sud de la frontière. Le cas des chercheurs qui vont faire de la recherche est différent. Il est certain que les médecins vont s'installer au sud de la frontière pour des raisons fiscales, et également pour des raisons qui ressemblent à celles des universitaires, et qui tiennent aux débouchés. Mais l'impact de l'impôt sur le revenu sur l'exode des cerveaux parmi les universitaires n'a pas été mesuré avec précision.
Nous avons commencé à nous pencher beaucoup plus sérieusement sur la possibilité d'utiliser la politique fiscale pour attirer des entreprises et des chercheurs, ce qui revient presque à dire que le secteur privé, le secteur public et les universités pourraient former une alliance beaucoup plus complexe. Toutefois, nous n'avons pas encore de réponse très claire. Peut-être un de mes collègues souhaitera-t-il ajouter quelque chose.
Louise, vous voulez essayer?
Mme Louise Robert: J'aimerais seulement dire que jusqu'à présent il n'y a jamais eu d'allégements fiscaux pour encourager la recherche dans les humanités et les sciences sociales. Nous aimerions beaucoup qu'on nous accorde des allégements fiscaux comparables à ceux dont jouissent la recherche et le développement dans les domaines technologiques. Autrement dit, s'il vous plaît profitez-en pour considérer également les disciplines que je représente. Cela pourrait être une aide précieuse pour la recherche dans les humanités et les sciences sociales sans aller jusqu'à s'ingérer dans les affaires des chercheurs, individuellement ou en équipe. Une telle aide serait certainement bienvenue.
Mme Rubina Ramji: À propos des liens qu'on pourrait établir entre les deux, vous dites que nous perdons nos chercheurs et vous vous demandez si des allégements fiscaux peuvent faire une différence. Vous dites ensuite qu'il faudrait encourager les industries fondées sur le savoir dans la région de l'Atlantique. Nous devons nous rendre compte avant tout que toutes nos universités manquent actuellement de structures de base pour la recherche. Nous n'avons pas une infrastructure qui pourrait convaincre nos chercheurs de rester là, nous ne recrutons pas de nouveaux éléments, et nous n'avons pas grand-chose pour les soutenir lorsqu'ils font de la recherche. À mon avis, si nous commencions par là dans toutes les universités du Canada, y compris dans la région de l'Atlantique, nous pourrions favoriser l'implantation d'industries fondées sur le savoir.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame Robert, il y a deux universités dans ma collectivité, WLU et l'Université de Waterloo, et bien sûr elles ont applaudi le rétablissement du financement du conseil subventionnaire, mais en même temps elles nous ont supplié de trouver un meilleur équilibre pour toutes les sciences sociales. Ce sont certainement des arguments que j'ai entendus dans ma collectivité.
Vous avez demandé le rétablissement du financement de base et d'autres en ont également fait la demande. En fait, le secteur de la santé est venu nous demander de réinjecter 2,5 milliards de dollars—c'est l'un des montants qui ont été proposés—dans les services de santé, dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Les premiers ministres des provinces se sont engagés à diriger cet argent vers la santé et c'est une chose qui préoccupe les Canadiens des quatre coins du pays. Vous demandez maintenant que l'on rétablisse le financement de base de l'enseignement postsecondaire. Et étant donné que cela fait l'objet d'un partenariat avec les provinces, comment pouvons- nous veiller à ce que cet argent serve vraiment à l'enseignement postsecondaire?
Je demanderais également à celui d'entre vous qui voudra bien répondre quels sont les effets de la déréglementation des frais de scolarité non seulement sur les étudiants des universités, mais aussi sur les étudiants diplômés. J'ai l'impression que cela va leur faire du tort, mais il s'agit pourtant d'une décision provinciale qui se répercute sur les étudiants de tout le pays.
M. Robert Giroux: Je crois que deux personnes désirent répondre à votre deuxième question, mais je peux certainement répondre à la première. J'en reviendrais à ce que je disais à M. Riis.
Le gouvernement a pris des mesures très importantes, dans les deux derniers budgets, pour venir en aide à l'enseignement postsecondaire. Mais vous remarquerez que ces mesures ne visaient pas directement le financement de base des universités. Ces mesures ont contribué au financement de l'infrastructure de recherche dans le cadre de la Fondation canadienne pour l'innovation. Le gouvernement a rétabli le budget des conseils de subventions à leur niveau de 1994. Ces mesures sont très orientées vers la recherche. Mais les fonds provenant des conseils de subventions serviront seulement à couvrir le coût direct de la recherche. Tous les coûts indirects soit l'éclairage, le chauffage et tous les autres frais généraux, doivent être couverts par le budget de fonctionnement des universités.
• 1150
L'année dernière, dans le cadre de la stratégie pour l'égalité
des chances et du Fonds des bourses du millénaire, le gouvernement
s'est penché de façon très complète sur la question de la dette
étudiante et autres questions connexes. Mais cela s'adresse
également aux étudiants, pour leur permettre d'avoir accès
l'université.
Bien entendu, depuis quatre ou cinq ans, les universités ont beaucoup souffert de la réduction de leur financement de base que nous avons estimé à environ 1 milliard de dollars sur cinq ans. L'AUCC estime que, pendant qu'il déployait de gros efforts pour réduire le déficit, le gouvernement pouvait difficilement faire quoi que ce soit, mais que maintenant qu'il dispose de plus de ressources, il est extrêmement important de songer très sérieusement à l'enseignement postsecondaire dans le cas du rétablissement du Transfert canadien pour la santé et les programmes sociaux.
Et, étant donné les engagements que les premiers ministres provinciaux ont pris lorsqu'ils ont promis au gouvernement que cet argent serait consacré à la santé, nous croyons qu'ils s'engageront également vis-à-vis de l'éducation et de l'enseignement postsecondaire et qu'ils donneront au gouvernement l'assurance que l'argent sera dépensé aux fins auxquelles il est destiné.
Le président: Madame Morris.
Mme Joy Morris: Vos questions sont reliées les unes aux autres et je ne pense que la déréglementation aurait eu des effets aussi dévastateurs si les institutions avaient bénéficié d'un financement de base plus important. Elles n'auraient pas dû compter sur les frais de scolarité pour compenser leur manque à gagner.
La déréglementation des frais de scolarité a eu certainement des répercussions brutales et alarmantes sur les étudiants de premier, deuxième et troisième cycles. Nous avons vu récemment les chiffres de Statistique Canada qui indiquent que le nombre d'inscriptions à temps partiel a énormément baissé dans les provinces où les frais de scolarité sont les plus élevés. Cela limite certainement la possibilité d'accéder à l'enseignement postsecondaire.
Comment veiller à ce que les provinces ne prennent pas ce genre de mesures? Je pense que le gouvernement fédéral et le public doivent exercer des pressions sur les gouvernements provinciaux afin qu'ils dépensent l'argent là où c'est nécessaire et là où nous le demandons.
Le président: Madame Ramji.
Mme Rubina Ramji: Je voudrais également signaler que la déréglementation augmente les frais de scolarité de façon astronomique, mais qu'il ne faut pas oublier non plus que la dette étudiante augmente lorsqu'on diminue les subventions. Une bonne partie du budget des conseils subventionnaires sert au financement des étudiants diplômés.
Si vous prenez la situation en Ontario en 1993, le montant moyen des emprunts était d'environ 3 000 $. Dès que les subventions ont été supprimées en Ontario, ce chiffre est passé à 6 000 $; les frais de scolarité n'ont eu aucune incidence.
Les conseils subventionnaires jouent donc un rôle important pour l'accès à l'enseignement postsecondaire, même lorsque les frais de scolarité sont déréglementés.
Mme Karen Redman: Puis-je poser une question supplémentaire?
Madame Morris, vous avez sans doute insisté un peu plus que les autres sur les changements à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité en ce qui concerne les étudiants. Toutefois, vous avez laissé entendre que les difficultés venaient également de la façon dont la loi était appliquée. Les étudiants sont talonnés davantage pendant la période de remboursement. Je me demande si cela vous préoccupe également.
Mme Joy Morris: Je n'ai pas eu à expérimenter personnellement la façon dont les gens des autres secteurs de la société sont harcelés par leurs créanciers, mais j'ai de nombreux amis qui, dès qu'ils sont en retard dans leur paiement, reçoivent une lettre leur signalant qu'ils sont en défaut. Ils reçoivent des appels d'une agence de recouvrement dès qu'ils sont en retard d'un mois. C'est le genre de choses qui se passent. C'est une situation extrêmement alarmante pour de nombreux étudiants.
Le président: Merci.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Giroux, à propos de ce que vous avez dit quant au fait que les réductions d'impôt ne sont peut-être que symboliques, je suppose que de nombreux Canadiens seront de cet avis. Une simple réduction de 10 ¢ des cotisations d'assurance-emploi coûterait 1,4 milliard de dollars au gouvernement. Une augmentation de 400 $ de la déduction personnelle de base que nous obtenons tous représente 1 milliard de dollars. Si la prestation fiscale pour enfants était augmentée de 100 $, cela nous coûterait 600 millions de dollars.
Je pourrais vous citer toute une liste d'exemples de ce genre. L'application générale d'une mesure coûte très cher, mais ne représente que quelques dollars pour les gens. Tout le monde parle des dividendes financiers, mais nous semblons vouloir cibler davantage les dépenses qui seront les plus payantes.
Vous êtes en concurrence avec d'autres secteurs. La pauvreté chez les enfants et la situation des pauvres en général sont évidemment des priorités auxquelles il est difficile de s'opposer.
Pourriez-vous me donner une idée de ce que coûteraient les changements que vous recommandez?
M. Robert Giroux: Nous n'avons pas chiffré l'augmentation des paiements de transfert. Nous avons dit que cela devrait se faire sur plusieurs années. Cela dépend, bien entendu, de la disponibilité des fonds publics.
Toutefois, pour ce qui est des conseils subventionnaires, c'est une demande que nous faisons régulièrement devant votre comité. Dans son rapport, votre comité s'est prononcé pour une croissance à long terme et non pas pour une augmentation ponctuelle. Si vous additionnez ces majorations sur cinq ans, vous arrivez à un montant équivalant à peu près au budget actuel des conseils subventionnaires, qui est d'environ 900 millions de dollars.
Vous pourriez donc commencer plus modestement et augmenter ensuite les budgets graduellement afin de corriger la situation que nous vous avons signalée pour ce qui est de la contribution du Canada à la recherche et au développement.
Les instituts canadiens de recherche sur la santé, dont vous entendrez certainement parler au cours de la semaine, représentent 500 millions de dollars sur une période de quatre à cinq ans. Tel est le montant qui a été proposé. Cela ne veut pas dire que vous allez commencer par débourser cette somme, mais que vous allez plutôt l'atteindre graduellement. Nos autres recommandations ajoutent, bien entendu, 400 millions de dollars au financement.
M. Paul Szabo: Cela semble être une façon raisonnable de procéder.
Comme il est souvent question de l'exode des cerveaux et que le secteur de la recherche est souvent mentionné, l'un de vous connaît-il quelqu'un qui a quitté le Canada et sait-il pour quelle raison cette personne est allée s'établir ailleurs?
M. Robert Giroux: Je mentionnerai seulement que l'AUCC a fait, l'année dernière, un sondage auprès des professeurs d'université qui étaient partis pour des raisons autres qu'une retraite anticipée, ce qu'ils ont fait en grand nombre. Ces professeurs sont allés travailler ailleurs, surtout aux États-Unis. D'après notre sondage, divers facteurs ont motivé leur décision. La fiscalité en était un. Les salaires plus élevés payés de l'autre côté de la frontière en étaient probablement un autre.
Il est un facteur qui a souvent été cité. N'oubliez pas que nous parlons de professeurs d'université; ce sont des chercheurs. Le milieu de recherche des universités américaines disposait de meilleures ressources et d'un meilleur financement. Il y avait là- bas des réseaux qu'ils pouvaient utiliser ou constituer. Bien entendu, s'il y a davantage de chercheurs, cela crée une synergie. C'est ce qui les a beaucoup attirés.
Pour inciter certains d'entre eux à revenir ou pour attirer des chercheurs de l'étranger, les organisations canadiennes doivent leur offrir ce climat propice.
M. Paul Szabo: Cette dernière dimension me paraît importante à examiner, car on ne la mentionne pas souvent. On parle fréquemment des impôts ou des salaires, mais il y a aussi la qualité et le caractère stimulant du milieu.
• 1200
Je voudrais vous poser une dernière question concernant le
fonds des bourses du millénaire. Très souvent, cela vaut des
critiques au gouvernement, surtout parce que, comme le mentionnait
l'un des exposés des étudiants, cela n'aiderait qu'environ 7 p. 100
des étudiants actuels. L'un de vous y voit-il des objections si
cela n'aide aucun des étudiants actuels et si cet argent profite
entièrement à des étudiants qui, autrement, n'auraient pas accès à
l'université. Autrement dit, si ces bourses visent entièrement à
améliorer l'accès à l'enseignement postsecondaire?
Mme Joy Morris: Nous serions entièrement d'accord pour qu'elles soient dirigées vers les étudiants les plus nécessiteux afin d'accroître l'accès à l'enseignement.
M. Robert Giroux: Nous aussi.
Le président: Merci.
Mme Louise Robert: Je voudrais ajouter quelques mots au sujet de l'infrastructure et de l'exode des cerveaux. Nous demandons que l'on se penche particulièrement sur le budget du CRSH et je crois important de signaler que, récemment, le gouvernement canadien a fait un investissement très important dans l'infrastructure et la recherche par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation et d'autres projets de ce genre. Ces initiatives ne visaient pas à améliorer l'accès aux sciences humaines, qui ont également besoin d'une meilleure infrastructure. Par conséquent, quand nous parlons de l'exode des cerveaux, cela ne s'applique pas uniquement au domaine technologique. Il faut également tenir compte des progrès en sciences sociales et il faut offrir aux chercheurs en sciences humaines la même infrastructure que celle dans laquelle le gouvernement a investi par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Je vous remercie vivement au nom du comité. C'était un excellent groupe de discussion. Vous avez très bien fait valoir la nécessité d'investir dans les gens, dans la recherche-développement et dans l'enseignement postsecondaire. Ce sont des choses importantes si l'on veut bâtir une économie compétitive qui générera de la richesse et qui nous permettra de conserver les programmes sociaux auxquels nous tenons tellement. Vos arguments nous aideront certainement à entamer la rédaction de notre rapport et de nos recommandations au ministre des Finances. Encore une fois, merci beaucoup.
Nous allons faire une pause de cinq minutes et nous reprendrons aussitôt la séance.
Le président: Nous reprenons la séance.
J'ai le plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des collèges communautaires du Canada, de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université et de la Fédération canadienne des étudiants—bureau national.
Ce n'est pas la première fois que vous venez témoigner et vous savez comment fonctionne le Comité des finances. Vous disposez de cinq minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.
• 1210
Nous allons commencer par M. Gerry Brown, président de
l'Association des collèges communautaires du Canada. Bonjour.
[Français]
M. Gerry Brown (président, Association des collèges communautaires du Canada): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Tout d'abord, monsieur le président et membres du comité, permettez-moi de vous présenter mon collègue, M. Pierre Killeen.
C'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui, à titre de président de l'Association des collèges communautaires du Canada. Comme vous le savez peut-être, il s'agit d'une association nationale et internationale des 175 collèges communautaires, instituts de technologie et cégeps du réseau de l'enseignement public dont les campus se trouvent dans environ 900 localités du pays.
Les collèges et instituts sont des institutions communautaires qui visent à répondre aux besoins de formation des ressources humaines ainsi qu'aux besoins de développement économique de la collectivité. Ces collèges et instituts sont donc particulièrement bien placés pour aider la Canada et les Canadiens à se prévaloir des possibilités qu'offre une économie mondiale fondée sur le savoir.
Avant d'en arriver à l'essentiel de notre mémoire, nous voudrions profiter de l'occasion pour faire publiquement quelques commentaires au sujet du budget fédéral de 1998.
Tout d'abord, nous voudrions saisir l'occasion d'exprimer notre approbation vis-à-vis de la stratégie canadienne sur l'égalité des chances et notre engagement à travailler en collaboration étroite avec le gouvernement et les organismes fédéraux à la mise en oeuvre de cette stratégie. Nous voudrions également remercier le Comité des finances d'avoir soutenu les mesures gouvernementales concernant l'aide aux étudiants.
J'en profite également pour souligner, au nom de nombreux étudiants, que l'endettement des étudiants continue à poser un très sérieux problème. C'est un dossier sur lequel nous devons continuer à défendre les étudiants. Le problème reste constant. En fait, c'est une cause que notre association a décidé de défendre. Nous avons créé un groupe de travail chargé d'examiner d'autres façons de résoudre ce problème et nous nous ferons un plaisir de communiquer les résultats de cet examen au Comité des finances dès que nous les aurons.
Pour ce qui est du contexte budgétaire actuel, le prochain budget représentera un tournant décisif dans le développement économique du Canada. Ce sera le dernier avant le troisième millénaire. Heureusement, le gouvernement dispose d'un excédent budgétaire.
Les événements récemment survenus sur la scène financière internationale incitent les gouvernements du monde entier à réévaluer leur influence dans un monde où la communication est instantanée. La productivité du Canada, notre production par travailleur, demeure faible, comme en témoigne l'étude récente du Conference Board intitulée «Performance and Potential: Assessing Canada's Social and Economic Performance». À mon avis, ces événements rendent le prochain budget particulièrement important.
Pourquoi investir dans les collèges et les instituts? À mon humble avis, la réponse se trouve dans le défi que nous devons relever sur le plan de la productivité. Le budget fédéral pourrait faire de notre pays une société fondée sur le savoir, une société dans laquelle les connaissances plutôt que le capital, les ressources naturelles et la main-d'oeuvre représentent le moteur de l'économie. Dans cet environnement économique, que nous apprenions à être les meilleurs au monde ou que nous nous contentions de regarder nos emplois déménager ailleurs, le principal défi à relever consiste à trouver des moyens d'accroître la productivité de nos travailleurs et de nos industries du savoir.
Nos politiques doivent chercher, en priorité, à soutenir nos institutions et nos infrastructures qui contribuent à élargir le savoir. Les collèges et les universités du Canada sont les bases sur lesquelles repose une économie fondée sur le savoir.
L'émergence du savoir comme facteur de production a créé un milieu où la politique sociale est devenue indissociable de la politique économique. L'investissement dans l'enseignement postsecondaire est parfaitement logique du point de vue économique. L'orientation dans cette voie représente un virage très important dans notre façon de concevoir l'investissement public dans l'éducation.
Quelles sont les priorités budgétaires des collèges et des instituts pour 1999?
Les collèges communautaires, instituts de technologie et cégeps du Canada se sont efforcés de faire plus avec moins. Telle a été la réalité pour nos établissements de tout le pays. Lors des dernières consultations prébudgétaires, nous avons demandé une aide supplémentaire pour les étudiants et le gouvernement nous a écoutés. Aujourd'hui, nous en sommes au point où la réduction continue du soutien financier aux collèges publics se traduit par une augmentation des frais de scolarité. Les étudiants de nos établissements ne peuvent pas s'endetter davantage et le temps est venu de s'attaquer à la cause fondamentale du problème de l'endettement, à savoir le manque de financement de nos établissements d'enseignement. Nous exhortons donc le gouvernement fédéral à investir dans les domaines suivants.
Premièrement, nous exhortons le gouvernement fédéral à appuyer les projets d'infrastructure des collèges. Avec les compressions budgétaires dans toutes les provinces, les priorités se sont concentrées sur les questions humaines et didactiques—ou sur ce que nous appelons la mission essentielle des établissements d'enseignement. Au cours des années, nos infrastructures physiques se sont détériorées de plus en plus.
• 1215
Nous recommandons que les collèges et instituts puissent
obtenir un financement dans le cas de tout programme
d'investissement dans l'infrastructure.
Deuxièmement, nous exhortons le gouvernement à soutenir la technologie éducative et la connectivité de notre réseau de collèges. Nous recommandons plus précisément qu'il établisse un fonds pour la mise en oeuvre de la technologie éducative dans les collèges, instituts et cégeps du Canada. Ce fonds servirait à améliorer la connectivité et à soutenir la mise au point de didacticiels de même que la formation professionnelle des employés dans nos collèges et instituts publics.
Troisièmement, nous exhortons le gouvernement à soutenir la recherche appliquée dans les collèges du Canada. Les collèges et instituts visent à répondre aux besoins économiques et sociaux de leur collectivité. L'industrie a pour habitude de compter sur les collèges pour la formation de sa main-d'oeuvre. Ce modèle de coopération a conduit à des partenariats dans un vaste éventail d'activités de recherche appliquée. Les collèges et instituts se sont lancés dans la recherche appliquée pour répondre à la demande de leurs partenaires qui sont les petites, moyennes et même parfois les grandes entreprises.
Le gouvernement fédéral a reconnu le rôle joué par les collèges et les instituts dans la recherche appliquée par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation, mais ce programme vise à aider les institutions déjà établies et non pas à en créer de nouvelles. Les collèges et les instituts ont le potentiel de répondre à la demande de recherche appliquée à l'échelle nationale, mais il nous faut pour cela l'appui du gouvernement fédéral. Par conséquent, nous recommandons la mise en place d'un programme visant à améliorer le développement de la capacité de recherche appliquée dans nos collèges, instituts et cégeps.
Pour conclure, je crois que nous vivons un moment important de notre histoire. Nous savons que le comité et le gouvernement doivent répondre à un grand nombre de besoins légitimes et divers, mais permettez-moi de répéter l'essentiel de notre message. Il est logique du point de vue économique d'investir dans l'avenir du pays. Cet avenir réside dans les industries fondées sur le savoir. Les établissements d'enseignement, les collèges, les universités, etc., les collèges, instituts et cégeps, sont le principal instrument dont vous disposez pour assurer cet avenir.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Brown.
Nous allons maintenant entendre l'Alliance canadienne des associations étudiantes. J'ai le plaisir d'accueillir M. Hoops Harrison et M. Martin Simard.
M. Hoops Harrison (directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes): Merci beaucoup. Bon après-midi. Je suis accompagné de Martin Simard, notre agent des communications.
L'Alliance canadienne des associations étudiantes est la plus grande organisation étudiante du Canada. Elle représente plus de 275 000 étudiants du niveau postsecondaire. Je voudrais remercier le Comité des finances de nous avoir invités à aborder les questions qui préoccupent les étudiants.
Je voudrais d'abord me faire l'écho de l'ACCC en vous félicitant pour le budget fédéral de l'année dernière. Nous n'hésitons pas à reconnaître que c'est le plus gros investissement qui ait été fait dans l'enseignement postsecondaire. Cela répond à la plupart de nos préoccupations de l'année dernière. Toutefois, nous n'hésitons pas non plus à reconnaître que les étudiants ont encore bien des problèmes non résolus, que nous voudrions signaler à votre attention.
Notre mémoire est accompagné d'un résumé qui fait le tour des principales questions. Martin Simard y a consacré beaucoup de temps et j'espère donc que vous le lirez. De nombreux étudiants du pays ont soumis des mémoires dans l'espoir de se faire entendre par la classe politique.
Je ne me contenterai pas de répéter ce qui figure dans ce document, mais je dirai seulement que le problème fondamental qui préoccupe les étudiants est l'insuffisance du financement des établissements d'enseignement, qu'il soit de source provinciale, fédérale ou autre. Peu importe d'où vient l'argent, que ce soit les provinces qui le donnent aux étudiants ou le gouvernement fédéral, du moment que les étudiants peuvent obtenir un enseignement de qualité et accessible.
Nous nous sommes réunis en juin, à Saskatoon, et nous nous sommes demandé ce que nous pourrions demander au gouvernement. Que pouvons-nous lui demander de faire pour nous? Notre proposition recommande une augmentation des paiements de transfert aux provinces conformément à une série de normes nationales pour l'éducation.
Le dernier exposé mentionnait qu'il fallait faire en sorte que l'argent versé par le gouvernement fédéral dans le cadre des paiements de transfert rejoigne les étudiants en l'absence de contrôles directs sur les fonds. Nous proposons un accord pancanadien qui représente, en fait, des normes nationales pour l'éducation. Nous avons déjà fait cette proposition aux premiers ministres, lors de leur réunion cet été. Nous espérons que les provinces s'entendront sur le fait qu'il est souhaitable d'avoir des normes nationales et que l'esprit de clocher ne pourra pas l'emporter sur le sérieux défi que représente la mondialisation. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous concurrencer d'une province à l'autre. Nous devons soutenir la concurrence mondiale.
• 1220
Nous pouvons également vous envoyer ce même message, mais
c'est la voie par laquelle nous espérons que le financement de
l'éducation sera assuré.
Pour ce qui est de «l'évaluation des besoins», ce n'est pas une expression très séduisante. Cela n'attire pas l'attention des médias. Ce n'est pas aussi frappant que la dette nationale ou les fusions bancaires et ce n'est pas non plus aussi alarmant; néanmoins, c'est une chose qui a beaucoup de conséquences pour la vie des étudiants. L'évaluation des besoins représente les critères en fonction desquels on évalue si les étudiants ont besoin de subventions, de prêts, de bourses ou autre forme d'aide. Le système actuel présente de nombreux défauts. Même si c'est un processus difficile, il faut l'améliorer.
Nous avons l'honneur d'avoir ici le président du comité du développement des ressources humaines et le président du comité des finances de l'année dernière. Les rapports de ces deux comités soulignaient l'importance de résoudre cette question. Nous avons lu l'étude de l'évaluation des besoins réalisée par le ministère du Développement des ressources humaines qui vient d'être rejetée à cause de certains problèmes dans la méthodologie de recherche utilisée. C'est une question qui ne peut pas attendre. Cela ne passionne pas l'intérêt public. C'est à des personnes éclairées comme vous d'examiner le problème.
Nous préparons un document qui sera prêt pour la réunion nationale de décembre. Nous espérons vraiment que le comité et les députés affirmeront le soutien dont ils nous ont fait part l'année dernière.
Comme M. Brown l'a mentionné, l'endettement des étudiants continue de poser un problème. Nous allons laisser les mesures prévues dans le budget de l'année dernière produire des résultats avant de les critiquer et nous n'allons donc pas vous sonner les cloches aujourd'hui.
Toutefois, j'ai eu le plaisir d'assister, ce week-end, à la réunion de l'association des libraires de l'Ouest avec qui nous constituons un regroupement pour l'exonération fiscale du matériel d'apprentissage. Certains groupes ont déjà été constitués par le passé, mais nos deux principaux objectifs consistent à veiller à ce que les manuels scolaires et autres lectures scolaires obligatoires soient exonérés de la TPS et inclus dans le crédit d'impôt pour études. Nous n'avons rien à vous soumettre à ce sujet pour le moment car nous venons tout juste d'adopter officiellement cette résolution, mais nous aurons bientôt quelque chose à vous proposer.
En février, au cours du semestre, j'ai comparu devant ce comité. Certains d'entre vous étaient là, mais pas tous. J'avais des amendements au projet de loi C-28, le projet de loi qui a permis une exonération fiscale pour les frais accessoires. Mais une clause du projet de loi C-28 a exclu les frais d'adhésion aux associations étudiantes de l'exonération fiscale en question. Nous vous avons envoyé ce document, qui est intitulé «Getting Our Money's Worth».
À l'époque, nous avons évoqué d'assez bonnes raisons de ne pas faire preuve de discrimination contre les étudiants tout simplement parce que ce sont des adultes qui choisissent de former leurs propres associations et de fournir des services aux étudiants. Le comité ne nous a pas expliqué pourquoi il n'a pas tenu compte de nos opinions et ainsi de suite.
Donc, mes membres m'ont autorisé à vous dire que nous sommes extrêmement déçus de constater des préjugés sous-jacents contre les associations d'étudiants et les étudiants eux-mêmes. On semble douter de leur capacité de fournir des services aux étudiants. Les gens en question sont des adultes, et non des enfants. J'ignore ce qui se passait au sein des associations étudiantes quand vous faisiez vos études, mais aujourd'hui ces associations ont des budgets de plusieurs millions de dollars et sont indispensables à cause des compressions budgétaires. Si le gouvernement ou l'établissement d'enseignement ne veut pas fournir ces services, quelqu'un doit le faire.
Avec tout le respect que nous vous devons, nous demandons que l'on reconnaisse cette réalité. Ce serait la façon la plus directe.
Je ne veux pas terminer sur un ton désagréable, et je voudrais maintenant céder ma place à tous les autres qui désirent parler. Je tiens à remercier le comité de cette occasion, et je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Harrison.
Nous passons maintenant au témoignage de M. Robert Léger, de l'Association canadienne des professeurs d'université. M. Léger est analyste principal des politiques auprès de cette association. Bienvenue.
[Français]
M. Robert Léger (analyste principal de la politique et agent des relations avec les gouvernements, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés,
[Traduction]
l'Association canadienne des professeurs d'université est heureuse d'avoir cette occasion de comparaître devant le Comité permanent des finances pour faire un exposé prébudgétaire. Notre association représente quelque 28 500 professeurs d'université, bibliothécaires universitaires et chercheurs aux universités de toutes les provinces du Canada.
Depuis dix ans, les Canadiens ont subi des réductions importantes de l'aide gouvernementale aux études postsecondaires, aux soins de santé et aux programmes sociaux. Depuis 1993, le financement gouvernemental direct aux universités a baissé de 13,3 p. 100 en dollars constants. Ces compressions sont largement attribuables aux réductions des paiements de transfert du fédéral aux provinces, qui ont baissé d'environ 7 milliards de dollars depuis 1993-1994.
• 1225
Le gouvernement fédéral évoque le déficit et la réduction de
la dette pour justifier ses compressions, même si une étude de
Statistique Canada a révélé que les programmes sociaux ont
contribué très peu à l'augmentation du déficit par le passé. Par
conséquent, les universités canadiennes sont à un désavantage par
rapport aux universités américaines. C'est même le cas pour
l'Université de Toronto, l'université la plus importante au Canada.
Pour faire face à ces compressions, les institutions postsecondaires et les gouvernements provinciaux ont dû augmenter les frais de scolarité et ont dû chercher un plus grand appui du secteur privé. En moyenne, les frais de scolarité des étudiants en lettres au premier cycle au Canada ont augmenté de plus de 90 p. 100 au cours des huit dernières années, et l'endettement étudiant est de plus en plus lourd. De plus, l'augmentation des frais de scolarité a réduit l'accès aux études postsecondaires.
Les compressions menacent également la qualité des études universitaires au Canada. Par exemple, le rapport étudiant- professeur devient de plus en plus défavorable. Les bibliothèques de recherche sont un autre exemple, car leur réputation diminue depuis quelques années. Les exigences du secteur privé, toujours axées sur le marché, menacent l'intégrité des universités et leur engagement à la liberté universitaire et à l'équilibre nécessaire entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.
Il faut reconnaître que les dommages seront bientôt irréversibles. L'Association canadienne des professeurs d'université exhorte le gouvernement fédéral à prendre des mesures vigoureuses pour rétablir le financement des études postsecondaires et à s'assurer que les argents alloués sont dépensés dans le domaine désigné.
À notre avis, le gouvernement fédéral devrait établir un fonds destiné aux études postsecondaires, régi par une loi sur les études postsecondaires énoncerait les responsabilités du fédéral et des gouvernements provinciaux, fixerait des normes, prévoirait des mécanismes de mise en application et établirait une formule de financement. L'objectif de cette loi serait de faire respecter certaines normes nationales. Parmi ces normes on retrouve l'administration publique, l'accessibilité, la liberté universitaire, la mobilité des étudiants, ainsi que le maintien et le renforcement des activités de recherche.
[Français]
Nous reconnaissons que la province de Québec ne partage pas cette approche et nous respectons son droit. Jusqu'au moment où se dénouera l'impasse dans les relations entre le Québec et le Canada, notre approche favorisera des arrangements spéciaux avec le Québec qui ne seraient pas nécessairement ouverts aux autres provinces.
[Traduction]
Pour ce qui est de l'aide aux étudiants, nous voulons répéter ce que nous avons fait valoir dans notre mémoire au Comité permanent des finances de mai 1998. D'après nous, le fonds pour les bourses du millénaire doit être transformé en un programme de subventions entièrement basées sur les besoins.
[Français]
J'aimerais aussi demander au comité d'accorder une attention spéciale aux demandes formulées par la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants en ce qui a trait à l'aide aux étudiants, puisque nous n'y accorderons pas tellement de temps.
[Traduction]
Pour ce qui est de la recherche, comme nous avons dit dans le mémoire que nous avons présenté au comité en juin, nous sommes entièrement d'accord pour augmenter le financement fourni aux trois conseils subventionnaires. Nous appuyons également un financement pour les instituts canadiens pour les recherches en santé, une initiative proposée par le Conseil de recherches médicales.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Léger.
[Traduction]
Le témoin suivant est Elizabeth Carlyle, du bureau national de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Madame Carlyle, je vous souhaite la bienvenue.
[Français]
Mme Elizabeth Carlyle (présidente nationale, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants—Bureau national): Bonjour et merci de votre attention. Je représente la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Nous sommes le plus grand organisme d'étudiants au Canada et le deuxième plus grand au monde.
[Traduction]
Je travaille pour la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, qui représente les étudiantes et étudiants d'une soixantaine de collèges, universités et instituts de toutes les régions du pays. Grâce aux assemblées générales nationales que tient la Fédération deux fois l'an, et grâce à l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, que beaucoup d'entre vous connaissent sans doute, nos membres ont pu analyser le budget fédéral de 1998, et ils ont proposé tout un ensemble de mesures pour répondre aux besoins des étudiants dans le budget fédéral de 1999 et dans les années à venir. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'Association canadienne des professeurs d'université et l'Association des universités et collèges du Canada, et nous nous sommes mis d'accord sur un certain nombre de mesures. Le financement de base des études postsecondaires figure certainement parmi nos plus grandes préoccupations, et c'est clairement la recommandation la plus importante que nous avons formulée pour vous.
Toutefois, en général, les étudiants de tout le pays trouvent que le gouvernement fédéral n'a rien fait pour résoudre les dilemmes les plus difficiles qui se présentent aux étudiants. Le budget de 1998, que le gouvernement appelle le budget de l'éducation, les a déçus.
Pour ce qui est des tendances d'aujourd'hui et de demain, nous savons qu'entre 1993 et 1999, le gouvernement fédéral aura réduit les paiements de transfert aux provinces pour les études postsecondaires et la formation de 7 milliards de dollars. Donc, les gouvernements provinciaux ont dû s'adresser à d'autres sources pour des revenus, et le plus souvent, les frais de scolarité que paient les étudiants sont l'autre source.
Comme les frais de scolarité ont monté en flèche, et comme le programme d'aide financière aux étudiants offre surtout des prêts étudiants, toute une génération de jeunes a dû assumer des dettes énormes et vivre en dessous du seuil de la pauvreté. Ils ont dû travailler à temps partiel en faisant leurs études, et une fois les études terminées, ils doivent faire face au chômage et au sous-emploi.
[Français]
Vingt-sept pour cent des Canadiens vivant sous le seuil de la pauvreté ont une éducation postsecondaire. En dépit de la nécessité de l'éducation postsecondaire, le nombre d'étudiants à temps partiel enregistrés qui cherchent de l'emploi a diminué depuis 1993. À Terre-Neuve, ce pourcentage s'élève même jusqu'à 45 p. 100.
[Traduction]
Lors de sa récente déclaration économique et fiscale, le ministre fédéral des Finances, Paul Martin, se vantait que les dépenses pour les programmes sociaux étaient au plus bas niveau depuis 1949. Donc, de nombreuses institutions ont dû non seulement augmenter les frais de scolarité mais aussi chercher des partenaires dans le secteur privé pour combler l'écart. Privatiser l'éducation postsecondaire comporte de nombreux dangers réels, et certains cas le démontrent, comme le Career Academy à Terre-Neuve, qui a fermé ses portes du jour au lendemain, laissant plusieurs centaines d'étudiants au dépourvu; les projets du président de l'Université de la Colombie-Britannique, M. David Strangway, visant à offrir un meilleur niveau d'instruction à ceux qui ont les moyens; et le contrôle sans précédent exercé par le donateur millionnaire Joseph Rotman sur l'école d'administration de l'Université de Toronto.
Le régime d'aide financière aux étudiants du gouvernement fédéral est basé sur des prêts offerts aux étudiants à faible revenu et des crédits d'impôt et d'autres incitatifs aux étudiants à plus forts revenus et leurs familles. Toutefois, l'endettement moyen des étudiants qui finissent ce printemps sera de 25 000 $.
Cependant, il y a quelques bonnes nouvelles dans le budget de l'année dernière. Nous nous réjouissons des nouvelles subventions d'études pour les étudiants avec personnes à charge ainsi que de l'augmentation du financement des organismes subventionnaires. Certains étudiants bénéficieront de l'allégement des intérêts. Toutefois, le budget de l'année dernière est également une source de déception pour les étudiants. Le fonds des bourses du millénaire ne viendra en aide qu'à 7 p. 100 des étudiants chaque année. Par ailleurs, l'administration du fonds et les comptes à rendre à la population devraient se faire par le biais des mécanismes actuels de Développement des ressources humaines Canada.
Les changements à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et les projets visant à vérifier les antécédents en matière de crédit des demandeurs de prêts étudiants sont discriminatoires à l'endroit des étudiants. Et la plus grande privatisation de l'administration des prêts étudiants a certainement réduit l'accès des étudiants. C'est maintenant les politiciens qui décident à huis clos qui est admissible à un prêt étudiant. Les critères d'admissibilité du nouveau programme de remise de dette sont trop restrictifs, et les crédits d'impôt fédéral pour études sont non remboursables. Donc, ces crédits d'impôt n'aident aucunement les étudiants dont les revenus sont trop faibles.
Les régimes d'épargne pour les études du Canada posent un problème également, parce qu'en règle générale, ils aident les gens qui ont les moyens d'épargner pour les études de leurs enfants, ce qui est loin d'être le cas pour la majorité des Canadiens.
Maintenant permettez-moi de passer aux recommandations. Nous exhortons les membres du comité à mettre les recommandations suivantes en vigueur, afin de fournir un plus grand accès à des études postsecondaires publiques de grande qualité au Canada. Notre recommandation la plus importante, et je dois répéter que c'est celle qui nous tient le plus à coeur, est d'augmenter les transferts en espèces aux provinces pour les études postsecondaires pour qu'ils atteignent au moins le niveau de 1993, en tenant compte de l'inflation, bien sûr. Et nous sommes d'accord pour dire—nous nous attirons l'attention du comité à ce problème depuis des années—qu'il faut fixer certains critères visant les provinces pour s'assurer que les sommes sont dépensées pour les fins auxquelles elles sont destinées.
Nous sommes également d'avis que l'aide financière aux étudiants doit être bonifiée. Nous avons constaté quelques problèmes qui découlent du budget de l'année précédente. Un des problèmes les plus pressants, c'est que les arrangements pour partager les risques avec les institutions financières ne fonctionnent pas bien pour les étudiants ni pour les institutions financières elles-mêmes, et il ne faut pas renouveler ces arrangements. Il nous faut un meilleur programme de réduction de l'endettement qui serait disponible dès la première année de remboursement, et le Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire doit être basé exclusivement sur les besoins. Nous sommes certainement d'accord avec les autres intervenants du milieu des études postsecondaires pour dire que le mérite n'est pas un critère utile, tout simplement parce qu'il tend à allouer des ressources à des étudiants qui ont déjà accès aux études postsecondaires. Quant au fonds, comme je l'ai déjà dit, il doit être administré par le secteur public.
• 1235
Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement abroge
l'interdiction de déclarer faillite imposée pendant dix ans aux
étudiants qui ont contracté un emprunt. C'est une mesure carrément
discriminatoire, et il faut la supprimer. Il faut également
résoudre les problèmes du sous-emploi et du chômage, non seulement
pour les étudiants mais aussi pour tous les jeunes Canadiens. Les
transferts aux provinces et territoires pour la formation doivent
être rétablis, ce qui aiderait énormément les cégeps au Québec, par
exemple. Il faut améliorer et élargir les programmes
d'apprentissage au Canada. Et dans le cadre d'une stratégie de
plein emploi au Canada, le gouvernement fédéral doit faire preuve
de leadership en fixant des cibles d'emploi sensées pour le Canada
et en instaurant des programmes pouvant offrir des emplois utiles
et équitablement rémunérés pour les étudiants et les nouveaux
diplômés. D'ailleurs, les nouveaux règlements en matière
d'assurance-emploi frappent les jeunes Canadiens de plein fouet, et
nous recommandons des modifications à ces règlements afin de
permettre à plus d'étudiants et nouveaux diplômés d'être
admissibles à l'assurance-emploi.
Nous sommes également d'accord avec les autres groupes autour de la table pour dire que le financement des conseils de recherche est important. Le CRSH n'a certainement pas reçu sa juste part, et il faut corriger cette iniquité. Nous sommes également d'avis que l'équité fiscale et l'amélioration des mesures fiscales à l'intention des étudiants sont très importantes. Les étudiants réclament depuis longtemps une augmentation de la part non imposable des bourses, en la faisant passer de 500 $ à 2 000 $, afin de compenser pour l'inflation qui a eu lieu depuis 1973-1974. Je crois que c'était la dernière fois que le gouvernement a modifié ce chiffre. Et les crédits d'impôt pour les frais de scolarité et d'autres dépenses relatives aux études doivent être remboursables pour que tous les étudiants puissent en bénéficier.
Pour ce qui est de l'équité fiscale, nous voudrions que beaucoup de mesures proposées dans l'alternative budgétaire du gouvernement fédéral soient mises en vigueur. Le comité a déjà débattu de telles mesures. Par exemple, il faut s'assurer que les Canadiens gagnant des revenus moyens ne sont pas assujettis à des impôts excessifs et que les riches, les grandes sociétés et les grands joueurs financiers internationaux paient leur part des impôts.
Mais de façon générale, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants exhortent les membres de ce comité à exiger un réinvestissement dans le financement de base prévu pour les études postsecondaires. Ce ne sont pas les crédits ou les réductions d'impôt, les programmes ciblés d'aide, les partenariats établis entre les secteurs public et privé ou même les subventions aux étudiants qui vont pouvoir nous apporter les améliorations à long terme si nécessaires quant à la qualité des études postsecondaires au Canada et quant à l'accès à ces études.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Carlyle.
Nous allons passer maintenant à un tour de questions et réponses de cinq minutes pour chacun. Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci beaucoup. Je vous remercie de vos exposés limpides.
Ayant travaillé dans le domaine de l'enseignement pendant 31 ans avant de devenir député, je peux très bien compatir aux problèmes des universités, des collèges et des étudiants. J'ai travaillé dans ce secteur au moment des coupures et je sais ce que c'est que de voir le nombre d'étudiants d'une classe augmenter tandis que le financement se rétrécit. De façon générale, ces coupures avaient un impact très dévastateur sur les établissements d'enseignement, même à l'institut technique où je travaillais à l'époque.
J'ai quelques questions précises. Cette idée de rendre les collèges admissibles au financement d'infrastructure m'attire beaucoup. Je crois que c'est la première fois qu'on présente une telle possibilité et je vous félicite de l'avoir suggérée. Du moins je ne suis pas au courant qu'une telle proposition a déjà été faite, monsieur le président, au cas où je me tromperais. C'est la première fois que j'entends parler d'une telle idée.
Quant au financement de base et au financement provenant du gouvernement fédéral, nous savons tous que l'enseignement postsecondaire est géré par les provinces et que le gouvernement actuel a amalgamé tout le financement et dit, par la suite, qu'il incombe maintenant aux citoyens de chaque province de demander des comptes aux politiciens provinciaux quant à la répartition de ce financement. De plus en plus les représentants du secteur de la santé et maintenant du secteur de l'enseignement me disent qu'ils préféreraient que le gouvernement fédéral revienne à l'ancien système par lequel tout l'argent est désigné et où on précise qu'un certain montant doit être prévu pour la santé, un autre montant pour l'éducation, et ainsi de suite.
• 1240
Croyez-vous vraiment que la meilleure solution consisterait à
donner aux politiciens loin là-bas à Ottawa le contrôle du niveau
de financement plutôt qu'à donner une certaine souplesse aux
provinces? Peut-être que les provinces seront en mesure de
transférer de l'argent du secteur de la santé ou d'un autre
programme à l'enseignement postsecondaire, et peut-être qu'elles
pourraient le faire plus facilement si elles n'étaient pas limitées
par les conditions imposées par le gouvernement fédéral. J'aimerais
entendre votre point de vue à ce sujet.
Mme Elizabeth Carlyle: Nous aimerions certainement voir le gouvernement fédéral jouer un rôle prépondérant dans la répartition du financement destiné aux programmes sociaux d'éducation et de santé. Cependant, étant donné la structure provinciale-fédérale qui existe au Canada et la situation qui existe à l'heure actuelle dans la province de Québec, nous avons l'impression que cela ne va jamais fonctionner.
Nous croyons qu'il faut conclure des ententes avec les provinces, par l'entremise des lois fédérales, et que les provinces doivent être d'accord, sinon la loi sera vide de sens et n'aura jamais le soutien des provinces. Il faut comprendre que les décisions en matière d'éducation sont prises surtout au niveau provincial et qu'il faut communiquer et travailler ensemble.
M. Ken Epp: Merci.
M. Hoops Harrison: J'étais en Alberta en fin de semaine et j'ai eu l'occasion de parler avec quelques citoyens de Sherwood Park, monsieur Epp, et ils m'ont dit qu'ils se fichent royalement de ces questions de compétence provinciale-fédérale et de ces chicanes en ce qui concerne les pouvoirs. Ils m'ont dit simplement d'expliquer, aux membres de ce comité, qu'il nous faut plus d'aide.
Quant à savoir qui devrait établir les normes ou faire respecter les critères, nous devons tous nous rendre compte que nous ne pouvons plus vivre en vase clos dans nos petits coins respectifs du pays. Il y a tout un monde qui nous entoure et où il nous faut livrer concurrence. Notre dollar, qui perd de sa valeur, et toutes ces choses-là démontrent que c'est le cas. Mieux vaut s'unir et se fixer une norme que de passer notre temps à se demander s'il incombe au gouvernement fédéral ou aux provinces de cibler l'argent. Nous devrions établir une norme minimale de qualité et d'accès pour s'assurer que, peu importe où votre école se trouve au Canada, vous allez recevoir une éducation canadienne qui respecte ces normes.
Pour ce faire, il nous faut une entente pancanadienne, et il faut prévoir assez d'argent pour financer un système d'éducation comme cela. C'est pour cette raison que nous demandons une augmentation du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
Le président: Monsieur Léger et monsieur Brown.
[Français]
M. Robert Léger: Monsieur Epp, notre problème se situe au niveau du système actuel.
[Traduction]
Le problème, c'est le Transfert, et nous disons aujourd'hui qu'il faut le réformer. Nous ne savons pas s'il vaut mieux prévoir un financement distinct, et nous ne préconisons pas de prévoir moins d'argent pour la santé ou d'autres programmes de ce genre, mais il devrait être clair que l'argent est prévu pour l'éducation post- secondaire, pour la santé, et ainsi de suite.
Il y a un problème très grave quant au financement de base des universités, et il va falloir le régler. C'est pour cette raison que nous soulevons cette question ici aujourd'hui.
Le président: Monsieur Brown.
M. Gerry Brown: J'aimerais faire écho aux observations de mon collègue. Les questions soulevées ce matin ne font pas partie intégrante de notre présentation, car nous avons adopté une autre approche en vue d'essayer de créer en quelque sorte une piste de vérification pour le transfert des fonds. C'est la difficulté que nous voyons à l'heure actuelle.
Lors de mes entretiens avec des présidents et des représentants des collèges communautaires du Canada, on finit toujours par parler du fait qu'il y a eu une réduction du financement de base, qui est à la base des problèmes que nous éprouvons depuis quelques années.
Il est clair qu'il faut régler ce problème. J'imagine qu'il vous incomberait de décider si vous voulez examiner la question sous l'angle proposé ici. Mais il est clair, et je répète ce qui a été dit ce matin, que les paiements de transfert posent un problème.
Nous avons dit vouloir une piste de vérification; nous voulons pouvoir déterminer où va l'argent. Si vous voulez transférer de l'argent, nous voulons voir la piste de vérification. Il serait bon de trouver une formule qui préconise une augmentation du financement de base ainsi qu'une piste vérification afin de déterminer où va l'argent, peu importe s'il s'agit du secteur de la santé, du secteur postsecondaire, etc. Nos membres disent tous qu'il faut augmenter le financement et il faut prévoir un genre de piste de vérification.
Le président: Merci, monsieur Brown. Merci, monsieur Epp.
[Français]
Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras: J'aimerais faire trois petits commentaires avant de passer aux mémoires qui ont été déposés.
Tout d'abord, monsieur Léger, vous faites bien de dire que la situation actuelle de notre système d'éducation est due à la réduction des transferts. Vous recommandez une réforme du Transfert social canadien. Nous avons été les premiers à revendiquer une telle réforme. La mise en place du Transfert social canadien a eu pour conséquence une réduction des paiements de transfert aux provinces en matière d'éducation et de santé. Je suis bien d'accord avec vous là-dessus.
• 1245
Monsieur Harrison, vous dites que des normes
nationales doivent être incluses et respectées dans
le plan d'action du gouvernement fédéral. Je tiens à
souligner que l'éducation est un champ de compétence
exclusif aux provinces. Toute ingérence et toute mise
en place de normes nationales, par n'importe quel
programme que ce soit, est une intrusion injustifiée et
injustifiable de la part du gouvernement fédéral.
C'était là mon commentaire.
Monsieur Harrison, je ne voudrais pas que vous m'en vouliez, mais je me rapproche davantage des positions de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants du Canada que de celles de l'Alliance canadienne des associations étudiantes.
Quant à l'entente de collaboration qui doit exister entre le fédéral et le provincial, je suis d'accord avec vous. Cela s'appelle l'union sociale canadienne. Le Québec a voulu y participer, mais M. Chrétien l'a rejeté. Voilà les commentaires que je désirais faire.
Avant de passer au mémoire, je vais me concentrer presque exclusivement sur l'Association des collèges communautaires du Canada, qui est représentée par M. Brown. Je vais poser quelques questions à M. Brown.
Je me réjouis que vous ayez parlé du Transfert social canadien parce que je trouvais bizarre que les représentants des universités nous aient tous parlé de l'impact de la réduction des transfert, tandis que dans votre mémoire, vous ne semblez pas en traiter pas du tout. Je suis donc bien heureux que vous en ayez fait une mention en réponse aux questions de mon collègue Epp.
Vous dites que l'endettement étudiant vous préoccupe, que c'est une question importante et que vous examinez la question. J'inviterai aussi M. Harrison et Mme Carlyle à répondre à mes questions s'ils le désirent. Est-ce que vous avez envisagé un mode de remboursement de l'endettement étudiant proportionnel au revenu? Avez-vous songé à geler les intérêts à partir du moment où l'étudiant décroche un emploi et à lui demander de rembourser le prêt de façon proportionnelle à son revenu?
Je tiens à vous rappeler qu'au Québec, l'endettement moyen des étudiants à la fin de leurs études est actuellement de l'ordre de 11 000 $, tandis qu'ailleurs au Canada—Mme Carlyle pourra le préciser—, il s'élève à plus de 20 000 $. Vous êtes-vous déjà penchés sur un mode de remboursement particulier?
M. Gerry Brown: Pour l'instant, on n'a pas de mode particulier en tête. Nous avons consacré beaucoup d'énergie aux travaux relatifs au budget l'année dernière. On avait eu en quelque sorte la même réaction qu'au niveau fédéral et on croyait que, d'une certaine façon, le problème était réglé. Mais en parlant avec nos membres et de nombreux étudiants et étudiantes dans nos collèges, on constate que le problème est encore très, très présent.
Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, à la suite de cette constatation, nous avons constitué un groupe de travail en vue d'étudier ce dossier un peu plus en profondeur. Dès que nous obtiendrons des résultats, nous serons tout disposés à vous les remettre.
Il faut aussi dire qu'on fait l'étude en dehors de la track, comme on dit en bon français. Notre étude visait à identifier les problèmes au niveau du taux d'endettement et à voir s'il existait des solutions qu'on n'avait pas envisagées auparavant. Nous en sommes à ce point-là. Nous espérons qu'on nous soumettra un rapport bientôt.
Le président: Madame Carlyle.
Mme Elizabeth Carlyle: Je vous remercie pour cette question parce qu'elle représente vraiment une des plus grandes préoccupations des étudiants. Nous croyons qu'à long terme, il faudra diminuer le montant du prêt et que, peu importe le programme de remboursement, il ne saura pas satisfaire aux besoins des étudiants. Dans la version anglaise de notre document qui s'intitule Compromising access, on indique très clairement que peu importe le modèle de prêts dont le remboursement est proportionnel au revenu, il n'a jusqu'ici pas fonctionné pour les étudiants, où que ce soit dans le monde. Il en est ainsi parce que le remboursement est lié au paiement d'intérêts et à d'importantes augmentations des frais de scolarité, et donc à de plus importantes dettes. En raison de ces facteurs, il est presque impossible... Je comprends qu'au Québec, le mouvement étudiant recommande qu'on adopte un modèle un peu différent, que le gouvernement paie les frais d'intérêt et que le gouvernement et les institutions s'engagent à s'assurer que des hausses en frais de scolarité n'auront pas lieu. Ce modèle pourrait peut-être fonctionner, bien que je doute que ce pourrait être le cas dans le reste du Canada, étant donné notre relation avec le gouvernement fédéral sur cette question et les modèles qu'on a envisagés jusqu'à maintenant. Cela ne saurait satisfaire les étudiants canadiens qui ont déjà emprunté des sommes importantes et qui ne pourront pas assumer d'importantes hausses de leurs frais de scolarité en plus de paiements d'intérêt.
[Traduction]
Le président: Monsieur Harrison, avez-vous une dernière observation à faire?
M. Hoops Harrison: Je tiens simplement à apporter quelques précisions quant à notre position, parce que je crois qu'on nous a peut-être mal compris. Auparavant nous avons dit que nous voulons des normes nationales. Nous ne nous présentons pas devant le Comité des finances pour demander qu'on adopte une loi fédérale qui serait comme une loi canadienne sur l'éducation, semblable à la Loi canadienne sur la santé.
Nous avons proposé une entente pancanadienne aux provinces lors de la réunion des premiers ministres à Saskatoon parce que nous voulons que les provinces se réunissent, comme vous l'avez dit, dans une sorte d'union sociale dans le but de se mettre d'accord sur les normes permettant au Canada de jouer un rôle d'un chef de file sur la scène internationale. Alors nous ne cherchons pas à empiéter sur la compétence provinciale; nous cherchons, en toute honnêteté, à mettre fin à toutes les chicanes internes du pays pour que le Canada puisse commencer à faire concurrence aux autres pays du monde.
Je voulais simplement préciser cet aspect.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.
Je n'ai qu'une seule question. Je tiens à dire que tous les exposés étaient excellents.
Monsieur Harrison, il me semble que votre proposition de rendre les frais supplémentaires déductibles du revenu imposable est très modeste compte tenu du montant de ces frais, c'est-à-dire 100 ou 150 $. Je sais que c'est plutôt important. Pourquoi êtes- vous tellement modeste? Pourquoi ne pas être un peu plus audacieux et proposer que tous les coûts payés par une personne dans le but de poursuivre des études postsecondaires puissent être déduits du revenu imposable? Une telle disposition existe pour les gens en affaires. Je vous suggère, dans la limite de ce qui est raisonnable, que de pouvoir déduire ces coûts du revenu imposable pendant plusieurs années après l'obtention d'un diplôme.
Il y a bien des années, nous avons décidé que pour donner raisonnablement accès à l'éducation à tout le monde, les écoles secondaires seraient gratuites. Il n'y a donc pas de frais de scolarité pour les écoles secondaires. Elles sont ouvertes à tous jusqu'à la douzième année. Je ne sais pas à quelle date cela remonte, aux années 20 ou 30, j'imagine. Si on avait jugé bon d'aller jusqu'à la douzième année en 1930, on devrait sûrement pouvoir aller jusqu'à la seizième année en l'an 2000.
Pourquoi ne réclamez-vous pas des universités et des collèges gratuits comme cela existe depuis des années dans la plupart des pays progressistes?
M. Hoops Harrison: Pour commencer, au sujet des frais secondaires, à l'heure actuelle, les frais de scolarité et les coûts de l'éducation donnent droit à un crédit d'impôt. Les seuls frais qui ne donnent pas droit à un crédit sont les cotisations aux associations étudiantes. Il y a là une discrimination particulière qui, évidemment, je dirais, et pénalisante. J'ai consacré une bonne partie de ma vie à défendre les intérêts des étudiants, et je trouve ce préjugé contre nous quelque peu décourageant.
En ce qui concerne l'université gratuite, personnellement, je ne suis pas en faveur, et c'est également l'opinion de beaucoup de mes membres car cela favoriserait les riches. Cette mesure serait favorable aux riches. On voit que la moitié environ des étudiants ont besoin d'aide financière. La moitié des étudiants ont un besoin pressant, les autres peuvent faire face aux coûts actuels. Si cela devient gratuit pour tout le monde...
M. Nelson Riis: Faites-vous une distinction entre les étudiants du secondaire et ceux des collèges et des universités? Est-ce que vous êtes pour ou contre l'idée d'imposer des frais de scolarité aux étudiants du secondaire qui viennent de familles aisées?
M. Hoops Harrison: Je ne veux pas parler des étudiants du secondaire. Je ne les représente pas, je ne suis donc pas autorisé à parler pour eux.
M. Nelson Riis: Mais vous voyez une grosse différence entre la treizième année et la douzième année sur le plan des frais de scolarité?
M. Hoops Harrison: Il existe une raison pour laquelle on fait une distinction entre l'université et l'éducation secondaire Il y a des différences entre les deux.
En fait, nous sommes contre les frais de scolarité élevés et les programmes d'aide aux étudiants mal conçus, mais nous ne sommes pas forcément en faveur de la gratuité, parce que cela équivaut à un supplément pour les riches. Nous devons avant tout subvenir aux besoins des étudiants les plus pauvres. Ensuite, si des excédents budgétaires le permettent, nous pourrons penser à réduire les frais de scolarité, et même, éventuellement, à la gratuité.
Le président: Merci, monsieur Harrison.
Monsieur Brown, vous avez quelque chose à ajouter?
M. Gerry Brown: Non.
Le président: D'accord. Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président, et merci à tous pour vos exposés.
Monsieur Harrison, je sais que vous êtes en faveur du fonds du millénaire, et d'un autre côté, je sais qu'il est difficile de critiquer la bride d'un cheval donné. Toutefois, vous venez nous dire aujourd'hui qu'il y a de bonnes raisons pour rétablir les transferts. Ne pensez—vous pas que si la coopération entre le fédéral et les provinces était meilleure, si nous abordions la question de l'éducation d'une façon plus nationale et plus concertée, les provinces seraient mieux à même de prendre des décisions dans le domaine de l'éducation et de la santé si nous rétablissions ce financement? Et on peut même aller plus loin et dire que ces 2,5 milliards de dollars du fonds du millénaire pourraient remplir un grand nombre de ces ornières qui se sont creusées depuis 1993 avec les coupures dans les paiements de transfert destinés à la santé et au domaine social.
• 1255
Il est certain que ce fonds du millénaire est une pierre
d'achoppement non négligeable entre le fédéral et les gouvernements
provinciaux. Par exemple, il est possible de se mettre d'accord sur
le pourcentage des transferts qui doit être consacré à la santé, à
l'éducation, etc., mais est-ce que ce ne sont pas les provinces qui
devraient décider de la façon de répartir les fonds destinés à
l'éducation? Par exemple, comme mon collègue québécois l'a signalé,
cette province a un excellent programme d'aide aux étudiants au
niveau postsecondaire.
Comme le vérificateur général l'a signalé, il y a des questions de reddition de comptes avec le fonds du millénaire également.
Je pense donc que vous ne devez pas vous laisser séduire par ce cadeau qu'est le fonds du millénaire et que vous devez rester conscient des limites et des difficultés inhérentes à un programme qui coûte 2,5 milliards de dollars et qui ne profitera qu'à 7 p. 100 des étudiants qui veulent poursuivre des études postsecondaires. En effet, il y a d'autres possibilités. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Hoops Harrison: Merci beaucoup.
Pour commencer, quand vous dites que le fonds du millénaire ne profitera qu'à 7 p. 100 des étudiants, il y a des mensonges, des mensonges éhontés, des statistiques, et tout dépend de la façon dont vous cadrez les choses. Si ce fonds du millénaire est distribué comme on le prétend officiellement, il servira aux étudiants qui en ont le plus besoin, et dans ce cas-là, il touchera 100 000 étudiants par année. À l'heure actuelle, 400 000 étudiants bénéficient d'une aide financière. Autrement dit, le fonds touchera 25 p. 100 des étudiants qui en ont le plus besoin. L'impact est donc mesurable.
Il s'agit donc d'un cheval donné en cadeau, et comme nous l'avons tous vu, ces jours derniers, le premier ministre fait pratiquement ce qui lui plaît, et s'il décide de verser 2,5 milliards de dollars directement aux étudiants, je ne vous dirai pas... C'est un financement direct.
Si nous demandons qu'on rétablisse les normes nationales des transferts dans le domaine de la santé et dans le domaine social, c'est parce que si vous augmentez les transferts aujourd'hui, Mike Harris va s'en servir pour réduire les impôts. Nous sommes là pour défendre les intérêts des étudiants et du système d'éducation, et nous devons être certains que l'argent servira l'intérêt national ou d'autres intérêts, mais à condition que ce soit dans le domaine de l'éducation.
Le président: Je donne la parole à M. Léger, qui sera suivi de Mme Carlyle.
[Français]
M. Robert Léger: Monsieur Brison, nous jugeons qu'il est important que les sommes affectées aux bourses du millénaire soient remises aux étudiants qui en ont le plus besoin. C'est pourquoi nous disons que les critères doivent être basés sur le besoin, et non pas sur le mérite. Si on base l'attribution des bourses sur des critères de besoin, ce sont les étudiants les plus pauvres qui vont en bénéficier.
[Traduction]
Et c'est ce qui est important. Ce sont les étudiants pauvres qui doivent profiter de ce fonds, et pour l'instant, cela ne semble pas prendre cette tournure. Merci.
Mme Elizabeth Carlyle: Les observations que nous avons entendues illustrent bien les difficultés considérables que pose le Fonds de bourses d'études du millénaire. Il ne faut pas oublier que sans un financement de base, des initiatives comme le Fonds de bourses d'études du millénaire n'auront pas les effets recherchés pour la grande majorité des étudiants, car quand vous dites que 400 000 étudiants seulement ont besoin d'aide financière, ce n'est pas vrai. Il y a un très grand nombre d'étudiants qui n'ont pas de bourses d'études, qui travaillent pour subvenir à leurs besoins, qui ont parfois deux ou trois emplois à temps partiel et qui, eux aussi, ont besoin d'aide financière. Ils sont très nombreux dans cette situation.
En fin de compte, le problème du Canada, c'est qu'il est un des deux seuls pays au monde—l'autre étant le Japon—à ne pas avoir un système national de bourses. Le fait que les fonds destinés actuellement à l'éducation postsecondaire sont actuellement insuffisants vient encore aggraver cette situation. Par conséquent, avant de dire que le fonds du millénaire est un cadeau qu'on donne aux étudiants, il faudrait bien réfléchir et mettre en place un mécanisme qui fonctionne. Jusqu'à présent, on n'a pas suffisamment réfléchi aux modalités d'application de ce fonds de bourses d'études et il n'aidera pas ceux qui en auraient le plus besoin.
Le président: Monsieur Brown, une dernière intervention.
M. Gerry Brown: Je pense qu'il faudrait éviter de mettre en équation le fonds du millénaire et le financement de base. Il me semble que ce serait une erreur. Les collèges, les instituts et les cégeps que nous représentons nous disent que le financement de base ne sert pas seulement à éponger la dette étudiante, loin de là. Si vous étudiez attentivement la dette étudiante, les frais de scolarité en sont un élément mineur, un fait que les collègues qui m'entourent contesteraient probablement.
Le financement de base est lié directement à la qualité de l'instruction, infrastructures en place, à ce genre de choses. C'est à ce niveau-là que le financement de base est important, c'est ce que me disent les établissements que je représente.
En attendant, il faut faire face à la réalité et constater que le financement de base a été diminué. Nous avons une stratégie canadienne. Nous avons le fonds du millénaire. Nous devons nous accommoder le mieux possible de la situation. Mais je pense que pour l'instant il faudrait éviter de mettre en équation la dette étudiante et le financement de base.
Le président: Merci, monsieur Brown.
Nous allons accorder encore deux questions, l'une à Sophia Leung, l'autre à M. Reg Alcock.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier tous pour vos excellents exposés.
Monsieur Brown, vous avez formulé un certain nombre de recommandations, par exemple pour financer l'infrastructure, et également un fonds pour la technologie, etc. J'aimerais savoir ce que vous pensez du fonds pour l'innovation. C'est une source de financement considérable. Mais aucun d'entre vous n'en a parlé. En fait, cela pourrait permettre de réaliser certaines de vos recommandations.
Qu'en pensez-vous?
M. Gerry Brown: Vous voulez parler du Fonds de la fondation canadienne pour l'innovation?
Mme Sophia Leung: Oui.
M. Gerry Brown: Le fonds qui a été réservé aux collèges, ou le fonds en général?
Mme Sophia Leung: En général.
M. Gerry Brown: Eh bien, en général, sur ce plan-là, nous ne jouons pas un rôle majeur en ce qui concerne les collèges communautaires, les cégeps et les instituts. En fait, nous avons dû travailler très dur et défendre vigoureusement les intérêts des collèges pour convaincre la Fondation canadienne pour l'innovation de la légitimité de notre action dans tout le secteur de la recherche.
Je dois dire à leur crédit qu'ils ont fini par le reconnaître. Nous avons créé un fonds, et maintenant, nous avons l'intention de prouver que nos collèges ont un rôle légitime à jouer dans le domaine de la recherche. La prochaine fois, nous espérons obtenir une proportion encore plus importante de ce fonds.
Par conséquent, vous avez raison, nous considérons que le fonds pour l'innovation est un élément très important. En fait, le troisième domaine dont nous avons parlé, le financement de la recherche appliquée dans les collèges canadiens, profite beaucoup de l'expérience que nous avons amassée dans ce secteur.
Mme Sophia Leung: En ce qui concerne la recherche, ceux d'entre nous qui appartiennent à des caucus du Nord et de l'Ouest ont assisté à une séance d'information de vos représentants du CNR. Ils nous ont donné des informations très détaillées, ce qui nous a permis de bien comprendre votre position et d'y être sensibles.
Ma question suivante s'adresse à M. Harrison. Ce que vous nous avez dit au sujet des transferts aux provinces m'a beaucoup intéressée. Vous avez une recommandation particulière pour éviter les conflits entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Pouvez-vous développer cet aspect assez rapidement? En Colombie-Britannique, nous avons beaucoup de problèmes, et si vous avez des idées...
Le président: Vous avez une dernière observation, monsieur Harrison?
M. Hoops Harrison: Certainement. Je ne peux pas faire le tour de la question en deux secondes, mais je peux vous dire que, d'une façon générale, ces paramètres délimitent des critères de qualité et d'accès minimums pour l'éducation postsecondaire au Canada. Ils sont conçus pour être acceptés par toutes les provinces, pour que toutes les provinces puissent adhérer à des critères quant aux niveaux d'éducation de base, quant aux coûts, au financement, etc. Cela s'appelle «fixer les normes», et il s'agit d'une entente pancanadienne. Je me ferai un plaisir de vous en fournir un exemplaire.
Mme Sophia Leung: Avec ce document, peut-être pourriez-vous convaincre M. Glen Clark?
M. Hoops Harrison: Il ne s'agit pas vraiment de convaincre les gens, mais plutôt de leur faire reconnaître que tel est le monde dans lequel nous vivons, tels sont les besoins, et si nous voulons nous imposer sur la scène internationale, il va falloir réussir à nous mettre d'accord, parce que sinon, nous allons perdre la course à l'éducation.
Le président: Merci, madame Leung.
Le président donne la parole à M. Alcock.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ici aujourd'hui avec mon collègue de Peterborough. Même si nous ne sommes pas membres de ce comité, c'est un sujet qui nous intéresse tous deux depuis très longtemps.
J'aimerais répondre à la question que M. Riis a posée tout à l'heure à nos invités. Il se demandait pourquoi ces problèmes étaient si tenaces et quelle était la solution. À mon avis, depuis quelques années en particulier, les organismes d'étudiants, les collèges, les universités et les enseignants se mettent à travailler en collaboration et ils viennent tous ensemble nous exposer leur position. À mon avis, cela a eu des résultats extrêmement positifs. En effet, chaque année, cela a favorisé une prise de conscience. Monsieur le président, chaque année votre comité a pris au sérieux les besoins exprimés par ce secteur, et le budget en a tenu compte.
• 1305
Avec le temps, on finit par s'apercevoir que la terre est
vraiment ronde et que ces problèmes resurgissent régulièrement. Il
n'y a pas si longtemps, à l'époque où je portais une casquette
provinciale, j'avais rencontré les représentants de tous les
organismes que nous recevons aujourd'hui. Vous étiez venus nous
dire que quelle que soit notre décision, il fallait à tout prix
éviter d'augmenter encore les transferts aux provinces, car vous ne
voyiez jamais la couleur de cet argent. Faute de contrôles et de
limites, il aboutissait toujours dans d'autres secteurs. En fait,
si je me souviens bien des statistiques produites chaque année par
l'ACPU et la FCEE, entre autres, 75 p. 100 seulement de l'argent
transféré à ma province, le Manitoba, pour l'éducation
postsecondaire était vraiment consacré à l'éducation. Je pense que
le Québec était la seule province où la totalité des transferts
était utilisée comme ils devaient l'être, et en fait, on allait
même plus loin en consacrant des fonds supplémentaires à
l'éducation.
Je m'intéresse donc au travail qui a été effectué depuis. Au cours des deux dernières années, le fédéral a pris des mesures dans tous les domaines où il a la possibilité de vérifier la destination de ses investissements, de vérifier que cet argent a un impact direct sur les universités. Ce n'est pas pour la gloire de la chose, mais simplement pour s'assurer que l'argent est bien utilisé comme on l'entend: infrastructure grâce à la Fondation canadienne pour l'innovation, subventions destinées à la recherche, augmentation de l'aide et des bourses étudiantes, etc.
Nous arrivons maintenant au chapitre final, et c'est le message que vous nous apportez, ces paramètres, ce système de reddition de comptes. Un programme national ne suppose pas forcément une administration nationale. Cela signifie seulement qu'on est responsable au niveau national de la façon dont les fonds sont dépensés. Est-ce que vous avez le même message pour vos homologues provinciaux? Si oui, quelle est leur réaction?
Merci.
Le président: Madame Carlyle.
Mme Elizabeth Carlyle: Il est certain que depuis plusieurs années nous cherchons à obtenir une entente sur l'éducation postsecondaire. Cela ferait appel non seulement aux provinces, mais également à des membres de toutes les communautés du pays.
Tout comme nos homologues provinciaux, nous avons toujours répété très fermement que les provinces devraient rendre des comptes au secteur de l'éducation sur la façon dont elles dépensent l'argent. Mais d'un autre côté, nous pensons que le fédéral doit jouer un rôle de premier plan en ce qui concerne l'éducation postsecondaire. Ce message-là n'a pas changé, et je sais que c'est une position uniforme dans tout le pays.
Je me souviens vous avoir rencontré l'année dernière et l'année précédente en tant que représentant provincial, et le message était déjà clair. Nous nous inquiétions car la province ne dépensait pas l'argent comme elle était censée le dépenser. Toutefois, nous pensions que personne ne devait renoncer à ses responsabilités, ni au niveau fédéral, ni au niveau provincial. En effet, le gouvernement fédéral doit absolument faire un effort pour définir la situation au Québec et dans d'autres provinces, un effort, en particulier, en vue de conclure un accord.
En effet, nous avons besoin d'une loi ou d'un accord. Évidemment, les étudiants veulent un accord qui sache se faire respecter. Il se pourrait que le vecteur le plus efficace et le plus approprié soit une loi, mais l'important est de commencer quelque part. C'est un domaine où jusqu'à présent les Canadiens n'ont pas vu le gouvernement fédéral montrer l'exemple, et c'est de cet exemple que nous avons besoin.
Le président: Merci, madame Carlyle.
Une dernière observation de M. Léger.
M. Robert Léger: Monsieur Alcock, avant de présenter ce mémoire, nous avons consulté nos membres provinciaux. Nous avons l'intention de les rencontrer à nouveau pour qu'ils puissent, de leur côté, parler aux gouvernements provinciaux.
Quant aux dispositions spéciales qui s'appliquent au Québec, nous allons certainement parler à la Fédération québécoise des professeures et des professeurs d'université, un organisme avec lequel nous sommes d'accord. Nous voulons discuter avec eux de ces questions car la dimension provinciale de ce problème est très importante pour nous.
Merci.
Le président: En fait, c'est M. Harrison qui fera le dernier commentaire.
M. Hoops Harrison: J'aimerais répondre brièvement à la question de M. Alcock sur la réaction des provinces.
Comme vous le savez sans aucun doute, l'harmonisation des programmes de prêts aux étudiants est actuellement en cours. Il faut croire que lorsqu'une question préoccupe toutes les régions, les provinces peuvent s'entendre. Nous espérons qu'un des messages sera une norme nationale en matière d'éducation.
Plus récemment, j'ai reçu une lettre du ministre de l'Éducation de Terre-Neuve et je crois que cette province appuie l'idée. Après avoir vu le mémoire de l'Alberta lors de la conférence des premiers ministres en Saskatchewan, je crois que cette province abonde dans le même sens.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Harrison.
Au nom du comité, j'aimerais remercier tous nos témoins. Cette discussion a été très intéressante. D'ailleurs c'est toujours le cas avec vous. Chaque année, vous nous fournissez des renseignements très instructifs qui nous aident à formuler nos recommandations. Encore une fois, merci.
Nous allons prendre une pause de deux minutes puis nous reprendrons nos travaux avec M. Yvan Loubier.
Le président: Bienvenue à tout le monde. Nous allons reprendre nos travaux. Conformément à son mandat que lui confère l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, ou comme on l'appelle ici, le rapport MacKay.
Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant deux députés. MM. Yvan Loubier et Odina Desrochers nous présenteront un rapport sur les conclusions de leurs consultations au Québec.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci infiniment, monsieur le président. Je suis accompagné de mon collègue de Lotbinière, M. Odina Desrochers.
J'aimerais d'abord vous remercier au nom de mon parti et en mon nom personnel pour deux choses: premièrement, pour avoir accepté d'entendre notre point de vue quant à l'importante question de l'avenir du secteur financier et, deuxièmement, pour avoir répondu à notre requête, qui était aussi celle d'une partie de la population, à savoir élargir et étendre les consultations sur cette question fondamentale de l'avenir du secteur financier jusqu'en mars 1999.
Le secteur financier canadien est soumis à des pressions extraordinaires imposées de l'intérieur, mais aussi de l'extérieur, dans la mouvance d'un environnement international sans cesse changeant, où les frontières ne sont plus hermétiques.
Le Québec et le Canada ne peuvent s'extraire de ces pressions et encore moins s'en isoler. En fait, nous avons le choix entre nous laisser bercer au gré de cette mouvance, subir les changements et nous laisser déclasser par nos concurrents, et jouer dès maintenant un rôle plus actif et nous y préparer pour le plus grand bénéfice des Québécois et des Canadiens.
C'est ce à quoi nous sommes conviés et cela doit transcender toute partisanerie politique et dépasser l'émotivité ou le discours trop souvent facile du pour ou du contre. Ce sont des milliards de dollars d'actifs et de revenus qui sont en jeu et qui nous appartiennent, des milliers d'emplois que nous occupons et qui pourraient se multiplier si nous posons rapidement les gestes appropriés. C'est la différence entre contrôler notre système financier dans 10 ans ou le laisser entre les mains des étrangers, dont les intérêts ne coïncident pas nécessairement avec les intérêts des sociétés québécoise et canadienne.
Le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers, le rapport MacKay-Ducros, ne manque pas de souligner les importantes mutations du marché et la vitesse avec laquelle elles s'opèrent. En moins de deux ans qu'ont duré les travaux du groupe, on a apporté pas moins de 15 changements ou de bouleversements au secteur financier canadien. Je vous invite à lire la page 54 du rapport principal de MM. MacKay et Ducros, où l'on parle de l'ensemble de ces changements qui sont intervenus durant la rédaction même du rapport sur l'avenir des services financiers.
• 1315
Ces importantes transformations et ces défis ne
manqueront pas de s'accentuer avec la libéralisation du
commerce mondial des services financiers, déjà bien
amorcée par l'Accord de libre-échange nord-américain et
les dernières négociations du GATT et de l'OMC.
Face à ces défis auxquels nous sommes confrontés, deux objectifs doivent être visés et nous interpellent comme législateurs. En premier lieu, nous devons nous assurer que les intérêts des consommateurs, quelle que soit leur catégorie de revenu, et les intérêts des travailleurs et des entreprises soient bien servis par les réformes qui devront être réalisées. Le premier objectif suppose que le nouveau cadre réglementaire s'appliquant au secteur financier génère un certain degré de concurrence assuré par des entreprises canadiennes et par de nouveaux joueurs étrangers.
Deuxièmement, nous devons également susciter une réorganisation du secteur financier canadien en visant le renforcement de sa capacité compétitive face aux concurrents internationaux, par l'atteinte d'une taille optimale permettant des économies d'échelle ou par la concrétisation de maillages et d'alliances stratégiques. Si la mondialisation offre de grandes possibilités pour les entreprises d'ici, elle comporte également des risques si nous sommes mal préparés à une concurrence accrue et à une détente des contraintes réglementaires intérieures.
L'atteinte de ces deux objectifs déborde la simple question de la fusion des quatre grandes banques canadiennes. Avec ou sans ces fusions, la nécessité de changements pour répondre aux mutations de l'environnement national et international demeure entière. Il s'agit maintenant de savoir comment gérer ces changements, à quelle vitesse il nous faut les opérer et à partir de quelles priorités puisées à même les 124 recommandations du rapport MacKay-Ducros nous devons le faire.
De façon à atteindre ces objectifs, nous suggérons au gouvernement fédéral de procéder en trois étapes.
Premièrement, nous lui demandons d'abord et avant tout de modifier les règles de propriété afin de permettre et d'encourager le regroupement des institutions financières de petite et moyenne tailles en holdings financiers, comme le suggère le rapport MacKay-Ducros. Par exemple, une banque pourrait se regrouper avec une compagnie d'assurances, une société de fonds de placement et un cabinet de courtage. Cette première étape permettrait la création de nouvelles institutions financières québécoises et canadiennes d'envergure qui seraient en mesure, par exemple, de livrer une saine concurrence aux mégabanques si la fusion devait avoir lieu.
Pour réaliser cette étape, le gouvernement fédéral doit prévoir une période de transition, ni trop courte ni trop longue, d'environ deux ou trois ans, afin que ces holdings aient la chance de se constituer, avant toute décision quant à la concrétisation des fusions bancaires.
Ces holdings seraient soumis à la règle de propriété qui limite à 10 p. 100 la propriété d'un seul actionnaire et leurs activités devraient demeurer cloisonnées, du moins pour leurs premières années d'opération.
Il s'agit donc, monsieur le président, dans une première phase de transformation du secteur, de prendre les moyens d'aviver la concurrence à l'aide de nouveaux joueurs importants à l'échelle canadienne qui pourraient faire contrepoids aux grandes banques.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral pourrait ensuite, lors d'une seconde étape, réévaluer la question des fusions bancaires en regard du nouvel environnement concurrentiel provoqué par les changements réglementaires et les possibilités d'un décloisonnement plus prononcé. Le nouvel environnement pourrait bien être constitué de 8 ou 10 grands joueurs de taille et de calibre comparables, assurant une saine compétition dans le secteur financier intérieur. Cette compétition est fondamentale si l'on veut que les consommateurs et les PME bénéficient de services à prix concurrentiels et faciles d'accès sur l'ensemble du territoire.
Par souci d'équité, la concrétisation des fusions bancaires, si elles devaient s'opérer à la suite d'une décision du ministre des Finances, devrait survenir en même temps que la constitution et l'opérationnalisation des holdings multisectoriels.
Le gouvernement fédéral pourrait, lors d'une troisième étape, ouvrir graduellement le marché canadien des services financiers à la concurrence internationale et même devancer les accords internationaux nord-américains ou des trois Amériques, afin de retirer des bénéfices réciproques de ses partenaires commerciaux.
En dehors de cette stratégie en trois phases, monsieur le président, permettez-moi de mettre en lumière sept autres considérations fort importantes aux yeux du Bloc québécois.
Premièrement, nous sommes conscients de la dimension humaine et des effets socioéconomiques entourant les nécessaires transformations du secteur financier. Nous continuerons donc en ce sens à nous faire les promoteurs du concept de réinvestissement communautaire et du rôle social des institutions financières dans les milieux défavorisés, tel que semble aussi le préconiser le rapport MacKay-Ducros.
• 1320
Deuxièmement, nous appuyons la suggestion du rapport
MacKay quant à l'établissement d'un mécanisme de suivi,
que nous souhaiterions de nature parlementaire, afin de
mesurer les effets des changements effectués au cadre
réglementaire du secteur financier sur la concurrence,
sur les frais de service chargés par les institutions,
les emplois, l'accès au crédit, la transparence, les
services en région rurale et en milieu défavorisé,
afin d'apporter les correctifs et les ajustements
nécessaires.
Troisièmement, nous souhaitons que le gouvernement s'inspire des propositions de l'Association pour la protection des épargnants et des investisseurs du Québec, l'APEIQ, soit le groupe présidé par M. Yves Michaud, pour assurer une plus grande démocratisation des banques et des institutions financières.
Quatrièmement, nous avons été heureux de constater que le rapport MacKay-Ducros reste muet sur la question de la création d'une commission canadienne des valeurs mobilières, secteur de compétence exclusive au Québec et aux provinces. D'ailleurs, interrogé à cet effet dans le cadre des travaux du Comité des finances, le vice-président du groupe, M. Ducros, a confirmé l'inutilité d'une telle commission, car les provinces font admirablement bien leur travail dans ce domaine de compétence qui est le leur.
Cinquièmement, nous avons été moins heureux de constater l'absence de considérations touchant les sociétés d'assurances à charte provinciale qui sont devant l'impossibilité, à cause d'un manque d'harmonisation, d'acquérir des blocs d'assurances de sociétés à charte fédérale. Il y a deux ans, monsieur le président, L'Entraide Assurance-vie de Québec était confrontée à cette impossibilité, freinant ainsi ses capacités d'expansion. À l'heure où l'on se parle, la loi n'a toujours pas été modifiée en conséquence.
Sixièmement, au fur et à mesure que se concrétiseront les nécessaires changements aux règles qui régissent le secteur financier, nous souhaitons ardemment que le gouvernement fédéral, comme le demande d'ailleurs le rapport MacKay-Ducros, respecte les compétences du Québec et des provinces, entre autres celles concernant la protection des consommateurs et celles liées à l'existence du droit civil.
Septièmement, si le décloisonnement des institutions financières devait se poursuivre à moyen terme et qu'on allait jusqu'à permettre aux banques canadiennes de vendre des produits d'assurance, il serait primordial que ces dernières, qui opèrent sur le territoire québécois, respectent les dispositions de la Loi 188 adoptée récemment par l'Assemblée nationale. Cette loi représente un compromis et un certain équilibre entre les besoins des consommateurs, ceux des courtiers d'assurances et ceux du Mouvement Desjardins. La Loi 188 assure le respect de la vie privé et la confidentialité des données et des standards au niveau des exigences professionnelles, tout en prévoyant l'exercice d'une surveillance pour le bon fonctionnement de l'industrie, au bénéfice des consommateurs et des épargnants. La Loi 188, enfin, fait consensus au Québec; elle est le fruit d'efforts et de débats qui ont duré tout près d'un an.
En guise de conclusion, monsieur le président, j'aimerais inviter le gouvernement fédéral à écarter une fois pour toutes le statu quo comme scénario envisagé pour le secteur financier. Ce serait la pire erreur que de croire qu'au cours des prochaines années, ce secteur ressemblera à ce qu'on a connu jusqu'à présent. Des transformations majeures sont en vue et si nous n'agissons pas rapidement, nous risquons d'être les perdants dans les grandes transformations qui s'opèrent actuellement et qui seront encore plus intenses à l'avenir.
Il ne faut pas non plus limiter le débat à la fusion des banques. Ce serait une erreur, car c'est l'ensemble de l'industrie qui doit s'adapter au nom de la préservation de milliers d'emplois et de la participation du secteur à la croissance économique.
Si le débat est entrepris positivement, sans braquage—et c'est notre conviction—, il y aura moyen de concilier les préoccupations de l'industrie et les besoins des travailleurs et des consommateurs de toutes les catégories de revenus à partir d'un cadre réglementaire adéquat et des transformations graduelles que nous proposons.
Merci, monsieur le président, de votre attention. Je m'excuse de ne pas vous avoir remis une copie de la version anglaise de mon texte, mais en raison des délais qui nous étaient impartis et de difficultés techniques, il m'a été impossible de le faire aujourd'hui.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci. J'aimerais poser quelques questions à mon collègue; j'aimerais d'ailleurs le remercier de sa présentation.
Je me demande tout d'abord ce que vous entendez lorsque vous dites que nous devons nous intéresser à la concurrence canadienne et internationale. Des banques ont cherché à venir s'installer au Canada au cours des dernières années et la plupart sont retournées chez elles. Il n'y a pas eu beaucoup de concurrence au Canada. Que pouvons-nous faire, d'après vous, pour accroître cette concurrence? Est-ce en fait souhaitable?
[Français]
M. Yvan Loubier: Je vous remercie de votre question. Si la concurrence intérieure au Canada était plus vive qu'elle ne l'est actuellement, le débat concernant la fusion des banques serait moins vif. Si on avait 7 à 10 joueurs majeurs qui ont créé, au cours des années, des alliances stratégiques, des consortiums et des holdings pour faire contrepoids aux banques, l'intensité du débat concernant la fusion des banques serait moins grande qu'elle ne l'est à l'heure actuelle.
En ce qui a trait aux banques étrangères, vous avez raison de dire qu'au fil des années, on a essayé d'attirer la concurrence. On y est parvenu quand même assez bien, bien que ce soit pas la grande concurrence qu'on aurait peut-être espérée. D'ailleurs, à la page 54 du rapport MacKay, comme je vous le mentionnais, figurent les changements qui ont présidé aux transformations du secteur financier. En moins de deux ans qu'ont duré les travaux du rapport MacKay, il y a eu beaucoup de transformations.
Si les banques ou institutions financières étrangères ne sont pas plus présentes sur le marché canadien, il y a une bonne raison; c'est que le cadre réglementaire actuel ne les attire pas. Par exemple, jusqu'à tout récemment, et cela demeurera vrai jusqu'à la fin de 1999, si ma mémoire est bonne, les banques étrangères ne pouvaient pas établir de succursales sur le marché canadien. Elles créaient plutôt des filiales, et ces dernières devaient se constituer un minimum de 20 millions de dollars de capital propre, ce qui freine l'entrée des banques étrangères et de la concurrence en général sur le marché. Il y a un tas de règlements comme celui-là qui agissent comme des freins. D'ailleurs, le rapport MacKay recommande la transformation de ces règlements.
[Traduction]
M. Ken Epp: Et vous croyez que nous devrions relâcher les règles régissant la concurrence étrangère?
[Français]
M. Yvan Loubier: Écoutez, on ne peut pas se dire d'accord sur la mondialisation des marchés, aller chercher, comme le font les grandes banques canadiennes, entre 35 et 50 p. 100 de nos revenus à l'étranger, aux États-Unis, dans les Caraïbes et un peu partout à travers le monde, et fermer nos frontières à la concurrence étrangère.
Il ne faut pas oublier non plus que si on avive la concurrence intérieure, cela servira bien les consommateurs. D'ailleurs, c'est le principal obstacle à l'heure actuelle. Lorsqu'on regarde le braquage entre les pour et les contre de la fusion des banques, le principal obstacle qu'on retrouve, c'est que si on permet la fusion des quatre grandes banques canadiennes qui ont déjà annoncé leur projet de fusion, en janvier pour les premières et avril pour les secondes, on aura des mégabanques et des mégainstitutions qui feront en sorte que la concentration sera plus grande, et les consommateurs risquent d'être moins bien servis.
Mais si on avait une concurrence étrangère et si on se donnait deux ou trois ans pour l'aviver et créer des consortiums respectables qui pourraient faire contrepoids aux banques et aux mégabanques qu'on veut créer, la question se poserait moins au niveau de la protection des intérêts des consommateurs, et même des travailleurs de l'industrie.
[Traduction]
M. Ken Epp: D'accord, vous dites que la protection du consommateur est un champ de compétence provincial—tout au moins je crois que c'est ce que vous avez dit dans votre rapport. Vous suggérez donc que le gouvernement fédéral ne devrait pas se mêler de cette question, mais je crois que nous devons tous convenir que la réglementation des institutions financières par le Canada est importante. Vous pourriez peut-être me dire ce que vous en pensez.
J'aimerais poser une autre question importante, et celle-ci touche la Loi 188—vous en avez parlé—et la vente des produits d'assurance. Je n'en connais peut-être pas aussi long que je le devrais sur les règlements qui régissent les ventes de produits d'assurance par les institutions financières au Québec, mais j'aimerais que vous me disiez quelques mots sur l'impact de ces activités sur le secteur des compagnies d'assurances. Nous avons au Canada un secteur de l'assurance qui est très sain. J'aimerais savoir quels règlements, sont bons d'après vous et lesquels, le sont peut-être un peu moins. De cette façon, nous pourrons nous en inspirer si nous décidons d'adopter un régime semblable pour l'ensemble du pays.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je vais commencer par répondre à votre deuxième question parce qu'elle me semble très importante. La Loi 188 qu'a adoptée l'Assemblée nationale permet entre autres au Mouvement des caisses populaires Desjardins de vendre des assurances dans ses succursales. Cette loi encadre tout le secteur. Il y a deux ans, les courtiers d'assurances s'opposaient farouchement à ce que le Mouvement des caisses Desjardins vende de l'assurance. Ils réclamaient que les exigences professionnelles imposées aux vendeurs d'assurance du Mouvement Desjardins soient comparables à celles qu'on impose aux courtiers d'assurances. Cette disposition figure maintenant dans la Loi 188. On y prévoit aussi qu'un organisme surveillera toutes les questions concernant la protection des intérêts des consommateurs et le bon fonctionnement concurrentiel du secteur.
• 1330
Je dois avouer qu'il y a eu un débat qui a duré
presque un an au sujet de toute cette question-là. Ce
débat fut très vigoureux par moments, mais la Loi 188
nous a quand même permis d'aboutir à un compromis et à
un certain équilibre entre, d'une part, les besoins d'un
fleuron de l'économie québécoise qui s'appelle le
Mouvement des caisses Desjardins et qui, depuis
plusieurs années, vendait des assurances mais sans être
assujetti à des conditions strictes comme celles que
prévoit la Loi 188 et, d'autre part, ceux des courtiers
d'assurances, tout cela pour bien servir les
consommateurs.
Nous avons réussi à atteindre cet équilibre-là. En adoptant la Loi 188, on en est arrivé à donner un signal aux acteurs qui évoluent dans le secteur des assurances, soit le Mouvement des caisses Desjardins et les courtiers d'assurances. On leur a dit: «Voilà maintenant les nouvelles règles: ce sont les dispositions de la Loi 188. Vous êtes maintenant bien encadrés dans vos activités de vente d'assurances. »
La semaine dernière, quelqu'un qui s'appelle Jean Charest a déclaré qu'il fallait abolir la Loi 188 et revenir aux anciennes dispositions. Je trouve que ce sont des déclarations d'incendiaires du secteur financier. Vous ne pouvez pas défaire de mois en mois le cadre réglementaire et législatif dont on a convenu. Vous ne pouvez pas dire, dans un programme électoral, que lorsque vous arriverez au pouvoir, vous démolirez tout cela et mettrez au rancart du jour au lendemain ce consensus qui est le fruit de débats et d'efforts considérables des trois côtés, soit le Mouvement des caisses Desjardins, le gouvernement et les courtiers d'assurances.
C'est incendiaire d'arriver avec une telle proposition, surtout que vous, monsieur Epp, et moi savons que le secteur financier a besoin de certitude et de stabilité. Le cadre de la Loi 188 est un compromis; il y a des deux côtés des gens qui sont satisfaits et insatisfaits, mais généralement, ils sont fort satisfaits de cet équilibre-là, lequel devrait être copié.
Si un jour le ministre des Finances décide que les banques doivent vendre de l'assurance, c'est le modèle de la Loi 188 qu'il devra copier pour le Canada. C'est une des lois les plus avant-gardistes au niveau du décloisonnement, ainsi que du respect de la confidentialité des données, des renseignements personnels et des différents segments d'activités en assurances.
En ce qui a trait à votre première question, le gouvernement fédéral peut mettre en oeuvre les changements que je vous ai proposés en trois phases. Il peut aussi le faire dans le respect des juridictions que confère la Constitution canadienne. D'ailleurs, M. MacKay souligne à plusieurs endroits dans son rapport que des discussions devraient avoir lieu avec les provinces, de façon à ce que le nouveau cadre réglementaire soit conforme à la Constitution et respecte les domaines de compétence qu'elle confère aux provinces, et au Québec en particulier. On pourrait s'entendre là-dessus. Nous pourrions aussi vous donner plusieurs exemples de cohabitation pacifique qui pourraient servir de modèle à une bonne entente entre le gouvernement fédéral et le Québec ou les autres provinces.
Dans le secteur financier, les défis sont tellement grands et tellement sérieux qu'il faut en arriver à des compromis nécessaires. Il est question de dizaines de milliers d'emplois pour l'avenir. Le secteur des services, y compris le secteur financier en particulier, est celui où, au cours des 10 dernières années, on a connu un accroissement fulgurant de la création d'emplois et de la contribution au PIB des pays industrialisés.
Nous devons donc éviter de rendre ce débat trop partisan ou de se chicaner sur des problèmes de juridiction. La Constitution canadienne stipule clairement que les provinces et le gouvernement fédéral ont leurs propres domaines de compétence. Je crains qu'on manque le bateau et c'est un danger qui nous guette. C'est pourquoi nous, du Bloc québécois, avons voulu comparaître, de façon même non partisane, sur la question du rapport MacKay.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
M. Ken Epp: Puis-je poser une toute petite question en complément s'il vous plaît?
Le président: D'accord, monsieur Epp.
M. Ken Epp: Pouvez-vous me dire brièvement quel a été l'impact des modifications apportées par la Loi 188? Les coûts des contrats d'assurance pour les consommateurs ont-ils baissé, sont-ils demeurés au même niveau, ont-ils augmenté? La disponibilité des produits d'assurance a-t-elle changé? Combien d'emplois sont disparus dans le secteur de l'assurance? Quelles ont été certaines des répercussions directes de cette loi?
[Français]
M. Yvan Loubier: Il est trop tôt pour connaître les effets liés strictement à la Loi 188 parce qu'elle n'a été mise en vigueur qu'il y a quelques mois.
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Avant les fêtes, avant la Saint-Jean-Baptiste.
M. Yvan Loubier: Elle a été promulguée avant la Fête nationale du Québec, qui a lieu le 24 juin. Mais chose certaine, le Mouvement des caisses Desjardins vend quand même des assurances depuis plusieurs années, bien que son droit de le faire ait été contesté par les courtiers d'assurances. Cela a entre autres eu pour résultat une baisse des primes d'assurance.
Il faudra attendre pendant quelques années avant de connaître les répercussions de la Loi 188. Mais, chose certaine, quand on regarde l'évolution mondiale ou même l'évolution du secteur financier canadien et nord-américain, on s'aperçoit que l'heure est au décloisonnement. Ce n'est pas un décloisonnement tous azimuts des activités financières, mais un décloisonnement intelligent qui nous permettra de graduellement faire en sorte que les intérêts des consommateurs soient bien servis. Telle a été la première préoccupation de la Loi 188, bien qu'on demande en même temps que les ajustements qu'on réclame soient faits de façon graduelle afin d'éviter de créer des chocs. C'est cela aussi qui a présidé à la Loi 188.
Je peux vous dire qu'à la toute fin du processus, alors qu'il y avait du braquage de la part des courtiers d'assurances, des associations de protection du consommateur et même, à certains moments, du gouvernement du Québec, on en est arrivé, à force de se parler et de débattre, parfois de façon vigoureuse, à un certain équilibre qu'il ne faut surtout pas remettre en question à l'heure actuelle pour des considérations bassement partisanes comme celles qu'a exprimées Jean Charest la semaine dernière. Cette question est trop importante.
Quand il se met à attaquer un des principaux fleurons du Québec, qui est le Mouvement des caisses Desjardins, on commence à se demander comment M. Charest pourrait défendre les intérêts du Québec. Il risque de démolir en partie ce que le Mouvement des caisses Desjardins a construit et d'affecter des milliers de travailleurs qui oeuvrent dans ce domaine.
Il y a une autre question qu'il ne faut pas négliger non plus. La Loi 188 prévoit la formation des employés des caisses populaires Desjardins qui offriront des produits d'assurance. À l'heure actuelle, les programmes de formation sont déjà enclenchés. Tout le monde se basait sur un environnement législatif, qui est la Loi 188, et là on voudrait tout chambouler. Cela n'a aucun sens. Si M. Charest avait fait une telle déclaration au Canada concernant des règles visant tout le secteur financier, il se serait fait démolir par tous les acteurs importants du secteur.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Epp.
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président. J'ai deux questions.
Monsieur Loubier, je crois que vous avez dit que vous étiez ici au nom du Bloc. Quelle est la position du Bloc à l'égard des fusions des banques compte tenu de ce que vous avez vu, entendu et lu jusqu'à présent? Je sais que le processus de consultation n'est pas encore terminé, mais pourrais-je savoir ce que vous pensez des fusions en ce moment?
Deuxièmement, au début de votre exposé, vous avez déclaré qu'il fallait avoir de nouveaux joueurs sur le marché financier afin d'accroître la concurrence. Je n'ai peut-être pas bien saisi, parce que je n'arrivais pas tout à fait à vous suivre. Puisque l'économie comprendra bon nombre de gens qui travaillent à leur propre compte à partir de leur domicile, et qu'il s'agit là d'entreprises qui ont peu de biens durables, s'il en est—en d'autres termes, cette nouvelle technologie de l'innovation, ce nouveau secteur de l'innovation qui prend naissance—tout cela aidera-t-il ces gens? Ou supposez-vous tout simplement qu'une plus grande concurrence les aidera probablement?
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui. En réponse à votre première question sur la position du Bloc concernant les fusions, je pense qu'on l'a déjà exprimée assez clairement. On a dit en partant qu'on considérait que la fusion des banques était un élément d'un débat d'une envergure peut-être sans précédent depuis le rapport Carter des années 1960 concernant la fiscalité. Le rapport MacKay nous a justement donné l'occasion de prendre connaissance de l'ampleur des défis qui s'annoncent pour nous.
• 1340
Nous ne disons pas que les fusions comme celles qui
ont lieu entre manufacturiers d'automobiles et dans
d'autres secteurs que celui des banques sont mauvaises
en soi. Une fusion est une décision stratégique, une
décision d'affaires que les institutions peuvent
prendre face à un environnement qu'elles voient
évoluer,
en vue de combler leur besoin de raffermir leur
compétitivité.
Nous croyons qu'il faut inscrire la question de la fusion des banques dans un débat beaucoup plus large.
[Traduction]
M. Nelson Riis: Excusez-moi, j'aimerais une petite précision. Dites-vous qu'une fusion entre deux des plus grandes banques du Canada revient à une fusion entre deux fabricants d'automobiles, deux chaînes d'épicerie, ou quelque chose de ce genre? Dites-vous que les banques ne sont pas différentes des autres secteurs de l'économie?
[Français]
M. Yvan Loubier: Absolument pas. D'ailleurs, monsieur Riis, nous croyons qu'avant de prendre toute décision concernant la concrétisation de la fusion des quatre grandes banques, il faut s'assurer de la présence de suffisamment de joueurs importants sur le plan intérieur, c'est-à-dire sur le marché financier canadien. C'est pourquoi nous suggérons qu'au cours de la première phase, on modifie le cadre réglementaire pour permettre la création de holdings financiers importants, pour faire contrepoids même aux six grandes banques canadiennes qui existent à l'heure actuelle. Dans deux ou trois ans, lorsqu'on aura mis en oeuvre ces changements réglementaires et que de 7 à 10 grands holdings financiers auront été créés—vous savez que ça peut aller plus rapidement qu'on ne le pense; les changements sont fulgurants dans ce secteur-là—, on réévaluera l'opportunité de concrétiser ces fusions bancaires.
Mais le débat ne s'arrête pas là. Il y a une amélioration constante qui doit survenir. Le plus important, c'est la protection des consommateurs, des travailleurs et des milliers d'emplois qui existent à l'heure actuelle dans le secteur financier ou qui risquent d'être créés si on prend les bonnes décisions. Le troisième élément d'importance est la réglementation qu'on établira pour régir le secteur financier.
Depuis l'annonce de la première fusion, au mois de janvier, nous avons fait une incursion dans tout ce qui se faisait à travers le monde. On a pris notre tâche au sérieux et on a été très studieux face à ce dossier. Nous nous sommes aperçus qu'au cours des 25 à 30 dernières années, la concentration dans le secteur financier s'était accrue et que la réglementation avait suivi afin de s'assurer que soient bien protégés les intérêts des consommateurs, des travailleurs et des travailleuses et des plus défavorisées de la société. C'est un peu dans ce sens-là qu'on présente notre analyse non partisane.
M. Odina Desrochers: J'aimerais ajouter un commentaire aux propos de mon collègue Loubier. Nous voulons également nous assurer que tous les joueurs partent du même point de départ en même temps. Si on autorise la fusion de certaines banques, il faut aussi songer aux autres banques et institutions financières qui ne veulent pas fusionner ou emboîter le pas pour les fusions bancaires. Lorsque le gouvernement canadien rendra sa décision, il devra s'assurer que tout le monde parte sur un pied d'égalité et soit en mesure d'être concurrentiel.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Riis.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
En ce qui a trait aux commissions provinciales des valeurs mobilières, la question a fait l'objet de vives discussions lorsque Wal-Mart est venue s'installer au Canada et, si je ne me trompe, lorsqu'elle a été constituée en société au Nouveau-Brunswick. Une des questions qui avaient été abordées était le fait que Wal-Mart avait choisi le Nouveau-Brunswick parce que c'est cette province qui avait le moins de restrictions sur la constitution en société. En fait, c'était la seule province où Wal-Mart ne serait pas tenue de présenter ses états financiers.
Par la suite, la Loi fédérale sur les valeurs mobilières a été modifiée pour être ramenée essentiellement au plus petit dénominateur commun. À mon avis, cela montre bien pourquoi il faut discuter plus à fond des mérites relatifs associés à des normes nationales et à une commission ou organisme national sur les valeurs mobilières afin de s'assurer qu'il y a une concurrence et un traitement juste et équitable, qu'il s'agisse de sociétés canadiennes ou d'investisseurs étrangers.
• 1345
Que pensez-vous de l'existence de plusieurs groupes
responsables de la réglementation du secteur des valeurs
mobilières? Est-il possible de composer avec les différences qui
existent entre les provinces, différences qui en fait pourraient
nuire aux compagnies canadiennes?
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Szabo, vous aurez l'occasion d'entendre les présidents de la Commission des valeurs mobilières du Québec et de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. J'aimerais vous faire les remarques suivantes. Il est certain que dans les provinces canadiennes, il y a une organisation inégale au niveau des valeurs mobilières. Par contre, ce n'est pas une raison pour pénaliser les provinces qui, il y a plusieurs années, ont créé un environnement propice au développement d'un secteur des valeurs mobilières doté d'institutions fort respectables qui surveillent de façon intense ce qui se passe dans le secteur des valeurs mobilières et qui gèrent ce secteur-là. C'est la Constitution canadienne qui confère ce droit au Québec, à l'Ontario et à la Colombie-Britannique en particulier.
On n'a pas besoin d'une commission supraprovinciale, qui viendrait ajouter un joueur supplémentaire dans le secteur des valeurs mobilières, qui brouillerait les cartes avec des règlements différents de ceux qui sont déjà établis dans les différentes provinces canadiennes et au Québec, et qui ajouterait aussi une certaine incertitude quant à l'interlocuteur dans le secteur des valeurs mobilières, qui se demanderait toujours si c'est du ressort des gouvernements provinciaux ou du gouvernement fédéral. À mon avis, il y a déjà assez de brouillard dans le secteur financier en général sans que le gouvernement fédéral arrive avec ses gros sabots et implante une commission canadienne des valeurs mobilières.
Je vous rappellerai aussi qu'il est important de faire en sorte que les provinces s'assoient ensemble—le Québec, l'Ontario et plusieurs autres le font—pour harmoniser certaines pratiques dans le secteur des valeurs mobilières, pour éviter qu'il y ait huit ou neuf protocoles régissant les émissions d'actions pour les investisseurs, pour faire en sorte qu'il n'y en ait qu'un ou deux ou qu'il y ait un format standard.
Jusqu'à présent, les provinces se sont sorties admirablement bien de ce grand défi-là. Il y a quatre ans, lorsque le ministre des Finances a proposé la création de la commission canadienne des valeurs mobilières, il disait avoir l'appui d'à peu près les trois quarts des provinces. Aujourd'hui, il faut chercher ces appuis à la création d'une commission canadienne des valeurs mobilières; personne n'en veut.
Lorsque MM. MacKay et Ducros ont comparu ici, au Comité des finances, j'ai eu l'occasion d'interroger M. Ducros à cet égard. Dans leur rapport, ils traitent des changements qui sont nécessaires pour que le secteur des services financiers puisse entrer dans le troisième millénaire avec force et vigueur. Lorsque je lui ai demandé s'il considérait qu'une commission canadienne des valeurs mobilières était primordiale, comme le ministre des Finances l'avait déjà dit il y a quatre ans dans le discours du Trône, il m'a dit simplement que non. Il disait qu'on n'avait pas envisagé une telle commission parce que ce n'était pas fondamental. Je pense que cela veut tout dire.
[Traduction]
Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Szabo?
M. Paul Szabo: Le rapport MacKay se préoccupe évidemment de définir l'intérêt public, et dans cette définition serait incluse la perte d'emplois. Lors de vos consultations, avez-vous décelé un consensus en ce qui a trait à ce qui va se produire dans le secteur des services financiers ou, pour être plus précis, dans le secteur des banques, qu'il y ait fusion ou non? Avez-vous décelé un consensus en ce qui a trait à ce qui se produit au niveau de l'emploi ou de la création d'emplois? Par exemple, croit-on que le secteur des banques élimine en fait des emplois, que les fusions s'imposent peut-être—ainsi que d'autres concessions, par exemple la vente de produits d'assurance—simplement pour composer avec l'évolution technologique?
[Français]
M. Yvan Loubier: C'est une excellente question, monsieur Szabo. Au cours des prochaines années, le secteur financier, que ce soit dans le domaine bancaire, de l'assurance ou des fonds mutuels, est appelé à évoluer rapidement. Il y a 10 ans, on n'aurait pas pu imaginer tout ce qui se passerait comme transformations au niveau du secteur bancaire et au niveau des autres segments du secteur en général. Il y a eu des développements fulgurants.
Il y a eu de la création d'emplois aussi. Comme je vous le mentionnais, le secteur des services, entre autres celui des services financiers, a connu une augmentation considérable de sa contribution au niveau de la croissance économique et au niveau de la création d'emplois de qualité. Ce sont des emplois de haute technologie et des emplois très spécialisés. Personne ne peut prévoir ce qui va arriver. D'ailleurs, j'en ai parlé avec bien des gens depuis le début. J'ai eu l'occasion ici, lors des auditions, d'entendre des témoins venus de partout au Québec et au Canada. Ils répètent toujours la même chose. Il y a consensus: qu'on le veuille ou non, dans une dizaine d'années, le secteur financier canadien ne sera pas l'équivalent de ce qu'on a connu dans le passé ni pareil à ce qu'on vit à l'heure actuelle; il subira des transformations.
Il n'en tient qu'à nous de faire en sorte que dans 10 ans, le bilan de création net d'emplois dans le secteur financier soit positif ou négatif. Si on ne prend pas des mesures rapidement pour jeter les bases d'un cadre réglementaire qui sera davantage conforme aux besoins actuels et futurs du secteur financier, on pourra se retrouver dans 10 ans avec des pertes considérables d'emplois, parce qu'au fur et à mesure que les négociations progressent sur le plan international, dont les négociations de l'Organisation mondiale du commerce et les négociations nord-américaines, on ouvre de plus en plus les frontières et il y a une détente au niveau des règlements imposés à nos partenaires commerciaux. Si on n'y prend pas garde et si on ne renforce pas notre secteur financier dès maintenant, on pourrait le regretter. C'est là un consensus auquel en sont venus tous les spécialistes. Si on ne prend pas le cheval par les rênes immédiatement, on risque de passer sous le pont et de perdre le défi de la mondialisation. C'est ce dont il faut se rendre compte aujourd'hui. Monsieur Szabo, vous avez dû entendre vous aussi les représentants du secteur financier, des économistes et des comptables dire qu'il fallait faire les transformations, et non pas les subir et être perdant au bout du compte.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier. Merci, monsieur Szabo, monsieur Desrochers.
Il est clair que l'opinion que vous avez exprimée est celle du Bloc québécois. Vous avez apparemment procède à de vastes consultations à l'échelle de la province pour discuter de la question. Combien de personnes ont participé à vos divers programmes de consultation?
[Français]
M. Yvan Loubier: Je n'ai pas compté le nombre de personnes qui ont participé aux consultations, mais là je pense que vous mélangez la consultation prébudgétaire que nous avons menée pendant une partie de l'été et au cours du mois de septembre, et les consultations qu'on a pu faire sur le rapport MacKay. Ce n'est pas du tout la même chose.
Nous présentons ici le fruit de notre réflexion depuis janvier, depuis l'annonce de la première fusion bancaire et depuis que nous nous sommes intéressés à ce que pourrait contenir le rapport MacKay. Nous avons travaillé pendant une bonne partie de l'été également. D'ailleurs, j'avais fait part au Comité des finances du fait que cette question était primordiale et fondamentale et qu'on attendait le résultat, c'est-à-dire l'excellent rapport de M. MacKay et de M. Ducros. C'est donc le fruit de notre propre réflexion et des consultations qu'on a menées auprès d'experts, de représentants du monde syndical, du monde communautaire, etc. On a pris toutes ces consultations et en a fait la synthèse. Bien entendu, pour être plus complète, notre présentation aurait dû inclure tout ce qu'on a pu dire depuis le mois de janvier jusqu'à présent, y compris nos réactions face au rapport MacKay le jour de sa publication.
À la suite de sa publication, certains de mes collègues, entre autres mon collègue de Lotbinière, ont entrepris des consultations avec leur milieu d'affaires et leur milieu communautaire. Moi, je l'ai fait avec mon milieu d'affaires. D'ailleurs, je suis invité par la Chambre de commerce la semaine prochaine dans la région de la Montérégie pour exprimer ce même point de vue dont je vous fais part aujourd'hui. Donc, ce n'est pas lancé dans les airs. C'est une position, comme aurait dit mon père, qui a pris de la maturité tranquillement, comme un bon vin, jusqu'au Comité des finances.
Le président: Merci.
M. Odina Desrochers: J'ai également un commentaire à faire.
Vous savez que, le 9 septembre dernier, l'ensemble du caucus du Bloc québécois a reçu les présidents et les principales banques, incluant les quatre qui ont l'intention de se fusionner. Nous avons entendu également la Banque de Montréal, la Banque Scotia et le Mouvement Desjardins, qui sont venus expliquer leur point de vue, et leurs témoignages ont aussi été retenus dans notre mémoire. On a été avant-gardistes dans ce sens-là parce qu'on a pris les devants et décidé de les rencontrer chacun leur tour, dans une journée qui a débuté à 9 heures et s'est terminée à 17 heures.
[Traduction]
Le président: Merci.
La dernière question sera posée par Mme Redman.
Mme Karen Redman: Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma question qui comporte deux volets porte à peu près sur le même sujet. Vous avez présenté de façon très claire la position du Bloc, mais j'aimerais savoir ce que pensent vos commettants. Avez- vous reçu des commentaires des résidents de votre province—non pas des experts, non pas de ceux qui ont un intérêt marqué, mais simplement de ceux qui vivent dans les collectivités?
De plus, pouvez-vous me dire si vous avez entendu le même genre de préoccupations dans les régions rurales du Québec que nous avons entendues dans les autres régions du Canada, des craintes que ces fusions, la nouvelle technologie et la mondialisation nuiront aux régions rurales du Canada? Avez-vous entendu ce genre de choses?
[Français]
M. Yvan Loubier: Personnellement, je n'en ai pas entendu, mais la question n'est pas là, madame Redman. La question est de savoir ce qu'il faudrait entreprendre aujourd'hui pour être gagnant dans 10 ans. C'est cela, la question et cela déborde la question de la fusion des banques.
Ce qu'on vous propose, c'est de regarder plusieurs des recommandations du rapport MacKay que nous avons priorisées, parce que dans le rapport MacKay, il y a 124 recommandations. Il faut donc puiser dans les priorités. Ce qui, selon nous, devraient être les priorités pour renforcer le secteur financier, pour s'assurer qu'il rend service à la création d'emplois et qu'il rend service aux consommateurs, ce sont celles qu'on vous a présentées. C'est qu'il faut changer le cadre réglementaire. Lorsque le cadre réglementaire sera changé, on pourra évaluer si, oui ou non, on concrétise la fusion des banques, mais on aura un environnement économique qui aura changé. On aura un environnement financier et un cadre réglementaire pour régir ce secteur financier qui auront changé. C'est à la lumière de cela qu'il faut évaluer la fusion des banques.
Aujourd'hui, tous ceux et celles qu'on a rencontrés dans les Maritimes ou dans l'Ouest et qui sont venus nous parler du rapport MacKay, et surtout de la fusion des banques, nous ont dit craindre pour les emplois, pour les services aux consommateurs, pour les prix portés au compte des consommateurs et aussi pour les PME.
Ce qu'on propose, c'est une façon de faire en sorte que cela ne soit pas le cas: qu'il n'y ait pas de perte d'emplois et que les prix offerts aux consommateurs comme aux PME...
À cause d'un environnement concurrentiel plus grand que celui que nous aurions provoqué avec une réglementation modifiée, tel que le propose le rapport MacKay, on se retrouve dans une situation où il y a beaucoup de joueurs importants qui font contrepartie aux grandes banques canadiennes. Le secteur s'est très bien organisé, et il y a aussi un certain décloisonnement, ce qui fait qu'on en arrive à une situation où, partant d'un système qui est excellent à l'heure actuelle... Je suis d'accord avec tous les gens autour de la table ici: le secteur bancaire canadien est un bon secteur; il y a des bases qui sont bien jetées. Si on arrive à progresser à partir de cet aspect positif du secteur financier et à défendre aussi bien la protection des consommateurs que l'avenir de l'industrie et des milliers d'emplois qui existent, je pense qu'on aura pris nos responsabilités comme législateurs. C'est cela qui est fort important.
J'ai toujours déploré le fait que le ministre des Finances—j'ai dit que je ne ferais pas de partisanerie et ce n'est pas de la partisanerie que je fais—, le lendemain de la publication du rapport MacKay, qui est un rapport considérable qui touche à tous les segments de l'activité financière, soit revenu relancer le débat en mettant l'accent uniquement sur la fusion des banques. On fait fausse route en faisant cela. Ce n'est pas cela qu'il faut faire, pas du tout.
M. Odina Desrochers: J'ai un petit commentaire, madame Redman. Je pense que la venue de l'éventuelle bancassurance rend les courtiers très craintifs. Dans ce sens, on leur a dit que nos démarches allaient se faire pour qu'il y ait l'équivalent de la Loi 188 de façon à protéger leurs marchés. Évidemment, si la bancassurance devenait réalité et que des courtiers disparaissaient, c'est sûr que cela attaquerait nos communautés rurales. Ce qu'on leur dit, c'est que le débat ne se dessine pas uniquement autour de la fusion, mais aussi autour de la réorganisation des services financiers au pays. Cela les sécurise.
M. Yvan Loubier: Avec une loi comme la Loi 188 au Québec, on s'assure, comme je le mentionnais tout à l'heure, qu'il y a un certain équilibre, que les besoins des courtiers, les besoins des consommateurs et les besoins d'expansion du Mouvement Desjardins sont comblés. C'est un équilibre qu'il faut toujours avoir en tête lorsqu'on entreprend, comme législateurs, la tâche de modifier le cadre réglementaire qui touche le secteur financier. D'ailleurs, c'est l'esprit qui a conduit MM. MacKay et Ducros et leur équipe à proposer des modifications graduelles. Ce que je déplore, et je l'ai déjà dit à MM. MacKay et Ducros, c'est qu'on n'ait pas vraiment priorisé les 124 recommandations. Il y en a qui sont primordiales et qu'il faut réaliser tout de suite et il y en a d'autres qui sont secondaires. On aurait pu dire: «Voici nos priorités.» Si on veut renforcer le secteur financier canadien, et il y a d'autres questions qui gagneront à être discutées et débattues après, il faut tout d'abord réaliser les changements réglementaires très importants que je vous propose dans mon mémoire.
Comme je vous le mentionnais, madame Redman, si on se braque en partant, malgré le fait que j'ai aussi entendu des gens dire qu'ils étaient contre tout ça, on peut se casser la gueule, comme on dit en bon Québécois, parce qu'on n'aura pas prévu comme législateurs qu'il faut vraiment réaliser des modifications réglementaires pour renforcer notre secteur financier. Ainsi, à l'intérieur, on s'assure que les consommateurs et les travailleurs seront protégés et, à l'extérieur, avec la mondialisation, on s'assure d'être des joueurs majeurs, compétitifs face à de très grands joueurs. On ne parle pas ici de petits joueurs, mais de joueurs d'envergure internationale.
[Traduction]
Mme Karen Redman: Merci, mais ma question portait surtout sur ce que vous ont dit vos commettants. Je sais qu'il s'agit ici d'un rapport très détaillé. Je sais que la discussion dépasse les fusions des banques. Mais je peux vous assurer que j'entends régulièrement les opinions de mes commettants, que je les consulte ou pas. Ce sont là certaines des préoccupations dont ils font état, mais cela ne veut pas dire qu'il s'agit des seules choses sur lesquelles nous devrions fonder nos décisions. Je me demandais si vous aviez entendu au Québec les mêmes préoccupations que nous avons entendues dans le reste du pays.
[Français]
M. Yvan Loubier: Madame Redman, c'est une question dont il faut débattre. D'ailleurs, sur la question du rapport MacKay, le Bloc québécois a demandé et obtenu du gouvernement libéral qu'on ait une extension des consultations jusqu'au mois de mars parce qu'on devait initialement remettre le rapport final au mois de décembre, comme le rapport sur les consultations prébudgétaires. Si on n'avait pas considéré que c'est une question fort importante qui doit être débattue de la façon la plus large possible, on n'aurait pas insisté pour avoir une extension et un élargissement de ces consultations, pour permettre à plus de Québécois et de Canadiens de se prononcer là-dessus.
Cela étant dit, il y a deux façons d'envisager le rôle du législateur et le rôle des politiciens en général. La première, c'est de rassembler ce que les gens veulent bien entendre et de le répéter; la deuxième, c'est d'expliquer aux gens pourquoi on a besoin de changements fondamentaux et de leur dire que, comme législateurs, on propose tel ou tel changement. Ce matin, on a pris notre second rôle fort au sérieux en disant qu'il y a une stratégie en trois phases qu'il nous semble fort nécessaire de réaliser si on veut gagner. On dépose ça pour fin de débat, et on n'a pas peur des débats. D'ailleurs, cet été, comme j'ai eu l'occasion de le mentionner, et M. Desrochers aussi, on a consulté l'ensemble du Québec sur nos orientations face à l'utilisation des surplus budgétaires de cette année et on n'a pas eu peur de tout mettre sur la table; on n'a pas eu peur de confronter nos idées avec celles des gens qui ont comparu à la commission du Bloc québécois au Québec. C'est pour ça qu'on est là aussi.
J'espère que vous allez entendre et qu'on va entendre beaucoup de gens se prononcer sur cette question d'ici le mois de mars, parce que je considère que c'est fort important et que les décisions qu'on va prendre dans ce secteur-là vont moduler l'ensemble de nos vies économique et sociale pour les 15 ou même les 20 prochaines années. C'est pour ça qu'on ne doit pas se permettre de se tromper.
[Traduction]
Le président: Merci, madame Redman, merci messieurs Loubier et Desrochers.
Chers collègues, nous reviendrons à 15 h 15 cet après-midi pour entendre les représentants de la banque CIBC.
Le président: J'aimerais que nous reprenions nos travaux. Bienvenue à tous. Comme tout le monde le sait, nous étudions actuellement le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Cet après-midi nous avons le plaisir d'accueillir de la banque CIBC, le président du conseil et chef de la direction, M. Al Flood, et le président de la Personal and Commercial Bank, M. Holger Kluge.
Bienvenue. Nous avons hâte d'entendre votre présentation. Vous pouvez commencer.
M. Al Flood (président du conseil et chef de la direction, banque CIBC): Merci, monsieur le président. Je m'excuse de mon retard. J'espère que cela ne vous a pas trop dérangés.
Encore une fois merci de nous avoir invités. Comme vous le savez, nous avons été invités ici aujourd'hui pour parler de notre vision du secteur des services financiers et pour faire part de nos réactions au rapport du Groupe de travail MacKay. J'aimerais en profiter pour aborder certains des changements profonds qui touchent l'ensemble de notre économie, parce que je crois que ces éléments sont intimement liés.
• 1535
Aujourd'hui, des pays du monde entier—particulièrement des
économies modernes comme le Canada—passent de l'âge industriel à
l'âge de l'information, en raison des progrès rapides des
technologies de l'information et des communications. Ces progrès
technologiques ont créé des niveaux sans précédent
d'interdépendance et d'intégration mondiale. Ils ont accru la
concurrence—entre les pays aussi bien qu'entre les entreprises
individuelles. Ils ont présenté des défis nouveaux et uniques aux
législateurs et aux organismes de réglementation.
Le Canada entame un nouveau millénaire avec une solide économie et une qualité de vie qui font l'envie du monde. Mais nous devons faire face à des forces concurrentielles si puissantes que nous ne pouvons pas tenir notre bien-être pour acquis. Et avec l'arrivée du nouveau millénaire, la question à laquelle nous devons tous répondre, en tant que banquiers, dirigeants d'entreprises, législateurs et citoyens ordinaires, est la suivante: comment allons-nous préserver et consolider le succès extraordinaire que nous avons obtenu?
Je prévois que trois puissantes forces détermineront nos futurs succès et elles représentent des questions que nous devons aborder en tant que nation. La première est la technologie, qui est indéniablement le moteur des économies modernes. Son influence omniprésente nous fait réaliser que les hypothèses et les politiques qui convenaient à l'âge industriel ne sont pas appropriées à l'âge du numérique et de l'information. Les technologies avancées ont radicalement modifié les coûts et ont créé de nouvelles façons d'ajouter de la valeur et de franchir les barrières d'entrée traditionnelles sur les marchés de la consommation et des affaires—qu'il s'agisse de services financiers ou de vente de livres ou de voitures.
La deuxième est le facteur humain. La richesse des nations, ce sont les gens et non les ressources. Les nations les plus riches sont celles capables de produire, d'attirer et de retenir des gens bien formés, possédant des compétences de pointe et une grande facilité d'adaptation. Les investissements dans l'éducation et la formation deviennent même plus cruciaux. Nous devons donc nous assurer que nos secteurs d'activité présentent de bonnes perspectives d'avenir, qu'ils sont capables d'offrir des emplois valables pour garder nos enfants au Canada. Au cours des 15 dernières années, plus de 30 000 professionnels canadiens de haut calibre ont quitté le Canada attirés par des possibilités plus alléchantes à l'étranger.
La troisième est le facteur productivité. Dans le monde interrelié de notre époque, nous devons affronter la concurrence non seulement comme entreprise, mais comme pays. Les gains de productivité sont le fondement même de l'augmentation du niveau de vie. À défaut de tels gains, il ne peut y avoir d'élévation du pouvoir d'achat des Canadiens. Les accroissements de revenu qui ne découlent pas de l'amélioration de la productivité ne peuvent qu'engendrer des hausses de prix, non un renforcement du pouvoir d'achat. Étant une des économies du monde les plus tributaires des échanges, nous devons veiller à ce que la croissance de notre productivité maintienne notre compétitivité à l'échelle mondiale. Pendant plus de deux décennies, nous n'avons pas réussi à relever ce défi.
Monsieur le président, nous vous avons remis, à vous et à vos collègues, des graphiques qui illustrent cela. Il y a trente ans, la production manufacturière du Canada était supérieure au niveau américain. Aujourd'hui, elle leur est inférieure de plus de 20 p. 100. L'une des mesures de ce recul alarmant est la baisse du niveau de vie au Canada. Le revenu réel par personne a baissé de presque 5 p. 100 jusqu'ici au cours des années 90—il s'agit de la chute la plus marquée de l'après-guerre. Une autre mesure de notre compétitivité déclinante est notre devise—qui a plongé ces derniers temps plus bas que jamais auparavant.
Nous avons beaucoup à faire au Canada pour résoudre ces problèmes. Je suis persuadé que l'un des aspects essentiels de notre réponse à ces problèmes nationaux est le maintien d'un secteur des services financiers à propriété canadienne solide, innovateur et concurrentiel en mesure de satisfaire aux besoins des consommateurs du marché intérieur et de croître à l'étranger.
En ce sens, la contribution du rapport MacKay, qui propose un cadre de travail, est importante. Les banques canadiennes ont un rôle fondamental à jouer en appuyant la transition de notre pays vers l'économie informationnelle à double titre. D'abord, en s'acquittant de leur rôle traditionnel de prêteurs, de conseillers et d'investisseurs auprès des entreprises de haute technologie au pays et à l'étranger. Ensuite, en construisant et en investissant pour elles-mêmes dans la technologie.
• 1540
Permettez-moi de vous donner un exemple. La CIBC consacre
environ 1,2 milliard de dollars par année à la technologie. Une
partie de cette somme sert à la construction et au maintien des
systèmes informatiques à volume élevé que nous utilisons pour nos
opérations nationales par carte de crédit, Interac, téléphone et
guichets automatiques bancaires. Nous avons constitué dernièrement
une coentreprise avec Hewlett-Packard pour étendre cette capacité
aux applications du commerce électronique. Nous envisageons
d'offrir ces applications partout en Amérique du Nord et dans le
monde. Ainsi avons-nous créé au Canada un centre mondial de
l'excellence et de nouvelles possibilités d'emploi dans l'un des
secteurs à croissance des plus accélérées de la nouvelle économie.
Des banques solides créent de bons emplois, des emplois à forte utilisation de connaissances, non seulement des emplois directs, mais aussi, en périphérie, dans de nombreux secteurs tels que le marketing, le droit, la comptabilité et la technologie. Le salaire moyen dans le secteur bancaire était l'année dernière supérieur d'un tiers au salaire industriel moyen au Canada. Pour la seule CIBC, le nombre de travailleurs du savoir a augmenté de plus de 25 p. 100 au cours des trois dernières années.
De plus, des banques solides contribuent sensiblement à l'amélioration de la productivité dans l'économie en général. Selon certaines études, les pays dont le secteur des services financiers est efficace et bien réglementé enregistrent les taux de croissance les plus élevés. Les organismes de réglementation aux États-Unis reconnaissent que la consolidation du secteur bancaire est nécessaire pour appuyer une amélioration continue de la productivité. Ils ont, par conséquent, approuvé rapidement des dizaines de fusions importantes.
En Europe, les gouvernements de pays plus petits, comme la Hollande et la Belgique, ont encouragé leurs banques à fusionner pour améliorer leur efficacité et assurer le maintien d'un secteur bancaire vigoureux qui puisse soutenir la concurrence accrue d'institutions financières de bien plus grande envergure dans les pays voisins.
La technologie, la main-d'oeuvre et la productivité seront les fondements d'une économie prospère au 21e siècle. Et je crois que des établissements bancaires solides, à propriété canadienne et dont les sièges sociaux sont au Canada, peuvent jouer un rôle important en aidant le Canada à faire la transition vers l'économie informationnelle.
Le Groupe de travail MacKay a décrit avec éloquence et de façon très détaillée le genre de changements que subira notre secteur et les défis qu'il devra relever. Il a déclaré, avec beaucoup de justesse selon moi, que le statu quo ne pouvait être maintenu. Ce groupe a décrit les puissants concurrents internationaux, bancaires et non bancaires, qui naissent de la consolidation et de la déréglementation à l'échelle mondiale.
L'émergence de concurrents puissants ayant des ressources considérables à investir dans la technologie, la main-d'oeuvre, la mise au point de produits et le marketing élimine rapidement les barrières géographiques permettant ainsi aux marchés de se mondialiser. Cette nouvelle concurrence est bonne pour les consommateurs et les entreprises qui bénéficient déjà et continueront de bénéficier d'un plus grand choix et de prix moins élevés.
Comme l'a indiqué le Groupe de travail, les Canadiens ont actuellement accès à des services bancaires parmi les moins coûteux dans le monde industriel. Et nous devrons continuer de réduire ces coûts car cela est bon pour notre économie. Il en résulte une amélioration de la productivité et, par conséquent, de notre niveau de vie.
Nous avons fait part durant notre présentation au Groupe de travail MacKay il y a un an de notre vision d'offrir le maximum de choix aux consommateurs par l'intermédiaire du plus grand nombre possible de concurrents. Toutefois, nous croyons également qu'un élément essentiel de notre vision porte sur le maintien de solides institutions de services financiers à propriété canadienne. Vous trouverez dans les nécessaires que nous avons distribués une description détaillée de notre vision.
Lorsque nous avons examiné les forces puissantes qui façonnent notre secteur, nous avons conclu à la CIBC que nous avions le choix entre fusionner avec un concurrent, afin de nous assurer l'ampleur et l'efficacité nécessaires pour continuer d'offrir la même gamme de services bancaires auxquels sont habitués les consommateurs et les entreprises, ou réduire ou éliminer nos activités dans certains secteurs et sur certains marchés. Comme l'a mentionné le Groupe de travail MacKay, les fusions sont une option.
Nous proposons une fusion avec la Banque TD parce que nous croyons que nos deux établissements s'intégreront parfaitement pour nous permettre non seulement de mieux soutenir la concurrence sur nos marchés au pays, mais aussi d'assurer l'expansion de nos affaires en Amérique du Nord et à l'étranger. Ensemble nous formerons la banque canadienne la plus nord-américaine, qui aura un potentiel de croissance énorme et pourra rapatrier des bénéfices de l'étranger. De plus, nous continuerions de croître en procédant à des acquisitions au-delà de nos frontières.
• 1545
Nous reconnaissons que la taille relative des banques
canadiennes soulève des questions au sujet de la concurrence. Voilà
pourquoi nous appuyons la proposition du Groupe de travail de
permettre une plus grande concurrence sur les marchés canadiens. Et
c'est aussi pourquoi nous collaborons étroitement avec le Bureau de
la concurrence pour étudier les répercussions de notre fusion
proposée sur les marchés.
Nous comprenons également les préoccupations des Canadiens au sujet des répercussions des fusions sur les communautés. À cet égard, nous appuyons la proposition du rapport MacKay d'effectuer une étude des répercussions sur les communautés. Nous sommes fiers de l'engagement que la CIBC a pris à l'égard des communautés, y compris de la participation de nos employés. L'année dernière, notre banque a été l'entreprise ayant effectué le plus de dons au Canada et nous sommes reconnus comme étant un des chefs de file pour la participation à des activités communautaires et l'engagement envers les communautés.
En résumé, monsieur le président, la question soumise à votre comité ne concerne pas uniquement les fusions ni même la réforme des services financiers. La véritable question, le véritable impératif, est de jeter les bases d'une nation concurrentielle et prospère affichant une productivité de classe mondiale qui permet d'accroître la richesse. Une nation à l'avant-garde de l'ère de l'information. Une nation offrant des possibilités à ses jeunes citoyens. Un élément clé de cette vision est l'établissement d'un système de services financiers axé sur le client, offrant beaucoup de choix et ouvert à tous les concurrents. Un système solide et efficace appartenant aux Canadiens.
Pour réaliser cette vision, nous avons besoin de politiques publiques qui soient judicieuses et souples pour s'adapter aux changements rapides qui transforment le monde. Le travail de ce comité, monsieur le président, sera primordial pour élaborer ces politiques. Cette tâche sera difficile. Vous devez satisfaire de nombreux groupes ayant différentes exigences.
Le Groupe de travail MacKay a préparé la voie. Il demande à tous ceux qui participent à la réforme des services financiers, c'est-à-dire le gouvernement, les organismes de réglementation et les groupes d'intervention, de voir au-delà de leurs intérêts immédiats et de collaborer à l'établissement d'un système de services financiers qui répond véritablement aux besoins du Canada et des consommateurs canadiens. Aucune institution ne sera totalement gagnante dans ce processus. Le seul véritable gagnant sera le consommateur, et il doit en être ainsi.
Comme le Groupe de travail, je crois que nous pouvons créer un pays dont la vigueur et la stabilité des institutions financières seront inégalées dans le monde, dont la capacité de soutenir la concurrence, d'innover et de réussir au prochain millénaire sera inégalée, et dont les possibilités, la richesse et la qualité de vie des citoyens seront inégalées.
Je vous remercie. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Flood.
Nous commencerons par M. Epp.
M. Ken Epp: Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant d'être venu aujourd'hui et d'avoir présenté cet exposé. J'ai plusieurs questions qui portent à la fois sur votre exposé et sur d'autres questions que vous n'avez pas abordées.
Vous parlez des avantages de la technologie; il est vrai que les nouvelles technologies font maintenant partie de ce que sont les banques. Cependant, je suis quelque peu perplexe; il y a déjà plusieurs décennies que j'ai un revenu et que j'ai un compte en banque. Les frais bancaires ont augmenté de façon considérable. À titre de consommateur, je juge que les banques existent tout autant pour profiter de moi que pour m'aider. Et vous venez nous dire ici aujourd'hui que la seule personne qui gagnera sera le consommateur. En fait, vous avez dit et je cite «le seul véritable gagnant sera le consommateur». Vous avez parlé d'un système de services financiers axé sur le client, et de choses du genre, et je me demande comment vous pouvez concilier cela.
Lorsque j'ai terminé mes études universitaires et que j'ai ouvert mon premier compte en banque, on me payait pour apporter mon argent. Je dois maintenant payer pour faire un dépôt ou retirer de l'argent de mon compte en banque. Je ne vous dirai pas de quelle banque il s'agissait parce que ce ne serait pas correct, mais j'ai ouvert un compte—on m'a forcé à ouvrir un compte—parce que je voulais prendre des mesures particulières pour le paiement de ma carte de crédit MasterCard. On m'a forcé à ouvrir un compte, puis on l'a éliminé parce qu'il n'était pas assez important. On refusait de me rendre mon argent.
• 1550
Ce n'était pas votre banque, mais j'aimerais quand même que
vous répondiez à une question que moi et que nombre de Canadiens
nous posons, soit de quel côté se rangent les banques? Est-ce que
toutes ces belles paroles où l'on dit que la concurrence sera à
l'avantage du consommateur, etc., ne sont que de la frime, et
visent simplement à permettre aux banques d'exercer un contrôle
plus important sur l'industrie des services financiers?
M. Al Flood: J'oeuvre dans le secteur des banques depuis 1951, j'ai donc été témoin de nombre de changements; à mon avis, les avantages que vous avez vus au cours des dernières décennies... Vous avez dit qu'il y a déjà bien longtemps que vous avez ouvert votre premier compte en banque, et vous participez donc à l'industrie depuis très longtemps.
Il y a bien des années, il y avait beaucoup d'interfinancement dans le domaine des intérêts, que ce soit sur les dépôts ou les prêts, et au fil des ans nous nous sommes orientés vers ce que nous avons aujourd'hui, soit un système d'utilisateur-payeur. Je crois que le système est beaucoup plus juste et équitable aujourd'hui. Ceux qui se servent des services paient pour ces services. Ceux qui font des dépôts sont payés pour ces dépôts. Ceux qui empruntent de l'argent paient des taux d'intérêt concurrentiels.
Je crois que nous sommes une société vraiment concurrentielle, une industrie vraiment concurrentielle. Vous pouvez comparer cela... Le Groupe de travail MacKay a procédé à diverses études et a étudié la situation qui prévaut dans d'autres pays; je crois qu'il en est venu à la conclusion que le Canada avait un système de services fort concurrentiel et économique, et qu'il s'agit en fait d'un des systèmes bancaires les plus efficaces au monde. J'ai vécu à l'étranger, j'ai utilisé des banques à l'étranger et j'ai parlé à bien d'autres gens, et je peux vous assurer que bien des gens sont revenus au Canada et ont dit qu'ils avaient peine à croire à quel point notre système est bon.
Je vous conseille d'aller voir dans un autre pays, d'ouvrir des comptes, de voir ce que vous paierez et de revenir ensuite au Canada et d'aller voir ailleurs. Je pense que vous constaterez... Je pense qu'il s'agit d'ouvrir notre économie à la concurrence globale parce que c'est maintenant une réalité. Les forces de la globalisation et la technologie vont ouvrir nos frontières comme jamais auparavant. Je pense que vous allez le voir et le ressentir. Ce sera la même chose pour tout le monde.
M. Ken Epp: Sans aucun doute. Et je ne peux pas nier l'efficacité du système bancaire au Canada. Je sais très bien que nous avons au Canada des entreprises bancaires très compétentes, solides, stables et durables et que la plupart des Canadiens leur font confiance.
Je n'ai rien à redire à cela. Ce que je veux dire, c'est que les clients nous disent que les services de la banque se sont érodés depuis 30 ou 35 ans par rapport à ce qu'ils doivent payer. Pourquoi leur ferions-nous confiance pour l'avenir si elles deviennent de plus en plus puissantes?
Vous m'avez répondu en partie, mais je ne suis pas certain que ce soit entièrement satisfaisant pour bien des Canadiens.
M. Al Flood: On peut comparer à d'autres services. Que payez- vous pour un journal? Que payez-vous pour le téléphone? Que payez- vous pour la câblodistribution? Tant qu'il y a de la concurrence et des taux compétitifs, les prix resteront à leur plus faible niveau. D'après moi, dans l'ensemble, le système bancaire fonctionne efficacement depuis plusieurs décennies. Peut-être que les Canadiens n'en font pas assez de cas, mais il faut reconnaître... Nous devons peut-être en parler davantage et continuer de donner des chiffres pour prouver que c'est un fait parce que les preuves sont là. Le comité MacKay, un comité indépendant, l'a bien confirmé. Je n'ai donc pas à m'en excuser.
M. Holger Kluge (président, Personal and Commercial Bank, Banque Canadienne Impériale de Commerce): Monsieur le président, je pourrais peut-être ajouter quelque chose à cette réponse. Il y a plus de 42 p. 100 de Canadiens qui ne paient pas de frais administratifs. Si vous avez plus de 60 ans, vous ne payez pas de frais administratifs. Si vous êtes un jeune adulte, vous n'en payez pas non plus. Les étudiants paient seulement 50 p. 100 des frais normaux. Pour un compte à très faible taux, les frais pourraient être 2,50 $ pour 10 transactions. Nous avons collaboré avec plusieurs organismes pour aider à réduire les frais de service. Il y a moyen d'obtenir des coûts énormément réduits.
Si vous prenez une transaction... Si vous êtes en Colombie- Britannique aujourd'hui et que vous retiriez de l'argent de votre compte, ou bien vous pouvez le faire gratuitement si vous habitez à Toronto ou à Halifax, ou bien vous devrez payer 40c. ou 50c. Parfois, le coût de transition est plus élevé que ce que nous vous faisons payer pour la transaction. Je ne me suis peut-être pas suffisamment bien expliqué, mais les frais de service sont parfois un mal nécessaire.
M. Ken Epp: Mais les banques ne font-elles pas aussi de l'argent grâce au coût de la transaction lorsque le système vous appartient?
M. Holger Kluge: Oui, mais songez aux investissements que nous devons faire. Nous avons près de 4 000 guichets automatiques. L'année prochaine, nous en aurons près de 6 000 d'un bout à l'autre du pays.
Un guichet automatique coûte en moyenne de 50 000 $ à 60 000 $. Et il faut ensuite l'alimenter en argent et retirer les dépôts, ce qui représente un certain coût. Ce n'est pas gratuit et il faut un certain temps pour recouvrer ces coûts.
Le président: Merci.
Avez-vous une dernière question, monsieur Epp?
M. Ken Epp: Déjà? Je n'arrive pas à le croire.
Le président: L'heure file.
M. Ken Epp: Je viens à peine d'entamer la première partie de ma première question. De toute façon, ne perdons pas plus de temps à en discuter.
Le fait est que vous semblez vouloir instaurer à la longue un système de recouvrement des coûts en faisant payer vos clients, mais que vous essayez de nous faire croire que si vous vous fusionnez... À mon avis, une fusion réduirait la concurrence. Au lieu d'avoir quatre, cinq ou six grandes banques, il y en aura deux ou trois selon la façon dont la situation évoluera. Il y aura donc moins de concurrence et vous augmenterez votre monopole sur la partie transaction de vos opérations partout dans le monde. À ce moment-là, qu'est-ce qui vous empêchera d'augmenter les frais que paient les consommateurs?
On nous avait dit il y a bien des années que, une fois que les guichets automatiques et les ordinateurs seraient installés, le coût par transaction baisserait de beaucoup. Ce serait merveilleux. À l'époque, les clients n'étaient pas obligés de payer pour parler à une caissière soit pour déposer, soit pour retirer de l'argent. Nous devons maintenant payer des frais même quand nous parlons à une caissière, et surtout quand nous faisons affaire avec la machine. Ce n'est donc pas le consommateur qui a profité de l'efficacité qu'on nous avait promise.
M. Holger Kluge: Cela a cependant réduit les coûts. Si vous faites affaire avec un préposé à la caisse, cela nous coûte 3 $; si vous faites vos transactions au guichet automatique, cela nous coûte environ 50c. Les coûts augmentent. Nous encourageons nos clients à utiliser des moyens moins coûteux et plus efficaces pour eux.
M. Ken Epp: Je n'ai pas terminé, mais j'imagine que je devrai m'arrêter là.
Le président: Monsieur Epp, je vous remercie non pas de vous être arrêté, mais d'avoir posé votre question.
M. Ken Epp: Oui, je sais.
Le président: Allez-y, monsieur de Savoye.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur Flood, monsieur Kluge, j'écoutais les propos de mon collègue du Parti réformiste au sujet des frais de service et je lisais dans le document que vous nous avez lu:
-
...les Canadiens ont actuellement accès à des
services bancaires parmi les moins coûteux dans le
monde industriel. Et nous
devons continuer à réduire ces coûts...
Monsieur Flood, je ne vois pas comment vous pourriez continuer à réduire vos coûts, parce que dans mon relevé bancaire, ils n'ont pas cessé d'augmenter depuis que je suis tout jeune. Si vous nous disiez que vous alliez arrêter de les augmenter, ce serait déjà bien et vous seriez crédibles, mais quand vous nous dites que vous allez continuer de les réduire, ça ne va pas, car vous ne les avez pas réduits de mémoire d'homme, depuis un joyeux moment. Cela m'amène à vous poser ma question.
Puisque la technologie fait baisser vos coûts par transaction—vous mentionnez 50 ¢ pour une transaction au guichet automatique contre 3 $ pour une transaction avec une personne—, comment se fait-il que les frais continuent de monter? Expliquez-moi ça.
[Traduction]
M. Holger Kluge: Comme je l'ai déjà dit, cela dépend de la transaction que vous voulez faire avec l'institution financière. Les transactions en personne coûtent plus cher et c'est à vous de décider comment vous voulez faire affaire avec l'institution financière. Si vous optez pour la transaction électronique, le service est moins personnel, mais plus efficace, plus efficient et moins coûteux.
Je suis bien d'accord que les Canadiens seraient très heureux si nous pouvions nous débarrasser des frais de service, mais il faut faire certains investissements au départ pour recouvrer les coûts.
M. Pierre de Savoye: Mais ma question est celle-ci, monsieur Kluge. Vous utilisez les guichets automatiques pour réduire vos coûts par transaction. Comment se fait-il que mes coûts à moi ne sont pas réduits aussi? C'est peut-être parce que vous faites plus de profits. Dites-le-moi.
M. Holger Kluge: Comme je vous l'ai dit, je pense que nous pouvons vous prouver que, en fonction des services que vous utilisez, vos coûts dans l'ensemble ont probablement baissé. Un bon banquier pourrait vous montrer comment réduire vos coûts au minimum, mais cela dépend de vous et de la façon dont vous faites affaire avec votre banque. Si votre banque au Québec ne le fait pas, je pourrais volontiers vous montrer comment la CIBC peut réduire vos coûts.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Monsieur Kluge, vous êtes un bon vendeur, mais je ne serai pas un bon acheteur. Vous dites dans votre rapport:
-
...nous avions le choix entre fusionner avec un
concurrent,
afin de nous assurer l'ampleur et l'efficacité
nécessaires pour continuer d'offrir la même gamme de
services bancaires auxquels sont habitués les
consommateurs et les entreprises, ou
réduire ou éliminer nos activités dans certains
secteurs et sur certains marchés.
Pourriez-vous être un peu plus précis? Je comprends que le grand schème derrière la fusion, c'est de vous permettre de mieux vous positionner. Sans révéler vos plans stratégiques, pourriez-vous nous expliquer exactement ce qui se passe dans l'option un? Qu'est-ce que vous allez réduire? En tout cas, dans ma circonscription, vous ne réduirez rien car vous n'êtes pas présents. Qu'est-ce que vous allez maintenir si vous fusionnez? Essayez de nous donner une image exacte. Quel est votre programme?
[Traduction]
M. Al Flood: Je vais essayer de répondre.
Voici ce qui devrait arriver après une fusion. Nous n'avons pas encore établi tous les détails parce que nous négocions encore avec le Bureau de la politique de concurrence. Nous travaillons pour voir quel genre de compagnie nous pourrions avoir si nous respectons les lignes directrices du Bureau. Essentiellement, il y aurait rationalisation à notre siège social et dans nos systèmes électroniques opérationnels. Nous pourrions aussi répartir nos coûts de commercialisation entre un plus grand nombre de clients. Je veux parler de nos dépenses de technologie. Ensuite, nous examinerions chaque succursale et chaque localité pour voir quel genre de services nous pouvons vendre dans ces succursales en combinant nos opérations et en ajoutant plus de services et de produits. Nous examinerions aussi la façon de préserver la viabilité d'un réseau de succursales en même temps qu'un réseau bancaire électronique puisque nous avons maintenant deux réseaux en même temps.
Il y a aussi le fait que la concurrence s'est beaucoup accrue. L'industrie bancaire a changé. L'industrie des services financiers a changé. Le public a commencé à s'intéresser aux fonds mutuels et les déposants sont devenus des investisseurs. Le public a trouvé d'autres moyens de s'occuper de ses affaires financières.
Le monde des services bancaires et financiers offre maintenant toute une gamme de choix et d'options. À l'avenir, nos clients auront beaucoup plus de choix qu'auparavant vu qu'il y aura beaucoup d'autres fournisseurs, y compris les banques actuelles, les sociétés d'assurance, les fonds mutuels, les gestionnaires financiers et les planificateurs financiers. Il y aura toutes sortes de façons pour eux de faire affaire avec les fournisseurs de services, que ce soit par Internet, les guichets automatiques, le téléphone, les ordinateurs ou les succursales. Notre industrie entre dans une ère nouvelle. C'est ce qu'il faut comprendre. C'est cela qui va changer. C'est pour cela que la concurrence va changer de façon tout à fait radicale.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Parlons de la concurrence, monsieur Flood. Il y a des banques qui ne se fusionneront pas. À vous entendre, pour CIBC, hors de la fusion, point de salut. Prétendez-vous que les banques qui ne se fusionnent pas courent tout droit au désastre? Quelle est la différence entre vous et celles qui ne veulent pas se fusionner? Pourquoi est-il si important pour CIBC de se fusionner? Qu'est-ce qui vous différencie des autres?
[Traduction]
M. Al Flood: Chaque groupe élabore ses propres stratégies et fait des choix. Certains veulent élargir leur cadre d'activités pour faire concurrence non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis et dans le reste du monde. D'autres veulent être compétitifs seulement au Canada. Certains voudront s'occuper uniquement de certains produits comme les cartes de crédit, les fonds mutuels ou les hypothèques. Il y aura des marchés à créneau.
Il y aura un éventail tout à fait différent d'intervenants. Nous avons plus ou moins l'habitude de voir six banques et six compagnies d'assurance, mais ce sera bien différent demain. Il y aura donc un grand nombre de fournisseurs, de grandes entreprises internationales, des entreprises globales qui vont venir au Canada, des entreprises étrangères et aussi des compagnies canadiennes qui vont vouloir se lancer sur un marché plus vaste. Il y aura ensuite beaucoup d'entreprises de créneau, qui n'offriront qu'une gamme de produits. La concurrence va donc changer énormément.
Vous n'avez qu'à songer à l'industrie des télécommunications telle qu'elle existait il y a 20 ans et voir ce qu'elle est devenue aujourd'hui et ce qu'elle deviendra probablement demain. Elle a changé de façon tout à fait spectaculaire. Il y a beaucoup de points de ressemblance entre les services financiers et les télécommunications.
Le président: Merci.
M. Pierre de Savoye: Je poserai d'autres questions plus tard. Merci.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Flood, dans un numéro récent du Reader's Digest, j'ai lu un article bien émouvant à propos d'une petite fille qui était très fière d'avoir fait un dépôt dans une banque, mais qui a constaté en allant faire un retrait qu'elle devait de l'argent à la banque à cause de divers frais de services, ce qui est contraire à ce que vous avez dit tantôt au sujet de ce que font les banques pour les jeunes. Le Reader's Digest se trompait peut-être, mais il me semble que ce genre de situation n'est pas à votre avantage à l'heure actuelle.
J'ai trois questions à poser. Je vais les poser l'une après l'autre et vous pourrez répondre dans l'ordre que vous voudrez. Vous affirmez qu'une banque plus grande veut dire une meilleure banque pour toutes sortes de raisons, mais d'après certains rapports, une fois qu'une banque a 5 milliards de dollars d'actifs, son efficacité n'augmente plus. Vous pourrez peut-être me dire ce que vous en pensez.
Deuxièmement, les banques s'occupent maintenant de bien d'autres choses que les affaires bancaires. On pourrait même aller jusqu'à dire que les banques n'ont plus tellement d'activités bancaires traditionnelles ou que nous considérons normalement comme traditionnelles. Vous avez déjà manifesté de l'intérêt pour le secteur de l'assurance et pour la location-bail. Où tout cela va-t- il s'arrêter? J'imagine que cela ne s'arrêtera pas. Pouvez-vous concevoir que les banques offriront un jour des services de pompes funèbres, de voyages ou d'autres services utiles grâce à vos centres téléphoniques et à vos succursales? La question peut sembler étrange, mais je suis sérieux.
Enfin, à la deuxième page de votre exposé, monsieur Flood, vous parlez de la possibilité de trouver de nouvelles applications commerciales grâce au commerce électronique et à la révolution qu'entraînera le commerce électronique, surtout dans votre secteur et le reste du secteur des services, pour les activités comme les voyages, le courtage, et ainsi de suite. Pouvez-vous nous dire quelles seront les conséquences d'après vous du commerce électronique pour les services que les banques pourront offrir à l'avenir?
M. Al Flood: Je répondrai d'abord à votre première question qui avait trait au rapport entre la taille des banques et la qualité de leurs services. Il y a eu tout un débat au sujet de l'importance de la taille. La taille est quelque chose de tout à fait vital à notre époque des services numériques et électroniques. Si vous jetez un coup d'oeil au sud de nos frontières à la Bank of America, à Citigroup et à Travelers et si vous songez aussi aux banques suisses et à l'Europe, vous constaterez que la taille de la banque sera un facteur critique sur le marché global parce qu'il y aura d'énormes investissements dans la technologie, la commercialisation, la publicité et la main-d'oeuvre.
Nous avons déjà perdu des employés qui nous ont dit que nous n'étions pas une assez grande banque pour survivre sur la scène globale. Nous allons donc devoir limiter nos ressources à la taille de l'entreprise.
M. Nelson Riis: Pouvez-vous me donner un exemple précis? Si vous n'êtes pas aussi grande que certaines grandes banques sur le marché international, qu'est-ce que cela va vous empêcher de faire ou de faire aussi bien que les autres?
M. Al Flood: Je vais donner l'exemple d'une compagnie de cartes de crédit qui n'offre qu'une gamme de produits et il y en a déjà trois sur le marché canadien. À cause de leur taille, de l'argent qu'elles investissent pour la recherche et le développement technologique et la souplesse de leurs conditions pour offrir les cartes de crédit, nous calculons qu'elles ont déjà un taux d'efficacité d'exploitation 15 p. 100 plus élevé que le nôtre. Il y a des économies d'échelle. Ces compagnies peuvent faire de la publicité et envoyer 25 lettres par année à leurs clients alors que nous n'en enverrons peut-être que trois ou cinq par année. Elles sont prêtes à faire un tel investissement parce qu'elles en ont les moyens. Il y a toutes sortes d'autres exemples du même genre sur le marché.
Nous n'avons pas encore compris l'envergure de l'économie numérique et des nouveaux moyens de technologie et de communications et comment cela va changer la concurrence. La taille deviendra un facteur très important. Citigroup a 100 millions de clients partout dans le monde. Quand cette entreprise construit un réseau, elle peut réaliser des économies d'échelle et nous devons pouvoir lui faire concurrence. Si nous essayons de rivaliser avec Citigroup, nous perdrons à tous les coups. Il ne faut pas l'oublier.
L'autre chose, c'est que nous avons essayé d'offrir un éventail complet de services tant au simple consommateur qu'aux entreprises. Notre stratégie consiste à offrir tous les services dont quelqu'un peut avoir besoin. Qu'il s'agisse d'assurances, de cartes de crédit, d'hypothèques, d'investissements ou de conseils financiers, nous pouvons vous fournir tous les services dont vous avez besoin et c'est la même chose pour les entreprises. C'est notre objectif. Nous ne pourrions peut-être pas le faire si nous n'avions pas suffisamment de clients et cela nous ramène encore une fois aux économies d'échelle.
• 1610
Dans le cas du commerce électronique, la rapidité des
transactions entre entreprises va sans doute augmenter énormément
d'ici trois à cinq ans. Nous sommes déjà en train d'instaurer un
réseau d'achat dans notre propre banque pour que 85 p. 100 de nos
achats, et notre budget d'acquisitions représente 1,5 à 2 milliards
de dollars par année, se fassent automatiquement à l'avenir, et
c'est très efficace. Toutes les factures seront payées
automatiquement et tout le reste aussi. On commencera par les
transactions entre entreprises et ensuite on passera aux
transactions entre les entreprises et les clients. Les
consommateurs pourront facilement avoir accès au commerce
électronique.
Dans cinq ou 10 ans, les jeunes qui voudront faire affaire avec la banque ne procéderont pas comme nous le faisions nous- mêmes. Ce sera très différent. Nous devons nous y préparer. Si nous n'avons pas les réseaux et les moyens nécessaires pour nous occuper d'eux, nous perdrons leur clientèle et c'est une chose essentielle pour nous.
Nous sommes en train de construire un réseau de transition. Nous gardons les immeubles pour continuer à nous occuper de nos opérations bancaires traditionnelles comme le veulent nos clients. Mais il y a toute une nouvelle génération qui voudra procéder autrement et cela va changer la façon dont nous fonctionnons.
M. Nelson Riis: Que pensez-vous de l'agence de voyage et du service de pompes funèbres?
M. Al Flood: J'ai déjà dit que notre banque a pour stratégie de rester dans le secteur des services financiers, ce qui veut dire que nous aurons des activités reliées aux services financiers. Nous ne voulons pas nous lancer dans d'autres activités qui ne sont pas reliées aux services financiers. Notre coentreprise avec Hewlett- Packard nous fournit les instruments de base de commerce électronique pour nos services financiers, mais ce doit être relié aux services financiers. C'est ce que nous comptons faire parce que nous croyons que cela suffit et que c'est autant d'activités que nous pouvons gérer convenablement.
M. Holger Kluge: Permettez-moi d'ajouter une chose, monsieur Riis. Vous demanderez peut-être: «Pourquoi n'avez-vous pas les moyens d'être compétitifs? Vous dépensez 1,2 milliard de dollars pour de la nouvelle technologie et vous dites que vous n'avez pas les moyens de dépenser pour rivaliser avec certains fournisseurs d'un seul produit.» Le fait est que 75 p. 100 de ces dépenses technologiques servent à l'entretien de nos réseaux électroniques actuels et seulement 25 p. 100 pour la recherche et le développement. Sur des dépenses de 1,2 milliard de dollars, cela veut dire 300 millions de dollars pour la recherche et le développement. Ces dépenses sont réparties entre 20 ou 25 produits et c'est donc déjà beaucoup si nous pouvons dépenser de 15 millions de dollars à 20 millions de dollars pour les cartes de crédit en un an. Les entreprises qui n'offrent qu'un seul produit peuvent dépenser 10 fois plus, ce qui veut dire que nous avons un désavantage sur le plan de la concurrence.
En fusionnant avec une autre banque comme TD, nous espérons ne pas avoir à dépenser autant pour l'entretien et pouvoir dépenser de 500 à 600 millions de dollars pour la recherche et le développement, ce qui nous permettrait d'être plus compétitifs.
M. Nelson Riis: Puis-je poser une dernière question, monsieur le président?
Le président: Vous pouvez poser une dernière question, après quoi ce sera le tour de M. Brison.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.
Relativement à l'assurance, nous avons, bien sûr, entendu bien des choses de la part des courtiers et des agents d'assurance. Ils communiquent aussi avec nous dans nos propres circonscriptions et ne parlent pas tellement de vente liée que de vente presque coercitive. Si les banques peuvent offrir un tel éventail de services, qu'elles le disent ou non, on a l'impression que si l'on conclut une entente avec la banque, nous aurons de meilleurs taux que si nous nous contentons d'acheter de l'assurance de notre courtier.
Qu'en pensez-vous?
M. Holger Kluge: Je suis tout à fait d'accord qu'il y a des inquiétudes au sujet des ventes liées et des ventes coercitives. Nous n'avons certainement pas pour politique de faire de la vente coercitive, mais il ne faut pas oublier que nous nous occupons d'assurance depuis 25 ans et que nous recevons rarement des plaintes. Je veux parler de l'assurance-vie pour créancier. Par exemple, si vous achetez une hypothèque ou empruntez de l'argent pour une automobile, nous vous offrons de l'assurance-vie pour que l'emprunt soit remboursé en cas de décès. Nous avons déjà en moyenne 2,2 millions de clients d'assurance, tant pour les polices d'assurance-vie que pour les polices d'assurance générale.
Cette année, nous avons reçu à nos succursales 13 plaintes en tout pour ventes coercitives. Seulement quatre sont allées jusqu'au niveau de la direction et aucune n'est allée jusqu'à l'ombudsman. Je sais que cette question inquiète le public, mais nous essayons de réduire le problème au minimum. Vu que nous avons 2 millions de clients et que nous n'avons reçu que 13 plaintes et que seulement quatre se sont rendues jusqu'au premier échelon, je pense que nous faisons un assez bon travail.
Le président: Merci, monsieur Riis.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président et je remercie nos témoins de leur exposé.
L'une des préoccupations soulevées par certains des autres députés et par les compagnies d'assurance-vie au sujet des opérations de courtage d'assurance de biens et d'assurance multirisque dans les banques et de location-bail, c'est que la participation des banques à ces activités ne rehausse pas la concurrence dans ces secteurs qui sont déjà relativement concurrentiels et que cela ne sera pas à l'avantage des clients. Ces groupes, y compris les courtiers en assurance, par exemple, nous disent que cela inciterait les banques à acquérir un secteur viable.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez. À quel point vos banques tiennent-elles à pouvoir vendre ces services dans leurs succursales?
M. Al Flood: Sur le plan de la stratégie, nous considérons que plus nous pouvons vendre de produits dans nos succursales, plus les succursales seront viables. En outre, les clients réclament ces services.
Le Groupe de travail MacKay s'est penché sur la question et a dit que nous pourrions au contraire rendre l'industrie de l'assurance plus concurrentielle. D'après le Groupe de travail, il y a un secteur de l'industrie de l'assurance qui n'est pas bien desservi à l'heure actuelle, et nous pourrions probablement nous en occuper grâce à notre système de distribution.
Deuxièmement, si vous examinez ce qui se passe dans le domaine du crédit-bail automobile aux États-Unis, où les banques peuvent faire concurrence aux fabricants d'automobiles, vous verrez que ce crédit-bail peut coûter 650 $ de moins par année qu'au Canada et le secteur est donc beaucoup plus concurrentiel. Les fabricants d'automobiles ont un avantage au Canada parce qu'ils contrôlent de 80 à 85 p. 100 du marché sans affronter la concurrence des banques et, soit dit en passant, ces usines d'automobiles appartiennent à des Américains. Je ne connais aucun autre pays qui donne un avantage à des étrangers par rapport à ses propres citoyens. Je trouve cela incroyable.
Les faits sont là. Je pense que le Groupe de travail MacKay a montré que la crédit-bail est plus concurrentiel aux États-Unis parce que d'autres institutions financières peuvent faire concurrence aux fabricants d'automobiles. Au Canada, nous avons une situation très spéciale qui favorise les fabricants d'automobiles étrangers par rapport aux fournisseurs de services financiers du Canada. Je ne comprends vraiment pas pourquoi il y a un débat là-dessus.
M. Holger Kluge: Permettez-moi de vous donner un exemple pour l'assurance. Au Québec, cela fait déjà quelques années que les caisses populaires et la Banque nationale peuvent vendre de l'assurance. Le coût moyen d'une police d'assurance-vie de 10 000 $ au Québec est de 245 $; ailleurs au Canada, il est de 324 $. Voilà donc la preuve que s'il y avait plus de concurrence dans un secteur, on pourrait faire baisser le coût de l'assurance.
Deuxièmement, relativement aux pertes d'emploi, je pense que certains de vos témoins ont dit qu'il y avait des courtiers d'assurance qui avaient perdu leur emploi au Québec. Pourtant, la Caisse centrale Desjardins du Québec, par exemple, a triplé le nombre de ses employés, qui est passé à plus de 1 625, ce qui veut dire un gain net. Certains courtiers ont dû fermer boutique et devenir des employés de la Caisse, mais dans l'ensemble, c'est le consommateur qui en a profité.
La dernière chose, c'est que 17 p. 100 des Canadiens à faible revenu n'ont pas d'assurance-vie du tout parce que les primes sont trop faibles pour ce marché.
M. Scott Brison: L'une des choses intéressantes dont il est question dans le rapport MacKay, ou l'une des choses dont on comprend mal les conséquences possibles pour le secteur des services financiers, a trait à l'arrivée sur le marché des nouvelles banques, avec par exemple les règles de propriété élargies, l'exonération de l'impôt sur le capital pendant 10 ans et le plein accès au système de paiement. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. D'après vous, combien de temps faudrait-il, si l'on donne suite à ces recommandations, pour que l'on en ressente les conséquences si conséquences il y a? Dans combien de temps y aurait-il des banques communautaires régionales, par exemple? Si je ne m'abuse, le rapport MacKay signale que l'on pourrait lancer une banque avec un capital de 10 millions de dollars.
• 1620
Une chose que nous pourrions faire ou une possibilité que le
comité pourrait examiner, serait d'augmenter les incitatifs par
rapport à ce que proposait le rapport MacKay. Par exemple, nous
pourrions offrir aux nouvelles banques un accès complet et tout à
fait libre au courtage d'assurance et au crédit-bail automobile.
Peut-être qu'on pourrait interdire aux grandes banques d'y
participer. Ce pourrait être une solution de compromis.
Je voudrais savoir ce que vous pensez des autres choses que nous pourrions proposer au comité pour garantir qu'un grand nombre de ces nouvelles banques pourront fournir certains des services communautaires dont nous aurons besoin à l'avenir, surtout dans les régions rurales du Canada.
M. Al Flood: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Quant à dire à quel point les gens s'empresseront de s'en prévaloir, je crois que vous verrez un certain nombre de nouvelles banques arriver sur le marché. Le Groupe du travail MacKay a recommandé, je crois, que les banques actuelles ne soient pas autorisées à se lancer dans le crédit-bail automobile ou l'assurance avant le 1er janvier 2002 afin de permettre à d'autres fournisseurs et concurrents de profiter de ce créneau. C'est sans doute raisonnable, car il nous faudra un certain temps pour nous préparer si nous nous lançons dans ce domaine. Ce n'est pas une chose que vous pouvez réaliser du jour au lendemain. Nous devons faire de la commercialisation et nous avons des concurrents très puissants dans le secteur de l'assurance. Je ne pense pas que la situation va changer énormément du jour au lendemain. C'est la même chose pour le crédit-bail automobile, un domaine dans lequel les concessionnaires et autres intéressés vont continuer à jouer un rôle actif.
Il faut également tenir compte de l'équilibre à respecter entre la solidité et la stabilité, d'une part, et l'innovation et la croissance, d'autre part, comme MacKay l'a également mentionné, je crois.
C'est un secteur d'activité où vous êtes forcé de faire preuve d'humilité. C'est un marché difficile. En période de récession, vous subissez de nombreuses pertes sur les prêts et autres transactions.
M. Scott Brison:
[Note de la rédaction: Inaudible]... et je suis conservateur depuis 1993.
M. Al Flood: Je suis banquier depuis 1951. C'est un domaine dans lequel il faut être prudent. Vous devez établir un juste équilibre entre la solidité et la stabilité. Nous avons dit à MacKay, il y a un an, qu'il était essentiel de toujours préserver cette solidité et cette stabilité de même que la confiance dans le système. Avec l'ouverture du système de paiement et l'ouverture du marché, il n'est pas nécessaire, avec la technologie et les communications d'aujourd'hui, d'être gros pour soutenir la concurrence. C'est le gros avantage de la technologie et des communications. Vous pouvez concurrencer des géants en ciblant une région donnée ou un produit donné et vous pouvez même être un concurrent tout à fait viable.
M. Scott Brison: Il n'est pas nécessaire d'être gros pour affronter la concurrence.
M. Al Flood: En effet. Vous pouvez viser un petit créneau. Il peut y avoir de grandes institutions, de première et deuxième catégorie, de même que des institutions visant certains créneaux ou offrant une gamme limitée de produits. C'est ce que vous allez constater dans notre secteur, et voilà pourquoi le secteur bancaire sera très différent, dans cinq ans, de ce qu'il était il y a cinq ans.
M. Scott Brison: Votre argument selon lequel, grâce à la technologie, vous n'avez pas besoin d'être très gros pour affronter la concurrence, va quelque peu à l'encontre de l'argument en faveur des fusions.
M. Al Flood: Tout dépend de la stratégie que vous voulez suivre et du marché sur lequel vous voulez être présent. Si vous voulez être présent sur les gros marchés, vous avez intérêt à être gros. Si vous voulez concurrencer la Bank of America, Citigroup et certaines de ces institutions sur le marché international, il vous faut les moyens de le faire. Si vous voulez jouer le rôle de banque communautaire, comme celles qu'il y a aux États-Unis... Il suffit de voir l'essor pris par les coopératives de crédit. Elles ont obtenu d'excellents résultats dans de nombreuses régions du pays, et je crois qu'elles mobilisent actuellement leurs forces et qu'elles seront encore plus puissantes.
Je crois que la concurrence va changer de visage, et c'est ce que nous proposons. C'est ce qui s'annonce et c'est ce que propose MacKay. J'invite le comité à examiner cet aspect, car je crois que c'est ce qui est envisagé.
M. Holger Kluge: Pour revenir sur ce que M. Flood a dit à propos de la technologie, nous pourrions aider certaines de ces petites banques sur le plan de la compensation des chèques, de l'utilisation de nos guichets automatiques et de l'infrastructure dont nous disposons en tant que banque nationale. Comme banques communautaires, elles peuvent s'en servir. Nous voulons travailler ensemble afin qu'elles n'aient pas à faire ce genre d'investissement.
Le président: Merci.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Kluge, en réponse à M. Riis, vous avez mentionné, je crois, l'exemple la Caisse populaire et le fait qu'au Québec les primes d'assurance-vie coûtent moins cher que dans les autres régions. On nous a dit que les prix de l'assurance CIBC étaient au bas de l'échelle lorsque vous êtes entré sur ce marché, mais qu'ils se situaient maintenant au milieu. Je me demande comment cela peut concorder avec ce que vous avez dit tout à l'heure.
M. Holger Kluge: Je vais vous donner l'exemple de la Caisse. Vous pouvez vérifier quels sont ses tarifs pour une police d'assurance-vie temporaire de 10 000 $. Les prix de CIBC sont toujours dans le premier tiers de la fourchette. Nous offrons le meilleur éventail de prix, dans les 25 ou 30 p. 100 du marché. Naturellement, il y a certains dangers à être des assureurs à haut risque, mais nous continuons à être concurrentiels.
M. Tony Valeri: Pas nécessairement les moins chers, mais concurrentiels.
M. Holger Kluge: Pas nécessairement, cela dépend de...
M. Tony Valeri: Si vous prenez l'exemple de la Caisse, j'ai eu l'impression que vous seriez au bas de l'échelle.
M. Holger Kluge: Mais je crois que c'est un bon exemple qui montre que c'est possible.
M. Tony Valeri: Vous avez répondu à une partie de ma question, monsieur Flood, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de quelque chose d'autre. Au début de l'année, Michael Porter, de Harvard, nous a parlé des banques et de leur taille. Il s'est dit sceptique pour ce qui est de leur taille, car il semble de plus en plus qu'il ne soit pas nécessaire d'être aussi gros que c'était le cas il y a 10 ou 20 ans pour être efficient. On nous a dit qu'avec la sous-traitance, les gains d'efficacité n'étaient plus aussi importants, même dans le secteur de la technologie. Pourtant, vos arguments d'aujourd'hui se fondent sur la nécessité de regrouper les ressources et de prendre de l'expansion pour pouvoir investir dans la technologie et accroître l'efficience.
Que pensez-vous des propos de M. Porter?
M. Al Flood: N'oubliez pas que M. Porter est américain. Il tient compte de la taille des institutions du marché des États-Unis. Si vous prenez la capitalisation de la Bank of America ou de Citigroup, elle représente celle de toutes les banques canadiennes réunies. Nous devons examiner notre situation à une échelle beaucoup plus réduite... Nous vivons dans un petit pays dont le dollar vaut 65c. CIBC et TD ne représentent, à elles deux, que le cinquième du capital de la Bank of America ou de Citigroup, et c'est là la concurrence que nous devons affronter. Prenez les autres concurrents que nous avons aux États-Unis, comme Wells Fargo, Bank One, Key Corp., Mellon, Bank of Boston et bien d'autres. Cela vous donne une idée de la taille des institutions que nous concurrencerons.
M. Tony Valeri: Par conséquent, vous ne rejetez pas nécessairement les affirmations de M. Porter. C'est juste que CIBC et TD réunies ne sont peut-être pas aussi grosses que ce dont parle M. Porter.
M. Al Flood: En effet.
M. Tony Valeri: D'accord.
Pour ce qui est des fusions comme telles, sans doute êtes-vous d'accord pour dire qu'il faudrait renoncer au principe selon lequel les grosses institutions ne devraient pas acheter d'autres grosses institutions?
M. Al Flood: Dans le mémoire que nous avons présenté au Groupe de travail MacKay, il y a un an, nous proposions d'éliminer la règle de propriété de 10 p. 100 et de confier des pouvoirs discrétionnaires au ministre. MacKay recommande maintenant de porter la limite à 20 p. 100 moyennant certaines exceptions. Cela me paraît acceptable compte tenu de ce que le rapport recommande.
Nous pensions également—et nous avons tenu toute une discussion à ce sujet—qu'un pays doit garder le contrôle sur son système bancaire. Si nous voulions aller acheter, aujourd'hui, une des grandes banques de compensation du Royaume-Uni, ou si nous avions les moyens d'acheter l'une des grandes banques américaines, je ne pense pas qu'on nous laisserait faire. Même s'il y a n'a pas de règle écrite, au nom de leur souveraineté, les États-Unis, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni veilleraient à garder la haute main sur leurs grandes banques.
C'est ce que le Canada devrait faire également. Il faudrait faire en sorte que le gouvernement ait suffisamment de pouvoir discrétionnaire pour exercer un contrôle à long terme au moyen de la politique publique, afin que nous ayons un système bancaire vraiment canadien. C'est une question de choix, et votre comité peut faire des recommandations en ce sens. L'autre solution est de jouer seulement le rôle de succursale, de reconnaître que le Canada n'est pas assez grand pour soutenir la concurrence sur la scène mondiale et qu'il faudra laisser nos banques devenir de simples succursales.
M. Tony Valeri: Donc, même si vous avez recommandé l'élimination de la règle des 10 p. 100, vous seriez d'accord avec ce que MacKay propose, c'est-à-dire le maintien de la limite de 10 p. 100 au-dessus de 5 milliards de dollars.
M. Al Flood: Il porterait ce chiffre à 20 p. 100, et l'écart n'est donc pas énorme. Le groupe de travail ne s'est pas tellement éloigné de notre position. Et je dois reconnaître que c'est une question dont nous avons longuement discuté entre nous.
M. Tony Valeri: L'autre question, dont vous avez parlé, est celle de la concurrence des institutions spécialisées comme GE Capitals, les cartes de crédit et autres. Toutefois, notre comité a entendu dire—et nos électeurs nous en parlent souvent— qu'il n'y aurait peut-être plus de concurrence pour les services bancaires essentiels. Que répondez-vous à cela?
Il s'agit, en fait, de la question de fonds, en tout cas dans nos circonscriptions. Tout le monde veut avoir le choix. Il y a certainement beaucoup de concurrence dans le secteur des fonds communs de placement et des cartes de crédit, mais ce sont les services bancaires de base qui préoccupent le public, et je crois que les députés d'en face y ont fait allusion dans leurs questions tout à l'heure.
Comment envisagez-vous l'avenir et comment pensez-vous que la concurrence peut être assurée, non seulement dans les domaines spécialisés, mais dans les services bancaires de base auxquels les Canadiens sont tellement habitués.
M. Al Flood: Cela me paraît essentiel et c'est effectivement la question cruciale. Si nous ouvrons le système de paiement aux compagnies d'assurance, aux compagnies de fonds communs de placement, aux autres secteurs du marché monétaire et aux nouvelles institutions et si nous abaissons les barrières qui s'opposent à l'entrée des banques étrangères, il y aura de la concurrence. Elle va se matérialiser. Quant à savoir si elle sera présente dans chaque localité ou non, c'est une autre question. Mais nous y serons avec au moins une autre grande institution, et il y en aura sans doute quelques autres. Il reste des concurrents très importants comme la Banque nationale, la Banque de Nouvelle-Écosse, Canada Trust de même que les coopératives de crédit.
Je pense que ces services bancaires de base seront donc offerts dans les diverses localités du pays, non seulement par l'entremise de grandes institutions comme la nôtre, mais également par celle des banques communautaires et des coopératives de crédit. Ce sera peut-être un peu long à mettre en place, mais je crois que cela se matérialisera.
M. Tony Valeri: Croyez-vous vraiment que les banques étrangères vont venir concurrencer le secteur des services bancaires de base?
M. Al Flood: Elles le font, d'une façon ou d'une autre. Si vous prenez ING...
M. Tony Valeri: La Banque de Hongkong est là.
M. Al Flood: La Banque de Hongkong et ING sont là et vous verrez sans doute arriver Citibank et la Bank of America.
Une fois les fusions réalisées aux États-Unis, il est facile de s'implanter au Canada, au Mexique et dans l'ensemble de l'hémisphère occidental. C'est sur ce principe que se fondent nos stratégies. Au cours des 20 prochaines années, nous nous attendons à devoir affronter une concurrence beaucoup plus serrée.
M. Tony Valeri: Vous vous attendez donc à ce que les banques étrangères viennent au Canada et offrent des services bancaires de base. Cela fait partie de votre stratégie et de ce que vous comptez faire pour affronter vos futurs concurrents.
M. Al Flood: Elles viendront ici et chercheront à attirer nos meilleurs clients. Elles ne s'établiront peut-être pas dans chaque localité mais elles chercheront à nous soutirer nos meilleurs comptes.
M. Holger Kluge: Monsieur Valeri, la grosse différence c'est qu'il y a 10 ans, les banques étrangères n'établissaient pas de succursales car certains obstacles s'opposaient à leur entrée sur le marché. Il est très coûteux de bâtir un réseau de 1 400 succursales comme celui que la CIBC a construit d'un bout à l'autre du pays. La technologie vous permet maintenant, comme ING l'a fait, d'établir un centre de données pour joindre la clientèle en lui permettant de faire ses transactions par téléphone, guichet automatique ou l'Internet. Il n'est plus nécessaire d'édifier l'infrastructure que nous avons bâtie.
Citibank est en train de construire la plus grosse banque directe au monde. Son but est d'avoir un milliard de clients dans le monde. Cela comprend de nombreux Canadiens. Ce n'est pas la façon traditionnelle de procéder; c'est par les nouveaux systèmes électroniques qu'elle veut joindre ses clients.
M. Tony Valeri: J'ai une dernière question.
Quand nous avons sillonné le pays, ces deux dernières semaines, en commençant par Vancouver, à Saskatoon, je crois, plusieurs témoins sont venus nous présenter des points de vue différents. C'était au sujet de la position adoptée par le Groupe de travail MacKay à propos des engagements dans le cas du processus d'examen des fusions.
Certaines personnes estiment que ces engagements devraient être respectés tandis que d'autres affirment qu'il n'est pas possible de le faire. Qu'en pensez-vous?
M. Al Flood: Je voudrais d'abord en revenir à votre question précédente.
Un domaine dont nous n'avons pas parlé pour ce qui est des autres formes de services, c'est celui des entreprises comme Loblaws et tous les supermarchés. C'est un autre accès aux services bancaires qu'auront les gens.
Mais pour en revenir à vos engagements, je dirai que si nous concluons une entente de fusion, nous devrons prendre certains engagements, mais nous devrons être prudents en ce qui concerne les garanties. Nous ne pourrons garantir certaines choses qu'à la condition d'avoir les revenus voulus, et je ne sais pas si nous les aurons en raison de la concurrence. Il y a aussi les cycles économiques et financiers dont il faut tenir compte. Mais lorsqu'on conclut ce genre d'entente, il faudra prendre certains engagements et les respecter.
M. Tony Valeri: Vous ne contestez pas cet aspect du rapport MacKay?
M. Al Flood: Je préférerais seulement que cela reste devant les tribunaux civils plutôt que les tribunaux pénaux. Ce n'est qu'une opinion personnelle.
Le président: Merci, monsieur Valeri. Madame Leung.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Monsieur Flood, je vous remercie de votre exposé. Vous avez présenté des arguments très solides et, bien entendu, très positifs en faveur de la fusion; toutefois, bien d'autres personnes s'y opposent. Je voudrais vous poser quelques questions à ce sujet.
Premièrement, les gens craignent beaucoup, surtout dans les régions rurales, de perdre totalement leurs services une fois la fusion faite. C'est une inquiétude très réaliste.
Deuxièmement, au point de vue humain, la perspective de perdre des emplois suscite beaucoup d'inquiétude. En effet, vous avez parlé des technologies de pointe, de la productivité, etc. Je suis certaine qu'un bon nombre de personnes seront remplacées par des machines.
Voulez-vous faire des commentaires sur ces deux aspects?
M. Al Flood: Ce sont là deux secteurs délicats: les services dans les zones rurales et les emplois. Charlie Baillie et moi avons dit, tous les deux, que nous serons très sensibles à la réalité rurale. Lorsqu'une de nos succursales est la seule banque de la ville, nous ne la fermerons pas. Au minimum, nous mettrons au point un arrangement quelconque pour les services bancaires. Nous serons très sensibles aux besoins d'une telle communauté. Nous prendrons des engagements dans ce sens.
Si je fais le lien avec la question précédente, cela ferait partie, à notre avis, des obligations qui nous seront probablement imposées, et nous prendrons ces engagements.
En ce qui touche les emplois, nous admettons qu'au début il y aura un excédent d'employés. Nous avons comme but de gérer cet excédent au moyen de l'attrition, dans la mesure du possible. Nous avons dit que nous sommes persuadés que d'ici cinq ans, l'effectif de la nouvelle CIBC sera plus important que ne le serait normalement l'effectif total de toutes les activités réunies. Cependant, nous admettons que nous pourrions très bien subir les effets de certains cycles.
Le revers de la médaille, c'est la concurrence. Je ne sais pas combien de nos employés iront travailler pour nos nouveaux concurrents. Quand nous débattrons la question ensemble, nous devrions examiner l'industrie dans son ensemble, nous devrions nous demander s'il s'agit d'une industrie en pleine croissance qui serait en mesure de créer de nouveaux emplois, des emplois de qualité axés sur le savoir? Nous sommes convaincus que c'est le cas.
Je ne peux vous promettre ce soir que tous ces emplois seront à la CIBC. Ils pourront être créés dans des entreprises étrangères, des coopératives de crédit, des caisses populaires, ou des jeunes entreprises, mais je crois que c'est une industrie en pleine croissance. La demande dans le secteur des services financiers va en augmentant.
Ce que je vais essayer d'accomplir avec notre équipe— c'est-à-dire moi et Charlie Baillie—c'est d'essayer d'être la banque la plus concurrentielle sur le marché, de générer les recettes les plus élevées et d'avoir le plus grand nombre d'employés. Je ne sais pas si nous pouvons atteindre ces buts, mais nos mots d'ordre seront les marchés, la concurrence et les opportunités. Nous voulons y arriver par attrition et nous voulons faire preuve d'une grande sensibilité à la question des emplois.
M. Holger Kluge: Je pourrais vous donner un vrai exemple. Cette année, nous avons dépensé 130 millions de dollars dans la région du Grand Toronto afin de restructurer nos succursales et renforcer nos activités de conseils. Par conséquent, plusieurs fonctions d'arrière-guichet ont été supprimées et 650 employés ont été déplacés. Nous avons pu réaffecter plus de 85 p. 100 de ces employés dans nos propres services bancaires téléphoniques et électroniques ou nos services d'assurance, parce qu'en effet beaucoup de nos employés qui connaissent les activités bancaires sont capables de remplir ces fonctions après avoir reçu une formation appropriée.
Donc, au chapitre de la réaffectation, nos ferons de notre mieux. Les plus grands problèmes se poseront dans les zones rurales parce qu'un employé pourrait ne pas accepter une réaffectation qui l'obligerait à déménager dans un centre urbain. Dans la mesure du possible, nous offrirons une formation afin d'aider les employés à acquérir de nouvelles compétences.
Le président: Merci, madame Leung.
J'ai un dernier commentaire à faire avant de terminer. J'ai lu à la dernière page, c'est-à-dire à la page 5, de votre mémoire:
-
...et de collaborer à l'établissement d'un système de services
financiers qui réponde véritablement aux besoins du Canada et des
consommateurs canadiens. Aucune institution ne sera totalement
gagnante dans ce processus. Le seul véritable gagnant sera le
consommateur, et il doit en être ainsi.
Devrait-on accorder la priorité aux consommateurs?
M. Al Flood: Je crois qu'il est important de se rendre compte ici qu'il y a beaucoup de parties et de groupes, y compris les banques, qui sont intéressés directement dans l'affaire. J'estime donc que le Groupe de travail MacKay, ainsi que votre comité, a l'avantage de pouvoir adopter le point de vue du consommateur—que ce soit le consommateur ou l'industrie—et de pouvoir l'étudier de façon holistique. Je crois que le résultat serait un meilleur système pour le Canada. C'est le fond de ma pensée aujourd'hui, à un niveau très abstrait. Et il faut considérer l'ensemble des recommandations du rapport MacKay, plutôt que d'en choisir une ici et là. Il faut envisager le rapport du point de vue du consommateur.
Nous l'avons fait aussi lorsque nous avons préparé notre mémoire pour le Groupe de travail MacKay il y a un an. Nous avons souligné l'importance du choix du consommateur et de la propriété canadienne, et nous avons mis à côté tout le reste, les questions de solidité ou de stabilité, la question de savoir qui va se développer, qui ne va pas se développer... si vous adoptez le point de vue du consommateur et de la propriété canadienne, je crois que vous vous placez sur des bases solides.
Le président: Donc vous croyez, comme moi, que nous devons donner la priorité aux consommateurs ici?
M. Al Flood: Oui.
Le président: J'aimerais vous remercier, au nom du comité, de votre exposé.
Votre exposé m'a beaucoup plu, surtout parce que, en toute franchise, il n'était pas axé sur les fusions. Vous avez parlé des éléments et des forces du changement qui sont déjà là et qui influent considérablement sur le secteur des services financiers. Vous nous avez donc aidés de nombreuses façons à envisager l'avenir du secteur des services financiers, et je vous en suis très reconnaissant.
Encore une fois, au nom du comité, merci beaucoup, monsieur Kluge et monsieur Flood.
Nous allons nous arrêter pendant cinq minutes.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Conformément au mandat que lui confèrent le paragraphe 108(2) et l'article 83.1 du Règlement, le comité reprend ses consultations prébudgétaires.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins, M. Pierre Beauchamp et M. Gregory Klump.
Vous avez chacun droit à cinq minutes pour votre exposé, et nous prendrons ensuite connaissance de vos documents. Après, il y aura une discussion avec nos membres.
Monsieur Beauchamp, voulez-vous commencer?
M. Pierre Beauchamp (directeur général, l'Association canadienne de l'immeuble): Merci beaucoup, madame la présidente. Nous vous avons fourni des exemplaires de notre mémoire détaillé dans les deux langues officielles. J'aimerais donc simplement prendre quelques minutes pour vous donner un peu de contexte et pour souligner les faits saillants de notre mémoire.
J'ai eu l'occasion de discuter une gamme de questions avec vous à plusieurs reprises au cours des deux ou trois dernières années. Comme vous le savez, l'Association canadienne de l'immeuble représente quelque 70 000 agents immobiliers au Canada, dont la vaste majorité sont des courtiers en immeubles résidentiels, des agents ou des vendeurs. L'association comprend aussi une division d'environ 7 000 spécialistes en immeubles industriels, commerciaux et de placement.
La première partie de notre mémoire aborde la dette, les dépenses et les taxes. Notre première contribution au débat sur la dette et les dépenses était un document de recherche qui a été publié en 1984. Il proposait l'élimination du déficit et la réduction de la dette nationale par la diminution des dépenses. Dix ans plus tard, le ministre des Finances, Paul Martin, a adopté des projets qui étaient très semblables à ceux que nous avions soumis.
Nous croyions à cette époque et nous croyons toujours que le geste le plus positif que le gouvernement fédéral pourrait faire afin d'appuyer le secteur du logement et de l'immeuble serait de s'assurer que les principes de base sont bien fondés. Si les politiques de base sont bien fondées, nous sommes persuadés que l'industrie peut faire le reste.
En 1984, on a dû composer avec un déficit de 32 milliards de dollars et des dépenses hors contrôle, qui ont limité de façon considérable la capacité du gouvernement de nous assurer des bonnes conditions de base. Aujourd'hui, le déficit a été éliminé et les dépenses ont été réduites, mais la dette nationale grandissante constitue maintenant la barrière qui limite la capacité du gouvernement de contrôler ces conditions de base.
L'année dernière, nous avons accueilli favorablement l'engagement du ministre d'accorder la priorité à la réduction de la dette en pourcentage du PIB. Nous estimons que le plan de remboursement de la dette annoncé dans le budget de l'année dernière doit prévoir des mesures plus agressives pour rembourser la dette en termes absolus. Dans le cadre du plan actuel, la réserve pour éventualités, qui est de 3 milliards de dollars, représente le seul moyen de réduire la dette, mais cette réserve n'est accessible que si l'économie se porte mieux que le gouvernement ne le prévoit dans ses prévisions économiques prudentes. Si nous n'arrivons pas à réduire la dette durant les périodes de croissance économique, nous raterons une occasion qui ne nous sera pas offerte durant les étapes plus difficiles du cycle financier. Et nous savons tous que les signes précurseurs d'un ralentissement se manifestent déjà.
• 1655
La dette devrait déclencher un remboursement minimum annuel,
un peu comme les cartes de crédit qui établissent un montant
minimum à rembourser contre les dettes accumulées. Nous favorisons
des objectifs de réduction de la dette qui sont clairement définis
tous les deux ans et qui doivent être atteints. Ils seraient basés
sur la stratégie de réduction du déficit du gouvernement, une
stratégie qui est une grande réussite. Notre mémoire propose
également que l'intérêt que rapporte tout excédent dans le compte
de l'assurance-emploi soit utilisé pour réduire la dette.
Nous sommes contents que le ministre des Finances ait dit clairement que la période actuelle d'incertitude économique globale fait que le moment est mal choisi pour le gouvernement d'envisager des programmes de dépenses d'envergure.
À notre avis, le ministre a raison de faire des soins de santé sa première priorité, s'il doit augmenter les dépenses un tant soit peu. Nous demandons au comité de résister lui aussi, en appuyant ceux qui le font, à la tentation d'augmenter les dépenses au fil de l'amélioration des finances de l'État jusqu'à ce que la dette soit réduite de façon substantielle et que la stabilité économique mondiale soit rétablie.
Madame la présidente, notre mémoire présente les résultats des recherches considérables sur l'impact des mesures fiscales fédérales actuelles sur tous les groupes de revenus. Le tableau à la page 10 de notre mémoire révèle une baisse de l'impôt net des particuliers gagnant moins de 60 000 $. Cela n'est pas surprenant, comme le ministre veut en priorité alléger le fardeau fiscal des Canadiens à revenus faibles et moyens. Cependant, le tableau révèle que l'impôt fédéral net a augmenté chaque année depuis 1992 pour les particuliers qui gagnent plus de 60 000 $. Il est à noter que le fardeau fiscal s'alourdit pour la tranche de revenus qui est le plus associée au phénomène de l'exode des cerveaux.
Pour atteindre l'objectif cité de réduire ou même de stopper l'exode des cerveaux, le gouvernement va devoir réduire les impôts de ceux qui gagnent plus de 60 000 $. Malheureusement, l'incertitude économique au niveau mondial nous empêche de considérer un allégement fiscal d'envergure en ce moment. Cependant, il est possible d'adopter une mesure d'allégement fiscal qui, bien que petite, aurait une importance symbolique. Le budget de 1998 a éliminé la surtaxe générale pour les particuliers gagnant environ 50 000 $ ou moins. Nous estimons, madame la présidente, que l'heure est venue d'abolir la surtaxe générale pour tous les Canadiens.
Nous proposons que le surplus de l'assurance-emploi soit plafonné de manière à stabiliser les cotisations au fil du cycle économique. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'intérêt que rapporte le surplus de l'assurance-emploi devrait être utilisé exclusivement pour réduire la dette et pour réduire les cotisations au point d'équilibre. Cela allégerait le fardeau des entreprises, ce boulet au pied de leur rentabilité.
Madame la présidente, je suis heureux de constater que le régime d'accession à la propriété demeure très populaire auprès de ceux qui achètent une maison pour la première fois. Selon les données les plus récentes que nous avons obtenues de Revenu Canada, plus de 728 000 usagers ont investi plus de sept milliards de dollars dans l'achat de maisons. Selon ces mêmes données, 93 % des usagers remboursent le régime dans le délai prévu de 15 ans. Ce plan contribue d'une manière énorme à l'activité économique et représente des bénéfices sociaux également.
La dernière fois que j'ai comparu, j'ai critiqué la prestation aux aînés. Évidemment, nous sommes contents que le gouvernement nous ait écoutés et ait pris la bonne décision, c'est-à-dire celle d'abandonner cette proposition. La préoccupation initiale de l'Association canadienne de l'immeuble était de protéger les REER comme moyen sur lequel comptent bon nombre d'agents immobiliers pour économiser en vue de leur retraite. Nous revenons maintenant à cette question en collaboration avec d'autres associations et spécialistes de régimes de retraite, groupé sous l'ombrelle de la Coalition du revenu de retraite.
La Coalition doit comparaître le 10 novembre, madame la présidente, et nous incitons le comité à appuyer les deux principales recommandations de la Coalition: celle de hausser les plafonds de contributions aux REER afin d'assurer une stabilité et une certitude pour les usagers; et celle de hausser la limite de 20 % imposée aux investissements étrangers placés dans les REER et les régimes de pension, d'une façon progressive jusqu'à une limite de 30 %.
• 1700
En passant, comme nous avons fait la dernière fois que nous
avons comparu, nous avons préparé une analyse des ventes
résidentielles SIA, qui est annexée à notre mémoire et qui brosse
un tableau de la situation au Canada. Cette analyse présente des
données intéressantes à propos de certains grands marchés, tels
Vancouver, Calgary, Toronto et Montréal.
Avant de terminer, je me dois de demander de nouveau que les consommateurs aient plus d'information au sujet de leurs droits en ce qui concerne le remboursement anticipé des hypothèques. Cette question semble avoir été reléguée au deuxième plan, tandis que le gouvernement insiste beaucoup sur une meilleure divulgation du coût du crédit. Il ne fait aucun doute que cette dernière question mérite la priorité qu'on lui accorde, mais nous espérons que le comité sera d'accord avec nous pour dire qu'il est grand temps d'avoir au moins un projet de règlement dans ces deux domaines.
Je tiens maintenant à vous remercier de nous avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Merci, monsieur Beauchamp.
Voulez-vous commencer, monsieur Ritz?
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, madame la présidente, et merci, messieurs, d'avoir pris le temps de nous faire cet exposé aujourd'hui. J'ai deux questions à vous poser.
Vous dites qu'il faut augmenter les limites de contribution des REER. On constate, pourtant, que les gens ne contribuent déjà pas le maximum. De combien voulez-vous augmenter les limites, etc.?
Compte tenu de la volatilité des marchés internationaux, est- ce qu'il serait une bonne idée d'augmenter le plafond des investissements à l'étranger dans le cas des REER?
Voulez-vous nous en dire davantage?
M. Pierre Beauchamp: Je dirais brièvement que vous aurez davantage de renseignements au sujet de ces deux questions lors de la comparution de la Coalition du revenu de retraite en novembre. Je me contenterai de vous dire pour l'heure que la Coalition va vous donner des données à l'appui qui indiqueront ce qui s'est passé dans d'autres pays et expliqueront pourquoi les Canadiens devront bénéficier de conditions plus libérales en ce qui concerne les REER, y compris la question du plafond des investissements à l'étranger.
M. Gerry Ritz: Merci. J'ai hâte d'entendre ces témoins.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Merci.
Le prochain intervenant est M. Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): J'aimerais, monsieur Beauchamp, que vous élaboriez davantage sur votre souhait que le consommateur ait la possibilité de rembourser rapidement, ou plus rapidement, son hypothèque. Quels en seraient les avantages? Pour quelle raison soulevez-vous ce point? Quel serait l'impact d'une telle mesure et quelles modifications seraient nécessaires pour l'établir?
M. Pierre Beauchamp: C'est tout simplement qu'actuellement, le public en général ne dispose pas de moyens qui lui permettent de bien saisir les avantages et les désavantages qu'il y a à se hâter de rembourser une hypothèque au moment où ils doivent en prendre la décision. Nous demandons simplement que cette information soit divulguée. Nous demandons aux prêteurs de faire connaître très clairement leur position au moment où le consommateur signe le contrat d'une hypothèque, de lui faire savoir si oui ou non et à quel coût il pourra faire un remboursement anticipé. C'est aussi simple que cela.
À un moment donné, on voulait changer la loi. Maintenant, si on comprend bien, le Comité des finances, ce comité-ci, a accepté que le règlement soit changé et nous a demandé de contribuer activement, avec le personnel du ministère, à la rédaction d'un règlement qui imposerait une divulgation plus complète de l'information au consommateur.
M. Yves Rocheleau: Voulez-vous dire que le prêteur devrait être plus transparent ou plus pédagogique dans son approche et expliquer quel impact cela aura sur son portefeuille?
M. Pierre Beauchamp: Exactement. D'abord, il doit expliquer si le consommateur a le droit de faire un paiement anticipé et, deuxièmement, à quel coût. De cette façon-là, le consommateur aurait l'information au moment où il s'engage par contrat et non au moment où il est face à un gros problème, deux ou trois ans après avoir signé le contrat. C'est une simple question d'information.
M. Yves Rocheleau: Est-ce que cela veut dire qu'actuellement, on n'incite aucunement le consommateur à rembourser plus rapidement, donc à économiser des intérêts?
M. Pierre Beauchamp: Ce n'est pas d'abord une question de rembourser plus rapidement. C'est que très souvent, certains consommateurs souhaitent, pour toutes sortes de raisons, payer leur hypothèque avant l'échéance. Nous demandons que dans ces cas-là, tous les prêteurs et non seulement... Comme vous le savez déjà, la plupart des grandes banques au Canada accordent ce privilège aux consommateurs mais à des taux variables, et il n'est pas obligatoire de divulguer à l'avance à quelles conditions ou même si ce sera vraiment accordé lorsque les consommateurs en feront la demande. Tout ce que nous voulons, c'est que tout prêteur soit mis devant la même obligation, au moment où le contrat d'hypothèque est signé.
• 1705
Nous faisons cette démarche après avoir été mis au
courant par les agents immobiliers de la situation qui
existe au Canada, à l'échelle nationale. Tous les
consommateurs n'ont pas également accès à ce privilège
actuellement.
M. Yves Rocheleau: Ai-je droit à une autre question?
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Certainement, allez-y.
[Français]
M. Yves Rocheleau: J'aimerais connaître votre opinion, monsieur Beauchamp, concernant l'utilisation des surplus d'assurance-chômage. Vous connaissez l'hypothèse selon laquelle le gouvernement fédéral décréterait une baisse d'impôt générale à la suite de la diminution de son déficit et des surplus qui peuvent en découler éventuellement. Cette hypothèse serait favorisée aux dépens d'une autre qui consisterait à réduire les cotisations à l'assurance-chômage ou à réaménager certains programmes. Vous savez de quoi je parle; on préférerait favoriser des gens qui n'ont jamais contribué à l'assurance-chômage et les faire bénéficier de l'assainissement des finances. Quelle est votre position vis-à-vis de d'une baisse généralisée des impôts?
M. Pierre Beauchamp: Je vais demander à mon confrère, M. Klump, de vous répondre.
[Traduction]
M. Gregory Klump (économiste en chef, Association canadienne de l'immeuble): Merci.
Je pense qu'il n'est pas nécessaire de faire un choix—en fait, on peut faire les deux. Une note de service confidentielle qui provient du service d'actuariat de Développement des Ressources humaines Canada précise que les cotisations actuelles sont plus élevées que nécessaire pour maintenir la stabilité pendant tout le cycle économique. Il est donc possible de diminuer les cotisations tout en maintenant la stabilité. Il faut admettre que cela ne va pas générer un excédent aussi important; cependant, on continuera d'ajouter aux excédents qui existent à l'heure actuelle.
Nous préconisons que les intérêts gagnés sur le compte soient divisés—la moitié serait affectée au fonds pour éventualités pour rembourser la dette et l'autre moitié serait affectée à une réduction des impôts.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Merci.
Monsieur George Proud.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Pour poursuivre dans la même veine, on semble tenir pour acquis l'existence de ce gros excédent. Ce n'est probablement pas le cas. J'appuie votre recommandation selon laquelle il faut procéder à une baisse d'impôt générale pour les Canadiens.
Monsieur Beauchamp, vous avez parlé de ceux qui gagnent plus de 60 000 $. Ça peut sembler beaucoup, mais il s'agit en réalité de la classe moyenne. Je ne me souviens pas de la dernière fois que ces gens-là ont bénéficié d'un allégement fiscal. Je pense que la plupart des Canadiens seraient d'accord pour que leurs impôts baissent.
Je pense qu'il faut réduire un peu les cotisations de l'assurance-emploi, comme on l'a fait chaque année depuis cinq ans. J'estime qu'il faut continuer à faire cela.
Comme vous, je suis convaincu qu'il faut baisser les impôts de ceux qui gagnent un revenu moyen.
M. Pierre Beauchamp: Puisque le gouvernement a jugé bon de supprimer la surtaxe pour ceux qui gagnent moins de 50 000 $, nous proposons tout simplement de faire de même pour ceux qui gagnent plus de 60 000 $. Selon nous, il s'agit d'un changement très modeste, très mineur. Cela ne coûterait pas très cher au gouvernement, mais ce serait une preuve de bonne volonté de la part du gouvernement à l'égard de ce groupe de Canadiens qui a vu son fardeau fiscal augmenter considérablement depuis quelques années. Nous ne préconisons pas d'énormes...
M. George Proud: Vous avez également mentionné le remboursement anticipé des hypothèques. Vous l'avez peut-être déjà dit, mais d'après vous quelle serait une somme raisonnable à exiger? Cela m'inquiète beaucoup. Des gens viennent à mon bureau me parler de la pénalité qu'ils doivent payer s'ils font un remboursement anticipé de leur hypothèque. D'après vous qu'elle serait une formule équitable?
M. Pierre Beauchamp: Nous en avons parlé longuement avec l'Association des banquiers canadiens. Comme vous le savez, la plupart des grandes banques—en fait toutes les grandes banques— permettent aux consommateurs de faire un remboursement anticipé de leur hypothèque. Le problème c'est que ce ne sont pas tous les prêteurs qui sont tenus de faire cela. À notre connaissance, aucun prêteur n'informe le consommateur au moment où il signe l'hypothèque de la formule de calcul de la pénalité.
Nous ne cherchons pas à fixer une pénalité qui serait applicable à tous les prêteurs. Là n'est pas notre objectif. Cependant, nous croyons qu'il est primordial que le consommateur soit informé des conditions de remboursement anticipé des hypothèques.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Merci.
Monsieur Calder.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Je vais continuer à parler de la question abordée par George au début, c'est-à-dire la surtaxe de 3 p. 100. Vous dites que vous voudriez qu'elle soit abolie pour tous les Canadiens. Vous avez dit que cela ne coûterait pas très cher, mais si on éliminait complètement la surtaxe de 3 p. 100, ça coûterait 1 milliard de dollars par an au gouvernement fédéral. D'après vous, ce n'est pas une somme importante?
M. Pierre Beauchamp: Il s'agit en effet d'une somme importante. Il ne fait absolument aucun doute que 1 milliard de dollars est une somme importante, mais les intérêts qui seront générés par la caisse d'Assurance-emploi sont encore plus importants. D'après nous, il faut trouver un juste équilibre entre les deux. Avec des intérêts de ce genre, le gouvernement fédéral n'aurait pas à injecter de nouveaux fonds.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Gregory Klump: Oui, merci.
Lors du dernier budget, la surtaxe qui, au moment de son introduction, devait être une mesure temporaire de réduction du déficit a été supprimée pour ceux qui gagnent 50 000 $ ou moins. Cette mesure a coûté plus de 1 milliard de dollars. D'après des calculs approximatifs, le coût, si la mesure était appliquée à tous les Canadiens, serait de moins de 1 milliard de dollars. Le gouvernement a dit lors du budget de l'année dernière que c'était le début d'un allégement fiscal général. D'après nous, l'allégement fiscal vise tous les Canadiens, et non pas seulement ceux qui gagnent 50 000 $ ou moins. Maintenant que le déficit a été éliminé, il est raisonnable de supprimer ce qui devait être une mesure temporaire. Bien sûr, l'impôt sur le revenu devait être une mesure temporaire également.
M. Murray Calder: C'est exact, et cela a été introduit pendant la guerre.
Cela m'amène à vous demander de définir ce que c'est qu'un allégement fiscal général.
M. Gregory Klump: Des impôts plus bas pour tous les Canadiens.
M. Murray Calder: Pour tous les Canadiens. Le gouvernement fédéral doit faire très attention s'il fait cela, car si l'allégement fiscal général comprend l'impôt sur le revenu des particuliers, puisqu'il s'agit d'un régime d'impôt ad valorem à ce moment-là, les provinces touchent 50 p. 100 des impôts que nous percevons. Par exemple, si nous accordons une réduction d'impôt de 50 $ à chaque Canadien, la province va perdre 250 $ de recettes. Le contribuable sera très content, car il aura 750 $ de plus. Cependant, il serait beaucoup plus difficile pour les provinces d'équilibrer le budget, car le gouvernement fédéral leur aura versé moins de recettes. En Ontario, le manque à gagner serait de 250 $.
Il faut donc faire attention lorsqu'on fait des déclarations globales de ce genre. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Gregory Klump: On pourrait procéder autrement que par une réduction du taux d'imposition fédéral. Par exemple, on pourrait faire quelque chose du côté de la déduction pour les dépenses de garde d'enfants, qui, à l'heure actuelle, ne vise pas ceux qui gagnent 60 000 $ et plus. Il y a d'autres possibilités, comme celle d'augmenter les limites de contribution au REER. On peut donc réduire le revenu imposable sans toucher aux taux d'imposition.
M. Murray Calder: D'accord.
Vous dites, Pierre, que la dette nationale est en train de s'accroître. Nous avons atteint l'équilibre lors du dernier budget. En fait, nous avons même eu un excédent d'environ 3,5 milliards de dollars, qui a été utilisé directement pour rembourser la dette nationale. Lorsque nous avons pris le pouvoir la dette publique accumulée s'approchait des 600 milliards de dollars. Elle s'élève maintenant à 579,7 milliards de dollars. Donc, je me demande comment vous pouvez dire que la dette nationale s'accroît.
M. Gregory Klump: Au dernier budget, au mieux, la dette est restée constante. Les tableaux qui figurent dans les documents du budget démontrent bien que pendant une période de croissance économique, on voulait maintenir la dette à un niveau constant et créer un fonds pour éventualité, qui, si tout allait comme prévu, serait utilisé pour rembourser la dette. Si tout n'allait pas comme prévu et s'il fallait utiliser le fonds pour éventualités pour payer les dépenses budgétaires, il n'y aurait pas de remboursement de la dette. Nous sommes d'avis qu'il faut réduire la dette de façon plus agressive et augmenter le fonds pour éventualité, car au mieux, pendant une période de croissance économique tout ce qu'on peut faire c'est ne pas augmenter la dette. Il s'agit là d'une occasion ratée.
M. Murray Calder: Dans ce cas-là, je suis d'accord avec vous. Il y a environ trois mois j'ai eu la possibilité d'interroger Gordon Thiessen sur cette même question. Je lui ai demandé si la dette publique accumulée devrait être de 400 milliards de dollars, de 300 milliards de dollars, de 200 milliards de dollars ou de 100 milliards de dollars. Je dois vous dire en toute franchise qu'il n'avait pas de chiffres à me donner.
À l'heure actuelle, notre devise a des problèmes par rapport au dollar américain, parce que le rapport de notre dette publique accumulée au PIB est d'environ 71 p. 100, alors qu'aux États-Unis il est de 49,6 p. 100. Il va de soi que les investisseurs des marchés monétaires internationaux vont investir dans le dollar américain, car il juge qu'il est plus sûr. Depuis que nous avons équilibré le budget, l'économie cette année connaîtra probablement une croissance de 3 p. 100. Je pense que les chiffres en 1999 et en l'an 2000 seront de 2 p. 100 et de 2,5 p. 100 respectivement. On n'ajoute plus rien à la dette—en fait on la réduit. On tient compte du service de la dette dans le budget. Entre cela et la croissance économique, on risque de faire diminuer la dette de 5 p. 100 par an, ou d'un peu moins.
D'après mes calculs, d'ici cinq ans, notre situation sera semblable à celle des États-Unis. Je parle du rapport de l'endettement au PIB, plutôt que de la dette elle-même. C'est ce pourcentage qui intéresse les investisseurs internationaux. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Gregory Klump: Nous sommes heureux des progrès qui sont faits du côté du rapport de l'endettement au PIB. Nous estimons qu'on compte trop sur la croissance pour ce faire, et qu'on pourrait faire de meilleurs progrès si on s'attaquait à la dette. Il est certain que la croissance économique fait sa part pour réduire le rapport. Cependant, nous pensons qu'il faut rembourser la dette plus rapidement afin d'améliorer le rapport plus rapidement, surtout en période de croissance économique.
M. Murray Calder: La position que vous avez exprimée plus tôt- -selon laquelle 50 p. 100 du surplus devrait être appliqué à l'allégement de la dette, et les 50 p. 100 restants à la réduction des impôts—ressemble beaucoup à notre position pendant la campagne de 1997. Il n'y avait qu'une différence—nous allions allouer 50 p. 100 aux dépenses des programmes, et les autres 50 p. 100 auraient été divisés en deux, donc 25 p. 100 pour l'allégement de la dette et 25 p. 100 pour la réduction des taxes. Nos positions se ressemblent donc beaucoup.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Merci, monsieur Calder.
Monsieur Paul Steckle.
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur Klump, dans la même veine, vous venez de dire ce que je dis depuis longtemps. Vous êtes dans l'industrie du logement. Pour la plupart des gens, les hypothèques font partie de la vie, et tôt ou tard, il faut réduire ou rembourser son hypothèque. La relation entre vos revenus et votre hypothèque n'est pas tellement importante; à la fin du compte, il faut réduire l'hypothèque. Voilà la position de notre gouvernement. Certaines personnes estiment que si le PIB augmente, et si votre dette représente un plus petit pourcentage de ce PIB, la dette est automatiquement réduite. Mais en fait, elle n'est pas réduite. Il faut la réduire en faisant des paiements. J'applaudis votre position.
• 1720
Y a-t-il un appui considérable pour votre position? Savez-vous
quelle sorte d'appuis vous avez? Pour ce qui est de réduire la
dette, s'il y a un dividende... J'estime que nous n'avons pas de
surplus. Donc peu importe si le fonds de l'assurance-emploi est en
position déficitaire ou non, le gouvernement du Canada sera
toujours responsable envers les citoyens qui partagent ce fonds,
parce que nous sommes en position déficitaire depuis si longtemps.
J'aimerais simplement savoir si beaucoup de personnes partagent
votre opinion; nous devrions effectivement réduire la dette plus
rapidement, au lieu de rembourser une partie de ce dividende?.
M. Pierre Beauchamp: Les gens veulent se débarrasser de la dette. Cette dette a eu un effet considérable sur tous les Canadiens, et non seulement sur les courtiers en immeubles, dans la dernière décennie. Finalement, nous voyons des signes très positifs. D'après moi, la plupart de nos membres et les autres associations avec lesquelles nous traitons sont du même avis. Cette opinion reflète probablement la position d'une grande partie des témoins qui ont comparu devant vous au cours des dernières semaines.
M. Paul Steckle: J'aurais aussi une question sur les investissements étrangers dans les REER. D'après vous, le niveau de ces investissements devrait augmenter de 20 p. 100 à 30 p. 100, par tranches de 2 p. 100. Quel est votre raisonnement? Comment aidons- nous le Canada en investissant à l'étranger, quand ici au Canada, nos impôts sont reportés?
M. Pierre Beauchamp: Nous ne pensons pas nécessairement aux investissements à l'étranger. L'objectif de cette mesure serait de libéraliser les politiques implantées ici au Canada. Comme vous le savez, les politiques des États-Unis et du Royaume-Uni à ce niveau sont beaucoup plus ouvertes que les nôtres. Par contre, il faudrait peut-être attendre la présentation complète de par la Coalition du revenu de retraite. Nous sommes membres de cette Coalition, qui comparaîtra devant ce comité en novembre. Elle fournira beaucoup de détails sur les commentaires exprimés à ce sujet dans notre mémoire.
M. Paul Steckle: J'ai une dernière question sur un sujet tout à fait différent—la TPS. Considérez-vous encore la question du remboursement de la TPS pour les logements neufs plutôt que pour la revente d'autres logements comme étant une question importante, ou non?
M. Pierre Beauchamp: Cela ne nous préoccupe pas.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Merci, Paul.
Monsieur Lincoln, avez-vous des questions?
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Non, je n'en ai pas.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Moi, j'aurais un commentaire. Le comité a voyagé dans l'Est et dans l'Ouest pendant les deux dernières semaines, et entendu beaucoup de préoccupations et de souhaits. Il est intéressant que vous parliez de réduire la dette. Beaucoup de gens nous ont demandé de faire la même chose. Mais d'autres parlent aussi de réduction des impôts. Les programmes sociaux—y compris la santé et l'éducation—sont aussi très importants. Vous n'en avez pas parlé. Si on se concentre sur la dette et l'allégement fiscal, si chaque personne économisait 600 $, cela nous coûterait 9 milliards de dollars que nous n'avons pas. Les soins de santé sont une préoccupation pour nous tous, et tous les Canadiens sont fiers du régime de soins de santé universel. Mais vous n'avez pas mentionné cela.
M. Pierre Beauchamp: Dans le mémoire détaillé que nous avons soumis au comité, nous disons clairement que nous comprenons que ce n'est pas le moment de dépenser, mais si le gouvernement a l'intention de dépenser, les soins de santé devraient être une priorité, fait que nous signalons.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Donc, c'est une priorité pour vous.
M. Pierre Beauchamp: Absolument. Comme nous l'indiquons, si le montant disponible n'était pas considérable, il faudrait envisager sérieusement d'investir dans le secteur de la santé, outres les autres domaines que nous avons identifiés. Nous appuyons beaucoup d'autres gens qui sont du même avis. Je pense que, dans notre mémoire, la santé est identifiée comme étant une priorité si les montants disponibles ne sont pas considérables. Nous faisons d'autres commentaires aussi.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): C'est très bien.
À Saskatoon, si je ne m'abuse, les témoins nous exhortaient à offrir les soins à domicile et l'assurance-médicaments. Ils ont demandé 2,5 milliards de dollars. Bien sûr, nous devons identifier les domaines les plus importants. Je voulais partager ceci avec vous.
• 1725
Aujourd'hui, nous avons entendu une excellente présentation
sur l'éducation postsecondaire. Nous savons que cela coûte cher,
mais l'exode des cerveaux du Canada nous inquiète beaucoup. Là, je
viens d'ajouter un autre domaine—l'éducation.
J'aimerais connaître votre opinion. Je ne vais pas mentionner tous les autres domaines qui pourraient être importants. Il y a donc les soins de santé et l'éducation.
M. Pierre Beauchamp: Je répète, comme nous comprenons que le gouvernement n'a que des fonds limités à dépenser, nous proposons, pour réduire l'exode des cerveaux, que le gouvernement traite les Canadiens qui gagnent plus de 60 000 $ de la même façon que les autres, en éliminant la surtaxe. Cela serait peut-être moins dispendieux, et permettrait à ces gens-là de rester au Canada. Voilà notre perspective. Mais pour ce qui est du concept, nous sommes évidemment d'accord.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): Merci.
Y a-t-il d'autres commentaires?
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de comparaître devant notre comité. Vous nous avez donné de très bonnes suggestions et de très bonnes recommandations. Nous allons les étudier avec beaucoup d'attention. Merci énormément.
M. Pierre Beauchamp: Merci beaucoup.
La présidente suppléante (Mme Sophia Leung): La séance est levée.