FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 23 novembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous. Comme chacun le sait, le comité examine aujourd'hui le projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.
Nos premiers témoins aujourd'hui, représentant l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, sont M. Steve Hindle, président; Mme Hélène Paris, agente de recherche et analyste de la rémunération; et M. Gaston Lampron, vice-président, Groupe de la vérification.
Comme vous le savez, vous avez environ dix minutes pour nous livrer votre exposé liminaire. Après cela nous passerons à la période des questions.
Bienvenue.
M. Steve Hindle (président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Merci, monsieur le président. Étant donné que le temps nous presse, je vais me lancer, si vous le voulez bien.
L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada est le plus important syndicat représentant des professionnels au service de la fonction publique du Canada, les provinces du Nouveau-Brunswick et du Manitoba y compris. Nous représentons près de 36 000 syndiqués appartenant à divers groupes professionnels dans tout le pays.
Quelque 6 000 fonctionnaires fédéraux ont été transférés à NAV Canada, la nouvelle société responsable de l'exploitation du système national de contrôle aérien, dont quelque 300 membres de l'Institut, ce qui nous donne une certaine expérience de la privatisation.
Nous avons aussi acquis une certaine expérience avec d'autres agences, dont l'Agence canadienne d'inspection des aliments où nous représentons des syndiqués oeuvrant dans diverses disciplines dont la médecine vétérinaire, la recherche scientifique et les systèmes informatiques.
Nous avons aussi comparu devant des comités. Nous avons participé aux audiences sur l'Agence d'inspection des aliments et l'Agence Parcs Canada. Nous allons répéter et renforcer aujourd'hui certains des arguments que nous avons présentés à ces autres comités.
J'aimerais d'abord parler de la notion de diversification des modes de prestation de services et de la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada. Selon l'Institut, la notion de la diversification des modes de prestations des services ne devrait pas être rejetée d'emblée, mais cela n'en fait pas pour autant une panacée. Nous croyons qu'une comparaison exhaustive de l'ensemble des coûts et autres implications s'imposerait avant d'envisager de recourir à la diversification des modes de prestation des services.
L'Institut estime qu'en procédant à des comparaisons justes et exhaustives, il serait souvent possible de régler les problèmes de prestation des services en faisant des rajustements internes au lieu d'entreprendre des réformes radicales.
L'Institut craint que le gouvernement ne s'en remette à la DMPS comme s'il s'agissait de la solution à tout ce qui pourrait être perçu comme un problème de prestation des services. La diversification des modes de prestation des services peut faire partie de la solution, mais il n'en demeure pas moins très important d'étudier sérieusement les coûts associés à celle-ci et ses ramifications pour les contribuables canadiens. Bien que le recours à la DMPS soit justifié dans certains cas, il faut d'abord en démontrer la pertinence et la rentabilité avant d'adopter des lois. On ne doit pas se lancer dans la DPMS simplement par idéologie. En ce qui a trait à Revenu Canada, on n'a démontré ni la pertinence de recourir à la DMPS ni la rentabilité de cet exercice avant de présenter une loi.
Peu après le discours du Trône annonçant le concept d'Agence des douanes et du revenu du Canada, Revenu Canada a énoncé trois objectifs que l'Agence permettrait d'atteindre. L'Agence devait fournir des programmes et services de façon plus efficace et rentable grâce à une plus grande autonomie et flexibilité; améliorer les services et réduire le coût de l'administration des recettes et de l'observation en travaillant avec les provinces afin d'éliminer le chevauchement et le double emploi; renforcer l'efficacité de la fédération et contribuer à l'unité nationale en faisant de l'Agence une organisation chargée de fournir aux Canadiens et Canadiennes des services de nature fédérale et provinciale.
Lors de la publication du deuxième rapport d'étape en janvier 1998, il est devenu clair que les deuxième et troisième objectifs seraient impossibles à atteindre. Le premier objectif, qui est d'assurer une prestation plus efficace et efficiente des programmes et des services, est le seul que l'Agence pourrait vraisemblablement réaliser. Cependant, Revenu Canada n'a pas réussi à démontrer que la création de l'Agence permettrait d'atteindre cet objectif.
Dans un article publié récemment, la Revue fiscale canadienne concluait après une analyse du projet d'agence que celle-ci ne pourrait vraisemblablement atteindre qu'un niveau réel, voire modeste, de succès dans la promotion d'une plus grande efficacité et flexibilité administratives. En outre, elle ne permettrait la progression substantielle ni de l'objectif de réduire la perception de «politisation» ni de celui d'augmenter l'harmonisation de l'administration fiscale provinciale-fédérale.
De même, dans son examen du premier organisme découlant de la DMPS ayant été créé par le budget de 1996, soit l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le vérificateur général du Canada affirme qu'il est trop tôt pour dire si l'Agence se prévaudra de la flexibilité qui lui a été donnée pour respecter l'engagement pris par le gouvernement d'assurer la prestation des services d'une manière novatrice et plus efficace. Il dit craindre que plus l'Agence prend de temps pour créer des pratiques et des systèmes reflétant ses pouvoirs, plus elle risque de retomber dans les manières habituelles de fonctionner.
Le gouvernement a décidé d'établir une Agence des douanes et du revenu du Canada comme employeur distinct en vertu de la partie II, annexe I, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Celle-ci est une loi vieille de 30 ans qui n'a jamais fait l'objet d'une refonte en profondeur. Ce régime pourrait s'avérer lourd pour les agences car il ne permet que quelques adaptations mineures pour répondre aux besoins particuliers des organisations.
• 1110
La LRTFP fonctionne bien dans le contexte de la négociation
dans le secteur public où il faut tenir compte de vastes intérêts
publics en raison de la nature des services offerts. Cette loi
assure une grande mobilité du personnel et des conditions d'emploi
semblables dans l'ensemble des ministères. Cela explique la portée
réduite de la négociation collective, ainsi que le droit à la
désignation de postes pour assurer les services essentiels et
l'enchâssement des modes de règlement des différends en prévision
de grèves éventuelles et du processus d'arbitrage exécutoire.
Depuis de nombreuses années, l'Institut s'est adressé à différentes instances pour obtenir la révision de la LRTFP. L'Institut est disposé à travailler conjointement avec le gouvernement pour trouver des moyens d'insuffler une plus grande flexibilité au système et à la structure législative en place. Cette voie pourrait s'avérer plus rapide pour trouver des moyens d'améliorer l'efficacité des services gouvernementaux que de créer de grandes agences sous l'égide de la DMPS.
L'Institut s'inquiète de l'importance accordée à la flexibilité administrative au nom de laquelle le gouvernement invoque sans cesse la notion de diversification des modes de prestation des services. Les conventions collectives concluant entre le gouvernement fédéral et l'Institut ou d'autres syndicats de la fonction publique contiennent actuellement de nombreuses dispositions qui donnent au gouvernement des pouvoirs discrétionnaires et la possibilité d'annuler des dispositions d'un contrat de travail pour des raisons opérationnelles ou autres.
L'Institut convient de la nécessité d'une plus grande flexibilité dans l'administration des ressources humaines au sein de la fonction publique fédérale, surtout en ce qui a trait aux mesures de dotation. Les mesures de dotation et les questions touchant à la détermination du mérite sont beaucoup plus fastidieuses en raison de l'application actuelle de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) et des délais prescrits pour les renvois devant la Commission de la fonction publique. Cependant, l'Institut ne croit pas que la solution repose sur la création d'agences fondées sur la DMPS, en l'occurrence l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
La Commission de la fonction publique examine la question d'une réforme de la dotation dans la fonction publique fédérale. Dans le cadre de son initiative de réforme de la dotation, la Commission de la fonction publique a déjà octroyé des pouvoirs considérables aux ministères donnant ainsi aux gestionnaires des droits et des pouvoirs discrétionnaires en matière de dotation. De plus, elle estime que la réforme peut se faire selon le cadre législatif actuel.
Dans son dernier rapport annuel, la Commission de la fonction publique affirme:
-
La réforme de la dotation n'exige pas de modifications à la LEFP.
Elle exige toutefois de nos partenaires en gestion des ressources
humaines une parfaite connaissance des possibilités qui existent
actuellement en vertu de la loi afin d'en tirer le meilleur parti
possible. Nous multiplions les efforts pour aider les ministères et
organismes à mettre au point leur propre régime de dotation dans le
cadre de la LEFP. Nous croyons que nous serons ainsi mieux en
mesure de répondre à leurs besoins et d'offrir aux Canadiens et aux
Canadiennes des politiques et des programmes abordables et de haute
qualité.
En juin 1996, un sondage d'opinion mené conjointement par le syndicat et le ministère auprès des 5 000 employés du groupe Vérification à Revenu Canada révélait l'existence de graves problèmes au niveau du système de dotation. Par exemple, la majorité des employés sondés (74 p. 100) ne croyaient pas que le système de dotation était objectif et juste. Le ministère était disposé à apporter les changements nécessaires à la structure en place, mais ce projet a été mis en veilleuse en attendant la création de l'Agence.
À l'été 1997, le ministère a décidé de consulter 7 000 employés de Revenu Canada pour connaître leurs vues sur le nouveau cadre de gestion des ressources humaines pour l'Agence. Huit équipes de conception spécifiques ont été mises sur pied pour examiner les questions touchant les ressources humaines comme la dotation, la classification, la formation et le perfectionnement professionnel. Nous croyons qu'il serait possible de concevoir et d'implanter un nouveau cadre de gestion des ressources humaines sans créer une nouvelle agence.
Dans le cadre des débats de la Chambre concernant le projet de loi C-43, le 1er octobre 1998, le ministre du Revenu national, l'honorable Herb Dhaliwal, a déclaré que:
-
La nouvelle Agence tirera profit des méthodes de gestion propres
aux organisations prospères du secteur privé.
L'Institut croit que Revenu Canada peut adopter, et devrait être tenu d'adopter, de nouvelles méthodes de gestion sans engager les dépenses inhérentes à la création d'une nouvelle agence. Le succès des méthodes de gestion n'est pas tributaire de la structure et de l'organisation.
Il est intéressant de noter que le vérificateur général du Canada, après avoir examiné la situation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, a fait une mise en garde face aux initiatives de DMPS en déclarant que l'on devrait connaître dès le départ la complexité de l'établissement, comme employeur distinct, de nouveaux cadres de gestion des ressources humaines. En effet, la conception et la mise en oeuvre de nouveaux cadres nécessitent temps et ressources.
• 1115
Les provinces n'emboîtent pas le pas. Rien ne laisse croire,
du côté des provinces, que l'une ou l'autre d'entre elles s'est
montrée disposée à participer à la création de la nouvelle Agence.
Les fonctionnaires du ministère continuent d'affirmer que
l'harmonisation ne va pas nécessairement de pair avec la création
d'une nouvelle agence. Pourtant, il est certain que l'harmonisation
avec les provinces est l'un des objectifs que vise le gouvernement
par la création de l'Agence.
Maintenant, pour ce qui est de savoir si l'Agence offrira des services fiscaux à meilleur prix, selon son analyse récente concernant l'Agence des douanes et du revenu du Canada, la Revue fiscale canadienne conclut que les économies fiscales prévues par Revenu Canada sont relativement modestes et reposent sur la supposition que les impôts de toutes les provinces—sauf le Québec—soient administrés par un même organisme fiscal. Selon l'article, aucune estimation n'a été faite pour évaluer soit l'augmentation, soit la réduction des coûts qu'entraînera pour le gouvernement fédéral la conversion de Revenu Canada en agence. De plus, on ne tient aucunement compte des frais imputés par l'Agence aux provinces pour la perception d'impôts qui ne seraient pas harmonisés de manière suffisante à l'impôt fédéral correspondant pour permettre d'être prélevés sans frais.
Revenu Canada a tenté de faire croire faussement au gouvernement et aux contribuables canadiens que la création de l'Agence n'entraînerait aucun coût. Des documents publiés par Revenu Canada révèlent que, pour la première fois de l'histoire, il y aurait un manque à gagner de 280 millions de dollars pour l'exercice en cours. Nous croyons que ce manque à gagner découle, en partie, des millions de dollars versés au projet de l'Agence.
Revenu Canada n'a pas lésiné sur les coûts engagés au profit de cette Agence. Ce manque à gagner a des conséquences négatives pour les opérations ministérielles. En effet, pour corriger la situation, le budget de la Direction générale des douanes et de l'administration des politiques commerciales de Revenu Canada a été réduit de 10 p. 100 à 15 p. 100, alors que tous les budgets des bureaux de services fiscaux seront réduits de 2 p. 100 de plus. Des milliers d'employés ont été affectés au projet d'agence au lieu de vaquer à l'administration des lois fiscales canadiennes de manière juste et dans des délais convenables. A l'échelle du pays, on a sabré dans les budgets de déplacement. Par conséquent, les vérificateurs de l'impôt ne pourront plus se déplacer comme ils le devraient pour rencontrer des contribuables et procéder à l'établissement de nouvelles cotisations, et les percepteurs d'impôts risquent de se trouver limités dans leur capacité de recouvrer les impôts qui sont dus.
La structure proposée pour la nouvelle agence ajoute un niveau additionnel de bureaucratie sous la forme d'un conseil de direction et d'un secrétariat. Il faut du temps, de l'argent et du personnel pour ce conseil et son personnel. Il en coûtera des millions de dollars pour réimprimer les milliers de formulaires, de publications, de feuilles de papier en-tête, de cartes d'affaires; pour changer les enseignes sur tous les bureaux d'impôt et de douanes ainsi qu'aux passages frontaliers; pour changer l'identification des uniformes et véhicules des douanes et pour modifier les systèmes informatiques.
Le projet de loi C-43 créera un nouveau conseil de direction de 15 membres: un président, un commissaire, 10 représentants provinciaux et un territorial, ainsi que deux personnes non spécifiées jusqu'à maintenant. Ce projet de loi prévoit la mise en poste d'un nouveau commissaire, c'est-à-dire la création d'un nouveau poste de népotisme nommé par le gouvernement. L'Agence aura carte blanche en matière de contrats, de gestion des biens, du matériel, de l'information et de la technologie. Étant donné le droit de regard limité de l'extérieur, il y a une très réelle apparence de favoritisme et d'abus de pouvoir par les bureaucrates.
Pour que nous puissions passer plus rapidement à la période de discussion, je ne vais pas lire en entier la section III qui porte sur les amendements, mais je vais signaler quelques amendements qui s'imposent si le Parlement décide d'aller de l'avant et de faire adopter cette mesure.
Plus précisément, il faut amender les articles 51 et 54 de manière à ce que l'article 7 et les alinéas 69(3)a) et b) de la LRTFP ne s'appliquent pas à l'Agence, cela pour compenser la perte des droits sous la LEFP. Cela garantirait que toutes les questions touchant la classification et la dotation sont négociables.
Le projet de loi C-43 doit offrir la garantie d'un recours à une tierce partie externe et de mécanismes de réparation en matière de dotation et de classification.
Le projet de loi C-43 devrait être amendé de manière à permettre aux employés de l'Agence de renvoyer à l'arbitrage les griefs portant sur des cessations d'emploi ou des rétrogradations d'ordre non disciplinaire, pour incompétence ou incapacité, par exemple.
Le projet de loi C-43 doit prévoir des dispositions qui annulent expressément les effets du paragraphe 11(9) de la Loi sur la gestion des finances publiques et qui permettent la négociation des politiques et directives du Conseil national mixte. Celles-ci pourraient ainsi continuer de s'appliquer à l'Agence jusqu'à ce que des mesures de remplacement acceptables aient été négociées.
• 1120
Le projet de loi C-43 doit prévoir des dispositions qui
annulent expressément les effets du paragraphe 11(8) de la Loi sur
la gestion des finances publiques et qui permettent la négociation
de la Directive sur le réaménagement des effectifs. Celle-ci
pourrait ainsi continuer de s'appliquer à l'Agence jusqu'à ce
qu'une mesure de remplacement acceptable ait été négociée.
Et, maintenant, la dernière recommandation d'amendements du projet de loi. Le projet de loi C-43 doit garantir que le conseil de direction de l'Agence comprenne au moins un membre nommé par la partie syndicale afin d'assurer la présence d'expérience et de compétences en matière de travail au sein du conseil.
Nous avons ainsi soulevé un certain nombre de questions par le présent mémoire, comme nous l'avons fait auparavant dans d'autres circonstances. Il conviendrait maintenant de passer à la période de questions et réponses et à une discussion plus poussée, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hindle. Justement, c'est ce que nous allons faire. Nous passons immédiatement à la période de questions et réponses. Nous allons commencer par M. Kenney.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à dire aux témoins que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer des représentants de l'Institut et je tiens à vous féliciter des recherches très approfondies que vous avez faites à l'égard de ce projet de loi et de cette proposition.
Ma première question est d'ordre général. Dans une bonne partie de votre mémoire, vous abordez des questions relatives à la dotation et à la classification et à des questions connexes qui se rapportent à votre situation comme employés du ministère. Les représentants du gouvernement ont laissé entendre que le projet de loi est nécessaire pour accorder une plus grande souplesse en matière d'indemnisation des professionnels très compétents qui sont au service du ministère, notamment dans les domaines de la technologie de l'information et de la vérification. Voilà qui laisse entendre de façon convaincante qu'on a beaucoup de difficulté à garder le personnel compétent dans ces domaines, étant donné que les lignes directrices du Conseil du Trésor ne permettent pas au ministère d'offrir une rémunération concurrentielle par rapport au secteur privé. Ainsi, le taux de roulement est-il inacceptable, surtout parmi le personnel de vérification du ministère.
J'aimerais donc savoir si vous constatez le même problème que le ministère. Si tel est le cas, comment pensez-vous surmonter le manque apparent de souplesse des lignes directrices du Conseil du Trésor en matière de rémunération, sans l'adoption du projet de loi C-43?
M. Steve Hindle: Je vais répondre à cette question très générale et je vais ensuite céder la parole à Gaston, qui va aborder plus précisément la fonction de vérification au sein de Revenu Canada.
Il est possible que la création d'une telle agence aboutisse à un régime de rémunération plus complet pour les employés. Il me semble cependant plutôt étrange que le gouvernement reconnaisse d'une part que les problèmes sont attribuables à ses propres politiques, établies au Conseil du Trésor, et que, d'autre part, il ne règle pas directement les problèmes avec ce même Secrétariat. Et, d'une façon plus générale, pour l'ensemble de la fonction publique, il me semble incompréhensible que le gouvernement ait besoin de se soustraire à ses propres règles et de créer des organismes de diversification des modes de prestation de services pour accroître sa propre souplesse, alors qu'il a le pouvoir d'organiser la fonction publique de manière justement à bénéficier d'une telle souplesse pour l'ensemble de la fonction publique.
Ce que nous constatons, me semble-t-il, c'est l'incapacité ou le manque de volonté de régler les vrais problèmes au sein de la fonction publique. Voilà qui a engendré beaucoup de frustration chez les hauts fonctionnaires. Comme ils n'arrivent pas à convaincre le gouvernement d'effectuer les changements qui s'imposent dans la gestion de la fonction publique, ils se sentent obligés d'agir pour échapper à des règles trop contraignantes. On semble vouloir créer de plus en plus d'agences de ce genre et la raison essentielle est la suivante: on souhaite échapper aux règles que le gouvernement a lui-même établies.
Passons maintenant aux aspects qui concernent plus particulièrement les vérificateurs. Je cède la parole à Gaston.
[Français]
M. Gaston Lampron (vice-président, Groupe des vérificateurs, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Je veux seulement vous mentionner qu'on peut bénéficier de toute la flexibilité nécessaire, à Revenu Canada, sans passer par une agence. Actuellement, le ministère du Revenu est peut-être le mieux organisé et le mieux géré de toute la fonction publique.
Le syndicat des vérificateurs de l'Institut professionnel et le ministère ont fait il y a trois ans un sondage qui portait sur les difficultés qu'on avait à engager des vérificateurs compétents, des CA, des CGA et des CMA. Il y avait véritablement un problème de recrutement.
• 1125
Tout ce qu'on peut dire, c'est que nous sommes
parvenus conjointement à trouver des solutions sans
avoir à passer par la création d'une agence. Nous
avons fait des recommandations et nous avons formé des
comités pour étudier la dotation, les évaluations de
rendement et plusieurs autres sujets liés à la
question. Toutefois, ces comités ont dû être mis en
veilleuse à cause de la possibilité de la
mise sur pied d'une agence. Dans un tel cadre, nous ne
pourrions pas fonctionner de la même façon.
Ce que je puis vous dire, c'est que si nous devenions une agence, je ne crois pas que nous aurions des budgets illimités pour engager des vérificateurs compétents. En tout cas, nous n'aurions pas plus que ce que nous avons actuellement. Il me semble donc inutile d'établir une loi créant une agence alors que tout pourrait se régler à l'intérieur même du ministère. C'est le point le plus important qu'il faut souligner ici: nous n'avons pas vraiment besoin d'une agence pour arriver à nos fins.
Le président: Monsieur Perron.
M. Gilles-A. Perron (Rivière—des-Mille-Îles, BQ): Bonjour. Dans votre énoncé, monsieur Hindle, vous avez mentionné que cela avait déjà coûté plusieurs millions de dollars. Pouvez-vous nous donner un chiffre approximatif mais un peu plus précis? Est-ce 10, 25, 50 ou 100 millions de dollars?
[Traduction]
M. Steve Hindle: Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de donner le chiffre puisque nous ne sommes tout simplement pas satisfaits des chiffres que nous a fournis le ministre. Le Citizen de ce matin cite certains chiffres, mais il s'agit d'informations générales qui proviennent du ministère.
Nous avons déposé une demande d'accès à l'information pour tenter d'obtenir les coûts réels, mais nous attendons toujours une réponse. Il me semble plutôt étrange qu'un ministère qui met normalement tant de soin à recueillir des données statistiques—et j'en sais quelque chose puisque j'y ai déjà travaillé à la formulation de systèmes de collecte de données statistiques—ne soit pas en mesure de préciser les montants qui ont été consacrés à la création de l'Agence.
Si nous parlons de millions de dollars, c'est parce que nous estimons qu'il a fallu au moins 10 millions de dollars—c'est probablement davantage—pour créer l'Agence. Si on n'a pas dépensé une telle somme, il y a lieu de se demander comment on a pu créer une nouvelle agence de perception de l'impôt d'une telle ampleur sans effectuer le travail préparatoire nécessaire et sans avoir dépensé les sommes voulues pour mettre sur pied un organisme d'une telle complexité et disposant de pouvoirs si étendus. On pourrait dire que le compte n'y est pas.
[Français]
M. Gilles Perron: Je m'adresse surtout à vous, monsieur Lampron. Selon la réponse que vous avez donnée, vous croyez disposer de tous les outils nécessaires pour assurer un service impeccable ainsi que le recouvrement des recettes. Comment se fait-il alors qu'à Radio-Canada, à Toronto, on disait qu'il vous manquait entre 500 et 1 500 vérificateurs et que cela causait des manques à gagner en impôts non perçus de plus de 500 millions de dollars? Où se situe le problème? Est-ce qu'on consacre l'argent à mettre une agence sur pied? Est-ce qu'on n'engage pas de personnel ou est-ce qu'on ne paie pas celui-ci assez bien?
M. Gaston Lampron: C'est un problème de négociation des conventions collectives. La preuve qu'on peut très bien s'entendre à l'intérieur du système actuel, c'est que les vérificateurs ont conclu une entente avec le Conseil du Trésor et Revenu Canada sur leurs conditions de travail. Les gens, en général, sont assez satisfaits de l'entente qui a été conclue.
Les problèmes de recrutement et de conservation du personnel ne se règlent pas en deux ou trois ans. Cela peut prendre de cinq à sept ans. Je pense que si Revenu Canada a obtenu assez d'argent pour les régler cette fois-ci, il sera encore capable d'en obtenir dans les années à venir. On n'a pas besoin de créer une agence pour cela.
Le président: Merci, monsieur Perron.
[Traduction]
Monsieur Martin,
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Hindle, je vous remercie de votre comparution.
J'ai été frappé, dans votre mémoire aussi bien que dans votre exposé, par le fait que vous décrivez ce qui semble être presque un zèle de missionnaire à mettre en oeuvre un tel changement, même si rien de très concret ne semble justifier toute cette énergie.
Selon ce que vous dites, des milliers d'employés auraient été affectés à la tâche. Ainsi, en réponse partielle à la question précédente, permettez-moi de proposer qu'il ne faudrait peut-être pas comptabiliser simplement les coûts en tenant compte des espèces sonnantes et trébuchantes dépensées par le gouvernement, mais aussi tenir compte du manque à gagner en revenu qui résulte du fait qu'un millier d'employés font autre chose que ce qu'ils ont été embauchés pour faire, à savoir percevoir les impôts, effectuer des vérifications, etc.
• 1130
Si l'on comptabilise tous les éléments de ce projet, on voit
apparaître certains coûts qui n'étaient pas évidents à première
vue. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
On a par ailleurs l'impression que toute cette affaire est déterminée par des considérations idéologiques. J'aimerais vous interroger sur les économies prévues par rapport aux coûts de la conversion. Est-ce que vous avez déjà vu des chiffres précis sur les économies prévues? Et qu'en est-il des risques de perte d'emploi? C'est ce dont j'entends le plus parler, puisque je représente Winnipeg, où l'on trouve des milliers de fonctionnaires de l'impôt. On peut prendre l'exemple de NAV CAN. J'aimerais vous entendre évoquer les conséquences probables de l'opération dans votre propre ministère.
M. Steve Hindle: Certainement.
Le coût total de l'Agence est un élément important, mais l'aspect sans doute le plus difficile des coûts de l'opération correspond aux recettes perdues. Quel est le montant des impôts à percevoir qui n'ont pas été perçus ou dont la perception a été retardée à cause de tous les efforts consacrés à la nouvelle Agence? Je ne peux pas vous donner de chiffres à ce sujet, et je ne peux que vous soumettre une estimation. Il est curieux de constater que le ministère lui-même ne peut pas chiffrer ce manque à gagner.
Quant aux économies véritablement réalisées, on parle ici d'un ministère qui est sans doute déjà l'un des plus efficaces. D'après ses propres chiffres, il dépense à peine plus d'un dollar pour en percevoir 100. On peut véritablement parler d'efficacité, me semble-t-il. Je me souviens du temps où je travaillais moi-même au ministère; chacun veillait soigneusement à bien faire les choses dès la première fois, pour ne pas avoir à recommencer.
Je ne sais pas où l'Agence va réaliser des gains d'efficacité, en particulier si l'on tient compte de l'inefficacité initiale qui résultera de l'amalgamation avec les ministères du Revenu des provinces et des aspects des services provinciaux de perception que l'Agence ne connaît pas encore très bien. Elle effectue déjà un grand nombre d'opérations de perception pour les provinces, mais elle prévoit d'en assumer encore davantage.
En ce qui concerne les pertes d'emploi, le sous-ministre a dit qu'il fallait que tous les employés actuels du ministère soient en mesure de continuer à travailler au sein de l'Agence. Je n'ai aucune raison de mettre en doute cette déclaration, mais lorsqu'on regarde ce qui s'est passé à NAV CANADA, on voit que 6 000 fonctionnaires fédéraux ont été mutés dans la nouvelle entité—, une société privée appelée NAV CANADA—et à la fin des deux ans de garantie d'emploi, la société a procédé à une compression de personnel qui a entraîné la suppression de 1 000 postes.
On a fait la même expérience à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Avant même la fin des deux ans, on demandait des volontaires pour quitter cette agence.
Par conséquent, on déplace une partie de la fonction publique vers le secteur privé ou vers un autre élément du secteur public et ensuite, on effectue les compressions, au lieu de les faire directement dans la fonction publique.
Bien que je n'aie pas à mettre en doute ce que m'a dit le sous-ministre, je me demande cependant, au nom de nos propres syndiqués, ce qui les attend dans deux ans du fait de la création d'une Agence du revenu.
Le président: Merci.
Avez-vous une dernière question, monsieur Martin?
M. Pat Martin: Du point de vue des relations de travail, j'ai trouvé intéressant de remarquer que la nouvelle Agence restera assujettie à la LRTPF, plutôt qu'au Code canadien du travail. Est-ce qu'on a envisagé d'assujettir la nouvelle Agence au Code canadien du travail récemment modifié, plutôt qu'à la vétuste Loi sur les relations de travail dans la fonction publique? Je pense ici à l'exemple de Postes Canada.
M. Steve Hindle: Certainement, et nous avons envisagé avec les fonctionnaires du ministère la possibilité d'assujettir l'Agence au Code canadien du travail. C'est ce que nous avons fait pour l'Agence d'inspection des aliments et pour l'Agence des parcs. Nous avons soulevé la question, de façon très générale, pour l'ensemble de la fonction publique.
Pour le gouvernement fédéral en tant qu'employeur, je pense qu'il est temps de procéder à une refonte de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de se soumettre à la législation applicable aux autres employeurs au niveau fédéral. Nous reconnaissons qu'une telle refonte présente un certain risque pour les syndicats et les employés, puisqu'il s'agit d'une législation différente de ce à quoi nous sommes habitués, mais ce sera pour les parties l'occasion de se réunir autour d'une table et d'évoquer tous les sujets concernant les relations et les conditions d'emploi.
Les premières indications données par Pierre Gravelle, le précédent sous-ministre du Revenu, correspondaient sans doute à un point de vue personnel, mais il était favorable à l'idée du Code canadien du travail. Malheureusement, en dernière analyse, on a opté pour autre chose, c'est-à-dire la formule hybride de l'employeur distinct, sous réserve de modifications mineures, et cette formule ne nous plaît pas, car nous considérons qu'elle prive les employés de droits actuellement inscrits dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique sans les doter en contrepartie d'un mécanisme permettant à leurs représentants de régler les questions qui, normalement, auraient été régies par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
• 1135
Quant à nous, nous accordons la préférence au Code canadien du
travail. Nous préférerions que la perception reste un service
ministériel du secteur public.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé et je suis heureux de vous revoir.
Le projet de loi C-43 me préoccupe sur plusieurs fronts, notamment la perspective du contribuable canadien, les questions de responsabilité, la concentration des pouvoirs et les questions de protection de la vie privée. Je pense que cette opération n'est pas conforme aux principes de la cession de certains pouvoirs au profit des provinces, ni à certaines tendances très importantes des relations fédérales-provinciales.
Le fait même que le ministre n'ait pas encore rencontré son homologue ontarien des Finances pour parler de l'opération va à l'encontre du principe général de l'engagement du gouvernement. C'est peut-être l'indice d'un manque d'appui à cette initiative et je pense que faute d'un tel appui, le ministre ne pourra sans doute pas réaliser les 172 millions de dollars d'économies auxquels il prétend.
Monsieur Hindle, vous avez fait une remarque fort intéressante concernant la tendance générale en faveur de la diversification des modes de prestation des services au sein de la fonction publique. Avez-vous des renseignements quantitatifs sur les précédentes expériences gouvernementales qui apporteraient une preuve irréfutable des économies que l'on peut ainsi réaliser à long terme? J'aimerais avoir de l'information à ce sujet.
On a véritablement diabolisé la fonction publique. Nous sommes prêts à reconnaître qu'il peut encore y avoir des services inefficaces, qu'il faut améliorer la prestation et renforcer la reddition des comptes, mais s'il s'agit d'un problème systémique, pourquoi est-ce qu'on aborde ce problème de façon chronique, ou en considérant un ministère et une initiative après l'autre et en appliquant des mesures superficielles? Ce n'est pas ainsi qu'il faudrait procéder.
Les fonctionnaires ont-ils proposé une formule ou une recommandation plus holistique pour améliorer véritablement leurs façons de procéder et pour que l'ensemble de la fonction publique corresponde mieux aux besoins actuels des Canadiens?
M. Steve Hindle: Pour répondre à la première question, nous n'avons pas vu de chiffres résultant d'étude consacrée à la création d'une agence ou à la privatisation d'un élément du service public.
L'opération la plus semblable par son ampleur est celle des Postes canadiennes: on a cédé le ministère des Postes à une société d'État appelée Société canadienne des postes. Je n'ai rien vu, dans cette expérience, qui ait pu montrer une évolution dans un sens ou dans l'autre du coût de l'exploitation des services postaux dans ce pays. Nous avons tous l'impression que le coût de l'expédition d'une lettre ou de l'utilisation des services de Postes Canada a augmenté. Les Postes sont-elles plus efficaces? Je ne sais pas. Du point de vue des conditions d'emploi, elles fonctionnent beaucoup plus comme une entreprise privée que comme un service gouvernemental.
Mais pour l'Agence d'inspection des aliments et en ce qui concerne la révision prévue au bout de deux à cinq ans à l'Agence des parcs, nous n'avons vu aucun chiffre indiquant une amélioration du service ou de l'efficacité. On a l'impression de mesures superficielles, comme vous l'avez dit.
Nous ne voyons aucun motif qui exige impérieusement la mise en oeuvre de cette Agence. Nous ne comprenons pas ce qui motive le gouvernement à créer une agence distincte du ministère de l'Impôt. Nous sommes toujours sceptiques d'entendre le gouvernement prétendre qu'il peut obtenir un gain d'efficacité à partir d'un ministère qui est déjà très efficace, et nous continuons à nous interroger sur les raisons de l'opération.
Quant aux raisons pour lesquelles le gouvernement ne procède pas de la même façon dans l'ensemble de la fonction publique, j'ai l'impression qu'il trouve que ce serait pour lui une opération trop importante. Mais il n'hésite pas à procéder malheureusement au coup par coup et à recourir à des formules différentes pour les différents éléments de la fonction publique.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Nous allons inviter M. Discepola et Mme Redman à poser leurs questions, puis les témoins pourront y répondre.
Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président. Comme je vous l'ai dit, je serai très bref.
Dans votre présentation, vous dites:
-
Il en coûtera des millions de dollars pour réimprimer les milliers
de formulaires, de publications, de papier en-tête, de cartes
d'affaires; pour changer les enseignes sur tous les bureaux d'impôt
et de douanes ainsi qu'aux passages frontaliers; pour changer
l'identification des uniformes et véhicules des douanes et pour
modifier les systèmes informatiques.
J'aimerais avoir des précisions à ce sujet. Ce qui m'inquiète, c'est que nous avons déjà connu des problèmes semblables lors du transfert des aéroports dans la région de Montréal. On me donne l'assurance que rien ne changera vraiment, que les employés de l'Agence vont percevoir les droits de douane, etc. J'aimerais que vous me donniez des détails. Voulez-vous dire que la prestation de services sera sous le contrôle exclusif de l'Agence, même aux points d'entrée, ou est-ce que le gouvernement aura toujours son mot à dire sur la prestation des services?
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Hindle, vous dites que les employés perdent leurs droits et malgré vos remarques positives concernant la structure et l'efficacité de Revenu Canada à l'heure actuelle, vous parlez également d'une certaine rigidité et vous dites que des améliorations sont possibles. Dans le cadre de l'Agence proposée, vous continuerez à négocier les conventions collectives, mais vous le ferez non plus avec le Conseil du Trésor, mais avec la direction de l'Agence. Craignez-vous d'obtenir une convention moins avantageuse que celle qui s'applique actuellement?
Le président: Bien; il y a donc deux questions.
M. Steve Hindle: Le comité et le Parlement ont tout lieu de se préoccuper de l'influence du gouvernement sur le fonctionnement de l'Agence. Je suppose que de prime abord, vous verrez peu de changements. Les signes extérieurs vont changer, puisque le nom sera différent, mais les gens qui font le travail ne changeront pas d'emblée. Pourtant, qu'en sera-t-il d'ici deux, trois, quatre ou cinq ans? Et dans 10 ans?
Quelles seront les relations entre le ministre et le conseil de direction de cette nouvelle agence de perception, et n'y a-t-il pas lieu de se préoccuper de l'élimination du contrôle parlementaire? Ne risque-t-on pas de se retrouver avec une agence qui gère ses propres affaires sans être assujettie à la surveillance du Parlement? Je ne peux pas vous dire si les choses vont évoluer ainsi, mais c'est un risque dont tous les parlementaires devraient se préoccuper. Avec cette agence de perception sur laquelle le gouvernement n'exercera pas un contrôle suffisant, ne risque-t-on pas de créer un super Big Brother?
En ce qui concerne les négociations, je suppose que nous devrions être en mesure de négocier une convention au moins aussi bonne avec la nouvelle Agence. Le problème concernant les pertes de droits, c'est que nous ne pourrons pas négocier avec l'Agence sur les questions de dotation et de classification. Nous ne pouvons pas non plus négocier actuellement dans ces domaines avec le Conseil du Trésor, mais la législation actuelle, en l'occurrence la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, nous donne des garanties quant aux mesures prises, à leurs modalités d'application, et elle nous donne les moyens de faire valoir notre cause ou celle de nos membres lorsqu'ils s'estiment désavantagés.
Ces garanties disparaîtront lorsque Revenu Canada deviendra une agence. L'employeur pourra fixer discrétionnairement les règles de dotation et de classification. On ne nous a pas garanti de mécanisme nous permettant de régler nos problèmes avec l'Agence. Nous devrons nous en remettre à la bonne volonté de la direction pour régler ces problèmes par la consultation, les décisions de la direction n'étant soumises ni au contrôle d'une tierce partie, ni même à un processus de révision interne. Tout cela nous préoccupe grandement.
Pour la convention collective proprement dite, nous espérons pouvoir réussir au moins aussi bien qu'avec le Conseil du Trésor. Nous connaîtrons au moins les gens avec qui nous allons négocier.
Le président: Merci, monsieur Hindle.
Avez-vous une dernière question, madame Phinney?
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Oui. J'aimerais tout d'abord faire quelques commentaires, à cause de la question qui a été soulevée mercredi dernier et qui est évoquée ici même. Le ministre doit remettre au comité des chiffres indiquant que les coûts directs du changement seront de 3,2 millions de dollars, c'est-à-dire moins de 0,5 p. 100 du budget du ministère.
Je voudrais indiquer également qu'il n'y a que 12 employés sur 40 000 au sein du ministère qui se consacrent à l'Agence, et non pas des milliers. Je tenais à faire cette précision.
J'ai également reçu copie d'une lettre de M. Ernie Eves, ministre des Finances de l'Ontario, au ministre. Voici ce qu'il dit:
-
J'ai également signalé à M. Dhaliwal, ministre du Revenu national,
que l'ADRC pourrait être avantageuse pour l'Ontario et les
contribuables ontariens si elle réussit à administrer les impôts
plus efficacement et à moindres frais, et à améliorer les services
proposés aux contribuables ontariens.
• 1145
On procède à la création de l'Agence parce qu'on pense pouvoir
atteindre ces résultats, et je tenais à le signaler publiquement.
M. Jason Kenney: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Le président: Oui.
M. Jason Kenney: Mme Phinney est-elle disposée à déposer le document qu'elle vient de citer?
Mme Beth Phinney: Oui.
Le président: Oui, c'est entendu. Nous demandons toujours aux députés qui font référence à une lettre ou à un rapport de le remettre au comité.
Mme Beth Phinney: Monsieur Hindle, vous dites que l'Agence ne sera soumise à aucun contrôle, et qu'on s'expose ainsi à des abus de pouvoir. Le projet de loi C-43 indique très clairement que le ministre reste entièrement responsable de l'administration et de l'application de la législation du programme.
En fait, le projet de loi comporte toute une série de mécanismes de reddition de comptes. Je pourrais les passer en revue, j'en ai sept dans ma documentation. Le ministre reste responsable aux termes de l'article 6 du projet de loi; le vérificateur général continue à vérifier l'Agence, c'est à l'article 87 du projet de loi. L'article 89 prévoit une révision législative au bout de cinq ans; l'article 88 prévoit que le ministre présente au Parlement un rapport annuel sur les opérations de l'Agence. Aux termes de l'article 49, les recommandations du ministre doivent être soumises pour approbation au Conseil du Trésor; l'article 56 permet à la Commission de la fonction publique d'examiner périodiquement la compatibilité des principes, tandis que l'article 59 prévoit un mécanisme obligatoire de révision du recours à une tierce partie au bout de trois ans.
Dans ces circonstances, qu'est-ce qui vous fait craindre que l'Agence se comporte en Big Brother, comme vous l'avez dit?
M. Steve Hindle: Il faut dire, en toute équité, que ce sont là des préoccupations exprimées par les membres de l'Institut professionnel, et que nous présentons au comité en tant que telles. Ils ont des préoccupations, malgré ce qu'ils voient dans la loi. Ils ont assisté à la création de l'Agence d'inspection des aliments et de NAV CANADA. Ils ont constaté l'érosion de leurs droits à l'emploi dans le cadre du processus de transfert des responsabilités à l'extérieur de la fonction publique fédérale. Ils se préoccupent de ce que l'avenir leur réserve en tant qu'employés de l'Agence du revenu.
Nous intervenons également en tant que contribuables canadiens préoccupés par cette Agence de perception qui risque de prendre ses distances par rapport au Parlement. Nous pensons qu'il convient que ce comité et que le Parlement répondent à ces préoccupations.
On remarquera avec intérêt que ces points portent sur le contrôle et sur la direction de l'Agence. La nécessité de cette agence n'a été prouvée ni par le gouvernement, ni par le ministre, ni par qui que ce soit. Quel motif impérieux exige que l'on retire Revenu Canada de la fonction publique et que l'on en fasse une nouvelle agence et un employeur distinct? Où est ce motif impérieux? Où est l'analyse de rentabilisation qui nous garantit que nous allons effectivement voir la couleur des économies annoncées comme possibles—et je dis bien possibles—dans le cadre de la nouvelle agence?
Nous avons des préoccupations, et il est important que les députés en soient informés de façon qu'ils aient la possibilité d'y répondre.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Lampron.
M. Gaston Lampron: J'aimerais faire un commentaire concernant l'allusion qui a été faite au Big Brother. Imaginons un organisme comme Revenu Canada qui s'occuperait de l'impôt fédéral, de l'impôt provincial, de la TPS et des taxes provinciales, ainsi que des taxes municipales. Dans le projet de loi, il est même question de la perception des amendes imposées au niveau municipal. En fait, tout ce qui est du domaine de la perception—les comptes d'électricité, par exemple—fait partie du domaine du possible. Imaginez le pouvoir d'un organisme qui aurait le contrôle de tous ces secteurs, qui serait en charge de la vérification, de la perception des comptes, etc.
Imaginez aussi la vulnérabilité des renseignements personnels. On a bien vu, dans ce qui s'est passé à Revenu Québec, tous les renseignements qui peuvent être dévoilés au public et extraits des banques de données. Il y aurait là une banque de données d'une dimension inestimable, comme on n'en aurait jamais vu.
Vous êtes-vous déjà imaginé que les vérificateurs de Revenu Canada pourraient être rémunérés par commissions et toucher des primes au rendement? Cela se trouve aussi dans la proposition. Cela fait partie du plan d'établissement de l'agence. C'est écrit noir sur blanc. Moi qui fais des vérifications, qui travaille sur le terrain, je puis vous dire que cela comporte de grands risques. Ainsi, on peut prendre son travail à coeur et avec sérieux, accomplir sa tâche avec soin en allant chez Bell Canada ou dans n'importe quelle autre société. Mais si, en bout de ligne, on peut s'attendre à toucher une prime, il n'est pas dit qu'on aura la même loyauté envers les contribuables canadiens.
Dans le domaine des services, il faut être prudent. On dit qu'on va s'occuper de tout. Je vous ferai remarquer une chose. D'un côté, vous avez la Loi de l'impôt sur le revenu fédérale, de l'autre celle du Québec. Là, j'ai le privilège de ne pas appliquer la TPS parce que je travaille au Québec, dans la région de Montréal. Ajoutez à cela l'Ontario, les municipalités, la façon d'effectuer la perception des comptes de taxes, le calcul des valeurs uniformisées de ceci ou de cela, et vous serez dans une véritable tour de Babel.
• 1150
Certaines choses ne peuvent pas grossir indéfiniment.
Peut-être notre système fiscal fait-il l'envie du reste
du monde. Peut-être serait-il bon de le préserver tel
qu'il est. Les choses vont très bien.
Personnellement, je vous conseille de ne pas voter en
faveur d'un projet de loi comme celui-là.
M. Nick Discepola: Les gens d'affaires tiennent un peu le discours inverse, eux qui doivent aussi agir de la façon dont vous parlez. Ils ont à remplir deux ou trois formulaires. Ils doivent d'abord être vérifiés par Revenu Canada du point de vue de la TPS et des déductions à la source, et ensuite recommencer pour les provinces. Il me semble que votre argument peut aussi bien servir aux gens d'affaires pour approuver les simplifications qu'on exige et qu'eux-mêmes ont demandées.
M. Gaston Lampron: J'ajouterai seulement une chose, monsieur Discepola. Demandez à n'importe quel homme d'affaires s'il aime mieux recevoir à ses bureaux un vérificateur qui va venir tout vérifier ou bien un vérificateur qui va venir s'occuper seulement de la TPS. Tous vous diront qu'ils aiment mieux les recevoir un par un. Si une seule personne entre dans une entreprise et présente une facture d'impôt de 50 000 $ pour le fédéral, une autre de 50 000 $ pour le provincial, qu'elle y ajoute la TPS puis la taxe provinciale, soit 25 000 $ de plus, et qu'elle fait de même pour les taxes municipales, ladite facture sera assez salée.
M. Nick Discepola: Je dirais que c'est l'inverse, monsieur Lampron. Ils ont le droit de traiter avec une seule personne et de tout régler au même moment au lieu d'avoir à ouvrir leurs livres quatre ou cinq fois dans la même année.
M. Gaston Lampron: Vous parlez du guichet unique qui donne les renseignements et distribue les formulaires, ce qui n'est pas la même chose. Cela ne pose pas de problème.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Discepola.
Monsieur Lampron, j'ai peut-être mal compris ce que vous avez dit. En ce qui concerne le rendement de l'employé, ses conditions d'emploi vont être tout à fait différentes s'il reçoit une prime. Est-ce que j'ai bien compris? Car si tel est le cas, je ne parviens pas à y croire.
M. Gaston Lampron: Si vous regardez la loi portant création de l'Agence, on y trouve une disposition évoquant un système de primes pour les employés. C'est écrit noir sur blanc. Vous n'avez qu'à vérifier. On ne nous a pas encore donné beaucoup de détails, mais c'est de cela qu'il est question. Comment va-t-on procéder? Je ne sais pas, mais laissez-moi vous dire que c'est une perspective lourde de conséquences.
Le président: Vous ne pouvez pas dire que vous ne savez pas, car vous avez déclaré que l'attitude des employés serait différente. J'aimerais savoir en quoi elle sera différente.
M. Steve Hindle: Puis-je dire quelque chose, monsieur le président?
La perspective des négociations avec la nouvelle Agence permet d'évoquer la probabilité de discussions sur une rémunération au rendement. Comment mesurer le rendement d'un vérificateur, sinon en termes de perception d'impôts supplémentaires? Il faut envisager la possibilité que certains employés fassent preuve d'un plus grand zèle si les montants supplémentaires dont ils assurent la perception ont une incidence sur leur chèque de paye.
Ce n'est pas le système que nous avons actuellement. Il n'y a pas un vérificateur, ni qui que ce soit d'autre à Revenu Canada, qui touche une rémunération supplémentaire en fonction des montants perçus. Je crois que nous voulons tous éviter d'en revenir à l'époque où les députés de l'opposition avaient soulevé tout un tollé dans la presse en évoquant l'idée de quotas à Revenu Canada. Les fonctionnaires ne veulent plus en entendre parler et je suis sûr que le gouvernement ne souhaite pas revenir à l'époque des quotas à Revenu Canada. Voilà ce que nous en pensons.
Mme Beth Phinney: Je voudrais intervenir. Cette affirmation est insensée; vous ne cherchez qu'à effrayer les gens. C'est comme si je disais qu'à Revenu Canada, tout le monde doit travailler sept jours sur sept, sans jamais prendre de vacances, et chacun doit nous remettre tous les ans un cadeau de Noël. De tels propos ne sont pas moins valables que les vôtres, lorsque vous dites qu'il y aura des commissions ou des quotas à l'Agence.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
M. Steve Hindle: Je voudrais vous remercier, monsieur le président, de même que les membres du comité, pour le temps que vous nous avez consacré.
Le président: Je tiens moi aussi à vous remercier. Vous avez porté à notre attention des éléments très importants, et comme vous le savez, le comité en tiendra compte lorsque nous étudierons ce projet de loi. C'est là la fonction même de ce comité: obtenir différents points de vue sur le même sujet, y réfléchir et veillez à ce que les Canadiens reçoivent le meilleur service possible. Je vous remercie sincèrement au nom du comité.
Nous allons suspendre la séance pendant environ deux ou trois minutes, et nous la reprendrons ensuite.
Le président: Je déclare la reprise de la séance et j'en profite pour souhaiter la bienvenue aux représentants des organismes suivants: Union Douanes et Accise, l'Alliance de la fonction publique du Canada et le Syndicat des employés de l'impôt.
Nous allons commencer par l'Union Douanes et Accise et son président, M. Ronny Moran.
Soyez le bienvenu.
Madame Nycole Turmel, allez-vous faire la présentation au nom des autres?
[Français]
Mme Nycole Turmel (vice-présidente, Alliance de la fonction publique): Bonjour. Je m'appelle Nycole Turmel et je suis vice-présidente à l'Alliance de la fonction publique. Je vais faire la première partie de la présentation et mes confrères Dave Flinn, du Syndicat des employés-e-s de l'impôt, ainsi que Ronny Moran, de la Customs Excise Union Douanes et Accise, parleront à ma suite.
Tout d'abord, au nom de l'Alliance de la fonction publique du Canada, du Syndicat des employés-e-s de l'impôt et de la Customs Excise Union Douanes et Accise, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter avec vous du projet de loi C-43.
Comme vous le savez peut-être, l'Alliance de la fonction publique compte plus de 155 000 membres dont la grande majorité sont employés de la fonction publique fédérale. Nous prenons au sérieux notre responsabilité de bien représenter les intérêts de tous nos membres. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
• 1200
Ensemble, nos trois organismes représentent la vaste
majorité des travailleuses et travailleurs qui seront
transférés à la nouvelle Agence des douanes et du
revenu si cette agence voit le jour. Nous sommes unis
dans notre ferme opposition à la création de cette
nouvelle agence. Depuis plus de deux ans, depuis que
le gouvernement fédéral a déclaré son intention de
créer cette nouvelle agence, nous suivons ce dossier de
près.
Je laisserai à mes collègues le soin d'étoffer les raisons pour lesquelles nous nous opposons au projet de loi C-43.
Je voudrais soulever un dernier point avant de leur céder la parole.
[Traduction]
Il est important pour nous et pour les syndiqués que nous représentons d'insister sur le fait que le gouvernement fédéral joue un double rôle, à savoir celui de décideur politique et celui d'employeur. Les politiques et les usages mis en place par le gouvernement fédéral ont une incidence directe sur nos membres à ces deux niveaux.
Le projet de loi C-43 dont vous êtes saisis est un exemple typique. Notre mémoire énonce les critiques que nous formulons de ces deux points de vue. Il indique en quoi le projet C-43 est mauvais et en quoi il est préjudiciable aux relations de travail.
[Français]
Je cède maintenant la parole à mon collègue Dave Flinn du Syndicat des employé-e-s de l'impôt.
[Traduction]
M. Dave Flinn (président national, Syndicat des employé(e)s de l'impôt): Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de dire tout d'abord que le Syndicat des employé(e)s de l'impôt est conscient du programme extrêmement chargé et des lourdes responsabilités de votre comité. Il est donc d'autant plus bizarre que nous nous retrouvions tous ici dans cette salle, aujourd'hui, à discuter d'une mesure législative qu'il est raisonnable de qualifier d'idée en quête de justification.
Lorsqu'il en a évoqué le concept pour la première fois en 1996, le discours du Trône présentait l'Agence des douanes et du revenu du Canada comme un moyen rentable et plus efficient d'assurer le service public. Mais, voilà que les événements ont dépassé le concept de l'Agence, au point qu'il ne répond plus à tous les objectifs qu'on lui avait accolés. L'Agence ne peut se justifier ni par le besoin, ni par l'efficacité bureaucratique, ni par l'efficience.
En tant que députés, vous représentez la volonté politique directe des Canadiens. Lorsque la bureaucratie et le gouvernement doivent rendre des comptes, c'est à vous qu'ils le font, à la Chambre des communes.
Dans sa structure actuelle, Revenu Canada rend tous les comptes qu'il faut au Parlement—et au public contribuable—par l'entremise du ministre du Revenu national. Les politiques, programmes et activités du ministère peuvent être passés au peigne fin chaque jour pendant la période des questions à la Chambre des communes. Le ministre ne peut pas indéfiniment éluder les «questions difficiles».
Par ailleurs, l'Agence des douanes et du revenu du Canada pose un défi pour les parlementaires, dépositaires de la confiance du public et protecteurs de l'intérêt public. Car, bien que ses promoteurs ne cessent de répéter que la nouvelle Agence serait entièrement responsable envers nos représentants élus, cela est pour le moins trompeur.
Pour voir jusqu'où les promoteurs de l'Agence tiennent au contrôle parlementaire, il suffit d'analyser le «rapport d'étape» que les bureaucrates ont produit en avril 1997. Ce document ne se gênait pas pour proposer de soustraire les opérations de l'Agence au principe fondamental de la responsabilité ministérielle envers la Chambre des communes. Cette proposition élitiste et antidémocratique a été retirée face à l'opposition féroce venue de divers milieux. Le ministre a beau affirmer qu'elle a été partiellement rétablie sur son insistance, il reste qu'on a attendu que les critiques de l'Agence tirent la sonnette d'alarme pour corriger cet outrage au contrôle parlementaire.
Malgré cette retraite forcée, l'Agence aura encore moins de comptes à rendre au Parlement qu'actuellement. Il tombe sous le sens qu'une Agence indépendante craindra moins qu'un ministère entièrement responsable d'avoir à répondre aux questions ou aux préoccupations que les députés soulèveront au nom du public. L'Agence aurait plus de facilité à trouver des moyens de ne rien dire au Parlement tout en donnant au ministre un prétexte pour rejeter la responsabilité sur le premier bureaucrate de l'Agence, le commissaire.
Selon la formule actuellement envisagée, la loi d'habilitation de l'Agence ne permettrait un examen parlementaire complet que cinq ans après sa mise en service. Bien des choses peuvent aller mal pendant tout ce temps. Et pourtant l'Agence continuerait d'être dans une large mesure financée par des crédits parlementaires. En termes politiques, c'est un cas flagrant de «taxation sans représentation»!
• 1205
En soustrayant l'Agence au contrôle quotidien du bureau du
ministre, le ministre lui-même risque de s'en faire passer des
petites vites par ses bureaucrates. En régime d'Agence, le ministre
se verrait présenter un plan d'activités tout prêt (dans lequel il
n'aurait pas eu grand-chose de précis à dire), comme fait accompli
virtuel.
Il existe aujourd'hui un équilibre judicieux entre la formation de la politique fiscale (qui est l'affaire du ministre et du ministère des Finances) et la mise en oeuvre de cette politique (sous la responsabilité du ministre du Revenu national). Le statut d'Agence romprait cet équilibre. Les bureaucrates de l'Agence se lanceraient inévitablement dans une «guerre de clochers» avec leurs vis-à-vis des Finances—exercice coûteux et improductif qui ne sert les intérêts de personne d'autre.
On nous dit que le but premier de l'Agence est de conclure des accords avec les provinces et les municipalités pour l'administration et la perception de leurs impôts et taxes. Pourtant, jusqu'ici, malgré une «offensive de charme» prolongée et proactive, le ministre et le sous-ministre n'ont obtenu rien d'autre qu'un accord provisoire avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse au sujet de l'indemnisation des travailleurs et d'autres questions fiscales mineures. Pas un seul accord—pas même une lettre d'intention non exécutoire—n'a été obtenu de quelque province que ce soit.
Bien sûr, nous sommes au courant du témoignage que le ministre a rendu devant votre comité mercredi dernier. Nous sommes au courant aussi de sa nouvelle façon de présenter la question de la participation des provinces. De son propre aveu, il a passé deux ans à faire la cour aux provinces. Il a rencontré tous les ministres des Finances il y a un an. Malgré cet effort, M. Dhaliwal n'a rien d'autre à produire que des commentaires anecdotiques et des lettres d'appui de principe. Je dois dire que la lettre du trésorier de l'Ontario, M. Ernie Eves, dont il a été question ce matin, constitue un élément nouveau pour nous. Nous n'en étions pas informés.
On ne saurait poser la question trop souvent: pourquoi le ministre n'a-t-il rien de mieux à montrer pour tous ses efforts qu'un accord de perception des primes d'indemnisation des travailleurs en Nouvelle-Écosse? Il fait contre mauvaise fortune bon coeur.
Nous serions tentés de dire que le ministre a mis la charrue devant les boeufs. Mais malheureusement pour lui, il semble ne même pas avoir les boeufs! Et ce n'est pas parce qu'on rit que c'est drôle. Nous parlons de l'administration et de la perception du revenu national, la plus cruciale de toutes les fonctions gouvernementales, diraient certains, qui emploie un fonctionnaire fédéral sur cinq.
Encore une fois, le ministre nous dit, et nous le citons: «Il s'agit de créer des options pour les provinces... de construire un véhicule.» Je ferai respectueusement valoir que c'est pas mal loin de l'intention initiale de la proposition d'Agence, ce que M. Dhaliwal et M. Wright savent très bien.
Il serait scandaleux que le contribuable soit appelé à appuyer la création d'une nouvelle structure bureaucratique dans l'espoir d'une participation hypothétique des provinces! Pour reprendre l'analogie du ministre, si le concept de l'Agence est un véhicule, c'est un véhicule sans roues. À écouter les beaux discours de ses partisans, toutefois, il ne semble pas avoir un bien gros réservoir d'essence!
Voyons la réalité d'aujourd'hui, et non pas les espoirs de demain. Le Québec et l'Ontario ont carrément refusé d'envisager de se rallier à l'Agence. Encore une fois, on nous parle ce matin d'une lettre, que j'aimerais bien pouvoir consulter pour vérifier les garanties qu'elle peut contenir. De fait, l'Ontario songe activement à se doter d'un ministère pour l'administration et la perception des impôts, qui serait indépendant d'Ottawa (comme c'est le cas au Québec déjà).
Un appui tiède initial de plusieurs provinces de l'Ouest s'est vite refroidi. Même l'Île-du-Prince-Édouard a dit à Ottawa qu'elle n'est pas disposée à céder d'autres pouvoirs fiscaux au gouvernement fédéral. Les documents internes mêmes de Revenu Canada disent que:
-
Les provinces veulent voir l'Agence fonctionner avant de décider de
lui confier l'administration d'un plus grand nombre de leurs
programmes fiscaux.
Malgré leurs rêves, les promoteurs de l'Agence ont démontré par leurs actions qu'ils voient bien qu'ils ne peuvent compter sur l'appui des provinces. Ainsi, ils ont discrètement retiré de la proposition initiale d'Agence le projet d'un conseil fédéral-provincial de l'administration fiscale.
Le même sens commun qui s'oppose à la participation des provinces s'applique de façon encore plus saisissante aux administrations régionales et aux municipalités, qui seraient loin d'avoir l'influence voulue pour infléchir les politiques et les interventions de l'Agence.
Donc, l'Agence semble toute prête à aller nulle part! Devant cette réalité, que pourrait-il arriver ensuite?
• 1210
Selon un certain scénario, une Agence trop ambitieuse pourrait
vouloir comprimer ses coûts en réduisant le personnel et les
services au public. Une orientation plus probable serait
l'imposition de droits d'utilisation. Selon la proposition,
l'Agence serait habilitée à fixer des droits d'utilisation pour des
provinces représentant un avantage particulier pour leurs
bénéficiaires des services. C'est à l'alinéa 60(2)b) du projet de
loi. Cette immense échappatoire pourrait lui permettre d'obliger
des particuliers et des entreprises à payer un supplément pour le
privilège de régler leurs impôts.
Les partisans de l'Agence ont accepté dès le départ que la plus grande économie viendrait de l'harmonisation de la taxe. Cependant, comme nous le savons, l'expansion de la TVH ne va nulle part, sinon dans trois provinces de l'Est où, lors d'un récent voyage, j'ai entendu la TVH être qualifiée de «taxe de vente honnie». L'Agence proposée ne fera rien payer non plus aux provinces pour la perception et l'administration de leurs impôts et de leurs taxes si le programme provincial est entièrement harmonisé avec un programme d'impôt fédéral. Ce service gratuit représente plus de coûts pour l'Agence... pas moins.
Alors qu'elle n'a même pas encore l'approbation du Parlement, l'Agence coûte déjà de l'argent aux contribuables. Le ministre ne veut pas ou ne peut pas dire aux membres de votre comité combien d'argent du contribuable ce projet douteux a déjà englouti. Comme le faisait remarquer mon collègue, Steve Hindle, il y avait ce matin, dans le Citizen, un article qui donnait quelques chiffres sur le coût de toute l'opération. De notre côté, nous avons fait une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information pour essayer de déterminer combien l'Agence a coûté mais jusqu'ici, nous n'avons reçu qu'un paquet de pages vierges. Je voudrais remercier le Citizen de nous aider à obtenir les détails financiers dont nous avons besoin.
Nous savons que des centaines d'employés de Revenu Canada ont dû délaisser leurs tâches habituelles pour participer à des équipes de conception et d'autres exercices consacrés à la réalisation des ambitions des bureaucrates. Ce coûteux détournement a aussi empêché le ministère de faire son travail. Il a aussi entraîné la mise à pied de centaines d'employés nommés pour une période déterminée et d'employés occasionnels, c'est-à-dire de centaines de personnes qui assurent le service de première ligne aux contribuables.
Selon un autre mythe, l'Agence deviendrait un fournisseur plus dépouillé et plus efficient des services fiscaux que Revenu Canada. Pourtant, la structure proposée pour la nouvelle Agence ajoute en réalité un autre niveau de bureaucratie sous forme de conseil de gestion nommé. Il est vrai qu'il n'aurait qu'un rôle nominal de surveillance, mais le conseil aurait néanmoins besoin de ressources en temps, en argent et en personnel qu'il serait préférable de déployer ailleurs.
En même temps, l'Agence resterait bureaucratiquement responsable devant le Conseil du Trésor pour des questions administratives comme son plan d'activités et son plan de ressources humaines. Par conséquent, la vieille filière hiérarchique reste en place. Et on ajoutera une nouvelle bureaucratie. L'Agence est loin d'être la machine fiscale pure et dure que ses partisans voudraient nous présenter.
Il y a aussi des craintes légitimes au sujet de la possibilité qu'une énorme entité bureaucratique détienne des quantités massives de renseignements financiers personnels critiques. Même Revenu Canada, dans ses notes internes, reconnaît que (et nous citons) «certains intervenants ont des craintes pour la protection des renseignements personnels du fait de la création d'un «grand frère».
Loin de moi l'idée que l'Agence ne s'emploie pas avec le plus grand scrupule à protéger la confidentialité des renseignements de ses clients. Mais la perception dépasse la réalité.
Une enquête de la Banque Royale, dont les résultats ont été publiés le 30 octobre dernier, révèle, chose non surprenante, que les Canadiens tiennent à la protection de leur vie privée et s'inquiètent de la sécurité de leurs renseignements personnels. Mais, pour citer le communiqué de la Banque Royale qui fait état des résultats de l'enquête:
-
Les organismes du gouvernement—comme Revenu Canada—et les banques
se sont classés très haut au chapitre de la protection des
renseignements des clients.
Les Canadiens sont nettement à l'aise avec le statu quo fiscal pour ce qui est de la protection des renseignements personnels.
Ce qui nous amène à notre conclusion. Rien n'empêche Revenu Canada d'atteindre les objectifs de politique du projet de loi C-43 dans son cadre ministériel actuel. Certes, il y a toujours des améliorations possibles dans n'importe quel organisme, mais Revenu Canada a fait de grands pas ces dernières années pour mieux s'adapter aux besoins de sa clientèle, grâce à des processus de comptabilité abrégés, au service de guichet unique, un seul numéro de compte, l'échange des crédits et des débits, etc. Récemment, beaucoup de travail a été fait que le milieu des affaires a trouvé très utile, mais ce travail a été fait par un ministère du gouvernement.
Ainsi, on pourrait s'attendre que les entreprises montent aux barricades pour défendre le concept de l'Agence. Malgré tous les avantages que le ministre a énumérés pour l'entreprise, ces organismes, bien organisés et bien financés, ont brillé par leur absence dans le débat public qui a suivi.
• 1215
Nous avons rencontré personnellement des grandes entreprises.
Elles sont heureuses des réformes lancées par le ministère, comme
le numéro d'identification d'entreprise et le service à guichet
unique, qui ont répondu à un grand nombre de leurs préoccupations
passées. Elles savent aussi qu'une enquête du Forum des politiques
publiques commandée par le ministère l'an dernier a révélé que 40
p. 100 des entreprises répondantes ne voient aucun avantage à
l'Agence. Plus des deux tiers d'entre elles étaient d'avis qu'elle
entraînera une augmentation ou le maintien des coûts de leurs
rapports avec le ministère selon sa structure actuelle.
Les nombreux arguments contraignants contre l'Agence sont strictement non partisans. Ils transcendent toutes les idéologies et toutes les lignes de parti. Nous incitons les membres du comité à adopter l'approche du bon sens, plutôt que l'avantage partisan, face au C-43.
Nous terminons donc comme nous avons commencé en demandant: «Pourquoi sommes-nous tous là?» Le plan d'activités de l'Agence est en pièces. Les provinces ne se sont pas ralliées. L'entreprise est ambivalente. Les experts en fiscalité ne croient pas à la nécessité de l'Agence. Pas plus, bien sûr, que la grande majorité des travailleurs de Revenu Canada. L'Agence signifie plus de bureaucratie, plus de coûts et plus de frais à supporter pour les contribuables ordinaires. Les niveaux de service et les effectifs pourraient bien diminuer dans les collectivités du Canada.
Chacun d'entre vous, qui siégez à cet important comité, sait qu'il y a bien d'autres questions plus importantes à régler que ce projet favori des cadres supérieurs de Revenu Canada. Sous tous les rapports, Revenu Canada, dans sa forme actuelle, est une option supérieure à l'Agence proposée des douanes et du revenu du Canada. Le projet de loi C-43 est si fondamentalement taré qu'il faut, à notre avis, le retirer.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Flinn.
Vous entendez sans doute la sonnerie. Cela signifie que nous devrons aller voter, mais nous avons encore environ dix minutes.
Monsieur Moran, aurez-vous besoin de plus de dix minutes pour votre exposé?
M. Ronny Moran (président, Union Douanes et Accise): Je ne pense pas.
Le président: Très bien, alors vous pouvez commencer.
M. Ronny Moran: Merci, monsieur le président et membres du comité.
J'aimerais tout d'abord profiter de l'occasion pour remercier le sous-ministre de Revenu Canada d'avoir invité les représentants de la CEUDA à se joindre aux équipes de conception de l'Agence. Pendant tous les travaux des équipes de conception de l'Agence, et malgré les défis qu'ils avaient à relever, le sous-ministre et les gestionnaires supérieurs ont toujours fait preuve de professionnalisme et il faut reconnaître leurs efforts et les en féliciter.
J'aimerais également profiter de l'occasion pour critiquer sévèrement le gouvernement qui a décidé que Revenu Canada devrait élaborer le cadre de l'Agence sans aucun crédit parlementaire. Il est déplorable de souligner qu'il y a eu absence totale de financement et que bon nombre de nos membres nommés pour une période déterminée, comme ceux du Syndicat des employé(e)s de l'impôt, ont été récemment mis à pied parce que la direction de Revenu Canada a dû faire des économies après avoir dépensé un montant non budgété pour la planification de l'Agence.
Aux fins du compte rendu, et pour éviter la nécessité de poser des questions pour déterminer comment il se fait que la CEUDA et le Syndicat des employés de l'impôt ont adopté deux attitudes différentes face à l'enthousiasme de Revenu Canada pour la création de l'Agence, je veux dire ce qui suit: Le Syndicat des employé(e)s de l'impôt n'a pas participé à l'équipe de conception de l'Agence, mais la CEUDA y a participé.
Cela ne veut pas dire que la CEUDA et le Syndicat des employé(e)s de l'impôt ont un point de vue différent au sujet du projet de loi C-43, car rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Nous avons exactement le même point de vue au sujet du projet de loi C-43. Cependant, chaque syndicat a décidé d'adopter une attitude différente pour transiger avec Revenu Canada. Le Syndicat des employé(e)s de l'impôt a choisi de se battre publiquement contre l'administration, de l'extérieur, tandis que la CEUDA a choisi de donner une chance au processus de consultations pour tenter de façonner et d'influencer les résultats à partir de l'intérieur.
Même si la CEUDA a participé aux équipes de conception de l'Agence, nous sommes contre la création de l'Agence et nous avons exposé notre position très clairement dès le début, comme vous pouvez le constater dans la lettre du 15 avril 1998 qui a été adressée aux membres de la CEUDA, et dont on vous a distribué ou dont on vous distribuera des exemplaires pour votre gouverne.
Mesdames et messieurs les membres du comité vous devez comprendre que la CEUDA et le Syndicat des employé(e)s de l'impôt partagent les mêmes préoccupations relativement au projet de loi C-43 et sont d'avis que le projet de loi devrait être retiré.
[Français]
Le projet de loi C-43, s'il est adopté par le Parlement, n'accomplira qu'une seule chose. Que cela soit très clair: le projet de loi C-43, indépendamment des idées qui ont pu motiver au départ sa proposition, vise dorénavant uniquement à donner aux gestionnaires des revenus de ce pays plus de flexibilité, de liberté et de pouvoir sur les ressources humaines. C'est vraiment aussi simple que cela.
Aujourd'hui, nous devons oublier ce que le projet de loi C-43 devait accomplir et la vision responsable à l'origine de sa conception telle qu'exposée dans le discours du Trône de 1996. Nous devons aussi oublier ce qu'il devrait livrer, au dire d'intérêts partisans. En effet, la réalité s'est transformée radicalement depuis l'introduction du concept d'une agence. Les promesses de jours meilleurs, que fait maintenant le ministre, ne sont en réalité que des voeux pieux, idéalistes et liés à la vision initiale.
• 1220
Les promesses d'une plus grande
efficacité, d'une simplicité accrue et d'une réduction
des chevauchements et des coûts de mise en conformité
sont superficielles et frôlent le ridicule. Quand on
les entend, il devient difficile d'accorder quelque
crédibilité au ministre lorsqu'il fait la promotion de
l'agence.
Une plus grande flexibilité pour les gestionnaires en ce qui
concerne les ressources humaines est la seule raison
d'être du projet de loi C-43. C'est tout ce qu'il
tente de produire.
Nous devons parler de la réalité d'aujourd'hui et
mettre de côté la réthorique issue de la vision de
1996.
[Traduction]
Il suffit de regarder ce qu'on appelle les équipes de conception de l'Agence pour voir la vérité. Essentiellement, Revenu Canada a créé neuf équipes pour concevoir le nouveau cadre de l'Agence, mais chacune de ces équipes n'avait qu'un objectif: Revoir, examiner, étudier, évaluer et rechercher des processus qui, lorsqu'ils seront mis en oeuvre aux termes du projet de loi C-43, ne feront que modifier, changer ou transformer un aspect ou l'autre du régime des ressources humaines dans la nouvelle Agence. C'est très simple. Neuf équipes de Revenu Canada ont été mises sur pied afin de réorganiser un régime des ressources humaines qui est actuellement administré par la Commission de la fonction publique.
Pour illustrer la situation, je vais annoncer le nom de chaque équipe et pendant que je le fais, je vous demanderais d'observer comment chaque équipe est uniquement liée aux ressources humaines: L'équipe de conception de la classification; l'équipe de conception de l'équité en matière d'emploi; l'équipe de conception de la formation et du perfectionnement; l'équipe de conception de la gestion et du groupe de la direction; l'équipe de conception des recours, pour les griefs à l'interne et ce genre de choses; l'équipe de conception de la dotation; l'équipe du Conseil national mixte; l'équipe de conception du réaménagement des effectifs; et l'équipe de conception de la transition. Manifestement, la raison d'être de chacune de ces équipes est la réforme des ressources humaines. Il n'y avait aucune autre équipe de conception de l'Agence; il s'agissait des seules équipes.
Si le projet de loi C-43 donne les résultats promis par le ministre, si le projet de loi C-43 vise à éliminer le chevauchement car il permettra la fusion des administrations fiscales fédérale et provinciales et mènera à l'harmonisation des taxes de vente provinciales et de la TPS, pourquoi n'y a-t-il pas une équipe de conception de l'harmonisation? Encore mieux, pourquoi n'y a-t-il pas une équipe de conception pour une plus grande obligation de rendre compte devant le Parlement, pourquoi n'y a-t-il pas une équipe de conception pour une plus grande efficacité et simplicité, et pourquoi n'y a-t-il pas une équipe de conception pour réduire les coûts d'observation? La réforme des ressources humaines à Revenu Canada est tout ce que le projet de loi C-43 a à offrir.
Me reste-t-il encore beaucoup de temps?
Le président: Vous avez encore deux minutes, vous pourrez avoir plus de temps lorsque nous reviendrons.
M. Ronny Moran: Très bien.
Le président: Nous devrions peut-être arrêter maintenant.
M. Ronny Moran: Très bien.
Le président: Nous allons aller voter. Naturellement, tous les membres du comité reviendront tout de suite après le vote pour que vous puissiez terminer votre exposé et nous passerons ensuite à une période de questions et réponses.
M. Ronny Moran: Merci.
Le président: Merci. La séance est suspendue.
Le président: Nous reprenons la séance.
Monsieur Moran, nous allons entendre le reste de votre exposé et ensuite nous passerons aux questions.
M. Ronny Moran: Très bien.
[Français]
Après avoir souligné que des équipes de conception auraient dû exister, je vais enchaîner avec ce qui suit.
Mon homologue du Syndicat des employé-e-s de l'impôt a déjà détruit les mythes propagés par le ministre et a déjà porté à votre attention quelques-uns des effets nocifs qu'aurait sans aucun doute sur le public la mise sur pied de l'agence si le projet de loi C-43 recevait la sanction royale. Le projet de loi C-43 n'abolira pas le dédoublement, étant donné qu'il n'est absolument pas certain que l'agence réunira les administrations de l'impôt fédéral et de l'impôt provincial, ni qu'elle pourra harmoniser les taxes de vente provinciales avec la TPS fédérale. Elle n'augmentera pas l'imputabilité u Parlement et n'augmentera pas non plus l'efficacité et la simplification des opérations. Et elle ne réduira certainement pas les coûts rattachés à la mise en conformité.
Si le projet de loi C-43 est adopté, les gestionnaires de la nouvelle agence jouiront d'une plus grande flexibilité. C'est un fait. Ils auront plus de latitude en matière de ressources humaines, plus de liberté pour muter et faire bouger le personnel, et plus de pouvoirs pour réduire les effectifs. Soyez-en assurés, les meilleurs jours auxquels fait allusion ministre n'arriveront jamais; c'est là l'opinion de plusieurs de nos membres. Les Canadiens et les Canadiennes peuvent s'attendre à un service diminué, à des frais d'utilisation, à plus de bureaucratie et à moins de responsabilité financière. Le projet de loi C-43 n'apportera rien de plus, rien de moins.
Bien que la CEUDA soit prête à reconnaître qu'il existe des problèmes dans le régime actuel des ressources humaines, nous croyons fermement que le projet de loi C-43 n'est pas la solution. Le projet de loi C-43 ne livrera pas ce qu'on promettait à l'origine et n'est pas le mécanisme adéquat pour améliorer le régime des ressources humaines de la fonction publique.
[Traduction]
Le gouvernement devrait agir de façon responsable et retirer le projet de loi C-43 car il ne correspond pas à la vision qui lui a donné naissance et pour reconnaître que la réforme des ressources humaines doit se faire dans toute la fonction publique, non pas seulement à Revenu Canada. Le gouvernement devrait par ailleurs examiner sérieusement les problèmes inhérents à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et le gouvernement devrait le faire en consultant honnêtement les syndicats du secteur public.
Nos membres nous demandent souvent pourquoi le gouvernement fédéral cherche à régler les problèmes de ressources humaines à Revenu Canada par des moyens détournés, pourquoi le ministre enrobe tout cela de beaux discours et pourquoi on se contente d'expédients. Ce n'est pas un hasard que les employés de Revenu Canada, nos membres, nous posent ces questions. Ils ne sont pas aveugles et leurs questions reflètent bien ce qui se passe sous leurs yeux étant donné ce que les équipes chargées de concevoir la nouvelle Agence et le projet de loi C-43 nous ont offert jusqu'ici.
• 1310
Notre syndicat espère sincèrement que vous n'agirez pas
aveuglément, que vous ne vous laisserez pas tromper par des beaux
discours et que vous ne céderez pas aux manoeuvres tentées par les
hauts fonctionnaires de Revenu Canada pour élargir leur empire. La
répartition des pouvoirs au gouvernement n'est pas un mythe; c'est
l'un des principaux facteurs qui expliquent pourquoi le
gouvernement est organisé comme il l'est. Ne vous y trompez pas:
cette répartition du pouvoir sera supprimée si ce projet de loi est
adopté.
[Français]
Au nom de la CEUDA et de ses 10 600 membres, je vous remercie respectueusement pour l'attention que votre comité portera à nos inquiétudes. Je suis confiant que vous accorderez à notre requête toute l'attention qu'elle mérite.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Moran.
M. Ronny Moran: Je voudrais dire quelque chose avant que nous ne passions aux questions. Nous vous avons communiqué notre mémoire la semaine dernière et je voulais seulement souligner deux de ses paragraphes en laissant de côté les préoccupations exprimées jusqu'ici quant aux coûts d'établissement de l'Agence, les pouvoirs accrus qu'elle possédera et la grande quantité de renseignements qui seront sous le contrôle d'un tout petit groupe de gens, ainsi que les problèmes de ressources humaines.
Je voudrais vous lire le paragraphe 136 qui figure à la fin de notre mémoire:
-
Les promoteurs de la nouvelle Agence soutiennent également que
«l'expérience d'autres pays, comme le Royaume-Uni, la
Nouvelle-Zélande et l'Australie, montre que les organisations
administratives qui ont une plus grande autonomie de gestion,
combinée à des mécanismes rationnels de responsabilité, peuvent
améliorer les services offerts au public». Cet argument, tiré du
document d'instruction relatif à l'Agence des douanes et du revenu
du Canada est, à tout le moins, fallacieux. La Nouvelle-Zélande,
qui a privatisé presque tous ses services gouvernementaux, a
souffert d'énormes perturbations économiques et sociales et est sur
le bord de la faillite et ne devrait pas être utilisée comme modèle
par toute personne qui s'intéresse sérieusement aux questions
d'ordre public. De plus, contrairement à l'impression laissée par
le document d'instruction, le Royaume-Uni n'a pas privatisé ni
dévolué ses fonctions de recouvrement de recettes.
L'autre paragraphe sur lequel j'aimerais attirer l'attention du comité, est le paragraphe 35, page 8. Je ne vais pas le lire, mais je peux vous dire que je réside au Québec et que tout le monde s'intéresse aux prévisions pour lundi prochain. Si le gouvernement ne se rend pas compte à quel point il jette de l'huile sur le feu en ne voyant pas qu'il créerait ce que l'on qualifie déjà au Québec de Nouvelle agence du Canada anglais...
Sur cette note, nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Moran.
Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Kenney.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier les trois témoins et leurs organisations pour ces exposés très intéressants et très approfondis.
J'étais d'accord à 90 p. 100 environ avec ce que M. Moran avait dit jusque-là, mais j'aimerais apporter un rectificatif en ce qui concerne la Nouvelle-Zélande. Oui, les Néo-Zélandais ont adopté le concept de la diversification des modes de prestation des services dans la plupart de leurs ministères, mais la situation financière et économique du pays est très solide à l'heure actuelle, en partie grâce à ces changements, pourrait-on faire valoir. La Nouvelle-Zélande est certainement loin de la faillite, comme c'était le cas il y a 10 ou 12 ans.
D'autre part, étant donné que la secrétaire parlementaire a cité un extrait d'une lettre du ministre des Finances de l'Ontario, que je n'ai pas encore reçue, je voudrais citer la lettre que j'ai moi-même reçue de M. Eves, dans laquelle il dit ceci:
-
Faute des renseignements nécessaires, l'Ontario n'est pas en mesure
d'évaluer si la nouvelle Agence fournira de meilleurs services,
pour moins cher, aux Ontariens.
Il ajoute que la province envisage d'établir son propre régime fiscal.
Le président: Monsieur Kenney, pouvez-vous déposer cette lettre?
M. Jason Kenney: Certainement, dès que j'aurai reçu l'autre, monsieur le président.
Et il ajoute encore:
-
L'Ontario ne peut donc pas se prononcer pour le moment quant à
savoir si elle envisagerait de conclure une entente avec l'Agence
[...]
Le président: Quelle est la date de cette lettre?
M. Jason Kenney: Elle date d'octobre dernier.
Mme Beth Phinney: Cette année ou l'année dernière?
M. Jason Kenney: De 1997, mais les entretiens récents que j'ai eus avec son ministère m'indiquent qu'il n'a pas changé d'avis.
Mme Beth Phinney: Il ne peut pas se décider.
M. Jason Kenney: Cela dit, monsieur le président, je voudrais poser une question à nos témoins. Ils ont dit tous les trois que la véritable raison d'être de ce projet de loi était de permettre aux hauts fonctionnaires de Revenu Canada de modifier leur politique de gestion des ressources humaines et que ce n'était pas vraiment par souci d'accroître l'efficacité.
Pourquoi pensez-vous que le ministère se soit donné tant de mal en proposant d'établir une agence alors que, comme vous en avez tous témoigné, ce n'est pas nécessaire pour apporter les changements qu'il souhaite dans la gestion des ressources humaines?
J'ai demandé l'autre jour au ministre s'il reconnaissait que ces changements pourraient être apportés en l'absence de cette agence et, si je me souviens bien, il a répondu qu'il n'était pas certain que ce soit le cas ou non.
Je vous demande donc pourquoi le ministère s'est donné tant de peine pour établir cette agence alors qu'il aurait pu s'exempter des pratiques d'emploi à la fonction publique en maintenant le statu quo.
M. Dave Flinn: Je ne crois pas que cette agence ait été établie dans le but de modifier la gestion des ressources humaines. Ce n'est qu'un facteur. Il s'agissait, de toute évidence, d'assurer l'harmonisation de la taxe de vente provinciale avec la TPS. Tel était le principal facteur, d'après ce que j'ai pu découvrir. Devant le refus des provinces, les fonctionnaires du ministère des Finances et du Revenu ont fait valoir un deuxième argument. Ils ont dit que les provinces pourraient céder au gouvernement fédéral la perception des taxes non harmonisées, autrement dit, la taxe d'accise sur les boissons alcoolisées, l'essence ou autres choses. Ils étaient motivés par deux programmes politiques qui ont tous deux échoué.
Pour ce qui est du renouvellement de Revenu Canada, nous reconnaissons que la gestion des ressources humaines nécessite certains changements. Cela ne fait aucun doute; ce n'est pas satisfaisant. Mais il est possible de le faire sans créer une agence. Nos objections viennent de ce que nos membres bénéficient à l'heure actuelle de la protection de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de la partie I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Si nous ne sommes plus visés par ces lois, nous nous retrouverons dans une agence qui aura une politique de ressources humaines, une politique de dotation et une politique de classification qui ne feront pas l'objet d'un examen législatif.
Nous risquons fort de perdre des droits que nous possédons maintenant. À titre d'exemple, si nous sommes visés par la partie II de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique plutôt que la partie I, nous ne pourrons plus aller en arbitrage pour les rétrogradations et les congédiements non associés à des sanctions disciplinaires. Au sein d'une agence, nous ne pourrons pas contester devant un tiers une rétrogradation ou un congédiement pour incapacité ou incompétence.
Les trois syndicats en ont parlé à plusieurs reprises au sous-ministre en disant: «Ce n'est qu'un exemple. Nous ne voulons pas perdre nos recours pour ceux que vous allez congédier. Vous ne voudriez certainement pas congédier quelqu'un sans avoir à rendre des comptes.» Le sous-ministre ne nous a donné aucune garantie en ce qui concerne ce recours.
Ce sont deux questions distinctes, monsieur Kenney: la création de l'Agence au départ correspond à un programme politique et la question des ressources humaines est à part. Si les nouvelles fonctions étaient confiées au ministère fédéral actuel, des changements pourraient être apportés grâce à des modifications à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, dont on parle depuis longtemps, et la Commission a fait des études à ce sujet. Nous préférerions cette solution, qui nous garantirait une protection législative, plutôt que de devenir une agence, dont la politique sera laissée au bon vouloir d'un conseil de direction ou autre, plutôt qu'au contrôle législatif.
Le président: Merci, monsieur Kenney et monsieur Flinn.
[Français]
Monsieur Perron.
M. Gilles Perron: Bonjour, madame Turmel, messieurs Flinn et Moran.
Dans votre mémoire, monsieur Flinn, vous désignez l'agence que le gouvernement pourrait créer par l'appellation «Big Brother». Étant donné la description que nous a donnée M. Lampron de ce grand frère, j'ai envie de lui appliquer le nom de red monster machine. La question qui me vient à l'esprit est la suivante: serait-il possible que le traitement de deux employés occupant le même type d'emploi, l'un au service du red monster et l'autre au service d'un ministère quelconque, puisse être différent?
M. Dave Flinn: Je crois que oui. Les règles régissant les processus et les politiques de l'agence pourraient être totalement autres et faire que les lois qui s'appliquent maintenant sur l'emploi ou toute autre chose s'appliquent tout autrement. C'est bien possible que dans une agence, il existe des conditions de travail tout à fait différentes.
• 1320
C'est étrange, parce qu'une partie du projet de loi dit
que les gens travaillant pour l'agence devraient
pouvoir être mutées au gouvernement et vice versa.
Toutefois, je ne vois pas que cela soit possible
si les politiques de dotation et de classification sont
différentes. Donc, il pourrait bien y avoir une
différence de traitement pour les personnes travaillant
dans un ministère et pour les personnes travaillant à
l'agence.
M. Gilles Perron: Voici une autre question que j'adresse à M. Moran. Ce matin, vous nous avez énuméré neuf types d'équipes différents. Si j'ai bonne mémoire, on m'a dit qu'il y avait environ 12 personnes du ministère du Revenu engagées dans la création de ce nouveau red monster. Croyez-vous possible d'assurer le fonctionnement de neuf équipes avec seulement 12 personnes?
M. Ronny Moran: La réponse est très simple; il y avait au moins 12 personnes dans chacune de ces équipes. Il y avait neuf équipes plus toute la structure administrative qui les coordonnait. Il y avait donc beaucoup plus que 12 personnes. Dans certaines de ces équipes, il y avait jusqu'à 10 ou 12 employés. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Gilles Perron: Merci, monsieur.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Perron.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président, et je remercie à nouveau les membres du groupe de témoins.
J'ai remarqué avec beaucoup d'intérêt qu'il ressort de vos deux exposés un thème global ou des intérêts communs. Là encore, il semble que ce projet soit mû par l'idéologie et non par des raisons concrètes ou un plan d'entreprise susceptible de prouver clairement que l'on pourra réaliser des économies.
J'aimerais que vous nous expliquiez comment toutes les économies prévues seront réalisées dans le domaine des ressources humaines. Il va sans dire que c'est ce que l'on a constaté grâce à la diversification des modes de prestation des services dans des endroits comme Goose Bay, au Labrador, où l'on a mis à pied tout le personnel non militaire et engagé à contrat une société étrangère, la même qui a réembauché les mêmes personnes en les payant deux fois moins qu'avant. Il est évident que l'on peut économiser de l'argent si l'on réduit au minimum le salaire des gens et qu'on les jette à la rue.
J'aimerais donc savoir si l'un des témoins peut consulter sa boule de cristal et nous donner des prévisions quant au nombre d'emplois qui seront supprimés et à la possibilité de réengager les gens à moindres frais au sein de cette nouvelle agence, au moment des négociations.
M. Dave Flinn: Le sous-ministre et le ministre ont déclaré à maintes reprises que les compressions d'effectifs ne sont pas le but poursuivi, et aucun des arguments avancés par Revenu Canada ne me pousse à en douter. Comme un témoin précédent l'a dit plus tôt ce matin, il suffit de voir ce qui s'est passé à NAV CANADA et à l'Agence d'inspection des aliments. Il n'avait pas été question de compressions d'effectifs avant la création de l'Agence, mais une fois que celle-ci a commencé à tourner, il y a eu plus de 1 000 emplois supprimés à NAV CANADA et environ 375, sauf erreur, à l'Agence d'inspection des aliments.
Ce qui préoccupe vivement nos syndicats, c'est que les emplois de nos membres qui vont travailler pour l'Agence sont garantis pour une période de deux ans. Au-delà de cette période, rien n'est prévu. Nous avons demandé au sous-ministre et à ses fonctionnaires de nous donner une assurance, une garantie quelconque qu'il y aura des mesures de sécurité d'emploi en place au bout de ces deux ans. A maintes reprises, le sous-ministre m'a dit qu'il ne pouvait pas me donner cette garantie. J'ai demandé pourquoi et je n'ai obtenu aucune réponse. Voilà qui n'est pas pour calmer mes inquiétudes, lorsqu'il nous dit qu'il ne peut pas garantir la sécurité d'emploi mais qu'il ne peut pas non plus nous dire pourquoi. Il va sans dire que les suppressions d'emploi nous préoccupent vivement étant donné le refus d'engagement de la part du sous-ministre.
Soyons honnêtes, l'Alliance de la fonction publique du Canada a négocié dans les conventions collectives des mesures de sécurité d'emploi qui nous protégeront au-delà de la deuxième année d'activité de l'Agence. Mais qui sait? Revenu Canada n'a jamais procédé à de fortes compressions de personnel et nous espérons que ce ne sera pas le cas, même si la réaction mitigée du sous-ministre, lorsque nous lui avons demandé de garantir notre sécurité d'emploi, ne calme pas entièrement mes inquiétudes.
M. Ronny Moran: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose.
Au départ, les trois syndicats—l'IPFP, le SEI et le nôtre—ont participé aux consultations. Le SEI et l'IPFP ont décidé par la suite de se retirer, mais lorsque nous étions présents tous les trois, il avait été proposé au départ de constituer sept équipes. À la suite des discussions avec le sous-ministre, nous avons réussi à retirer l'adaptation des travailleurs de l'ordre du jour du CNM, car nous estimions que cette question était assez importante pour faire l'objet de discussions distinctes, et parallèlement nous avons suggéré l'équité en matière d'emploi; il a été convenu de confier cette question à une équipe de conception. Toutefois, nous avons bien stipulé—«nous» étant les trois syndicats—que l'adaptation des travailleurs devait être la première priorité de ces équipes de conception de façon à calmer les inquiétudes des gens, d'abord les nôtres, en tant que représentants des travailleurs, et ensuite de l'ensemble des travailleurs sur le terrain.
Si ce n'était le fait que la question de l'adaptation des travailleurs a été résolue ailleurs—et c'est le cas, puisqu'elle est maintenant incluse dans le contrat qui sera repris par l'Agence... Outre l'équipe de conception de transition, l'équipe chargée de l'adaptation des travailleurs est l'une des seules équipes de conception à procéder à des recherches préliminaires, même si nous avons stipulé clairement qu'elle devrait être la première à produire des résultats concrets. Si la question n'avait pas été résolue ailleurs, nous serions confrontés à une situation très grave. Nous aurions une équipe de conception qui en est toujours aux étapes préliminaires alors qu'on nous a dit que cela devrait être la première question réglée.
Le président: Merci, monsieur Moran.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Au gouvernement, il semble qu'il y ait toujours des extrêmes et que l'on trouve rarement un juste milieu.
Étant donné que les Canadiens attendent une plus grande faculté d'adaptation de la fonction publique... Il y a dix ans, la fonction publique était peut-être moins réceptive qu'à l'heure actuelle, et il faut dire qu'elle a beaucoup évolué. Certains de ces changements, comme la tendance à la DMPS, vont peut-être un peu trop loin dans l'autre sens.
Quelles initiatives l'Alliance a-t-elle entreprises activement en vue de réformer la fonction publique de l'intérieur, pour répondre à certaines exigences que traduit ce projet de loi, mais de façon plus globale, en tenant compte de tous les ministères et du fonctionnement de la fonction publique au pays?
[Français]
Mme Nycole Turmel: Pour répondre à votre question, je dirai que l'alliance s'est effectivement penchée à plusieurs reprises sur la façon dont elle pourrait s'assurer que les politiques soient changées et améliorées en ce qui concerne la représentation. Je pense entre autres à la demande, réitérée maintes fois, qu'on dépende du Code du travail plutôt que de la Loi sur les relations de travail. C'est une des grandes priorités de l'alliance.
C'est sûr que nous avons combattu les différentes propositions, les nouvelles approches de l'employeur parce que nous considérions qu'elles ne répondaient pas aux besoins de la population en termes de services au public, de finances et de relations de travail.
J'aimerais aussi aborder le sujet de la classification et de la dotation. Nous sommes en faveur d'une révision de la classification à l'intérieur de la fonction publique. Cependant, l'approche adoptée par le Conseil du Trésor ne correspond pas à la nôtre.
J'aimerais aussi parler de la dotation, qui est un autre des enjeux à l'intérieur de la fonction publique. Si on s'arrête au haut pourcentage d'employés temporaires ou saisonniers dans la fonction publique, si on fait la comparaison entre la forte représentation qu'on y trouve de hauts gestionnaires et celle des personnes qui offrent un service au public, on constate une grande différence.
Tout le règlement de la négociation collective est un autre enjeu de l'alliance en vue d'assurer la stabilité au sein de la fonction publique fédérale et de donner un meilleur service.
Donc, nous avons pris plusieurs initiatives. Nous espérions que le gouvernement adopte la même attitude, celle d'être à l'écoute de l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
[Traduction]
M. Scott Brison: Serait-il possible, à votre avis, de faire intervenir les forces du marché dans la prestation des services de la fonction publique, sans en arriver nécessairement à la privatisation de certains services? Par «forces du marché», je parle de choses comme la concurrence au sein de la fonction publique ou d'éléments d'évaluation de rendement plus quantitative et autres choses du même genre. Est-ce une façon d'éviter la mesure beaucoup plus draconienne qu'est la privatisation d'un service donné, comme le prévoit le projet de loi C-43?
M. Dave Flinn: Si l'on parle uniquement de Revenu Canada, il est un peu difficile de nous considérer comme une entreprise. À l'interne, il y a des examens de rendement: le rendement de chaque employé est examiné à intervalles réguliers, et s'il laisse à désirer, on prend des mesures pour améliorer ce rendement. Il est difficile de comparer davantage Revenu Canada à une entreprise commerciale, car elle perçoit des taxes et impôts. Le moins qu'on puisse dire, c'est que nos fonctionnaires ne sont pas les personnes les plus populaires au monde et il serait difficile à notre ministère d'essayer d'agir comme une société.
Cela dit—et je rends hommage au patronat qui le mérite—il y a eu dernièrement de nombreuses améliorations dans les relations de Revenu Canada avec les contribuables. Auparavant, il y avait un compte salaires, un compte personnel, un compte société et Dieu sait quoi d'autre. On pouvait avoir jusqu'à 10 comptes. Aujourd'hui, il n'y en a plus qu'un. Il y a eu beaucoup d'initiatives de rationalisation, et les efforts de Revenu Canada en vue d'offrir un meilleur service public lui ont valu de nombreux éloges.
Notre argument est très simple: c'est déjà fait. Il est certes possible d'apporter d'autres améliorations, mais ce serait tout aussi possible dans le cadre d'un ministère fédéral que s'il s'agit d'une agence. Pour cette dernière, la seule justification qui me paraisse logique c'est que le conseil d'administration de l'Agence comptera des représentants de toutes les provinces, ce qui calmera les inquiétudes de ces dernières devant le fait que le fédéral perçoive les impôts provinciaux, puisqu'elles auront désormais leur mot à dire dans le fonctionnement de la société. Ce n'était pas le cas jusqu'ici.
Il n'y a à notre avis aucune autre raison de créer une agence qui représente une autre couche de bureaucratie ou autre, alors que Revenu Canada se tire très bien d'affaire, à titre de ministère fédéral, pour répondre aux besoins des contribuables et du monde des affaires, qu'il s'agisse de la simplification des formalités ou d'autres mesures.
M. Scott Brison: Merci.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Il y aura deux autres questions, une de M. Gallaway et l'autre de Mme Leung, après quoi nous passerons aux observations ou questions de Mme Phinney.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Moran, vous nous avez parlé des neuf équipes qui ont été constituées pour étudier la question ou être à l'oeuvre pendant la période de transition. Dans le Citizen d'Ottawa d'hier ou d'aujourd'hui, je pense, il y avait un article où l'on disait que M. Hindle, de l'Institut professionnel de la fonction publique, critique le prix des études effectuées au sujet de cette période de transition, si l'on peut parler de période de transition.
Savez-vous ce que cela a coûté jusqu'ici? Je ne sais pas si vous faites ce genre de calculs, mais pouvez-vous nous donner une idée de ce qu'ont coûté plus ou moins les études effectuées par ces neuf équipes?
J'aimerais également que vous nous disiez s'il y a intervention de la part d'organismes de l'extérieur. Même si leurs dépenses ne paraîtraient pas directement liées à la période de transition ou au passage à l'Agence, ce sont des experts dont les services ont été retenus et qui ont été rémunérés très cher pour conseiller les fonctionnaires du ministère du Revenu national au sujet de ce changement. Qui sont-ils?
M. Ronny Moran: Pour ce qui est du coût, ce qui exaspère les gens qui travaillent sur le terrain, c'est la façon dont les choses se passent.
Tout d'abord, notre organisme doit assumer des frais de déplacement et autres, de sorte qu'à l'instar de la plupart d'entre vous, nous devons toujours essayer d'obtenir un tarif excursion, de prévoir une escale d'une nuit le samedi, etc. D'après ce que je peux voir, lors des déplacements que ces gens ont dû effectuer, on n'a fait aucun effort pour économiser de cette façon. L'équipe des recours, par exemple, s'est rendue à Harvard pour y rencontrer certaines personnes.
Toutes les équipes avaient des experts-conseils pour coordonner leurs travaux et présider les réunions. Toutefois, la plupart, sinon toutes ont fait venir des gens par la suite pour des raisons précises. Nos membres ont eu l'impression, et tout les portait à croire qu'il n'y avait aucune limite aux frais de déplacement, ni au nombre de personnes qu'on a fait venir, ni au nombre de voyages effectués par ces experts-conseils. Chaque équipe a envoyé certains membres dans tout le pays pour rencontrer des groupes d'employés, afin d'essayer de leur vendre le principe ou de leur faire comprendre quelles étaient les propositions et les constatations.
• 1335
Je tiens à bien préciser que ces équipes de conception ont
joué un rôle très utile et que cela pourrait facilement s'appliquer
à l'ensemble de la fonction publique, de sorte que je ne critique
pas systématiquement tout ce qui s'est fait. Seulement, lorsqu'on
arrive vers la fin de l'exercice financier et qu'on dit à nos
percepteurs qu'ils ne peuvent pas aller faire leur travail parce
qu'il n'y a plus d'argent pour payer de l'essence, ou lorsqu'on ne
renouvelle pas le contrat d'employés nommés pour une période
déterminée, même si les recettes qu'ils vont chercher représentent
parfois plusieurs centaines de fois leur salaire... Voyez-vous ce
que je veux dire? Une personne qui gagne 40 000 $ par an produit
parfois 40 millions de dollars et on ne renouvelle pas le contrat
de ces gens-là à cause d'un déficit budgétaire.
La logique semble souvent faire défaut, et si ces décisions sont représentatives de celles qui seront prises une fois que nous serons une Agence indépendante, si c'est ce qu'on vise, il y a en qui commencent avoir très peur.
M. Roger Gallaway: J'ai une question supplémentaire. Pourriez-vous nous donner les noms de ces maisons d'experts-conseils? Les connaissez-vous?
M. Ronny Moran: Je peux certainement vous en donner une liste très concise.
M. Roger Gallaway: Vous pourriez fournir au comité une liste des maisons d'experts-conseils?
M. Ronny Moran: Certainement. Je peux le faire cet après-midi.
M. Roger Gallaway: Merci.
Deuxièmement, le sous-ministre, M. Wright—et j'avoue que cette information vient d'un article de journal—affirme que le ministère a dû réaffecter quelque 50 millions de dollars pour faire face à ces imprévus en matière de dépenses et de priorités. Avez-vous une idée des coûts de ces comités et de ces rapports de consultants, ou est-ce que ce n'est pas de votre ressort?
M. Ronny Moran: Comme l'ont déjà dit M. Flinn et notre collègue de l'institut, nous avons présenté des demandes en vertu de la loi sur l'accès à l'information, et nous serions très heureux de...
Peut-être que Dave pourrait vous montrer les pages; on a l'impression d'être dans un pays communiste quand on voit les pages qui ont été fournies à la suite de nos demandes, puisqu'elles ne contiennent rien qui nous permettrait de...
M. Roger Gallaway: Monsieur Flinn, je vous invite à déposer ces documents auprès du comité, si vous les avez avec vous.
M. Dave Flinn: Nous avons présenté quelque 11 ou 13 demandes d'information de divers types, y compris le coût des équipes de conception dont vous parlez. Jusqu'ici, tout ce que nous avons reçu, c'est un document concernant de la correspondance entre le ministère et le cabinet du premier ministre.
La plupart des pages sont vides. Ce sont des pages blanches. Il y a des exemptions en vertu de loi sur la protection des renseignements personnels ou de la loi sur l'accès à l'information. Nous avons la page titre, l'index et quelques autres informations, mais certes rien qui en vaille la peine.
Dans l'article du Citizen dont nous avons parlé ce matin...
M. Roger Gallaway: Un instant. Seriez-vous disposé à déposer cette documentation devant le comité, ou l'avez-vous déjà fait?
M. Dave Flinn: Non.
M. Roger Gallaway: Je vous demanderais, si vous voulez bien, de la déposer auprès du comité.
M. Dave Flinn: Bien sûr, je vais le faire.
En ce qui concerne le coût des équipes de conception, la seule chose dont nous sommes sûrs à présent, vient d'une déclaration faite par le sous-ministre qui est citée dans le Citizen de ce matin selon laquelle on a dépensé environ 3,2 millions de dollars à ces équipes. Il mentionne aussi un montant de 2,8 millions de dollars consacrés en partie à l'élaboration d'un nouveau régime de ressources humaines au ministère. Si je dis en partie, c'est qu'une portion de cet argent aurait peut-être été dépensée de toute façon en temps normal.
On sait donc pertinemment que le ministère a dépensé environ 6 millions de dollars. Je suis convaincu que le vrai montant s'élève à beaucoup plus que cela, mais je ne pourrais pas vous donner un chiffre. Nous avons fait des efforts pour obtenir cette information, mais les demandes d'accès n'ont pas porté des fruits. M. Wright nous a un peu facilité la tâche ce matin dans l'article du Citizen.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
Madame Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à monsieur Flinn.
Lors de votre conférence de presse mardi dernier, votre vice-président, M. Denis Lalancette, a laissé entendre que l'Agence n'accueillerait pas de demandes d'accès à l'information. Comment cela est-il possible, étant donné que le projet de loi dit clairement que l'agence serait assujettie à la loi sur l'accès à l'information? Il semble y avoir une contradiction évidente.
M. Dave Flinn: Je crois que mon collègue faisait allusion au fait que nous ne pouvions pas obtenir d'information de Revenu Canada actuellement et que la situation ne s'améliorera pas quand nous deviendrons une Agence, même s'il s'agit de la même loi.
• 1340
Je vous ai montré ce document, et je vais le déposer auprès du
comité. Il trouve inquiétant le fait que nous avons essayé
d'obtenir des renseignements du bureau de l'accès à l'information,
et nous n'avons pas réussi. Nous avons engagé un recherchiste pour
faire ce travail, et il nous dit très clairement que Revenu Canada
est le ministère dont il est le plus difficile de tirer des
renseignements.
Notre crainte c'est que, si on n'arrive pas à l'obtenir maintenant, les choses ne vont pas s'améliorer avec la création de l'Agence.
Mme Sophia Leung: Eh bien, c'est peut-être une hypothèse de votre part. Nous ne le savons pas vraiment. Elle ne se fonde pas sur les faits.
J'ai une question qui s'adresse à M. Moran.
Monsieur Moran, je comprends que l'Agence essaie de fournir un service au public à prix réduit, mais dans votre document, à la page 3, troisième paragraphe, vous dites:
-
Les Canadiens peuvent s'attendre à des services réduits, à des
frais d'utilisation, à plus de fatras administratif et à moins de
responsabilité financière.
En faisant de telles déclarations, vous vous fondez sur quels faits au juste?
M. Ronny Moran: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose à la première question que vous avez soulevée en ce qui concerne l'accès à l'information.
Dans son rapport de l'an dernier, le commissaire de l'accès à l'information a fait des reproches très sévères à Revenu Canada. Suite à nos demandes, M. Gravelle, qui était le sous-ministre à l'époque, s'est carrément moqué de la Loi sur l'accès à l'information. Le rapport soulève ce point très clairement. Il serait peut-être utile que les membres de ce comité lisent ce paragraphe où le commissaire fait des reproches à Revenu Canada en ce qui concerne l'accès à l'information.
Quant à votre question, on a déjà préparé des documents qui expliquent qu'on se penche sur la question des frais d'utilisation. De tous les comités de la Chambre, c'est bel et bien votre comité-ci qui en est venu à la conclusion, en ce qui concerne les banques, que plus grand ne veut pas nécessairement dire meilleur, et c'est la même conclusion que nous tirons nous-mêmes. Nous disons qu'en créant une plus grande Agence de perception des impôts «le monstre rouge», ou je ne sais pas comment on va l'appeler dorénavant—tout porte à croire qu'il y aura moins de services, qu'ils vont nous coûter plus cher et que les frais d'utilisation feront partie intégrale de cette structure.
Voici les indices, et je pourrai certainement vous fournir les documents que j'avais en tête lorsque j'ai fait ces déclarations. Il s'agit des documents ministériels.
Le président: Merci, monsieur Moran.
Merci, madame Leung.
Madame Phinney.
Mme Beth Phinney: Merci, monsieur le président.
En tant que député, nous ne pouvons pas nous permettre de dire «Eh bien, je crois que ceci pourrais arriver» ou «Je crois que cela pourrait se produire», et ensuite faire paraître des articles de journal disant qu'il y aura effectivement des frais d'utilisation. Je l'ai dit ce matin et je le répète il s'agit là de déclarations alarmistes. Aucun article dans ce projet de loi donne à cette Agence le droit de prélever des frais d'utilisation. Pour ce faire, l'Agence aura besoin d'un pouvoir spécial. Le projet de loi ne parle pas du tout de ce pouvoir spécial. Je tiens à dire clairement qu'il s'agit là de tactique alarmiste.
Si vous pouvez me montrer la preuve de ce pouvoir, et me montrer qu'il ne s'agit pas simplement de ouïe-dire, parce que j'ai bien l'impression que c'est cela que vous faites depuis ce matin... Ce projet de loi ne le permet nulle part.
M. Dave Flinn: Avec tout le respect que je vous dois, j'aimerais attirer votre attention sur l'article 60 du projet de loi C-42. Cet article porte sur les dépenses, mais il parle également des recettes d'exploitation. Le paragraphe 60(2) stipule:
-
L'agence peut, au cours d'un exercice [...] dépenser les recettes
d'exploitation perçues pour cet exercice [...]
et l'alinéa 60(2)b) explique que ces recettes comprennent:
-
pour la fourniture de services ou de produits, l'utilisation des
installations [...]
Alors on parle effectivement des «recettes perçues pour la fourniture de services ou de produits». J'attirerai donc votre attention sur l'alinéa 60(2)b), lorsqu'on dit que l'Agence pourrait demander des frais d'utilisation et se servir de cette somme...
Mme Beth Phinney: Où dans le projet de loi est-ce qu'on dit qu'on peut demander des frais d'utilisation.
M. Dave Flinn: À la page 19 du...
Une voix: On ne parle pas de «frais d'utilisation».
Mme Beth Phinney: Qu'est-ce qu'on dit au juste? Est-ce qu'on parle de frais d'utilisation dans le projet de loi?
M. Dave Flinn: On dit «les sommes reçues pour la fourniture de services ou de produits». Vous pouvez les appeler frais d'utilisation ou ce que vous voudrez. Cet article permet à Revenu Canada de demander des frais pour des services et de se servir de ces recettes pour payer ses dépenses. C'est comme ça que je l'interprète. Si je me trompe, je suis certain que quelqu'un va me reprendre, mais c'est mon interprétation.
À l'heure actuelle, Revenu Canada exige des frais d'utilisation pour certains services.
Mme Beth Phinney: Eh bien, pour demander de nouveaux frais, l'Agence aura besoin d'un pouvoir spécial, et rien dans le projet de loi l'autorise à le faire. Le projet de loi autorise l'Agence à poursuivre sa façon d'agir et à réaffecter les sommes perçues, mais le projet de loi ne l'autorise pas à demander des frais d'utilisation.
• 1345
De plus, je tiens à parler d'une chose à laquelle j'ai fait
allusion ce matin; à savoir, l'obligation de rendre des comptes.
J'ai énuméré sept différents domaines où l'Agence aura des comptes
à rendre. Il y a trois nouveaux articles qui portent sur cette
obligation: il y a l'examen législatif quinquennal, la Commission
de la fonction publique peut vérifier périodiquement la
comptabilité des principes régissant le programme de dotation de
l'Agence, et il y a des mécanismes permettant une évaluation des
recours par une tierce partie après trois ans. Voici trois
nouvelles mesures pour améliorer l'obligation de rendre des
comptes, mesures qui ne se trouvent pas dans la loi à l'heure
actuelle. Je tiens simplement à ce que le compte rendu le
mentionne.
Le président: Merci, madame Phinney.
Au nom du comité, je tiens à remercier M. Flinn, Mme Turmel et M. Moran d'avoir comparu devant nous. Il est très important pour le comité d'entendre des points de vue différents en ce qui concerne ce projet de loi. Nous allons certainement tenir compte de ce que vous avez dit dans notre étude du projet de loi. Merci.
La séance est levée.