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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 novembre 1997

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.

L'ordre de renvoi concerne le projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence. Les premiers témoins que nous allons entendre ce matin sont Mme Nancy Riche et M. Bob Baldwin, qui représentent le Congrès du Travail du Canada.

Soyez les bienvenus.

Mme Nancy Riche (vice-présidente exécutive, Congrès du Travail du Canada): Merci.

• 0905

De combien de temps disposons-nous?

Le président: Vous disposez de 10 à 15 minutes environ, après quoi, il y aura une période de questions et de réponses.

Mme Nancy Riche: Bien. Je vais lire un texte préparé. Nous avons un long mémoire qui a été remis au greffier mais, comme on nous l'a demandé, nous avons aussi un document abrégé d'une page.

Bob Baldwin, mon collègue, est également directeur national, Politiques économique et sociale au Congrès du Travail du Canada. Nous nous partagerons la tâche au moment des questions mais ce sera probablement lui qui répondra le plus souvent. Je vais lire notre déclaration pour le compte rendu.

Monsieur le président et membres du comité, je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-2. Nous avons préparé, à l'intention du comité, un mémoire formel que l'on est en train de distribuer. Dans ce document, nous examinons de manière approfondie un certain nombre de questions. Mes déclarations préliminaires seront essentiellement empruntées à l'introduction et au sommaire qui couvre les cinq premières pages de ce mémoire.

Le CTC et le mouvement syndical participent depuis des décennies à tous les aspects du système de revenu de retraite du Canada. Le mouvement syndical s'est toujours intéressé de très près au domaine des pensions et il en va de même aujourd'hui du projet de loi C-2. Depuis la création du Régime de pensions du Canada, le CTC a reconnu que ce régime offrait de grands avantages par rapport aux régimes de pension du travail et aux REER comme méthode de production de revenu de retraite.

Au fil des ans, ma principale préoccupation à l'égard du RPC a été que les prestations n'étaient pas assez élevées. Cependant, en dépit de leur faible niveau, le RPC, ainsi que la Sécurité de la vieillesse (SV) sont les sources les plus communes de revenu pour les Canadiens et les Canadiennes plus âgés; ils représentent près de la moitié du revenu des citoyens et citoyennes de 65 ans du lieu de travail. Ils sont aussi le fondement du développement des régimes de pension du lieu de travail. Leur existence a été particulièrement importante car elle a permis de concentrer les régimes de pension du lieu de travail sur l'offre de prestations de retraite anticipée.

Le CTC a été l'un des premiers organismes, sinon le tout premier, à se faire le champion de l'examen quinquennal régulier du taux de cotisation du RPC. Nous ne pouvons donc pas critiquer l'examen qui a conduit au dépôt du projet de loi C-2. Cependant, ni le contenu du projet de loi ni le processus qui y a mené ne sont satisfaisants.

Il convient de noter ce qui suit en ce qui concerne le contenu. Le projet de loi C-2 prévoit un certain nombre de coupures aux prestations. Ces coupures auront l'effet le plus néfaste sur les invalides et on ne peut pas les justifier en invoquant les dépenses excessives futures au titre du RPC.

Le projet de loi C-2 redéfinit le revenu cotisable de telle manière que les cotisations au RPC augmenteront plus pour les cotisants à faible revenu que pour ceux qui ont un revenu élevé.

Le projet de loi C-2 modifie les modalités de financement du RPC en réduisant le taux de cotisation, mais la méthode utilisée aura pour effet de réduire la croissance économique à court terme et d'accroître les pressions en faveur de l'augmentation du pourcentage de l'actif du fonds de pension qui pourra être investi à l'étranger. Elle créera ainsi des malentendus au sujet de la nature du financement du RPC. La méthode est d'ailleurs fondée sur des hypothèses très pessimistes au sujet de l'avenir économique du Canada.

Le projet de loi C-2 crée une Commission d'investissement du Régime de pensions du Canada qui comporte de graves lacunes telle qu'elle est établie dans le projet de loi C-2.

Le projet de loi C-2 prévoit certaines mesures qui ont été conçues pour améliorer les fonctions de régisseur et la responsabilisation, mais il n'offre pas de solutions à certains des problèmes les plus graves dans ce domaine.

Si le contenu du projet de loi C-2 pose problème, son processus d'élaboration a été un problème encore plus grave. Il s'est écoulé trois ans et demi depuis le discours du budget de 1994, dans lequel le gouvernement annonçait pour la première fois son intention de réviser le régime de pension de l'État afin de le rendre plus abordable et durable. Au cours de cette période, le gouvernement a fourni au public très peu d'informations qui lui permettraient de se former une opinion. Une grande partie de l'information était d'ailleurs très trompeuse.

Pendant toute cette période, le gouvernement a agi comme si son obligation de fournir des informations se limitait à offrir celles qui appuyaient ses préférences politiques. C'est non seulement une interprétation très étroite de cette obligation, c'est une interprétation totalement frauduleuse, qui reflète un manque de respect total pour un débat sérieux de politique publique.

• 0910

Plutôt que de nous attarder sur cette question, nous résumerons rapidement quelques points.

Le gouvernement a atteint l'étape de la mise en oeuvre de changements au RPC sans avoir produit d'analyse publique sur les effets que ces changements ont sur le revenu des retraités et sur d'autres groupes touchés, que ce soit maintenant ou à l'avenir.

Le gouvernement n'a pas respecté la promesse qu'il avait faite dans les budgets de 1994 et 1995 de publier une étude sur le vieillissement qui «examine les défis et les possibilités que représente la société vieillissante du Canada» et qui établirait le contexte nécessaire pour comprendre les changements éventuels à la SV et au RPC.

Le gouvernement n'a pas respecté l'engagement qu'il a pris à la Quatrième conférence des Nations Unies sur les femmes, tenue à Beijing en 1995, de s'assurer que les grandes initiatives en matière de politiques seraient accompagnées d'une analyse de leurs effets sur les femmes.

Le gouvernement veut amputer les prestations d'invalidité du RPC, ce qui est totalement contraire à l'esprit de son propre groupe de travail (le Groupe Scott) sur les questions relatives à l'invalidité. Le gouvernement présente les changements au RPC comme une amélioration de l'équité du régime pour les nouvelles générations alors que la réduction des prestations et l'élargissement de l'assiette du revenu cotisable sont surtout ressentis par les jeunes et que les hypothèses sur lesquelles l'ensemble de l'enveloppe de financement est fondée, tiennent pour acquis que les jeunes Canadiens auront à faire face, pendant des années, à une lente croissance de leurs revenus et à un chômage élevé.

La combinaison de réductions injustifiées aux prestations, du changement régressif de l'assiette de revenu cotisable, et d'un processus illégitime d'élaboration des changements proposés au RPC justifie notre opposition au projet de loi C-2.

Même s'il devient nécessaire de relancer les négociations avec les provinces sur un nouvel ensemble d'amendements au projet de loi C-2, les changements régressifs que je viens de décrire doivent en être éliminés. Cette façon d'agir ne présente pas de danger imminent pour le RPC. Certaines provinces résisteront, mais c'est une façon d'agir qui exige un solide leadership politique favorable au RPC.

En plus des importantes lacunes que je viens de décrire, d'autres aspects du projet de loi C-2 doivent être modifiés. Certains ne nécessitent pas l'approbation des provinces parce qu'ils n'entraînent pas de changement aux prestations ou aux cotisations du RPC. Ces changements devraient être apportés si l'on donne suite au projet de loi, et l'on devrait également en tenir compte si un nouveau projet de loi est déposé. Ces changements sont décrits plus en détail dans notre mémoire.

Voici quelques-uns de ces changements.

Le mandat et les pouvoirs de l'Office d'investissement devraient faire explicitement référence à la promotion de la croissance du revenu et de l'emploi.

La composition du conseil d'administration de l'Office d'investissement devrait refléter la diversité des cotisants et des bénéficiaires.

L'accroissement des prestations ne devrait pas être intégralement provisionné, comme l'exigerait le projet de loi C-2.

La disposition du projet de loi C-2 exigeant un ratio fonds-dépenses stable devrait être éliminée car elle paraît être incompatible avec l'objectif plus important qui consiste à maintenir un taux de cotisation stable.

Pour chaque examen du taux de contribution du RPC, les gouvernements devraient être tenus de présenter une évaluation des perspectives de revenu à la retraite pour les Canadiens ainsi que de la participation du RPC à ce revenu.

En outre, ces évaluations devraient respecter l'engagement pris d'effectuer des analyses comparatives entre les sexes des grandes initiatives en matière de politique.

Tout changement proposé aux prestations du RPC devrait être accompagné d'analyses précises des effets sur les groupes touchés, et l'on devrait reconsidérer l'abolition du Conseil consultatif du RPC.

Outre les changements que nous proposons au RPC lui-même, notre mémoire contient un certain nombre de recommandations relatives au processus de traitement des examens et des changements au RPC qui n'exigent pas de mesures législatives.

La proposition la plus importante, et de loin, est la suivante: avant que tout équivalent futur du document d'information sur le RPC ne soit produit, il conviendrait de tenir des audiences publiques auxquelles les citoyens pourraient présenter leurs points de vue sur le programme fédéral-provincial qu'ils souhaiteraient voir adopter.

• 0915

Le CTC tient également compte du fait qu'il y aura d'autres examens du taux de cotisation au RPC. Dans notre mémoire, nous avons indiqué les questions à considérer lors des examens futurs.

Quoi qu'il advienne du projet de loi C-2, quelques remarques d'ordre général s'imposent au sujet des modalités du revenu de retraite au Canada afin d'établir le contexte du projet de loi C-2 et des examens futurs. Les changements au RPC prévus par le projet de loi C-2 et la prestation proposée pour les personnes âgées sont fondés sur l'hypothèse que la SV et le RPC actuels ne seront plus abordables ou durables à l'avenir. Cette hypothèse est mal étayée.

Dans le plan budgétaire déposé conjointement avec le budget de 1995, on a fait valoir que les dépenses au titre de la SV et du RPC exprimées en tant que pourcentage du revenu national augmenteraient de 5,3 p. 100 en 1992 à huit pour cent en 2030. Huit pour cent du revenu national est un pourcentage inférieur à celui de la dépense moyenne actuelle pour des programmes analogues à la SV et au RPC dans les pays industrialisés. La question se pose donc de savoir pourquoi ce niveau de dépenses ne sera pas abordable ou durable au Canada dans 33 ans, alors qu'aujourd'hui, il est en général considéré comme abordable dans d'autres pays.

Deuxièmement, il y a un certain nombre de forces en jeu qui font que les revenus futurs des personnes âgées risquent d'être plus faibles que les revenus de la société en général. À cause du vieillissement de la population, il y a un risque réel qu'une proportion toujours croissante des citoyens ait un revenu inférieur aux normes. C'est une éventualité totalement inacceptable. Cette possibilité n'a d'ailleurs jamais été évoquée au cours des débats biaisés sur la réforme des pensions au cours de ces dernières années, débats orchestrés par le gouvernement fédéral.

Enfin, une remarque s'impose au sujet du choix entre les régimes de pension publics et les prétendues pensions du lieu de travail privées et les REER comme moyens de s'assurer un revenu de retraite. Il est important de poser la question, car les propositions du gouvernement semblent suggérer implicitement que la population devrait se fier de plus en plus à des mécanismes privés.

Les caractéristiques supérieures de conception du RPC ont déjà été décrites, mais il convient également de noter que les régimes dits privés ne le sont pas vraiment. Ils sont étayés par des milliards de dollars de subventions annuelles par l'intermédiaire du régime fiscal et sont fortement réglementés dans l'intérêt public. Ce qui est encore plus important, c'est que ces prétendus régimes privés n'ont jamais été aussi largement accessibles que les régimes de pension publics.

Notre expérience indique que de se fier de plus en plus à ces régimes représente un choix délibéré de répartir moins également le revenu de retraite. Les personnes qui jouissent de meilleures conditions de vie avant la retraite vont en général avoir un avantage relatif encore plus marqué après la retraite dans le cadre de ces prétendus régimes privés. Les femmes, les personnes de couleur et les autres personnes défavorisées sur le marché du travail seront les moins bien servies par ces prétendus régimes privés.

Le mémoire du CTC traite d'une large gamme de questions, et nous serions heureux de répondre à vos questions. Je tiens également à vous signaler un article paru aujourd'hui dans le Globe and Mail. Il est consacré à une récente étude du professeur Lynn McDonald, qui a pour titre «Les veuves à la retraite sont les plus pauvres». Les femmes en général et la communauté féministe de notre pays en particulier, ont été absolument scandalisées par le fait que la situation des femmes n'a pas été discutée et les femmes sont guettées par la pauvreté lorsqu'elles vieillissent.

Je suis allée à Beijing avec la délégation du gouvernement, à titre d'observatrice. Je me suis répandue dans la communauté internationale pour vanter les vertus de notre pays et pour répéter notre message à Beijing. Eh bien, il est clair qu'aucune analyse comparative entre les sexes n'était prévue.

J'essaie de comprendre où le gouvernement veut en venir lorsqu'il déclare qu'il y a maintenant plus de femmes dans la population active et qu'elles contribueront donc à peu près à égalité avec les hommes. Ou bien le gouvernement et les bureaucrates qui sont probablement aux commandes ici n'ont pas fait leurs recherches, ou bien ces arguments montrent clairement que le gouvernement a acquis une attitude incroyablement sexiste et se désintéresse du sort des femmes. Je crains, malheureusement, que la seconde explication ne soit la bonne.

Le président: Merci, madame Riche. Je vous signale à titre d'information que l'analyse comparative entre les sexes a en fait été déposée au comité.

Mme Nancy Riche: Quand?

• 0920

Le président: C'était...

Mme Nancy Riche: Il y a une semaine.

Le président: Oui, c'est exact.

Mme Nancy Riche: Je parie qu'elle confirme le document d'information, exactement comme celui qui portait sur l'assurance-chômage...

Le président: D'accord.

Mme Nancy Riche: J'aimerais beaucoup le voir. J'aimerais en avoir une copie.

Le président: Nous ferons le nécessaire.

Mme Nancy Riche: Mais voyez-vous...

Le président: Nous allons maintenant passer à la séance de questions et réponses.

Mme Nancy Riche: Faire une analyse comparative de ce genre, alors que tout le monde en réclame une à cor et à cri après que les décisions aient déjà été prises... Je vais l'examiner.

Le président: Bien. Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.

Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie d'être venue. Je sais que vous représentez un grand nombre de Canadiens qui sont touchés par ces changements et que vous parlez en leur nom. Nous allons donc vous écouter très attentivement.

J'ai été particulièrement intéressée par le sommaire de votre analyse du projet de loi, en particulier en ce qui concerne les problèmes de contenu notés par vous. Vous avez évoqué les risques que présente la révision des arrangements financiers, vous avez aussi parlé de l'Office d'investissement qui vous inspire bien des réserves, ainsi que de la question de la responsabilisation. Tout cela est fort important. Je souhaiterais que vous nous en parliez plus en détail.

M. Bob Baldwin (directeur national, Département des politiques sociale et économique, Congrès du Travail du Canada): À notre avis, la création de l'Office d'investissement soulève deux problèmes essentiels. Le premier a trait à l'augmentation du volume du fonds. Nous craignons que cela ne crée de graves malentendus au sujet de ce qui constitue l'assise financière du Régime de pensions du Canada.

Plus exactement, le projet de loi nous rapproche, si peu que ce soit, d'un système de provisionnement intégral. La viabilité du régime continuera à dépendre surtout de la croissance du revenu et de celle de l'emploi. Cependant, en ce qui concerne le mandat de l'office, le seul qui soit mentionné de manière précise a trait à l'optimisation du rendement des placements. Dans notre mémoire, nous avons proposé une méthode de redéfinition du mandat de l'office de manière à ce qu'il soit clairement indiqué qu'une situation dynamique sur le plan de l'emploi et de la croissance du revenu est indispensable à la stabilité financière du Régime de pensions du Canada.

Notre autre crainte est également aussi inspirée, je crois, par le malentendu qui règne au sujet du monde dans lequel nous nous trouvons maintenant. Si vous examinez les dispositions du projet de loi C-2 relatives à la composition du conseil d'administration, vous constaterez qu'elles précisent clairement qu'il est souhaitable d'inclure des personnes qui sont... Je ne me souviens pas des termes exacts, mais je crois que l'on parle de personnes ayant une compétence financière ou de personnes compétentes dans le domaine des placements.

En réalité, les cotisants au RPC et ses bénéficiaires s'intéressent à bien d'autres choses qu'à l'optimisation du rendement des placements financiers. Ce qui les intéresse notamment, c'est d'avoir un emploi pendant toute la période qui précède leur départ à la retraite. Pourtant, le seul genre de personnes que l'on semble rechercher pour en faire des membres du conseil d'administration sont des professionnels du placement. À notre avis, c'est une erreur. Nous estimons que dans les références au conseil d'administration, on devrait bien préciser que les administrateurs devraient être représentatifs de la diversité du groupe des cotisants et des bénéficiaires.

Ce sont donc là les points principaux...

Mme Diane Ablonczy: Pourriez-vous préciser? Ces administrateurs devraient-ils être choisis dans différents secteurs de la société?

M. Bob Baldwin: À mon avis, oui. Le texte actuel qui décrit la composition du Comité consultatif du régime de pensions du Canada précise, par exemple, que les administrateurs devraient représenter les employeurs, les employés, et les travailleurs indépendants.

Je crois qu'à notre époque, il serait probablement bon de mentionner d'autres aspects de la diversité dont il faudrait également tenir compte, notamment l'équilibre des sexes et la composition raciale et ethnique de la population. Le projet de loi devrait clairement montrer que nous ne recherchons pas uniquement des experts financiers mais que nous voulons un conseil d'administration représentatif de la diversité du peuple canadien.

Mme Diane Ablonczy: Comment pourrait-on structurer la question de la responsabilisation de manière plus satisfaisante?

M. Bob Baldwin: Là aussi, je dirais en toute franchise, que ces examens sont quelque chose de nouveau. Il y a des années que nous les recommandons et nous découvrons des choses inattendues. Par exemple, nous avons proposé que chaque examen quinquennal ou triennal du RPC, si c'est la formule retenue, soit accompagné d'une évaluation des perspectives de revenu de retraite pour les Canadiens, et comprenne obligatoirement un examen de l'équilibre entre les sexes, car cela nous paraît une étape importante de la promotion d'un mécanisme de responsabilisation. Au Canada, les dépenses au titre du RPC ont été discutées pendant trois ans, mais on n'a pas dit un seul mot du revenu de retraite des Canadiens âgés, alors que cela constitue certainement l'autre moitié de l'équation.

• 0925

Nous avons également recommandé que tout changement proposé au Régime de pensions du Canada soit non seulement accompagné des rapports actuariels actuellement fournis par le RPC, mais aussi d'analyses des impacts sur les groupes qui seraient touchés par la modification du régime.

Ce sont là des conditions importantes d'une plus grande transparence du processus et d'une plus grande responsabilisation de l'organisme. D'autre part, comme nous l'écrivons dans notre mémoire et comme Nancy l'a dit dans ses remarques préliminaires, il est très important d'avoir un processus d'audiences publiques avant le début des discussions fédérales-provinciales. Il faut que les membres de la population puissent dire ce qui devrait être inscrit à l'ordre du jour. En ce moment, ils n'en ont pas la possibilité.

Voilà quelques-unes des questions qui nous préoccupent. Dans notre mémoire, vous constaterez qu'une section est consacrée à la gestion et à la responsabilisation qui évoque ces problèmes, entre autres.

Mme Diane Ablonczy: Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Ablonczy.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue au comité à Nancy Riche et à Bob Baldwin.

Ce que vous nous dites ce matin est rafraîchissant. Nous avons accueilli les représentants de l'Institut Fraser hier soir, et j'apprécie beaucoup le contraste entre votre exposé et le leur.

Je voudrais d'abord vous poser une question au sujet du fonds de placement et savoir ce que vous pensez d'un régime provisionné à hauteur de cinq ou six années de cotisations. Peut-être M. Baldwin pourra-t-il répondre à cette question.

Ma deuxième question s'adresse à Nancy Riche. Nous avons reçu la semaine dernière ce qu'on appelle apparemment une analyse comparative entre les sexes. Ce qui est frustrant, c'est que cette étude du gouvernement date de février 1997 et que celui-ci ne l'a communiquée à notre comité que la semaine dernière. Cela représente un retard considérable.

Mme Nancy Riche: C'est probablement fort gênant.

M. Lorne Nystrom: Oui. Mais même dans cette analyse, nous voyons à la page 5, par exemple, que selon les projections, les contributions au RPC en l'an 2030 diminueront de 20,2 p. 100 pour les femmes, et de 21,9 p. 100 pour les hommes. L'écart va donc se creuser encore un peu plus en ce qui concerne les contributions et les hommes seront favorisés par rapport aux femmes.

Lorsque vous abordez la question des prestations et que vous projetez les dépenses qui seront effectuées à ce titre en l'an 2030, vous constatez encore une fois que les prestations diminueront de 8,9 p. 100 pour les hommes et de 9.7 p. 100 pour les femmes. Donc, si le RPC, sous sa forme actuelle, est moins généreux à l'égard des femmes que des hommes, l'écart s'accusera encore au cours des 30 à 35 prochaines années.

Voilà mes deux questions. Voudriez-vous nous parler du fonds de placement ou de la discrimination croissante à l'égard des femmes qu'entraîneront les amendements tels qu'ils sont conçus, sans même tenir compte de leurs effets sur les personnes à faible revenu en général?

Mme Nancy Riche: Je commencerai et Bob pourra prendre la relève, s'il le veut.

Commençons par le fonds de placement. La réaction du ministre Martin à l'exposé de Ernst & Young, ou en tout cas du témoin qui nous a précédés, a été intéressante. Une de nos craintes—nous en faisons état dans notre mémoire—est que si nous en arrivons à cette situation, nous serons loin de préserver le RPC pour les générations futures, comme le dit le ministre Martin. Nous allons en quelque sorte nous retrouver exposés aux aléas du marché.

Si nous suivons la voie recommandée par Ernst & Young et les groupes de réflexion de droite, en investissant totalement ou en tout cas, beaucoup plus, dans les valeurs étrangères, nous pénalisons notre pays. Comme nous l'avons dit, nous ne tenons pas à ce que le fonds soit intégralement provisionné—il y aura une certaine combinaison—mais le RPC, qui est notre programme d'assurance sociale, repose essentiellement sur les cotisations de ceux qui récupéreront cet argent plus tard, comme c'est le cas pour l'assurance-chômage. Nous tenons à ce que cela ait priorité sur les placements. Bob voudra peut-être en reparler tout à l'heure.

Quant à l'analyse comparative des sexes, je suis certaine qu'une des raisons tient au fait que les femmes vivent plus longtemps. Je trouve toujours cet argument fascinant: si vous vivez plus longtemps, vous êtes capables de vivre avec moins. De tout temps, c'est ce que les actuaires ont dit des femmes et des pensions. Comme les hommes meurent plus tôt, il faut leur donner beaucoup plus d'argent pour leur permettre de bien vivre et de mourir jeune. Mais puisque les femmes vivent plus longtemps, nous leur donnerons moins d'argent.

• 0930

C'est une partie du problème, mais il faut aussi tenir compte de la situation actuelle des femmes. Premièrement, nous n'avons guère amélioré leur situation financière. Deuxièmement, la situation de 80 000 femmes serait bien meilleure si le gouvernement observait la parité salariale à leur égard. En fin de compte, elles s'en sortiraient beaucoup mieux, si elles se contentaient d'aller courir les magasins. Mais la troisième raison pour laquelle les femmes sont défavorisées c'est qu'elles sont obligées de cesser de travailler pour s'occuper de leurs enfants et, de plus en plus, des personnes âgées à leur charge.

On nous a appelés la génération sandwich. Le fait que, de plus en plus, les femmes sont contraintes de rester à domicile pour s'occuper des personnes âgées est en partie dû aux coupures des programmes sociaux entraînées par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. À cause d'une décision politique, nous nous retrouvons donc dans la situation bizarre suivante: nous retirons les femmes de la population active, ou plutôt, nous les obligeons à en sortir, ce qui les empêche de cotiser et, à cause d'une autre initiative politique, nous n'allons rien changer à la situation. Toutes ces décisions font que les femmes se retrouvent placées dans une situation incroyable.

Aux premières discussions sur les pensions et le RPC, si je comprends bien—je suis loin d'être une spécialiste—le problème des femmes âgées seules dans notre pays était une des grandes priorités. Pour une raison quelconque, on n'en a plus parlé.

J'ai ma propre théorie politique à ce sujet. Il n'y a plus de place pour les femmes dans le programme de ce gouvernement, et franchement, je crois que la raison est que les sondages montrent que leur situation n'est pas une priorité. L'analyse comparative entre les sexes est donc probablement juste, mais il faudrait que je la lise.

Ce à quoi je suis opposée, c'est que les mesures politiques ne soient prises avant que l'analyse comparative entre les sexes ne soit terminée. Cette analyse ne se justifie que si l'on en fait un élément du train de mesures final, ce qui permet de modifier les mesures envisagées s'il apparaît qu'elles auront un effet disproportionné sur les femmes. Ce n'est cependant pas suffisant. Vous ne serez peut-être pas d'accord.

J'ai compris le raisonnement des gens à Beijing. J'ai compris pourquoi tous ces gens parlaient haut. J'ai aussi compris qu'il n'est pas obligatoire pour le gouvernement de se conformer aux recommandations faites là-bas.

Voudriez-vous qu'on parle un peu plus des placements?

M. Bob Baldwin: Si vous le permettez, je voudrais simplement ajouter deux remarques au sujet de la question des sexes.

M. Nancy Riche: Certainement

M. Bob Baldwin: À propos de l'article qui a paru dans le Globe and Mail de ce matin, il y a une question qui devrait figurer à l'ordre du jour des prochaines discussions qui vont être tenues au sujet du RPC. C'est la question de savoir s'il est souhaitable d'étendre les exemptions pour charge d'enfants à d'autres situations qui touchent particulièrement les femmes qui cotisent au RPC; cela concerne directement la question soulevée dans l'étude de Lynn McDonald.

L'analyse de l'effet comparé entre les deux sexes m'intéresse vivement. Je crois que si cette analyse démontre que les hommes vont subir une réduction importante de leurs prestations, cette réduction ne va pas être répartie au hasard; ce sont les hommes atteints d'invalidité qui vont en ressentir davantage les effets, compte tenu de la nature des changements apportés aux programmes. C'est peut-être un aspect qu'il faudra examiner.

Du côté de l'investissement, dès que le Congrès du Travail du Canada a senti la direction dans laquelle le gouvernement entendait s'engager pour ce qui est de la capitalisation du RPC, il a manifesté certaines réserves, réserves que l'on retrouve encore dans notre mémoire. Il est important que les gens sachent que la situation n'est pas claire.

Il y a de l'espoir mais il n'est pas vrai qu'un régime mieux capitalisé va permettre de réduire à long terme le montant des cotisations au RPC. Je reconnais également que la plupart des Canadiens estiment qu'un régime mieux capitalisé va pouvoir durer davantage et les sentiments qu'éprouve la population à l'endroit de l'avenir du régime sont importants. Par contre, les mesures prises comportent des aspects négatifs qui n'ont pas été suffisamment signalés.

J'ai mentionné un de ces aspects tout à l'heure, à savoir l'existence d'un malentendu sur les facteurs qui vont assurer l'autonomie financière du RPC. C'est un malentendu que l'on retrouve en fait dans le projet de loi C-2, qui accorde une importance prépondérante au rendement des investissements alors qu'en fait la viabilité de ce régime dépendra toujours de la croissance de l'emploi et d'une augmentation des revenus.

Nous savons également, d'une façon quelque peu plus concrète, que la recapitalisation de ce régime va avoir pour effet à court terme de réduire les revenus et la croissance de l'emploi. C'est ce que reconnaît d'ailleurs le document d'information. Ce document mentionne en fait que nous allons peut-être devoir réduire les taux d'intérêt pour compenser l'effet négatif causé par la recapitalisation du fonds. Les membres du comité souhaiteront peut-être demander au gouvernement comment il entend compenser les effets négatifs de la recapitalisation de ce fonds.

La création de ce fonds va également probablement exercer des pressions très fortes pour que l'on augmente le pourcentage de propriété étrangère autorisé pour les placements des caisses de retraite. Je suis très heureux d'entendre le ministre des Finances dire ce qu'il dit aujourd'hui mais les pressions qui vont s'exercer dans ce domaine vont être considérables.

• 0935

Je crois que c'est une illusion de penser qu'à long terme le fonds d'investissement va contribuer à augmenter l'épargne et à favoriser la croissance économique. Ce n'est pas ce qui va se produire, du moins si l'on se fie aux données empiriques actuelles.

Il y a un aspect de ces mesures qui n'a pas suscité d'attention jusqu'ici, c'est le fait qu'en réalité, il y aura des périodes où le fonds d'investissement va être une source d'épargne négative dans notre société, parce que le rendement sur les investissements va nécessairement varier de façon importante.

C'est un aspect qui n'est aucunement abordé dans cette discussion. Enfin, je répéterai qu'on a jusqu'ici beaucoup trop grossi les avantages nets qui vont découler de la capitalisation du régime et permettre de réduire les cotisations.

Comme je l'ai mentionné, ce projet comporte autant de points positifs que négatifs. Il ne comporte pas que des avantages.

[Français]

Le président: Monsieur Dumas, avez-vous une question?

M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau, BQ): Oui. D'abord, monsieur le président, je souhaite la bienvenue à Mme Riche et à M. Baldwin.

Dans les dernières phrases de votre intervention, en faisant allusion à Beijing, vous avez parlé d'un gouvernement sexiste. Même si ma question aurait peut-être davantage sa place dans un comité de la condition féminine, pourriez-vous préciser votre pensée au sujet du présent gouvernement, que vous qualifiez de sexiste?

[Traduction]

Mme Nancy Riche: Je pourrais vous en fournir une longue liste.

Tout d'abord, revenons à Beijing, où se tenait la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et, comme je l'ai dit, ces ententes qui ne lient personne. Cela représente toutefois pour le gouvernement l'occasion de prendre position sur les grandes questions de l'heure: le Sommet mondial pour le développement social, Rio, qui est un peu oublié; les droits de la personne et maintenant, la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing.

En fait, le Canada a joué un rôle de leader à Beijing. Il a d'abord demandé des sanctions contre les auteurs de crimes de guerre commis contre les femmes. Notre gouvernement a également adopté une position d'avant-garde sur les droits des travailleuses au cours des discussions de Beijing, ce dont, je l'ai déjà dit, je me vantais dans les couloirs. J'ai été très heureuse de voir notre gouvernement adopter cette position.

Une des idées qui a été lancée était celle d'effectuer une analyse des effets comparés sur les deux sexes de toute politique ou projet de loi envisagé par le gouvernement. Concrètement, il s'agit de déterminer si la politique ou l'initiative législative projetée risque d'avoir un effet disproportionné sur les femmes. Le seul autre domaine où cela a été fait—et il est possible que je me trompe, comme je me suis déjà trompée ici, parce qu'ils l'ont peut-être fait pour toutes sortes de choses—est celui de l'assurance-chômage. J'ai été terriblement déçue parce que j'en ai retenu qu'ils ont dit que toutes ces coupures effectuées dans l'assurance-chômage, en particulier pour les travailleurs saisonniers qui sont de façon disproportionnée des femmes dans la région de l'Atlantique, avaient le même effet sur les hommes et sur les femmes. Je crois qu'ils se sont trompés et il semble que le gouvernement ait effectué une analyse des effets comparés sur les deux sexes qui justifiait cette affirmation. C'est tout. C'était simplement une position partisane et j'ai trouvé cela très décourageant et très démoralisant.

Nous avons vu le combat qu'ont dû livrer les employées du gouvernement pour obtenir la parité salariale. La semaine dernière encore, le comité permanent sur les questions relatives aux femmes du Congrès du Travail du Canada s'est efforcé, comme il le fait depuis des semaines déjà, de rencontrer les ministres chargés de la condition féminine—les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux.

Il y a un an, le Comité canadien d'action sur le statut de la femme et le Congrès du Travail du Canada ont organisé une marche des femmes contre la pauvreté de cinq semaines. Nous présentions 15 demandes. Nous avons rencontré le secrétaire d'État chargé du Statut de la femme et le ministre des Finances. Deux ans plus tard, nous n'avons toujours pas reçu de lettre concernant cette réunion, encore moins de réponse à notre demande de fonds pour lutter contre la violence faite aux femmes.

Maintenant, il y a la question des pensions. Dès que ce document d'information est sorti, tous les spécialistes des pensions ont déclaré que ce projet allait toucher de façon disproportionnée les femmes; vous avez élaboré ce projet sans tenir compte des préoccupations des femmes. Où est l'analyse des effets comparés sur les sexes? Nous apprenons aujourd'hui que cette analyse a été effectuée au mois de février. La seule conclusion que l'on peut tirer de tout cela est que ce gouvernement est sexiste, c'est-à-dire, antifemmes. J'utilise ces mots dans toute leur force parce que ce gouvernement a apparemment décidé que les femmes ne comptaient pas, qu'elles ne valaient pas autant que les hommes; il affirme que ses politiques n'ont jamais d'effets disproportionnés et qu'il n'est donc pas nécessaire de les examiner sous cet angle.

• 0940

Comme je l'ai dit tout à l'heure, affirmer que les effets des modifications apportées au RPC seront les mêmes pour les hommes et pour les femmes revient à affirmer que le nombre des femmes qui entrent sur le marché du travail est en augmentation—alors qu'en fait ce nombre diminue. Cela revient également à affirmer que les femmes reçoivent un salaire égal lorsqu'elles exécutent un travail de valeur égale. Cela revient à affirmer que les femmes dont nous venons de parler—celles qui s'occupent d'aînés à charge et celles qui s'occupent d'enfants parce qu'il n'y a pas suffisamment de places de garderie, n'existent pas. Et pourtant, ces femmes doivent quitter le marché du travail pour le faire. C'est la conclusion qui s'impose d'après moi.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président.

Pourquoi pensez-vous qu'il n'est pas nécessaire que les prestations futures soient capitalisées? Vous avez affirmé qu'il n'était pas nécessaire que les prestations futures soient capitalisées, et que c'était un des principes. Pourquoi affirmez-vous cela?

Mme Nancy Riche: Nous n'avons pas dit que cela était complètement inutile; nous avons dit que l'on pourrait prévoir les deux. Bob peut intervenir ici mais le principe du programme d'assurance sociale est que ceux qui veulent recevoir des prestations doivent cotiser. C'est donc un régime par répartition—est-ce bien cela?—et non un régime capitalisé.

L'autre aspect de cette question est que si l'on augmente la capitalisation et que l'on s'en remet totalement aux investissements, aux marchés, il y aura des fluctuations. Je sais qu'il y a des gens qui leur font régulièrement la révérence mais il y a des fluctuations. Nous allons prendre des risques. Ce risque me paraît trop grand lorsque le gouvernement affirme que la principale raison pour laquelle il modifie le RPC est de s'assurer que les générations futures recevront des prestations. Si c'est bien le cas, nous estimons que c'est courir un bien plus grand risque de dépendre totalement d'un régime intégralement capitalisé que d'adopter un régime s'appuyant à la fois sur la répartition et sur la capitalisation.

Bob souhaite peut-être compléter ce commentaire.

M. Bob Baldwin: Le projet de loi contient une disposition qui énonce que l'augmentation des prestations doit être entièrement capitalisée. Tout d'abord, il est important de savoir que le programme actuel de prestations et les ententes de financement prévus par le projet de loi C-2 sont capitalisés à environ six pour cent, d'après le seizième rapport actuariel. D'un côté, il y a le programme de financement qui représente un tout petit pas dans la direction d'une capitalisation intégrale et de l'autre, le projet de loi exige que toute nouvelle augmentation du régime soit intégralement capitalisée et non pas capitalisée à six pour cent comme le reste. Avec le temps, cette disposition va constituer un grave obstacle à l'amélioration du Régime de pensions du Canada.

Supposons, par exemple, que l'on décide de faire passer les prestations de 25 à 30 ou 35 p. 100. À cause de cette disposition, on serait obligé de choisir entre deux solutions dont aucune n'est souhaitable. La première consisterait à mettre en place cette nouvelle prestation progressivement sur une très longue période—40 ans à peu près—pour éviter d'augmenter trop brusquement les cotisations. On pourrait aussi introduire cette nouvelle prestation plus rapidement mais il faudrait alors augmenter considérablement les cotisations à court terme pour amortir les obligations non capitalisées, pour ensuite réduire ces cotisations après quelques années.

Nous affirmons, premièrement, que cela n'est pas compatible avec les dispositions générales en matière de financement du RPC que contient le projet de loi C-2, et deuxièmement, que cela constitue un obstacle important à l'amélioration du régime.

Le président: Merci, monsieur Jones.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Le temps passe rapidement et je vous demanderais, si vous le voulez bien, de me fournir des réponses brèves. J'ai cinq questions à vous poser.

Tout d'abord, êtes-vous d'accord avec l'idée que les bénéficiaires actuels du RPC ne devraient pas être touchés par les changements proposés, quels qu'ils soient?

Mme Nancy Riche: Nous pensons que les bénéficiaires, qu'ils soient actuels ou futurs, ne devraient pas subir les effets négatifs de ces changements.

M. Paul Szabo: Pensez-vous qu'il est préférable d'effectuer des investissements sur un marché élargi, par l'intermédiaire d'un office de l'investissement ou d'un autre mécanisme, plutôt que de préserver la situation actuelle où ce sont les provinces qui effectuent les placements?

Mme Nancy Riche: Je préfère la dernière solution mais je crois qu'il est possible de s'entendre sur un mélange des deux.

M. Paul Szabo: Est-il possible de faire mieux que nous faisons à l'heure actuelle?

Mme Nancy Riche: Eh bien, la situation n'est pas aussi mauvaise que certains le disent.

• 0945

M. Paul Szabo: Pour ce qui est de l'équité entre les générations, pensez-vous qu'il soit approprié de renoncer aux augmentations des cotisations proposées qui devaient s'établir, je crois, à 10,2 p. 100 en 2015 pour encore augmenter par la suite et d'atténuer cette augmentation de façon à ce que les travailleurs paient aujourd'hui des cotisations plus élevées qu'ils ne paieraient autrement? En d'autres termes, pensez-vous que nous devrions absorber au départ une plus grande partie de ces coûts? Êtes-vous favorable à cela?

M. Bob Baldwin: Tout d'abord, nous avons effectué une longue étude des effets du RPC sur les différentes générations et que j'aimerais vous remettre.

M. Paul Szabo: Très bien. Je vais la lire.

M. Bob Baldwin: Mais pour résumer, cela n'a pratiquement aucun effet, dans un sens, ni dans l'autre.

M. Paul Szabo: Très bien.

M. Bob Baldwin: J'aimerais beaucoup exposer tout cela en détail un jour.

M. Paul Szabo: Le document de consultation a été publié et les intéressés ont été consultés dans l'ensemble du Canada. David Walker, député fédéral, a chapeauté ces consultations. Je crois que vous avez participé à ce processus. Je me demande si vous avez demandé à l'époque où en était l'analyse des effets comparés sur les deux sexes.

Mme Nancy Riche: Je n'y ai pas participé mais le CTC y a participé.

Est-ce vrai?

M. Bob Baldwin: La réponse est oui.

M. Paul Szabo: Vous ont-ils affirmé que cela serait fait?

M. Bob Baldwin: Je ne me souviens pas avoir obtenu des assurances précises à ce sujet.

M. Paul Szabo: Très bien. L'avant-dernière question est la suivante: est-il préférable de renforcer la capitalisation du RPC en augmentant les cotisations sur les gains ouvrant droit à pension plutôt que de puiser dans les recettes fiscales générales? Quelle approche préférez-vous?

Mme Nancy Riche: La première.

M. Bob Baldwin: La première, oui.

M. Paul Szabo: Les cotisations?

Mme Nancy Riche: Oui.

M. Paul Szabo: Très bien. Voilà ma dernière question, monsieur le président.

M. Nystrom a soulevé la question de l'analyse des effets comparés sur les sexes et de l'égalité des sexes. J'aimerais savoir si vous saviez qu'avec le RPC actuel, les femmes recevaient 2,62 $ pour chaque dollar investi alors que les hommes en recevaient 1,34 $. Autrement dit, les femmes reçoivent aujourd'hui deux fois plus que les hommes.

Saviez-vous également qu'avec le régime proposé, les femmes ne recevront plus que 2,56 $ au lieu de 2,62 $, soit une réduction de 6c. Les hommes recevront eux davantage, 1,36 $ au lieu de 1,34 $. Autrement dit, les changements proposés n'auront qu'un effet minime sur l'écart qui existe entre ces chiffres. Ces mesures n'auront pas pour effet, comme l'affirme M. Nystrom, d'aggraver l'écart mais bien de le réduire. Vous êtes partis, je crois, de l'hypothèse selon laquelle les femmes gagnent moins que les hommes et sont donc désavantagées. En fait, avec le RPC actuel, elles reçoivent deux fois plus que les hommes.

Mme Nancy Riche: Je vais laisser Bob répondre mais cela ne me paraît pas décrire la situation actuelle et je suis sûre que vous allez entendre d'autres avis sur cette question.

M. Bob Baldwin: Je tiens pour acquis que les chiffres que vous citez viennent directement de...

M. Paul Szabo: L'analyse des effets comparés sur les deux sexes.

M. Bob Baldwin: ... l'analyse que nous aimerions beaucoup nous procurer pour pouvoir l'examiner en détail. Je ne peux garantir l'exactitude des chiffres que vous citez et qui proviennent de cette analyse. Je dirais tout d'abord que je ne suis guère surpris puisque si l'on compare les prestations reçues au montant des cotisations versées, il existe toute une série de raisons qui viennent à l'esprit pour expliquer que les femmes reçoivent plus que les hommes par rapport aux cotisations qu'elles ont versées.

Mme Nancy Riche: Leurs salaires sont si faibles.

M. Bob Baldwin: Eh bien, c'est parce qu'elles vivent plus longtemps et à cause des exemptions pour enfant à charge—il y a un certain nombre de facteurs qui jouent.

La conclusion générale ne me surprend donc pas, mais je ne peux rien dire sur les chiffres. Dès que nous aurons cette analyse, nous nous ferons un plaisir de vous la commenter.

Le président: Monsieur Valeri, avez-vous une dernière question?

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Quelques commentaires seulement, monsieur le président.

Pour ce qui est de l'Office d'investissement, l'idée de lui fixer des objectifs régionaux ou économiques a été rejetée au cours des consultations et était, de toute façon, incompatible avec la défense des intérêts des participants au régime. Je suis surpris qu'ayant participé à cette consultation publique, vous n'ayez pas noté cela mais c'est pour l'essentiel la position qui a été adoptée.

Je vais faire quelques commentaires après quoi je vous inviterai à y réagir.

Pour ce qui est d'exiger de l'office qu'il soit représentatif de la population—je répondrais que, dans ce projet de loi, rien n'empêche qu'il le soit. Le projet de loi n'exige pas que les membres de l'office soient des professionnels ou des spécialistes des pensions. Je crois donc qu'en fait le projet de loi répond à votre objection.

• 0950

Troisièmement, là encore, il n'y a rien dans le projet de loi qui empêche les représentants syndicaux d'être nommés à l'office du RPC. La principale qualité recherchée pour les candidats à ce poste est d'avoir la meilleure préparation possible et d'être prêt à défendre d'abord et avant tout les intérêts des participants au régime.

Enfin, pour ce qui est du commentaire que vous faites dans votre mémoire lorsque vous dites que les augmentations des prestations ne devraient pas être intégralement capitalisées et qu'il ne serait pas obligatoire que les provinces les approuvent, cela fait partie de l'entente fédérale-provinciale. Les provinces ont déployé beaucoup d'efforts pour que ces clauses soient insérées dans l'entente parce qu'elles ne voulaient pas que le passif non capitalisé augmente en cas de modification des prestations. Votre mémoire contient donc une erreur.

Enfin, pour ce qui est de l'analyse comparative des deux sexes, elle a été effectuée pendant qu'on procédait aux consultations publiques et je peux vous dire qu'il a été tenu compte de cette analyse à l'étape de l'élaboration des politiques; je ne suis donc pas d'accord avec vous sur ce point. Nous allons vous communiquer ce document, soyez-en sûr.

Nous serons bien sûr très heureux d'obtenir vos commentaires dès que vous aurez eu l'occasion d'examiner ce document.

Mme Nancy Riche: Bob a participé aux consultations et je vais donc lui demander de répondre. Je tiens toutefois à dire que pour ce qui est de l'analyse comparative entre les sexes et des éléments que vous ajoutez aujourd'hui, cette étude a provoqué une très vive réaction, lorsqu'elle a été publiée initialement. Je considère que je suis très bien renseignée sur cette question. Les pensions ne font peut-être pas partie de mon domaine, comme vous vous en êtes probablement rendu compte—je remplace quelqu'un ce matin—mais je n'aurais certainement pas manqué de remarquer la publication d'une analyse comparative entre les sexes.

M. Bob Baldwin: Au sujet de l'analyse, je doute fort qu'elle ait été effectuée il y a quelques mois. Je trouve plutôt remarquable qu'elle ait refait surface il y a quelques semaines seulement dans le contexte des audiences sur le projet de loi C-2.

Pour ce qui est des consultations qui ont été tenues sur la création d'un fonds d'investissement du RPC, on a tenu, à Toronto, une audience qui portait précisément sur ce sujet. Il y avait un représentant du milieu syndical à cette audience. Tous les participants ou presque étaient des professionnels de la finance. Comme l'a déclaré mon collègue syndicaliste qui a dû nous remplacer—nous assistions à un congrès à l'époque—c'était la seule personne dans la salle qui ne se trouvait pas en situation de conflit d'intérêts pour ce qui est de placer les fonds du RPC.

Pour ce qui est de l'intérêt des bénéficiaires, je tiens à revenir sur le fait que je crains que l'existence de ce fonds n'amène les gens à dire que la viabilité financière du Régime de pensions du Canada dépend principalement du rendement obtenu sur ses investissements financiers alors que ce n'est pas de là que provient la sécurité du régime. Il me paraît stupide de dire qu'il ne faut pas tenir compte des besoins d'investissement des régions parce que ce dont a besoin ce régime pour réussir, c'est d'un marché du travail actif et d'une augmentation des revenus.

M. Tony Valeri: L'idée qui est mise de l'avant maintenant, et qui d'ailleurs a été présentée au cours des consultations, est qu'on ne voulait pas que ce soit des questions de développement économique régionales qui dictent les choix d'investissement.

M. Bob Baldwin: Très bien.

M. Tony Valeri: Cela aurait pu aller contre l'intérêt des participants au régime, si l'on se basait uniquement sur des questions de développement économique. Je crois que c'était l'argument avancé.

M. Bob Baldwin: Mais si vous comprenez les intérêts des participants au régime de façon si étroite que cela ne tient pas compte du fait qu'ils doivent avoir de bons antécédents professionnels pour avoir droit à des prestations décentes du Régime de pensions du Canada, cela soulève également un problème.

Nous avons proposé des dispositions qui tiennent compte de la nécessité d'obtenir des rendements comparables à ce que l'on peut s'attendre pour un fonds de retraite d'entreprise. J'estime toutefois qu'il faut compléter cette idée en indiquant clairement que l'objectif principal est de promouvoir l'emploi et les revenus parce que c'est de là que doit venir la viabilité financière du régime. Comme je l'ai mentionné, nous proposons dans notre mémoire certaines dispositions qui pourraient vous intéresser.

Je suis d'accord avec vous également lorsque vous affirmez—et là encore, nous le reconnaissons dans le mémoire—que le projet n'empêche d'aucune façon que le conseil d'administration du régime reflète la diversité de la population canadienne. Il demeure toutefois que le projet ne mentionne que deux critères au sujet des candidats qui souhaitent être membres de l'office. Le premier parle de l'équilibre entre les régions que doit respecter le conseil d'administration et l'autre fait référence à la compétence. Je dis simplement que nous aurions pu ajouter à ces idées celle de représenter la diversité des cotisants et des bénéficiaires pour ainsi indiquer l'objectif recherché.

M. Tony Valeri: D'accord.

Le président: Merci, monsieur Valeri.

• 0955

Merci à M. Baldwin et à madame Riche. J'aimerais, au nom du comité, vous exprimer toute notre reconnaissance.

Mme Nancy Riche: Comment allons-nous obtenir l'analyse comparative entre les deux sexes?

Le président: Nous allons vous la remettre. La greffière va s'en charger.

Mme Nancy Riche: Merci.

Le président: Je vais maintenant suspendre la séance pour deux minutes et nous allons entendre au retour la représentante du Centre canadien de politiques alternatives, Mme Monica Townson.

• 0955




• 0959

Le président: Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à Mme Monica Townson qui représente le Centre canadien de politiques alternatives. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires sur le projet de loi C-2. Vous pouvez prendre de 10 à 15 minutes pour faire votre exposé et nous passerons ensuite à une série de questions.

Mme Monica Townson (économiste spécialisée dans les pensions, Centre canadien de politiques alternatives): Merci beaucoup.

Je crois que tous les membres du comité ont reçu une copie de mon rapport intitulé «Protecting Public Pensions», que le Centre canadien des politiques alternatives vient de rendre public ce matin. Je fais référence dans mes commentaires à certaines pages du rapport. Ce n'est pas un mémoire. On m'a invitée hier après-midi à comparaître aujourd'hui, ce qui ne m'a pas donné le temps de préparer un mémoire. Il y a toutefois une partie de ce rapport qui traite du projet de loi C-2 et des changements apportés au RPC. Je vais faire référence à ce rapport au cours des commentaires que je vais vous présenter aujourd'hui.

• 1000

Les changements apportés au Régime de pensions du Canada que vous étudiez aujourd'hui ont été élaborés sans que l'on tienne compte de l'effet qu'ils vont avoir sur les revenus des personnes âgées de demain. Ils ont été élaborés sans que l'on tienne compte de la façon dont ils vont influencer d'autres composantes du système de revenu de retraite, notamment la nouvelle prestation pour personnes âgées et les mécanismes de retraite privée bénéficiant d'un allégement fiscal: les REER et les régimes de pension d'entreprise.

On opère ces changements sans avoir procédé à une véritable analyse comparative selon les deux sexes, même si le gouvernement fédéral s'est officiellement engagé à effectuer ce type d'analyse chaque fois qu'il élabore des politiques. Ces changements ne s'inscrivent pas non plus dans une stratégie globale relative aux revenus de retraite parce que cette stratégie n'existe apparemment pas.

Ces changements ont pour unique objectif de réduire les coûts du programme; ils ne tiennent pas compte des conséquences qu'ils pourraient avoir pour les futurs retraités. L'objectif global de la réforme semble être de réduire le rôle que jouent les pensions publiques dans le système canadien de revenu de retraite et le gouvernement semble estimer que les gens vont être capables de combler eux-mêmes la différence. Tous les éléments indiquent que cela ne sera pas le cas. Rares sont les Canadiens qui contribuent régulièrement à leur REER et moins de la moitié des travailleurs canadiens bénéficient d'un régime de retraite d'entreprise.

Ces changements ne tiennent pas compte non plus des tendances du marché du travail. Plus des trois quarts de tous les emplois «créés» depuis quelques temps font partie de la catégorie des emplois autonomes. De plus en plus de travailleurs occupent aujourd'hui des postes atypiques comme des postes à temps partiel, des postes contractuels, temporaires, des postes saisonniers, des postes de travailleurs indépendants ou des emplois multiples, un certain nombre de personnes étant obligées d'avoir plusieurs emplois pour survivre. Aujourd'hui 40 p. 100 des postes occupés par des femmes et 27 p. 100 de ceux qui sont occupés par des hommes sont atypiques. Ces travailleurs n'auront pas accès à un régime de pension d'entreprise parce qu'ils n'occupent pas leur poste suffisamment longtemps. Avec des postes mal rémunérés et précaires, il est pratiquement impossible pour les travailleurs de se bâtir leur propre retraite.

Quelles seront les conséquences de ces changements sur ces travailleurs? Il semble que le gouvernement n'ait même pas réfléchi à cet aspect. Le gouvernement a prétendu que le RPC était «inéquitable» et «non viable». Il n'a présenté aucun élément démontrant ces affirmations. La véritable question que posait le RPC était celle de savoir si les cotisations qui seraient versées en 2030, époque où la grosse génération d'après guerre va prendre sa retraite, auraient atteint des niveaux inacceptables.

Dans son 15e rapport actuariel, l'actuaire en chef a présenté un scénario qu'il a appelé le scénario B et qui, mentionnons-le en passant, n'a même pas été présenté au public. Ce scénario prévoyait des cotisations combinées qui auraient atteint 13,91 p. 100 des gains cotisables en 2030.

Le Conseil national du Bien-être a également demandé à l'actuaire en chef de calculer quelle serait l'évolution des cotisations si on fixait le plafond des gains cotisables à deux fois le salaire moyen. Il a constaté que cela aurait ramené, pour l'année 2030, les cotisations à un montant représentant 10,56 p. 100 des gains cotisables. Autrement dit, avec cette modification du plafond des gains cotisables, les cotisations auraient été inférieures d'environ un quart aux cotisations prévues par le système actuel. Cette option n'a pas non plus été présentée au public.

Le gouvernement a affirmé que si l'on ne faisait rien, le coût des pensions publiques versées au Canada exprimé en pourcentage du produit intérieur brut passerait à huit pour cent à l'année 2030. Il a toutefois oublié de mentionner que ce pourcentage serait tout de même inférieur à celui que les pays de l'OCDE dépensaient pour les pensions publiques en 1991, où ces sommes représentaient environ 9,2 p. 100 du PIB des pays de l'OCDE.

• 1005

Les réductions des prestations que propose le projet de loi C-2 vont toucher principalement les personnes handicapées et les femmes. Le Centre canadien de politiques alternatives ne pense pas que ces coupures soient nécessaires.

Je voudrais maintenant passer à certains changements qu'introduit le projet de loi C-2. Étant donné le temps dont je dispose, je ne pourrai pas passer en revue tous ces changements—je vais simplement en signaler un certain nombre—mais le rapport qui vous a été remis les examine de façon relativement détaillée.

Je vous citerai les pages à consulter au fur et à mesure.

Je vais d'abord parler du fonds d'investissement dont parle le rapport aux pages 37 à 41. Même le Report on Business du Globe and Mail mentionne que la création de ce fonds représente une aubaine incroyable pour Bay Street.

Cela va-t-il favoriser l'épargne? La Banque mondiale et d'autres institutions affirment qu'il n'est pas démontré que la capitalisation des pensions publiques ait cet effet. Question qui nous intéresse plus particulièrement, ce fonds va-t-il renforcer la sécurité des pensions du RPC? Cela n'est pas démontré.

Ce fonds va représenter, lorsqu'il sera pleinement constitué, environ cinq ans de prestations. Cela veut dire que la sécurité du RPC continuera à dépendre de la croissance de l'emploi et des revenus.

Comme nous le savons tous, en particulier, compte tenu de notre expérience récente, il est bien connu que les rendements des investissements sont volatiles. Si l'objectif principal consiste à maintenir le taux combiné des cotisations à 9,9 p. 100 des gains cotisables, que va-t-il se passer lorsque les rendements obtenus par le fonds d'investissement vont être plus faibles que prévu? Va-t-on alors être tenté d'augmenter encore une fois les cotisations, de réduire encore les prestations ou même de supprimer complètement le RPC?

Le projet de loi prévoit également, comme vous le savez, un examen triennal du RPC, ce qui veut dire que cette question va ressurgir régulièrement, perspective que je trouve particulièrement décourageante.

Ce fonds d'investissement soulève des questions importantes auxquelles il n'a pas encore été apporté de réponse.

Je me demande ce que le paragraphe 10(4) du projet de loi veut dire exactement lorsqu'il énonce:

    un nombre suffisant de personnes ayant une compétence financière reconnue

Le projet devrait contenir des dispositions prévoyant que les syndicats et les autres groupes de bénéficiaires doivent être représentés au sein de l'Office d'investissement comme ils le seraient au conseil d'administration d'un régime de retraite enregistré.

Qu'en est-il des aspects éthiques des décisions d'investissement? Comment les droits de vote associés aux actions détenues par le fonds vont-ils être exercés? Nous n'avons pas non plus de réponses à ces questions.

Pensez à l'augmentation des cotisations, aspect qui est examiné aux pages 41 et 42 de mon rapport. Comme nous le savons tous, les cotisations vont augmenter d'environ 73 p. 100 au cours des six prochaines années mais il semble que l'on n'ait pas tenu compte de l'effet de l'augmentation rapide des cotisations sur les revenus et les chances d'emploi à court terme pour les jeunes travailleurs, auxquels le gouvernement déclare officiellement s'intéresser.

L'augmentation rapide des cotisations va également avoir un effet négatif sur les travailleurs à faible revenu, qui sont souvent des femmes, ce qui exige, je crois, la préparation d'une analyse d'impact. Il faudrait effectuer cette analyse et trouver les moyens de tenir compte de ces préoccupations.

Il conviendrait également d'examiner la répercussion de l'augmentation des cotisations sur les travailleurs atypiques, en particulier les travailleurs indépendants et ceux qui occupent plusieurs emplois.

Le gel de l'exemption annuelle de base, que j'examine aux pages 43 et 51 de mon rapport, va avoir un effet disproportionné sur les personnes ayant les gains les plus faibles.

Le document d'information de 1996 contenait une suggestion intéressante. Il proposait d'abandonner carrément l'exemption de base et de dédommager les travailleurs à faible revenu en leur accordant un crédit d'impôt spécial. Cette solution semble avoir disparu. Elle ne figurait même pas dans le document final intitulé «Préserver le Régime de pensions du Canada». Je crois que cette idée mérite qu'on y revienne.

Une autre solution serait celle que propose le Québec qui permettrait de faire varier l'EBA en fonction du revenu pour que les personnes qui ont des gains élevés soient tenues de cotiser en fonction de l'ensemble de leurs gains, sans exemption.

La proposition du Québec qui, je crois, a déjà été mise en vigueur dans le RRQ, viendrait s'ajouter au gel. On pourrait également adopter cette proposition pour remplacer le gel, ce qui accorderait une exemption progressive permettant de protéger les travailleurs à faible revenu tout en obligeant les travailleurs ayant des gains élevés à verser des cotisations calculées sur l'ensemble de leurs gains.

• 1010

Il y a un autre aspect qui touche particulièrement les femmes, à savoir la réduction des prestations cumulées, qui est abordé dans mon rapport aux pages 44, 45 et 52. Les femmes représentent de 80 à 90 p. 100 des personnes qui touchent leur propre pension de retraite ou d'invalidité en plus d'une pension de conjoint survivant. Le cumul des prestations est déjà plafonné et le montant moyen des prestations que reçoivent les femmes à l'heure actuelle est très inférieur aux prestations maximales actuelles. La réduction supplémentaire de ces prestations va manifestement toucher directement les femmes et je ne pense pas que cela puisse se justifier.

La réduction du montant des pensions de retraite, que j'examine aux pages 45 et 46 de mon rapport, découle de la nouvelle méthode de calcul de la pension de retraite proposée dans le projet de loi qui, comme le gouvernement le reconnaît, va effectivement réduire les prestations, les pensions de retraite. Mais pour les périodes au cours desquelles les salaires vont augmenter plus rapidement, la réduction va être plus importante que ne l'indiquent les documents du gouvernement. Là encore, cette réduction touchera particulièrement les personnes pour qui le RPC constitue l'essentiel de leur revenu de retraite. Ce changement va probablement toucher de façon particulière les femmes.

Le Canada devrait adopter une approche beaucoup plus prudente à l'élaboration des politiques en matière de pension, particulièrement pour ce qui est des régimes publics. Il faut élaborer une stratégie globale et cohérente en matière de revenu de retraite. On nous avait promis à l'origine une étude sur le vieillissement de la population pour 1994. Nous ne l'avons jamais eue. Mais surtout il faut recentrer le débat sur les besoins futurs de la population canadienne vieillissante en matière de revenu de retraite et ne pas se limiter à de simples opérations de réduction des coûts.

Le président: Merci beaucoup pour ces commentaires. Nous allons maintenant passer à la période de questions.

Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président, et merci de nous avoir livré cet exposé. Je regrette que vous ayez eu si peu de temps pour le préparer mais vous avez présenté un excellent exposé, ce qui veut dire que ce délai ne nous aura pas nui, même s'il a peut-être compliqué les choses pour vous.

Le thème principal que je retiens de votre exposé est que la réforme du RPC semble plutôt viser la réduction des coûts et qu'il n'y a pas eu d'analyse coûts-bénéfices des répercussions que cette réforme aurait sur les utilisateurs. Cela reflète-t-il assez bien ce que vous avez dit?

Mme Monica Townson: Oui. Je pense qu'il est également important de souligner que ces changements sont élaborés au coup par coup. Par exemple, les coupures opérées dans le RPC ne tiennent pas compte de ce qui se passe avec les prestations pour personnes âgées. Les changements ne tiennent pas compte de la façon dont le RPC s'intègre aux régimes de retraite des entreprises. Quel sera l'impact de ces changements sur eux?

J'estime, et c'est aussi l'opinion du CCPA, que nous aurions dû aborder cette question de façon plus réfléchie, en examinant toutes les composantes du système et en se donnant comme objectif de fournir aux personnes âgées un revenu suffisant pour l'avenir, compte tenu du vieillissement de la population au lieu d'essayer de nous libérer des engagements pris à leur endroit dans le passé et d'examiner les façons de réduire le coût des divers éléments.

Mme Diane Ablonczy: Je trouve cela très intéressant, parce qu'il n'y a que quelques témoins qui ont effectivement adopté cette perspective plus large, qui est importante, j'en conviens. Vous paraissez avoir analysé ou étudié les changements que l'on souhaite apporter aux prestations pour personnes âgées et je me demande si vous pouvez me dire comment ces changements vont influencer la viabilité ou le rôle des prestations du RPC pour les personnes âgées.

Mme Monica Townson: En fait, la moitié de ce rapport traite des prestations pour personnes âgées, ce qui vous permettra de mieux connaître notre position, lorsque vous aurez le temps de le lire. Il y a, par exemple, beaucoup de gens qui pensent que les prestations pour personnes âgées constituent un moyen de lutter contre la pauvreté. Ce que les gens ignorent souvent, c'est qu'étant donné que ces prestations sont universelles, elles ont joué un rôle important de remplacement du revenu préretraite au moment de la retraite. La personne qui touche des prestations de sécurité de la vieillesse calculées en fonction d'un salaire moyen, selon le système actuel, recevrait près de 13 p. 100 des gains antérieurs à la retraite. Les planificateurs financiers disent, qu'en règle générale, qu'il faut que la pension de retraite corresponde à 70 p. 100 des revenus antérieurs, si l'on veut conserver le même niveau de vie. La personne qui peut espérer des prestations de sécurité de la vieillesse correspondant à 13 p. 100—et je parle de quelqu'un qui gagne un salaire moyen—pourrait y ajouter un autre montant équivalent à 25 p. 100 provenant du RPC. Il faudrait par contre que cette personne comble la différence grâce aux sommes qu'elle a épargnées.

• 1015

Si on réduit la sécurité de la vieillesse et si on la subordonne aux revenus, rien ne garantit que les gens vont toucher quelque chose. C'est particulièrement significatif pour les femmes parce que leurs gains sont bien plus faibles que ceux des hommes, et il en va de même pour leurs revenus à la retraite. Les prestations que toucheront les femmes dépendront entièrement du revenu de leur conjoint, et je parle évidemment des femmes mariées. La plupart des femmes sont mariées lorsqu'elles prennent leur retraite.

Le gouvernement nous dit: «Mais non, les femmes auront toujours un chèque à leur nom». La question n'est pas là. Pour savoir à quoi elles auront droit, il leur faudra tenir compte du revenu de leur conjoint.

Donc, si une femme planifie sa retraite à l'avenir, comment va-t-elle savoir quel doit être le montant de ses économies personnelles? Le RPC fait l'objet de compressions et l'on ne peut plus compter sur les prestations s'adressant aux personnes âgées pour remplacer le revenu. Il y a là un grand élément d'incertitude et il est par ailleurs plus difficile de remplacer l'effet combiné des deux grands types de pensions publiques.

Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Ablonczy.

[Français]

Monsieur Dumas, avez-vous une question?

M. Maurice Dumas: Madame, j'ai feuilleté le document que vous nous avez présenté. Certains titres de chapitres font choc. Je regrette qu'on n'en ait pas reçu une version française. Évidemment, vous avez dit au début que vous aviez été un peu pressée de produire ce document. Est-ce qu'on peut espérer que le Centre canadien de politiques alternatives nous donnera une version française? Elle pourrait être très utile à nos aînés dans la province de Québec qui ne parlent pas anglais.

[Traduction]

Mme Monica Townson: Nous avons ici notre directeur exécutif. Je ne suis pas sûre qu'il puisse le faire. Nous avons bien sûr un communiqué de presse en français, et le rapport est rendu public aujourd'hui. Si nous avons les ressources nécessaires, je suis sûre que nous pourrons le publier en français. Pour l'instant, je ne suis pas certaine que nous pourrons le faire.

[Français]

M. Maurice Dumas: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Jones, pas de questions?

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Je veux tout d'abord souhaiter ce matin la bienvenue à Monica Townson devant notre comité et je dois dire que j'ai bien aimé votre rapport. Il est très complet et très détaillé.

Le gouvernement a procédé en février 1997, il y a environ huit ou neuf mois, à ce que l'on appelle une analyse comparative entre les sexes, et ne l'a fait savoir au comité que la semaine dernière. Cette étude était restée jusque-là confidentielle.

Avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance de cette analyse? Dans l'affirmative, qu'en pensez-vous?

Mme Monica Townson: Oui, j'en ai pris connaissance. Je trouve cela bien mystérieux parce que lors de toutes les audiences qui se sont tenues, tous ceux que j'ai pu rencontrer—en premier lieu les groupes de femmes et d'autres intervenants—ont évoqué l'absence d'analyses comparatives entre les sexes. Personne ne nous a dit que cela avait été fait, finalement. D'où sort donc cette analyse, qui peut bien le savoir?

Toutefois, j'imagine bien que le gouvernement a décidé de ne pas la rendre publique parce qu'elle était tellement ridicule. Je trouve cette analyse absolument renversante.

M. Lorne Nystrom: Pouvez-vous nous expliquer pour quelle raison elle vous paraît ridicule. Pouvez-vous nous donner votre avis?

Mme Monica Townson: Dans la majeure partie du rapport on part du principe que l'on s'est précipité pour sauver le RPC, et que c'est une très bonne chose pour les femmes parce que nous savons tous que les femmes comptent sur le RPC.

Ce n'est pas ce que j'appelle une analyse comparative entre les sexes. J'ai moi-même procédé à l'époque à une analyse comparative entre les sexes à Condition féminine Canada. Cette étude n'a pas été publiée. Les femmes devaient se la procurer en passant par l'accès à l'information.

Je ne comprends donc pas ce qui se passe ici.

Cette analyse part du principe... tout d'abord, je le répète, cela s'apparente pour la majeure partie à un exercice de propagande alors que l'on nous dit que les changements apportés au RPC sont formidables et que nous avons donc conservé le régime pour le bien des femmes.

On nous dit ensuite que les femmes retirent plus d'avantages du RPC que les hommes parce qu'elles vivent plus longtemps et qu'elles vont donc toucher des prestations de survivant. À mon avis, ce n'est pas là non plus une analyse comparative entre les sexes. Nous devons considérer les femmes qui cotisent au RPC et non pas simplement celles qui survivent à leur conjoint. Nombre de celles qui vont toucher des prestations de survivant ne verseront aucune cotisation parce qu'elles resteront à plein temps au foyer.

Il y a aussi un certain nombre d'affirmations qui sont faites au début du rapport que je trouve absolument incroyables. Il y a une tentative de justification de la réduction des prestations s'adressant aux femmes, comme dans le cas des pensions combinées, par exemple. On lit des déclarations du genre: «les gains des hommes et des femmes pendant la durée de leur vie active se ressemblent de plus en plus». Les gains des femmes ne s'élèvent aujourd'hui qu'à 65 p. 100 de ceux des hommes, et il reste donc un très long chemin à faire.

On nous dit aussi que les femmes ne vont pas quitter se retirer aussi souvent du marché du travail parce qu'elles ont moins d'enfants. Les femmes quittent déjà le marché du travail pour s'occuper des personnes âgées et d'autres parents à charge en raison des compressions pratiquées par le gouvernement dans les services sociaux. C'est une tendance qui va se poursuivre. On n'en tient pas compte là non plus.

• 1020

On cite de nombreuses réformes des pensions qui ont eu lieu dans le secteur privé. On oublie de mentionner que la plupart des femmes de la population active n'ont pas de régime de pension dans leur entreprise pour les raisons que je viens d'indiquer.

On nous dit que les formes de participation des hommes au marché du travail s'apparentent de plus en plus à celles des femmes. Là non plus, ce n'est pas vrai. Si c'est ce que l'on entend par analyse comparative entre les sexes, je trouve cela bien révoltant.

Je voudrais aussi signaler qu'aux termes de l'accord de Beijing, le gouvernement fédéral s'était engagé à procéder à une analyse comparative entre les sexes de chacune de ses politiques. Ces politiques ayant été élaborées, comme c'est le cas, comment se fait-il qu'aucune analyse n'a été effectuée dans le document d'information rendu public en février 1996? Presque toutes les propositions qui figurent dans ce document auront des effets pernicieux sur les femmes.

Ainsi, on propose de limiter l'indexation des pensions de retraite du RPC. Très naïvement, on nous dit alors que les effets de cette mesure se feront particulièrement ressentir sur les personnes qui vivent le plus longtemps. On oublie simplement de nous préciser, bien entendu, que ce sont les femmes.

Il aurait fallu procéder à une analyse comparative entre les sexes dès le début, et non pas a posteriori. Cette analyse est datée de février 1997. C'est à ce moment-là que le gouvernement a annoncé ce qu'il allait faire. Il aurait fallu le faire bien avant, et d'une façon approfondie, sans recourir à ce genre de propagande.

M. Lorne Nystrom: Nous ne l'avons pas vu pendant huit mois. Nous n'en avons pris connaissance que la semaine de l'Halloween.

Mme Monica Townson: Précisément, et je ne connais pas de groupes de femmes qui l'ait vue. Pourquoi ne l'a-t-on pas rendu publique si elle existait, si elle avait été effectuée et si on la jugeait crédible?

M. Lorne Nystrom: L'un des membres du gouvernement pourrait peut-être répondre à cette question.

Le président: Vous ne posez pas une question à un membre du gouvernement, de toute évidence. Vous posez les questions aux témoins, n'est-ce pas?

M. Lorne Nystrom: C'est exact.

Le président: Très bien. Merci, monsieur Nystrom.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai une ou deux questions à poser.

Vous avez mentionné, madame Townson, l'exemption de base de l'année au Québec. C'est la même que celle qui est proposée dans cette révision du RPC. On envisage par ailleurs d'étudier d'autres propositions, lors d'une deuxième étape, au sujet de cette exemption de base de l'année.

Mme Monica Townson: Oui, c'est ce dont je parlais en fait. Le Québec va plafonner l'EBA comme le fait le RPC, mais lors d'une deuxième étape, on parle d'une exemption annuelle de base progressivement relevée. C'est ce que je préconise pour le RPC plutôt qu'un plafonnement. Je pense que cela garantirait une meilleure progressivité. Ce serait un moyen de prélever des cotisations aux catégories à haut revenu tout en protégeant les catégories à faible revenu.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, l'autre option—qui était présentée en fait dans le document d'information de 1996 mais qui ne semble pas avoir été discutée par la suite—consistait à exiger que tout le monde cotise sur chaque dollar de gain, mais que l'on indemnise les catégories à faible revenu par l'intermédiaire d'un crédit d'impôt. J'ai trouvé cette proposition très intéressante, mais il ne semble pas qu'elle ait été suivie d'effet.

Autrement dit, il y avait d'autres options—elles existent encore—qui pouvaient être envisagée, qui auraient assuré une meilleure progressivité et qui auraient été plus utiles pour les catégories à faibles revenus.

Mme Karen Redman: Vous soulevez de nombreux points intéressants. Je suis impatiente de lire intégralement votre mémoire. Bien évidemment, je ne fais ici que le survoler à mesure que vous parlez.

Vous nous parlez d'une approche globale. Parmi les raisons qui nous obligent à envisager une réforme du RPC, il y a les impératifs du vieillissement de la population et les pressions qui vont s'exercer sur l'assiette fiscale à mesure que la grosse génération de l'après-guerre va prendre sa retraite, ce qui sollicitera davantage le RPC.

J'ai trouvé particulièrement intéressante la discussion de la page 3. Vous nous dites que d'autres pays consacrent 9,2 p. 100 de leur PIB à leurs régimes de pension publics. Si je repasse ce scénario dans ma tête... Je me demande si ce n'est pas cela que vous préconisez, de préférence à un système davantage axé sur la répartition ou ayant un passif non capitalisé moins élevé, transmettant ainsi le fardeau du financement aux générations futures.

Mme Monica Townson: Vous avez soulevé un certain nombre de points dans votre intervention. Le premier, c'est que des pressions vont s'exercer sur l'assiette fiscale à mesure que la grosse génération de l'après-guerre va prendre sa retraite. Je ne suis pas d'accord. Les personnes âgées paient-elles aussi des impôts, et si cette génération touche les grosses pensions que tout le monde lui promet, elle va devoir payer des taxes sur ces pensions et sur ses revenus de placement.

Deuxièmement, des études nous révèlent que le coût des pensions publiques a été nettement surestimé parce qu'on ne tient pas compte des différents régimes d'indexation de nos pensions et de notre fiscalité. Vous n'ignorez pas que les pensions de retraite du RPC et que la sécurité de la vieillesse sont pleinement indexées en fonction de l'inflation. Tous ces montants sont imposables dans le système actuel. Notre impôt sur le revenu n'est indexé que dans la mesure où le taux d'inflation dépasse trois pour cent. Donc, alors que les sommes qui vont être versées aux personnes âgées dans le cadre de ces deux programmes de pension publics vont augmenter avec le vieillissement de la population, la part que le gouvernement va en retirer par l'intermédiaire de l'impôt sur le revenu va augmenter encore plus.

• 1025

J'ai mentionné dans mon rapport une étude très intéressante effectuée par Brian Murphy et Michael Wolfson de Statistique Canada, qui traite bien plus en détail de ce problème.

Le dernier point que je voudrais faire valoir—et si j'ai éventuellement oublié de répondre à certaines de vos questions, n'hésitez pas à me les répéter. Vous nous avez parlé d'un régime par répartition exigeant que les jeunes générations paient les pensions des plus vieilles à mesure que l'on augmente les taux. Le scénario B de l'actuaire en chef nous indique que si l'on continue à appliquer le système par répartition—je l'ai mentionné dans mon exposé, le rapport l'expose plus en détail—le taux de cotisation conjoint s'élèverait à environ 13,9 p. 100 par an en l'an 2030. Avec ce scénario B, on atteindrait un sommet de 14,4 p. 100 en l'an 2100, soit dans 103 ans, et ce taux plafonnerait par la suite. Si l'on pense que les cotisations ainsi versées dans 35 ans seraient trop élevées, parce que c'est de cela dont on parle, on peut envisager d'autres options pour modérer cette hausse. L'une d'entre elles, je l'ai indiqué ici, consisterait à relever le plafond des gains ouvrant droit aux prestations.

Il est très intéressant de relever qu'aux États-Unis, alors que notre taux de cotisation combiné est cette année de 5,85 p. 100 des gains ouvrant droit à pension jusqu'à un maximum de 35 800 $, les cotisations versées au titre de la sécurité sociale s'élèvent à 12,4 p. 100 des gains ouvrant droit à pension avec un plafond d'environ 62 000 $ US, soit l'équivalent de 86 000 $ canadiens. On va vous objecter que la sécurité sociale des États-Unis recoupe en fait notre sécurité de la vieillesse et notre RPC, ce qui est vrai. Les actuaires ont calculé que pour compenser cette différence, il faut ajouter quatre pour cent au taux canadien afin de le rendre comparable à celui de la sécurité sociale américaine. Cela signifie donc qu'en 1987 nos cotisations s'élèvent à environ 9,85 p. 100 alors qu'elles sont de 12,4 p. 100 aux États-Unis, et cela avec un plafond de gain qui n'est environ que de la moitié de celui des États-Unis.

Je pense qu'il nous faut véritablement replacer ce débat dans son contexte. Nous devons nous demander sérieusement si ce serait ou non une bonne chose. J'estime malheureusement que le débat est embrouillé et que l'on a tellement mal informé le grand public qu'il ne comprend pas comment ce régime est financé. Il semble croire effectivement qu'il y a une masse d'argent sur laquelle on prélève les prestations, que cette masse est en train de s'épuiser et qu'il faut faire quelque chose immédiatement si l'on ne veut pas qu'il ne reste plus rien. Ce n'est pas vrai. En réalité, la loi prévoit une augmentation automatique des cotisations selon une formule établie sur 15 ans au cas où le gouvernement fédéral et les provinces ne s'entendraient pas. La plupart des gens ne comprennent pas cela non plus.

J'ai expliqué tout cela plus en détail dans mon rapport.

Je considère que ce débat pâtit surtout du manque d'information et des mythes qui ont été colportés, parce que la population ne sait pas comment tout cela fonctionne.

Le président: Je vous remercie, madame Redman.

Merci, madame Townson. Nous avons particulièrement apprécié votre intervention. Je vous remercie par ailleurs de nous avoir remis une copie de votre rapport.

Mme Monica Townson: Merci.

Le président: Nous allons faire une pause de cinq minutes et nous entendrons ensuite Bernard Dussault, du Bureau du surintendant des institutions financières Canada.

• 1028




• 1037

Le président: La séance est ouverte et nous accueillons Bernard Dussault, actuaire en chef au Bureau du surintendant des institutions financières Canada.

Vous avez 10 à 15 minutes pour faire votre exposé et nous passerons ensuite aux questions.

Soyez le bienvenu.

M. Bernard Dussault (actuaire en chef, Bureau du surintendant des institutions financières Canada): Bonjour tout le monde. Mon exposé devrait durer moins de 15 minutes et nous aurons ainsi plus de temps pour les questions. Je m'attends à ce qu'elles soient nombreuses et nous n'aurons pas de trop de 45 minutes.

Je veux tout d'abord parler dans mon introduction de ce qui a été publié dans le 15e rapport actuariel. Je ne sais pas si vous avez eu la chance d'en avoir une copie avant ce matin, mais j'imagine que personne ne l'a eu. Je vais vous donner quelques détails et vous pourrez ensuite me poser des questions.

L'élément le plus intéressant du 16e rapport actuariel qui a été rédigé sur le RPC concernant les effets du projet de loi C-2 sur les prévisions à long terme figure à la page 18 du rapport.

La principale information, c'est l'application du taux statistique de 9,9 p. 100 à compter de 2003 à condition que l'on applique aussi le relèvement progressif des cotisations de 1997 à 2002. Ce relèvement progressif correspond à un barème de cotisation qui progresse bien plus rapidement qu'auparavant.

La principale information figure dans la dernière colonne intitulée «Ratio Compte/débours». Nous pouvons voir ici qu'à long terme le rapport actuel entre le montant du compte et les dépenses va passer d'environ deux pour cent à finalement 4,3 p. 100. Ce ratio n'est pas stable parce que rien n'est stable dans la vie réelle. Les prévisions s'appuient en dernière analyse sur des hypothèses stables, mais avant que l'on en arrive à une situation finalement stable, le ratio entre le montant du compte et le versement des prestations va passer progressivement à 4,3 p. 100 et atteindre même environ 4,85 p. 100 en 2022 avant de redescendre à environ 4,3 p. 100 en 2040 et de stabiliser par la suite à ce niveau.

• 1040

La seule inconnue pour 2040, c'est que parmi les nombreuses hypothèses démographiques et économiques que nous devons faire pour effectuer ces prévisions, il y en a une qui n'est jamais stable, et c'est celle qui a trait aux baisses de mortalité que l'on a pu enregistrer. Nous partons du principe que ces baisses de mortalité se maintiendront indéfiniment.

Je pense que c'est la principale information que l'on peut tirer de ce rapport. Il est important de bien comprendre que, conformément à ce qu'exige la Loi sur le RPC, ces prévisions ont été faites en recourant aux mêmes données, aux mêmes méthodes et aux mêmes hypothèses que dans le rapport précédent, le 15e rapport actuariel, qui avait été élaboré en procédant à une révision et à un réexamen complet des données, des méthodes et des hypothèses.

Étant donné qu'il reprend les données, les méthodes et les hypothèses d'un autre rapport élaboré il y a quatre ans, le 16e rapport ne nous donne pas le point de vue le plus actuel des répercussions de ce taux de 9,9 p. 100.

À la page 11 de ce rapport, j'évoque rapidement ce problème dans la partie qui a trait à l'évolution économique et démographique après 1993. J'estime aujourd'hui que l'on aurait dû donner plus de détails à cet égard. Nous disons rapidement que nous avons mis à jour les réalités et les effets des prévisions. Nous le faisons constamment et quotidiennement. À l'heure actuelle, la révision et le réexamen auxquels nous avons procédé nous indiquent que les prévisions de ce rapport ne seront pas sensiblement affectées par le réexamen.

Certains d'entre vous ont cependant pu voir dans le Globe and Mail de ce matin des chiffres qui indiquent qu'à la suite de la révision en cours, le montant du fonds devrait être en 2006 ou en 2007 bien inférieur à ce que vous pouvez voir dans ce rapport. C'est vrai, mais en même temps les dépenses et les prestations seront bien inférieures parce que les prestations d'invalidité auront été largement réduites par rapport à ce qui était prévu dans le 15e rapport.

C'est pourquoi je suis en mesure de vous dire que même après une mise à jour des paramètres, le taux de 9,9 p. 100 reste à un niveau suffisant pour que le régime soit viable. C'est ce que nous donnent nos prévisions actuelles.

Quelque part dans l'introduction du rapport, j'explique qu'aux termes de la loi, il nous faudra rédiger un autre rapport à la fin 1997. Ce rapport pourrait être prêt à l'automne 1998. Il tiendra compte des données figurant dans le dernier rapport, de la révision en cours et d'autres événements qui auront été portés à notre attention à ce moment-là.

Ce sont les grandes lignes de mon introduction. On m'a demandé il y a deux jours seulement de me préparer à répondre à certaines questions posées par M. Jones. C'était une demande de toute dernière minute. J'ai toutes les réponses. La seule chose que je n'avais pas prévu lorsque je suis arrivé ce matin à 10 h 25, c'est que je n'aurais pas encore les photocopies des sept premiers documents sur une série de 12. Elles devraient me parvenir dans quelques minutes.

M. Jones—je ne sais pas s'il est présent—pourrait peut-être reprendre la liste de toutes ces questions, à moins que je les passe moi-même en revue. J'en ai une copie ici. Je ne sais pas exactement comment procéder.

Le président: Merci, monsieur Dussault. Pour ce qui est de ces questions, les réponses par écrit peuvent être communiquées au greffier, qui les transmettra lui-même à M. Jones.

Nous allons maintenant passer aux questions.

Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, j'aimerais avoir moi-même une copie de ces documents.

Le président: Ils vont être remis à chacun des députés.

Mme Diane Ablonczy: Monsieur Dussault, vous voilà sur la sellette, puisque c'est vous qui avez toutes les réponses pour ce qui est des prévisions actuarielles. Vous avez mentionné le fait que les prévisions d'investissement avaient très nettement changé, et je crois comprendre que c'est parce que les hypothèses ont, elles aussi, changé. C'est bien ça?

• 1045

M. Bernard Dussault: C'est principalement parce que la réalité n'est pas la même que celle qui était prévue en 1993. Nous n'avons pas changé, et nous n'en avons pas l'intention, les hypothèses à long terme dans le cadre de la révision. Toutefois, les prévisions faites à court terme en 1993 pour 1994-1995-1996, notamment en matière d'augmentation des gains tirés d'un emploi sur ces quatre années, ont bien baissé.

La récession économique du début des années 90 a surpris bien des actuaires spécialistes de l'économie en 1990, 1992 et 1994. Nous pensions toujours que la récession était terminée et qu'elle n'était pas aussi grave. Toutes les nouvelles que nous avons enregistrées au fil des années jusqu'en 1995-1996 ont constamment été plus mauvaises que nous ne l'avions projeté. Certains préfèrent parler de prévisions, mais en ce qui nous concerne nous ne faisons pas de prévisions, nous nous contentons de faire des projections aussi réalistes que possible. Personne ne peut faire de prévisions exactes, et nous nous efforçons donc d'être aussi prêts de la réalité que possible, mais c'est l'expérience qui nous révèle dans quelle mesure nos hypothèses et nos projections sont bonnes.

Mme Diane Ablonczy: J'imagine que le corollaire, c'est que lorsqu'on a instauré au départ ce régime, on a dit aux Canadiens que leurs cotisations ne dépasseraient jamais 5,5 p. 100. Aujourd'hui, on nous dit que selon les prévisions, elles ne dépasseraient jamais 9,9 p. 100. Je pense que la question que se posent alors tous les Canadiens, c'est quelle est la valeur de cette garantie?

M. Bernard Dussault: Nous considérons qu'une cotisation de 9,9 p. 100 et que le rapport prévu de 4,3 p. 100 entre le montant du fonds et les prestations sont totalement fiables compte tenu des données, des hypothèses et des méthodes utilisées.

Nous testons constamment nos méthodes en les appliquant aux résultats du passé afin de voir si nous pouvons simuler correctement ce qui s'est produit par le passé. Les hypothèses ne sont évidemment pas exactes parce que, comme vous pouvez facilement le comprendre, on ne peut pas prédire l'avenir. Nous déterminons donc nos hypothèses de manière réaliste et en fonction de ce que nous jugeons raisonnable, mais nous savons à l'avance qu'elles ne sont pas exactes. Nous espérons qu'en moyenne elles se conformeront à la réalité, et l'expérience des 30 dernières années nous enseigne que les hypothèses peuvent facilement s'écarter de la réalité.

Comme vous l'avez indiqué, on avait prévu en 1966 que le taux de répartition à long terme serait de 5,5 p. 100. Notre rapport indique maintenant 11 p. 100. Cela s'explique par bien des facteurs. Un facteur important est l'augmentation des prestations, mais ce n'est pas le seul. Les hypothèses touchant la fécondité et les gains tirés d'un emploi sont très différentes de ce que nous avons pu observer depuis 1966.

Quelques années seulement après la publication du premier rapport sur le RPC en 1964, le taux de fécondité est tombé de 3,5 p. 100 à 2 p. 100. Je ne connais personne qui l'ait prévu, mais cela a été corrigé dans les rapports actuariels de 1969.

L'augmentation des gains tirés d'un emploi le jour de la mise en place du régime était à un niveau comparable aux taux d'intérêt—soit quatre pour cent environ dans les deux cas. Toutefois, à mesure que la science économique se développait, nous nous sommes mis à employer des modèles dans lesquels les taux d'intérêt étaient supérieurs aux gains, et les gains supérieurs à l'inflation. Nous pensons que cela vaut pour l'avenir, mais pas nécessairement.

Mme Diane Ablonczy: Je voudrais simplement vous poser une question au sujet de la page 14 de votre rapport, lorsque vous nous parlez du rendement de l'investissement effectué au sein du RPC pour les Canadiens de différentes classes d'âge. En fin de compte, les jeunes qui ont 10 ans et moins aujourd'hui ne bénéficieront que d'un rendement inférieur à deux pour cent sur leur investissement dans le RPC.

M. Bernard Dussault: Oui, c'est le rendement réel.

Mme Diane Ablonczy: Est-ce que cela ne remonte jamais en vertu de ces prévisions?

M. Bernard Dussault: Non. Vous voyez ici 1,9 p. 100 et 1,8 p. 100, mais nous n'avons pas donné de chiffres par la suite parce qu'après les naissances enregistrées à cette date, les hypothèses deviennent stables, sauf pour ce qui est des baisses de mortalité, mais elles n'ont qu'une incidence très faible.

• 1050

C'est donc la valeur constante que nous retenons en fin de compte en fonction de nos hypothèses et de nos prévisions.

Mme Diane Ablonczy: Ma dernière question a trait à la fiabilité de ces hypothèses. C'est très important parce que les Canadiens font une planification en fonction de ces hypothèses. On a laissé entendre, par exemple, que le taux de cotisation de 9,9 p. 100 a été choisi parce qu'il était inférieur à 10 p. 100.

Il est important, je pense, que les hypothèses que vous retenez dans vos rapports soient aussi indépendantes que possible des pressions exercées par le gouvernement.

M. Bernard Dussault: Je ne sais pas vraiment comment vous répondre. Je ne peux que faire appel à mon expérience en tant que titulaire du poste d'actuaire en chef.

Le degré d'indépendance de l'actuaire en chef n'est pas rédigé noir sur blanc mais, en ce qui me concerne, je suis actuaire en chef depuis janvier 1992. Je travaille sur les prévisions du RPC depuis 1983. J'ai toujours agi en toute indépendance. Je peux vous dire que certains en ont été gênés. J'ai peut-être agi de manière trop indépendante, mais j'ai fait mon travail comme un professionnel respectant les recommandations de l'Institut canadien des actuaires.

C'est la meilleure réponse que je puis vous donner. Je pense avoir bien compris le message, à moins que certains nuances m'aient échappé.

Mme Diane Ablonczy: Ce que je voulais dire, c'est que lorsque vous composez des tableaux pour vous expliquer que l'on ne va payer que des cotisations de 9,9 p. 100, avez-vous reçu l'instruction de ne pas dépasser ce pourcentage?

M. Bernard Dussault: La réponse est facile: bien sûr que non. Vous n'ignorez certainement pas que je dois parler à un grand nombre de gens pour élaborer ces rapports. Que les échanges que j'ai pu avoir certaines personnes puissent être considérées comme des pressions, je n'en sais rien, mais je ne crois pas être sensible aux pressions. Vous pouvez le constater en consultant les rapports que nous avons élaborés depuis que je suis l'actuaire en chef. Les hypothèses à long terme n'ont pas changé.

L'une des raisons qui l'explique—ce n'est pas simplement pour vous montrer que nous ne subissons pas d'influence—c'est le fait que nous devons travailler à long terme. Si l'on change d'avis tous les trois ans, les gens vont penser que l'on n'a aucune suite dans les idées. J'ai pris mon parti en 1992 et rien ne m'indique jusqu'à présent qu'il me faut faire des changements. Je le pourrais, mais il faut bien comprendre que je ne peux changer qu'une seule hypothèse. Nombre d'hypothèses, sinon toutes, sont liées entre elles.

J'ai récemment élaboré une théorie, qui n'est pas démontrée mais qui semble être très bien accueillie par les spécialistes des prévisions, au sujet des interactions qui existent entre les hypothèses économiques et démographiques. Bien des gens savent qu'il y a une cohérence interne en ce qui a trait aux hypothèses économiques. J'ai mentionné rapidement tout à l'heure que dans notre modèle, les taux d'intérêt devaient être d'environ trois pour cent supérieurs à l'inflation et que l'augmentation des gains devait être supérieure d'environ un pour cent à l'inflation.

La théorie à laquelle je suis arrivé récemment a trait à la cohérence interne qui existe entre l'augmentation des gains et la diminution de la mortalité. Selon ma théorie, les baisses de mortalité ne peuvent pas se matérialiser si elles ne sont pas associées à une augmentation des gains. Prenons l'exemple du XXe siècle, les gains tirés d'un emploi ont augmenté en moyenne d'environ 1,5 p. 100. C'est vrai pour les 75 dernières années. La mortalité a diminué en moyenne, globalement, à tous les âges pour l'ensemble du Canada, tous sexes confondus, d'environ un pour cent. Nous avons fait des projections pour voir quels seraient les effets de cette évolution sur le RPC. Il se trouve que les baisses de mortalité du XXe siècle ont eu les mêmes effets que les augmentations de la productivité sur le RPC.

• 1055

L'hypothèse que nous avons retenue pour le XXIe siècle est de 4,5 p. 100, soit 1 p. 100 de productivité réelle au niveau des gains. Quant à la baisse de mortalité, au lieu du 1 p. 100 correspondant au XXe siècle, nous n'avons retenu que 0,5 p. 100 en nous appuyons sur les études récentes effectuées au sujet de la mortalité dans le cadre du RPC. Ces hypothèses ont été choisies pour leur cohérence interne afin de produire un effet neutre sur les prévisions du RPC.

Mme Diane Ablonczy: Donc, à votre avis, les gens ne vivent pas bien plus vieux qu'avant?

M. Bernard Dussault: Ils vivent plus vieux, mais la progression n'est pas aussi grande qu'elle l'a été au XXe siècle. Au lieu de partir de l'hypothèse d'une baisse de 1 p. 100 par an, nous retenons l'hypothèse de 0,5 par an. L'étude de la mortalité dans le cas du RPC sur les 15 dernières années corrobore ce chiffre. Cette étude s'appuie sur des statistiques qui sont vraisemblablement plus fiables que celles des tableaux de longévité de Statistique Canada.

Le recensement et les enquêtes effectués sur les décès tous les trois ans pour les besoins des tableaux de longévité de la population canadienne sont excellents, mais les statistiques du RPC sont des données administratives. On peut en garder la trace. Les enquêtes auxquelles on procède tous les cinq ans dans le cadre du recensement n'offrent aucun suivi; ce n'est qu'un tableau instantané. Nous pensons donc que, pour cette raison, les statistiques du RPC sont plus fiables. Si d'une manière ou d'une autre elles n'étaient pas fiables, les pourcentages que nous obtiendrions seraient encore plus élevés, ce qui signifie que les prévisions déboucheraient sur des coûts encore moindres.

Mme Diane Ablonczy: Donc, votre baisse de 0,5 p. 100 de la mortalité signifie que les gens vivent plus longtemps. Combien de plus en moyenne?

M. Bernard Dussault: En fonction de cette hypothèse, l'espérance de vie à 65 ans est d'environ 14 ou 15 ans pour les hommes et d'environ 18 ou 19 ans pour les femmes. En l'an 2000, on aura progressé d'environ cinq ans dans chaque cas. Pour les hommes, ce sera 18 ou 19 ans, et pour les femmes 23 ou 24 ans.

Mme Diane Ablonczy: C'est intéressant.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Ablonczy.

Monsieur Dumas.

M. Maurice Dumas: Pas de question, merci.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Avez-vous fait ou fait faire un rapport sur le vieillissement? Dans l'affirmative, pourriez-vous le déposer?

M. Bernard Dussault: De quoi s'agit-il, d'un rapport sur le vieillissement?

M. Jim Jones: L'évolution démographique, le vieillissement de la population...

M. Bernard Dussault: Non, nous ne l'avons pas fait. Si nous avions dû le faire, normalement ça n'aurait pas été très difficile. Pour élaborer nos prévisions économiques, il nous faut d'abord arrêter nos prévisions démographiques. Nous l'avons expliqué de manière assez détaillée dans notre 15e rapport actuariel. Si quelqu'un en veut une copie, je n'en ai qu'un exemplaire sur moi, mais nous pourrions le lui fournir.

M. Jim Jones: Ce rapport ici?

M. Bernard Dussault: C'est le 15e, et non pas le 16e rapport actuariel. Il a été déposé à la fin 1993. À l'annexe B, qui comporte une soixantaine de pages, vous trouverez plusieurs lignes qui expliquent comment nous faisons nos prévisions. Certains résultats sont déjà là, ainsi par exemple l'évolution à l'avenir de la répartition par âge, ce qu'elle est aujourd'hui, ce qu'elle était auparavant et ce que l'on prévoit qu'elle sera en 2030. Nous n'avons cependant pas élaboré d'études précises sur le vieillissement. L'actuaire en chef a presque exclusivement pour mandat de rédiger des rapports actuariels qui sont déposés devant la Chambre des communes et transmis au ministre des Finances.

M. Jim Jones: Quelle est la taille prévue de ce fonds en 2010?

M. Bernard Dussault: Selon le rapport le plus récent?

M. Jim Jones: Oui.

M. Bernard Dussault: On peut le voir au tableau 2, à la page 18. Le compte s'élèvera à 189 milliards de dollars. Comme je l'ai indiqué précédemment dans l'introduction, c'est sur la foi des données, des méthodes et des hypothèses retenues dans le 15e rapport.

La révision actuelle donne des chiffres plus faibles. Je suis désolé de ne pas avoir le tableau faisant état de nos prévisions révisées, mais nous pouvons le mettre rapidement à votre disposition. Vous en aurez une bonne idée en lisant ce qui a été publié par le Globe and Mail.

• 1100

De mémoire, je dirais qu'en 2006 ou en 2007 nous prévoyons un fonds de 135 milliards de dollars. Selon nos calculs révisés, ce fonds serait légèrement inférieur à 100 milliards de dollars, pour vous donner une idée des conséquences à court terme qu'entraîne sur le fonds le ralentissement de la reprise économique.

M. Jim Jones: Ici on nous dit 118 milliards de dollars en 2006.

M. Bernard Dussault: Où est-ce?

M. Jim Jones: À la page 18.

M. Bernard Dussault: Exact. C'est le chiffre dont vous parliez?

M. Jim Jones: C'est 118 702 000 000 $.

M. Bernard Dussault: Très bien. Je me reportais à la fin de l'année 2007, parce que c'est un chiffre que nous avons beaucoup utilisé ces dernières semaines, 135 milliards de dollars. Nos prévisions révisées font état d'un chiffre de l'ordre de 100 milliards de dollars, soit 35 milliards de moins.

M. Jim Jones: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Dussault.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Dussault, d'être venu.

Si j'étais entré sur le marché du travail au début 1966, lors de la mise en place du RPC, et si j'avais pris ma retraite en 1997, je retirerais une pension annuelle d'environ 8 800 $ au titre du RPC. Pouvez-vous me donner une idée de la valeur de mes cotisations versées dans le régime pendant ces 31 années?

M. Bernard Dussault: Je pourrais le faire, mais je ne crois pas que c'est possible ici en quelques secondes, et donc...

M. Paul Szabo: J'ai fait l'addition. C'est à peu près 10 200 $. Est-ce que nous parlons bien d'un chiffre de l'ordre de 10 000 $?

M. Bernard Dussault: C'est possible.

M. Paul Szabo: Si vous acceptez ce chiffre, sous réserve de vérification...

M. Bernard Dussault: Je suis sûr qu'à un moment donné il vous faudra raisonner autrement qu'en chiffres absolus.

M. Paul Szabo: Bien sûr. Il est entendu que l'employeur a dès le départ versé les mêmes montants, de sorte que nous avons en fait le double de cette somme dans cette réserve. Pendant toute cette période, les intérêts, ou les revenus de placement, se sont accumulés et ont grossi par le jeu des intérêts composés. Si l'on composait les intérêts sur ces cotisations tout au long de cette période de 30 années, par exemple, pouvez-vous nous donner une idée du montant que cela représenterait au moment où je prends ma retraite le 1er janvier 1997?

M. Bernard Dussault: En termes absolus, non, mais je pense pouvoir répondre assez précisément à votre question en termes relatifs. Selon ce que vous pouvez voir à la page 14, les personnes nées en 1911—certaines d'entre elles, bien entendu, sont déjà à la retraite et le sont depuis quelques années—sont censées obtenir un rendement de 22,5 p. 100. Il s'agit d'un rendement en termes réels. C'est un rendement élevé. C'est une prévision mais, en majeure partie, ce chiffre s'appuie sur des réalités.

Comme nous l'avons dit précédemment, les personnes qui naîtront à l'avenir obtiendront un rendement qui ne s'élèvera qu'à 1,8 p. 100. Ce n'est donc un secret pour personne qu'en 1966, ou de nos jours, si l'on plaçait de l'argent dans un fonds privé, on obtiendrait assez facilement un rendement plus élevé que celui qui est indiqué ici. Ce qui caractérise le RPC, cependant, c'est que tout le monde va obtenir ces 1,8 p. 100.

M. Paul Szabo: Très bien.

M. Bernard Dussault: Dans le secteur privé, le taux pourrait être plus élevé en moyenne, mais ce n'est pas nécessairement tout le monde qui l'obtiendrait. Certains auraient davantage, d'autres moins.

C'est un autre élément à considérer. Si les 10 ou 12 millions de cotisants au RPC se mettaient tous demain à placer leur argent, les marchés ne seraient pas en mesure de leur offrir un rendement réel de quatre pour cent.

M. Paul Szabo: J'essaie de me faire une idée de la réserve d'argent qui devrait être disponible pour financer mes prestations de pension pour le reste de ma vie. Je ne tiens absolument pas compte des volets correspondant à l'assurance, à l'invalidité et autres.

Il y a un autre actuaire qui s'est présenté devant nous et qui, après un calcul rapide, nous a dit que ce serait inférieur à 100 000 $. Supposons cependant que ce soit 100 000 $. La dernière question que je veux vous poser est la suivante: si j'avais 100 000 $ au 1er janvier 1997, quel est le montant maximum de la pension que je pourrais percevoir jusqu'à la fin de ma vie? Donnez-moi un chiffre approximatif.

M. Bernard Dussault: Vous avez 65 ans...

• 1105

M. Paul Szabo: Oui. Supposons que je prenne ma retraite, j'ai cotisé au maximum et je dispose de 100 000 $ aujourd'hui. Quelle serait la pension que je pourrais toucher jusqu'à la fin de ma vie si je m'adressais par exemple à une société d'assurance pour souscrire une rente? Que me donneraient 100 000 $?

M. Bernard Dussault: Je peux vous donner un chiffre très approximatif. Si vous divisez par 10, c'est 10 000 $ par an.

M. Paul Szabo: Si donc je vous dis que j'aurais pu disposer de mes cotisations tout au long de ma vie active et, au lieu de les mettre dans le RPC, les placer dans un REER et obtenir un haut rendement, afin de retirer finalement 24 000 $ par an et non pas simplement 8 800 $, vous allez me répondre que ce n'est pas possible.

M. Bernard Dussault: Non, je n'ai pas laissé entendre cela. Je dis que le RPC, fondamentalement—parce que le RPC couvre 25 p. 100 des gains moyens—offre un faible taux de rendement de 1,8 p. 100 à dix millions de personnes, peut-être plus si l'on compte ceux qui sont à la retraite. Individuellement, vous pouvez certainement faire mieux que cela ou vous pouvez faire pire. Ce que le RPC offre, c'est à peu près la moyenne.

M. Paul Szabo: Y compris les volets assurance.

Si je comprends bien, vous disiez que 100 000 $ aujourd'hui me permettraient d'acheter une rente viagère d'environ 10 000 $ annuellement—grosso modo.

M. Bernard Dussault: Cela pourrait être 12 000 $ ou 8 000 $. C'est un chiffre approximatif.

M. Paul Szabo: En effet, mais entre 10 000 $ et 15 000 $. Vous ne pourriez pas acheter une rente viagère de 24 000 $ par année au prix de 100 000 $.

M. Bernard Dussault: Dans le cas du RPC?

M. Paul Szabo: Non. Si je vous remets 100 000 $, est-ce que vous pouvez acheter avec cet argent une rente viagère de 24 000 $ par année jusqu'à la fin de vos jours?

M. Bernard Dussault: Je ne le sais pas. Il me faudrait faire des calculs.

M. Paul Szabo: Pourriez-vous les faire, s'il vous plaît, un peu plus tard?

M. Bernard Dussault: D'accord.

M. Paul Szabo: Cela est important.

J'aurais, monsieur le président, une dernière question à poser.

Avez-vous suivi les commentaires des principaux groupes intéressés au sujet de tout cet examen?

M. Bernard Dussault: Non.

M. Paul Szabo: Et vous n'avez rien à y ajouter.

M. Bernard Dussault: Non.

Pour en revenir à votre question de la possibilité d'obtenir une rente de 25 000 $ par année grâce à un dépôt de 100 000 $, je ne crois pas que cela soit possible. Vous obtiendriez beaucoup moins.

M. Paul Szabo: Je sais qu'à titre d'actuaire vous cherchez à rester neutre—vous devez préserver votre indépendance, etc., et vous n'allez pas vouloir répondre à ma question—mais à titre de contribuable, et non pas d'actuaire en chef, et je suppose que vous avez une famille, etc., et que vous vous inquiétez des générations à venir, est-ce que vous croyez que l'approche proposée dans le projet de loi C-2 constitue une solution appropriée...

Le président: Monsieur Szabo, la question est irrecevable. M. Dussault n'est pas ici à titre de contribuable, mais bien à titre d'actuaire en chef.

M. Paul Szabo: Très bien. Merci.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

J'ai quelques questions à poser au sujet des hypothèses. J'ai l'impression que les actuaires sont plutôt conservateurs—avec un petit «c», évidemment—et qu'en règle générale, ils voient tous les choses sous le même angle, en raison de leur formation. Constate-t-on beaucoup de diversité dans le domaine de l'actuariat?

M. Bernard Dussault: Les actuaires ne sont pas nécessairement des êtres conservateurs...

Mme Paddy Torsney: Je ne parle pas de leur vie privée.

M. Bernard Dussault: ... avec un petit «c», mais dans le cadre de leur travail, en particulier pour les régimes du secteur privé, on les incite à la prudence, et ils doivent être prudents quand ils font des projections. Les rapports actuariels qu'ils rédigent au sujet des régimes de pension visent à garantir la sécurité de ces régimes. Les actuaires doivent se montrer prudents. Ils doivent suivre de nombreuses règles.

Dans le cas de l'actuaire en chef du RPC, quel que soit le titulaire de ce poste, que ce soit moi, mon prédécesseur ou mon successeur, ce que l'on a toujours fait est un peu différent de la pratique du secteur privé. Nous l'expliquons aussi clairement que possible dans notre rapport. Le 16e rapport n'est qu'un addenda au 15e, mais dans le 15e nous affirmions sans ambiguïté que nos hypothèses étaient fondées sur une base raisonnable et réaliste. Nous n'avons aucune marge de manoeuvre en ce qui concerne les écarts négatifs et la sécurité. Nous cherchons à être aussi réalistes que possible.

• 1110

Mme Paddy Torsney: Est-ce à dire que les actuaires-conseils des régimes de pension ou des REER du secteur privé établissent des projections différentes des vôtres?

M. Bernard Dussault: Oui, et ils sont tenus d'expliquer en quoi ces projections sont différentes. S'ils utilisent des marges, ils doivent révéler explicitement quelles sont ces marges et leur effet.

Mme Paddy Torsney: Vous avez dit précédemment que des hypothèses étaient posées en ce qui concerne les taux de natalité mais ces taux ont chuté dans les années 60, ce qui a en quelque sorte faussé les tables. Il est certain que la génération issue de la poussée démographique consomme des aliments beaucoup plus riches et que l'espérance de vie de ses membres pourrait en être modifiée. Par ailleurs, nous avons des enfants qui sont mal nourris, et cela pourrait aussi influer sur les chiffres. Les progrès de la médecine se répercutent certainement sur les chiffres.

Y a-t-il des facteurs qui pourraient fausser vos chiffres?

M. Bernard Dussault: Sur le plan démographique, je n'en vois aucun, rien qui modifierait beaucoup le nombre de personnes prévu dans les projections. Les taux de natalité sont faibles depuis 30 ans, et nous ne croyons pas que la tendance s'inversera. En ce qui concerne la mortalité, même si nous avions une marge d'erreur de 50 p. 100, la réduction du taux de mortalité n'influerait pas notablement sur les résultats. L'effet éventuel se ferait sentir à long terme, car les améliorations au chapitre de la mortalité sont graduelles et très lentes.

Sur le plan économique, le RPC est pour l'essentiel un régime par répartition, et ses revenus et son rendement sont régis par les revenus d'emploi. L'économie, et son effet sur l'emploi, est le principal facteur déterminant. Je n'ai pas besoin d'expliquer à quel point les revenus peuvent fluctuer. Au cours des 15 dernières années, il n'y a eu aucune hausse du revenu réel. Nous avons connu une certaine augmentation du revenu moyen, mais depuis 15 ans l'inflation est en moyenne aussi élevée que la hausse des revenus. Comme le RPC est essentiellement un régime fondé sur les revenus, c'est le facteur déterminant, combiné à l'inflation. Nous établissons nos hypothèses en fonction de la cohérence interne. Nous ne considérons pas les revenus comme un facteur indépendant; nous les examinons toujours en fonction du taux d'augmentation des prix.

Mme Paddy Torsney: Je crois que vous avez déterminé que l'espérance de vie des femmes pourrait atteindre 88 ans.

M. Bernard Dussault: À l'heure actuelle, elle est d'environ 85 ans, lorsque vous arrivez à l'âge de 65 ans. À la naissance, elle est moindre.

Mme Paddy Torsney: Si vous vous rendez à 65 ans, vous changez de catégorie.

M. Bernard Dussault: En effet.

Mme Paddy Torsney: Vous avez bien établi la distinction entre les hommes et les femmes pour ce qui est des taux de mortalité, mais je ne vois, dans votre analyse, aucune mention des effets différents sur les femmes. Vous parlez des prestations de décès et des prestations d'invalidité en général, ainsi que de l'effet des taux combinés, et d'autres facteurs, mais vous ne présentez pas vraiment une analyse qui précise clairement les distinctions entre hommes et femmes. Vous ne précisez pas, par exemple, que 80 p. 100 des prestations de décès sont versées à des femmes.

M. Bernard Dussault: C'est exact. Nous ne le faisons pas, mais nous le pourrions. Nous avons tous les chiffres. Il y a beaucoup d'aspects que nous pourrions préciser dans nos rapports si nous voulions ventiler les chiffres en fonction du sexe et de nombreux autres facteurs. C'est surtout parce qu'on nous demande les chiffres essentiels—le taux de cotisation et le taux qui s'applique au fonds. On nous demande de produire des chiffres au niveau macroéconomique, mais nous n'aurions aucune objection à fournir aussi des chiffres au niveau microéconomique.

Mme Paddy Torsney: Les différences sont très marquées, n'est-ce pas?

M. Bernard Dussault: En effet. Le 16e rapport contient très peu d'information, parce que ce rapport est basé sur le 15e. Dans le 15e rapport, vous trouvez de nombreux chiffres ventilés par sexe, mais peut-être pas autant que ce que vous souhaitez. Nous donnons les taux de mortalité séparément par âge et par sexe. Les taux de fertilité sont fournis pour un seul sexe.

Le président: Merci, madame Torsney.

Monsieur Dussault, je vous remercie beaucoup de votre intéressant exposé. Nous allons très certainement utiliser toute l'information que vous nous avez communiquée. Merci.

M. Bernard Dussault: Je vous en prie.

Le président: Je lève la séance deux ou trois minutes. À notre retour, nous entendrons le représentant de l'Institut C.D. Howe, M. William Robson, analyste de la politique.

• 1115




• 1119

Le président: Nous poursuivons la séance, et je souhaite la bienvenue à M. William Robson de l'Institut C.D. Howe. Nous vous sommes reconnaissants de bien vouloir prendre la peine de vous présenter devant le comité. Comme vous le savez, nous examinons le projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence. Vous avec 10 ou 15 minutes pour nous faire un exposé, puis nous vous poserons des questions.

Soyez le bienvenu.

• 1120

M. William Robson (analyste de la politique, Institut C.D. Howe): Je vous remercie de nous avoir invités à venir discuter de ce projet de loi. On me dit que j'ai droit à 15 minutes. J'ai prévu un exposé de 10 minutes, mais je vais profiter du temps supplémentaire qui m'est accordé pour faire quelques remarques—à la suite de l'exposé précédent—sur l'importance de l'information que l'actuaire en chef produit au sujet du Régime de pensions du Canada. Je sais que les chiffres qu'il publie sont immensément utiles à divers spécialistes qui s'intéressent à ce domaine et, puisque la question du mandat de l'actuaire a été posée, je voudrais souligner que pour ceux d'entre nous qui parviennent à gagner leur vie en étudiant le Régime de pensions du Canada, la contribution de l'actuaire est extrêmement précieuse.

On m'avait dit que je devrais m'en tenir à un exposé de 10 minutes. Je vais donc commencer sans plus tarder. Je consacrerai trois minutes à un résumé de mes opinions au sujet du RPC, trois minutes au commentaire de certains aspects spécifiques de la réforme et trois autres minutes à des spéculations sur l'évolution possible du RPC après les réformes. Je profiterai de la minute qui me reste—j'en étais à neuf—pour affirmer à l'avance qu'à mon avis, ces réformes constituent un grand progrès, que grâce à elles le Régime de pensions du Canada, qui était injuste et voué à la disparition, pourra à l'avenir assurer une plus grande sécurité aux Canadiens à la retraite et, je crois, favoriser en outre la prospérité nationale.

Quoi qu'il en soit, la réforme n'est qu'une étape. Je ne crois pas qu'elle soit une solution finale. À mon avis, les pressions financières et politiques mèneront tôt ou tard à de nouvelles réformes. De fait, je m'attends à voir, avant la fin de ma carrière, l'instauration d'un nouveau système de caisses de retraite personnelles dans notre pays. Je prévois que le débat s'intensifiera dès que la loi aura été adoptée, si elle est adoptée.

Premièrement, parlons du contexte. Je veux dire quelques mots de la nécessité de la réforme, car je sais que même la nécessité de cette réforme est contestée actuellement. Pour diverses raisons, le RPC me paraît insatisfaisant sous sa forme actuelle. Il s'agit essentiellement, comme vous le savez, d'un régime par répartition dans lequel on verse le matin des cotisations qui ressortent l'après-midi sous forme de prestations.

Lorsque le régime a été créé, au milieu des années 60, cette mesure non provisionnée semblait possible en raison de circonstances exceptionnelles. Par contre, pendant une vingtaine d'années, à la suite de la Deuxième Guerre mondiale, les principaux pays développés du monde ont appliqué des politiques financières extrêmement prudentes, dont l'une des conséquences a été des taux d'intérêt très faibles. Nous assistions aussi à un rattrapage technologique et à une énorme expansion des échanges de biens, de services et d'idées à l'échelle mondiale, ce qui a produit une croissance économique très rapide. Lorsque la croissance économique excède le taux auquel les investissements ou les dettes peuvent s'accumuler, comme cela a été le cas au milieu des années 60, bien des choses sont possibles. On peut notamment envisager de larges déficits gouvernementaux permanents, parce que l'on croit que l'assiette fiscale continuera de croître au même rythme que les intérêts de la dette.

Dans un domaine connexe, il semblait aussi possible de promettre de généreuses pensions gouvernementales. On supposait que les futurs travailleurs n'hésiteraient pas à supporter la facture parce qu'en retour, ils pouvaient espérer, au moment où ils adhéraient au régime, de meilleures pensions que ce qu'ils toucheraient en versant des cotisations de pension ordinaires à un régime de pension ordinaire. Cela dit, le projet portait les germes de sa propre destruction. Dès que l'on a pris des mesures pour les exploiter, ces possibilités ont commencé à disparaître.

Dans le monde entier, les gouvernements se sont mis à accumuler d'importantes dettes publiques et de vastes obligations non provisionnées et, alors que les populations commençaient à compter sur ces promesses et à se croire en sécurité, cette situation a déclenché des hausses des taux d'intérêt réels. Entre autres en raison de l'augmentation des impôts qu'il fallait percevoir pour s'acquitter des obligations, la croissance s'est ralentie. Aujourd'hui, nous en sommes revenus à ce que j'appellerais une situation historiquement normale, où le rendement des valeurs mobilières est plus élevé que les taux de croissance économique.

Dans ces circonstances, les régimes par répartition comme le Régime de pensions du Canada deviennent non viables. Ils sont comme les jeux de Ponzi ou les opérations pyramidales, parce qu'ils ne peuvent pas, à long terme, offrir un rendement supérieur à ce que l'on peut obtenir des investissements physiques. Pendant quelque temps, vous pouvez les soutenir grâce à la participation obligatoire, si vous exercez les pouvoirs étatiques; vous pouvez les soutenir de cette façon. Vous pouvez forcer les citoyens à y participer et vous pouvez aussi relever les taux de cotisation.

• 1125

Mais nous en sommes maintenant au point où les jeunes qui adhèrent cette année au Régime de pensions du Canada—et ces jeunes devraient, contre toute logique, croire que les prestations promises dans le cadre du régime seront effectivement versées—, ces jeunes donc ne peuvent compter que sur un rendement réel des cotisations qui correspond à la moitié de ce que l'on pourrait toucher à l'extérieur du régime.

Si vous comparez les prestations promises à ces personnes à l'âge de 65 ans aux montants que la même somme investie dans un régime capitalisé pourrait leur rapporter, vous constatez un déficit équivalent à environ deux années de gains assurés—soit, en dollars courants, plus de 70 000 $.

Avec les années, la situation se détériore. Regardez ce que réserve le RPC à la population en âge de voter. Même si l'on accepte les promesses du régime—et les sondages indiquent que les jeunes n'y croient pas—, je prévois que, dans un avenir assez rapproché, une coalition d'électeurs se formera et exigera un réaménagement complet et peut-être même l'abolition du Régime de pensions du Canada.

Faute de confiance à l'égard du régime, cela pourrait se produire d'ici quelques années, et je félicite donc le Parlement et les provinces qui se rangent à son projet de s'engager dans la voie de la réforme du Régime de pensions du Canada avant que cette éventualité ne se concrétise.

Permettez-moi maintenant de vous présenter une brève évaluation des réformes.

Premièrement, parlons de provisionnement intégral. Le relèvement rapide des cotisations, grâce à des taux plus élevés et aussi à un gel de l'exemption de base de l'année, constitue la clé de ces réponses. Cela signifie que les cotisants les plus âgés assumeront une plus large part de leurs propres prestations de retraite, ce qui réduit le fardeau de ceux qui viendront après eux. Ce changement fait plus pour corriger le déséquilibre du Régime de pensions du Canada au détriment des jeunes cotisants que toute autre modification proposée au cours du débat.

L'hypothèse qui sous-tend l'ensemble de la réforme, soit un rendement réel de 3,8 p. 100 des cotisations, semble raisonnable, et je m'attends en outre à ce que la croissance des avoirs du régime stimule la confiance actuellement limitée des jeunes en ce qui concerne la possibilité de toucher concrètement un revenu de leurs cotisations. En particulier, ce niveau de confiance étant ainsi relevé, on constate que le volet purement fiscal de l'augmentation des primes du RPC est inférieur à la hausse totale. Les mesures auront certains effets négatifs à long terme sur la création d'emploi, mais sans doute moindres que ce que l'on pourrait craindre, de prime abord, en raison de l'ampleur des augmentations, car une partie de ces augmentations reflète un avantage dont la population profitera.

Au sujet du fiduciaire, l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, il convient de signaler que des avoirs plus importants vont aussi attirer une attention nouvelle. Bien des gens auront leur petite idée de ce que l'on pourrait faire de cet argent, et leurs visées n'ont rien à voir avec le versement de pensions adéquates aux cotisants du régime. Regardez ce qui se passe dans le monde. La feuille de route des gouvernements pour ce qui est de gérer des caisses de prévoyance de ce genre est lamentable.

Je déplore donc l'annonce prématurée que le plafond de 20 p. 100 d'avoirs étrangers s'appliquera strictement aux investissements du Régime de pensions du Canada, car cela indique clairement que, sur un point essentiel, l'intérêt des cotisants du régime n'est pas une priorité absolue.

Cela dit, toutefois, en ce qui concerne les autres éléments de la structure institutionnelle prévue dans le projet de loi, je me range à l'avis de David Slater qui, dans une publication de l'Institut C.D. Howe, applaudissait récemment les dispositions du projet de loi concernant la mise sur pied d'un Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Une structure institutionnelle valable ne saurait remplacer la vigilance lorsqu'il s'agit de détournements de fonds, mais elle y apporte une contribution très valable.

J'appuie aussi sans réserve une autre disposition clé du projet de loi, celle qui permettrait d'exiger que les futures modifications des prestations soient provisionnées. À mesure que les avoirs augmentent, il deviendra naturellement plus facile pour les cotisants d'exiger de nouvelles prestations—des prestations qui feraient à nouveau pencher la balance au détriment de la jeune génération, comme c'est souvent le cas. Ces nouveaux avantages sembleront possibles. La disposition du projet de loi qui vise à ce que l'instauration ou le relèvement de prestations s'accompagnent d'augmentations permanentes et temporaires correspondant aux coûts est excellente. De fait, je considère qu'il s'agit là d'un précédent utile dont le comité devrait tenir compte lorsqu'il envisagera d'éventuelles hausses des dépenses au moment de l'étude du budget fédéral.

Examinons maintenant brièvement ce qui nous attend, et je consacrerai les trois minutes qui me restent à expliquer pourquoi ce projet de loi nous donnera non pas une solution définitive au problème mais un certain répit.

J'ai déjà dit que tous les suppléments que nous verserons au RPC ne se présentent pas sous forme purement fiscale. Quoi qu'il en soit, des taux plus élevés et une assiette plus large auront un effet négatif sur l'emploi.

Ces mesures auront des effets très inégaux sur la population active. Les personnes qui cotisent à des régimes de pension du secteur public ne les sentiront pas beaucoup. Les personnes qui sont à leur compte, qui souvent n'ont même pas le droit de déduire le plein montant de leurs cotisations de leur revenu imposable, seront durement touchées.

• 1130

Comme cette augmentation des cotisations expose au grand jour les coûts du régime, le débat au sujet de l'opportunité de notre investissement s'intensifiera.

Hier, je me suis cru visionnaire lorsque j'ai inscrit dans mes notes que la situation du régime étant plus difficile encore que ce que révèlent les projections de l'actuaire en chef, et que l'inflation étant et devant demeurer inférieure au taux de 3,5 p. 100 postulé pour l'élaboration de la réforme, le taux de cotisation de 9,9 p. 100 ne suffira pas à provisionner le régime aussi intégralement qu'on pourrait le souhaiter. Je constate maintenant qu'on m'a pris de vitesse, car un document du ministère des Finances publié hier a déjà confirmé ce que je croyais être une prédiction courageuse.

Cependant, je vais quand même signaler que la publication de cette information stimulera le débat au sujet du remplacement du RPC par un régime de caisses de retraite personnelles. Jim Pesando—et ici je prépare le terrain pour un autre document de l'Institut C.D. Howe—a récemment soutenu que si le supplément des cotisations était versé sur des comptes individuels, cela contribuerait à lier les cotisations et les prestations plus étroitement dans l'esprit des gens et à réduire les effets pervers que cette augmentation des primes aura sur l'emploi. C'est un argument fort valable.

En outre, si le supplément des primes était versé sur des comptes individuels, cela nous permettrait certainement d'apurer une partie des obligations non capitalisées du Régime de pensions du Canada par un mécanisme préférable à celui des charges sociales.

À mon avis, les comptes personnels présentent un inconvénient majeur, les frais d'administration plus élevés. C'est le dernier point que je vais traiter.

Nous avons récemment appris que le ministère du Développement des ressources humaines avait annulé certains contrats très coûteux en vue d'automatiser la distribution des prestations. J'y ai vu un excellent prétexte à faire quelques commentaires sur l'administration du RPC, qui n'est pas irréprochable. Demandez à vos électeurs ce qu'ils pensent des récentes déclarations du RPC ou de ses préposés à la clientèle, la plupart d'entre eux compareront sans doute défavorablement le service à la clientèle à celui des régimes privés.

À cet égard, j'insisterais pour que les rapports ministériels qui sont régulièrement déposés au Parlement et présentés à la population, il en est question dans le projet de loi, contiennent de l'information au sujet des retards et de la précision des états de compte que le RPC adresse à ses cotisants.

Il s'agit d'une supposition, et j'aimerais bien me tromper, mais je tiens à rappeler l'expérience des nouveaux gestionnaires de la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario, qui ont constaté lors de leur entrée en fonction un très fort pourcentage de dossiers qui contenaient de l'information inexacte. J'imagine que les dossiers du Régime de pensions du Canada seraient dans le même état.

Si nous avions un grand système de caisses de retraite personnelles au pays, nos coûts seraient inférieurs à ceux, par exemple, du marché actuel des REER, et le service serait meilleur que celui du RPC.

Je n'ai pas alloué de temps pour une conclusion, je serai donc très bref. Je suis en faveur du projet de loi. Je remercie le gouvernement et les provinces qui se rangent à son projet de proposer des réformes fort nécessaires. Si le projet de loi est adopté, je conseille toutefois aux membres du comité de ne pas jeter tout de suite leurs dossiers sur le débat que suscite le Régime de pensions du Canada, parce qu'ils en auront sans doute besoin très bientôt.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Robson.

Nous allons maintenant passer aux questions.

Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président.

Je vous ai écouté avec intérêt, en particulier quand vous avez manifesté votre appui à l'endroit des réformes et insisté pour que nous commencions à songer à une transition vers des caisses de retraite privées pour les Canadiens.

L'un des aspects du projet de loi C-2 qui n'a pas été suffisamment examiné est cette idée de fonds d'investissement du RPC. J'ai relevé que vous y faisiez allusion à la page 2 de votre mémoire. Vous dites, plus précisément, qu'«il suffit de regarder un peu dans le monde pour constater que la feuille de route des gouvernements du monde en matière de gestion des caisses de prévoyance est lamentable». J'aimerais savoir sur quoi vous fondez cette affirmation. Si vous connaissez des études à ce sujet, j'aimerais les voir. Pourriez-vous élaborer un peu sur la question?

M. William Robson: La meilleure étude à ce sujet a été publiée par la Banque mondiale en 1994; elle porte sur des régimes de pension du monde entier et contient quelques bons rapports sur ce qui a été réalisé avec les fonds de ce genre.

Comme je l'ai dit, la feuille de route des gouvernements est en général lamentable. Je crois que nous pouvons faire beaucoup mieux que la moyenne. Le Canada gère en règle générale ses affaires publiques beaucoup mieux que la plupart des pays du monde. De fait, je nous placerais au tout premier rang lorsqu'il s'agit de telles choses. Je crois que cela ne se dément pas dans le cas du fonds du Régime de pensions du Canada.

• 1135

Évidemment, les facteurs qui minent d'habitude ces régimes dans le monde joueront ici aussi. Lorsque l'argent s'accumule, il est normal qu'on en prenne bonne note et qu'on envisage de l'utiliser à des fins qui seraient plus adéquatement financées par les recettes fiscales ou même qu'on ne devrait pas financer du tout. Trop souvent, l'intérêt des cotisants n'est pas une considération première dans l'esprit de ceux qui veulent utiliser cet argent.

Je ne vous ennuierai pas avec une foule d'exemples précis. Je vous renverrai simplement à l'étude de la Banque mondiale.

Les plans relatifs à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada prévoient, je crois, une structure institutionnelle qui nous protégerait dans une certaine mesure contre ces facteurs. Lorsque je prédis que le débat relatif aux caisses de retraite individuelles va s'intensifier, je crois que l'un des éléments clés de ce débat sera que le fait que lorsque l'argent commence à s'accumuler, certains voudront l'investir d'une façon donnée, d'autres, d'une autre façon, et d'autres encore proposeront d'affecter cet argent à une bonne cause quelconque. Je crois qu'il faudra livrer un véritable combat pour s'assurer que l'Office d'investissement utilise l'argent dans l'intérêt des cotisants. À la longue, je crois que bien des gens soutiendront qu'un système de caisses individuelles fournira, concrètement, une meilleure garantie contre ce genre de difficulté.

Mme Diane Ablonczy: Je vais prendre connaissance du rapport que vous nous signalez, monsieur Robson. Je remarque aussi que vous mettez en doute la viabilité du RPC, après les réformes, en vous fondant sur le degré de confiance des jeunes à long terme ou même à court terme. Vous mentionnez que dans 20 ans, sinon moins, le niveau d'investissement et le rendement feront l'objet de vives contestations. Évidemment, l'actuaire en chef, qui vient de témoigner devant nous, confirme les chiffres de son rapport qui indiquent que pour les personnes qui ont aujourd'hui 10 ans ou moins, le rendement réel de l'investissement de toute une vie sera inférieur à 2 p. 100.

Ne croyez-vous pas que la perspective d'une pension «sûre»—comme vous le dites, les jeunes n'y croient pas de toute façon—d'environ 8 600 $ au moment de votre retraite et jusqu'à la fin de vos jours compenserait le faible rendement que vous touchez sur l'investissement. Si l'investissement était géré dans le secteur privé, ce dont nous avons parlé justement, quel serait le taux de rendement que les jeunes pourraient, de façon réaliste, espérer?

M. William Robson: Je crois que le taux de rendement utilisé dans ces projections est un taux de rendement réel de 3,8 p. 100—quatre pour cent si l'on arrondit—, et qu'il est fort raisonnable. De fait, vous pouvez acheter des obligations à rendement réel du gouvernement qui sont exactement à ce niveau. C'est l'investissement le moins risqué qui soit, et il rapporte deux fois plus que le Régime de pensions du Canada.

En passant, j'aimerais aussi ajouter que si votre taux d'imposition du revenu des particuliers excède le taux de base, vous n'avez pas le droit de déduire vos cotisations au Régime de pensions du Canada, vous n'avez droit qu'à un crédit d'impôt. Cela signifie que dans la mesure où les primes du Régime de pensions du Canada sont imposées, vous payez un impôt sur l'impôt. Comme je l'ai signalé précédemment, je crois que c'est particulièrement injuste dans le cas des travailleurs autonomes. Il n'appartient pas au comité de tenir compte de cet aspect dans l'examen du projet de loi C-2, mais j'y vois un problème supplémentaire.

Je crois que le taux de rendement offert par le Régime de pensions du Canada est trop faible pour susciter beaucoup d'intérêt. Quant à la viabilité du régime, à mon avis, les réformes y contribueront parce qu'elles réduisent le coût global du régime. Alors, même si le rendement est négligeable pour un jeune qui commence à cotiser aujourd'hui, au moins l'investissement serait moindre que par le passé. Les personnes qui naîtront au cours des prochaines années perdront, si le régime n'est pas réaménagé, une somme égale à environ cinq années de gains assurés lorsqu'elles atteindront l'âge de 65 ans. C'est énorme, et je crois que cela confirme la nécessité de modifier le régime.

Le projet de loi corrige un peu la situation à laquelle vous faites allusion, mais qui reste précaire. À long terme, à mon avis, nous pourrions chercher à atténuer le problème grâce à un meilleur provisionnement d'une partie des obligations actuelles du Régime de pensions du Canada, en particulier dans le domaine de l'invalidité et du passif non capitalisé.

• 1140

Parce que je ne suis pas assujetti aux mêmes contraintes que vous, je recommanderais une augmentation des taxes à la consommation, pour nous aider à rétablir la situation. Je suis toutefois pleinement conscient qu'à l'heure actuelle, cette solution n'a guère d'attraits sur le plan politique. Pourtant, elle serait sans doute plus équitable que toute autre. Je la crois certainement plus juste que les charges sociales.

M. Lorne Nystrom: J'ai deux ou trois questions à vous poser au sujet de vos prédictions concernant le débat que les régimes privés susciteront dans notre pays. De quelle façon envisagez-vous la transition, si nous retenons l'option des REER privés, du super régime enregistré d'épargne retraite où les obligations non capitalisées atteignent quelque 600 milliards de dollars?

Quelqu'un a mentionné qu'il faudrait peut-être doubler la TPS. Une TPS de 14 p. 100 serait assez difficile à faire accepter sur le plan politique, je n'en doute pas, même pour le Parti libéral. Vous pourriez aussi relever les taux d'imposition ou les impôts des sociétés, ou même combiner les trois mesures. Que pensez-vous de la façon dont la transition se ferait si, dans les faits, le gouvernement devait s'orienter dans cette voie un jour ou l'autre?

M. William Robson: Il y a quelque temps, j'ai rédigé quelque chose sur la possibilité d'une transition en deux étapes, plutôt pénible. Je crois que cette mesure représente un tournant en ce sens qu'elle aura entre autres pour effet de provisionner le régime. S'il n'y a pas d'argent dans le régime, la transition sera horriblement pénible parce que, comme vous venez de le mentionner, il faudra payer à taux double pendant une certaine période. Il y a de l'argent dans le régime, les obligations non capitalisées seront un peu moins lourdes. À mesure que les années passeront, l'argent s'accumulera et c'est une partie de la réponse: il y aura plus d'argent.

La deuxième partie de la solution viendra de nouveaux impôts. Comme je l'ai mentionné, je crois que les taxes à la consommation pourraient donner d'excellents résultats à cet égard.

Finalement toutefois, moi, ennemi juré des déficits, je m'entends avec chagrin affirmer que la situation justifie peut-être de financer en partie la transition par une ponction sur le budget du gouvernement. Il est vrai qu'une ponction sur le budget fait porter le fardeau à nouveau sur les plus jeunes, ceux-là mêmes que l'on cherche à mieux protéger. Je conçois qu'il faille parfois agir ainsi pour se débarrasser d'une mauvaise politique.

Le problème vient de ce que la structure actuelle du Régime de pensions du Canada est exposée à de nombreuses forces qui, si nous ne veillons pas au grain, nous replongerons dans un déséquilibre intergénérationnel déjà intolérable dans le régime actuel. C'est certainement ce qui s'est passé au Chili, pays pionnier de ce genre de régimes, qui a largement puisé dans le budget régulier du gouvernement pour financer la transition. À long terme, si vous demandez aux Chiliens s'il était justifié d'encourir cette dette supplémentaire pour effectuer la transition, je crois qu'ils vous répondront que oui.

M. Lorne Nystrom: Je voulais aussi savoir s'il vous paraîtrait équitable d'adopter les super REER privés. Quelles seraient les conséquences de ce changement pour le tiers de la population qui touche les revenus les plus faibles? Je représente une circonscription qui se classe sans doute au deuxième ou au troisième rang, en moyenne, pour ce qui est du revenu en Saskatchewan. Le revenu moyen des familles là-bas est de 35 000 $ par année. Je parle de revenu familial, pas de revenu individuel.

Si, par exemple, vous adoptez un super Régime enregistré d'épargne retraite, un régime géré par le secteur privé, pour tous les citoyens du pays, cela serait peut être bon pour quelqu'un dont le revenu est de 50, 60 ou même 100 000 $ par année. De fait, cela serait excellent. Mais qu'en serait-il des personnes qui ne touchent que le salaire minimum ou un peu plus? Est-ce que notre société, au lieu de se rapprocher d'un idéal d'équité, s'en éloignerait à mesure que l'écart entre riches et pauvres s'élargirait? Si l'on n'a qu'un petit revenu, il est difficile de payer l'épicerie, le loyer, les vêtements des enfants, on ne pense même pas à mettre de l'argent de côté en vue de la retraite. Toutes les statistiques sur les REER montrent bien que ces régimes sont utilisés surtout par les personnes les plus à l'aise de notre société, ce qui est normal et naturel. Mais si l'on élimine le Régime de pensions du Canada, un régime universel et entièrement indexé, pour généraliser les REER, est-ce que cela ne va pas accentuer les disparités dans notre pays?

M. William Robson: J'ai deux remarques préliminaires à faire. Premièrement, le Régime de pensions du Canada, par sa nature même, ne protège pas les Canadiens les plus pauvres, parce qu'il faut avoir occupé un emploi rémunéré pour avoir droit aux prestations du Régime de pensions du Canada.

M. Lorne Nystrom: Non, je parle des petits salariés, de ceux qui ont un faible revenu.

M. William Robson: Très bien. Toutefois, si l'on parle de répartition du revenu, c'est un aspect important. Le Régime de pensions du Canada est réservé à ceux qui travaillent. Les Canadiens les plus pauvres n'ont pas des antécédents d'emploi qui leur auraient permis de cotiser à part entière au Régime de pensions du Canada.

• 1145

Il faut aussi mentionner que le rendement du Régime de pensions du Canada est pitoyable, et si vous êtes pauvre c'est un fardeau plus lourd encore que si vous avez de l'argent. Le Régime de pensions du Canada plafonne à peu près au niveau du revenu moyen. Jusqu'à ce niveau, vous cotisez à un régime qui, comme je vous l'ai dit, si vous y adhérez aujourd'hui, ne vous offrira que des prestations de retraite valant en moyenne deux ans de moins de revenu assurable—environ 70 000 $, en dollars courants—que ce que vous pourriez toucher si vous aviez placé la même somme ailleurs. Si votre revenu est faible, ce fardeau est beaucoup plus lourd, toutes proportions gardées, que si vous êtes à l'aise.

Si votre revenu est supérieur à la moyenne, alors vous investissez dans le marché des REER privé, et votre retraite sera d'autant moins tributaire d'un régime au rendement négligeable. Le problème n'est donc pas si simple.

Finalement, j'aimerais vous faire remarquer, que beaucoup de redistribution se fait à l'intérieur du Régime de pensions du Canada. L'une des difficultés quand on utilise largement un programme qui donne l'impression d'être un programme de sécurité sociale pour redistribuer les revenus, c'est que l'on risque de percevoir auprès de certaines personnes plus d'impôts que les avantages qu'elles retireront du programme, et ce faisant on nuit à l'emploi. On peut même ainsi pousser les gens à participer à l'économie souterraine ou à immigrer.

La répartition effectuée dans le cadre du Régime de pensions du Canada signifie que l'on prend de l'argent de certains pour le donner à d'autres, et si on ne s'intéresse qu'aux personnes qui reçoivent l'argent, on oublie naturellement l'envers de la médaille, soit la lourdeur des charges sociales qui détruit les emplois et accroît un fardeau fiscal à mon avis déjà un peu trop lourd.

Nous avons un programme de répartition—nous en avons plus qu'un—très pertinent dans le contexte de notre discussion. Nous avons un système d'imposition progressive qui monte en flèche par rapport au revenu, nous avons aussi un régime de prestations aux personnes âgées qui est explicitement axé sur le revenu. Il me semble que si l'on veut redistribuer des revenus aux personnes âgées et adopter des dispositions spéciales à l'intention de ceux qui seront pauvres à la fin de leur vie, certainement la pire des pauvretés, il faudrait le faire au moyen de programmes spécialement conçus. Ne cherchez pas à utiliser à cette fin ce qu'on appelle un régime de pension, un régime qui de bien des points de vue serait similaire à un régime de pension, à des fins de redistribution. Ce faisant, vous menacez la viabilité du Régime de pensions du Canada parce que vous l'appliquez à un objectif pour lequel il n'a pas vraiment été conçu.

Je soutiens que, pour la redistribution, il faut lier le régime d'imposition des particuliers et les prestations aux personnes âgées, et que le Régime de pensions du Canada doit demeurer simplement un régime de pension.

Le président: Merci, monsieur Robson.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Vous commencez en disant que le rendement prévu ne sera pas ce qu'il devrait être en raison de la diminution des taux d'intérêt et du taux d'inflation. Je vous rappellerais, et vous le savez mieux que moi, que les actuaires effectuent une révision régulière et que si, l'année prochaine, on avait des taux d'intérêt ou des taux d'inflation beaucoup plus élevés, sur une base de 20 ans, on devrait être capables de rattraper le retard.

Trois points principaux que vous avez soulevés m'intéressent. Premièrement, quand vous dites que ça peut tuer des emplois, vous ne dites pas combien d'emplois pourraient être perdus, ni de quelle façon on pourrait—puisqu'on doit quand même renflouer les fonds—annuler l'effet au niveau des emplois, ni à quelles mesures on pourrait recourir pour régulariser cette situation. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

M. William Robson: Permettez-moi de répliquer d'abord à ce que vous avez dit au sujet de l'inflation. Si l'inflation a un effet sur les projections... Deux éléments clés interviennent lorsque le taux d'inflation est faible. Premièrement, si le projet de loi est adopté, la pension maximale sera calculée en fonction d'une moyenne de cinq ans plutôt que de trois, la pension moyenne sera réduite de l'équivalent de l'augmentation d'une année. Un fort taux d'inflation influe plus sur la réduction des prestations qu'un taux faible.

Je n'aime pas recourir à l'inflation pour réduire les prestations. Je n'aime pas le fait que l'impôt sur le revenu des particuliers n'est pas entièrement indexé. Je n'aime pas que l'on utilise l'inflation pour percevoir des impôts indirects, et quand j'ai mentionné qu'un faible taux d'inflation avait un effet négatif sur les projections, je ne voulais absolument pas laisser entendre qu'une inflation plus élevée serait préférable.

• 1150

L'autre aspect que je veux signaler est que l'inflation va dans le même sens que les projections parce que plus elle est élevée, et plus le gel sur l'exemption de base de l'année influe à la hausse sur des cotisations. Si vous préférez, on peut mettre l'inflation au service d'une augmentation indirecte des impôts.

Si l'inflation est faible, cet effet est moins prononcé. Là encore, les projections s'en trouvent modifiées, mais je recommanderais tout de même de postuler un plus fort taux d'inflation.

La question de l'effet pervers sur l'emploi est extrêmement complexe. Les économistes ne s'entendent pas du tout quant à la façon dont les charges sociales influent sur l'emploi, parce que les effets à court terme et les effets à long terme sont fort différents.

À long terme, on s'entend généralement pour dire que les charges sociales sont perçues sur votre chèque de paie. À court terme, pourtant, divers facteurs font que cela ne se produit pas ainsi. Il y a la rémunération à forfait, les contraintes liées aux mouvements de trésorerie des employeurs, et quand on commence à prélever des fonds sur les paiements des employeurs aux employés, à en prélever plus, cela risque de nuire à l'emploi.

Je crois qu'à court terme, c'était la meilleure façon de procéder. Je tiens à souligner à nouveau que, surtout si la capitalisation du régime rassure les jeunes, alors une partie de la hausse des cotisations au RPC devient simplement une cotisation comme une autre, versée dans le but de recevoir une autre prestation de retraite ou, par exemple, des prestations d'assurance-emploi, quelque chose comme cela. Là n'est pas la question. Le grand problème, c'est qu'une partie de ce montant est purement et simplement un impôt. C'est probablement ce qui va faire du tort à l'emploi.

À court terme, c'était vraiment la façon dont il convenait de procéder. À long terme, comme je l'ai dit, je crois qu'il faut trouver d'autres solutions.

Je proposerais de financer une partie de l'obligation non capitalisée au moyen d'une taxe à la consommation plus élevée, mais pour l'instant je ne crois pas que cette proposition soit très valable sur le plan politique. Je vais continuer à la présenter dans l'espoir qu'un jour elle devienne plus acceptable.

[Français]

M. André Bachand: Ce qui est surprenant, c'est qu'à la solution que je vous demande pour enrayer le fait qu'il pourrait y avoir des gens qui perdent leur emploi, vous me dites qu'on devrait transformer une augmentation de taxe pour le RPC en une autre forme de taxe. À ce moment-là, on aurait taxe par dessus taxe. Ne devrions-nous pas plutôt lancer aux gens un signal pour leur dire qu'on doit renflouer les coffres, mais qu'on va leur accorder un allégement quelconque pour faire en sorte qu'au niveau de l'économie, la confiance des gens demeure? Comme vous le savez, l'économie, c'est beaucoup ce qui se passe entre les deux oreilles des gens, au niveau des consommateurs.

Je voudrais aller plus loin puisque que le temps me presse. Vous parlez de 20 p. 100 d'investissements étrangers au niveau du Régime de pensions du Canada. Est-ce que vous formuleriez la même recommandation au niveau des régimes privés?

[Traduction]

M. William Robson: Premièrement, au sujet des taxes, je crois qu'il faut bien faire comprendre que nous allons mieux provisionner le régime. C'est un message très important. À mon avis, les jeunes Canadiens qui cotisent à l'heure actuelle au régime auront ainsi plus de chance d'en retirer quelque chose.

Je crois que dans le cas du Québec, parce qu'il existe un fond, les gens ont vraiment l'impression qu'ils retireront des prestations.

Parce que cela n'a pas directement trait au projet de loi, je me contente de mentionner que si vous vous inquiétez des effets à court terme que ces augmentations d'impôt auront sur l'emploi, on pourrait envisager d'utiliser les primes d'assurance-emploi et, dans quelques années j'espère, tenter de réduire les impôts personnels.

Pour ce qui est de la règle relative à l'investissement étranger, j'aimerais la voir disparaître. À mon avis, elle n'a pas sa raison d'être. Ce qui m'ennuie à son sujet, notamment, c'est qu'il vous est très facile et peu coûteux de la contourner si vous gérez un important fonds de pension. Si vous êtes un petit investisseur, vous avez un petit fonds de pension, vous achetez des fonds mutuels, vous pouvez la contourner, mais il vous en coûtera de 1,5 à deux pour cent par année pour le faire.

La règle est beaucoup plus contraignante, ses effets sont beaucoup plus marqués, pour le petit investisseur. Pour les grands fonds de pension, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada ou la Caisse de retraite des enseignants de l'Ontario, par exemple, il est possible de faire jouer d'autres mécanismes, et cette règle n'affecte pas, concrètement, le taux de rendement.

[Français]

M. André Bachand: Monsieur le président, je ne sais pas si j'ai le temps de formuler une dernière question très rapidement.

Vous avez parlé du Québec. Au Québec, il y a la Caisse de dépôt et placement du Québec qui fait des investissements, qui a perdu de l'argent dans l'aventure Bre-X et qui est très présente à la Bourse de Toronto.

• 1155

Beaucoup de gens commencent à avoir peur de la force institutionnelle de l'organisme qui gérera le RPC; on parle de centaines de milliards de dollars. Imaginez-vous la force positive, mais aussi la force négative, dont dispose la personne qui est aux commandes de cette machine-là. Vous en parlez, mais pas beaucoup. Est-ce que vous seriez prêt à préciser davantage comment la gestion de ces fonds devrait fonctionner? Est-ce qu'on parle de calquer la Caisse de dépôt? Certains ont même soulevé une cogestion avec les provinces pour faire en sorte que ces sommes soient appliquées au développement de différentes parties du Canada et servent de levier économique. Vous n'avez pas beaucoup précisé votre pensée à cet égard. Vous nous dites de faire attention, mais quelle structure privilégiez-vous?

[Traduction]

M. William Robson: La structure envisagée dans le projet de loi C-2 est assez bien adaptée à ce but. Il est évident qu'elle favorise les intérêts des cotisants au régime en ce sens qu'ils en tirent de bonnes pensions, compte tenu des fonds qu'ils y ont investis, ce qui doit être en principe l'objectif premier du fonds. Bref, dans un monde imparfait, on ne peut guère espérer mieux de ce genre de régime.

Le président: Merci, monsieur Robson, merci, monsieur Bachand.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Je vous remercie d'être venu, monsieur Robson. La plupart des Canadiens qui s'intéressent à la gestion des finances du Canada, ou à l'investissement, se tournent vers l'Institut C.D. Howe pour connaître l'opinion des spécialistes. Je crois que cette bonne réputation est bien méritée.

Je suis né en 1948. Le rapport de l'actuaire en chef montre que le taux de rendement réel du régime actuel, dans mon cas, sera de 5,4 p. 100 et diminuera d'un demi-point pour passer à 4,9 p. 100. Si vous regardez un peu plus loin dans le tableau, pour ceux qui naîtront en l'an 2012, le taux de rendement du régime actuel serait de seulement 1,5 p. 100, mais passerait ensuite à 1,8 p. 100 plutôt que de continuer à baisser.

La question de l'équité intergénérationnelle prend donc un nouveau sens. Il est plutôt difficile de régler le problème, lorsque vous en êtes déjà aux trois quarts de votre carrière et que vous avez versé une grande partie de vos cotisations, parce que les taux devraient alors augmenter beaucoup plus pour certaines personnes ou être réduits à l'avenir pour véritablement parvenir à l'équité intergénérationnelle. Je vous demande donc si ce taux uniforme de 9,9 p. 100 rétablira les choses et mettra chacun sur un pied d'égalité.

Est-ce que vous avez d'autres recommandations à faire pour accélérer ou régler plus efficacement ce problème d'équité intergénérationnelle?

M. William Robson: La seule proposition utile à laquelle je puisse penser, je l'ai déjà mentionnée. Il s'agirait de financer une partie des obligations non capitalisées du Régime de pensions du Canada au moyen d'une taxe à la consommation. Comme vous le constatez dans le tableau, seules les personnes qui cotisent à l'heure actuelle au régime sont touchées par ce changement. Évidemment, les personnes qui ont déjà pris leur retraite bénéficieront des meilleurs rendements.

Si nous voulons revenir en arrière et corriger une partie du déséquilibre intergénérationnel que le Régime de pensions du Canada a créé, la façon la plus directe de procéder serait, je crois, de transférer une partie des obligations non capitalisées au budget du gouvernement fédéral. Si les provinces décidaient, l'une après l'autre, de suivre l'exemple du Québec et de se désaffilier du régime pour créer leurs propres caisses, provisionnées grâce à une taxe à la consommation, cela serait également faisable.

M. Paul Szabo: Si vous adoptez cette approche, cependant, il vous faudra accroître les impôts ou réduire les dépenses, et toutes ces mesures toucheraient tous les Canadiens. Par conséquent, les bénéficiaires actuels du RPC feraient en partie les frais de la solution au problème des obligations non capitalisées ou de la discrimination intergénérationnelle.

• 1200

Vous seriez donc disposé à mettre les personnes âgées à contribution.

M. William Robson: En effet, je le serais, mais au moyen de taxes à la consommation. Je ne suis pas porté à calculer les primes en fonction de l'âge, d'une façon quelconque ou, par exemple, à réduire les prestations que reçoivent actuellement les personnes âgées. Même si les deux populations se recoupent, il demeure que les prestations versées aux personnes âgées en fonction du revenu répondent, de toute évidence, à un besoin. Le RPC ne vous concerne que si vous avez travaillé.

Je voulais parler d'un autre aspect que vous avez mentionné dans la première partie de la question. Les régimes de ce type, même dans le secteur privé, sont toujours à la merci des personnes sur le point de prendre leur retraite et qui veulent maximiser leurs perspectives de revenu avant de partir. C'est ce qui se passe constamment dans les programmes d'incitation à la retraite. Cela se produit dans le secteur privé aussi.

Si vous n'aimez pas que notre structure institutionnelle permette ce genre de chose, je manque peut-être d'imagination, mais il me semble que les caisses de retraite personnelles sont la meilleure façon de l'éviter. Tant que la structure institutionnelle actuelle est en place, cette dynamique interviendra toujours. Elle existe aussi dans le secteur privé. Cela n'est pas un problème particulier au secteur public.

Ce genre de régime offre toujours à ceux qui sont sur le point de toucher des prestations la tentation de s'enrichir au détriment de ceux qui viendront par la suite.

M. Paul Szabo: Finalement, toute la discussion que nous avons tenue au sujet de vos déclarations semble avoir écarté les volets assurance de la prestation: invalidité, prestation de survivant, prestation de décès, etc. On nous a dit que les coûts totaux des prestations du RPC s'élèvent à six pour cent: 4,3 p. 100 pour les pensions, 1,7 p. 100 pour les prestations de survivant, d'invalidité et de décès, et 0,1 p. 100 au titre de l'administration. C'est donc que le 1,7 p. 100 est imputable aux volets assurance devrait s'ajouter au rendement réel qui a été calculé par l'actuaire en chef, le 1,8 p. 100, par exemple, pour les personnes nées en 2012. Ce rendement réel modifié, ce 1,8 p. 100, est le rendement de la prestation de pension par rapport à ce qu'on a investi mais n'attribue aucune valeur aux volets assurance du Régime de pensions du Canada.

Qu'avez-vous à dire à ce sujet.

M. William Robson: M. Bernard Dussault pourrait mieux vous répondre que moi. Je ne crois pas que cela soit exact, cependant. Je crois que les rendements qui sont indiqués dans le rapport s'appliquent à toutes les prestations. Lorsque j'ai parlé de l'ensemble des avantages que l'on touche à l'âge de 65 ans, j'englobais toutes ces prestations, pas seulement les prestations de retraite, mais aussi les prestations de survivant et d'invalidité, etc.

Ces projections et les chiffres que j'ai mentionnés sont fondés sur l'expérience d'un cotisant moyen et théorique, une personne dont l'existence est uniquement statistique—et qui est, malheureusement, des deux sexes en même temps—qui a droit à tous les avantages du régime, y compris les prestations d'invalidité, les dispositions d'exclusion et toutes ces choses.

Je crois donc que ces chiffres entrent en compte.

M. Paul Szabo: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.

Monsieur Robson, je vous remercie infiniment de votre contribution. Vous nous avez certainement communiqué des renseignements utiles, dont nous nous servirons pour examiner plus avant le projet de loi C-2.

M. William Robson: Merci.

Le président: La séance est levée.