FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 30 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tout le monde.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, notre ordre de renvoi prévoit aujourd'hui l'étude des dispositions de la Loi sur les banques relatives aux ventes liées.
Vous savez tous comment nous procédons. Nos témoins feront d'abord des déclarations d'ouverture de 5 à 10 minutes. Ensuite, nous passerons à la période de questions et les réformistes auront la parole pour commencer. Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à M. Frank Swedlove, directeur, et à Mme Annette Gibbons, analyste principale, de la Division du secteur financier, Direction générale de la politique du secteur financier du ministère des Finances. Soyez les bienvenus. Vous pouvez commencer.
M. Frank Swedlove (directeur, Division du secteur financier, Direction générale de la politique du secteur financier, ministère des Finances): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de témoigner devant le comité aujourd'hui.
J'aimerais tout d'abord examiner la modification relative à la vente liée qui a été rédigée en réponse à la révision en 1997 de la législation sur les institutions financières.
Une modification relative à la vente liée a été incluse dans le projet de loi C-82 et elle devait être adoptée le 30 septembre 1998.
L'élément principal de la disposition relative à la vente liée est conçu pour empêcher les formes coercitives de vente liée. Plus précisément, il interdirait à la banque d'exercer de la coercition ou d'imposer des pressions indues pour forcer un client à obtenir un produit financier auprès de la banque ou de l'une de ses filiales pour obtenir un prêt de la banque.
Lorsque le projet de loi C-82 a été rédigé, on a reconnu qu'il y avait des formes bénéfiques de vente liée et que des mesures devaient être prises pour les encourager. Les formes bénéfiques de vente liée permettent aux consommateurs de réaliser des économies importantes grâce au regroupement des produits. Des ventes liées de ce genre sont effectuées dans divers secteurs. Souvent, le consommateur se voit offrir un produit à un prix réduit s'il acquiert un autre produit ou un autre service.
La disposition relative à la vente liée identifie donc certains types de pratiques admissibles pour les banques. Elle permettrait à la banque d'offrir un prêt à des conditions plus favorables à un client qui obtient un autre produit auprès de la banque ou de l'une de ses filiales. De même, la disposition permettrait à la banque d'offrir un produit à des conditions plus favorables à un client qui obtient aussi un prêt auprès de la banque. Enfin, la disposition relative à la vente liée permettrait au gouvernement de préciser par règlement les comportements qui constituent ou non l'exercice de pressions indues ou la coercition.
Compte tenu de la complexité de cette question, et en particulier de la difficulté de définir ce que pourraient être des pratiques coercitives, le gouvernement a décidé qu'il convenait de poursuivre la discussion au sujet de la vente liée. En conséquence, le comité des finances a été prié de se pencher sur la question avant que toute mesure soit prise pour adopter la disposition relative à la vente liée.
Pendant le débat au sujet du projet de loi C-82 au Parlement, le gouvernement a affirmé qu'il avait l'intention de demander aux institutions financières d'élaborer des politiques relatives à la vente liée. Le printemps dernier, nous avons commencé à demander aux institutions financières d'établir des politiques qui interdiraient les ventes liées abusives. Je vous soulignerais que l'Association des banquiers canadiens a récemment répondu à cette demande en préparant un énoncé sur la vente liée.
• 0915
Je crois savoir que les banques ont maintenant publié un
dépliant qui reflète les engagements pris dans la politique sur la
vente liée de l'ABC et qu'elles l'offrent à leurs clients dans
leurs succursales. La formation du personnel au sujet des
engagements pris dans ce dépliant est apparemment aussi en cours.
Je crois aussi savoir que l'industrie des compagnies d'assurance vie a maintenant élaboré une politique relative aux ventes liées, mais nous ne l'avons pas encore vue.
Des efforts ont été faits pour examiner les plaintes reçues par le gouvernement au sujet des ventes liées effectuées par les banques. Depuis le mois de mars de l'an dernier, le ministère des Finances et le Bureau du surintendant des institutions financières ont reçu au total 34 demandes de renseignements téléphoniques et plaintes écrites au sujet des ventes liées.
Nous suivrons avec intérêt les discussions qui se dérouleront pendant vos audiences et nous répondrons volontiers à vos questions. J'ai remis à la greffière un exemplaire de mon exposé dans les deux langues.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Swedlove.
Nous passons maintenant à la période de questions et réponses. Nous commencerons par M. Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président. Même si la rapidité avec laquelle on a convoqué le comité nous a laissés quelque peu perplexes, je tiens à vous féliciter d'avoir obtenu que le comité examine la question des ventes liées. Je trouve que c'est vraiment important.
Je voudrais me reporter à une observation que vous avez faite, monsieur Swedlove, et, soit dit en passant, je vous remercie vous aussi d'être venu témoigner devant le comité. Je veux parler du document auquel vous avez fait allusion, celui qui donne la position de l'Association des banquiers canadiens à propos des ventes liées. Je voudrais savoir si vous pouvez nous expliquer exactement ce que cela signifie. La déclaration semble prêter un peu à confusion.
Par exemple, l'engagement de l'Association dit que:
-
Aucune banque n'exercera de pression indue ou de coercition sur un
client dans le but qu'il se procure un produit ou un service auprès
de qui que ce soit, y compris la banque et ses filiales ou sociétés
affiliées, comme condition à l'obtention d'un prêt de la banque.
Un peu plus loin dans le même document, on trouve ceci:
-
La banque a la responsabilité de gérer le risque de crédit avec
prudence. Lorsqu'elle s'acquitte fidèlement de cette obligation, ce
sont tous ses clients qui en bénéficient. Pour assurer la gestion
du risque de crédit, la banque impose des exigences à certains
emprunteurs, comme condition préalable à l'octroi du crédit. Par
exemple, la banque peut exiger qu'un emprunteur se procure un
produit ou un service, tel un compte d'opérations ou
d'exploitation, ou qu'il s'abstienne de contracter de nouvelles
dettes, comme condition à l'octroi d'un prêt. En outre, la banque
peut exiger que l'emprunteur obtienne un produit ou un service
auprès d'une personne donnée, à titre de garantie du prêt demandé.
Toute exigence imposée dans le cadre de la gestion du risque de
crédit doit être proportionnelle au niveau de risque en cause et
doit servir à la seule fin de gérer le risque de crédit.
Monsieur le président, je me demande simplement ce que cette déclaration veut dire au juste si ce n'est pas que la banque peut opter pour la vente liée. Il est question d'imposer une condition pour l'obtention d'un prêt, par exemple.
M. Frank Swedlove: Monsieur le président, je sais que l'Association des banquiers canadiens doit témoigner devant votre comité et je pense qu'elle est probablement mieux en mesure d'expliquer les détails de son énoncé.
Nous savons que les banques, comme d'autres institutions financières, ont besoin de certaines garanties lorsqu'elles fournissent un produit. Si elles consentent un prêt, par exemple, elles ont besoin de garanties pour savoir que le prêt sera aussi protégé qu'il peut l'être et, dans certains cas, cela veut dire que la banque vérifiera la garantie ou le cautionnement. Je pense donc que certains éléments de cette politique sont tout à fait faciles à comprendre, mais pour ce qui est des détails précis...
M. Werner Schmidt: Ce n'est pas de cela que nous parlons. Il est certain que la banque doit avoir une garantie suffisante. Nous le comprenons très bien. L'énoncé dit de façon très claire:
-
...la banque impose des exigences à certains emprunteurs, comme
condition préalable à l'octroi du crédit.
-
Par exemple, la banque peut exiger qu'un emprunteur se procure un
produit ou un service, tel un compte d'opérations ou
d'exploitation, ou qu'il s'abstienne de contracter de nouvelles
dettes...
• 0920
Les derniers mots dans cette phrase parlent bien de conditions
à l'octroi d'un prêt. Si le mot «conditions» ne laisse pas entendre
qu'on veut forcer la main au client, qu'est-ce que cela veut dire?
M. Frank Swedlove: Monsieur le président, je pense qu'il serait sans doute préférable de poser ces questions à l'Association des banquiers canadiens. Nous avons une disposition qui porte sur la vente liée coercitive. Une fois que la disposition sera adoptée, on pourra prendre des mesures si les banques ne la respectent pas.
À mon avis, c'est à l'Association de vous expliquer pourquoi, d'après elle, cet énoncé est conforme au projet de loi.
M. Werner Schmidt: C'est très bien pour l'Association de dire une telle chose, mais il me semble que vous devez aussi savoir ce qui en est vu que vous êtes directeur de la division du secteur financier. Vous avez certainement contribué d'une façon quelconque à la rédaction de cette modification qui vise à empêcher les pressions coercitives ou indues. Vous devez avoir une idée de ce que cela signifie. L'Association des banquiers utilise un mot différent. Elle parle de «condition». D'après moi, ce mot signifie qu'il n'y a pas d'autre possibilité; ou bien on respecte la condition, ou bien le prêt est refusé. Et je ne pense pas que l'Association des banquiers puisse prendre une telle décision.
M. Frank Swedlove: Oui, monsieur le président, comme je le dis dans ma déclaration, cette question a toujours été délicate. Il a toujours été difficile de savoir exactement ce que signifie «la vente liée coercitive» et c'est pour cela que le projet de loi prévoit la possibilité d'établir un règlement. Nous serions certes prêts, le cas échéant, à établir un règlement approprié.
M. Werner Schmidt: Monsieur le président, ce que je veux surtout savoir, c'est si M. Swedlove avait une idée de ce que cela signifiait quand on a ajouté cette disposition pour interdire les pressions indues ou la coercition, ou s'il aurait pu ou aurait dû employer plutôt un mot comme «condition».
Ce qui est vraiment en jeu ici... il me semble que bien des gens vont lire la mesure législative. Vous la lisez, les clients, les banquiers et les compagnies d'assurance vont la lire, ainsi que tous ceux qui font affaire avec les institutions financières. Tout le monde sait, d'après la définition habituelle du dictionnaire, ce que signifie la coercition et ce que sont les pressions indues, et tout le monde sait aussi ce que le mot «condition» signifie. Il est tout à fait essentiel de pouvoir communiquer ce qu'on veut dire quand il s'agit de mesures législatives.
Je pense donc que nous n'allons pas trop loin en vous demandant, en votre qualité de fonctionnaire au service de l'État, de nous dire si, d'après vous, des mots comme «condition», «pression indue» ou «imposer» veulent tous dire à peu près la même chose et excluent la possibilité d'avoir accès à autre chose?
M. Frank Swedlove: Je ne vais pas vous dire si, à mon avis, tout l'énoncé de l'ABC est conforme ou non avec la disposition. Je regrette, mais je ne suis pas en mesure de le faire.
Si une institution exige comme condition à l'octroi d'un prêt que le client achète un autre produit, cela irait nettement à l'encontre de la disposition du projet de loi.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, monsieur Swedlove. Je comprends.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Swedlove?
M. Frank Swedlove: Je m'excuse, mais je voulais signaler l'exception relative à la garantie qui, d'après ce que vous avez dit, ne pose pas vraiment de problème.
M. Werner Schmidt: Oui.
[Français]
Le président: Monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur Swedlove, vous travaillez certainement depuis un bon nombre d'années dans le domaine dont nous parlons aujourd'hui. Toutes ces questions vous sont sans doute familières. Pour ma part, je connais beaucoup mieux les banques de la perspective d'un client.
Cela dit, j'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées que mon collègue du Parti réformiste.
• 0925
Est-ce que vous vous sentez à l'aise face à
l'énoncé de politique que les banques
ont avancé? Est-ce que vous pouvez dire à ce comité-ci
si vous vous sentez à l'aise ou si vous avez
quelques inquiétudes? Et quelles seraient ces
inquiétudes?
[Traduction]
M. Frank Swedlove: Comme je l'ai déjà dit, je ne suis vraiment pas en mesure de me prononcer de façon définitive sur l'énoncé de l'ABC.
Il me semble que l'un des objectifs des audiences du comité était de savoir dans quelle mesure les dispositions prises par les associations pour s'attaquer au problème des ventes liées répondaient aux préoccupations que soulèvent les ventes liées. Je sais que l'énoncé de l'ABC est relativement récent, mais si je ne m'abuse, c'est l'une des choses que le gouvernement voulait examiner quand il a demandé au comité parlementaire des finances de se pencher sur la question des ventes liées. Il voulait savoir quelle serait l'efficacité d'un tel énoncé, ce qui nous permettrait à notre tour de proclamer cette disposition et de savoir s'il faudra établir des règlements à ce sujet ou non.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Monsieur Swedlove, Mme Gibbons et vous êtes nos premiers témoins ce matin. Vous ouvrez le bal. On est avec vous jusqu'à 10 heures. Avez-vous quelque chose à nous dire?
[Traduction]
M. Frank Swedlove: Je répondrai volontiers aux questions, mais je ne suis vraiment pas en mesure de me prononcer sur l'énoncé de l'ABC.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Quelles questions devrions-nous poser aux autres témoins? Quels sont les points sur lesquels vous croyez qu'on devrait davantage s'attarder? Est-ce que vous pouvez nous donner quelque conseil pour nous aider à bien faire notre travail, ou peut-être vous, madame Gibbons?
[Traduction]
M. Frank Swedlove: Je suis ravi de répondre à n'importe quelle question si possible. Nous vous avons fait transmettre une nouvelle disposition législative et nous voulons savoir ce qu'en pensent les intéressés. Cependant, si vous avez des questions précises à propos de l'énoncé de l'ABC, je vous recommande fortement de les poser à l'Association des banquiers canadiens.
Nous n'avons pas vraiment eu d'échos ou de plaintes à ce sujet. Les représentants du Bureau du surintendant des institutions financières Canada témoigneront aussi devant votre comité et ce sont eux qui reçoivent la grande majorité des plaintes. Au ministère, nous n'avons reçu qu'une demi-douzaine de plaintes écrites, environ. Ces plaintes portaient sur les difficultés éprouvées par certaines personnes qui voulaient contracter un emprunt et à qui l'on avait demandé de transférer leurs fonds communs ou leur REER. C'est le genre de plaintes que nous avons reçues. Ces plaintes nous viennent dans l'ensemble de courtiers en valeurs mobilières qui nous disent que l'on a exercé de telles pressions sur leurs clients.
Lors de nos entretiens à ce sujet, l'Association des banquiers canadiens nous a dit que cette pratique ne serait pas conforme à son énoncé. Vous voudrez peut-être poser des questions à l'Association à propos de certaines pratiques dont il a été question dans les journaux.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Sur le plan purement juridique, justement parce que vous abordez la question des régimes enregistrés d'épargne-retraite, prenons comme hypothèse qu'un banquier ou une institution bancaire demande à un client de lui confier son régime enregistré d'épargne-retraite en garantie d'un prêt. Ai-je raison de croire que ce régime enregistré d'épargne-retraite serait alors automatiquement imposable?
M. Frank Swedlove: Oui.
M. Pierre de Savoye: C'est exact. De toute façon, cette pratique ne pourrait pas avoir lieu d'une façon aussi directe; cela ne pourrait se faire qu'indirectement. Dans le cas des plaintes que vous avez reçues à ce sujet, quelle était la façon indirecte de le faire?
[Traduction]
Mme Annette Gibbons (analyste principale, Division du secteur financier, Direction générale de la politique du secteur financier, ministère des Finances): Il faut d'abord savoir si le fait de recommander à quelqu'un de transférer un REER à une banque peut constituer de la coercition. C'est le genre de question sur laquelle nous espérons que le comité se penchera.
Il y a diverses façons d'interpréter la coercition. Il y a le paragraphe de la modification de la Loi sur les banques qui parle de permettre les variations de prix pour les produits regroupés. Je pense cependant que certaines des inquiétudes mentionnées dans les lettres du ministre peuvent s'appliquer aux simples suggestions. D'après ces lettres, si une banque recommande même que quelqu'un transfère son REER, en disant qu'elle offre de bons taux et que ses fonds communs ont un bon rendement, cela constitue de la coercition. C'est ce qu'il faut déterminer.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Si j'ai bien compris, l'objectif qu'on poursuit ici est de maintenir pour un client la possibilité de recevoir un service à un prix avantageux. Est-ce qu'il n'y aurait pas ici obligation pour l'institution financière de démontrer que l'offre est faite à un prix avantageux?
Mme Annette Gibbons: Je ne sais pas comment cela pourrait être fait en pratique. Il y a certains exemples dans le cas des prêts pour les REER qui sont consentis à un taux qui n'est pas normalement offert aux consommateurs. On constate qu'il y a une différence de taux et que c'est avantageux.
M. Pierre de Savoye: Je vous donne un exemple. Si vous allez à un supermarché au Québec qui fait une réclame disant que le prix courant de tel objet est de 2,99 $ et qu'il l'offre en vente à 1,99 $, alors que le client peut démontrer que le prix réel de l'objet est de 1,99 $, l'État va poursuivre le vendeur pour fausse représentation. Les institutions financières ne tombent pas sous la juridiction de la Loi sur la protection du consommateur du Québec ou d'une autre province, puisque c'est une loi fédérale qui les régit. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de prévoir quelque chose de semblable pour éviter des abus de confiance?
Mme Annette Gibbons: Est-ce que vous pouvez vraiment faire la preuve que le prix réel est de 1,99 $?
M. Pierre de Savoye: Avant que la loi n'entre en vigueur, il arrivait fréquemment qu'un commerçant prétende que le prix courant d'un article était de 2,99 $, bien qu'il n'ait jamais, au cours de la dernière année, vendu cet article à un prix autre que 2,25 $ et qu'il dise le mettre en solde à 2,24 $. Il n'y avait pas de réduction aussi importante que celle annoncée par le vendeur. Le vendeur était en train de faire de la fausse représentation. Or, il y a eu des poursuites et il y en a encore parce que, hélas, de telles choses continuent de se produire. Mais la loi est stricte et le consommateur est protégé. Il peut généralement croire que ce qu'il lit correspond à la réalité. Est-ce qu'on pourrait en arriver à quelque chose de semblable dans le cas des banques? Comment verriez-vous cela?
[Traduction]
M. Frank Swedlove: Pour reprendre votre exemple, si le prix est toujours de 2,25 $, la banque doit être prête à vendre ce produit seul 2,25 $. Il s'agit de savoir si l'institution financière a offert de vendre le produit 2,25 $, même si le prix officiel est de 2,95 $. Pouvez-vous acheter le produit 2,25 $ si c'est le seul produit que vous achetez? Ou bien pourrez-vous l'acheter 2,25 $ uniquement si vous achetez un autre produit?
Il s'agit de relier un produit à un autre. Si vous offrez une réduction, ce serait approprié.
M. Pierre de Savoye: Ma question est relativement simple. Je suis ici et la représentante de la banque est là. Elle me regarde et me dit que c'est une chose que je ne peux pas refuser. C'est une occasion que je ne peux pas rater. Je vais la croire. Mais le lendemain, j'apprends que ce n'était pas une offre du tout et que j'aurais pu acheter le même produit le même prix n'importe où ailleurs. Que puis-je faire?
M. Frank Swedlove: Je ne sais pas vraiment quel rapport il y a avec la question des ventes liées, mais...
M. Pierre de Savoye: L'assurance. C'est un exemple.
Mme Annette Gibbons: Comment, l'assurance?
[Français]
M. Pierre de Savoye: Par exemple, si on demande un prêt pour acheter une automobile ou un autre produit de consommation, il peut y avoir lieu d'obtenir une assurance. Les institutions financières du Québec peuvent offrir de tels produits. Les banques peuvent offrir d'autres produits et prétendre que le prix auquel elles les offrent est favorable, alors qu'en réalité, la banque d'en face offre le même produit au même prix et qu'un troisième fournisseur, qui ne fournit que ce produit-là et qui n'est pas dans les affaires bancaires, le fournit à un prix identique ou inférieur. Quels sont mes recours si on m'induit en erreur?
Mme Annette Gibbons: On peut toujours aller magasiner et voir ce qu'offrent les banques ou les autres institutions financières.
M. Pierre de Savoye: Quels sont mes recours si on m'induit en erreur? Est-ce que j'ai des recours ou si vous me dites que je n'ai pas de recours, que c'est caveat emptor?
Mme Annette Gibbons: Si on croit qu'il y a vraiment un problème et qu'on a exercé une certaine coercition à notre endroit, on peut avoir recours aux ombudsmen des banques. Ce système semble fonctionner en faveur du consommateur dans un pourcentage de cas assez élevé.
M. Pierre de Savoye: Je vais m'arrêter là, monsieur le président, parce que nous pourrions continuer longtemps. Vous avez été bien aimable de me laisser tout ce temps. Merci.
[Traduction]
Le président: Très bien. Nous allons donner la parole à Mme Desjarlais. Soyez la bienvenue.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci.
Vous avez déjà dit à quelques reprises qu'il faudrait attendre de voir s'il y avait coercition ou pressions indues. D'après vous, qu'est-ce qui constitue de la coercition ou des pressions indues? Vous avez une certaine expérience et vous devez donc avoir une idée de ce qui constituerait à votre avis de la coercition et des pressions indues.
M. Frank Swedlove: Il est bien évident que si quelqu'un va à la banque et se fait dire qu'il doit acheter d'autres produits comme condition pour obtenir un emprunt... Nous avons reçu quelques lettres de courtiers en valeurs mobilières pour nous dire que leurs clients avaient dû transférer leurs fonds communs aux compagnies de fonds communs de la banque. J'ignore dans combien de cas cela s'est produit, mais nous avons reçu quelques lettres à ce sujet. À mon avis, cela constitue nettement de la coercition pour la vente liée.
Mme Bev Desjarlais: Quels seraient quelques cas moins évidents qui tomberaient sous le coup de ces lignes directrices? Le cas que vous mentionnez est assez évident et j'ose espérer que nous ne serions pas ici à examiner cette question s'il n'y avait que quelques cas de ce genre. J'ai l'impression qu'il a dû y en avoir bien d'autres et qu'ils ne sont peut-être pas tous aussi évidents. Les inquiétudes à ce sujet sont peut-être donc tout à fait légitimes.
Pouvez-vous nous dire quels sont les cas moins évidents? Par exemple, nous savons peut-être que 100 personnes n'ont pas pu obtenir un prêt dans une région donnée, mais qu'elles n'avaient pas leurs REER à la banque en question. Y a-t-il moyen de s'attaquer à ces difficultés ou est-ce que cela ne pose pas de problème?
M. Frank Swedlove: Tout avocat vous dira probablement qu'on ne peut pas dire de façon définitive ce qui est coercitif et ce qui ne l'est pas, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons prévu le pouvoir d'établir des règlements. Si l'employé de la banque exerce des pressions, par exemple, et si un client a l'impression qu'il n'obtiendra pas son emprunt à moins d'acheter d'autres produits... Ce n'est peut-être pas aussi précis que dire au client qu'il doit transférer ses REER, mais on pourrait le dire d'une façon qui donnerait nettement à penser que ce serait préférable.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Pour poursuivre dans la même veine, pourrait-on avoir une définition claire de ce que sont la coercition et les pressions indues, ou cette question va-t-elle toujours rester très vague?
M. Frank Swedlove: D'après ce que nous disent nos avocats, l'un des problèmes à avoir des dispositions de ce genre dans la loi, c'est que ce serait toujours aux tribunaux d'interpréter ce qu'elles signifient.
Nous avons pensé qu'il serait utile que la loi dise quelques mots sur ce que nous considérons comme une vente liée bénéfique. Nous savons qu'on pourrait avoir une définition plus claire ailleurs. Nous voudrions que la définition soit le plus exacte possible, mais d'après ce que nous disent nos avocats, ce ne sera jamais précis au point où les tribunaux ne pourront pas interpréter ce que la coercition et les pressions indues signifient.
Mme Karen Redman: Puis-je poser quelques autres questions?
Le président: Oui, allez-y.
Mme Karen Redman: Pourrions-nous exiger—ce n'est peut-être pas une chose qu'on peut faire dans la loi—que ce soit clairement annoncé quelque part? Nous pourrions peut-être aussi préciser certaines catégories de personnes... Il me semble que, si j'ai mon REER dans une institution de bonne foi, qu'il s'agisse ou non de la banque X, cela doit constituer une garantie suffisante du prêt que vous allez m'octroyer puisqu'il s'agit d'un instrument reconnu qui a la stabilité financière qu'exige n'importe quelle institution.
Mme Annette Gibbons: On reconnaît clairement, et c'est inclus dans la modification et ce le sera aussi bientôt dans les lois provinciales, que si vous avez besoin d'assurance pour garantir un prêt, cette assurance peut être fournie par n'importe quel prêteur réputé. L'institution financière qui octroie le prêt a le droit d'approuver le prêteur, mais cette approbation ne peut pas être refusée sans motif valable. Tout prêteur réputé doit pouvoir fournir l'assurance dont le client a besoin.
Mme Karen Redman: Je vois que vous dites à la page 3 qu'aucune autre institution financière n'a encore pris des mesures pour instaurer une politique relative aux ventes liées. Je suppose qu'elles ne s'occupent pas non plus des services groupés, vu qu'il est parfois difficile de faire la distinction, si j'ai bien compris, entre l'interdistribution et la vente liée. Ce n'est pas une tendance qui se manifeste dans d'autres institutions financières, n'est-ce pas?
Mme Annette Gibbons: Au contraire. D'après nos entretiens avec les représentants de l'industrie, il y a des lois provinciales qui s'appliquent déjà aux autres industries, surtout aux assurances. Ces lois contiennent des directives générales relatives aux pratiques de vente qui s'appliquent aux ventes liées.,
Vous voudrez peut-être poser cette question aux diverses associations qui viendront témoigner devant votre comité. Comme l'a signalé M. Swedlove, la SIAP a préparé quelque chose là-dessus.
Pour répondre à votre question au sujet de l'interdistribution, c'est une chose que l'on voit dans diverses industries du secteur financier dans la mesure où cette pratique est autorisée.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Merci, madame Redman.
Je pourrais peut-être poser autrement certaines des questions posées tantôt. Pouvez-vous répondre à une question très simple? Quelle sera la conséquence pratique de proclamer l'article 459.1? Que fait-il exactement?
M. Frank Swedlove: Il interdit une telle activité. Les institutions financières seraient passibles des amendes prévues dans la Loi sur les banques si l'on constatait qu'elles se sont adonnées à une telle vente coercitive.
Le président: Qu'arriverait-il en réalité? Cela s'applique uniquement aux banques et non pas aux autres institutions financières. Pourquoi?
M. Frank Swedlove: C'est exact. Cela dépend de la Constitution. Le gouvernement fédéral a compétence relativement aux banques selon la Constitution, mais nous nous occupons des sociétés de fiducie et des compagnies d'assurances uniquement dans le cadre de notre loi de constitution des sociétés. Par conséquent, nos juristes constitutionnels ont jugé qu'il ne serait pas approprié d'appliquer ces dispositions aux autres institutions parce que nous n'avons pas le pouvoir constitutionnel de l'appliquer.
Le président: Voulez-vous dire que les autres institutions financières ne peuvent pas avoir d'activités comme les ventes liées?
M. Frank Swedlove: En effet. C'est pour cela que, quand on a décidé d'examiner cette question, nous avons demandé à toutes les institutions financières d'élaborer des politiques relativement aux ventes liées. Nous avons cependant jugé que, si nous voulions inclure une disposition à ce sujet dans la loi, le seul endroit pour le faire était la Loi sur les banques.
Le président: En 1996, le comité avait recommandé que le ministère des Finances examine les dispositions relatives aux ventes liées à l'extérieur du Canada et dans les diverses provinces canadiennes. Avez-vous mené cette étude et qu'avez-vous constaté?
Mme Annette Gibbons: Je dirais que nous n'avons pas vraiment mener d'étude officielle, mais que nous surveillons constamment les changements apportés aux lois provinciales et aux lois américaines. Nous surveillons aussi les dispositions relatives aux ventes liées et les changements qui y sont apportés. À cet égard, certains changements ont été apportés récemment aux États-Unis.
Il y a eu aussi certains changements dans les provinces, surtout pour les ventes de fonds communs. Certains ont peut-être lu un article du Globe and Mail sur cette question ce matin. Le Québec songe aussi à apporter certains changements relatifs aux ventes liées dans le cadre de son projet de loi 188.
Nous suivons de très près ce qui se passe ailleurs.
Le président: Les interdictions relatives aux ventes liées aux États-Unis sont très strictes. Est-ce vrai?
Mme Annette Gibbons: Elles étaient très strictes au départ, mais au cours des années, et surtout depuis quelques années, on a fait beaucoup pour assouplir les règles américaines qui interdisent les ventes liées. À l'heure actuelle, on permet bien des choses entre une banque et ses filiales. Les banques peuvent regrouper certains produits pour les vendre. La seule restriction, c'est que l'un de ces produits doit être un produit bancaire traditionnel, par exemple, un dépôt, un prêt et un service fiduciaire. La loi américaine est très souple pour ce qui est de permettre la fixation de prix selon les rapports entre les produits et le regroupement de certains produits.
M. Frank Swedlove: Les États-Unis ont commencé essentiellement par interdire la vente liée pour tous les produits, mais ont prévu une autorité réglementaire pour permettre certains types d'activité. Les organismes de réglementation ont eu tendance à permettre de plus en plus la vente liée.
Le Congrès étudie actuellement une loi visant à éliminer entièrement la disposition relative à la vente liée, bien que l'adoption de ce projet de loi semble être plutôt incertaine. Le projet de loi n'a pas nécessairement l'appui de l'administration.
Le président: Pourquoi? Quelle en est la raison? Pourquoi propose-t-on même une telle loi?
M. Frank Swedlove: On reconnaît qu'il y a des avantages pour le consommateur si l'on permet la vente liée et les escomptes.
Le président: Voulez-vous dire que si cette disposition concernant la vente liée était adoptée, les consommateurs pourraient en fait se retrouver victimes de ce projet de loi?
M. Frank Swedlove: Le projet de loi canadien?
Le président: Oui.
M. Frank Swedlove: Non. Nous avons certainement tenté de le rédiger de façon à ce que ce ne soit pas le cas, plus spécifiquement en permettant la vente au rabais de produits regroupés. À notre avis, c'est possible grâce à certaines dispositions spécifiques dans cet article.
Le président: Pour revenir à la question initiale, prenons un exemple moderne, disons qu'une personne, par exemple M. Clark, arrive à démêler tout cela. Il y a certaines personnes qui ne sont peut-être pas en mesure de le faire. Peut-être qu'elles n'ont pas les connaissances ou qu'elles ne sont pas au courant des mesures de protection du consommateur. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les gens se retrouvent dans une telle situation. Tout à coup, on s'aperçoit qu'une banque a commis une infraction relative à la vente liée. Qu'arrive-t-il à cette institution financière?
M. Frank Swedlove: Vous voulez dire après la proclamation de cette disposition?
Le président: C'est exact.
M. Frank Swedlove: La banque sera assujettie aux pénalités prévues dans la loi. La loi prévoit des amendes considérables et même des peines d'emprisonnement.
On espère que les institutions, de façon générale, pourraient réagir à ce type d'abus. Par exemple, les banques ont établi tout un système d'ombudsman, tant à l'intérieur des succursales qu'à la grandeur de l'industrie, et elles pourraient réagir rapidement à tout abus de ce genre. Si elles ne le faisaient pas, la loi est là et des mesures pourraient être prises.
Le président: Pouvez-vous nous expliquer quel est le rôle du BSIF relativement à la vente liée?
M. Frank Swedlove: Pour toutes les dispositions de la Loi sur les banques, le BSIF est responsable de surveiller la conformité à la loi. Il s'occuperait surtout de répondre aux plaintes. Nous prenons des mesures pour que les consommateurs sachent que s'ils ont des problèmes avec leurs institutions financières, notamment les banques, ils peuvent s'adresser au BSIF. Le BSIF examine chaque plainte, tient des statistiques sur les plaintes et tente de travailler avec les institutions pour y répondre.
Le président: Qu'arriverait-il si une accusation était déposée auprès du BSIF?
M. Frank Swedlove: À ce moment-ci—et M. Thompson comparaîtra et pourra sans doute vous donner plus détails—, je crois comprendre que lorsque le BSIF reçoit une plainte au sujet d'une institution, il communique avec l'institution pour essayer de comprendre en quoi consiste le problème, de régler le problème, de répondre aux préoccupations du consommateur, si ces préoccupations sont justifiées.
Encore une fois, je pense que le système d'ombudsman qui a été établi a tout au moins permis au consommateur de tenter de travailler avec l'institution financière pour résoudre le problème. Si cela ne fonctionne pas, alors au moins le Bureau du surintendant des institutions financières est là pour essayer d'aider le consommateur.
Le président: Merci, monsieur Swedlove.
Monsieur Solberg.
M. Monte Solbert (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, Monsieur le président, et je m'excuse de mon retard. Nous n'avons été avisés de la tenue de ces audiences que jeudi, et j'avais des engagements de longue date, ce qui fait que je devrai repartir sous peu également.
Je veux commencer par demander s'il est déjà illégal d'essayer d'exercer de la coercition pour forcer quelqu'un à faire quelque chose. N'est-ce pas déjà illégal?
Mme Annette Gibbons: Je suis certaine qu'au cours de séances précédentes du comité sur cette question, on a abordé les dispositions de la Loi sur la concurrence concernant la vente liée. Dans la Loi sur les banques comme telle, la seule disposition qui existe à l'heure actuelle concerne l'exigence d'avoir une assurance pour garantir un prêt.
M. Monte Solberg: Je veux dire de façon générale. En droit, si on tente de forcer quelqu'un à faire quelque chose—et je ne suis pas un spécialiste, je ne suis pas avocat—, j'ai l'impression que cela est illégal, n'est-ce pas? Seul le gouvernement peut forcer quelqu'un à faire quelque chose. Si vous êtes un particulier, la loi prévoit des pénalités.
Ce que je veux savoir, c'est s'il existe déjà des dispositions dans la common law, depuis les centaines d'années qu'elle existe, pour déterminer ce qui constitue une coercition. N'y a-t-il pas déjà toutes sortes de dispositions en place pour empêcher les particuliers ou les sociétés de forcer quelqu'un à faire quelque chose?
M. Frank Swedlove: Tout d'abord, c'est sans doute un domaine qui relève davantage de la compétence provinciale puisque cela définirait le droit des obligations. Cela étant dit, je présume que personne n'est vraiment obligé d'acheter un produit particulier. La personne peut tout simplement se lever et partir. Si vous parlez d'obliger quelqu'un à acheter un produit, alors je ne crois pas que ce soit le cas. Il s'agit de savoir si on a exercé de la coercition ou si on vous a obligé à acheter un autre produit.
Moi non plus je ne suis pas un spécialiste, mais je présume que puisque certaines provinces envisagent la possibilité de mettre en place des dispositions spécifiques relatives à la vente liée, cela signifie que les lois actuelles sont lacunaires à cet égard.
M. Monte Solberg: Savons-nous si quelqu'un a déjà contesté ce genre de chose devant les tribunaux?
Je pense comprendre pourquoi les gens ont l'impression que la coercition a été exercée dans certains cas, car le crédit est un produit unique en quelque sorte. Lorsque je pense à tous les produits qu'offrent les institutions financières, un prêt est sans doute le produit le plus difficile à obtenir pour la plupart des gens, et celui qui a également la plus grande importance. Étant donné que certaines personnes ont l'impression qu'il n'y a qu'un petit groupe d'institutions qui offrent des prêts, je suppose qu'elles n'ont vraiment pas d'autre choix dans certains cas. Elles doivent vraiment rester avec cette institution si elles veulent obtenir un prêt ou le garder.
• 0955
Ce que je dis, c'est que si c'est le cas, et que nous ne
pouvons déterminer exactement ce qu'est la coercition ou si nous
semblons avoir de la difficulté à le déterminer, pourquoi ne
pourrions-nous pas laisser les tribunaux, qui ont l'expérience de
mille ans de common law et qui se sont déjà penchés sur ces
questions par le passé—je suis certain qu'il y a des volumes de
jurisprudence sur la question—déterminer ce qui constitue de la
coercition?
M. Frank Swedlove: En l'absence de dispositions de cette nature, ou étant donné les mesures prises par les provinces relativement aux fonds communs de placement, par exemple, nous savons que les organismes de réglementation des valeurs mobilières cherchent à établir une règle qui interdirait la vente liée de produits de fonds commun lorsqu'aucun rabais n'est offert. Il est clair que l'on craint que la loi actuelle ne puisse empêcher cette activité et qu'il est par conséquent nécessaire de prendre des mesures législatives à cet effet.
M. Monte Solberg: Il y a quelques instants, vous avez laissé entendre que les gens n'étaient pas vraiment forcés de faire ces choses. Je pense qu'il est très important de définir ce que nous disons ici. Si les gens ne sont pas vraiment forcés de faire quelque chose, alors nous devrions le dire très clairement. S'ils ont la possibilité de s'en aller mais que cela serait vraiment difficile ou peu pratique pour eux, alors peut-être est-ce cela que nous devrions examiner plutôt que la coercition. Je pense qu'il est juste de dire que dans la plupart des cas, il est possible pour quiconque d'exercer de la coercition sur une autre personne. Il y a sans doute des façons de le faire.
Peut-être que nous ne parlons pas vraiment de coercition ici mais plutôt de la façon dont une institution peut exercer des pressions sur les gens. C'est peut-être là le problème. Et si c'est le cas, je pense que cela est très différent d'exercer de la coercition pour forcer quelqu'un à faire quelque chose. À votre avis, est-ce que je me trompe en disant cela?
M. Frank Swedlove: Non. La loi parle à la fois de «coercition» et de «pressions indues». Nous avons reconnu que le terme «coercition» n'était peut-être pas suffisant à lui seul pour définir la préoccupation, de sorte que nous avons également utilisé l'expression «pressions indues». Je reconnais cependant que l'on se retrouve avec des difficultés semblables pour ce qui est de la définition.
M. Monte Solberg: Donc en fin de compte, s'il y a litige à ce sujet, l'affaire sera portée devant les tribunaux de toute façon.
M. Frank Swedlove: Oui. Encore une fois, cependant, nous avons le pouvoir de réglementation, de sorte que si on décide de prendre un règlement qui permettrait de définir certaines choses plus clairement, cela pourrait rétrécir la portée pour les tribunaux. Cependant, comme je l'ai déjà mentionné, si nous n'avons pas cela, il est clair que cette question pourrait être interprétée par les tribunaux.
M. Monte Solberg: Je vais conclure en disant tout simplement, monsieur le président, que je suis quelque peu inquiet qu'en fin de compte, même si tout le monde est préoccupé par la possibilité que quelqu'un puisse être forcé à faire quelque chose, notre incapacité à définir réellement ce que cela signifie fera en sorte que tout changement que nous apporterons sera en grande partie inutile. En fin de compte, ce sont les tribunaux qui trancheront, tout comme il l'ont toujours fait auparavant.
C'est tout ce que je dirai pour l'instant.
Le président: J'ai une dernière question par rapport à... Le but de ces audiences est également d'éduquer les Canadiens. Cette question doit être abordée dans une tribune plus importante réunissant les consommateurs canadiens mais également les institutions financières.
• 1000
Tout cela n'est pas très clair. Disons que la banque ne
respecte pas cet article. Qu'arriverait-il? Dites-vous que
l'ombudsman serait saisi de la question? C'était ma dernière
question. Lorsqu'il y a violation, à qui le consommateur doit-il
s'adresser?
M. Frank Swedlove: Les banques ont mis en place un système d'ombudsman et nous les encourageons à faire le plus de publicité possible concernant l'existence de ce système car, nous l'espérons, cela permettra de répondre à certaines des préoccupations des consommateurs. Si ceux-ci ne sont pas bien traités par les banques, nous espérons que le système d'ombudsman réglera le problème. Vous entendrez le témoignage de l'ombudsman des banques et je suis certain que vous aurez un certain nombre de questions à lui poser.
Notre responsabilité consiste essentiellement à nous assurer que la loi est respectée. S'il y a des situations où la loi n'est pas suivie et que nous entendons dire que de telles situations se produisent, il nous faudrait alors prendre des mesures. S'il y a un problème systémique, nous voudrions que les banques réagissent rapidement. S'il y a un problème persistent, il est certain que les dispositions concernant les pénalités commenceraient effectivement à s'appliquer.
Le président: Je voulais tout simplement revenir à quelque chose qu'a dit M. Solberg, c'est-à-dire que les gens se sentaient peut-être limités dans leur choix lorsqu'ils veulent obtenir du crédit ou d'autres produits. Je ne sais pas si je peux parler au nom de M. Solberg, mais pour reprendre ce qu'il disait, en ayant cette disposition relative à la vente liée dans la Loi sur les banques, n'admet-on pas ainsi que le secteur bancaire n'est pas concurrentiel?
M. Frank Swedlove: Je pense que l'on reconnaît ainsi que la vente des services financiers est un domaine de plus en plus complexe où les banques offrent une large gamme de services. La possibilité qu'il y ait des problèmes relativement à la vente liée de produits est plus grande qu'elle ne l'a jamais été auparavant.
Je ne dis pas qu'il y ait un problème. Je dis tout simplement que lorsqu'on vend toute une série de produits et qu'on n'offre pas tout simplement des dépôts et des prêts, la possibilité de lier la vente d'un produit est certainement présente et la possibilité de coercition et de pressions indues est présente également. Par conséquent, nous pensons que cette disposition tente de faire face à ce genre d'environnement en constante évolution dans lequel les banques offrent dorénavant une gamme beaucoup plus large de produits.
Le président: Avant de conclure, j'aimerais revenir sur un point qui ne s'applique qu'aux banques. Vous dites que la raison est purement constitutionnelle. Est-ce bien cela?
Si les règles applicables au secteur des services financiers au Canada changent et que de plus en plus d'établissements financiers offrent les mêmes services, il me semble logique que nous réexaminions tout le système. Pourquoi cette disposition relative aux ventes liées s'applique-t-elle uniquement aux banques? J'ai l'intention de poser la même question au secteur de l'assurance, aux courtiers en placement et aux banques. Je veux connaître le fin mot de cette affaire.
M. Frank Swedlove: Vous avez raison, monsieur le président, la situation est quelque peu délicate puisque nous tentons, dans toutes les lois applicables au secteur financier, de faire en sorte que les institutions soient traitées de la même façon. Ainsi, si vous prenez la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d'assurance, la Loi sur les associations coopératives de crédit et la Loi sur les sociétés de fiducie, vous constaterez que le libellé des dispositions est quasi identique dans chacune d'elles. Ainsi, nous tentons d'assurer une certaine uniformité.
Nous avons dans certaines lois des dispositions de protection des consommateurs mais il s'agit essentiellement d'obligations de divulgation et de mécanismes de traitement des plaintes plutôt que de la relation entre le client et l'établissement financier.
• 1005
Quand nous essayons de définir cette relation ou de nous y
ingérer, cela suscite des problèmes d'ordre constitutionnel. Le
ministère de la Justice a jugé que s'il était approprié d'aller de
l'avant avec la disposition applicable aux banques, nous ne
pouvions pas le faire à l'égard d'autres établissements financiers
à charte fédérale où la seule loi est la loi constitutive.
Le président: La Loi sur les sociétés de fiducie et la Loi sur les sociétés de prêts renferment chacune un article interdisant le recours à des moyens de pression pour conclure une vente, mais l'interdiction ne concerne que les produits d'assurance. Est-ce bien cela?
Mme Annette Gibbons: C'est exact.
Le président: Pourquoi? Devrions-nous modifier ces lois aussi?
Mme Annette Gibbons: Cette disposition est modelée sur celle de la Loi sur les banques qui interdit les ventes liées, mais comme l'a expliqué M. Swedlove, si l'on voulait imposer une interdiction générale de vente liée, cela soulèverait des problèmes d'ordre constitutionnel.
Le président: Avec les sociétés de fiducie.
Mme Annette Gibbons: Avec les sociétés de fiducie et les sociétés d'assurance.
M. Frank Swedlove: Oui.
Le président: Merci. J'apprécie cette réponse. Je crois que nous comprenons mieux maintenant.
Il ne fait aucun doute qu'il faudra plus de deux jours d'audiences. Il y a de nombreuses définitions que nous devons examiner. Après M. Clark, j'aimerais entendre davantage de particuliers qui ont à se plaindre du traitement qu'ils ont reçu. Il y a aussi la question de savoir pourquoi cette disposition ne s'applique qu'aux banques. J'aimerais faire la lumière sur cette affaire aussi.
Merci, monsieur Gibbons et monsieur Swedlove. Vous nous avez été très utiles.
Nous allons lever la séance pour deux et trois minutes et nous reviendrons après.
Le président: Le comité reprend ses travaux et nous accueillons maintenant du Bureau d'assurance du Canada, M. George Anderson, président et directeur général; Mark Yakabuski, directeur, Relations gouvernementales; et Randy Bundus, codirecteur du contentieux. Ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant le comité des finances et vous savez donc comment nous procédons. Je vais vous accorder environ 10 minutes pour l'exposé préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Allez-y, monsieur Anderson.
M. George D. Anderson (président et directeur général, Bureau d'assurance du Canada): Merci, monsieur le président. J'aimerais d'abord vous prier d'excuser le ton de ma voix qui n'est jamais celle d'un stentor et qui l'est encore moins aujourd'hui à cause de la grippe.
Je suis ravi de comparaître aujourd'hui au nom du Bureau d'assurance du Canada pour présenter notre point de vue sur cette question épineuse et difficile à saisir qu'est la vente liée. Comme vous l'avez mentionné, j'ai à mes côtés ce matin Mark Yakabuski, qui dirige notre bureau d'Ottawa, et M. Randy Bundus qui, étant avocat, pourra répondre aux questions d'ordre juridique. Il connaît aussi très bien les lois provinciales.
Je voudrais d'abord préciser qu'en raison du délai très court pour nous préparer à cette audience, nous n'avons pas eu la possibilité de consulter nos membres sur les questions que je vais aborder aujourd'hui. J'aimerais donc la possibilité de présenter une version définitive de notre mémoire vers la fin de la semaine. Je crois toutefois que nos membres appuient nos principales recommandations.
Nous nous exprimons au nom de l'industrie canadienne de l'assurance de dommages qui emploie 100 000 Canadiens partout au Canada et qui a versé l'année dernière près de 13 milliards de dollars aux consommateurs à la suite de pertes touchant leurs automobiles, résidences et commerces, ainsi qu'aux victimes d'accident.
• 1015
Tout récemment, notre industrie, comme vous le savez, a joué
un rôle essentiel au Québec, dans l'Est de l'Ontario et dans
certaines régions des Maritimes à la suite de la tempête de verglas
de 1998. Nous avons déjà reçu des réclamations de près de 800
millions de dollars découlant de celle-ci. Une fois que le compte
final aura été fait, nous prévoyons que nos membres auront versé
plus de 1 milliard de dollars et aidé plus de 500 000 familles et
entreprises à traverser certains des moments les plus pénibles de
leur vie.
La société de valeurs First Marathon a récemment décrit l'industrie de l'assurance de dommages comme la plus concurrentielle du secteur des services financiers au Canada. Près de 220 sociétés se font une chaude lutte pour satisfaire aux besoins en constante évolution des Canadiens. Ce niveau de concurrence procure des avantages importants aux consommateurs.
Les ventes liées limitent justement ce genre de concurrence avantageuse en réduisant les choix des consommateurs en matière d'achat de services financiers distincts. Les consommateurs sont perdants lorsque les sociétés rendent l'achat d'un produit conditionnel, officiellement ou non, à l'achat d'un autre. Les ventes liées ont lieu lorsque l'achat d'un produit est lié à celui d'un autre.
Cette situation n'arrive vraisemblablement pas souvent. Les clients sont trop bien renseignés pour cela de nos jours. Toutefois, il y a fort probablement un grand nombre de cas où les consommateurs subissent une forte pression—parfois appelée interdistribution coercitive—qui les oblige à acheter le produit B pour obtenir le produit A. Les deux genres de ventes conditionnelles enlèvent aux consommateurs le droit fondamental de choisir les meilleurs services financiers qui répondent à leurs besoins.
La vente conditionnelle, qu'il s'agisse de ventes liées ou d'interdistribution coercitive, doit être distinguée des situations où les sociétés offrent un rabais aux consommateurs achetant deux produits connexes. Par exemple, une pratique courante dans notre secteur consiste à accorder un rabais important à nos clients qui achètent à la fois des assurances automobiles et résidentielles. Les consommateurs ont toujours la possibilité d'acheter leurs assurances auprès d'autres assureurs.
En ce qui concerne notre secteur, plus des deux tiers des consommateurs canadiens sont déjà à l'abri de la vente liée et de l'interdistribution coercitive. L'Ontario, la Colombie-Britannique, le Québec et la Saskatchewan ont toutes établi des dispositions législatives interdisant la vente conditionnelle d'assurances.
La Saskatchewan met actuellement à jour la Insurance Act. Son avant-projet de modification de la loi vise à renforcer les dispositions sur la vente liée et l'interdistribution coercitive en mettant l'accent sur les circonstances où l'octroi de crédit ou d'autre forme de financement sert à restreindre les choix des consommateurs. Je crois que c'est là la question clé que doit examiner le comité, celle de l'octroi de crédit lié à l'obtention d'autres produits.
Nous sommes prêts à collaborer avec toutes les autres provinces qui désirent adopter de telles dispositions et nous croyons qu'il est bon de continuer de permettre aux provinces de réglementer cette activité dans le secteur de l'assurance multirisques afin d'éviter une autre ronde de «duels de compétence» sur cette affaire.
Il nous semble que le principal défi que doit relever ce comité c'est de s'assurer que des mesures efficaces sont aussi en place au niveau fédéral, ce qui signifie, à toutes fins pratiques, le secteur bancaire.
La nécessité de protéger les consommateurs contre la vente liée et l'interdistribution coercitive dans le secteur bancaire est tout à fait claire. J'ai mentionné plus tôt que la Saskatchewan modifiait actuellement sa législation sur les institutions financières pour tenir compte des situations où une institution financière utilise l'octroi de crédit pour amener les consommateurs à acheter d'autres services. Il faut reconnaître que les opérations liées au crédit offrent des occasions idéales de vente liée et d'interdistribution coercitive.
Les membres du comité savent que la concentration du secteur bancaire canadien est de loin la plus forte des pays du G-7. Nous n'avons qu'une poignée de banques à l'échelle nationale, et souvent une seule ou deux dans une communauté. Nous ne devons pas oublier que l'absence de concurrence rend beaucoup plus facile la vente d'un deuxième produit à des consommateurs quand il n'y a pas de concurrent de l'autre côté de la rue.
De plus, la menace de vente liée et d'interdistribution coercitive est beaucoup plus grande aujourd'hui en raison des modifications de 1992 à la législation des institutions financières.
• 1020
Nous sommes d'avis qu'à l'époque, le gouvernement fédéral a
fait le bon choix en permettant la propriété réciproque
d'entreprises financières distinctes afin d'augmenter la
concurrence dans le secteur financier, mais le Parlement a reconnu
qu'on ne pouvait le faire sans mettre en place des mécanismes
fondamentaux de protection des consommateurs.
Du point de vue du secteur de l'assurance de dommages, la nouvelle concurrence des sociétés d'assurances appartenant à des banques restait loyale, en vue d'éviter la vente liée et l'interdistribution coercitive, grâce à l'interdiction faite aux banques d'utiliser les renseignements personnels sur leurs clients pour la commercialisation de l'assurance et de vendre de l'assurance dans leurs succursales.
À mon avis, ces dispositions sont efficaces et devraient être maintenues, mais elles doivent aussi être complétées par des règles sur la vente liée et l'interdistribution coercitive.
Ces règles sont nécessaires puisque, depuis les modifications de 1992, les principales banques à charte ont, comme vous le savez, augmenté leur présence, et elles continueront vraisemblablement à le faire dans l'avenir. Cette expansion donne lieu à d'excellentes occasions de lier l'achat d'un service à l'octroi de crédit, le principal pouvoir des banques. C'est l'un des principaux thèmes de l'exposé que nous vous faisons aujourd'hui.
Il est vrai que la Loi sur la concurrence contient des dispositions sur les ventes liées. Toutefois, elles sont de trop faible portée pour s'appliquer aux millions d'opérations financières conclues chaque jour par les consommateurs au Canada. Vous entendrez sans doute des témoins qui viendront vous dire ce qui se passe sur le marché au jour le jour.
La loi ne tient pas compte des occasions illimitées où l'interdistribution coercitive, par opposition à la vente liée officielle, peut devenir une réalité. De plus, la loi n'a pas été conçue pour protéger les petits déposants et les autres consommateurs achetant quotidiennement des services financiers.
Nous pensons que ce comité a l'occasion de corriger cette situation en veillant à ce qu'il y ait des dispositions adéquates pour la protection des consommateurs dans la Loi sur les banques.
Le nouvel article 459.1 a été inclus dans le projet de loi C-82 le printemps dernier mais il n'a pas été proclamé. Selon nous, le libellé proposé pour l'article 459.1 était trop général. Notre point de vue est encore le même. Certains paragraphes avaient pour effet de restreindre la capacité du gouvernement de réglementer la vente liée et l'interdistribution coercitive.
M. Bundus pourra vous donner de plus amples détails, si vous le souhaitez.
C'est pourquoi nous avons recommandé au comité d'abroger entièrement ces paragraphes. Je veux parler ici expressément des paragraphes (2) et (3).
Nous suggérons que le règlement pour l'application du nouvel article 459.1 mette l'accent sur les situations où l'octroi de crédit permet aux banques d'obliger les consommateurs à acheter d'autres services financiers. À notre avis, il faudra procéder à d'autres examens pour s'assurer que des dispositions s'appliquent au nombre plus élevé de possibilités de vente liée ou d'interdistribuion coercitive en raison de l'augmentation du pouvoir accordé aux banques en 1992.
Nous devrons aussi évaluer l'augmentation des abus éventuels si les principales banques à charte obtiennent le droit de se regrouper et de créer de vastes plateformes pour la vente de toute une gamme de produits financiers.
En résumé, monsieur le président nous avons voulu aujourd'hui recommander au comité de fournir aux consommateurs la protection dont ils ont besoin à l'égard de la vente liée et de l'interdistribution coercitive. Ce genre de protection existe déjà à l'échelle provinciale et nous sommes disposés à travailler avec les autres provinces à cet égard. Toutefois, la principale préoccupation en matière de services financiers consiste à faire en sorte que le pouvoir dévolu aux banques pour l'octroi de crédit ne soit pas utilisé à mauvais escient.
Vous pouvez déjà faire un pas dans la bonne direction en proclamant le nouvel article 459.1 de la Loi sur les banques, à condition que les paragraphes critiqués soient abrogés puisqu'ils limitent la capacité du gouvernement d'élaborer des définitions efficaces de la vente liée et de l'interdistribution coercitive.
À mon avis, il faudra examiner cette question de plus près maintenant et à l'avenir quand le comité entreprendra d'autres études, dans les mois à venir.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Anderson.
Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président.
C'est une question très compliquée. Je note les arguments de M. Anderson en ce qui a trait à l'octroi de crédit. À mon avis, on pourrait valablement soutenir que dans un secteur où les options sont limitées, le crédit est un produit, ou une denrée, peu importe le terme que vous préférez, vraiment unique et que seules les banques... Ce n'est pas très exact non plus.
Supposons un instant que nous partions du principe qu'il y a un nombre limité d'institutions auprès desquelles les gens peuvent obtenir du crédit. Supposons qu'il existe de nombreuses possibilités d'obtention de crédit et qu'en échange de l'autorisation pour les banques de fusionner, l'on exige que sautent toutes les entraves à la concurrence et l'on autorise les banques étrangères à venir s'installer ici et, en plus, l'on autorise les sociétés d'assurance à accorder des prêts aux particuliers et à avoir accès au système des paiements et tout le reste. En pareil cas, où les règles du jeu sont les mêmes pour tous, que penseriez-vous de la pratique de la vente liée étant donné que dans les autres secteurs de l'économie, hors celui des services financiers, la vente liée est plutôt la norme?
M. George Anderson: Si j'estime qu'aucun Canadien ne devrait être contraint de...
M. Monte Solberg: D'accord, contraint.
M. George Anderson: ...d'acheter un produit pour pouvoir en obtenir un autre, je dirai qu'en théorie si les règles du jeu étaient les mêmes pour tous au pays, où la concurrence entre les institutions seraient loyales, alors on pourrait dire que d'autres devraient pouvoir consentir du crédit et offrir la gamme des services. Or, la réalité c'est que nous avons dans ce pays un secteur bancaire très concentré. Il domine tous les créneaux qu'il occupe. Chacun le sait. C'est tout à fait normal de vouloir s'emparer de parts de marché toujours plus nombreuses.
À mon avis, au moment de réexaminer la législation bancaire, nous devons nous demander si nous n'exposons pas les consommateurs à un rétrécissement de la gamme de choix, en l'absence de ventes liées. Je crois les banquiers sur parole lorsqu'ils nient pratiquer la vente liée.
Il y a d'autres façons d'indiquer qu'il serait préférable pour nos relations d'affaires de pouvoir offrir plus d'un service. La possibilité d'offrir une gamme de services est très grande lorsque l'on crée cette énorme plateforme de production dont se sont dotées les banques. Je crois franchement que c'est un sujet de préoccupation pour les Canadiens et je crois que vous le savez.
M. Monte Solberg: Vous dites que vous vendez de l'assuranceautomobile avec de l'assurance vie...
M. George Anderson: De l'assurance automobile et résidentielle.
M. Monte Solberg: ... de l'assurance automobile avec de l'assurance résidentielle; vous ne vendez pas d'assurance vie. Quand quelqu'un vous dit ne vouloir que de l'assurance automobile mais au prix qu'il l'obtiendrait s'il prenait en même temps l'assurance résidentielle, que lui répondez-vous?
M. George Anderson: Chaque compagnie prend sa propre décision. Certaines accepteraient de le faire mais en règle générale, elles refusent. Elles offrent un rabais à ceux qui achètent les deux produits parce que cela revient moins cher du point de vue de la commercialisation. Nous ne voulons pas utiliser un produit comme levier pour vendre toute une foule d'autres services. Nous ne disons pas à nos clients que nous voulons aussi leur REER et ce ceci et cela, donc la situation est quelque peu différente.
M. Monte Solberg: Je comprends ce que vous nous dites mais en un sens cela me semble être assez semblable parce que vous dites que vous ne forcez pas les gens à accepter un produit à un prix donné. Ils ont toujours le choix d'aller ailleurs s'ils veulent acheter seulement un produit, mais ils trouvent que le prix ne leur convient pas et que vous refusez de le changer. N'est-ce pas exactement ce que font les banques? Le client veut peut-être l'assurance automobile mais trouve que le prix est trop élevé.
M. George Anderson: Je ne le crois pas. À mon avis, il y a une réelle différence entre offrir un rabais pour des produits groupés et ce que nous appelons la vente liée ou coercitive où les clients ne veulent pas vraiment acheter un produit mais s'y sentent obligés s'ils veulent obtenir celui qu'ils souhaitent réellement.
M. Yakabuski pourrait peut-être vous donner davantage de détails.
M. Mark Yakabuski (directeur, Relations gouvernementales, Bureau d'assurance du Canada): J'estime qu'il y a une grande différence entre certains cas que vous citez et les produits groupés qu'offre notre industrie, notamment pour ce qui est de l'assurance automobile et résidentielle.
D'abord, les tarifs d'assurance automobile sont réglementés par les provinces. Nos sociétés d'assurance doivent faire approuver ces tarifs par les organismes de réglementation provinciaux. Le fait que nous puissions accorder un rabais à quelqu'un qui choisirait de prendre son assurance automobile et résidentielle avec certaines de nos sociétés reflète la réalité qu'il est moins coûteux pour nos sociétés de garder la police et le client que de trouver un nouveau client. Il y a là des économies à réaliser.
• 1030
Il ne faut pas oublier qu'il y a plus de 200 sociétés qui se
font concurrence sur le marché de l'assurance automobile et
résidentielle...
M. Monte Solberg: C'est là un commentaire valable.
M. Mark Yakabuski: ... de sorte que les consommateurs ont le choix d'aller ailleurs s'ils ne souhaitent pas acheter des services groupés. Nous offrons des services groupés parce qu'il y a énormément de concurrence dans le secteur de l'assurance automobile et résidentielle et ces économies peuvent être reversées aux consommateurs sous forme de rabais au lieu d'être empochées par la société d'assurance.
M. Monte Solberg: Un dernier point...
M. George Anderson: J'aimerais ajouter quelque chose.
M. Monte Solberg: D'accord.
M. George Anderson: Les clients font affaire avec des courtiers qui représentent plus d'une société. Les courtiers ne vendent pas le produit d'une seule société. Si le consommateur n'aime pas l'offre que lui fait le courtier, il peut en obtenir d'autres de sociétés concurrentes. Cela n'existe pas dans les banques. Elles n'offrent pas les produits de leurs concurrents.
M. Monte Solberg: Vous avez raison.
J'aurais un dernier commentaire. Les banques vous diront qu'elles pourraient elles aussi réaliser des économies si elles pouvaient vendre des produits groupés. Il me semble que c'est tout aussi vrai pour les banques, vous devez l'admettre, et qu'elles peuvent dire que si vous placez un REER avec elles, elles vous accorderont le prêt que vous demandez parce qu'elles ont maintenant les moyens de le faire. C'est normal qu'elles le fassent si elles ont les moyens de le faire.
Je note bien votre commentaire sur la concurrence. Cela nous ramène à ce que disait plus tôt le président. Les banques sont peut-être placées dans une catégorie différente parce qu'on a l'impression d'une absence de concurrence. L'octroi de crédit est une autre paire de manches.
Ce commentaire n'est pas faux mais nous devons aussi nous demander si la situation restera toujours figée et si nous ne sommes pas en train d'élaborer une politique qui sera adaptée à la réalité pendant un an ou deux seulement. Les choses pourraient changer de façon spectaculaire si nous permettons la fusion des banques dans ce pays, si nous faisons sauter tous les obstacles à la concurrence et si nous ouvrons tout grand l'accès au système de paiement.
Voilà ce que je tenais à dire en guise de conclusion et je me permets d'ajouter que, comme la tenue des audiences a fait l'objet d'un avis très court, comme vous le savez, monsieur le président, j'avais pris un autre engagement et je vais devoir partir.
Le président: Merci de votre contribution.
Si je peux revenir à ce que vous disiez, monsieur Yakabuski, la concurrence semble être une question très importante pour vous.
M. Mark Yakabuski: Absolument. Il y a une grande différence entre une industrie des services financiers qui compte cinq banques d'envergure nationale et un secteur comme le nôtre qui compte 220 sociétés qui se font la concurrence. Il est très difficile de faire une comparaison valable entre ce qui se fait dans notre secteur et dans celui des banques. La question est de savoir si la vente liée ou l'interdistribution coercitive sont des techniques utilisées pour restreindre considérablement les choix qu'ont les consommateurs quant aux produits financiers dont ils ont besoin par opposition à ceux qu'une société veut leur faire acheter. La concurrence contribue largement à garantir ces choix aux consommateurs.
Le président: Dois-je comprendre que seules les banques vendent des produits qui pourraient faire l'objet d'une proposition de vente liée?
M. Mark Yakabuski: Non. Comme l'a déjà dit M. Anderson, nous avons des dispositions relatives à la vente liée—essentiellement il s'agit de dispositions concernant la vente conditionnelle—dans plusieurs provinces au Canada et elles touchent près des deux tiers des consommateurs canadiens. Dans la plupart des cas, il est interdit de dire qu'on ne peut acheter le produit A que si l'on achète le produit B. Une telle pratique limite indûment le choix des consommateurs et les règlements doivent l'interdire. Nous avons déjà des règlements applicables à notre industrie au niveau provincial. Nous n'avons pas de règlement à cet égard au niveau fédéral. Les banques relèvent du gouvernement fédéral.
Le président: Ainsi, de tels produits sont vendus par d'autres institutions financières aussi et pourraient être inclus dans une proposition de vente liée faite par une banque.
M. Mark Yakabuski: Il y a sans doute sur le marché des sociétés qui vendent des produits vendus aussi par des banques.
Il convient aussi de rappeler que les modifications apportées à la législation financière en 1992 ont conféré aux banques de nouveaux pouvoirs très vastes. Certaines autres institutions financières ont aussi obtenu des pouvoirs accrus. Quand tous ces pouvoirs entreront en jeu dans les années à venir, il sera de plus en plus possible de pratiquer l'interdistribution. Nous ne devons pas l'oublier et nous devons veiller à ce que nos règlements n'aient pas pour effet de limiter les choix des consommateurs en même temps qu'ils étendent les pouvoirs relatifs à l'interdistribution.
[Français]
Le président: Monsieur de Savoye, avez-vous une question?
M. Pierre de Savoye: Oui, monsieur le président.
Je dois dire que c'est un mémoire qui me plaît beaucoup, au risque de voir annuler mes emprunts à la banque. Les banquiers sont de bonnes personnes qui essaient de gagner leur vie. Ce que vous dites a effectivement beaucoup de sens. Vous mentionnez entre autres que l'individu qui est victime d'une vente liée, avec ou sans coercition, a peu de recours en vertu de la loi fédérale.
Mais le noeud de votre mémoire, c'est quand vous dites que l'article 459.1 proposé, à l'exception des paragraphes (2) et (3), selon vos mots,
[Traduction]
-
[cela] aurait pu même donner lieu au regroupement de certains
produits bancaires et services financiers d'une manière
désavantageuse pour le consommateur.
[Français]
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous faites cette affirmation?
[Traduction]
M. George Anderson: Monsieur le président, je vais laisser à M. Bundus le soin de nous en dire plus long là-dessus.
M. Randy Bundus (conseiller général associé, Bureau d'assurance du Canada): Merci, monsieur le président.
Les paragraphes (2) et (3), les deux qui nous préoccupent, ont apparemment été mis dans le projet de loi par souci de précision. Selon ces paragraphes, une banque peut offrir de consentir un prêt à des conditions plus favorables que ne serait le cas autrement si le client achète d'autres produits à la banque ou à un tiers. Selon nous, cette disposition limite le pouvoir qu'a le gouvernement de réglementer en vertu de l'alinéa (5)a) de cet article.
Si le fait que les banques puissent faire précisément ce dont je viens de parler appelle quelques inquiétudes, si les clients s'en inquiètent, nous pensons que le gouvernement devrait avoir le pouvoir d'édicter ultérieurement des règlements. Selon nous, les paragraphes (2) et (3) de cet article du projet de loi limitent le pouvoir de réglementation du gouvernement. Si un problème survient en raison d'un comportement prévu par les paragraphes (2) et (3), si une banque porte ainsi préjudice aux consommateurs, il faudrait modifier la loi. Il serait impossible d'y remédier rapidement par voie réglementaire.
M. George Anderson: D'une façon générale, nous sommes d'avis je pense que cet article est important car il élargit la réglementation des ventes liées, et il faudrait que cette disposition soit assortie de cette exception qui, selon nous, a pour effet de lier les mains du gouvernement. Même si l'argument technique est complexe, nous serions tout disposés à présenter un mémoire distinct à ce sujet pour expliciter davantage notre position.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Effectivement, c'est le noeud de votre présentation. Vous dites que le libellé de ces paragraphes pourrait encourager le regroupement d'un certain nombre de produits bancaires. Pourriez-vous nous donner un exemple afin d'illustrer ce qui pourrait se produire?
M. Mark Yakabuski: Ces paragraphes ont été rédigés de façon un peu particulière. On se demande pourquoi le ministère des Finances a choisi de clarifier ce que constituent les ventes liées ou les ventes coercitives, alors que dans ces deux cas, le gouvernement aurait dû se garder le pouvoir de promulguer des règlements à cet égard. Nous croyons tout simplement que ces deux paragraphes n'ont pas fait l'objet d'une analyse claire de la part de ce comité ou lors des audiences publiques.
Si on veut adopter une réglementation couvrant toute la question des ventes liées et des ventes coercitives, on devrait la rédiger de façon claire et transparente.
M. Pierre de Savoye: Est-ce que vous avez quelque exemple concret à nous donner d'un effet pervers?
M. Mark Yakabuski: Par exemple, lisons le paragraphe (2):
-
(2) Il demeure entendu que la banque peut offrir à une
personne de lui consentir un prêt à des conditions plus
favorables qu'à ses autres emprunteurs si celle-ci
obtient un produit ou un service auprès d'une personne
donnée.
• 1040
Selon la façon dont
les juristes interprètent cela,
une banque pourrait demander à
quelqu'un d'acheter un produit d'une de ses filiales.
Est-ce que c'est bon, cela? Est-ce que le consommateur
ne devrait pas garder le choix d'acheter ce produit de
n'importe quelle compagnie financière plutôt que d'une
filiale de la banque?
En lisant les paragraphes (2) et (3), j'ai l'impression que la banque pourrait demander à un client d'acheter spécifiquement le produit d'une de ses filiales. Je ne pense pas que ce soit bon.
M. Pierre de Savoye: Dans votre mémoire, vous ne dites par simplement que la banque pourrait le faire. Vous dites que la banque sera encouragée à le faire parce que les paragraphes (2) et (3) indiquent que ceci est permis. À partir du moment où c'est permis, on ouvre une porte, et vous dites qu'ils vont tous s'engouffrer dans cette porte. C'est bien ce que vous nous dites?
M. Mark Yakabuski: On dit tout simplement qu'il y a là une porte ouverte. Étant donné le caractère de nos banques au Canada, j'imagine qu'elles vont en profiter.
M. Pierre de Savoye: Vous vouliez ajouter quelque chose, monsieur Anderson?
M. George Anderson: Non.
M. Pierre de Savoye: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie monsieur de Savoie.
Monsieur Casey.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Je vous remercie. Je suis heureux d'être venu ce matin. Ce n'est pas un comité dont je suis membre d'habitude, mais la question m'intéresse d'autant plus que, jusqu'à ce que je devienne député, je gagnais ma vie en faisant du courtage. J'ai en effet travaillé pour une des compagnies qui a été rachetée par les banques.
M. George Anderson: Nous pourrions peut-être deviner laquelle.
M. Bill Casey: C'est également une compagnie qui aime beaucoup le bleu.
Je constate que cette notion de ventes liées est de plus en plus répandue dans mon secteur. Loin d'être l'exception, ce serait plutôt la règle, une règle qui s'applique un peut rétroactivement. Une fois que vous avez assumé votre hypothèque, une fois que vous avez obtenu votre marge de crédit et votre carte Visa, les petits caractères font leur apparition.
Ce n'est pas de la coercition. J'entends parler de choses horribles, des menaces, la coercition, mais ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Cela se produit par petites touches, par des questions bénignes comme quand donc votre hypothèque devra-t-elle être renouvelée ou encore votre marge de crédit correspond-elle bien aux besoins de votre entreprise. Ce sont des petites choses comme celles-là, mais qui effraient les gens.
J'espère que le comité comprend bien que les rapports entre un client et son gérant de banque ne sont pas des rapports normaux. Si vous allez frapper à la porte d'une compagnie d'assurances...
Des voix: Oh, oh!
M. Bill Casey: Ce ne sont pas des relations normales car les deux intervenants ne sont pas soumis aux mêmes règles.
Si vous allez trouver votre courtier d'assurances et si ce courtier fait quelque chose qui vous met mal à l'aise, vous pouvez aller en voir un autre. C'est la même chose pour votre concessionnaire automobile ou votre tailleur. Mais si vous allez à la banque voir le directeur de compte qui s'occupe de votre hypothèque, de votre carte de crédit, de tout ce que vous possédez en fait, si cela doit vous coûter des milliers de dollars pour aller ailleurs, ou si encore il laisse sous-entendre que vous auriez intérêt à faire ceci ou cela, vous le faites.
Votre exposé est très pondéré, très calme et bien pesé, mais j'estime qu'il devrait être plus catégorique. C'est probablement le cas en réalité. Je suis persuadé que vous êtes beaucoup plus préoccupés que vous ne le dites. C'est un gros problème et j'encourage d'ailleurs le comité à faire diligence avec le projet de loi et à intervenir contre la vente liée.
Les présidents des banques nous disent qu'ils ont une politique qui interdit la vente liée, et je suis persuadé qu'ils y croient. Mais les banques ont également une politique selon laquelle si un directeur de succursale perd un compte, il va avoir des problèmes. Et c'est précisément ici que cette deuxième politique a préséance sur la première. Je l'ai constaté, et je vous donnerai d'ailleurs plus tard un compte rendu exact de la façon dont les choses se sont passées.
Quoi qu'il en soit, je me demande quel serait le pire effet que vous escompteriez si le projet de loi n'intervenait pas contre les ventes liées.
M. George Anderson: Je pense que le pire effet qu'on nous escomptons serait que le gouvernement donnerait des pouvoirs excessifs aux institutions financières canadiennes, les banques en particulier, ce qui leur permettrait d'utiliser les droits qu'elles ont acquis en vertu de la Charte pour offrir des services de crédit et dominer ainsi l'ensemble du secteur des services financiers au Canada.
Au bout du compte, le gouvernement aurait ainsi éliminé toute concurrence. Sous couvert de favoriser la concurrence à court terme, je pense que nous verrions les banques absorber des pans entiers d'autres secteurs, comme elles ont d'ailleurs déjà commencé à le faire—et d'ailleurs le vôtre est un bon exemple. Les compagnies de finance sont un autre de ces secteurs. Regardez la part du marché hypothécaire que ces compagnies détenaient il y a vingt ans et leur part actuelle. C'est une tendance toute naturelle.
Je pense que nous en sommes maintenant au point où s'annonce la mondialisation des services financiers. Il faut envisager les possibilités de fusion de ces énormes institutions financières. Il faut être donc très attentif à la position du consommateur car il y a là un danger potentiel, et je pense que tous les membres du comité savent fort bien que leurs électeurs sont inquiets.
M. Bill Casey: Si j'étais dans le secteur de l'assurance—c'était mon cas quand j'étais dans le privé—, j'aurais peur que si quelqu'un a, mettons, une hypothèque, l'institution ferait subtilement pression pour qu'il prenne une police d'assurance correspondant exactement à ses besoins à elle. Ainsi, la vente liée ne surviendrait pas nécessairement au moment de la vente. Elle surviendrait dès lors que le client se serait déjà engagé et aurait déjà dépensé des milliers de dollars en assumant une hypothèque, les frais de notaire et les frais d'enregistrement correspondant.
M. George Anderson: Il y a toute une différence entre le cas de quelqu'un qui vient supplier pour obtenir du crédit et à qui on présente ce genre d'alternative et celui de quelqu'un qui reçoit une lettre lui disant: «Pourquoi ne venez-vous pas nous voir à la succursale? Nous avons d'excellents produits et s'ils vous intéressent, nous aimerions beaucoup vous les vendre.» Cela, c'est une façon d'aborder la question de la mise en marché. L'autre exemple serait celui de quelqu'un qui fait une demande de prêt parce que sa petite entreprise en a besoin—vous en entendrez encore parler aujourd'hui, je n'en doute pas—et à qui la banque demande de lui transférer son REER. Que feriez-vous à ce moment-là?
M. Bill Casey: Mes clients m'en ont déjà parlé.
M. George Anderson: Je sais ce que je ferais, moi.
M. Bill Casey: J'ai eu des clients, des commerçants indépendants qui avaient confiance en eux, qui étaient allé voir leur banque pour changer leur REER et leurs objectifs d'investissement pour pouvoir faire quelque chose que la banque ne leur offrait pas, puis revenir en disant que le directeur de la succursale leur avait demandé où ils allaient obtenir leur marge de crédit la prochaine fois, de sorte qu'il leur était impossible de transférer leur REER. J'étais vraiment étonné de voir l'impact que cela avait sur les gens, mais c'est véritablement, et je ne saurais trop insister sur ce point, de l'intimidation et la coercition. Ce sont des mots très lourds de sens. Et il ne faut même pas aller jusque-là pour qu'un client soit nerveux à l'idée de devoir changer.
Il s'agit de quelqu'un qui voulait transférer son propre argent, changer ses objectifs d'investissement et donc faire quelque chose que sa banque ne lui offrait pas. Mais il a eu peur de le faire à cause de ce que lui avait dit sa banque. Je suis sûr que sa banque ne l'a pas menacé. Je suis persuadé que la banque ne lui a pas dit: «Faites donc cela, et nous allons vous retirer votre marge de crédit.» C'est une intimidation beaucoup plus subliminale mais néanmoins très réelle, et j'espère simplement que les membres du comité comprendront bien que cette personne... Si elle était allé voir son concessionnaire automobile en lui disant qu'elle voulait changer de voiture, elle n'hésiterait pas un instant à aller en voir un autre si le premier lui avait dit quelque chose de ce genre.
Mais dans le cas des banques, c'est impossible de le faire. Vous ne pouvez pas changer de banque comme vous changez de concessionnaire automobile, d'épicerie ou de tailleur. C'est une relation tout à fait différente, et les deux intervenants ne jouent pas avec les mêmes règles. L'un des membres disait il y a quelques instants qu'il fallait que les règles du jeu soient les mêmes...
Une voix: Mais ce n'est pas le cas.
M. Bill Casey: ... et que lorsque le client est assis en face de son directeur de succursale, il ne négocie pas à ?? égales. S'il y a une toute petite chose que je peux arriver à vous faire comprendre, ce serait bien celle-là.
Le président: Monsieur Casey, vous voulez en revenir à la question de la concurrence dans le secteur bancaire?
M. Bill Casey: En effet. Je pense qu'il devrait y avoir beaucoup plus de concurrence dans ce secteur, un peu comme c'est le cas dans le secteur automobile, dans l'industrie du vêtement et dans le secteur de l'épicerie.
J'ai l'intime conviction que c'est parce que tous ces gens qui vont trouver un conseiller financier pour changer leurs objectifs de placement et faire quelque chose que les banques en définitive ne leur offrent pas... et c'est d'ailleurs tout à fait légitime parce qu'après tout c'est leur argent, ce sont leurs économies. Mais comme la banque a d'autres produits à vendre et qui sont liés à l'épargne, elle parvient à faire peur aux gens qui souhaiteraient pourtant changer leurs objectifs d'investissement.
Je connais une dame âgée qui a fondu en larmes à cause des pressions que la banque avait exercées sur elle, et je suis certain que le directeur de la succursale ne s'est peut-être pas rendu compte de ce qu'il faisait. Mais elle est venue me trouver en pleurs en me disant qu'elle ne pouvait pas transférer son REER sans passer par la maison de courtage de la banque. La banque faisait pression sur elle pour qu'elle s'adresse à sa maison de courtage—pas simplement un autre banquier pour que l'argent reste dans la même banque—, maison de courtage qui est censée être parfaitement indépendante, tout comme la compagnie d'assurance.
Je me sens un petit peu mal à l'aise de devoir vous dire de quelle banque il s'agit. Il s'agissait de la Banque Scotia. Cette dame avait de l'argent à la Banque Scotia et elle voulait acheter des actions de cette même banque. Mais la Banque Scotia ne peut pas vendre ses propres actions. C'est une dame que je connais depuis 25 ans, et elle m'a téléphoné pour me demander si je pouvais faire cette opération pour elle. Je lui ai dit certainement, je serai très heureux de faire cela pour elle. Mais lorsqu'elle est allée retirer son argent, la banque a vraiment insisté pour qu'elle n'en fasse rien.
Le président: Monsieur Casey, je vous remercie beaucoup. Si vous connaissez des gens qui aimeraient comparaître devant le comité pour parler de leur cas, je vous saurais gré de le faire savoir au greffier.
M. Bill Casey: Parfait.
Le président: Je vais maintenant donner la parole à Mme Redman, puis à M. Pillitteri, après quoi nous reviendrons à M. Schmidt pour une dernière question.
Mme Karen Redman: Je vous remercie, monsieur le président.
Je pense que cet exposé était fort bien pensé et je vous en suis reconnaissante. Il me semble toutefois qu'il y a toujours le dilemme de la définition. Que dit au juste la loi provinciale qui permet de définir la différence entre le groupage et la vente liée?
M. George Anderson: M. Bundus pourrait peut-être préciser.
M. Randy Bundus: Certainement. Prenez par exemple la British Columbia Finanfial Institutions Act dont l'article 94 n'essaie pas de définir la vente liée, se limitant à expliquer ce dont il s'agit sans toutefois lui accoler un terme plutôt qu'un autre. Cette loi dit qu'une institution financière sous réglementation provinciale ou toute personne agissant avec l'accord de cette institution financière ne peut exiger qu'une personne qui reçoit un produit ou un service dans le cadre d'une transaction soit obligée de faire une autre transaction avec la même institution.
• 1050
Voilà donc monsieur le président une définition très large,
d'ailleurs plus large peut-être même que celle qu'on trouve dans la
Loi sur la concurrence.
M. George Anderson: Cela concerne en fait je pense les circonstances dans lesquelles la transaction se déroule, si vous me permettez cette intervention. Il va être extrêmement difficile de définir, de façon suffisamment précise pour les avocats, ce qu'est au juste l'interdistribution coercitive, mais tout le monde ici sait fort bien dans quelles circonstances cela se passe.
Je pense que nous devons plutôt commencer à nous concentrer non pas sur les définitions légales des ventes liées, mais bien sur les circonstances dans lesquelles l'octroi d'un crédit sert de moyen de pression pour exiger l'achat d'autres produits ou services dans la même institution financière. Si vous regardez les choses sous cet angle, je pense que vous aurez un résultat plus satisfaisant que si vous essayez plutôt de circonscrire ce qu'est la coercition ou ce qu'est la vente liée. Vous devriez je pense plutôt regarder les circonstances qui entourent cette relation d'affaires, il ne s'agit pas d'une relation entre parties de force égale.
Mme Karen Redman: Dans la même veine, vous avez parlé je crois d'un cas actuellement sous enquête et qui relèverait précisément de cette catégorie des ventes liées, et pourtant toutes les provinces ne se sont pas dotées d'une législation pour interdire cela. Est-ce à cause de la concurrence que ce phénomène n'est pas plus répandue, même dans les provinces qui n'ont pas légiféré dans ce domaine?
M. George Anderson: Disons que le produit ou le service est essentiellement vendu par un courtier. Ce courtier représente plusieurs compagnies, de sorte que si l'offre ne vous convient pas, vous pouvez mettre en concurrence d'autres compagnies en passant par le même courtier. Je ne citerai aucune banque en particulier, mais il est impossible de dire au directeur d'une succursale que vous n'aimez pas son offre et que vous préférez celle de la banque d'en face. Ce n'est pas comme cela que ça se passe.
Le président: Monsieur Pillitteri, je pense que vous pouvez y aller.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Votre exposé a été excellent, monsieur Anderson. Puis-je vous poser une question toute simple? Je pourrais quand même vous en poser d'autres aussi, mais je me demande quelle est la différence dans ce scénario. Mettons que vous offrez un ensemble de produits. Que se passe-t-il si vous offrez une assurance automobile ou une assurance immobilière, et qu'une banque offre également deux produits? Est-ce que vous faites valoir cela simplement pour une raison de nombre, parce qu'il y a 200 compagnies différentes ou parce qu'il n'y en a que six? Est-ce la seule différence?
Et puisque nous en sommes là, j'aimerais également vous demander de répondre à ceci. Qu'est-ce qui vous empêche de faire des prêts en vertu de votre charte et d'offrir des services qui sont déjà offerts par les banques et les coopératives de crédit du même ressort? À moins que je ne me trompe, je ne pense pas que cela vous ait beaucoup arrêtés. À moins que vous ne vouliez que ce segment de l'industrie demeure en l'état? Vous voulez uniquement ce segment-là. Voulez-vous protéger ce segment sans devoir travailler également dans un autre?
M. George Anderson: Notre secteur est spécialisé et nous ne voulons pas donner l'impression que nous donnons du crédit. Il y a déjà assez d'endroits au Canada où on peut obtenir du crédit pour ne léser personne. Il n'est pas nécessaire que les compagnies d'assurances multirisques pénètrent dans ce créneau, d'autant plus que du point de vue précisément du risque, il n'est pas souhaitable que nous fassions ce genre de chose étant donné ce que nous risquons de devoir payer en cas de pertes catastrophiques.
M. Yakabuski a fait une très bonne analyse de la question du groupage des produits et de la différence entre un prix escompté et un prix conditionné, et je lui demanderais d'ailleurs de vous l'exposer.
M. Mark Yakabuski: Si vous voulez bien revenir à la description qu'on trouve dans la Financial Institutions Act de la C.-B., la question qui se pose est celle-ci: est-ce que l'achat du produit A va devoir dépendre de l'achat du produit B?
• 1055
Mettons que vous alliez voir votre courtier d'assurance ou
votre agent d'assurance pour lui dire que vous devez faire une
nouvelle police parce que vous venez d'acheter une nouvelle
voiture. Vous voulez également revoir votre police d'assurance
immobilière. Et admettons qu'il vous dise: «Parfait, si vous
voulez, je peux vous assurer pour le tout, ce qui vous donnera un
escompte de 10 à 15 p. 100.»
À ce moment-là, il vous appartient de décider si la police d'assurance automobile vous convient et si la police d'assurance maison vous convient également. Si les deux vous conviennent, vous pourrez opter pour la réduction proposée, mais il n'empêche que vous n'êtes pas obligé d'acheter une police d'assurance maison pour pouvoir assurer votre voiture.
Des cas de ce genre ne se sont jamais produits. En d'autres termes, vous pouvez acheter ces deux produits séparément en passant par deux fournisseurs différents si c'est cela que vous voulez. C'est un droit qui demeure entier.
C'est donc une situation très différente de celle où quelqu'un vous dirait: «Je vous accorde ce prêt à condition que vous fassiez également ceci ou cela.»
M. George Anderson: Cela n'est jamais dit de cette manière.
M. Mark Yakabuski: C'est juste, mais l'insinuation demeure qu'il s'agit effectivement d'une condition: vous n'obtiendrez pas votre prêt si vous ne faites pas quelque chose d'autre. C'est cela l'insinuation.
Ainsi, lorsque nous parlons du groupage des services, il y a une différence fondamentale qui est l'aspect conditionnel. Je mets quiconque au défi, quiconque est prêt à venir témoigner devant le comité, de nous prouver qu'il a été obligé de prendre une police d'assurance maison pour pouvoir assurer sa voiture. Cela n'existe pas.
Le président: Pour revenir aux escomptes, allez-vous me proposer 10 p. 100 sur mon assurance maison si je ne vous achète pas une assurance automobile?
M. Mark Yakabuski: Vous pourriez fort bien obtenir une réduction de 10 p. 100 pour toute une série d'autres raisons. Il y a par exemple des gens qui appartiennent à une catégorie de risques moindres. Il y a des gens qui s'assurent comme membres d'un groupe. Ils peuvent alors négocier une petite réduction de leur prime d'assurance maison.
Il y a donc d'autres façons d'obtenir une réduction de sa prime d'assurance maison.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: J'aurais un petit quelque chose dans la même veine. Cela n'a peut-être rien à voir, mais je vais essayer de faire la connexion.
Il y a à l'heure actuelle un groupe de travail qui étudie le cas des banques. J'en ai fait partie à quelques occasions. Ici, au comité des finances, vous nous avez dit beaucoup de choses. D'une part, vous nous dites que les fusions réduisent la concurrence et que la Loi sur les banques devrait plutôt ouvrir la concurrence. En ouvrant la concurrence et en permettant à d'autres institutions de pénétrer dans ce marché, les prix seraient meilleurs à cause précisément de la concurrence.
Dès lors, si nous ouvrons ce secteur à la concurrence en permettant à d'autres banques de s'implanter au Canada, je ne sais pas si je serais très à l'aise dans ce cas parce que ce n'est pas parce qu'il y aurait plus de banques au Canada que la concurrence serait nécessairement plus vive. Cela pourrait également produire un peu ce qu'on trouve déjà dans l'industrie de l'assurance, c'est-à-dire 200 compagnies différentes qui offrent des groupages différents, une prime pour ceci, ou encore tel groupage est comparable à tel autre. En effet, vous en offrez beaucoup. Alors je me demande si ce n'est pas plutôt à l'acheteur à se méfier, comme c'est le cas dans certains endroits aux États-Unis ou ailleurs.
Moi, si je suis ici, c'est principalement pour défendre le consommateur. Je me fiche des compagnies d'assurance, des banques et des autres compagnies. Moi, je ne représente que les consommateurs. Et à ce titre, cela ne veut pas nécessairement dire qu'en ouvrant la concurrence, en multipliant le nombre de protagonistes de l'extérieur, on égalise les chances pour tout le monde parce qu'à mon avis, les choses deviennent encore plus difficiles pour l'acheteur qui doit systématiquement se méfier de ce qu'on lui offre.
Si je vous dis cela, c'est parce que je suis moi-même dans les affaires et que pendant toute ma vie j'ai dû traiter avec les deux secteurs, les assurances et les banques. Je trouve que de plus en plus l'acheteur doit se méfier alors que les banques...
• 1100
Il y a parfois un malentendu... non pas que je veuille
défendre les banques, mais il y a un malentendu. Je suis souvent,
peut-être trop souvent, présent lors de tractations entre une
banque et son client, ne serait-ce que pour me rendre utile. Et
parfois, les deux ne se comprennent pas.
Comme je le disais, je ne veux pas qu'on pense que je veuille à tout prix ouvrir la concurrence. Ce serait plutôt mettre en garde l'acheteur. Qu'en pensez-vous, parce qu'en fait vous n'êtes pas... Je veux dire par là que si nous voulons tous offrir le même groupage de produits et de services et celui qui est le meilleur, nous allons tous préférer la compagnie qui nous offre ce groupe au lieu d'en trouver une avec laquelle nous nous sentirons plus à l'aise.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Monsieur Anderson.
M. George Anderson: Je pense que vous avez raison. Il n'est pas nécessairement vrai que le simple fait d'ouvrir davantage la concurrence profitera automatiquement au consommateur. Une concurrence débridée peut être nuisible, nous le savons tous, et c'est la raison pour laquelle il y a des lois pour protéger le consommateur. Ainsi donc, cette panacée qu'est la concurrence ne permet que d'atteindre des objectifs limités, alors que le consommateur doit être protégé contre les abus même là où la concurrence est la plus libérale.
Le problème que nous connaissons au Canada est qu'il n'est pas certain que nous puissions jamais arriver à un niveau de concurrence très élevé avec les banques étrangères. Si vous pensez à la position actuelle des cinq grandes banques, il serait très difficile à une banque étrangère d'envisager même de s'implanter dans ce marché déjà relativement petit, un marché dans lequel les consommateurs sont déjà les otages des banques établies, à plus forte raison de les attirer en très grand nombre.
Nous parlons ici de banques qui ont des millions et des millions de clients dans un écheveau extrêmement complexe de relations. Pour qu'une banque étrangère arrive à décider de dépenser de l'argent pour s'implanter dans un marché relativement petit à l'échelle planétaire dans l'espoir d'y devenir concurrentielle, je pense que c'est extrêmement douteux, même si la loi le permettait.
Rien ne me permet de croire que les concurrents étrangers font des pieds et des mains pour s'implanter ici au niveau du détail, de sorte qu'effectivement, votre argument est valable.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Monsieur Schmidt, auriez-vous une question?
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président, et merci également à nos témoins d'être venus ce matin.
J'aurais en fait une question en deux volets. Je pense que cette discussion pourrait facilement dégénérer en une attaque de front contre les banques, monsieur le président. Je ne pense pas que ce soit pour cela que nous sommes ici. Ce que nous voulons, c'est aplanir le terrain afin de pouvoir évoluer sans entraves. Je me demande au juste quel est le problème. Faut-il faire en sorte que toutes les autres compagnies soient assujetties à l'une ou l'autre disposition concernant les ventes liées, faut-il interdire ce genre de pratique alors même que la Loi sur les banques est muette à ce propos et que jamais au grand jamais une banque a été sanctionnée pour s'être livrée à ce genre de pratique? Est-ce de cela qu'il s'agit?
M. Mark Yakabuski: En partie oui.
M. Werner Schmidt: Si je vous pose la question, c'est que l'article 459.1 aurait pour effet d'interdire dans la Loi sur les banques toutes les catégories de ventes liées.
M. Mark Yakabuski: C'est exact.
M. Werner Schmidt: Auparavant, nous avions l'article 45, je crois, qui interdisait aux banques de se livrer à des ventes liées dans le cas de l'assurance, mais cet article ne valait que pour ce produit-là.
M. Mark Yakabuski: C'est bien exact.
M. Werner Schmidt: Ici, nous élargirions cette interdiction à toutes les catégories de produits. Cette disposition n'a pas été promulguée parce que les banques ont dit qu'elles allaient s'autoréglementer et donc que le gouvernement ne devait pas procéder par voie d'interdiction. La Loi sur la concurrence vaut pour toutes sortes d'autres compagnies, et elle définit de façon assez claire les ventes liées.
Cela étant, je voudrais avoir une idée très juste de ce que vous voulez, en l'occurrence que les banques soient assujetties à la même interdiction que toutes les autres compagnies pour ce qui est des ventes liées.
M. George Anderson: C'est exact. Nous estimons que l'article 459.1 fait valoir l'intérêt qu'il y a à offrir ce genre de protection, et nous sommes dans l'ensemble favorables à cette disposition. Nos avocats estiment qu'il y a, dans l'article 459.1, certaines dispositions conditionnelles qui, dans l'état actuel des choses, auraient pour effet d'invalider l'intention même de cette mesure législative.
M. Werner Schmidt: Cela, je le comprends parfaitement. J'allais d'ailleurs y arriver. Ma deuxième question, monsieur le président, porte sur les paragraphes (2) et (3), et je voudrais ici savoir de quoi il s'agit au juste. S'il s'agit effectivement, dans ce secteur, d'interdire les ventes liées, les définitions sont là. Nous pouvons certes débattre de l'aspect coercition, de l'aspect contraignant, mais la question de la vente liée est incontestable. Nous savons ce que cela veut dire.
M. George Anderson: En effet.
M. Werner Schmidt: Ainsi donc, si nous procédons ainsi, les paragraphes (2) et (3) redéfinissent pratiquement le paragraphe (1) à tel point qu'il ne veut plus rien dire.
M. George Anderson: C'est exact.
M. Werner Schmidt: Vous proposez donc au comité d'appliquer l'article 459.1, mais d'abandonner les paragraphes 2 et 3.
M. George Anderson: C'est exact.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
Le président: Au nom du comité, je vous remercie. Vous nous avez présenté un excellent exposé. Toutefois, j'aimerais que vous me transmettiez des explications plus détaillées de vos objections aux paragraphes 2 et 3.
M. George Anderson: Certainement. Nous vous enverrons cela d'ici une semaine, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Nous suspendons la séance pour deux ou trois minutes.
Le président: Monsieur Caldwell, comme vous le savez, vous avez de 10 à 15 minutes pour faire vos remarques liminaires. Il y aura ensuite une période de questions. Vous avez la parole.
M. Thomas Caldwell (président et directeur général, Caldwell Securities Ltd.): Merci.
D'abord, monsieur le président, je vous présente mes excuses. J'ai apporté 30 exemplaires de mes remarques, mais je n'ai pu vous en apporter 10 en français, comme je le souhaitais. Nous n'avons eu qu'une journée et demie pour rédiger ce mémoire, et nous avons eu assez de mal avec l'anglais, pour être honnête.
Je passerai en revue mon mémoire avec vous. Je ne le lirai pas, je m'en inspirerai. Cela devrait durer environ 15 minutes, mais j'espère que vous aurez l'indulgence de m'accorder un peu plus de temps, s'il le faut. Je passerai donc en revue mon mémoire et mettrai en relief les points qui m'apparaissent les plus importants ou pertinents.
Premièrement, j'aimerais souligner deux ou trois choses. Je n'ai personnellement aucun problème avec les banques. Mes relations avec ma banque sont très bonnes, du moins, elles l'étaient jusqu'à aujourd'hui. Deuxièmement, les entreprises que je dirige sont prospères et, elles aussi, ont des relations très satisfaisantes avec les banques. Troisièmement, je ne vois aucune objection à la fusion proposée de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, ce qui soulève la question de savoir pourquoi je suis ici.
Je suis ici parce que j'ai eu dans mon bureau une cliente en larmes en raison de la conduite de sa banque. Presque tous les jours, je vois des cas de ventes liées par les banques; toutefois, cet incident particulier m'a incité à agir. Avec l'accord de mon partenaire, j'ai décidé de consacré un peu de temps à cette question cruciale.
Ce qui m'a étonné dans tout cela, c'est le soutien que j'ai reçu de la part de particuliers et d'entreprises de tout le Canada, y compris des employés des banques. Je crois savoir que les banques ont demandé à témoigner les dernières devant vous, et c'est une excellente tactique oratoire. Toutefois, je tiens à dire qu'il ne s'agit pas ici de gagner une joute oratoire ou de jeter le discrédit sur ceux qui ont eu le courage de venir témoigner, mais plutôt de résoudre un problème véritable et grave concernant la liberté financière de la population canadienne.
Comme aperçu, je me servirai d'une lettre que j'ai écrite à l'honorable Paul Martin. Je ne vous la lirai pas en détail, je la résumerai.
Premièrement, parlons de la vente réciproque. Comme vous le savez, c'est la vente, par les banques, de produits autres que des dépôts ou des prêts, tels que des fonds mutuels, de l'assurance, des régimes enregistrés d'épargne, le crédit-bail automobile, etc., à leurs clients. Au Canada, les produits internes offerts par les banques représentent toute la gamme des services financiers. La plupart d'entre nous en ont fait l'expérience, lorsqu'une caissière nous a offert un CPG ou un RER au moment où nous avons fait des dépôts. Cependant, en réalité, ce n'est pas si inoffensif et c'est une pratique qui constitue maintenant de l'exploitation des Canadiens sur une grande échelle.
Pour bien comprendre ce qui se passe au pays, il faut tenir compte d'un autre facteur. On encourage activement les employés des banques à promouvoir tous les produits de la banque sous prétexte qu'il s'agit de vente réciproque. Il peut s'agir d'un encouragement général à bien jouer son rôle au sein de l'équipe, ou d'un encouragement plus précis s'accompagnant de possibilités de rémunération ou d'avancement. Par conséquent, la vente réciproque se transforme souvent en vente liée. Je vous en donne des exemples.
Lorsqu'un client veut obtenir un prêt, on l'oblige maintenant activement à transférer ses RER à cette banque, même si ces actifs de retraite ne doivent ni ne peuvent servir de garantie de prêt. J'y reviendrai tout à l'heure. On impose régulièrement des limites de crédit aux entrepreneurs qui refusent d'acheter d'autres produits onéreux de la banque. On fait constamment, auprès des consommateurs, la promotion des fonds mutuels contrôlés par les banques, et on exerce des pressions sur les clients pour qu'ils investissent dans des produits peu sûrs ou même, dans certains cas, contre-indiqués.
Ainsi, on encourage les clients à contracter des prêts pour acheter des fonds mutuels des banques. Je suis moi-même dans le secteur de l'investissement, et je ne crois pas que les gens devraient emprunter de l'argent pour acheter des fonds mutuels, un point c'est tout. Je ne parle pas des prêts de dernière minute pour investir dans un RÉER, mais plutôt de prêts considérables, une politique qui reviendra hanter les banques.
Les entreprises indépendantes de services financiers perdent des clients tous les jours parce que les banques veulent contrôler tous les aspects de la vie financière de leurs clients. Il n'y a pas un seul courtier indépendant ou conseiller financier—le monsieur à ma droite en a parlé—qui ne subisse les contrecoups de la vente à pression des banques. Les clients s'excusent, mais estiment qu'ils n'ont pas d'autre choix.
Récemment, un de nos clients qui détenait des avoirs financiers importants a néanmoins été invité à contracter un petit prêt à des fins personnelles. Je crois que c'est parce que l'employé de la banque voulait vendre davantage de produits bancaires. Ce client avait plusieurs centaines de milliers de dollars d'actif, mais la banque lui a prêté 10 000 $—cela n'a aucun sens. C'était manifestement inapproprié en l'occurrence.
Un des administrateurs de nos fonds mutuels a dû justifier, auprès de sa banque, le fait qu'il avait investi dans l'un de nos fonds mutuels et dans un de nos RER pour obtenir du financement pour son entreprise. Heureusement, il a su tenir tête à la banque. Un de nos clients de l'extérieur de la ville s'est vu demander de retirer 200 000 $ d'un de nos RER pour obtenir un prêt de 15 000 $, et ce, en dépit du fait qu'il détenait d'autres actifs.
• 1115
Lorsqu'un client va ailleurs pour obtenir des services plus
professionnels, on lui impose des retards et on le harcèle au
téléphone.
Chez les banques, la vente réciproque est devenue de la vente liée; c'est de la coercition, de l'abus des clients, mais aussi des prestataires indépendants de services financiers. Les banques ne se contentent pas de vendre des produits lorsqu'il s'agit de services onéreux. Elles ont un énorme pouvoir sur la vie des gens et, à ce titre, on ne peut les considérer comme n'importe quel autre vendeur. Leurs suggestions ont un poids considérable; ce n'est pas comme un vendeur de chaussures qui vous offre aussi des chaussettes.
La surconcentration du pouvoir au sein des banques existe déjà par suite de l'inaction du gouvernement et des organismes de réglementation. Une concentration encore plus grande résultera de notre refus de reconnaître l'existence des ventes liées... et, dans cette lettre, j'ajoute que, si on doute qu'il y ait véritablement abus de pouvoir par les banques, on n'a qu'à interroger les conseillers indépendants du pays.
La plupart des clients des banques ont beaucoup trop peur pour se plaindre en public des pressions qu'on exerce sur eux pour acheter des produits bancaires; ils craignent de perdre leur crédit en guise de représailles. Ils n'oseraient certainement pas s'adresser à un ombudsman des banques ou tenter de trouver quelque organisme fédéral compétent; par conséquent, les banques se défendent mollement en disant que, si personne ne se plaint, c'est qu'il n'y a pas de problèmes. Il est malheureux que les gouvernements et les organismes de réglementation acceptent cet argument sans mot dire.
Les discussions qui se sont tenues récemment sur la concurrence dans le secteur bancaire ont été remarquablement superficielles. L'enjeu, ce n'est pas la concurrence entre les banques. Ce n'est pas de savoir s'il y a deux ou trois banques à Tuktoyaktuk ou à Inuvik; plutôt, c'est la pression destructrice qu'exercent les banques sur les prestataires de services financiers et l'absence de choix qui en résulte pour tous les Canadiens. Tous n'ont pas une chance égale, et l'importance des activités bancaires dans la vie de tous les Canadiens fait que, même si les employés des banques ne font que recommander un produit onéreux, en passant, les clients se sentent obligés de suivre ces recommandations et cela constitue une vente liée.
C'est le gouvernement fédéral qui a créé cette situation, et il lui incombe de la rectifier afin de mettre fin à ces abus et de donner aux Canadiens la possibilité de véritablement contrôler leur santé financière en leur donnant des choix dans un environnement concurrentiel.
Passons maintenant à la partie suivante, qui porte sur ce que j'appelle la «défense fondée sur le déni». Les banques canadiennes prétendent que la pratique des ventes liées n'existe pas. À la fin de cette section, vous avez des citations numérotées; je vous renvoie à la première citation sur le déni. Il y en a quelques-unes que j'ai trouvées dans les journaux et, si vous en avez le courage, vous pouvez les lire. Cette défense va totalement à l'encontre du volume considérable de preuves circonstancielles étayant la thèse contraire au Canada. Il est malheureux que bon nombre de ceux qui doivent protéger les consommateurs n'aient pas remis en question ce déni.
Les ventes liées sont particulièrement efficaces contre les plus vulnérables, ceux qui veulent obtenir un prêt. Il n'est pas étonnant, compte tenu du fait qu'ils ont besoin d'un prêt et compte tenu du pouvoir des banques dans leur vie, que ces gens hésitent à se plaindre directement à la banque et encore plus sur une tribune publique.
Le processus de plainte qui existe est lourd et obscur. Ce n'est qu'au cours des dernières semaines que j'ai personnellement appris l'existence et l'identité de l'ombudsman fédéral. En fait, je l'ai rencontré il y a un instant, et il a l'air sympathique...
Des voix: Oh, oh.
M.Thomas Caldwell: ...mais il ne semble pas être connu dans certaines banques.
Passez maintenant à la deuxième citation à la fin de cette section. Elle est un peu humoristique, et j'ai caché le nom de l'employé de la banque pour le protéger. Comme vous le voyez, c'est une télécopie qui a été envoyée à notre bureau par un employé de la Banque Toronto-Dominion. Il nous a aussi envoyé un article de la Gazette. Il dit: «Les banques abusent? Allons donc! Personne ici n'avoue être l'ombudsman. C'est peut-être mon attitude!»
Je ne prétends pas là que ce sont des preuves irréfutables, mais cela vous indique qu'on ignore qui il est dans les banques mêmes, alors, imaginez ce que c'est pour les gens ordinaires.
Avant de pouvoir recourir aux services de l'ombudsman d'une banque, il faut d'abord épuiser tous les différents niveaux du processus de plainte de la banque. Cela peut prendre plusieurs mois. L'ombudsman fédéral a récemment dit qu'il n'avait reçu aucun rapport; cela pourrait induire les gens en erreur, car je crois savoir—encore une fois, c'est ce qu'on m'a dit—que M. Doug Clark, qui, je crois, témoignera plus tard devant votre comité, lui a déjà remis un rapport en personne, pendant une réunion mondaine. Peut-être que l'ombudsman aurait dû ajouter: «par les voies officielles».
L'ombudsman ayant fait cette déclaration, je crains qu'il n'ait de préjugés contre ceux qu'il doit protéger—mais peut-être pas. Je ne l'accuserai pas de quoi que ce soit, mais il semble...il est cité dans la section sur le déni.
Pour prouver que les ventes liées se pratiquent sur une grande échelle, j'invite les membres du comité à appeler les conseillers en investissement ou conseillers financiers indépendants—c'est-à-dire ceux qui n'appartiennent pas à une banque—de leur circonscription. Lorsque vous rentrerez chez vous, appelez-les. On me dira peut-être que ces témoins ne sont pas neutres, mais il n'y a pas de complot national en vue de faire croire des mensonges aux gens. La plupart d'entre nous ont un emploi et des responsabilités qui requièrent tout notre temps et notre attention. Personne, y compris moi-même, ne veut se lancer dans une lutte frivole contre les banques. Parlez-en à vos amis. Demandez-leur de vous parler de leur relation avec leur banque. Si vous tentez honnêtement de trouver la vérité à cet égard, vous trouverez des preuves de ce que j'avance.
• 1120
Le problème, c'est que lorsque quelqu'un se plaint, ou bien on
le calme rapidement—s'il s'agit de quelqu'un qui veut y consacrer
beaucoup d'efforts, comme M. Clark—ou on fait fi de ses propos.
Les incidents continueront de se reproduire tant que tous les
particuliers et organismes intéressés refuseront de faire face aux
problèmes honnêtement et avec intégrité.
J'y réfléchissais en venant ici. Lorsque j'étais enfant et que je refusais de manger ce qu'on me servait à dîner, mes parents me disaient: «Tu sais, il y a des enfants qui crèvent de faim en Chine». Ma réponse lamentable était toujours: «Nommez-m'en un». Vous savez, c'était là!
Des voix: Oh, oh!
M. Thomas Caldwell: J'ai inclus des exemples. Deux cas ont été portés à mon attention en moins de deux jours. Et ça, ce n'est que ceux dont moi je suis au courant. Je ne vous présente pas de grandes affaires. Ces cas ne font que vous donner une idée de la façon dont on traite ces préoccupations.
Passons au point 3, à la fin. Le premier point touche un incident de vente liée.
Soit dit en passant, j'ai des copies de toutes ces lettres, de mes lettres, que j'ai fait signer par mes clients. Je les garde à mon bureau pour prouver ce que je dis. Souvent, les banques changent de version avec le temps. C'est un peu comme lors d'un accident de la route; il y a cinq versions différentes une semaine plus tard.
Voici ma plainte. Vous pourrez la lire quand vous le voudrez.
Voici la réponse que j'ai reçue. J'ai caché les noms, mais nous parlons bien de la même personne. Vous pouvez voir les mots clés: «malentendus apparents», et «Il semble qu'il y ait eu confusion». J'ai mentionné que l'intéressé avait parlé des politiques de la banque: les employés ont «respecté les politiques de la banque. Puis, bien sûr: «Vous pouvez les renvoyer à la CIBC». Ils ne voulaient pas que je serve d'intermédiaire, car ils préféraient harceler la personne en question directement.
Passons au point suivant, le point 3. Il s'agit ici d'une veuve qui voulait retirer ses actifs de la banque. On lui a mis des bâtons dans les roues pendant très longtemps. Ce genre de transaction prend environ 20 jours. J'ai envoyé cette lettre 30 jours après qu'elle ait fait sa demande, et c'est alors que les choses ont commencé à bouger. Elle laissait son répondeur prendre les appels car le banquier la harcelait au téléphone.
C'est un autre de ces cas, soit dit en passant, de personne qui avait des actifs mais aussi un prêt—tout à fait inapproprié. Comme vous le voyez, on ne parle pas de cela dans la réponse. Encore une fois, les mots clés: M. Wilson a «fait un appel de courtoisie»; il n'a fait qu'un seul appel. Cela m'apparaît... mettez l'adjectif que vous voudrez.
Ils utilisent des expressions comme «tout à fait normal». Il me semble qu'on proteste un peu trop. Puis, «les prétendues observations», «elles ont été perçues», et il semble que le client «n'a jamais indiqué qu'il y avait des préoccupations». Une veuve âgée décide de retirer son argent de la banque, mais elle n'a jamais dit à la banque qu'il y avait un problème? Voyons donc!
Quoi qu'il en soit, vous voyez, d'après les réponses, ce qui se passe.
Ni l'un ni l'autre de ces cas ne seraient considérés comme des plaintes recevables par l'ombudsman fédéral, parce que ces personnes n'ont pas épuisé les procédures de plainte de leur banque, probablement parce qu'elles ne voulaient pas risquer l'épuisement elles-mêmes. Il est ironique de constater que, dans l'incident de ventes liées, le client est finalement allé dans une autre institution financière où il a été forcé d'investir dans un fonds mutuel pour obtenir un REÉR. Il a fini par abandonner, se disant que c'était ainsi que fonctionnait le système.
Lors d'un atelier que j'ai donné récemment dans une autre entreprise d'investissement, j'ai demandé à la vingtaine de conseillers présents combien d'entre eux avaient perdu des clients par suite de ventes liées par les banques. Ils ont presque tous levé la main. Quelques semaines plus tard, cette entreprise a été vendue, et les investisseurs sont privés d'une entreprise indépendante de plus.
Je crois que c'est le point 4, à la fin.
D'autres incidents ont été signalés directement aux journaux. Passons maintenant au point 5, sous la rubrique «Extraits d'articles». Il y a deux extraits ici.
Linda Leatherdale, dans le Toronto Sun, dit ceci:
-
... les grandes banques du Canada prétendent s'opposer aux ventes
liées... À ces banques, je réponds: «Foutaise!».
-
Pourquoi suis-je si cynique? Parce que depuis que j'ai écrit au
dirigeant d'une petite entreprise de services de paies, d'une
entreprise en valeurs mobilières
—c'est moi, soit dit en passant—
-
et à un comptable qui m'ont tous raconté des histoires d'horreur et
ont prétendu que les banques s'adonnent à des pratiques déloyales;
mon téléphone n'arrête pas de sonner.
Ce n'est pas moi qui dis cela. C'est dans le journal. Voilà. Le Sun ne ment pas.
Des voix: Oh, oh!
M. Thomas Caldwell: Cela vient peut-être contredire ce que je disais.
Le point B est aussi intéressant; c'est un autre extrait du Toronto Sun:
-
...J'ai reçu un appel d'une dame qui a été, pendant 22 ans,
directrice des Services à la clientèle à la Banque de Montréal;
elle m'a dit que, à sa succursale, on a demandé aux employés de
faire des ventes liées il y a deux ou trois ans.
-
«On appelait cela de la vente réciproque ou des ventes
additionnelles, mais c'était plutôt ceci: «Je vous donne ceci si
vous faites cela». Et, à mon avis, c'est de la vente liée», a
déclaré Terry, qui a demandé qu'on ne donne pas son nom de famille.
«Cela m'a renversée».
J'ai reçu des appels de ce genre, moi aussi.
• 1125
D'autres organisations ont pris bonne note de leur expérience
à ce chapitre. À partir du point 6, ce sont les lettres dont j'ai
pris note. J'en mentionnerai quelques-unes.
En voici une de Watt Carmichael:
-
La coercition et les ventes liées dans les banques et leurs
filiales du secteur des services financiers n'ont jamais été si
fréquentes.
Murtaugh et Smith sont des courtiers d'assurance:
-
Bien que je croie à la libre entreprise, les banques constituent un
cas particulier où une réglementation claire est nécessaire pour
empêcher toute forme de croisement entre les produits.
En voici une autre, la sixième, de Normand Delisle.
-
Il semble que la plupart des gens ont trop peur des banques pour se
plaindre d'elles. Tout le monde devrait pouvoir choisir ce qui lui
convient le mieux.
À la page suivante, il y a Acumen:
-
Nous estimons que la question des ventes liées est extrêmement
importante pour le secteur des services financiers, et nous
appuyons pleinement...
Dlouhy Investments: Dominik Dlouhy est un ancien gouverneur de la Bourse de Montréal et un ancien président du conseil d'administration:
-
Je me suis opposé à la participation du gouvernement au
démantèlement des Quatre Piliers... Je travaille dans le secteur
depuis de nombreuses années...une oligopole a été créée au Canada,
et, en dernière analyse, cela a réduit la liberté de choix des
Canadiens. Avec la domination croissante des banques, nous créerons
peut-être un «gouvernement parallèle» au pays.
C'est une bonne citation. Je crois qu'elle reviendra nous hanter.
La prochaine est d'Odlum Brown, de Vancouver:
-
Les clients, ou anciens clients, refusent de se plaindre par écrit,
parce qu'il existe une peur universelle des représailles. Les
banques contrôlent tant notre vie que c'en est incroyable.
Great Pacific, de Vancouver:
-
Notre entreprise a signalé cette pratique à l'organisme
d'autoréglementation et lui a donné des exemples concrets, mais
cela n'est pas allé plus loin—les banques n'en ont cure, car elles
se gouvernent elles-mêmes.
Il y a une autre remarque, mais je m'arrête ici. C'est un extrait d'une lettre de Briar Foster, de Foster & Associates. Altus dit essentiellement la même chose, et parle de la distinction entre les ventes réciproques et les ventes liées.
Il y en a une autre qui est intéressante. Je vous en donne encore deux ou trois parmi les plus intéressantes. Encore une fois, j'ai cité ces lettres telles que je les ai reçues. Si vous voulez des preuves, vous pouvez vous adresser à ces courtiers.
En voici une de Regal Capital. Elle comporte un paragraphe intéressant. C'est sur la page suivante et cela porte sur la Banque Scotia:
-
La Scotia Mortgage Corporation (SMC) accepte de ne pas imposer la
pénalité de 1 245 $ sur votre hypothèque si vous transférez des
dépôts d'au moins 20 000 $ à notre succursale.
Si ça, ce n'est pas une vente liée, je ne sais pas ce que c'est. Cela me semble assez coercitif.
Poursuivons. C'est peut-être une erreur.
Brink, Hudson & Lefever, de Vancouver:
-
Les exemples donnés dans cette lettre sont caractéristiques...
Pour Credifinance, c'est la même chose.
En voici une intéressante, c'est la suivante. Cette lettre provient de Robert Candido. C'est la première fois que je la vois, soit dit en passant. Elle est écrite sur du papier blanc, sans en-tête. Elle nous a été envoyée par un planificateur financier qui a eu la permission de l'intéressé. Cette lettre a été rédigée par la CIBC sur du papier blanc, sans en-tête, et a été envoyée au client. C'est le premier incident de vente liée directement à l'achat d'un REER que j'ai vu.
On ne le dit nulle part, mais le client devait signer cette lettre s'il voulait obtenir un prêt.
Quoi qu'il en soit, cela suffit. Il y en a bien d'autres que vous pourrez examiner. Je crois qu'il y en a une vingtaine.
La dernière, le point 7, vient de l'un de nos employés. Comme je quittais le bureau, j'ai dit où j'allais et ce que j'allais faire, et il m'a parlé de cette lettre. Je lui ai demandé où il était ces deux dernières semaines. Il m'a donc écrit quelque chose rapidement et je lui ai fait taper ceci. C'est typique.
Je sais que ça, c'est Canada Trust, et que ce n'est pas une banque, mais c'est la même pratique:
-
Je fais affaire avec la succursale locale de Canada Trust depuis
dix ans et j'ai toujours eu un solde excédentaire; j'y ai obtenu
une MasterCard dont j'ai toujours payé le solde dû.
-
Depuis quelque temps, mon chèque de paye est plus élevé et j'ai
commencé à avoir du mal à encaisser des chèques certifiés tirés sur
une autre banque canadienne.
-
La directrice de la succursale m'a dit que si je voulais encaisser
un chèque certifié, elle devait d'abord donner son approbation
personnelle.
-
Un autre employé de cette succursale m'a aussi dit que si mon
hypothèque, mon REER et mes autres produits financiers étaient
transférés chez Canada Trust, je n'aurais plus de problème à
encaisser des chèques certifiés.
D'accord, ça vaut ce que ça vaut. Pour ce qui est du chèque de paie qui a augmenté, je verrai cela à mon retour au bureau.
Il y a d'autres lettres, si vous en voulez davantage.
Des entreprises telles que First Marathon Securities Limited, Midland Walwyn et Gordon Capital ont toutes témoigné devant votre comité. Aux fins du compte rendu, il est à noter que ces témoignages n'ont pas été faits, comme le prétendent les banques, parce qu'on craint la concurrence légitime des banques. Je ne connais pas un seul professionnel de l'investissement qui craint la concurrence des banques si les règles sont les mêmes pour tous.
Passons maintenant à la politique par rapport à la pratique. Nous avons parlé de la défense fondé sur le déni. J'en ai assez dit. Vous pouvez examiner les preuves que je vous ai présentées.
L'Association des banquiers canadiens a une politique concernant les ventes liées où elle prend l'engagement suivant:
-
Aucune banque n'exercera de pression indue ou de coercition sur un
client dans le but qu'il se procure un produit ou un service auprès
de qui que ce soit, y compris la banque et ses filiales ou sociétés
affiliées, comme condition à l'obtention d'un prêt de la banque.
C'est moi qui souligne le terme «indue».
Le problème, ce ne sont pas les politiques, mais bien les pratiques. Ainsi, par suite de la parution récente de certains articles de journaux, des employés des banques ont dit craindre que leurs programmes de formation ne comprennent des tactiques visant à vendre des produits additionnels au moment de l'octroi de prêts. Je vous renvoie à l'article du Sun que j'ai mentionné.
• 1130
Le mot clé ici, ou l'indice, c'est le terme «indue». En
droit—j'ai vérifié auprès de notre conseiller juridique, car, Dieu
merci, je ne suis pas avocat—normalement, pour qu'une force ou une
pression soit considérée comme étant indue, elle doit être presque
criminelle. Par exemple, l'usage de la violence serait considéré
comme étant une pression indue. Le simple fait d'avoir employé
l'adjectif «indue» indique que la véritable intention de l'ABC
était de donner suffisamment de latitude aux banquiers lorsqu'ils
font des recommandations à leurs clients au sujet de produits
connexes. En fait, cet engagement ne veut rien dire.
Passons maintenant à l'influence. On reconnaît généralement que les banques à charte canadiennes exercent une influence énorme sur le marché et sur les organismes de réglementation. Il en va de même dans les médias où les banques sont de gros principaux annonceurs.
Cela m'a beaucoup amusé. Je ne sais pas si l'un ou l'autre d'entre vous a lu dans le journal de la fin de semaine un article où l'on disait que la Banque Royale est la «société la plus respectée du Canada». Je me demande combien de personnes ont donné leur avis sur ce point. Quelqu'un parmi vous l'a-t-il fait? Je suis sûr que la publicité n'a rien à voir, mais il y a un article qui a été rédigé il y a un an et qui préoccupait vivement les banques également. Sa publication a été retardée en attendant la fin de ces audiences en raison des pressions exercées—c'est l'article du Globe and Mail qui a paru un peu plus tard.
Ce que je veux dire c'est que les banques ont et exercent énormément d'influence. Ce pouvoir leur a apparemment donné une certaine arrogance à l'égard des règlements ou des lois qui ne leur plaisent pas. Cela ressort de façon flagrante de la lettre adressée par l'Association des banquiers canadiens à l'honorable Ernie Eves, dans laquelle les responsables s'opposent à l'adoption éventuelle par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario des limites visant les ventes liées proposées dans l'instrument national 81-105 de la Commission canadienne des valeurs mobilières: pratiques de vente des fonds communs de placement. J'ai joint en annexe à mon mémoire cette lettre et l'article connexe qui porte sur la question.
Je voudrais vous lire ce qu'il y est dit à ce sujet:
-
7.4. Vente liée—Aucune personne ou société ne devra exiger qu'une
autre personne ou société
-
a) investisse dans les valeurs mobilières d'un fonds commun de
placement donné ou d'une famille de fonds commun de placement, ni
comme condition ni en vertu de modalités qui, aux yeux d'une
personne raisonnable, semblent être une condition, de fournir ou de
continuer de fournir des produits ou services; ou
-
b) achète ou utilise des produits ou services comme condition ou
selon des modalités qui, aux yeux d'une personne raisonnable,
semblent être une condition de vente de valeurs mobilières d'un
fonds communs de placement donné ou d'une famille de fonds communs
de placement.
Il s'agit d'un règlement assez neutre, si vous voulez mon avis. Je ne comprends pas qu'un banquier puisse s'y opposer, mais heureusement je n'ai pas le même état d'esprit. Les Canadiens craignent, et à juste titre, les pouvoirs qu'ont les banques d'influer ainsi sur les événements. Le recours au pouvoir politique pour influencer les responsables de la réglementation ne s'est pas limité au domaine provincial.
Outre l'arrogance dont les banquiers font preuve en l'occurrence, il y a la question de logique. Pourquoi l'Association des banquiers canadiens s'oppose-t-elle à l'adoption de règles officielles—pas des politiques, lignes directrices ou autre chose qu'elles peuvent «contrôler à l'interne»—concernant les ventes liées? Pourquoi s'oppose-t-elle à ce règlement lorsqu'elle prétend que les ventes liées n'existent même pas? Si les ventes liées ne se pratiquent pas sur une vaste échelle, pourquoi se préoccuper de règles de portée purement théorique? Seul l'observateur le plus subjectif refusera d'admettre qu'une telle objection est intéressée.
Voyons la question sous un angle plus général. Aux termes de la Loi sur les banques, les banques ont le pouvoir de créer des prêts et de faciliter les transactions—créer du crédit, des prêts, etc. Elles offrent ces prêts en fonction des dépôts et des liquidités qu'elles détiennent conformément à la politique monétaire du pays et selon les directives de la Banque du Canada. Les droits, privilèges et obligations conférés aux banques leur donnent un rôle fiduciaire par rapport à la Banque du Canada, au gouvernement du Canada et à la population canadienne.
Il est tout à fait inadmissible que les banques utilisent les pouvoirs qui leur sont conférés par la Loi sur les banques, dans le cadre de la politique nationale, pour accroître le marché de leurs sociétés affiliées qui ont des revenus découlant des frais de service. C'est ce qui se passe avec l'interdistribution et les ventes liées.
On parle d'interdistribution lorsqu'une banque accorde des prêts à des conditions plus favorables à un client qui achète un produit connexe de la banque, par exemple les taux d'intérêt plus faibles s'il achète son fonds commun de placement. Cette pratique est de plus en plus répandue et devrait également faire l'objet d'un examen, car en agissant ainsi, les banques utilisent pour leur propre profit des pouvoirs qui leur sont conférés dans l'intérêt public.
• 1135
Pour l'essentiel, les ventes liées représentent également de
semblables... Je ne pense pas qu'il faille abandonner la question
de l'interdistribution, mais les ventes liées représentent
également une violation de l'obligation fiduciaire, de même qu'un
abus de pouvoir de la part des grandes banques.
Comme je le signalais dans ma lettre d'accompagnement, on ne joue pas à armes égales et ce déséquilibre a déjà été la cause de l'effondrement du secteur des sociétés de fiducie indépendantes, du secteur des courtiers en placements indépendants et autres, et semble maintenant avoir pour cible le secteur des assurances.
Il est intéressant de signaler l'incidence que l'influence et le pouvoir ont sur les pratiques commerciales. La plupart des organismes, confrontés à l'inquiétude d'un grand nombre de clients et de journalistes, s'efforceraient de calmer ces inquiétudes et seraient même reconnaissants d'en avoir été informés. Comme l'a dit M. Pillitteri, il a été dans les affaires et je suis en affaires. Si un problème se pose, si un incident malencontreux s'est produit, on m'en informe et je prends les mesures nécessaires. Je veux y remédier, car je tiens à gérer une bonne entreprise et à être concurrentiel. Ce n'est pas le cas en l'occurrence.
Apparemment, le secteur bancaire réagit en se battant et en dénigrant les menaces perçues. En fait, j'y ai pris un malin plaisir. Avant de venir ici, j'ai été menacé—en fait, je ne suis pas certain qu'il s'agisse vraiment d'une menace—par le biais d'un des journaux. L'un des responsables des relations publiques de la Banque Royale a dit que j'allais être discrédité si je témoignais devant votre comité, et pendant une seconde, j'en ai eu froid dans le dos. J'ai pensé que cela voulait dire qu'il allait confisquer mes cartes de crédit. Mais c'est une question d'attitude. C'est typique de la part des banquiers. Leur arrogance est due aux pouvoirs illimités dont ils jouissent, et aucune publicité, pas même cette campagne de 20 millions de dollars, ne pourra faire oublier aux consommateurs cette attitude sous-jacente.
Toutes ces questions nous ramènent à une simple question unique. Mesdames et messieurs, quels pouvoirs souhaitez-vous voir les banques exercer dans la vie de tous les jours des Canadiens? C'est là la question. Un point c'est tout.
Et encore, il ne suffit pas de venir ici et de se plaindre. Je devrais essayer de vous proposer une ou deux solutions. Voici certaines recommandations, certaines possibilités que je vous demande instamment d'envisager.
1. Il faudrait imposer une interdiction stricte aux ventes liées, et j'y inclurais sans doute l'interdistribution. Toutefois, une interdiction stricte visant les ventes liées devrait être mise en place chaque fois qu'il y a demande de crédit, c'est-à-dire chaque fois qu'une banque consent des prêts. Il faudrait évidemment pouvoir exiger des nantissements raisonnables, mais certainement pas exiger que le client achète un produit de la banque.
2. Il faudrait prévoir des sanctions sévères en cas de violation de cette interdiction.
3. Il faudrait mettre sur pied un processus clair et direct de plainte, appliqué en dehors des banques et du système bancaire. Ce processus de plainte et la façon de l'utiliser devraient être annoncés librement et régulièrement au public. Il faudrait en confier la gestion à des personnes prêtes à écouter et à aider les clients, en plus de trouver une solution rapide aux problèmes.
Ce n'est que grâce à ces trois mesures que nous pourrons tenir en bride notre système bancaire omniprésent et, si on le laisse faire, omnipotent, afin qu'il fournisse des services financiers qui répondent aux besoins de tous les Canadiens.
Les banques n'ont pas lieu de s'inquiéter. Je suis convaincu qu'elles survivront et qu'elles continueront de prospérer malgré la protection et la transparence garanties par ces mesures.
Mesdames et messieurs, merci de votre patience.
Le président: Merci.
M. Thomas Caldwell: Je regrette, j'ai parlé plus longtemps que prévu.
Le président: Ce n'est pas grave.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président, et soyez le bienvenu, monsieur Caldwell.
M. Thomas Caldwell: Merci.
M. Werner Schmidt: Je suis heureux de vous voir. Votre exposé convaincant et théâtral n'était pas dénué d'humour. Cela fait du bien lorsqu'on examine ce genre de questions.
Si j'ai bien compris vos recommandations, elles sont au coeur de tout votre mémoire; tous les arguments qui débouchent sur ces recommandations visent à interdire carrément la pratique des ventes liées par les banques. Cette interdiction devrait-elle se limiter aux banques ou s'appliquer également à toutes les entreprises?
M. Thomas Caldwell: Comme vous pouvez le constater, j'ai exprimé une réserve en disant que l'interdiction s'appliquerait chaque fois qu'il y a une demande de crédit. Dès qu'une banque consent un prêt, dès qu'un créancier est en cause, elle exerce un pouvoir à l'égard de cette personne et ses suggestions ont dès lors beaucoup de poids; souvent, les gens n'ont même pas le choix.
Par exemple, supposez que je veuille appeler une compagnie d'assurance—j'ai un peu pitié des représentants du secteur des assurances à l'heure actuelle. Supposons donc que je veuille appeler la Banque canadienne impériale de commerce. Je prends le téléphone et je dis: «Je crois savoir que vous offrez de bonnes conditions sur vos prêts-auto». On me répond: «En effet, et soit dit en passant nous offrons également de vraiment bonnes conditions sur nos prêts hypothécaires». Je ne vois rien à y redire, car c'est un ensemble. Toutefois, dès l'instant où je m'adresse à une banque pour emprunter de l'argent, comme quelqu'un l'a dit plus tôt, les règles du jeu changent. C'est donnant donnant. J'ai besoin de cet argent. C'est pourquoi je m'adresse à la banque. Je n'y vais pas pour le plaisir.
C'est ce que je veux dire. Le critère devrait être la demande de crédit.
M. Werner Schmidt: C'est donc en fait la seule condition que vous y fixez.
M. Thomas Caldwell: Oui.
M. Werner Schmidt: Puis-je vous demander comment vous définissez les ventes coercitives ou la pression indue ou encore l'imposition d'une condition? Ce sont les trois expressions qui sont le plus souvent utilisées à ce sujet. Comment les définissez-vous?
M. Thomas Caldwell: Je le répète, en droit, le terme «indu» est sujet à une très large interprétation. Par «pression indue», on entend exercer une menace auprès d'une personne pour l'obliger à faire quelque chose. Toutefois, une simple suggestion peut représenter une «pression» lorsqu'on est en position de dépendance. C'est dans ce contexte que cela s'applique.
Soit dit en passant, il a été signalé à Washington, même si je ne pense pas que ce genre de choses soient très courantes là-bas, que les écarts dans la balance des pouvoirs représentent une influence exagérée en soi. C'est ce qui a été dit au sujet d'une affaire mettant en cause la Maison-Blanche. Là encore, c'est une politique que l'on peut décider de suivre ou non, mais ce que je veux dire, c'est que le simple fait de faire une suggestion équivaut à l'exercice d'un pouvoir exagéré.
Une fois que j'ai obtenu mon emprunt et que les documents sont signés, pas de problème. La voie est libre. Je quitte la banque et je reviens une autre fois où l'on me dit: «Au fait, nous offrons d'excellentes conditions dans tel et tel domaine». C'est bien. Mais lorsqu'il y a un lien entre les deux, c'est une autre affaire. Je voudrais donc élargir la question de la coercition pour y inclure les rapports de force. En fait c'est sous cet angle que j'aborde la question. Autrement, nous allons tourner en rond pendant des jours pour essayer de trouver une définition.
M. Werner Schmidt: C'est exactement l'un des problèmes auxquels nous nous heurtons, la «pression indue» ou la «coercition», toutes ces expressions intéressantes en rapport avec le problème.
M. Thomas Caldwell: Puis-je vous interrompre un instant, monsieur Schmidt? Lorsque je travaillais pour une autre entreprise, si le président me disait: «Tom, je pense que vous devriez faire cela» ou «Je pense que ce serait une bonne idée de faire cela», je le faisais. Je pense que nous le ferions tous. C'est de la coercition. La coercition découle des rapports de force. Les deux parties ne sont pas sur un pied d'égalité. Je regrette, je ne voulais pas vous interrompre.
M. Werner Schmidt: C'est bien. Cette question de coercition est donc sous-entendue?
M. Thomas Caldwell: Oui.
M. Werner Schmidt: C'est un facteur d'intimidation qui se fonde sur une position d'autorité ou, si vous voulez, une position dominante dans l'entreprise.
M. Thomas Caldwell: Dans votre vie.
M. Werner Schmidt: Comme vous l'avez dit, dans la vie du client qui fait une demande de crédit. Ainsi, lorsqu'on parle d'un secteur d'activités qui occupe une position dominante dans notre économie et qui exerce une influence oligarchique sur le secteur où il y a peu de concurrents, le pouvoir détenu augmente de façon disproportionnée par rapport au nombre de succursales, de sorte que la personne, en fait... le pouvoir augmente de façon exponentielle et indirecte. En fait, c'est inversement proportionnel au nombre d'institutions en activité, de sorte que moins celles-ci sont nombreuses, plus elles détiennent de pouvoir.
M. Thomas Caldwell: Ou moins il y a de concurrence, plus elles sont puissantes.
M. Werner Schmidt: Oui, par déduction. Dans ce cas, cette interdiction s'appliquerait-elle, chaque fois qu'il y a demande de crédit, non seulement aux banques mais aussi, disons, aux coopératives de crédit ou aux institutions privées comme New Port ou encore aux établissements de crédit hypothécaire? Appliqueriez-vous la même recommandation à ces institutions?
M. Thomas Caldwell: Oui. Je parle des particuliers.
Remarquez, il y a ici un article, un de ceux de Peter Bailey de Gordon Securities, qui s'applique également au niveau de la société. À mes yeux, chaque fois qu'il y a octroi de crédit—et peu m'importe si cela vient d'une société de fiducie ou d'une coopérative de crédit—le rapport entre les deux parties n'est plus d'égal à égal et la suggestion du prêteur a un poids. Peu m'importe de quelle institution il s'agit. Il se trouve que nous parlons des banques, mais il en va de même pour tous les établissements de crédit. Une fois qu'on a obtenu l'emprunt, c'est bien. Après que les documents sont signés, nous pouvons discuter d'autre chose.
M. Werner Schmidt: Merci d'avoir élargi la question. Cela nous est très utile.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Schmidt.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Bonjour, monsieur Caldwell.
[Traduction]
M. Thomas Caldwell: Soit dit en passant, je vous présente mes excuses. Nous devions en apporter 10 en français et 20 en anglais. J'ai déjà eu assez de mal à préparer un exposé en anglais en un jour et demi, et je m'excuse de ne pas avoir eu le temps de le faire traduire.
M. Pierre de Savoye: J'accepte vos excuses. Je dois admettre que votre exposé était passionnant.
M. Thomas Caldwell: Je vous remercie.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Monsieur Caldwell, j'ai de la difficulté à croire qu'une proportion aussi importante de vos clients soit constituée de paranoïaques. J'ai moins de difficulté à croire que ce que vous nous avez présenté n'est que la pointe de l'iceberg. Mais ce qui me frappe davantage, monsieur Caldwell, c'est que dans plusieurs exemples, vous semblez indiquer que les clients de la banque se sont vu offrir un produit qui ne leur convenait pas et même imposer ce produit qui ne leur convenait pas.
• 1145
Au cinquième point, à la page 3, vous
dites:
[Traduction]
-
L'un des clients de notre société qui détenait des avoirs
financiers importants dans une banque a néanmoins été invité à
contracter un petit prêt à des fins personnelles, tout simplement
pour que le préposé de la banque puisse vendre un autre produit
bancaire.
[Français]
Un peu plus loin, dans une lettre que vous écriviez à M. Clegghorn, vous mentionniez que M. Wilson, un conseiller de la banque, avait dit à une certaine dame:
[Traduction]
«Si vous investissez chez Caldwell Securities, vous ne récupérerez jamais votre argent».
[Français]
Est-ce qu'on n'est pas ici en plein conflit d'intérêts? Est-ce que de tels exemples ne démontrent pas que les banques sont en situation de conflit d'intérêts et qu'elles privilégient davantage leur propre intérêt plutôt que celui de leur client ou cliente? Qu'est-ce que vous en pensez, monsieur Caldwell?
M. Thomas Caldwell: Oui.
M. Pierre de Savoye: Merci, monsieur Caldwell.
[Traduction]
M. Thomas Caldwell: Absolument.
Tout d'abord, nos clients ne sont ni paranoïaques ni paniqués, et moi non plus d'ailleurs. C'est pourquoi je suis ici. Je crois toutefois que lorsqu'on est au courant de la situation et qu'on a le courage de dire ce que l'on pense, alors il faut le faire. C'est une obligation pour chacun d'entre nous. C'est pourquoi vous êtes là.
Les banques n'offrent peut-être pas un produit qui ne répond pas aux besoins. Je ne prétends pas qu'elles obligent un client à acheter quelque chose d'inutile, qu'elles sont le diable incarné. Ce n'est pas le cas. Des pressions sont exercées. En fait, je compatis avec les employés de banque dans ce cas-là. Ils se trouvent à tort obligés de s'occuper de vente alors que bon nombre d'entre eux préfèrent occuper des fonctions de service. Ils doivent vendre des produits, et leurs primes, leurs promotions, etc., sont ...j'en ai parlé plus tôt.
L'incident dont j'ai parlé—et, d'ailleurs, il s'agit dans les deux cas de la même femme—et en vue de vendre plus de produits bancaires... C'est mon hypothèse. Je ne vois aucune autre raison pour laquelle une personne qui a des dépôts de plusieurs centaines de milliers de dollars dans une banque voudrait, de son propre gré, obtenir une marge de crédit personnelle de 10 000 $ environ pour faire des travaux dans sa maison. Ne vaudrait-il pas mieux annuler certains CPG ou vendre certains fonds communs de placement?
Cette femme était veuve. Elle avait perdu son mari un an et demi plus tôt et cherchait des réponses auprès des gens, et j'estime que, lors de cet incident, M. Wilson... Je ne le connais pas, mais d'après ce qu'elle m'a dit, il a essayé de la convaincre de laisser son argent à la banque également, en ayant recours à des menaces et des pratiques déloyales...en lui disant qu'elle ne récupérerait pas son argent de chez Caldwell. Elle a dû faire des pieds et des mains pour sortir son argent de la Banque Royale. Ces gens-là étaient donc manifestement intéressés et je pense qu'il y avait clairement conflit d'intérêts.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Lorsque l'on parle du sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire les ventes liées, on ne parle pas nécessairement de conflit d'intérêts. Mais manifestement, la notion de conflit d'intérêts existe. Est-ce qu'elle devrait faire l'objet de nos préoccupations lorsqu'on parle de ventes liées ou non liées, au-delà même de la notion de prêt? En d'autres termes, est-ce que vous nous recommanderiez de traiter aussi de la question des conflits d'intérêts?
[Traduction]
M. Thomas Caldwell: Par définition, la vente liée équivaut à un conflit d'intérêts. L'interdistribution également, dans une certaine mesure. En effet, une personne vient vous trouver pour obtenir un certain produit et cette personne se trouve dans une position de faiblesse par rapport à vous. Et vous lui dites que vous pouvez répondre à son besoin.
Là encore, je ne parle pas de demander un nantissement justifié et raisonnable comme condition d'octroi du prêt. Je parle de plus que cela. C'est une autre affaire de répondre à cette personne en lui disant nous ferons ceci si vous faites cela, que ce soit ouvertement ou par sous-entendu. Cela en soi représente un conflit d'intérêts, à mon avis.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Croyez-vous que si on élimine la notion de prêt, tel que vous le dites dans votre recommandation, la question des conflits d'intérêts se réglera d'elle-même?
[Traduction]
M. Thomas Caldwell: Je ne sais pas. Je pense que cela réglera en grande partie le problème. Il y aura toujours des secteurs où des conflits d'intérêts existent. On ne peut pas tout faire en une seule fois, et il reste toujours des brèches. Toutefois, je pense que cela résoudra l'essentiel des cas de conflit d'intérêts mettant en cause les consommateurs. M. Pilliteri a dit qu'il s'intéresse au consommateur. Cela résoudra sans nul doute cet aspect du problème
[Français]
M. Pierre de Savoye: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Caldwell.
[Traduction]
Le président: Monsieur Casey.
M. Bill Casey: Je vous remercie.
Vous me faites penser à un fusil à deux canons.
M. Thomas Caldwell: Ah bon?
M. Bill Casey: Oui, vous êtes très efficace et vous nous avez beaucoup appris grâce à votre témoignage.
Je suis coincé à la page 1 où il est dit précisément: «Je suis ici à cause d'une cliente qui était en larmes dans mon bureau». Moi aussi, je suis dans les affaires et j'ai dit il y a quelques instants que j'avais vécu la même expérience. Il y avait une vieille dame en larmes dans mon bureau à cause d'un employé de banque qui s'était mal comporté. Il est intéressant de noter que vous venez de la rue King, à Toronto, et que cette dame vit à un endroit qui s'appelle Tatamagouche, en Nouvelle-Écosse.
J'espère que le message sera compris, à savoir que même si les banques nient exercer des pressions indues, le fait que leur attitude pousse les gens aux larmes est bien la preuve du contraire. Que les banques en soient conscientes ou qu'elles l'admettent ou non, le comportement des responsables équivaut sans nul doute parfois à des pressions indues. J'espère que c'est au moins une chose acquise, que nous nous entendons à dire qu'il y a un problème et que les banques exercent des pressions indues.
M. Thomas Caldwell: J'aimerais intervenir un instant. Je ne sais pas si je devrais le dire ou non, parce que cela semble un peu mélodramatique, mais j'ai été tellement surpris que je voulais aller voir le gestionnaire en cause et régler la question avec lui plutôt que d'en parler devant le comité. Cela m'a vraiment exaspéré. Il s'agissait d'une veuve et je me souviens m'être demandé comment son mari réagirait s'il était encore là.
M. Bill Casey: C'était la même chose, dans mon cas. Il s'agissait d'une dame dont le mari venait tout juste de mourir et c'était la première fois qu'elle s'occupait elle-même de ses finances et de ses placements. J'en ai saisi le vice-président de la banque en cause. Je ne sais pas si les responsables ont pris la question au sérieux ou non, mais cet incident s'est produit il n'y a pas très longtemps et je crois qu'on peut vraiment parler de pression. Si les actes des responsables poussent quelqu'un aux larmes, c'est qu'il y a pression. La coercition c'est peut-être une question de jugement, comme je l'ai écrit ici, mais c'est un problème très grave. Je ne pense pas que les présidents et directeurs de banque soient conscients de ce qui se passe au niveau des contacts avec la clientèle. Comme vous le dites, ils exercent des pressions sur leur personnel, lequel fait de même à l'égard des clients.
Je vais vous citer un bon exemple. Vous avez parlé il y a un instant d'un retard dans le transfert du REER d'un client. J'ai eu la même chose...
M. Thomas Caldwell: C'est courant.
M. Bill Casey: Oui. Mon client n'était pas le genre à se laisser faire et il a fait violemment irruption dans la banque au bout de 30 jours. Le directeur était absent mais le directeur adjoint était là et il n'aimait pas le directeur de la banque. Le client a demandé où était son argent et le directeur adjoint lui a répondu que le directeur ne pouvait pas l'envoyer en ce moment car il avait dépassé son plafond autorisé de transfert pour le mois et qu'il fallait donc que le client attende le mois suivant pour que son argent soit transféré. Voilà le genre de choses auquelles on se heurte.
C'est sidérant. Je suis ici à vous écouter et j'ai l'impression d'écouter mes clients.
Vous avez parlé aussi de l'influence. Je trouve regrettable que les clients, dans ce secteur, ne soient pas sur un pied d'égalité pour ce qui est de l'influence. Je ne sais pas combien d'entre vous ont fait l'objet des démarches de la part de banquiers et de directeurs membres de l'association, mais depuis mon élection le 2 juin 1997, j'ai sans doute eu huit directeurs qui ont communiqué avec moi pour me donner leur avis sur le secteur bancaire, les ventes liées, etc. C'est quand même incroyable d'être en mesure de communiquer directement avec des députés.
Quant au fonds de 20 millions de dollars dont vous avez également parlé, c'est un autre exemple. Les banques ont énormément d'influence pour faire passer leur message, contrairement aux consommateurs.
Le président a suggéré que j'indique le nom des personnes dont j'ai parlé lors de mes interventions précédentes. Mais ces personnes n'oseront jamais car elles ont peur également qu'on leur retire leur marge de crédit ou leur prêt hypothécaire, ou encore leur carte Visa, pour la même raison qu'elles refusent de venir témoigner devant le comité. De toute façon, ce sont des cas bien réels.
Je suis censé vous poser une question, mais vous avez déjà répondu à tout ce que j'aurais voulu vous demander, même si je suis fasciné par votre...
Le président: Vous pouvez faire des observations si vous n'avez pas de questions à poser.
M. Thomas Caldwell: J'aimerais faire une remarque. Dans l'une des lettres dont j'ai parlé, et celle-ci provient d'un courtier en placement, Dominick & Dominick, il est dit ceci au dernier paragraphe:
-
Mon hésitation à écrire cette lettre par crainte de représailles
éventuelles vous fera comprendre à quel point les banques
détiennent aujourd'hui un pouvoir économique dominant et insidieux.
• 1155
Cela se trouve au point 6 du paragraphe 3, dans la lettre de
Dominick & Dominick, et c'est toujours la même chose lorsque les
gens osent intervenir. Bien des gens hésitent à dire quoi que ce
soit. Et il s'agit là de courtiers en valeurs mobilières. Je veux
dire que nous avons tous besoin d'une ligne de crédit un jour ou
l'autre.
M. Bill Casey: C'est encore une question de différences dans les rapports de force. Si nous parlions de vente d'automobiles, les gens n'hésiteraient pas à venir vous faire part de leur expérience. Si on parlait de l'industrie du vêtement, les gens n'hésiteraient pas non plus à venir en parler. Mais il existe cette pression subliminale, cette pression perçue, cette menace perçue au sujet de l'industrie bancaire.
Je le répète, je ne suis pas là pour critiquer les banques. C'est grâce à elles si je suis dans les affaires, et elles m'ont prêté de l'argent à des moments où elles n'auraient sans doute pas dû le faire. Toutefois, il y a un problème dans le rapport avec les consommateurs. M. Pillitteri a dit qu'il s'inquiète pour ses clients. Si les responsables d'un secteur d'activités poussent leur clientèle jusqu'aux larmes, c'est qu'il y a un problèmes. Trouvons une façon d'éviter d'en arriver là.
Le président: C'est justement l'objet de nos audiences, monsieur Casey. Merci beaucoup.
Passons maintenant à M. Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je ne dis pas que l'on est en train de tomber à bras raccourcis sur les banques ce matin, mais moi non plus je ne pourrais pas vivre sans elles. Je ne suis pas encore arrivé au stade où je sais ce que sont les valeurs mobilières. Peut-être que je n'en ai jamais eu le besoin, ou que je n'ai jamais eu assez d'argent pour en acheter. Pouvez-vous m'expliquer, en termes simples, ce que sont les valeurs mobilières, monsieur?
M. Thomas Caldwell: Des actions et des obligations.
M. Gary Pillitteri: Des actions et des obligations. Comment les achète-t-on?
M. Thomas Caldwell: Par l'entremise d'un courtier en placement ou d'un conseiller en placement.
M. Gary Pillitteri: Une question simple, monsieur: que doit-on payer lorsqu'on achète ces actions ou obligations, ou lorsqu'on les vend?
M. Thomas Caldwell: Soit dit en passant, cela englobe également les fonds communs de placement.
Les clients paient une commission de courtage. Pour les actions, la commission varie, mais cela fait l'objet de négociations.
M. Gary Pillitteri: Existe-t-il des barèmes de frais différents?
M. Thomas Caldwell: Il existe toutes sortes de barèmes de frais dans ce secteur.
M. Gary Pillitteri: Non, je veux dire que lorsqu'on offre un service, les frais peuvent-ils varier?
M. Thomas Caldwell: Dans le secteur des valeurs mobilières, la plupart des transactions—l'achat des fonds communs de placement, des actions, des obligations—sont assujetties à une commission dont le montant varie. Dans le secteur de la gestion, ce sont des frais liés à la gestion des fonds, des valeurs mobilières, mais pour ce qui est des transactions, cela se fait par voie de commission, en effet.
M. Gary Pillitteri: Autrement dit, «votre argent, c'est votre affaire» cela s'applique à des personnes qui ont des fonds excédentaires sur lesquels elles comptent pour assurer leur avenir, n'est-ce pas?
M. Thomas Caldwell: En effet.
M. Gary Pillitteri: En d'autres termes, je suis un homme d'affaires et je n'ai que des fonds limités en poche.
M. Thomas Caldwell: Cela ne suffit pas.
M. Gary Pillitteri: C'est précisément pourquoi je me suis exprimé ainsi. J'aurais pu faire l'inverse, j'aurais pu puiser dans mon porte-monnaie.
Mais puisque cela ne suffit pas—je le répète, je ne suis pas vraiment à la recherche de placements pour l'avenir—j'ai des fonds limités en poche. Votre secteur d'activités veut mettre la main sur cet argent sans que personne ne s'ingère dans ces affaires. Vous en arrivez au point où, avec une certaine garantie, vous n'avez en fait aucune concurrence car j'ai décidé que je vais investir dans quelque chose pour l'avenir.
M. Thomas Caldwell: Je ne comprends pas votre question.
M. Gary Pillitteri: Je vais établir le lien.
M. Thomas Caldwell: Je ne vous suis plus.
M. Gary Pillitteri: Permettez-moi de m'exprimer autrement. En fait, votre entreprise n'est pas différente d'une banque car vous voulez vous occuper de l'argent des autres.
M. Thomas Caldwell: Non, c'est totalement différent. Cela revient à dire que vous et moi sommes la même personne parce que nous avons tous deux les cheveux gris. Voyons! Ça ne va pas!
M. Gary Pillitteri: Non, ce n'est pas ce que...
M. Thomas Caldwell: Permettez-moi de répondre à votre question.
M. Gary Pillitteri: Je ne veux pas me lancer dans un débat, mais ce que je veux dire, c'est que d'une certaine façon, vous vous occupez de vendre des valeurs mobilières, de vendre un produit, et pourtant vous n'avez aucune concurrence dans votre secteur d'activités, si ce n'est ceux qui font la même chose que vous.
M. Thomas Caldwell: Non, ce n'est pas vrai.
M. Gary Pillitteri: Vous n'êtes pas en concurrence avec la banque, n'est-ce pas?
M. Thomas Caldwell: Bien sûr que si.
M. Gary Pillitteri: De quelle façon, monsieur?
M. Thomas Caldwell: Les banques ont des maisons de courtage affiliées qui relèvent d'elles, de sorte que leurs opérations de courtage sont en concurrence avec les nôtres.
M. Gary Pillitteri: Mais elles prêtent également de l'argent.
M. Thomas Caldwell: Oui, elles prêtent également de l'argent.
M. Gary Pillitteri: Vous, non.
M. Thomas Caldwell: Non, nous n'accordons pas de prêts, mais nous subissons la concurrence de toutes les banques par le biais de leurs firmes de courtiers d'escompte, de leurs sociétés affiliées offrant tous les services ou des autres entreprises connexes. Nous sommes assujettis à une très vive concurrence qui exerce une pression à la baisse sur les commissions, ce qui permet aux consommateurs d'obtenir de meilleurs prix lorsqu'ils achètent et vendent des actions. Il nous faut gérer les fonds de nos clients, des fonds qu'ils mettent de côté, dont ils n'ont pas besoin dans leur vie de tous les jours; notre rôle est de gérer ces fonds et de les aider à croître. C'est un secteur d'activités extrêmement concurrentiel. Si vous ne pensez pas que le secteur des fonds communs de placement est concurrentiel...
M. Gary Pillitteri: Toutefois, vous ne prenez aucun risque avec ces fonds, n'est-ce pas?
M. Thomas Caldwell: Vous dites?
M. Gary Pillitteri: Vous ne prenez aucun risque avec vos fonds. Vous ne prêtez pas d'argent. Il n'y a pas de risque.
M. Thomas Caldwell: Disons que...
M. Gary Pillitteri: Aujourd'hui, vous pourriez me dire que cette valeur mobilière, si je l'achète...
M. Thomas Caldwell: Non, nous...
M. Gary Pillitteri: ... ou que je devrais l'acheter, mais si cette action ou cette obligation perd de sa valeur, je ne peux rien y faire, sauf peut-être prendre un conseil.
M. Thomas Caldwell: Je peux vous expliquer la situation de la façon la plus simpliste possible... et c'est extrêmement simple car les choses ne se passent pas ainsi. En fait, nous jouons un rôle consultatif auprès des clients; nous les aidons à gérer leur argent. Les médecins ne prennent aucun risque s'ils vous disent de prendre de l'aspirine et que vous en mourez. Ils ne sont pas en danger pour cela, ils offrent un bon service. Dans notre secteur d'activités, nous fournissons des conseils, nous avons une infrastructure, nous avons investi des sommes considérables dans les services informatisés et les compétences de nos ressources humaines. Si nos clients s'en vont parce que nous n'avons pas bien fait notre travail, nous sommes exclus du marché. C'est un risque pour nous. Il y a également le risque lié à ce que l'on veut faire. Ce qu'une entreprise a de plus cher, c'est sa réputation et son intégrité, et cela représente un risque énorme.
M. Gary Pillitteri: Il n'y a aucun risque de perte de capital.
M. Thomas Caldwell: Bien sûr que si! Où allez-vous chercher cela? Si je...
M. Gary Pillitteri: Vous ne risquez pas de perdre le capital que vous prêtez aux consommateurs.
M. Thomas Caldwell: Venez donc voir mon bureau au...
M. Gary Pillitteri: ...parce que c'est exactement ce que vous êtes en train de nous dire, monsieur. Vous nous dites que vous souhaitez qu'on interdise les ventes liées tant que vous consentirez des prêts, mais ces personnes... Les banques s'occupent de deux choses: elles accordent des prêts, de sorte qu'il y a un facteur risque...
M. Thomas Caldwell: Et elles devraient exiger des nantissements. C'est normal, c'est pourquoi je parle de «nantissement raisonnable». Et c'est à un comité des banques d'en décider; personne ne veut les priver de ces garanties. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Gary Pillitteri: Écoutez, monsieur, vous nous avez dit qu'il y a conflit d'intérêts, et je soutiens que compte tenu de l'exposé que vous avez fait, il n'y a pas de conflit d'intérêts, d'intérêt personnel.
M. Thomas Caldwell: Non, il y a plus que cela.
M. Gary Pillitteri: C'est là où je veux en venir.
M. Thomas Caldwell: Si vous ne voulez pas écouter, je ne vais pas essayer de vous convaincre. Permettez-moi toutefois de vous dire une chose...
M. Gary Pillitteri: Je voulais simplement vous faire comprendre...
M. Thomas Caldwell: Non...
M. Gary Pillitteri: ...parce que vous oeuvrez dans le même secteur...
M. Thomas Caldwell: Des garanties raisonnables...
M. Gary Pillitteri: Si les banques accordent des prêts, elles prennent plus de risques que vous, monsieur...
M. Thomas Caldwell: Si elles consentent des prêts, elles devraient exiger des nantissements.
M. Gary Pillitteri: ...et c'est justement là où je veux en venir.
M. Thomas Caldwell: C'est pourquoi j'ai dit qu'il faudrait également exiger des garanties raisonnables. Personne ne prétend le contraire; les banques devraient exiger des garanties, c'est normal. Ce que nous disons, c'est que cela ne doit pas nécessairement être un produit offert par la banque.
Par exemple, et je ne veux pas m'attaquer à une banque en particulier, mais prenons le cas de la Banque de commerce. Si j'ai emprunté auprès de la banque et qu'elle exige une partie de mes valeurs mobilières comme nantissement, il ne faudrait pas que ce soit nécessairement un fonds commun de placement de la Banque de commerce. Il pourrait s'agir de fonds de la Banque de la Nouvelle-Écosse. C'est ce que je veux dire. Je ne comprends pas où vous voulez en venir. Personne ne nie l'importance des garanties sur les prêts. Nous ne souhaitons pas un système bancaire accablé par de mauvaises créances, mais ce n'est pas là l'objet de notre discussion, ne vous y trompez pas.
M. Gary Pillitteri: Dans la même veine, comme je l'ai dit plus tôt, j'assiste à nombre de réunions entre des clients et des banquiers... Soi dit en passant, ma fille était directrice de banque et aujourd'hui, elle est chef d'entreprise. Permettez-moi d'ajouter que les banquiers disent: «Nous ne sommes pas là pour garantir l'argent, mais pour consentir des prêts. Oui, nous avons une garantie, mais nous ne voulons pas être des propriétaires.» Leur rôle, c'est de prêter de l'argent, et cela implique des risques.
M. Thomas Caldwell: Personne ne prétend le contraire.
M. Gary Pillitteri: Quant à vous, monsieur, vous ne prenez aucun risque. Je tenais à bien le préciser.
M. Thomas Caldwell: Je vends un produit, toutefois. Je...
M. Gary Pillitteri: Il s'agit donc d'un intérêt personnel.
M. Thomas Caldwell: Non, pas du tout. Je ne suis pas ici pour défendre mon intérêt personnel, je ne suis pas ici à cause de mes prêts. Je ne suis pas ici pour exiger que les banques demandent moins de garanties. Je suis un conseiller en placement qui témoigne devant le comité pour le compte de ses clients, pour représenter un secteur d'activités.
Vous pouvez appeler cela de l'intérêt personnel, ou comme bon vous semble, cela n'a rien à voir. La réalité, c'est que je ne parle pas des biens donnés en nantissement. J'ai dit qu'il fallait offrir des garanties raisonnables, mais pas exiger qu'elles prennent la forme d'un produit offert par la banque. Cela n'est pas normal. Cette proposition n'est pas exagérée, et seul un apologiste... Il serait exagéré de prétendre qu'il y a là conflit d'intérêts.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai deux questions. Vous nous avez montré un article du Globe and Mail auquel vous avez fait allusion. Serait-il possible d'en obtenir une copie? Je n'ai pas eu l'occasion de lire cet article.
M. Thomas Caldwell: Il a paru un jour ou deux après les audiences de l'an dernier, sauf erreur. C'est un article de Karen Howlett, daté du 1er octobre 1996—je n'arrive pas à lire l'écriture—et intitulé: «Le Sénat va écouter des histoires de banques qui finiront toutes mal».
Mme Karen Redman: Nous serait-il possible d'en obtenir une copie?
M. Thomas Caldwell: Oui, si vous le souhaitez. C'est la seule que j'ai, en fait—je l'ai pris au moment de quitter mon bureau—mais si quelqu'un peut en faire une photocopie... J'aimerais bien le récupérer.
Mme Karen Redman: L'autre question—et je dois vous dire que les membres du comité ont surtout à coeur l'intérêt des consommateurs; c'est certainement ce qui vous a motivé également à venir témoigner—c'est que, à mes yeux, la définition des ventes liées est vraiment au coeur de notre discussion. Dans votre première recommandation, vous en donnez une définition très générale.
J'ai l'impression que vous englobez également dans cette définition le regroupement des services et l'interdistribution, puisque vous fixez comme condition chaque fois qu'il y a une demande de crédit. Est-ce bien là ce que vous nous recommandez?
M. Thomas Caldwell: La dernière partie de la recommandation est peut-être un peu moins importante, mais elle mérite d'être examinée, car je crois que cela constitue un conflit d'intérêts aux termes de la Loi sur les banques. Je suppose que c'est à cela que M. Pillitteri faisait également allusion.
Cela dit...
Mme Karen Redman: C'est justement ma question, et vous n'avez pas à faire d'hypothèses...
M. Thomas Caldwell: ...je ne pense pas qu'il soit nécessaire de se pencher sur cet aspect de la question, mais en tout cas dans le contexte des ventes liées, certainement.
Mme Karen Redman: Je pose cette question parce que, selon moi, il y a là une zone grise. Pourtant, d'autres témoins nous ont dit que le regroupement des services et l'interdistribution pourraient être avantageux pour le consommateur. Le plus difficile, à mes yeux, c'est de garantir l'équité tout en protégeant, de la façon la plus efficace possible, les droits et choix du consommateur, ce qui est en rapport direct avec cette question. Vous semblez avoir eu des problèmes en englobant tout dans la définition des ventes liées.
M. Thomas Caldwell: Il y a vente liée lorsqu'il y a coercition et abus de pouvoir. C'est un sujet très difficile à traiter.
Voilà mes suggestions. Si j'ai voulu témoigner, c'est pour qu'on en discute ouvertement, car je vous dirai franchement que les gens ont du mal à croire que vous, membres du comité, admettez l'existence des ventes liées. C'est ce qui m'a poussé à témoigner. On ne peut pas résoudre un problème si on en nie l'existence. Il faut admettre que le problème existe.
Je crois—ou j'espère—vous y avoir aidés dans une certaine mesure, en faisant certaines suggestions.
J'ai écouté certains témoins qui sont intervenus avant moi. Tout le monde a parlé de coercition, d'abus de pouvoir, de rapport de force et de pression indue. C'est un débat permanent. Il y a coercition lorsqu'il y a un écart dans les rapports de force. Votre patron vous fait une suggestion, ou quelqu'un qui mesure 2 mètres vous dit: «Je pense que vous ne devriez pas faire cela»: c'est de la coercition.
Il y a donc un déséquilibre dans les rapports de force lorsqu'une personne fait une demande de crédit. Si le crédit est accordé, moyennant une garantie satisfaisante qui soit raisonnable, alors le marché est conclu.
À ce moment-là, il est possible dire: «Au fait, puisque nous avons accordé ce prêt pour l'achat de votre maison, et que les documents sont signés, nous offrons des conditions extraordinaires sur les assurances-habitation et automobile». C'est différent. La demande de crédit est réglée. On peut alors discuter de l'autre aspect.
Mme Karen Redman: Comprenez-moi bien, monsieur Caldwell. Je pose ces questions pour comprendre tout ce que vous nous dites. Je ne le fais pas pour vous contredire.
À mes yeux, vous présentez des choses sous un jour plus simple que la réalité. Je peux comprendre la logique derrière votre argument, mais lorsque je reviens à certains points soulevés par M. Casey, à savoir que si, un jour prochain, je veux renégocier mon taux d'intérêt ou faire une demande de prêt à la petite entreprise, c'est un système très complexe...
M. Thomas Caldwell: C'est une tout autre question. J'essaye de vous mettre sur la bonne voie. Il y a environ un an que ces délibérations ont débuté, et un an qu'on vous raconte des bobards. Tôt ou tard, il faut bien que quelqu'un fasse quelque chose au lieu de noyer le poisson.
Ce que je veux vous dire, c'est que c'est une possibilité, mais il s'agit là d'un aspect de la question. Le renouvellement du crédit secondaire cause évidemment un autre problème. Il faut bien commencer par quelque chose, et ensuite tout le reste suivra; il sera alors un peu plus facile d'aborder la question en se fondant sur des bases concrètes.
Mme Karen Redman: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Pillitteri, avez-vous d'autres questions?
Monsieur Caldwell, merci beaucoup.
M. Thomas Caldwell: Merci de m'avoir écouté.
Le président: Je tiens à vous signaler que si notre comité tient ces audiences, c'est précisément parce que nous estimons que cette question mérite d'être examinée sérieusement.
M. Thomas Caldwell: Merci. Cela me réconforte.
Le président: Nous allons faire une pause de cinq minutes.
Le président: Nous reprenons la séance. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des courtiers d'assurances du Canada: M. Rod Jones, président, M. Mike Toole, président-élu, et Mabel Sanson, directrice exécutive.
Je suppose que vous avez suivi la discussion jusqu'ici et vous savez donc comment notre comité fonctionne. Vous avez une dizaine ou une quinzaine de minutes pour faire votre exposé, après quoi nous procéderons à une période de questions et réponses. Merci. Encore une fois, soyez les bienvenus.
M. Rod Jones (président, Association des courtiers d'assurances du Canada): Merci, monsieur le président. Avant d'aller plus loin, je tiens à signaler que notre exposé sera malheureusement moins truculent que celui du témoin précédent, mais nous avons toutefois quelques idées intéressantes à vous communiquer.
Nous représentons près de 23 000 courtiers d'assurances de tout le pays, lesquels emploient 55 000 personnes. Nous avons déjà témoigné devant le comité par le passé et nous vous remercions de nous avoir à nouveau invités aujourd'hui.
Comme vous l'avez signalé, je suis accompagné de Michael Toole, un courtier d'assurances du Nouveau-Brunswick. Je suis moi-même courtier d'assurances et je viens de la Nouvelle-Écosse; quant à Mabel Sanson, notre directrice exécutive, elle fait la même chose et vient de Toronto.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous apprécions l'opportunité qui nous est offerte de comparaître devant vous ce matin pour reformuler notre position en ce qui concerne les ventes liées. Notre position est simple: nous recommandons au gouvernement fédéral de promulguer les dispositions sur les ventes liées contenues dans la Loi sur les banques.
Cependant, sous leur forme actuelle, les dispositions relatives aux ventes liées pourraient en fait miner l'objectif visé. Plus spécifiquement, nos préoccupations concernent le libellé des paragraphes interprétatifs (2) et (3). Bien que le paragraphe 459.(1) de la Loi sur les banques stipule explicitement qu'aucune banque ne peut exercer des pressions indues pour forcer une personne à obtenir un produit ou service, les paragraphes (2) et (3) minent le paragraphe (1) en permettant aux banques d'agir exactement de cette façon. Nous sommes d'avis que les paragraphes (2) et (3) donnent aux banques considérablement plus de liberté et leur permettront certaines activités au détriment des consommateurs et des petites entreprises.
Pour éliminer tout risque d'interprétation erronée, nous suggérons d'éliminer les paragraphes (2) et (3) et de ne garder que le paragraphe (1) de l'article 459.1. De cette façon, le message est plus clair: les ventes liées sont illégales.
Les ventes liées et les pratiques coercitives ont-elles réellement lieu? Nous en sommes certains. Non seulement ces pratiques douteuses ont lieu, mais en plus elles sont très répandues et les consommateurs et les petites entreprises en ont été les victimes—quelquefois à leur insu—pendant des décennies. À notre avis, ce problème est généralisé.
Les ventes liées prennent différents aspects, allant de la coercition explicite au choix volontaire. La vente liée coercitive est facile à déceler: «Si nous vous prêtons une somme d'argent, vous devez assurer ce prêt auprès de notre compagnie d'assurance». Il y a toutefois des formes plus subtiles et plus répandues de ventes liées. Par exemple, les banques peuvent implicitement lier l'assurance à l'octroi d'un prêt; il suffit parfois de quelques mots du gérant de la banque pour qu'un consommateur se sente obligé de souscrire l'assurance de la banque en vue d'obtenir un prêt. La perception de la coercition peut être plus insidieuse que la réalité—et franchement, il est impossible de la réglementer.
Comme vous le savez sans doute, les consommateurs et les petites entreprises qui ont besoin de crédit se retrouvent toujours dans une situation de déséquilibre des pouvoirs. Le contrôle que possède la banque en ce qui concerne la décision d'octroyer ou de refuser le crédit lui donne la capacité d'exercer une certaine influence sur le choix que feront les consommateurs et les petites entreprises. Par conséquent, ces derniers se sentent souvent vulnérables. Dans la plupart des cas, ils ne désirent pas compromettre leurs relations avec leur institution de dépôt.
Récemment, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada déclarait ce qui suit, au sujet des rapports entre les consommateurs et leurs banques, et de leurs répercussions:
-
Il y a un énorme déséquilibre de pouvoir ici. Nous le savons. Un
client qui demande un emprunt hypothécaire à sa banque, et qui
tient désespérément à mettre sa maison en chantier avant que les
taux n'augmentent la semaine suivante, signera à peu près n'importe
quoi pour obtenir son emprunt, y compris, si nécessaire, une
dispense permettant l'utilisation subséquente de ses renseignements
par des tiers. Le public a droit à un redressement de ce
déséquilibre du pouvoir, à une plus grande transparence et à une
plus grande ouverture du processus.
Il est toujours difficile de protéger le consommateur contre les effets anticoncurrentiels des ventes liées et coercitives. Les règlements sont tout simplement inadéquats.
Certains soutiendront peut-être qu'il y a peu de différence entre la vente croisée et la vente liée. À notre avis, ces deux choses sont tout à fait différentes. La vente croisée est une pratique commerciale courante et acceptée dans de nombreuses entreprises. La vente liée, par contre, est illégale et immorale.
L'ACAC n'encourage pas la réglementation pour le plaisir; elle est d'avis qu'une intervention législative directe serait dans l'intérêt des consommateurs et des petites entreprises.
• 1220
De plus, le besoin d'une politique solide de protection des
consommateurs augmentera au fur et à mesure que les banques
tireront parti des pouvoirs qui leur ont été accordés en 1992 et
qu'elles commenceront à offrir une foule d'autres produits et
services.
Le projet de fusion de la Banque de Montréal et de la Banque Royale du Canada soulève un nombre important de questions liées à l'abus potentiel de l'utilisation des renseignements personnels et des pratiques de coercition et de la vente liée.
Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien reconnaît que, dans ce secteur, la possibilité de prix de faveur et de vente liée coercitive peut soulever des questions plus inquiétantes que celles qui sont soulevées dans le cas de fusions dans d'autres secteurs de l'économie. Les inquiétudes des consommateurs et des petites entreprises sont réelles. Et leur importance ne doit pas être négligée.
Nous aimerions vous faire part de quelques exemples appuyant ce point.
Le mois dernier, un préposé aux prêts de la Banque de Montréal a annoncé à un consommateur du Manitoba ayant une excellente cote de solvabilité qu'un prêt pour maximiser son REER ne lui sera accordé que s'il accepte d'acquérir les produits financiers de la banque.
En Saskatchewan, une famille ayant également une excellente cote de solvabilité, a signalé que sa coopérative de crédit l'avait obligée à acheter une police d'assurance-invalidité afin de profiter d'un prêt-automobile ayant un taux d'intérêt moins élevé.
Un représentant de la Banque Hong Kong en Colombie-Britannique a demandé à un client de lui remettre le «libellé complet» d'une police d'assurance n'ayant aucun rapport avec ses transactions avec la banque parce que les «nouvelles directives émises par le siège social de la banque» l'exigeaient. Que pensez-vous que la banque va faire de ces renseignements?
Il y a un an, une consommatrice vivant en Saskatchewan a été avisée qu'elle devait acheter une police d'assurance-vie auprès de son institution de dépôt pour garantir un emprunt destiné à un REER.
Dans l'est de l'Ontario, un agent d'assurance-vie dont l'hypothèque est payée et dont le REER s'élève à 125 000 $ s'est vu refuser une marge de crédit de 15 000 $. Par contre, on lui a offert un prêt de 25 000 $ avec un taux d'intérêt plus élevé à la condition qu'il transfère ses placements en portefeuille à la banque.
Notre président a lui-même été l'objet de pressions exercées par sa banque pour acheter une police d'assurance-vie de cette banque afin d'augmenter les chances que sa demande de prêt à l'entreprise soit acceptée.
Au début de 1997, nous avons présenté à votre comité certains documents illustrant le recours à la vente liée et à la coercition en Colombie-Britannique. Nous vous invitons à examiner à nouveau ces documents.
Pourquoi y a-t-il donc si peu de plaintes? M. Tom Caldwell, de Caldwell Securities Ltd., l'a très bien dit, lorsqu'il notait dans une lettre ouverte au ministre des Finances, que les Canadiens ont peur de se plaindre. Nous avons souvent remarqué ce fait. De nombreux Canadiens nous ont fait savoir par écrit que leur banque exerçait des pressions. Malheureusement, les consommateurs s'inquiètent souvent des répercussions que cela pourrait avoir sur l'octroi du crédit à l'avenir.
De plus, en tant que propriétaires de petites et moyennes entreprises, nous connaissons les conséquences de ces pratiques sur notre industrie. De plus en plus, nos courtiers nous informent que les banques utilisent leur position sur le marché pour entraver l'exploitation de leur cabinet de courtage.
Par exemple, un courtier a récemment indiqué que sa banque lui avait demandé de transférer tous ses comptes et placements. De surcroît, la banque a limité son crédit parce que les banques allaient bientôt obtenir le droit de vendre des produits d'assurance dans leurs succursales. Récemment, un autre courtier nous a dit que sa banque lui avait refusé le crédit pour les mêmes raisons.
Nous nous éloignons ici de la question de la vente liée, mais ces exemples démontrent comment les banques utilisent leur position dominante. Certains soutiendront que nous—et les consommateurs—pourrions obtenir du crédit auprès d'une autre source. Toutefois, ce n'est pas si facile. Le choix est limité et dans les petites villes et les régions rurales, il y a encore moins de choix.
Enfin, il y a quatre raisons pour lesquelles nous croyons qu'une intervention du gouvernement est nécessaire.
Premièrement, cela enverra un message clair aux institutions canadiennes de dépôt pour leur faire comprendre que la vente liée et les pratiques de coercition ne seront pas tolérées.
Deuxièmement, cela démontrera clairement et positivement aux Canadiens qu'en cette période de changements rapides dans le secteur des services financiers—sans oublier la concurrence et la mondialisation—la protection du consommateur demeure une question prioritaire. Sans un cadre législatif et un régime de réglementation solide, les consommateurs et les petites entreprises sont plus réticents à se plaindre.
Troisièmement, cela rehaussera la souveraineté du consommateur et aidera à rétablir l'équilibre du pouvoir.
Quatrièmement, cela contribuera à assurer une meilleure intégration des préoccupations des consommateurs et des petites entreprises dans la structure de la politique globale régissant le secteur des services financiers canadien.
Le choix et les marchés concurrentiels ne suffisent pas aux consommateurs et aux petites entreprises. Les décisions financières doivent pouvoir être prises dans un environnement libre de pratiques illégales et de procédés contraires à la morale. C'est la raison essentielle pour laquelle nous recommandons au gouvernement fédéral de mettre sur pied une version modifiée des dispositions de la Loi sur les banques concernant les ventes liées.
• 1225
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Jones.
Nous passons maintenant aux questions et réponses. Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg: Merci beaucoup de votre exposé.
Après vous avoir écoutés, je pense que vous avancez certains arguments pertinents, mais j'en reviens toujours aux définitions. Même si, dans votre esprit, la différence entre les ventes liées et le regroupement des services, ou l'interdistribution, est évidente, il y a une chose qui m'échappe dans l'un des exemples que vous avez cités.
Vous avez dit que votre président lui-même a fait l'objet de pressions pour souscrire à une assurance, sauf erreur, pour obtenir un prêt à la petite entreprise. C'est là que les choses se compliquent. Qu'entend-on par pressions?
Pour reprendre un autre de vos exemples, l'agent d'assurance dont l'hypothèque était payée et dont le REER s'élevait à 125 000 $, lorsqu'on lui a dit qu'il devait prendre une marge de crédit de 25 000 $ portant un taux d'intérêt plus élevé, a sans doute envoyé son interlocuteur sur les roses et est parti chez un concurrent.
Dans certaines situations, les gens n'ont pas le choix et c'est alors à mon avis de la coercition, mais j'ai du mal à déterminer quand il y a effectivement coercition même avec les exemples que vous nous avez donnés. Que répondez-vous à cela?
M. Rod Jones: Le moment est bien choisi, je crois, de revenir à une discussion que nous avons ouverte plus tôt aujourd'hui, à savoir la protection qu'apporterait aux consommateurs un resserrement des règlements relatifs à la vente liée. Nous avons fait quelques recherches à l'extérieur du Canada et nous avons pu obtenir des données concrètes sur des lois en vigueur aux États-Unis, dans divers États, ainsi que dans d'autres pays.
Notre directrice exécutive revient d'une conférence tenue à Bruxelles où elle a eu des entretiens sur cette question et où elle a pu glaner des renseignements que nous serions disposés à vous communiquer si cela vous intéresse.
Je pourrais peut-être vous citer un extrait d'une loi en vigueur au Rhode Island en matière de vente liée. Voici ce que dit la disposition:
-
La vente liée est strictement interdite, qu'elle soit explicite ou
implicite. Les banques doivent déclarer clairement par écrit que
l'achat de leurs polices d'assurance n'est pas une condition
préalable à l'obtention de crédit. Quiconque est responsable des
prêts, des crédits ou des dépôts ne peut solliciter des clients
pour les produits d'assurance. Si un prêt doit être assuré, une
police d'assurance souscrite ailleurs ne peut pas être rejetée de
ce seul fait ni être assortis de conditions additionnelles. Les
documents d'emprunt et d'assurance doivent être distincts. Des
locaux physiquement distincts doivent être prévus pour l'assurance
et l'activité bancaire.
Ainsi, on y a défini de façon explicite les conditions jugées nécessaires pour empêcher toute coercition et je crois que c'est un parfait exemple du genre de loi qui pourrait être efficace.
M. Monte Solberg: Si j'ai bien compris ce que vous venez de nous dire, vous voudriez des dispositions beaucoup plus explicites dans la loi qui interdiraient telle ou telle pratique sous toutes ses formes, plutôt que la disposition assez vague que l'on trouve dans le projet de loi.
M. Rod Jones: Nous sommes convaincus que l'article 459.1, tel que libellé, interdirait toute vente liée et en éliminerait la possibilité—étant donné les sanctions prévues—sans qu'il soit nécessaire d'ajouter autre chose.
M. Monte Solberg: D'accord. C'est bien.
Merci, monsieur le président. Je dois malheureusement m'absenter de nouveau.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Je vous remercie pour une présentation qui reprend certaines des choses qu'on avait entendues, mais qui apporte un éclairage différent.
Il y a un paragraphe qui m'a frappé et au sujet duquel j'aimerais que vous précisiez votre pensée. Vous disiez:
-
Certains insisteront peut-être sur l'argument qu'il y a
peu de différence entre la vente croisée et la vente
liée. À notre avis, ces deux choses sont tout à fait
différentes. La vente croisée est une pratique
commerciale courante et acceptée dans de nombreuses
entreprises. La vente liée, par contre, est illégale
et immorale.
À la lumière de votre expérience, pourriez-vous m'expliquer la différence entre ces deux choses et ensuite me dire pourquoi vous dites que la vente liée est illégale et immorale?
[Traduction]
M. Mike Toole (président élu, Association des courtiers d'assurances du Canada): Si vous prenez strictement les produits vendus au détail, pour simplifier voire sursimplifier les choses, on a donné comme exemple d'interdistribution l'offre de chaussettes à un consommateur qui achète des chaussures ou l'offre de bijoux, de foulards ou de chapeaux aux femmes qui entrent dans une boutique acheter une robe. De façon un peu simpliste voilà en quoi consiste l'interdistribution. Quand on a une gamme de produits à vendre, on en fait l'interdistribution.
On a parlé plus tôt de vente coercitive et de vente liée. Là encore, c'est un problème de perception difficile à réglementer. Il est très difficile de réglementer une perception. Quand une personne est assise devant un directeur de banque pour négocier un emprunt, le directeur est en position de force. C'est là encore une question de perception; comment peut-on la réglementer? C'est à mon avis la raison pour laquelle nous avons des règlements musclés et des lois assorties de sanctions parce que nous ne pouvons pas réglementer la perception.
M. Pierre de Savoye: Mais vous avez dit très clairement que la vente liée est illégale et immorale. Dois-je comprendre que vous la jugez immorale et que vous souhaitez qu'elle soit déclarée illégale ou pouvez-vous me confirmer que cette pratique est déjà illégale? Elle ne l'est pas, n'est-ce pas?
M. Rod Jones: À l'heure actuelle, elle n'est pas illégale. Le projet de loi la rendrait illégale. Tant que la loi ne sera pas proclamée, j'imagine que la pratique n'est pas illégale.
M. Pierre de Savoye: Pouvez-vous nous expliquer plus en détail pourquoi vous jugez cette pratique immorale?
Mme Mabel Sanson (directrice exécutive, Association des courtiers d'assurances du Canada): Sur la question de l'immoralité de cette pratique, je pense que c'est dû à la perception qu'on a de la position de force dans laquelle se trouve la personne qui contrôle la situation. Trop souvent, le consommateur est désespéré, il a besoin d'emprunter pour financer l'expansion de son entreprise et on lui impose d'autres critères à respecter qui n'ont rien à voir avec l'emprunt. Là encore, c'est cette relation de force qui peut sembler immorale, même si le consommateur pourrait s'adresser à une autre institution pour obtenir le prêt... Le consommateur a peut-être ce droit, mais il n'a peut-être pas ce choix dans la ville ou le village où il habite. Le consommateur ne peut peut-être pas faire ce choix pour d'autres raisons. C'est là que se pose la question de moralité.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Je vous remercie, madame Sanson.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
[Traduction]
Monsieur Casey.
M. Bill Casey: Cela c'est du bon service, merci.
Je ne sais pas où en sont les efforts des banques pour obtenir le droit de vendre de l'assurance. Où en est ce dossier actuellement? Je sais que les banques essaient de se positionner en achetant de grandes sociétés d'assurances, mais où en est le dossier?
M. Rod Jones: À l'heure actuelle, les banques ne peuvent pas vendre directement aux particuliers dans leurs succursales des polices d'assurance générale, ce qu'elles souhaitent ardemment. Manifestement, cela leur donnerait la possibilité de pratiquer la vente liée ou d'utiliser des pratiques coercitives avec notre produit.
Certaines banques possèdent actuellement des sociétés d'assurances et, par le choix des services de distribution qu'elles font, elles sont libres de nous faire concurrence sur notre marché. Bien franchement, je n'y trouve rien à redire. Nous n'avons jamais contesté l'ouverture du marché à la concurrence. De fait, nous avons dit publiquement que si les banques souhaitent que nous vendions leurs produits pour elles, nous nous ferons un plaisir de le faire.
Nous considérons que si elles sont autorisées à vendre au détail ces produits directement dans leurs succursales, ce sera le consommateur qui au bout du compte y perdra.
L'autre problème que nous percevons—et un autre témoin l'a déjà évoqué—c'est que la banque n'élaborera qu'un produit et ne répondra pas nécessairement aux besoins des consommateurs. Ces derniers ne seront pas en mesure de découvrir ce fait. Si le client peut être contraint d'acheter ce produit, cela servira sans doute les intérêts de la banque, mais pas nécessairement ceux du consommateur.
M. Bill Casey: Vous avez dit que les banques souhaitent vendre leurs produits dans leurs succursales. Croyez-vous qu'elles ont fait des progrès à cet égard?
M. Rod Jones: Nous souhaitons bien que non.
M. Bill Casey: Vous ne seriez pas d'accord avec une telle décision, manifestement, et je suis d'accord avec vous pour dire que cela devrait être interdit.
Croyez-vous que les banques pourraient pratiquer davantage la vente liée si elles vendaient des produits d'assurances dans leurs succursales?
M. Rod Jones: Oui, nous en sommes convaincus sur la foi des faits que nous avons pu réunir au sujet des pratiques qui ont déjà cours.
Notre produit ressemble d'assez près à l'octroi de crédit et de prêts par les banques puisque l'assurance-automobile et l'assurance-habitation sont directement reliées à l'achat d'autres actifs avoirs. Nous croyons que la possibilité existerait certainement.
M. Bill Casey: Avez-vous dit qu'il y a au Canada 23 000 courtiers?
M. Rod Jones: C'est exact.
M. Bill Casey: C'est tout, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Casey. Merci, monsieur Jones.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
Certains commentaires que j'ai entendus ce matin me font penser au cultivateur et au tri sélectif. Je préciserai ma pensée dans un instant.
Monsieur Jones, vous avez dit qu'une loi du Rhode Island interdit la vente liée. Si vous voulez bien être patient, j'aimerais que vous répondiez à cette question que je vais vous poser. Quand j'étais jeune, il y a 30 ans, j'ai obtenu un prêt de la Société du crédit agricole, notre propre société de prêt canadienne, et j'ai été obligé de prendre une assurance-vie comme condition d'obtention de l'emprunt. La situation a peut-être évolué et on n'exerce peut-être plus de pression pour ce qui est de l'assurance-vie. Diriez-vous que c'est un exemple de vente liée? Diriez-vous qu'il y avait là coercition?
M. Rod Jones: J'imagine qu'il s'agirait de savoir si l'institution qui accordait le prêt...
M. Gary Pillitteri: Je n'avais pas d'autre choix.
M. Rod Jones: ...en faisait une condition d'octroi du prêt. Ne vous a-t-elle pas offert le choix de vous adresser à un autre bailleur de fonds?
M. Gary Pillitteri: Non.
M. Rod Jones: Alors, il y avait vente liée.
M. Gary Pillitteri: Il s'agit là d'une institution fédérale, la Société du crédit agricole. Il y a longtemps de cela.
J'ai aussi de nombreuses polices d'assurance. J'ai une entreprise et j'ai changé de courtier d'assurances à maintes reprises au fil des ans—pour bien des raisons, soyons clair. Il y a d'énormes différences d'une compagnie à l'autre. J'achète en réalité le même montant d'assurances, mais j'achète la protection du consommateur et la protection des biens, ces différentes polices étant nécessaires dans mon entreprise. Il y a parfois une différence de 100 p. 100 dans les prix. Il m'est déjà arrivé qu'on me propose une prime deux fois plus élevée pour exactement la même couverture. Je ne connais pas tous les détails et les subtilités des polices, mais je demande la même couverture.
J'ai pris mon assurance-automobile avec une autre société qui m'a demandé si je savais qu'elle offrait de l'assurance pour les parcs d'automobile. Il s'agit d'une assurance que souscrivent les propriétaires de plus d'un véhicule. J'avais 10 ou 12 véhicules. Si la société m'offre cette couverture, fait-elle de la vente liée?
M. Rod Jones: À mon avis, ce n'est pas de la vente liée. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
Il s'agit d'un service qu'offrent les sociétés d'assurances et qui peut parfois être avantageux. Notre responsabilité c'est de vous dire si c'est avantageux ou non. Vous n'êtes pas obligé de souscrire cette sorte d'assurance parce que vous voulez assurer plus d'un véhicule.
M. Gary Pillitteri: Je suis tout à fait d'accord avec vous, et je sais que ce n'en est pas. Mais est-ce différent si j'entre dans une banque—et j'ai des emprunts; j'aurai probablement des emprunts quand je mourrai et j'aurai toujours des dettes—et si la banque me disait: «Nous vous offrons des REER» ou «Nous vous offrons des placements de fonds mutuels»? Est-ce différent du premier exemple que je vous ai donné?
M. Rod Jones: Si on en faisait une condition directe de l'octroi du prêt ou d'une ligne de crédit, alors je dirais qu'il y a coercition.
M. Gary Pillitteri: Je viens de dire, monsieur, que je mourrai probablement endetté. Cela signifie que je fais affaire avec eux depuis des années et que je suis endetté. Alors, si l'institution me dit qu'elle offre des REER, cela ne signifie pas nécessairement qu'il y a... On ne fait que mentionner qu'il existe un autre produit vendu par l'institution. Je n'y vois pas de coercition.
Par ailleurs, s'il s'agissait d'un particulier qui ferait affaire pour la première fois avec une banque pour obtenir un prêt et que l'obtention du prêt était lié à l'achat d'un autre produit, alors oui. Mais si le particulier a déjà des prêts consentis par la banque, c'est comme s'il avait une hypothèque. Il a déjà cette dette.
Ainsi, les produits offerts n'ont rien de nouveau. Diriez-vous qu'il y a vente liée, coercition?
M. Rod Jones: C'est une question d'opinion à ce moment-là. Je dirais qu'il y a effectivement coercition s'il y a un lien direct entre le fait que vous devez déjà de l'argent à la banque ou que vous souhaitez obtenir un nouveau prêt de la banque. Si cette dernière ne fait que vous offrir un produit et que vous avez le choix... Mais d'après les faits dont nous disposons et les échos que nous avons entendus, cette liberté de choix n'existe pas réellement. Ce sont des décisions qui sont imposées au client.
M. Gary Pillitteri: Je ne veux pas ergoter, mais le fait est que si un client se présente à la banque pour la première fois dans l'espoir d'obtenir un prêt, alors oui, j'admets qu'il peut y avoir coercition. Mais si le client a déjà un prêt de la banque, ou une ligne de crédit, et qu'on lui offre un autre produit, je ne vois pas pourquoi ce serait de la coercition ou une vente liée. C'est ce que je veux tirer au clair.
M. Rod Jones: Oui, d'accord.
M. Gary Pillitteri: Alors, c'est là un élément. Ensuite, pour les courtiers d'assurances, c'est la même chose. Si le consommateur essaye d'obtenir les meilleurs produits qu'il peut...après tout les courtiers indépendants n'offrent pas tous nécessairement le même bouquet de produits.
M. Rod Jones: C'est exact.
M. Gary Pillitteri: Merci.
Le président: Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.
J'aimerais un éclaircissement. Vous ne vous opposez pas à ce que les banques vendent une police d'assurance-vie de 10 000 $ pour couvrir une ligne de crédit de 10 000 $?
M. Rod Jones: Cela n'est pas réellement de notre ressort. Nous vendons exclusivement des polices d'assurance générale et il faudrait sans doute que vous posiez cette question aux sociétés d'assurance-vie. Mais en règle générale, oui, nous pourrions certainement accepter qu'il y ait une garantie quelconque du prêt.
Mme Paddy Torsney: Alors, vous opposez-vous à ce qu'il y ait une police d'assurance-vie associée à l'hypothèque, afin de couvrir le risque que représente l'hypothèque pour la banque?
M. Rod Jones: Le problème que nous y voyons à l'heure actuelle c'est que l'on ne donne pas nécessairement au client la possibilité de se renseigner pour voir s'il pourrait obtenir ailleurs un produit concurrentiel. L'hypothèque est approuvée au moment où la police d'assurance est recommandée au client et nous craignons que le consommateur en conclue que l'une ne va pas sans l'autre.
Mme Paddy Torsney: Le paiement n'est-il pas tiré du compte bancaire au même moment?
M. Rod Jones: Exactement. Mais la police d'assurance est offerte au moment où le client remplit la demande d'emprunt ou d'hypothèque... De fait, j'ai vu des cas et nous avons eu connaissance de cas où les clients ne recevaient aucune explication quant au lien entre l'assurance et l'obtention de l'hypothèque. C'était tout juste une autre signature exigée sur un formulaire. Aucune information n'a été donnée au client.
Mme Paddy Torsney: Mais ne pensez-vous pas...? Je suis quelque peu perplexe parce que j'ai entendu parler de gens qui avaient souscrit une police d'assurance-vie pour couvrir leur hypothèque et oubliaient ensuite de payer les primes. En cas de décès, l'assurance hypothécaire sur laquelle on comptait n'existait pas. En tout cas, le bénéficiaire est surpris de l'apprendre.
C'est certainement dans l'intérêt de la banque ou de la société de fiducie qu'il y ait une police d'assurance-vie pour couvrir l'hypothèque de 160 000 $. Y a-t-il une autre façon de garantir le paiement des primes si ce n'est de lier l'une à l'autre directement?
Mme Mabel Sanson: Cela ressemble assez à l'assurance-habitation. Quand vous avez une hypothèque, la banque exige de l'assurance. Les courtiers d'assurances doivent à chaque année fournir à la banque la preuve de l'existence d'une police d'assurance. Nous pourrions faire la même chose pour l'assurance-vie.
L'une de nos préoccupations—et la question devrait sans doute être posée aux sociétés d'assurance-vie—c'est de savoir qui est le bénéficiaire de l'assurance-vie et les assurés ont-ils été bien conseillés avant d'acheter le produit? Voilà ce qui nous préoccupe.
Mme Paddy Torsney: Pour ce qui est des services groupés—et cela soulève de nouveau toute la question des définitions—vous offrez sans doute des rabais sur l'assurance-vie à ceux qui prennent leur assurance-automobile avec vous parce qu'il est moins coûteux d'administrer un dossier actif pour le client. Est-ce exact?
M. Rod Jones: Absolument.
Mme Paddy Torsney: Obtenez-vous une contrepartie de ceux qui vous fournissent ces produits d'assurance?
M. Rod Jones: Une rémunération quelconque?
Mme Paddy Torsney: Oui, un rabais.
M. Rod Jones: Non.
Mme Paddy Torsney: Le rabais est-il consenti directement par vous ou par...?
M. Rod Jones: Il est consenti directement par le fournisseur, par la société d'assurances.
Mme Paddy Torsney: Vous encourage-t-elle alors à vendre un deuxième produit? Elle ne vous offre pas d'incitatif financier si vous vendez un deuxième produit.
M. Rod Jones: Non, pas du tout. En tant que courtier d'assurances, nous représentons plus d'une société d'assurances. Nous agissons ainsi dans l'intérêt des consommateurs.
Si, lorsque nous vous faisons une recommandation, nous croyons qu'il est dans votre intérêt de profiter de services groupés et que vous choisissez de ne pas le faire, nous avons toujours la possibilité de satisfaire à vos besoins d'assurance en vous proposant les produits de diverses sociétés d'assurances. Mais le produit ne sera peut-être pas adapté à vos besoins. Voilà un exemple parfait.
Mme Paddy Torsney: Ainsi, si j'ai... Donnez-moi le nom d'une société d'assurances. J'essaye d'en trouver une qui existe encore.
M. Rod Jones: Aujourd'hui?
Mme Paddy Torsney: Sérieusement.
M. Rod Jones: La Royale?
Mme Paddy Torsney: C'est ce que j'allais dire mais au moment de le faire je n'étais plus certaine.
Supposons que vous m'avez vendu mon assurance-automobile et que ma police est avec la Royale. Vous m'interrogez ensuite sur mon assurance-habitation et vous me dites que la Royale offre 10 p. 100. Est-ce le rabais qui me sera consenti ou allez-vous m'offrir un petit quelque chose en plus pour l'économie de papier que vous faites?
M. Rod Jones: Non. En fait, la plupart des provinces ont adopté des lois nous interdisant d'offrir un rabais sur les primes. Nous ne sommes pas en mesure de négocier des primes différentes de celles déjà imprimées et communiquées aux organismes de réglementation de chaque province.
Mme Paddy Torsney: Ainsi, la Royale vous accordera un rabais pour que vous puissiez m'en accorder un sur mon assurance-habitation.
M. Rod Jones: Oui.
Mme Paddy Torsney: Mais si je vous dis que je veux pour ma voiture et ma maison la couverture que vous venez de m'offrir, mais je veux souscrire ma police d'assurance-vie auprès d'une autre société et que vous me répondez que c'est impossible pour le même prix...est-ce que vous négociez?
M. Rod Jones: Le cas pourrait effectivement se présenter. En réalité, il se peut que nous puissions trouver une société qui pourrait vous offrir un meilleur prix. Ainsi, les services groupés ne représentent pas nécessairement le meilleur prix que vous puissiez obtenir.
Mme Paddy Torsney: Cela exige certainement moins d'efforts.
M. Rod Jones: Mais la possibilité existe peut-être. Les sociétés peuvent seulement fixer une prime correspondant au risque tel qu'elles le perçoivent en fonction de leur propre expérience. Elles doivent savoir qu'au regard des primes il y a le règlement des sinistres. C'est ainsi qu'elles déterminent le coût de leur produit.
Pour notre part, comme nous représentons plusieurs sociétés, nous sommes en mesure de vous dire que la Royale, par exemple, peut vous offrir des services groupés à tel prix mais qu'en achetant un produit de la Royale et l'autre produit de la société B, vos primes seront moins élevées.
Mme Paddy Torsney: D'accord.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
J'ai bien apprécié votre exposé parce qu'à mon avis il met en lumière certaines subtilités qui n'avaient pas encore été aussi bien expliquées. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que l'impression de coercition peut être plus insidieuse que la réalité. C'est l'un des aspects du problème.
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Vous avez aussi dit qu'il s'agit d'un problème généralisé et
cela m'amène à vous poser cette question. À votre avis, si nous
acceptions la suggestion à l'égard du paragraphe 459.1(1) et que
nous faisions quelque chose avec les paragraphes (2) et (3), est-ce
que ce serait suffisant pour régler le problème de la perception de
vente liée, ses effets insidieux et systémiques?
M. Rod Jones: Oh là là, quelle question.
Nous pensons que c'est la meilleure des options offertes. Comme nous avons pris connaissance de certains règlements et de certaines lois en vigueur dans d'autres pays, nous avons certainement constaté que les institutions financières, surtout les banques, sont assujetties à des restrictions beaucoup plus rigoureuses. Nous ne savons pas jusqu'où nous devrions aller pour obtenir des changements aux modifications déjà en cours d'adoption. À notre avis, le paragraphe (1) ferait assez bien tout ce que nous croyons possible pour l'instant.
Mme Karen Redman: Si vous me le permettez, j'aurais une dernière question.
J'ai remarqué que vous avez un portefeuille d'études de cas très épais et vous avez affirmé que c'est un problème généralisé. Quand vous avez préparé les études de cas, avez-vous pu déterminer le profil des intéressés ou leur situation? Vous avez mentionné que les Canadiens qui habitent dans les régions rurales peuvent se retrouver plus souvent dans une telle situation puisqu'ils n'ont pas autant de choix. Aviez-vous cela en tête quand vous avez préparé ces études de cas?
M. Rod Jones: Nous ne l'avons pas fait. Si vous croyez que cela serait utile, nous pourrions sans doute le faire, analyser les cas et vous fournir l'information, mais ce serait une tâche très lourde pour nous, bien franchement.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Merci, madame Redman.
J'ai une question. Croyez-vous que la vente liée est une pratique très répandue?
M. Rod Jones: Nous croyons que c'est pire encore. Bien franchement, nous avons eu du mal à recueillir des témoignages parce que les gens craignent les conséquences si leur nom est associé à certains cas. Je ne suis pas réellement en mesure de vous dire si c'est une pratique très répandue, mais nous croyons qu'elle l'est suffisamment pour qu'il soit nécessaire d'intervenir. Nous craignons que la situation n'aille de mal en pis.
Le problème que nous percevons c'est que les cadres supérieurs et les responsables des relations publiques dans le secteur bancaire disent une chose tandis que les employés à la base, dans les succursales, font tout autre chose. Quand on mentionne aux cadres supérieurs des cas de comportements inappropriés, ils affirment publiquement qu'il s'agit de cas isolés, présentent leurs excuses et jurent que cela ne se reproduira pas.
Tout porte à croire que la situation se dégrade. Quelqu'un a mentionné aujourd'hui que les employés qui travaillent dans les succursales bancaires subissent d'énormes pressions et qu'on attend d'eux des résultats sans commune mesure avec ce qui existait dans le passé et c'est peut-être révélateur du problème.
Le président: Depuis combien de temps étudiez-vous cette question?
M. Rod Jones: Ah je peux vous dire pour ma part que nous nous y intéressons depuis six ou sept ans et nous avons des données pour une période d'au moins dix ans. Ça ne date pas d'hier.
Le président: Ainsi, le dossier que vous avez monté est le résultat de huit années de recherche dans tout le pays.
M. Rod Jones: Non, nous avons peut-être certains cas qui remontent à huit ans, mais nous faisons la purge de temps en temps. Et en réalité, c'est peu de choses étant donné le sentiment que nous avons de l'ampleur du problème. Nous avons été frustrés dans nos efforts du fait que nous ne réussissons pas à obtenir tous les témoignages que nous souhaitons réunir.
Le président: Et selon vous c'est dû à la peur que ressentent les gens...?
M. Rod Jones: Absolument.
Le président: Et vous croyez que le changement, la modification proposée, aurait pour effet—et je me permets de vous citer—«de rehausser la souveraineté du consommateur et d'aider à rétablir l'équilibre du pouvoir».
M. Rod Jones: Oui, nous croyons que le fait de dire que c'est une procédure inappropriée constitue à tout le moins un premier pas. La vente liée est inadmissible et nous voulons croire que le secteur bancaire sera suffisamment honorable pour se conformer à la loi telle qu'elle a été proclamée.
Le président: Il y a une chose que je voudrais savoir. Le secteur des services financiers évolue rapidement, comme vous le savez, et bon nombre des produits que vendent les banques sont aussi vendus par d'autres institutions financières. En convenez-vous?
M. Rod Jones: Oui.
Le président: Or, aujourd'hui, nous ne parlons que des banques. Cette interdiction devrait-elle s'appliquer à toutes les autres institutions? Si vous offrez les mêmes produits que les banques, ou des produits semblables, pourquoi l'interdiction spéciale que vous réclamez pour les banques ne s'appliquerait-elle pas à l'ensemble du secteur des services financiers? Et je sais que ma question, c'est de la provocation.
M. Rod Jones: Certainement. Nous avons toujours dit qu'il fallait absolument avoir des règles du jeu uniformes. Ce qui nous inquiète le plus c'est qu'il existe une perception de pratiques coercitives.
Si cela est lié directement au secteur du crédit—et je crois que d'autres témoins aujourd'hui l'ont déjà mentionné—il faudrait convenir que c'est probablement la meilleure façon d'exercer un certain contrôle sur la situation.
À notre avis, les produits que nous offrons ne peuvent pas faire partie de ventes liées; nous ne voyons vraiment pas comment on pourrait exercer des pressions indues sur les clients pour les forcer à acheter nos produits. Les gens sont libres de venir nous rencontrer et de discuter des produits que nous offrons; ils peuvent aussi décider de partir sans rien acheter et d'aller ailleurs.
Le président: J'aimerais vous poser une question. N'hésitez pas à me corriger si je me trompe, parce qu'après tout je ne suis pas dans le secteur de l'assurance. Votre salaire, ce sont vos commissions, n'est-ce pas?
M. Rod Jones: Oui.
Le président: Vous avez donc de nombreux produits et vous représentez bien des compagnies. Vous pouvez représenter la compagnie A, B ou C, n'est-ce pas?
M. Rod Jones: C'est exact.
Le président: Mais vous savez que si vous vendez un certain nombre de polices pour la compagnie B par exemple, si vous atteignez un certain niveau, vous recevrez une commission plus élevée. N'est-ce pas?
M. Rod Jones: Oui, il y a des encouragements.
Le président: Des encouragements?
M. Rod Jones: Certainement.
Le président: C'est intéressant. Donc, si je vais vous rencontrer et que vous me vendez une police d'assurance, vous allez me dire que je peux acheter une police de toutes les compagnies que vous représentez?
M. Rod Jones: Non. Notre principale responsabilité est à l'égard du client, non pas à l'égard des compagnies d'assurances. Le client est celui que nous représentons. Ce n'est pas la compagnie.
Le président: Je sais mais...
M. Rod Jones: Ainsi, lorsque nous identifions le produit qui correspond le mieux à vos besoins, c'est le produit que nous offrirons et nous espérons que vous l'achèterez.
Le président: À quoi servent donc les incitatifs offerts par ces grandes compagnies?
M. Rod Jones: Les incitatifs sont fondés exclusivement sur la qualité du service; ce n'est pas fondé sur le volume. Ça ne vise pas à vous encourager à vendre exclusivement les polices de ces compagnies. Ce n'est pas ce qu'on vise. Nous cherchons d'abord à offrir un service de qualité, parce que ce secteur est un promoteur pour les réclamations. Les compagnies d'assurances prévoient des pertes et c'est en fonction de cela qu'elles établissent les primes. On s'attend à ce que nous puissions offrir leur produit à une gamme de clients, ce qui permettra à ces compagnies d'assurances de faire de modestes profits.
Le président: Vous nous dites donc que vous ne pensez même pas à ces incitatifs?
M. Rod Jones: Pas vraiment, je suis bien honnête.
Le président: C'est une question vraiment sérieuse que je vous posais.
M. Rod Jones: Je le sais.
Le président: Nous avons organisé ces audiences justement pour nous assurer que les règles du jeu seront uniformes pour tous les intervenants afin que des gens comme M. Clark reçoivent des services adéquats; remarquez que M. Clark s'est assez bien tiré d'affaires tout seul. J'ai suivi le dossier.
J'ai posé cette question parce que comme courtiers, vous vous intéressez évidemment à la satisfaction du client. C'est la seule façon d'assurer votre survie. Mais vous dites que vous ne vous intéressez pas du tout au fait que si vous vendez pour 1 million de dollars de polices pour la compagnie A, vous recevrez une prime. Ça ne vous vient même pas à l'idée?
M. Rod Jones: Ma responsabilité ultime est à l'égard du client. Lorsque je rencontre un client dans mon bureau et que j'évalue ses besoins, je dois d'abord et avant tout trouver le produit qui répondra le mieux à ses besoins. Et c'est là l'autre aspect intéressant: une police d'assurance n'est pas simplement une police. Par exemple, les polices d'assurance-locataires varient selon la compagnie qui les offre. C'est à nous qu'il appartient d'identifier...et les besoins des clients, c'est tout particulièrement intéressant, varient selon les circonstances. Il n'y a pas de produit universel qui puisse répondre aux besoins de tous et chacun.
Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier très sincèrement de votre exposé. Vous avez soulevé d'excellents points, que nous allons examiner. Nous allons nous assurer de nous en servir pour aider les consommateurs canadiens et pour uniformiser les règles du jeu, ce qui est un thème qui revient constamment au cours de nos audiences. Il est vrai que les gens s'intéressent à la question des banques, mais ils s'intéressent au secteur des services financiers en général.
• 1300
Cela met fin à la réunion du matin et du début de l'après-midi
du Comité des finances. La prochaine réunion aura lieu autour de
15 h 30.