FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 29 septembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua, Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte, et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes qui sont ici ce matin.
Comme vous le savez, le comité, conformément à son mandat, aux termes du paragraphe 108(2) du Règlement, reprend l'étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers.
Monsieur Loubier
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, on m'avait autorisé à faire une présentation comme témoin ce matin à 9 heures. On sait qu'un député ou un membre du Comité des finances a la possibilité de faire une telle chose. J'avais reçu cette autorisation du bureau du greffier et j'avais prévu faire une présentation sur le rapport MacKay.
Hier matin, le greffier m'a téléphoné pour me dire que je devais obtenir une autorisation spéciale du comité directeur pour comparaître et que ma comparution du 30 octobre en compagnie de mon chef, dans le cadre des consultations prébudgétaires, avait aussi été annulée. Il est tout à fait inadmissible que vous fonctionniez comme cela.
D'ailleurs, il y a des précédents. C'est la cinquième année qu'on siège au Comité des finances, et des députés ont déjà comparu devant le comité. C'est une question de gestion de l'ordre du jour par le greffier et non pas une question de décision du comité directeur.
Hier j'ai interprété cette décision comme un affront, soit de la part du greffier, soit de la part de la présidence. Cela ne s'est jamais fait dans le passé. Quand on planifie une présentation comme celle-là—et j'ai tout à fait le droit d'en faire une—, cela représente du travail. Je n'accepte pas que le greffier, par un simple coup de téléphone, me dise qu'on s'est trompé, que ma comparution est annulée et qu'il y a maintenant de nouvelles façons de faire au Comité des finances. Je ne l'accepte pas. Je vais vous dire en partant que je n'accepte pas cette décision-là, d'autant plus que je crois me souvenir que M. Manning a comparu trois fois devant le Comité des finances depuis cinq ans. Sa comparution n'a pas exigé une décision spéciale du comité directeur, mais simplement une décision relative à la gestion de l'ordre du jour par le greffier.
Si vous êtes en train de nous enlever notre droit de parole, notre liberté de comparaître et de donner notre point de vue, c'est une autre affaire. Si vous voulez jouer ce jeu-là, je peux vous dire qu'on va s'amuser à deux. Et si le greffier veut faire le smart, on peut aussi lui régler son cas.
[Traduction]
Le président: Si cette question vous préoccupe, je pense que vous avez raison de la soulever. Si ma mémoire est bonne, vous avez soulevé ce point il y a deux séances, et nous avons alors indiqué que le comité directeur allait trancher. À ce moment-là, vous n'en faisiez pas du tout un enjeu. Je suis donc plutôt...
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, nous avions convenu la dernière fois de nous pencher sur la motion que j'avais déposée. D'ailleurs, j'allais vous demander ce qui était arrivé de cette motion par laquelle je demandais qu'on prolonge la période allouée aux consultations sur le rapport MacKay et qu'on élargisse les consultations. Vous m'avez dit qu'on en discuterait lors de la prochaine réunion du comité directeur, mais on ne sait jamais quand aura lieu la prochaine réunion du comité directeur.
Il n'a jamais été question de discuter de ma comparution comme témoin sur le rapport MacKay, ni de parler de la comparution de mon chef, de moi-même et de mon adjoint aux Finances, Odina Desrochers, au Comité des finances pour venir déposer le fruit de notre travail de cet été sur les consultations prébudgétaires. Il n'a jamais été question de soulever cela auprès du comité directeur. Ça ne s'est jamais fait comme ça.
Je ne comprends pas. On ouvre ces consultations à tous les organismes, à tous les citoyens et citoyennes du Canada, mais lorsque nous voulons comparaître comme témoins, cela nécessite un traitement spécial et une décision du comité directeur. Moi, j'appelle ça de la planification de l'ordre du jour politique, de la petite politique partisane. Si vous voulez jouer ce jeu-là, monsieur le président, je peux vous assurer qu'on ne s'embarquera pas là-dedans. On va vous dénoncer. Si c'est le greffier qui veut jouer ce jeux, eh bien, c'est encore pire.
[Traduction]
Le président: En fait, monsieur Loubier, je ne pense pas qu'il y ait un député qui ait tenu plus de consultations que moi dans sa carrière. Je puis l'affirmer sans ambiguïté. Aucun président ne s'est, plus que moi, employé à ouvrir le processus aux députés et à la prise en compte de leurs commentaires.
En fait, c'est en réponse à une lettre que j'ai fait parvenir aux députés que bon nombre d'entre eux ont organisé des consultations. Je suis heureux d'entendre que, cette année, vous en avez tenu encore plus que l'année dernière.
Je ne pense donc pas que, à ce propos, vous devriez vous engager sur cette voie parce que mon dossier est excellent.
L'autre enjeu a trait à votre comparution. Je vais vérifier les feuillets bleus. Je n'entends pas monopoliser le temps alloué aux témoins pour régler tout de suite cette question particulière, mais je vais chercher dans les feuillets bleus les commentaires formulés au sujet de la comparution des députés.
Je ne dis pas que vous ne serez pas autorisé à comparaître. Je pensais que la décision allait être prise au comité directeur. Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais c'est ce que... Nous allons vérifier les feuillets bleus.
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, monsieur le président, vous mêlez les choses. Je vous ai averti, il y a environ deux semaines, que nous désirions comparaître devant le Comité des finances pour discuter du rapport MacKay et déposer le fruit de notre travail de consultation dans toutes les régions du Québec. Gilles Duceppe et moi nous sommes promenés partout au Québec pour consulter les Québécois. Les députés du Bloc ont travaillé comme des malades. Aucun autre député d'aucun autre parti n'a autant travaillé à la consultation prébudgétaire, et cela à votre invitation.
Il y a trois jours, le greffier nous confirmait que je pourrais comparaître ce matin à 9 heures pour parler du rapport MacKay et que je pourrais comparaître à nouveau, en compagnie de Gilles Duceppe, dans le cadre des consultations prébudgétaires, le 30 octobre à 9 heures. Hier on nous a dit que plus rien ne tenait. Même si on a tout planifié et même si nos programmes sont aussi serrés que les vôtres, on nous dit qu'il n'y a plus rien qui marche.
Ce que je veux de vous ce matin, c'est que vous concédiez, selon la décision rendue il y a trois jours, que la comparution fixée à 9 heures le 30 octobre par le greffier tient toujours et qu'il n'y a pas de nouvelles façons de procéder qui ressemblent à de la politique partisane pour le choix des témoins ici, au Comité des finances.
Demandez à M. Harris si M. Manning a eu besoin d'une décision du comité directeur dans le passé pour comparaître ici. Non, il n'en a pas eu besoin.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, la façon dont d'autres présidents ont dirigé le comité et le type de traditions qu'ils peuvent avoir instauré ou non ne concernent qu'eux et ne me concernent en rien. Ce que je voulais, c'était organiser une réunion entre députés pour déterminer le traitement qu'il convient de réserver aux comparutions de députés devant le comité.
Laissez-moi parler, s'il vous plaît. Écoutez ce que j'ai à dire.
• 0940
Nous devrons décider s'il est approprié que les députés
présentent des exposés devant le comité. De même...
[Français]
Une voix: Un...
[Traduction]
Le président: Excusez-moi.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ça ne va pas, non?
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): J'aimerais aussi intervenir.
[Traduction]
Le président: Excusez-moi.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ça ne va pas?
[Traduction]
Le président: Nous allons devoir décider s'il convient d'ouvrir le processus, mais pas seulement au profit de M. Loubier, qui n'est pas un député à part; il est un député comme les autres. Si tous les députés décident de comparaître devant le comité, nous devrons, compte tenu du fait que nous avons une Chambre des communes et deux jours pour débattre des questions pré-budgétaires, où nous avons l'occasion de revenir sur tout ce que nous avons entendu, déterminer s'il convient d'ouvrir le processus. Si, en tant que membres du comité, vous décidez que tous les députés de la Chambre des communes peuvent comparaître devant le Comité des finances pour présenter des exposés et prendre la parole à titre de témoins, c'est votre choix. Mais aucune décision n'a encore été prise.
Voulez-vous ouvrir le comité aux 301 députés?
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le président...
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, non, écoutez, la décision...
[Traduction]
Le président: Je vais maintenant passer la parole à M. Harris.
[Français]
M. Yvan Loubier: Donnez-moi juste une seconde...
[Traduction]
M. Dick Harris: Monsieur le président...
[Français]
M. Yvan Loubier: ...pour mettre un point sur les i.
[Traduction]
Le président: J'ai donné la parole à M. Harris.
Allez-y.
M. Dick Harris: Monsieur le président, j'aimerais dire un mot de cette question. D'abord, je sais qu'il existe des précédents et que des députés ont présenté la position et les vues de leur parti devant le comité. De fait, M. Manning a comparu devant le comité à diverses reprises sans permission spéciale, au meilleur de ma connaissance du moins.
Je pense que ce que je voudrais, ce matin, c'est qu'on m'explique la décision d'autoriser M. Loubier, représentant du Bloc québécois, à comparaître. D'abord, on a approuvé sa comparution, fixé une date, à savoir le 30 octobre, puis, dans un délai de 48 heures, on semble être revenu sur cette décision pour des motifs arbitraires.
J'aimerais savoir pourquoi la comparution a été inscrite à l'horaire puis annulée dans un délai de 48 heures. Comment justifie-t-on cette décision? Qui l'a prise?
Le président: Voici comment la décision se justifie. Dans le cadre d'une réunion—je crois que c'était il y a deux réunions—, nous avons essentiellement affirmé que la question serait déférée à un sous-comité, qui aurait pour tâche de décider du traitement qu'il convient d'accorder à cette question particulière. C'est ce dont je me souviens. De toute évidence, M. Loubier n'a pas les mêmes souvenirs.
J'aimerais également discuter avec les membres du comité du sort que nous allons réserver aux demandes de comparution présentées par des députés. Si de 50 à 100 députés souhaitent comparaître devant le comité, nous devrons en tenir compte.
Monsieur Loubier.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le président, j'en appelle au Règlement.
[Français]
M. Yvan Loubier: Regardez, la décision...
[Traduction]
Le président: M. Szabo a évoqué le Règlement.
[Français]
M. Yvan Loubier: Une seconde. Vous déformez la réalité.
[Traduction]
Le président: Monsieur Szabo.
[Français]
M. Yvan Loubier: La décision du greffier avait déjà été prise.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Monsieur le président...
[Français]
M. Yvan Loubier: Mais qu'il est arrogant, ce président-là! Il est plus arrogant que l'autre! Vous êtes arrogant! Vous agissez en dictateur!
[Traduction]
M. Paul Szabo: Monsieur le président...
[Français]
M. Yvan Loubier: Ça n'a pas de bon sens!
[Traduction]
Le président: Monsieur Szabo.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ça n'a pas d'allure!
M. Odina Desrochers: Comme Jean Chrétien, comme les libéraux. Cela se répète partout.
M. Yvan Loubier: Aucun bon sens. Dictateur!
[Traduction]
M. Paul Szabo: Monsieur le président, je me permets respectueusement de vous dire que, à mon avis, il est extrêmement important de résoudre la question posée devant le comité. Cependant, nous avons ici des témoins. Étant donné qu'un vote aura lieu à 10 h 30 aujourd'hui, nous allons perdre ces témoins, et nous n'aurons pas l'occasion de les entendre. Or, ce sont des témoins importants pour le comité.
Je me demandais donc si les collègues qui souhaitent régler cette question accepteraient que, immédiatement après le vote, on décide de l'établissement d'une tribune où la question pourrait être débattue comme il se doit, de façon aussi approfondie que le souhaitent les députés, sans que le groupe de témoins soit sacrifié. Nous avons déjà perdu 15 minutes dans l'heure qui nous est impartie.
Je respecte l'intervention du député. Je le félicite du travail qu'il a accompli, et je sais qu'il a des choses à dire. Il semble bien que nous devions discuter de certains enjeux, et je veux qu'on en discute, mais j'aimerais que les députés fassent preuve d'une certaine courtoisie envers le groupe de témoins, de façon que le reste des membres du comité puissent, ce matin, s'acquitter au moins d'une partie de leurs tâches.
[Français]
Le président: Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Monsieur le président, ces gens-là ont travaillé en vue de leur rencontre avec nous aujourd'hui, tout comme nous avons travaillé en vue de vous rencontrer ce matin à 9 heures. Ce que vous ne comprenez pas, c'est qu'il n'est pas question de députés; il est question de partis.
Lorsque M. Manning est venu comparaître devant le Comité des finances, il est venu au nom du Parti réformiste, tout comme nous voulons venir vous parler de la position de notre parti. À ce moment-là, qu'est-ce que le ministre des Finances, Paul Martin, vient faire au Comité des finances? C'est un élu comme nous tous.
M. Yvan Loubier: Il n'a pas d'affaire ici.
M. Odina Desrochers: Pourquoi a-t-il le privilège de venir alors que vous enlevez ce privilège à mon collègue Yvan Loubier, qui est le porte-parole des Finances?
M. Yvan Loubier: On va le renvoyer.
M. Odina Desrochers: Et pourquoi, monsieur le président, adoptez-vous de nouvelles règles?
M. Yvan Loubier: Paul Martin n'a pas d'affaire ici.
[Traduction]
Le président: Quand ai-je dit que M. Loubier et M. Duceppe ne pouvaient pas comparaître? Ai-je déjà dit cela? Non. Tout ce que je dis, c'est que...
[Français]
M. Yvan Loubier: Il y a trois jours, monsieur le président, on avait pris une décision. Cette décision remonte même à jeudi dernier. La décision du greffier a été transmise à mon bureau, confirmant que je devais comparaître ce matin relativement au rapport MacKay et que le 30 octobre, M. Duceppe et moi devions comparaître avec Odina Desrochers au sujet des consultations prébudgétaires. Hier on nous a dit que cela ne marchait plus. La décision était prise.
Vous parlez maintenant de règles à venir. Jusqu'à présent, on n'a pas défini de nouvelles règles au comité directeur pour la comparution des députés qui représentent leur parti. On fonctionnait conformément aux anciennes règles et les anciennes règles, comme M. Harris vous le mentionnait, n'exigeaient pas de décision de la part du comité directeur.
Vous vous comportez de façon tout à fait inacceptable. Je ne trouve pas cela correct de votre part. Je vais donc m'opposer à ce que M. Martin vienne comparaître ici, au Comité des finances. Je vais m'élever contre sa comparution ici. C'est aussi un député et il a lui aussi l'occasion de s'égosiller à la Chambre des communes et de nous dire n'importe quoi. Il n'a pas d'affaire ici.
[Traduction]
Le président: Nous sommes tous égaux; vous avez raison. Je suis d'accord avec vous, et c'est précisément l'argument que je défendrai lorsque nous nous réunirons pour débattre de cette question. Si, dans les faits, nous sommes tous égaux, nous allons devoir ouvrir tout le processus aux 301 députés.
Si on prend une décision sur la foi de la représentation des partis, c'est bien.
À l'ordre!
[Français]
M. Yvan Loubier: Tu es bien niaiseux, toi! Voyons donc. Mais quel raisonnement tordu! Vous êtes tordu ce matin! Il vient de vous dire que ce matin, je devais représenter mon parti relativement au rapport MacKay. Un député représentant 45 députés, comprenez-vous cela? Quand Paul Martin viendra ici, il représentera le parti gouvernemental: un député, un ministre représentant un parti. Quand Preston Manning est venu par le passé, c'était pour présenter la position de son parti. Est-ce assez clair? Êtes-vous capable de comprendre ces choses-là et d'émettre un raisonnement qui ne soit pas tordu ce matin?
[Traduction]
Le président: Oui, je comprends très bien. Je ne crois toutefois pas que votre ton de voix rehausse la qualité du débat.
[Français]
M. Yvan Loubier: Pas par des arguments tordus comme ceux que vous nous présentez non plus. Franchement, vous ne comprenez rien.
[Traduction]
Le président: Ce que j'essaie de vous dire, franchement, c'est ce que je vous ai dit il y a deux séances: nous allons nous réunir pour discuter de ces questions. Je reste sur ma position. Voilà comment nous allons procéder. Voilà la justification.
[Français]
M. Yvan Loubier: Un dictateur!
[Traduction]
Le président: Je sais que vous savez lire. Lorsque vous verrez les feuillets bleus, vous constaterez que nous avons dit que cette question particulière allait être soulevée au comité directeur. C'est très clair dans mon esprit. S'il y a quelque chose que vous ne comprenez pas, je peux vous fournir des explications.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, il y a trois fois que vous nous dites une chose comme celle-là. Lorsque je vous ai demandé d'élargir le débat sur le rapport MacKay et de prolonger la période de consultation, vous m'avez dit que vous en discuteriez au comité directeur. Là vous me dites qu'au comité directeur, on va prévoir des règles qui n'existent pas encore. Et en vertu de règles qui n'existent pas encore, vous avez annulé hier ma comparution d'aujourd'hui et celle du 30 octobre dont on avait convenu. C'est tout à fait tordu comme raisonnement.
Quand convoquerez-vous une séance du comité directeur? Quand prendrez-vous une décision? Quand ce comité fonctionnera-t-il convenablement? Je trouve qu'on fonctionne à la va-comme-je-te-pousse. En tant que président de comité, vous faites des raisonnements tout à fait dénués de sens.
[Traduction]
Le président: Monsieur Loubier, écoutez-moi; je pense que nous avons pris assez de temps. Je vais être très clair avec vous. Je vais répéter ce que j'ai dit, et je vais le répéter très lentement.
Nous allons nous réunir en sous-comité pour déterminer comment il convient de...
[Français]
M. Yvan Loubier: Quand?
[Traduction]
Le président: Nous allons prendre cette décision lorsque nous nous réunirons.
Je sais que votre exposé est extrêmement important. Je sais que vous avez travaillé très fort cet été. Nous avons invoqué cette question au sujet des consultations budgétaires et du rapport MacKay. C'est moi qui vous ai demandé de tenir des consultations. Il n'y a donc pas de problème. Je suis au courant du processus.
Ce matin, cependant, nous avons devant nous des témoins qui aimeraient apporter leur contribution. Je ne dis pas qu'on vous interdira de comparaître devant le comité—vous en avez le droit. Tout ce que je dis, c'est que le sous-comité aimerait discuter de la façon d'ouvrir le processus aux députés. C'est uniquement pour cette raison que la question est différée.
[Français]
M. Odina Desrochers: Il ne comprend rien.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, par respect pour nos invités, je vais cesser la discussion. Mais par respect pour notre intelligence, arrêtez de nous présenter de telles stupidités comme arguments.
• 0950
La question n'est pas de savoir si on devrait permettre
aux 301 députés de comparaître devant le Comité des
finances, mais plutôt de savoir si un député qui présente
la position de son parti peut comparaître ici pour
parler de questions primordiales comme le rapport MacKay ou les
consultations prébudgétaires. On a déjà reçu la réponse
en raison des précédents créés notamment par M. Manning au cours des
cinq dernières années.
Ne commencez pas à me raconter vos histoires, vos balivernes que plus personne ne croit. Ne commencez pas à prendre votre air hautain en disant que mon témoignage est peut-être plus important que les autres; ce n'est pas ce que j'ai dit. Mon témoignage est aussi important que celui des autres, et votre refus de me laisser comparaître ce matin est un manque de respect de votre part.
[Traduction]
Le président: Je ne vois pas de problème. Le sous-comité peut régler cette question, un point c'est tout.
[Français]
M. Yvan Loubier: Il y a un manque de leadership au sein de ce comité, qui fonctionne à la va-comme-je-te-pousse depuis le début.
[Traduction]
Le président: Je ne vois pas de problème.
[Français]
M. Yvan Loubier: Non, vous ne voyez jamais de problèmes, vous.
M. Odina Desrochers: Veux-tu des lunettes? On va t'en passer.
M. Yvan Loubier: Une loupe, un microscope, un télescope peut-être?
[Traduction]
Le président: Je ne vois pas de problème, parce que...
[Français]
M. Yvan Loubier: Le problème est gros comme cela.
[Traduction]
Le président: ...nous allons tenir une réunion en sous-comité. Je l'ai dit il y a deux jours, et je ne vois pas pourquoi vous revenez sur ce point.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ce n'est pas juste le problème qui est gros; il est gros, lui aussi.
[Traduction]
Le président: Je me suis occupé du problème. Je l'ai couché par écrit. Il va être réglé en sous-comité, et c'est tout.
Oui, monsieur Harris.
M. Dick Harris: Est-ce que, pour conclure, je pourrais poser une question? Pouvez-vous me dire, monsieur le président, si vous avez vous-même annulé la comparution de M. Loubier, ce matin? Qui a pris la décision?
Le président: Le greffier a inscrit la comparution à l'ordre du jour, et c'est lui qui l'a annulée. Ce n'est pas moi qui établis le calendrier des comparutions. Ce n'est pas mon travail.
M. Dick Harris: Et personne n'a influencé le greffier dans sa décision d'annuler la comparution?
Le président: Non.
M. Dick Harris: Personne n'a enjoint au greffier d'annuler la comparution?
[Français]
M. Yvan Loubier: Il est menteur en plus.
[Traduction]
Le président: Tout ce que j'ai dit, c'est que la décision devait être conforme aux décisions antérieures, ce qui signifie...
M. Dick Harris: Qui a dit au greffier d'annuler la comparution?
Le président: Tout ce que j'ai dit, c'est que nous devions d'abord nous réunir en sous-comité pour déterminer comment nous allons régler cette question particulière.
M. Dick Harris: C'est donc vous qui lui avez dit. Vous avez dit au greffier d'annuler la comparution.
Le président: Non...
[Français]
M. Yvan Loubier: Le greffier m'a dit hier que le président lui avait demandé d'annuler ma comparution d'aujourd'hui et celle prévue pour le 30 octobre. Le président lui a demandé d'annuler ma comparution, qui avait déjà été approuvée.
[Traduction]
Le président: Écoutez, toutes les décisions que nous prenons doivent être conformes aux décisions antérieures.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ne sombrez pas dans le mensonge, monsieur le président. Cela pourrait vous retomber sur le nez assez rapidement.
[Traduction]
Le président: Franchement, monsieur Loubier, je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas d'accord avec votre façon de présenter les faits.
[Français]
M. Yvan Loubier: Oui? Le greffier me dit que vous lui aviez commandé d'annuler ma comparution d'aujourd'hui et celle de M. Duceppe et moi prévue pour le 30 octobre.
[Traduction]
Le président: Ce que j'ai dit au greffier est très simple.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, M. Harris vous a posé une question: est-ce vrai ou faux que vous avez demandé au greffier d'annuler ma comparution de ce matin et celle du 30 octobre?
[Traduction]
Le président: Je lui ai dit que la question de la comparution de députés devait être abordée en sous-comité, ce sur quoi nous étions tous d'accord. Par conséquent, il aurait été plutôt incohérent de sa part de prévoir la comparution d'un député lorsque, en fait, un sous-comité...
[Français]
M. Yvan Loubier: Donc, c'est vous qui avez dicté l'ordre du jour administratif du greffier du comité. C'est vous qui lui avez dit d'annuler la comparution du Bloc québécois prévue pour ce matin.
[Traduction]
Le président: Quoi qu'il en soit, monsieur Loubier, ce que j'ai dit, je pense, c'est que...
[Français]
M. Yvan Loubier: Il est menteur en plus.
M. Odina Desrochers: Vous n'avez pas répondu à la question de M. Harris. Quelle est votre réponse? Oui ou non?
[Traduction]
Le président: C'est très simple. Puisque nous avons convenu de nous pencher d'abord sur la question de la comparution des députés, comment pouvons-nous prévoir des comparutions? C'est impossible.
[Français]
M. Odina Desrochers: Non, je vous demande de répondre à la question. Oui ou non, avez-vous demandé l'annulation de la comparution de ce matin? C'est cela qu'on demande.
[Traduction]
Le président: Ce n'est ni oui ni non.
[Français]
M. Yvan Loubier: Il est menteur.
M. Odina Desrochers: C'est cela qu'on demande. Avez-vous maintenant des comportements semblables à ceux qu'on voit à la Chambre des communes?
M. Yvan Loubier: Oui, il est menteur. Il est menteur.
M. Odina Desrochers: Menteur! Hypocrite!
[Traduction]
Le président: Vous faites un bien grand cas d'une question qui, vous le savez, sera abordée en sous-comité. Le spectacle a beau être intéressant, il n'ajoute certes rien à la valeur du débat.
Je vais maintenant me tourner vers certaines personnes susceptibles d'éclairer pour nous le rapport du groupe de travail MacKay. Nous accueillons, de la Fédération des contribuables canadiens, M. Walter Robinson, directeur fédéral, d'Acorn Partners, M. Peter Kemball, directeur/gérant et, enfin, du Groupe régional, M. Leonard Potechin, président du conseil d'administration.
Bienvenue à notre réunion. Vous n'en êtes pas à vos premières audiences du Comité des finances, de sorte que vous savez comment nous fonctionnons. Vous disposez d'environ 10 minutes pour faire vos recommandations. Par la suite, nous passerons à une période de questions et de réponses.
Monsieur Robinson.
M. Walter Robinson (directeur fédéral, Fédération canadienne des contribuables): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître devant vous ce matin pour commenter le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du Secteur canadien des services financiers.
[Français]
Comme d'habitude, ma présentation sera en anglais seulement, mais je vais essayer de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
[Traduction]
D'abord, permettez-moi de dire un mot à tous les députés au sujet de la charge de travail qu'ils assurent. Vous vous êtes attaqués à une double tâche qui consiste à étudier cette question tout en tenant des audiences pré-budgétaires, ce qui est fort louable.
Par souci de concision, j'ai fourni à l'intention des nouveaux membres du comité un document d'information sur l'historique, la portée et le mandat de notre organisme.
Bien que, en tant qu'organisme, nous ne soyons pas mêlés directement au débat sur l'avenir des services financiers, nous sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de présenter nos commentaires au sujet du rapport de M. MacKay.
• 0955
De façon générale, nous pensons que deux des observations de
M. MacKay, ou, si vous préférez, deux des principes directeurs de
son rapport, sont des plus passionnants: premièrement, le fait que
la politique gouvernementale ne devrait pas réexaminer la stratégie
des entreprises; et, deuxièmement, l'accent mis sur la
réglementation minimaliste et souple grâce à laquelle on s'assurera
que l'industrie des services financiers ne se fait pas revêtir
d'une camisole de force au moment où elle doit réagir aux défis de
la technologie, de la mondialisation et de la démographie que
M. MacKay et son équipe ont si éloquemment présentés dans leur
rapport.
Dans les recommandations que vous formulerez au ministre des Finances, nous vous encourageons à tout mettre en oeuvre pour vous conformer à ces principes.
Plutôt que de commenter chacune des 124 recommandations, nous avons choisi, par souci de concision, de formuler des commentaires généraux.
D'abord, nous sommes d'accord pour dire que la mise en oeuvre des recommandations de M. MacKay ne devraient pas attendre l'an 2002. Nous sommes également d'accord pour dire que les consultations sur la réglementation et les examens qui s'imposent dans le dossier de la fusion des banques—Bureau de la concurrence, approbations du BSIF et approbation ministérielle—devraient s'effectuer de façon concurrente, là où il est possible de le faire.
En ce qui concerne la stimulation de la concurrence nationale et étrangère, nous pensons que les recommandations de M. MacKay, qui sont nombreuses, mettent en plein dans le mille. La structure oligopolistique de notre secteur des services financiers s'érode lentement au profit des consommateurs. Nous pensons que les recommandations de M. MacKay auront pour effet d'accélérer cette érosion. Le fait d'autoriser ce qu'on pourrait appeler une fertilisation croisée des services et des produits parmi les quatre piliers traditionnels du secteur des services financiers devrait—et j'insiste sur le mot «devrait»—se traduire par un choix plus vaste et des prix plus bas pour les consommateurs.
Nous sommes également favorables aux recommandations de M. MacKay portant sur la vente liée avec coercition de même qu'avec l'idée qu'a eue le groupe de travail d'établir une distinction entre vente liée, ou regroupement concurrentiel, et vente liée avec coercition.
Nous sommes de plus favorables aux recommandations qui visent à protéger les renseignements que les Canadiens fournissent à diverses institutions financières. Nous pensons que les normes minimales de base qui ont été définies ne sont pas trop lourdes et qu'elles protègent effectivement le droit à la protection des renseignements personnels des Canadiens. Il y a là des bases dont on peut s'inspirer pour aller plus loin.
Enfin, nous sommes généralement d'accord avec les recommandations de M. MacKay qui visent à renforcer le rôle du Bureau du surintendant des institutions financières. À notre avis, un tel rôle correspond aux points de convergence et de divergence des secteurs industriels traditionnels avec les quatre piliers traditionnels du secteur des services financiers.
Les aspects au sujet desquels nous sommes d'accord avec M. MacKay sont dans l'intérêt du public et ne contreviennent pas aux principes que j'ai énoncés au début de mon exposé. Toutefois, certaines autres recommandations de M. MacKay suscitent en nous des préoccupations fondamentales.
De façon plus précise, nous nous opposons aux propositions qui visent l'établissement d'un ombudsman du secteur des services financiers qui relèverait du ministre des Finances. Par exemple, l'industrie des banques de même que chacun des établissements se sont déjà dotés de leur propre ombudsman, et nous croyons savoir que bon nombre d'autres intervenants de l'industrie ont fait de même. Nous pensons qu'il incombe aux consommateurs, de par leurs choix personnels et collectifs, de même que par les efforts concertés de lobbying déployé par les nombreux groupes qui ont comparu devant vous, d'imposer des changements et d'obtenir l'élimination des pratiques commerciales auxquelles ils s'opposent.
Nous nous opposons de même à l'idée d'une bureaucratie distincte qui, à l'intérieur d'Industrie Canada, aurait pour tâche de présenter des rapports au sujet du financement des PME. Dans le rapport de M. MacKay, on fait déjà état d'une tendance vers une meilleure accessibilité des capitaux issus de sources de financement traditionnelles et non traditionnelles les PME et aux industries du savoir.
Dans le même ordre d'idées, je rappelle aux membres du comité la prévalence du gouvernement dans de nombreux secteurs liés au financement, notamment la Loi sur les prêts aux petites entreprises, la Banque de développement du Canada et diverses autres initiatives sectorielles qui sont en fait parrainées par Industrie Canada. Nous pensons que le gouvernement ne doit pas faire office d'investisseur en capital-risque auprès des entreprises, grandes ou petites. À notre avis, les recommandations de M. MacKay qui visent à assujettir les pratiques d'octroi des prêts à un examen bureaucratique constituent une tentative de réexaminer la stratégie des entreprises.
En outre, il nous a paru plutôt ironique que le gouvernement puisse être non pas seulement un participant actif au sein du marché, mais aussi un analyste ou un régulateur.
La création d'une telle bureaucratie aurait simplement l'effet suivant: les institutions financières pourraient—et j'insiste sur le mot «pourraient»—être mêlés à de futurs différends avec le gouvernement au sujet de ce que constituent des niveaux de prêt suffisants pour les PME et les industries du savoir. L'analyse comparative proposée pourrait—une fois de plus, j'insiste sur le mot «pourrait»—monter les bureaucrates contre les cadres des banques, dans le cadre des querelles entourant les nivaux appropriés qui s'ensuivraient.
Nous pensons également que les structures qui existent actuellement au sein d'Industrie Canada suffisent pour rendre compte au Parlement des tendances actuelles et nouvelles concernant le financement des PME et des industries du savoir. On consacre déjà à ces activités des ressources importantes.
Nous recommandons plutôt que le gouvernement examine l'écart entre les taux d'imposition aux États-Unis et au Canada et qu'il s'efforce de le combler, en particulier en ce qui a trait à l'impôt personnel, à l'impôt des sociétés et aux gains en capital. Par exemple, les taux d'imposition des gains en capital sont ici, en moyenne, deux fois supérieurs à ceux qui sont en vigueur aux États-Unis, selon l'État et la période pendant laquelle l'actif est conservé.
Nous pensons également que le financement des entreprises et de la création d'emplois par le secteur privé a été, au Canada, freiné par ces taux d'imposition excessifs. On ne doit pas l'oublier lorsque se pose la question de l'insuffisance des capitaux d'amorce dont disposent les entreprises canadiennes.
Quant au processus d'examen de l'intérêt public dans le dossier des projets de fusion de banques, nous pensons, une fois de plus, que la recommandation constitue une tentative de réexaminer la stratégie des entreprises. En outre, habiliter le ministre des Finances à obtenir des engagements exécutoires en ce qui concerne les niveaux d'emploi, la pénétration des services ou d'autres questions constituent, à notre avis, une violation manifeste de l'un des principes énoncés par M. MacKay, à savoir qu'on doit éviter de réexaminer la stratégie des entreprises. De toute évidence, il est possible que certains membres du comité aient à ce propos des croyances différentes des nôtres.
• 1000
J'allais évoquer un exemple tiré du XXe siècle à propos des
fabricants de chariots dans l'industrie de l'automobile, mais je
crois savoir que le président d'une banque a déjà abordé cette
question. Je ne veux pas vous ennuyer avec de tels détails.
La technologie, l'évolution de la demande des consommateurs et les pressions concurrentielles modifient sans cesse les types d'emploi offerts dans l'économie. Nous pensons que les gouvernements doivent se concentrer sur l'avenir, et non sur le passé, et veiller à ce que de nouveaux emplois puissent être créés au Canada, plutôt que de tenter de préserver certains types d'emploi à tout prix. En tentant de sauvegarder des emplois en déclin, on ne fera qu'empêcher la création d'emplois de pointe.
Enfin, on me permettra de dire que nous nous opposons de façon véhémente à la prestation de toute forme d'aide gouvernementale aux organismes de défense des consommateurs. Ni M. MacKay ni le gouvernement n'ont à encourager les organismes de défense des consommateurs à travailler ensemble ou à contre-courant ni à participer au financement des coalitions de consommateurs.
À titre d'organisme qui compte uniquement sur la bonne volonté et les cotisations ne donnant pas droit à un remboursement d'impôt de ses membres pour financer ses activités, la fédération tient à être très claire sur ce point.
En conclusion, monsieur le président, le rapport de M. MacKay, hormis les objections que nous avons soulevées, est, au total, un document exhaustif qui fait avancer le débat sur l'avenir du secteur des services financiers.
Nous vous souhaitons la meilleure des chances pour le reste de vos délibérations. Si je puis emprunter une analogie tirée du football, nous pensons que le rapport MacKay joue un peu le rôle des chaîneurs sur le terrain et que votre travail consiste à appliquer les règles du jeu et à laisser les participants de l'industrie se préoccuper des pouces à franchir au premier, au deuxième et au troisième essais.
Merci de votre temps.
[Français]
J'attends vos questions avec impatience.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Robinson.
Nous entendrons maintenant un représentant d'Acorn Partners, M. Peter Kemball, directeur/gérant.
Soyez le bienvenu.
M. Peter Kemball (directeur/gérant, Acorn Partners): Je vous remercie, monsieur le président.
Les commentaires que j'ai à faire au comité sont tout à fait différents de ceux de M. Robinson, du moins en ce qui concerne l'aperçu qu'il a donné. Avec un peu de chance, ils seront également complémentaires à de maints égards.
Histoire simplement de faire pour vous un bref survol d'Acorn Partners, nous assurons le financement de petites entreprises, en Ontario et au Québec principalement. Nous finançons les entreprises qui, pour une raison ou pour une autre, «échappent aux banques», pour prendre l'expression qu'Allan Riding m'a communiquée, mais nous n'allouons pas de capital-risque.
En un mot, la compréhension que j'ai du capital-risque, c'est qu'on investit dans une entreprise qui créera une industrie. Ce n'est pas ce que nous faisons; nous laissons cela à d'autres.
J'aimerais laisser au comité et à ses membres deux principaux messages. La conclusion du groupe de travail de M. MacKay selon laquelle les banques seront appelées à jouer un rôle central dans le financement des PME au cours de la prochaine décennie m'inspire de vives réserves—j'utiliserais plutôt le mot «désaccord». Il pourrait en être ainsi, mais pas nécessairement, et il incombe aux députés de déterminer si les choses se passeront ou non ainsi. Tout dépend des règles que vous fixerez. J'ai un slogan: ce sont les règles que vous fixez qui déterminent les joueurs que vous avez.
Le deuxième point qui, à mon avis, est important pour permettre aux PME d'accéder à des fonds est ce que le groupe de travail a appelé le «comportement sur le marché». En raison de la nature des PME, il est très important que le comportement sur le marché soit assujetti à des normes très élevées. Dans le cas contraire, on évitera absolument d'investir dans des petites entités inconnues, et on se contentera d'investir dans les grandes.
J'aimerais maintenant présenter un point de vue personnel. Sur ce point, je ne suis porte- parole d'aucune autre société. Il s'agit d'une observation sur la disponibilité des fonds—et je pense, monsieur Robinson, que mes propos feront suite à ce que vous avez dit. Par la suite, je ferai quelques suggestions précises pour que des améliorations soient apportées dans ces deux secteurs.
À mon avis, nous avons une occasion unique d'établir un secteur des services financiers qui réponde aux besoins divers et diversifiés des petites entreprises. Une telle occasion ne s'est pas présentée depuis 40 ou 50 ans. Le travail que vous effectuez est donc terriblement important pour nous tous, et je vous souhaite la meilleure des chances. On a affaire ici non pas seulement à des projets de fusion, mais bien à une restructuration fondamentale des marchés financiers.
• 1005
Où en sommes-nous aujourd'hui dans le dossier de la
disponibilité des fonds pour les PME? Cette question a été exposée
clairement dans le mémoire McKinsey, qui est cité dans le rapport
du groupe de travail. Les fonds disponibles ne sont pas suffisants,
un point c'est tout.
À mon avis, le désaccord que m'inspire le rôle des banques est exposé clairement dans le rapport du groupe de travail. On y arrive à la conclusion que les banques constitueront la source première de fonds, mais, lorsqu'on se penche sur l'endroit où va l'argent, on constate qu'il n'est plus déposé à la banque. Traditionnellement, c'était pourtant ainsi que l'argent était accumulé, puis redistribué. En fait, l'argent est de plus en plus investi dans des fonds communs de placement, les taux de rendement des dépôts n'étant pas suffisants. Je pense donc que les banques—et c'est une pensée horrible—risquent de se retrouver aux prises avec un problème de liquidités.
J'exagère peut-être, mais c'est une possibilité. Voilà pourquoi je considère si importantes les déclarations relatives à la titrisation des actifs.
Si j'ai bien compris, voici ce que dit M. MacKay. Premièrement, les banques éprouvent beaucoup de difficulté à faire affaire avec les PME, ce qui n'étonnera aucun des députés présents dans cette salle. Ces différends seront difficiles à surmonter. Deuxièmement, les banques devront apprendre à faire quelque chose qu'on n'est parvenu à faire avec succès nulle part en Amérique du Nord—c'est du moins ce que je comprends—, à savoir titriser les prêts qu'elles consentent aux petites entreprises.
Eh bien, si on se dit que les chances que l'un ou l'autre de ces deux faits se matérialise sont de 50 p. 100, on peut affirmer que les chances que les deux se matérialisent, lorsqu'on les prend ensemble, sont de 25 p. 100. Voilà où je suis en désaccord avec M. MacKay. Même si on donne aux banques plus de crédit—c'est-à-dire des chances de 70 p. 100 pour chacun des faits—, les chances qu'elles demeurent la principale source de fonds pour les PME sont toujours inférieures à 50 p. 100.
La question de savoir si les banques doivent ou non être la principale source de financement constitue une question extrêmement importante que vous devez régler dans vos délibérations. Le véritable problème, ce sont les obstacles, l'absence de pipeline entre l'argent qui provient directement des particuliers et les PME en passant par les institutions.
Bref, ce qu'il nous faut, en fait, c'est un nouveau Newcourt, mais il s'agirait dans ce cas d'une société—il serait préférable qu'il s'agisse de nombreuses sociétés—conçue pour octroyer des prêts aux PME, puis qui pourrait les vendre à d'autres qui sont efficients au chapitre du cumul d'actifs. Il s'agit d'une vision radicalement différente. Voilà ce qui, à mon avis, est possible.
M. Robinson a affirmé que la disponibilité des fonds était aujourd'hui meilleure. Je pense que la plupart des petites entreprises—et j'insiste sur les mots «la plupart»—, quel que soit l'endroit où elle se trouve et l'endroit où se trouve leur banque, ont aujourd'hui une meilleure chance d'obtenir un prêt qu'à toute autre époque.
Le phénomène s'explique simplement par le fait que les banques introduisent l'évaluation par points. Foncièrement, elles vous remettent une carte de crédit. Vous n'avez pas affaire à un directeur de comptes. Vous n'avez pas à vous préoccuper de savoir où se trouve la succursale. Les comptes à rendre sont très symboliques.
De tels services sont offerts. Nous y sommes. La limite est de 100 000 $ (niveau de la CIBC). Dans d'autres cas, les limites vont de 35 000 $ en montant.
La leçon intéressante que le comité peut tirer de tout cela, c'est que le produit est aujourd'hui offert en raison, à mon avis, de la concurrence autorisée par le BSIF, avec réticence et beaucoup trop lentement du point de vue des PME, mais il l'a autorisée, et il a mis environ un an à réagir. La tragédie, c'est que cette innovation n'est pas imputable à la concurrence entre les banques elles-mêmes—ce qui est précisément ce que j'aurais aimé voir.
Permettez-moi de présenter les choses d'une façon spectaculaire—ce qui me vaudra probablement la réprobation d'un certain nombre de mes amis du secteur privé. Je pense que les banques pourraient fermer la plupart des succursales qui assurent aujourd'hui des services aux petites entreprises sans que les fonds mis à la disposition de la plupart des entreprises soient réduits, un point c'est tout. Les sources de financement autres que les banques sont légion, et des représentants de l'une de ces sources, je crois, comparaîtront devant vous ce matin—je songe à l'industrie de l'affacturage.
Naturellement, j'ai utilisé l'expression «la plupart» pour des raisons évidentes. Certaines entreprises ne vont pas résister à l'épreuve de l'évaluation par points. Le phénomène s'explique par de bonnes et de mauvaises raisons, et j'aimerais qu'on établisse un pipeline permettant de départager les bonnes et les mauvaises raisons pour que les entreprises qui ne répondent pas aux critères des banques pour de bonnes raisons, par exemple des taux d'accroissement des ventes hyperaccélérés ou un avoir propre insuffisant, puissent malgré tout obtenir du financement.
• 1010
En terminant, j'aimerais communiquer aux membres du comité un
chiffre tiré d'un rapport de Statistique Canada qui m'a surpris. Si
j'ai bien compris, 40 p. 100 des entreprises qui ont fait faillite
n'auraient pas dû connaître un tel sort. Je vais poser ici une
hypothèse qui est peut-être injuste pour les banques, et c'est que
la plupart de ces entreprises qui ont fait faillite faisaient
affaire avec le service des prêts spéciaux dans des banques. Ce
chiffre de 40 p. 100 représente des entreprises qui auraient pu
être épargnées, qu'on aurait pu remettre sur les rails. Si, comme
mesure du progrès réalisé dans le secteur des services financiers,
on pouvait réduire cette proportion de moitié au cours de la
prochaine décennie, nous pourrons considérer avoir réalisé des
progrès considérables.
J'ai quelques très brèves suggestions à faire pour améliorer la situation dans le secteur financier. L'une de mes préoccupations à titre d'exploitant d'une petite entreprise, c'est que mes dépôts commerciaux, je le sais, ne sont pas assurés. En raison de la nature de mon entreprise, il m'arrive parfois de faire des dépôts relativement importants, et j'aimerais bénéficier, dans toute institution de dépôt, d'une assurance sur les dépôts commerciaux jusqu'à concurrence de 250 000 $.
Je crois que les non-banques, les futurs Newcourt que j'ai évoqués, devraient pouvoir accorder des prêts en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, sans faire l'objet d'une obstruction systématique, comme celle à laquelle s'est heurtée la société Newcourt lorsqu'elle a tenté d'obtenir un tel privilège.
En ce qui concerne l'imposition, j'aimerais qu'on abolisse l'impôt sur les gains en capital lorsque les produits découlent de la vente d'actions qui ont été détenues pendant plus de sept ans. S'il en était ainsi, on ne me répondrait plus, lorsque je sollicite de l'argent pour une petite entreprise: «Pour investir 100 000 $ dans cette nouvelle entreprise probablement condamnée à l'échec, je dois vendre des actions de Newbridge d'une valeur de 200 000 $.»
Lorsque je sollicite des fonds, j'aimerais que les règles du jeu soient tout au moins égales.
Je suis très fermement convaincu du fait que le comportement est extrêmement important. Laissez-moi vous dire pourquoi. Il suffit de mettre une goutte d'eau d'égout dans un baril de vin pour obtenir un baril d'eau d'égout. Voilà la justification fondamentale. Nous ne pouvons pas permettre à de l'eau d'égout de polluer le système, et, au pays, nous devons faire beaucoup mieux au chapitre du comportement commercial. À l'heure actuelle, la situation, d'après ce que je peux voir, est aussi anarchique que dans l'Ouest américain d'antan. La situation n'est pas généralisée, mais elle existe malgré tout. On en revient à la goutte d'eau d'égout.
Par exemple, une des mesures constructives que l'ombudsman pourrait prendre consisterait à obliger toutes les institutions financières à faire état de toutes les réclamations dont elles font l'objet, dans un délai de dix jours suivant leur réception, ainsi que de tout jugement défavorable rendu contre elles.
De toute évidence, il s'agit d'un ramassis d'éléments hétéroclites. Lorsqu'on se penche sur ces questions, on découvre certains faits très déconcertants.
Dans de tels cas, j'aimerais, comme je l'ai dit, qu'on impose de lourdes sanctions. En poussant le raisonnement un peu plus loin, j'irais même jusqu'à proposer qu'on constitue un fonds de 5 millions de dollars dans lequel les PME pourraient puiser pour poursuivre des institutions financières avec le consentement de l'ombudsman. S'ils n'y font jamais appel, ce serait merveilleux. Mais j'ai des doutes à ce sujet.
Enfin, j'aimerais qu'on rétablisse la règle de droit dans les transactions commerciales, les cours spéciales et une force policière spéciale affectée à ces questions. J'aimerais aussi qu'on consolide les pouvoirs du surintendant des faillites. Pour faire en sorte que les règles du jeu soient tout au moins égales pour tous, les entreprises qui engagent des frais judiciaires devraient avoir droit à des crédits d'impôt.
En conclusion, monsieur le président, je pense que vous avez une occasion en or d'adapter véritablement le secteur des services financiers aux besoins des PME. À mon avis, l'interdiction de la fusion des banques n'est pas le véritable enjeu. Ce qu'il faut, c'est de créer un climat concurrentiel de tout premier plan pour les PME.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Kemball.
Nous allons maintenant nous tourner vers M. Leonard Potechin, président du Regional Group of Companies.
Soyez le bienvenu.
M. Leonard Potechin (président du conseil d'administration, Regional Group of Companies): Je vous remercie, monsieur le président. Je serai bref. Parallèlement à mes propos d'aujourd'hui, je ferai appel à mes antécédents de président régional de l'Association des Communautés Aéroportuaires Canadiennes.
• 1015
Le Canada demeurera-t-il une société capitaliste pourvue d'une
conscience sociale? Le gouvernement devrait-il exercer un contrôle
sur l'ensemble des fusions et des acquisitions, ou devrait-il
définir les règles et les règlements et laisser à l'entreprise
privée le soin d'agir dans le respect de ces derniers?
Dans mon esprit, il ne fait aucun doute que les Canadiens sont de bons compétiteurs capables de soutenir la concurrence de tout autre pays de monde, dans tous les secteurs de l'entreprise privée, à condition que notre gouvernement nous permette de soutenir librement la concurrence, sans nous lier les mains.
Récemment, le gouvernement a, en vertu de l'accord Ciels ouverts, mis des outils à la disposition des compagnies aériennes. Auparavant, les entreprises de la capitale nationale n'étaient pas en mesure de soutenir librement la concurrence en raison de la réglementation gouvernementale. Il y a à peine deux ans, aucun vol direct n'était offert entre Ottawa et les États-Unis. Aujourd'hui, on note 39 envolées au départ de l'aéroport d'Ottawa, et l'industrie de la haute technologie et le tourisme ont prospéré. Les compagnies aériennes du Canada sont devenues plus rentables, et des emplois ont été créés. Le gouvernement a doté les collectivités et les compagnies aériennes des outils nécessaires pour soutenir librement la concurrence.
Le contrôle des banques est une autre illustration de la conviction qu'a le gouvernement qu'il doit exercer sa mainmise sur l'ensemble des fusions et des acquisitions. La concurrence est-elle insuffisante dans le secteur bancaire? La fusion priverait-elle les Canadiens de services de bonne qualité? Je ne le crois pas. Si j'ai besoin d'une hypothèque, je peux m'adresser à des sociétés de fiducie, à des caisses populaires, à des compagnies d'assurance, à des coopératives de crédit, à des sociétés de financement et, oui, même à la SCHL. Qu'en est-il du financement des automobiles et des cartes de crédit? La concurrence est-elle insuffisante dans ce secteur?
Il y a aussi des organismes fédéraux comme la Banque de développement du Canada, la Société pour l'expansion des exportations et la Société du crédit agricole. Le gouvernement devrait-il laisser les règles et les règlements dans leur état actuel? Non, certainement pas. On doit donner à d'autres l'occasion de participer au marché et de concurrencer les banques dans le secteur des prêts. À mon avis, le statu quo n'est pas une option.
Devait-on autoriser des banques américaines à mettre des services sur pied au Canada? Pourquoi pas? On autorise aujourd'hui les compagnies aériennes des États-Unis à s'établir librement dans toutes les villes du Canada, et, d'après ce que je peux voir, les compagnies aériennes du Canada ne sont nullement touchées. En fait, cette situation a été une bénédiction pour les profits des sociétés canadiennes aussi bien que pour les emplois.
Quelles règles et quels règlements devrait-on adopter? Peut-être devait-on interdire la fermeture des banques dans les collectivités qui n'en comptent qu'une et la réduction des effectifs lorsque deux succursales se voisinent.
Je suis d'abord et avant tout Canadien, mais je suis aussi résident de la région d'Ottawa—Carleton. Je constate la croissance de notre industrie de la haute technologie. Je constate une augmentation du nombre de visiteurs dans notre collectivité. La taille de l'industrie de la biotechnologie est en voie de doubler.
Donnez à nos entreprises la possibilité de croître. Fixez des règlements qui nous permettent de soutenir la concurrence aux niveaux provincial, national et international.
Le meilleur exemple, c'est la sollicitation qui entoure les cartes de crédit. Mon épouse et moi avons été sollicités à des dizaines de reprises. Pendant des matchs de hockey, on nous aborde pour nous proposer de changer de carte de crédit.
Dans mon esprit, il ne fait aucun doute que des sociétés de services financiers, des coopératives de crédit, des caisses populaires, des sociétés de financement et des fonds de retraite doivent pouvoir des services spécialisés. Évitez à tout prix de cantonner les banques dans la seule prestation de services spécialisés. Elles doivent être en mesure de soutenir la concurrence au sein du marché de masse et continuer d'offrir des services financiers à l'ensemble des Canadiens.
Nous avons autorisé les banques à acheter des maisons de courtage. Merrill Lynch, société américaine, a acheté Midland Walwyn, l'une de nos principales maisons de courtage. N'oubliez pas qu'il y a beaucoup moins de maisons de courtage que de banques.
Les banques livrent concurrence à l'industrie de l'automobile. Autorisez un plus grand nombre de joueurs à concurrencer les banques.
Dans notre région, les forces qui régissent les changements dans les transports, les services financiers et la technologie en évolution rapide ainsi que la transformation des préférences des consommateurs sont manifestes.
L'économie change-t-elle? C'est évident. Premièrement, il y a eu l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, puis l'ALENA. Nous ne faisons plus partie uniquement de l'économie canadienne. Nous devons prospérer au sein de la société nord-américaine, et même de la société planétaire. Nous devons soutenir la concurrence de nos voisins du Sud tout comme celle de leurs établissements du secteur privé, qui sont plus gros et plus dynamiques. On doit nous fournir les outils nécessaires pour que nous puissions y parvenir.
• 1020
Récemment, le gouvernement du Canada a réduit le nombre de ses
employés. Je ne prétends pas savoir où ces personnes ont trouvé un
nouvel emploi partout au Canada, mais, dans la région
d'Ottawa—Carleton, nombreux sont ceux qui ont créé leur propre
entreprise ou travail lent au sein de l'industrie du tourisme ou de
la haute technologie. Ils ont été absorbés par notre collectivité
en raison de l'amélioration des moyens de transport vers la
capitale nationale.
La cession de l'aéroport au secteur privé est un bon exemple des mesures que le gouvernement peut prendre pour permettre à l'entreprise privée de prospérer. Le Comité permanent des banques et du commerce devrait tirer des leçons de ces réussites et consacrer son temps à la création d'un climat propice à l'expansion des entreprises. Ce n'est qu'ainsi que plus d'impôts seront payés, que le gouvernement pourra intervenir moins massivement dans le secteur du bien-être social et que tous les Canadiens verront leur situation s'améliorer.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous ce matin.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Nous disposons d'environ 15 minutes avant le vote, mais nous allons mettre cette période à profit pour poser quelques questions. Après le vote, nous reviendrons pour poser d'autres questions.
Monsieur Harris.
M. Dick Harris: Je vous remercie, monsieur le président.
Messieurs, je tiens à vous remercier des exposés très éclairants que vous avez présentés ce matin.
Monsieur Kemball, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le secteur du financement de la petite entreprise doit compter sur un plus grand nombre d'intervenants. Il s'agit, à mon avis, d'un élément critique de notre économie. Un gouvernement qui conserve ou favorise une mentalité selon laquelle les banques doivent demeurer le principal intervenant dans le financement des petites entreprises adopte une position très rétrograde.
J'ai oeuvré toute ma vie dans le secteur de la petite entreprise. En 1962, à l'âge de 18 ans—il me coûte d'admettre que c'était il y a si longtemps—, j'ai acheté ma première entreprise. Pour obtenir les 2 000 $ nécessaires à cet achat, j'ai dû faire des pieds et des mains et donner en gage mes enfants, qui n'étaient pas encore nés. Après avoir parlé à des exploitants de petites entreprises d'aujourd'hui, particulièrement ceux qui souhaitent faire leur entrée dans le secteur et qui ont d'excellentes idées et une vision très claire de la façon d'assurer leur réussite, je sais qu'ils éprouvent encore de la difficulté à obtenir de l'argent auprès des institutions prêteuses traditionnelles, comme les banques, à moins qu'ils aient 5 $ en poche et souhaitent emprunter 1 $.
J'apprécie donc vos commentaires au plus haut point. Lorsque viendra le moment de formuler des recommandations au gouvernement, je pense que nous devrons viser la plus grande augmentation possible du nombre d'intervenants spécialisés, particulièrement dans le secteur de la petite entreprise.
La question que je veux poser paraîtra peut-être redondante, maintenant que j'ai donné mon opinion sur ce qui est véritablement important, mais il ne fait aucun doute que le comité devra présenter ses recommandations selon un ordre de priorité quelconque. Il est presque inconcevable que le gouvernement puisse donner suite d'un seul coup à toutes les recommandations du groupe de travail.
Si, parmi les recommandations du groupe de travail MacKay, vous deviez établir un ordre de priorité quant aux mesures sur lesquelles nous devrions nous concentrer, à propos desquelles nous devrions dire au gouvernement: «Voici ce que vous devriez faire en premier», par quoi commenceriez-vous?
Peut-être pourrions-nous utiliser le peu de temps qu'il nous reste pour obtenir une réponse de chacun des témoins.
M. Peter Kemball: Monsieur Harris, j'ai un véritable préjugé, et j'ai axé mes propos sur la petite entreprise. Malgré l'importance des autres enjeux sur lesquels le comité doit se pencher, je dois me concentrer sur cette question.
Je crois que les fonds mis à la disposition de la petite entreprise devraient constituer une priorité absolue parce que c'est à elle qu'on doit nos emplois et notre croissance. Elle est nécessaire au financement de toutes les activités essentielles à notre société. L'amélioration de cet aspect du secteur des services financiers revêt donc une importance cruciale pour l'évolution de notre pays et de notre économie. Il s'agit d'une priorité de la toute première importance.
M. Dick Harris: Je vous remercie. Monsieur Robinson.
M. Walter Robinson: Je n'ai rien à ajouter. Je vais attendre les autres questions, monsieur Harris.
M. Dick Harris: Monsieur Potechin.
M. Leonard Potechin: Rien à ajouter.
M. Dick Harris: Monsieur le président, je sais qu'il nous faut partir. Je suis sûr que nous reviendrons après le vote.
Le président: Nous ne sommes pas encore obligés de partir. Si vous avez d'autres questions, allez-y.
M. Dick Harris: D'accord.
• 1025
Monsieur Robinson, au sujet de l'impôt sur le capital que les
banques sont tenues de payer, nous avons naturellement eu des
exposés de la part des banques. Pourriez-vous nous parler des
impôts sur le capital que les banques doivent payer et, peut-être,
établir une relation avec le secteur des grandes entreprises
industrielles privées?
M. Walter Robinson: La question des impôts occupera une bonne part de l'exposé que je présenterai devant votre comité au sujet des questions prébudgétaires, comme le savent Mme Redman, M. Szabo et d'autres personnes.
Notre position est très simple, dans la mesure où nous tentons de baisser les impôts dans tout le secteur. Disons-le clairement: ce sont les profits qui devraient être imposés, pas le capital. À ce sujet, ce serait là notre position fondamentale.
À vrai dire, spécialement dans le secteur des services financiers, compte tenu du capital nécessaire à l'établissement de l'infrastructure nationale de services financiers dans notre vaste pays, et compte tenu de ce qu'il faut pour que puissent se faire des transactions internationales, je pense que l'imposition de ce type d'activité décourage ce genre d'investissement, ce genre de R et D.
Pour ce qui touche à la rentabilité des banques, nous savons tous de quoi il retourne. Suis-je ici pour défendre les banques? Non. Elles font d'excellents profits. Elles devraient payer des impôts sur ces profits. Si je ne me trompe, la situation de cette industrie en ce qui concerne cet impôt sur le capital est unique.
Alors, nous devrions prélever des impôts sur les profits et non sur le capital. C'est la réponse toute simple que nous avons à offrir.
M. Dick Harris: Une dernière question, monsieur Robinson. Que répondez-vous aux allégations de, par exemple, M. Nystrom—et je suis sûr que nous allons y venir—selon lesquelles les banques ne paient pas leur juste part d'impôts? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'appelle, NPD): Il pense que les banques paient trop d'impôts.
M. Walter Robinson: Encore une fois, je ne suis pas ici pour défendre l'industrie des banques. J'ai personnellement eu d'horribles expériences avec elles. Nous avons tous des anecdotes à ce sujet.
Nous ne devons pas oublier que les banques—si l'on en croit ce que nous dit l'Association des banquiers canadiens d'après les données de Statistique Canada, viennent au treizième rang des industries de notre pays au chapitre de la rentabilité. Elles ne forment donc pas l'industrie la plus rentable.
Il y a un autre point à souligner: s'il est vrai qu'on entend très souvent des commentaires hystériques comme: «Faites-les payer des impôts, faites-leur-en payer davantage», nous ne devons pas oublier qu'un Canadien sur deux est directement propriétaire d'une banque par l'entremise de son fonds de pension ou de son REER. M. Kemball nous a parlé de la crise financière qui les guette peut-être.
Le degré d'imposition? Je répète, n'imposez pas le capital, et si vous avez besoin d'un effet de compensation, imposez les profits.
Voilà comment je répondrais à cette question.
M. Dick Harris: Vous n'y avez pas encore tout à fait répondu.
M. Walter Robinson: J'en suis conscient, monsieur Harris.
Des voix: Oh, oh.
M. Dick Harris: La question était la suivante: comment réagissez-vous à l'allégation selon laquelle les banques ne paient pas leur juste part d'impôts?
M. Walter Robinson: Le secteur des services financiers verse beaucoup d'impôts qui permettent de financer les programmes et activités du gouvernement dans notre pays.
Encore une fois, je vais vous répondre selon une perspective inter-industrielle. Nous croyons—et je préciserai ce point au cours des consultations prébudgétaires—qu'on insiste encore beaucoup, par exemple, sur les surplus budgétaires anticipés qui peuvent ou non être présents en février prochain. D'après nous, il faut s'attacher à l'enveloppe de dépense de 109 milliards de dollars: si vous pouvez la réduire, vous pourrez envisager de réduire les impôts sur les profits des banques et d'autres industries.
M. Dick Harris: D'accord. Merci, monsieur Robinson.
M. Walter Robinson: Je le répète, je n'ai peut-être pas répondu à votre question, mais je l'ai fait délibérément.
M. Dick Harris: D'accord.
[Français]
Le président: Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Un instant, monsieur le président.
[Traduction]
M. Dick Harris: M. Potechin aimerait réagir.
Le président: Aimeriez-vous réagir à cela?
M. Leonard Potechin: Oui, j'aimerais y réagir brièvement.
D'après ce que je sais, le gouvernement ne crée pas de capital; il se contente de le redistribuer. Ce sont les entreprises privées qui créent le capital. Les banques doivent verser des sommes au chapitre de l'assurance-chômage. Elles doivent aussi en verser pour le Régime de pensions du Canada. Elles versent de l'argent pour toutes les choses qu'elles font.
Établissez le règlement. Décidez de ce que vous voulez y mettre, et laissez-nous nous faire concurrence. Mais n'oubliez pas que nous devons concurrencer sur l'échiquier mondial. Je ne représente aucune banque, et je traite avec une demi-douzaine d'entre elles, alors je me préoccupe très peu qu'elles fusionnent ou non. Je tiens tout simplement à m'assurer que le climat qui est établi nous permet de faire concurrence aux autres banques du monde.
Le président: La parole est à M. Nystrom.
M. Lorne Nystrom: M. Harris a posé, je crois, l'une de mes questions, mais il parle en connaissance de cause. Il a lancé sa première entreprise à l'âge de 18 ans, en 1942, alors il...
M. Dick Harris: Lorne, c'était en 1962.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): C'était en 1932. C'était aussi durant la grande dépression, c'était une époque difficile.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Rien n'a changé entre les deux époques.
M. Lorne Nystrom: Dans ma question, je vous disais que vous préconisiez une plus grande concurrence dans votre vision de l'économie. Pour ce qui touche les banques, nous avons le secteur bancaire le plus concentré en Occident. Si ces fusions se réalisent—et vous déclarez respectueusement que cela ne vous dérange pas que les fusions se réalisent ou non—nous aurons un secteur bancaire encore plus concentré. Je me demande simplement ce que vous recommanderiez pour qu'il le soit moins.
Bien des gens se préoccupent de la règle des 10 p. 100 qui permet aux banques américaines d'acheter des banques canadiennes et ainsi de suite. Quelles sont vos recommandations à ce sujet?
Le Parti réformiste s'agite au fond de la salle, monsieur le président. Je me demande si je pourrais...
Quelles recommandations pourriez-vous faire quant à la façon d'améliorer la compétitivité du secteur bancaire sans éliminer la règle des 10 p. 100 ni permettre aux banques étrangères d'envahir notre marché pour exercer le contrôle sur une industrie qui appartient à des Canadiens et est exploitée par eux?
M. Walter Robinson: Si vous le permettez, monsieur le président, je commencerai à répondre à cette question.
Je ne chercherais pas à créer un secteur bancaire plus concurrentiel. Je pense que le rapport MacKay est très clair: parmi les quatre piliers traditionnels que sont les activités bancaires, les investissements, les assurances et les vendeurs de fonds communs de placement, il y a une convergence qui m'amènerait à chercher à améliorer la compétitivité du secteur des services financiers. Je pense que cela est déjà en cours.
Peut-être que je pourrais vous donner un exemple en m'attachant aux instruments. Pour ce qui touche les recommandations du rapport MacKay, les banques vont pouvoir entrer dans le secteur de l'assurance non pas par l'entremise de leurs filiales indépendantes, mais par celles de leur réseau de succursales. Les agents d'assurance se sont dits très inquiets: par exemple, les courtiers en assurance ont affirmé fondamentalement que leur capacité de vendre de l'assurance pourrait se trouver affectée.
Je ne suis pas réellement d'accord avec cela, parce que je crois que la concurrence existe déjà. Les banques peuvent recourir à leurs succursales pour vendre de l'assurance, mais les agents d'assurance vendent déjà des instruments d'épargne au moyen de leurs polices. Il ne s'agit plus simplement d'acheter une police temporaire; il s'agit d'acheter une police d'assurance-vie complète, qui comporte un rendement intrinsèque, de sorte que vous pouvez l'utiliser comme un véhicule d'épargne.
Alors, je ne veux pas d'un secteur bancaire plus concurrentiel, monsieur Nystrom, je veux un secteur des services financiers plus concurrentiel. Je pense que ce mouvement est déjà amorcé. Votre travail ici consiste tout simplement à établir les règles qui feront en sorte que les Canadiens, comme je l'ai dit dans mon exposé—que vous avez dû, d'après ce que je crois savoir, manquer, probablement pour d'autres raisons—le secteur bancaire devrait—et je dis bien qu'il devrait et non pas qu'il le fera, parce que les marchés ne sont pas parfaits, enfin, pas autant que j'aimerais qu'ils le soient—donner lieu à plus de choix.
M. Lorne Nystrom: Les marchés sont loin d'être parfaits, comme nous pouvons le constater en ce moment dans le monde entier.
Les courtiers d'assurance nous ont affirmé à maintes reprises qu'il y aurait inégalité des chances si les banques devaient vendre de l'assurance. Les banques sont grosses. Notre pays compte de nombreuses compagnies d'assurance. Je ne parle pas seulement d'assurance-vie. Je parle aussi d'assurance des biens et d'assurance risques divers. Notre pays compte un grand nombre de petits courtiers. Déjà, ils affirment craindre que les banques n'aient la permission d'entrer sur le marché, et ils affirment qu'il y aurait inégalité des chances.
C'est comme si vous vous en preniez à Mike Tyson. Je ne suis pas sûr de ce qui arriverait.
Qu'avez-vous à dire à ce sujet? S'agit-il réellement de forces concurrentielles ou y a-t-il lutte déloyale entre un gros joueur et un petit joueur, lutte que vous qualifiez de «compétition»?
Il y a une autre chose que je voudrais dire au sujet du capital. Quelqu'un ici a dit que le capital est créé par le secteur privé. Je pense que les travailleurs créent aussi du capital puisqu'il s'agit d'hommes et de femmes qui travaillent. Ainsi donc, la création du capital n'est pas le seul fait du secteur privé et de l'entreprise privée. Elle est le fait de la petite entreprise, des grandes entreprises et des travailleurs proprement dits, parce que sans les travailleurs, la productivité n'existerait pas.
M. Walter Robinson: Un ou deux arguments très rapides, monsieur Nystrom. En ce qui concerne la «contagion asiatique», l'effondrement international, je ne saurais blâmer uniquement les marchés pour ce problème. Je blâme aussi les régimes de réglementation très frauduleux qui ont cours dans certaines des régions du monde. Par chance, vous avez, en qualité de gardiens au sein de votre comité et de parlementaires, veillé à ce qu'une réglementation soit établie pour, espérons-le, éviter que de telles choses se produisent ici, ou vous avez à tout le moins pris des mesures pour en atténuer le risque.
Pour ce qui touche le fait de vous en prendre à Mike Tyson, je reprendrai le commentaire de M. Brison: je me couvrirais les oreilles. C'est la première chose que je ferais pour éviter qu'il ne me morde.
L'autre question concernait l'industrie. Je le répète, ce que nous pouvons voir actuellement en ce qui concerne la concentration de l'industrie bancaire, comme l'a souligné le rapport MacKay, c'est que, effectivement, nous assistons à la création de gigantesques entités mondiales, pour ainsi dire. Soyez-en sûr, je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la concentration de l'industrie bancaire dans notre pays...
M. Lorne Nystrom: Ma dernière question portait sur le caractère équitable ou non équitable de la présence des banques dans...
M. Walter Robinson: Mais nous avons pu observer un mouvement simultané vers la création de conglomérats et d'entités mondiales qui aura des effets marqués sur la concurrence. Le fait que des particuliers puissent toujours réussir à être concurrentiels pour l'utilisation de la technologie est le paradoxe du pouvoir, comme l'affirme John Naisbitt. Plus vous êtes petit, plus vous avez le bras long.
Nous observons un effondrement des intervenants spécialisés et des entreprises sectorielles. Je vais vous donner un exemple: Netscape—qui appartient à une autre industrie, mais qui permet une comparaison tout à fait valable—est une toute petite entreprise qui a affronté Microsoft et a gagné. Il y a des exemples.
Il y a des exemples de fonds spécialisés individuels qui peuvent affronter les banques et offrir des produits plus ciblés. Par exemple, certains fonds environnementaux ont obtenu un rendement mirobolant. Ces fonds sont de très faible envergure, mais ils peuvent concurrencer avec succès les produits comparables offerts par les banques ou par un autre vendeur de fonds communs de placement de plus grande envergure.
• 1035
Ici, sur le plan technologique, la demande des consommateurs
a contribué un peu plus à cet équilibre, pour que les gens puissent
participer. J'aurais tendance à faire en sorte que les gens
puissent entrer sur ce marché et y faire concurrence. Je pense
qu'ils peuvent bien s'en tirer, que les travailleurs s'en tireront
bien.
M. Lorne Nystrom: Autrement dit, vous pensez que l'industrie de l'assurance affiche un complexe d'infériorité lorsqu'elle dit qu'elle aura de la peine à être concurrentielle.
M. Walter Robinson: C'est vous qui le formulez ainsi, pas moi. Je pense que l'industrie de l'assurance, si j'en juge par les produits qui me sont offerts pour l'assurance des biens et l'assurance risques divers, pour l'assurance-vie, pour les instruments d'épargne, a beaucoup à en retirer. À vrai dire, nous nous tournons plus souvent vers les compagnies d'assurance pour obtenir une hypothèque que vers les banques, s'il s'agit d'une hypothèque personnelle, parce que leur produit est meilleur. Je pense qu'elles sont bien armées pour être concurrentielles, et elles vont se battre.
M. Lorne Nystrom: Vos réponses sont très politiques. Alors je vais essayer d'une autre façon.
Pensez-vous alors que l'industrie de l'assurance croie à tort qu'elle ne peut être concurrentielle? Je vous dis cela, parce qu'elle est très préoccupée par cette recommandation. Les assureurs nous téléphonent et nous disent que les chances seront inégales.
M. Walter Robinson: Je pense que l'industrie de l'assurance doit défendre son terrain du mieux qu'elle le peut. C'est son travail. Encore une fois, je ne suis pas un expert de l'industrie de l'assurance, mais compte tenu des produits qu'on m'a offerts personnellement comme consommateur, je crois qu'elle peut être concurrentielle.
M. Lorne Nystrom: Merci.
Le président: Merci. Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier chacun d'entre vous. Vos exposés étaient très réfléchis.
J'aimerais adresser ma question à M. Robinson. En fait, le sujet est semblable. C'est la crainte qu'expriment les gens qui louent des autos et les compagnies d'assurance selon laquelle l'entrée des banques sur ce marché fera augmenter la concurrence à court terme, mais à long terme, si les meilleurs éléments du secteur se trouvent éliminés ou que les éléments les plus faibles disparaissent—et cela ne tient pas compte du fait qu'elles utilisent ou non leur fonds d'information, parce que je pense que le groupe de travail MacKay s'attache très bien à cette question—, la concurrence sera éliminée. Par exemple, le secteur de l'assurance n'aura plus pour clients que ceux qui supposent les frais les plus élevés, qui sont difficiles à servir ou qui coûtent plus cher.
La question que je vous veux vous poser est la suivante: la réglementation gouvernementale peut-elle permettre de résoudre cette préoccupation? Est-ce même souhaitable, ou s'agit-il d'une chose à laquelle un organisme réglementaire doit s'attacher de toute façon?
M. Walter Robinson: Comme je pense l'avoir dit dans mon exposé, divers organismes axés sur la politique publique jouent déjà ce rôle. Il y a le Bureau de la concurrence, les approbations du BSIF, l'approbation du Ministre, que la loi exige pour toute fusion, qui visent à préserver les intérêts relatifs à la concurrence. De par son rôle, votre comité le fait très bien.
Alors je pense que les véhicules sont déjà en place. Cela ne me dérange pas que le gouvernement établisse les règles du marché. Je le répète, ce qui me pose problème, c'est que le gouvernement ne se contente pas d'établir les règles et veuille intervenir activement dans le marché.
Mme Karen Redman: Très bien. Je vous remercie.
Le président: Monsieur Kemball.
M. Peter Kemball: J'aimerais faire un commentaire là-dessus. Je pense qu'il est très important que les législateurs comprennent parfaitement qu'un ensemble de petites règles peut procurer un avantage indu à l'un des joueurs, pour reprendre une analogie. Je tiens à faire remarquer qu'au cours des 50 ou 100 dernières années, les banques ont réussi très habilement à amener nombre de nos gouvernements à modifier les règles en leur faveur.
J'ai parlé de la LPPE. C'est un bon exemple. Il y en a d'autres. Dans la mesure où, toutes les fois que vous examinez l'avenir du secteur des services financiers, vous vous posez la question: «Sommes-nous involontairement en train de changer les règles en faveur de quelqu'un?» c'est très important, parce que cela souligne des préoccupations réalistes de la part d'autres intervenants. Si les règles demeurent inchangées, alors je suis d'accord avec M. Robinson.
Le président: Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Certains commentaires des témoins me perturbent quelque peu.
Monsieur Robinson, votre position me choque. Bien franchement, elle est contraire à ce que j'ai vu de la Fédération des contribuables canadiens depuis quatre ou cinq ans.
Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, comme M. Nystrom a essayé de le faire. Alors je vais vous poser d'emblée la question suivante: vous êtes en faveur de la fusion des banques, n'est-ce pas?
M. Walter Robinson: En ce qui concerne la fusion des banques, je suis d'accord avec ce que dit le rapport MacKay, c'est-à-dire qu'elle devrait être évaluée par...
M. Nick Discepola: Répondez-moi simplement par oui ou par non.
M. Walter Robinson: Au bout du compte, si deux entreprises privées, légitimes, qui paient leurs impôts souhaitent fusionner, la politique publique ne devrait pas intervenir dans leurs stratégies d'affaires.
M. Nick Discepola: Pouvez-vous répondre à ma question, maintenant?
M. Walter Robinson: Dans ce sens, oui.
M. Nick Discepola: Alors, vous êtes en faveur de la fusion des banques.
Selon votre mémoire, nous devrions permettre aux banques non seulement de prêter de l'argent aux petites entreprises, mais aussi leur permettre d'envahir le marché des assurances, des locations-bail, de la location de voitures, du courtage, et que sais-je encore. Nous devrions empêcher le ministre des Finances—ou, indirectement, le gouvernement—de même chercher à obtenir des garanties en ce qui touche le nombre d'emplois ou la qualité des services.
Alors pourquoi ne pas simplement leur donner carte blanche? Allez-y, congédiez 30 000 employés. Allez-y, faites fermer toutes les entreprises de courtage et les petites entreprises de notre pays. Allez-y, fermez toutes les succursales des petites collectivités rurales. Je n'ai rien à dire dans tout cela, monsieur.
• 1040
Carte blanche—est-ce cela que vous préconisez?
M. Walter Robinson: Pour répondre très rapidement à cette question—je sais qu'il vous faut aller prendre part à un vote très important—, pour ce qui concerne la question de la carte blanche, nous avons déjà pu l'observer ici même dans la ville, si j'en juge d'après l'expérience qu'a eue M. Potechin.
Je pense qu'il serait très incongru pour le gouvernement de chercher à obtenir des garanties en ce qui concerne l'emploi lorsque ce même gouvernement et les députés qui siègent dans votre groupe parlementaire, monsieur Discepola, ont promis au cours de la campagne électorale de 1993 qu'ils ne congédieraient pas un seul fonctionnaire dans cette ville pour tout de suite après se retourner et mettre à pied 45 000 hommes et femmes partout au pays. Alors je vous demande d'être conséquents.
À vrai dire, je pense que de demander ces garanties d'emploi, —et même le rapport MacKay veut faire sanctionner des amendes et des pénalités. Alors, vous aurez beau jeter M. Cleghorn et M. Barrett en prison ou leur imposer des millions de dollars d'amende, cela ne fera pas revenir ces emplois. N'est-ce pas?
Ce que je vous dis, c'est ceci: assurez-vous d'instaurer le contexte de réglementation... le gouvernement, fort heureusement, y est arrivé dans les budgets antérieurs en permettant aux gens de puiser à même leur REÉR pour suivre des cours de recyclage. Il se produira des pertes d'emplois. Est-ce que cela veut dire que j'ai un coeur de pierre? Non. La mise à pied de 5 000, 10 000 ou 15 000 travailleurs signifie autant de familles de chômeurs. J'en suis très conscient. Mais je demanderais au gouvernement de ne pas jouer les vierges offensées pour cette question quand sa feuille de route est loin d'être parfaite pour ce qui concerne les garanties d'emploi. Le gouvernement nous a bien montré que toutes les garanties qu'il a données ne voulaient rien dire.
C'est ça que je pense.
M. Nick Discepola: Alors, nous devrions aveuglément leur permettre de fusionner, sans imposer de conditions. C'est bien ce que vous dites?
M. Walter Robinson: Non, ce n'est pas ce que je dis. Remettez les choses en contexte. Je pense que certaines des bonnes choses que révèle le rapport MacKay concernent le rôle accru du Bureau du surintendant des institutions financières pour l'établissement des règles—et cela répond à la question de Mme Redman—et le fait qu'il réglementera le marché plutôt que d'en être un participant. J'ai répondu très clairement à ces questions, et mes réponses figurent au compte rendu. Mais de plus, nous avons observé, malgré la promesse non tenue du gouvernement dans la collectivité où je vis, beaucoup de ressort de la part des travailleurs, qui ont alimenté les industries du savoir à Kanata et dans le quartier ouest, les industries touristiques et les nouvelles industries des sciences de la vie de notre collectivité.
Alors, on peut dire que la main-d'oeuvre canadienne a du ressort, comme en témoigne sa réaction à ces mises à pied, et je peux croire qu'il en ira de même pour celles qui vont se produire. Il n'y a pas seulement des banques qui vont dire: «Aujourd'hui, nous allons fusionner et mettre à pied 15 000 personnes.» C'est vous et moi, par nos choix de consommation, parce que nous allons aux guichets automatiques, ce qui force les banques à sabrer dans leur réseau et à offrir d'autres choix, voilà ce qui est à l'origine de certaines de ces pertes d'emplois.
M. Nick Discepola: Mais l'une de vos responsabilités...
Le président: Je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Nous allons aller voter, après quoi nous reviendrons.
Je dois suspendre la réunion.
Le président: À l'ordre. Nous allons poursuivre avec certaines questions.
Nous allons commencer par M. Discepola, après quoi M. Brison pourra terminer la période de questions.
Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.
J'aimerais parler brièvement du concept de la concurrence par rapport à celui de la concentration. L'une des préoccupations que j'ai est que, demain matin, j'approuverais avec joie la fusion des banques si j'étais sûr que cela favorisait la concurrence. Mais contrairement à votre position, monsieur Robinson, ou même à celle de M. MacKay—qui a clairement affirmé que nous devrions permettre aux banques d'oeuvrer dans le secteur des assurances, qui permet aux banques de faire de la location-bail—je ne peux voir comment, à titre de consommateur, qui peut actuellement choisir entre six banques plutôt que trois ou peut-être quatre, qui peut choisir entre toutes sortes de petites firmes de courtage pour les services de location-bail, et ainsi de suite, comment, si on permet aux banques de fusionner et d'envahir tous ces secteurs, j'aurai, pour reprendre ce que vous avez dit, plus de choix à des prix plus bas.
J'ai demandé aux banques, j'ai demandé aux présidents des sociétés bancaires, de me dire en quoi cela profiterait aux Canadiens. Aucun d'entre eux ne m'a dit clairement qu'il y aurait des économies d'échelle ou quoi que ce soit qui permettrait aux consommateurs d'économiser. Ils ne m'ont rien dit de cela. Ils auraient pu le dire, mais ils ne l'ont pas fait.
Alors je vous pose la question.
Monsieur Potechin, je crois que vous avez affirmé dans votre mémoire que vous aimeriez permettre plus de concurrence pour que les banques puissent s'aventurer sur le marché mondial. Pourriez-vous me dire pourquoi les banques en sont empêchées? Quel règlement les empêche de se lancer sur le marché mondial? Avez-vous déjà entendu parler de transactions que les banques ont perdues parce qu'elles n'étaient pas assez grosses pour s'en charger?
M. Leonard Potechin: Absolument. Elles ne peuvent se lancer sur le marché mondial parce qu'elles n'ont pas les moyens financiers pour le faire. La seule banque que j'ai vue à l'étranger est la Banque de Nouvelle-Écosse...
M. Nick Discepola: Et elle se débrouille très bien et connaît beaucoup de succès, monsieur.
M. Leonard Potechin: À petite échelle, mais je ne la vois pas parmi les dirigeants de quelque consortium affecté à de grands projets. Avec l'industrie de la haute technologie et l'argent qu'on doit, selon moi, y injecter, je pense que cela pourrait devenir un problème.
M. Nick Discepola: En réponse aux questions que leur posait un groupe de travail libéral au cours de l'été, les présidents des banques ont eux-mêmes déclaré clairement qu'ils n'avaient pas encore perdu une fusion. Ils sont capables de mettre leurs ressources en commun et de travailler de concert pour toute offre qui peut leur être faite, mais ils n'ont rien perdu.
Pour ce qui concerne la technologie, monsieur, lorsque j'ai lancé mon entreprise, non pas en 1962, mais en 1976, j'ai dû emprunter 140 000 $ pour acheter un ordinateur de 64 K muni d'un disque de 5 mégaoctets. Aujourd'hui, je peux obtenir tout ça pour environ 1 000 $. Alors, le problème ici, ce n'est pas la technologie.
Dans le passé, les banques ont mis en commun leurs ressources pour des coentreprises technologiques. Par exemple, les banques offraient auparavant des services de gestion de la paie, mais elles s'en retirent parce que ce n'est pas rentable. Les banques ont oeuvré dans toutes sortes de domaines.
Alors lorsqu'elles disent qu'elles doivent fusionner pour tirer profit de la technologie, je ne les crois pas. Elles pourraient le faire en se tournant vers la sous-traitance ou par d'autres moyens.
M. Leonard Potechin: J'établirais une réglementation, et c'est là votre travail. Je ne m'y connais pas en financement international, mais je sais que si vous établissez une bonne réglementation et que vous permettez aux entreprises de fonctionner...
Cela me fait penser à ce qui s'est passé dans notre localité en 1966 et 1974, quand nous n'avions pas le droit d'avoir un vol direct vers les États-Unis. C'était inscrit dans la réglementation sur les transports. Tout à coup, avec l'accord «Ciels ouverts», 39 vols ont pu partir de notre localité à destination des États-Unis chaque jour pour que les gens de notre localité puissent avoir accès à leur marché. J'ai pu voir à quel point cette mesure a favorisé l'emploi.
• 1110
Ce que je dis, c'est ceci: les banques ne m'inquiètent pas; la
réglementation gouvernementale m'inquiète davantage, et j'aimerais
que le gouvernement établisse une réglementation qui permette aux
entreprises de se faire concurrence.
M. Nick Discepola: Par contre, je vous ai demandé quels règlements, selon vous, empêchent les banques d'évoluer sur le marché mondial.
M. Leonard Potechin: Le capital. Ils n'en ont pas assez.
M. Nick Discepola: Le gouvernement ne peut établir de réglementation pour ça, monsieur. Elles doivent acquérir le capital elles-mêmes.
Monsieur Robinson, pourriez-vous répondre à mon autre question sur la concurrence, s'il vous plaît?
M. Leonard Potechin: Mais...
M. Walter Robinson: En ce qui concerne vos questions sur la concurrence...
M. Nick Discepola: Et la concentration.
M. Walter Robinson: Oui, oui, mais prenons-les une à la fois.
En ce qui concerne la concurrence, le rapport MacKay, d'après ce que j'en comprends, souligne 49 recommandations distinctes concernant la concurrence, et concernant aussi la concentration. Pour ce qui concerne la concurrence supplémentaire, l'ouverture du système de paiement canadien aux entreprises autres que les institutions de dépôt, la recommandation portant sur l'expansion du rôle d'Interact, que nous utilisons tous chaque jour: voilà des éléments qui, selon moi, élargiraient le choix. Si je ne me trompe pas, il faut au moins 10 millions de dollars pour lancer une banque, en théorie.
Pour ce qui concerne la pénétration de sociétés financières étrangères sans succursale, M. Potechin a allégué, en tant que personne dont la valeur nette est supérieure à la mienne puisque sa clientèle est si recherchée par les sociétés de carte de crédit... la semaine dernière, MBNA et Capital One m'ont toutes deux envoyé à un certain moment de jolies cartes de crédit dont la limite est de 50 000 $ et qui portent intérêt à 9 p. 100, quelque chose dont je n'ai pas besoin et que, de toute façon, elles ne m'accorderaient pas si elles me connaissaient.
Mais les choix sont là, et je crois que ces choses sont là, les 49 recommandations contenues dans le rapport.
En ce qui concerne la question de la concentration, comme je l'ai dit dans ma réponse à M. Nystrom, j'admets que la concentration est très élevée dans notre secteur des services financiers, et un coup d'oeil rapide sur les directives du Bureau de la concurrence empêcherait effectivement les banques, peut-être, de fusionner, si l'on tient compte de ce que le Bureau de la concurrence a prévu.
Je le répète, j'ai remarqué que, en ce qui concerne l'accès au crédit, le rapport MacKay indique à juste titre que plus de gens sortent des secteurs de concentration traditionnels pour obtenir du crédit en émettant des actions sur les marchés. À vrai dire, dans le secteur des petites entreprises, qui soulève des préoccupations dont vous avez parlé dans le passé, je sais, pour avoir assisté à de nombreuses réunions des comités du groupe de travail MacKay, qu'on a toujours le choix de se tourner vers d'autres prêteurs non institutionnels.
Alors, pour moi, le choix ne se limite pas à ces institutions. Dans le préambule de votre question, vous avez fait état de, probablement, 40 ou 50 secteurs différents vers lesquels les consommateurs peuvent déjà se tourner pour accéder à des services financiers.
Le président: Merci, Messieurs Discepola et Robinson.
Monsieur Pillitteri, après quoi nous passerons à M. Brison.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): J'ai une petite question. Nous parlons de concurrence, et nous parlons toujours de nos voisins du Sud. Croyez-vous que les banques américaines ont plus de formalités administratives à remplir que les banques canadiennes? Croyez-vous que le système bancaire aux États-Unis comporte plus de restrictions, ou en a-t-il moins?
M. Walter Robinson: Je ne suis pas un expert du système bancaire américain. En ce qui concerne le régime de réglementation, je sais qu'il est là-bas un peu différent, parce que les États participent beaucoup à la réglementation du système bancaire américain.
Comme le mentionne le rapport MacKay, en vertu de la Community Reinvestment Act, par exemple, aux États-Unis...
M. Gary Pillitteri: Mais ma question était précise: ont-ils plus ou moins de concurrence?
M. Walter Robinson: Je ne possède pas suffisamment d'information pour répondre à cette question.
M. Gary Pillitteri: Eh bien, alors j'y répondrai pour vous. Les banques américaines ont plus de restrictions que les banques canadiennes.
M. Walter Robinson: C'est là votre opinion, monsieur, et je veux bien l'accepter comme telle.
M. Gary Pillitteri: Monsieur, c'est un fait.
Le président: D'accord, monsieur Pillitteri. Monsieur Brison.
M. Scott Brison: À vrai dire, en réponse à la question de M. Pillitteri, les banques américaines peuvent entrer beaucoup plus facilement sur le marché que les banques canadiennes. Les exigences minimales en capital y sont à vrai dire moins restrictives qu'elles ne le sont au Canada.
Ce n'est qu'un fait parmi tant d'autres, mais c'est aussi une des questions sur lesquelles se penche le groupe de travail MacKay... et il est malheureux que ce rapport MacKay traite de manière générale d'une politique publique très complexe. Toutes les personnes ici présentes souffrent du «syndrome de la fusion», alors que nous devrions plutôt nous occuper d'une restructuration globale et d'un ensemble de politiques qui devraient révolutionner, ou faire évoluer, une industrie qui subit des changements dans son ensemble. On ne peut pas toujours laisser la politique faire obstacle aux politiques publiques sur ces questions.
• 1115
Quant aux changements du système de paiement, maintenant, dont
personne n'a vraiment parlé ici—et personne ne semble s'en
apercevoir—il y a, dans le groupe de travail, quelques
recommandations très emballantes relativement aux systèmes de
paiement et à l'arrivée de nouvelles banques. L'idée qu'une
personne ou un groupe de personnes possédant un capital de 10
millions de dollars puisse ouvrir une banque, devenir un
compétiteur et jouir d'une possibilité de 10 années sans impôt sur
le capital constitue un changement vraiment important.
Réunir du capital pour ouvrir un commerce, au Canada, ne se fait pas de la même manière qu'aux États-Unis; au Maine, si la banque de Bath refuse de vous servir, vous pouvez vous tourner vers la banque de Bangor. En Georgie, si la banque de Snellville refuse de vous servir, vous pouvez aller à la banque de Loganville. Au Canada, les entrepreneurs n'ont jamais eu autant de possibilités pour obtenir du capital ni un tel choix.
Comment cela évoluera-t-il, selon vous, et pensez-vous que cela représente un niveau de compétition significatif, à l'intérieur du système, si nous encourageons et appuyons les recommandations MacKay concernant l'ouverture de nouvelles banques?
M. Peter Kemball: Je crois que ce sera en abolissant certains règlements qui font obstacle, comme vous dites, monsieur Brison, ou en s'assurant d'une diversité de joueurs, qu'il s'agisse ou non d'institutions de dépôt... Si cela arrive, il y aura de nouveaux venus, parce qu'il y a des possibilités de faire des bonnes affaires, si vous êtes préparé à faire ce type d'affaires.
Cela devient, nous le savons, un marché fragmenté, avec beaucoup de créneaux et d'exigences diverses. Une des exigences des petites entreprises, c'est que s'installe une bonne relation avec le directeur de la banque, et que le directeur demeure en poste quelques années afin que s'instaure une relation. Je crois que c'est un des thèmes sous-jacents qui reviennent souvent.
Eh bien, il faut une organisation qui, pour une raison ou pour une autre selon le point de vue, ne veut pas effectuer la rotation de son personnel. Vous pourriez devenir trop familier avec votre directeur de banque, et cela peut causer des problèmes, du point de vue de la banque.
Et vous avez d'autres types d'organisations qui tolèrent mieux cet état de choses, parce qu'elles ne sont pas réglementées selon les termes des politiques publiques, pour d'autres raisons tout aussi valables. Je parle des entreprises de financement commercial, dont l'argent provient, par exemple, d'investisseurs.
Je crois donc qu'à la longue—et cela a été évoqué dans le témoignage devant le groupe de travail MacKay—nous verrons arriver de nouveaux joueurs, parmi lesquels des banques. Je prévois que de grands conglomérats du secteur de l'assurance, comme Power Financial, se mesureront à une banque, et ces sortes de choses. Ils seront en compétition. C'est pourquoi la question du paiement est si importante. Je prévois qu'il y aura une toute nouvelle catégorie de joueurs qui finiront par être acceptés. Quelques-uns seront de grandes entreprises internationales, comme Finova. D'autres seront des entreprises locales, très sensibles aux conditions locales. Il peut ou non s'agir d'institutions de dépôt, mais elles s'occuperont de trouver des fonds quelque part pour les donner aux PME qui en ont besoin, et ce rôle est crucial. Ce processus d'intermédiation, alors, évolue grandement.
Selon toute logique, à la lecture du rapport MacKay, on penserait que certains se cassent la tête pour trouver des façons de transformer les fonds communs de placement du marché monétaire en effets du gouvernement du Canada. Présentement, ils achètent des obligations.
En passant, il y a une autre façon d'y arriver. Si on fait pression pour qu'elles donnent un rendement intéressant, elles en donneront un, et si on fait pression sur elles, elles le comprendront vite. Qui comprendra en premier, cela m'importe peu, quoique pour des raisons de compétition, j'aimerais bien le savoir, comme M. Pillitteri me l'a fait remarquer.
Ce qui est important, du point de vue de la politique publique, c'est que ce soit compris et que les PME aient de meilleures chances d'obtenir l'argent dont elles ont besoin rapidement, sans discussion, sans avoir à faire des courbettes, etc. Je ne demande pas qu'on fasse des dons de charité, notez bien, mais je crois que nous devrions permettre à ce secteur d'évoluer; il est essentiel de laisser cela se développer dans la prochaine décennie, afin de ne pas obtenir le décevant pointage de McKinsey, qui considère le service de médiocre à passable. Ce n'est pas assez bon pour nos PME, et cela doit changer.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur Brison?
M. Scott Brison: Si nous pouvons changer le système et que nous pouvons garantir la compétition—garantir la compétition est une chose très difficile à faire, mais je crois que nous pouvons mettre en place un certain nombre des recommandations de MacKay, et en fait, les mettre en place dans un environnement favorable à la compétition—alors je crois que nous avons un choix de loin meilleur que ces garanties.
• 1120
Je dois souscrire à l'opinion de M. Robinson. Comprenez-moi
bien, je veux aussi protéger ces emplois, je veux le plein emploi
et je ne veux pas que des succursales ferment—personne ne veut
cela—mais quelque chose me préoccupe dans le fait que 50 p. 100
des Canadiens ont une participation directe ou indirecte dans les
banques—le système de réglementation du gouvernement ou le régime
punitif... par exemple, s'il y avait un ralentissement de
l'économie et que les banques éprouvaient des problèmes, et que
pour obtenir un rendement maximum elles devaient fermer des
succursales, et qu'elles disaient aux Canadiens qui ont investi de
façon importante en vue de leur avenir et qui font des épargnes en
vue de leur retraite, etc., qu'elles allaient leur donner un
minimum de rendement et qu'elles allaient réduire leurs fonds de
retraite, tout ça au nom d'un Grand Patron qui protégerait chacun
de nous contre les forces du mal, les forces du marché, eh bien je
crois que cela serait naïf. C'est la raison pour laquelle je suis
en partie d'accord avec M. Robinson.
Je crois que l'on surestime la mesure dans laquelle les nouvelles banques exploreront de nouveaux créneaux et utiliseront leur taille comme avantage. En tant que membre du cinquième parti, je peux vous dire que nous avons aussi examiné cette possibilité.
De toute façon, ce créneau existe. Il y a quelques années, quand beaucoup de banques américaines se sont mises à fusionner, quelques-unes des plus petites banques qui ont résisté à la fusion ont vigoureusement fait valoir leur petite taille et leur contact plus étroit avec la collectivité. Je crois que, dans ce sens, il existe beaucoup d'occasions importantes pour les nouvelles banques.
Le président: Monsieur Robinson.
M. Walter Robinson: Je voudrais reprendre un des commentaires de M. Brison sur ce qui a été dit au sujet de la fusion des banques—c'est-à-dire des économies d'échelle. Il y a dans le rapport MacKay une expression méconnue, «les économies de gamme», qui est un terme relativement nouveau. Ce terme se rapporte aux institutions qui sont de moindre taille, et ont la sensibilité et la souplesse nécessaires pour répondre aux besoins du marché et occuper de nouveaux créneaux beaucoup plus rapidement que des institutions titanesques, et cela ne tient pas compte de leur actif, de leur taille, de leur portée géographique ou de leur taux de pénétration.
Tout cela décrit le paradoxe du pouvoir, comme le signale justement MacKay dans son rapport. J'aimerais renvoyer les membres du comité à ce rapport, parce qu'il cerne les tendances beaucoup mieux que n'importe qui ici, ou que la plupart des personnes qui ont pris la parole dans le cadre des audiences.
J'aimerais revenir sur ce que M. Brison a dit au sujet des garanties relatives aux niveaux d'emploi. C'est ici que la décision prise au sujet de la politique publique pourrait, à mon sens, s'inspirer de la stratégie commerciale et de la responsabilité des banques en tant qu'entreprises privées—je répète, entreprises privées dûment constituées—envers leurs actionnaires, pour faire ressortir la discipline du marché et prendre les décisions les plus appropriées.
Encore une fois, ma réponse s'adresse à M. Discepola. Si le gouvernement du Canada donne des garanties puis qu'il ne les respecte pas, et que nous n'avons aucun recours, ne pensez pas pouvoir imposer une discipline à des entreprises privées, au chapitre de...
M. Scott Brison: Vous parlez de la TPS et du libre-échange.
M. Walter Robinson: Si vous voulez.
M. Scott Brison: Bien sûr. D'accord.
Merci.
Le président: Était-ce votre dernier mot, monsieur Brison?
M. Scott Brison: C'est parfait.
Le président: Je vous remercie au nom du comité. Vos commentaires ont certainement été très appréciés. Ils ont été extrêmement utiles.
Je suis désolé pour le retard que nous avons subi, mais nous devions aller voter.
Merci.
• 1125
Nous accueillons maintenant des représentants de la Canadian
Association of Factors and Credit Insurers, de la Corporation des
associations de détaillants d'automobiles, de la Quebec Dealers
Association et de l'Association canadienne des constructeurs de
véhicules. Bienvenue à tous.
Vous êtes tous des vétérans des audiences du comité des finances. Comme vous le savez, vous aurez environ chacun 10 minutes pour présenter un exposé, puis il y aura une période de questions.
Nous donnons d'abord la parole à M. Mark Perna, représentant de la Canadian Association of Factors and Credit Insurers. Soyez le bienvenu.
M. Mark Perna (président, Canadian Association of Factors and Credit Insurers): Bonjour.
Au nom des sociétés d'affacturage canadiennes, je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de présenter notre point de vue devant le Comité des finances de la Chambre des Communes.
Je suis le président de la Canadian Factors Association et de la Accord Business Credit Inc., une des plus grandes sociétés d'affacturage au Canada.
J'ai invité M. Michael Teeter, qui est notre expert-conseil et notre gestionnaire des affaires publiques, à se joindre à moi.
Nous sommes heureux de pouvoir vous parler de l'affacturage, un sous-secteur des services financiers qui est mal connu au Canada. Nous aimerions aussi aborder certaines questions ou préoccupations concernant les politiques publiques, dont on ne discute pas directement dans le rapport MacKay.
Notre préoccupation principale est la suivante. En 1993, la loi concernant la Société pour l'expansion des exportations a été modifiée pour lui permettre de vendre de l'assurance-crédit au Canada. Cette assurance, vendue aux exportateurs et aux fabricants canadiens, garantit les comptes débiteurs des détaillants canadiens.
L'assurance-crédit offerte au Canada ne peut rien faire pour faciliter les exportations, mais elle a pourtant été incluse dans les produits qu'offre la SEE. L'assurance-crédit de la SEE entre en compétition directe avec les garanties de crédit offertes par les entreprises d'affacturage canadiennes.
Nous ne pouvons pas concurrencer la SEE du gouvernement. En tant que compétiteur sur le marché intérieur canadien, la SEE fait du tort à nos activités et elle décourage les nouveaux investissements dans notre secteur.
Qu'est-ce que l'affacturage? Notre organisme, la Canadian Factors Association, représente les bailleurs de fonds de l'affacturage des services et des comptes débiteurs, dans tout le Canada.
• 1130
Nous sommes au service de plus d'un millier de petites et
moyennes entreprises, les PME, qui fabriquent ou distribuent des
produits principalement aux détaillants. Beaucoup de nos clients
font aussi de l'exportation.
Nos membres sont des fournisseurs de services financiers, mais ne sont pas des banques. La plus grande partie de nos activités, l'affacturage de services, fait en sorte que nous agissons généralement comme un service de crédit et de recouvrement au nom de nos clients, et une caractéristique importante de notre rôle est que la solvabilité des détaillants qui sont vendus est garantie par la société d'affacturage. Si le détaillant n'effectue pas le paiement, la société rembourse la dette à ses clients. D'autres membres se spécialisent dans le prêt sur comptes débiteurs en plus d'offrir des services de crédit et de recouvrement, qui peuvent inclure la garantie des comptes débiteurs.
Pourquoi l'affacturage est-il important? Les services d'affacturage sont vendus directement aux petites et moyennes entreprises canadiennes. Les sociétés d'affacturage jouent le rôle du service des comptes débiteurs pour les fabricants et les compagnies de technologie canadiennes. Pour les petites entreprises, le professionnalisme de la gestion de ce service améliore la gestion de l'encaisse et réduit les risques associés aux comptes débiteurs. Nos garanties de crédit assurent une utilisation plus efficace des marges de crédit déjà accordées par les banques.
Les comptes débiteurs sont souvent l'actif le plus important que possède une entreprise. Il faut noter de plus que les sociétés d'affacturage peuvent, en rachetant entièrement les comptes débiteurs, fournir des rentrées d'argent rapides, un service que n'offrent pas les banques canadiennes traditionnelles. Ce type de financement adossé à des actifs peut être un élément important de la croissance et de l'expansion des petites entreprises.
Notons aussi que, comparativement à celles des États-Unis et de l'Europe, l'industrie de l'affacturage canadienne est très sous-développée. Il est évident qu'une industrie plus épanouie pourrait très bien combler les besoins de services et de financement des PME. Une industrie d'affacturage concurrentielle donnerait aux petites entreprises canadiennes l'accès à beaucoup de fonctions et de services nouveaux que ne donne pas la SEE. Laissez-moi les énumérer.
Premièrement, la gestion des comptes débiteurs. C'est un aspect que les petites entreprises négligent souvent, et où une aide professionnelle peut être importante et assurer le succès.
Deuxièmement, l'information sur le crédit. Les entreprises d'affacturage tiennent leurs clients bien au fait de la solvabilité de clients importants. Du point de vue financier, stabilité et succès peuvent en dépendre.
Troisièmement, l'amélioration des conditions et des délais de paiement. L'entreprise d'affacturage veillera à ce que l'évolution des comptes débiteurs soit bien suivie et à ce que les demandes de paiement ne soient pas présentées trop tard.
Enfin, le financement spécial. Le terme englobe l'achat de créances, le financement des commandes d'achat et l'attribution de prêts garantis par les créances.
Tant et aussi longtemps que la SEE demeure présente dans cet important sous-secteur des services financiers, les petites et moyennes entreprises ne pourront jouir des avantages d'une industrie d'affacturage fortement concurrentielle.
J'aimerais maintenant aborder la question du rapport MacKay et de notre secteur. Nous sommes heureux de constater que le rapport MacKay met l'accent sur la responsabilité envers la collectivité, qu'il met en relief les besoins des consommateurs et des petites entreprises. Nous sommes aussi heureux de constater que le rapport encourage le plus possible la concurrence. Ce sont là d'importants principes auxquels nous adhérons.
En même temps, nous sommes déçus de savoir que le corps du texte ne fait pas mention de notre principale préoccupation en tant que secteur. Selon le mandat qui lui était confié, le groupe de travail devait étudier les politiques gouvernementales ayant une incidence sur le secteur des services financiers et formuler des recommandations en vue d'améliorer la concurrence, l'innovation et ainsi de suite.
Nous sommes conscients du fait que les auteurs se sont attaqués à un sujet à la fois vaste et difficile, mais il demeure que, du point de vue des politiques gouvernementales, un des principaux facteurs de la réduction de la croissance et du potentiel de l'industrie canadienne de l'affacturage est la présence de la Société pour l'expansion des exportations du Canada—ce concurrent étatique des entreprises canadiennes d'affacturage et d'assurance-crédit.
La Société pour l'expansion des exportations est une société d'État fédérale qui concurrence directement les sociétés canadiennes d'affacturage et d'assurance-crédit. En 1993, la SEE a obtenu du gouvernement l'autorisation d'offrir des services nouveaux aux exportateurs. Désormais, elle pouvait notamment offrir de l'assurance-crédit au Canada, ce dont se chargeait exclusivement le secteur privé auparavant.
Pour être admissibles au nouveau programme d'assurance qu'offrait la SEE au pays même, les exportations du fabricant devaient se chiffrer à 5 millions de dollars ou plus, ou encore représenter au moins 15 p. 100 de son chiffre d'affaires. Compte tenu en partie du succès qu'a pu connaître la SEE lorsqu'il s'agit de promouvoir l'exportation auprès des petites et moyennes entreprises et compte tenu en partie du fait que le libre-échange exige des fabricants canadiens qu'ils exportent pour survivre et croître, le nombre d'entreprises qui répondent aux critères des 15 p. 100 d'exportation ne cesse de grandir depuis 1993.
• 1135
De fait, au cours des quelques premières années, la nouvelle
offre d'assurance-crédit de la SEE n'a pas eu une grande incidence
sur notre secteur. Toutefois, au milieu de 1995 déjà, l'activité de
la SEE à cet égard devenait apparente sur le marché: de plus en
plus, la clientèle des entreprises d'affacturage et
d'assurance-crédit du secteur privé prenaient conscience du fait
que la SEE offrait désormais de l'assurance-crédit au pays.
Cette prise de conscience a eu des résultats prévisibles. D'abord, la SEE est devenue un nouveau concurrent des entreprises offrant de l'assurance-crédit au Canada. Les entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit ont perdu des clients potentiels aux mains de la SEE pour ce qui est de l'assurance-crédit sur les exportations et offertes au Canada. Ensuite, et c'est encore pire, certains des clients acquis des entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit ont mis fin à leur contrat ou à leur police d'assurance pour se prévaloir plutôt des services de la SEE. Au pays même. En procédant ainsi, la SEE a inhibé la croissance et l'expansion de notre secteur non bancaire des services financiers, c'est-à-dire le secteur des entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit.
Récemment, je me suis entretenu personnellement avec les membres de la haute direction de la SEE pour leur dire que les entreprises d'affacturage ne peuvent concurrencer la SEE pour ce qui est de l'assurance-crédit. On pourrait se demander: et pourquoi pas? La réponse se trouve dans le corps du texte du rapport annuel de la SEE, édition 1997. La SEE, comme on peut le lire, se donne pour mandat de maximiser les exportations et non pas de maximiser les profits. Permettez-moi de déclarer, à titre de président de l'Association canadienne des entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit, qu'il s'agit là d'une affirmation tout à fait juste.
Par contre, voici comment cette même affirmation se traduit sur le marché concurrentiel: la SEE accorde plus de crédit que les fournisseurs du secteur privé. Par ailleurs, donnons crédit à la SEE: elle applique une façon efficace de servir ses clients et déploie des efforts de marketing qui sont à la fois professionnels et bien financés.
Selon le Bureau d'assurance du Canada, la SEE ne paie pas d'impôt sur les bénéfices ni d'impôt sur le capital, elle est réassurée par le gouvernement sans avoir à engager de coûts directs, elle peut emprunter aux taux préférentiels consentis au gouvernement et elle n'est pas tenue d'obtenir pour des actionnaires un taux de rendement concurrentiel. Par ailleurs, elle exerce une domination totale sur le marché pour ce qui touche les services de crédit à l'exportation, dont une bonne part servent à assurer les comptes débiteurs à court terme sur le marché américain. Et la part du marché qu'occupe la SEE s'accroît de jour en jour, au détriment des entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit du secteur privé.
Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain, les entreprises d'affacturage de services attendent de profiter d'une augmentation substantielle du volume des affaires qu'elles traitent avec les clients établis et éventuels du secteur de l'exportation. Or, nous avons pu le constater: il n'en est rien. Le volume a augmenté, mais c'est loin d'être ce que ça devrait être. Le volume des affaires que nous traitons avec le secteur de l'importation aux États-Unis a augmenté considérablement, mais la SEE est venue inhiber la croissance de nos affaires en ce qui concerne les exportations.
Au sujet des exportations, justement, nous sommes heureux de signaler qu'il y a place à la coopération entre les entreprises canadiennes d'affacturage et la SEE. Les entreprises d'affacturage peuvent se restructurer de manière à offrir des services complémentaires qui ne concurrencent pas la SEE. Les pourparlers entre les deux parties se sont bien déroulés, et nous sommes heureux de l'évolution des choses dans le secteur des exportations. L'imminence d'un programme d'exportation conjoint de la SEE et des sociétés d'affacturage nous encourage.
Toutefois, nous ne saurions en dire autant du programme canadien d'assurance-crédit de la SEE. S'il nous fallait nous restructurer pour tenir compte des prestations intérieures de la SEE, cela minerait gravement notre viabilité économique pour l'avenir.
Sur le marché intérieur de l'assurance-crédit, la SEE connaît une croissance rapide et nous fait mal. L'assurance-crédit sur le marché intérieur est pour elle un nouveau produit, mais la SEE y applique les mêmes principes qu'elle applique dans le cas de l'assurance à l'exportation. Fidèle à son mandat étatique, la SEE cherche à maximiser le crédit, de sorte qu'elle accorde régulièrement du crédit dans des situations plus risquées que ne sauraient se le permettre les entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit du secteur privé.
• 1140
Comme nous l'avons fait valoir auprès du groupe de travail
MacKay, cela a donné lieu à d'importantes demandes de règlement à
la suite de quelques retentissantes faillites dans le secteur du
commerce du détail au Canada. Nous sommes prêts à fournir sur
demande un exemplaire du mémoire détaillé que nous avons présenté
au ministre du Commerce international à ce sujet.
La présence de la SEE dans le secteur de l'assurance-crédit intérieur a pour effet—et, à notre avis, c'est un phénomène qui se maintiendra—de gruger la clientèle des fournisseurs de services du secteur privé.
La SEE justifie son entrée sur le marché intérieur dans le secteur. Elle fait valoir que ses clients souhaitent traiter avec un «guichet unique»; autrement dit, ils ne veulent pas recourir à deux fournisseurs différents pour les exportations et les comptes débiteurs au Canada. La SEE affirme aussi que ce sont les fabricants canadiens qui lui ont demandé d'offrir de l'assurance au pays.
À nos yeux, le véritable enjeu est on ne peut plus simple: une assurance-crédit généreuse. Si les fabricants canadiens croient pouvoir se prévaloir d'une assurance-crédit généreuse par rapport à ce qu'offre le secteur privé, pourquoi n'en voudrait-il pas? Pourquoi ne le demanderait-il pas? Les gens sont toujours en faveur des services gouvernementaux qui leur procurent des bienfaits directs du point de vue financier.
Quel est donc le mauvais côté de la présence de la SEE sur le marché intérieur de l'assurance-crédit? Cela se présente principalement sous trois aspects: premièrement, elle nuit aux entreprises canadiennes d'affacturage et d'assurance-crédit et inhibe leur croissance; deuxièmement, elle a un effet de dissuasion sur les nouvelles entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit qui voudraient entrer sur le marché canadien; et, troisièmement, elle inhibe la croissance d'entreprises d'affacturage concurrentielles et innovatrices pour les PME.
À notre connaissance, le Canada et l'Espagne ont les seuls gouvernements au monde qui offrent de l'assurance-crédit intérieure. Par contre, contrairement à ce qui se passe au Canada, les programmes gouvernementaux en Espagne sont pratiquement inactifs: les entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit du secteur privé contrôlent environ 90 p. 100 du marché espagnol de l'assurance-crédit (intérieur et exportation).
J'ajouterai une parenthèse à propos du Canada. Selon nos estimations, la SEE contrôle environ 70 p. 100 du marché de l'intérieur et de l'exportation, compte tenu des entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit. La part du marché de la SEE s'élève à 70 p. 100 environ.
Il vaut la peine de noter qu'il existe deux grands réseaux mondiaux de sociétés d'affacturage: Factors Chain International, dont le siège social se trouve dans les Pays-Bas et, l'International Factors Group, qui a élu domicile en Belgique. Les deux organisations sont représentées par des entreprises d'affacturage de services au Canada. Les dirigeants de ces organisations et leurs membres partout dans le monde ont observé avec beaucoup de curiosité l'arrivée de la SEE sur le marché canadien du crédit.
Le Canada, malheureusement, est une aberration. Alors que les autres pays industrialisés ont privatisé leurs programmes d'assurance à l'exportation à court terme, le Canada a pris le chemin inverse. Non seulement il a maintenu son programme d'assurance-exportation à court terme, mais encore, il a élargi son programme intérieur. Le Canada est devenu unique en son genre, mais ce n'est pas pour les bonnes raisons. L'impression collective qu'ont les organisations mondiales, c'est que le Canada dissuade activement la concurrence du secteur privé.
Il y a deux ans, un des dirigeants de la SEE m'a demandé si j'étais au courant d'une entreprise d'affacturage de services qui serait sur le point d'ouvrir ses portes au Canada. Je me souviens d'avoir répondu, grosso modo: «Non. Personne ne s'établit ici. Quel être doté d'intelligence voudrait lancer une entreprise d'affacturage de services au Canada en sachant qu'il aurait à concurrencer le gouvernement, par l'entremise de la SEE, non seulement pour ce qui touche le crédit à l'exportation, mais encore pour l'assurance intérieure?» J'ai la conviction d'avoir vu juste il y a deux ans, et si on me posait la même question aujourd'hui, je donnerais la même réponse.
Depuis vingt ans, notre industrie a passé au travers de deux graves récessions. Comme cela a été le cas dans de nombreuses industries, d'importantes pressions se sont exercées pour qu'il y ait fusion avec une autre entreprise, quand ce n'est pas une absorption complète en raison de la mauvaise conjoncture économique. Le nombre d'entreprises d'affacturage de services au Canada—il y en a trois—n'a jamais été aussi faible en 30 ans.
À ce stade du cycle économique, il devrait y avoir de nouvelles entreprises d'affacturage de services qui arrivent sur le marché, mais ce n'est pas le cas. Une des raisons principales, à nos yeux, c'est qu'en même temps que la dernière récession a pris fin pour le consommateur en 1995, le programme de crédit intérieur de la SEE a commencé à avoir le vent dans les voiles—et c'est ce qui a jeté un froid sur les ardeurs des entreprises en herbe. Je vais le répéter: il n'y en a pas qui s'en viennent.
• 1145
Le point de vue que nous exprimons aujourd'hui est le même
qu'il y a deux ans, époque à laquelle nous avons commencé à nous
employer à convaincre le gouvernement fédéral que la SEE nuit à
notre secteur et que ces pratiques devraient être modifiées.
Nous ne voyons pas en quoi les pouvoirs publics peuvent justifier que la SEE soit active sur le marché intérieur de l'assurance-crédit. Quel serait le lien entre, d'un côté, l'assurance consentie sur les comptes débiteurs de La Baie, de Eaton, de Sears, de Canadian Tire et d'autres détaillants canadiens et, de l'autre, la promotion des exportations canadiennes? En quoi le gouvernement fédéral est-il justifié de promouvoir des services qui servent à dissuader la concurrence du secteur privé et la prestation de services financiers innovateurs aux petites entreprises canadiennes? La SEE, société étatique, devrait travailler de concert avec les entreprises canadiennes d'affacturage et non pas leur nuire.
La prestation la plus importante de l'entreprise canadienne d'affacturage sur le marché intérieur prend la forme de cautions. C'est un volet de nos activités qui est en concurrence directe avec l'assurance-crédit intérieur de la SEE. La SEE n'a pas sa place dans le secteur de l'assurance-crédit intérieur. Nous souhaiterions que le gouvernement donne pour consigne à la SEE de cesser d'offrir de l'assurance au Canada.
Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions et à discuter des enjeux.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Perna.
Nous allons maintenant accueillir le témoignage de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles, représentée par M. Gérald Drolet.
Bienvenue, monsieur Drolet.
M. Gérald Drolet (président, Corporation des associations des détaillants d'automobiles): Merci, monsieur le président.
Bonjour. Je sais qu'il ne sera peut-être pas facile pour vous de vous concentrer après avoir écouté des témoignages toute la journée... je vais essayer d'être clair. Je vous prie d'être indulgent: je ne manie pas la langue anglaise aussi bien que Mark. Je ferai de mon mieux.
Je m'appelle Gérald Drolet et je suis propriétaire d'Automobiles Plymouth Chrysler de Laval Ltée. De même, je suis président de l'Association québécoise des détaillants d'automobiles et membre exécutif du comité national du crédit-bail de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles.
Au nom de plus de 3 700 détaillants installés dans des localités de tout le Canada et des 115 000 personnes et plus qu'ils emploient, je tiens à vous remercier de l'occasion que vous me donnez de m'adresser à vous.
Il fait peu de doutes que les travaux du groupe d'étude MacKay auront une grande incidence sur la forme future du secteur canadien des services financiers. De fait, le mandat du groupe de travail consistait justement à voir à quoi pourrait ressembler le secteur des services financiers à l'orée du siècle prochain.
La difficulté, pour les détaillants d'automobiles et les personnes qu'ils emploient, c'est que cette vision de grandeur pour les banques ne tient pas compte de l'ensemble des intérêts canadiens. En somme, le rapport MacKay, c'est la vision de ce qui est bon pour les banques. Ce n'est pas ce qui est bon pour la petite entreprise, ce n'est pas ce qui est bon pour les localités, ce n'est pas ce qui est bon pour l'industrie automobile, et ce n'est pas ce qui est bon pour le consommateur à long terme.
Je ne suis pas là pour démolir aveuglément le rapport MacKay—je serais d'ailleurs mal avisé de le faire—, mais je dois souligner que le groupe de travail a été mis sur pied à la demande des banques et que son travail reposait dès le départ sur les besoins des banques. Ce sont les banques qui ont fixé pour ainsi dire les éléments du programme. D'ailleurs, il était tout à fait logique que la plupart des hauts placés parmi les membres de l'équipe de recherche soient d'anciens employés de banque, car le rapport mettait l'accent sur les questions bancaires.
Ce qui ne serait pas logique, tout de même, ce serait de prendre les recommandations du groupe de travail pour ce qui touche le crédit-bail automobile et de les traiter comme s'il s'agissait d'un point de vue indépendant offert sans préjugé—alors que les recommandations s'inscrivent visiblement dans une perspective probanque selon laquelle nos banques devraient pouvoir investir tous les secteurs qu'elles souhaitent investir.
D'où le rôle important que joue le comité ici présent. Nous espérons sincèrement que le travail de la Chambre des communes consistera non pas seulement à étudier simplement le programme des banques, mais plutôt à tenir compte de l'ensemble des effets de la question sur tous les secteurs de la société canadienne.
Cela dit, permettez-moi de souligner les cas où, à mon avis, le rapport MacKay comporte des erreurs.
Pour l'essentiel, le rapport MacKay est axé sur le consommateur. C'est brillant. Qui peut s'en prendre aux consommateurs sans en subir les conséquences? Personne. Je ne le tolérerai pas, et vous n'allez pas certainement pas le tolérer, vous non plus. Cessons donc de jouer au petit chaperon rouge et essayons de voir la bonne et gentille grand-mère pour ce qu'elle est.
• 1150
Le rapport MacKay comporte de nombreuses comparaisons où
l'exemple américain est utilisé pour dire que l'arrivée des banques
dans le secteur du crédit-bail a fonctionné là-bas, pourquoi donc
ne fonctionnerait-il pas ici? Eh bien, la dernière fois où j'ai
regardé, nous n'étions pas aux États-Unis, Dieu merci.
Les exemples finement établis de différences entre le secteur bancaire canadien et le secteur bancaire américain sont tels que les comparaisons entre les deux marchés de crédit-bail sont malavisées. Premièrement, les détaillants américains disposent d'un choix beaucoup plus vaste dans le domaine bancaire—plus de 10 000 banques. Deuxièmement, les banques canadiennes exercent un contrôle sans précédent sur les services financiers intérieurs. Enfin, le marché canadien du crédit-bail automobile compte une proportion beaucoup plus élevée d'entreprises de crédit-bail indépendantes appartenant au détaillant et financées par les banques—comme la mienne—que le marché américain.
Le rapport MacKay fait aussi valoir que si les Caisses populaires au Québec offrent directement des véhicules en location-achat, pourquoi les banques ne le feraient-elles pas? Or, c'est faux. De fait, au Québec, les Caisses populaires ont conclu avec les détaillants une entente écrite selon laquelle elles ne peuvent offrir de crédit-bail automobile directement. C'est parce qu'elles comprennent le conflit d'intérêts possible. Par conséquent, elles cherchent à s'allier aux petites entreprises et non pas à les concurrencer.
Les auteurs du rapport MacKay semblent mettre beaucoup d'énergie à critiquer ces sociétés étrangères que sont les sociétés de financement des fabricants automobiles. Ce que le rapport passe toutefois sous silence, c'est que les entreprises comme Chrysler Credit ont joué un rôle capital dans le soutien financier des détaillants à tous les stades du cycle économique, alors que les banques ont toujours abandonné les détaillants en période de ralentissement de l'économie. Les fabricants automobiles sont moins enclins à laisser tomber les bons détaillants lorsque les temps sont durs, moment auquel les banques se défilent. Cela veut dire qu'ils sauvent des milliers d'emplois lorsque la conjoncture économique est mauvaise. Ils ne ferment pas le robinet à ce moment-là.
En l'absence de sociétés affiliées de financement qui sont en bonne santé, les détaillants devront encore une fois traiter avec le refus des banques en période de ralentissement économique, car les banques s'appliquent à réduire au minimum les risques financiers à court terme, plutôt que de soutenir à long terme la chaîne de vente et de distribution du secteur automobile.
Les auteurs du rapport MacKay affirment que l'Association des consommateurs ne leur a pas livré son point de vue sur le crédit-bail. Voilà qui est drôle, puisqu'au cours du dernier examen de la Loi sur les banques, le président de l'Association des consommateurs du Canada a tenu les propos suivants:
-
Habituellement, nous dirions: «Eh! Un nouveau concurrent! C'est
très bien. Tout de même, nous avons regardé les deux côtés de la
médaille et constaté que le fait de les laisser entrer poserait un
risque à long terme.»
Permettez-moi de poser une question à tous les députés qui se trouvent autour de la table: combien d'entre vous avez été abordés par des électeurs qui exigent que les banques puissent louer des voitures? Avez-vous subi une quelconque pression de la part du public pour que les banques élargissent leurs pouvoirs? Je ne crois pas.
À la page 107 du document sur le crédit-bail, le groupe de travail fait valoir que si les banques pénètrent le secteur du crédit-bail, la concurrence y est si forte qu'elles ne domineront pas. Tant pis. Ce qui compte, c'est que les banques, étant donné leur taille et leurs grands moyens, sont en mesure de dominer le marché, et c'est le consommateur qui paiera au bout du compte.
De même, le groupe a tout à fait tort de dire, comme il le fait à la page 108, que ce sont les programmes de crédit-bail des usines, plutôt que ceux des détaillants, qui seront les plus durement touchés. Permettez-moi de vous le dire: les sociétés de crédit-bail des détaillants seront assoiffées de crédit, d'un côté, et subiront les effets du bradage de banques à la recherche d'une part du marché à court terme, de l'autre. Les sociétés indépendantes de crédit-bail appartenant à des détaillants, comme la mienne, seront les premières à disparaître.
Enfin, permettez-moi de révéler, officiellement, pour le compte rendu, pourquoi, à mon avis, les banques veulent évoluer dans le secteur du crédit-bail. Les banques veulent pouvoir disposer de l'amortissement fiscal qui leur permettrait de mettre à l'abri du fisc des milliards de dollars de profits excessifs. Voilà la raison impérieuse de leur campagne, point à la ligne.
• 1155
La déduction fiscale pour amortissement est actuellement
répartie dans toutes les régions du Canada parmi des milliers de
détaillants, qui s'en prévalent pour réinvestir dans leur
entreprise. Le rôle de cette mesure fiscale quand il s'agit de
permettre aux petites entreprises de réinvestir dans leur propre
croissance est non négligeable. En accordant aux banques le droit
de s'adonner directement au crédit-bail, le gouvernement fédéral
prendrait cette capacité de réinvestissement et la transférerait
aux banques, de sorte que celles-ci pourraient mettre à l'abri du
fisc quelque 3 milliards de dollars en profits.
Je crois que la situation, telle qu'elle est, satisfait les consommateurs. Mes clients à moi, tout au moins, sont d'accord. Même une étude de Goldfarb a permis de constater que la plupart des consommateurs loueraient à nouveau une voiture et que la démarche qu'ils ont entreprise était simple et directe.
Même le magazine américain Consumer Reports, dans son édition de décembre 1997, affirme que «les consommateurs canadiens jouissent visiblement d'avantages sur les consommateurs américains pour ce qui est de la transparence des contrats de crédit-bail.» Nous vous avons promis des contrats transparents, vous les avez obtenus. Le rapport MacKay n'en fait pas mention. Je me demande bien pourquoi.
Outre les raisons que j'ai déjà mentionnées, les détaillants d'automobile sont contre l'idée que les banques puissent s'adonner au crédit-bail pour les raisons suivantes.
Premièrement, l'arrivée des banques sur le marché du crédit-bail signifiera la perte de milliers d'emplois véritables dans les localités de tout le Canada. C'est en clair le prix qu'il faut payer pour que les profits des banques soient plus importants.
Deuxièmement, les banques s'occupent déjà d'une bonne part de nos affaires, et notamment de jusqu'à 50 p. 100 du secteur du crédit-bail automobile. Les banques devraient promouvoir les intérêts des détaillants d'automobile et non pas travailler contre eux. Laissez donc aux banques le soin de s'adonner au crédit-bail de la même façon que le fait la Banque de Nouvelle-Écosse, que le fait la Banque Nationale, que le fait la Banque Canadienne Impériale de Commerce: par l'entremise du détaillant.
Troisièmement, les banques ont accès à nos renseignements les plus confidentiels, notamment les contrats de crédit-bail en cours, les dates de renouvellement et les conditions de paiement. S'il fallait qu'elles puissent concurrencer les petites entreprises, il y aurait là un grave conflit d'intérêts.
Quatrièmement, les détaillants sont tenus de disposer d'une salle de montre et d'installations pour le service. Les banques ne seront pas tenues d'investir davantage dans la collectivité. Elles ne construiront pas de concessions, elles ne créeront pas d'emplois.
Cinquièmement, ce n'est pas le marché du crédit-bail qui munira les banques de ce qu'il faut pour concurrencer à l'échelle mondiale. Cela fait plutôt parti de l'objectif global des banques: l'intégration verticale totale sur le marché intérieur. La diversification doit marquer *ucdavantage*uf le processus décisionnel dans le domaine des finances au Canada. Les institutions financières doivent dominer moins le marché intérieur.
Sixièmement, c'est le gouvernement qui a créé les banques, qui les a développées et qui les a soutenues pour qu'elles aident les petites entreprises à croître et à créer des emplois, et non pas à les concurrencer.
En guise de conclusion, je tiens à vous rappeler qui je suis. Je suis un petit homme d'affaires indépendant qui emploie 68 Canadiens en servant ses clients du mieux qu'il peut. Je suis l'homme d'affaires qui concurrence déjà 212 autres concessionnaires dans la seule région de Montréal. Je suis l'homme d'affaires qui se préoccupe du client, parce que son entreprise en dépend.
À l'heure actuelle, je suis en train de dépenser 3,2 millions de dollars afin de pouvoir affronter mes concurrents adéquatement et de mieux servir mes clients. Où est-ce que je prends l'argent? À la banque.
Je suis l'homme d'affaires qui appartient à une industrie qui, en 1997, a contribué environ 25 millions de dollars à des oeuvres de bienfaisance et à des organismes communautaires localement. Et je suis l'homme d'affaires qui se préoccupe au plus haut point de la situation: les cinq banques menacent mon gagne-pain et celui de mes employés.
Interdire aux banques l'accès à des pouvoirs encore plus grands, c'est protéger les emplois qui existent chez vous, c'est protéger les consommateurs contre un marché où le choix s'amoindrit, c'est favoriser une concurrence plus saine et plus forte, c'est protéger le gagne-pain des hommes d'affaires indépendants.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Drolet.
Nous accueillons maintenant l'Association canadienne des constructeurs de véhicules. Voici MM. Mark Nantais, Peter Andrew et Michael Sheridan
Messieurs, bienvenue.
M. Mark Nantais (président, Association canadienne des constructeurs de véhicules): Merci, monsieur le président.
Je dois dire que cela rend plutôt humble de témoigner à la suite de l'exposé si rigoureux de M. Drolet. Tout de même, je suis heureux d'être ici pour vous faire connaître notre position, au nom de tous les membres de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules. Je tiens à remercier le comité de l'occasion qui m'est offerte de discuter du rapport du groupe de travail MacKay.
Comme vous le savez, je suis accompagné aujourd'hui de M. Peter Andrew, directeur des opérations de la General Motors Acceptance Corporation of Canada, et de M. Michael Sheridan, directeur des relations avec le gouvernement chez Ford Canada Limitée.
• 1200
Permettez-moi de dire d'abord que le rapport MacKay est à la
fois volumineux et ambitieux, mais il demeure que nous sommes ici
aujourd'hui pour traiter d'une seule recommandation: la
recommandation qui, si elle est adoptée, permettra aux banques
d'être directement présentes dans le secteur du crédit-bail
automobile par l'entremise de leurs succursales. Cette
recommandation, si elle est adoptée, aura une incidence marquée et
défavorable sur l'industrie de l'automobile au Canada. Fait plus
important encore, cette recommandation ne permettra pas d'atteindre
l'objectif voulu, c'est-à-dire offrir aux consommateurs un plus
grand choix et des prix moins élevés sur le marché du crédit-bail
automobile.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur une citation qui résume particulièrement bien nos préoccupations. Elle est tirée d'un livre de Walter Stuart, publié en 1997 et ayant pour titre Bank Heist:
-
En dernière analyse, s'il y a bien une chose que l'histoire nous a
apprise, c'est qu'on ne saurait laisser aux banques le soin de se
réglementer elles-mêmes et que l'éventualité la plus dangereuse se
concrétiserait si les banques avaient le droit de s'aventurer dans
d'autres secteurs—là où elles pourraient utiliser, et
utiliseraient, les fonds que leur confient les déposants et le
produit de leurs activités locales pour faire des jeux dans des
secteurs de l'économie où elles sont influentes, mais non pas
compétentes.
Cela dit, permettez-moi de commenter rapidement cette information, qui aura selon nous une incidence très négative.
Comme on l'a fait remarquer, les auteurs du rapport recommandent que l'on permette aux banques d'évoluer sur le secteur du crédit-bail automobile par l'entremise d'une succursale. Cette recommandation officielle repose toutefois sur une présupposition: l'arrivée des banques sur le secteur aura pour effet d'accroître la concurrence, d'élargir les choix offerts aux consommateurs et, de ce fait, de réduire les prix exigés des consommateurs.
De notre point de vue, les auteurs du rapport négligent un aspect de la question en ce sens qu'ils n'envisagent pas les effets de leurs recommandations sur d'autres secteurs, au-delà du secteur des services financiers. En outre, il semble que le groupe de travail n'ait pas bien compris la différence importante qui existe entre le crédit-bail et la location.
Une autre lacune du rapport concerne le court terme qui y est envisagé—une année ou deux—pour les recommandations formulées. Ce sera là, comme nous le verrons, une question très importante pour qui veut concevoir l'avenir du marché du crédit-bail automobile, que les banques pourraient éventuellement dominer.
Le groupe de travail a aussi omis de mentionner l'avantage dont jouissent les banques du point de vue du coût des fonds, dont je traiterai dans quelques instants. Il donne aussi à entendre qu'il est facile d'entrer sur le marché du crédit-bail, qu'il n'y a pas d'obstacles, ce qui n'est tout simplement pas le cas.
Nous sommes bien d'accord pour dire que le Canada a besoin d'un secteur des services financiers qui soit fort et concurrentiel, mais nous croyons qu'il est tout aussi important, du point de vue de l'intérêt public, de veiller à ce que les recommandations du groupe de travail n'aient pas d'incidences défavorables sur les autres secteurs clés de l'économie, par exemple le secteur de l'automobile.
En termes simples, nous croyons que l'arrivée des banques sur le marché du crédit-bail automobile conduira à une plus grande concentration des services financiers bancaires, réduira la concurrence sur le marché du crédit-bail, fera augmenter le prix de la location à bail de véhicules et donnera dans ce secteur des clients moins satisfaits. L'arrivée des banques sur le marché du crédit-bail automobile aura une incidence défavorable sur les concessionnaires locaux et sur l'industrie canadienne de l'automobile en général; elle nuira à l'idée que se fait le client de l'intégrité de la location à bail comme solution de rechange viable à l'achat d'un véhicule.
Les sociétés de financement des grands fabricants existent pour soutenir le circuit de distribution tout au long du cycle économique. Bien des gens reconnaissent le fait que les sociétés de financement aident le concessionnaire à promouvoir le crédit-bail et offrent souvent une réduction tarifaire de la part du fabricant pour faire de la location à bail une option plus abordable pour le consommateur, mais bon nombre ne savent pas que les sociétés de financement fournissent par ailleurs d'autres services importants aux concessionnaires. Citons notamment les crédits hypothécaires, les crédits d'équipement, les prêts et le financement en gros.
Ce sont souvent les sociétés de financement qui fournissent ce service, soit parce que les banques n'ont pas intérêt à les fournir, soit parce qu'elles n'ont pas, comme les concessionnaires, les fabricants et les sociétés de financement, le même souci constant d'assurer la viabilité du réseau de concessionnaires et de le moderniser de manière à faciliter la vente et l'entretien des véhicules.
Permettez-moi de traiter maintenant de la diapositive qui a pour titre The Tilted Playing Field—des règles du jeu équitables?
La concurrence existe bel et bien dans l'industrie du crédit-bail automobile, mais nous craignons que l'arrivée des banques sur le marché ne mine grandement les conditions de la concurrence, du fait que les banques disposent d'un avantage sur le plan du coût des fonds.
Cet avantage découle du fait que les banques se servent des dépôts du consommateur, sur lequel elle verse un intérêt assez négligeable, pour concurrencer sur le marché du crédit-bail automobile, là où leurs concurrents doivent amasser des fonds sur des marchés financiers au moyen de titres. La différence entre le coût que doivent engager les banques pour obtenir leurs fonds et le coût que doivent engager les sociétés de financement pour faire de même est de 300 à 400 points de base.
• 1205
Visiblement, l'arrivée des banques sur le marché du crédit-bail
automobile aura vraisemblablement pour effet de réduire,
plutôt qu'accroître la concurrence, étant donné que les banques
utilisent les fonds des déposants, obtenus à peu de frais, pour se
donner un avantage concurrentiel non mérité sur le marché du
crédit-bail.
Il a été avancé que la présence des banques sur le marché du crédit-bail automobile stimulera la concurrence et élargira les choix offerts aux consommateurs qui souhaitent louer un véhicule de cette façon. L'Association canadienne des constructeurs de véhicules est d'avis, quant à elle, qu'il y a déjà une très forte concurrence sur le marché du crédit-bail—où on trouve dix sociétés de financement de fabricants, 18 grandes sociétés de financement indépendantes et 1 300 concessionnaires offrant leurs propres options de location à bail.
En outre, comme les experts-conseils Desrosiers Automotive Consultants le font valoir dans leur rapport de base à l'intention du groupe de travail—dont le sujet est l'élargissement des pouvoirs qui permettrait aux banques de louer à bail des véhicules légers—, la concurrence sur le marché du crédit-bail de détail s'intensifie avec la présence croissante de prestations indirectes de crédit-bail administrées par les banques et avec l'accent que mettent de plus en plus sociétés de financement indépendantes sur le crédit-bail de détail. Si le marché du crédit-bail automobile est un créneau pour les banques, il revêt une grande importance pour l'industrie de l'automobile: 45 p. 100 des opérations de détail touchent actuellement des baux de location.
Depuis sept ans, le revenu disponible des consommateurs canadiens n'a pas beaucoup augmenté; de ce fait, les gens ont tendance à reporter l'achat d'un véhicule neuf. La location à bail est ainsi devenue un élément important des ventes au détail en un laps de temps relativement court, l'industrie automobile s'appliquant à régler le problème de l'abordabilité des véhicules avec l'instauration du crédit-bail à grande échelle.
Le crédit-bail a contribué à la croissance du chiffre de ventes enregistré au cours des deux dernières années; si ce n'était de lui, la production dans les usines de montage et l'emploi chez les concessionnaires dont le volume n'est pas énorme aurait vraisemblablement été affectée.
Quel serait l'effet sur le consommateur de l'arrivée des banques sur le marché du crédit-bail automobile? Comme nous l'avons déjà dit, la concurrence est déjà extrêmement forte sur le marché du crédit-bail automobile, où les entreprises se livrent déjà une lutte très féroce pour l'attention des clients. De ce fait, les paiements de location du consommateur canadien aujourd'hui sont moins élevés que ceux qu'acquittent les consommateurs sur la plupart des autres marchés du monde, y compris aux États-Unis.
Outre les paiements moins importants, le consommateur canadien obtient un meilleur service à son concessionnaire local et jouit de meilleurs rapports avec le fabricant et la société de financement affiliée à celui-ci.
À court terme, à leur arrivée sur le marché du crédit-bail automobile, les banques permettront aux clients de profiter d'une partie de l'avantage légal dont elles disposent sur le plan du coût des fonds, de manière à s'approprier une part du marché. Cela procurera un avantage à court terme aux consommateurs, sous la forme de taux de location-bail moins élevés.
À moyen terme, toutefois, la stratégie agressive employée par les banques pour pénétrer le marché obligera peut-être les sociétés de financement et les entreprises individuelles de crédit-bail appartenant au concessionnaire à plier bagages. De ce fait, il y aura une plus forte concentration et une moins grande concurrence sur le marché du crédit-bail, de sorte que les banques auront créé un contexte propice à l'augmentation des prix et à la vente de produits groupés, au détriment du consommateur canadien.
Le crédit-bail automobile est un secteur cyclique et extrêmement risqué. À long terme, les banques reconnaîtront cet état de choses devant les valeurs résiduelles mal gérées et les risques importants inhérents aux baux. L'expérience vécue aux États-Unis montre que les banques essaient de réduire au minimum leurs valeurs résiduelles en transférant le risque au consommateur, du côté du bail.
Face à des pertes résiduelles soutenues et au travail détaillé que suppose la gestion d'un parc automobile, les banques délaisseront peut-être bien le marché du crédit-bail. Leur intervention nuira à l'expérience du consommateur vis-à-vis du crédit-bail et réduira les probabilités qu'il loue un véhicule à nouveau.
Au bout du compte, c'est un secteur automobile stable et vital qui est menacé par les banques, qui cherchent uniquement à faire du crédit-bail un produit d'attraction en vue d'acquérir une nouvelle liste de clients auxquels elles pourront vendre d'autres services financiers.
À ce sujet, j'attire votre attention sur une autre citation:
-
...Nous avons constaté que les prêts-auto représentaient un
excellent produit d'attraction à l'égard des autres produits que
nous offrons dans les succursales canadiennes, par exemple les
hypothèques, les dépôts, les produits de placement, les cartes de
crédit et de débit... Comme notre approche consiste maintenant à
offrir des services bancaires sur mesure pour élargir notre
clientèle avec la possibilité de ventes réciproques, notre
stratégie, par conséquent, consiste non seulement à poursuivre
activement le marché indirect de l'automobile, mais aussi en même
temps, à cibler tout autre marché indirect qui est accessible
aujourd'hui.
Cette citation est de James O'Donnell, premier vice-président de la Banque de Nouvelle-Écosse. Elle est tirée d'un discours qu'il a prononcé devant la U.S. Consumer Bankers Associations en mars 1994.
Qu'en est-il des effets sur le concessionnaire? La recommandation du groupe de travail aura aussi une incidence néfaste sur les petits concessionnaires locaux des localités de tout le Canada. Le groupe de travail MacKay signale qu'il n'existe que 45 sociétés de financement appartenant à des concessionnaires et qu'elles louent plus de 200 véhicules par année, mais il semble oublier les 1 255 autres concessionnaires qui disposent d'un parc automobile constitué de 25 à 200 véhicules de location, qui disparaîtrait probablement avec l'entrée des banques sur le marché du crédit-bail automobile. Comme le concessionnaire moyen vend environ 300 véhicules par année, la location à bail représente environ 10 p. 100 de son chiffre de ventes.
• 1210
En outre, si on permet aux banques de louer des véhicules
directement depuis leurs succursales, le profit tiré de location de
crédit-bail sera celui de la banque, et non pas celui du
concessionnaire automobile, qui a besoin de profits qui suffisent
à maintenir le chiffre de vente et le service.
Le concessionnaire ressentira aussi les effets de l'arrivée des banques sur le marché du crédit-bail automobile du fait que les sociétés de financement des fabricants seront marginalisées par la banque dans le domaine du crédit-bail de détail. Cela se traduira probablement par une augmentation des coûts que devront engager les concessionnaires pour une partie du financement «parallèle» que fournissent les sociétés de financement, ce qui forcera les concessionnaires à se tourner ailleurs pour obtenir des fonds ou encore à transférer aux consommateurs, sous la forme de prix plus élevés, l'augmentation des coûts.
Dans la mesure où l'industrie automobile compte sur le crédit-bail pour la moitié de son chiffre de vente, si les volumes en question sont transférés aux banques, la viabilité d'un grand nombre de concessionnaires situés dans les localités est bel et bien menacée.
Pour résumer, l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et l'industrie de l'automobile sont d'avis que la présence des banques sur le marché du crédit-bail automobile devrait demeurer une activité interdite en application de la Loi sur les banques. Cela permettrait de garantir la compétitivité sur le marché du crédit-bail et d'assurer les choix dont dispose le consommateur, de garantir la satisfaction des clients et d'éviter les effets néfastes que pourrait subir l'industrie automobile, surtout les concessionnaires locaux et, au bout du compte, les consommateurs qui habitent dans les mêmes localités.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Nantais. Nous allons maintenant procéder à la séance de questions.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci beaucoup.
Ce que nous observons aujourd'hui, à mon sens, c'est une concurrence entre le secteur privé et un État tentaculaire sur deux fronts. C'est ce que nous a révélé Accord Business Credit Inc., et c'est certainement ce que nous révèlent les sociétés de crédit-bail ici.
Ma première question pour M. Perna a trait à la Société pour l'expansion des exportations.
Avez-vous déjà vu les états financiers de la SEE? Affiche-t-elle des profits ou des pertes au nom du contribuable?
M. Mark Perna: Cela dépend du point de vue que l'on prend. Je dirais que depuis cinq ans, elle a soit affiché des pertes, soit fait ses frais, mais, depuis un an ou deux, sa situation est certainement devenue rentable. Son travail rapporte maintenant, avec le redressement de l'économie et ainsi de suite.
M. Ken Epp: Bon, vous dites donc que le contribuable a subventionné l'activité à l'origine, mais que nous, les contribuables, obtenons maintenant de l'argent de sa part?
M. Mark Perna: Oui, mais aux dépens de qui? C'est le commentaire que je ferais.
Vous avez vraiment touché au coeur de la question ici. Dans une certaine mesure, nous souhaitons tous, en tant que citoyens, que la SEE fasse ses frais, et c'est peut-être une des raisons pour lesquelles celle-ci a obtenu des pouvoirs élargis en 1993. Par contre, ce qui se passe, c'est que, pour devenir plus rentable, elle semble empiéter de plus en plus sur le terrain du secteur privé, par exemple celui de notre industrie.
M. Ken Epp: Manifestement, pour demeurer viable, vous avez la capacité de vendre de l'assurance et, dans l'assurance que vous vendez aux entreprises, vos pertes sont moins importantes que vos profits, que vos dépenses d'exploitation, que vos taxes et impôts, que tout le reste. N'est-ce pas?
M. Mark Perna: Oui, pour ce qui est de l'affacturage, c'est vrai. Je dirais que notre industrie est rentable. Je peux le confirmer dans le cas de ma propre entreprise, oui.
M. Ken Epp: Et la SEE a-t-elle beaucoup réduit les tarifs par rapport aux vôtres?
M. Mark Perna: La SEE ne s'adonne pas au bradage en règle générale, mais j'ajouterais, et ceci est très important,—et c'est là où les gens sont induits en erreur à certains égards.
Si je vous disais qu'elle offre des prix déloyaux, vous diriez: «Ah! C'est une pratique déloyale.» Ce que fait la SEE est tout aussi onéreux que la proposition de prix déloyaux. Elle accordera des approbations de crédit et des garanties de crédit dans des situations qui sont au-delà des limites qui se trouvent dans le secteur privé, et cela a certainement une incidence sur mes affaires à moi.
• 1215
Notre entreprise a perdu des clients à la Société pour
l'expansion des exportations en ce qui concerne l'assurance sur les
comptes débiteurs au Canada même, et non pas les exportations.
M. Ken Epp: D'accord. Vous avez parlé d'un pourcentage. Je crois que c'était autour de 15 p. 100 de son assurance. Non, je ne me souviens plus ce à quoi correspondaient les 15 p. 100.
M. Mark Perna: Voici à quoi correspondent les 15 p. 100. Pour qu'une entreprise puisse se prévaloir du programme intérieur de la SEE, elle doit soit présenter des exportations d'une valeur de 5 millions de dollars, soit présenter un chiffre de vente où les exportations représentent 15 p. 100 du total.
M. Ken Epp: Bon, voilà. Voici donc ma question. Quel est le pourcentage de l'assurance actuellement offerte par la SEE a trait aux opérations au pays, par rapport aux exportations?
M. Mark Perna: Si on parle des prestations à court terme, je ne saurais vous le dire sans faire de recherche. Je dirais que c'est de 15 à 20 p. 100, autour de cela, et que c'est à la hausse. Après tout, c'est un service relativement récent qui gagne des adeptes depuis trois ans—pas depuis cinq ans.
M. Michael Teeter (directeur, Groupe des relations industrie-gouvernement, Canadian Association of Factors and Credit Insurers): Les affaires nord-américaines représentent environ 60 p. 100 de leurs activités à court terme. Ensemble, le Canada et les États-Unis comptent donc pour environ 60 p. 100 de l'assurance-crédit à court terme qu'ils accordent.
M. Ken Epp: Merci.
Ce que vous recommandez au sujet du rapport MacKay tient donc simplement à cette seule et unique question: vous voulez que le secteur des services financiers s'organise pour que la SEE se concentre sur les exportations, point à la ligne?
M. Mark Perna: Essentiellement, oui. Nous avons d'ailleurs témoigné devant la commission MacKay, et c'est la position que nous avons fait valoir.
M. Ken Epp: Et on n'a pas tenu compte de cette position?
M. Mark Perna: Eh bien, les commissaires savaient qu'il existait d'autres tribunes où on pouvait discuter de cette question; je ne veux pas trop critiquer le fait qu'ils ne l'aient pas inclus dans le rapport, mais... oui.
Pour répondre à votre question directement, disons que c'est assez simple. La SEE a pu assez récemment pénétrer le marché du crédit intérieur. Cela a peut-être eu des conséquences que les décideurs n'avaient pas entrevues, mais, maintenant, nous vivons ce que nous vivons, et permettez-moi de vous dire que ce n'est pas agréable.
M. Michael Teeter: Puis-je mettre mon grain de sel, moi aussi? Nous avons été très déçus de constater qu'il n'était vraiment question dans le rapport MacKay de toute la notion de financement adossée à des crédits, qu'il s'agisse de comptes débiteurs ou d'autres types de fonds adossés à des crédits.
Si vous réussissez à entrevoir que ces fournisseurs constituent un type différent d'établissements de services financiers capables de servir la petite entreprise, je crois que vous allez reconnaître le potentiel du secteur pour le compte du Canada. Il suffit de regarder du côté de l'Europe pour constater que les entreprises d'affacturage représentent un élément important du secteur des établissements financiers dans l'économie là-bas. Souvent, elles réduisent de même la nécessité du financement bancaire.
Donc, pour ce qui est des principes que passe sous silence le rapport MacKay, si les auteurs avaient consacré plus de temps et d'attention au potentiel de ce secteur, ils auraient vu que la SEE inhibe considérablement sa croissance et sa capacité de servir les petites entreprises.
M. Ken Epp: D'accord.
Je vais vous poser une question en vous permettant de refuser d'y répondre si la réponse était, disons, délicate du point de vue commercial. D'accord? J'aimerais connaître votre taux de rendement. Si quelqu'un exporte des biens ou des services vers un pays étranger quelconque—je ne nommerai pas ce pays pour ne pas heurter les sensibilités—et vous garantissez qu'il sera payé pour ces exportations; quel est votre taux de rendement par rapport aux primes que vous touchez sur cette assurance?
M. Mark Perna: Eh bien, la réponse est un peu compliquée, car nous ne demandons pas de prime dans l'industrie de l'affacturage. Nous exigeons une commission sur la vente.
M. Ken Epp: Ah bon.
M. Mark Perna: Et d'autres services sont regroupés, par exemple la perception et la tenue de livres; il faut donc que je fasse une soustraction pour obtenir seulement le tarif de l'assurance, si vous voulez. Si je faisais cela—et c'est très approximatif—je dirais que, compte tenu de ce que nous avons demandé par le passé, cela représenterait un rendement de 25 à 30 p. 100. Encore une fois, cela s'applique à l'industrie de l'affacturage et non pas à l'industrie de l'assurance.
Le président: Ce sera votre dernière question, monsieur Epp.
M. Ken Epp: Je suis rendu seulement à sept minutes.
Le président: Allez, je vous en prie.
M. Ken Epp: Bon. Je voulais demander aux autres... eh bien, de toute façon, vous avez détourné mon attention.
Êtes-vous meilleurs ou pires que la SEE quand il s'agit de vérifier la situation d'une personne ou d'une entreprise étrangère qui veut acheter des exportations avant de conclure l'entente?
M. Mark Perna: Je veux m'assurer de bien comprendre la question. Vous me demandez si notre travail est meilleur ou pire que celui de la SEE du côté étranger et non pas du côté du Canada?
M. Ken Epp: Je parle de l'étranger pour l'instant; je parle des exportations. Je présume qu'avant qu'une entreprise puisse conclure un contrat en vue d'exporter vers une personne qui se trouve dans un autre pays, elle souhaiterait obtenir l'assurance raisonnable qu'elle sera payée.
M. Mark Perna: Oui.
M. Ken Epp: Pas comme la Commission du blé, qui vend des céréales partout dans le monde. Je parle des petites entreprises. Je parle d'un contrôle du rendement de ces entreprises, qui se ferait au préalable?
M. Mark Perna: Oui.
M. Ken Epp: Êtes-vous meilleurs que la SEE sur ce plan? Je vous donne l'occasion de...
M. Mark Perna: Je vais répondre à cette question de deux façons: notre vérification serait peut-être plus soignée. Par contre, je crois que le client dirait que la SEE fait du meilleur travail, parce que le client ne se soucie pas de ce qu'il y ait eu une vérification vraiment approfondie. Il tient seulement à savoir si le crédit est autorisé ou non dans son propre cas. De son point de vue, donc, étant donné aussi que la SEE cherche à maximiser le crédit, comme on dit, si on tient compte des mêmes limites tout à fait, la SEE accorde davantage de crédit que le secteur privé, et cela s'applique aux exportations autant qu'aux activités intérieures. C'est ce que nous voyons toujours.
M. Ken Epp: D'accord.
J'imagine donc que c'est terminé pour moi, n'est-ce pas?
Le président: Avez-vous une dernière question, monsieur Epp?
M. Ken Epp: Je vais simplement m'arrêter ici. Je voulais m'adresser aux autres, mais... puis-je revenir plus tard?
Le président: Si nous avons le temps.
[Français]
Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les gens qui sont venus s'exprimer ce matin sur le rapport du groupe de travail MacKay, qui porte non seulement sur les fusions bancaires, mais aussi sur l'avenir du secteur des services financiers.
J'aimerais poser une question à M. Drolet, qui représente la Corporation des associations de détaillants d'automobiles. Vous avez parlé des compagnies de crédit et de ce que les banques pourraient faire si on appuyait les modifications proposées dans le rapport MacKay. Pourriez-vous nous dire si la compagnie où vous travaillez fait affaire avec des compagnies de crédit américaines, si une partie des sommes d'argent reste ici ou si tout est rapatrié aux États-Unis?
M. Gérald Drolet: Monsieur Desrochers, les employés de Chrysler Crédit Canada Limitée seraient mieux en mesure de répondre à votre question que moi. Nous sommes tout simplement des gens qui travaillent sur le plancher des vaches et qui louent des automobiles. On croit que l'argent est investi au Canada, y compris à l'usine de Windsor et à celle d'Oshawa. Je suis persuadé que ces sommes sont réinvesties ici.
Je pourrais vous poser la même question. Est-ce que les banques investissent leur argent seulement au Canada ou si elles l'investissent partout? Je pense que l'un revient à l'autre, et que l'autre ne revient pas.
M. Odina Desrochers: Monsieur Drolet et membres du panel, avant que le gouvernement fédéral autorise quoi que ce soit à cet égard, souhaiteriez-vous qu'on change le cadre législatif qui entoure toute la question des produits financiers?
M. Gérald Drolet: Pourriez-vous préciser le sens de votre question?
M. Odina Desrochers: On semble actuellement vouloir diriger le débat vers les fusions de banques, alors que beaucoup d'autres produits financiers doivent être protégés. Prenons l'exemple du Mouvement des caisses Desjardins chez nous et des courtiers d'assurance. Avant de prendre des décisions majeures dont l'impact se fera sentir pendant plusieurs années, ne croyez-vous pas qu'il serait préférable que le gouvernement fédéral change les règles du jeu et le cadre législatif pour donner à tout le monde la chance de bien s'en sortir?
M. Gérald Drolet: La différence entre le Canada et d'autres pays, c'est que la concurrence au niveau des banques est minime ici. Je n'ai jamais lu dans les journaux—et je pense que personne d'autre ne l'a lu—que les banques se font concurrence. Par contre, si vous parcourez les journaux d'Ottawa, de Toronto ou de Montréal, vous constaterez que 50 concessionnaires vous offrent leur meilleur prix l'un à la suite de l'autre. Une très forte concurrence existe chez les petites entreprises.
Le mouvement financier est très gros. Les entreprises financières sont des géants qui pourraient nous écraser du jour au lendemain. Peu importe la façon dont on travaille et la façon dont la gestion est faite, on n'y peut rien. Nous acceptons cette réalité, ne sachant pas de quelle façon nous pourrions la changer. Tout ce qu'on essaie de faire aujourd'hui, c'est de protéger la façon dont nous fonctionnons.
M. Odina Desrochers: Est-ce que vous craignez que les fusions bancaires vous enlèvent une partie des affaires que vous faites actuellement?
M. Gérald Drolet: Je ne crois pas que la fusion bancaire nous dérange. Nous ne nous sommes pas attardés à cette question, mais plutôt aux banquiers qui viennent s'imposer dans notre domaine particulier.
Nous ne viendrons pas nous opposer aux fusions parce que nous savons que dans le contexte de globalisation, il se fera inévitablement des fusions. Chaque fois qu'il se produit une fusion, il faut faire l'autruche et se dire qu'il n'y aura pas de perte d'emplois. Ce matin, nous avons voulu venir ici simplement pour protéger nos assises et nous assurer que les banques n'empiètent pas trop sur notre domaine.
M. Odina Desrochers: Avez-vous des suggestions visant à protéger davantage vos acquis?
M. Gérald Drolet: Je pense que nous vous en avons déjà fait part. Elles sont fermes. Il ne faudrait pas croire que les banques n'oeuvrent pas dans le domaine de la location. Au contraire, elles y sont vraiment engagées de nos jours. J'ai pour ma part une flotte de location personnelle qui est financée par les banques. Lorsqu'un client se présente chez moi pour louer une automobile, j'ai la possibilité de lui offrir un financement de la banque ou du manufacturier. La seule chose qu'on demande, c'est que les banques n'offrent pas de services de location au comptoir.
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président. Je vous invite à céder la parole à vos collègues.
[Traduction]
Le président: Vous n'avez pas d'autres questions?
[Français]
M. Odina Desrochers: Non, merci.
[Traduction]
M. Mark Nantais: Monsieur le président, me permettez-vous d'ajouter un petit commentaire à l'égard de l'intervention de M. Drolet sur le réinvestissement de fonds par les sociétés affiliées? J'en profiterais pour inviter mes collègues à intervenir au besoin. Environ 90 p. 100 de l'argent et des profits réalisés par l'entremise des sociétés de crédit affiliées sont réinvestis au Canada. De plus, au cours des dix dernières années à peu près, les sociétés de crédit et les fabricants auxquels elles sont affiliées ont réinjecté environ 20 milliards de dollars au Canada, sous forme de nouvelles usines et d'investissements visant à créer l'infrastructure nécessaire pour soutenir non seulement les fabricants, mais aussi l'ensemble du réseau de concessionnaires.
J'invite donc toute autre personne à formuler des commentaires à cet égard.
Une voix: Non, ça va.
Le président: Merci.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Je tiens à féliciter tous les témoins: vos exposés étaient très exhaustifs et efficaces. Comme vous le savez, outre l'argument relatif à la SEE, d'ailleurs excellent, d'autres interventions très efficaces et convaincantes sont en faveur de laisser les banques exercer des activités de crédit-bail.
J'aimerais entendre le point de vue du groupe de témoins à l'égard de deux questions. Premièrement, au cours de la dernière législature, lorsque cette question a été abordée, le ministre des Finances annonçait que les banques ne seraient pas autorisées à se lancer dans le crédit-bail automobile. Je me demandais si des membres du groupe de témoins pourraient faire part au comité de tout fait nouveau qui pourrait modifier d'une manière significative la discussion que nous avons tenue sur le sujet la dernière fois. Qu'est-ce qu'il y a de nouveau? Qu'est-ce qui pourrait jeter la lumière sur cette question et permettre au groupe de travail d'avoir autre chose à dire que «Cette question devrait être examinée davantage»?
La deuxième question que nous devrions examiner—il est important de l'exprimer en termes plutôt simples—, c'est l'argument selon lequel, apparemment, le consommateur, au moment de se procurer une automobile, a deux options: l'acheter ou la prendre à bail. Si on envisage les aspects économiques de la transaction, du point de vue du concessionnaire, on peut supposer, théoriquement, que le seul écart serait lié au coût de financement qu'assumerait une personne qui ne possède pas le capital nécessaire pour acheter une voiture ou qui ne peut obtenir du crédit d'une autre source. Il y a un coût d'option.
Cela laisse croire que, d'une manière ou d'une autre, si on suppose que les concessionnaires peuvent obtenir du capital à un coût raisonnable, peu importe la source, la rentabilité liée à la vente d'automobiles devrait généralement demeurer inchangée, que l'automobile soit prise à bail ou achetée. Ce n'est qu'une prémisse.
• 1230
Donc, puisque MacKay nous demande de mettre l'accent sur
l'intérêt public—et l'intérêt public devrait comprendre des
répercussions sur d'autres éléments du secteur des services
financiers et sur les parties qui doivent traiter avec les
principaux intervenants du secteur des services financiers—pouvez-vous
nous dire quelles sont les répercussions négatives sur le
public—ce qui, je suppose, comprend vos entreprises et ceux que
vous représentez—, particulièrement en ce qui concerne l'emploi et
le niveau d'activité?
M. Michael S. Sheridan (directeur des relations avec le gouvernement, Ford du Canada Limitée): Je pourrais peut-être tenter de répondre à cette question en premier.
Le crédit-bail est un élément important pour l'industrie automobile du Canada. De fait, 45 p. 100 des achats au détail sont liés au crédit-bail. Pourquoi en est-il ainsi? Si on regarde la situation il y a cinq, six ou même sept ans, le crédit-bail dans cette industrie correspondait à environ 10 p. 100 des ventes de véhicules. La croissance du crédit-bail au cours des cinq à sept dernières années tient au fait que le revenu disponible des Canadiens n'a pas augmenté suffisamment pour leur permettre d'acheter de nouveaux véhicules.
Nombre de consommateurs canadiens ont remis l'achat d'une nouvelle voiture à plus tard. Mais quand on se retrouve avec une vieille automobile et qu'on doit en acheter une nouvelle, on peut maintenant envisager le crédit-bail comme moyen de changer régulièrement de véhicule. C'est donc la question de l'abordabilité qui a stimulé la croissance actuelle du crédit-bail.
Il est crucial pour notre industrie que le secteur crédit-bail se porte bien. Si nous étions d'avis que le fait de permettre aux banques d'offrir des services de crédit-bail permettrait, à long terme, aux prix de baisser, nous serions en faveur de l'arrivée des banques dans ce domaine. Le fait est que si les banques se lancent dans le crédit-bail, le consommateur y verra des avantages à court terme, mais qu'à moyen et à long terme, comme Mark l'a souligné dans son exposé, l'arrivée des banques dans ce domaine nuira au consommateur et minera le crédit-bail au Canada. Ce sera un coup dur pour le crédit-bail, et, à long terme, notre capacité de vendre des automobiles et des camionnettes. Cela minera la capacité du concessionnaire local de vendre son produit et d'assurer la viabilité de son entreprise.
En 1988, notre industrie a vendu 1,6 million d'automobiles et de camions légers, et les sept années qui ont suivi ont été marquées par un déclin continu, pour s'arrêter à moins de 1,2 million d'automobiles et de camions légers par année. C'est plus de 400 000 véhicules de moins qui ont été vendus au Canada. Cela représente deux usines d'assemblage.
Notre objectif est de veiller à ce que notre industrie soit prospère. Pour ce faire, nous avons besoin du crédit-bail. Le fait de permettre aux banques de pratiquer le crédit-bail minera les intérêts à long terme du secteur du crédit-bail et du secteur automobile, ce qui, à long terme, nuira aux intérêts du concessionnaire local.
M. Huw Williams (directeur des affaires publiques, Corporation des associations de détaillants d'automobiles): Si vous le permettez, monsieur Szabo, j'aimerais essayer de répondre à votre première question.
Histoire de répondre brièvement, je vous dirais que rien n'a changé depuis 1996. Tout ce que nous avons de plus, c'est une campagne de relations publiques de 20 millions de dollars orchestrée par les banques, qui veulent s'approprier des pouvoirs supplémentaires. C'est une réponse assez brutale. On n'a constaté aucun changement au chapitre des habitudes de consommation depuis 1996.
Cependant, une chose a changé dans l'industrie automobile. En 1993, nous nous sommes engagés à divulguer plus d'informations aux consommateurs en ce qui concerne le crédit-bail. Vous avez tous vu notre guide à l'intention des consommateurs sur le crédit-bail, qui vise à fournir des renseignements plus complets aux consommateurs. Consumer Reports dit que nous faisons meilleure figure que le marché américain.
Il n'existe pas de mouvement exigeant un changement sur cette question. Les concessionnaires disent constamment à notre association: «Est-ce que nous n'avons pas déjà abordé cette question?» De plus, on a un peu l'attitude selon laquelle... «Je dois encore déranger mon député sur cette question?»
C'est un élément qui gêne la planification d'entreprise. On n'a qu'à penser à Gerry, qui bâtit son nouvel établissement à Laval... Les gens de l'industrie vivent dans l'incertitude. Ils se demandent: «Est-ce que je prends le risque d'investir et d'emprunter 3 millions de dollars à la banque, que je devrai rembourser au cours des dix prochaines années, quand cette question revient me hanter?»
Votre question était tout à fait à propos—tout à fait.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
J'aimerais parler des coopératives de crédit: les coopératives de crédit pratiquent le crédit-bail automobile non seulement au Québec, mais aussi ici même, en Ontario. Elles sont partout. Justement, il y a quelques années, puisque je suis un homme d'affaires, je me suis mis en colère quand ils ont offert un prix plus bas pour la location-bail et, ensuite, pour les prêts à vue. Ce n'est rien de nouveau.
Le fait est que certains concessionnaires sont en mesure de conclure des marchés avec les coopératives de crédit, ce qui peut être avantageux pour le consommateur. Mais je me pose la question suivante: si on permettait aux banques de pratiquer ces activités, est-ce que ce serait avantageux pour le consommateur? J'en doute fortement.
Ma question ne vous concerne pas vraiment. La question que je veux poser est pour M. Perna. Je commencerai par présenter un commentaire, et je poserai ma question ensuite.
• 1235
Je sais qu'on vous empêche de pratiquer ce type d'activité.
C'est comparable aux autres sociétés d'assurance qui se présentent
à nous pour dire qu'on les empêche de se lancer dans l'assurance-récolte.
Je me souviens d'une entreprise du Québec qui voulait se
lancer dans ce domaine.
Au Canada, l'assurance-récolte touche trois parties: l'agriculteur, qui paie un tiers; la province, qui paie un tiers, sous forme de services administratifs; et le gouvernement fédéral, qui donne un tiers, sous forme de financement, ce qui est presque, en quelque sorte, une subvention.
Cela dit, dans le cas de certaines denrées qu'on produit, les primes d'assurance ne sont pas vraiment abordables. Si on assure du maïs, de l'orge ou du blé, les primes sont abordables, car l'assurance-récolte a été conçue pour ces denrées. Cependant, si vous récoltez des fruits à chair tendre ou un grain moins important, ce n'est pas abordable.
L'abordabilité dont il est question—ces 10 p. 100—devient 13 p. 100 lorsqu'il est question des fruits à chair tendre. Autrement dit, pour obtenir une couverture à 20 000 $, on doit payer 2 600 $. Ce type d'assurance n'est plus abordable. Cette situation est imputable à la participation du gouvernement dans le secteur.
C'est la même chose pour la SEE présentement. Vous dites que vous n'êtes plus concurrentiels. À titre d'agriculteur, j'ai déjà examiné l'exportation et la SEE en vue d'exporter mon produit, mais ce n'était même pas abordable. Comme je viens de vous l'expliquer, dans le secteur agricole, si on veut se lancer sur le secteur privé, s'il n'y a ni intervention ni subvention du gouvernement, certaines entreprises ne pourraient peut-être pas survivre.
Je comprends vos préoccupations, mais on doit tenir compte du fait que cela aide les entreprises à exporter, et nous dépendons tous de ces entreprises. Si l'entreprise devait payer... je ne suis pas en mesure de payer les tarifs de la SEE, je vais donc m'abstenir de vous les demander. Par conséquent, il est presque non concurrentiel de se lancer dans ce type de...
M. Mark Perna: Puis-je réagir à cette affirmation?
M. Gary Pillitteri: Oui.
M. Mark Perna: Tout d'abord, laissez-moi mentionner que vos commentaires concernent les activités de la SEE qui touchent l'exportation. De fait, à l'occasion de notre exposé, vous constaterez que nous ne contestons pas la présence de la SEE dans le domaine de l'assurance des exportations. Par contre, nous nous opposons à ce qu'il évolue sur le marché national de l'assurance. C'est notre principale question litigieuse en ce qui concerne la SEE.
Ce que nous tentions de faire, c'est d'établir un parallèle: puisque la SEE a pour mandat de maximiser l'exportation, puisqu'elle ne paie pas d'impôt, elle peut offrir un produit d'assurance des exportations qui est très concurrentiel—peut-être même trop... par rapport au secteur privé. On applique cette même philosophie au marché national, qui était le nôtre jusqu'à 1993, mais, pour une raison qui nous échappe, la SEE a obtenu la permission de dispenser ces services.
La SEE est un organisme très puissant. Elle dispose des fonds et de la capacité de commercialisation des autres éléments qui lui permettent d'aller de l'avant. C'est, dans une certaine mesure, ce qu'elle a fait, et elle a nui à notre industrie et à mon entreprise en particulier.
M. Michael Teeter: Je pourrais peut-être vous présenter un bref historique de la SEE.
Il n'y a pas de doute sur le fait que la SEE a toujours eu pour mandat d'aider les entreprises à exporter leurs produits dans des pays risqués. Le Compte du Canada et d'autres mécanismes de financement à moyen et à long terme—toutes les belles choses qu'elle faisait dans l'intérêt public—constituaient l'ensemble de ses activités. Mais quand le gouvernement du Canada a décidé qu'il ne voulait plus que la SEE soit un fardeau pour le contribuable, il a chargé la SEE de se lancer dans le domaine de l'assurance.
La SEE a donc délaissé ses activités plus risquées, c'est-à-dire aider les exportateurs à tirer avantage de situations risquées, et a consacré une part croissante de ses efforts aux activités d'assurance-crédit à court terme en Amérique du Nord—plus précisément, aux États-Unis et au Canada—, où le secteur privé se tirait très bien d'affaire.
• 1240
La SEE arrive sur le marché monétaire, exemptée d'impôt, forte
d'une foule de mécanismes d'appui fournis par le gouvernement du
Canada et protégée de tout risque, car elle est protégée par le
gouvernement, et elle coupe l'herbe sous le pied du secteur privé.
Cette situation tient au fait que le gouvernement a changé le
mandat de la société.
M. Gary Pillitteri: Je n'ai pas posé cette question pour dire qu'à titre d'exportateur, je pourrais en tirer avantage. Je voulais seulement signaler que nous avons tenté de déterminer s'il y avait une forme de subvention. En réalité, cette option n'est pas abordable pour nous, car nous dépendons strictement de lettres de crédit accordées par les banques; c'est donc beaucoup plus risqué.
Si le secteur privé n'avait pas cette possibilité—et s'il n'en coûte rien au contribuable—, je doute fort que nous aurions la possibilité d'exporter ou d'augmenter nos exportations. C'est la seule raison. Je ne dis pas que la SEE devrait exercer ses activités sur le marché national: elle a certainement sa place sur le marché de l'exportation, y compris les États-Unis, car je ne considère pas les États-Unis comme faisant partie du marché «national».
C'est tout.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires sur cette question?
M. Mark Perna: Non.
Le président: Monsieur Discepola, et ensuite, Mme Bennett.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.
Monsieur Williams, vous avez soulevé un argument de poids. À titre d'exploitant d'une petite entreprise au milieu des années 80, j'ai dû faire face à une situation comparable: les banques voulaient se lancer dans la gestion de la paie, service que mon entreprise dispensait. Aujourd'hui, j'apprends qu'elles ne sont plusieurs intéressées par cette activité, qui, je suppose, n'est plus rentable pour eux après 10 ans.
J'étais en train de prendre des notes tout à l'heure, et je me suis dit: «Comment peut-on établir une planification à long terme quand cette question revient nous hanter chaque année?» À titre de législateur, de député, je ne veux pas que des concessionnaires automobiles ou des petits courtiers se présentent à mon bureau chaque année, suppliant le gouvernement—parce qu'on est à la merci des changements de gouvernement...
[Français]
J'ai été surpris de la réponse de M. Drolet à la question d'un député du Bloc québécois. Vous disiez ne pas vous opposer aux activités actuelles des banques dans le domaine de la location. Vous ne vous opposez pas, non plus, à ce qu'elles les poursuivent. Vous vous opposez seulement à ce qu'elles offrent des services de location au comptoir. Pouvez-vous nous expliquer quelle est la différence et quel impact cette petite différence aurait pour vous?
M. Gérald Drolet: Elle est énorme. Présentement, un client qui se présente chez nous a le choix d'acheter une automobile ou de la louer. Nous lui indiquons le prix du véhicule et il décide, selon les versements qu'il devra effectuer, s'il préfère l'acheter ou le louer. Nous nous opposons à ce que les banques achètent des voitures auprès des manufacturiers ou chez nous et commencent à les louer directement dans leurs succursales. La banque pourrait alors dire, par exemple, que je dispose d'une marge de crédit de 3 millions de dollars pour mon inventaire et que je devrais leur vendre tel véhicule au prix coûtant parce qu'elle le louera à M. Untel. Ce serait de la location au comptoir, et c'est ce qu'il faut absolument éviter. Si jamais cela se produisait, je vous assure que je serais obligé de fermer les portes et de mettre à pied 68 personnes.
La majorité des locations sont financées par notre manufacturier ou par le banquier. Je fais actuellement affaire avec la Banque de Nouvelle-Écosse et la Banque Canadienne Impériale de Commerce, tant pour le financement de la location que pour celui de l'achat. Nous nous opposons tout simplement à ce que les banques aient un bureau dans leurs succursales et qu'elles disent aux clients, dont elles possèdent tout le portefeuille, qu'il est temps pour eux de changer leur voiture et qu'elles leur offrent de la leur louer. Premièrement, elles imposeraient cette location au client. Deuxièmement, elles m'imposeraient leur prix de vente, puisqu'elles auraient ma facture et connaîtraient mon prix coûtant. Elles auraient tout en main pour offrir un prix exceptionnel. Cela ne durerait qu'un temps, parce qu'il y aurait beaucoup moins de concessionnaires. Elles auraient automatiquement plus de pouvoir et pourraient éventuellement louer des automobiles beaucoup plus cher. On a vécu cette situation dans le cas des cartes de crédit. C'est là qu'est le problème.
[Traduction]
M. Huw Williams: Si vous le permettez, j'aimerais préciser un élément important que tout le monde doit comprendre, c'est-à-dire le rôle des banques dans le domaine du crédit-bail. Prenons, par exemple, la Banque de Nouvelle-Écosse, qui prête de l'argent aux concessionnaires afin qu'ils puissent exploiter leur propre entreprise de crédit-bail. C'est de cette façon que les banques obtiennent leur part du gâteau.
De plus, la Banque Scotia offre aussi son plan de location à valeur ajoutée, copie conforme du programme de la GMAC de Peter Andrew, à une seule exception près: même si elle doit être effectuée par le concessionnaire, comme c'est le cas pour le plan de la GMAC, la banque n'a pas à assumer les coûts d'investissement liés à cette activité et elle n'acquiert aucun titre de propriété à l'égard du véhicule, ou le concessionnaire reçoit la première offre concernant le titre de propriété à l'égard du véhicule. Les taux bancaires procurent les mêmes avantages aux consommateurs.
• 1245
Si les banques voulaient réduire ces taux et être le plus
concurrentielles possible, les concessionnaires seraient aux anges.
Réduisons les taux le plus possible, et offrons le plan de location
à valeur ajoutée de la Banque Scotia aux clients.
C'est lorsque la banque obtient le droit de pratiquer le crédit-bail à partir de la succursale que la situation devient problématique. Les banques possèdent une liste des clients des concessionnaires et du moment où ils renouvelleront leur location-bail, et elles sont bien placées pour choisir le concessionnaire auprès duquel elles obtiendront les véhicules. Les banques se retrouvent totalement dans une situation de conflit d'intérêts.
M. Michael Sheridan: J'aimerais apporter des précisions sur cette question.
Il est certain que le crédit-bail direct, c'est-à-dire lorsque les banques louent un produit à bail à partir de leurs succursales, est un enjeu important. Mais, tout de même, le crédit-bail indirect est aussi une question importante. Comme on l'a signalé dans le cadre de l'exposé de la CADA, les sociétés de crédit liées aux fabricants d'automobiles jouent un rôle important auprès du concessionnaire, car elles dispensent une vaste gamme de services, dont le crédit hypothécaire, le financement sur stocks et le crédit-bail.
Si les banques s'en mêlent, elles domineront l'industrie, non pas parce qu'elles sont meilleures, mais parce qu'elles ont accès à des fonds à prix modique. Quand elles dominent l'industrie, il y a moins de choix pour le consommateur. À long terme, nous ne serons pas en mesure de participer à ces activités, et, par conséquent, cela nuira aussi aux concessionnaires.
Autrement dit, l'enjeu va bien au-delà de la vente directe par les succursales bancaires. On doit aussi tenir compte du fait que lorsque les banques arriveront sur ce marché, elles pourront tirer avantage d'un coût de financement inférieur lié au fait qu'elles jouissent un accès aux dépôts des consommateurs. Ce n'est pas parce que les banques sont meilleures. Ce n'est pas parce qu'elles ont fait quelque chose pour mériter ce droit. Elles jouissent d'un accès facile au financement, et elles veulent recourir à cet avantage pour pratiquer des activités qui ne s'inscrivent pas dans les activités bancaires traditionnelles: l'achat et la vente d'automobiles.
M. Gérald Drolet: Et ce n'est pas tout. Il arrive souvent qu'un lot de voitures ne se vend pas aussi rapidement que prévu. Les usines contribuent à résoudre ce problème en accordant sur-le-champ aux consommateurs un taux d'intérêt de 1,9 p. 100 pour le crédit-bail. Avez-vous déjà vu une banque prêter de l'argent à un client à un taux inférieur au taux préférentiel? Les usines, elles, le font. Elles subventionnent le crédit-bail pour nous aider à vendre les automobiles. Grâce à cette pratique, nous sommes en mesure de commander d'autres voitures, ce qui permet de maintenir le cycle. Les usines sont les seules à faire cela. Je n'ai jamais vu une banque consentir un prêt s'assortissant d'un taux inférieur au taux préférentiel. Avez-vous déjà vu ça?
M. Nick Discepola: La seule question que j'aimerais soulever est liée à la notion de concurrence.
Le président: Ce sera votre dernière question, monsieur Discepola. Allez-y.
M. Nick Discepola: Merci.
Je n'ai rien contre le fait de laisser les banques exercer les activités qu'elles veulent, dans la mesure où elles offrent une concurrence juste.
Vous avez soulevé la notion de concurrence lorsque vous avez mentionné les sources de financement. Nonobstant le fait qu'elles sont, selon moi, en conflit d'intérêts, car elles ont accès aux états financiers et aux listes de clients de petites entreprises comme la mienne—elles savent exactement, par exemple, quand les clients sont sur le point de renouveler leur crédit-bail—, elles jouissent aussi d'un avantage énorme: elles peuvent prendre l'argent des déposants, leur offre un taux d'intérêts dérisoire de 2 p. 100 ou de 3 p. 100, et prête cet argent à 7 ou 8 p. 100, tout en continuant de couper l'herbe sous le pied de leurs concurrents.
Comment pourrions-nous permettre aux banques de pratiquer ces activités en réglementant un certain aspect qui entraînerait des avantages ou des désavantages concurrentiels pour tout le monde? Pour traiter tout le monde équitablement, comme l'a signalé M. Drolet, si les banques ne jouissaient pas de cet avantage énorme, on pourrait peut-être réglementer la divulgation d'information, les ententes d'achat lié, etc. Tout de même, la source de financement demeurerait l'un des plus gros problèmes.
Au lieu de voir, chaque année, des députés d'arrière-plan applaudir le ministre des Finances parce qu'il a, encore cette année-là, empêcher les banques d'accéder à ces activités, ne pourrait-on pas trouver une autre solution. Je ne crois pas non plus que cela règle les problèmes de notre industrie. Nous avons besoin de quelque chose de plus concret, de plus permanent, qui nous inciterait à continuer d'investir.
M. Gérald Drolet: On doit certainement établir un règlement selon lequel les banques n'ont pas le droit de pratiquer le crédit-bail direct, de sorte que nous puissions poursuivre nos activités convenablement.
M. Michael Sheridan: Le crédit-bail est, en grande partie, un phénomène nord-américain. En Europe, le crédit-bail ne représente qu'un modeste pourcentage des ventes de véhicules, soit moins de 5 p. 100 dans la plupart des pays du continent. Et lorsque les banques participent aux activités de crédit-bail automobile, elles le font par l'entremise de filiales et elles pratiquent les taux du marché. Par conséquent, les banques ne jouissent pas d'un avantage au chapitre du coût du financement, et elles ne participent pas aux activités de crédit-bail, car c'est un domaine très risqué: on y participe que si l'on sait ce qu'on fait.
• 1250
Aux États-Unis, notre partenaire commercial le plus proche, le
crédit-bail n'est pas aussi important qu'au Canada: il représente
moins de 20 p. 100 des ventes d'automobiles. Au Canada, le taux est
de 45 p. 100. Le revenu disponible des Américains est supérieur, ce
qui leur permet d'acheter un véhicule. Les banques participent de
façon directe à la location-bail, et elles quittent le domaine
aussitôt. Il n'y a pas de constance dans le domaine, car on
dénombre 10 000 banques. Par conséquent, elles se livrent une
concurrence féroce pour l'argent des déposants, et l'avantage dont
elles jouiraient au chapitre du coût du financement est beaucoup
moindre. La question du coût de financement n'est donc pas aussi
importante au sud du 49e parallèle.
Sur le marché américain, les banques ont tendance à pratiquer le crédit-bail quand les affaires vont bien car c'est une activité qu'ils considèrent comme rentable; ensuite, quand les choses vont moins bien, elles tentent de délaisser ces activités. Ce faisant, elles nuisent au domaine du crédit-bail en minant la relation avec les consommateurs.
M. Nick Discepola: Je me souviens de Harlland Motors et de Champlain Motors, dans la région de Montréal.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Perna. Si j'adopte le point de vue de la petite entreprise ou des consommateurs, je comprends l'explication de la SEE selon laquelle les entreprises éprouvaient de la difficulté à obtenir des prêts en vue de commencer à exporter vers des marchés plus risqués. En utilisant les limites professionnelles dont vous avez parlé, il semble que la SEE ait réussi à gérer les risques en étendant sa capacité d'exercer des activités sur le marché national. Si, effectivement, ce rajustement du mandat de la SEE se révèle rentable, on pourra, en quelque sorte, dire qu'elle a réussi.
Envisageons la question strictement du point de vue de la petite entreprise: si la SEE ne pouvait pas exercer de telles activités, est-ce qu'on s'inquiéterait que ces démarches mènent à l'échec et qu'elles ne soient plus en mesure de soutenir ses activités plus risquées, ce qui est sa raison d'être?
M. Mark Perna: Madame Bennett, la SEE consent des prêts et offre aussi de l'assurance-crédit.
Mme Carolyn Bennett: Oui.
M. Mark Perna: Leurs activités de prêts n'étaient pas vraiment liées au sujet que j'ai abordé aujourd'hui.
Mme Carolyn Bennett: D'accord.
M. Mark Perna: Il était question non pas de financement, mais bien d'assurance. Les répercussions de l'octroi de financement à des fins d'exportation par la SEE ne sont même pas comparables aux répercussions de leurs activités d'assurance-crédit.
Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il une possibilité de compromis? Votre exposé ne laisse aucune place à l'ambiguïté ne devrait pouvoir offrir de l'assurance-crédit sur le marché national. Y a-t-il moyen d'aller à mi-chemin? Seriez-vous satisfait si 50 p. cent des ventes totales étaient liées à l'exportation? Y a-t-il une autre solution?
Et en ce qui concerne les deux pourcentages mentionnés, pourriez-vous nous dire de quel marché la SEE possède une part de 70 p. 100?
M. Mark Perna: Nous estimons que la SEE possède une barre de 70 p. 100 du marché de l'assurance-crédit et de la caution. Cela comprend les activités nationales et l'exportation, et on compare la part de marché de la SEE celle des entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit. Donc, si on regroupe les entreprises d'affacturage et d'assurance-crédit et on compare leurs activités aux activités d'assurance de la SEE, tant sur le marché national que pour l'exportation, la SEE disposerait, selon nos estimations, d'une part de marché d'environ 70 p. 100, ce qui est énorme.
Mme Carolyn Bennett: Est-ce que cela comprend leurs activités sur le marché mondial?
M. Mark Perna: Cela comprend toutes les activités sauf l'octroi de prêts. Je ne tiens pas compte de leurs activités de prêts. Nous ne comparons que les activités similaires.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez mentionné un chiffre... 60 p. 100 des activités à court terme en Amérique du Nord. De quoi s'agit-il?
M. Mark Perna: Je crois que c'est ce que Michael a mentionné tout à l'heure. De fait, ce chiffre concerne un segment particulier du marché: les produits de consommation.
• 1255
La SEE exerce environ 79 p. 100 de ses activités nord-américaines dans le
segment des produits de consommation. Je me
donne la peine de mentionner les produits de consommation, car
c'est un secteur important de notre industrie, davantage que...
Mme Carolyn Bennett: Et pouvez-vous me dire si vous envisagez l'Amérique du Nord dans son ensemble parce que le marché américain est moins risqué?
M. Mark Perna: Non, ce n'est pas ce que je fais. Je le fais uniquement parce que c'est de cette façon que la SEE décrit son marché.
Et, oui, il y a une autre raison. De tous les marchés étrangers où nous nous retrouvons en concurrence avec la SEE, c'est sur le marché américain que nous nous retrouvons en quelque sorte en concurrence directe avec elle.
Mme Carolyn Bennett: Vous voulez qu'elle soit exclue du marché national. Voulez-vous qu'elle en fasse moins aux États-Unis aussi.
M. Mark Perna: Pour ce qui est de leurs activités aux États-Unis, on pourrait faire valoir—encore une fois, comme l'a mentionné Michael précédemment—que la SEE semble s'aventurer sur des marchés moins risqués afin de réaliser un bénéfice dans des domaines différents. Mais le but de notre exposé ne concerne pas cette question, qui exigerait beaucoup plus de temps.
Notre message est le suivant: la SEE ne devrait pas s'aventurer sur le marché national, car ce n'est pas pour cette raison qu'on l'a créée. Il y a cinq ans, la SEE a su convaincre les dirigeants que ce serait peut-être une bonne idée, mais, en pratique, surtout en ce qui concerne les produits de consommation, c'est vraiment exagéré. Cela fausse le marché et nuit vraiment à la concurrence.
Le président: Merci, monsieur Perna.
Merci, madame Bennett.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Monsieur Perna, j'ai aimé votre exposé, et je vous suggère de présenter vos idées au comité des affaires étrangères aussi, à un moment donné. Quand Ian Gillespie, de la SEE, était membre du Comité des affaires étrangères, nous avions examiné les livres de la SEE: en ma qualité d'homme d'affaires, l'examen des livres m'a poussé à remettre en question la raison d'être de cet organisme.
M. Gillespie a fait valoir qu'une partie du mandat de la SEE est liée aux politiques gouvernementales. Cet argument est très spécieux, compte tenu de la participation de la SEE à des projets douteux, comme le projet des Trois Gorges, en Chine, ou la vente de technologie nucléaire en Turquie, tous deux refusés par la Export-Import Bank américaine, parce qu'on les jugeait trop douteux. De plus, la participation de la SEE, particulièrement en Asie...
La question se pose: si le marché ou si le projet est trop risqué pour que le secteur privé y participe ou assure des fonctions d'affacturage, pourquoi un organisme gouvernemental y participerait-il? On ne doit pas faire croire tacitement que c'est une bonne chose à faire. En plus de compromettre notre politique étrangère, c'est une attitude commerciale douteuse.
M. Michael Teeter: La SEE est, si je ne m'abuse—si on regarde leurs antécédents des dernières années—beaucoup moins active qu'elle ne l'était dans les domaines risqués. Il n'y a pas de doute là-dessus: elle devient plus commerciale.
Une partie de cette situation tient au fait que des organismes internationaux, comme l'OMC, l'OCDE et d'autres organismes, fixent des lignes directrices touchant l'octroi de subventions, geste critiqué par tout le monde. Quand ces lignes directrices internationales deviennent de plus en plus exigeantes, cela limite essentiellement le comportement de la SEE et d'autres organismes de crédit gouvernementaux de partout dans le monde. De fait, l'ensemble des pays disent: «Arrêtez de verser des subventions.»
La SEE, pour assurer sa survie, parce que c'est ce que le gouvernement lui demande de faire, commence à agir de plus en plus comme une entreprise commerciale qui fait concurrence directement avec des entreprises qui paient de l'impôt. Nous en sommes rendus à ce point.
M. Scott Brison: Saviez-vous que le ministère des Affaires étrangères avait établi un code de conduite, un code de conduite volontaire pour toutes les entreprises canadiennes qui exercent leurs activités sur le marché international? Eh bien, il existe un code de conduite, et M. Axworthy en a fait la promotion comme moyen d'obtenir le soutien du secteur privé en vue de promouvoir nos politiques en matière de droits de la personne et autres politiques comparables. La SEE, société d'État, a refusé de signer ce document, ce qui soulève des questions importantes. Mais je tiens quand même à vous remercier de votre exposé.
• 1300
Quant à la question du crédit-bail automobile,—je tiens à
dire que j'ai apprécié cet exposé aussi—, j'ai quelques questions
à poser. Vous avez déclaré que l'arrivée des banques sur le marché
du crédit-bail minera la perception du consommateur en ce qui
concerne l'intégrité du crédit-bail comme solution de rechange
viable à l'achat. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous vouliez
dire?
M. Michael Sheridan: Comme je l'ai déjà souligné, le crédit-bail est une activité très importante pour l'industrie automobile canadienne. Je le répète: 45 p. 100 de nos ventes sont attribuables à cette pratique. Il est donc très important que le consommateur ait accès à une option de crédit-bail viable.
L'impact de l'arrivée des banques dans le domaine du crédit-bail se fera sentir en trois étapes. À court terme, nous nous attendons à ce qu'elles réduisent les prix afin de s'approprier une part de marché. Ils profiteront de leur avantage au chapitre du coût de financement pour réduire les prix.
À moyen terme, cependant, il est possible, s'ils arrivent à dominer l'industrie, qu'ils créent une situation de hausse des prix.
À plus long terme, comme c'est arrivé dans d'autres industries, les banques peuvent en venir à la conclusion qu'elles ne veulent plus faire partie de ce marché. Nous assistons à ce phénomène aux États-Unis, où les banques adoptent et abandonnent régulièrement le crédit-bail. Elles se présenteront sur le marché lorsque les affaires seront bonnes et viseront certains véhicules sur le marché, comme l'Explorer, l'Expedition ou la Cadillac, et ne s'intéresseront pas à des secteurs plus marginaux. Ils ne viseront que ces secteurs clés, et offriront de bonnes mensualités. Cependant, lorsqu'il y aura déclin du marché, elles constateront qu'elles ont surévalué la valeur résiduelle.
Contrairement à l'octroi de prêt, le crédit-bail est un domaine où on doit absorber non seulement le risque lié à l'octroi de crédit, mais aussi un risque spécifique initial. Si, à l'expiration du bail, vous êtes une banque qui n'est pas intéressée à vendre le nouveau véhicule, vous chercherez à éviter le risque initial. Si vous calculez mal la valeur résiduelle et vous vous retrouvez avec un véhicule à l'égard duquel vous avez promis au consommateur qu'il vaudrait 12 000 $ et vous constatez qu'il ne vaut que 10 000 $, vous vous retrouverez, à la fin d'un bail de deux ou trois ans, avec un retard de 2 000 $, et vous devrez en assumer le coût lorsque vous tenterez de vendre le véhicule sur le marché secondaire.
M. Scott Brison: Donc, la banque devra faire face à ce risque.
M. Michael Sheridan: La banque devra faire face à ce risque additionnel.
M. Scott Brison: Votre inquiétude au sujet des banques est vraiment touchante.
Voix: Oh, oh!
M. Michael Sheridan: De toute façon, les banques essaieront de minimiser le risque. Nous les voyons, dans les marchés américains, qui communiquent avec les consommateurs, deux ou trois mois avant la fin du bail, pour les inciter, non à retourner le véhicule, mais à en faire l'achat. Elles utiliseront des méthodes de télémarketing et diront au consommateur: «Y a-t-il des éraflures sur l'auto? Quelle est l'usure de cette auto? Savez-vous qu'il y aura des frais additionnels si vous rapportez le véhicule?»
Le consommateur est alors convaincu qu'il vaut mieux ne pas retourner la voiture et en faire plutôt l'achat, en empruntant à la banque. Cela est une préoccupation majeure du concessionnaire, parce que le consommateur ne lui remet pas la voiture. À la fin, le consommateur ne fait plus partie de la clientèle de location.
Cela fait du tort à la location, parce que les consommateurs n'ont pas eu une bonne expérience. Les banques suppriment l'industrie de la location de véhicules, mais la location est nécessaire pour garder l'industrie vivante.
M. Gérald Drolet: Je peux ajouter quelque chose sur ce sujet, monsieur Brisson.
En 1997 et en 1998, au Québec, les Caisses populaires étaient si puissantes que tous les concessionnaires établissaient avec elles leurs contrats de location. Et bien sûr, à cause de la valeur résiduelle, elles se sont trouvées dans l'embarras. Elles ne participent presque plus à ce marché. Elles ne sont plus concurrentielles. Comme nous l'avons dit déjà, les Caisses vont à droite et à gauche, dépendant du côté où se trouve l'argent.
M. Scott Brison: Je comprends votre position au sujet des avantages concurrentiels, et vous avouerez avec moi qu'une grande partie de votre discours et de vos arguments sont fondés sur cela.
M. Michael Sheridan: Ce que nous disons, c'est que ce qui ressort de leur habilité à dominer le marché est leur avantage concurrentiel et leur utilisation de la doctrine «trop puissant pour échouer», ce qui recouvre bien la réalité des banques au Canada.
M. Scott Brison: Vous avez eu connaissance des recommandations du groupe de travail MacKay qui s'occupe des nouvelles banques?
M. Michael Sheridan: Oui.
M. Scott Brison: En fait, toute personne possédant un capital de 10 millions de dollars peut ouvrir une nouvelle banque. J'ai en tête plusieurs occasions. Par exemple, un concessionnaire ou un groupe de concessionnaires ou même les constructeurs d'automobiles pourraient ouvrir une nouvelle banque et contrôler le système de paiement. Les cartes de débit, les comptes-chèques, l'ensemble du système.
Que représente la capitalisation de la société de financement de General Motors, la GMAC, aujourd'hui? Quel est son ordre de grandeur?
M. Peter R. Andrew (directeur des délibérations, General Motors Acceptance Corporation of Canada Limited): Je ne crois pas pouvoir répondre au sujet de la capitalisation de GMAC, mais j'aimerais répondre à votre question, à savoir: pourquoi ne deviendrions-nous pas une banque?
• 1305
Il faut revoir quels sont nos mobiles, du point de vue de ce
que nous sommes vraiment. Nous faisons partie du réseau des
constructeurs et des concessionnaires automobiles. Notre but n'est
pas de devenir une banque. Notre but est de servir l'industrie dans
laquelle nous oeuvrons.
L'accès au système de paiement—un commentaire du groupe de travail MacKay—accapare peu notre attention, puisque au Canada ce sont les banques qui possèdent et contrôlent le système de paiement. Ce serait merveilleux d'avoir accès au système de paiement canadien, mais ce serait à quel coût, et qui établirait ces coûts?
M. Scott Brison: Laissez-moi vous poser une question. Il est fort probable que certains éléments du rapport du groupe de travail MacKay seront mis en place, et que d'autres ne le seront pas, mais si, par exemple, nous soutenons l'ouverture du système de paiement et que nous ne soutenons pas l'arrivée des banques dans le marché de la location, cela veut dire que n'importe quel concessionnaire qui a réussi ou n'importe quel groupe de concessionnaires ou encore de constructeurs d'automobiles pourrait participer au système de paiement. Vous le niez maintenant, mais vous pourriez en arriver là.
M. Gérald Drolet: En tant que consommateur, que diriez-vous si la CABA devenait une banque? Cela prendrait environ dix ans seulement pour montrer aux consommateurs de quoi nous sommes capables. Les banques existent depuis des années. Nous les connaissons et vous les connaissez. Feriez-vous affaire, demain, avec ma banque plutôt qu'avec la Banque Royale?
M. Scott Brison: Cela dépend. C'est possible. En fait, j'ai choisi comme courtier un petit entrepreneur local plutôt qu'une des cinq grandes entreprises, qui sont propriétés des banques, et j'ai préféré faire affaire avec quelqu'un qui ne représentait pas une banque. Alors c'est difficile pour moi de vous répondre.
M. Gérald Drolet: Mais elles possèdent des milliards de dollars, et vous dites aujourd'hui qu'avec 10 millions de dollars vous pourriez ouvrir une banque. La compétition est toujours injuste.
M. Scott Brison: Selon une recommandation du groupe de travail MacKay, nous devrions nous pencher plus sérieusement sur les ventes liées et sur les ventes réciproques, et regarder non seulement ce que font les banques, mais ce que font tous les intervenants du secteur des services financiers.
Les ventes liées ou les ventes réciproques ne permettent-elles pas à votre client qui a loué une automobile d'obtenir, au moment de l'achat, des taux encore plus bas que les taux préférentiels? Ne pourrait-on discuter du fait que les ventes réciproques sont importantes et que cette méthode est analogue à ce que font les banques, raison pour laquelle elles sont régulièrement mises au pilori?
M. Michael Sheridan: Vous dites que nos taux sont subventionnés; ce qui se passe, en fait, c'est que parfois nous nous trouvons malheureusement en possession d'un stock trop considérable pour un concessionnaire particulier et pour une longue période, et cela est dû à la concurrencialité du marché, et nous devons alors réduire le prix de ces véhicules et c'est comme ça que cela s'appelle. Nous réduisons les prix.
Nous pouvons baisser les prix de plusieurs manières. Nous pouvons faire des remises en comptant, offrir du financement à court terme ou réduire les taux. En fait, cette flexibilité des prix est inhérente à un marché compétitif.
M. Huw Williams: Il demeure que les concessionnaires offrent au consommateur plusieurs produits financiers différents. Le concessionnaire propose, vous pouvez faire affaire avec la Banque Scotia, Ford Credit, ou choisir le plan de location du concessionnaire.
M. Gérald Drolet: Le consommateur choisit ce qui lui revient le moins cher.
M. Huw Williams: Oui, et la beauté du système fait que si Gerry est en concurrence avec un autre concessionnaire Chrysler, et qu'il offre au consommateur l'option la plus coûteuse... la plupart des personnes achètent une automobile après avoir magasiné ailleurs. Si on n'offre pas au consommateur le meilleur choix au chapitre du financement, on perdra ce consommateur.
M. Scott Brison: Si les banques pénètrent ce marché et qu'elles ne font pas de bonnes affaires, n'en assumeront-elles pas les coûts?
M. Gérald Drolet: Vous devrez payer.
M. Scott Brison: Comment cela?
M. Gérald Drolet: Si les banques perdent de l'argent, elles devront en trouver ailleurs, et le consommateur devra assumer les coûts, point à la ligne. Vous savez que les banques ne perdent jamais d'argent.
M. Scott Brison: Pensez-vous que les banques vont investir ce marché si elles n'ont pas bien pensé à leur affaire?
M. Gérald Drolet: Eh bien, elles ont déjà les comptes d'entreprises canadiennes, et cela représente une fortune si jamais elles s'intéressent à la location. Et c'est ce qu'elles examinent présentement.
M. Scott Brison: Évidemment.
M. Michael Sheridan: Si nous regardons du côté des expériences américaines, voyons-nous des banques dans le commerce de la location? Elles s'y sont intéressées en 1996, 1997, et 1998, mais si le marché recule, elles se retireront. Elles devraient alors, nous l'espérons, placer leur argent dans une autre industrie, plus active à ce moment-là. Comme nous l'avons déjà souligné, nous avons à coeur de garantir que l'industrie automobile réussira.
M. Scott Brison: Que se passerait-il si vous aviez un accès inconditionnel au système de paiement et que vous ouvriez la Banque de Drolet?
M. Gérald Drolet: Il faudrait d'abord que je vous emprunte de l'argent.
Voix: Oh, oh!
M. Scott Brison: Vous pourriez vendre des assurances, vous pourriez offrir des services bancaires, vous pourriez accepter des dépôts, et vous pourriez avoir un avantage concurrentiel. Vous pourriez faire beaucoup d'argent de cette façon. Vous auriez accès à du capital à faible taux.
M. Gérald Drolet: Mais la tendance de l'économie au Canada, de nos jours, est favorable aux petites entreprises. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées.
M. Scott Brison: Oui, mais il y a de gros chiens de l'autre côté de la frontière.
M. Gérald Drolet: Je sais, et ils essaient même de mordre, mais je ne pense pas que cela nous concerne pour l'instant.
Vous voyez, ce n'est pas tout à fait cela que je veux faire. Je suis un expert dans le domaine de la vente et de la location d'automobiles, et c'est ce qui me préoccupe. C'est à cela que je consacre toute mon énergie, et c'est tout.
M. Huw Williams: Et si je vous mettais au défi, juste pour rire, de demander à dix de vos électeurs s'ils préféreraient ouvrir un compte à la Banque Chevrolet ou à la Banque Drolet. Je connais bien Gerry, et je ne ferais pas affaire avec sa banque.
Voix: Oh, oh!
M. Gérald Drolet: J'espère qu'ils me feront confiance plus que vous.
Voix: Oh, oh!
M. Mark Nantais: Cela soulève une question qui a une incidence à plus long terme. En effet, les compagnies affiliées et les concessionnaires font affaires avec le consommateur pour toute la durée du contrat de location, en lui donnant un service après vente et du soutien, ce que ne font pas les banques. Elles sont présentes au début de la location, et c'est tout.
Si l'objectif à long terme est de supprimer la compétition qui existe déjà et d'empêcher les concessionnaires locaux de fournir des services au consommateur, il arrivera quelque chose, et tout se rapporte à la satisfaction du consommateur, à laquelle Michael a déjà fait allusion. Si vous ne pensez pas à ce scénario à long terme, il est évident que vous en arriverez à une situation dans laquelle le consommateur sera très, très mécontent. Les concessionnaires locaux, s'il en reste, ne voudront plus fournir ces services. Vous devez bien y réfléchir: la situation que provoquera, à long terme, l'arrivée des banques dans ce marché.
De plus, en tant que constructeur d'automobiles ou en tant que compagnie affiliée, nous essayons d'en finir avec ce cycle de hauts et de bas. En d'autres termes, nous essayons d'uniformiser les hauts et les bas de façon à ce que le consommateur ait accès aux mêmes produits et au même financement d'un bout à l'autre du cycle. Je ne crois pas que les banques aient les mêmes objectifs.
M. Scott Brison: Non, mais vous pourriez quand même posséder une banque.
M. Mark Nantais: Pourquoi devrions-nous posséder une banque?
M. Scott Brison: Je crois que l'idée commence à plaire à M. Drolet.
Voix: Oh, oh!
M. Huw Williams: C'est une idée très séduisante. Le rapport MacKay fait état de choses très intéressantes au sujet des ventes liées et de la protection du consommateur. On ne peut pas rejeter ce rapport en bloc, soyons clair là-dessus.
Ce qui serait injuste par rapport aux petites entreprises, cependant—si vous organisiez une table ronde de nos concessionnaires, vous pourriez en entendre parler... il faudrait voir s'il vous est possible de mettre en place une réelle protection contre les ventes liées et les ventes réciproques et une réelle protection du consommateur, à long terme, avant de jeter en pâture et les petites entreprises et les consommateurs.
Il est difficile d'imaginer que vous pourrez faire tout cela en même temps et que les concessionnaires d'automobiles deviendront banquiers.
Le président: Monsieur Williams, je vous remercie.
La dernière question est réservée à M. Epp.
M. Ken Epp: J'ai aussi quelques questions à poser au sujet des contrats de location d'automobiles.
Vous dites que vous n'êtes pas intéressé à voir les banques pénétrer le marché de la location d'automobiles, parce qu'elles seront concurrentielles. De toute évidence elles ne seront concurrentielles qu'au point de vue du financement de la location; à ma connaissance, elles ne pourront entrer en compétition avec vous au niveau de la vente ou des produits. Les banques ne se mettront pas à acheter des concessions et à s'occuper des contrats de location d'un concessionnaire qui est déjà propriété de la banque.
Vous êtes déjà en compétition avec la banque. Par exemple, je n'ai jamais entendu parler d'une société de financement de la compagnie Ford, mais je suis sûr que cela existe, n'est-ce pas? Et tout le monde connaît GMAC, nous connaissons tous quelqu'un qui leur doit de l'argent.
M. Michael Sheridan: Eh bien, il m'est agréable d'apprendre que vous connaissez des propriétaires de Ford.
M. Ken Epp: Je suis moi-même client de Ford, mais ce n'était pas ce que je voulais dire.
Voix: Oh, oh!
M. Ken Epp: Ce qu'il faut savoir, c'est si vous vous opposez à ce que les banques, plutôt que vous-mêmes, financent l'achat des véhicules automobiles.
M. Michael Sheridan: Vous touchez à un sujet très important. Il s'agit de la distinction entre la location et le crédit.
Lorsque vous achetez un véhicule automobile et que vous allez à votre succursale bancaire pour obtenir le financement nécessaire, vous devenez propriétaire du véhicule. Les banques ne sont pas dans ce commerce. Elles ne s'occupent pas de l'industrie automobile. Tout ce qu'elles font, c'est assumer le risque bancaire à l'achat du véhicule. C'est au chapitre du financement que les banques nous font concurrence, à cause de leur avantage concurrentiel, puisqu'elles s'occupent de financement. Nous ne faisons pas vraiment partie du domaine des finances. Les consommateurs qui viennent à nous pour le financement sont ceux que les banques ont refusés. Pourquoi? Parce que les banques ont un avantage concurrentiel.
• 1315
D'autre part, le contrat de location n'est pas un contrat de
crédit. Si une banque s'occupe de contrats de location, cela veut
dire qu'elle achète ce véhicule et le revend, deux ou trois ans
plus tard, à l'échéance du contrat. Cela veut dire que la banque
achète et vend des véhicules. Elles prennent aussi un risque
additionnel, le risque résiduel, qui n'est pas du ressort des
banques.
En plus, elles ont un avantage concurrentiel qui leur permet d'investir un marché comme la location automobile et de supplanter les sociétés de financement connexes, non parce qu'elles sont meilleures, mais à cause de l'avantage concurrentiel qui leur a été concédé dans les lois. Tout ceci fera qu'à la fin il y aura moins de compétiteurs dans ce commerce, et quand il y a moins de compétiteurs, les prix ont tendance à monter à long terme, et c'est le consommateur qui en pâtira.
M. Ken Epp: D'accord, mais c'est exactement ce qui se passe dans le cas de l'achat. Nous avons, d'une part, le concessionnaire qui offre un service, livre un véhicule et supposément en assure l'entretien, etc., et il a à coeur que vous aimiez votre véhicule de façon à ce qu'il puisse vous en vendre un autre; et d'autre part, il y a la question du financement de ce véhicule. On peut soit louer le véhicule, soit l'acheter. Je veux en venir au fait que je ne comprends pas votre objection à ce qu'elles participent à la location, parce qu'elles ne s'occuperont pas du côté financier en bout de ligne...
M. Huw Williams: Pourrais-je ajouter quelque chose?
Les contrats de location stipulent clairement que la banque devient propriétaire du véhicule. Dans le cadre du rapport MacKay, elles ne peuvent pas assurer la location d'un véhicule sans en devenir propriétaire. Si elles sont propriétaires, elles doivent acheter directement au concessionnaire. À la fin du contrat de location, le consommateur redonne les clés à la banque et c'est tout, et la banque est maintenant dans le commerce des autos usagées parce que, dans le cadre du rapport MacKay, si elles louent un millier d'automobiles, elles ont à en vendre un millier à la fin des contrats.
Les banques font donc commerce d'automobiles d'une façon ou d'une autre. Comment vont-elles s'en sortir, cela est une question ouverte.
Ce qui est difficile, pour les concessionnaires, c'est que nous sommes bien contents d'avoir une source de financement, dans le cadre du plan de location à valeur ajoutée de la banque Scotia, que cette banque offre présentement, dans lequel elles ne deviennent pas propriétaires du véhicule mais offrent le financement du contrat de location. C'est un bon terrain d'entente. Elles ne sont pas dans le commerce des automobiles, ni dans le commerce des automobiles usagées.
Les problèmes surviennent au moment où les banques deviennent une sorte de direction régionale et qu'elles décident de la provenance des automobiles, tout en prêtant de l'argent aux concessionnaires de la communauté. À Wetaskiwin, par exemple, la position du concessionnaire est très difficile quand il lui faut emprunter de l'argent à une succursale bancaire avec laquelle il est en compétition au chapitre des contrats de location.
Traditionnellement, la Loi sur les banques empêchait celles-ci de faire commerce de biens; cet état de chose est remis en question par le principe qui permettrait aux banques d'établir directement des contrats de location, et même si on ne veut pas qu'elles vendent des biens, c'est exactement ce qui se passe. Elles font le commerce d'automobiles par l'entremise de contrats de location.
M. Ken Epp: Ne présumez pas, à partir de mes questions, de quel côté de la barrière je me trouve.
M. Huw Williams: Non, non. J'adore vos questions.
M. Ken Epp: Je veux que vous vous défendiez de façon à ce que, quand je participerai au débat, je pourrai aussi faire part de vos opinions.
M. Huw Williams: Oui, c'est évident.
M. Ken Epp: Passons à une autre question. Si les banques deviennent propriétaires d'un millier d'automobiles dont le contrat de location est échu, et qu'elles doivent s'en débarrasser, il faut que cela soit profitable aux consommateurs, parce qu'il y aura bientôt sur le marché un très grand nombre de bonnes automobiles usagées de trois ans, et c'est ce que j'achète chaque fois.
M. Gérald Drolet: Alors, monsieur Epp, il y aura beaucoup de vendeurs d'autos usagées autour des banques, parce que les banques devront vendre ces autos usagées. Comment vont-elles les vendre? À l'encan? Dans les petites annonces? Si elles utilisent les petites annonces pour vendre des automobiles usagées, elles entrent en compétition avec les petites entreprises. Et c'est cela qui est injuste.
M. Ken Epp: D'accord.
M. Huw Williams: Le piège, c'est qu'il ne faut pas oublier que le consommateur, dans ce scénario, est touché par les deux aspects de la question. Je suis moi-même propriétaire d'un véhicule qui a déjà trois ans, et bientôt...
M. Gérald Drolet: Il serait temps d'en changer.
Voix: Oh, oh!
M. Huw Williams: Il y a un piège des deux côtés de la question. Si le marché des automobiles usagées dépérit parce que les banques décident de mettre sur le marché, à un certain moment donné, des automobiles—et comme le rapport MacKay le démontre, l'expérience américaine fait plutôt penser à des montagnes russes—alors, j'essaie de vendre mes automobiles et tout d'un coup les banques inondent le marché.
Il est important de se demander si nous voulons vraiment que notre pays permette à la Banque Royale de placer des annonces dans les journaux pour vendre un millier d'automobiles ou d'exploiter un parc automobile derrière ses succursales. La question est de savoir quelle est la place des banques dans notre société. Elles prêtent de l'argent; les concessionnaires vendent des autos. Les banques ont leur juste part du gâteau.
M. Michael Sheridan: Si la vente de véhicules usagés fait perdre de l'argent aux banques, elles mettront tout en oeuvre pour s'assurer que le consommateur ne lui retournera pas le véhicule, et elles l'encourageront plutôt à l'acheter et à demander un financement à la banque. C'est un avantage additionnel pour la banque, que n'ont pas les concessionnaires, parce que ceux-ci préfèrent que les personnes achètent un nouveau véhicule et ils reprendront l'ancien pour le revendre en tant que véhicule usagé.
M. Ken Epp: Malheureusement, je crois que tout le monde connaît aussi des histoires d'horreur sur les contrats de location des concessionnaires.
J'ai une dernière question concernant le marché. Je m'adresse particulièrement aux gens des bureaux, ici présents.
• 1320
Vous avez parlé de la possibilité de perdre annuellement
environ 400 000 véhicules fabriqués. Vous êtes dans le commerce de
la construction et de la vente de véhicules. En d'autres termes,
vous fabriquez des automobiles et vous essayez de les mettre en
marché et d'encourager les consommateurs et à les utiliser.
Si les banques s'en mêlent et qu'elles sont capables d'offrir des contrats de location concurrentiels, qui permettront à plus de gens d'acheter des véhicules neufs plutôt que des véhicules usagés, cela devrait être favorable à votre commerce et je suis vraiment surpris d'entendre que vous vous y opposez. Vous devriez plutôt dire: «Hourra! Les banques vont nous aider à vendre des véhicules.»
M. Michael Sheridan: Nous pourrions crier hourra si nous pensions que c'était vrai. Mais voici le problème. Nous pensons que peut-être il y aurait un bénéfice à court terme, mais quand six grandes banques—ou peut-être, dans l'avenir, quatre grandes banques—sont en compétition et qu'elles ont un pouvoir sur le marché, elles acculeront à la fermeture les sociétés de crédit, et il ne restera plus que quatre grandes banques offrant quatre produits de location.
Plus la concentration augmentera et plus la compétition diminuera dans le secteur des services financiers, plus les prix monteront. Les contrats de location, qui nous ont permis d'accroître nos ventes sur le marché, en souffriront.
Alors, si nous pouvions croire à ce que vous venez de dire, nous aurions demandé aux banques de s'intéresser à la location et nous les y aurions encouragées. En fait, nous ne croyons pas qu'à long terme cela servira les intérêts du consommateur. Et nous ne pouvons pas construire des automobiles et des petits camions et les vendre, si ce n'est pas dans l'intérêt du consommateur.
M. Ken Epp: Dites-moi, monsieur Drolet, est-il plus payant de louer une automobile ou de la vendre?
M. Gérald Drolet: Nous obtenons exactement le même profit, monsieur.
M. Ken Epp: Ah, vraiment?
M. Gérald Drolet: Oui.
Nous avions fait la promesse, l'an passé, de ne pas garder nos contrats secrets. Si vous venez dans mon commerce et que vous achetez une automobile, ce sera 35 000 $, parce que je crois que vous pouvez vous payer une automobile de ce prix. Si vous préférez la louer, ce sera aussi 35 000 $. C'est écrit sur le contrat. Ce n'est pas de la frime.
M. Huw Williams: Ce n'est pas le cas dans les marchés américains. Ils n'ont pas à divulguer la teneur de leurs contrats dans la même mesure qu'au Canada. Et c'est ce qu'il y a à la base: la volonté de donner au consommateur une information claire...
M. Gérald Drolet: Nous en avons fait la promesse.
M. Huw Williams: Une promesse, oui, que nous prenons au sérieux. Jeudi dernier, dans le Globe and Mail—je vous ferai parvenir l'article en question—il y avait un article sur la communication de la teneur des contrats, et ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont donné nos numéros de téléphone et qu'ils ont demandé aux Canadiens de tous les coins du pays de téléphoner pour demander le livret d'information sur le contrat. Nous, nous sommes contents quand le téléphone sonne. Nous avons reçu des milliers d'appels en une seule matinée et nous avons envoyé des livrets partout à travers le pays pour renseigner les consommateurs.
Ça n'est pas perdu pour nous. Nous devons faire plus et continuer à faire plus.
M. Ken Epp: Pour finir, je dirai que je possède un véhicule de marque Suburban de 1982, qui a seize ans et 350 000 kilomètres, et c'est le véhicule que j'utilise le plus. J'ai aussi une automobile de marque Ford, que mon épouse utilise la plupart du temps. Celle-ci a sept ans.
M. Huw Williams: Je dirai au concessionnaire GM le plus près de chez vous...
M. Ken Epp: Je l'ai acheté usagé.
Le président: Nous ne l'oublierons pas quand nous débattrons de cette question.
Voix: Oh, oh!
M. Ken Epp: Je ne veux pas que ces personnes pensent que nous sommes de riches parlementaires.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Ce fut un débat très intéressant. Comme toujours, vous contribuez d'excellente façon au débat sur la politique publique de ce comité. Je sais que je peux parler au nom de tout le comité lorsque j'exprime ma sincère gratitude pour votre intervention.
Témoins: Merci.
Le président: La séance est levée.