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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 17 octobre 1997

• 1510

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.

La première personne que nous entendrons est M. Michael Percy, du Alberta Economic Growth Summit.

J'aimerais simplement vous donner un aperçu de la façon dont nous allons procéder cet après-midi. En règle générale, nous accordons environ cinq minutes aux témoins pour qu'ils nous donnent les points saillants de leur exposé. Nous passons ensuite à une période de questions et réponses avec les membres du comité.

Bienvenue, monsieur Percy.

M. Michael Percy (vice-président, Alberta Economic Growth Summit): Merci, monsieur le président. Je cumule en fait deux fonctions. Je suis doyen de la Faculté d'administration de l'Université de l'Alberta et je suis vice-président du Alberta Economic Growth Summit.

Je m'en tiendrai essentiellement aux remarques que j'ai présentées par écrit.

J'aimerais remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de faire ces commentaires au sujet du prochain budget et de la politique budgétaire du gouvernement du Canada.

Mes remarques découlent de l'expérience vécue par l'Alberta à l'aube de l'ère «après-déficit» et de mon expérience comme porte-parole libéral en matière de finances à l'Assemblée législative de cette province.

J'aimerais attirer votre attention sur quatre points.

Le premier—et je vais comparer l'expérience albertaine avec l'expérience fédérale, parce que je crois que les conclusions qu'on peut tirer de cette comparaison peuvent être utiles—, c'est que le gouvernement de l'Alberta a maintenant atteint un équilibre budgétaire et qu'il se retrouve avec des excédents structurels. Pour parvenir à cet équilibre, il a fallu réduire les dépenses mais également élaborer des plans d'activités et établir des liens entre les dépenses et les résultats obtenus. Cela avait pour but d'inscrire dans les dépenses prévues toutes les dépenses supplémentaires qui pourraient survenir au lieu de les considérer comme des augmentations générales. Cette façon de procéder incite les citoyens à établir un lien entre le coût des impôts et la valeur des résultats obtenus par le gouvernement.

Il n'est pas évident que le gouvernement fédéral a réussi aussi bien que l'Alberta à définir les résultats qu'il espère retirer de ses dépenses, et cette situation est peut-être attribuable au fait qu'une très grande proportion des dépenses fédérales sont des transferts. L'État a donc plus de difficultés à établir les résultats ou il est moins en mesure de le faire.

Le sommet sur la croissance qui vient d'avoir lieu en Alberta démontre à quel point on s'attache dorénavant aux résultats et aux politiques dont ceux-ci sont tributaires. À cette occasion, on a demandé aux Albertains de décrire les mesures et politiques des secteurs public et privé qui assureraient une croissance durable et équilibrée jusqu'en 2005. Cette démarche a obligé les Albertains à décrire une province où il ferait bon habiter en l'an 2005. Une fois déterminé le but à atteindre, il est plus facile de discuter des moyens d'action pour y parvenir. Le sommet a donc donné des idées au gouvernement sur la façon de répartir les excédents entre le remboursement de la dette, les dépenses et les réductions d'impôt.

Pour en arriver à ce consensus, il a fallu organiser une série de mini-sommets, des audiences publiques et des rencontres entre les délégués tout au cours de l'été et jusqu'à la fin septembre.

À la veille de l'«après-déficit», la situation financière du gouvernement du Canada diffère de celle de l'Alberta. Cette province avait alors des frais de service de la dette d'environ 8c. par dollar et un rapport dette-PIB parmi les moins élevés des provinces; en outre, elle avait mis en place un mécanisme de planification opérationnelle axé sur le rendement. Pour sa part, le gouvernement fédéral consacre environ 30c. de chaque dollar au service de la dette, le rapport dette-PIB est parmi les plus élevés des économies industrialisées, ce qui est aussi le cas pour la dette extérieure.

Compte tenu de ces facteurs, la situation budgétaire du fédéral est extrêmement vulnérable aux remontées et aux fluctuations des taux d'intérêt et exige vraiment que toutes les politiques soient élaborées en fonction du cycle économique complet et non pas uniquement en fonction de la phase d'expansion que traverse l'économie ces dernières années.

Je soutiens que le cycle économique n'est pas terminé. Nous connaîtrons l'envers de la médaille à un moment donné. D'ici deux ans probablement, l'expansion économique ralentira et l'économie stagnera alors que les dépenses fédérales augmenteront et que les recettes fiscales diminueront.

Compte tenu de la situation d'endettement du Canada, de l'importance de la dette extérieure et du rapport dette-PIB, la politique budgétaire devrait à court terme être axée sur le remboursement de la dette pour permettre à moyen terme de consacrer plus d'argent aux dépenses de programmes par exemple. À court terme, toutefois, il faut profiter de l'expansion que connaît l'économie et des excédents engendrés pour s'attaquer à la dette parce que, dans deux ou trois ans, nous ne pourrons peut-être plus nous le permettre.

Pour conclure, avant que mes cinq minutes ne soient écoulées, je dirai que le gouvernement fédéral devrait à court terme s'attaquer fermement au remboursement de la dette pour réduire à moyen terme les frais du service de la dette, parce que ce type de politique serait durable. À mon avis, c'est ce que la population recherche d'un gouvernement: des politiques qui offrent une certaine stabilité dans un climat économique par ailleurs très instable.

• 1515

Je m'arrêterai ici.

Le président: Merci beaucoup. Votre exposé était très succinct et bien préparé.

Nous passerons maintenant à Mme Pam Barrett. Bienvenue.

Mme Pam Barrett (chef, Nouveau Parti démocratique, Assemblée législative de l'Alberta): Merci.

Michael et moi ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Évidemment, comme nous appartenons à des partis politiques différents, cela ne surprendra personne autour de cette table.

Je parle à titre de chef des néo-démocrates albertains. Pendant la crise de l'endettement, nous avions demandé au gouvernement de ne pas aller trop loin, surtout avec les programmes touchant directement la population. Au cours de cette même période- -qui a débuté il y a trois ans et demi et qui a pris fin il y a un an—, les paiements de transfert aux provinces ont été réduits de quelque 7 milliards de dollars. Ces réductions touchaient principalement les programmes sociaux: la santé, l'éducation, l'enseignement postsecondaire et les services sociaux. Nous avons perdu deux programmes distincts, à savoir le Financement des programmes établis et le Régime d'assistance publique du Canada.

Cette approche a permis aux gouvernements provinciaux désireux de le faire de jouer avec ces chiffres, de les gonfler dans la mesure voulue—en politique, il est utile de répéter même si cela ne devrait pas être le cas—et de s'en servir pour convaincre la population qu'il est légitime de réduire de moitié le nombre de lits d'hôpital à Edmonton et à Calgary et qu'il est bon d'avoir le rapport élèves-enseignant le plus élevé au pays. L'Alberta est littéralement assise sur un énorme baril de pétrole. Cette province n'est pas pauvre, contrairement à ce que le gouvernement répète à la population depuis quatre ans.

Je vous suggère donc de tenter de faire modifier la loi qui régit le RPC. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'augmenter les cotisations au point de miner l'appui de la population envers le régime de pensions national parce qu'elle craint qu'un tel programme ne coûte trop cher, surtout quand nous savons que les Canadiens dont le revenu se situe entre 35 000 $ et 55 000 $ ne contribuent pas au RPC et n'en bénéficieront pas non plus. C'est curieux. Il faut donc modifier cette loi, et c'est dans cet esprit qu'il faut envisager un budget fédéral.

La phobie de l'inflation a régné pendant 25 ans et a été suivie par une phobie de la dette pendant sept autres années. Nous nous retrouvons maintenant avec un problème de chômage endémique qui perdurera tant que le budget fédéral ne sera pas axé sur la création d'emplois et sur le retour des services publics auxquels la population a tant contribué pendant si longtemps.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous donnons maintenant la parole à Mme Heather Smith, de l'UNA, le United Nurses of Alberta.

Mme Heather Smith (présidente, United Nurses of Alberta): J'aimerais remercier le président et les membres du comité d'avoir permis à l'UNA de vous parler cet après-midi. Je représente un syndicat qui défend les intérêts de 16 000 infirmières et infirmières psychiatriques de l'Alberta.

J'ai entendu M. Percy parler du sommet qui a eu lieu récemment en Alberta et auquel j'ai participé en tant que présidente de l'UNA et c'est à ce titre que je comparais cet après-midi. Mes commentaires sur le budget fédéral ne s'appliquent pas exclusivement à l'exercice 1998-1999, mais portent également sur l'orientation que devrait adopter le gouvernement fédéral au-delà de la prochaine année financière.

Les Albertains ont établi des priorités très claires en matière de budget pour leur province. Je ne crois pas que les besoins et désirs des Albertains diffèrent énormément des désirs, besoins, espoirs et aspirations de leurs compatriotes canadiens. Le sommet qui s'est tenu en Alberta visait d'abord et avant tout à préciser les besoins des habitants de cette province. Il a permis de faire ressortir leur souhait, à savoir investir dans ces besoins: la population, les soins de santé et l'éducation.

Comme l'a indiqué Mike Percy, non seulement cette province atteint un équilibre budgétaire depuis trois ans, mais elle a également généré des excédents tout au long de cette période. Les Albertains n'ont pas entériné, et n'appuient toujours pas, les réductions d'impôt. C'est ce même message que je transmets au comité aujourd'hui. Toutes les initiatives, priorités et activités de planification relatives au budget devraient s'attacher à réinvestir dans la population de l'Alberta et du Canada et à renforcer la société canadienne.

• 1520

Comme nous l'avons dit à ce comité l'an dernier, nous appuyons l'élargissement de la Loi canadienne sur la santé et nous accueillons avec plaisir les déclarations qui ont été faites concernant les programmes nationaux de soins à domicile et d'assurance-médicaments. Nous incitons le gouvernement fédéral à mettre de côté des ressources supplémentaires durant l'exercice en cours pour faciliter la mise en oeuvre de ces initiatives.

Comprenez-moi bien. Nous ne suggérons pas que les ressources actuellement consacrées aux soins de santé soient réparties autrement, car cela aurait pour effet de diminuer le financement des programmes de santé. Nous voulons que des ressources supplémentaires soient affectées aux soins de santé pour que ces nouveaux et importants programmes se concrétisent.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que les activités exercées par l'entreprise privée dans le domaine des soins de santé en Alberta nous inquiètent de plus en plus. Nous croyons que la présence croissante du secteur privé au sein du régime albertain menace non seulement le système de santé canadien mais également les principes à la base même de l'unité nationale.

Cette menace est si grande et elle peut avoir de telles conséquences qu'elle justifie—je dirais même exige—la mise sur pied d'une commission royale d'enquête qui, comme la Commission Emmett Hall, serait chargée d'examiner la situation et de formuler des recommandations concernant le partage du financement entre les secteurs public et privé ainsi que la prestation des services et les partenariats dans le domaine des soins de santé. Nous reconnaissons que cela engendrerait des coûts supplémentaires pour le budget de 1998-1999.

L'an dernier, nous vous avons signalé la possibilité que des ententes commerciales internes interviennent pour contourner les exemptions prévues dans l'ALENA relativement aux soins de santé. Nous incitons votre comité à intervenir auprès du gouvernement pour qu'il n'entérine aucune entente commerciale interne qui pourrait compromettre ces exemptions en ce qui a trait aux soins de santé et aux autres programmes sociaux.

Cette année, nous signalons à votre comité les craintes que suscitent l'accord multilatéral sur les investissements ainsi que le forum de coopération économique Asie-Pacifique. Nous demandons au comité de rendre publics, lorsqu'il examinera et évaluera les priorités budgétaires, l'accord multilatéral au complet ainsi que ses répercussions sur les soins de santé.

Si je ne m'abuse, la version de l'accord qui a été publiée en mai dernier ne prévoyait aucune protection pour les soins de santé dans notre pays. Nous savons qu'une version a été rédigée en octobre, mais elle n'a pas été rendue publique. Nous craignons, surtout en Alberta où il n'existe pratiquement aucun règlement régissant les activités du secteur privé dans les soins de santé, de ne plus être en mesure de contrôler les activités futures des entreprises privées.

Nous ne voulons pas d'un système de soins de santé de type britannique à deux paliers pas plus que d'un système à trois paliers comme celui qui existe aux États-Unis et qui a fait exploser les coûts des soins de santé. Nous vous exhortons à faire clairement connaître les répercussions de l'accord commercial sur notre système de soins de santé et à prendre les mesures qui s'imposent pour protéger le bon rapport coût-efficacité du système et des programmes sociaux.

Vous nous avez demandé ce que nous pensions de la réduction du déficit et du rythme du processus. À notre avis, cet exercice s'est déroulé trop vite, surtout parce qu'il est venu s'ajouter aux réductions énormes que l'Alberta a imposées aux programmes sociaux. Tout au long du processus, nous avons dit craindre que cet exercice n'ébranle nos programmes sociaux et notre bien-être national.

C'est avec intérêt que nous avons lu les déclarations attribuées au ministre des Finances, M. Paul Martin, à savoir que les Canadiens peuvent s'attendre à des réductions d'impôt. Je vous encourage plutôt à privilégier un développement humain du Canada dans le budget 1998-1999 et ceux des prochaines années. Investissez dans les questions qui tiennent à coeur aux Albertains et à tous les Canadiens. Investissez dans notre population, dans notre éducation et dans nos soins de santé. C'est le seul moyen d'assurer véritablement l'avenir de notre pays.

Le président: Je vous remercie, Madame Smith.

Nous passons maintenant à Lorraine Way, la représentante de l'AARN, l'Alberta Association of Registered Nurses.

Mme Lorraine Way (présidente, Alberta Association of Registered Nurses): L'AARN est l'association professionnelle qui régit 23 000 infirmiers et infirmières de l'Alberta. Elle a pour mandat de veiller, dans l'intérêt public et pour le bien collectif, à la prestation en toute sécurité de soins infirmiers appropriés et conformes à un code d'éthique.

L'AARN ne défend pas les intérêts professionnels de ses membres. Ce rôle incombe plutôt aux différents syndicats d'infirmiers et d'infirmières de cette province.

Je suis heureuse que le Comité permanent des finances nous ait demandé notre avis sur le prochain budget fédéral. Je vais vous entretenir aujourd'hui de trois aspects de la question.

• 1525

Premièrement, je vous ferai part du point de vue de l'association sur les progrès réalisés jusqu'à maintenant par le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la réduction du déficit. Deuxièmement, je vous parlerai des nouveaux problèmes que suscite le budget fédéral de même que des soins de santé et des programmes sociaux. Troisièmement, il sera question des priorités qui devraient guider le gouvernement dans la préparation de son prochain budget.

Pour ce qui est du premier point, l'AARN appuie avec circonspection les progrès faits jusqu'à maintenant. Nous comprenons et appuyons l'engagement pris par le gouvernement en matière de responsabilité financière, mais nous estimons que les services sociaux et les soins de santé ne devraient pas être sacrifiés pour réduire le déficit.

Le Canada n'a pas perdu le contrôle des dépenses dans le domaine de la santé et il appert que le pourcentage de notre PIB consacré aux soins de santé et aux services sociaux est en baisse. Nous craignons fermement que les compressions budgétaires qu'ont subies ces deux postes aient été trop draconiennes et aient amenuisé la capacité du gouvernement fédéral à soutenir des systèmes qui sont la fierté des Canadiens et qui font l'envie d'autres pays.

De nombreux Canadiens et Albertains continuent de subir les contrecoups du chômage et d'un accès réduit aux soins de santé et aux programmes sociaux. Il est évident que la pauvreté et un accès insuffisant aux soins nécessaires nuisent à la santé. La perte de crédits fédéraux dans ces domaines ne fait pas que diminuer les ressources consacrées à ces programmes, elle affaiblit aussi la capacité du gouvernement fédéral à appliquer la Loi canadienne sur la santé, et plus particulièrement sa capacité à maintenir des normes nationales en matière d'accessibilité aux programmes.

Le financement de l'assurance-médicaments et d'un programme national de soins à domicile doit être assumé par le gouvernement fédéral et non pas par les provinces, car cela en ferait de nouveaux concurrents pour les fonds existants.

Pour ce qui est des problèmes liés aux soins de santé et aux programmes sociaux, l'association considère que la hausse insidieuse ou passive de la privatisation des services de santé constitue un problème important, surtout peut-être en Alberta.

Selon le Centre canadien d'information sur la santé, il y a deux décennies à peine, 25 p. 100 des dépenses consacrées aux soins de santé étaient effectuées par le secteur privé et 75 p. 100, par le secteur public. Aujourd'hui, on estime que ces chiffres sont passés à 35 p. 100 et à 65 p. 100, soit une augmentation d'environ 10 p. 100 pour le secteur privé au cours des 20 dernières années.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte une position ferme et réfléchie pour que cesse la privatisation des services de santé au Canada. Par «ferme», nous entendons une prise de position assortie de mesures directes qui prendrait la forme de sanctions financières à l'égard d'une province ou d'un territoire fautif.

L'association remarque que les gouvernements provinciaux et territoriaux exercent de fortes pressions pour avoir un plus grand contrôle sur les dépenses en matière de santé et de programmes sociaux. Nous recommandons au gouvernement fédéral de conserver ce contrôle. L'association estime que les principes d'universalité et d'accessibilité instaurés par la Loi canadienne sur la santé doivent être appliqués uniformément d'un bout à l'autre du pays.

En ce qui concerne les priorités du budget fédéral de 1998, nous recommandons que, dans un premier temps, le gouvernement fédéral réitère explicitement et avec vigueur son engagement à l'égard de la Loi canadienne sur la santé et des principes qu'elle sous-tend. Il devrait en outre renoncer à imposer de nouvelles compressions à l'égard des services sociaux et des soins de santé offerts aux Canadiens. Il devrait maintenir la somme de 12,5 milliards de dollars destinée aux droits en argent accordés dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Ce transfert revêt une importance particulière, étant donné que seul celui-ci, et non les points d'impôt, est assujetti aux cinq conditions d'octroi énumérées dans la Loi canadienne sur la santé.

Dans un deuxième temps, nous recommandons que les 12,5 milliards de dollars constituent un seuil et non un plafond, pour ce poste budgétaire. Ce budget devrait comporter un facteur de progression. Par exemple, un facteur de croissance fondé sur le PIB pourrait augmenter graduellement le montant destiné aux droits en argent du transfert.

Si le gouvernement fédéral décide de réviser la Loi canadienne sur la santé, nous lui recommandons fortement de tenter uniquement de la renforcer et d'étendre sa portée de façon que la promotion de la santé, les soins communautaires et la prévention des maladies et des blessures en deviennent des composantes essentielles.

Outre le versement des paiements de- transfert, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en matière de santé et de soins de santé. Il devrait entre autres appuyer la recherche, la promotion et la protection de la santé de même que la prestation de services dans son secteur de responsabilité.

Le gouvernement fédéral doit prendre les devants pour répondre aux besoins en matière de santé des groupes qui passent entre les mailles du filet dans diverses régions du pays et pour s'occuper des graves problèmes de santé mentale et de santé publique des Canadiens. La santé du Canada dépend de celle de ses habitants. Tous ces Canadiens, de l'avocat de Bay Street à la mère autochtone qui élève quatre enfants sur l'île de Baffin, méritent d'avoir accès à des soins de santé qui répondent à leurs besoins propres.

• 1530

Le gouvernement fédéral doit continuer à fixer des normes nationales en matière de soins de santé. Nous vous exhortons à réitérer votre engagement, sur les plans tant philosophique que financier, à l'égard de la Loi canadienne sur la santé et de la santé des Canadiens.

Le président: Je vous remercie beaucoup, Madame Way.

Nous entendrons maintenant Mme Pilar Martinez, présidente de la Library Association of Alberta.

Mme Pilar Martinez (présidente, Library Association of Alberta): Je vous remercie d'avoir invité mon association à participer aux consultations pré-budgétaires du Comité permanent des finances. L'association est un organisme cadre dont la tâche consiste à favoriser l'amélioration des services offerts par les bibliothèques de l'Alberta par l'entremise de l'action sociale, de l'éducation permanente et de la collaboration entre les bibliothèques.

La responsabilité financière revêt une très grande importance, mais nous croyons qu'il faut établir un équilibre entre les besoins fiscaux et les besoins de la population. Comme l'ont fait ressortir les retombées du sommet sur la croissance en Alberta, les gouvernements doivent tenir compte de l'aspect humain dans la réduction de leur déficit. Étant donné l'importance croissante de l'information, les bibliothèques occupent une place de plus en plus grande dans la vie des Canadiens.

Les bibliothèques appuient les initiatives canadiennes prises dans les secteurs économique, social, culturel et éducatif et comblent les besoins en information de tous les Canadiens. Les bibliothèques constituent un investissement dans un Canada plus alphabétisé, plus productif et plus compétitif sur la scène internationale. Les bibliothèques renforcent à bien des égards l'économie canadienne.

La valeur grandissante de l'information est reconnue partout dans le monde à mesure que nous progressons vers une économie fondée sur les connaissances. Les bibliothèques permettent au public le plus large possible, et ce à point nommé, d'avoir accès à l'information sous de nombreuses formes. Les bibliothèques fournissent une pléthore de services d'information rapidement et à un coût abordable. Elles contribuent aussi à l'économie locale en créant des emplois de même qu'en fournissant des biens, des services et des locaux.

Nous sommes également en faveur de l'alphabétisation. Les lacunes décelées à ce chapitre coûtent aux Canadiens plus de 10 milliards de dollars par année. Les bibliothèques préconisent l'amélioration des capacités de lecture et d'écriture des Canadiens, notamment des connaissances en informatique, en lecture élémentaire et en compréhension de textes.

Nous sommes également en faveur d'un apprentissage continu pour tous les Canadiens. Les gens ont besoin de l'information pertinente pour prendre des décisions éclairées et pour développer leurs talents professionnels et personnels.

Nous sommes en faveur d'une société démocratique. L'accès des citoyens à l'information est une composante essentielle du processus démocratique. Les bibliothèques publiques donnent cet accès aux Canadiens, quel que soit leur âge, leur revenu, leur classe, leur race ou leur sexe.

Les bibliothèques collaborent entre elles pour instruire les enfants et les étudiants. C'est en formant des étudiants érudits que le Canada deviendra compétitif sur le plan économique.

Les bibliothèques font également partie intégrante du processus qui permet à tous les Canadiens d'accéder à l'autoroute électronique. Cet avantage est surtout précieux pour les personnes qui n'ont pas accès à un ordinateur ou à Internet à la maison, à l'école ou au travail.

Les bibliothèques sont une composante essentielle du tissu culturel. Elles achètent des documents qui sont illustrés, conçus, préparés et vendus par des Canadiens, permettant ainsi à la culture canadienne de continuer à s'épanouir.

Bien que le gouvernement du Canada ne finance pas directement les bibliothèques, celles-ci profitent d'un certain nombre de programmes et services fédéraux. Ainsi, grâce aux tarifs postaux préférentiels dont bénéficient les livres de bibliothèque, ces dernières envoient des documents par la poste à un coût réduit. Le Programme de services aux dépositaires permet à certaines bibliothèques de fournir des renseignements administratifs au grand public. Différents programmes aident les bibliothèques et d'autres organisations et, par le fait même, tous les Canadiens, à avoir accès à l'autoroute électronique, et ce, à un coût abordable.

Nous avons été heureux d'apprendre dans le discours du Trône que le gouvernement s'engageait à mettre l'infrastructure de l'information et du savoir à la portée de tous les Canadiens d'ici l'an 2000. La Bibliothèque nationale du Canada, qui possède la collection de Canadiana la plus complète au monde, non seulement joue un rôle primordial pour faciliter le partage des ressources dans toutes les bibliothèques du Canada, mais elle participe à des initiatives technologiques novatrices. Les projets de numérisation visant à mettre sur pied un vaste éventail de ressources et d'instruments de recherche électroniques assureront une présence canadienne forte sur l'inforoute.

En outre, le site Web de la Bibliothèque nationale est devenu une passerelle importante pour avoir accès à l'information électronique sur le Canada. Ces initiatives serviront de modèle aux bibliothèques de l'ensemble du Canada.

Notre association aimerait remercier le gouvernement du Canada d'avoir appuyé ces programmes et vous exhorte à poursuivre vos efforts en ce sens.

• 1535

Les bibliothèques aimeraient également obtenir votre appui pour mieux connaître le C—32, la nouvelle Loi sur le droit d'auteur, afin que nous puissions aider nos clients.

Je vous remercie encore une fois d'avoir demandé nos commentaires.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Nous passons maintenant à la représentante du SSI, le Service social international, Mme Kay Feehan, présidente sortante.

Mme Kay Feehan (présidente sortante, Service social international): Je considère comme un privilège d'être ici aujourd'hui pour vous parler de la question pressante des priorités que le gouvernement doit faire siennes au cours des prochaines années. Le moment semble être venu dans l'histoire canadienne pour que nous agissions de façon responsable tout en tenant compte de l'intérêt commun de tous les citoyens.

Nous sommes tous soulagés d'apprendre que le déficit est sous contrôle et nous croyons que l'exercice s'est déroulé à un rythme opportun. Le temps est toutefois venu d'examiner soigneusement nos priorités financières afin de reconnaître la nécessité et le bien- fondé d'investir dans le bien-être des enfants canadiens. Certaines questions sont plus pressantes que la réduction de la dette ou des impôts.

La disparition du RAPC et du FPE, programmes remplacés par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et les réductions des budgets provinciaux ont eu des répercussions importantes sur les enfants. Les initiatives que le gouvernement fédéral vient d'annoncer pour éliminer la pauvreté chez les enfants sont louables, mais elles doivent être élargies pour vraiment corriger la situation.

En 1989, la Chambre des communes a adopté une résolution visant à éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Toutefois, entre 1989 et 1995, cette pauvreté a augmenté de 41 p. 100. En 1995, le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté a atteint 1 441 000, notre taux de pauvreté se classant ainsi au second rang des pays industrialisés.

Cette situation a une double conséquence. Le bien-être et la qualité de vie des enfants pauvres se détériorent gravement et, évidemment, leur productivité future est sérieusement menacée. Nous savons que les enfants pauvres ont 3,5 fois plus de problèmes de comportement, presque deux fois plus de maladies chroniques et deux fois plus de problèmes d'apprentissage et de troubles affectifs. Le problème influe donc sur notre économie.

Les coûts engendrés par l'incarcération d'un détenu sont élevés: plus de 50 000 $ par année. Ce n'est qu'un exemple du choix que nous devons faire entre prévenir ou guérir, sans parler des sommes que l'on pourrait investir à long terme dans le counselling pour réduire le nombre de divorces et la perte de productivité. Comment peut-on affirmer que nous n'avons pas les moyens d'avoir des programmes destinés aux enfants tout en laissant le soin à la prochaine génération d'assumer les coûts affectifs et financiers qui découleraient d'une telle décision?

J'aimerais vous donner quatre brefs exemples réels.

Service social international Canada est une organisation non gouvernementale d'envergure nationale faisant partie d'un réseau mondial qui offre des services sociaux. Je vais vous parler d'un bambin abandonné au Canada par des parents inaptes qui ont ensuite quitté le pays. Pendant de nombreuses années, cet enfant a été sous la responsabilité d'une société d'aide à l'enfance ontarienne. Celle-ci a finalement demandé à notre organisme de trouver, n'importe où dans le monde, une personne ayant un lien de parenté avec lui. Nous avons fini par trouver un enfant de cette même famille qui avait été adopté par un couple en Grande-Bretagne. Celui-ci, ravi d'apprendre que leur enfant avait un frère ou une soeur, a offert de l'adopter. Non seulement ces deux enfants ont pu grandir ensemble, mais le contribuable canadien a bénéficié des importantes économies réalisées parce que l'État n'a pas été obligé d'assumer les frais de son éducation. Et pourtant, le gouvernement fédéral a réduit le financement de notre organisme.

De nombreux services provinciaux d'aide à l'enfance ne peuvent se permettre de verser les honoraires très modestes que nous leur demandons pour faire ces recherches. Le SSI n'a pas non plus reçu le financement dont il aurait besoin pour terminer les recherches entreprises sur les lois et pratiques sociales sur l'adoption en vigueur au Canada et à l'échelle internationale et qui permettront d'appliquer la Convention en matière d'adoption internationale signée à La Haye, laquelle entrera en vigueur le 1er novembre de cette année. Il faut également élaborer des normes nationales en matière d'adoption internationale.

Deuxièmement, les programmes Bon départ, destinés aux enfants d'âge préscolaire de milieux défavorisés, constituent probablement les meilleurs programmes de prévention et d'intervention précoce disponibles. Les avantages de ces programmes ont été bien documentés, quelques-unes des meilleures études longitudinales jamais effectuées ayant été faites par la High/Scope Educational Research Foundation dans le cadre du programme Perry. Ces études démontrent que pour chaque dollar consacré à ces programmes, on économise 7,16 $ en coût d'aide sociale et en frais judiciaire.

• 1540

Bien que certaines contributions aient été faites aux programmes Bon départ par le biais des initiatives Grandir ensemble et Bon départ pour les Autochtones, le succès qu'ils remportent semble justifier un investissement beaucoup plus important, ce qui permettrait à chaque enfant canadien admissible d'y avoir accès.

Le troisième exemple que je veux vous donner concerne les programmes de cantine scolaire. Il est évident que lorsque les besoins nutritionnels ne sont pas comblés, l'état de santé devient précaire, ce qui est très onéreux pour le système de santé. Comme les enfants ne peuvent apprendre le ventre vide, on se retrouve avec une dépendance accrue envers les mécanismes d'aide, une faible admissibilité à l'emploi et une main-d'oeuvre non qualifiée.

Des programmes existent dans plusieurs régions du Canada, surtout au Nouveau-Brunswick, mais, dans l'ensemble, on remarque de nombreuses lacunes. Il faudrait adopter une approche universelle plutôt que fragmentée.

Les enfants autochtones sont tout particulièrement négligés. Ils sont deux fois plus susceptibles de mourir en bas âge et beaucoup plus susceptibles de devenir des décrocheurs, d'avoir des problèmes de santé ou d'être emprisonnés que tout autre enfant canadien.

Cette dure réalité ne fait pas que nous affliger, elle coûte également chère à long terme. La pauvreté chez les enfants ne touche pas uniquement ces derniers, qui sont victimes des compressions, elle nous touche tous et influera sur l'avenir du pays.

De plus en plus de recherches portent sur la capacité de récupération des enfants. Le Dr Paul Steinhauer, éminent chercheur canadien, a recommandé que la pauvreté chez les enfants devienne l'une des plus importantes priorités nationales. Nous nous joignons à lui pour recommander l'adoption d'une politique globale, intégrée et axée sur la recherche qui favorisera à long terme le développement de l'enfant de la conception à l'âge adulte.

Je vous suggère de reconnaître que l'investissement dans l'infrastructure sociale est essentiel au bien-être de notre pays au même titre que l'investissement dans l'infrastructure économique. Nos enfants sont notre plus importante ressource naturelle. Il faut prendre certaines mesures pour favoriser leur développement optimal. C'est sûrement l'un des meilleurs usages que l'on peut réserver aujourd'hui à nos ressources financières.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Feehan.

Nous passons maintenant à M. Martin Salloum, de la Chambre de commerce d'Edmonton.

M. Martin Salloum (directeur général, Chambre de commerce d'Edmonton): Merci.

La réduction du déficit est vue d'un bon oeil par les Canadiens, et la prévision voulant que le déficit soit éliminé d'ici la fin du prochain exercice constitue évidemment une très bonne nouvelle pour chaque citoyen. Même si nous félicitons Paul Martin et son équipe pour ce qui a été fait jusqu'à maintenant, nous tenons à dire que le travail ne fait que commencer.

Nous continuons à croire que la dette nationale est le principal problème auquel notre pays est confronté. Le gouvernement fédéral doit s'attaquer à la dette avant de penser à augmenter les dépenses. Nous devons aller jusqu'au bout.

Avant que les pressions pour augmenter les dépenses ne deviennent trop fortes, le gouvernement fédéral devrait adopter un programme de réglementation sur la réduction de la dette qui garantirait aux Canadiens qu'on viendra à bout de la dette nationale.

Nous gaspillons des sommes d'argent énormes en intérêts. Il vaudrait mieux consacrer cet argent aux dépenses de programmes au lieu de continuer à emprunter.

Les secteurs cruciaux pour lesquels le gouvernement envisage d'augmenter les dépenses sont l'éducation, les soins de santé et les programmes sociaux, tout particulièrement dans le domaine de la pauvreté chez les enfants. Il faut toutefois tenir compte de l'efficience et de l'efficacité de tous les secteurs avant d'engager de nouvelles sommes. Le secteur privé fait quotidiennement face à cette réalité. Sa survie dépend de sa capacité à être efficace et efficient.

Pour conclure, nous craignons que le grand public n'ait l'impression que notre pays n'éprouve plus aucun problème financier. Compte tenu de l'énorme dette de 600 milliards de dollars, et j'insiste sur le montant que nous gaspillons en intérêts et qui pourrait être consacré aux dépenses de programmes, nous devons continuer à centrer toutes nos énergies sur ce problème crucial.

Mes cinq minutes sont écoulées.

Le président: Pas tout à fait. C'est très bien. Le temps disparaît aussi vite que le déficit.

Nous passons maintenant au représentant de l'Université de l'Alberta, M. Richard Plain.

Bienvenue.

M. Richard Plain (Université de l'Alberta): Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler. En plus d'être professeur d'université, je joue un rôle au sein de la communauté. Je suis en effet vice- président de l'Association des consommateurs de l'Alberta et président de son comité sur la santé. Je me spécialise dans les facteurs économiques qui influent sur les soins de santé. J'axerai donc mon intervention sur les principes et priorités qui traitent de cette question dans le budget.

• 1545

Le premier point que je désire aborder concerne l'établissement d'un lien entre, d'une part, le rôle que doit jouer le gouvernement fédéral en matière de soins de santé et, d'autre part, les dépenses. À l'heure actuelle, il est extrêmement difficile, voire totalement impossible, pour le grand public d'établir l'ampleur totale des transferts fédéraux en matière de santé, les subventions majorées des points d'impôt, effectués pour chaque province. Nous ne savons pas où va notre argent ni dans quelle mesure nos impôts sont consacrés à la santé.

Le Livre vert donnait auparavant ce genre de renseignements. On y indiquait la répartition des points d'impôt et des dépenses pour chaque programme. Cette incapacité de la population à établir un lien entre les mesures de soutien du revenu offertes par le gouvernement fédéral et les dépenses des provinces ébranle sérieusement la perception que le public a du rôle que le fédéral joue traditionnellement dans l'élaboration et le maintien du régime canadien d'assurance-maladie.

Le prochain budget devrait préciser que le gouvernement fédéral a l'intention de structurer son système de paiements de transfert et ses systèmes de diffusion de l'information de façon à démontrer clairement le lien qui existe entre ces paiements de transfert et les dépenses en matière de soins de santé effectuées dans chaque province. Cette suggestion peut sembler quelque peu technique, mais elle est absolument nécessaire. Nous n'arrivons pas à relier les dépenses fédérales et ce qui se passe dans chaque secteur.

Mon deuxième point, c'est que les participants au forum sur la santé et à d'autres tribunes ont affirmé avec raison que le système canadien de santé disposait de suffisamment de ressources pour satisfaire les besoins de la population. L'état de santé des habitants d'un certain nombre de pays dont la population est sensiblement plus âgée est comparable ou meilleur que le nôtre, alors que ces pays consacrent une proportion sensiblement moins élevée de leur produit intérieur brut aux soins de santé.

Je crois que, au fil du temps, le système canadien de santé peut faire l'objet d'une réforme et d'une restructuration de façon à offrir des soins de santé d'une aussi bonne qualité à une population sensiblement plus âgée tout en accaparant une proportion plus faible d'une économie croissante. Un certain nombre d'exemples pris à l'échelle internationale pourraient illustrer cette possibilité. La perspective à long terme est excellente si les provinces et le fédéral continuent à réformer le système. Malheureusement, pour paraphraser Keynes, nous vivons et mourrons tous à court terme.

Le gouvernement fédéral doit utiliser le levier budgétaire qu'il a à sa disposition pour assurer à long terme la mise en place d'un système de santé d'une grande qualité mais moins cher. Ainsi, un certain nombre de provinces ont réduit de façon importante les dépenses affectées à la santé en augmentant l'efficience du système, ce dont nous rêvons tous.

Ces provinces sont également parvenues à réaliser d'importantes économies en imputant des coûts qu'elles assumaient auparavant aux malades, aux différents régimes d'indemnisation privés et à des organismes sans but lucratif comme les administrations locales, les universités et collèges et les autres organismes caritatifs qui engagent des salariés. Elles ont ainsi décidé de faire assumer aux particuliers et aux familles les frais reliés aux soins infirmiers, aux médicaments et aux chambres d'hôpital, alourdissant par le fait même le fardeau du secteur privé. Sur le plan social, cette situation a soulevé des inquiétudes concernant l'accès aux services par les Canadiens à revenu modeste ou faible.

On suggère donc que le prochain budget favorise l'élaboration de programmes nationaux de soins à domicile et d'assurance- médicaments, mais cela devrait être fait très prudemment. Ces programmes devraient être conçus à partir d'études approfondies sur les facteurs économiques et les services de santé de programmes qui ont été couronnés de succès à l'intérieur et à l'extérieur du Canada.

Il importe de noter que le financement de ces programmes doit être conditionnel. Le transfert aux provinces d'une partie des subventions inconditionnelles risque fort d'être tout simplement utilisé pour réduire la dette plus rapidement. En fait, dans certaines provinces—dont celle où nous nous trouvons, ce n'est pas la disponibilité des fonds publics qui est en cause. Ce n'est pas le manque d'argent ni la façon d'affecter cet argent au système albertain de santé qui sont problématiques, c'est la croyance que les ressources appropriées et le gouvernement du jour interviennent pour réaliser les souhaits de la population provinciale. Si vous accordez tout simplement plus d'argent en bloc, que va-t-il se passer? Ne soyez pas surpris si vous apprenez que ces sommes ne vont pas au système de santé.

• 1550

Cette réforme et cette restructuration doivent donc concilier des objectifs économiques différents et des rôles sur lesquels les provinces et le fédéral ne s'entendent pas. La tâche est ardue, mais il faut absolument aller de l'avant.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Plain.

Nous allons passer maintenant aux représentants du Conseil du Premier ministre sur la condition des personnes handicapées.

Monsieur Gary McPherson.

M. Gary McPherson (président, Conseil du Premier ministre sur la condition des personnes handicapées): Merci, monsieur le président. J'ai écouté les exposés qui ont été présentés avant moi et je veux m'assurer que je ne ferai pas que les répéter. Ils sont tous valables. Ce que j'en conclus, c'est qu'il est impossible de séparer les problèmes sociaux des problèmes économiques quand il est question de planifier l'avenir d'un pays ou d'une province. C'est pourtant ce que nous avons tendance à faire et ce qui nous cause bien des problèmes.

L'élimination de la dette demeure une grande priorité. Mon collègue, Mike Percy, a bien résumé la situation. Toutefois, je ne sais pas si je suis d'accord avec M. Salloum quand il dit qu'elle constitue notre plus gros problème. Elle reste l'un de nos plus gros problèmes, sauf qu'il y a d'autres préoccupations d'ordre social qui sont encore plus importantes. Nous devons non seulement continuer de nous occuper de la dette, mais également commencer à nous attaquer à certaines de ces préoccupations.

Nous pouvons y arriver, entre autres, en assurant une meilleure utilisation des ressources existantes. À mon avis, ces ressources ne sont pas utilisées à bon escient, que ce soit au palier fédéral ou provincial. Nous dépensons beaucoup d'argent en nous fondant souvent sur ce qui se faisait dans le passé plutôt que sur les besoins actuels.

Si vous jetez un coup d'oeil sur le rapport du vérificateur général, vous allez constater que l'argent qui est dépensé inutilement pourrait être consacré aux programmes sociaux et à l'élimination de la dette. Nous nous trouverions tous dans une bien meilleure position. Toutefois, il faudrait pour cela réexaminer toutes nos politiques.

Il y a deux choses qui nous font défaut, mais qui nous seraient utiles. Il n'existe pas au Canada ou dans cette province, ou même dans les autres, de cadre décisionnel fondé sur les valeurs qui sont chères aux Canadiens. Il n'existe pas non plus de cadre d'action pour nous aider à nous adapter au phénomène de la mondialisation des marchés. Il est facile de demander de nous donner plus d'argent, mais cela ne règle pas nécessairement les problèmes. Si vous investissez votre argent dans des structures qui sont inadéquates, vous n'obtiendrez pas le rendement que vous recherchez. Nous devons revoir tout le système. Nous devons investir plus d'argent dans certains secteurs. Toutefois, nous ne parviendrons pas à régler nos problèmes si nous ne trouvons pas de solutions nouvelles.

Ce serait négligent de ma part de ne pas parler des handicapés. Le gouvernement fédéral doit absolument faire preuve de leadership et établir une stratégie fédérale-provinciale globale, axée sur la coopération, en ce qui a trait aux politiques et programmes qui touchent les handicapés. Cette stratégie doit permettre, entre autres, d'assurer la transférabilité des services offerts aux handicapés. Permettez-moi de vous donner un exemple très simple.

Je dois faire appel à l'aide de tierces personnes pour plusieurs de mes besoins quotidiens. Autrement dit, j'ai besoin, à l'occasion, de soins personnels. Si je voulais accepter un poste à Ottawa, je ne pourrais pas y aller parce que je n'aurais pas, là- bas, le soutien personnel que j'ai ici en Alberta. Autrement dit, il y a peut-être un emploi qui m'attend à Ottawa, mais je ne peux pas aller m'installer là-bas parce que je n'aurai pas le soutien que j'ai ici en Alberta.

Les handicapés ne peuvent, dans certains cas, aller s'installer dans les régions où il y a des emplois. Cet objectif économique est louable sur papier, mais très difficile à réaliser pour bien des gens. C'est la situation à laquelle sont confrontées beaucoup de personnes handicapées qui comptent sur les réseaux d'aide informels et formels.

Mais il y a plus. La même chose est en train de se produire en Alberta avec la régionalisation et la décentralisation des programmes. Si je voulais quitter la région d'Edmonton, où je reçois des soins personnels, je ne pourrais pas aller m'installer à Lethbridge, tout simplement parce que je n'aurais pas accès aux mêmes services.

Il s'agit là d'un problème majeur pour les Canadiens, parce que les services ne sont ni transférables, ni de qualité comparable. Ce qui veut dire que les handicapés ne peuvent, même s'ils le désirent, jouer un rôle actif au sein de la société canadienne, dans certains cas. Nous pourrions améliorer la situation en établissant des cadres décisionnels, en élaborant un programme fédéral-provincial coordonné, et en entreprenant un examen approfondi des politiques.

• 1555

Voilà qui termine mon exposé, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McPherson.

Nous allons maintenant entendre M. Barrie McPhalen, le président de la Roadbuilders Heavy Construction Association de l'Alberta. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Barrie McPhalen (président, Alberta Roadbuilders Heavy Construction Association): Merci, monsieur le président.

Au nom des 16 000 travailleurs du secteur de la construction lourde en Alberta... je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes satisfaits des mesures qu'a prises le gouvernement fédéral pour réduire le déficit et des retombées qui en découlent. Nous vous encourageons à poursuivre vos efforts en ce sens.

J'aimerais aujourd'hui vous faire part d'une théorie que partagent les Albertains et qui devrait s'appliquer à l'ensemble du Canada. En Alberta, nous estimons qu'il est tout à fait possible de transformer, sur place, les matières premières en produits finis. À notre avis, le Canada et l'Alberta peuvent jouer un rôle de premier plan, à l'échelle internationale, dans le domaine commercial. C'est important qu'ils le fassent; il en va de notre survie.

Pour que cette théorie devienne réalité, nous devons nous doter d'une infrastructure qui permettra à notre économie de se développer. Prenons l'exemple des routes. Nous n'avons pas au Canada de réseau routier qui soit rentable pour l'économie, comme c'est le cas aux États-Unis. Il nous en faut un. Nos routes sont dans un état déplorable. Il faudrait dépenser environ 14 milliards de dollars pour les réparer et les rendre conformes aux normes internationales. Or, si vous ne pouvez pas acheminer les matières premières à l'usine, et les produits finis, aux marchés, vous ne pouvez pas être concurrentiel. Voilà pour la théorie.

Il y a toutefois un nuage à l'horizon: c'est ce que nous appelons le déficit caché. Lorsque nous construisons une route, nous devons la maintenir en bon état en y effectuant certaines réparations. Si ces travaux ne sont pas effectués en temps voulu, soit lorsque les ingénieurs vous indiquent que les fissures et fondrières doivent être réparées, vous finirez par vous retrouver avec une facture cinq fois plus élevée quand vous déciderez enfin d'agir. Voilà ce que nous entendons par déficit caché: les routes ne sont pas réparées, et les coûts des travaux augmentent.

Or, nous avons un gouvernement qui s'efforce de réduire le déficit visible du pays, mais qui ne fait rien pour s'attaquer au déficit caché du système routier.

Le piètre état des routes entraîne des problèmes de sécurité. On dénombre, tous les ans, 160 décès qui sont directement liés au piètre état des routes—et non pas aux mauvaises habitudes des conducteurs ou à d'autres facteurs. Il existe donc un lien direct l'état lamentable des routes et la consommation de carburant, ce qui, bien entendu, a un impact sur l'économie et l'environnement.

Considérés conjointement, ces facteurs, auxquels viennent s'ajouter les coûts de maintenance et la perte d'économies, témoignent du manque de leadership dont fait preuve le gouvernement fédéral en refusant de se doter d'une politique nationale sur le réseau routier. Nous vous encourageons, au cours de vos délibérations, à nous rappeler encore une fois comment le Canada peut, en tant que puissance économique, créer des emplois pour nos enfants et préserver les programmes sociaux que nous avons à coeur. Nous devons bâtir une économie qui nous permettra de réaliser ces objectifs.

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous allons maintenant entendre M. Don Logan, directeur général de la Native Employment Services Association of Alberta. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Don Logan (directeur général, Native Employment Services Association): Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous. L'invitation m'a été transmise à la dernière minute, le comité ayant décidé qu'il souhaitait également entendre le point de vue de la communauté autochtone. Je tiens donc à vous remercier de nous donner l'occasion de vous rencontrer.

• 1600

Je n'ai pas préparé de notes et je m'en excuse. J'ai l'intention aujourd'hui de vous parler des problèmes sociaux que connaissent la plupart des grandes villes canadiennes, du fait que les Autochtones quittent leurs communautés et migrent vers les agglomérations urbaines à la recherche d'emplois, d'éducation et de meilleurs logements.

L'organisme que je représente est—ou était, devrais-je dire— le plus grand et le plus ancien bureau de placement des Autochtones en Amérique du Nord. Il y a à peine deux heures, nous avons indiqué au gouvernement provincial que nous ne ferons plus affaire avec lui, et ce, après 25 ans de collaboration. Nous ne pouvons plus, moralement, traiter avec une province dont le comportement et les politiques laissent à désirer.

La publication du récent rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, et il s'agissait de l'enquête la plus longue et la plus coûteuse de notre histoire, a donné lieu à des observations du genre, «Désolés, nous ne pouvons pas y donner suite.» Si ce rapport, comme bien d'autres, est laissé sur les tablettes, nous commettrons un acte honteux.

L'Alberta jouit d'un niveau de vie assez élevé, possède des ressources abondantes et affiche un chômage peu élevé. Or, ce n'est pas le cas de la communauté autochtone. En Alberta, 55 p. 100 des membres des Premières nations vivent à l'extérieur des réserves. L'Alberta est unique au Canada en ce sens qu'elle est la seule province où les Métis possèdent des assises territoriales. En effet, les huit communautés métisses possèdent des terres d'une superficie presque égale à celle des 44 Premières nations présentes en Alberta.

Il y a 604 réserves au Canada—je devrais plutôt dire bandes de Premières nations qui regroupent 2 500 réserves—et leur situation démographique est très différente de ce que laissent entendre les ouvrages comme Boom, Bust and Echo et autres études.

La situation démographique des communautés autochtones se détériore. Malheureusement, elle est souvent liée à ces questions.

Il est vrai que la réduction du déficit, et tout le monde ici s'entend pour le dire, est essentielle au bien-être de ce pays. Toutefois les discussions sur le PIB, le PNB, la performance du Canada au sein des pays du G-7 n'apportent ni nourriture, ni travail à ceux qui se trouvent au bas de l'échelle socio- économique. Je parle ici de pauvreté et non de culture. De nombreux intervenants vous ont déjà parlé de la pauvreté et de son incidence sur les enfants. Si vous établissiez une comparaison entre les statistiques qui s'appliquent à la communauté autochtone et celles qui visent le reste du Canada, vous seriez embarrassés.

Le gouvernement a entrepris un processus en vue de transférer ses responsabilités aux dirigeants autochtones. C'est une bonne chose. Toutefois, les ressources sont déjà réduites lorsque ce transfert s'opère.

Notre bureau a réussi à placer plus de 12 000 personnes. Le gouvernement de l'Alberta nous dit maintenant qu'il n'y a pas, dans cette province, de groupes qui ont des besoins spéciaux. Nous avons donc formellement cessé d'assumer, ce matin, notre rôle d'agent de placement dans la province. Nous ne pouvons plus continuer de travailler avec ce gouvernement. Il n'y a pas beaucoup de groupes sans but lucratif dans ce pays qui oseraient agir comme nous l'avons fait—à nos propres risques et périls, et à un moment où les ressources se font de plus en plus rares.

Il y avait jadis sept bureaux de placement dans la province. Il n'en reste plus qu'un seul. Pourquoi continuer? On ne peut pas diriger les services sociaux en fonction d'un plan d'entreprise. Un plan opérationnel, oui, mais pas un plan d'entreprise. On ne tient pas compte du volet revenu.

Quoi qu'il en soit, je tiens à répéter que la situation démographique des Autochtones, qui sont plus d'un million, malheureusement, trop souvent, n'est pas représentative de celle de l'ensemble de la population canadienne. Même si le ministère des Affaires indiennes et du Nord dispose d'un budget énorme et qu'il est un des seuls à avoir eu droit à une augmentation... Le taux de natalité est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Nous avons entre les mains une bombe à retardement. Les taux d'incarcération sont aussi supérieurs à la moyenne nationale, ainsi de suite.

• 1605

Le président: Je vous remercie d'avoir porté ces points très importants à notre attention.

Nous allons maintenant entendre Mme Elisabeth Ballermann, présidente de la Health Sciences Association of Alberta.

Mme Elisabeth Ballermann (présidente, Health Sciences Association of Alberta): Merci beaucoup, monsieur le président. La Health Sciences Association of Alberta est une organisation syndicale qui représente plus de 7 000 travailleurs paramédicaux, techniciens, professionnels de la santé et employés de soutien qui oeuvrent dans les secteurs public et privé des soins de santé. J'aimerais remercier le comité de nous donner l'occasion de participer à ces consultations prébudgétaires.

Je tiens à réitérer notre position: ce qui caractérise le Canada, entre autres, c'est sa compassion, son désir de faire en sorte que tous les citoyens ont accès aux choses essentielles à la vie. Nous avons toujours témoigné cette compassion par l'entremise de nos programmes sociaux. Mentionnons, par exemple, les soins de la santé, l'aide sociale, l'assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada. Ces programmes sont de plus en plus soumis à des restrictions, alors que les gouvernements, à tous les paliers, concentrent leurs énergies sur le déficit et la réduction de la dette.

Vous voulez savoir ce que nous pensons du processus et des mesures prises pour réduire le déficit. À notre avis, les mesures de réduction du déficit ont eu très peu d'impact sur ceux dont le revenu est supérieur à la moyenne. Toutefois, le zèle manifesté pour réduire le déficit a créé de sérieux problèmes pour un large segment de la population, un segment qui, malheureusement, ne bénéficie d'aucune influence politique pour dénoncer les réductions imposées.

Vous nous avez demandé de vous dire ce que nous pensons des priorités suivantes: accroître les dépenses, rembourser la dette ou réduire les impôts. Nous estimons qu'il faut tenir compte, au chapitre des dépenses, des besoins qui existent en matière de services et des dommages causés par des années de restrictions au niveau fédéral et provincial. Le maintien des dépenses en dollars constants entraînera de nouvelles réductions, compte tenu de la croissance de la population et de l'inflation. Il faut consacrer davantage de fonds aux programmes d'aide.

Nous vous demandons de poursuivre vos efforts de réduction de la dette, mais de façon pondérée, afin d'éviter que les groupes les plus vulnérables de la société n'en souffrent.

Proposer des réductions d'impôt alors qu'un nombre sans précédent d'enfants vivent dans la pauvreté, que de plus en plus de personnes dépendent des banques alimentaires, que les frais de scolarité des établissements postsecondaires laissent les nouveaux diplômés criblés de dettes, que le taux de chômage demeure très élevé dans de nombreuses régions du pays, que les employés du secteur des services, en pleine croissance, sont obligés d'occuper plus d'un emploi pour joindre les deux bouts est inacceptable. Bon nombre comprendront notre cynisme face à de telles réductions d'impôt, qui ne seraient rien d'autre qu'un exercice de relations publiques.

En tant que professionnels de la santé, les membres de l'Association ont pu voir les effets qu'ont entraîné les coupures sur les soins de santé. Le transfert des responsabilités financières du gouvernement fédéral aux provinces, des provinces aux municipalités, ainsi de suite, a considérablement affaibli le filet de sécurité sociale du Canada. Celui-ci ne peut répondre de façon adéquate aux besoins des Canadiens. Le régime public d'assurance-maladie souffre, ce qui fait que nous risquons de voir apparaître de plus en plus de cliniques privées.

Le régime public d'assurance-maladie et les autres programmes sociaux sont devenus des cibles faciles pour le gouvernement lorsque vient le temps d'expliquer les principales causes de la dette nationale et du déficit. Ils sont également victimes des nouvelles politiques des gouvernements. L'Alberta et l'Ontario, par exemple, réduisent progressivement le rôle que joue le gouvernement dans les domaines socio-économiques de ces provinces. Réduire les fonds consacrés aux soins de santé encourage la privatisation du système. On peut dire la même chose des autres services sociaux.

Les politiques des provinces ont pour effet de diminuer l'accès aux services et d'allonger de façon inacceptable les listes d'attente pour les chirurgies. La privatisation est perçue de plus en plus comme une alternative viable et intéressante à un système de soins de santé en déclin. Cette situation a pour effet d'encourager la demande du public pour des services privés, services que les grandes entreprises à but lucratif de toutes les régions du monde sont prêtes à offrir. L'Alberta poursuit ses efforts en vue de désassurer certains services. D'après un récent rapport intitulé «Towards a Core Health Services Framework for Alberta», rapport qui a fait l'objet d'une fuite, le gouvernement se propose d'imposer des frais d'utilisation malgré ce que dit la Loi canadienne sur la santé.

Nous sommes déçus et découragés de voir que le gouvernement fédéral semble incapable, ou refuse, de donner suite aux promesses faites par l'ancien ministre de la Santé, qui s'était engagé à adopter une loi pour empêcher l'ouverture d'un hôpital privé à Calgary. Le Health Resource Group a ouvert ses portes et prévoit élargir considérablement ses services. D'autres entreprises attendent de faire de même.

Ottawa peut préserver le caractère universel, accessible, complet et public du régime de soins de santé en augmentant considérablement les ressources qu'il consacre aux soins de santé. Cela aurait pour effet de décourager toute tentative de privatisation de la part des gouvernements provinciaux.

• 1610

Nous encourageons le gouvernement à mettre sur pied un programme national d'assurance-médicaments. La déshospitalisation ne fait qu'accroître le fardeau déjà lourd que créent les coûts des médicaments pour de nombreux Canadiens.

Pour ce qui est du Régime de pensions du Canada, nous exhortons le gouvernement à introduire l'augmentation des cotisations graduellement, à intervalles fixes, afin d'en atténuer les effets sur les travailleurs canadiens. Si des surplus ultérieurs le permettaient, nous le prions aussi d'envisager la possibilité d'appliquer une portion de ces excédents à réduire les augmentations.

En matière d'éducation, comme je l'ai déjà mentionné, les frais de scolarité exigés au niveau postsecondaire ont fait un bond. Si le gouvernement fédéral prenait des initiatives en vue d'uniformiser les règles du jeu, il ferait en sorte que nul ne se voit refuser l'enseignement supérieur en raison de sa situation socio-économique.

Le Programme d'infrastructure fédéral a contribué à fournir du travail utile à de nombreux Canadiens. Tel qu'il a déjà été mentionné, il a aussi permis de construire des routes et d'autres installations publiques. L'entretien de notre réseau routier est une tâche gigantesque, en raison des grandes distances qu'il faut parcourir au Canada et des conditions météorologiques extrêmes. Il importe au plus haut point d'entretenir ce réseau et de le développer davantage pour permettre à notre économie de croître en rendant le transport des biens et des personnes le plus efficace possible. Il serait donc dans l'intérêt de tous les Canadiens de renouveler le programme ou son équivalent. Cela aiderait aussi à faire en sorte que les collectivités même les plus éloignées sont facilement accessibles.

Nous réitérons notre opposition au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux qui remplace le financement à objectif précis. Selon nous, le virement dans un même compte des transferts fédéraux en matière de santé, d'enseignement postsecondaire et d'assistance sociale confère aux gouvernements provinciaux la main haute sur la répartition des fonds. Actuellement, le gouvernement fédéral exerce peu de contrôle sur la destination des fonds. Cette politique de non-intervention signifie que le Canada est en train de mettre sur pied 12 systèmes de santé, d'éducation et de services sociaux différents. Le principe même du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, de même que la réduction des fonds, contribuent à l'érosion des normes nationales dans ces domaines.

En guise de conclusion, les Albertains ont récemment réaffirmé, au sommet de la croissance, qu'ils accordaient beaucoup moins de priorité à la réduction du déficit et de la dette qu'aux programmes de santé, d'éducation et de services sociaux. Nous demandons que tous les ordres de gouvernement en prennent bonne note et réagissent en conséquence. Il faut que le gouvernement fédéral renouvelle sa capacité de maintenir en place des normes nationales à l'égard des programmes sociaux, des normes qui soient équitables et que l'on puisse faire respecter. Le gouvernement fédéral est le seul qui puisse parler au nom de tous les Canadiens. Il faut qu'il ait la volonté de prendre le taureau par les cornes, de contester les mesures envisagées par les provinces comme l'Alberta et l'Ontario, et il faut qu'il le fasse rapidement.

Le président: Madame Ballermann, je vous remercie beaucoup.

Monsieur Lynch.

M. John Lynch (directeur, Social Justice Commission, Archidiocèse d'Edmonton): Merci, monsieur le président.

Le Social Justice Commission, ou comité de justice sociale, de l'Archidiocèse d'Edmonton qui représente 300 000 catholiques a un enjeu vital dans la réduction du déficit. Nous souhaitons surtout que cette réduction se fasse davantage aux frais des personnes morales plutôt que de ceux qui luttent pour survivre avec un revenu égal ou inférieur au seuil de la pauvreté. Il faut que la grande richesse du Canada soit répartie avec équité au profit de tous les Canadiens.

Nous sommes fermement convaincus que le gouvernement fédéral a pour rôle essentiel de créer un ordre socio-économique qui coïncide avec le bien général de tous ses concitoyens et qui y contribue. Il faut que la politique sociale épouse particulièrement ce principe et que la politique économique en tienne compte si l'on veut qu'elle contribue au bien-être de chacun.

Les compressions effectuées dans le domaine de la santé et de l'assistance sociale représentent un net désengagement du gouvernement fédéral. Il faut qu'un fort pouvoir fédéral voie aux questions essentielles au bien-être commun de tous les Canadiens. Se laver les mains de ses responsabilités dans ces domaines, laisser le champ libre aux provinces, est alarmant, surtout en Alberta et en Colombie-Britannique où les pauvres, plutôt que la pauvreté, sont accusés d'être la véritable source du problème. La déclaration faite par notre ministre des Services sociaux, ce matin, selon lequel il faudrait un programme d'alphabétisation de 90 000 $ pour savoir s'il faut prendre au sérieux le rapport présenté par l'intercesseur pour les enfants en est un exemple éloquent.

Il faut que l'intérêt de la société soutienne activement la valeur intrinsèque de chaque être humain, non pas seulement de ceux qui en font partie, mais également de ceux qui subissent les mesures prises par son gouvernement, même s'ils vivent à l'extérieur du territoire. À mesure que nous allons de plus en plus loin, à l'étranger, pour donner au Canada une croissance économique durable et générale, il nous faut traiter les populations de là-bas avec tout autant d'équité que les Canadiens ici. L'équité salariale et de bonnes conditions de travail ne connaissent pas de frontières.

• 1615

La réduction du déficit n'est pas un bien absolu. Il faut qu'elle coïncide avec l'intérêt de tous et qu'elle respecte la valeur intrinsèque de chacun. Malheureusement, selon nous, le Canada a agi avec trop d'empressement. À mesure que diminue son déficit budgétaire, son déficit humain augmente de manière draconienne. C'est un déficit caché.

Notre politique économique a contribué à faire doubler le nombre d'enfants vivant au sein de familles pauvres durant les dix dernières années. À mesure qu'augmentait le déficit humain, les bénévoles s'empressaient de répondre à leurs besoins essentiels parce que nos gouvernements ne le faisaient plus. La réaction des personnes charitables a été fantastique, mais les oeuvres caritatives ne pourront jamais répondre à tous les besoins essentiels de nos collectivités. Ce qu'il faut, c'est une forte présence fédérale pour faire en sorte que tous les Canadiens, non pas seulement les riches et les puissants, profitent de la richesse que le Bon Dieu a donnée à ce grand pays qui est le nôtre.

S'il veut réagir adéquatement aux deux premiers principes énoncés, soit l'intérêt général et la dignité humaine, il faut aussi que le gouvernement fédéral adopte le principe voulant que chaque concitoyen ait le droit fondamental d'avoir un revenu durable et de participer activement, selon sa capacité, au bien-être de la société. C'est par le travail que l'on crée et que l'on accède à la dignité humaine, en partageant ses créations avec les autres. Le travail est une dimension essentielle de l'existence. Étant donné l'importance que lui accordent notre société et notre économie, il semblerait que le travail soit la clé de l'énigme sociale.

Le plein emploi est la clé de la réduction rationnelle du déficit. Il permettra d'éliminer complètement le déficit humain. Les travailleurs ont le droit de tirer de leur travail un revenu décent et durable qui leur permettra aussi de vivre dans la dignité en tant qu'êtres humains à part entière. Cela signifie qu'il faudra remplacer des mesures fiscales régressives par des mesures progressives qui amélioreront le sort de ceux qui vivent à la limite du seuil de pauvreté ou en deçà plutôt que des nantis, qui semblent pouvoir exiger de plus en plus de nos gouvernements au détriment des pauvres. Il faut se fixer comme priorité d'accroître la création d'emplois grâce à une formation professionnelle plus efficace qui permettra à plus de Canadiens d'obtenir les nouveaux emplois rémunérateurs.

Qu'arrivera-t-il à ceux qui, en raison de circonstances indépendantes de leur volonté, sont incapables de gagner leur vie décemment? Eux aussi ont droit à un niveau de vie décent de manière à pouvoir vivre dans la dignité. Dans la mesure où ils sont obligés de se débrouiller dans des conditions moins qu'humaines, de lutter pour simplement survivre dans un monde d'abondance, nous étouffons leur capacité de prendre une part active à la vie économique et sociale du pays. La société est composée d'être humains.

Il faut que le système économique profite à tous les membres de la société, mais surtout aux plus démunis. L'économie est une création de l'homme qui a été en grande partie orientée par les priorités et les programmes gouvernementaux. Il faut que la croissance socio-économique inclue les pauvres et les personnes handicapées, les marginalisés et qu'elle offre du soutien aux opprimés. Le gouvernement a le devoir de protéger les droits des plus faibles. Il faut que le gouvernement fasse en sorte que les plus fortunés, qui vivent dans l'abondance, soient plus généreux à l'égard des plus pauvres. La grandeur de la société se mesure à l'aune de la compassion qu'elle a pour ses plus faibles.

L'être humain s'est doté d'une société pour réaliser sa dignité inhérente grâce à la créativité du travail. Nous élisons des gouvernements pour nous aider dans cette voie en agissant comme représentants pour énoncer les programmes socio-économiques qui nous permettront en tant qu'individus d'agir ensemble dans le meilleur intérêt de tous. Seule une représentation gouvernementale efficace nous permettra de faire en sorte que l'abondance dont jouit le Canada servira au bien commun. On ne peut pas compter sur l'entreprise privée à cette fin alors que, de plus en plus, l'être humain est subordonné au dieu Profit et aux résultats nets.

• 1620

Il ne faut pas laisser le gouvernement renoncer à la responsabilité de voir au rythme de consommation des ressources non renouvelables dans l'intérêt général. Il ne faut confier cette responsabilité aux entreprises privées pour lesquelles le profit est une religion. Il faut que les règlements protègent notre environnement contre le pillage commis par les multinationales qui, au nom du commerce mondial, déboiseraient toutes nos forêts et détruiraient l'équilibre écologique de nombreuses régions du Canada. Permettre à l'entreprise privée de polluer nos cours d'eau et l'air que nous respirons au nom des dieux Profit et Efficacité ne contribue pas au bien commun. Il ne faut pas que la croissance économique se fasse au coût de l'environnement que nous a donné Dieu.

Les nouvelles technologies sont le produit de la créativité de l'homme. Elles doivent toujours servir à faire progresser le bien commun en améliorant la condition humaine. C'est la règle de la saine gestion publique qui fait en sorte que la technologie ne sert pas à détruire la vie ou l'environnement.

Il faut que la croissance socio-économique repose sur l'utilisation moralement correcte de la technologie. Il faut que le gouvernement interdise l'application sans discrimination des percées technologiques dans des domaines qui peuvent nuire à l'homme et à son environnement, notre soutien. Les percées technologiques doivent servir au bien commun de sorte que tous les membres de la société obtiennent leur juste part du revenu et de l'emploi, que ce soit directement ou indirectement, par exemple dans le cas des démunis.

Monsieur le président, je vous remercie.

Le président: Nous entamons maintenant la période des questions. Monsieur Jaffer est le premier.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Mes questions s'adressent à M. Percy, mais je sais que plusieurs témoins ont parlé de la réduction de la dette. Aussi, si d'autres souhaitent répondre à la question, qu'ils n'hésitent pas à le faire!

J'en ai entendu plusieurs parler de la réduction de la dette en l'associant à la conscience sociale. J'aimerais que l'on dise simplement que, parfois, on sous-estime le pouvoir des familles de faire des choix simples correspondant à leur propre intérêt.

Examinons par exemple la question des réductions d'impôt. Faisons le point. Voyons ce qui arriverait si l'exemption de base était augmentée à tel point que les familles à faible revenu ne figureraient plus sur le rôle d'imposition, particulièrement à la lumière des augmentations prévues des cotisations au Régime de pensions du Canada. Il faudra que les familles, que les Canadiens, choisissent entre l'hypothèque et la facture d'épicerie.

Il faut entre autres que nous nous demandions à quel moment, à quel stade, le gouvernement doit envisager la possibilité de réduire les impôts. Le gouvernement devrait-il commencer à planifier quand et comment il introduira ces réductions? J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, monsieur Percy.

M. Michael Percy: En réponse à cela, j'aimerais faire valoir trois points, dont deux répondront à votre question.

Le Sommet de la croissance de l'Alberta n'aurait jamais pu recommander de donner la priorité à l'éducation, à la santé et à la qualité de la vie si la situation financière de la province n'avait pas été aussi bonne. Une des raisons pour lesquelles je tenais à faire une comparaison, c'est que la province a une plus grande marge de manoeuvre dans ses choix que le gouvernement fédéral. Les options du gouvernement fédéral sont beaucoup plus restreintes en raison du service de sa dette. Ce qui est possible pour l'un, dans le cadre de l'actuelle consultation, ne l'est peut-être pas pour l'autre, mais, fait plus important encore, la durabilité tout au long du cycle économique entre aussi en jeu.

En ce qui concerne les réductions d'impôt, certes en Alberta, on a adopté un programme modeste visant à réduire les impôts des familles à faible revenu. Le programme est déjà en place.

Si vous demandez mon opinion au sujet de la hiérarchie à ce stade-ci, puisque le ministre des Finances avait déjà décidé que la moitié de tout excédent ira à des dépenses de programme, ce que j'ai à dire concerne l'autre moitié. À mon avis, cette moitié devrait être consacrée à l'amortissement de la dette sans, à ce stade-ci, envisager des réductions d'impôt.

Je le dis en raison du niveau élevé de la dette, particulièrement de la part élevée détenue par des étrangers. Si nous voulons prendre en charge notre avenir et concevoir nos propres programmes, plus nous réduirons cette dette et la propriété étrangère, mieux nous contrôlerons nos programmes sociaux et leur durabilité.

[Français]

Le président: Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Je vais me limiter à un commentaire.

• 1625

Bon après-midi. À la lumière des témoignages que j'ai entendus depuis le début de l'après-midi, il m'apparaît que nous vivons encore et que nous aurons encore à faire face à de graves problèmes dans notre société. Face à cette situation, il faut que le gouvernement fédéral change son fusil d'épaule. Nous, du Bloc québécois, préconisons trois solutions à court terme.

Premièrement, il faudrait que le ministre des Finances cesse de faire des coupures dans les transferts aux provinces. Deuxièmement, avec le surplus anticipé, il devrait rembourser aux provinces ce qu'il a coupé depuis 1994 et revoir le fonctionnement de l'actuel régime d'assurance-emploi, qui pénalise beaucoup les travailleurs, en modifiant les conditions d'admissibilité à ce programme et en diminuant les cotisations, qui sont trop élevées. Vous avez donc entre les mains des demandes très pressantes que vous pouvez transmettre à l'actuel gouvernement.

Je vous remercie de votre participation et vous félicite pour le travail que vous avez accompli depuis le début de l'après-midi.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le président, je vous remercie.

J'ai écouté avec intérêt les excellents exposés qui nous ont été faits cet après-midi. Si vous me le permettez, j'aimerais résumer ce qui s'est dit. Il semble presque y avoir deux domaines qui font l'unanimité, ce qui est très rare de nos jours. Tout d'abord, on ne semble pas croire que des réductions d'impôt seraient opportunes. C'est probablement, et de loin, la dernière priorité.

Par ailleurs, s'il faut faire des dépenses, il faudrait qu'elles soient engagées dans les domaines énumérés par les Albertains, soit les soins de santé, l'éducation et les services sociaux. Malgré tout le respect que j'ai pour les constructeurs de routes, je ne suis pas sûr de ce que cela signifie, mais je suppose que vous n'êtes pas exclus.

Nous devons à Gary et à Don d'avoir souligné que de nombreux Canadiens ne sont pas traités comme les autres actuellement et qu'il faut faire quelque chose pour améliorer leur sort.

Toutefois, ma question s'adresse à M. Percy. J'ai écouté attentivement ce que vous avez dit au début et je me suis rendu compte que vous n'aviez pas entendu les autres exposés quand vous avez plaidé en faveur d'un effort dynamique de réduction de la dette. Je soupçonne qu'il y a de la compassion en vous, et vous avez entendu des gens décrire des situations vraiment désastreuses dans certains secteurs de l'économie—des politiques cruelles et bornées ont été mises en oeuvre. Je ne crois pas que l'on puisse les qualifier autrement. Nous avons maltraité des personnes, victimes de certains choix économiques extrêmement difficiles.

Après avoir entendu tous ces témoignages, persistez-vous à croire qu'il ne faudrait pas recommencer à dépenser dans des domaines qui apporteront quelques secours à certaines de ces personnes, que nous devrions continuer d'avoir pour priorité la réduction de la dette?

M. Michael Percy: Je vous remercie de m'avoir posé la question. J'aurais deux points à faire valoir. Tout d'abord, j'ai dit de façon assez claire quand j'ai répondu à la question de Rahim qu'il est pour moi acquis que le ministre des Finances a déjà décidé à quoi seront consacrés ces dollars. Il semble que l'on ait déjà décidé que la moitié ira à des dépenses de programme. Bien sûr, on exigera des résultats concrets, parce qu'un des problèmes de la société contemporaine, c'est que les gens sont conscients du coût du gouvernement, mais que, comme l'a fait remarquer Dick, ils sont rarement capables d'y attribuer une valeur. Aussi, je crois que la gestion fondée sur les résultats est très importante.

M. Nelson Riis: Je m'excuse, car je ne m'étais pas rendu compte que vous étiez d'accord pour que le surplus, quel qu'il soit, soit investi dans les programmes sociaux.

M. Michael Percy: Cela semble plutôt clair, de moins d'après ce que j'ai lu.

En ce qui concerne l'autre moitié du surplus, entre réduire les impôts et réduire la dette, il est clair qu'il faut insister sur la réduction de la dette afin de libérer des fonds de façon durable. N'oubliez pas que s'il y a une crise de l'unité nationale ou une crise due à des facteurs externes, les taux d'intérêt vont monter. Le gouvernement fédéral pourrait facilement se retrouver à nouveau en position déficitaire. L'enjeu est la durabilité des politiques tout au long du cycle de façon à pouvoir permettre à chacun de planifier avec un certain degré de certitude.

M. Nelson Riis: J'aurais une brève question à poser à Elisabeth et à Lorraine au sujet de l'assurance-médicaments qui a été annoncée—qui est du moins envisagée. La capacité de réellement instituer le programme universel d'assurance-médicaments au Canada, étant donné la loi actuellement en vigueur au sujet des produits pharmaceutiques—je parle du projet de loi C-91—qui confère un monopole de 20 ans, la difficulté d'obtenir des médicaments génériques sur le marché, et ainsi de suite, vous préoccupent- elles? Voyez-vous un conflit entre ces deux programmes ou la coexistence est-elle possible?

• 1630

Mme Elisabeth Ballermann: Je vais répondre.

Dans le passé, nous avons assurément recommandé un examen consciencieux du projet de loi C-91 à propos de cette question. Selon nous, la prorogation de ces brevets de médicaments ne sert pas vraiment l'intérêt des Canadiens. Cela n'a pas créé beaucoup d'emplois et nous croyons donc que c'est inconciliable avec un programme efficace.

Ceci étant dit, si aujourd'hui c'est un organisme du gouvernement qui fait des achats en masse de médicaments, uniquement pour une question d'économie, le coût au détail de ces médicaments devrait être inférieur à ce qu'il est actuellement. Les médicaments vendus au détail sont excessivement chers pour les Canadiens.

Mme Lorraine Way: Ce qui est inquiétant à propos de l'augmentation du coût des médicaments, c'est que, par suite des bouleversements au sein des établissements et des hôpitaux—où ces médicaments étaient bien sûr couverts en vertu de la Loi canadienne sur la santé—ce sont maintenant les familles qui en supportent les coûts. Cependant, à l'instar de M. Plain, je crois que parallèlement à la question de l'assurance-médicaments, il faut aussi examiner le recours aux médicaments dans son ensemble.

Si vous permettez, je crois que Heather Smith a quelque chose à ajouter. Dans son exposé, elle a aussi parlé de l'assurance-médicaments.

Le président: Oui, allez-y.

Mme Heather Smith: J'aurais voulu que des changements soient apportés au projet de loi C-91; en particulier, tous les médicaments, et pas seulement ceux qui sont brevetés, devraient être soumis à un examen en matière de coûts et de prix. Malgré les limites du projet de loi C-91, il me semble qu'un régime national d'assurance-médicaments est plus essentiel que jamais.

Compte tenu des économies de coût réalisées grâce à des économies d'échelle, et dans le contexte des soins de santé en général, je suis sûre que si vous demandiez aux Canadiens s'ils étaient prêts à payer un impôt de plus pour des régimes nationaux d'assurance-médicaments et de soins à domicile, ils vous répondraient par l'affirmative. Je crois que les Canadiens accepteraient même des impôts plus élevés, en général—je ne dis pas qu'il faudrait nécessairement que ce soit des impôts très élevés—pour bénéficier de ces économies globales et de la protection découlant d'un régime national d'assurance-médicaments. Ce sont les malades qui actuellement sont pénalisés et il faudrait régler ce problème.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à M. Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais remercier tous ceux qui ont pris le temps de présenter leur exposé cet après-midi. Je n'ai pas vraiment de questions à poser, mais plutôt quelques observations à faire.

Ces 20 dernières années, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, je ne crois pas que nous ayons jamais imaginé nous retrouver dans la situation actuelle qui nous oblige à être financièrement responsables et à dépenser correctement les fonds dont nous disposons. Beaucoup de grandes sociétés du secteur privé ont dû procéder à des réorganisations en profondeur. Vous parlez de difficultés et de souffrances. Eh bien, je ne crois pas que le secteur public ait connu les difficultés et les souffrances que certaines sociétés du secteur privé ont vécues, sociétés dont les employés ont dû accepter des réductions salariales de l'ordre de 20 et de 30 p. 100 et dont l'effectif a subi des compressions de 20 à 30 p. 100. Je crois que nous devons suivre leur exemple.

Quelqu'un l'a déjà dit, je crois, il faut pour le prochain millénaire avoir une vision pour le Canada. On a souvent dit dans d'autres instances, et l'un de nos témoins l'a répété, qu'aucune matière première ne devrait sortir de l'Alberta. J'irais même jusqu'à dire qu'aucune matière première ne devrait sortir de notre pays. Nous devrions transformer nous-mêmes nos matières premières en produits finis au lieu de les expédier dans d'autres pays pour ensuite les récupérer sous forme de produits finis. Cela crée beaucoup d'emplois dans ces pays, mais pas beaucoup ici. C'est ce qu'il faudrait faire.

• 1635

Pendant 27 ans, le budget du gouvernement fédéral a été déficitaire; mon gouvernement a sa part de responsabilité, tout autant que les Libéraux ces 27 dernières années. Si j'ai décidé de me présenter, c'est parce que je ne comprenais pas pourquoi nous imaginions toujours qu'il était possible d'hypothéquer l'avenir pour régler des problèmes à court terme. Maintenant, nous devons payer pour longtemps.

Je sais bien que l'autre jour M. Martin a déclaré que le budget était presque équilibré; nous parlons d'un dividende budgétaire. Je n'arrive pas à le croire: nous avons financé l'économie par le déficit pendant 27 ans et nous cherchons déjà à dépenser ce dividende. À mon avis, il faudrait adopter une loi relative à l'équilibre budgétaire de manière que plus jamais, sauf en temps de guerre ou de catastrophe nationale, nous n'ayons de budget déficitaire.

Il faut également mettre en place un programme de réduction de la dette pour amortir la dette. Comme l'a déclaré ce matin M. Boothe, de l'Université de l'Alberta, le dividende budgétaire, c'est l'amortissement de la dette et l'élimination du service de la dette sur ces 48 milliards de dollars, et non ce dont on parle aujourd'hui.

Après avoir travaillé neuf années au palier municipal, je me suis rendu compte de nombreux cas de double emploi. J'ai vu des gens se bâtir de véritables empires. J'ai vu des pompiers qui ne pouvaient pas faire leur travail à cause la façon dont étaient rédigés certains contrats.

Ce n'est pas l'argent qui manque. Nous dépensons beaucoup d'argent dans le secteur public. Il faut changer le paradigme. Il vaut mieux coopérer les uns avec les autres, à tous les paliers du gouvernement. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'abaisser le niveau de vie, il suffit tout simplement de travailler plus efficacement ensemble au sein du gouvernement.

Le président: Pouvez-vous vous arrêter quelques instants, monsieur Jones? M. Plain veut probablement vous poser une question ou faire une observation.

M. Richard Plain: J'aimerais parler davantage de l'assurance-médicaments et développer la partie de mon exposé à ce sujet.

Le président: Dans ce cas, vous pouvez terminer, monsieur Jones.

M. Jim Jones: Pour terminer, je tiens à m'adresser à Pam Barrett.

En 1990, l'Ontario, alors très chanceux, a élu un gouvernement NPD sous la direction de Bob Rae. Celui-ci héritait d'un déficit de 30 millions ou de 1,5 milliard de dollars, selon vos interlocuteurs. Au bout d'un an, le déficit a atteint 10 milliards de dollars par an. L'Ontario continue d'en faire les frais. La dette est passée de 40 milliards à plus de 100 milliards de dollars.

M. Nelson Riis: Parlons de la Saskatchewan pour changer.

M. Jim Jones: Non, je parle de l'Ontario.

M. Nelson Riis: Les conservateurs de la Saskatchewan sont tous en prison.

M. Jim Jones: Tout ce que je dis, c'est que...

M. Nelson Riis: Je ne vous attaque pas directement.

M. Jim Jones: ...c'est criminel d'hypothéquer l'avenir. Nous devons payer au fur et à mesure que nous dépensons. Je crois que c'est ce qu'ont dit certains des témoins. En même temps, nous devons faire preuve d'humanité et nous occuper des moins fortunés. Je crois que nous pouvons le faire. Nous devons créer des partenariats non seulement avec le gouvernement, mais aussi avec le secteur privé et les sociétés.

Mme Pam Barrett: Si M. Jones veut parler de crime, permettez-moi de parler de l'accord de libre-échange signé en 1989.

Le président: Avant cela, puis-je vous donner la parole?

Mme Pam Barrett: D'accord.

Le président: D'accord, madame Barrett.

Mme Pam Barrett: Je dois partir tout de suite après.

Il ne fait aucun doute que l'accord de libre-échange s'est soldé par la perte de dizaines de milliers d'emplois en Ontario seulement. L'Accord de libre-échange nord-américain a été signé et maintenant il est question d'un Accord multilatéral sur l'investissement qui est appuyé par le gouvernement libéral; à mon avis, c'est l'accord le plus dangereux qui soit, car il permettrait à toutes les sociétés transcontinentales d'adopter des normes caractéristiques du Tiers monde et ainsi de polluer notre atmosphère ou de traiter nos travailleurs de la manière dont elles traitent les leurs. Si vous voulez remplir correctement votre rôle de député de l'opposition, je crois que la première chose à faire serait de vous opposer à l'AMI.

M. Jim Jones: Rapidement, je vous dirais que c'est grâce aux taxes supplémentaires découlant du libre-échange et s'élevant à 17,5 milliards de dollars que nous avons pu abaisser notre déficit.

• 1640

Mme Pam Barrett: Je peux vous dire que le déficit par habitant...

Le président: Je coupe court à cet échange et je cède la parole à M. Plain.

Mme Pam Barrett: ...a été plus élevé en Alberta qu'il ne l'a jamais été Ontario.

Je dois partir. Merci.

Le président: D'accord.

M. Richard Plain: Monsieur le président, j'aimerais compléter ce qui a été dit au sujet de l'assurance-médicaments, apporter des éclaircissements sur ce que j'en ai dit et aussi indiquer pourquoi, à mon avis, il faudra être très prudent en ce qui concerne l'instauration d'un tel régime.

Le professeur Robert Evans, économiste de renommée au plan national, spécialisé dans les soins de santé, a lancé un défi très intéressant aux Canadiens après avoir examiné cette question, et d'autres, pendant deux ans. Il a déclaré qu'un régime national d'assurance-médicaments ne doit pas entraîner de ressources supplémentaires. Il s'agit plutôt de fusionner les ressources existantes que l'on retrouve dans de multiples régimes d'assurance- médicaments dans notre pays—régimes totalement inefficaces dont les coûts administratifs et autres sont très élevés—, et de tirer les leçons du régime d'assurance-maladie à guichet unique afin d'offrir à tous les Canadiens l'accès aux ressources nécessaires, sans dépenser plus que ce que nous dépensons actuellement.

Cela ne se fera pas sans douleur et cela sera certainement intéressant, mais c'est le défi auquel nous sommes confrontés et que nous devons examiner de très près. J'ai cru bon de le préciser, car il a été dit qu'il faudrait prévoir des ressources supplémentaires, ce que je ne crois pas.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à une dernière question, Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai une observation générale à faire et ensuite une question à poser à M. Percy.

Personne autour de cette table ne prend plaisir aux difficultés qu'ont connu les Canadiens, du fait essentiellement que nous avons dû, en tant que gouvernement, redresser la situation financière très difficile dans laquelle nous nous trouvions. Je ne veux pas attribuer la faute à qui que ce soit ni faire preuve d'esprit de parti, etc., car ce n'est pas le but de ces séances de comité.

Je me sens presque obligé de présenter des excuses pour ce que nous venons d'entendre, parce que nous recherchons en fait le point de vue des Canadiens que nous allons rencontrer au fur et à mesure de nos déplacements dans le pays, à propos de ce qu'il faudra faire si nous voulons améliorer la qualité de vie des Canadiens. Nous avons enfin la possibilité d'entamer le débat, de recueillir le point de vue des Canadiens et de commencer à mettre en place ce qui est important à leurs yeux.

Je dirais généralement qu'il faut répondre à la question suivante: quels nouveaux investissements stratégiques pertinents faut-il faire? Ce qui ressort de cette table ronde cet après-midi, c'est que les soins de santé et l'éducation, sous forme de paiements de transfert qui reviendraient aux provinces, assortis de certaines conditions, sont d'une importance vitale. C'est ce que j'ai compris de vos interventions de cet après-midi. Peut-être devrais-je demander à Lorraine Way ou à toute autre personne de me dire si j'ai effectivement bien compris.

Ma deuxième question s'adresse à M. Percy.

Dans votre mémoire, vous dites que la position du gouvernement fédéral est «vulnérable aux remontées des taux d'intérêt.» Dans le processus de présentation budgétaire, nous nous sommes toujours appuyés sur de prudentes hypothèses économiques; l'une d'elles étant bien entendu les taux d'intérêts, l'autre, la croissance économique.

Dans son exposé de ce matin, le professeur Boothe a parlé de son modèle, indiquant que nous ne devrions pas nous fonder sur ces genres d'hypothèses économiques, mais plutôt nous pencher sur la question d'un fonds pour éventualités. Je me demande ce que vous avez à dire à ce sujet et si, d'après vous, nous devrions conserver ce genre de processus ou si vous avez d'autres propositions à nous faire pour ce qui est de la formulation du budget.

M. Michael Percy: Merci.

Je suis heureux d'apprendre que M. Boothe défend ce point de vue, car je suis certainement d'avis que l'Alberta a besoin d'un fonds de stabilisation au lieu de coussins, compte tenu de la situation fiscale actuelle.

Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec mon collègue et prétend au contraire qu'il faut fonder le processus budgétaire sur de prudentes hypothèses, car lorsque l'on se trompe et que l'on est trop pessimiste, les fonds supplémentaires risquent d'être affectés à la dette ou... C'est en quelque sorte le frein dont vous avez besoin.

Je dirais donc qu'un fonds de stabilisation... Compte tenu des frais d'intérêt relatifs au service de la dette auxquels nous sommes actuellement confrontés, une fois que nous avons décidé de cibler les dépenses pour atteindre des objectifs précis, au lieu de nous contenter tout simplement d'augmenter les dépenses sous prétexte que nous disposons de fonds supplémentaires, lorsque donc nous acceptons de cibler ces dépenses et poursuivons un objectif bien défini, tout en ayant conscience des résultats en fin de course... C'est ainsi que vous procédez pour ce qui est des recettes dans le contexte de projections prudentes et cohérentes, lesquelles permettent de planifier; ainsi, on sait ce qui se passe du côté des recettes, puisqu'il est possible de comparer les résultats atteints en fonction de ces variables. Je dirais donc qu'il faut s'en tenir à de prudentes projections.

• 1645

Deuxièmement, on peut avoir le meilleur fonds de stabilisation qui soit lorsque l'on a décidé des dépenses, fixé des objectifs et certains résultats; lorsque l'on dispose de fonds supplémentaires à ce moment-là, il suffit de les affecter à l'amortissement de la dette pour profiter de façon permanente des économies d'intérêt réalisables. Je n'en suis pas si sûr. J'imagine que pour l'instant, je m'en tiendrais aux projections prudentes. Après tout, compte tenu du surplus actuel du fonds AC et du futur surplus du RPC, l'économie a suffisamment contribué à cet égard. Je laisserais donc les choses en l'état.

M. Tony Valeri: Au sujet du RPC, le changement va permettre une pleine capitalisation et non en fait...

M. Michael Percy: Oui, c'est devenu actuariel.

M. Tony Valeri: Il n'y aura pas de surplus dans le fonds RPC...

M. Michael Percy: A court terme seulement, mais au sens actuariel, il n'y en aura pas.

M. Tony Valeri: Merci.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. L'exercice a été fort intéressant et les idées exprimées par votre groupe sont véritablement stimulantes.

Nous essayons d'innover et je me rends compte qu'il existe suffisamment de points communs. Je suis très optimiste à propos de cet exercice, car pour la première fois, des secteurs de notre société qui, par moments, n'étaient pas nécessairement d'accord, commencent à dire plus ou moins la même chose. Cela augure bien pour le processus et nous porte à croire qu'effectivement nous pouvons bâtir une économie forte, tout en réalisant une société saine ou tout le monde aura sa place.

Au nom du comité, je vous remercie de votre contribution.

La séance est levée.