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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 octobre 1998

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je voudrais maintenant ouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à tous et toutes cet après-midi.

Il s'agit en l'occurrence pour moi de l'une des tables rondes des plus intéressantes car nous allons parler de recherche, ce qui a toujours été un thème de discussion important pendant nos consultations prébudgétaires.

Je saisis l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux représentants des organismes suivants: le Conseil de recherches médicales du Canada, le Conseil pour la recherche en santé au Canada, la Société canadienne de cardiologie, l'Institut national du cancer du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé. Il semblerait que ce soit là l'ordre dans lequel vous souhaitez intervenir, de sorte que nous allons commencer par le Conseil de recherches médicales du Canada en la personne du Dr Henry Friesen. Bienvenue docteur.

Le Dr Henry Friesen (président, Conseil de recherches médicales du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis ravi de pouvoir comparaître devant vous pour vous faire valoir les orientations prises par le Conseil de recherches médicales et les autres tenants de la recherche médico-sanitaire dans ce qui sera, je crois, un message d'espoir, de potentialité et d'innovation. Il s'agit de faire les choses différemment dans le domaine de la recherche en santé.

J'espère pouvoir vous transmettre une vision évolutive de ce qui sera possible si le Canada en tant que nation prend le bon cap. Il s'agit également d'intégration. Il s'agit d'abattre les cloisons, les silos même pourrait-on dire, qui divisent la science et la géographie, et parfois aussi l'absence d'intégration qui découle du savoir produit par la recherche en santé, afin que celle-ci soit adaptée et adoptée pour améliorer l'ensemble de notre système de santé.

Pour commencer, permettez-moi de dire que le Conseil de recherches médicales est le principal organe fédéral d'aide à la recherche médicale et médico-sanitaire. Nous finançons quelque 2t, s000 subventions, qui sont accordées dans toutes les régions du pays, et nous aidons également les jeunes chercheurs en formation et les futurs scientifiques qui financent le développement de leur carrière. C'est donc notre raison d'être, édifier cette capacité de recherche nationale.

Lorsque le ministre des Finances a comparu devant le comité pour livrer son exposé économique, il a signalé que les questions de santé et de soins de santé étaient une priorité, non seulement pour son ministère mais pour l'ensemble du gouvernement, et c'est un avis que je partage. Nous le voyons d'ailleurs exprimé de diverses façons, par exemple par les résultats d'un sondage effectué récemment qui a révélé que les soins de santé étaient la priorité numéro un des Canadiens.

Mais j'aimerais attirer votre attention, et cela me surprend d'ailleurs de le constater, sur le fait que les Canadiens ont également accordé une grande importance à la recherche médico-sanitaire. Lorsqu'on leur a demandé où ils investiraient s'ils étaient premier ministre pour une journée, leur deuxième choix a été la recherche en santé, qui a obtenu 6 p. 100 de suffrages de moins que le domaine de la santé en général. Cette révélation a été tout à fait étonnante, mais j'ai la conviction que mes collègues du secteur à but non lucratif oeuvrant dans le domaine de la santé le savent déjà parce qu'ils le constatent au quotidien par la générosité des Canadiens.

Cela évoque, je crois, un message important parce que les Canadiens savent très bien que la recherche est source de progrès et d'espoir, et nous le voyons d'ailleurs très souvent concrétisé par tout ce qui se dit au Canada, par tout ce qui se fait en matière de découvertes, des découvertes qui ont profité à tout le pays et à tous ses habitants jeunes ou vieux. Nous le constatons également au niveau des perspectives d'investissement, étant donné que le secteur de la santé est de plus en plus considéré comme le secteur de croissance en devenir de l'économie canadienne. C'est la raison pour laquelle les Canadiens estiment que le programme du savoir est au coeur même de la croissance économique nationale et de la création d'emplois pour les jeunes les plus qualifiés, et ils ont par ailleurs compris que c'est ainsi qu'on crée au Canada, dans ce secteur, un environnement susceptible d'endiguer l'exode des cerveaux.

L'an dernier, lorsque je suis venu vous parler, j'avais fait valoir qu'au plan international notre compétitivité n'était pas parfaite. Je suis convaincu que je me fais le porte-parole de milliers de mes collègues partout au Canada lorsque je vous remercie d'avoir fait en sorte que le gouvernement décide de commencer à intervenir pour rattraper ce retard.

Le reste du monde a aussi décidé d'agir. Comme vous le savez, dans le cadre de l'accord relatif à l'équilibre du budget, le Congrès a accordé la semaine dernière au NIH, notre homologue américain, la somme supplémentaire de 1,9 milliard de dollars, ce qui représente une augmentation de 14 p. 100 des ressources déjà très importantes qui sont accordées au NIH. Toute proportion gardée, le niveau de financement dont jouit notre homologue est au moins quatre fois supérieur à celui du CRM. L'occasion nous est donc donnée d'étudier soigneusement les choix stratégiques futurs qui s'offrent à nous.

• 1540

Je répète que cet exposé a pour thème l'espoir, les occasions qui s'offrent à nous ainsi que l'innovation. Les chercheurs de notre pays peuvent être fiers de leurs réalisations passées. Ce dont nous ne pouvons pas être aussi fiers est le fait que nous ne sommes pas parvenus à exploiter et à commercialiser ces découvertes dans l'intérêt des Canadiens, ce qui explique le déficit de 2 milliards de dollars à ce titre dans la balance des paiements. L'occasion nous est maintenant donnée d'essayer de corriger la situation.

Après un long débat sur la question, nous avons constitué une coalition, une coalition extraordinaire, dont la raison d'être est de voir s'il n'y a pas un moyen pour notre pays de tirer parti de ces réalisations dans le domaine de la recherche. Comment réorganiser le secteur à cette fin? Ne serait-il pas possible de créer un réseau virtuel de centres voués à la recherche scientifique dans le domaine de la santé en se fondant sur les grandes institutions liées aux universités? Ces institutions, qui existent dans tout le pays, collaborent habituellement avec les facultés de sciences de la santé et il y en a dans chaque collectivité. Si, au lieu d'oeuvrer de façon isolée, ces institutions pouvaient constituer un consortium virtuel, une entreprise canadienne en matière de recherche de santé, elles pourraient constituer la force motrice du renouvellement de notre système de soins de santé... Dans le cadre de cette vision intégrée du système, un investissement doit être fait non seulement dans les éléments de base comme les molécules, mais dans les collectivités elles-mêmes parce que c'est en bout de ligne la santé des Canadiens qui importe.

Mes collègues du domaine des organismes de bienfaisance, des universités et de l'industrie vous diront à quel point il est important de ne pas rater l'occasion qui s'offre à nous. Si nous adoptons la vision qui s'impose, nous pourrons aborder la gestion des soins de santé au XXIe siècle avec hardiesse et innovation de façon à régler les préoccupations des Canadiens au sujet de l'accès et de la disponibilité des soins de santé.

Ce faisant, nous inciterons les jeunes Canadiens qui auront été formés grâce à des fonds publics à rester au pays et à ne pas tenter leur chance aux États-Unis. Je vous rappelle qu'une étude de l'Institut C.D. Howe, publiée il y a quelques semaines, révélait que la formation de ces chercheurs canadiens a coûté 400 millions de dollars, un gain pour l'économie américaine. Nous devons faire en sorte que la situation change.

On peut conclure de cette étude que deux classes entières de diplômés en médecine sur 16 s'installent aux États-Unis chaque année. C'est comme si le Canada mettait en oeuvre un programme d'aide étrangère pour s'assurer du maintien du système de soins de santé aux États-Unis. À mon avis, cette situation doit changer. Voilà le défi que nous devons relever. L'occasion nous est donnée de collaborer à la réalisation d'une oeuvre commune. Voilà ma vision. Je crois que nous pouvons atteindre cet objectif.

Comme le ministre des Finances l'a dit, certains sont prêts à accepter que le Canada se situe à la deuxième place. Cette vision nous permet de viser la première place.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, docteur Friesen.

J'accorde maintenant la parole aux représentants du Conseil pour la recherche en santé du Canada. Il s'agit du Dr Mark Poznansky, président, et du Dr Peter Glynn. Bienvenue, messieurs.

Le Dr Mark Poznansky (président, Conseil pour la recherche en santé du Canada): Je vous remercie.

J'aimerais entreprendre mon exposé par un aveu et ensuite poser une série de questions.

Je viens à Ottawa depuis 15 ans pour tenter d'expliquer toute l'importance de la recherche en santé et son incidence pour les Canadiens et les Canadiennes. Pour l'essentiel, j'ai constaté l'ampleur du sous-financement de la science au Canada par comparaison avec les États-Unis et, pour être franc avec vous, j'avais alors l'impression de ne pas être beaucoup apprécié. Pour moi, l'importance de la recherche va tout simplement de soi.

Je me présente donc devant vous aujourd'hui non seulement persuadé que la recherche médicale permet de sauver des vies, d'épargner de l'argent et de créer des emplois, mais convaincu qu'à défaut d'investir des sommes très considérables dans nos laboratoires, nous compromettrons sérieusement la santé physique et économique de nos enfants et des générations de demain.

Permettez-moi donc maintenant de poser un certain nombre de questions. L'incidence par habitant du pontage aortocoronarien à Columbus (Missouri) est dix fois supérieure à celle d'Edmonton (Alberta). Pourquoi?

Pourquoi un nouveau-né et sa mère risquaient-ils de séjourner à l'hôpital pendant plus d'une semaine il y a 20 ans, alors qu'on a réduit cette période à quatre ou cinq jours il y a quelques années et à aussi peu que 6 à 12 heures aujourd'hui?

• 1545

L'Ontario dépense 135 millions de dollars par année en oxygène à domicile. Ce chiffre est-il bon?

Pourquoi l'incidence des crises cardiaques dans le sud-ouest de l'Ontario est-elle supérieure de 35 p. 100 à celle de la partie sud-est de cette province?

De nombreux Canadiens de 50 ans et plus se sont fait enlever systématiquement les amygdales lorsqu'ils étaient jeunes. En 1998, cette intervention est extrêmement rare. Pourquoi?

La réponse aux quatre premières questions est fort simple. Nous n'avons pas effectué de recherche, donc nous ne disposons d'aucune donnée pour répondre. En réalité, dans les trois premiers cas, les pratiques sont fondées simplement sur les budgets dont disposent les hôpitaux ou les districts de santé et non pas sur des données. C'est sans doute une façon déplorable de gérer ce qui constitue la seconde entreprise en importance au Canada.

En ce qui concerne la modification des pratiques à l'égard des amygdalectomies, on a mené des recherches pour déterminer l'efficacité de cette intervention: quand faudrait-il l'effectuer ou l'éviter? L'étude, au coût de 700t, s000t, s$, a été menée à l'Université de Pittsburgh au début des années 70 et ses conclusions permettent aujourd'hui au système de soins de santé américain d'épargner plus de 400 millions de dollars chaque année.

Conséquence de cette recherche, la fréquence de l'amygdalectomie est maintenant fonction de données concrètes et non pas de la volonté ou de la capacité de paiement des personnes ou des régimes d'assurance-maladie. Nous avons à coup sûr l'obligation de créer un mécanisme pour veiller à ce que la plupart des secteurs de notre système de soins de santé reposent sur des données au lieu d'être simplement déterminés par les budgets consentis par les gouvernements ou les hôpitaux.

Un autre ensemble de questions portent sur la question de la découverte. Pourquoi les gènes de la fibrose kystique et de la dystrophie musculaire, tous deux découverts à Toronto, n'ont-ils été commercialisés qu'aux États-Unis exclusivement?

Pourquoi Randy Read, un scientifique canadien exceptionnel, en qui les gouvernements de l'Alberta et du Canada ont investi plus de 3 millions de dollars, a-t-il élu domicile en permanence à Oxford en Angleterre?

Pourquoi Susan Rosenberg, une Américaine que nous avons attirée au Canada grâce à un investissement de plus de 2 millions de dollars, a-t-elle maintenant quitté le pays pour travailler à Houston dans un des domaines les plus stimulants de la biotechnologie?

Pourquoi Roland Tisch, un des jeunes scientifiques canadiens les plus brillants, diplômé de Toronto, que nous avons envoyé chez nos voisins du Sud pour recevoir une formation supplémentaire à l'Université Stanford, a-t-il refusé de revenir au Canada?

Pourquoi un gène responsable du processus de vieillissement, dont la découverte émane de travaux préliminaires menés à l'Université McMaster, a-t-il été découvert au Texas et commercialisé en Californie pour une somme évaluée à des centaines de millions de dollars?

Dans tous les cas, la réponse est évidente. Au Canada, nous avons les cerveaux pour réaliser certaines des découvertes les plus fondamentales en biologie et en médecine. Malheureusement, nous ne les avons pas suffisamment appuyés et, le plus souvent ces dernières années, ils ont fui au sud de la frontière.

En conclusion, voici quelques brèves remarques sur l'économie et la croissance des industries du savoir liées à la biologie et à la médecine, en particulier la biotechnologie.

Le Canada bénéficie d'un énorme excédent commercial avec les États-Unis, surtout à l'égard des ressources naturelles, mais son déficit commercial est supérieur à 2 milliards de dollars avec ses principaux partenaires commerciaux dans les domaines pharmaceutiques, biotechnologiques et des appareils médicaux. Comment expliquer cette situation?

Pourquoi fabrique-t-on au Canada 12 à 14 p. 100 des voitures et des camions produits en Amérique du Nord, mais seulement 2 p. 100 des médicaments, des appareils médicaux et des produits biotechnologiques?

Dans les années 70 et 80, Boston était une ville qui devait sa richesse au complexe militaro-industriel et aux General Dynamics et General Electrics de ce monde. Pourquoi bénéficie-t-elle aujourd'hui d'une économie florissante fondée sur les sciences biologiques et médicales?

Jusqu'au début des années 90, l'économie de San Diego reposait surtout sur la marine des États-Unis. De nos jours, plus de 250 sociétés biotechnologiques ont comblé le vide laissé par la fermeture des bases et des chantiers navals.

Quelle est la base de ces deux revirements spectaculaires? La réponse à chaque question est la même. À l'encontre de nos voisins américains, nous ne réalisons pas les mêmes investissements en recherche qui entraîneront la production des découvertes et des nouvelles connaissances qui, à leur tour, constitueront la base d'une nouvelle économie.

• 1550

Nous devrions nous demander s'il n'est pas trop tard et si nous n'avons pas raté le coche. À l'évidence, la réponse est non. Charles Holliday, le président de DuPont, a parlé du siècle prochain comme de celui des biosciences lorsqu'il a pris la parole l'an dernier au Forum économique mondial en Suisse. Il a dit que nous assistons à peine aux premiers balbutiements de la biotechnologie dans une perspective de résolution des problèmes de santé humaine, d'apprentissage de meilleurs moyens d'alimenter la population mondiale et d'une meilleure protection de l'environnement.

En tant que Canadiens, nous voulons certainement participer à cette révolution. Jusqu'ici, nous semblons avoir emprunté un chemin sûr et conservateur vers la prospérité. Nous nous sommes fiés surtout à nos industries primaires et aux économies de succursales. Il n'est pas nécessaire de posséder une formation en économie pour savoir que cette approche en est une à courte vue. Nous nous devons de procéder aux investissements nécessaires dans les économies du savoir qui feront en sorte que nos enfants et leurs enfants partageront la même prospérité que nous.

Le message devrait être clair: Si nous voulons un système de soins de santé qui soit fondé sur des données au lieu de s'en tenir aux sommes disponibles, si nous voulons tirer parti de découvertes au Canada et créer de la richesse à l'avenir grâce aux industries du savoir, alors nous devons investir et réinvestir des sommes beaucoup plus considérables dans la recherche.

La proposition à l'étude à Ottawa et dans d'autres parties du pays, c'est-à-dire les Instituts canadiens de recherche en santé, représente un excellent point de départ.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie moi aussi, docteur Poznansky.

Nous allons maintenant passer à la Société canadienne de cardiologie en la personne de M. Charles A. Shields, fils, son directeur exécutif, et celle du Dr Michael Baird, son secrétaire. Bienvenue, messieurs.

M. Charles A. Shields, fils (directeur exécutif, Société canadienne de cardiologie): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vais vous faire un exposé après quoi le Dr Baird pourra ultérieurement participer à la période des questions et réponses.

Je voudrais pour commencer vous remercier tous de nous avoir donné l'occasion de vous rencontrer et de vous faire part de quelques-unes des idées qui ont cours à la Société canadienne de cardiologie dans le cadre de vos consultations prébudgétaires. Nous vous savons particulièrement gré de pouvoir ajouter à la discussion le point de vue des praticiens. Nous partageons pour l'essentiel les sentiments de ceux qui ont déjà pris la parole et de ceux qu'il vous reste encore à entendre et d'ailleurs, j'ai déjà une bonne idée des thèmes qu'on peut dégager des exposés qui vous ont été faits.

La Société canadienne de cardiologie désire attirer l'attention du comité sur deux questions en particulier. En premier lieu, il s'agit de la nécessité d'améliorer la qualité des soins dispensés aux Canadiens en renforçant l'aide de l'État versée aux spécialistes en recherche en matière de santé, et tout particulièrement à ceux qui font de la recherche clinique. Cela nous préoccupe particulièrement. En second lieu, nous attirons votre attention sur la nécessité d'améliorer l'accès des Canadiens aux services de santé en faisant en sorte que les décideurs du domaine de la santé aient toute l'information voulue pour pouvoir gérer à bon escient le système.

Commençons par la première question. Le clinicien forme un sous-ensemble du groupe dont nous avons entendu parler jusqu'à maintenant, sous-ensemble qui est essentiel au système de santé. Les cliniciens, même s'ils semblent être un peu à l'écart de ceux qui dispensent directement les soins, sont pourtant des fournisseurs directs de services et servent souvent de renforts au système. Ce sont les spécialistes vers qui se tournent leurs collègues pour avoir de l'information.

Or, depuis quelques années, ces spécialistes frisent le découragement devant l'évolution du système de santé. Quelques-uns d'entre eux, comme le signalait le Dr Poznansky, ont même quitté le Canada pour aller s'établir aux États-Unis ou ailleurs.

Le Canada ne peut se permettre de continuer à perdre ces gens. Il nous faut absolument les garder au Canada, car ils constituent dans certains cas les fondations du système de santé. Le comité pourrait peut-être proposer la création d'un programme qui s'appellerait, par exemple, «Pour garder les meilleurs au Canada», qui serait subventionné par le gouvernement fédéral, mais qui serait également soutenu par les provinces et par les organismes oeuvrant bénévolement dans le domaine de la santé. Chacun à sa façon, tous ceux qui sont présents ici cherchent à encourager ces chercheurs à rester au Canada, pour qu'ils puissent y offrir les soins nécessaires et faire les recherches voulues pour établir le lien entre la recherche fondamentale scientifique et les applications dans le domaine clinique.

• 1555

En second lieu, il faut s'assurer que les Canadiens ont accès à des soins de santé de qualité. Le gouvernement fédéral a justement un rôle à jouer dans ce domaine, en s'assurant que toute l'information voulue se trouve entre les mains des décideurs de la santé.

Les pressions exercées sur les régimes de santé provinciaux se sont traduites par une raréfaction des ressources à plusieurs égards. Au fil de ces compressions, ceux qui avaient choisi de rester dans le système devaient prendre les décisions les plus judicieuses possible sur la façon de les utiliser, souvent sans avoir entre les mains suffisamment d'information.

En instaurant les systèmes appropriés de collecte d'information dont ont besoin les travailleurs du système, ceux-ci seront mieux placés pour le gérer, pour diriger les ressources de façon plus efficace et pour faire en sorte que les Canadiens aient accès aux ressources et aux soins dont ils ont besoin.

À titre d'exemple, prenons un programme mis sur pied par l'Ontario, à savoir le Réseau des soins de cardiologie. Depuis trois ans qu'il existe, on a pu constater notamment que le nombre de cardiaques en attente d'une chirurgie dans la province avait presque diminué de moitié. Grâce à ce réseau, on a pu recueillir l'information nécessaire sur tous les patients en attente d'une chirurgie cardiaque et aussi agencer les services de façon qu'ils soient rapidement canalisés vers ceux qui en avaient le plus besoin.

On pourrait choisir le même modèle dans les autres régions du Canada. De plus, le domaine des soins cardio-vasculaires pourrait être un bon point de départ, puisque les Canadiens sont particulièrement visés par les maladies cardio-vasculaires. Nos partenaires, comme la Fondation des maladies du coeur du Canada et nous-mêmes travaillons de concert pour élaborer au Canada une banque de données des maladies cardio-vasculaires qui, avec des investissements modestes, pourrait servir à colliger l'information, tout en faisant appel au secteur volontaire et au gouvernement pour que cette information soit disséminée auprès de tous ceux qui ont pour tâche de mieux gérer le système.

Je m'en tiendrai à cela, et je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourrez avoir plus tard. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Shields.

Nous passons maintenant à l'Institut national du cancer du Canada. Bienvenue à Mme Dorothy Lamont et au Dr Robert Phillips.

Mme Dorothy Lamont (chef de la direction, Société canadienne du cancer et Institut national du cancer du Canada): Merci, monsieur le président.

Je veux commencer par remercier le comité. J'ai cru comprendre que, pour la troisième année de suite, vous aviez prévu du temps pour discuter des questions relevant de la recherche en matière de santé. C'est un sujet qui nous tient à coeur, nous tous qui comparaissons aujourd'hui, et nous sommes ravis de voir qu'il vous tient également à coeur.

Je ferai d'abord quelques brefs commentaires, puis mon collègue, le Dr Bob Phillips, pourra répondre avec moi aux questions du comité.

La Société canadienne du cancer et l'Institut national du cancer du Canada appuient fortement la création des Instituts canadiens de recherche en santé. Plus précisément, ils recommandent qu'un des instituts ait le mandat de soutenir la recherche sur la lutte contre le cancer. Mon exposé n'est pas strictement intéressé, même s'il peut sembler l'être. En fait, mon exposé sert à démontrer ce qu'il est possible de faire, dès lors qu'une initiative est soutenue par de la créativité, de l'engagement et de l'énergie.

Au cours des deux dernières décennies, on a vu des progrès remarquables en recherche fondamentale et en recherche appliquée. Malgré ces progrès, le cancer demeure un problème de santé grave pour les Canadiens. Le cancer vient au deuxième rang des causes de décès au Canada, et il constitue la principale cause de mort prématurée et d'années de vie perdues.

De nouvelles données nous permettent toutefois d'espérer qu'un effort de recherche accru et intensifié pourrait avoir, à plus ou moins court terme, une incidence importante sur le fardeau du cancer au Canada. En effet, d'autres organismes, comme l'Organisation mondiale de la santé et l'American Cancer Society, se sont fixé des objectifs concrets et précis en matière d'efforts de recherche et de lutte contre le cancer pour les 20 prochaines années.

Au Canada, une amélioration considérable pourrait découler d'efforts accrus en matière de prévention. Quatre types de cancer représentent 50 p. 100 de tous les décès par cancer au Canada: le cancer du poumon, le cancer colorectal, le cancer du sein et le cancer de la prostate; la prévention permettrait de réduire l'ensemble de ces quatre types de cancer.

Nous savons que le tabac est responsable d'au moins 30 p. 100 de tous les cancers, notamment de plus de 80 p. 100 des cancers du poumon. Pour réduire l'usage du tabac, nous devons mieux comprendre les facteurs qui déterminent son utilisation et en informer les décideurs en matière d'élaboration des politiques et des programmes.

• 1600

Dans le même ordre d'idées, des études révèlent que des modifications de l'alimentation pourraient favoriser des réductions de l'incidence du cancer de près de 20 p. 100. Des techniques de dépistage améliorées laissent espérer une réduction de l'incidence du cancer du sein, du cancer du colon et du cancer de la prostate. Cependant, ce type de recherche, aboutissant à de nouveaux programmes de santé publique, est coûteux sur le plan culturel, mais il doit être mis en place au Canada afin d'élaborer des politiques et des programmes efficaces dans les collectivités canadiennes.

Depuis 20 ans, on assiste à des progrès remarquables en matière de compréhension des fondements moléculaires du cancer. Joints aux percées en technologie de l'imagerie, ces progrès annoncent une nouvelle ère de diagnostic précoce et de traitements rationnels. Grâce à ces approches, qui en sont encore à leurs premiers balbutiements, nous commençons déjà à constater une réduction de la mortalité par le cancer. Bien que les réductions soient actuellement modestes, nous croyons que des améliorations ultérieures quant au diagnostic précoce et au traitement du cancer pourront favoriser des augmentations très considérables de la survie des patients atteints de cette maladie.

Même si les progrès de la recherche proviendront de nombreux scientifiques et de nombreux pays, le Canada doit appuyer un vaste éventail de recherches en santé pour deux motifs importants. Premièrement, la mise en oeuvre de nouvelles techniques diagnostiques et thérapeutiques constitue un processus complexe, nécessitant une analyse détaillée par de nombreux experts. L'adoption de nouveaux progrès doit être rapide et appropriée pour faire en sorte que les Canadiens en bénéficient dans les plus brefs délais. C'est pourquoi nous avons besoin de scientifiques canadiens qui sont reconnus en qualité d'experts internationaux dans leur domaine.

Deuxièmement, un grand nombre de progrès mènent déjà à la création de nouvelles entreprises. Il importe que le Canada devienne un intervenant de taille dans ce domaine afin d'améliorer une économie canadienne renouvelée et vigoureuse, fondée sur le savoir.

La SCC et l'INCC appuient la création d'un Institut canadien de recherche en santé consacré à la lutte contre le cancer. Grâce aux fonds de la SCC et de la Fondation Terry Fox, l'INCC distribue actuellement 45 millions de dollars par année à l'appui de la recherche sur le cancer.

Nos 50 années d'expérience en qualité de principal bailleur de fonds de la recherche sur le cancer ont prouvé qu'un organisme dont le nom est lié à une maladie peut soutenir un vaste éventail de recherches, allant des études fondamentales sur la croissance dans les levures jusqu'aux études démographiques sur la lutte contre le tabac.

On peut mentionner de nombreux exemples d'innovation en matière de recherche sur le cancer. L'INCC a créé un réseau de 60 hôpitaux dans chaque province canadienne afin de coordonner les essais cliniques pour évaluer de nouveaux traitements du cancer. Le succès de ce réseau est illustré par son rôle de direction dans plusieurs essais internationaux, par le soutien accru que l'industrie lui accorde, par les fonds qu'il vient de recevoir du National Cancer Institute des États-Unis et par les essais qu'il a réussi à compléter et qui ont amélioré le traitement du cancer.

En outre, le réseau d'essais cliniques est un chef de file mondial de l'intégration de l'évaluation de la qualité de la vie dans le cadre de tous les essais cliniques à grande échelle. Ce réseau a permis aux patients canadiens atteints du cancer d'avoir accès à des traitements anticancéreux nouveaux et innovateurs; il conseille également les organismes provinciaux de lutte contre le cancer au sujet des meilleures méthodes de traitement du cancer.

La création récente par l'INCC d'un réseau de scientifiques behavioristes et d'un nouveau programme de lutte contre l'usage du tabac permettra de créer des liens entre les chercheurs, les groupes communautaires et les fonctionnaires chargés de l'application des politiques et des programmes gouvernementaux afin d'élaborer des interventions originales et efficaces pour combattre l'usage du tabac. Il importe de souligner que ces programmes sont élaborés en collaboration avec d'autres groupes qui s'intéressent à la lutte contre l'usage du tabac.

Pendant les cinq dernières années, l'INCC a servi de quartier général administratif à l'Initiative canadienne pour la recherche sur le cancer du sein (ICRCS). Cette initiative a réuni des femmes ayant survécu au cancer du sein, des défenseurs des droits des patientes et les scientifiques de cinq bailleurs de fonds: deux du gouvernement—Santé Canada et le Conseil de recherches médicales; deux groupes bénévoles—la SCC et la Fondation canadienne pour le cancer du sein; et un du secteur privé—Avon, par l'entremise du «Breast Cancer International Centre».

• 1605

Tous ces groupes collaborent dans le cadre d'un plan stratégique élaboré conjointement afin d'éliminer le cancer du sein. Cette initiative a stimulé les recherches qui s'imposent dans de tout nouveaux domaines de recherche comme la communication, les services de santé et les médecines douces.

À bien des égards, l'INCC représente déjà un modèle miniature du fonctionnement éventuel des Instituts canadiens de recherche en santé. Notre expérience a prouvé qu'un institut dont le nom est lié à une maladie peut soutenir et stimuler des projets de recherche sur des sujets qui vont des molécules jusqu'aux collectivités, qu'il peut collaborer avec de nombreux partenaires afin d'atteindre des objectifs communs et assurer une planification continue pour réagir sans tarder à de nouvelles possibilités.

L'INCC et la SCC croient que la création des Instituts canadiens de recherche en santé stimulera la recherche en matière de santé, qu'elle réduira de façon spectaculaire le fardeau imposé par les maladies et qu'elle favorisera la création de nouvelles industries dans le domaine de la santé qui seront concurrentielles sur le plan international. Nous appuyons fortement la création de ces instituts, qui visent des objectifs ambitieux en vue de faire échec aux maladies dans notre pays. En ce qui concerne le cancer, ces objectifs ambitieux sont réalistes et on pourra les atteindre si des ressources suffisantes sont consacrées à la tâche.

Merci.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

Nous entendrons maintenant le Dr Marc Renaud, au nom du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Bienvenue.

[Français]

M. Marc Renaud (président, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada): Mesdames, messieurs, bonjour.

[Traduction]

Comme c'est la quatrième fois que je m'adresse à un auditoire aujourd'hui, mon cerveau fonctionne à vide: si vous me le permettez, je reviendrai donc à mes fonctions primitives et vous adresserai la parole en français.

[Français]

Vous nous avez invités ici en nous demandant comment il faudrait investir un surplus fiscal, si jamais il y en avait un. Nous avons préparé à ce sujet un mémoire qui vous a été envoyé il y a plus d'un mois, dans lequel nous essayons d'expliquer au meilleur de notre connaissance comment ce surplus-là devrait être investi pour que le Canada progresse.

On trouve deux choses dans le document. La première, c'est qu'il faut identifier les questions qui sont importantes, et la santé en est incontestablement une. Le CRSH et les collègues des sciences humaines sont de très fervents défenseurs de l'idée d'établir de nouvelles institutions de santé dans la mesure, bien sûr, où elles serviraient à joindre la recherche sociale et la recherche biologique, ce qui, à mon avis, est la voie de l'avenir.

Mais il y a d'autres problématiques importantes auxquelles il faut s'attaquer dès maintenant, comme celle qui concerne nos enfants, par exemple, les problèmes qui se posent à divers endroits du pays concernant les enfants; la problématique des jeunes et de leur adaptation au marché du travail; les problèmes de cohésion sociale qui découlent de la mondialisation. Bref, le document fait état des perceptions que nous avons des enjeux auquel le gouvernement doit faire face assez rapidement.

Deuxièmement, le document essaie d'expliquer comment on pourrait se servir encore mieux des sciences humaines pour arriver tous ensemble à progresser dans l'avenir.

On m'a indiqué très fermement que je ne devais pas consacrer plus de cinq minutes à mon exposé. Donc, je ne reprendrai pas tous les éléments de ce mémoire. Ce que je veux faire, cependant, c'est vous livrer essentiellement deux messages. Le premier message, c'est que les sciences sociales et les humanités au Canada font des choses extrêmement importantes pour notre avenir collectif et qu'il est important de le reconnaître. Le deuxième message, c'est que le CRSH, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, sait où il s'en va et a besoin de votre aide pour progresser.

Sur le premier point, c'est-à-dire la situation des sciences humaines au Canada, vous avez devant vous un ensemble de documents. J'aimerais que vous preniez celui qui se trouve dans la chemise violette, celui qui s'appelle, en anglais, «Leading-Edge Knowledge and Skills for a Changing World», et de jeter un coup d'oeil aux deux dernières pages.

[Traduction]

Aux deux dernières pages du document, nous avons tenté d'exposer rapidement les actions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Je ne les parcourrai pas toutes en détail. Mais prenons le premier exemple, soit l'accès à l'éducation et la notion d'université virtuelle. Au Canada, le réseau des centres d'excellence se penche actuellement sur l'éventualité d'utiliser la technologie informatisée pour l'appliquer au télé-enseignement, puisque c'est une façon de faire de l'avenir.

Si, par exemple, les Américains se décidaient à accorder leurs violons sur ce front-là, nous perdrions nos propres étudiants universitaires, au bénéfice des Américains, car ceux-ci sont capables d'aller chercher le meilleur professeur qui soit, grâce aux médias. Le Canada devrait donc profiter de la base qu'il a actuellement pour bâtir une équipe colossale autour des universités virtuelles.

• 1610

C'est donc une liste des choses que nous faisons pour le Canada. Il vous faut bien comprendre quelle est notre masse critique: 20t, s000 chercheurs répartis dans tout le pays et 40t, s000 étudiants de deuxième et troisième cycles. Cela représente une quantité faramineuse de cellules grises que l'on pourrait consacrer aux problèmes que nous devons attaquer.

[Français]

Le deuxième message porte sur l'orientation qu'on se donne.

Le document que je vous ai montré a été approuvé par le conseil d'administration du CRSH au cours de la fin de semaine dernière comme notre plan pour l'avenir. C'est un document dans lequel il est dit qu'il faut incontestablement réinvestir dans la recherche fondamentale.

Cependant, il y a aussi des secteurs où il faut mettre le paquet. Le secteur de la santé en est incontestablement un et, dans la mesure où il sera possible de joindre nos forces à celles du monde biomédical, je dirai bravo! Il est extrêmement important pour l'avenir du pays d'arriver à ériger de bonnes structures administratives, à bien s'entendre sur les mandats des institutions de recherches, et ainsi de suite.

Il y a aussi d'autres secteurs dans lesquels, nous semble-t-il, il faut investir de manière prioritaire. Par exemple, le Canada a une des meilleures agences statistiques au monde avec Statistique Canada. Les chercheurs des universités canadiennes qui analysent les données de Statistique Canada sont très, très peu nombreux. Statistique Canada et nous avons donc décidé de mettre sur pied un comité qui nous dira ce qui se passe et ce qu'il faut faire. La réponse que le comité se prépare à nous donner, c'est qu'il faut investir 10 millions de dollars pour mieux former les jeunes à l'analyse des grandes banques de données, pour qu'ils deviennent de meilleurs démographes afin de nous permettre de stabiliser les masses critiques, parce que nous vivons aussi un problème de brain drain. Nos meilleurs chercheurs sont eux aussi recherchés par les universités américaines pour à peu près les mêmes raisons que celles qui prévalent dans le milieu biomédical.

Donc, dans ce document, on dit que c'est un autre secteur dans lequel il faut mettre le paquet. Nous sommes persuadés, au Conseil de recherches en sciences humaines, que l'avenir des universités passe par la construction de ponts entre les disciplines, et entre les universités et le secteur privé. Il faut aussi en construire entre les universités et les communautés, les partenaires communautaires. Le CRSH mène maintenant une expérience-pilote pour encourager les universités à construire des alliances entre universités en matière de recherche. C'est un programme qui a un succès retentissant bien qu'on n'ait pas les fonds pour le financer.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais dans ce document, on dit tout simplement que pour réussir à énergiser cette masse de chercheurs et d'étudiants partout au Canada, il faut réinvestir dans les sciences humaines.

J'étais aux États-Unis, il y a quelques semaines, et je bavais littéralement d'envie à certains égards; à certains autres, moins, il est vrai, mais à certains égards, oui. Le financement public des sciences humaines aux États-Unis est supérieur au nôtre, en moyenne par habitant, bien sûr, mais ils profitent aussi de l'énorme univers des fondations qui font toutes sortes de tâches de knowledge brokering, qui financent la recherche, qui financent les débats. Cela ne veut pas dire que les politiques sont meilleures aux États-Unis, mais ils ont la force nécessaire pour maintenir le cap en matière de développement des connaissances pour les besoins futurs de la société.

Donc, je m'adresse à vous un peu en désespoir de cause. Vous savez, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le CRSH, ne finance pas 95 p. 100 des étudiants diplômés de nos universités. Il y a 95 p. 100 des étudiants qui ne peuvent même pas rêver de recevoir un jour une bourse du Conseil de recherches en sciences humaines. Dans le cas du CRSNG, c'est 80 p. 100 des étudiants qui ne peuvent espérer recevoir de bourse. Or, nous disons dans ce document-là qu'il faut absolument mettre le paquet. Les gens ne sont pas motivés s'ils sont obligés de travailler en même temps qu'ils étudient.

Pour ce qui est des chercheurs, nous ne sommes capables d'en financer que 15 p. 100; de la même manière, il faut augmenter ce taux.

Donc, nous nous adressons à vous et vous disons: s'il y a un surplus, on comprend très bien que vous ayez toutes sortes d'autres priorités, mais surtout, ne faites pas des sciences humaines des laissées-pour-compte. Merci.

Le président: Merci beaucoup, docteur Renaud.

[Traduction]

Nous entendrons maintenant la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, en la personne du Dr Barry McLennan et du Dr Clément Gauthier.

Le Dr Barry McLennan (président, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, monsieur le président. C'est moi qui vous présenterai notre exposé, mais mon collègue, le Dr Gauthier, et moi-même pourrons répondre tous deux à vos questions.

Merci de nous avoir donné l'occasion de vous présenter notre mémoire et de prendre la parole devant vous. Je crois que vous avez tous entre les mains un exemplaire de notre mémoire.

• 1615

Les Canadiens veulent s'assurer que leur niveau de vie peut être maintenu, et pour ce faire, il leur faut être plus productifs. Il leur faut augmenter, collectivement, le PIB réel par habitant. La mise à jour de la situation économique et financière publiée il y a deux semaines signalait que le grand défi pour le Canada, c'était d'améliorer la croissance de sa productivité.

La recherche innovatrice est le moteur de la productivité, et l'un des actifs les plus précieux pour un pays qui veut soutenir l'innovation, c'est son investissement de deniers publics dans la recherche. Je crois, moi aussi, que c'est là que réside la solution au défi que doit relever le Canada.

Renouveler notre système de soins de santé par le truchement d'une capacité accrue de la recherche en matière de santé conduira à la productivité accrue dont nous avons désespérément besoin. Or, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle central et aider à édifier une entreprise de recherche concurrentielle à l'échelle internationale. Mais en même temps, il faut revitaliser le système des soins de santé au Canada en investissant de façon ciblée dans la recherche en matière de santé n'atteignant que 7,5 p. 100 du dividende budgétaire estimé pour le prochain exercice.

Reportons-nous maintenant à la notion d'Institut canadien de la recherche en matière de santé qu'a présentée le Dr Henry Friesen, au début de l'après-midi, et dont d'autres ont également parlé. Cette initiative hardie transformera l'entreprise de la recherche en matière de santé au Canada, car elle intégrera toute la gamme de la recherche en matière de santé dans le cadre du système de soins de santé du Canada.

Les résultats de deux sondages nationaux effectués récemment sont au coeur du débat. Je pense en particulier au sondage Radio-Canada Environics et au sondage Ekos. Ces deux sondages démontrent clairement que les Canadiens ont pour préoccupation immédiate le maintien de leur système de santé. Dans le sondage d'Ekos, plus de 80 p. 100 des répondants—soit la grande majorité—appuyaient de façon écrasante la recherche en matière de santé menée au Canada, de même que l'investissement de la part du gouvernement fédéral de 1 p. 100 de toutes les dépenses en matière de soins de santé dans la recherche. Le Dr Friesen en a parlé plus tôt. Vous saurez également que l'Association des hôpitaux de l'Ontario recommandait la même chose à votre comité, le 31 août dernier.

D'après l'OCDE, la recherche, et tout particulièrement la recherche universitaire, est le déterminant clé de la productivité. En 1993, les activités de recherche scientifique menées par les universités dans le domaine de la santé étaient au coeur même d'un PIB additionnel de quelque 37 milliards de dollars, soit 5 p. 100 du PIB total, ce qui représente quelque 100t, s000 emplois. Autrement dit, tout investissement dans la recherche biomédicale, clinique et sanitaire est doublement productif, car non seulement il augmente la productivité des industries de la santé, mais il diminue la perte de productivité due aux maladies.

Vous savez sans doute qu'une étude effectuée par Santé Canada en 1997 a révélé que le fardeau économique de la maladie représentait 156,9 milliards de dollars en 1993, soit 5 450 $ par personne. Cela équivaut à environ 22 p. 100 du PIB de cette année-là. Dans la même étude, on exhortait le gouvernement à mettre l'accent sur la recherche afin de réduire le fardeau de la maladie au Canada.

Le premier ministre, Jean Chrétien, a affirmé que son gouvernement investirait plus dans les prochaines années afin de raffermir notre système de santé publique. En effet, les Canadiens s'inquiètent de voir leur système de santé péricliter. Il y a deux semaines, le ministre des Finances, Paul Martin, expliquait qu'il fallait s'y attaquer.

L'initiative au titre des instituts de recherche en santé pourrait alléger les craintes des Canadiens et servir à revitaliser notre système de soins de santé. Vous trouverez à la page 3 de notre mémoire, les objectifs que pourrait servir à atteindre un effort national de cette envergure. Laissez-moi vous expliquer brièvement certains de ces objectifs.

La recherche en matière de santé est menée dans toute une gamme de milieux, notamment les universités, les hôpitaux d'enseignement, les instituts de recherche et les installations collectives. Chacun de ces milieux fonctionne en partenariat avec un organisme de recherche tel que le Conseil de recherches médicales, l'Institut national du cancer du Canada ou la Fondation des maladies du coeur du Canada. Ce partenariat a donné de bons résultats au Canada, mais les lacunes que l'on trouve aujourd'hui dans le cadre global de la politique en matière de recherche freinent aujourd'hui notre élan et nous empêchent de devenir concurrentiels à l'échelle internationale.

Bien que les 16 centres universitaires de santé soient bien intégrés à l'échelle locale, il n'existe aucun cadre prévoyant un éventuel réseautage national, dont d'autres ont parlé cet après-midi.

Notre mémoire explique que cet exode des cerveaux dans le domaine de la recherche en matière de santé est réel et coûte de plus en plus cher. Sur sept chercheurs qui quittent le Canada, seul un d'entre eux nous revient. L'Institut C.D. Howe estime que cet exode des cerveaux a coûté à l'économie canadienne 11,8 milliards de dollars au cours des sept années qu'a duré l'étude, soit 1,68 milliard de dollars par année. Si on présume qu'un tiers au moins de ce coût est attribuable à des professionnels des sciences de la santé, cet exode représente environ 560 millions de dollars. Songez à ceci: freiner l'exode des cerveaux permettra de financer les instituts canadiens de recherche en matière de santé et ces mêmes instituts serviront à leur tour à enrayer le problème de l'exode des cerveaux.

• 1620

Santé Canada devrait avoir pour priorité d'élaborer des politiques en matière de santé qui soient adaptées aux besoins des Canadiens. En regroupant des chercheurs scientifiques dans des équipes multidisciplinaires, comme on envisage de le faire dans les futurs instituts de recherche, on pourra utiliser de façon plus poussée le cadre de surveillance et de gestion du risque du Canada, de même que disposer de spécialistes supplémentaires qui pourront combattre rapidement des menaces spécifiques à la santé.

Nous devons éviter à tout prix de faire face à une autre catastrophe nationale en expansion comme celle que fut le scandale du sang contaminé. Il faut également élargir les capacités de recherche afin de pouvoir instaurer une médecine fondée sur l'expérience clinique au niveau des soins primaires, comme l'a mentionné le Dr Poznansky.

Le Canada a tout ce qu'il faut pour devenir un chef de file mondial de la recherche dans le domaine de la santé. Grâce à notre industrie de la biotechnologie en émergence et à nos programmes de transfert technologique universitaires qui ne cessent de prendre de l'expansion, nous pouvons faire concurrence au reste du monde avec succès. Toutefois, pour ce faire, le Canada doit offrir un milieu de recherche attrayant assorti de politiques de réglementation concurrentielles, tout en proposant des crédits d'impôt appropriés pour la recherche scientifique et le développement expérimental, milieu qui applique un processus efficace d'examen des médicaments. Avant tout, il nous faut maintenir un bassin de chercheurs chevronnés pour assumer la place qui nous revient de droit dans le monde.

Vous connaissez le sous-financement de la recherche en matière de santé au Canada, puisque la coalition vous l'avait déjà signalé dans sa comparution précédente et que d'autres témoins l'ont également mentionné cet après-midi. Bien que nous soyons très heureux que vous nous ayez accordé, dans le dernier budget fédéral, des sommes supplémentaires destinées à la recherche en matière de santé, vous pourrez voir d'après le graphique de la page 9 de notre mémoire que nous continuons à nous faire distancer par nos concurrents internationaux.

La concrétisation du projet d'instituts de recherche exigera des allocations budgétaires de 150, 300 et 500 millions respectivement au cours des trois prochaines années. Ainsi, d'ici 2002, notre niveau d'investissement en recherche sur la santé devrait être aligné avec celui de la plupart des autres pays du G-7, à l'exception des États-Unis, comme le signalait le Dr Friesen, et devrait tourner autour de 28 $ par habitant.

Pour conclure, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, le gouvernement fédéral pourrait faire augmenter notre productivité en investissant de façon appropriée dans la recherche sur la santé. Ainsi, nous pourrions rajeunir notre système de soins de santé en générant de meilleurs traitements et un plus grand accès aux soins de santé. Nous pourrions aussi freiner l'exode de cerveaux qui coûte si cher au Canada, et devenir concurrentiels à l'échelle internationale dans un secteur que l'on a prédit comme étant un secteur de forte croissance au cours du prochain siècle.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, docteur McLennan.

Tous les exposés étaient des plus intéressants. Nous passerons maintenant à la période de questions, et c'est M. Epp qui a la parole.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président. Merci à tous de ces exposés des plus intéressants et stimulants.

J'aimerais poser une question que personne n'a abordée mais qui vous touche tous.

Vous formez plusieurs conseils différents dont même les noms se ressemblent beaucoup. Ne pourrait-on pas être plus efficace si l'on consolidait d'une façon ou d'une autre l'organisation de la recherche médicale? Je m'attarde de façon spécifique à l'aspect médical de la chose, puisque je considère comme distinctes les sciences sociales et les sciences humaines. Vos dossiers sont tous excellents, les uns autant que les autres. N'y a-t-il pas double emploi dans votre travail, ou existe-t-il vraiment un créneau spécifique à chacune de vos spécialités?

Le président: Docteur Glynn, vous pouvez répondre.

Le Dr Peter Glynn (membre du comité exécutif, Conseil pour la recherche en santé au Canada): Je pourrais peut-être répondre. Il existe en effet une certaine confusion autour de l'utilisation du terme «conseil» qui sert à décrire plusieurs réalités.

Le Conseil pour la recherche en santé au Canada est une coalition d'organismes de bienfaisance et d'instituts dans le domaine de la santé qui recueille des fonds auprès des Canadiens. Nous sommes un petit conseil dont Pierre Fortin, présent ici aujourd'hui, est le seul de nos employés. Nous ne subventionnons pas la recherche. La Coalition pour la recherche biomédicale et en santé est un petit organisme dont le Dr Gauthier est le seul employé. La Coalition ne subventionne pas non plus de la recherche. La Société canadienne de cardiologie, pour sa part, est une coalition de personnes intéressées par la recherche cardio-vasculaire. Le Conseil de recherches médicales, comme vous le savez sans doute, est un organisme de financement, de même que l'Institut national du cancer, qui reçoit de l'argent de la Société canadienne du cancer.

• 1625

Il est sans doute vrai que d'utiliser le même mot pour décrire des entreprises différentes porte à confusion, puisqu'on peut avoir en effet l'impression que tous ces gens travaillent ensemble sans savoir ce que l'autre fait. En fait, ils travaillent tous ensemble et ont exactement la même orientation.

Le président: Merci.

Docteur Phillips.

Dr Robert Phillips (directeur exécutif, Institut national du cancer du Canada): En fait, les membres de la Société canadienne du cancer, qui nous donnent des fonds, me posent souvent la même question.

Je crois que nous avons toujours fait beaucoup d'efforts pour qu'il n'y ait pas de double emploi dans les différents organismes au niveau des activités, car cela ne serait évidemment pas dans l'intérêt de personne. L'un des critères qui nous sert justement à évaluer les demandes de subvention, c'est justement le caractère innovateur de la recherche et le fait qu'il n'y a pas de travaux semblables qui se fassent ailleurs au Canada. Nous sommes convaincus que ceux qui évaluent les demandes sont de bon conseil, ce qui nous évite le double emploi.

La difficulté, c'est que nous ne soutenons pas financièrement suffisamment de bons projets. Par exemple, nos propres experts nous ont affirmé que la moitié de ceux qui nous demandaient des subventions avaient d'excellentes idées de recherche. Or, nous ne pouvons nous permettre de subventionner que la moitié de ceux qui ont de bonnes idées. Vous voyez donc qu'il y a beaucoup de bonnes idées qui sont perdues pour nous. Le véritable problème n'en est pas un de double emploi, mais plutôt de manque de ressources financières pour subventionner les bonnes idées qui circulent au Canada.

Le président: Docteur McLennan.

Dr Barry McLennan: Merci.

Vous avez posé une excellente question. Pour reprendre ce qui a déjà été dit, mais sous un angle quelque peu différent, la Coalition représente quelque huit organisations différentes dont la plupart regroupent des chercheurs ou des médecins. Je crois que vous trouverez dans cette pièce-ci réunies deux catégories de gens, ceux qui financent la recherche et ceux qui effectuent la recherche. Un des thèmes récurrents de cet après-midi—que nous avons repris à notre propre compte—c'est qu'il faut que tous les intéressés participent pour atteindre un objectif commun.

J'espère que nous avons réussi, d'une façon collective, à répondre à votre question.

M. Ken Epp: J'ai maintenant une question qui porte sur la façon dont la recherche elle-même est effectuée. J'ai l'impression que, dans la plupart des cas, la meilleure façon d'effectuer de la recherche, ce serait de l'intégrer à l'institution qui dispense le traitement.

Comme la plupart d'entre vous s'occupent de recherche sur la façon de guérir les maladies, à mon avis on met trop peu l'accent sur la prévention, bien que plusieurs d'entre vous l'aient mentionné en passant. Il me semble que si vous cherchez de nouveaux moyens de guérir une maladie, vous devriez travailler à l'endroit où la maladie est présente chez des patients. Très souvent, je pense qu'il vaut la peine d'avoir le point de vue de personnes qui ne sont pas forcément des chercheurs en tant que tels mais qui travaillent avec des gens qui souffrent de ces maladies, comme nous les appelons. Parfois ce genre d'interaction serait probablement préférable. Est-ce une pratique répandue?

Dr Mark Poznansky: Je crois que oui.

Le meilleur exemple est peut-être dans le domaine de la cardiologie. Je pense que c'est un Américain qui a dit que la meilleure façon de prévenir une maladie c'est de la comprendre. C'est seulement lorsque nous avons commencé à comprendre que l'hypertension, le tabagisme et des taux élevés de cholestérol pouvaient causer des maladies cardio-vasculaires que nous avons pu ensuite prendre des mesures pour essayer de prévenir certains types de maladies causés par ces facteurs particuliers.

Donc, nous travaillons sans relâche dans ce domaine, en tâchant d'abord de comprendre la maladie pour commencer à intervenir et à la prévenir, à l'aide de moyens environnementaux et sociaux, ou de l'intervention thérapeutique. Par conséquent, nous voyons très bien ce que vous voulez dire et c'est précisément ce que nous faisons tous.

Le président: Merci, docteur Poznansky.

Docteur Renaud.

Dr Marc Renaud: J'aimerais ajouter un commentaire à la deuxième partie de votre observation sur la prévention.

L'une des raisons pour lesquelles je trouve que la création des ICRS est une bonne idée, c'est qu'elle permettra à de nouvelles influences d'intervenir sur les questions de prévention.

Mon propre domaine porte sur les déterminants sociaux de la santé, et je me suis occupé de très près de cette question dans le cadre du Forum national sur la santé. Lorsque nous synthétisons toute la documentation dans ce domaine, où le Canada a d'ailleurs une certaine avance, nous constatons que désormais la question clé consiste à déterminer quelles sont les voies d'acheminement biologiques par lesquelles l'environnement social a un effet sur le corps humain. On ne peut répondre à cette question que si les spécialistes en sciences sociales travaillent en collaboration avec les spécialistes des sciences de la vie. Il est donc important de se rendre compte qu'il s'agit d'un domaine de pointe où nous ne pourrons réaliser des progrès que si nous unissons nos efforts.

• 1630

Mme Dorothy Lamont: Dans ce domaine, nous avons tendance à parler de l'interaction entre les scientifiques et les cliniciens lorsqu'il s'agit de conférer une application pratique au résultat de cette recherche. Mais en fait, nous sommes en train d'aller plus loin que cela maintenant.

J'ai parlé plus tôt de l'un des aspects novateurs de l'initiative canadienne en matière de recherche sur le cancer du sein—ce qui a d'ailleurs incité l'INCC à la faire—qui consiste à faire appel à des survivantes, à des profanes de tous genres, dans le cadre du processus d'examen scientifique des applications de la recherche. C'est ce que nous sommes en train d'apprendre à faire et à faire efficacement, et il ne fait aucun doute que leur participation est en train de modifier notre façon de prendre des décisions. Cela permet vraiment de tenir compte des questions que les patientes considèrent importantes dans le cadre des efforts de recherche et des décisions que nous prenons au sujet de la recherche que nous finançons.

Le président: Docteur Baird.

M. Michael Baird (secrétaire, Société canadienne de cardiologie): Je vous remercie, monsieur le président.

Pour répondre à la question concernant l'interaction entre la recherche fondamentale et l'application clinique dans le cas de maladies, je pense que les universités et les centres universitaires de sciences de la santé au Canada assurent cette interaction. Dans la pratique, il s'agit du clinicien, habituellement un médecin qui consacre une partie de son temps au traitement de patients et une autre partie de son temps à la recherche fondamentale ou appliquée. C'est souvent lui qui fait le lien entre le chercheur en laboratoire—peut-être dans les facultés de biologie ou de biochimie ou à la faculté de médecine—et les patients pour qui ses thérapies seraient avantageuses et sur qui on les mettra à l'essai. La Société canadienne de cardiologie a d'ailleurs souligné qu'elle estime que les spécialistes en recherche clinique méritent d'être subventionnés pour poursuivre cet effort.

Le président: Docteur Friesen.

Dr Henry Friesen: Simplement pour reprendre certains des points qui ont déjà été soulevés, monsieur Epp, je pense que souvent, c'est au chevet des patients que les grandes questions sont déclenchées. Donc, le travail clinique est important. Il arrive maintenant, ce dont nous nous réjouissons, qu'il y ait interaction au niveau du conseil d'administration en ce qui concerne le développement du produit.

Simplement pour que les membres comprennent l'évolution de la situation, vous auriez pu croire que la plupart de la recherche dans certaines disciplines des sciences de la santé continue de se faire dans le milieu universitaire. Dans d'autres, une proportion de plus en plus importante se fait dans les hôpitaux. Dans notre cas, au moins la moitié de nos fonds sont destinés à des chercheurs qui travaillent en milieu hospitalier, donc cette interaction revêt une dimension importante. Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de l'application de ces nouvelles connaissances au profit des patients.

Il est reconnu que ce type de personnes est une espèce en voie de disparition, non seulement dans notre pays mais aussi aux États-Unis. Tout le monde aujourd'hui est obligé de gagner sa vie, contrairement à l'époque où le financement était un peu plus facilement accessible. À mon époque, nous pouvions consacrer une journée à visiter des patients, ou peut-être même une semaine. Le reste du temps était consacré à la recherche. Cette époque est maintenant révolue. Aujourd'hui, soit vous exercez la médecine, soit vous faites de la recherche au prix de nombreux efforts. L'écart s'est creusé. Donc je considère moi aussi que nous devons prêter attention à ce groupe afin de nous assurer qu'il existe des personnes capables d'assurer l'application de ces innovations dans l'intérêt des patients.

Le président: Je vous remercie, docteur Friesen.

Nous entendrons un dernier commentaire du Dr McLellan.

Dr Barry McLennan: Je vous remercie.

Monsieur Epp, si vous examinez l'énoncé de mission de chaque faculté de médecine ou d'hôpital d'enseignement dans ce pays, vous constaterez que les meilleurs soins aux patients sont fondés sur un enseignement et une recherche solides. Il existe un continuum à ce niveau, et d'autres l'ont d'ailleurs mentionné. Il existe un lien entre la recherche axée sur la production du savoir et son application pratique, c'est-à-dire au chevet du patient comme le Dr Friesen l'a dit. Je pense que ce lien existe, mais il faut mettre davantage l'accent sur cet aspect.

On a mentionné le surmenage des scientifiques en recherche clinique, et c'est une situation réelle. En tant qu'adjoint de recherche à mon alma mater, l'une des choses que je trouve vraiment frustrantes, c'est lorsque je demande aux cliniciens s'ils peuvent travailler sur un problème particulier à une maladie. Évidemment, ils vous répondent qu'ils sont trop occupés à voir leurs patients ou à assurer des services. Cela fait donc partie intégrante de la situation. Il y a si longtemps que le financement du système est insuffisant que nous avons dû en fait restreindre nos activités.

• 1635

Un autre aspect qu'il ne faut pas non plus oublier, c'est qu'il est de plus en plus évident qu'il existe un lien étroit entre la bonne santé des animaux et la bonne santé des humains. Il faut aussi inclure dans l'équation nos chercheurs en hygiène vétérinaire de même que nos médecins de premier recours. Les médecins de premier recours ont une optique plus générale de leur travail comparativement aux spécialistes dont l'optique est spécifique et étroite. Mais ils apportent également un éclairage sur la médecine et les soins de santé dont nous devons tenir compte, tout comme celui des autres intéressés de la collectivité.

Donc, pour répondre à votre question, oui cela se fait mais nous pourrions faire mieux et y ajouter d'autres éléments.

Le président: Je vous remercie, docteur McLellan.

Merci, monsieur Epp. Nous sommes arrivés à 12 minutes. Nous devons passer à une autre question.

[Français]

Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): À mon tour, je voudrais remercier tous les témoins pour leur comparution. Le sujet dont ils traitent est très intéressant.

J'aurais cinq ou six questions à vous poser. J'ai été frappé par l'accent qu'un certain nombre d'entre vous ont mis sur le phénomène de l'exode des cerveaux du Canada vers les États-Unis. J'aimerais savoir s'il existe des statistiques qui décrivent, par province, l'ampleur du phénomène. En ce qui concerne le Québec, j'ai vu des statistiques contradictoires à propos des médecins, les unes faisant état d'un exode assez important, les autres semblant démontrer le contraire.

Deuxièmement, est-ce qu'on connaît un peu les raisons pour lesquelles on a tant de scientifiques qui quittent le Canada? Est-ce une question de salaire? Est-ce une question de conditions de travail ou d'environnement technologique? Est-ce assez bien défini comme problématique?

Troisièmement, dans l'hypothèse où on aurait des surplus budgétaires au Canada, est-ce qu'on entrevoit, chez vous, que l'aide fédérale puisse mener à des solutions précises, si on accepte par le fait même une intrusion du fédéral dans le champ de la santé, ce qui fait l'objet d'un contentieux au Québec? En tout cas, est-ce qu'on a une idée claire des objectifs précis qui devraient être visés si on utilise les surplus?

Monsieur Renaud, vous faisiez état tout à l'heure de la collaboration des fondations privées américaines. Qu'en est-il de l'engagement du secteur privé canadien vis-à-vis de la collaboration qu'il devrait vous offrir?

Enfin, qu'en est-il de la responsabilité personnelle du chercheur qui, ayant terminé un doctorat ou des études postdoctorales et étant reconnu comme scientifique, a bénéficié des deniers publics, donc des impôts des particuliers? Est-ce qu'il existe ou non un sentiment de loyauté envers ceux et celles des contribuables québécois et canadiens qui ont collaboré à la carrière d'un chercheur? Cela occupe-t-il une place dans la problématique de l'exode des cerveaux?

[Traduction]

Le président: Voulez-vous commencer, docteur Renaud?

[Français]

M. Marc Renaud: Une seule remarque sur la question de l'exode des cerveaux. Statistique Canada a publié une étude démontrant que nous n'aurions pas de problème d'exode des cerveaux. Ce que Statistique Canada montre, en se fondant sur ses données, c'est que le nombre de personnes qui quittent équivaut au nombre de personnes qui entrent.

Le ministère de l'Industrie a organisé un débat sur ces données parce qu'elles étaient très intrigantes et allaient contre ce qu'on pouvait intuitionner en se fondant sur l'observation courante. On s'est aperçu, grâce à ce débat, qu'on manquait de données pour tirer des chiffres à notre disposition une conclusion claire.

En réalité, ce qui semble se produire, c'est que, d'une part, les gens ont tendance à sortir du pays quand ils sont au sommet de leur carrière et que, d'autre part, les immigrants d'Europe de l'Est ou d'ailleurs sont en début de carrière. Cela donne des chiffres équivalents. Cependant, il pourrait quand même y avoir une perte réelle de compétences au Canada. Apparemment, ce serait un peu moins vrai au Québec parce que la langue nous protège, en termes d'immigration. Mais c'est ce qui semble se produire.

Dans mon domaine, ce qui attire les gens vers les États-Unis, ce n'est pas tellement le salaire, parce qu'ils ont à payer, entre autres, l'assurance-maladie. La criminalité y est aussi plus élevée, etc. Ce qui les attire vraiment, c'est le fait qu'ils y sont invités, qu'on leur consent un budget annuel de recherche de x milliers de dollars, qu'ils n'ont pas à se casser la tête pour faire des demandes de subventions. De plus, le milieu de la recherche est extraordinairement plus intéressant. Ce sont là les raisons pour lesquelles ils se déplacent.

En ce qui concerne le secteur privé, dans mon domaine à moi, celui des sciences humaines—c'est différent pour eux, bien sûr—, je n'ai pas beaucoup d'espoir. Deux ou trois personnes du secteur privé sont membres de mon conseil d'administration, et certains sont membres de fondations canadiennes. Ils disent être égorgés par les demandes de partenariat et n'être plus capables de fournir. Nous ne sommes pas structurés comme aux États-Unis. Dans notre domaine à nous, il faut vraiment que l'aide vienne du gouvernement. Je pense qu'il ne faut pas se raconter d'histoires.

[Traduction]

Le président: Docteur Friesen.

• 1640

Dr Henry Friesen: L'argument présenté par le Dr Renaud à propos de Statistique Canada est exact sauf qu'ils reconnaissent qu'il y a un réel exode important des cerveaux dans un secteur, et c'est celui de la santé et des sciences. Cet exode existe peut-être aussi dans le secteur de la gestion. Je pense que cela a été confirmé très clairement et de façon convaincante par l'Institut C.D. Howe.

Dans ces trois secteurs, l'exode des cerveaux est bel et bien réel—et nous avons déjà parlé des coûts de formation. Ces secteurs sont aussi particuliers à une province. Je ne m'en souviens pas, mais je serais heureux de vous fournir l'information. Vous devez cependant savoir qu'il y a une pénurie de gestionnaires au Québec, où le secteur de la biotechnologie est en plein essor. Des financiers québécois m'ont dit qu'ils devaient faire appel à des gestionnaires américains pour administrer de nouvelles entreprises au Québec. Il y a donc des pénuries localisées.

Selon moi, les scientifiques quittent le pays pour profiter de débouchés dont a parlé le Dr Renaud, et je pense que l'Institut C.D. Howe a aussi souligné ce point. Pour ce qui est des gestionnaires, je crois qu'il s'agit davantage d'une question d'impôts et de revenu net. Dans le cas des scientifiques, c'est la possibilité de faire de la recherche qui les attire.

Oui, nous avons des propositions particulières à présenter au cas où il y aurait un excédent, et s'il est question de la santé. Nous estimons que le gouvernement fédéral a un rôle spécial à jouer dans la recherche. Le Conseil soutient la recherche depuis de nombreuses années. Le Québec, en particulier dans le domaine de la santé, jouit d'un avantage concurrentiel spécial, en partie grâce à nos partenaires provinciaux. Au CRM, plus de 30 p. 100 de notre budget est versé au Québec, comme il se doit. Je dis parfois que selon notre indice qui indique quelle ville reçoit le plus de financement, Montréal demeure la capitale intellectuelle du Canada à cause de la grande force de deux grandes universités.

En ce qui concerne le secteur privé, et je pense ici à l'industrie pharmaceutique, vous seriez peut-être surpris d'apprendre qu'il investit quatre fois plus que le gouvernement fédéral. Aux États-Unis, ce rapport est d'un pour un. Ainsi, grâce aux changements apportés au régime des brevets, le secteur privé s'est relevé les manches, et je crois qu'il est fort possible que les investissements augmentent davantage si nous ajustons le système réglementaire.

La recherche est axée sur l'obligation et la loyauté. J'estime qu'il est préférable de créer des débouchés que de créer des obstacles. C'est une démarche plus productive.

Merci.

Le président: Docteur Glynn.

Dr Peter Glynn: Monsieur le président, je vais simplement enchaîner sur les points soulevés par le Dr Friesen au sujet de la santé.

Dans un sens, il est déplorable que le seul point commun entre toutes les questions que le comité a examinées—le transfert aux provinces pour les services de santé et la recherche connexe—ce soit le mot «santé». Je peux vous dire que c'est ce que je vis tous les jours. Je suis président de l'Hôpital général de Kingston, qui est l'hôpital d'enseignement rattaché à la Faculté de médecine de l'Université Queen's.

Il importe d'agir, et nous devons nous préoccuper de l'avenir. La question présentée par ces différents groupes a trait à l'avenir. Et ce, à trois égards. Il est question de l'avenir de notre système de soins de santé. Comme bon nombre l'ont déjà dit, nous devons répondre à des questions fondamentales. Le Dr Poznansky a dressé une liste de questions. Si nous pouvions y répondre, cela changerait notre façon de fournir les services.

J'aimerais vous citer en exemple un problème pour lequel nous avons trouvé une solution qui est maintenant utilisée. Nous en avons discuté au comité consultatif médical hier matin, soit de mesurer les enzymes cardiaques pour déterminer si un patient a subi une crise cardiaque. Dans les hôpitaux canadiens, le nombre de personnes admises qui ont eu ou qui pensent avoir eu une crise cardiaque non diagnostiquée ou impossible à diagnostiquer est considérable. L'équipe qui travaille à l'Hôpital général de Kingston estime qu'en instaurant un examen à 5 $, nous pourrions réduire ces admissions d'environ 40 p. 100. Ces patients ne sont peut-être hospitalisés que pendant deux jours, mais il faut tenir compte de leur nombre. Ces solutions sont donc mises en oeuvre.

• 1645

Quant à savoir d'où vient l'idée, je pense, et les Drs Friesen et Baird le savent mieux que moi, qu'elle découle de petites découvertes faites depuis 25 ou 30 ans et qui, une fois réunies, nous ont permis de conclure que la présence de cet enzyme est un facteur qui permet de déterminer si une personne a eu une crise cardiaque. C'est une question profonde.

Il y a beaucoup d'autres exemples de changements importants qui peuvent être apportés à la prestation des services. Voilà le premier point.

Le deuxième point, dont nous discutons également, a trait à l'avenir de l'économie et de la société canadiennes. Que cela nous plaise ou non, nous deviendrons une société et une économie du savoir.

Permettez-moi de vous parler de la société du savoir. Dans un sens, c'est l'aspect le plus facile. C'est ce dont le Dr Renaud parle. C'est aussi ce à quoi Fraser Mustard fait référence lorsqu'il parle d'investir dans les enfants. Nous savons maintenant que le cerveau se développe à un âge très jeune; et si on ne s'intéresse pas au développement du cerveau, il en résulte, je pense, Marc, un comportement non souhaitable. Nous l'avons établi. Cela a trait à la société du savoir. Mais cela a aussi trait à la création d'emplois et d'industries.

Le Conference Board a publié ce mois-ci un document intitulé Performance and Potential 1998, dont je recommande la lecture au comité. Selon ce document, il importe avant tout de stimuler la capacité d'innovation. L'innovation y est décrite comme un processus qui permet d'extraire du savoir une valeur économique additionnelle.

Le problème, c'est que si nous ne créons pas de savoir, nous ne pourrons en retirer aucune valeur économique. Et nous ne devrions pas l'oublier.

Le dernier point que j'aimerais soulever, monsieur le président, est que c'est exactement ce que j'observe sur le plan, comme l'a dit le Dr Friesen, des progrès et de l'espoir, à savoir l'espoir que les jeunes Canadiens puissent envisager une carrière scientifique. Et en toute franchise, ce n'est pas le cas en ce moment. Ils ne perçoivent pas les sciences, sur certains plans fondamentaux, comme un secteur dans lequel ils pourront travailler toute leur vie sans avoir à passer la moitié de leur temps à chercher des fonds pour financer leurs travaux.

J'espère que le comité pourra envisager ces trois points et les examiner en tant que deux dossiers distincts—le financement des soins de santé et le financement de la recherche médicale.

Le président: Merci.

Docteur McLennan, vos observations finales.

Dr Barry McLennan: Merci.

J'aimerais répondre à vos questions sur l'exode des cerveaux et sur la loyauté des étudiants et des chercheurs. On a mentionné le rapport de l'Institut C.D. Howe qui, à mon avis, est excellent, très exhaustif et détaillé.

Mais la question de l'exode des cerveaux est complexe et évolue avec le temps. Avant 1990, le problème n'existait probablement pas, du moins pas dans le domaine médical. Mais depuis 1990, les chiffres sont éloquents. Comme je l'ai dit, le problème est réel et coûte de plus en plus cher.

À la page 5 de notre rapport, nous présentons les résultats d'une étude récente, qui fait état de personnes en chair et en os et non simplement de chiffres abstraits. Chacun de ces chiffres représente une personne qui a été suivie lorsque l'étude a été réalisée en août. Le portrait est donc très juste, la situation est très grave et très coûteuse pour le Canada.

Nous subventionnons l'économie américaine en exportant nos cerveaux, et nous devons y remédier. C'est bien gentil de notre part. Je suis persuadé que les Américains nous en sont très reconnaissants. Mais cela ne nous aide pas beaucoup.

Deux exemples ont été cités au cours d'une discussion il y a quelques jours. L'un concerne un récent concours lancé par la Fondation Borrough's Wellcome aux États-Unis, qui offrait de l'argent aux chercheurs—des bourses de recherche postdoctorale. Quatre Canadiens qui habitent au Canada ont fait une demande. Dix-huit autres Canadiens habitant aux États-Unis se sont aussi présentés. Cela permet d'établir une comparaison intéressante.

Samedi dernier, quelqu'un a dit que 14 Canadiens avaient reçu le prix Nobel. Dix de ces 14 Canadiens habitent aux États-Unis. Pourquoi?

Au sujet de votre question sur la loyauté dans le domaine de la recherche, du point de vue des étudiants et des boursiers de recherche post-doctorale, oui, vous avez tout à fait raison. En tant que contribuables, nous avons beaucoup investi dans ces jeunes. Selon moi, ils veulent rester au Canada. Le problème, c'est qu'ils se démènent pour trouver un emploi après l'université—dans un hôpital d'enseignement ou dans un institut de recherche. Ils se trouvent donc un emploi et entrent en fonction. Ils ont alors besoin d'outils pour faire ce pourquoi ils ont été formés.

Le sentiment d'exaspération se manifeste lorsqu'ils n'arrivent pas à obtenir les fonds de recherche dont ils ont besoin. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, nos chercheurs consacrent de 40 à 50 p. 100 de leur temps à justifier leur emploi—en d'autres mots, à essayer d'obtenir des fonds pour mener leurs travaux. Et ils constatent, lorsque les gens s'exilent aux États-Unis, que le milieu de travail y est bien meilleur.

• 1650

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question de loyauté, mais plutôt d'un problème touchant le milieu de la recherche. Certainement, dans le milieu de la recherche médicale, d'après ce que je crois comprendre des données recueillies, ce n'est pas le taux d'imposition ou l'écart de salaire qui les attire à l'extérieur du pays; c'est le milieu de la recherche, la capacité d'obtenir les fonds dont ils ont besoin pour faire les travaux qui les intéressent.

Je crois donc que le problème est attribuable au milieu de la recherche plutôt qu'à la différence dans le traitement et le taux d'imposition. Pour certains, il se peut que ce soit le cas, mais je pense qu'en général le problème est attribuable au milieu de la recherche.

Le président: Merci.

[Français]

Merci, monsieur Rocheleau.

[Traduction]

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le président, mes deux questions sont courtes, mais les réponses risquent d'être assez longues.

Docteur Poznansky, vous avez dit avoir l'impression de ne pas être apprécié à votre juste valeur. J'aimerais simplement faire une observation; et je ne vous demanderai pas d'expliquer ce que vous entendiez par là.

Mark, vous avez dit vous sentir parfois découragé par la tournure des événements. Je pense que toutes les personnes ici présentes sont probablement d'accord avec tout ce que vous dites. Je sais que vous êtes tous d'accord les uns avec les autres, et je crois que nous sommes tous assez d'accord avec le point que vous avez soulevé, à savoir que notre système est sous-financé, que nous perdons du terrain face à nos concurrents étrangers dans le domaine de la recherche médicale, que nous devons accroître notre productivité, que les jeunes n'envisagent pas les sciences comme un domaine prometteur, etc.

Il n'y a probablement personne ici qui ne soit pas d'accord avec ce qui a été dit. Cependant, dans les documents que vous nous avez présentés, le graphique sur le financement de la recherche aux États-Unis et au Canada au cours des dix dernières années semble indiquer que la situation s'aggrave, et c'est sans parler de l'Europe et des autres pays.

Nous sommes un pays avancé, et je crois que tous les membres réunis autour de cette table comprennent tout ce qui a été dit ici aujourd'hui, sans avoir nécessairement lu tous les mémoires—mais nous le ferons. Quelle est la cause de ce problème?

Lorsque nous avons posé la question à un autre groupe de témoins, ils avaient l'impression que nous étions toujours perçus au Canada comme des bûcherons et des porteurs d'eau, et que par conséquent nous n'investissions peut-être pas suffisamment dans certaines technologies de façon à être plus concurrentiels dans le secteur des affaires.

Mais ce n'est pas ce dont nous parlons ici. Nous parlons d'un ensemble différent de problèmes. Donc, pourriez-vous répondre à la question plutôt que de définir le problème, ce que vous avez déjà fait adéquatement, et la solution, et nous dire pourquoi selon vous nous ne mettons pas en oeuvre cette solution assez vigoureusement?

Dr Mark Poznansky: Je pense que jusqu'à il y a deux ou trois ans, le mot «désespoir» était réellement grave. Nous avions réellement l'impression que dans une large mesure nous étions un pays prospère, compte tenu de nos ressources naturelles, et quelqu'un a dit que je ne pouvais utiliser l'expression plutôt que bûcherons et porteurs d'eau, exportateurs de bois et importateurs de scies à chaîne. Je pense que c'est ce que nous avons cru pendant de nombreuses années. Mais depuis trois ans, le gouvernement réalise d'importants investissements dans la recherche: la Fondation des bourses du millénaire, la Fondation canadienne pour l'innovation, le rétablissement des budgets du CRM, du CRSNG et du CRSH. Notre désespoir est donc moins grand.

Dans une certaine mesure, si on considère les montants investis, nous sommes en eaux vraiment peu profondes, dans le bassin pour enfants, et il serait temps que nous apprenions à nager. Quand nous saurons nager, quand nous aurons sérieusement investi et quand nous comprendrons que ces investissements ne peuvent être que profitables pour notre économie et notre santé, alors nous commencerons à prospérer dans ce domaine. Nous avons fait de petits pas en avant au cours des trois dernières années, mais ils sont restés petits, je suppose, pour des raisons économiques et autres. Il est à espérer que l'excédent budgétaire aidant, nous comprendrons que des pas plus grands et des changements majeurs sont possibles.

Le président: Docteur Renaud, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Dr Marc Renaud: Je crois qu'il faut avant tout trouver une solution satisfaisante. J'ai l'impression que sur le front de la santé, tout comme sur celui du bien-être social, c'est avant tout un problème d'organisation.

Les historiens nous disent que nous subissons actuellement la mutation la plus importante du millénaire, et non pas du siècle, provoquée par la mondialisation, par la révolution dans le domaine des communications. Ces historiens disent aussi que nos arrière-petits-enfants n'auront aucune idée du monde dans lequel nous vivions parce que le monde aura tellement changé.

• 1655

Donc, selon moi, le véritable défi est de trouver la solution gagnante pour l'avenir. C'est cette solution que les biologistes essaient de trouver. C'est celle que nous essayons de trouver. À mon avis, c'est vraiment de cela qu'il s'agit. Il reste que nous avons besoin de votre aide financière parce qu'autrement nous n'y arriverons pas.

M. Nelson Riis: Pourrais-je ajouter un point à ce que vous venez de dire? Vous avez attiré notre attention sur ce tableau où vous parlez d'université virtuelle et vous nous parlez maintenant des forces de la mondialisation et de la révolution des communications. On parle de plus en plus de commerce électronique, etc. Serait-il possible que nous nous trompions d'objectif en appelant à la création d'un centre de recherches médicales canadien quand la création d'un centre nord-américain ou mondial serait préférable?

Mark, vous nous avez dit tout à l'heure que grâce à cette étude l'Université de Pittsburgh avait fait économiser 400 millions de dollars par an au système américain. Je suppose qu'elle fait économiser à notre système de manière analogue 40 millions de dollars par an ou à peu près.

Est-ce que nous ne sommes pas coupables d'une certaine étroitesse d'esprit en poursuivant des solutions nationales quand tous les autres sont à la recherche de solutions mondiales? Je me demande si vous avez atteint le même degré de nationalisme que certains des secteurs plus commerciaux.

Le président: Docteur Phillips ou docteur Friesen.

Dr Henry Friesen: J'aimerais participer à la discussion car je considère la question importante. Nous avons posé la question aux Canadiens dans notre sondage—enfin c'est le groupe de travail qui l'a fait en notre nom—et seulement 11 p. 100 d'entre eux ont répondu dans ce sens. Quatre-vingt-cinq pour cent ont répondu croire fermement à la nécessité que les Canadiens contribuent également à l'effort mondial de lutte contre la maladie car nous sommes tous concernés. Il reste qu'il y a des aspects qui sont uniquement canadiens.

Pour ce qui est de la science, elle est internationale. C'est évident. Mais c'est justement cet internationalisme... Les Canadiens sont responsables de 3 à 4 p. 100 des connaissances mondiales dans le domaine de la santé. Il reste donc 96 p. 100 dont les Canadiens peuvent profiter. Pour importer ces connaissances, il nous faut des importateurs informés. Autrement, nous risquons de nous tromper au niveau de ce que nous décidons d'importer par ignorance.

Pour ce qui est de la solution, de la question des investissements déjà consentis, nous avons investi et les gouvernements ont fait des choix d'investissements stratégiques: la Fondation canadienne pour l'innovation, la mise en place de l'infrastructure, la construction du réseau de pipelines, si vous voulez. Mais il faut bien que quelqu'un fore pour trouver le pétrole. Autrement, l'investissement dans le réseau de pipelines ne sert pas vraiment à grand-chose.

Je pense donc qu'il est possible de trouver une solution canadienne s'intégrant à une réalité globale. La réalité globale c'est savoir se servir de ces points forts, créer des centres économiques et s'assurer qu'ils sont reliés entre eux dans ce vaste pays: assurer un couplage géographique, une intégration des sciences. Ces discussions multidisciplinaires qui apportent de nouvelles perspectives sont parfois les plus productives, les plus enrichissantes.

Il ne s'agit pas de découvrir de nouveaux continents, il s'agit de voir de nouvelles possibilités avec de nouveaux yeux.

Le président: Monsieur Phillips.

M. Robert Phillips: J'appuie les propos de M. Friesen.

Je voudrais aussi revenir très brièvement à votre première question sur les origines de la situation actuelle. J'ai été un instant tenté de vous retourner la question mais permettez-moi de dire simplement qu'à mon avis l'un des problèmes est que savoir expliquer au public canadien l'importance de la science pour notre société et notre économie, n'a jamais été le point fort des scientifiques.

Je crois que c'est en train de changer et chez nous, en tout cas, nous sommes de plus en plus conscients de la nécessité de communiquer cette importance au public. Les scientifiques ne doivent pas le considérer comme un droit mais comme quelque chose dont ils doivent démontrer la nécessité. Je crois que c'est ce que nous essayons de faire. Communiquer est clairement une de nos responsabilités.

Pour ce qui est de la mondialisation, il est clair que la science est une industrie mondiale. Dans le domaine du cancer nous avons de nombreux exemples où nos scientifiques sont chargés de recherches cliniques internationales. Mais nous ne pouvons le faire que si nous avons ici les ressources pour former un groupe ayant la crédibilité nécessaire pour jouer le rôle de leader au sein de la communauté internationale. Nous ratons toutes sortes d'occasions parce que nous ne saisissons pas toutes les occasions de leadership à notre disposition parce que nos scientifiques qui sont tout à fait compétents n'ont tout simplement ni le temps ni les ressources pour le faire. Je crois que c'est à ce niveau qu'il nous faut concentrer nos efforts.

Le président: D'autres commentaires? Monsieur McLennan, suivi de M. Poznansky.

M. Barry McLennan: Merci.

J'aimerais simplement développer à ce qui a déjà été dit en guise de réponse à votre question qu'à mon avis nous avons déjà en place certains éléments très importants dont un ou deux ont déjà été mentionnés: les centres nationaux de programmes d'excellence, le programme de la Fondation canadienne pour les innovations et le fonds du millénaire. Et dans une certaine mesure le concept du ICRS est un autre élément du puzzle qui, selon moi, nous permettra d'accomplir ce que nous n'avons pas encore accompli.

• 1700

Pourquoi ne l'avons-nous pas fait? Peut-être en partie pour la raison psychologique que vous a donnée Mark à savoir qu'il pensait que ce n'était pas important. Mais comme nous l'avons constaté dernièrement, les Canadiens... Pour vous donner un simple exemple, les centaines de millions de dollars levés par le Fonds de découvertes médicales canadiennes a permis la création de compagnies qui peuvent être aujourd'hui constituées sur la base des résultats de recherche pour lesquelles l'investissement remonte à 10 ou 15 ans. Il faut continuer d'ajouter des maillons à la chaîne. Il faut continuer à amorcer la pompe. Il faut continuer à alimenter le moteur pour produire plus de découvertes, plus d'inventions médicales et commercialisées, etc.

Nous avons été lents au démarrage au Canada mais nous montrons partout aujourd'hui que nous pouvons le faire. Nous n'avons pas besoin du reste du monde pour le faire. Et pour jouer à ce jeu il faut participer. Nous ne pourrons pas tenir notre rang au sein du G-7 si nous n'assumons pas notre juste part de recherche fondamentale et d'activité génératrice de connaissance chez nous.

J'ai parlé tout à l'heure de l'environnement de la recherche. Si nous voulons attirer des investissements étrangers chez nous, créer des emplois et de l'activité économique, nous avons intérêt à avoir l'infrastructure nécessaire en place. Nous avons intérêt à avoir les scientifiques nécessaires, les laboratoires de recherche, les hôpitaux universitaires, l'infrastructure nécessaire autrement nous ne récolterons pas les fruits économiques de nos efforts. Je crois que ce puzzle comporte beaucoup d'éléments mais à mon avis, nous sommes bien positionnés pour que le Canada fasse vraiment la différence à l'aube du nouveau millénaire. Nous avons une réputation excellente de formateurs. Les Canadiens peuvent faire de la recherche. Nous n'avons pas à nous incliner devant quiconque. Nous avons les talents dans notre pays mais il nous faut leur donner les outils pour faire le travail et c'est au gouvernement fédéral de donner l'impulsion de départ nécessaire.

Merci.

Le président: Merci, monsieur McLennan.

Monsieur Poznansky.

M. Mark Poznansky: Je savais très bien que cet exemple d'ablation des amygdales était américain. J'aurais de loin préférer utiliser un bon exemple canadien mais je ne suis pas arrivé à en trouver. Le problème de la santé publique au Canada est que nous sommes à l'avant-garde des régimes de santé universels et qu'en conséquence c'est à nous de fournir les preuves médicales que notre système fonctionne bien. Nous ne pouvons pas compter sur les autres.

Pour ce qui est de la mondialisation, vous avez tout à fait raison. Il y a plus de mondialisation sur le plan économique mais, raison de plus justement pour que nous soyons en première ligne en matière d'innovation et de création de richesse et non pas réduits au simple rôle d'acheteur. Pour cela il faut faire les investissements que nous n'avons pas faits jusqu'à présent.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de vos témoignages.

La question de la productivité au Canada est grave. Nous constatons un déclin séculaire du dollar canadien depuis 30 ans et il y a certains obstacles structurels à la productivité qui sont intrinsèques à l'économie canadienne comme, par exemple, les barrières interprovinciales et la fiscalité élevée. Je suppose que l'inconstance de notre engagement envers la R-D pourrait être, tout particulièrement dans une société fondée sur les connaissances, considérée comme un autre de ces obstacles structurels à la productivité et en partie responsable de la faiblesse de notre dollar. L'heure est très grave.

Ma première question concerne la procédure d'engagement. Je comprends les propositions d'engagement accrues pour la recherche fondamentale, mais comment encourager par les mesures fiscales et de protection des brevets, une plus grande participation, ou un niveau plus élevé de recherche, par exemple, des compagnies privées, du secteur privé? De même, comment aider encore plus le secteur bénévole? Je suis convaincu que parfois le gouvernement pourrait se servir du secteur bénévole de manière beaucoup plus efficace qu'il ne le fait actuellement. Une partie de la R-D, où certains des services qui sont fournis par le gouvernement pourraient, avec les encouragements nécessaires—peut-être par le biais de mesures fiscales—être assumée par le secteur bénévole, ou en tout cas une grande partie. J'aimerais, pour commencer, avoir votre avis sur cette question.

Le président: Monsieur McLennan?

• 1705

M. Barry McLennan: Je commencerai par votre question sur la possibilité d'une plus grande participation du secteur privé. Comme M. Friesen l'a dit tout à l'heure, l'industrie pharmaceutique mondiale ne se débrouille pas trop mal, d'une certaine manière. Ces investissements au Canada approchent aujourd'hui le milliard de dollars et c'est très bien. Il ne faut pas oublier que nous sommes un petit pays. Nous ne sommes pas un acteur majeur sur la scène mondiale et quand nous arrivons à persuader à Genève, en Suisse, le siège social d'une compagnie à investir au Canada, c'est une bonne nouvelle.

Ce qu'il nous faut avant tout, et nous le rappelons dans notre mémoire, encore une fois, c'est l'environnement correct... Il nous faut avoir en place tous les instruments pour qu'ils fassent cet investissement. En l'occurrence, dans ce cas, les crédits d'impôt pour la recherche scientifique est le développement expérimental approprié. Tout à l'heure quelqu'un a fait référence aux modifications indispensables de la Loi sur les brevets; c'est d'une importance énorme. En d'autres termes, tous ces éléments doivent aboutir à des règles égales aux yeux de l'investisseur.

Qu'est-ce qui peut les attirer au Canada? Ils peuvent tenir compte des niveaux fiscaux; de la Loi sur les brevets, de l'environnement et de la recherche etc. Il faut donc être conscient de tous ces éléments et de ne pas les oublier, y compris les mesures de réglementation. Ces décisions sont prises au niveau mondial. Oui, ils aimeraient investir au Canada, ils aiment la manière dont nos scientifiques sont formés, ils aiment notre attitude envers l'excellence, etc. Mais il y a un certain nombre d'éléments qui sont pris en compte par une compagnie avant qu'elle ne décide d'investir au Canada.

Le président: Madame Lamont.

Mme Dorothy Lamont: Je suis enchantée d'entendre que vous aimeriez ménager une plus grande part au secteur du bénévolat. En fait, l'importance de la contribution de ce secteur dans de nombreux domaines, y compris la recherche en matière de santé, est un de nos secrets les mieux gardés. Les chiffres sont tout à fait renversants, et nous en discutons très fréquemment avec nos collègues du sud qui ont du mal à croire à quel point notre contribution est importante. Compte tenu du nombre d'habitants dans chaque pays, la situation est très différente.

En ce qui concerne la proposition pour les ICRS, il faudrait peut-être, en plus de la contribution de base du gouvernement fédéral, qui est importante, envisager une source de financement parallèle. Le public canadien pourrait décider de verser directement des fonds pour la recherche médicale; il deviendrait ainsi un partenaire du gouvernement fédéral qui, de son côté, verserait une contribution égale aux fonds versés par la population.

Cela permettrait de financer les organismes du secteur bénévole, en particulier les plus petits parmi eux. C'est un aspect très important. Beaucoup d'organismes de charité dans le secteur de la santé ne disposent pas de fonds qui sont à la mesure de leur cause. Ils aimeraient beaucoup amorcer un dialogue avec le public canadien. Par exemple, si vous nous donnez une somme x, nous pourrons soutirer au gouvernement une somme équivalente, ou même le double, etc. Évidemment, cela viendrait s'ajouter à un financement de base très important. Ce genre de chose pourrait être extrêmement utile pour le secteur bénévole.

Vous avez également discuté des questions de politique fiscale; il y a quelques mois, votre comité a déjà eu l'occasion de discuter de la politique fiscale avec les organismes bénévoles, mais évidemment, c'était une discussion d'ordre beaucoup plus général. Il ne faut pas perdre de vue le type de crédits qu'on pourrait accorder au public canadien lorsqu'il fait des contributions au secteur du bénévolat.

Le président: Docteur Renaud.

Dr Marc Renaud: J'aimerais faire une observation au sujet des crédits d'impôt. Dans le domaine des sciences humaines, il n'y a absolument aucun crédit d'impôt, point. Rien du tout. C'est très regrettable car cela permettrait d'orienter les efforts d'une certaine façon. À mon avis, cela ne devrait pas être systématique, mais pour certains types d'orientations, cela pourrait être très important.

Je me contenterai d'un exemple; il y a quelques années, le ministre de la Santé du Québec a réuni un groupe à peu près de la taille de celui-ci pour une séance de remue-méninges consacrée aux problèmes psychosociaux posés par les médicaments. En effet, les statistiques montraient que les personnes âgées consommaient trois ou quatre fois plus de médicaments que dix ans plus tôt. C'était vraiment bizarre. L'éventail pharmaceutique n'avait pas changé à ce point-là, mais la consommation avait énormément augmenté.

• 1710

Nous étions donc autour de cette table, nous discutions de la façon dont les médecins suivaient les règles, de la façon dont les patients observaient les instructions, de la médecine factuelle, etc. À la fin de la journée, le ministre de la Santé s'est tourné vers les représentants des compagnies pharmaceutiques, MERCK, etc., qui assistaient à la séance, et il leur a demandé de nous aider à mettre le doigt sur le problème. Les compagnies pharmaceutiques ont répondu: «Absolument. Nous sommes convaincus qu'il y a un problème, mais accordez-nous un allégement fiscal.»

Le président: Merci.

Monsieur Brison, vous avez une dernière question.

M. Scott Brison: Merci beaucoup.

Je représente une circonscription de la Nouvelle-Écosse. Nous avons un réseau d'établissements d'enseignement postsecondaire extraordinaire. Mon université, Dalhousie, est une université formidable, avec d'excellentes installations de recherche.

Je vais vous mettre au défi, j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si vous considérez la situation économique dans la région de l'Atlantique, elle vient en partie du fait que les gouvernements ont essayé de maintenir une ingérence dans le secteur des ressources longtemps après que ce soit devenu irréaliste.

Maintenant, nous sommes à l'aube d'un nouveau millénaire, nous vivons dans une société régie par des débouchés et par une mondialisation fondée sur la connaissance, et dans ma région, nous avons un excellent système d'enseignement postsecondaire. Peut-être allons-nous pouvoir enfin prendre des décisions avisées et donner à la région de l'Atlantique des politiques qui favorisent la R-D, et qui allient à cela des mesures solides dans les domaines de la santé, de l'enseignement et du développement économique.

Au lieu que tous se contentent de discuter chacun de son domaine, qu'il s'agisse de la R-D, du développement économique ou de l'éducation, nous avons ici une occasion de synergie très intéressante.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Permettez-moi de lancer un défi qui consisterait à nous réunir avec vous, avec les représentants du développement économique et de l'éducation, tant aux niveaux primaire, secondaire et postsecondaire, pour voir ce qui peut être fait pour les provinces de l'Atlantique et pour tout le pays.

Merci.

M. Henry Friesen: C'est un défi très important auquel j'aimerais répondre. Cette idée est au coeur même des instituts canadiens de recherche sur la santé—c'est-à-dire une perspective holistique et intégrée. Je suis certain que nous pouvons accomplir davantage en travaillant ensemble plutôt que de façon isolée.

Je suis d'accord avec vous au sujet de l'Université Dalhousie et du rôle important qu'elle joue dans cette région. Mark Poznansky a parlé du Fonds de découvertes médicales canadien. Il s'agit d'un fond de capital de risque de travailleurs. Parmi les principaux investisseurs dans ce fonds, on compte certains Canadiens de la région de l'Atlantique qui croient que cet investissement leur garantira une vieillesse plus heureuse. C'est un élément important, et ce fonds commence maintenant à investir dans cette région.

Grâce aux modifications apportées aux règlements sur les brevets, le programme d'essais cliniques des provinces de l'Atlantique a été structuré de façon à profiter des ressources qu'offre l'Université de Dalhousie. On a pu de cette façon aller chercher auprès de l'industrie pharmaceutique des investissements de plusieurs millions de dollars.

Le modèle sur la santé de la population appliqué à la gestion de la santé cardiaque en est un parfait exemple. La Société Merck a investi quelque 30 millions de dollars pour que ce modèle de santé de la population soit appliqué aux maladies cardiaques, tant pour ce qui est de la prévention que de la gestion. C'est un programme très intéressant pour la région. Tout cela a été rendu possible grâce à une certaine prise de conscience de ce qu'il était possible de réaliser en travaillant ensemble.

Le président: Merci.

Madame Lamont, avez-vous une dernière observation à faire?

Mme Dorothy Lamont: Nous, qui travaillons dans le domaine du cancer, avons constaté ces dernières années qu'il n'y avait pas d'infrastructure de recherche sur le cancer dans certaines provinces. Nous ne pouvions pas financer la recherche sur le cancer dans plusieurs provinces. En essayant de voir quelles en étaient les raisons, nous avons décidé que ce qu'il fallait, c'était d'amorcer un plus grand effort d'équipe dans ces provinces afin que les divers intervenants puissent collaborer et trouver des moyens d'effectuer de la recherche viable durables dans cette province.

Trois de ces quatre provinces sont situées dans la région de l'Atlantique. En fait, nous avons constaté récemment à quel point il est difficile d'amener le gouvernement provincial à accepter cette idée. Cela a beaucoup à voir avec l'état de choses dont nous avons discuté cet après-midi. La volonté est là, mais il est très difficile d'investir de l'argent qui n'existe pas.

• 1715

Un tel projet aurait pu être réalisé plus facilement, plus rapidement et avec un plus grand succès si plus d'argent avait été disponible. Il faut fournir un financement de base afin que les gens puissent profiter des occasions qu'offrent des programmes comme notre programme régional de R-D.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je poserai ma question rapidement et j'obtiendrai, je l'espère, des réponses toutes aussi rapides.

Il est très important de discuter de cette question de la prévention par opposition aux médicaments ou aux traitements. L'étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes a permis de constater que 25 p. 100 de nos enfants arrivent à l'âge adulte lestés de problèmes graves. Je ne vois pas comment on pourrait ne pas accorder la priorité absolue à cette question.

Les premières années de vie sont cruciales pour le développement neurologique. Je n'ai pas à vous expliquer cela, vous le savez déjà. Cet été, le Dr Christopher Ruhm, de l'Université de la Caroline du Nord, a publié un rapport de recherche. Sa recherche portait sur le lien entre la santé des enfants et les congés des parents. Le Dr Ruhm a constaté que la mortalité infantile était réduite de 29 p. 100 lorsque les enfants recevaient des soins directs de leurs parents pendant la première année de leur vie au moins. Parmi les facteurs les plus importants, il y avait l'allaitement naturel, les morts accidentelles et les maladies provoquant la mort, du simple fait que les enfants sont exposés à davantage d'endroits publics.

À mon avis, c'est un domaine où vous avez tous un rôle à jouer. Vous avez probablement tous contribué à l'identifier et à en souligner l'importance, mais rien de concret n'a cependant encore été fait à ce sujet. Nous n'avons pas trouvé de solutions pour améliorer la qualité des soins donnés aux enfants pendant la première année de leur vie, afin de pouvoir obtenir de meilleurs résultats sur le plan physique, mental et socio-économique.

Je demande donc à la personne qui souhaite répondre au nom de l'ensemble des témoins s'il vous serait possible, étant donné le respect que vous suscitez et votre grande influence, d'insister pour qu'on applique des solutions et vous en attribuez le mérite, afin que nous puissions ensuite réinvestir dans les travaux de recherche que vous demandez, l'argent ainsi épargné.

Le président: Qui veut commencer? Monsieur Renaud?

M. Marc Renaud: Au CRSH, la question des enfants est une priorité. Le câblage du cerveau auquel Peter faisait allusion se produit chez les très jeunes enfants et a apparemment un impact majeur sur les capacités d'adaptation plus tard dans la vie. C'est un peu la matière première. Nous devons trouver ce que nous pouvons faire.

Nous avons des chercheurs dans ce domaine. Il y en a un à l'Université du Nouveau-Brunswick, par exemple, qui est un chef de file à l'échelle internationale dans l'étude de ce qui peut aider à stimuler les enfants. Il compare des enfants qui jouent avec des cubes et ceux qui ne le font pas. Il regarde comment cela influence leurs capacités futures en mathématiques.

Nous avons ciblé des projets de recherche sur ces questions, parce qu'elles sont la clé de notre avenir.

Le président: Docteur Friesen.

Dr Henry Friesen: En ce qui concerne la mise en oeuvre, vous essayez de toute évidence de nous forcer à répondre rapidement. Vous conviendrez je pense qu'il n'existe pas de solution unique, mais probablement une série de solutions. Le coeur de la recherche consiste à examiner quelles sont les meilleures.

Dans mon propre domaine, j'ai participé à des recherches sur le contrôle endocrinien de la formation du lait maternel. Je suis au courant de l'étude canadienne selon laquelle—elle n'a pas été effectuée en Caroline du Nord, mais au Canada—il y aurait dix fois moins de cas de gastro-entérite et d'hospitalisation pour gastro-entérite, parmi les enfants de mères autochtones qui ont choisi d'allaiter. C'est donc très réel.

Comment peut-on commencer à examiner cette question? Il y a évidemment des structures familiales et des secteurs de responsabilité qui entrent en jeu. Il y a donc une possibilité d'entreprendre des recherches en sciences sociales afin de comprendre les liens entre l'environnement biologique et l'environnement social pour voir comment ils se répercutent dans les résultats que vous avez présentés de façon si éloquente.

Le président: Monsieur Phillips.

M. Robert Phillips: L'une des conclusions auxquelles nous sommes arrivés en examinant un problème connexe concerne le tabagisme chez les jeunes. En planifiant nos nouveaux programmes de recherche sur le comportement, nous avons décidé que nous devions établir un réseau pour relier le chercheur au responsable des programmes et de la politique, afin que les résultats des recherches aient la possibilité d'être mis en pratique. À quoi bon trouver des solutions qui ne sont pas applicables.

Cela sera un élément clé. Nous ne sommes pas certains de savoir toujours comment le faire, mais nous estimons que c'est un obstacle important et que nous devons faire en sorte que les résultats de telles recherches mènent à l'élaboration de mesures qu'on pourra mettre en oeuvre et qui auront un impact.

• 1720

Le président: Docteur McLennan.

Dr Barry McLennan: Pour répondre à votre question, monsieur Szabo, je dirai que la réforme en cours dans le pays en matière de santé prend diverses formes et dimensions, mais l'élément clé dans toutes les provinces est évidemment de faire justement ce que vous avez dit, c'est-à-dire de mettre en pratique les résultats des travaux de recherche effectués, qu'il s'agisse de la santé des enfants ou d'autres domaines.

Il est clair cependant que les déterminants de la santé dans toute cette question de la recherche, de la santé de la population et d'autres questions, suscitent de plus en plus d'attention dans chaque province. Vous serez rassurés d'apprendre que le Collège des médecins de famille du Canada vient de constituer un groupe de chercheurs parmi ses membres afin qu'ils puissent examiner collectivement certaines des questions dont vous venez justement de parler. Je pense que ce groupe, comme d'autres, estime que nous devons mettre en pratique les résultats des recherches dans la collectivité et dans les hôpitaux.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Une conférence organisée par la Maison Blanche sur les enfants a conclu que les fondements neurologiques du raisonnement abstrait, de la solution des problèmes et de la logique générale se trouvaient tous largement établis dès l'âge de un an. Les résultats semblent indiquer que 80 p. 100 du développement complet du cerveau est terminé dès l'âge de trois ans. Si je devais définir les années formatrices, je choisirais donc probablement la phase prénatale jusqu'à trois ans.

Tout le monde parle de l'exode des cerveaux. Il y a certainement deux solutions possibles. L'une consiste à mettre un frein au départ de ces cerveaux. L'autre solution est peut-être de réaliser plutôt des gains du côté du développement du cerveau. J'espère vraiment que vous profiterez de l'occasion—il s'agit davantage d'un discours que d'une question—pour demander collectivement qu'on prenne des mesures dans ce sens.

Il s'agit peut-être d'un nouveau domaine de recherche, mais c'est le cas depuis quatre ou cinq ans. Cela se fait certainement depuis que je suis devenu député en 1993. C'est alors que j'ai fait la connaissance de Fraser Mustard, que j'ai parlé pour la première fois à Dan Keating et que j'ai rencontré certains des autres membres de l'Institut canadien des recherches avancées.

Cessons d'y voir seulement une nouveauté et commençons à agir.

Le président: Est-ce une observation?

M. Paul Szabo: En effet.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie vraiment d'être venus articuler une vision que beaucoup d'entre vous partagez manifestement. Nous tenons de nombreuses tables rondes, dans le cadre de nos consultations prébudgétaires, et nous pouvons remplir cette salle de personnes qui nous diraient qu'il faut rembourser la dette. J'apprécie donc le fait que nous avons un groupe de personnes ayant une optique et des intérêts communs. Il y a deux universités dans ma région et je suis donc très heureuse de voir que nous avons réinvesti dans la R-D.

L'un d'entre vous a parlé de la somme de 1,9 milliard de dollars—c'est-à-dire une augmentation de 14 p. 100—que les États-Unis ont voté pour soutenir la recherche. J'ai regardé les graphiques que vous nous avez remis. Ils sont très instructifs. Je vous signale que le comité a certainement prêté l'oreille à la demande faite l'an dernier pour un investissement dans la recherche, et c'est pourquoi le budget contenait de tels crédits pour les conseils subventionnaires.

Je me rends compte également que c'est une cible mouvante. Si nous nous comparons constamment aux États-Unis, nous n'atteindrons peut-être jamais l'objectif que nous recherchons. Nous devons voir quel est le bon équilibre au Canada. Certains des exposés contenaient des indications très spécifiques à cet égard.

Après avoir vu ces documents et entendu certaines des observations, je dois vous dire que je suis certainement en faveur des partenariats avec le secteur privé. L'un des témoins que nous avons entendus en Nouvelle-Écosse a cependant dit qu'une telle pratique entachait pour ainsi dire le principe de la recherche pure. Il y a donc plusieurs points de vue différents également dans les milieux de la recherche.

Étant donné le contexte mondial, la question que je veux vraiment vous poser—le Dr Poznansky a dit, je pense, qu'il fallait jouer un rôle—est la suivante: existe-t-il un pourcentage quelconque. Vous dites évidemment tous que notre gouvernement ne contribue pas assez et que nous devons faire plus. Mais quel est vraiment le bon chiffre? Existe-t-il un bon équilibre? Je ne sais pas si vous utilisez des pourcentages. J'ignore dans quelle mesure vous pouvez donner des chiffres précis, mais existe-t-il un équilibre optimal entre la participation du gouvernement, des organismes non gouvernementaux et du secteur privé que nous devrions viser, afin de savoir quand nous l'aurons atteint?

Le président: Docteur Glynn.

Dr Peter Glynn: Il y a une campagne en cours cette semaine et vous avez probablement entendu le slogan «100 p. 100 pour 1 p. 100». On suggère par là que le financement de la recherche médicale soit augmenté pour atteindre 1 p. 100 du soutien fédéral au système de soins de santé, c'est-à-dire ce qu'il en coûte à l'État. Je pense que c'est une bonne mesure.

• 1725

À notre avis, nous avons besoin d'une initiative audacieuse qui suscitera chez tous la volonté d'agir vraiment, au lieu de laisser simplement les choses suivre leur cours. Nous avons fait allusion à la création des instituts canadiens de recherche en santé, et un groupe de travail présidé par le Dr Friesen et Dorothy Lamont a été organisé. On est en train de préparer un projet d'entreprise portant justement sur les questions soulevées autour de cette table. Comment peut-on planifier dans le contexte de la situation économique du Canada, de sa société future et de son régime de soins de santé?

Lorsque la préparation de ce projet d'entreprise sera terminée, il constituera un argument très convaincant pour obtenir des crédits de l'ordre de 500 millions de dollars sur une période raisonnable... Il ne s'agit pas d'une demande de 500 millions de dollars pour demain. Je vous dis franchement que nous ne pourrions pas les dépenser demain comme il faut. Nous devons cependant considérer qu'il nous incombe d'entreprendre de telles recherches en santé. Cela changera tout le contexte et nous commencerons alors à nous occuper de certaines des autres questions dont nous avons parlé.

Le président: Quelqu'un d'autre a-t-il des observations à faire? Docteur Poznansky.

M. Mark Poznansky: Pour ce qui est des chiffres, comprenons bien ce que signifie vraiment l'augmentation de 1,9 milliard de dollars dans le budget du National Institute of Health (NIH).

Si l'on considère l'augmentation apportée cette année au budget du NIH en fonction de la population, elle est presque égale au financement total du CRM en fonction de notre population. L'augmentation accordée aux États-Unis représente donc environ 8 $ ou 9 $ par personne—et il s'agit là de l'augmentation. Le financement total du CRM est d'environ 9 $ ou 10 $ par personne, de telle sorte qu'il s'agit vraiment d'écarts énormes.

Vous soulevez un argument très important en ce qui concerne la proportion et l'équilibre entre les investissements du secteur privé et ceux du gouvernement.

Je vais utiliser comme exemple le cas du cancer. Je ne connais aucune entreprise qui soit prête à financer un chercheur pour qu'il essaie de comprendre les événements fondamentaux qui amènent une cellule normale à devenir une cellule cancéreuse. Il n'y a aucune société pharmaceutique qui pourrait se permettre de financer ce type de recherche fondamentale. Dès l'instant où quelqu'un trouvera un indice expliquant ce processus, cependant, vous verrez tout le secteur privé se ruer pour offrir le financement nécessaire, parce qu'il y aura alors beaucoup d'argent à faire.

Nous devons donc faire une distinction entre les cas où le secteur privé pourrait investir, et je pense que c'est seulement là où des découvertes ont déjà été faites, et les recherches d'où découle la véritable innovation, c'est-à-dire celle qui se fait dans les universités et qui est financée par le secteur public. On l'a démontré à maintes et maintes reprises, non seulement aux États-Unis ou en Europe, mais aussi dans des pays comme le Japon et Singapour, car c'est la direction qu'ils ont prise dans les années 90.

Le président: Le Dr McLennan.

M. Barry McLennan: Je ne pense pas qu'il y ait une réponse exacte à votre question quant au bon chiffre ou à l'équilibre recherché. Si vous regardez le tableau qui figure à la page 10 de notre mémoire, cependant, vous vous rendrez certainement tous compte que nous ne faisons pas tout à fait ce qu'il faut.

Nous avons bien commencé l'an dernier à inverser la tendance à la baisse, et nous devons continuer dans ce sens. Je pense que c'est justement l'initiative qu'il faut prendre. Il faut un véritable démarrage, il faut repenser d'une manière radicale la façon dont nous fonctionnons, la façon dont nous effectuons la recherche médicale.

Permettez-moi de vous rappeler ce que nous disons dans notre mémoire au sujet du rapport de l'Association des universités et collègues du Canada (AUCC) en ce qui concerne le rendement des investissements. Si vous investissez 1 $ dans la recherche, vous obtenez 7,50 $ d'augmentation réelle du PIB. Vous pouvez interpréter cela de la façon que vous voulez. Vous pouvez par exemple parler du nombre d'emplois ou du pourcentage du total du PIB. L'essentiel est que c'est une bonne chose pour le Canada. C'est excellent. C'est cela que nous devons faire dans notre pays, au lieu d'exporter des cerveaux aux États-Unis.

Les Américains ne cessent de débaucher nos scientifiques. Nous ne pourrons peut-être jamais les rattraper, mais j'aimerais en tout cas que nous reprenions le collier afin que nous soyons au moins à égalité avec l'Europe—le Royaume-Uni, la France et quelques autres. C'est bien beau de vouloir rattraper les Américains, mais ils ont une bonne longueur d'avance sur nous.

Je crois donc qu'on peut répondre à votre question en disant que nous sommes bien partis, mais qu'il nous faut vraiment accélérer les choses pour rester dans la cour.

Merci.

Le président: Docteure Bennett.

• 1730

Mme Carolyn Bennett (St. Paul, Lib.): Merci, monsieur le président.

Comme vous l'avez vu l'an dernier, vos représentants ont fort bien plaidé la nécessité d'augmenter les crédits destinés à la recherche médicale. Il y a beaucoup à dire également au sujet de l'exode des cerveaux, de l'augmentation du PIB et de toutes ces nouvelles choses.

J'imagine que j'ai besoin d'être rassurée quant à notre soutien à l'ICRS. J'espère aussi que le Dr Renaud sera le premier à répondre à mes questions. Pouvons-nous nous assurer que les critiques relatifs aux modèles médicaux, aux déterminants sociaux de la santé ou de la recherche, comment on empêche les gens de commencer à fumer, comment on fait des recherches... Comment a-t-on effectué la recherche sur l'ablation des amygdales? Comment faites-vous des recherches sur les interventions chirurgicales qui ne sont pas nécessaires? Qui va faire ce genre de recherches pour savoir par exemple pourquoi il y a dix fois plus d'hystérectomies à North Bay qu'à Toronto? Pourquoi procède-t-on à ces hystérectomies? Et il y a aussi les ablations de la vésicule biliaire. Quatre-vingt-dix pour cent des interventions obstétriques ne sont pas fondées sur l'expérience clinique, si j'en crois à mon expérience.

Comment allons-nous faire des recherches dans les domaines que nous, à titre de gouvernement, estimons être de la plus haute urgence pour le public? Et comment allons-nous dépolitiser la recherche, par exemple sur le cancer du sein et le SIDA, alors que les chercheurs spécialistes de la prostate réclament leur juste part? Comment allez-vous me prouver qu'avec ce nouveau modèle, les responsables du ERS seront heureux; que les consommateurs seront heureux; que les personnes qui s'intéressent aux autres méthodes alternatives complémentaires seront satisfaites; que les gens qui s'inquiètent des partenariats avec le secteur privé ne vont pas toujours me citer Nancy Olivieri? Comment allons-nous nous assurer qu'il y a vraiment moyen de mettre au point le système parfait qui nous contentera tous et qui apaisera toutes ces craintes?

Dr Marc Renaud: Vous posez-là une question très difficile. Nous avons la certitude que la réponse est non—je crois. Mais la bonne volonté de tous est étonnante. Il y a des choses qui se passent et qu'il faut encourager. Franchement, la relation entre le milieu des sciences sociales et le milieu biomédical est loin d'être parfaite. Les chercheurs en science sociale croient à tort que leurs homologues du milieu biomédical essaient de les manger tout rond et de leur laisser la portion congrue. À ma dernière séance du conseil, il y avait quelqu'un qui avait rapporté un T-shirt d'Australie. La personne qui m'a montré ce T-shirt m'a dit que l'image qu'il y avait dessus représentait les gens du milieu biomédical. C'était un crocodile qui souriait en disant: «faites-moi confiance».

Même si on caricature les choses de la sorte, le fait est qu'on essaie de bouger de chaque côté. Il faut partir de là. Je sais bien, de mon côté de la recherche, que la santé est importante; mais il y a aussi mon propre domaine de recherche, qui est important. Mais il y a d'autres aspects aussi. Ce que les ERS demandent, c'est qu'on double leur budget—qui est petit, soit dit en passant—sur les trois ou quatre prochaines années. Autrement, nous perdrons totalement l'élan que nous avons créé en mobilisant ces chercheurs.

Dr Mark Poznansky: Je suis biophysicien de formation, alors attendez-vous à ce que je prenne le contrepied.

Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour pratiquer la médecine fondée sur l'expérience clinique. Dans le cas de l'étude sur l'amygdalectomie, il s'agissait d'un simple pédiatre à l'Université de Pittsburgh qui se demandait pourquoi il faisait toutes ces opérations. Il a fait une demande au National Institutes of Health et obtenu une bourse de 700t, s000t, s$. Il a séparé en deux groupes des enfants qui entraient à l'hôpital pour subir une amygdalectomie normale. La moitié d'entre eux ont subi l'opération et l'autre moitié a reçu le meilleur traitement non chirurgical qui soit. Il a ensuite procédé à un suivi. Il a relevé quelques décès parmi les enfants qui avaient subi l'amygdalectomie, et il n'en avait aucun dans l'autre groupe. Les enfants de l'autre groupe se sont mieux rétablis et ont recouvré la santé aussi rapidement que les autres. Il a conclu par conséquent dans un texte très diffusé que l'on pratiquait trop d'amygdalectomies.

Pour chacun de ces exemples que j'ai donnés, on pourrait procéder à une expérience clinique identique pour comparer les résultats de tel traitement médical ou chirurgical. La plupart des autres formes de médecine parallèle sont en fait des formes de médecine qui n'ont tout simplement pas fait l'objet de bonnes expériences cliniques.

• 1735

Malheureusement, nous avons investi 50 millions de dollars dans le fonds de dotation de la Fondation canadienne pour la recherche en sciences de la santé. Il nous en faudrait cinq fois plus annuellement pour que notre système de santé soit fondé sur l'expérience clinique plutôt que sur des considérations budgétaires. Il s'agit donc vraiment d'une question d'argent.

Le président: Docteur Phillips.

Dr Robert Phillips: Comme tout le monde l'a dit, il n'est pas facile de répondre à cette question, mais cela dit, j'aimerais faire deux observations.

Tout d'abord, je sais par expérience que tout le milieu biomédical est beaucoup plus disposé aujourd'hui à englober un plus grand nombre de chercheurs. Chose certaine, j'ai constaté dans la recherche oncologique qu'on ne considère plus avec dédain les sciences sociales et comportementales. Nous les englobons et les faisons participer à nos expériences cliniques. Toutes nos expériences cliniques comprennent maintenant des évaluations de la qualité de la vie qui font intervenir des chercheurs en sciences comportementales.

Mais il y a autre chose que Mme Lamont a mentionné dans notre exposé: s'il doit y avoir des instituts qui s'intéressent à une seule maladie, nous pensons qu'il serait sage d'établir des objectifs. Je vais vous donner un exemple. Imaginez que le National Cancer Institute se donne pour objectif de réduire la mortalité de 50 p. 100 dans une génération. Pour atteindre ce but, il faudrait augmenter de beaucoup la recherche fondamentale visant à comprendre le cancer, mais nous ne pourrions pas oublier les déterminants sociaux que sont la santé et la prévention parce qu'on ne pourra pas atteindre ce but sans tenir compte de tout le spectre de la recherche.

Mme Carolyn Bennett: Docteur Friesen, depuis la naissance de l'IRCS, il y a eu des progrès considérables. Vous devez savoir que l'Université de Brandon nous a accordé son soutien enthousiaste lors de notre passage à Winnipeg la semaine dernière étant donné qu'elle se spécialise dans le vieillissement. Mais si nous ne faisons qu'établir des liens entre les facultés de médecine, il faut s'assurer que les chercheurs qui s'intéressent aux études sur les femmes, et à tous les éléments formidables que compte notre pays, estiment qu'ils font partie de cet effort si tout le monde veut aller de l'avant.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'on ne peut pas considérer la toxicomanie sans s'intéresser à l'inceste. On ne peut pas vraiment parler des sans-abri dans notre pays sans parler aussi de la santé mentale, de la toxicomanie, ou de l'inceste, au lieu de parler seulement du logement, sujet beaucoup plus rassurant. Et j'espère que lorsque nous pourrons lancer ce genre d'initiative, il y aura place pour tout le monde sur la liste et que l'on pourra s'attaquer à toutes les questions qui inquiètent les Canadiens, dont les plus difficiles.

M. Henry Friesen: Merci beaucoup, docteure Bennett. Si vous le permettez, j'aimerais faire quelques observations.

Je sais que j'ai eu la chance de parler de cela avec vous auparavant. L'une des choses auxquelles nous tenons le plus, c'est l'abolition des frontières entre les instituts par la création de domaines ciblés ou définis, ou de divisions pour les initiatives essentielles en matière de santé clinique, et le genre d'études que le Dr Poznansky a mentionnées. De même, il devrait y avoir une enveloppe pour les sciences sociales qui s'appliquerait à chacun de ces domaines, à quoi s'ajouteraient des approches ciblées ou gérées qui conviennent au milieu des sciences sociales. Cette intégration doit être notre but.

Même si le Dr Renaud a parlé de caricatures, je pense qu'il comprend fort bien—et il a été très courageux, il a peut-être devancé ses collègues et dans son milieu—la nécessité de créer ces liens et de bâtir des ponts. Dans un sens, c'est le Canada que nous voulons avantager, il ne s'agit que de cela. On ne saurait parler de concurrence entre les établissements ou les domaines dans notre pays. Notre vraie concurrence, en tant que pays, en tant que nation, c'est le monde, et nous devons nous accorder chez nous si nous voulons réussir comme pays.

Mme Carolyn Bennett: J'ai une autre question qui s'adresse à M. Shields et à quiconque voudra bien y répondre.

Je ne suis qu'un modeste médecin de famille. Lorsque je vois le réseau de soins cardiaques et lorsque je parle à mes collègues des régions rurales, on semble craindre que l'on mesure les listes d'attente à partir du moment où quelqu'un reçoit un angiogramme positif. Lorsqu'une personne est allée à l'urgence parce qu'elle avait des douleurs à la poitrine, il lui faut parfois des mois avant de voir un cardiologue. Il faut parfois beaucoup de temps avant que cette personne appelle son ami(e) qui s'occupe des angiogrammes et ce n'est qu'à ce moment-là qu'on commence à calculer le délai ici au pays. Ce n'est pas une approche centrée sur le patient.

• 1740

J'espère tout simplement que si nous adoptons de nouvelles façons d'évaluer toutes ces choses, nous tiendrons compte du point de vue du patient.

M. Charles Shields: Si cela peut vous être utile, je dois dire que les conversations que j'ai entendues reflétaient le genre d'observations que vous faites. Nous devons commencer à tenir compte du moment où la question devient un problème pour le patient. Peter Glynn fait un signe de tête pour montrer qu'il est d'accord et j'imagine qu'il rencontre sans doute ce genre de situations de façon plus quotidienne et qu'il a peut-être quelque chose à ajouter également.

Dr Peter Glynn: Ce que vous dites est tout à fait valable. Le problème consiste à trouver ces données. C'est le même problème que pour arriver à trouver des données sur les listes d'attente dans notre pays. C'est une question très complexe. Franchement, nous devons encore faire d'autres recherches à ce sujet pour pouvoir réellement définir le problème.

Monsieur le président, en tant que membre du groupe de travail du CIHR et en tant que représentant de la Fondation des maladies du coeur, je me demande si je pourrais tout simplement rassurer la Dre Bennett au sujet de ce qu'a dit le Dr Renaud à juste titre. Quelque chose est en train de se passer. Des gens de divers domaines se rencontrent—des gens du secteur du bénévolat; du secteur plus doux, c'est-à-dire du secteur social; du secteur plus dur, c'est-à-dire le secteur des biosciences; et les universités, notamment Rob Pritchard, Martha Piper. Bon nombre de ces personnes comprennent profondément que la santé va au-delà de la médecine et que les éléments déterminants de la santé vont au-delà du système de soins de santé. On est vraiment en train de se regrouper à cet égard, et je peux vous assurer que le CIHR abordera un large éventail de questions. Je peux vous dire que les organismes de bienfaisance insisteront pour qu'il le fasse.

Le président: Merci, docteure Bennett.

J'ai une question. La recommandation clé, c'est que nous fassions en sorte que le ministre des Finances fasse vraiment quelque chose pour améliorer la qualité de vie des Canadiens, pour améliorer leur niveau de vie.

Après avoir voyagé un peu partout au pays et écouté les Canadiens qui nous ont exposé leurs divers points de vue, ce que j'ai vraiment constaté, c'est qu'en réalité tout cela revient vraiment à une question de productivité. Il faut en fait améliorer la productivité de notre pays si on veut améliorer la qualité de vie des gens. Franchement, je crois que ce prochain budget devra être vu sous ce jour. Chacune des recommandations que notre comité fera devra répondre à ce critère de productivité. Qu'il s'agisse d'investissements dans le domaine de la santé ou de tout autre investissement, en fin de compte ils devront se traduire par des gains de productivité, car ce sont en réalité des éléments clés dans la production de la richesse. Si on veut avoir des programmes sociaux, il faut générer de la richesse. Il faut générer de la richesse si on veut avoir d'excellents programmes universitaires, car quelqu'un doit payer pour ces programmes.

Je me demandais donc tout simplement si vous étiez d'accord avec moi pour dire que la productivité devrait être un élément clé du prochain budget fédéral.

Monsieur Shields.

M. Charles Shields: Je suis d'accord avec vous.

Certains d'entre vous savent peut-être que la Banque Mondiale a publié un rapport il y a cinq ans concernant les investissements dans la santé. On y abordait exactement la même question que celle dont vous parlez. Ce rapport s'adressait davantage aux pays en voie de développement, mais ce qu'on y disait vaut également pour le Canada: la santé d'un peuple est un élément clé de la productivité du pays. Donc, je ne crois pas qu'il y ait la moindre incompatibilité entre ce que nous avons dit et le genre d'objectif que vous entrevoyez pour le budget de l'an prochain.

Merci.

Le président: Docteur Gauthier.

Dr Clément Gauthier: (directeur général, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Notre mémoire se fonde effectivement sur une productivité accrue grâce aux investissements dans la recherche médicale. Nous appuyons fermement le point de vue que vous venez d'exprimer: le prochain budget devrait effectivement encourager une productivité accrue.

Nous n'avons pas inventé ce que nous vous avons présenté dans notre mémoire. Cela correspond tout à fait aux recommandations faites par l'OCDE, à commencer par leur stratégie d'emplois de 1996. L'une des cinq recommandations clés était en fait d'accroître la productivité grâce à des investissements dans la recherche.

• 1745

À la page 3 de notre mémoire, nous soulignons qu'en investissant dans la recherche sur la santé, le gouvernement fait d'une pierre deux coups; cela permet d'augmenter la productivité dans le secteur de la santé, comme dans n'importe quel autre secteur—et de diminuer la perte de productivité qui découle de l'incapacité à long terme.

Nous sommes d'avis que cette façon d'investir dans l'économie jetterait également les bases d'une productivité accrue. Cette augmentation du PIB par habitant représenterait une base économique et auto-catalytique pour résoudre la dette nationale du Canada. Cela aurait un effet positif sur quelque chose que nous faisons bien mais que nous pourrions faire davantage si plus de ressources y étaient investies. Alors oui, la productivité est un élément clé. Eh oui, l'investissement dans la recherche sur la santé augmenterait certainement la productivité sur les deux plans que je viens de mentionner, diminuerait le fardeau de la maladie et augmenterait en fait la productivité des gens comme dans n'importe quel autre secteur industriel.

Le président: Docteur Glynn.

Dr Peter Glynn: Oui, je suis d'accord avec Pierre sur deux points. D'abord, j'ai utilisé un petit exemple d'augmentation de la productivité dans le secteur des soins de santé, des enzymes pour déterminer s'il y a ou non crise cardiaque, et cela a un impact certain pour améliorer la productivité des services d'urgence et des lits d'hôpitaux.

Ensuite, je voudrais revenir sur ce que j'ai dit au sujet du rapport du Conference Board, qui porte exactement sur la question dont vous parlez, c'est-à-dire que nous devons être plus innovateurs, plus productifs et que nous avons besoin de plus de connaissances pour être innovateurs.

Le président: Docteur Renaud.

Dr Marc Renaud: Je vais vous donner mon point de vue qui est tout à fait personnel: je ne suis pas convaincu que l'élément clé revienne à une question de productivité. Il ne fait aucun doute que la productivité est une question clé; mais c'est aussi une question de compétitivité, etc. Je ne nie pas que ce soit le cas. Prenons cependant les questions que nous avons soulevées aujourd'hui. En ce qui concerne les enfants, avons-nous les bonnes politiques pour appuyer le développement des enfants au Canada? Est-ce là une question de productivité? En fin de compte, dans un sens oui, mais il faut parler de la question des enfants.

Dans le débat entre le Québec et Canada, peut-on dire que cela revient à une question de productivité? Non—dans cette question de la position du Québec et du Canada, il y a bien sûr des conséquences en ce qui concerne la productivité, mais d'une certaine façon... Si nous voulons trouver une solution imaginative à ce problème, il faut faire de la recherche sur des choses qui n'ont rien à voir avec la productivité, sur la façon dont fonctionne la fédération, sur les rapports des gens entre eux dans le monde lorsqu'ils parlent une langue différente et ont une culture différente.

J'hésite tout simplement à tout réduire à une question de productivité.

Le président: Monsieur Poznansky.

Dr Mark Poznansky: Il faut vraiment élaborer une stratégie à long terme en matière d'éducation et en ce qui concerne les enfants. Si on se fonde sur les trois à cinq prochaines années pour évaluer la productivité si on envisage l'investissement dans Bombardier ou dans une autre entreprise et l'investissement dans l'innovation à long terme pour les enfants de nos enfants, c'est difficile à évaluer. C'est très difficile à mesurer en réalité si bien que l'on doit vraiment mettre en place un système de croyances dans l'enseignement supérieur, l'innovation, la recherche et la création de la richesse. Naturellement, bon nombre d'entre nous ici dans cette salle ont vu cela et y croient intensément, mais il est difficile de voir des résultats à court terme. Donc c'est assez difficile.

Le président: Tout ce que je dis, bien franchement, c'est que si nous n'avons pas des gains de productivité d'une façon durable—pas seulement pour un ou deux ans, mais de façon durable—je ne pense pas que la prochaine fois que vous comparaîtrez devant notre comité nous puissions parler de financement pour vous, car il n'y aura pas de financement disponible. Voilà ce que je veux dire. C'est la même chose en ce qui concerne les questions sociales. Le fait est qu'il faut générer de la richesse pour avoir les programmes que tout le monde souhaite. Je dis que nous ne devons pas perdre de vue le fait que tout est en fonction des efforts déployés pour avoir une plus grande richesse, et par conséquent, tout le monde ici est d'accord pour dire qu'il est possible d'avoir ce genre de richesse grâce à une productivité accrue.

J'ai pris trop de temps ici en tant que président. Je devrais revenir à M. Epp, sinon il sera très fâché contre moi.

M. Ken Epp: Je pense que nous allons sans doute manquer de temps si je pose toutes mes bonnes questions. Il y a en ce moment une question que je brûle vraiment de vous poser à tous. Nous parlons ici de la nécessité d'augmenter le financement de la recherche; je pense que c'est le thème qui ressort de tout ce que vous avez dit. Simplement dit, vous voulez davantage d'argent du gouvernement fédéral.

• 1750

Encore une fois, nous avons parlé des objectifs à court terme par rapport aux objectifs à long terme. Au Canada à l'heure actuelle le tiers de chaque dollar perçu en impôt sert à rembourser les intérêts de la dette. Donc, si on veut vraiment faire quelque chose qui soit bon pour le pays à long terme, il faut réduire la dette de façon à ce qu'on n'ait pas à utiliser une si grande partie de notre revenu national pour payer les intérêts et le principal d'une dette pour rembourser de l'argent qui a été dépensé il y a 30 ans.

Je voudrais savoir si à long terme, vous pensez que nous devrions allouer des fonds dans le budget pour rembourser et réduire notre dette afin de réduire les paiements d'intérêts.

Le président: Qui veut répondre à cette question? Docteur Glynn.

Dr Peter Glynn: Je pense, monsieur Epp, que le président a tout à fait raison. Sans une productivité accrue, nous n'aurons pas les moyens de maintenir le pays et d'offrir le genre d'environnement auquel les Canadiens s'attendent pour rembourser la dette. Nous devons investir pour augmenter la productivité du pays, peu importe la façon dont vous voulez le voir, et ajouter à cela l'approche sociale à la vie, pour nous permettre de rembourser la dette. Car si nous commençons à aller dans cette direction, tout ce que nous ferons, ce sera d'augmenter la dette. Il faut donc investir, et on parle ici d'investissement.

Le président: Monsieur Shields.

M. Ken Epp: Pourriez-vous répéter cela en une phrase? Vous vous opposez à la réduction de la dette. C'est une dette de 580 milliards de dollars, et vous voulez laisser cette dette intacte et continuer à verser 41 milliards de dollars par année en intérêts, n'est-ce pas?

Dr Peter Glynn: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est que nous devons investir dans la productivité de notre économie pour aller chercher les impôts qui nous permettront de rembourser la dette.

M. Mark Poznansky: Nous devons rembourser la dette et créer de la richesse.

M. Ken Epp: Nous voulons les deux.

M. Mark Poznansky: Absolument.

M. Ken Epp: Très bien. Ce n'était pas clair dans mon esprit.

M. Charles Shields: J'aimerais répéter ce qui a déjà été dit. Je pense que l'on peut tout simplement rembourser la dette, c'est-à-dire comme on le ferait dans un ménage où on rembourserait tout simplement la dette, ou on peut essayer de faire de l'argent qui nous permettra de rembourser la dette également. Ce que nous disons, c'est qu'il y a un certain nombre de possibilités pour créer de l'argent, de la richesse, que l'on pourra ensuite utiliser pour rembourser la dette.

Cela doit être réglé, c'est vrai, mais cela peut l'être de différentes façons. Le Dr Glynn, à mon avis, nous a mis sur la bonne voie. Bon nombre d'entre nous, aujourd'hui, avons précisé différentes façons dont le Canada pourrait accroître ses ressources, sa richesse, en investissant dans la recherche médicale.

Merci.

Le président: Le Dr McLennan.

Dr Barry McLennan: Merci. J'abonde dans le même sens.

Nous sommes d'accord, au Canada, pour dire que nous devons réduire la dette, et nous avons réalisé des progrès remarquables en ce sens; j'en félicite le gouvernement. Mais comme l'ont dit mes collègues, il nous faut mettre en place un moteur générateur de richesses. C'est à cela que doit servir cette augmentation de la productivité.

Merci.

Le président: Docteur Friesen.

Dr Henry Friesen: La meilleure façon de créer de la richesse et, du coup, de régler les questions qui ont été soulevées ici se trouve au Royaume-Uni; c'est la fiducie Wellcome, qui contient les avoirs accumulés au fil des ans et découlant d'un don par fait sir Henry Wellcome à la population britannique. C'est une fondation de 16 milliards de dollars qui appuie la recherche médicale en Grande-Bretagne. Nous en profitons en partie par l'entremise du Fonds Burroughs Wellcome auquel les Canadiens peuvent demander des fonds de recherche. Cette fiducie britannique est plus généreuse à l'égard de la recherche médicale et sur la santé au Royaume-Uni que le Conseil de la recherche médicale britannique. C'est là la meilleure façon de créer de la richesse de manière à ce que tous en profitent.

Le président: Y a-t-il d'autres observations? Monsieur Epp, vous avez une question?

M. Ken Epp: Oui, encore une brève question sur les mécanismes de financement.

Si j'ai bien compris, d'une façon ou d'une autre, le financement vient directement du gouvernement autrement dit, le gouvernement a pour fonction de prendre une certaine partie de l'argent des contribuables pour l'accorder aux organisations qui financent la recherche—peut-être pas directement aux chercheurs mais certainement à ces organismes subventionnaires. De plus, lorsqu'il établit son budget, le gouvernement peut adopter des politiques qui encouragent la participation de l'entreprise privée à ce financement.

• 1755

Auriez-vous d'autres recommandations en ce qui concerne les crédits d'impôt et la possibilité de déduire les dépenses en matière de recherche? On en a déjà soumis quelques-unes. Vous nous avez fait une recommandation concernant les sciences sociales, mais y en a-t-il d'autres que vous aimeriez formuler à l'intention du ministre des Finances en prévision du prochain exposé budgétaire, en février?

Dr Clément Gauthier: Pourrais-je répondre?

Le président: Bien sûr.

Dr Clément Gauthier: Notre seule autre recommandation à cet égard se trouve à la page 9 de la version française de notre mémoire: pour attirer au Canada des investissements en R et D, il faut élargir la définition des dépenses admissibles au programme de crédits d'impôt à la recherche scientifique et au développement expérimental de façon à y inclure les études en matière de pharmacoéconomie et de pharmacoépidémiologie. Ces études pourraient mener à des économies dans le système de soins de santé, mais ne sont actuellement pas admissibles en raison du cloisonnement des domaines de recherche et de l'absence de raccord avec certains des travaux qui se font en sciences sociales. La définition de la recherche scientifique et du développement expérimental aux fins des crédits d'impôt a pour effet d'exclure systématiquement les sciences sociales. À notre recommandation no 2, nous proposons d'élargir quelque peu cette définition. Sans pour autant admettre toutes les études, on pourrait accorder un crédit d'impôt RS et DE dans le cas de certaines études ciblées.

Deuxièmement, nous suggérons d'envisager la création d'un organisme distinct qui agirait comme catalyseur et aurait pour mission d'améliorer l'efficience du processus d'examen des médicaments. Cela ne signifie pas un examen moins rigoureux, mais plutôt plus rapide et efficace. Un système de ce genre a été mis sur pied au Royaume-Uni, où il s'est avéré très efficace.

Ce sont là les deux recommandations que notre groupe, la CRBS, présente au gouvernement.

Dr Mark Poznansky: J'aimerais ajouter une remarque, car nous ne sommes pas nécessairement tous du même avis.

L'idée du crédit d'impôt ne me plaît pas particulièrement. Ce n'est pas une mauvaise chose, mais le pays a déjà d'excellents crédits d'impôts pour la R et D. Si on a de l'argent à dépenser, j'estime qu'on devrait l'accorder aux instituts canadiens de recherche sur la santé plutôt que de s'en servir pour des crédits d'impôt additionnels.

Le président: C'est encourageant. Je pensais que votre groupe était bien coordonné.

Voulez-vous répliquer?

Dr Clément Gauthier: Ces mesures sont complémentaires. Nous n'avons pas recommandé une augmentation du montant total. Dans l'enveloppe de 1,2 milliard de dollars, on pourrait envisager d'élargir la catégorie des dépenses admissibles. Nous n'avons pas recommander une hausse en chiffres absolus. Si on a des sommes supplémentaires à investir, nous serons ravis de recevoir cet argent. Pour tout nouvel investissement, ce sont les ICRS qui devraient avoir la priorité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp.

Au nom des membres du comité, je vous remercie.

J'aimerais faire une dernière remarque, sur une note personnelle. Chaque fois que vous témoignez devant notre comité, je suis enthousiasmé de voir le potentiel de notre grand pays. Si nous mettons l'accent sur une vision bien définie, comme bon nombre d'entre vous l'ont dit ce soir, notre pays a un avenir très brillant. Toutefois, nous devrons le faire de façon bien disciplinée et cohérente, car les générations futures dépendent d'éclaireurs tels que vous.

Je peux vous dire avec sincérité, au nom du comité, que nous partageons vos convictions, comme vous pouvez le constater en lisant les recommandations que nous avons formulées l'an dernier. Il nous faut investir dans l'avenir de notre pays si nous voulons que cet avenir existe. C'est essentiel à toute discussion sur le budget.

• 1800

L'autre soir, je me disais qu'il serait intéressant pour le ministre des Finances de diviser son budget en trois parties. La première porterait sur les dépenses découlant du passé. La deuxième contiendrait les mesures budgétaires s'appliquant au fonctionnement du gouvernement, aux investissements dans le présent. La troisième partie serait celle des investissements dans l'avenir. J'aimerais bien voir à quoi ressemblerait ce budget. Ce serait une bonne façon de déterminer si nous prenons notre avenir au sérieux et si nous sommes prêts à investir dans les domaines qui réservent aux Canadiens un brillant avenir.

Au nom du comité, je vous remercie.

Nous suspendons nos travaux pendant 15 minutes.

• 1801




• 1821

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Ce soir, nous sommes heureux d'accueillir M. Rick Egelton, vice-président et économiste en chef adjoint, de la Banque de Montréal; Maureen Farrow, économiste en chef, de Loewen, Ondaatje, McCutcheon Limited; le professeur Pierre Fortin, de l'Université du Québec à Montréal; William Robson, de l'Institut C.D. Howe et David Rosenberg.

Nous commencerons par le professeur Fortin. Soyez le bienvenu.

[Français]

M. Pierre Fortin (Université du Québec à Montréal, présentation individuelle): Merci, monsieur le président. Je veux tout d'abord vous présenter quelques remarques sur les perspectives économiques du Canada et ensuite sur les principes qui, à mon sens, devraient guider la politique budgétaire fédérale.

Tout d'abord, je veux insister sur le fait que la situation économique du Canada, à l'heure actuelle, est particulièrement fragile, premièrement parce que nous entrons dans une phase assez délicate de la conjoncture économique après 10 années passablement terribles sur le plan de notre performance.

Notre niveau de vie, qui était de 85 p. 100 du niveau de vie américain en 1988, est actuellement de 76 p. 100. Donc, nous avons dégringolé substantiellement dans le classement mondial sur le plan du niveau de vie. Nous sommes passés, selon l'OCDE, du quatrième au dixième rang mondial sur le plan du niveau de vie.

Par conséquent, après toutes ces années de la décennie 1990, pendant laquelle la situation économique a été difficile, nous entrons dans une nouvelle phase critique sans avoir récupéré le tiers ou le 40 p. 100 que nous avons perdu au cours de cette période. Non seulement en est-il ainsi, mais nous commençons à vivre une situation où, depuis 15 mois, les taux d'intérêt au Canada ont augmenté de 225 points de base, parce qu'on craint un retour de l'inflation ou parce qu'on veut soutenir le dollar canadien. Depuis le mois d'avril dernier, comme vous le savez sans doute, l'économie fait du sur-place.

Je ne veux pas m'étendre beaucoup plus longtemps sur la question de la conjoncture économique. Cependant, si j'avais un conseil à donner aux membres du Comité des finances et au ministre des Finances, ce serait d'essayer par tous les moyens de surveiller les conditions d'emprunt au Canada, soit le coût et les conditions du crédit, non seulement les taux d'intérêt mais aussi les conditions de crédit, qui semblent devenir de plus en plus difficiles.

Au plan de la planification budgétaire, le ministre, à mon sens, devrait être particulièrement prudent en ce qui concerne ses prévisions économiques pour l'année prochaine, avant de s'avancer auprès de ses collègues sur la voie de la relance des dépenses ou, auprès de la population, sur la voie des réductions d'impôts. Il faudrait être particulièrement prudents dans nos prévisions économiques.

Deuxièmement, sur le plan des principes qui doivent guider la politique budgétaire du pays, j'en vois quatre, dont trois s'appliquent à tous les niveaux de gouvernement et le dernier, surtout au niveau provincial. Je le suppose donc moins important pour ce comité-ci, bien que, compte tenu qu'il touche au domaine de la santé, cela devrait également l'intéresser.

• 1825

Le premier principe est qu'il faut respecter, dans toute la mesure du possible, la règle du solde budgétaire nul ou en léger surplus, cela en visant un déficit nul et en mettant de côté une réserve, comme on l'a fait par les années passées, quitte à l'utiliser, si elle n'a pas été employée en cours d'année, pour réduire légèrement la dette.

«Avec un solde budgétaire nul» signifie que, comme la tendance de notre produit intérieur brut sera d'augmenter de 4 p. 100 par année en moyenne, le poids de la dette, dans le revenu intérieur, devrait diminuer du même pourcentage chaque année. Ainsi, on se retrouverait sur la bonne voie. Au bout de 10 ans, le poids de la dette fédérale, dans le revenu intérieur, pourrait passer de 70 à 40 p. 100.

Deuxièmement, sur le plan de la relance des dépenses, sans me prononcer sur les secteurs particuliers où il faudrait qu'elle s'applique, je pense qu'il faudrait respecter un principe général d'action qui dépasse la simple détermination de ces secteurs. Selon ce principe, on indexerait les dépenses du gouvernement dans ses programmes au coût de la vie et à la croissance démographique, soit à la somme du taux d'inflation et du taux de croissance démographique. Cette somme des deux taux devrait être inférieure au taux de croissance du produit intérieur lui-même. Par conséquent, le gouvernement devrait constamment demeurer du côté de la prudence afin de ne pas retomber dans les travers qu'on a connus dans les années 1970 et 1980 quant à l'augmentation des dépenses publiques.

Troisièmement, à mon sens, il faudrait cibler, sur le plan national, un écart à maintenir entre le fardeau fiscal canadien et le fardeau fiscal américain, tous niveaux de gouvernement compris. À l'heure actuelle, tous niveaux de gouvernement compris, le Canada taxe 37 p. 100 de son revenu intérieur, alors qu'aux États-Unis, c'est 32 p. 100. Je crois qu'on peut conserver la même philosophie de l'engagement de l'État canadien dans la vie économique qu'on a eue antérieurement en maintenant un écart qui serait ramené à 4 p. 100.

Bien sûr, si on voulait que le fardeau fiscal soit le même qu'aux États-Unis, il faudrait changer complètement notre philosophie de l'État. À ce moment-là c'est un débat politique qu'il faudrait mener. Mais, pour l'instant, on pourrait certainement réduire le fardeau fiscal canadien d'une somme équivalente à au moins une ou deux unités de pourcentage de notre produit intérieur, c'est-à-dire de 10 ou 15 milliards de dollars, pour l'ensemble des trois niveaux de gouvernement.

Par contre, cela signifie également que l'effort, au niveau fédéral, pourrait être d'une unité de pourcentage, car il n'y a pas eu d'excès exagéré dans l'augmentation du fardeau fiscal au niveau fédéral. C'est surtout aux niveaux inférieurs de gouvernement que cela s'est produit. Ce 1 p. 100 du produit intérieur que le gouvernement fédéral pourrait consentir en réductions d'impôts au cours des deux ou trois prochaines années représenterait à peu près 8 milliards de dollars.

J'aime l'idée que l'on se donne une vision, des cibles générales à atteindre, lesquelles guident le jugement de tout le monde, comme le solde budgétaire nul que je viens de mentionner. Comme vous le savez, quelques provinces ont même légiféré en ce sens.

Indexer les dépenses des programmes au coût de la vie et à la croissance démographique, sans plus, constitue une autre de ces cibles. La troisième serait de maintenir, entre fardeaux fiscaux canadien et américain, un écart qui ne dépasserait pas 4 p. 100 de notre produit intérieur.

En dernier lieu, il est certain que, compte tenu des contraintes qui sont imposées au niveau provincial dans le domaine de la santé et de l'éducation, il faudra que les provinces revoient leurs façons de faire dans ces domaines, tout en respectant les grands objectifs d'équité et d'égalité des chances qui sont à la base de notre système public. Merci.

Le président: Merci, professeur Fortin.

[Traduction]

Je cède maintenant la parole au professeur Tom Wilson.

• 1830

M. Tom Wilson (professeur, présentation individuelle): Mes remarques sont extraites d'un document intitulé «What is the Room for Tax Cuts», que je présenterai avec deux collègues à une conférence vendredi prochain. J'ai remis un exemplaire du document au greffier du comité afin qu'il en fasse des copies pour les membres du comité, mais je vous demanderais de ne pas le communiquer à la presse avant vendredi.

J'aimerais donc aborder la marge de manoeuvre dont jouit le ministre des Finances pour réduire les taxes et les impôts et la stratégie financière connexe à moyen terme. J'estime que le ministre des Finances mérite nos félicitations pour avoir remplacé un déficit structurel substantiel par un excédent structurel important et croissant. L'interaction entre cet excédent et la dette et le service de la dette devraient entraîner une croissance considérable de l'excédent si la croissance atteint son potentiel et si les politiques de dépenses sont neutres. C'est grâce à cet excédent croissant que l'on pourrait envisager des réductions d'impôt.

Nous estimons qu'il sera de plus en plus possible de réduire les taxes et les impôts dans les 10 prochaines années tout en prévoyant des réductions modérées mais soutenues du ratio d'endettement. Des réductions plus ambitieuses de la dette ou une croissance moindre que prévu réduiraient la marge de manoeuvre. Une croissance limitée des dépenses de programmes—telle que l'a recommandée Pierre Fortin—ou une croissance potentielle plus grande augmenterait la marge de réduction des impôts.

Il faudrait dresser un plan à moyen terme de réduction des impôts. Par moyen terme, j'entends les cinq à 10 prochaines années. Ce plan établirait les impôts à réduire en priorité et la façon de le faire. Nous estimons qu'avec une croissance près de son potentiel—soit environ 2,8 p. 100 par année—et une augmentation des dépenses de programmes à peu près équivalente au PIB après l'an 2001, il y a place pour de modestes réductions d'impôts. Les réductions pour l'année qui viennent sont déjà modestes, mais elles pourraient augmenter régulièrement au fil des ans. Pour les 12 ans visés dans notre analyse, soit jusqu'à l'an 2010, la réduction cumulative—et seulement au palier fédéral—équivaudrait à 3 p. 100 du PIB. Je crois que Pierre a plutôt parlé des deux premières années.

J'aimerais maintenant répondre à la question de savoir si, lorsqu'on aura établi le plan à moyen terme de réduction des impôts, on devrait en reporter l'application si l'économie montre des signes de faiblesse. Nous sommes fermement convaincus que la réponse est non. Un report des réductions d'impôts ne ferait qu'aggraver la récession. Compte tenu de l'interaction entre les politiques monétaire et financière, un report des réductions d'impôts affaiblirait aussi le taux de change. On ne devrait envisager le report des réductions d'impôts qu'au cas où ces réductions font croître le ratio d'endettement, ce qui risquerait de nous ramener à l'époque des déficits structurels. Les réductions d'impôts modestes prévues à court terme n'entraîneraient pas ce risque.

Maintenant, demandons-nous si le gouvernement devrait viser l'équilibre budgétaire contre vents et marées. Encore une fois, la réponse est non. Il faut faire une distinction entre le déficit structurel et le déficit causé par une grave récession. Des tentatives de réduction du déficit en périodes de profonde récession font augmenter le risque d'une récession encore plus grave et prolongée. Avec notre modèle, nous avons fait une projection qui comprend une légère récession l'an prochain et une faible croissance en l'an 2000. Même dans de telles circonstances, le ratio dette-PIB fédéral continuerait de baisser.

Passons maintenant aux impôts qui devraient être réduits. À court terme, nous préconisons une baisse des cotisations à l'assurance-emploi afin de compenser les effets défavorables qu'auront sur l'économie les hausses prévues des cotisations au RPC et au RRQ. La marge de manoeuvre restante pourrait servir à court terme à réduire les surtaxes sur les particuliers.

À moyen terme, on peut explorer diverses possibilités. Premièrement, on devrait mettre en oeuvre les recommandations du Comité technique de la fiscalité des entreprises, même si cela relève le déficit, bien que, à mon avis, et soit dit en passant, ces recommandations n'auraient aucune incidence sur les recettes. On devrait envisager d'indexer de nouveau les surtaxes sur les particuliers et examiner d'autres questions structurelles d'impôt sur le revenu des particuliers, telles que le relèvement du plafond des REER qui est stationnaire depuis un certain temps.

• 1835

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons aux questions adressées aux professeurs Wilson et Fortin. Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci. Je vous épargne l'entrée en matière et vous pose tout de suite mes questions.

Je crois que vous êtes tous les deux essentiellement sur la même longueur d'ondes, même si vos remarques diffèrent un peu dans les détails. D'après vous, quelle conséquence a, sur notre économie, la différence du taux d'imposition entre le Canada et les États-Unis? Vous avez parlé de les rapprocher. Que se passerait-il dans le cas contraire?

Le président: Professeur Fortin.

M. Pierre Fortin: Entre 1970 et 1985 la différence entre nos recettes fiscales et celles des États-Unis était d'environ 4 p. 100 du revenu national, et cela n'a eu aucune conséquence, probablement parce qu'au Canada, les dépenses publiques, les dépenses de programmes, étaient plus élevées, ainsi que le souhaitaient les Canadiens en général.

Le problème toutefois, c'est que ces dernières années, cet écart par rapport aux États-Unis est passé à 6 p. 100. Au cours des 10 à 15 dernières années où cela s'est produit—autrement dit, où l'écart par rapport au fardeau fiscal américain a augmenté, passant de 4 à 6 p. 100—vous avez été témoin, en premier lieu, d'une plus grande réticence sur le plan politique au Canada. Vous avez été témoin d'un fonctionnement général de l'économie qui a été beaucoup moins fort qu'avant l'année 1985, de façon générale, et dans les années 70. En conséquence, je dirais que l'accroissement du fardeau fiscal au cours des 10 dernières années n'a pas été bien accueilli par les Canadiens.

Permettez une brève comparaison: je ne veux pas m'étendre indûment sur le sujet. Lorsque mes parents ont commencé à payer beaucoup plus d'impôt dans les années 60, ils l'ont fait de bon coeur parce qu'ils savaient que cet argent servirait à construire des écoles, des hôpitaux, des éléments d'infrastructure et à mettre sur pied un programme de protection du revenu. Ils appuyaient toutes ces initiatives. Toutefois, depuis 10 à 15 ans, les augmentations d'impôt n'ont pas débouché sur des avantages concrets visibles. Ils ont servi essentiellement à financer notre dette de plus en plus lourde ou le service de la dette. En conséquence, il s'agit là d'une augmentation d'impôt tout à fait inutile dont les gens, je pense, souhaitent se débarrasser.

Il va sans dire que les opinions divergent parmi les Canadiens. Certains souhaitent que le fardeau fiscal diminue jusqu'à ce qu'il atteigne celui des États-Unis, et d'autres comme moi souhaitent préserver nos programmes de sécurité sociale, nos systèmes d'éducation et les services de santé au Canada, ce qui a pris à nos parents et à nos grands-parents 40 ans à bâtir.

M. Ken Epp: Très bien. D'après vous, notre taux de chômage supérieur et notre rendement économique plus lent sont-ils dus au fait que nos taux d'impôt sont plus élevés que chez nos voisins du Sud?

M. Pierre Fortin: Non, pas vraiment. Toutefois, cela peut influer sur la croissance de notre productivité dans la mesure où, si notre croissance économique est lente, si notre fardeau fiscal est plus élevé et si notre productivité croit à un rythme plus lent, et si nous continuons à prendre du recul par rapport aux États-Unis, nous allons perdre notre investissement dans l'éducation à cause d'un exode des cerveaux.

M. Ken Epp: Mais quand vous dites que cela peut ralentir notre taux de croissance économique, n'y a-t-il pas un rapport car si notre croissance économique est plus lente, notre taux d'emploi est plus faible et cela n'a-t-il pas des répercussions positives en bout de ligne?

• 1840

M. Pierre Fortin: De nombreux facteurs ont ralenti notre taux de croissance économique depuis 10 ans. Les impôts ne sont pas nécessairement la seule cause ni même la plus importante, mais c'est devenu un problème dans une grande mesure. L'augmentation des impôts et des taxes que nous avons connue au cours des 10 à 15 dernières années a été très visible et ne s'est traduite par aucun avantage concret. Il faut donc nous en débarrasser. Nous avons fait le premier pas, en réduisant les dépenses dans les secteurs où nous les jugeons excessives. Il faut faire plus encore pour favoriser une relance de la croissance économique et réaliser ensuite plus de gains financiers, ce qui nous permettra de réduire les impôts.

M. Ken Epp: Si j'avais le temps, j'aimerais parler de cela en détail, mais j'ai des questions à poser au professeur Wilson.

Quand vous dites qu'il est possible de réduire les impôts, parlez-vous en chiffres absolus—en fait, le montant d'impôts en valeur absolue que nous prélevons sur l'économie et remettons au gouvernement—ou parlez-vous de la diminution des taux d'imposition? Certains prétendent qu'une diminution modeste des taux d'imposition aurait pour effet d'accroître les recettes du gouvernement en raison des répercussions que cela aurait sur l'économie.

M. Tom Wilson: Je parle de diminutions des taux d'imposition. Les recettes continueront à augmenter grâce à la croissance de notre économie. C'est en partie la croissance de l'économie, combinée à cette condition fondamentale d'un excédent structurel—et d'un excédent important par rapport aux dépenses de programme—qui nous permet de disposer d'une marge de manoeuvre pour réduire les taux d'imposition. Il est donc possible de réduire ces taux, mais les recettes continueront d'augmenter.

Je n'irai pas jusqu'à partager l'opinion extrême, des partisans de l'économie de l'offre, selon lesquels une diminution générale des impôts et taxes stimule à tel point la production que cela a en fait pour effet d'accroître les recettes. Ce serait possible pour certaines réductions de taxes très précises. Ce serait possible si l'on diminuait les taxes très élevées sur l'alcool distillé, par exemple. Pour ce qui est des taxes très élevées sur les cigarettes, lorsque le gouvernement a diminué ces taxes, il n'a enregistré pratiquement aucune perte de recettes. C'est parce qu'il savait que, faute de réduire ces taxes élevées, la contrebande continuerait de gruger l'assiette fiscale.

Lorsqu'on parle de réduction d'impôts générale, comme une diminution générale des charges fiscales ou un allégement fiscal aux travailleurs à revenu moyen dans le cadre de l'impôt sur le revenu des particuliers—ce qui est également une priorité, j'aurais dû le signaler—cela peut avoir un effet stimulant, mais pas suffisant pour provoquer une augmentation des recettes. Ces dernières vont tout de même augmenter, même avec des réductions modestes, en raison de la croissance sous-jacente de l'économie.

M. Ken Epp: Le professeur Fortin a déclaré que nous pouvions sans risque partir du principe que notre croissance économique sera de 4 p. 100. J'ai lu dernièrement que c'est sans doute deux fois plus que le taux réel ne sera au cours des deux ou trois prochaines années. Qu'en pensez-vous?

M. Tom Wilson: Je pense que le professeur Fortin parlait sans doute de la croissance nominale, c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation. Son opinion est donc plus ou moins compatible avec nos prévisions de l'ordre de 2,8 p. 100 au cours d'une période de 12 ans de croissance réelle, avec une inflation de 1 à 1,5 p. 100, en général. C'est ce que nous avons prévu. Il y a un cycle modeste, peut-être trop, et il est possible que nous modifions nos prévisions. Toutefois, si l'on veut prévoir des réductions d'impôts et taxes à moyen terme, il faut tenir compte du potentiel de croissance du Canada et de la marge de manoeuvre que cela nous laissera pour une diminution de la dette, une augmentation des dépenses et des réductions d'impôts et taxes.

Si la croissance ralentit au cours des deux prochaines années, ce ne sera pas un motif suffisant pour remettre à plus tard les réductions d'impôts prévues ou reporter les dépenses, à moins que l'on ne craigne que la situation soit si grave que l'on risque d'en arriver à une augmentation du ratio d'endettement, mais c'est assez peu probable, selon moi. Il faudrait une véritable débâcle économique. Même dans ce cas, il faut se demander si on veut vraiment aggraver la situation en ne réduisant pas les impôts et taxes.

M. Ken Epp: Vous nous dites donc de façon très claire qu'une diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés aurait un effet stimulant sur l'économie.

• 1845

M. Tom Wilson: Toute réduction d'impôts a en soi un effet stimulant, même si cet effet est moindre dans le cas des diminutions de taux d'imposition des sociétés. Lorsqu'on examine la fiscalité des sociétés, il faut voir les choses à long terme pour faire en sorte que notre système s'aligne sur celui des États-Unis. Vous avez reçu le rapport du comité technique. C'est un excellent rapport qui a eu un bon accueil. Il renferme certaines recommandations en vue d'aligner plus ou moins la fiscalité des sociétés et de nous orienter vers la neutralité de l'impôt sur le revenu des sociétés, ce qui à mon avis, serait très rentable.

Une diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers ou des charges sociales offrira un stimulant à moins que ce ne soit compensé par une contre-réaction sur le plan de la politique monétaire.

M. Ken Epp: À votre avis, si l'on veut réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, vaut-il mieux relever le plafond des gains que peut faire une personne avant de devoir de l'impôt sur le revenu? Autrement dit, vaut-il mieux accroître les exemptions de base?

M. Tom Wilson: C'est un domaine où il vaut la peine d'étudier l'impôt sur le revenu des particuliers et formuler des recommandations à ce sujet. Il serait à mon avis très utile d'augmenter cette exemption personnelle. Les gens dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté ne devraient pas payer un taux élevé d'impôt. Non seulement ces gens-là paient de l'impôt, mais ils subissent également une récupération de leurs paiements de transfert. Si l'on examine les taux d'imposition marginaux réels au Canada, ce sont des personnes relativement pauvres qui paient les taux les plus élevés parce que non seulement ils perdent de l'argent à cause de l'impôt sur le revenu, mais ils doivent aussi payer des cotisations sociales et rembourser une partie de leurs paiements de transfert ou de leurs prestations. C'est un secteur prioritaire.

Un autre secteur prioritaire pourrait être les salariés à revenu moyen et élevé. À cause de la désindexation, le seuil du taux marginal d'imposition diminue progressivement en termes réels. Ce n'est pas tellement que notre taux marginal d'imposition est beaucoup plus élevé qu'aux États-Unis—dans certains États les impôts sur le revenu sont assez élevés, le taux est presque le même que le nôtre—mais au Canada, on atteint le seuil très rapidement. On l'atteint à partir d'un salaire d'environ 60t, s000t, s$. Aux États-Unis, il faut un salaire de 200t, s000t, s$. La différence est donc énorme.

Les jeunes professionnels qui entrent sur le marché du travail après leurs études universitaires et après avoir décroché des diplômes d'études supérieures obtiennent des salaires qui varient entre 60t, s000t, s$ et 100t, s000t, s$, et c'est à ce niveau-là que notre fardeau fiscal est plus onéreux que celui des États-Unis. Je partage la préoccupation de Pierre. Nous ne voulons pas nécessairement niveler la situation, mais réduire nos taux là où l'écart avec les États-Unis est énorme est une priorité.

M. Ken Epp: C'est très intéressant, mais d'autres députés ont peut-être des questions à poser aussi.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: J'aimerais aborder une seule question, monsieur Wilson, et c'est celle que vous avez mentionnée brièvement à la fin—vous ne l'avez pas soulevée à la légère, je crois que vos intentions étaient bonnes—à propos des REER dont le montant est stationnaire depuis plusieurs années. Aujourd'hui, il faut gagner un salaire de 75t, s000t, s$ pour pouvoir contribuer 13 500 $ par an. Seulement 3 p. 100 des Canadiens gagnent 75t, s000t, s$ ou plus par an. Parmi ces gens, les deux tiers ont des régimes de retraite. Cela veut dire qu'environ 1 p. 100 des Canadiens profiteraient d'une augmentation de la limite sur les contributions, ce qui me ramène à la question des priorités. Vous avez peut-être un commentaire à faire à ce sujet.

Croyez-vous que l'on devrait établir une cible ou imposer un plafond sur les investissements pour la retraite, peu importe de qui il s'agit? Si oui, quel investissement initial doit-on verser et quel revenu doit-on gagner dans le cas des REER, par exemple, et quel revenu vise-t-on? Y a-t-il un plafond?

M. Tom Wilson: J'en ai parlé à titre d'exemple de quelque chose à étudier. L'impôt sur le revenu des particuliers dépend de plusieurs aspects d'ordre structurel. En préparant nos modèles, nous avons augmenté la surtaxe, et lorsque nous avons atteint le niveau maximal, nous avons introduit un crédit d'impôt uniforme, juste pour simplifier les choses. Si l'on peut se permettre de réduire considérablement les impôts—on parle de 3 p. 100 du PIB sur une période de 12 ans—et l'on met l'accent sur l'impôt sur le revenu des particuliers, on pourrait faire beaucoup de choses. Nous venons de mentionner deux possibilités. Vous êtes revenu sur l'aspect que j'ai mentionné.

Dans le cas des REER, il faut voir si la limite devrait être ramenée à ce qu'elle était avant le gel, c'est-à-dire à un niveau relatif au salaire moyen par activité économique. Les contributions au REER sont limitées, tout comme les contributions au régime de retraite.

• 1850

Ce n'est peut-être pas une priorité pour vous à l'heure actuelle, car vous avez d'autres priorités plus importantes, mais il me semble que vous pourriez vous pencher sur cet aspect-là.

M. Paul Szabo: Dans le cadre du régime actuel, si quelqu'un achète un REER et son salaire se trouve dans la tranche de revenu d'imposition la plus élevée, et si cette même personne achète un REER de conjoint pour son épouse qui n'a pas de revenu, au bout du compte, il peut produire, obtenir ou réaliser un gain réel au niveau des impôts à payer parce qu'il obtiendra une déduction au taux élevé et les coûts seront au taux inférieur. Pour les Canadiens à faible revenu, ce n'est pas possible. Un salarié à revenu élevé qui contribue 5t, s000t, s$ reçoit un remboursement de 2 500 $. Pour un salarié à faible revenu, le remboursement ne sera que d'environ 1 250 $.

C'est une question d'équité et de justice. Si vous êtes d'avis que cette situation n'est sans doute pas très équitable parce qu'il y aura un ratio de levier différent et la possibilité d'acquérir un gain en capital sur le taux d'épargne fiscale par rapport au flux fiscal plus tard, croyez-vous qu'il faut d'abord modifier le régime REER pour prévoir un traitement équitable quant aux crédits ou aux déductions, et par la suite établir un maximum viager ou quelque chose de ce genre pour éviter les abus en empêchant les gens de dépasser une certaine limite, et ensuite devrait-on permettre aux Canadiens d'épargner autant qu'ils veulent pour leur retraite?

M. Tom Wilson: J'aime beaucoup l'idée d'un maximum viager et d'une plus grande souplesse. Le gouvernement a accordé une certaine souplesse en nous permettant de reporter nos droits de cotisation à un REER. Si quelqu'un traverse une période difficile et doit retirer son argent de son REER à l'heure actuelle, il va perdre ses droits de cotisation de façon permanente. Je crois qu'il faut prévoir des droits viagers de cotisation à un REER.

Quant à l'équité, certains croient qu'il faut taxer la consommation. D'autres croient qu'il faut taxer en fonction du revenu. Si vous croyez que vos impôts devraient être taxés en fonction de la consommation, vous devriez avoir des droits de cotisation illimités. De cette façon, vous ne taxez que la consommation. Traditionnellement on s'est toujours doté d'un système hybride et personnellement, je crois que c'est ce qu'il nous faut. Je crois qu'il faut taxer la richesse d'une façon ou d'une autre. Il est très difficile d'imposer une taxe sur la richesse, alors il est plus logique de concevoir un système qui taxe les revenus ainsi que la consommation. Le REER fait partie de ce compromis à certains égards puisqu'il oriente notre régime fiscal vers un système où on taxe la consommation.

Je crois que le Conseil économique du Canada a recommandé il y a bien longtemps qu'on devrait faire passer le maximum du REER de 20 à 30 p. 100. À l'heure actuelle, le maximum est de 18 p. 100. Ce genre de mesure aiderait non seulement les Canadiens à revenus élevés mais également ceux à revenus modestes.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Wilson, dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit qu'il faut d'abord réduire les charges sociales, surtout l'assurance-emploi. Vous n'avez pas précisé le montant de cette réduction. Vous avez parlé de la possibilité d'une récession de petite envergure l'année prochaine. Vous avez aussi parlé de l'importance des réductions d'impôt en disant que le pays pourrait se tirer d'affaires même advenant une petite crise économique l'an prochain.

Vous avez également dit qu'il ne fallait pas du tout s'inquiéter de la réduction de l'assurance-emploi, du déficit et de la dette. Est-ce que je vous ai bien compris? J'ai compris une réduction de l'assurance-emploi, parce que vous savez fort qu'une diminution de 10 ¢ coûte 700 millions $. Alors si vous proposez une diminution de 2 $, vous éliminez 5 milliards de dollars de l'excédent budgétaire de cette année. De plus, s'il faut faire face à une crise économique—c'est vous qui l'avez dit, pas moi—l'année prochaine, comment pourrait-on agir sur ces trois fronts?

M. Tom Wilson: Permettez-moi de préciser le montant. Je ne veux pas éliminer l'excédent budgétaire maintenant. La loi prévoit toutes sortes de mesures vous permettant de le faire. Notre modèle propose—pour compenser grosso modo les augmentations planifiées du RPC, qui ne sont pas, bien entendu, comprises dans le budget fédéral—une réduction des cotisations à l'assurance-emploi de 30 ¢ cette année, suivie de deux réductions de 40 ¢. J'oublie ce qui suit. La caisse atteint finalement un équilibre quant au flux de revenu d'ici quatre ans environ et, bien entendu, il y a toujours un surplus énorme dans cette caisse. Alors, il existe toujours une certaine marge de manoeuvre, et on pourra toujours, dans ce contexte de croissance, accorder une réduction très modeste de l'impôt sur le revenu des particuliers.

• 1855

Alors, la réduction conjuguée cette année serait de l'ordre de 3 milliards de dollars. On prévoit une réduction d'environ 6 milliards la deuxième année, un montant qui est inférieur aux chiffres proposés par Pierre pendant la deuxième année, mais cela s'explique par le fait que sa cible de réduction de la dette est beaucoup plus modeste. Nous présumons que si le pays connaît une croissance de 2,5 p. 100, le gouvernement viserait un excédent variant de 6 milliards à 10 milliards, et que ce chiffre pourrait être atteint en accordant ces coupures modestes. Mais je crois que vous recommandez un budget équilibré de comptes publics. Ces perspectives de l'avenir sont un peu plus pessimistes que la nôtre, et c'est pour cette raison qu'il propose une plus grande marge de manoeuvre pour les réductions fiscales.

M. Gary Pillitteri: J'aimerais simplement continuer. Avant le dépôt du budget l'an dernier, on avait prévu un taux de croissance de 2,5 p. 100. C'était un taux de croissance modeste. Pouvez-vous confirmer encore aujourd'hui que la croissance de l'économie se maintiendra à un taux de 2,5 p. 100 ou moins, ce qui est conforme à l'évolution économique mondiale depuis quelques mois?

M. Tom Wilson: Il est bien difficile de faire des prévisions ces temps-ci, ce que tout le monde ici reconnaîtra, j'en suis sûr.

M. Gary Pillitteri: C'est ce qui me pousse à poser la question.

M. Tom Wilson: À l'heure actuelle, je crois que—si vous pouvez mettre la main sur ce document en question—les prévisions économiques pour le Canada sont unanimement de 2,3 p. 100 pour l'année prochaine. Ce document vient d'être publié; j'en ai obtenu une copie avant de partir. Nos prévisions pour l'année prochaine sont de 2,5 p. 100 ou 2,6 p. 100, si je me rappelle bien.

Par contre, une analyse de ces prévisions sur la période des derniers mois révèle que le consensus est à la baisse, non seulement ici mais aux États-Unis et dans d'autres pays également. Donc, les tendances sont manifestement à la baisse. C'est pourquoi nous avons élaboré un scénario alternatif selon lequel le taux de croissance l'année prochaine ne dépasse pas 1 p. 100, ce qui correspondrait à une récession modérée traditionnelle—deux trimestres de croissance négatifs—afin de déterminer s'il en résulterait une situation déficitaire dans les comptes publics. Et c'était le cas. Le déficit n'était pas loin de zéro.

Cependant—et il importe de s'en rappeler—l'état des comptes nationaux serait plus sain et reflète plus fidèlement les pressions exercées par le gouvernement sur les marchés financiers. Donc, le gouvernement enregistre un déficit dans ces comptes nationaux, ce qui veut qu'il amortit la dette détenue par le public ou la dette négociable. Nous n'entrevoyons pas la possibilité que le gouvernement ait à emprunter à nouveaux sur les marchés financiers. Même en cas de récession, le gouvernement continuerait à amortir la dette publique.

Le document que j'ai remis au greffier contient des précisions. Je devrais mentionner également que cette conférence porte sur les réductions fiscales, et tous les mémoires présentés à la conférence seront regroupés dans un numéro spécial de Options politiques, qui sera publié par l'Institut de recherche en politiques publiques en décembre. Je suis certain qu'on pourra vous en fournir des copies.

M. Gary Pillitteri: Un dernier commentaire, monsieur le président.

Comme vous savez, je suis ici depuis cinq ans, et il est intéressant de noter que soudain, cette année, les rôles de M. Fortin et de vous, M. Wilson, sont presque renversés—l'un étant plus pessimiste et l'autre plus optimiste. Je me demandais simplement, si c'est la façon que nous voyons le monde, la façon que nous l'interprétons, la couleur des verres que nous portons pour l'observer.

Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. J'aimerais simplement poursuivre la question de M. Pillitteri.

La crise asiatique date d'à peu près un an. À votre avis, est-ce que le pire est passé, ou doit-on s'attendre à d'autres secousses? Par exemple, croyez-vous que les taux d'intérêt augmenteront au Canada? Est-ce que le ministère des Finances devrait être plus prudent dans la formulation de ses hypothèses en ce qui concerne la croissance économique et les taux d'intérêt pour les deux prochaines années?

M. Pierre Fortin: Non, je ne crois pas que les taux d'intérêt augmenteront d'ici 18 mois—pas du tout. Il semble que la politique actuelle de la Banque du Canada consiste à suivre ou à reproduire les réductions à la baisse des taux d'intérêt et je crois que c'est une bonne politique. Mais j'ai été déçu par la hausse d'un point entier des taux d'intérêt au Canada au mois de septembre. J'estime qu'on aurait pu l'éviter, ce qui aurait mis l'économie moins en danger. Je le répète, à l'heure actuelle nous avons en fait les taux d'intérêt les plus élevés de tous les pays développés, compte tenu de l'inflation, et ceci nous rend plus vulnérables.

• 1900

Je ne prévois pas une hausse des taux d'intérêt. À mon avis, nous devons les abaisser au maximum. C'est ce qui va arriver aux États-Unis. Je crois que, pour M. Martin, l'avenir comporte des dangers. Nous devons toujours garder à l'esprit notre dette de 600 milliards de dollars. Advenant une hausse de 1 p. 100 des taux d'intérêt sur cette dette, étalée sur trois ou quatre ans parce qu'une portion de la dette est refinancée sur plusieurs années, il y aurait une augmentation du déficit ou une réduction de l'excédent budgétaire de l'ordre de 5 ou 6 milliards de dollars.

Voilà pourquoi... Il faut le comprendre. Il est constamment confronté à ce genre de risque. Je ne crois pas que ce risque existera encore d'ici un an ou deux. Étant donné la situation économique difficile, les taux d'intérêt vont baisser. Mais la meilleure chose que nous puissions faire est de faire preuve de prudence.

Le président: Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Vous n'avez parlé, ni l'un ni l'autre, de la grande dépendance du Canada par rapport aux ressources naturelles. J'aimerais avoir votre point de vue sur la question. Ce secteur a été durement frappé par la chute des prix dans le monde entier. Quelles sont les prévisions, à court et à moyen terme, concernant les matières premières en général? Et quel en sera l'impact, au cours de la prochaine année, pour le gouvernement du Canada?

M. Pierre Fortin: Pourriez-vous répéter la question? Je n'étais pas du tout en train d'écouter.

M. Pierre Brien: J'aimerais connaître vos prévisions concernant ce qui se passe sur les marchés mondiaux des ressources naturelles. Le Canada dépend encore beaucoup des ressources naturelles, que ce soit des mines, de la forêt, etc. Quel impact cela aura-t-il sur l'économie canadienne au cours de la prochaine année? Pensez-vous que nous sommes au creux de la vague? Est-ce que la prochaine année sera encore plus mauvaise dans ce secteur?

M. Pierre Fortin: Tout d'abord, on a connu des réductions importantes, depuis 1996, des prix des ressources naturelles. On voit nos régions axées sur ces ressources commencer à en souffrir, notamment la Colombie-Britannique et l'Alberta, dont la croissance, sans être mauvaise, est atténuée comparativement à ce qu'elle aurait pu être. J'ai fait récemment un tour d'horizon de ma propre province, le Québec, et il est très clair que les circonscriptions ou les régions où l'emploi a été touché au cours de la dernière année sont celles qui dépendent plus que la moyenne des ressources naturelles.

Donc, nous en sommes déjà affectés de façon importante et notre monnaie l'est aussi évidemment, quoique dans une moindre mesure que dans certains autres pays dont les exportations sont fondées sur les ressources naturelles dans un pourcentage aussi fort que le nôtre, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili et la Norvège. Dans ces cas-là, la dépréciation des monnaies a été plus forte que chez nous.

Pour les prochains mois, je n'ai pas fait de prévisions personnelles, mais selon ce que j'ai vu dans les prévisions qui font consensus parmi mes collègues, les prix mondiaux des matières premières, ceux qui affecteront l'économie canadienne, pourraient continuer à baisser légèrement d'ici la fin de l'année pour se stabiliser au cours de l'année prochaine. Peut-être aura-t-on la chance de les voir remonter à compter de la fin de 1999. Ce sont les prévisions que j'ai vues dernièrement et qui font l'objet d'un consensus. Donc, on se dirigerait vers une stabilisation. La bonne nouvelle serait que la diminution des prix s'arrêterait. Par contre, on ne voit pas vraiment de remontée à l'horizon, comme celle qu'on a connue entre 1992 et 1994.

M. Pierre Brien: J'ai une courte question sur...

[Traduction]

Le président: Juste un mot. Le professeur Wilson nous quitte. Je tiens à vous remercier infiniment, professeur Wilson, de votre participation.

• 1905

[Français]

M. Pierre Brien: Vous avez parlé d'un plan concerté de réduction globale des impôts aux différents paliers de gouvernement de l'ordre de 10 à 15 milliards de dollars à moyen terme. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Quelle portion le gouvernement fédéral peut-il assumer, selon ce que vous évaluez, dans cette démarche et à quel moment pourrait-il le faire?

M. Pierre Fortin: Un pour cent, huit milliards de dollars, sur cinq ans, peut-être, comme on dit en langage de convention collective, en faisant du front loading, c'est-à-dire en en mettant un peu davantage immédiatement, étant donné la situation précaire où se trouve l'économie. Je verrais d'un très bon oeil la proposition que M. Wilson vient de faire, c'est-à-dire une réduction des impôts de 3 milliards de dollars, l'an prochain, sur la masse salariale.

L'avantage de la réduction des impôts sur la masse salariale, c'est que son incidence porte surtout sur les personnes à moyen et bas revenu, et que les gens de ces catégories épargnent peu. On peut donc être à peu près certain que l'argent mis dans leurs poches sera dépensé. C'est précisément ce dont l'économie a besoin à l'heure actuelle.

[Traduction]

Le président: Professeur Fortin, je crois que vous devez également partir. Au nom du comité, je vous remercie beaucoup de votre participation. Vos opinions sont toujours les bienvenues.

Nous allons maintenant entendre M. Rick Egelton.

M. Rick Egelton (vice-président et économiste adjoint en chef, Banque de Montréal, présentation individuelle): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.

Je n'insisterai pas trop sur nos prévisions économiques. Elles ne sont pas particulièrement optimistes. Nous nous attendons à une croissance relativement lente, au Canada, au cours des deux prochaines années, en raison des événements qui se produisent à l'extérieur de nos frontières, du prix des produits de base en Asie et aussi des hausses regrettables des taux d'intérêt auxquelles la Banque du Canada a procédé, des hausses qui n'étaient pas vraiment nécessaires, selon nous.

Quoi qu'il en soit, nous prévoyons une croissance économique suffisante pour générer un excédent budgétaire fédéral d'environ 8 milliards par an au cours des deux à trois prochaines années. Et il s'agit certainement de résultats remarquables étant donné la situation qui était la nôtre il y a cinq ou six ans à peine. Néanmoins, il n'y a pas de quoi pavoiser, car je crois qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à faire.

Premièrement, le Canada a un niveau d'endettement très élevé par rapport aux normes internationales et je crois que cela continue à présenter un risque. Le Canada a également des taux d'imposition très élevés par rapport aux normes internationales, surtout par rapport à notre principal partenaire commercial, les États-Unis. Et je pense que nous constatons certaines des répercussions négatives de ces taux d'imposition élevés sur notre économie, tant en ce qui concerne le taux de croissance de la productivité que ce que certains ont qualifié d'exode des cerveaux. Si ce n'est pas sa principale cause, cela y contribue certainement.

Nous nous demandons que faire de ce dividende budgétaire. Si la politique financière reste la même, nous envisageons un excédent potentiel de 8 à 10 milliards de dollars au cours des quelques années à venir. Qu'allons-nous faire de cet argent?

Je crois qu'il s'agit de voir quel est le meilleur endroit où l'investir. Est-ce dans une baisse d'impôt? Est-ce dans une augmentation des dépenses? Ou est-ce dans la réduction de la dette? Selon nous, la meilleure façon dont le gouvernement peut contribuer à consolider l'économie et à augmenter les possibilités d'emploi est d'abaisser la dette et cela, très rapidement. Telle est la première priorité à nos yeux. Le ratio dette-PIB est extrêmement élevé à l'heure actuelle et il doit baisser, et cela assez rapidement.

Ensuite, nous serions en faveur de l'allégement du fardeau fiscal qui a des conséquences très négatives. Notre taux marginal d'imposition est extrêmement élevé, à un niveau de revenu très bas. C'est le genre de choses qui dissuade les gens de faire des efforts et de travailler. Nous avons des taux d'imposition extrêmement élevés par rapport des États-Unis. Ces taux incitent les gens à déménager de l'autre côté de la frontière et ne les invitent guère à revenir.

Selon nous, il s'agit donc de ramener la dette à un niveau plus modeste et d'alléger le fardeau fiscal.

Du côté des dépenses, au cours d'une année, le service d'économie de la Banque de Montréal a l'occasion de faire de nombreux exposés, et plusieurs personnes m'ont parlé de l'incidence que le fardeau fiscal avait sur leur entreprise. Un certain nombre de gens m'ont parlé des conséquences de l'endettement, qui entraîne une hausse des taux d'intérêt, pour leur entreprise. Je n'ai pas encore rencontré de gens d'affaires qui m'aient parlé des répercussions que les dépenses inadéquates du gouvernement avaient sur leur entreprise.

J'ai l'impression que les niveaux actuels des dépenses de programmes sont probablement suffisants pour faire ce qui doit être fait, et le gouvernement ferait mieux de réaffecter les dépenses de programmes aux secteurs plus prioritaires.

• 1910

Pour ce qui est des opérations, comme Pierre l'a déjà dit, nous recommandons le maintien des dépenses de programmes au niveau actuel réel par habitant. Donc, les dépenses de programmes du gouvernement fédéral augmenteront, en suivant le taux de croissance démographique et le taux d'inflation, ce qui vous permettrait d'offrir le même niveau de dépenses de programmes.

À notre avis, le ministre doit continuer sur le chemin très prudent qu'il a pris, et je veux parler d'un réserve pour éventualités de trois milliards de dollars qu'il doit garder et ne pas dépenser, ainsi que des hypothèses économiques extrêmement prudentes compte tenu de la faiblesse de l'économie et des risques potentiels.

En suivant cette recette, le gouvernement fédéral pourrait s'attendre à réduire la dette d'environ six milliards de dollars par an. Proposer un chiffre en particulier n'a rien de magique, mais nous estimons qu'une réduction de six milliards de dollars par an serait adéquate, et malgré tout, même d'ici quatre ou cinq ans, le rapport dette-PNB serait supérieur à 50 p. 100, ce qui serait relativement élevé par rapport aux normes internationales et certainement par rapport aux normes de la majorité des pays solvables. Pour ce qui est des impôts, nous croyons que le gouvernement fédéral doit affecter tout surplus au-delà de ce chiffre à l'allégement fiscal.

À mon avis, le fédéral devrait s'efforcer de réduire les taux marginaux d'imposition, ce qui encourage l'effort. Quant à notre compétitivité internationale, il est intéressant de constater comment les gens réclament des réductions des charges sociales; les charges sociales canadiennes sont relativement faibles, par rapport aux niveaux internationaux, tandis que nos impôts sont extrêmement élevés.

Donc, l'excédent important de la caisse d'assurance-emploi ne me préoccupe pas outre mesure. Avant d'effectuer des réductions importantes des cotisations à l'assurance-emploi, peut-être devrions-nous songer à la possibilité de réduire les impôts sur le revenu des particuliers. Cela pourrait être une meilleure utilisation de cet excédent. Et je trouve que Pierre a fait une très bonne recommandation en suggérant tout simplement de réindexer le système pour que les gens ne passent pas à des fourchettes d'imposition supérieures. C'est une possibilité mais cela coûterait cher. Réindexer le système coûterait entre 560 millions de dollars et 600 millions de dollars par an pour chaque point de pourcentage d'inflation, et comme l'inflation oscille entre 1 p. 100 et 1,5 p. 100, je pense que le gouvernement fédéral a les moyens de le faire.

Le gouvernement pourrait également songer—peut-être pas l'année prochaine mais à l'avenir—à offrir l'allégement fiscal du budget de l'année précédente à tous les contribuables en supprimant la surtaxe générale.

Quant à nos prévisions, nous nous attendons à beaucoup de failles dans l'économie. Nous pensons que le gouvernement doit être extrêmement prudent, en gardant une réserve pour les éventualités et en suivant des hypothèses économiques très prudentes. S'il suivait ces deux recommandations, il pourrait réduire la dette de plus de trois milliards de dollars par an, et peut-être même de six milliards de dollars par an. Le gouvernement devrait utiliser tout dividende budgétaire supérieur à ce chiffre pour alléger les impôts, surtout les impôts sur le revenu des particuliers.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Egelton.

Le prochain témoin est Mme Maureen Farrow.

Bienvenue.

Mme Maureen Farrow (économiste en chef, Loewen, Ondaatje, McCutcheon Limitée, présentation individuelle): Bonsoir.

Je suis plus ou moins d'accord avec les témoins qui m'ont précédée, donc je vais essayer de ne pas répéter ce que les autres ont déjà dit.

J'aimerais commencer en disant très clairement que si nous avons un excédent à l'heure actuelle—non seulement celui de l'année précédente, mais celui de l'année en cours—c'est parce que tous les Canadiens ont apporté une contribution énorme, et nous devrions nous en féliciter.

Deuxièmement, j'appuie essentiellement les hypothèses économiques prudentes du ministre des Finances. À mon avis, ces hypothèses sont parmi les points forts des budgets que le ministère des Finances a préparés par le passé. C'est parce que nous avons suivi des prévisions très prudentes que nous avons pu éviter beaucoup de difficultés.

Je pense que c'est tout pour les bonnes nouvelles. J'aimerais vous donner également mon opinion en ce qui concerne la façon d'utiliser le dividende, cet excédent que nous avons. De la façon dont on en parle, on pourrait croire qu'il s'agit de 20 ou de 30 milliards de dollars, mais en fait, la somme en question est vraiment minime. C'est loin d'être une grosse somme. Il faut donc établir cela très clairement. Pour l'instant, nous n'avons pas une somme considérable que l'on peut facilement dépenser. La marge n'est pas grande. Mais je reviendrai sur cette question dans un instant.

• 1915

Ce qui m'inquiète, c'est que je ne suis pas du tout convaincu que les décideurs à Ottawa, ou encore les décideurs à Washington, aient interprété les conditions économiques des 12 derniers mois comme elles auraient dû l'être. Au contraire, les conditions économiques mondiales ont été très mal interprétées. Je ne veux pas vous faire le catalogue de tous les risques que nous courons, mais je tiens à vous mettre en garde: je ne suis plus très jeune, et l'économie mondiale ne m'a jamais paru si fragile, si vulnérable. Je pense que Pierre a mentionné cela, et Rick également.

Près de 40 p. 100 de l'économie mondiale se trouve actuellement en récession. Ce sont des récessions qui sont très sérieuses dans de nombreux pays. Au Japon, qui représente un quart de l'économie mondiale, rien de ce que nous avons vu au cours de cette décennie n'indique qu'il pourra sortir de la déflation, de la stagflation dans laquelle il se trouve, que ce soit en abaissant les taux d'intérêt ou en accordant des stimulants fiscaux.

Quand je considère le reste du monde, je ne vois pas un seul endroit où la croissance s'accélère. Partout, la croissance est en perte de vitesse. Cela ne s'est jamais vu depuis une trentaine d'années que je suis économiste. Je n'ai jamais vécu dans un monde comme celui-ci. C'est extrêmement inquiétant, car si le monde courait une récession généralisée, il deviendra extrêmement difficile d'en sortir.

Il faut ajouter à ce problème ce que nous appelons le «piège à liquidités» dans lequel nous nous trouvons actuellement. C'est d'autant plus inquiétant que la croissance est en perte de vitesse. Ainsi, si vous alignez tous ces facteurs, et si en même temps vous voulez dépenser cet excédent, cette situation financière que nous nous sommes ménagée au Canada, il faut absolument nous souvenir que l'excédent n'est pas très important pour l'instant. Au cours des mois à venir, il va falloir faire preuve de la plus grande prudence, rester conservateur, et je ne saurai trop encourager votre comité à faire tout son possible pour mener notre économie à bon port dans cette période de grande turbulence.

Il va être critique d'abaisser les taux d'intérêt. Certains de mes collègues ont mentionné que les mesures prises par la Banque du Canada n'avaient pas été particulièrement avisées si on considère le cycle économique fragile dans lequel nous nous trouvons. Ce cycle a peut-être déjà subi des dommages. Il est très important de suivre l'exemple des États-Unis en abaissant les taux d'intérêt, et la seule solution pour les taux d'intérêt internationaux est à la baisse. Je m'attends à ce qu'on réduise les taux d'intérêt à court terme d'encore 150 points de base au moins en Amérique du Nord avant que ce soit terminé, et d'ailleurs, je pense que cela va se produire beaucoup plus vite qu'on ne le pense. D'autre part, je pense que les taux d'intérêt à court terme devraient baisser de 50 points de base encore.

Voilà donc le monde dans lequel nous vivons, et outre cela, il y a la dette. Nous sommes très fiers d'avoir créé un excédent, mais si vous considérez l'ensemble de la dette gouvernementale au Canada, elle représente 94 p. 100 du PIB. C'est moins que l'année dernière à la même époque quand j'ai eu l'occasion de vous en parler, moins que l'année précédente et que l'année d'avant, mais c'est toujours 94 p. 100. À mon avis, nous devons ramener cette proportion à 40 p. 100 du PIB, c'est-à-dire au niveau des années 80. Nous en sommes encore loin.

J'encourage également votre comité et le gouvernement fédéral à se rendre compte qu'il n'y qu'un seul contribuable, et qu'il est très important de s'entretenir avec vos collègues provinciaux pour coordonner toutes ces politiques.

• 1920

J'aimerais également mentionner une priorité dont le gouvernement fédéral ne semble pas beaucoup s'occuper de nos jours. J'aimerais retourner en arrière et considérer les mesures que le secteur privé a été forcé de prendre pendant les années 90. Je veux parler des politiques d'amélioration constante. Nous devrions nous efforcer de réduire les coûts de fonctionnement de l'appareil gouvernemental d'une façon constante. À mon avis, on devrait tenter de ramener les coûts de fonctionnement aux alentours de 16 p. 100 des dépenses, c'est-à-dire au niveau des années 60.

Pourquoi cela me paraît-il important? Si vous considérez cet excédent dont nous parlons, s'il existe, c'est à cause des augmentations des revenus fiscaux d'une part et, d'autre part, à cause de la réduction des programmes. Ce sont les économies les plus fortes qui ont affiché les meilleurs revenus, et à cela sont venues s'ajouter des coupures dans les programmes de base... Les coûts de fonctionnement de l'appareil gouvernemental ne sont pas en cause. C'est un élément qui n'est pas considérable, mais qui est tout de même important, et qui de plus est très visible. Ce que vous faites, tout le monde le voit.

J'en viens maintenant aux priorités en ce qui concerne l'usage que vous allez faire de ce dividende. Et à ce sujet, je ne suis pas certaine qu'il soit prudent de le dépenser. D'après mes calculs, si l'économie nous surprend et nous amène une croissance solide pour l'année à venir, nous aurons un excédent de près de 10 milliards de dollars. En fait, cela me donne un excédent moyen—si je réussis à traverser les prochaines années sans récession—de l'ordre de 8 à 12,5 milliards de dollars.

Cela dit, c'est une perspective d'avenir qui fait plaisir à entendre, mais il ne faudrait pas perdre de vue les priorités. Pour commencer, nous devons éviter de créer une nouvelle tendance déficitaire. Avec une tel excédent, un excédent de cette importance, on frôle le déficit en permanence. C'est donc une priorité absolue.

Deuxièmement, comme plusieurs de mes collègues l'ont dit, il y a le remboursement de la dette. C'est la raison pour laquelle j'ai tellement parlé du ratio dette-PIB et des problèmes auxquels nous nous heurtons. Je pense que vous devez vous en tenir au plan que vous avez annoncé et l'élargir chaque fois que cela est possible.

Je reviens maintenant à l'imposition des particuliers. À mon avis, il est important de ramener le ratio entre l'ensemble des recettes fiscales et le PIB à des niveaux historiques, c'est-à-dire à environ 32 p. 100 du PIB. À l'heure actuelle, nous sommes autour de 36 p. 100.

Comme vous le voyez, chaque économiste vous donne une solution différente, mais nous sommes tous d'accord pour dire que nous vivons dans un pays où l'imposition est extrêmement élevée, et ce taux d'imposition des particuliers impose à tout le système des distorsions qui encouragent les gens à immigrer aux États-Unis, avec les pertes... L'Institue C.D. Howe a préparé une étude et je suis certaine que Bill va vous en parler. Nous avons vu que nous avions consacré beaucoup d'argent à l'éducation, et ces gens que nous éduquons et qui sont une ressource, quittent le pays. Nous devrions au contraire investir dans l'éducation en essayant de garder ces gens-là car c'est la seule façon de multiplier les effets de notre investissement sur l'économie. Quand les gens partent, c'est du gaspillage. C'est donc un élément très important.

Je ne suis pas certaine de ce qui peut être fait dans le prochain budget en ce qui concerne l'imposition des particuliers. Vous pourriez probablement prendre des mesures marginales. Vous devriez pouvoir réintroduire une certaine indexation. Il y a toutes sortes d'éléments qui peuvent être ajustés, mais ce qui est fondamental, c'est que l'ensemble du système fiscal, y compris l'imposition des particuliers, doit être remanié de fond en comble. Ce n'est plus le temps des petits réglages à droite et à gauche. Dans le prochain budget fédéral, je préférerais de beaucoup qu'on annonce un nouveau départ pour l'ensemble du système fiscal, des mesures à prendre au cours d'un certain nombre d'années pour réviser tout le système de fond en comble au lieu d'ajuster ici et là.

Vous nous avez demandé de parler des dépenses; je ne pense pas que vous puissiez augmenter les dépenses plus que vous ne l'avez fait dans les budgets de ces dernières années.

• 1925

La santé est un domaine important dans ce pays. Je crois même qu'à l'heure actuelle c'est une priorité absolue dans les sondages d'opinion. Pour cette raison, je pense que vous devez en être très conscients, et d'ailleurs, vous l'êtes, de même que tous les Canadiens. Nous avons retranché un morceau important de ces dépenses, à tel point qu'on est peut-être allé trop loin dans les coupures. Je pense que le pendule doit entamer son mouvement de retour. Autrement dit, si nous avons retranché 6 milliards de dollars, nous devons maintenant en injecter 2 milliards de dollars sur une certaine période. Maintenant, il faut se demander si c'est une responsabilité provinciale ou une responsabilité fédérale. J'ai mon opinion là-dessus, une opinion dont vous ne devez pas forcément vous préoccuper.

À mon avis, vous devriez essayer de mettre en place un infrastructure plus concurrentielle. Vous devriez penser à long terme et faire des efforts dans le domaine des sciences et de la technologie. C'est un sujet qui refait surface de temps en temps et qui a été très bien expliqué dans le dernier budget, mais il est important d'en faire un point central.

Vous nous avez posé une question: comment le gouvernement peut-il aider les Canadiens à profiter des occasions qui s'offrent? À mon avis, vous avez plusieurs options, pas seulement pour ce comité, mais pour tous les paliers de gouvernement. Vous devez mieux sensibiliser les Canadiens au fonctionnement de l'économie, à la situation mondiale, à la signification de la concurrence. Il faut qu'ils comprennent dans quel genre d'économie nous vivons. On ne cherche pas beaucoup à éduquer l'ensemble du public. Évidemment, nous avons maintenant un deuxième quotidien national, mais nous sommes encore loin d'avoir une bonne communication avec le public.

Il faut former les gens et leur donner les compétences nécessaires: nous ne pouvons pas négliger les choses pour faire des économies dans ce secteur. Nous devons montrer aux gens ce qu'ils doivent faire pour obtenir la formation dont ils auront besoin, et d'autre part, nous devons encourager la mobilité de la main-d'oeuvre, une chose que notre système ignore.

À mon avis, il faut trouver un bon équilibre de politiques, c'est une priorité. Ce comité devrait axer son action sur une bonne gestion financière, et également sur un bon mélange de politiques fiscales.

Mais il ne faut pas s'arrêter là. Il y a également la politique commerciale, la politique en matière d'éducation, etc. Ce qu'il faut, c'est créer un climat d'investissement positif car cela n'existe pas et c'est très important. Il faut également créer un environnement positif en ce qui concerne l'imposition des particuliers, et ça nous ramène à la réforme fiscale dont j'ai parlé tout à l'heure. En prenant ces mesures, en maintenant un bon niveau d'éducation et de formation, on créerait certainement beaucoup d'emplois, et les possibilités d'emplois se manifesteraient en retour.

Je termine ici, et je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame Farrow.

Nous donnons maintenant la parole à Bill Robson.

M. William Robson (analyste principal, Institut C.D. Howe, présentation individuelle): Merci. Vous avez déjà entendu beaucoup d'arguments très sensés et je vais essayer de rester dans la norme.

Tout comme mes collègues, je tiens à vous féliciter tous pour ce renversement de la situation financière. Si l'on songe à ce qui se passe ailleurs dans le monde ou à ce qui s'est passé jadis, c'est un résultat tout à fait remarquable. Cela nous donne la perspective d'un autre grand changement, ici au Canada, la possibilité de sortir du cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons depuis plusieurs années—du moins depuis que je travaille dans ce domaine—la possibilité de remplacer ce cercle vicieux par un cercle vertueux.

Ce cercle vicieux, c'est une dette importante qui fait monter le coût des intérêts et qui oblige à augmenter les impôts. Les impôts augmentant, l'assiette fiscale rétrécit pour diverses raisons, par exemple, l'économie parallèle qui décourage les gens de travailler et d'économiser ou encore l'exode des cerveaux. Vous en avez tous entendu parler. Ensuite, ce n'est pas parce que l'assiette fiscale se rétrécit que les besoins en matière de revenu diminuent, et par conséquent, les impôts augmentent.

Comme Pierre Fortin l'a mentionné, l'expansion des années 90 a été très décevante. Elle a trahi la plupart des indicateurs. Au début de la décennie, les gens prévoyaient une expansion rapide, une croissance solide de l'emploi, mais les emplois ne se sont pas matérialisés et la productivité a été déplorable comparativement à la performance historique.

• 1930

À cause de ce cercle vicieux, le Canada est devenu un pays où il n'était plus aussi intéressant de travailler et d'investir. La mondialisation est un cliché, mais si on en parle, c'est pour de bonnes raisons. Le Canada a toujours eu des frontières très ouvertes. Nous avons toujours laissé les gens entrer et sortir librement. Nous avons toujours laissé les produits et les services entrer très librement, de même que les investissements. Dans l'ensemble, c'est une attitude qui nous a bien réussi, mais par contre, lorsque nous sommes devenus un pays moins attrayant pour vivre, travailler et investir, ce libéralisme est devenu un problème.

On a beaucoup parlé de l'exode des cerveaux; je ne reviendrai pas sur cette question, sinon pour dire qu'on aurait tort de se laisser aveugler par les chiffres. Tout comme une équipe de hockey peut ressentir d'une façon disproportionnée la perte d'un seul joueur, il y a des gens qui vont s'établir au sud la frontière et qui vont nous manquer plus qu'on ne pourrait le croire quand on considère qu'il s'agit d'une seule personne.

En ce qui concerne les sociétés, nous avons le problème de la manipulation des bénéfices. En effet, dans une certaine mesure les sociétés peuvent décider à quel endroit leurs bénéfices apparaîtront en répartissant leurs dépenses d'une certaine façon, en empruntant dans un pays et non dans un autre, etc. À l'heure actuelle, cela nous défavorise car les sociétés n'ont pas avantage à faire leurs bénéficies ici.

Le résultat, c'est que les gens qui ont des choix et des options quittent le pays, si bien que ceux qui n'ont pas autant d'options, qui ne peuvent pas se déplacer aussi facilement, doivent assumer une proportion plus importante des impôts. C'est une des raisons pour lesquelles les taux d'imposition marginaux des Canadiens à faible et à moyen revenu sont devenus si élevés: ce sont les gens qui ne peuvent pas y échapper.

Comme je l'ai dit, nous sommes sur le point d'entrer dans un cercle vertueux. Ce cercle vertueux est un cercle où les coûts d'intérêt diminuent, ce qui fait diminuer les impôts. Nous devons réfléchir au moyen de renverser la situation pour nous débarrasser de ces problèmes que sont l'exode des cerveaux, la manipulation des bénéfices et la lourde imposition des travailleurs les moins qualifiés et les moins mobiles. Que quelqu'un d'autre s'occupe de ce genre de problème, pas nous. C'est notre tour d'accueillir des gens de talent venus de l'étranger, d'accueillir des bénéfices, etc.

Évidemment, pour y parvenir nous devons diminuer la dette et abaisser les impôts.

On a déjà parlé de la diminution de la dette. La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est qu'à long terme on prévoit pour le Canada un important changement démographique. Nous avons tous vu des statistiques qui annoncent ce changement, et nous devons nous attendre à avoir moins de travailleurs et plus de gens qui comptent sur les revenus de leurs investissements et sur des transferts gouvernementaux. C'est la raison pour laquelle il est particulièrement important d'essayer d'abaisser le ratio de la dette au PIB au cours des 15, 20 ou 25 prochaines années, d'essayer de l'abaisser plus qu'on ne le ferait en se contentant d'équilibrer le budget et de laisser l'économie se développer. Cela ne suffirait pas.

À mon avis, il faut prévoir pour les prochaines années un plan financier axé sur des excédents assez considérables pour amorcer ce processus et réduire la dette. Ces budgets à court terme que nous avons depuis quelques années, ces objectifs successifs d'une durée de deux ans ont très bien réussi. Il serait difficile aujourd'hui de contester ce succès, mais je tiens à vous dire que le budget doit rester très souple en prévision d'un ralentissement de l'économie qui pourrait nous donner des excédents moins importants que vous ne l'aviez prévu. Il faut donc garder une marge et à cause de cela, il est utile de fixer un objectif à long terme, un objectif auquel les gens peuvent se référer pendant les hauts et les bas de l'économie. Ce genre de souplesse est beaucoup plus difficile en l'absence d'un plan à long terme.

Tout comme Rick Egelton, j'aurais pensé que... Comme je l'ai dit, les économistes aiment parler de pourcentage du PIB, c'est donc ce que je vais faire: un excédent minimum sain serait de 20 p. 100 environ du PIB. Autrement dit, de 8 à 9 milliards de dollars en dollars actuels, et pour l'instant, il semble qu'on puisse s'attendre à des excédents qui dépassent cela. Ce serait sans doute un bon départ dans la lutte contre la dette. Cela nous préserverait d'un retour aux déficits de jadis et cela nous permettrait de réaliser suffisamment d'économies au niveau du remboursement des intérêts pour pouvoir financer de bonnes réductions fiscales.

J'ai parlé de réaliser des économies sur le remboursement des intérêts car d'autres que moi en ont parlé, et cela figurait dans les documents de campagne du Parti libéral. On disait dans ces documents qu'on réduirait les impôts quand cela deviendrait possible d'une façon définitive, quand on serait certain que cette diminution ne serait pas transitoire. À mon avis, c'est une attitude pleine de bon sens qui confirme à quel point il est souhaitable de faire un rapport entre les diminutions d'impôt et la réduction du remboursement des intérêts. Je n'irai pas plus loin dans ce domaine car on vous en a déjà beaucoup parlé, mais vous pourrez me demander un complément d'information pendant la période des questions.

Si vous voulez accorder une diminution fiscale supérieure à ce que permettent les économies réalisées sur les paiements d'intérêts, assurez-vous que vous en avez pour votre argent.

• 1935

Tout à l'heure, on a parlé des effets de l'offre, du type d'impôt le plus susceptible de favoriser la croissance économique. Si vous voulez diminuer les impôts plus que la baisse des versements d'intérêts ne vous le permet, si vous voulez le faire sans menacer le budget, il faut vous demander dans quels domaines on peut s'attendre aux résultats les plus importants. Il y a certains domaines, autres que l'alcool, qui viennent à l'esprit, mais l'exemple de l'alcool est déjà très intéressant.

Deuxièmement, les barèmes fiscaux sont une grosse source de préoccupation. Le seuil à partir duquel on paie des impôts, les dispositions relatives au logement, les économies destinées à la retraite, etc. Plus les taux diminuent, moins ces questions-là deviennent brûlantes. D'une certaine façon, la baisse des taux d'intérêt déforme tout. Plus les taux diminuent, moins nous nous préoccupons de certains facteurs structurels, comme les échappatoires fiscales, l'application de la loi, etc. À mon avis, la démarche la plus simple est de décider que les diminutions d'impôt sont l'élément le plus important.

Et pour ce faire, il y a deux obstacles. Pour commencer, les transferts dans le domaine de la santé. Maureen m'a devancé dans ce domaine, je serai donc très bref. Je ne pense pas que le transfert des responsabilités vers le haut soit la bonne solution. Il n'y a pas une seule province qui ne dispose des ressources financières nécessaires pour financer son système de santé si elle juge que c'est nécessaire. Elles ont toutes la responsabilité d'augmenter les impôts ou de trouver de l'argent ailleurs dans leur budget pour compenser.

À part cela, si on envisage de répartir de l'argent équitablement—équitablement par habitant—, tout ce que nous pourrions faire au niveau fédéral est négligeable comparativement à ce que les provinces peuvent faire elles-mêmes, et cela vaut pour toutes les provinces, y compris celles qui sont le plus faible sur le plan financier. À mon avis, ce serait une très mauvaise idée.

Il y a un autre obstacle dont on a déjà parlé, il s'agit de l'excédent de l'assurance-emploi. J'aimerais mentionner un document publié il y a quelque temps. Notre ordonnance prévoit une pilule politique particulièrement amère, mais d'un autre côté, elle est très bénéfique. Tout comme Tom Wilson, nous pensons qu'il serait bon de réduire suffisamment les cotisations à l'assurance-emploi pour compenser les augmentations des cotisations au RPC.

Deuxièmement, si vous tenez à continuer à percevoir des charges sociales qui se répercutent dans une large mesure sur les bilans du secteur privé et qui servent très souvent à autre chose que les prestations de l'assurance-emploi... C'est une chose qu'on oublie souvent, mais cet argent sert à financer beaucoup de choses qui n'ont rien à voir avec les prestations de l'assurance-emploi. Les coûts de l'administration sont excessivement élevés. Nous finançons toutes sortes d'activités du ministère des Ressources humaines.

Si on tient à ces charges sociales, il faudrait leur donner une autre désignation fiscale. Changez le nom. Cela fait, si vous y tenez, vous pouvez supprimer le maximum. Il n'est plus nécessaire de s'arrêter à 39t, s000t, s$. Vous pouvez aller jusqu'en haut. Les possibilités sont multiples, mais pour l'amour de Dieu, cessez d'appeler cela «cotisations à l'assurance-emploi» quand ce n'est pas le cas. Laissez les employeurs financer eux-mêmes le programme d'assurance-emploi. C'est un excellent calcul, cela vous permettra de surmonter un énorme obstacle en ce qui concerne la responsabilité financière, et en même temps, cela vous donne toutes sortes de possibilités attrayantes pour le budget.

J'espère que je n'ai pas été trop long. Pour résumer, nous avons aujourd'hui une occasion unique de sortir d'un cercle vicieux pour pénétrer dans un cercle vertueux et faire du Canada un endroit où les gens ont envie de vivre, de travailler, d'investir et de payer des impôts.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Robson.

Nous allons maintenant entendre M. David Rosenberg. Je vous souhaite la bienvenue.

M. David Rosenberg (vice-président et économiste principal, Nesbitt Burns Inc., présentation individuelle): Merci beaucoup.

Nous sommes tous d'accord, je crois, pour reconnaître que la situation économique internationale actuelle est particulièrement périlleuse. Je vais commencer par répondre à une ou deux questions qui ont été posées.

Quand vous prenez du recul et que vous considérez la situation mondiale cette année, en termes réels, le PIB dans le monde a connu une croissance de l'ordre de 1,5 p. 100, ce qui correspond à une récession de la croissance mondiale. La proportion était de 4 p. 100 l'année dernière. Je pense qu'il faut s'attendre à une croissance mondiale du PIB de l'ordre de 1 à 1,5 p. 100 pour l'année à venir.

Et cela me ramène à votre question au sujet du prix des produits de base. Lorsque la croissance mondiale est très faible, cela se traduit par une capacité excédentaire mondiale qui se répercute négativement sur les prix des produits de base. La plupart des marchés des ressources ont déjà subi une baisse de 30 p. 100 sans que cela renverse la situation aux États-Unis. Cette tendance vient tout juste de s'amorcer au cours des deux derniers mois.

Quand le prix de l'or se bloque à 290 $ l'once, c'est très mauvais signe pour les produits de base. Le fait que l'or n'ait pas réussi à atteindre 300 $ l'once à un moment où la Corée brandit des missiles au-dessus du Japon, à un moment où Clinton se débat dans ses problèmes et où d'anciens agents du KGB sont en train de s'emparer de la Russie... On aurait pu s'attendre à ce que l'or dépasse de beaucoup 300 $ l'once depuis longtemps déjà. Le fait que cela ne se soit pas produit est très mauvais signe pour le prix des produits de base, et par conséquent, ce n'est pas non plus très bon signe pour le dollar canadien.

C'est donc sur cette toile de fond que M. Martin a brossé un tableau que j'ai trouvé assez sombre—et peut-être à juste raison—le 14 octobre, mais cela fait oublier le fait que le gouvernement fédéral s'est tout de même débrouillé pour annoncer un excédent de 3,5 milliards de dollars pour l'année financière 1998. Soit dit en passant, cet excédent aurait été près de 9 milliards de dollars si l'on n'avait fait un certain nombre de dépenses ponctuelles, comme le fonds des bourses du millénaire.

• 1940

Ainsi, il est exact que les dividendes budgétaires ne sont pas tellement considérables—et je pense que nous avons tous corrigé nos prévisions à la baisse en voyant l'économie s'affaiblir—, mais chez Nesbitt Burns, nous pensons qu'il ne faut pas s'attendre à une croissance réelle du PIB bien supérieure à 1 p. 100 en 1999. On a dit que le consensus était de 2,3 p. 100; eh bien, un tel consensus s'est-il jamais réalisé? Nous pensons qu'il faut être ridiculement optimiste pour prévoir 2,3 p. 100.

L'important, en fin de compte, c'est qu'Ottawa est en train de gagner la partie sur le plan financier, c'est une chose que nous ne devons pas oublier, et en dépit de la stagnation de l'économie, l'excédent sera cette année d'au moins 5 milliards de dollars, et je dirais même 8 milliards de dollars pour l'année financière 2000.

Cela dit, pour mettre les choses en perspective, il y a moins de deux ans le gouvernement fédéral projetait un déficit de 17 milliards de dollars pour l'année financière 1998, et voilà que nous avons un excédent de 4 milliards. La différence est de plus de 20 milliards de dollars. D'autre part, les pronostics étaient trop optimistes, et au lieu d'un excédent financier de 10 milliards de dollars qu'on attendait pour cette année, nous avons dû nous contenter d'environ 5 milliards, mais il ne faut pas oublier qu'au départ, ce qui était prévu pour l'année financière 1999, c'était un déficit de 9 milliards de dollars. En fin de compte, nous avons toujours plusieurs longueurs d'avance par rapport à nos prévisions.

En fait, je trouve que notre politique budgétaire restrictive et qu'on devrait notamment tenir compte du poste des intérêts, l'excédent d'exploitation, qui va atteindre 50 milliards de dollars au cours de l'année. Cette somme représente 5,5 p. 100 du PIB. Cet excédent n'a jamais été aussi élevé. Nous nous dirigeons vers un ralentissement de la croissance et on compte y faire face en resserrant la politique budgétaire. Je doute que ce soit très logique du point de vue macro-économique.

Comme on pouvait s'y attendre, le ministre des Finances a adopté un ton prudent lorsqu'il a fait le point sur la situation financière des six derniers mois. Je vous rappelle que sous le mandat de M. Martin comme ministre des Finances, la situation financière du gouvernement canadien s'est améliorée de 50 milliards de dollars. Je crois qu'il va sans dire que le gouvernement ne générera pas les recettes escomptées cette année, mais il convient de rappeler que les économistes du ministère des Finances, à leur crédit, avaient déjà prévu dans le budget de l'an dernier un ralentissement de la croissance en 1999.

Notre réserve pour éventualités s'élève toujours à 3 milliards de dollars. Les prévisions en ce qui touche les taux d'intérêt ont de quoi rendre les obligations un peu plus alléchantes: un taux de rendement moyen de 5,6 p. 100 sur les obligations du trésor à échéance de trois mois pour 1999 et de 7 p. 100 sur les obligations d'épargne du Canada à échéance de 10 ans. Comment peut-il y avoir ralentissement de la croissance et augmentation des taux d'intérêt? Cela me semble illogique. Comment cette situation s'explique-t-elle?

Lorsque j'ai quitté le bureau aujourd'hui, le taux de rendement sur les obligations d'épargne du Canada à échéance de 10 ans était de 5 p. 100. Si l'économie ralentit davantage et s'il y a déflation à l'échelle mondiale, je pense que le taux de rendement des obligations d'épargne du Canada sera de 4 p. 100 plutôt que 7. Je crois que ce sont ces prévisions démesurément prudentes en ce qui touche les taux d'intérêt—certains disent qu'il s'agit de prudence, mais je pense que c'est aller au-delà de la prudence—qui expliquent qu'on atteint des excédents budgétaires avant la date prévue. Après tout, le service de la dette devait coûter près de 50 milliards de dollars en 1998 d'après les prévisions du ministère des Finances relatives aux taux d'intérêt. Il s'est plutôt élevé à un peu plus de 40 milliards de dollars.

Qu'on ne s'y méprenne donc pas. La marge de manoeuvre est suffisamment large que même s'il y a ralentissement économique, la situation du gouvernement canadien est suffisamment bonne que les excédents budgétaires cumulatifs au cours des trois prochaines années devraient s'élever au total à environ 25 milliards de dollars.

La question n'est donc pas de savoir s'il y aura un dividende budgétaire. Il y en aura un. La vraie question qu'on doit se poser est de savoir ce qu'on en fera.

J'ai l'impression que le gouvernement a déjà décidé d'en dépenser une bonne partie puisque les dépenses au titre des programmes ont été supérieures de 2,8 milliards de dollars en 1998 à ce qui était prévu dans le budget de 1997. On semble donc avoir décidé ce qu'on fera du dividende budgétaire.

Il est vrai que le gouvernement a effectué d'importantes réductions de dépenses dans l'ensemble de ses programmes ces dernières années. Les dépenses totales du secteur public—et j'inclus dans cette somme le service de la dette qui constitue toujours, à mon sens, une dépense d'exploitation normale—ont été ramenées aux niveaux de 1999 à titre de proportion du PIB.

Les dépenses gouvernementales totales dans tous les secteurs s'élèvent à 40t, s000t, s$ par ménage, une somme supérieure de 50 p. 100 au salaire industriel moyen.

De la même façon, à titre de proportion du PIB, la dette nationale a été ramenée à 67,8 p. 100 alors qu'elle était de 71,9 p. 100 à son apogée en 1996.

• 1945

Il faudrait que les déficits annuels s'élèvent à environ 15 milliards de dollars pour que le ratio de la dette au PIB remonte. Le ratio ne diminue peut-être pas suffisamment rapidement pour certains, mais il diminue et continuera de diminuer pendant encore longtemps.

Je ne préconise pas de revenir au financement déficitaire et je ne le ferai jamais, toutefois même dans un climat de croissance lente, des budgets équilibrés suffiront à eux seuls à ramener le ratio d'environ 68 p. 100 aujourd'hui à moins de 50 p. 100 d'ici 10 ans. Ce n'est peut-être pas pour certains, comme je l'ai dit, assez rapidement, mais c'est une amélioration, et pour les marchés financiers, c'est la tendance qui compte.

Ce qui fait vraiment défaut, c'est le sentiment qu'il est urgent de faire quelque chose au niveau des impôts, ce que nous reconnaissons tous, à divers degrés. On a déjà constaté une reprise des dépenses. Le ratio de la dette au PIB diminue. On a tué le dragon du déficit. Un ratio qui ne semble pas diminuer, c'est celui des impôts par rapport au PIB. Tous les paliers de gouvernement continuent à atteindre des niveaux inégalés comme on l'a constaté au cours de la dernière année. À cette époque-ci l'an dernier, lorsque les dépenses de programmes, comme je le mentionnais, dépassaient de 2,7 milliards de dollars ce qui avait été prévu, les recettes d'Ottawa atteignaient presque 6 milliards de dollars de plus que prévu.

Je ne conteste pas ce qui a été dit dans le budget de l'an dernier, à savoir qu'un nombre considérable de Canadiens—je pense qu'on dit 14 millions de Canadiens—bénéficiaient d'une forme quelconque d'allégement fiscal. Toutefois, il est à noter que les recettes fédérales ont absorbé 18 p. 100 du PIB l'an dernier, un des montants les plus élevés des 20 dernières années, dépassant de près de deux points de pourcentage le niveau de 1993 lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir. En termes concrets, cela signifie plus de 1t, s000t, s$ par foyer en impôt pendant cette période.

Les arguments en faveur d'une réduction d'impôt sur le revenu ont rarement été aussi convaincants qu'aujourd'hui. Si le gouvernement se préoccupe des perspectives économiques, les réductions d'impôt constituent certainement une des solutions.

D'une façon plus fondamentale, je me demande comment le gouvernement peut ne rien faire et laisser le revenu réel après impôt des Canadiens diminuer, année après année. Le revenu réel après impôt, par habitant, a chuté de 8 p. 100 jusqu'à présent au cours des années 90 et se trouve au même niveau aujourd'hui qu'au cours du quatrième trimestre de 1985. Cette donnée statistique porte à réflexion et se trouve au coeur même, à mon avis, de l'exode des cerveaux auquel M. Robson a fait allusion précédemment.

Nous pouvons investir tout l'argent au monde dans les soins de santé, mais quelle sorte de soins de santé de qualité pouvons-nous vraiment promettre aux Canadiens lorsque, d'après les calculs, pour chaque professionnel de la santé qui nous arrive des États-Unis, 12 quittent le Canada pour s'établir aux États-Unis. Les pourcentages sont les mêmes dans le cas des ingénieurs et des enseignants, des gens qui prennent des décisions économiques en déménageant aux États-Unis pour tirer le plus grand parti possible de leur revenu après impôt. En dernière analyse, des impôts inférieurs constituent une bonne politique sociale.

Les taux d'imposition au Canada sont tout simplement trop élevés. Il faut les réduire. D'après mes calculs, très prudents, les excédents budgétaires au cours des trois prochaines années atteindront 25 milliards de dollars, ce qui devrait permettre au gouvernement d'accorder la plus grande priorité à cette question. Nous avons discuté des possibilités d'éventuelles réductions d'impôt par le gouvernement. On a mentionné l'assurance-emploi, etc. Je me demande si Bill Robson conviendrait que le plus grand écart entre le Canada et, disons, les États-Unis ou d'autres pays, ne se situe pas au niveau des charges sociales, mais plutôt au niveau des taux d'imposition personnels.

Même en Ontario, après les réductions d'impôt de Mike Harris, le taux marginal supérieur se situe juste en dessous du seuil de 50 p. 100 et il n'y a pas uniquement l'échelon supérieur qui compte—et c'est en moyenne supérieur de 10 points au taux aux États-Unis—, c'est la tranche d'impôt qui compte. Le taux marginal supérieur au Canada vise le revenu de 60t, s000t, s$ environ. Si l'on songe aux pays du G-7, c'est exagéré. Aux États-Unis, en dollars canadiens, le taux supérieur est atteint à 418t, s000t, s$. Même au Japon où le taux marginal supérieur est plus élevé qu'au Canada, on l'atteint à 390t, s000t, s$. En Allemagne, on atteint le taux marginal supérieur à 223t, s000t, s$.

Comme nous avons réglé le problème budgétaire et que nous avons déjà injecté de l'argent dans l'économie, je pense qu'il est temps de considérer l'avenir et de faire évoluer le ratio de l'impôt par rapport au PIB dans la même direction que le ratio de la dette par rapport au PIB.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rosenberg.

Nous allons commencer un premier tour de questions de 10 minutes par M. Epp.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président; bonjour, mesdames et messieurs.

• 1950

Je suis sidéré. J'ai trouvé tous les exposés très intéressants et, monsieur le président, le ratio des pages de notes que j'ai prises par rapport au nombre d'intervenants est encore meilleur que le ratio de l'impôt par rapport au PIB.

Des voix: Oh, oh!

M. Ken Epp: Regardez ces pages. C'est incroyable.

J'ai beaucoup apprécié ce que vous nous avez dit aujourd'hui, à tel point que vos propos semblent coïncider parfaitement avec ce que je considère comme le bon sens et je m'étonne qu'il n'y ait pas plus de monde dans ce pays, y compris parmi nos fonctionnaires et nos spécialistes du ministère des Finances, qui en viennent aux mêmes conclusions.

Mais je commencerai par vous poser une question sur un élément dont vous n'avez pas parlé. Vous êtes tous des experts, et je serais curieux de savoir ce que vous en pensez. J'entends parfois dire que rien n'est plus préjudiciable à notre économie que la TPS et les taxes de vente des provinces, qui limitent les achats des consommateurs et qui paralysent véritablement l'économie. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité d'accorder un allégement fiscal en réduisant ou en éliminant la TPS au Canada.

Le président: Monsieur Egelton.

M. Rick Egelton: J'y suis totalement opposé. Je considère que la TPS a remplacé la pire taxe qu'un pays ait jamais pu imposer, à savoir la taxe sur les ventes des fabricants qui avait pratiquement pour effet de favoriser les importations et de pénaliser les exportations. Je pense que c'est pour cela que la TPS pose un problème de relations publiques. Les gens connaissent la TPS, mais celle-ci remplace une taxe que personne ne connaissait, dont l'assiette rétrécissait chaque année, cette taxe sur les ventes des fabricants dont le taux est passé de 3 à 13 p. 100; c'est le taux qui s'appliquait au moment où la taxe a été remplacée. Elle nuisait aux exportations et favorisait les importations.

Le seul problème que me pose la TPS, c'est que son assiette n'est pas assez large. En exonérant des articles comme les denrées alimentaires, on l'a compliquée inutilement et on a dû recourir à un taux trop élevé.

Mais je considère que la TPS est bien préférable à la taxe qu'elle a remplacée et si l'on fait une comparaison au plan international, à l'exception des États-Unis, notre taxe sur la valeur ajoutée n'est nullement excessive. Alors, si vous parlez d'un allégement fiscal éventuel, la TPS est certainement la dernière taxe à supprimer.

M. Ken Epp: Bien. Qu'en pensent les autres?

Mme Maureen Farrow: Je suis assez d'accord avec Rick sur ce sujet. La taxe sur les ventes des fabricants était désastreuse et en matière de TPS, je pense que nous étions obligés de nous aligner sur les pays occidentaux industrialisés et passer à une taxe à la consommation. Je ne pense pas que nos taxes à la consommation, à savoir notre TPS et nos taxes de vente provinciales, soient exorbitantes. Ce serait une excellente idée que de les harmoniser. Nous en avons déjà débattu à quelques reprises et je ne veux pas rouvrir la discussion, mais ce sujet est toujours en suspens.

M. Ken Epp: Bien.

M. William Robson: Je dirais, pour faire contrepoids, que vous avez ici affaire à une table d'économistes et les économistes ont la fâcheuse habitude de préférer les taxes à la consommation aux autres formes d'imposition.

L'État qui veut aller chercher de l'argent doit se demander quelle sorte d'activité il va pénaliser. Doit-il pénaliser le travail? Doit-il pénaliser l'épargne? Doit-il pénaliser l'investissement ou doit-il pénaliser la consommation?

L'épargne est très faible au Canada depuis de nombreuses années. Bien que le gouvernement ait beaucoup réduit le niveau de ses emprunts, le déficit du compte courant est encore très élevé. Chaque année, nous importons du reste du monde des biens d'une valeur de plus de 20 milliards de dollars. Pour cette raison—ce qui est malheureux, compte tenu de la question que vous posez—je suis d'accord avec mes collègues pour dire que ce n'est pas cette taxe qu'il faudrait songer à éliminer. Je crois que la mesure qui générerait le plus de recettes et qui stimulerait la croissance, ce serait une réduction du taux d'imposition personnel et non pas de la taxe de vente.

M. David Rosenberg: J'appuie cette motion. Quand on propose de réduire la taxe de vente, il ne faudrait pas oublier que le niveau des importations canadiennes est élevé. Il faudrait en tenir compte.

Il faudrait s'attaquer au problème réel, c'est-à-dire le fait que le revenu disponible diminue. Donnons aux gens des raisons de travailler. Donnons aux gens des raisons d'embaucher. La réduction de la TPS n'est pas une mauvaise idée en soi, mais ce ne devrait pas être notre priorité.

• 1955

Vous n'aimerez peut-être pas cette réponse, mais je songeais à vous en la donnant parce que vous avez posé une question au sujet du lien entre les taxes et le chômage. J'ai justement un tableau qui traite de ce lien. Il compare l'écart entre les taux de chômage et le taux d'impôt sur le revenu au Canada et aux États-Unis sur un certain nombre d'années. Il est intéressant de constater que le rapport est à peu près le même que celui entre le revenu et la consommation. Vous voudrez peut-être y jeter un coup d'oeil. Je peux vous en donner un exemplaire.

M. Ken Epp: Je le vois d'ici. Cela se rapproche...

M. David Rosenberg: C'est frappant dans la mesure où le ratio entre le taux d'imposition personnel et le PIB était le même au début des années 80. Comme par magie, c'est la dernière fois que nos taux de chômage étaient les mêmes, soit à peu près 7 p. 100. À mesure que le ratio entre le taux d'imposition personnel et le PIB s'est accru, on a constaté un écart sans précédent dans les taux de chômage. Je crois que c'est un lien logique que ce tableau explique très bien. J'ai pensé qu'il vous intéresserait.

M. Ken Epp: C'est incroyable. Je ne suis pas en mesure de débattre la question avec d'éminents économistes, mais je songe à mon cas personnel. Je conduis une voiture vieille de 18 ans. Si je ne change pas de voiture, c'est en partie parce que je ne peux pas me résoudre à le faire parce que pour gagner l'argent nécessaire pour acheter une nouvelle voiture, je dois remettre au gouvernement la moitié de cette somme en impôt. Au moment d'acheter une nouvelle voiture—à une époque, il n'y avait pas de taxe de vente en Alberta, mais il y a maintenant la TPS—, je devrai payer 1 500 $ de taxe de vente même si j'achète une voiture modeste. Je décide donc de continuer à conduire ma vieille voiture. Certains samedis, au lieu de faire mon travail de député, je me glisse sous ma vieille Chevy Suburban pour voir si je ne peux pas la réparer.

Je suis sûr que des milliers de Canadiens sont dans la même situation que moi. Or, si les Canadiens consommaient des biens produits au Canada, cela stimulerait l'économie canadienne. Je ne vois pas pourquoi vous êtes tellement opposés à la consommation.

Mme Maureen Farrow: Vous avez dit que nous importions une bonne partie des biens qui sont en vente dans les magasins. Les emplois qui sont créés ne sont donc pas dans le secteur manufacturier, mais dans le secteur des ventes. L'effet multiplicateur n'est pas très élevé. Il vaudrait mieux que les gens économisent cet argent. Ils se sentiraient mieux et ils dépenseraient ensuite davantage.

M. Ken Epp: D'accord. Nous n'en dirons pas plus long là-dessus.

Des voix: Oh, oh!

M. Ken Epp: J'ai d'autres très bonnes questions à poser.

La prochaine porte sur la réduction de la dette. J'ai entendu des gens érudits se prononcer. J'en ai même entendu dire que nous ne devrions pas payer la dette, que nous devrions tout simplement laisser l'économie croître et que, ce faisant, le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut va diminuer et que tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes. Plus besoin de se faire du souci.

En fait, notre dette a pour effet de transférer une bonne part de l'argent des contribuables de la classe moyenne, qui sont le plus lourdement imposés dans notre pays, vers les investisseurs, y compris les investisseurs de pays étrangers car nous leur payons de l'intérêt. Il serait assurément avantageux, à une époque où les taux d'intérêt sont bas, de s'attaquer au principal de notre dette, de l'abaisser en termes absolus ainsi qu'en termes de pourcentage du PIB car, de cette façon, nous pourrons utiliser une plus grande partie des revenus recueillis auprès des contribuables pour financer tous ces programmes valables que nous voulons. Ne serait-ce pas là une meilleure façon de régler le problème?

Mme Maureen Farrow: Je pense que compte tenu des chiffres dont nous avons parlé... Je souhaite abaisser le rapport de la dette fédérale au PIB à 30 p. 100.

M. Ken Epp: Trente pour cent?

Mme Maureen Farrow: Trente pour cent. Quarante pour cent pour la dette totale du Canada par rapport au produit intérieur brut. C'est à ce niveau que se situait notre endettement à la fin des années 70 et au début des années 80. Et pour y arriver dans des délais raisonnables, cela signifie qu'il faut payer une partie du principal, si je peux m'exprimer ainsi.

Je suis d'accord avec vous. Je pense que nous devrions rembourser le principal tout en assurant une croissance qui nous permette de nous en sortir. Et je ne pense pas que quiconque—et je ne parle pas au nom de mes collègues ici—ait dit que nous puissions rester les bras croisés et compter sur la croissance pour s'en sortir.

M. Ken Epp: Personne n'a dit cela? Dans ce cas, j'ai mal entendu. Très bien, ça va.

Cependant, madame Farrow, vous avez dit que le fardeau total de la dette gouvernementale représente 94 p. 100 du produit intérieur brut. Cela englobe-t-il la dette des provinces...

Une voix: Oui.

• 2000

Mme Maureen Farrow: Oui. Le pourcentage est de 27 p. 100 environ pour les provinces. Et où en sommes-nous? Tout près de 68 p. 100, je crois.

M. Ken Epp: Je ne sais pas qui a dit cela, mais...

M. David Rosenberg: C'est moi.

M. Ken Epp: ...il me semble qu'il est absolument impératif que le gouvernement dise très clairement aux provinces, dans un énoncé budgétaire ou autrement—et cela serait un stimulant extraordinaire pour l'unité—qu'il faut consolider les dettes provinciales et fédérales dans un plan prévoyant leur remboursement. En effet, un volet du gouvernement se livre à des dépenses alors que l'autre volet réduit les siennes et il semble qu'à tous les paliers de gouvernement nous vivions constamment accablés par le fardeau de la dette et des intérêts à payer.

Monsieur Egelton, la parole est à vous.

M. Rick Egelton: Pour l'heure, je pense qu'en général, tous les ordres de gouvernement vont dans la même direction. La plupart des gouvernements provinciaux ont mis de l'ordre dans leurs finances et réduit leurs déficits. En Alberta, la dette nette sera éliminée dans deux ou trois ans, si je ne m'abuse.

Plus qu'à tout autre moment dont je me souvienne, les gouvernements fédéral et provinciaux cheminent dans la même direction. Je pense que dans toutes les provinces le ratio de la dette au PIB est en baisse. À certains endroits, le déclin s'est accéléré mais en Ontario, il est plus lent car les autorités ont décidé de réduire les impôts en même temps.

Mais je pense qu'enfin, nous allons dans la bonne direction. À mon avis, c'est plutôt positif.

Le président: Merci.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié vos exposés. Certains d'entre vous ont mentionné qu'il fallait stimuler des investissements commerciaux positifs. C'est une excellente idée et j'aimerais en savoir davantage.

Je suis originaire de la côte Ouest, où notre économie est essentiellement fondée sur les matières premières. Or, à l'heure actuelle, le cours des matières premières est très bas. Que va-t-il arriver à l'économie? J'aimerais savoir comment attirer ces investissements commerciaux positifs. Je connais mieux la Colombie-Britannique que la côte Est. Il y a quelques années, il y avait une croissance considérable, notamment dans secteur immobilier, et les investissements affluaient.

Mme Maureen Farrow: En Colombie-Britannique?

Mme Sophia Leung: Oui.

Maintenant, tout cela s'est évaporé.

Mme Maureen Farrow: Oui.

Mme Sophia Leung: Les prix ont chuté. Vous avez parlé d'investissements positifs et je m'interroge, car nous avons imposé une déclaration spéciale d'actifs étrangers, et il est certain que nous pouvons attribuer en partie le déclin des investissements à cette initiative. Je ne pense pas que ce soit strictement attribuable à cela, mais j'aimerais savoir comment nous pouvons recréer un environnement positif pour les investissements au Canada et, cela va de soi, pour la côte Ouest.

Mme Maureen Farrow: Parlons d'abord de la côte Ouest, et ensuite, du Canada. Il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire pour régler le problème du cours des matières premières. De 20 à 30 p. 100 de l'ensemble des matières premières sont consommées en Asie. Et comme cette région du monde traverse une récession sérieuse sans grand espoir de voir avant un an au moins une reprise stimulée par les exportations, il est peu probable que l'on ait vu la fin de la chute des matières premières ou que celles-ci commenceront à se redresser.

La Colombie-Britannique est coincée dans cette dynamique et le sera encore plus si les États-Unis connaissent une récession l'an prochain ou si l'économie américaine ralentit sensiblement car un pourcentage considérable des matières premières issues de la Colombie-Britannique sont acheminées vers les États-Unis. Le marché de la pâte et du papier est en fait un marché régional, de même que celui des minéraux industriels.

Nous ne pouvons pas faire grand-chose à ce sujet à court terme. Il s'agit d'un problème mondial d'offre et de demande. On verra la rationalisation des entreprises et les plus vigoureuses survivront.

En outre, l'industrie du tourisme de la Colombie-Britannique souffre du faible taux du change. Cela dit, revenons-en à...

• 2005

Mme Sophia Leung: Je ne pense pas. Je m'excuse, mais je pense que le tourisme est toujours en croissance. C'est notre planche de salut.

Mme Maureen Farrow: Cela a changé. Les touristes asiatiques ont disparu et à l'heure actuelle, on voit surtout des touristes américains qui font des croisières jusqu'à l'Arctique.

Vous voulez savoir ce que je veux dire lorsque je parle de créer un climat propice aux investissements? Je pense que c'est là la raison d'être du gouvernement. Si le gouvernement joue bien ses cartes, il pourra récolter énormément. Autrement dit, il faut créer une gamme de programmes favorables aux investissements: politiques fiscales, politiques commerciales, formation de la population active, réglementation—il ne faut pas qu'il y en ait trop. Toutes ces politiques doivent être coordonnées et, comme on est au Canada, il faut qu'elles soient en harmonie avec les politiques provinciales. Autrement, on crée des obstacles à l'implantation d'entreprises. Quant au Comité des finances, je pense qu'il devrait s'attacher surtout à la politique fiscale.

Mme Sophia Leung: En outre, sur le plan des investissements, je crois que nous perdons des entreprises en raison de l'appétit du fisc et de l'impôt sur les gains en capital. Ce n'est pas seulement que nous ne pouvons pas attirer de nouvelles entreprises; celles que nous avons partent.

Mme Maureen Farrow: Il y a autre chose. Dans certains secteurs, particulièrement celui de la haute technologie, la nouvelle économie—je pense que la question nous a été très bien présentée—, les travailleurs compétents sont très mobiles. Ils sont très recherchés et cela nous ramène à la question de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Mme Sophia Leung: Je n'ai qu'une seule autre question.

Monsieur Robson, vous avez parlé des paiements de transfert. À votre avis, cela ne sert à rien. Dans l'intervalle, où irez-vous chercher des fonds si on ne les met pas en commun? Tous les gouvernements provinciaux disent qu'ils ont absorbé de très lourdes compressions et que maintenant, ils attendent. Je voudrais bien savoir où vous irez chercher tout l'argent.

M. William Robson: Je ne gagnerai probablement de concours de popularité en disant qu'à mon avis, l'une des grandes réalisations du gouvernement actuel jusqu'ici a été de démêler les rapports financiers entre le gouvernement fédéral et les provinces dans la mesure où il l'a fait. Je pense que les énormes transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces sont malsains. Ils encouragent la dépendance des gouvernements provinciaux et ils nuisent vraiment à la responsabilisation, parce que chacun blâme toujours quelqu'un d'autre, et c'est fort plausible, lorsqu'il y a des problèmes du côté de services.

S'il est question d'une augmentation de quelque 2 milliards de dollars dans le financement du secteur de la santé et si, comme je l'espère ardemment, cette somme est partagée également dans ce pays, c'est-à-dire en fonction de la population... Et c'est évidemment un grand problème dans notre pays, le fait que ces transferts ne sont pas répartis d'une manière égale, et à bien des égards, cette répartition devient de plus en plus inégale.

Supposons que les transferts seront répartis également: 2 milliards de dollars représentent environ 66 $ par personne. Pour une petite province, dont la population est inférieure à un million de personnes, quel montant cela représente-t-il? Ce n'est pas beaucoup d'argent. C'est moins de 50 millions de dollars. À mon avis, ce n'est pas une somme tellement importante dans le contexte global des choses. Je répète qu'à mon avis, il n'y a pas une seule province qui n'a pas la capacité financière de réunir elle-même cet argent. On a mentionné le fait qu'il n'y a qu'un contribuable, et que l'argent viendra en fin de compte des poches des citoyens. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral devrait intervenir, être blâmé pour avoir perçu cet argent, pour ensuite le transférer aux provinces, pour qu'on se retrouve ensuite dans cet imbroglio des conflits de compétence lorsque le gouvernement fédéral essaie de dire aux provinces comment gérer leur programme de soins de santé.

Je ne pense pas que ce soit acceptable. Les provinces devraient pouvoir être tenues responsables lorsque leurs citoyens sont insatisfaits. Nous avons une situation déplorable au Canada, car le gouvernement fédéral profite de l'occasion et joue pour la galerie lorsqu'une province fait quelque chose qu'il n'aime pas, mais il n'est pas là pour résoudre les problèmes vraiment sérieux, les listes d'attente et toutes les questions de vie et de mort qui surgissent dans le système de soins de santé. Je pense vraiment que si les provinces estiment leur système de santé sous-financé, elles peuvent trouver elles-mêmes les fonds nécessaires. Il n'est pas bon qu'Ottawa le fasse pour elles.

M. David Rosenberg: Pourrais-je ajouter une observation à ce sujet?

Le président: Certainement.

• 2010

M. David Rosenberg: Je vous conseillerais d'examiner aussi les chiffres de l'OCDE pour faire des comparaisons. Vous verrez par exemple que dans le secteur de la santé, le Canada dépense plus que la moyenne en pourcentage du PIB parmi les membres du G-7. De fait, relativement parlant, nous dépensons autant que la France dans le domaine de la santé, plus que le Japon, plus que le Royaume-Uni et plus que l'Italie. Pour ce qui est de l'éducation, il n'y a aucun autre pays du G-7 qui y consacre plus d'argent que le Canada, en termes de pourcentage du PIB.

J'oserais même aller jusqu'à dire que s'il y a des lacunes sur le plan de la qualité, c'est peut-être dû à la façon dont on dépense l'argent plutôt qu'à la quantité des sommes disponibles.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

J'aimerais moi aussi m'aventurer sur ce terrain. Je veux demander à M. Robson pourquoi le fait que les sommes ne sont pas réparties en fonction de la population lui pose tellement de problème.

Il me semble, monsieur Robson, que vous avez vraiment de la difficulté à accepter qu'on procède grâce au système de subventions à une redistribution des richesses d'une province à l'autre ou d'une région à l'autre. D'après vos commentaires, vous semblez penser que c'est mauvais. Pourquoi est-ce fondamentalement mauvais, d'après vous?

M. William Robson: Le problème ne vient pas du fait que cela se produit, mais que c'est le cas pour tous les programmes. Lorsqu'on les additionne tous, on arrive à une redistribution colossale, à un niveau qui n'est pas raisonnable pour le pays, à mon avis. Le régime de l'impôt sur les revenus des particuliers et le système de transfert enlèvent automatiquement aux riches pour donner aux pauvres. C'est ce qui se passe. En vertu de ce régime, une province qui a un nombre disproportionné de riches perdra, tandis qu'une province qui a un nombre disproportionné de pauvres gagnera. C'est bien, parce que chacun est ainsi traité sur un pied d'égalité. C'est une question de redistribution et c'est la même chose qui se passe peu importe où l'on réside.

En ce qui concerne les gouvernements, il y a un programme de péréquation qui permet d'effectuer des transferts de fonds aux provinces plus démunies. Si la répartition entre les régions du pays laisse à désirer, peut-être faudrait-il revoir le programme de péréquation, mais il ne faut pas oublier que dans une large mesure un programme de ce genre fait payer des impôts à des gens moins bien nantis dans les provinces riches de manière à venir en aide à des gens beaucoup mieux nantis dans les provinces pauvres.

On a tort de toujours répartir les fonds de la même façon, car lorsqu'on examine qui y gagne ou y perd au change, il est possible d'être bénéficiaire net même lorsque le revenu familial est de 100t, s000t, s$ par année, alors que dans d'autres provinces on peut se retrouver perdant avec un revenu de 30t, s000t, s$. C'est indéfendable.

Mme Karen Redman: Monsieur Robson, vous avez dit qu'il faut comparer nos dépenses en matière de santé, mais il ne faut pas oublier que si pour la cinquième année de suite l'ONU juge que nous sommes le pays du monde où il fait le mieux vivre, c'est en partie à cause de notre régime d'assurance-maladie. Ce régime se distingue par le fait qu'il est accessible et transférable. Il appartient au gouvernement fédéral de s'assurer que les mêmes services sont offerts dans toute la mesure du possible dans tout le pays.

Vous comparez nos coûts avec ceux de l'Italie et de la France, mais il y a des particularités qui font du Canada un pays où il fait bon vivre.

M. David Rosenberg: Oui, je suis d'accord avec vous. Ce n'était qu'un argument de plus pour dire que notre groupe estime qu'à l'avenir les dépenses publiques devraient rester telles quelles au lieu d'augmenter.

Mme Karen Redman: Monsieur Egelton?

M. Rick Egelton: Il ne faut pas oublier non plus, lorsque l'on discute de ces problèmes de compétence, que la quasi-totalité des provinces ont maintenant les moyens de créer ou d'enrichir des programmes, si c'est le voeu des citoyens. Peut-être d'autres provinces ne veulent-elles pas enrichir certains autres programmes. Dans deux ans, la quasi-totalité des provinces auront soit un budget équilibré, soit un excédent budgétaire. C'est donc dire que si elles veulent enrichir le programme des soins de santé ou celui de l'éducation, elles pourront le faire.

Là où je veux en venir—et d'autres l'ont déjà dit—c'est qu'elles n'ont sans doute pas besoin d'augmentations importantes des transferts venant du gouvernement fédéral pour y arriver.

Mme Karen Redman: Je trouve cela très intéressant. J'ignore si l'un d'entre vous était ici plus tôt. Les témoins parlaient de la recherche dans le domaine médical; ils nous disaient combien ils ont hâte de voir de nouveaux investissements dans ce domaine. Ils nous ont décrit l'effet que cela aurait sur l'économie, la création d'emplois, le ralentissement de l'exode des cerveaux, autant de choses dont les économistes nous ont aussi parlé.

Ce que les représentants du milieu médical nous disent, dans tout le pays, c'est qu'il faut des normes. Or, d'après moi, le modèle que vous décrivez va à l'encontre de normes nationales. Pourtant, c'est ce que les citoyens réclament. C'est un sujet de préoccupation dans toutes les provinces du pays. Les gens veulent plus de règles et plus de conditions, contrairement à vous, qui souhaitez une plus grande latitude pour les provinces.

M. Rick Egelton: Le gouvernement fédéral transfère des sommes importantes aux provinces. Les transferts pécuniaires s'établissent à environ 11,5 milliards de dollars, je crois, en points d'impôt. Il y a donc ça qui existe.

• 2015

Et je pense que le gouvernement fédéral a toujours la possibilité de s'entendre avec les provinces pour déterminer si les normes sont acceptables ou non. Je pense que le fait que les gens puissent dire quel type de normes ils veulent fait partie du processus politique. Je pense que la plupart des Canadiens veulent ce dont vous parlez, la capacité de pouvoir se déplacer au pays tout en étant assurés que des normes semblables seront maintenues. Je pense que c'est ce qui motive en partie les gens à en arriver à ces ententes.

Le président: Madame Farrow.

Mme Maureen Farrow: J'aimerais revenir sur ce que vous disiez. Je pense qu'il y a les soins de santé, ceux auxquels le public en général participe tous les jours, comme les soins hospitaliers, etc., et il y a ensuite la recherche médicale. Ce sont en réalité deux choses tout à fait différentes, qui font peut-être partie d'un même tout, car elles sont reliées, mais la recherche médicale fait réellement partie du financement des sciences et de la technologie. Oui, effectivement, cela crée des emplois. Il faut donc y affecter des fonds appropriés, et le gouvernement doit jouer un rôle très actif dans la recherche pure. Je pense que c'est tout à fait de cela dont parlait ce groupe qui a comparu devant nous.

Mme Karen Redman: Oui.

Mme Maureen Farrow: Il faut du financement pour cela. Si on n'a pas de financement, la qualité globale du système de soins de santé, d'un point de vue différent de la possibilité de tout simplement y injecter de l'argent pour augmenter le nombre de lits d'hôpitaux et d'interventions chirurgicales cardiaques, etc... Ce sont deux choses différentes.

Mme Karen Redman: Oui, en les regroupant, je ne voulais pas dire que c'était la même chose. C'est certainement tout à fait différent, sauf que le TCSPS, c'est-à-dire le transfert en bloc qui va aux provinces, ne couvre pas seulement l'assurance-maladie, mais aussi l'enseignement postsecondaire, et nous parlons de financer les chercheurs et de garder les meilleurs et les plus brillants ici au Canada. Alors oui, ce n'est pas la même chose, mais il y a certainement un lien entre les deux.

Mme Maureen Farrow: Eh bien, une des choses les plus importantes qu'il faut faire si nous voulons garder les meilleurs et les plus intelligents ici, c'est réduire le taux d'imposition du revenu des particuliers. En effet, il y a deux choses qui les poussent à partir: la première, c'est ce qu'ils pourront gagner et garder dans leur poche pour maintenir leur niveau de vie, et la deuxième, c'est les investissements qui sont faits dans leur domaine de compétence, matériel qu'ils peuvent utiliser, etc., afin qu'ils puissent poursuivre leurs recherches. Ce sont ces deux choses qui les poussent à partir.

Mme Karen Redman: Il y a un autre point que j'aimerais éclaircir. Je sympathise en quelque sorte avec M. Epp, car moi aussi j'essayais désespérément d'écrire, parce que nous n'avions rien par écrit, et il était difficile de suivre.

Madame Farrow, vous avez parlé de beaucoup de choses dans votre exposé, mais vous avez insisté sur la nécessité d'examiner globalement le système d'impôt sur le revenu. Je me demande comment cela pourrait faire partie d'un budget. Ce que je vous ai entendu dire, et ce que j'ai noté, c'est que le prochain budget devrait donner une orientation. Pourtant, il s'agit d'un exercice incroyablement complexe et fastidieux.

Mme Maureen Farrow: Nous n'avons pas eu de réforme fiscale globale depuis le milieu des années 80. En tant que nation, nous étions sur la bonne voie lorsque nous avons commencé. Pour diverses raisons, nous avons séparé la première partie de la deuxième partie et nous avons laissé les provinces se glisser entre les deux. Nous n'avons pas atteint l'objectif recherché.

Nous devons revenir en arrière et nous demander réellement de quel genre de régime fiscal notre pays a besoin pour être concurrentiel au cours des 20 prochaines années et pour répondre aux besoins démographiques de la société. Avec tout notre rafistolage, nous ferons peut-être ce qu'il faut faire, mais nous risquons également de faire des choses que nous ne devrions pas faire. C'est donc ce que je vous encourage vivement à faire. Je suis certaine que le ministre des Finances ne pourra présenter un plan général en février, mais on pourrait préciser que c'est ce que nous allons faire. Voilà maintenant quelques années que je déclare au cours de ces séances qu'à mon avis nous devrions revenir en arrière et faire cela.

Mme Karen Redman: Merci. Je vous remercie de cette clarification.

Le président: Merci, madame Redman.

Nous allons passer à M. Pillitteri, qui sera suivi de M. Brien.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai deux questions à poser.

• 2020

Madame Farrow, vous avez parlé du tourisme, du fait que les Américains viennent chez nous. Je représente une région qui vit du tourisme—Niagara Falls, Niagara-on-the-Lake—et je me rappelle l'époque du magasinage outre-frontière, quand le coût de l'essence et le coût de toutes les choses... Les Canadiens étaient légion à traverser la frontière américaine. Nous avons... comment dire? Nous ne nous respectons pas nous-mêmes. Nous avons tendance à acheter le moins cher possible. On se moque bien du reste. Nous ne sommes pas si patriotes que ça. D'un autre côté, aujourd'hui, le dollar canadien est plus bas, et je ne vois pas de légions d'Américains entrer chez nous. Ils viennent magasiner pendant la journée ou repartent le lendemain, mais il y a moins d'Américains qui traversent la rivière que de Canadiens qui en faisaient autant autrefois.

Vous avez dit également que ce sont les Américains qui viennent chez nous, et non les Japonais ou les Chinois. Faites excuses mais je ne suis pas d'accord. Si vous voyiez tous les touristes qui viennent dans ma région de Niagara Falls et de Niagara-on-the-Lake... Même chez nous, on reçoit tous les jours des dizaines d'autocars.

Mais la question que je veux vous poser, et plus particulièrement à M. Robson, a trait à ce que vous avez dit sur la faculté que les provinces ont d'augmenter leurs propres taxes. Et étant donné que nous avons commencé vers le milieu des années 70 à transférer des points d'impôt aux provinces par rapport à la santé, et que maintenant on unit les trois, la santé, l'éducation postsecondaire et... Pensez-vous que la part liquide, les 12,5 milliards de dollars, devrait toujours rester là? Ou devrait-on transférer tous les points d'impôt aux provinces, laissant à celles-ci le soin d'administrer le système de santé, comme vous avez dit? Je veux plus de détails à ce sujet. C'est une question que l'on évite depuis longtemps.

M. William Robson: Je vous dois une réponse franche à ce sujet. À mon avis, il faut transférer autant de points d'impôt que possible.

Vous me donnez là l'occasion de revenir sur une question qui a été posée plus tôt et de dire que les gens sont favorables à des normes nationales dans l'abstrait, mais si vous demandez aux gens de dire quels sont les cinq principes qui animent la Loi canadienne sur la santé, seule une poignée de gens ici présents pourraient répondre à cette question. Et chose certaine, dans le grand public, les gens ne sont pas au courant, et d'ailleurs, ce sont là des mesures qui ont trait au processus et qui n'ont pas vraiment de rapports directs avec la santé.

Mais ce que tout cela veut dire, au fond, c'est que si une province élit un gouvernement qui a un programme de santé qui ne plaît pas à quelqu'un d'autre au pays, Ottawa a le droit d'intervenir et de dire non au Québec ou à l'Alberta ou à tout autre province, de lui dire qu'elle ne peut pas faire ce pour quoi l'électorat a voté, qu'elle doit faire autre chose. Et c'est cela qui ne va pas, à mon avis. L'assurance-maladie est d'origine provinciale. Si elle est aussi populaire auprès de la population qu'elle semble l'être de manière générale, et que par conséquent la population ne tolérera pas de changements majeurs dans le système, je ne pense pas qu'on aboutirait à quelque chose de très différent de ce que nous avons aujourd'hui, sauf que pour ce qui est des détails les provinces pourraient modifier leurs programmes davantage en fonction des désirs de l'électorat.

M. Gary Pillitteri: Monsieur Robson, que pouvons-nous répondre, nous les politiciens, à nos électeurs lorsqu'ils se tournent vers nous et nous disent que nous sommes les seuls, vraiment, capables de protéger l'assurance-maladie, que nous sommes les seuls, à leur avis, qui sont vraiment capables de protéger l'assurance-maladie? Que devons-nous leur répondre? Quand nous parlons aux gens, ils nous disent qu'ils n'ont plus confiance dans les gouvernements provinciaux, surtout en Ontario et en Alberta. Qu'allons-nous dire à ces gens? C'est à nous qu'ils font entièrement confiance, et vous nous dites de votre côté qu'il faut laisser aux provinces le soin d'y voir. S'il n'y a pas d'argent, s'il n'y a pas de transfert de liquidités, il est évident que les provinces pourront en faire à leur tête. Qu'allons-nous dire à ces gens?

M. William Robson: Je ne suis pas sûr que le gouvernement fédéral empêche vraiment les provinces de faire ce qu'elles font maintenant sans ces transferts. Ce que je constate, c'est qu'on manque vraiment d'exemples concrets ici. Et l'on contrevient en ce moment à la loi. On contrevient à la loi au niveau de la transférabilité, et il se pose dans tout le pays des problèmes de remboursement que le gouvernement fédéral ne corrige pas.

Mais vous m'avez demandé ce que je ferais. Je ne suis pas à votre place, mais si j'y étais, je maintiendrais le même transfert d'argent qui existe déjà, je continuerais de parler des beaux principes de l'assurance-maladie, et je ne ferais rien d'autre.

Des voix: Ah, ah.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Merci.

• 2025

Le président: Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien: On ne discutera probablement pas de la santé parce que vous et moi, on ne s'entendra visiblement pas là-dessus, monsieur Robson.

Monsieur Rosenberg, je crois que c'est vous qui avez avez soulevé la question des écarts de taux marginaux d'imposition entre les États-Unis, le Canada et d'autres pays. Vous disiez qu'aux États-Unis, le taux marginal était à son maximum à partir de revenus de 260t, s000t, s$, alors qu'ici, au Canada, c'est à partir de revenus de 63t, s000t, s$; l'écart est donc énorme. Vous dites que c'est une des choses auxquelles on doit s'attaquer. Mais puisque l'écart est tellement énorme, croyez-vous réellement qu'on ait la capacité de changer cette dynamique un tant soit peu? Pour faire des gestes significatifs à cet égard, il faudrait diriger tout le dividende budgétaire vers une seule classe de la société, soit la classe dont les revenus vont de 63t, s000t, s$ à 260t, s000t, s$. Je ne suis pas sûr que ce serait très populaire.

[Traduction]

M. David Rosenberg: Le taux marginal d'imposition maximal aux États-Unis est appliqué à un revenu de 418t, s000t, s$ canadiens. Je n'ai pas dit qu'il fallait employer le dividende financier jusqu'au moindre sou pour n'abaisser que le taux marginal d'imposition maximal. Je pense que les impôts doivent baisser pour tout le monde. Le taux marginal d'imposition maximal doit baisser partout. Dans le budget de l'an dernier, on a éliminé la surtaxe de 3 p. 100 pour les personnes qui gagnent jusqu'à 50t, s000t, s$. Qu'est-ce qui fait que 50t, s000t, s$ constitue un seuil magique? Dans une région où la vie est chère, comme à Toronto, 50t, s000t, s$ n'est pas un revenu excessif. Je pense que nous devons corriger certaines situations dans notre pays.

Entre autres choses, il y a le problème des gens qui quittent notre pays pour aller aux États-Unis. Ce qui nous ramène à la question de l'exode des cerveaux. Les données sont vagues, à mon avis, mais je pense qu'on en sait assez pour dire dans quels secteurs les gens quittent le pays. Les professionnels de la santé émigrent aux États-Unis. Le ratio d'émigration dans cette profession est plus élevé que dans toute autre. C'est dans cette profession que l'on touche les plus hauts revenus. Mais en fait, les Canadiens que nous perdons dans le domaine de l'éducation, du génie et de la science informatique sont des personnes qui touchent des revenus supérieurs. Que peut-on dire de plus ici? C'est là que se situe l'écart le plus grand entre les deux pays, et les Canadiens quittent le pays. Le ratio d'émigration continue d'augmenter, et je pense que nous réglerions un grand problème social si l'on réglait le problème du taux marginal d'imposition maximal.

C'est essentiellement la raison pour laquelle j'ai parlé de ce problème. On réglerait un tas de problèmes sociaux que nous avons dans notre pays aujourd'hui. Est-ce que ça ne vous dérange pas de savoir que, d'après les statistiques les plus récentes, tous les deux ans un Ph.D. sur quatre quitte le Canada pour les États-Unis? Après avoir bénéficié de l'aide financière très généreuse du contribuable canadien, ils partent pour les États-Unis. Ils n'émigrent pas aux États-Unis parce qu'ils aiment leur taux de criminalité, et ils ne partent pas pour les États-Unis parce qu'ils s'imaginent qu'ils vont payer moins d'impôts pour la santé; ils partent pour les États-Unis parce qu'ils savent qu'ils vont y gagner beaucoup plus d'argent qu'ici. C'est en définitive une décision économique qu'ils prennent. Le tissu économique et social se détériore. Je ne veux pas exagérer les choses, mais c'est un problème important que l'on peut régler par une réforme de la fiscalité. C'est essentiellement ce que je disais.

Merci.

[Français]

M. Pierre Brien: Vous m'amenez exactement là où je voulais. Il semble y avoir un problème; il y a quelque chose qui m'échappe ou que je ne comprends pas. Il semble que les individus évoquent des motifs rationnels pour justifier leur choix. Je veux bien comprendre qu'une partie de leur logique repose sur des facteurs économiques, mais une société, c'est bien plus que cela. J'imagine que le sentiment d'appartenance de l'individu, que ce soit au Québec ou au Canada, va au-delà du système fiscal. Je ne puis comprendre que des individus fassent un choix uniquement en fonction de cette variable-là. Si l'identité canadienne ou américaine repose uniquement sur le taux de taxation, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans cette société, et c'est beaucoup plus complexe que notre système fiscal.

• 2030

Quand on me dit qu'on perd un détenteur de doctorat sur quatre parce qu'il a décidé d'aller s'établir aux États-Unis, je me pose de sérieuses questions sur le genre de société qu'on est en train de bâtir. J'ai un peu de difficulté à accepter votre discours selon lequel l'exode des cerveaux est basé sur l'écart entre les taux marginaux d'imposition et que c'est le plus grand problème de notre société. J'aimerais que vous précisiez votre pensée.

[Traduction]

M. David Rosenberg: Eh bien, vous voulez plus de détails. Vous êtes en train de me dire que la décision d'émigrer n'est pas une décision à caractère économique. À mon avis, c'est le cas; il s'agit donc tout simplement d'une divergence d'opinions entre nous.

M. Pierre Brien: Je vous dis que je suis surpris d'apprendre que les gens prennent cette décision strictement en fonction de ce facteur.

M. David Rosenberg: Je ne dis pas que c'est le seul facteur qui intervient. Ce que je vous dis, c'est que c'est probablement le premier facteur dans la plupart des cas. Le taux de chômage frisait les 9 p. 100 le printemps dernier. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi une société répondant au nom de Fast Lane Technologies, un fabricant de logiciels de Halifax, a dû offrir une prime de 1t, s000t, s$ à quiconque lui permettrait de recruter un employé? Cette société devait combler 50 postes immédiatement. Essentiellement, l'entreprise a dû congédier son chasseur de têtes et offrir directement une récompense de 1t, s000t, s$.

Je connais des cas personnels. Je fais affaire tous les jours avec des entreprises. C'est ma profession. Je peux dire que nous avons de la misère à combler des postes dans les secteurs de pointe, alors même que le taux de chômage est actuellement de 8,3 p. 100—et c'est encore le double du taux aux États-Unis.

Aux États-Unis, c'est compréhensible. On entend des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête à propos de la difficulté d'y trouver de la main-d'oeuvre spécialisée. Bien sûr, on s'y attend, quand le taux de chômage est à 4 p. 100. Au Canada, nous avons un taux de chômage inacceptablement élevé, et pourtant, dans des professions clés, des professions exigeant des compétences pointues, les entreprises n'arrivent pas à trouver de la main-d'oeuvre, parce que les gens s'en vont aux États-Unis. C'est un problème, qui s'explique encore une fois par la comparaison entre le Canada et les États-Unis au niveau du régime fiscal.

[Français]

M. Pierre Brien: Je vais aller plus loin. Je vois que M. Robson aussi veut parler. Vous semblez être des gens assez bien instruits, intelligents, etc., mais vous n'avez pas décidé d'aller vivre aux États-Unis. Qu'est-ce qui vous retient ici? Je vous pose cette question parce que je suis convaincu que vous n'êtes pas plus masochistes que les gens que vous prétendez analyser.

[Traduction]

M. David Rosenberg: J'attends qu'on me fasse une offre.

M. William Robson: Je voudrais d'abord répondre brièvement à cette question. Je suis probablement la personne, autour de cette table, qui a la spécialisation la plus pointue dans les affaires canadiennes, ce qui fait qu'il ne m'est pas facile de trouver du travail n'importe où ailleurs, et je suis pris pour rester ici.

J'ai deux points à soulever, et je vais le faire rapidement. Premièrement, la question d'un environnement plus dynamique est importante, et j'en reviens à mon exemple du hockey. Si une poignée de joueurs vedettes s'en vont au sud de la frontière, cela a une incidence sur les autres joueurs, parce que ceux-ci regardent autour d'eux et se demandent qui a le plus de chances de gagner, avec qui ils voudraient jouer, de quelle équipe ils voudraient faire partie. La perte de joueurs clés a un impact important pour l'environnement de ceux qui restent ou qui pourraient choisir de rester.

Il y a un phénomène que je n'aime pas actuellement, mais qui n'en est pas moins réel, et c'est celui des compagnies canadiennes qui vont chercher leurs gestionnaires aux États-Unis. Elles embauchent des compétences aux États-Unis, mais ces gestionnaires ne viennent pas au Canada, ils restent aux États-Unis. C'est un problème pour nous. De divers points de vue, nous serions en bien meilleure posture si ces gens-là venaient ici, mais l'une des raisons qui les en empêchent, c'est l'écart fiscal. Ce n'est pas la seule raison, mais toutes choses étant égales par ailleurs, cela fait une différence, pour paraphraser les économistes.

Pour revenir à votre première question, je voudrais apporter une petite précision technique. L'exode des cerveaux, un peu comme l'économie souterraine, n'est pas causé par l'écart du taux marginal d'imposition. Ce qui compte, ce n'est pas la proportion du dernier dollar gagné que l'on peut conserver. C'est le fardeau fiscal moyen qui pèse sur la décision de rester ici ou d'aller au sud de la frontière. Combien de dollars aurai-je au total si je m'en vais là-bas? C'est pourquoi il n'est pas nécessaire que nous réduisions le taux marginal d'impôt, du moins pas nécessairement, pour remédier à ce problème. On pourrait continuer d'avoir le même taux marginal d'impôt que nous avons actuellement, mais l'on pourrait abaisser le fardeau fiscal total en abaissant les autres taux d'imposition. Cela aurait un effet sur l'exode des cerveaux, même si le taux marginal ne changeait pas. Cette comparaison est remarquable. Une famille américaine ayant un revenu familial, en dollars canadiens, égal à notre taux marginal maximum, se situerait tout au bas du barème fédéral américain d'imposition. C'est une différence énorme.

• 2035

Le président: Madame Farrow.

Mme Maureen Farrow: En 1969, j'ai quitté l'Angleterre avec mon mari. La raison pour laquelle je suis partie, c'est que le taux d'imposition était plus bas au Canada qu'il ne l'était au Royaume-Uni. Le climat économique général dans lequel je vivais et travaillais était plus négatif au Royaume-Uni. Il y avait des problèmes de relations de travail, le gouvernement était lourdement endetté et l'infrastructure était dégradée. Je pourrais énumérer toute une liste de problèmes. Le FMI est intervenu peu après notre départ.

Nous avons choisi le Canada—ou bien vous nous avez choisis—et ce fut à notre avantage. Nous avons envisagé d'aller en Australie et au Canada, mais le Canada l'a emporté. Le taux d'imposition était intéressant et l'environnement global également—et je dois admettre qu'un billet d'avion pour aller en vacances à la maison coûtait aussi moins cher qu'à partir de l'Australie.

Je pense que mon fils, qui arrive maintenant à l'âge que j'avais quand j'ai quitté l'Angleterre, pourrait jeter le même regard sur le monde. Il pourrait jeter un coup d'oeil et se dire: je suis instruit, où aimerais-je passer ma vie? Cela pourrait chagriner sa mère, mais ce ne serait probablement pas à Toronto, parce que le Canada est un endroit où la vie coûte très cher, et c'est à cause du taux d'imposition.

Je suis donc un exemple vivant des raisons qui poussent les gens à déménager, et je pense que c'est exactement la vision du monde que les gens ont aujourd'hui. Pourquoi ne pourrais-je déménager de nouveau? Je suis trop vieille. J'en suis à la fin de ma carrière, pas au début.

Le président: Monsieur Egelton.

M. Rick Egelton: Je conviens qu'il y a une foule de facteurs qui influent sur les décisions que prennent les gens quand ils se demandent s'ils vont rester ici ou bien s'en aller. La fiscalité est un facteur, et c'est l'un des plus importants, mais je ne voudrais pas avancer l'idée que l'exode des cerveaux est entièrement attribuable à l'écart fiscal. Probablement que les plus importants facteurs, au cours de la décennie actuelle, ont un rapport avec la performance médiocre de notre économie; le déclin du revenu réel au Canada; la performance relativement bonne de l'économie américaine; les possibilités extraordinaires qui s'ouvrent là-bas; et les revenus élevés et en croissance aux États-Unis. Donc, les impôts jouent un rôle important, mais il y a d'autres facteurs, comme la qualité de la vie, l'augmentation des revenus et la force de l'économie et les possibilités qui s'ouvrent, facteurs qui sont d'égale importance.

[Français]

M. Pierre Brien: Je suis d'accord avec vous que notre fardeau fiscal est trop élevé. Il faut toutefois être prudent lorsqu'on on parle de l'exode des cerveaux parce qu'il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Je connais deux personnes qui sont parties aux États-Unis, non pas à cause du taux d'imposition, mais plutôt parce qu'elles avaient de la difficulté à entrer sur le marché du travail, point à la ligne. Il y a donc d'autres facteurs qui entrent en jeu. Nous, du monde politique, ainsi que les autres regardons aussi le système scolaire, le système de santé, etc., lesquels sont également des facteurs qui influent sur la qualité de vie. On ne peut pas baser toutes nos décisions sur le taux marginal ou le taux moyen d'imposition. Je suis d'accord quand vous dites que le taux de taxation est comparativement trop élevé et qu'on doit le réduire, mais il y a quand même une limite qu'il ne faut pas franchir.

[Traduction]

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci.

J'ai envisagé un instant de me lever et d'aller prendre place à l'autre bout de la table la prochaine fois que j'aurai la chance de parler, mais je ne le ferai pas, parce que c'est là que s'assoient nos députés néo-démocrates. Je vais donc tout simplement me contenter de changer de rôle.

Vous savez, ce qui ne va pas au Canada, c'est que les entreprises ne paient tout simplement pas leur juste part d'impôt. Elles s'en tirent à bon compte. Nous devons augmenter les impôts des entreprises.

Maintenant, je reviens à ce bout-ci de la table, et j'entends Mme Farrow dire que ce que nous devons faire, c'est créer un climat favorable aux entreprises et aux investissements. J'entends ensuite M. Robson dire que les sociétés ont certains avantages, mais que le Canada n'est pas un endroit favorable pour les entreprises. Qui dit vrai?

Mme Maureen Farrow: C'est la même chose.

Le président: Si quelqu'un a trouvé la vérité, qu'il veuille bien nous en faire part.

M. Ken Epp: Vous dites que c'est la même chose, mais mes amis néo-démocrates disent que les entreprises ne paient pas leur juste part d'impôt. Si c'était vrai, on pourrait croire que le Canada grouillerait d'entreprises qui viendraient de tous les pays du monde pour s'installer ici.

• 2040

Le président: Bien sûr, nous voulons aussi savoir ce que le Parti réformiste a à dire.

Allez-y, monsieur Robson.

M. William Robson: Excusez-moi si vous m'avez déjà entendu dire cela, mais je travaille dans un domaine où, si quelque chose vaut la peine d'être dit, il vaut la peine de le dire plus d'une fois.

Les sociétés sont des fictions juridiques. Les sociétés ne paient pas d'impôt; les gens paient des impôts. La seule question que vous devez vous poser quand vous percevez une taxe sur une société, c'est qui paie cette taxe et dans quelle proportion? Sont-ce les travailleurs, les consommateurs ou les actionnaires? Je pense que l'hypothèse est habituellement que ce sont les actionnaires. Les actionnaires ont toutefois un plus large éventail de choix que la plupart des travailleurs, de sorte que la plupart des économistes calculent qu'au bout du compte une grande partie de ces impôts sortent de la poche des travailleurs.

Officiellement, notre fardeau fiscal pour les sociétés est élevé. Si l'on examine la composition de ce fardeau, c'est inégal. Si l'on veut étudier cette inégalité du régime fiscal des sociétés, il vaut la peine de jeter un coup d'oeil sur le rapport du Comité Mintz pour voir quels secteurs sont avantagés ou défavorisés par cette discrimination. On peut généraliser en disant que notre fardeau fiscal des sociétés frappe le plus lourdement les secteurs de la nouvelle économie, ceux auxquels nous espérons nous accrocher pour progresser, ceux qui ont tendance à employer des gens très instruits et très qualifiés, les secteurs qui ont tendance à payer de très bons salaires.

Pour ce qui est du fardeau fiscal des sociétés, la question a été soulevée indirectement tout à l'heure à propos du secteur primaire. Dans un certain sens, il semble que nous ayons orienté notre fiscalité de telle façon qu'elle favorise des industries dont les perspectives d'avenir ne sont pas si bonnes. Quand on considère qui paye la part du lion de ce lourd fardeau fiscal, ce sont précisément les secteurs qu'on voudrait aider davantage afin d'assurer notre prospérité.

Mme Maureen Farrow: Il y a également un autre élément à considérer. La nouvelle économie peut s'implanter n'importe où dans le monde, et les sociétés iront donc dans les pays les plus accueillants, qui disposent généralement d'un réservoir de compétences et où elles paieront moins d'impôt.

Je répondrai donc à ce monsieur ou à cette dame qu'il n'est pas très utile, selon moi, d'essayer de soutirer le maximum d'impôt aux sociétés. Il faut réunir des conditions qui inciteront beaucoup plus de sociétés à venir ici créer des emplois, car les travailleurs paieront alors de l'impôt sur le revenu ainsi que la TPS lorsqu'ils dépenseront leur argent. Cela créera un climat beaucoup plus favorable.

M. Ken Epp: Je voudrais que vous soyez le plus précis possible. Que devrait dire Paul Martin dans le budget de février pour permettre au Canada d'attirer davantage chez nous des sociétés qui créeront des emplois?

Le président: Qui désire répondre à cette question?

Monsieur Robson.

M. William Robson: Les entreprises ont généralement mis l'accent sur le problème que représente l'impôt sur le revenu des particuliers. La fiscalité des entreprises est importante, mais c'est la main-d'oeuvre, ce sont les gens qui représentent une proportion considérable des intrants d'une entreprise, et c'est surtout vrai pour certaines entreprises de la nouvelle économie. Quand vous demandez aux gens d'affaires quel est leur problème le plus grave, ils vous disent généralement que c'est l'impôt sur le revenu des particuliers.

Je vous fais donc entendre le même refrain, mais c'est un sérieux problème. C'est sans doute le principal problème aux yeux des gens.

M. Ken Epp: Je voudrais poser une question à M. Egelton, car il a dit que les charges sociales des employeurs n'étaient pas très élevées et qu'aucun changement ne s'imposait de ce côté-là. Je pense au fait que, pour chaque personne qu'elle embauche, une société doit payer la même chose que l'employé pour la cotisation au RPC ainsi que 1,40 $ pour chaque dollar de cotisation d'assurance-emploi. Cet argent est retenu sur la paye de l'employé, ainsi que l'impôt sur le revenu. Chaque mois, toutes les entreprises du pays envoient un énorme chèque au gouvernement et sont pénalisées si le chèque n'est pas reçu pour le 15.

M. Rick Egelton: J'ai dit que les charges sociales des employeurs étaient relativement faibles par rapport à celles de la plupart des autres pays, alors que l'impôt sur le revenu des particuliers est extrêmement élevé. S'il est possible de réduire les impôts, je préférerais qu'on baisse l'impôt sur le revenu des particuliers pour résoudre certains des problèmes dont David a parlé tout à l'heure. C'est ce qui rapportera le plus. Ce n'est sans doute pas une mauvaise chose que d'abaisser les charges sociales, mais elles ne sont pas aussi exagérées que l'impôt sur le revenu des particuliers par rapport à celles de notre principal partenaire commercial.

• 2045

J'en reviens à votre question de tout à l'heure quant à ce que Paul Martin pourrait dire en février. En tant qu'homme d'affaires, je crois que pour stimuler la création d'emplois il faudrait assurer aux Canadiens que le gouvernement ne compte pas augmenter ses dépenses. Cela fait des années qu'on sabre dans les dépenses, et il faudrait maintenir les dépenses de programmes à un bas niveau.

Pour les entreprises canadiennes, cela voudrait dire un allégement de la dette et donc des taux d'imposition moins élevés. Une partie du dividende financier se traduirait ainsi par une baisse d'impôt. C'est ce que les entreprises veulent entendre. C'est le genre de choses qui peut accroître la confiance du milieu des affaires et inciter les entreprises à investir au Canada.

M. David Rosenberg: J'ajouterais qu'il faudrait examiner les enquêtes que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a effectuées l'année dernière. Cet organisme représente les petites entreprises qui sont les principales sources d'emplois au Canada. Elles vous diront que la plus grosse difficulté qu'elles ont eue ces 12 derniers mois était de trouver de la main-d'oeuvre qualifiée. Avec un taux de chômage de plus de 8 p. 100, il est presque criminel qu'on ne puisse pas trouver une bonne main-d'oeuvre au Canada. C'est la principale préoccupation des petites entreprises.

M. Ken Epp: En tant que député, des gens sont venus directement s'en plaindre à mon bureau. Il est très intéressant de constater que le principal problème d'un chef d'entreprise qui est venu me voir, c'est qu'il ne pouvait pas trouver au Canada une personne possédant les compétences requises. Lorsqu'il a voulu faire venir d'Europe un machiniste parfaitement qualifié, le gouvernement a refusé de le laisser venir, par l'entremise du ministère de l'Immigration. Voilà pourquoi ce monsieur est venu dans mon bureau. Ce pauvre chef d'entreprise m'a dit qu'il devrait sans doute aller s'établir en Europe, où il trouverait le personnel compétent. Il se contenterait alors d'expédier son produit au Canada. C'est très intéressant.

Monsieur le président, je vais en rester là pour le moment.

Le président: Merci, monsieur Epp.

[Français]

Monsieur Brien, vous avez une autre question?

M. Pierre Brien: Quelques-uns d'entre vous, particulièrement Mme Farrow, ont fait allusion au fait qu'un engagement à moyen terme serait nécessaire au niveau de la réforme fiscale. Plusieurs d'entre vous ont aussi fait allusion à des engagements que devrait prendre le gouvernement à moyen et à long terme lors de son prochain budget. Vous disiez que les derniers scénarios à court terme étaient très prudents.

Le gouvernement n'aurait-il pas un problème de crédibilité si, lors de son prochain budget, il se donnait un horizon à très long terme, alors qu'on est dans une période d'incertitude ou d'instabilité économique? Quelle crédibilité aurait-il auprès des marchés partout dans le monde s'il faisait des prévisions et des engagements pour les cinq prochaines années, ne sachant pas trop quelle sera la situation au cours des 12 prochains mois?

[Traduction]

Mme Maureen Farrow: Je ne recommanderais pas que le budget prenne des engagements sur cinq ou 10 ans plutôt que deux et prédise quel sera le taux de croissance moyen sur une période aussi longue.

Je l'éviterais pour deux raisons. Premièrement, cela nuirait à la crédibilité du processus budgétaire actuel. Les Canadiens et les marchés financiers lui ont fait confiance, et il serait stupide de risquer cela, surtout en période de grande instabilité.

Nous ne savons pas ce que sera l'avenir. Quand le budget sera présenté en février, nous pourrions connaître la pire récession mondiale que nous ayons jamais eue. Ou nous pourrions être certains d'y avoir échappé. Mais personne ici ne peut prédire ce qui se passera exactement. Par conséquent, pendant que l'on prépare le budget et que l'on doit faire des choix, je crois qu'il faut être très prudent et conservateur dans ses hypothèses économiques.

Je dirais toutefois que le ministre des Finances et le comité pourraient très bien se dire qu'étant donné que les déficits sont derrière nous et que nous avons maintenant des excédents, nous pouvons examiner ce que nous allons faire au cours des 10 prochaines années. Vous pouvez commencer à envisager des choses comme une réforme complète de la fiscalité et certains objectifs. Il n'est pas nécessaire de les énoncer dans le budget, mais ce processus pourrait être mis en branle. Je ne pense pas que vous puissiez passer du court terme au long terme en un budget. Il faut suivre un processus.

Le président: Merci, madame Farrow.

Monsieur Rosenberg.

M. David Rosenberg: Cela va répondre en partie à votre question. Je dois prendre un avion, mais il est une question dont personne n'a parlé: le problème de l'an 2000. Il s'agit d'en parler sérieusement.

• 2050

Il est question des prévisions et du budget du ministère des Finances pour l'an 2000. Il s'agit de prévisions à court terme. Vous avez parfaitement raison de penser que cela va compliquer un tas de choses. La GRC a annoncé qu'elle allait mobiliser ses ressources. Le risque de récession est bien réel. D'importants bouleversements économiques pourraient se produire.

J'espère que l'on va parler de ce que fait le gouvernement sur ce plan. Dans quelle mesure les divers organismes gouvernementaux se sont-ils préparés? Quant à l'industrie, le gouvernement a-t-il une idée générale de son état de préparation et des risques?

J'espère que le budget contiendra une section sur le problème de l'an 2000. Je n'en dirai pas plus. Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Mme Maureen Farrow: Je suis également d'accord. C'est une question qu'il faut régler.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rosenberg.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Monsieur Rosenberg, sachez que je vais recommander vivement que le Canada porte à 29,1 p. 100 son taux marginal d'imposition le plus élevé pour tous les revenus supérieurs à 1 million de dollars. Quant à toutes ces choses dont vous avez parlé, nous allons battre les autres pays. Tout le monde sera content, car les présidents des banques seront les seuls à payer le 0,1 p. 100 supplémentaire.

Des voix: Bravo!

M. Paul Szabo: Mais il faut en revenir à la réalité. J'ai bien aimé les réponses que j'ai entendues ce soir. Je voudrais demander aux uns et aux autres à combien le dividende financier devrait se chiffrer pour l'année en cours.

Mme Maureen Farrow: Vous voulez savoir pour l'année en cours?

M. Paul Szabo: Pour n'importe quelle année. Dites-moi ce que vous en pensez. Quel serait le dividende financier à distribuer aux fins énoncées dans le livre rouge?

M. Rick Egelton: Nous nous attendons à ce que, pour l'exercice en cours et sans doute pour les deux prochaines années, si la politique financière reste la même, autrement dit, s'il n'y a pas de changement dans les taux d'imposition et si les dépenses de programme restent limitées, le dividende financier devrait se chiffrer entre 8 et 10 milliards de dollars.

M. Paul Szabo: Cela comprend les 3 milliards pour éventualités?

M. Rick Egelton: Oui. Si vous soustrayez ce montant, cela donne entre 5 et 8 milliards de dollars.

M. Paul Szabo: Je suppose que les autres prévoient à peu près la même chose.

Mme Maureen Farrow: Oui, en effet.

M. Paul Szabo: D'accord; c'est donc 8 à 10 milliards, en incluant le fonds pour éventualités de 3 milliards.

C'est seulement dans un an que nous le saurons. D'ici là, tout excédent servira à rembourser la dette. Par conséquent, quand allons-nous dépenser ce dividende financier? S'il faut attendre six mois après la fin de l'année pour pouvoir le calculer, quand savoir combien vous pourrez dépenser?

M. Rick Egelton: Il faut établir à l'avance à combien se chiffrera le dividende financier, quelle est la marge d'erreur et dans quelle mesure vous voulez réduire la dette.

Je préférerais de beaucoup une réduction de la dette à un allégement d'impôt. En fin de compte, si le gouvernement se montre trop prudent et réduit la dette de 8 ou 9 milliards, je n'y verrais pas trop d'inconvénient. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Mais vous avez sans doute la possibilité de procéder à une réduction d'impôt de 1,5 à 2 milliards de dollars. Ce n'est pas énorme, et les gens ne vont pas...

M. Paul Szabo: En fait, il faut évaluer le dividende financier et le dépenser avant la fin de l'année; autrement, tout excédent sert à rembourser la dette. C'est un cercle vicieux. Il faut commencer quelque part.

M. William Robson: Je pourrais peut-être dire rapidement qu'à mon avis l'expression «dividende financier» telle qu'elle est employée peut avoir des effets désastreux. C'est un concept très bizarre. Je regrette qu'on ait lancé cette expression.

La seule façon dont je puisse définir le dividende financier est que c'est l'intérêt qu'il n'est plus nécessaire de payer parce que la dette a été réduite. C'est quelque chose de mesurable. Ce n'est pas très spectaculaire, mais si cela permet de financer une réduction d'impôt, c'est une bonne chose.

M. Paul Szabo: Merci. Tout est là.

Mme Maureen Farrow: J'allais dire la même chose.

M. Paul Szabo: J'ai fait un calcul rapide. Si vous gagnez 30t, s000t, s$ par an, votre taux d'imposition effectif est de 25 p. 100, en supposant que le taux provincial soit de 50 p. 100. Par conséquent, 17 p. 100 plus un taux provincial de 50 p. 100 vous donne un taux effectif de 25 p. 100.

Sur les 30t, s000t, s$ suivants, le taux fédéral est de 26 p. 100, en supposant un taux provincial de 50 p. 100. Cela veut dire que votre taux effectif pour les 30 000 $ suivants est de 39 à 40 p. 100. Si vous gagnez 60 000 $, votre taux effectif est donc de 33 p. 100.

• 2055

Si vous gagnez 90 000 $ par an, les derniers 30 000 $ que vous gagnez sont imposés au taux marginal le plus élevé, 29 p. 100 plus 50 p. 100 pour le taux provincial, ce qui vous donne un taux marginal de 45 p. 100. C'est à supposer que le taux provincial soit de 50 p. 100. Votre taux effectif pour un revenu annuel de 90 000 $ est de 37 p. 100. Par conséquent, si le taux effectif intermédiaire est de 33 p. 100, pour 90 000 $ il est seulement de 7 p. 100.

Si le taux effectif pour le niveau de revenu le plus élevé était ramené à celui du niveau intermédiaire, cela donnerait une différence de 4 p. 100 entre le contribuable qui gagne 60 000 $ par an et celui qui a un revenu de 90 000 $. Pour 90 000 $ par an, un taux effectif de 4 p. 100 représente 3 600 $.

Je pense avoir démontré que je suis d'accord avec Mme Farrow au sujet de la réforme fiscale. Je ne suis pas d'accord avec les autres, car les taux marginaux les plus élevés n'ont pas beaucoup d'importance si vous considérez que la différence dans le taux effectif n'est que de 4 p. 100, soit environ 3 600 $ sur un revenu annuel de 90 000 $. Même si j'alignais le taux maximum sur le taux intermédiaire, ces 3 600 $ ne seraient pas suffisants pour changer votre situation économique et l'attrait des États-Unis, simplement parce que les soins de santé coûteraient plus que 3 600 $ par an. C'est donc discutable. Nous ne pouvons pas abaisser suffisamment le taux marginal pour contrer l'exode des cerveaux.

Vous avez tous dit, je crois, chacun à votre façon, que ce n'était pas seulement une question de taux d'imposition. Il y a aussi le salaire que les Américains sont prêts à verser. Si vous tenez compte du fait que 10 p. 100 seulement des Canadiens gagnent plus de 60 000 $ par an et si vous comparez ce pourcentage à la situation aux États-Unis, vous verrez que même s'il y a ces taux d'imposition élevés, cela représente un nombre minuscule de contribuables par rapport à l'ensemble de la population. En réalité, la majorité des Canadiens ne gagnent pas plus de 60 000 $ par an. Comme l'a dit Mme Farrow, je crois qu'il vaut mieux ne pas toucher la Loi de l'impôt sur le revenu.

Il faut régler les questions d'équité, car il faut que les Canadiens aient le sentiment que la Loi de l'impôt sur le revenu est juste et équitable. Il y a toutefois un problème, en ce sens que, comme Mintz l'a constaté, si les recettes doivent rester au même niveau, vous ne faites que transférer le fardeau d'un groupe à l'autre. Ce n'est pas une réforme fiscale. Mintz m'a beaucoup déçu parce que sa réforme fiscale ne prévoyait pas une répartition juste et équitable de l'impôt entre les sociétés et les particuliers.

Nous n'avons pas de véritable point de départ. J'estime que les Canadiens doivent juger que le régime fiscal est juste et équitable et doivent pouvoir l'accepter et le comprendre. Cela peut signifier un transfert du fardeau fiscal d'un groupe à l'autre, à moins de pouvoir dire que tout le monde obtiendra sa part du dividende financier, mais que certains obtiendront plus que les autres, simplement pour rendre le système plus juste.

Ma véritable question est donc la suivante. La réforme de l'impôt sur le revenu pourrait prendre un certain temps. C'était le cas la dernière fois, bien que la Nouvelle-Zélande l'ait réalisée en deux ans. Devons-nous le faire...

Mme Maureen Farrow: Il ne faut pas nécessairement beaucoup de temps.

M. Paul Szabo: Si nous ne pouvons pas y arriver en réduisant les taux, si nous ne pouvons pas parvenir à mettre fin à l'exode des cerveaux et à éliminer toutes les autres conséquences négatives des impôts sur le revenu élevés, et si nous ne pouvons pas y parvenir en faisant quelques retouches ici et là, comme vous le dites, recommandez-vous au Comité des finances ou au ministre des Finances d'entreprendre une réforme de l'impôt sur le revenu qui remettrait en pratique des principes fondamentaux de fiscalité que les Canadiens pourront accepter, afin de pouvoir parvenir au but que nous recherchons?

Mme Maureen Farrow: Oui. C'est ce que j'ai dit au début. Je ne pense cependant pas qu'il faut seulement une réforme de l'impôt sur le revenu; je pense qu'il faut regarder le total des impôts et taxes prélevés par le gouvernement. Il faut examiner le tout.

M. Paul Szabo: Pourrais-je vous donner un exemple? L'exemption à vie pour gains en capital, qui était de 100 000 $, n'a été préservée pour personne. Elle était disponible pour les gains de détention. Le jour où cette mesure a été instaurée, si vous déteniez déjà 100 000 $, vous obteniez instantanément... Ce fut la plus grosse erreur jamais commise. Mais savez-vous quoi? Cette mesure a été le dégrèvement fiscal le plus important jamais accordé aux Canadiens dans toute l'histoire du pays.

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Pour ceux qui avaient des gains de détention ou pouvaient les accumuler pendant leur vie, cette mesure valait un dégrèvement fiscal de 50 000 $. Quelqu'un qui gagnait 30 000 $ par année, ou même 60 000 $ par année, n'a pas pu profiter de ce dégrèvement fiscal de 50 000 $. Il était plutôt difficile pour eux d'accumuler un gain en capital de 100 000 $. Il fallait avoir un revenu élevé.

Cela signifie que les gens à revenu élevé ont obtenu un dégrèvement fiscal qui, amorti sur un nombre raisonnable d'années, leur donnait probablement un taux effectif d'imposition inférieur à celui de Canadiens à faible revenu et de Canadiens à revenu moyen, ou du moins de Canadiens de la classe moyenne, simplement à cause de l'existence de ce dégrèvement spécial tellement mal conçu.

J'ai été vraiment consterné par l'adoption de cette mesure. Et ensuite, quand on a voulu s'en débarrasser, il y a eu évidemment la question des droits acquis, et il y a beaucoup de gens qui en profitent encore.

Nous ne nous en somme pas débarrassés, et personne n'en tient compte en comparant les taux effectifs d'imposition des Canadiens, alors que nous avions en réalité l'un des dégrèvements fiscaux les plus importants, qui, sur plusieurs années, réduirait le taux d'imposition effectif à un niveau bien inférieur à ceux que vous avez présentés. Je pense que vous êtes injustes en disant que les personnes à revenu élevé sont surtaxées, alors qu'en réalité un grand nombre d'entre elles ont pu profiter d'un dégrèvement qui n'était pas à la disposition d'autres Canadiens.

Le président: L'un des témoins veut-il ajouter des observations?

Monsieur Egelton.

M. Rick Egelton: Je pense qu'en ce qui concerne la question des impôts excessifs il faut nous situer dans le bon contexte. Quiconque paie des impôts estime qu'il est surtaxé, à mon avis. Je pense que ce terme «surtaxé» vient de ce que nous faisons une comparaison avec ce que paient des gens à revenu semblable aux États-Unis. Ils paient beaucoup moins, et il devient de plus en plus difficile d'attirer de telles personnes ici.

Vous avez présenté d'excellents arguments, à mon avis, mais il y a deux choses qui sont très claires, je pense. Premièrement, au Canada, les impôts sont trop élevés à presque tous les niveaux de revenu, et les impôts des sociétés, comme Jack Mintz l'a signalé, sont trop élevés comparativement à ce qui se fait chez nos principaux partenaires commerciaux. Je pense que s'il n'est pas question d'apporter des réductions majeures d'impôt, le problème de la réforme fiscale vient de ce qu'on déplace simplement le fardeau fiscal et qu'on se retrouve avec de grands gagnants et de grands perdants. Chaque fois qu'on essaie de procéder ainsi, cela ne fonctionne jamais.

La seule façon d'effectuer une réforme fiscale raisonnable, je pense, étant donné les questions de politique qui entrent en jeu, c'est de l'accompagner d'une réduction importante d'impôt, afin qu'il y ait des gagnants et pas de perdants.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier beaucoup, monsieur Egelton, madame Farrow et monsieur Robson.

Mme Maureen Farrow: Il y a une chose dont nous n'avons pas discuté et que nous devrions aborder, à mon avis. L'un des thèmes des derniers budgets était qu'il fallait porter plus d'attention, en tant que Canadiens, aux enfants, au groupe d'âge de zéro à cinq ans. Je tiens à souligner qu'il est extrêmement important de ne pas négliger ce groupe de notre société.

Il représente l'avenir. Il est très important de s'assurer que les enfants auront accès à une bonne instruction—nous n'avons pas le bon système d'éducation pour les enfants de zéro à cinq ans—, à de bons soins de santé, à une bonne alimentation, etc. Je tiens à m'assurer... Aucun d'entre nous n'en a parlé; cela ne figurait pas vraiment parmi les sujets dont on nous avait demandé de discuter aujourd'hui. Je tiens cependant à rappeler aux membres du comité qu'il ne faut pas laisser tomber cette initiative et qu'il faut en fait l'améliorer.

Le président: Je vous remercie de ces dernières observations. Encore une fois, merci beaucoup.

Nous nous réunirons de nouveau dans la même salle à 9 heures.

La séance est levée.