FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 4 novembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je voudrais ouvrir la séance et souhaiter à tous la bienvenue ici cet après-midi.
Comme vous le savez, le Comité des finances étudie actuellement le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers, que bien des gens connaissent sous le nom de rapport MacKay.
Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi des représentants de Canada Trust, de SNC-Lavalin Inc., de Pixie Bigelow Productions Inc., du Conseil canadien du commerce de détail et de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs.
Comme vous le savez, vous disposez d'environ cinq à sept minutes pour faire votre déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons des questions.
Nous allons commencer par Canada Trust. Edmund Clark en est le président. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Edmund Clark (président, Canada Trust): Merci. Nous avons présenté un mémoire écrit, que je vais survoler. Dans les premières pages, il est question du rôle que nous jouons actuellement dans le secteur des services financiers.
Je vais vous parler un peu de certaines des recommandations du rapport MacKay concernant la propriété et la réglementation, sur lesquelles je crois important de s'arrêter. Je dirai aussi quelques mots de la proposition qui consiste à nous permettre, ainsi qu'à la Banque Nationale, de commencer à vendre de l'assurance.
Comme cela semble être la question qui intéresse le plus les gens, je vais vous lire certaines de nos observations, à compter de la page 5. Je ne sais pas si les membres du comité ont reçu le document sur les fusions bancaires. J'ai l'impression de passer la majeure partie de ma vie à répondre à des questions sur ce sujet. Cela figure à la page 4 de votre texte.
Nous sommes d'accord avec l'importance qu'accorde le rapport à un secteur financier gravitant autour d'un groupe d'établissements solides détenus par des intérêts canadiens. Je crois que nous reconnaissons la force de la vague de consolidation qui déferle sur tous les secteurs, mais certainement sur le secteur des services financiers.
Nous croyons que d'autres regroupements sont inévitables au Canada et que le maintien d'institutions canadiennes solides est dans l'intérêt public. Nous n'avons pas d'objection en principe à ce que des entreprises canadiennes suivent cette tendance, à condition toutefois que les fusions ne réduisent pas indûment la concurrence sur le marché national. Nous pensons que certaines conditions s'imposent pour, d'une part, permettre aux parties aux projets de fusion de poursuivre leur stratégie et, d'autre part, assurer aux Canadiens un niveau de concurrence et un choix raisonnables.
Permettez-moi d'examiner rapidement le contexte concurrentiel au Canada. Le rapport MacKay cherche à favoriser les coopératives de crédit et les caisses populaires, de même que les petits établissements, qui sont actuellement une source de concurrence pour les banques dans certaines régions, notamment au Québec et dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique.
Avec le temps, ces établissements pourraient devenir de sérieux concurrents pour les banques. Mais on ne peut encore présumer de rien, considérant la taille de ces établissements et l'éventail limité de leurs produits, et compte tenu aussi de leur structure, qui ne leur permet pas encore de relever un tel défi. Comme institution non bancaire, nous souhaitons leur maintien, mais nous pensons en même temps qu'il serait malavisé pour nos décideurs de penser qu'à court terme ces établissements pourront offrir une concurrence solide aux banques dans toutes les régions.
Le rapport mise aussi beaucoup sur les banques étrangères pour assurer l'équilibre concurrentiel sur le marché national. Or, nous ne pensons pas qu'elles menacent véritablement le coeur des services bancaires aux particuliers, c'est-à-dire le marché des comptes à vue, où la prédominance des banques est plus marquée.
Le groupe de travail et les décideurs qui l'ont précédé, en remontant aussi loin qu'à la révision de la Loi sur les banques de 1980, ont pensé que si les structures étaient en place pour les accueillir, les banques étrangères viendraient s'établir. Or, ce n'est toujours pas le cas, et il semble de plus en plus évident que leur degré d'engagement et de continuité devra être pris en compte dans les décisions de politique publique fondamentales quant à la structure de notre secteur des services financiers national.
À l'exception de la Banque Hongkong du Canada, aucune banque étrangère ne s'est encore vraiment taillé une place sur le marché canadien des services aux particuliers. La véritable présence des concurrents étrangers se fera sentir dans certains sous-secteurs comme les cartes de crédit, les fonds communs de placement et certains services à la petite entreprise. MBNA, Capital One, Wells Fargo, ING et d'autres consolident discrètement leur position dans certaines gammes de produits par du publipostage et de la prospection par téléphone. Aucune de ces entreprises n'a toutefois démontré une volonté de s'établir au Canada en se dotant d'un réseau de succursales.
On ne saurait pourtant nier l'importance des succursales. D'ailleurs, à cet égard nous réfutons totalement l'hypothèse de certains commentateurs selon laquelle l'électronique et les autres canaux de distribution tendraient à faire disparaître les succursales. Notre expérience nous indique le contraire, et nous sommes bien placés pour en juger. En effet, toutes proportions gardées, le nombre de clients des services bancaires par Internet de Canada Trust est supérieur à celui de beaucoup de banques. Selon notre expérience, nos clients perçoivent les services bancaires électroniques comme un complément aux opérations en succursale. À cet effet, il est intéressant de noter que le client de nos services bancaires électroniques utilise davantage notre système de succursales que notre client moyen. C'est un fait étonnant.
• 1540
La proximité de la succursale revêt une importance capitale
pour les services bancaires essentiels et le crédit aux
travailleurs indépendants. Essentiellement, c'est à partir des
succursales que les banques attirent de nouveaux clients. Les deux
tiers de nos clients résident à l'intérieur d'un rayon de six
kilomètres de leur succursale. Fait intéressant, Schwab, une
entreprise américaine de distribution directe réputée pour les
services de courtage notamment, a décidé d'étendre son réseau de
succursales de services aux particuliers, une mesure jugée
essentielle pour l'expansion de sa clientèle.
Les parties aux projets de fusion affirment que la concurrence étrangère est réelle et importante. Elle l'est en effet, et Canada Trust prend la chose très au sérieux. Mais en même temps on ne saurait prétendre que cette concurrence étrangère s'exerce déjà ou qu'elle sera bientôt appréciable et permanente au point de nous obliger à prendre des décisions de politique publique à cet égard.
Compte tenu de tous ces facteurs, nous pensons que la meilleure façon pour les décideurs d'évaluer l'impact des fusions proposées est d'observer les participants actuels et en particulier ceux qui en raison de leur expérience sur le plan de l'exploitation, de leurs assises financières et de leur potentiel de synergie sont susceptibles d'exercer une concurrence efficace à l'échelle nationale.
Voyons maintenant, selon le cadre que nous proposons, à quelles conditions les fusions pourraient être approuvées. Les mégabanques élimineraient deux concurrents nationaux. Or, les deux devancent largement les autres concurrents en termes de taille, à l'exception de la Banque Scotia. Aussi, dans le cas où un consommateur déciderait de rompre ses liens avec une succursale d'une mégabanque soit parce qu'on lui a refusé un prêt, soit parce qu'il est insatisfait, nous pensons qu'il ne devrait pas être pénalisé par un choix trop limité en raison du nombre restreint d'établissements financiers nationaux. Donc, dans la mesure du possible, la politique publique devrait chercher à remplacer les concurrents ainsi éliminés, compte tenu de leur importance dans le contexte concurrentiel actuel. Nous pensons aussi que les établissements non touchés par les fusions devraient être de taille comparable, toujours dans la mesure du possible.
Une fois connus les participants et l'objectif de la politique, comment le gouvernement peut-il respecter cet objectif dans l'éventualité où les fusions se réalisent?
Nous pensons que l'une des conditions est que les banques fusionnées acceptent de renoncer à une proportion considérable de leurs clients et des éléments d'actif et de passif qui y sont associés pour éviter que certaines d'entre elles n'exercent une dominance indue sur le marché pour n'importe lequel de leurs principaux produits. Ces éléments d'actif comprennent l'ensemble des services bancaires aux particuliers, et non pas seulement certains produits, les cartes de crédit, les services de courtage, et cela dans des marchés locaux et nationaux bien définis.
Des doutes ont été soulevés quant à l'efficacité de tels dessaisissements. Les clients y consentiront-ils? Seront-ils intégrés par l'acquéreur ou au contraire tentés de revenir à leur ancienne banque? Bien que cette technique soit largement utilisée aux États-Unis depuis un certain temps déjà, personne ne peut prédire comment elle fonctionnera au Canada. Nous avons étudié cette question et serions disposés à participer en tant qu'acquéreur, selon certaines conditions qui à notre avis permettraient d'atténuer ces préoccupations tout à fait légitimes. D'autres pourraient certainement être intéressés aussi.
Mais exactement quelle part de marché serait jugée acceptable pour les banques fusionnées dans un marché parfaitement concurrentiel?
D'après le Bureau de la concurrence, elle devrait se situer entre 35 p. 100 et 65 p. 100. Ces limites sont évidemment arbitraires, et le Bureau de la concurrence pourrait déterminer s'il convient de les relever ou de les abaisser pour les marchés locaux. De fait, un document préparé pour le groupe de travail MacKay suggère que le Bureau de la concurrence impose aux banques fusionnées un plafond de 25 p. 100 dans certains marchés, comme on l'avait fait dans le cas de la fusion entre la Compagnie pétrolière impériale et Texaco.
En supposant que ces dessaisissements soient réalisables d'un point de vue commercial, comment faudrait-il procéder pour réduire l'impact des fusions sur la concurrence et sur le choix des consommateurs?
Nous pensons que les dessaisissements devraient être considérables et non seulement limiter la part de marché accordée aux parties aux projets de fusion, mais tenir compte également de la taille et de l'envergure de l'acheteur, après la transaction. L'objectif de politique publique poursuivi ne sera atteint que dans la mesure où la taille et l'envergure de l'acheteur après la transaction lui permettent d'exercer une concurrence efficace et d'offrir un choix aux consommateurs et aux petites entreprises. En fait, il faut remplacer les concurrents disparus.
Si le gouvernement craint une concentration excessive à la suite des fusions, il devrait chercher une solution structurelle (par exemple les dessaisissements) au lieu d'essayer de réglementer les prix et les autres conditions dans lesquelles nous exerçons nos activités, et ce faisant imposer des coûts à l'ensemble des établissements concurrents. Nous comprenons et appuyons la volonté de protéger le consommateur, mais on ne peut nous demander de réduire ou de geler les prix si nous ne pouvons nous aussi tirer certains avantages des fusions. La seule façon d'abaisser les prix est d'assurer une concurrence efficace. Plus on imposera de conditions dans le cadre du processus d'approbation de la fusion, notamment une réduction des prix, plus les nouveaux partenaires seront incités à se dessaisir de certains éléments d'actif, rendant ainsi les règles du jeu plus équitables.
• 1545
Il faut arriver à un équilibre entre les sociétés regroupées
et celles qui ne le sont pas pour éviter une nette dominance des
banques fusionnées sur le marché. Toutefois, si le gouvernement
souhaite imposer des conditions comme garanties d'emploi, des
exigences de réinvestissement dans la collectivité ou encore des
garanties en matière de prêt à la petite entreprise, nous pensons
que ces conditions devraient viser uniquement les sociétés
fusionnées et non l'ensemble du secteur. Il faut faire une
distinction entre les conditions et la politique générale.
Bref, le rapport MacKay est bien documenté et rédigé. Toutefois, certains aspects nous préoccupent. Entre autres, nous craignons une concentration excessive, dont on tenterait ensuite d'atténuer les effets par une surréglementation. Nous avons soumis quelques suggestions qui permettraient de poursuivre le processus de consolidation tout en maintenant un secteur bancaire sain et concurrentiel et en respectant l'esprit du rapport MacKay, à savoir servir les intérêts des consommateurs en favorisant la concurrence et la liberté de choix.
Maintenant je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Clark.
Maintenant nous accueillons, du Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction, M. Stephen Johns.
M. Stephen J. Johns (président, Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction): Merci, monsieur le président.
Au nom du Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction, le CCDMC, j'aimerais tout d'abord vous dire à quel point nous sommes heureux d'avoir été invités à comparaître ici cet après-midi.
La question à l'étude intéresse au plus haut point les membres du CCDMC, compte tenu de leur grande dépendance par rapport aux banques et du grand nombre de magasins appartenant à nos membres qui sont situés dans les petites localités. Manifestement, nos membres accordent une grande importance au réseau de succursales qui leur fournit un service accessible et personnel. En outre, ce qui est un facteur d'amplification, nos membres se retrouvent souvent dans un rôle de quasi-banque pour le compte de leurs clients entrepreneurs.
Le CCDMC, organisation cadre, parle au nom des cinq associations provinciales et régionales qui représentent les détaillants de matériaux de construction, soit l'industrie des matériaux de construction. Les organisations en question et la démographie de notre industrie sont présentées dans les premiers paragraphes du résumé de notre mémoire. Le conseil a travaillé avec diligence afin de s'assurer que notre mémoire avait l'appui global de notre industrie, et je serais heureux d'expliquer comment nous avons mené nos efforts pour en venir à un consensus, si vous le souhaitez.
Nous vous avons fourni la version anglaise de notre mémoire, le document à couverture bleue. Nous savons que nous aurions également dû vous fournir aujourd'hui la version française, mais malheureusement la très courte période dont nous disposions après votre invitation ne nous a pas permis de faire la traduction nécessaire. Veuillez nous en excuser.
J'attire tout particulièrement votre attention sur le résumé de notre mémoire et sur l'annexe A, où figurent nos recommandations. Vous trouverez également à l'annexe B des lettres d'appui de plusieurs autres associations d'entreprises.
J'aimerais maintenant aborder brièvement les principaux thèmes de notre mémoire.
Tout d'abord, notre mémoire porte essentiellement sur le fusionnement proposé des banques. Nous exhortons le gouvernement à faire preuve d'une diligence raisonnable considérable. Comme le fait remarquer, à juste titre, le groupe de travail MacKay, une fois le fusionnement d'une banque autorisé, impossible de faire marche arrière. Un élément important du processus de diligence raisonnable ressort de la recommandation du groupe de travail voulant que le ministre des Finances demande des évaluations de l'incidence sur l'intérêt public de chaque promoteur d'un fusionnement. Le conseil recommande clairement que l'on entreprenne cette démarche.
Le conseil fait état, dans son mémoire, de son appui aux recommandations du groupe de travail visant à créer un climat de concurrence accrue dans le secteur des services financiers. Le cadre législatif d'une telle concurrence devrait être mis en place avant le fusionnement d'une banque. Nous faisons état dans notre mémoire de notre crainte en ce qui concerne le rythme où pourrait se produire vraiment un accroissement de la concurrence dans les services financiers. Par exemple, nous nous demandons si les coopératives de crédit peuvent assumer rapidement un plus grand rôle, comme l'espère le groupe de travail.
Parce que les membres de nos associations constituantes sont, en grande majorité, de petites et moyennes entreprises, ils attachent une grande priorité à la capacité des institutions financières canadiennes de répondre à leurs besoins en matière d'emprunt. Dans notre mémoire, nous soulignons que le comité permanent détient le rôle important d'assurer qu'on ne néglige pas nos besoins alors qu'évolue la structure des institutions financières canadiennes. En outre, nous demandons l'appui du comité permanent afin de s'assurer que les prêteurs n'abusent pas du processus de tarification en fonction du risque des emprunts.
Nous préconisons également dans notre mémoire d'accorder aux associations industrielles un rôle important dans l'élaboration des profils d'évaluation par points des entreprises dans leurs secteurs et les activités de cueillette de données que le groupe de travail recommande de confier à Statistique Canada et à Industrie Canada.
• 1550
Enfin, dans notre mémoire, nous appuyons fortement l'idée de
nommer un ombudsman fédéral des services financiers, d'une personne
qui fonctionnerait à l'extérieur du régime actuel des ombudsmans de
banques.
Encore une fois, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître ici aujourd'hui. J'ai hâte de participer à la discussion qui suivra et d'entendre vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Johns.
Maintenant, nous entendrons SNC-Lavalin, M. Robert Racine, à qui je souhaite la bienvenue.
[Français]
M. Jacques Lamarre (président et chef de la direction, SNC-Lavalin Inc.): Membres du comité, à titre de président et chef de la direction de SNC-Lavalin, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous adresser la parole et de vous faire part de notre point de vue sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada.
Notre présentation, quoique brève, présente un aspect nouveau qui n'a pas été présenté jusqu'à maintenant devant le comité et qui est très important pour l'industrie de l'exportation au Canada.
Je m'adresserai aux membres du comité en français et en anglais.
[Traduction]
Pour commencer, j'aimerais dire quelques mots au sujet de SNC-Lavalin afin que tous comprennent qui nous sommes. Nous sommes la plus vaste entreprise de génie et construction au Canada et nous sommes parmi les plus importantes dans le monde. Nous avons travaillé à des milliers de projets, partout dans le monde. Nous avons des bureaux dans tout le Canada et dans 30 autres pays. Nous comptons 7 000 employés qui travaillent actuellement dans 90 pays. En 1997, près de 60 p. 100 de nos recettes ont été produites à l'étranger. Nous possédons de l'expérience dans les domaines de l'énergie, de l'exploitation minière, de la métallurgie et des systèmes de transport en commun par train léger sur rail, de l'exploitation du pétrole et du gaz, des produits pétrochimiques, de l'agroalimentaire et des produits pharmaceutiques. Nous offrons notre expertise par le truchement de contrats ordinaires de génie, d'approvisionnement et de construction et d'ententes forfaitaires clés en main et de type concession.
Parce que la plupart de ces projets sont effectués à l'extérieur du Canada, il nous faut pour la plupart les financer. Parfois, ce financement revêt une importance presque aussi grande que les aspects techniques de ces projets. Afin de réunir ce financement, il nous faut un réseau bancaire canadien plus solide afin de nous permettre de maintenir notre compétitivité et notre réussite sur les marchés mondiaux.
J'aimerais vous donner un exemple qui ne figure pas dans notre mémoire. Je pense que c'est très important, et donc je prendrai deux minutes pour présenter un dossier réel, ce qui devrait vous aider à comprendre l'importance de ce que j'ai à vous dire aujourd'hui.
Il s'agit d'un projet effectué en 1993-1994, soit il y a quatre ans, dans un passé assez récent. Il s'agissait d'un projet de 600 millions de dollars à Ankara, en Turquie. Le moment venu d'établir le projet, nous nous sommes retrouvés dans l'impossibilité de trouver une banque chef de file au Canada. Nous sommes allés à Londres, où nous avons trouvé une telle banque. Cette banque chef de file à Londres a réussi à trouver quinze autres banques internationales disposées à faire partie du syndicat. Toutefois, on nous a dit qu'il fallait au moins une banque canadienne qui nous connaissait et qui soit notre associée afin d'appuyer la demande, afin de confirmer au moins que nous étions une entreprise canadienne bien connue. On a dit que ce serait bien pour toutes les autres banques internationales s'il y avait une telle banque canadienne. Nous sommes allés voir les six banques, mais toutes nous ont dit ne pas vouloir faire partie de ce financement. Nous sommes retournés à la banque chef de file à Londres, où on nous a dit d'essayer encore. Cela s'est produit deux ou trois fois.
Finalement, nous avons trouvé une banque. Pour ce faire, il nous a fallu exercer beaucoup de pression, donner des engagements de tous genres, toutes sortes de garanties. Finalement, nous avons réussi à inclure le nom d'une banque canadienne dans le syndicat. Nous avons pu alors signer ce contrat de 600 millions de dollars, un contrat d'une grande valeur pour nous. Le projet tire maintenant à sa fin, et c'est un grand succès.
À l'heure actuelle, les banques canadiennes ne possèdent pas la compétence voulue, ni la capacité de nous accompagner dans nos activités à l'étranger. Elles ne possèdent pas les connaissances internationales nécessaires. Elles possèdent peut-être quelques succursales en Floride ou dans d'autres endroits, et elles possèdent peut-être des connaissances précises sur quelques marchés locaux ailleurs dans le monde, mais elles ne comprennent pas le marché mondial lorsque vient le moment de réunir le financement.
• 1555
Au Canada, à l'heure actuelle, les exportations représentent
50 p. 100 de notre PIB et sont destinées aux États-Unis à
80 p. 100. Si nous voulons aller ailleurs qu'aux États-Unis, à
l'extérieur de l'Amérique du Nord, ce qui serait plus sûr—et
normal—il nous faut avoir le financement voulu. À l'heure
actuelle, le réseau bancaire canadien ne peut pas nous fournir ce
genre de financement.
Lorsque SNC-Lavalin s'est constituée en 1991, nous ne possédions pas un réseau international très solide qui nous aurait permis d'assumer le coût de ce genre d'entreprise. De mon point de vue, si nous laissons les banques se fusionner, elles atteindront la taille nécessaire pour acquérir ce genre d'expertise. Elles auront la taille nécessaire pour supporter les coûts que cela suppose. Elles seront en mesure de devenir des arrangeurs et des chefs de file. Lorsque vous êtes arrangeur, et donc chef de file, cela entraîne tous les autres secteurs nécessaires. On a ainsi les conseillers juridiques, les comptables, et le reste. Dans notre cas, nous avons dû retenir les services de ces spécialistes à Londres, parce que la banque chef de file nous a dit qu'elle souhaitait travailler avec des personnes qu'elle connaissait. Je dirais donc que nous n'avons presque pas le choix: laissons les banques s'organiser.
Avant de conclure, j'aimerais peut-être aborder un autre aspect. Nous avons la SEE. Celle-ci finance 85 p. 100 du contenu canadien. Afin de financer les autres 15 p. 100, les produits venant d'ailleurs, les coûts locaux, il faut s'adresser à une banque commerciale. La SEE est dans l'impossibilité de le faire à cause de son mandat qui la force à ne financer que le contenu canadien d'un contrat. Pour nous, donc, c'est un aspect très important du secteur financier, quelque chose qu'il faudra examiner dans un avenir rapproché.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Racine, voulez-vous ajouter quelque chose? Non? Parfait.
Maintenant, les Productions Pixie Bigelow. Mme Bigelow est présidente et documentariste.
Mme Pixie Bigelow (présidente et documentariste, Pixie Bigelow Productions Inc.): Merci beaucoup.
Je suis Canadienne et fière de l'être, une mère, une ancienne enseignante du secondaire, une comédienne professionnelle, et je suis présidente et propriétaire de ma propre société de production, qui se spécialise dans les films documentaires portant sur des questions sociales canadiennes. Je suis ici aujourd'hui pour appuyer le rapport MacKay et le fusionnement des banques.
Notre plus récent documentaire, dont je vous ai laissé copie, s'intitule Women Entrepreneurs: Making A Difference. La première a eu lieu à l'heure de pointe au Canada, et ce film a été acclamé à la Conférence mondiale des femmes entrepreneures et à l'ambassade du Canada à Washington. Ce documentaire vante les réalisations des femmes entrepreneures, mais révèle également l'identité unique des femmes, la façon unique dont elles mènent leurs propres affaires, fondée sur leurs propres valeurs et leurs propres préoccupations.
Qui a financé cette recherche, la production et la distribution à des fins pédagogiques? Ce sont les sociétés canadiennes et le gouvernement du Canada. Qui a été mon principal commanditaire? La Banque Royale du Canada. Pour quelle raison? Eh bien, les femmes possèdent 30 p. 100 de toutes les entreprises au Canada. Le nombre de femmes entrepreneures augmente deux fois plus vite que pour les hommes. Les entreprises appartenant à des femmes et dirigées par elles fournissent 1,7 million d'emplois, contre 1,5 million pour les 100 principales entreprises du Canada. Il s'agit donc d'un marché important.
Je dois admettre que, dans le passé, les banques faisaient peu de cas des femmes. Leurs prêts d'entreprise devaient en général être cosignés par leur mari—et je peux vous raconter toutes sortes d'histoires d'horreur—mais les banques ont changé d'attitude depuis, car elles ont compris que les femmes ont une influence énorme sur l'économie locale.
À l'heure actuelle, nous faisons des recherches, nous préparons et nous produisons un documentaire sur les jeunes entrepreneurs qui doit être diffusé par le réseau de télévision Global à une heure de grande écoute. Il s'intitule Young Entrepreneurs: Making It Happen. Étant donné que le taux de chômage des jeunes est de l'ordre de 16,5 à 17,5 p. 100 à cause des compressions effectuées par les sociétés et par le gouvernement, les jeunes Canadiens ont été obligés de créer leurs propres emplois et de se prendre en main pour l'avenir.
• 1600
Notre principal commanditaire, je le répète, est la Banque
Royale du Canada, et c'est parce que les banques comprennent que la
création d'entreprises et le travail indépendant constituent une
profession de choix pour les jeunes Canadiens.
Je suis aussi une femme entrepreneure et j'aime faire concurrence aux hommes sur un pied d'égalité. J'aime que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Et merci beaucoup, parce que grâce à la concurrence mes notes de téléphone, mes appels interurbains ont diminué.
Mais d'après ce que je sais, les banques aux États-Unis ne sont pas aussi réglementées que les banques canadiennes, et je ne comprends pas comment le gouvernement peut en fait réglementer une banque alors qu'un si grand nombre de transactions d'affaires et d'offres de prêts se font par téléphone et par les moyens électroniques. La technologie exige une évolution de la part des banques.
Ce qui me préoccupe, c'est que si l'on interdit aux banques de fusionner, mais qu'on leur demande de tenir leurs engagements, elles vont tout simplement cesser d'offrir leurs services aux secteurs les moins rentables, aux secteurs comme le marché des jeunes, des petites entreprises et des entrepreneurs, pour se concentrer sur les activités rentables comme les gens bien nantis ou ceux qui contractent une hypothèque importante ou les grosses entreprises. Je sais que la Banque de Montréal et la Banque Royale du Canada sont les principales institutions de prêt aux petites entreprises canadiennes.
Je ne suis pas ici pour parler de questions financières—je ne suis pas experte en la matière—mais il me semble logique qu'une fusion signifie une augmentation du capital disponible, et que cela devrait permettre aux banques d'offrir plus de services et de financer plus de projets en partenariat, comme des documentaires sur l'entrepreneuriat au Canada.
C'est pourquoi je vous demande instamment de profiter de l'occasion pour appuyer les fusions bancaires lorsqu'elles se sont engagées publiquement à créer une nouvelle banque pour la petite entreprise dotée d'un personnel ayant reçu une formation particulière et se composant de 2 500 directeurs de comptes spécialisés. Il est très important de pouvoir compter sur des directeurs de comptes spécialisés qui ont reçu la formation nécessaire et ont l'expérience voulue pour s'occuper de jeunes entrepreneurs, des directeurs de comptes qui comprennent la petite entreprise, qui comprennent les entrepreneurs, qui comprennent le contexte de l'entreprise et qui comprennent la culture des jeunes entrepreneurs. Il importe également de disposer de banques qui ne se contentent pas d'accorder des prêts en fonction d'avoirs matériels, mais qui sont également en mesure d'investir dans les idées des gens.
Les entrepreneurs ont vraiment besoin de ressources financières. Trop souvent, nos jeunes entrepreneurs sont repoussés par les banques canadiennes, car ils n'ont pas d'actifs matériels à fournir en garantie, et trop souvent les directeurs de comptes ne savent pas comment établir des liens avec un entrepreneur. Je suis convaincue que nous devons créer un contexte bancaire convivial pour les jeunes et pour les entrepreneurs—une banque pour la petite entreprise. Les jeunes ont vraiment besoin d'aide dans notre pays, et pas seulement sur le plan financier, mais également sur le plan personnel et humain.
Profitons donc de l'occasion pour appuyer les fusions bancaires, puisque la Banque Royale du Canada et la Banque de Montréal se sont engagées publiquement à doubler leur portefeuille de prêts aux petites et moyennes entreprises, c'est-à-dire de 20 à 40 milliards de dollars.
En effectuant les recherches en vue du documentaire Young Entrepreneurs, j'ai constaté qu'il existe en fait un très grave problème dans notre merveilleux pays. Je veux parler de l'exode des cerveaux.
Aziz Hurzook et Bobby John sont pris dans le chassé-croisé que nous avons décrit dans notre documentaire. Ils sont les gagnants du prestigieux Prix du jeune entrepreneur décerné par la Banque de développement du Canada. Ils s'inquiètent de l'exode des cerveaux. Comment faire pour garder leurs employés très compétents au Canada?
• 1605
À mon avis, si l'on interdit à la Banque Royale du Canada et
à la Banque de Montréal de fusionner, elles vont restreindre la
portée de leurs activités, c'est-à-dire se désintéresser de la
petite entreprise, pour concentrer toute leur R-D technologique sur
les grosses sociétés. Je le répète, la Banque Royale du Canada et
la Banque de Montréal se sont engagées à consacrer 1,4 milliard de
dollars à des activités de R-D dans d'importants secteurs, ce qui
se traduit par un grand nombre d'emplois très spécialisés pour des
Canadiens qui travaillent pour la banque ou ses fournisseurs, pour
nos jeunes qui reçoivent une formation dans nos collèges et
universités.
Il va sans dire que la dernière chose qui me préoccupe, c'est de savoir qui va financer le projet. L'industrie du film et de la télévision ne peut pas dépendre entièrement de Téléfilm et des organismes gouvernementaux, et je me réjouis des dons faits par les grandes sociétés lorsque cela ne va pas à l'encontre de mon engagement à l'égard de l'intégrité journalistique. Je ne produis pas des vidéos pour les grandes sociétés. Je produis des documentaires instructifs, divertissants, et qui favorisent la réflexion, et en tant qu'artiste je suis très reconnaissante à la Banque Royale du Canada de me laisser cette liberté artistique.
Toutefois, s'il n'y a pas de fusion et que les banques ne tiennent pas leur engagement à l'égard de la petite entreprise, je ne sais pas si l'on pourra encore financer des documentaires utiles qui incitent le Canada à devenir indépendant du point de vue financier. S'ils ne sont pas en mesure de soutenir la concurrence sur la scène mondiale, je me demande si, en fait, Wells Fargo va financer un documentaire qui examine en profondeur la culture des jeunes dans notre pays, leurs défis et leurs rêves.
Je suis nationaliste. J'appuie l'entreprise canadienne et j'appuie le Canada.
Pour conclure, je vous demande à tous instamment d'autoriser les banques à fusionner, car elles ont pris un engagement à l'égard de la petite entreprise et ont promis d'offrir une formation spécialisée aux directeurs de comptes pour qu'ils desservent ce marché. Elles se sont même engagées à accroître l'aide offerte aux petites entreprises.
Si les banques ne sont pas autorisées à fusionner, cela posera un véritable risque pour les Canadiens, car la Banque Royale du Canada et la Banque de Montréal seront obligées, à cause de la concurrence étrangère permise par la technologie, de s'adapter aux changements et de cesser de venir en aide à la petite entreprise. Il sera alors très difficile à un chef de petite entreprise d'obtenir un prêt.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir permis de m'exprimer et de vous faire part de mes idées. Je vous présente mes excuses parce que mon mémoire n'a pas été traduit en français, mais je le répète, je n'en ai pas eu le temps.
Merci beaucoup.
Le président: Merci à vous.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de Diane Brisebois, du Conseil canadien du commerce de détail. Soyez la bienvenue.
Mme Diane J. Brisebois (présidente, Conseil canadien du commerce de détail): Bonjour et merci.
Je m'appelle Diane Brisebois et je suis présidente-directrice générale du Conseil canadien du commerce de détail.
Si je ne m'abuse, vous avez reçu le texte de notre mémoire, en anglais et en français, ainsi que deux études qui ont été réalisées juste avant la préparation du mémoire.
Le mémoire proprement dit s'intitule «Le point de vue des détaillants canadiens». Le deuxième document est le Retail Finance Executive and Owner-Manager Survey, soit le résultat d'un sondage effectué au sein de l'industrie. Il y a eu 350 petits détaillants qui ont répondu et 75 entrevues approfondies avec des propriétaires de commerce de détail grands et moyens de tout le pays. Le troisième document que vous avez reçu est une enquête sur l'expérience qu'ont les détaillants du système des paiements, enquête qui a été effectuée à la fin de l'an dernier.
Les principaux résultats de ces deux enquêtes, soit les documents numéros 2 et 3, se trouvent dans le corps principal du mémoire du conseil: «La restructuration du secteur des services financiers au Canada: le point de vue des détaillants canadiens», et pendant tout mon exposé je ferai à l'occasion certaines remarques au sujet de ces études.
Aux fins des audiences du comité, nous ferons porter nos observations et nos recommandations sur la stabilité et la fiabilité du système, sur la compétitivité de notre secteur des services financiers du point de vue des détaillants, sur la structure et la réglementation du marché au regard de leurs répercussions pour les détaillants et, enfin, sur l'impact de la nouvelle technologie du point de vue des détaillants, voire de leurs clients, à savoir les consommateurs canadiens.
Permettez-moi de vous présenter très rapidement une vue d'ensemble du Conseil canadien du commerce de détail. Nous sommes une association à but non lucratif qui représente le secteur du commerce de détail et qui est financée par ses membres. Nous représentons plus de 7 500 détaillants qui comptent pour plus de 65 p. 100 de la valeur des ventes au détail au Canada.
Notre secteur emploie plus de 1,4 million de Canadiens. Quelque 90 p. 100 de nos membres sont de petits détaillants indépendants qui possèdent un ou deux magasins dans différentes localités du pays. Nos membres représentent toutes les composantes du commerce de détail: magasins spécialisés, épiceries, magasins minimarge et de masse, stations-services, grands magasins, grandes surfaces spécialisées et commerçants indépendants dans toutes les localités du pays.
• 1610
Permettez-moi maintenant de vous faire part des conclusions de
notre sondage ainsi que des entrevues exhaustives que nous avons
effectuées, conclusions qui se trouvent dans le mémoire que nous
vous avons présenté, aux pages 30 et 31 de la version anglaise.
Toute décision qui pourrait modifier considérablement la structure compétitive du secteur des services financiers et des services qu'il offre aux collectivités canadiennes risque d'avoir un effet très important sur les détaillants. S'il s'agit d'une bonne décision, ils pourraient en tirer des avantages appréciables. S'il s'agit toutefois d'une mauvaise décision, le prix des services bancaires pourrait grimper du jour au lendemain, et la concurrence se trouverait réduite; dans bien des localités, les détaillants pourraient ne plus avoir un accès commode aux services financiers dont ils ont besoin.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les détaillants exercent leur activité dans des localités de différentes tailles réparties sur l'ensemble du territoire canadien, et ils savent à quel point il est crucial pour eux d'avoir des institutions financières locales qui comprennent la réalité de leur marché et la nature de leurs activités.
Ils apprécient les points forts du système bancaire canadien, la stabilité et la solidité financière des institutions bancaires et la présence de succursales bancaires locales offrant une vaste gamme de services. Ce sont là des caractéristiques clés du système financier canadien qui, selon les détaillants, doivent être préservées.
Depuis plusieurs années, les détaillants demandent une concurrence réelle plus grande dans le secteur des services financiers. Ils se disent préoccupés par la détérioration des services personnels offerts par les institutions financières qui réduisent leurs heures d'ouverture, qui ferment des succursales et qui font porter aux détaillants une part croissante du coût des nouveaux services de paiement destinés aux consommateurs.
Je vous invite à vous reporter aux pages 2, 3 et 4 de la version française de notre mémoire, où nous présentons un tableau de tous les services dont les détaillants ont besoin pour leurs activités courantes. Le tableau est important à mon avis, car il vous montre à quel point les détaillants dépendent de leur succursale locale, et ce, sur l'ensemble du territoire canadien.
Si certains s'imaginent qu'en règle générale la plupart des petites entreprises peuvent effectuer leurs opérations bancaires courantes par voie électronique, ils se trompent sérieusement. Les résultats que nous présentons aux pages 2, 3 et 4 proviennent du sondage que nous avons effectué auprès de tous nos détaillants dans toutes les régions du pays, afin de mieux faire comprendre au comité la relation entre les détaillants et leur banque, les types de services dont ils ont besoin de façon courante et la façon dont ils peuvent avoir accès à ces services.
Conscients du fait que vous avez beaucoup de mémoires à étudier, nous vous demandons, même si c'est tout ce que vous retenez de notre mémoire, de porter votre attention aux pages 2, 3 et 4; ces pages sont extrêmement importantes, car elles permettent de mieux comprendre les préoccupations des détaillants en ce qui a trait aux recommandations du rapport MacKay.
Par ailleurs, les détaillants comprennent les possibilités croissantes de la technologie. Ils savent aussi que la technologie est loin de pouvoir remplacer de façon suffisante et complète les services offerts par les succursales locales d'institutions financières concurrentes, et cela ressort aussi des pages 2, 3 et 4.
Les détaillants ont besoin de nombreux services auxquels ils ne peuvent pas avoir accès par voie électronique, comme les services de dépôts de nuit et de succursales pour déposer de l'argent en espèces et des chèques, les services de devises, le financement, les traites bancaires et les chèques certifiés.
Bien qu'il soit très exhaustif, le rapport du groupe de travail ne s'est pas intéressé à plusieurs des préoccupations importantes des détaillants. On y parle beaucoup de services aux consommateurs et de financement, de technologie et de la possibilité d'accroître la concurrence, mais on n'y parle pas beaucoup des services bancaires courants que les détaillants doivent pouvoir obtenir d'une succursale locale.
Le rapport ne traite pas de la façon de s'assurer que tous les services dont les détaillants, voire les autres petites entreprises, ont besoin continuent à être offerts à des prix compétitifs. Les études qui ont été faites jusqu'à maintenant sur les fusions proposées témoignent de lacunes pour ce qui est d'évaluer l'impact sur des produits individuels et les recours législatifs éventuels qui seront nécessaires pour garantir une concurrence suffisante.
Ainsi, les fusions mettant en cause les quatre grandes banques se traduiront par une concentration énorme du marché des services Visa et MasterCard fournis aux détaillants. Il faut aussi étudier la question de la dualité relativement aux cartes de crédit. Les détaillants encouragent le comité, de même que le Bureau de la politique de concurrence, à étudier tous les produits et les services financiers de manière individuelle. Ils encouragent aussi le bureau à insister pour qu'on lui fournisse des preuves concrètes quant aux services que les nouveaux concurrents pourront fournir et quant à l'emplacement de ces services et à leur coût.
• 1615
Enfin, nous recommandons notamment que chacune des
recommandations faites par le Groupe de travail MacKay relativement
aux services bancaires fasse l'objet d'une étude en profondeur
quant aux résultats qu'il en découlera pour les entreprises et pour
les consommateurs. Chaque nouveau type de concurrence possible doit
aussi être étudié afin de déterminer s'il apportera réellement des
avantages sur le marché. Il faudra notamment étudier à cette fin
les produits et les services que chaque concurrent pourra offrir,
à quels clients il les offrira et dans quels emplacements.
Il est essentiel d'accroître la concurrence effective, et cela ne peut être laissée au hasard. Si des changements sont apportés au système, il pourra être nécessaire de prendre des mesures pour gérer l'offre de services, notamment pendant la période où le marché sera toujours en train de s'adapter aux changements.
Nous recommandons également au Bureau de la politique de concurrence d'étudier toute la question de la dualité et de la concurrence des services, et ce, pour chaque type de service.
Enfin, les fusions bancaires ne devraient pas être autorisées tant que la réforme du secteur des services financiers destinée à ouvrir les marchés à une concurrence effective accrue ne sera pas chose faite et tant que nous n'aurons pas des preuves qu'il y aura effectivement de la concurrence.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant Jayson Myers, premier vice-président et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada.
M. Jayson Myers (premier vice-président et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Merci, monsieur le président.
L'alliance est très heureuse de pouvoir participer à ce débat très important. Je vous présenterai des remarques très générales, qui se concentreront principalement sur l'étude des recommandations du rapport dans leur ensemble.
Les 3 500 membres de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs et leurs 4 000 associés du Canada représentent toutes les régions du pays, tous les secteurs de l'industrie, depuis les services financiers jusqu'à l'exploitation forestière et aux logiciels, en passant par les télécommunications, l'aérospatiale, l'automobile et l'agroalimentaire. Nos membres pèsent pour 75 p. 100 dans la production industrielle globale du Canada, pour 95 p. 100 de ses exportations et pour 90 p. 100 de ses efforts de R-D.
Nos membres sont à 65 p. 100 des entreprises de moins de 100 employés, à 35 p. 100 des entreprises ayant entre 100 et 500 employés, et à 10 p. 100 des entreprises ayant plus de 500 employés, certaines de ces dernières étant à vrai dire au nombre des plus grandes entreprises canadiennes—des entreprises industrielles, des entreprises d'exportation et des entreprises financières. Ces entreprises sont à l'avant-plan du monde des affaires à l'échelle internationale. Elles sont à l'avant-plan des exportations, des investissements internationaux, de la gestion de projets d'immobilisations dans le monde entier, de l'adoption de nouvelles technologies, du travail de R-D et d'établissement de réseaux commerciaux à l'échelle internationale, des activités novatrices, de l'investissement dans des avoirs moins solides. Il s'agit d'industries axées sur la connaissance. Il s'agit de services. Les manufacturiers aussi se tournent de plus en plus vers les services et les technologies axées sur la connaissance.
Leurs besoins en matière de financement sont très variés et fort complexes, mais dans l'ensemble ils recherchent des services de grande qualité à prix modique, auxquels ils peuvent avoir accès à l'échelle tant internationale que locale, tout comme ce que leur demandent leurs clients à eux.
À l'alliance, nous parlons de services de classe mondiale que fourniraient les entreprises; or, les entreprises de classe mondiale sont celles qui font partie intégrante du succès de leurs clients. C'est d'ailleurs ce que nos membres attendent du secteur financier canadien.
À notre avis, voilà ce dont nous devrions discuter, et à vrai dire il nous est même difficile d'amener nos membres à discuter des fusions bancaires ou à discuter des recommandations du rapport. Lorsque nous avons sondé nos membres, 542 d'entre eux ont répondu. Nous leur avons demandé quelles seraient, d'après eux, les conséquences que pourrait avoir la fusion des banques: 7 p. 100 d'entre eux ont répondu qu'elle pourrait être bénéfique pour leur entreprise, 10 p. 100 ont répondu l'inverse, alors que le reste des répondants ont dit ne pas savoir quelles pourraient être les conséquences pour eux d'un des plus grands défis que doit relever le milieu des services financiers. Peut-être que l'une des raisons pour lesquelles nos répondants ne savaient quoi dire, c'est que la question n'est pas posée du point de vue du client, mais plutôt du point de vue des institutions financières et de ce qui leur conviendrait le mieux.
Je préférerais pour ma part que l'on parle moins des services financiers que des solutions financières, car c'est ce qui intéresse nos clients. Ils veulent savoir quelle est la meilleure solution à envisager pour résoudre leurs problèmes d'ordre financier, et quel est le risque financier ou le risque au niveau du crédit qu'ils peuvent assumer.
• 1620
Pour ce qui est des recommandations du rapport, nos membres
disent que ce dernier ne tient pas vraiment compte des besoins du
client. Ainsi, le rapport ne dit rien sur les besoins des clients
en matière de financement des exportations. Lisez vous-mêmes le
rapport, et dites-moi où on parle de prêts à l'exportation ou de
financement international d'immobilisations, ou même des besoins
des entreprises et des problèmes qu'elles doivent résoudre—et je
ne parle pas uniquement des entreprises axées sur le savoir, ou de
celles qui démarrent, mais d'entreprises qui veulent utiliser la
technologie ou investir dans la technologie. Le rapport ne les aide
aucunement là-dessus. À vrai dire, je ne sais si les
recommandations du rapport ont quelque sens que ce soit pour les
entreprises qui cherchent ce genre de solutions financières. Je ne
crois pas que l'on ait réussi à démontrer le bien-fondé de la
fusion, ni même l'inverse.
Le rapport ne parle pas non plus de l'évolution du rôle que les banques ont à jouer dans les fonctions de trésorerie qu'elles remplissent à l'égard des organisations intermédiaires qui proposent des solutions financières à nos membres. Je ne crois pas que le rapport tienne compte du créneau qu'occupent ceux qui offrent des solutions d'ordre financier. Il ne parle pas non plus, à mon avis, des objectifs clés que nous devrions tenter d'atteindre, soit bâtir au Canada une industrie des services financiers qui soit reconnue à l'échelle internationale, c'est-à-dire une industrie bancaire internationale qui dépanne financièrement des clients qui sont répartis partout dans le monde et offre des services. Le rapport ne s'intéresse pas non plus à la difficulté qu'il y a, du point de vue des entreprises, d'édifier une structure de réglementation qui encourage le développement d'une industrie mondiale de services financiers qui serve à aider les clients canadiens.
Nous sommes d'accord d'une façon générale avec plusieurs des questions que soulève le rapport. Nous convenons qu'il y a encore fort à faire avant de pouvoir offrir une industrie des services financiers qui soit en meilleure posture et encore fort à faire pour améliorer la façon dont nous faisons les choses au Canada. Nous convenons qu'il faut mettre l'accent là-dessus avant de se lancer dans la restructuration de l'ensemble du système, ou à tout le moins nous assurer que la restructuration que nous souhaitons dans la foulée des recommandations du rapport donne lieu effectivement à une amélioration du service.
Nous souscrivons aux recommandations qui encouragent la concurrence et le raffermissement des institutions actuelles—coopératives de crédit, sociétés de fiducie et autres genres d'institutions financières canadiennes—en vue de permettre l'arrivée de nouveaux joueurs et d'étrangers sur le marché canadien. Nous souscrivons aux dispositions visant à accroître la compétitivité des institutions financières—comme, par exemple, la suppression de la taxe sur le capital. Nous souscrivons aux recommandations visant à habiliter les clients—c'est-à-dire celles qui encouragent les banques à fournir plus d'informations à leurs clients, et à être plus transparentes à leur égard ainsi qu'à l'égard des clients d'affaires.
Je répète que le rapport ne met pas vraiment l'accent sur le client. Ainsi, généralement parlant, nous ne savons pas vraiment si les fusions entraîneront la fermeture de succursales et la mise à pied de ceux qui, dans les banques, sont accessibles pour évaluer les demandes de prêts. Nous n'en savons tout simplement rien. Nous ne savons pas non plus si les recommandations auront pour conséquence une augmentation du nombre d'experts techniques ou d'experts mondiaux nécessaires pour le développement d'une industrie des services financiers de classe internationale.
Nous ne savons pas si les frais généraux qu'assument actuellement les banques et les institutions de services financiers et qui les empêchent de consentir autant de petits prêts... Pour la plupart de nos membres, la plus grande difficulté, c'est de trouver des prêts de l'ordre de 50 000 $ à 200 000 $. Qu'est-ce qui nous prouve que les recommandations permettront une amélioration de ce type de services ou auront des conséquences bénéfiques dans ce secteur? De façon plus précise, nous nous demandons dans quelle mesure les recommandations auront pour conséquence d'améliorer les prêts à l'exportation, le financement international des immobilisations, le financement technologique, ou même les démarrages d'entreprises.
On ne sait vraiment pas dans quel sens iront les recommandations. La grande majorité de nos membres n'en ont aucune idée.
Pour notre part, nous vous recommandons ceci: lorsque vous ferez une déclaration publique sur les incidences que pourront avoir les fusions, nous voudrions que vous la fassiez non pas du point de vue des institutions financières, mais plutôt du point de vue des clients—les manufacturiers et les exportateurs, les détaillants et les autres clients d'affaires—et que vous vous demandiez quel effet pourront avoir ces fusions sur leurs affaires. Posez-vous la question service par service et intégrez votre réflexion à vos conclusions ou à une approbation éventuelle des recommandations du rapport.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Myers.
Nous commençons avec M. Harris une ronde de questions de 10 minutes.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je n'ai qu'une question à poser avant d'aller prendre l'avion. M. Solberg prendra la relève.
Monsieur Clark, j'aimerais que vous me disiez d'où pourrait venir la concurrence. En cours d'exposé, vous avez laissé entendre qu'une des façons de rendre les règles du jeu équitables pour tous, à la suite d'une fusion, ce serait de permettre le dessaisissement d'éléments d'actif. Toutefois, les Canadiens s'inquiètent plutôt de ce que les fusions pourraient entraîner une diminution de la concurrence et, par conséquent, s'inquiètent de savoir d'où proviendrait la concurrence.
Je comprends ce que vous avez dit au sujet des filiales des banques étrangères et des coopératives de crédit, mais dans quel domaine précis peut-on s'attendre à subir la concurrence des banques?
M. Edmund Clark: Vous avez posé une bonne question. Nous disons que, dans le monde réel, il ne faudrait pas s'attendre à ce que, étant donné ce qui arrivera d'ici trois ou quatre ans, ce soit les banques étrangères ou les coopératives de crédit qui fassent concurrence aux autres. Cela ne serait pas réaliste.
Regardez les grands joueurs du monde financier d'aujourd'hui. Aujourd'hui, il existe cinq grandes banques qui devancent les petits joueurs que sont la Banque Hongkong, la Banque Nationale et nous-mêmes. Si, comme on le propose, on retire de la scène deux des grands concurrents sur cinq, il faudra imposer des conditions aux fusions. Il ne faudrait pas permettre de fusions s'il n'y a pas virements d'actifs suffisants de la part des banques fusionnant vers les trois autres grandes banques, de façon à remplacer les deux concurrents qui seront éliminés. Nous estimons que c'est la seule façon de restaurer la concurrence au niveau où elle était à la suite des fusions.
M. Dick Harris: Merci.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Dans la foulée de cette question, si l'on permet l'arrivée de banques étrangères sur notre marché et qu'elles peuvent s'y installer tout à leur aise, j'ai l'impression qu'elles voudront prendre toute leur place du côté des prêts commerciaux. Si c'était le cas, cette concurrence accrue dans ce secteur n'obligerait-elle pas les grandes banques à être plus à l'écoute de leurs clients ou à essayer de trouver des façons de faire fructifier leurs profits du côté des détaillants?
M. Edmund Clark: Permettez-moi de vous donner une réponse en deux parties. Rien ne prouve que les banques étrangères aient la moindre envie de venir s'installer ici et de fournir des services locaux par l'entremise de succursales au Canada. Aucune loi ne les en empêche maintenant. Citibank est venue au Canada et a eu des succursales. Elle est en train de réduire la taille de ses succursales, et non de les augmenter. La seule différence entre les règles actuelles et les règles proposées serait d'éliminer l'exigence d'un investissement de 10 millions de dollars pour établir une filiale indépendante. Bank of America ne vient pas s'installer au Canada parce qu'elle ne peut pas se permettre d'investir 10 millions de dollars dans la création d'une filiale.
Les étrangers veulent venir écrémer le marché. Wells Fargo veut s'installer et dire: prenons un petit créneau, les prêts à la petite entreprise, qui sont très rentables; ne créons pas d'emplois au Canada; faisons-le plutôt en Californie. Nous aurons des transactions électroniques et nous prendrons cette petite partie des transactions canadiennes. Mais nous ne voulons pas servir le grand marché de la petite entreprise au Canada; cela ne nous intéresse pas.
Je pense qu'il est possible d'agir ainsi. Vous pouvez vous demander ce qui va se produire si les banques étrangères écrèment le marché. Il y a un risque que les banques canadiennes disent alors: très bien, pour maintenir mes marges bénéficiaires au même niveau, je vais essentiellement devoir obtenir de plus grands bénéfices du marché canadien qui me reste parce qu'il est écrémé par des étrangers. Théoriquement, il est possible que cela se passe ainsi.
Ce que nous disons en clair, c'est que si l'on supprime deux des cinq banques, on ne trouvera pas de banques étrangères qui les remplaceront dans la plupart des marchés qui nous intéressent.
M. Monte Solberg: J'ai raté votre exposé et j'en suis désolé. Si je comprends bien, toutefois, vos préoccupations portent en partie sur l'échéancier. Si les fusions étaient autorisées à court terme, mais qu'il fallait beaucoup de temps pour que tous les autres viennent s'installer et que les autres changements interviennent à long terme, il y aurait un grand délai entre le moment où les fusions se sont produites et le moment où augmente la concurrence.
M. Edmund Clark: Je pense qu'on n'a pas beaucoup porté attention à nos idées dans ce débat parce que nous sommes dans une position unique. Nous examinons la situation en qualité d'intervenants sur le marché, mais nous ne sommes pas l'un des cinq grands géants. Nous sommes la seule compagnie de fiducie qui ait survécu au Canada au lendemain de tous les regroupements. Nous estimons qu'en réalité les regroupements vont continuer de se faire dans les services financiers. Cela se produit un peu partout. Si les Canadiens se soulèvent et déclarent ne plus vouloir du tout de regroupements au Canada, ils auront tort. C'est un principe qu'il faut examiner.
Par ailleurs, allons-nous permettre des regroupements qui réduisent la concurrence au Canada? En ma qualité de Canadien, je dis que non, je dis que ce serait une erreur.
Je pense que les défenseurs des deux perspectives supposent que ces deux principes ne trouveront jamais de terrain d'entente, qu'il n'existe aucune possibilité d'intersection entre eux. Nous disons qu'au contraire il peut y avoir intersection, qu'en fait l'on peut opter pour deux voies différentes. D'une part, vous pourriez dire que vous n'êtes pas prêts à permettre les regroupements entre les cinq grandes banques—elles sont trop grandes, elles sont trop importantes—mais que vous êtes prêts à permettre d'autres regroupements dans le secteur du service financier. D'autre part, vous pouvez vous déclarer prêts à permettre les regroupements entre les cinq grandes banques, mais elles vont devoir se départir d'éléments d'actif suffisants pour rétablir les concurrents qu'elles éliminent et créer d'autres entités aussi importantes que celles qu'elles éliminent. Si les banques refusent de fusionner dans ces conditions, vous leur dites: très bien, ne fusionnez pas. Par contre, si elles sont prêtes à accepter ces conditions, vous n'aurez pas à miner l'autre principe qui vous tient à coeur.
Le grand débat qui se déroule tient au fait que l'on pense devoir être en faveur d'un côté ou de l'autre. Nous pensons que non. Étant donné que nous savons qu'il y a des considérations, pourquoi ne pas établir les principes? Ces principes devraient être les suivants: nous avons actuellement cinq grands concurrents qui servent tous les marchés locaux; nous ne voulons pas que ce niveau de concurrence diminue. Trouvez les moyens de faire des regroupements tout en acceptant ce principe, et je crois que vous pourrez vous regrouper selon l'une des deux méthodes.
M. Monte Solberg: Prenons certaines des recommandations du rapport MacKay. Par exemple, celles sur l'ouverture de succursales de banques étrangères, les coopératives de crédit, les banques à peu d'actionnaires dont l'avoir est inférieur à 5 milliards de dollars, etc. Si on mettait ces recommandations en oeuvre maintenant et examinait la question des fusions plus tard, cela serait-il réaliste? On aura établi le nouvel environnement et l'on pourra mieux juger, plus tard, la logique d'autoriser ou non les fusions.
M. Edmund Clark: Si vous voulez être réalistes, il va falloir que cela se fasse un bon moment plus tard. Or, je trouve cela irréaliste. Si l'on envisage le mouvement coopératif, à bien des égards les coopératives sont de petites versions de Canada Trust de par leur style et leur culture. Comme je le dis, nous sommes la seule société survivante. Le Trust National n'a pas pu survivre. Le Montreal Trust non plus. Il y a donc un certain scepticisme face à l'idée de prendre de petits établissements de ce genre et de les amener à la taille qui leur permettra de survivre et de livrer concurrence.
J'accueille également avec un certain scepticisme l'idée que vous serez capables de trouver des banques étrangères qui voudront vraiment remplacer les cinq banques nationales pour l'ensemble des fonctions dont elles s'acquittent dans l'économie canadienne. Je suis d'accord avec vous. Il se pourrait que si l'on faisait certaines de ces choses, j'aurais eu tort. J'ai déjà eu tort, et cela peut se reproduire. Dans cinq ans, vous pourriez alors réexaminer la situation. Mais vous devez attendre cinq ans. Soyons réalistes, cela ne se produira pas en un an ou deux.
M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Cardin.
[Français]
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): D'abord, je voudrais saluer et remercier l'ensemble des intervenants.
Je voudrais partir de l'exemple de M. Lamarre au niveau international. Il dirige une entreprise d'envergure qui brasse de grosses affaires au niveau international. Je comprends très bien vos besoins au niveau des institutions financières pour votre implication au niveau international.
Nous ne sommes pas contre la fusion des banques, loin de là. Par contre, il y a des choses importantes à respecter. Par exemple, on sait que la fusion des banques va limiter le nombre d'emplois. Il va y avoir des pertes d'emplois dans le milieu bancaire.
• 1635
Ici, aujourd'hui, il y a
passablement de gens qui représentent des associations
d'entreprises, de manufacturiers et de commerces au
détail, mais les consommateurs
ne sont pas représentés.
On voudrait qu'au niveau des consommateurs,
les frais financiers soient limités,
parce qu'on sait qu'il y a beaucoup
de gens qui sont aux prises avec des frais financiers
élevés. On a eu des études
à ce sujet dernièrement.
On veut aussi que l'aide à la petite entreprise soit accordée plus facilement qu'elle ne l'est aujourd'hui. On sait que la fusion va probablement faire disparaître beaucoup de succursales en région.
Compte tenu de vos besoins au niveau international, mais aussi les besoins plus locaux, à l'intérieur du Canada, comment percevez-vous l'ensemble du rapport MacKay, qui a aussi des implications pour la population et pour nos petites entreprises?
M. Jacques Lamarre: Je suis un expert dans la vente de services à l'international et dans la vente de contrats. Je me rends compte que lorsque je vends à l'international, je crée aussi de l'emploi. Je sais qu'il y a parfois des transferts d'emplois, mais on a décidé, à un moment donné, d'avoir une économie ouverte. On a pris une décision en tant que société: on veut une économie sans frontières ainsi que la mondialisation. Donc, on a pris cette décision-là. Si on veut se refermer et penser qu'on peut protéger nos emplois en mettant des barrières et des contraintes, c'est une autre décision de société, mais on a pris une décision en faveur de la mondialisation et on doit donc s'organiser et se structurer en conséquence.
Dans l'entreprise, on a vu la politique du gouvernement qui voulait s'orienter vers cette mondialisation et cette ouverture des frontières. On regarde ce qui se passe partout sur le marché intérieur. Il y a des fusions d'entreprises, et les gens s'organisent pour réduire leurs prix et être compétitifs. Actuellement, nous sommes seuls sur le marché international, car les banques ne nous accompagnent pas; elles ne sont pas structurées et elles n'ont pas les ressources nécessaires pour se structurer. Elles n'ont pas la capacité de le faire. On se plaint amèrement auprès d'elles. On leur demande pourquoi il faut toujours aller à Londres et pourquoi personne du système bancaire canadien ne vient avec nous. Quand le système bancaire canadien va nous accompagner, il va entraîner un paquet de gens avec lui, soit tous les services juridiques et comptables y attenant, et on va créer des industries nouvelles. Il va y avoir des transferts d'emplois, mais si on ne les laisse pas s'organiser, nous allons devoir nous structurer autrement sur une base permanente. Le fait que les banques ne peuvent pas nous accompagner est un point faible de notre industrie.
Donc, c'est une décision de société qui a été prise, et il serait difficile de revenir en arrière.
M. Serge Cardin: Merci. Je ne sais pas s'il y a d'autres intervenants qui aimeraient nous faire part de leur position face à la problématique des petites entreprises et du consommateur canadien moyen.
Mme Diane Brisebois: C'est un sujet intéressant. Nous représentons des compagnies internationales, mais ces compagnies dépendent énormément des services qui sont fournis au niveau local, dans les petites communautés. Quand on parle du commerce de détail, on pense que seuls les petits commerces utilisent ces services financiers, mais en interviewant nos grandes entreprises ainsi que nos chaînes nationales, on s'aperçoit que ces grosses compagnies, même si elles fonctionnent de façon mondiale, fonctionnent de façon communautaire dans la communauté qu'elles desservent. Elles ont besoin de services qui, en ce moment, sont considérés fragiles. Donc, il y a deux côtés.
Nous sommes tout à fait d'accord qu'il faut être compétitif au niveau mondial, car il y a certains avantages à cela, mais il faut aussi voir que la plupart de nos entreprises, même si elles sont grandes, dépendent des services locaux, de la relation qui existe en ce moment entre la succursale et le magasin qui est situé à Rimouski, par exemple.
[Traduction]
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais poser une question rapide à Mme Brisebois.
Vous avez dressé une liste de divers types de magasins. Quelle était la catégorie juste avant celle des grosses boîtes?
Mme Diane Brisebois: C'est celle des grandes surfaces spécialisées.
Mme Karen Redman: Qu'est-ce que c'est que cela?
Mme Diane Brisebois: Une grande surface spécialisée est un magasin spécialisé qui ne vend qu'un certain type de marchandises et qui livre concurrence strictement au moyen des prix. Nous en voyons beaucoup dans ce que nous appelons les centres de puissance, les nouveaux centres commerciaux, contenus dans une enceinte, où il n'y a que de grands magasins et où l'on passe d'un grand magasin à un autre. Leur compétitivité se fonde essentiellement sur le prix concurrentiel des produits qu'ils vendent plutôt que sur la valeur ajoutée.
Je tâche d'expliquer cela sans donner d'exemples précis.
Mme Karen Redman: Vous vous êtes très bien débrouillée.
Mme Diane Brisebois: Merci.
Mme Karen Redman: Ma question suivante s'adresse à M. Clark. Le Groupe de travail MacKay propose des rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Je me demande si vous êtes d'accord. Pensez-vous qu'il faut réglementer la présentation de ces rapports, ou pouvons-nous compter sur les institutions financières pour qu'elles publient volontairement ces données sur leur investissement philanthropique dans la collectivité?
M. Edmund Clark: Je pense qu'il s'agit là de la série de recommandations du rapport MacKay qui nous inquiètent considérablement. Il est facile de croire que l'on peut faire un tas de bonnes choses en créant plus de règlements. Toutefois, pour parler franchement, cela signifie en réalité que la Banque Royale embauchera 20 bureaucrates qui viendront s'ajouter aux 400 bureaucrates qu'elle a déjà pour faire ces choses avec un budget 10 fois supérieur au mien. Cependant, si vous me demandez d'embaucher 20 bureaucrates pour répondre à ces exigences, vous me créez de graves difficultés économiques.
Ce que nous avons appris en réalité, c'est que la réglementation favorise les grands plutôt que les petits; pourtant, ce sont souvent les petits qui fournissent la concurrence qui profite au consommateur.
Nous nous inquiétons donc beaucoup de constater que, dans ce débat, la réponse risque d'être: laissez-les se surconcentrer et mettez de la réglementation par-dessus. Vous devez vous rendre compte des conséquences; vous allez acculer des gens comme moi à la faillite. Je vais également devoir faire des regroupements, parce que la seule réaction concurrentielle possible consiste à alourdir les rouages bureaucratiques.
Nous avons eu des succursales aux États-Unis, où le milieu des services financiers est beaucoup plus réglementé qu'au Canada. Il y a une loi qui s'appelle la Community Rinvestment Act. Nous devions remplir des formulaires aux pages multiples. Comme Canadien, je dirais que ce qui m'a le plus ennuyé dans tout cela, c'est qu'en réglementant les choses ainsi on exonère le PDG de sa responsabilité morale à l'endroit de la collectivité.
Aux États-Unis, l'attitude est la suivante: «À partir du moment où j'ai respecté les exigences bureaucratiques, je ne dois rien à la société, puisque la société a prévu exactement, par ses lois, ce que je dois et ce que je ne dois pas faire.» Comme nous l'avons vu aujourd'hui, les grandes entreprises canadiennes sont dirigées par des gens qui croient sincèrement avoir une obligation morale à l'endroit de la société. Nous sommes des intervenants, nous sommes Canadiens, et il est important pour nous d'agir, de faire des choses qui améliorent la société. Cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas trouver des moyens d'être plus transparents sur ce que l'on fait, mais je crains vraiment de voir s'ajouter d'autres règlements et d'autres bureaucrates pour vérifier qu'ils sont observés.
Mme Karen Redman: Donc, en ce qui a trait au rapport sur les responsabilités envers la collectivité, vous pensez que c'est quelque chose qui devrait se faire par autoréglementation, plutôt que par l'intermédiaire de règlements gouvernementaux.
M. Edmund Clark: Oui. Une fois que l'on commence à établir des règlements gouvernementaux, la réaction est celle que l'on retrouve habituellement, c'est-à-dire: dites-nous exactement ce qu'il faut faire pour répondre à cette exigence, et c'est ce que nous ferons. Vous devriez plutôt nous demander de nous expliquer avec la collectivité.
Mme Karen Redman: Mme Bigelow a déjà parlé de la Banque Royale et de certaines de ses activités. Je voudrais lui poser une question. Je suis sûre que Canada Trust a des activités communautaires de ce type actuellement. Publiez-vous une déclaration quelconque qui au moins se rapproche de la recommandation du rapport MacKay?
M. Edmund Clark: Nous faisons un peu de publicité. Je dois vous dire qu'il est intéressant de voir comment les normes évoluent. Pendant longtemps, Canada Trust a été dirigé par des gens qui croyaient que lorsque l'on fait quelque chose de bien, on n'en parle pas aux autres, que la charité réelle, c'est de ne pas se servir de ses bons gestes pour des fins commerciales. Cette atmosphère est maintenant changée, et c'est probablement une perspective démodée.
Nous avons fait des dons représentant 3,6 millions de dollars l'an dernier. Si l'on examine nos recettes, comparativement à d'autres entreprises, c'est un montant considérable. Nous avons fait cela dans des milliers de projets au Canada. Nous devrions probablement dépenser plus d'argent pour nous assurer que les gens savent exactement ce que nous avons fait. Mais nous nous sommes laissé diriger par un grand principe, selon lequel la charité réelle est celle qui sait garder le silence.
Mme Karen Redman: Vous avez dit et montré que le rapport sur les responsabilités envers la collectivité représente une suggestion onéreuse. En général, les fardeaux de réglementation proposés par le groupe de travail sont-ils trop onéreux? Ne vous gênez pas pour être précis si vous estimez qu'il y a des exemples à donner.
M. Edmund Clark: Je ne suis pas sûr que MacKay lui-même soit précis. Chaque fois que l'on impose un autre fardeau de réglementation, il faut se demander si les petites entreprises trouveront ce fardeau plus lourd que les grandes; ensuite, demandez-vous qui a livré concurrence aux banques au cours des 10 dernières années. Je dirais que des entreprises comme Canada Trust ont été la source de cette concurrence.
Donc, si cela n'est pas absolument nécessaire pour atteindre l'objectif... J'aimerais mieux un monde où les gens s'occupent surtout de créer plus de concurrence dans le système, parce que c'est cela qui amène les gens à bien agir.
Je songeais à votre question d'un peu plus tôt, monsieur Cardin, sur l'aspect international. À franchement parler, y aurait-il la moindre inquiétude ici quant aux fusions, si la Banque Royale déclarait vouloir uniquement fusionner avec le secteur international de la Banque de Montréal et vouloir vendre 100 p. 100 du secteur intérieur des transactions au détail? On obtiendrait ainsi beaucoup des choses que ceux qui favorisent les fusions souhaitent, sans aucune des conséquences négatives.
La question essentielle dont nous débattons ici est celle qui touche le secteur intérieur des transactions au détail, c'est-à-dire les transactions avec les petites entreprises. Nous prêtons aux petites entreprises, et nous ne prêtons qu'aux gens qui ont besoin de moins de 250 000 $ par année.
À l'origine, lorsque les fusions ont été proposées, c'était pour pouvoir livrer concurrence à l'échelle internationale. Eh bien, s'il faut livrer concurrence à l'échelle internationale, qu'ils prennent la Harris Bank, la Banque du Mexique; qu'ils aient leurs opérations à Londres. Pourquoi ne leur dites-vous pas de vendre leur secteur de la petite entreprise à d'autres Canadiens, pour rétablir la concurrence perdue?
Mme Karen Redman: Si vous le permettez, je voudrais poser une question à Mme Bigelow également.
Vous l'avez très bien montré, et j'ai certainement vu des manifestations de soutien de la Banque Royale envers de jeunes entrepreneurs de ma propre localité. J'ai également participé à ce voyage à Washington. Toutefois, vous dites également très clairement que les banques ont besoin de l'appui des entrepreneurs.
Vous avez parlé du taux de croissance des entreprises dirigées par des femmes. Elles rivalisent avec les entreprises inscrites dans Fortune 500. Que les fusions aient lieu ou non, d'après votre propre expérience, et certainement d'après ce qu'a dit la Banque Royale, n'est-ce donc pas faire preuve d'un bon sens des affaires que de continuer d'investir dans l'appui aux entrepreneurs féminins et aux jeunes entrepreneurs, puisqu'ils représentent le plus grand secteur de croissance et celui qui embauche le plus de Canadiens?
Mme Pixie Bigelow: Cela me semble très logique. Je vais donc rester ici et vous écouter.
Vous devez comprendre que je ne suis pas une spécialiste de la haute finance. Je pense que ce que vous proposez n'est pas aussi profitable que d'investir son argent dans une grande entreprise. Si je veux produire un documentaire, c'est presque autant de travail que de produire une série télévisuelle. Produire un petit film est presque autant de travail qu'en produire un grand. Par conséquent, si j'étais banquier, je favoriserais probablement les grandes entreprises, puisque j'en tirerais plus de profits. N'est-ce pas?
Je ne suis pas un financier. Parce que je n'ai pas les connaissances financières pour m'exprimer là-dessus, monsieur Lamarre, je pense que nous devons être sur la scène mondiale. Les entrepreneurs, surtout les jeunes qui connaissent si bien les technologies, ne conviennent pas du fait que les technologies ne permettent pas la concurrence étrangère. Ce n'est pas ce que disent les jeunes entrepreneurs. Ils ont besoin de tellement plus de ressources financières qu'auparavant parce qu'il faut beaucoup plus d'argent pour se livrer à des opérations mondiales.
Je ne crois tout simplement pas que ces grandes banques vont appuyer les petits entrepreneurs. Je pense qu'elles vont s'écarter de tout cela, s'occuper des grosses affaires et des personnes qui peuvent leur assurer de gros revenus. Je pense qu'elles vont négliger toutes ces petites babioles.
Cela répond-il à votre question? Je sais de quoi vous parlez.
Mme Karen Redman: Je parle certainement de votre perspective. Je vous sais gré d'être venue nous donner des exemples tirés de l'expérience vécue, parce que parfois il me semble que nous traitons de choses intangibles, et il est agréable d'entendre parler d'expériences personnelles.
Je trouve un peu problématique, lorsqu'on examine le rapport du Groupe de travail MacKay, de voir que certaines gens disent qu'il faut le prendre dans son ensemble, parce qu'il est bien équilibré et traite de nombreuses questions. Ensuite, d'entendre d'autres points de vue, selon lesquels cela devrait se faire par étapes et qu'il y aura des choses qu'il faudra faire par l'entremise de mesures législatives. Nous avons déjà entendu aujourd'hui qu'il faut laisser la concurrence proliférer avant de permettre d'envisager les fusions bancaires.
• 1650
Voici donc ma dernière question. Ne serait-il pas logique de
dire aux banques qu'elles devraient continuer d'appuyer les petites
et moyennes entreprises de façon concrète, et qu'ensuite nous
examinerons peut-être l'étape suivante?
Mme Pixie Bigelow: À ma connaissance, on va faire ce que Matthew Barrett dit, à la Banque de Montréal. Je pense qu'ils vont vraiment s'intéresser aux marchés à bénéfices élevés, et je ne crois pas qu'ils s'intéresseront aux jeunes entrepreneurs. Or, ce sont ces derniers qui ont besoin de beaucoup d'aide. C'est là notre véritable problème au Canada; nous avons un taux de chômage de 17 p. 100.
Je crois que les grandes banques vont vouloir faire de l'argent, puisqu'elles doivent être concurrentielles à l'échelle planétaire. Je ne suis pas convaincue qu'elles pourront exprimer la sollicitude qu'elles ont certainement à l'égard des jeunes entrepreneurs si on ne les autorise pas à créer une banque pour la petite entreprise. Elles vont tout simplement cibler certains secteurs précis, et j'ose à peine imaginer ce qui va en résulter pour le Canada.
Mme Diane Brisebois: La question était-elle posée à l'ensemble des témoins ou à une personne en particulier?
Le président: N'hésitez pas à participer à la discussion. Je vous en prie.
Mme Diane Brisebois: Je voulais tout simplement savoir à quoi m'en tenir. Merci.
Le président: N'hésitez pas à prendre la parole si vous le souhaitez.
Mme Diane Brisebois: Je dois vous avouer que je n'ai plus la question à l'esprit.
Le président: Monsieur Lamarre.
M. Jacques Lamarre: J'aurais un commentaire à faire au sujet de ce qu'a dit M. Clark. Lorsque les sociétés SNC et Lavalin se sont réunies, il était impensable de ne le faire qu'en fonction de leurs activités internationales, étant donné que toutes les ressources sont nécessaires pour assurer une fusion pleine et entière. Il serait irréaliste, voire impensable, d'envisager la chose autrement. On doit s'organiser et maîtriser de nouveaux produits. On doit s'adapter à la nouvelle place qu'on occupe sur l'échiquier mondial. On doit pouvoir affecter le personnel clé aux bons endroits. Il ne serait tout simplement pas pratique d'envisager une fusion simplement en fonction de l'international.
Il aurait été catastrophique de le faire dans le cas de SNC-Lavalin en 1991. Les conflits d'intérêts auraient été nombreux. Chacun aurait eu sa petite idée, son petit programme. On aurait ciblé tel client en fonction d'une activité au Canada. On aurait tenté de lui plaire pour des raisons ayant rapport au Canada, et non pas à l'international. Vous voyez d'ici la catastrophe. Je voulais tout simplement vous dire que la chose n'est même pas envisageable.
Le président: Merci, monsieur Lamarre. Il est fort intéressant que vous souligniez la nécessité pour le Canada d'avoir des institutions financières solides. Cela permet en effet à des organisations comme la vôtre de participer à des activités et des transactions commerciales à l'échelle de la planète. Évidemment, tout le monde parle de cela, mais je me demande jusqu'à quel point on se rend compte de ce qui est nécessaire pour que cela puisse se produire. Un pays qui veut favoriser les gagnants et s'efforcer d'atteindre son plein potentiel doit certainement pouvoir s'appuyer sur une infrastructure bien établie. Votre commentaire d'aujourd'hui mérite donc certainement réflexion.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Après vous, c'est M. Szabo qui aura la parole.
M. Gary Pillitteri: Je vous remercie de votre comparution.
Le président: Ensuite, monsieur Pillitteri, nous devrons revenir à Mme Brisebois. Allez-y.
M. Gary Pillitteri: Je vous remercie de vos exposés. Ils étaient fort différents, mais ils abordaient pratiquement le même aspect.
J'aimerais poser une question à M. Clark, mais, auparavant, permettez-moi de faire un commentaire. Comme vous le savez certainement déjà, il n'est pas nécessaire d'être une multinationale pour être concurrentiel à l'échelle internationale.
Cela vaut tout autant pour les six grandes banques du Canada. Certaines personnes ici peuvent penser que nos institutions prêteuses, nos banques, ne sont pas de taille. Par contre, une fusion ne fait que placer l'une de nos institutions parmi les 25 premières dans le monde. J'ai pour ma part entendu les six présidents de nos grandes banques déclarer qu'il n'y avait jamais eu de transaction trop grande pour leurs moyens. Je me demande donc quelle est la taille qu'elles doivent atteindre.
Pour ce qui est de vos commentaires, monsieur Lamarre, je dirai tout simplement que, si une transaction est trop considérable, les bailleurs de fonds forment un consortium financier, ce qui permet à chaque intéressé de participer.
• 1655
Monsieur Clark, vous avez déclaré dans votre exposé que, s'il
y avait fusion, les participants se dessaisiraient de certains
éléments d'actif pour arriver à une taille concurrentielle. Je
n'arrive pas à comprendre pourquoi nous autoriserions une fusion
qui leur permettrait de grossir pour ensuite se départir de
certains éléments pour devenir plus concurrentiels. Évidemment,
certaines institutions prêteuses de plus petite taille comme la
vôtre seraient là pour ramasser les morceaux et ainsi grandir.
Si cela devait se produire—ce dont je ne doute pas par ailleurs—est-ce que vous établiriez l'infrastructure nécessaire pour offrir de nouveaux services? Est-ce que vous vous appliqueriez à répondre aux besoins en cas de fermetures dans diverses régions rurales du Canada?
M. Edmund Clark: Sans hésiter, je réponds par l'affirmative. Si c'est nous qui faisions l'acquisition des éléments d'actif dont on se serait dessaisi, il me semble clair que nous en assumerions pleinement les conséquences et que nous viserions donc à remplacer le concurrent qui aurait disparu. Il ne serait donc pas raisonnable pour nous de nous limiter au segment le plus lucratif du marché sans être prêts à refléter la réalité du clivage rural-urbain du pays comme le faisait le concurrent antérieur.
Sur le plan de la politique d'intérêt public, si on décide d'éliminer la Banque de Montréal et la Banque Toronto-Dominion, selon la proposition à l'étude, alors il faut se demander qui viendra remplacer ces concurrents. Ceux qui feront l'acquisition des éléments d'actif dont ces banques se seront dessaisies devront assumer pleinement leur rôle.
Pourquoi ces banques agiraient de la sorte? Eh bien, prenons le cas de la CIBC et de la TD. M. Baillie a déclaré—les chiffres ont été rendus publics—que les activités de détail du marché intérieur ne représentaient que 40 p. 100 du revenu de la Banque Toronto-Dominion, de sorte qu'elles représenteraient moins de 20 p. 100 du revenu de la banque fusionnée. Ainsi, s'il devait se départir de l'ensemble de l'activité intérieure de détail, il n'aurait à se dessaisir que de 20 p. 100 de l'ensemble du chiffre d'affaires. Et s'il n'avait à vendre que la moitié de cela, il ne s'agirait plus que de 10 p. 100 de l'ensemble.
Je prends les déclarations des dirigeants de ces banques au pied de la lettre. Ils ont déclaré qu'ils voulaient agir de la sorte pour être en mesure d'affronter la concurrence internationale. Il leur faut une base de capitaux, et l'envergure nécessaire pour se lancer sur les marchés internationaux. Également, ces banques doivent adapter leurs structures en conséquence. Il n'est pas évident pour moi que toutes les succursales de la Banque TD à Moose Jaw soient nécessaires à cet égard. Si la banque n'en a pas besoin, elle peut toujours les vendre à des acquéreurs qui voudront être concurrentiels, mais, de grâce, qu'elle ne les ferme pas.
M. Gary Pillitteri: J'enchaînerai en disant que, selon certains observateurs, il y a eu au Canada très peu d'évolution au sein des institutions prêteuses. Prenons les six banques et les sociétés de fiducie: rien n'a changé au cours des 50 ou 60 dernières années. Les parts de marché de la Banque Royale, de la Banque Toronto-Dominion et de la CIBC sont restées à peu près stables. De la même manière, aucune des banques n'en a dépassé une autre. Dans le cas de la plupart d'entre elles, 40 p. 100 du chiffre d'affaires provient de l'extérieur. Je me suis laissé dire également qu'elles voulaient grossir. Je me suis également laissé dire—et je me demande bien qui aura un commentaire à faire à ce sujet—que des fusions sont en cours à peu près partout.
Dites-moi donc, monsieur Clark: aux États-Unis, là où il y a moins de réglementation, les fusions dont nous parlons pourraient-elles avoir lieu dans les mêmes conditions? Pourrait-on envisager la même chose pour des établissements de dépôt aux États-Unis?
M. Edmund Clark: Absolument pas. Tout le monde devrait admettre que ces propositions ne seraient jamais formulées aux États-Unis. Elles vont bien au-delà des règles américaines en matière de concurrence et seraient donc impensables. En revanche, les États-Unis sont un pays 10 fois plus grand que le nôtre. C'est une réalité que les Canadiens doivent accepter.
Je défends rarement mes concurrents du secteur bancaire, mais permettez-moi d'essayer au moins d'invoquer quelques arguments pour leur défense. En réalité, les regroupements qui ont eu lieu jusqu'ici sur la scène canadienne... Il y a eu d'énormes regroupements, pas entre les cinq grandes banques, mais c'est un fait que ces dernières ont absorbé d'autres institutions. Elles ont repris toutes les maisons de courtage, à l'exception de Midland Walwyn. Elle ont repris toutes les sociétés de fiducie, à l'exception de Canada Trust. Il y a donc eu d'énormes regroupements.
• 1700
Je dois dire que jusqu'ici cela a été à l'avantage des
consommateurs, et non pas à leur détriment. Les consommateurs
canadiens obtiennent de bien meilleures conditions pour les
services bancaires de détail que leurs homologues américains. Je le
répète, nous sommes en activité des deux côtés de la frontière, et
il y a une énorme différence dans les services que les Canadiens
obtiennent par rapport aux Américains.
Pour ce qui est des regroupements, étant donné la concurrence intense dont vous avez parlé, où tout le monde craignait de perdre une part du marché, car cela signifiait un changement permanent de la position stratégique de chacun au sein de l'industrie, les fusions se sont accompagnées d'économies qui ont été répercutées sur le consommateur, auquel on a offert de meilleures conditions.
La question difficile que doivent se poser les Canadiens, c'est ce que l'on est encore en droit d'exiger et ce que l'on a des chances d'obtenir avant d'en arriver au point où ce ne sera plus le cas. Faut-il permettre des fusions entre les cinq grandes banques nationales? Ni la théorie économique ni quiconque ne peut fournir une réponse définitive sur la question de savoir si un autre regroupement dans ce secteur est une bonne chose ou non.
À notre avis, il y aura certains regroupements. Voici la question: devez-vous autoriser un regroupement entre les cinq grandes banques, ou existe-t-il un moyen de permettre cette fusion tout en redonnant une place sur le marché aux concurrents qui l'ont perdue en cours de route?
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le président, la discussion au sujet du cadre et du milieu réglementaires m'intéresse, parce que les exemples de fiascos bancaires dans le monde entier ont été quelque peu effrayants ces derniers temps. Il y a eu le Crédit lyonnais en France, la faillite d'institutions d'épargne aux États-Unis, ainsi que la situation actuelle au Japon, où il y a eu une opération de renflouement de 500 milliards de dollars. Même le Royaume-Uni a eu de très sérieux problèmes.
Il ne faut jamais oublier que nous avons eu un secteur des services financiers très stable et qu'il faut le protéger. Je m'inquiète un peu à l'idée de lâcher trop de lest sur le plan de la réglementation, étant donné que le gouverneur de la Banque du Canada et le surintendant des institutions financières ont déclaré qu'il y avait plus de risques de faillites bancaires dans ces nouvelles conditions. Les Canadiens seront pris au piège, et c'est une chose qu'il ne faut pas oublier.
Il semble y avoir un différend entre M. Lamarre et vous, monsieur Clark. Apparemment, le marché canadien est déjà bien desservi, et le désir d'accroître le marché pour permettre une croissance du secteur canadien des banques et des entreprises ne semble pas être la source de nouvelles entreprises ou d'activités importantes. Je pense que nous répondons déjà assez bien à nos besoins.
Toutefois, M. Lamarre soutient que si nous voulons être plus actifs sur la scène internationale et si les banques réalisent 45 p. 100 de leurs bénéfices sur les marchés mondiaux, nous n'avons pas besoin de nouvelles entreprises au Canada si nous voulons être encore plus prospères; ce qu'il nous faut, ce sont des institutions financières plus importantes pour affirmer notre présence à l'étranger.
C'est sur ce point que votre opinion diverge.
Monsieur Lamarre, je sais que votre entreprise, SNC-Lavalin, a mené des activités dans au moins 30 pays différents. Je sais que vous avez été présents à Taïwan, car lors de ma visite dans ce pays en janvier dernier avec une délégation de parlementaires, le président a signalé que votre entreprise, ainsi que Bombardier, suscitait beaucoup de respect dans ce pays. Sauf erreur, il s'agissait alors du projet de système léger sur rail CKS.
Nous n'avons pas obtenu ce contrat.
M. Jacques Lamarre: Non. Nous en avons obtenu d'autres, mais pas celui-là.
M. Paul Szabo: Vous avez donc une expérience dont vous pouvez nous faire profiter. Quelle était la principale banque avec laquelle vous traitiez dans ce pays? Que s'est-il passé? Les choses auraient-elles pu se passer différemment?
Il s'agissait d'un projet très important et M. Clark pourra peut-être nous donner son avis à ce sujet.
M. Jacques Lamarre: Permettez-moi de m'expliquer. Pour être un chef de file bancaire, il faut savoir de quoi on parle. Si l'on veut faire partie d'un consortium bancaire et faire confiance à une banque chef de file, on peut acheter les yeux fermés, et lorsqu'on le fait, on risque de subir des pertes importantes. Le risque existe toujours lorsqu'on ne sait pas ce qui se passe. Lorsqu'on connaît très bien une situation, il est parfois possible de s'en sortir.
• 1705
À l'heure actuelle, au Canada, il n'y a aucune banque
susceptible d'être un chef de file. Aucune d'entre elles ne
pourrait comprendre quel est le risque en Thaïlande ou ailleurs.
Les banques mènent des activités internationales dans les États et
dans certains pays d'Amérique du Sud, mais personne ne peut
comprendre le risque qu'elles prennent dans certains pays dans
différentes régions du monde. C'est là que le bât blesse. À l'heure
actuelle, si je veux financer un mégaprojet en Thaïlande, le seul
endroit où je peux aller, c'est Londres ou peut-être New York.
Toutefois, aucune banque canadienne ne peut constituer ce genre de
consortium dans lequel les autres banques auraient confiance, et à
mes yeux, c'est regrettable. Il est dommage que l'exportateur
canadien soit présent sur le marché et n'ait pas accès à une banque
canadienne susceptible de lui offrir ce genre de service. D'après
moi, c'est un problème qu'il nous faut résoudre.
Par ailleurs, c'est une chose qui coûte également cher. Si les banques sont plus importantes, elles seront à même de faire ce genre d'investissement. Lorsque les gens comme nous sont en mesure de faire des ventes à Kuala Lumpur, à Bangkok ou à Ankara, nous amenons un grand nombre de petits fournisseurs. Bien des gens nous accompagnent et nous nous occupons d'un grand nombre de petites entreprises. C'est avantageux pour l'ensemble de l'économie. Tout le monde ne peut pas aller dans ces pays car il faut d'énormes ressources pour pouvoir exporter et les gens comme nous tiennent à ce genre d'appui de la part du système bancaire canadien.
M. Edmund Clark: Je ne suis pas certain que nos avis soient aussi divergents qu'il y paraît à première vue. Je ne suis pas un expert en finances internationales, mais si ce que l'on dit, c'est qu'il faut autoriser la fusion des banques pour qu'elles offrent le financement aux exportations dont nous avons besoin pour créer ici au Canada des entreprises concurrentielles sur le marché international, alors très bien, allons-y.
Il nous faut toutefois procéder de façon à ne pas éliminer toute concurrence au niveau du commerce de détail sur le marché intérieur. Retournons voir les responsables et demandons-leur s'ils ont vraiment besoin de détenir 40 p. 100 du marché des services bancaires de base en comptes chèques au Canada pour offrir des services de financement à l'exportation qui permettront à SNC-Lavalin de remplir des contrats à Taïwan. Elles n'ont peut-être pas besoin de détenir une telle part du marché pour être en mesure de soutenir les initiatives à l'échelle internationale. Cela risque de nous retomber sur le nez si on autorise une telle concentration du marché. Les banques ont-elles besoin d'une telle part du marché des hypothèques résidentielles? Il faut donc leur demander quel rôle peuvent jouer les petites entreprises ou s'il vaudrait mieux que la Banque Royale livre concurrence à la Banque de Montréal ou à une petite entreprise au lieu de détenir d'énormes parts de marché du secteur de la petite entreprise.
Faut-il que nous n'ayons que les cartes de crédit Visa au Canada et que nous nous débarrassions de la MasterCard? Est-il nécessaire que Nesbitt et DS détiennent de 40 à 50 p. 100 du marché dans chacune de nos villes pour offrir ce financement à l'exportation? C'est la question qu'il nous faut poser et il y a un processus en place à cette fin. Il y a un Bureau de la concurrence qui applique des lignes directives prévoyant les critères à appliquer. Nous les avons appliqués à Imperial Oil lorsque cette société a repris Texaco, et nous pouvons donc fort bien appliquer ces critères à ce projet de fusion et voir quel est le résultat.
M. Paul Szabo: D'après moi, le marché canadien n'est pas assez grand pour permettre à une seule institution financière, quel que soit le regroupement auquel elle procède, d'être assez importante pour répondre aux besoins en matière d'activités internationales pour que le secteur bancaire canadien ait sa place sur ce marché et finance les sociétés canadiennes à l'étranger. C'est le dilemme dans lequel nous nous trouvons. Se départir de certains biens irait à l'encontre du but recherché, puisque nous possédons la masse critique dont nous avons besoin pour investir dans ces pays dans le monde entier.
Je connais au moins trois pays différents où, avant de pouvoir faire des affaires, il faut au préalable créer des liens et se faire des amis. Il faut être présent. Il faut connaître les gens, les entreprises et les intervenants avant de pouvoir même en discuter. Ici, pour faire des affaires, on présente son produit, on indique son prix et on commence à négocier. Il est impossible de procéder de cette façon à Taïwan, par exemple. Il faut connaître quelqu'un et il faut savoir comment les affaires s'y traitent.
Pour la première fois, ce comité a entendu le témoignage d'une entreprise qui crée des emplois pour les Canadiens, qui ne peut pas se rendre là où elle doit aller pour améliorer encore ses résultats, et c'est un dilemme qu'il nous faut résoudre. Je ne suis pas convaincu qu'on va les aider à mieux marcher en leur coupant les jambes et en leur donnant des échasses.
Mme Diane Brisebois: Monsieur Szabo, j'aimerais toutefois ajouter que même si nous appuyons sans réserve les remarques de M. Clark et que nous voulons vraiment encourager des entreprises comme SNC-Lavalin à mener des activités à l'échelle internationale et à trouver un chef de file bancaire qui est canadien, parallèlement, pendant que cette entreprise s'implante sur le marché international, nous sommes également préoccupés par... Je ne suis pas certaine que M. Lamarre utilise une carte de débit—je suppose qu'il n'en a pas; qu'il ne fait pas partie de ce... J'allais dire groupe d'âge. Je l'ai dit, je m'en excuse. Je voulais dire groupe démographique.
Cependant, nous tenons également à faire en sorte qu'il existe un système solide au Canada pour qu'un consommateur qui n'est pas au service de cette société ou certains de ses fournisseurs puissent s'adresser à une succursale et obtenir des services, et pour s'assurer que, si la personne en question n'est pas satisfaite du service, il existe suffisamment de concurrents parmi lesquels faire son choix.
Il est intéressant de vous entendre dire qu'il nous faut être concurrentiels à l'échelle internationale. Personne autour de cette table n'en disconviendra, mais il ne faut pas non plus que cela se fasse aux dépens de bons services concurrentiels ici au Canada. C'est ce qui nous préoccupe vivement également.
M. Paul Szabo: Monsieur le président, nous avons actuellement une discussion très fructueuse.
Il faut donc se demander s'il existe suffisamment d'options et de concurrence à l'heure actuelle? Dans le cas contraire, il nous faut donc manifestement ouvrir davantage le système bancaire, le système des paiements, l'assurance-dépôts, etc. Cependant, je ne sais pas d'où viendra la concurrence. Comme l'a dit M. Clark, je pense que cela ne se produira pas car quelqu'un d'autre risque d'y perdre. Je ne pense pas qu'il y ait un segment du marché qui soit mal desservi. Tout est assez bien équilibré. Ce qui me préoccupe—et j'en entends de plus en plus parler par des gens d'autres secteurs, et encore aujourd'hui par SNC-Lavalin—c'est qu'on risque de ne plus pouvoir soutenir une masse critique pour être présents sur la scène internationale si on les pénalise au niveau intérieur.
Il y a aussi, de toute évidence, l'élément risque. Si le gouverneur de la Banque du Canada a raison et que nous allons ouvrir le marché et qu'il nous faille éventuellement attirer les capitaux de banques étrangères pour offrir les options supplémentaires dont nous avons besoin, plus de Wells Fargo, plus d'institutions comme ING, si cela doit vous aider, c'est formidable. Je ne suis toutefois pas convaincu que le fait d'ouvrir nos portes aux banques étrangères soit dans l'intérêt supérieur des entreprises canadiennes à long terme.
Mme Diane Brisebois: À mon avis, c'est tout simplement parce que nous avons trop attendu pour poser cette question. Nous avons beau parler de ne pas institutionnaliser les banques, c'est un fait accompli et nous protégeons ce marché depuis longtemps. Ainsi, il est extrêmement difficile de dire aujourd'hui—et M. Clark a soulevé toute cette question—qu'il est impossible qu'une banque américaine, par exemple, vienne chez nous et décide d'ouvrir des succursales dans tout le pays. À mon avis, M. Clark a formulé quelques bonnes idées quant aux solutions de rechange qu'il est possible d'envisager, et notamment, si l'on approuve les fusions, les banques qui fusionnent devront se départir de certains services qu'elles offrent actuellement sur le marché intérieur et vendre certains des services qu'elles offrent actuellement. Je suppose qu'il y a donc des moyens.
Toutefois, le problème, c'est que nous parlons de tout cela aujourd'hui plutôt qu'il y a 10, 15 ou même 20 ans, et nous savons tous que cela prend du temps pour faire adopter des lois financières. C'est un autre problème.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
J'aimerais savoir comment nos témoins envisagent l'avenir du secteur des services financiers dans notre pays. Vous avez beaucoup parlé des banques. M. Lamarre, cela va de soi, estime que le système bancaire canadien actuel ne lui offre pas le service dont il a besoin pour faire des affaires à l'échelle mondiale et essayer d'obtenir des contrats et, du même coup, créer des emplois au Canada, ce qui est extrêmement important.
• 1715
Tout dépend évidemment de la vision qui est la vôtre.
Souhaitez-vous que des grandes banques canadiennes soient présentes
sur le marché international ou non? À votre avis, devons-nous être
présents sur la scène internationale?
En second lieu, si l'on examine l'intégration économique qui existe entre certains pays, que va-t-il se produire à l'avenir, à votre avis? Lorsque nous avons conclu l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, par exemple...? J'espère que les gens se rendent compte, et je suis certain que c'est le cas, que cela tend à une harmonisation entre nos deux économies sur bien des plans. Cela veut dire également qu'il va nous falloir partager certaines structures. Ceux qui pensent que le secteur des services financiers est en dehors de ce débat n'ont peut-être pas bien compris les principes économiques et financiers de base, car on ne peut pas faire fi de tous les intrants économiques dans un système.
Une des choses qui est extrêmement... je dois avouer que notre comité a remarqué que bon nombre des témoins qui ont comparu devant lui n'ont pas vraiment parlé de l'avenir, ce qui est, soit dit en passant, l'objet de nos délibérations. Si nous voulions parler du présent, ce serait très facile. Il nous suffirait d'affirmer que les choses sont ce qu'elles sont, que rien ne va changer, que le monde a cessé de tourner et que le Canada continuera d'être le premier pays au monde. Toutefois, l'évolution est inévitable, ne nous y trompons pas.
Le moment est-il venu pour notre pays d'être un peu plus audacieux, ou devons-nous rester aussi conservateurs que par le passé? Je parle de conservateur avec un petit «c», bien sûr.
M. Edmund Clark: Eh bien, j'ai passé toute ma vie à parler de cette question et à essayer d'y répondre. Je ne pense pas pouvoir le faire en deux minutes, mais je vais essayer.
Je suppose que si vous posiez la question au sujet de notre horizon de planification, c'est-à-dire ce qui va se produire d'après nous au Canada au cours de 10 à 15 prochaines années, je dirais que si l'on compare le Canada aux États-Unis, on constatera que nous avons déjà progressé, comme l'ont signalé certains intervenants, vers la concentration du système financier. Cela nous a procuré toutes sortes d'avantages en créant des institutions bancaires nationales, je le répète, et d'excellents services. Mais cela nous a aussi posé des problèmes qui préoccupent certaines personnes.
Aux États-Unis, le système est beaucoup plus fragmenté et la législation en vigueur empêche la concentration. Il s'ensuit que, aux États-Unis, on a créé bon nombre d'institutions qui se spécialisent dans un créneau, par exemple qui offrent d'excellents services de carte de crédit mais pas de services bancaires, ou encore qui se spécialisent dans les prêts hypothécaires, ou les fonds communs de placement. On y a créé ces institutions très spécialisées, à vocation unique.
Si l'on se demande ce qui va se produire au Canada au cours des dix prochaines années, je pense qu'il faut admettre que nous avons opté pour le modèle de banque universelle. Que nous l'ayons fait de propos délibéré ou non, cela n'a plus d'importance. Nous allons être dominés par un modèle de banque universelle. Le centre de ce modèle ne sera pas nécessairement une banque. Il se pourrait qu'une société comme Manuvie ou Sun Life soit au centre d'un modèle de banque universelle, mais la réalité c'est que les institutions financières actuelles, comme le petit Canada Trust—nous sommes bien petits comparés à ces gens-là—vend de l'assurance-vie et de l'assurance tout risque et offre aussi des services de planification financière. Nous faisons déjà un peu de tout et c'est ce que nos consommateurs nous demandent. Nous sommes donc déjà une banque universelle et toutes les institutions financières du Canada vont le devenir.
Parallèlement, je pense qu'il va y avoir d'autres regroupements selon ce modèle tant qu'il n'y aura pas un groupe d'intervenants principaux qui sont les banques universelles dominantes, un peu comme cela se fait en Europe. Nous allons constater que les institutions étrangères qui accéderont à notre marché se spécialiseront dans un seul créneau. Capital One est déjà présente, en disant qu'elle a bâti son infrastructure pour desservir le marché américain, mais le Canada n'est guère plus grand que la Californie et cette institution va donc avoir accès à notre marché et en accaparer une petite partie, en se spécialisant dans les services qu'elle peut offrir à moindres frais, et c'est ainsi qu'elle va faire concurrence à nos institutions.
• 1720
Cela représente une vraie concurrence pour nous, ne nous y
trompons pas. La MBNA et Capital One ont accaparé une importante
part de marché des cartes de crédit l'an dernier. Cela ne veut pas
dire que les principaux concurrents... Lorsque j'examine tous les
mois la feuille des parts de marché, je constate que je n'ai pas 25
concurrents: je n'en ai que cinq, soit les cinq grandes banques
universelles. C'est contre elles que je me mesure tous les jours
dans toutes les localités du pays.
Je pense qu'inévitablement nous allons constater une nouvelle concentration, nous allons voir tous les acteurs se lancer dans tous les aspects des services financiers, car c'est ce que souhaitent les consommateurs. Et ils devront faire face, outre aux cinq ou six grandes banques qui restent en activité, aux concurrents extérieurs qui eux se spécialisent dans un créneau particulier.
Quant aux services bancaires électroniques, pour revenir à cette question, je le répète, nous sommes un chef de file au Canada dans ce domaine. Notre taux de pénétration des services bancaires électroniques ou téléphoniques est quatre à cinq fois supérieur à celui de toutes les autres banques du pays. C'est donc un secteur d'activité que nous connaissons mieux que quiconque.
Si j'avais comparu devant votre comité il y a cinq ans, j'aurais dit que cela allait modifier toute la structure de l'industrie canadienne et que nous allons constater que les banques directes nous permettront de modifier la répartition des parts du marché. Je peux vous dire cinq ans plus tard que cela ne s'est pas du tout produit, bien au contraire. Les services bancaires électroniques ont en fait créé des liens encore plus étroits entre le consommateur et l'institution dominante, car après avoir établi son système de paiement de factures grâce aux services bancaires électroniques, on fait toutes ses transactions grâce à ce système et il est difficile alors de faire changer de société aux consommateurs. En fait, je pense que nous allons assister à une véritable explosion du système bancaire électronique, et cela ne va rien changer vraiment au milieu concurrentiel au Canada.
Le président: Je voudrais revenir à ce qu'a dit M. Pillitteri. Bien des gens se concentrent sur la question de la concurrence. M. Pillitteri a signalé à juste titre qu'il n'y a pas eu de véritable changement dans le classement des cinq banques. Est-ce une bonne chose pour le pays? Est-ce une bonne chose qu'il n'y ait guère eu de changement dans ce domaine? Certains parleront de stabilité, mais d'autres parleront plutôt de stagnation.
M. Edmund Clark: À mon avis, personne ne peut dire du système bancaire canadien qu'il est stagnant compte tenu des services offerts aux consommateurs. Là encore, si vous demandez comment nous nous plaçons par rapport aux États-Unis pour ce qui est de la banque électronique, nous sommes nettement en avance sur ce pays. En fait, nous avons été à l'avant-garde en offrant des services de meilleure qualité aux consommateurs.
En fait, si la distribution des parts de marché reste stagnante, je le répète, c'est parce que personne ne peut se permettre d'en perdre une partie importante au profit de son concurrent, car on craint qu'il y ait un rééquilibre stratégique de l'industrie. En fait, il y a donc eu une concurrence féroce qui s'est exercée au Canada entre ces groupes.
Si l'on considère ce qui s'est passé dans les services bancaires de détail au Canada, on peut difficilement dire que l'industrie n'a pas évolué. Elle évolue à un rythme incroyable.
Le président: Personne ne prétend le contraire. Tout le monde comprend la mise en place du commerce électronique et toutes sortes d'autres changements. Toutefois, la question que M. Pillitteri a posée au sujet des parts de marché mérite réflexion, je dois bien l'avouer. Vous semblez croire que c'est dû à la concurrence féroce qui s'exerce. Certains diront qu'il est vraiment regrettable qu'aucun changement ne se soit produit en quinze ans.
M. Edmund Clark: Cela prouve bien la puissance des franchises qui existent. Je veux dire qu'il ne fait aucun doute...
Mme Diane Brisebois: Vous vous lancez sur un terrain dangereux.
M. Edmund Clark: Oui. Il ne fait aucun doute que ces cinq grandes banques ont des franchises extrêmement puissantes et une base de clients très fidélisée. Il est vraiment très difficile de convaincre un client de quitter l'une de ces grandes banques. Je passe ma vie à essayer de le faire, et je peux vous dire que ce n'est pas facile.
Le président: Je suppose qu'il y a beaucoup de clients heureux.
Allez-y
M. Jayson Myers: Monsieur le président, il importe de réfléchir à l'orientation future du secteur des services bancaires et financiers, mais aussi à l'avenir des clients.
Votre observation quant à ce qui s'est passé au lendemain de l'Accord de libre-échange est tout à fait pertinente, car dans notre secteur d'activités, c'est là que nous constatons le plus de changements. Le nombre d'entreprises qui ont des activités internationales à l'heure actuelle, le nombre de sociétés qui participent à d'importants projets d'immobilisation, de grands projets de génie, et qui concluent des marchés très intéressants en dehors de l'Amérique du Nord a augmenté, mais le nombre de petites sociétés qui non seulement exportent, mais qui investissent aussi, a également augmenté. Prenons le secteur de la fabrication: 65 p. 100 de la valeur des produits fabriqués dans notre pays sont actuellement exportés. Les États-Unis sont notre principal marché: ils reçoivent 55 p. 100 de la valeur totale de la production de notre pays.
• 1725
Il faut donc se poser certaines questions importantes. Quelle
est la capacité de notre système bancaire non seulement pour
financer des contrats internationaux, mais aussi pour conserver la
clientèle d'une entreprise qui s'installe à l'étranger? Dans quelle
mesure nos banques sont-elles à même de s'occuper des clients qui
vont aux États-Unis pour s'y implanter et qui veulent faire affaire
avec une banque américaine, ou encore en Amérique latine?
Lorsqu'on examine certaines des recommandations, surtout en ce qui a trait à l'ouverture du marché aux succursales de banques étrangères exploitées au Canada, c'est une chose qu'il faut garder à l'esprit. Il s'agit d'un véritable service pour les entreprises qui peuvent faire affaire avec des banques étrangères établies dans notre pays et qui peuvent ainsi profiter de leurs réseaux dans le monde entier. On n'en a pas beaucoup parlé jusqu'ici, si la discussion ne porte que sur le niveau de concurrence au Canada.
Un autre événement s'est produit au cours des cinq ou six dernières années, surtout avec l'avènement de technologies nouvelles mais aussi dans le financement des exportations. Je veux parler de l'établissement d'intermédiaires financiers, de groupes qui peuvent mettre au point des solutions financières et faire appel aux banques pour les aider mais qui offrent aussi toutes sortes d'autres solutions, par le biais du crédit-bail ou du prêt d'actif axé sur les connaissances, des prêts en espèces, des sociétés vraiment pointues qui offrent des solutions qu'aucune banque ne peut offrir et qui peuvent jouer le rôle d'intermédiaire. On n'en a pas beaucoup parlé. On n'a pas beaucoup parlé de l'avenir de la SEE et du rapport que cela a avec la discussion d'aujourd'hui. Si l'on s'intéresse à l'avenir de notre système de financement, tant au Canada qu'à l'extérieur de notre pays, ce sont des questions dont nous devrions également discuter.
Le président: Est-ce qu'il y a d'autres observations?
Au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup. Vous étiez un excellent groupe de témoins.
Nous avons bien sûr la responsabilité d'étudier le rapport MacKay et de faire des recommandations au ministre des Finances quant aux mesures qu'il devrait prendre pour constituer un secteur des services financiers de calibre international pour le XXIe siècle, et nous sommes bien conscients que le XXIe siècle commencera très bientôt. Le défi que nous devons relever est d'essayer de maintenir un marché intérieur prospère, tout en étant bien conscients du fait que nous vivons dans un village planétaire, un facteur qu'il ne faut pas oublier en formulant certaines de nos recommandations.
Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.
Nous allons faire une pause de deux minutes avant de reprendre.
Le président: La séance reprend.
J'ai le plaisir d'accueillir des représentants de l'Association des banquiers canadiens: M. Gennaro Stammati, président-directeur général, Comité exécutif des banques étrangères, et président de la Banque commerciale italienne du Canada—je suis convaincu que c'est un sujet dont vous voudrez nous parler; M. William Randle, chef adjoint du contentieux et secrétaire aux banques étrangères; M. Jeffrey Graham, avocat, Borden Elliot. Bienvenue.
Monsieur Stammati, vous avez déjà comparu devant le comité. Vous savez que vous avez environ sept minutes pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous aurons une période de questions et réponses.
M. Gennaro Stammati (président-directeur général, Comité exécutif des banques étrangères, Association des banquiers canadiens): Merci, monsieur le président.
Je veux commencer par remercier le comité de m'avoir permis de comparaître à deux reprises. J'aurai peut-être la chance de faire un succès de ma troisième comparution.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie également les membres du comité de nous permettre de faire cette présentation aujourd'hui.
Je m'appelle Gennaro Stammati et je suis le président du conseil et le chef de la direction de la Banque commerciale italienne du Canada. Je suis aussi le président du comité exécutif des banques étrangères de l'annexe II.
Je suis ici avec M. Bill Randle, comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, et M. Jeff Graham. Nous représentons aujourd'hui l'ensemble des banques étrangères au Canada membres de l'Association des banquiers canadiens.
[Traduction]
Si vous le permettez je vais maintenant parler en anglais, car lorsque je parle d'affaires, je suis habitué à parler en anglais et mon français est un peu faible. Je serais évidemment encore plus à l'aise si je pouvais parler en italien, si vous me le permettiez.
Le président: Peu importe la langue que vous utilisez, c'est le contenu qui nous intéressera.
M. Gennaro Stammati: Comme je l'ai dit, j'essaierai d'être très bref. Le document vous a déjà été distribué et une version française vous sera envoyée le plus tôt possible.
Je vous rappelle très brièvement que j'ai déjà eu la grande chance de comparaître devant votre comité. Comme vous le savez, nous appuyons le point de vue présenté par l'Association des banquiers canadiens, l'ABC, lorsque le président de l'association, M. Ray Protti, a comparu devant vous le 24 septembre 1998. Nous sommes particulièrement d'accord avec lui quand il dit appuyer une recommandation du groupe de travail selon laquelle il ne faut pas imposer de restrictions quant à la structure organisationnelle des institutions financières, à moins que la solidité et la fiabilité du système ne l'exigent.
• 1740
C'est la raison pour laquelle nous sommes heureux de vous
faire part de nos observations.
J'aimerais commencer par deux citations, si vous me le permettez, monsieur le président. Je cite:
-
[...] que les banques étrangères aient le droit d'exercer leurs
activités bancaires au Canada directement par l'entremise de
succursales [...]
-
L'ouverture de succursales devrait être permise le plus tôt
possible [...]
Il serait raisonnable pour vous de conclure que ces recommandations sont tirées du rapport du groupe de travail. Il serait raisonnable de le penser, mais ce serait une erreur, car elles sont tirées du rapport remis par le Comité des finances de la Chambre des communes au gouvernement fédéral il y a deux ans, soit le 31 octobre 1996, et je vous en remercie beaucoup, parce qu'il semble certain que vous appuyez depuis ce temps notre demande d'avoir la permission d'exercer nos activités bancaires dans des succursales.
Si nous passons maintenant au présent, c'est-à-dire aux recommandations contenues dans le rapport du groupe de travail, on peut commencer à comprendre la frustration et l'impatience du milieu des banques étrangères face au manque de progrès vers l'autorisation des banques étrangères à ouvrir des succursales. Malheureusement, depuis 30 ans, on a ainsi très souvent donné certains espoirs aux banques étrangères au Canada, pour ensuite retarder les mesures nécessaires à leur réalisation.
Pour gagner du temps, je ne relaterai pas tout ce qui s'est passé, mais vous pouvez le lire dans mon mémoire.
Nous sommes donc très heureux que M. MacKay et ses collègues appuient l'idée de permettre aux banques étrangères d'ouvrir des succursales et nous soulignons en particulier la recommandation du groupe de travail selon laquelle le gouvernement fédéral devrait agir sans tarder afin de permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales au Canada. Nous restons cependant prudents, bien que nous ayons reçu aujourd'hui un certain encouragement, quand nous avons entendu dire que le comité Ianno appuie également nos demandes à cet égard, et nous en remercions sincèrement le caucus libéral, en particulier M. Ianno.
Il reste encore beaucoup de travail à faire pour que le milieu des banques étrangères devienne vraiment un élément viable et concurrentiel du secteur des services financiers canadien. Nous sommes fiers de pouvoir dire que nous contribuons autant que les autres institutions financières au bien-être financier du secteur au Canada, en dépit de notre taille encore petite.
Les recommandations du rapport du Groupe de travail MacKay peuvent contribuer à ce processus, mais il est essentiel que les législateurs et les organismes de réglementation canadiens cessent de nuire à l'établissement d'un contexte plus favorable aux banques étrangères au Canada.
Permettez-moi maintenant d'examiner de plus près le rapport MacKay et en particulier les recommandations concernant l'accès aux banques étrangères pour les évaluer dans le contexte de l'expérience canadienne.
Le rapport affirme qu'il est important que le gouvernement fédéral agisse sans tarder afin de permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales au Canada, aussi bien que des filiales. L'expression déterminante ici est «sans tarder». Le gouvernement fédéral ne devrait certainement plus reporter son autorisation aux banques étrangères d'exploiter des succursales. Il est presque impossible à une banque étrangère de prospérer et de mettre en oeuvre un plan d'entreprise cohérent pour ses activités canadiennes quand on s'attend constamment à voir modifier les règles de base, sans que cela se produise vraiment. En effet, il semble maintenant possible que le gouvernement fédéral, en dépit de la recommandation catégorique du groupe de travail en faveur de succursales pour les banques étrangères, n'agisse pas aussi rapidement qu'on le voudrait.
À notre avis, il n'y a pas de lien et il ne devrait pas y en avoir entre les fusions bancaires proposées et la possibilité de permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales. Peu importe la décision qu'on prendra au sujet des fusions proposées, il est nettement rationnel de permettre aux banques étrangères d'exercer leurs activités au Canada par l'entremise de succursales de l'institution mère. Tous les secteurs financiers et commerciaux, comme les grands partis politiques, les médias et la population, appuient fortement l'idée de permettre aux banques étrangères d'exercer directement leurs activités par l'entremise de filiales et reconnaissent que ce sera très bénéfique pour le Canada et les Canadiens.
On reconnaît généralement que le fait de permettre aux banques étrangères d'exploiter directement des succursales augmenterait la concurrence dans le secteur des services financiers au Canada. Tous les Canadiens profiteront d'un secteur bancaire national plus concurrentiel, et par conséquent, le gouvernement fédéral devrait agir sans tarder, comme le dit le rapport, et apporter cet automne les modifications législatives nécessaires pour permettre l'exploitation directe de succursales.
J'aimerais présenter quelques arguments. Nous estimons que le fait de permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales améliorera la concurrence dans le secteur des services financiers, mais nous sommes inquiets à l'idée qu'on pourrait simplement remplacer le mot «filiale» dans la Loi sur les banques par le mot «succursale». Nous sommes donc très curieux de voir à quel sorte de régime de réglementation et à quel régime fiscal seront assujetties les banques étrangères. Les deux éléments clés sont évidemment le régime de réglementation et le régime fiscal.
• 1745
Je vais commencer par le premier. Le groupe de travail
recommande que si la filiale ou la succursale d'une banque
étrangère ne se livre pas à des activités donnant lieu à des
préoccupations d'ordre prudentiel, la réglementation devrait être
la plus légère possible. C'est l'un des nombreux exemples de bon
sens et de sagesse qui caractérise le rapport MacKay.
Le groupe de travail se rend compte que si l'on permet simplement aux banques étrangères d'exploiter des succursales au Canada, sans démanteler du même coup le lourd cadre réglementaire et fiscal actuellement en vigueur, la situation actuelle ne changera pas tellement. Le fait de créer un nouveau régime pour faciliter la venue de nouveaux participants tout en assujettissant les succursales de banques étrangères à la même structure réglementaire, ou presque, que les filiales de banques étrangères, ne revitalisera pas le secteur financier et il ne faudrait pas s'y attendre. Pour éviter cela, les législateurs, les bureaucrates et les organismes de réglementation canadiens devront adopter une approche plus ouverte, plus permissive et axée sur le marché.
Le groupe de travail rejette explicitement la notion selon laquelle il est dans l'intérêt des consommateurs ou du bon fonctionnement de l'économie canadienne d'imposer une réglementation prudentielle aux concurrents étrangers dans le simple but d'appliquer des règles égales à tous. N'oubliez pas que M. MacKay, qui vient de la Saskatchewan, dit que c'est le meilleur endroit où appliquer des règles égales, étant donné que le terrain y est si plat. Nous estimons d'une part que le principe de l'égalité des règles est bon, mais comme le groupe de travail le dit: «Il ne faut pas recourir à la réglementation prudentielle si son usage n'est pas justifié». Comme le rapport du groupe de travail le signale à juste titre, les objectifs premiers doivent être une concurrence accrue et les intérêts des consommateurs.
Je ne parlerai pas aujourd'hui de tous les détails de l'aspect fiscal. Cependant, parmi les documents que je vous ai remis, il y en a où l'on met particulièrement l'accent sur quatre grandes questions fiscales qui préoccupent les banques étrangères.
De plus, le groupe de travail a formulé des recommandations importantes concernant l'élimination de la retenue fiscale sur les prêts transfrontaliers accordés par les banques étrangères et une plus grande clarté en ce qui concerne les services financiers transfrontaliers autres que les services de dépôt sur le marché de détail. Les banques de l'annexe II appuient aussi ces recommandations du rapport du Groupe de travail MacKay, à la condition que les banques étrangères qui ont investi au Canada ne se trouvent pas désavantagées sur le plan concurrentiel.
[Français]
En conclusion, le rapport du groupe de travail fournit un guide solide pour s'assurer que les banques étrangères jouent un rôle plus pertinent, plus efficace et plus concurrentiel dans le secteur canadien des services financiers.
Nous partageons sa vision d'un secteur de services financiers solide, dynamique, novateur et compétitif. Nous sollicitons l'aide de votre comité pour obtenir l'autorisation immédiate d'établir des succursales de banques étrangères de manière à pouvoir pleinement exercer notre concurrence.
Nous espérons que nos observations aideront les membres du comité dans leur examen du rapport du groupe de travail.
Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions et
[Traduction]
noi siamo protti per le qualche domande que dovete fare, nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Va bene. Allora di siamo par M. Solberg.
M. Monte Solberg: Je me sens encerclé.
Le président: Vous l'êtes.
M. Monte Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président, et je vous souhaite la bienvenue, monsieur Stammati, monsieur Randle et monsieur Graham.
C'est un plaisir de vous écouter aujourd'hui. J'ai bien entendu votre argument. Vous avez souligné un élément important en disant que l'exploitation de succursales par des banques étrangères n'a vraiment aucun lien avec les fusions, et il y a maintenant environ deux ans, si je ne me trompe, que le gouvernement a convenu de permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales. Je pense que nous avons signé un accord à cet égard il y a environ deux ans, et le ministre en a parlé ouvertement à la Chambre.
Ce qui m'agace, c'est que nous sommes encore en train d'en parler. Je pense que presque tout le monde est d'accord pour dire que les banques étrangères devraient exploiter des succursales, qu'on devrait éliminer tous les obstacles et je pense qu'il est important... C'est une déclaration que je fais, monsieur le président, au lieu de commencer par poser une question. À un moment où l'on craint un resserrement du crédit à l'échelle mondiale, je pense qu'il est extrêmement logique d'avoir plus de sources possibles de crédit pour les entreprises du pays. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi le gouvernement se traîne les pieds. Nous exhortons le gouvernement à agir immédiatement. Si je peux poser une question, est-il vrai, comme je le pense, que le Canada et le Mexique sont les deux seuls pays de l'OCDE qui ne permettent pas encore aux banques étrangères d'exploiter des succursales?
M. Gennaro Stammati: Oui, c'est vrai. Je crois que le protectionnisme dont font preuve certains pays, et vous avez mentionné que c'est certainement le cas du Canada et du Mexique, ne contribue pas à rendre leur propre marché très concurrentiel. Au contraire, nous disons que la venue de banques étrangères dans un pays donne comme résultat un marché plus avisé, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale.
Nous avons pu écouter d'autres témoins et nous les avons entendus souligner que l'un des éléments positifs que nous apportons sur ce marché est le raffinement, ce qui est un avantage pour les Canadiens, ainsi que la possibilité de pouvoir concurrencer les autres banques, non seulement au Canada mais aussi à l'étranger.
M. Monte Solberg: L'une des choses que les gens demandent au sujet de la possibilité que les banques étrangères exploitent des succursales au Canada, alors que la banque mère se trouve évidemment en dehors du pays... Disons qu'elle se trouve dans un pays qui pourrait être ébranlé par des bouleversements économiques survenant dans le monde. Les gens peuvent craindre pour la sécurité de leurs dépôts dans une telle banque. Je me demande si vous pourriez parler du type de mesures réglementaires de protection qui seraient mises en place pour convaincre les gens que leurs dépôts seraient en sécurité ou qu'ils ne courent pas de risques en faisant affaire avec une succursale d'une banque étrangère.
M. Gennaro Stammati: Permettez-moi de répondre à votre question de la façon suivante. La mesure législative actuellement proposée interdit aux banques étrangères d'accepter des dépôts de la population. Par conséquent, si un problème de crédit international survient dans un pays, les intérêts des consommateurs du Canada sont déjà protégés, parce que la loi ne nous permettra pas d'accepter leurs dépôts.
Cependant, pour compléter ma réponse à votre question, j'ajouterai que tous les pays du monde envisagent présentement des régimes de réglementation allant au-delà de leurs frontières. Vous savez sûrement qu'en Suisse... tous les pays qui font partie d'une certaine catégorie voient ce que fait la Banque des règlements internationaux, et ils imposent déjà des coefficients de liquidité de fin d'année aux banques afin de s'assurer de leur stabilité.
En outre, pour atténuer en particulier la préoccupation des institutions qui craignent que le consommateur canadien puisse faire face à des risques à cause de la venue de banques étrangères, je dirai qu'à mon avis, le régime de réglementation actuellement en vigueur devrait prévoir que les membres des organismes de réglementation du Canada aillent rencontrer ceux des autres pays. Un pays qui s'est doté d'une banque centrale très forte, comme le Canada, a un système stable.
J'exhorte donc les autorités canadiennes à s'assurer que les membres des organismes de réglementation parlent avec leurs homologues internationaux, afin qu'on puisse aussi évaluer équitablement au Canada les points forts de nos banques mères. Je crois qu'en ouvrant nos frontières, nous pourrons améliorer encore davantage le régime de réglementation présentement imposé, en ce qui concerne la vérification du bon rendement des institutions, parce qu'on saurait beaucoup mieux si d'autres pays effectuent un certain type de contrôle.
M. Monte Solberg: Je crois qu'il y a environ 40 banques étrangères au Canada actuellement, qu'elles ont un certain nombre d'employés et fournissent une source de crédit à un bon nombre d'entreprises au Canada, mais le régime actuel comporte toutes sortes d'obstacles à leur établissement au Canada.
Vous avez mentionné la question des impôts sur le capital et je dois dire, monsieur le président, que la simple idée d'un impôt sur le capital me semble injuste. Un tel impôt n'a rien à voir avec les profits et je crois savoir que les banques prennent toutes sortes de détours pour faire en sorte que leurs impôts sur le capital ne soit pas trop élevés.
Je ne pense pas que ce soit très productif pour une entreprise et je me demande si vous pourriez nous en parler davantage, car j'estime qu'il est dans l'intérêt de tous les membres du comité et des Canadiens de permettre à des succursales de banques étrangères d'offrir de nouvelles sources de crédit, plus de concurrence, et de créer plus d'emplois. J'aimerais que vous nous disiez quel obstacle pose cet impôt sur le capital et quelles sont vos recommandations.
M. Gennaro Stammati: La question des impôts est évidemment un vaste sujet.
• 1755
Pour ce qui est du sujet précis de votre question, l'impôt sur
le capital est courant dans le système bancaire au Canada et ce
n'est donc pas un élément particulier à notre statut de banques
étrangères. Les banques de l'annexe I font face à la même situation
et nous travaillons en collaboration avec elles pour voir comment
il convient d'en saisir les autorités.
Nous estimons cependant que dans notre situation particulière, c'est un désavantage. On nous a demandé d'explorer la possibilité d'investir dans ce pays. En commençant par analyser cette possibilité d'investir nos capitaux dans un nouveau pays, nous estimons évidemment qu'un régime de réglementation favorable nous encouragera à investir encore davantage.
Au lieu de cela, nous nous sentons comme quelqu'un qui arrive dans un pays et qui n'est pas bien accueilli par l'agent de douane ou par l'agent d'immigration. Nous apportons nos capitaux. Et avant même que nous ayons commencé à travailler, on nous fait déjà payer des impôts sur ces capitaux, et non sur nos profits.
Nous estimons donc qu'on devrait réexaminer ces questions dans l'intérêt du secteur. Je dois dire que sur ce point, je partage complètement l'opinion des banques de l'annexe I.
Quel genre de régime de réglementation devrait être institué? C'est certainement un sujet qui nécessite l'analyse d'autres éléments. Pour l'instant, je ne les connais pas encore tous bien, mais il y a notamment les taxes, comme la TPS, et d'autres. Le sujet est donc très vaste.
M. Monte Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Grazie mille, Signor Solbergo.
Monsieur Stammati, l'un des objectifs du comité et des autres groupes de travail auxquels j'ai participé, est de chercher à favoriser un environnement qui nous permettrait à tous de penser qu'au cas où l'on permettrait aux banques de fusionner, le vide ainsi créé pourrait être comblé par de nouveaux venus. Vous semblez être l'un des rares groupes à être d'accord et vous semblez tout à fait disposés à relever ce défi.
J'ai encore énormément de réserves. Si vous regardez l'une des recommandations de M. MacKay, vous verrez que vous n'aurez toujours pas le droit de recueillir des dépôts sur le marché de détail, et il s'agit là de dépôts inférieurs à 150 000 $. En outre, tous les dépôts que vous pourriez recevoir en deçà de ce montant ne seraient pas garantis par la SADC, de toute manière.
De plus, les banques étrangères ne pourraient pas exercer d'autres activités bancaires au Canada que celles auxquelles j'ai fait allusion tantôt. Vous devriez aussi exercer ces activités par l'entremise de succursales des banques étrangères, de même que par l'entremise de filiales.
Par conséquent, pouvez-vous honnêtement dire que vous pourrez être...? Et je vous demande de m'aider à exprimer ce que je veux dire. Pensez-vous vraiment que vous pourrez réellement faire concurrence aux mégabanques, si les fusions proposées sont permises?
M. Gennaro Stammati: Permettez-moi, monsieur le président, de répondre à votre question de la façon suivante. Le rapport du groupe de travail recommande que les banques étrangères puissent venir au Canada ouvrir des succursales. Elles doivent cependant limiter leurs activités à tout ce qui n'est pas une opération de dépôt de détail.
Dans ce régime particulier, nous n'aurons vraiment pas la possibilité de servir les consommateurs parce que nous n'aurons pas le droit de recueillir des dépôts de détail. Nous estimons cependant que ce régime nous permettra quand même de concurrencer les autres banques et d'offrir des possibilités aux Canadiens, parce que nous les servirons évidemment à l'échelle internationale. Nous constituerons une source de financement de rechange pour les entreprises, petites, moyennes et grandes, car elles seules pourront faire des dépôts chez nous.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Lorsque les banques fermeront des succursales dans les localités rurales du Canada, allez-vous en ouvrir?
M. Gennaro Stammati: Nous n'avons même pas à nous demander si nous pourrions ouvrir une succursale dans une localité rurale où nous ne pourrons pas accepter de dépôts. D'une part, le rapport demande que nous envisagions cela, mais d'autre part il nous empêche d'exercer l'une des principales activités bancaires.
Je dirais donc qu'au lieu de permettre aux banques étrangères de choisir à leur gré, on leur permettra seulement de choisir parmi les restes. Je vous soumets qu'il faut faire le contraire.
Dans le cadre actuel, cependant, où les banques étrangères exploitent déjà pour ainsi dire des succursales dans le marché de détail, dans le contexte des institutions de l'annexe II, nous cherchons des créneaux dans le marché. Ma banque, par exemple, vise principalement les consommateurs italiens. Nous suscitons déjà un certain intérêt chez les consommateurs avec notre structure de filiales. Il faut bien sûr nous demander ce que nous allons faire maintenant, et il ne s'agit pas vraiment de la question du statut de succursale.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous conviendrez tous avec moi, je pense, qu'en ce qui concerne les services bancaires de base, vous ne pourrez pas donner du fil à retordre aux mégabanques. Elles seront tout simplement trop grosses pour vous.
M. Gennaro Stammati: Non, mais j'ajouterai que je crois encore qu'il n'y a pas de lien entre les deux questions. Je suis encore d'avis que la question de la fusion des banques canadiennes n'a aucun lien avec la question des banques étrangères. Permettez-moi cependant d'ajouter que si les banques fusionnées mettent un jour des succursales en vente, la question est de savoir si elles pourraient ou non intéresser des banques étrangères. Je répondrai que la chose pourrait peut-être les intéresser, mais peut-être pas. Cela dépendra de plusieurs choses. Par exemple, si les succursales qui sont mises en vente parce que les banques fusionnées transfèrent leurs dépôts d'une succursale à l'autre, nous nous trouverions à acheter une coquille vide, et non une succursale.
Je vous le dis bien honnêtement, nous devons chercher des secteurs qui ont un intérêt particulier pour nous, comme par exemple le secteur de la technologie. Si je dois aller dans une région rurale, par exemple, où je ne disposerai d'aucun avantage particulier pour bien servir les clients, je dirais que cela ne me conviendrait certainement pas.
Je réponds donc que la chose nous intéresserait peut-être, ou peut-être pas, mais que les deux questions ne sont pas reliées.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stammati.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président. Excusez-moi, j'allais poser ma question en italien, mais je crains que les interprètes auraient de la difficulté.
Le président: Je suis d'accord avec vous.
M. Gary Pillitteri: Monsieur Stammati, je me demandais seulement si vous n'auriez pas dû être à la table des témoins avant l'autre groupe qui a comparu. Je me souviens d'avoir entendu l'un des témoins de Canada Trust dire que si nous permettions les fusions, les banques en question devraient se départir de certains de leurs actifs.
Je n'ai pas eu assez de temps pour en discuter. Je trouve qu'il s'agit d'une autre façon de choisir à son gré. Je n'ai pas eu assez de temps pour dire qu'il entendait par là que les banques feraient mieux de fusionner, mais qu'il faudrait modifier l'étendue de leurs activités et leur taille. Elles devraient réduire leur taille en se départissant de certains de leurs actifs.
Ces témoins disaient qu'ils étaient prêts à acheter ces actifs, et vous l'avez mentionné vous-même. Autrement dit, il serait trop onéreux de bâtir toute l'infrastructure nécessaire pour aller concurrencer les autres banques, il serait plus facile d'acheter certains de leurs actifs à prix réduit. Bâtir toute l'infrastructure nécessaire coûterait trop cher. Ce n'est cependant pas ma question.
Vous avez déjà témoigné ici au sujet de la venue des banques étrangères. Que voulez-vous à part la possibilité d'ouvrir des succursales? Vous parlez de l'élimination du dépôt de 5 p. 100, de la garantie de 5 p. 100, à laquelle vous êtes assujettis actuellement. Vous voudrez qu'on élimine cette exigence. Dans quelles conditions voudriez-vous avoir accès au système bancaire canadien?
M. Gennaro Stammati: Monsieur le président, les banques étrangères aimeraient entrer au Canada avec le statut de succursale en partie parce que nous estimons que la structure actuelle des filiales est coûteuse, en particulier à cause de l'absorption des capitaux.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, à cause des exigences de la Banque des règlements internationaux, plus on inscrit d'actifs dans les livres... La valeur de ces actifs est pondérée en fonction du risque que nous prenons. Que la garantie vienne du gouvernement ou d'une entreprise, en fin de compte le ratio actif/capital est fixé actuellement à 8 p. 100. On nous a laissé entendre cependant que nous pourrions aller jusqu'à 10 p. 100. Cela signifie que plus nous voulons inscrire de valeurs dans nos livres, plus nous devons apporter de capital ici.
N'oubliez pas que nous ne sommes pas une banque de création récente. Nous sommes une banque internationale qui exerce ses activités partout dans le monde. Ma banque exerce ses activités dans 44 pays et emploie plus de 30 000 personnes dans le monde.
Je crois donc que pour faire en sorte que les investissements soient proportionnels à la taille de l'institution, il est préférable que nous ayons le droit d'exploiter des succursales, car cela nous permettra d'utiliser le capital de notre banque. Cela demeure le capital de la banque. De cette manière, nous pourrions injecter plus d'actifs, plus d'argent dans les marchés canadiens. Nos coûts seraient alors moins élevés et le marché en retirerait des bénéfices.
• 1805
Un débat est en cours sur la quantité de capital qu'on devrait
exiger dans le cas des succursales. Nous croyons comprendre que les
autorités canadiennes savent qu'on n'a pas encore défini cette
question dans un document présenté au Parlement, mais je crois
savoir qu'on exigera quand même que nous apportions au Canada un
certain capital nominal. J'ignore si le chiffre de 5 p. 100 que
vous avez mentionné est le bon, ou s'il devrait être inférieur,
comme les banques le demandent instamment, bien sûr, ou si les
autorités canadiennes envisagent un pourcentage plus élevé.
D'une part, la structure devrait pouvoir offrir des services dans un environnement plus concurrentiel, et d'autre part elle devrait être flexible. Il y a des situations que nous aimerions éviter. Par exemple, s'il y a une croissance des actifs utilisés pour nos prêts au jour le jour, nous devrions prendre plus de capital, et le diviser le lendemain. Le système devrait donc être flexible, et assez simple.
Donc, comme je l'ai déjà mentionné, le cadre réglementaire devrait être clarifié, et tous ces aspects fiscaux aussi, pour que nous ayons la possibilité d'être réellement concurrentiels dans ce marché.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
M. Gary Pillitteri: Oui, cela répond à une partie de ma question, mais j'en ai une autre. Celle-ci porte sur les fusions bancaires.
On dit qu'il y a beaucoup de concurrence créée au Canada par les banques étrangères. Entre autres, on mentionne Wells Fargo et Capital One. D'après ce que je vois, ces institutions n'ont aucune infrastructure au Canada, et ne sont pas réglementées. Donc toute personne qui emprunte de l'argent de ces institutions devrait faire attention, parce qu'elles n'ont pas vraiment une présence ici au pays.
Certaines opèrent avec certaines restrictions. Vous disiez qu'il y avait plus de capital disponible ici au Canada, mais comme Canada Trust, avant d'être réglementé, elles sont limitées à des prêts commerciaux de 250 000 $.
Si je comprends bien, elles n'offrent que les services les plus rentables. Wells Fargo, Capital One et toutes les autres institutions disent qu'elles offrent des services à tout le monde, mais je ne vois pas d'infrastructure.
Êtes-vous assujettis à des restrictions? Comme vous octroyez des prêts commerciaux ici au Canada sur une grande échelle, établissez-vous des limites? Est-ce que le gouvernement du Canada vous impose une limite? Êtes-vous prêts à combler l'écart dans le secteur des prêts commerciaux, ces prêts qui sont tellement nécessaires aux petites et moyennes entreprises au Canada?
M. Gennaro Stammati: Monsieur le président, si je comprends bien, le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada recommande que le marché soit libéralisé, non qu'on impose des limites. Quand les banques étrangères sont venues au Canada en 1981, notre croissance était restreinte parce qu'il y avait une limite maximale sur nos actifs. Nous ne pouvions pas offrir une réelle alternative aux citoyens du Canada, parce que notre capital présumé—un capital fictif qui nous était alloué à l'aide d'un multiplicateur—limitait nos actifs. Nous ne pouvions donc pas croître au-delà d'une certaine limite.
Si je comprends bien, le rapport du Groupe de travail établit les bases d'un régime beaucoup plus flexible et ouvert. Si le gouvernement est à l'aise avec la situation de la compagnie mère—si je ne m'abuse, ils imposent une limite sur les actifs totaux et la capitalisation totale des banques qui veulent entrer au Canada—nous devrions laisser les Canadiens choisir librement les institutions avec lesquelles ils veulent faire affaire, au lieu d'imposer des limites aux prêts aux particuliers ou aux prêts consentis dans certaines catégories.
Nous voulons continuer de permettre aux entreprises d'offrir des petits prêts commerciaux aux PME. Notre banque, qui est assujettie aux restrictions imposées sur les filiales, fait tout de même l'effort de créer de nouvelles possibilités. Nous avons déjà établi la division Independent Business, que nous appelons simplement la division IB. Les autres banques—je vais mentionner certaines d'entre elles qui m'ont donné la permission de le faire—comme la Deutsche Bank, la Banque nationale de Grèce et la Banque Sottomayor du Canada prêtent déjà aux PME. L'établissement de succursales devrait rendre ces banques plus accessibles. Nous avons une présence physique au Canada. En d'autres mots, nous ne sommes pas dans la même catégorie que ceux qui veulent faire affaire au Canada sans établir une infrastructure concrète.
M. Gary Pillitteri: Monsieur le président, pourrais-je avoir quelques secondes encore?
Merci de votre réponse, monsieur Stammati. J'avais aussi une autre question pour vous, une question qui porte sur la protection et les garanties offertes par le gouvernement du Canada aux six banques à charte. Enfin, je voulais poser une question, mais vous m'avez déjà répondu selon une autre perspective: comme les banques ici ont un marché captif, elles sont protégées par nos lois et il est vraiment très difficile pour les concurrents de percer au Canada. Merci beaucoup.
M. Gennaro Stammati: Merci, monsieur Pillitteri.
Le président: Merci. La dernière intervention sera de M. Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président. Ceci n'est peut-être qu'une question macro-économique, puisque nous avons accès à des experts étrangers. Avec notre dernier groupe de témoins, on a discuté de la notion qu'il fallait de plus grandes institutions bancaires au Canada, des institutions qui pouvaient mieux appuyer les entreprises canadiennes faisant affaire à l'échelle internationale, parce qu'il fallait investir dans plus de succursales à l'étranger, comme vous investirez—nous espérons—dans des succursales ici au Canada. Faut-il vraiment avoir une masse critique pour croître à l'échelle internationale et établir une présence dans beaucoup de pays pour appuyer les entreprises? Est-ce que cela est une stratégie logique?
M. Gennaro Stammati: Monsieur le président, cela est une question très intéressante, mais elle contient un petit piège, si je peux utiliser ce mot. J'aimerais parler un peu des succursales de banques étrangères. Je préférerais m'abstenir de tout commentaire sur les éventuelles fusions bancaires canadiennes. Mais si vous le permettez, monsieur le président, je mentionnerai seulement que, d'après M. Protti—que j'ai déjà cité—j'ai l'impression que le rapport MacKay est un peu ambivalent pour ce qui est de cette mégafusion. Si je comprends bien, certaines banques ont interprété leurs recommandations comme étant pour la fusion, et d'autres comme étant contre. Nous, les banques étrangères, nous préférons nous taire.
Permettez-moi de vous parler de notre propre expérience en tant que banque internationale. Si de là vous pouvez extrapoler une réponse à votre question, c'est très bien. Moi je présenterai les faits.
Notre banque—la Banca Commerciale Italiana du Canada—a été fondée il y a plus d'un siècle pour offrir aux Italiens la possibilité de s'autofinancer au niveau local et international. N'oublions pas qu'à l'époque, la société italienne se transformait d'une société agricole en une société industrielle. Nous avons tout de suite commencé à opérer au niveau international, en ouvrant des succursales hors de l'Italie.
Je ne suis pas trop sûr qu'on puisse utiliser le terme «masse critique» dans ce sens là. Ce qui compte réellement, ce sont les services que vous pouvez offrir—la qualité et la disponibilité du crédit—dans les pays lointains. Nous voulions offrir ces services, et c'est pourquoi nous avons ouvert des succursales à Londres, à New York, à Tokyo et dans beaucoup d'autres villes. Nous avons aussi une très bonne présence en Amérique du Sud, un marché qui verra une forte croissance dans les années à venir. Donc nous voulions cette infrastructure. D'après nous, pour aider nos clients italiens au niveau international, nous devions avoir une présence physique à l'étranger.
Bien sûr, une fois que nous avions cette présence physique, cette infrastructure, nous avions aussi la possibilité de desservir le marché local, de le rendre plus avisé, à l'avantage du pays hôte.
M. Paul Szabo: Ma dernière question a trait au niveau actuel de concurrence ici au Canada. Si je vous comprends bien, votre banque peut offrir des services sélectifs, surtout pour les communautés italiennes. Vous vous concentrez donc sur les centres urbains.
• 1815
Ainsi, pourrait-on dire avec justesse que vos services ne sont
pas nécessairement meilleurs ou plus rentables ou plus avantageux
que les services offerts par les banques canadiennes?. Par contre,
vous apportez une dimension culturelle, ce qui vous donne un léger
avantage concurrentiel pour les services ponctuels, ou les services
sélectifs. N'est-ce pas vrai?
M. Gennaro Stammati: Non. Voici, plutôt, la réponse. Lorsqu'il s'agit de la loi actuelle, celle qui prévaut à l'heure actuelle, aussi longtemps que les banques ne peuvent entrer au Canada qu'en vertu de l'annexe II, nous devons tenir compte du contexte dans lequel nous évoluons.
Je parle en tant que président de la BCI, et je laisse de côté mon rôle de président du Comité des banques étrangères. Nous avons d'abord fait affaire ici à titre de banque ethnique. Mais nous pensions que ce qui compte vraiment c'est le service à la clientèle. Nous pensions viser certains créneaux avec nos produits, produits que nous pourrions offrir aux Canadiens, aux Italiens d'abord, parce que c'était là notre marché initial. Mais vous savez peut-être que nous avons ouvert une succursale à Kitchener—Waterloo, tout dernièrement, là où il n'y a presque pas d'Italiens. Nous offrons déjà nos services aux non-Italiens, aux Canado-Allemands de deuxième génération.
Nous avons donc pensé que dans la situation actuelle, nous ne pouvions pas vraiment faire la fine bouche dans un certain créneau; mais nous avons pu offrir à la population en général un service fondé sur la qualité et une relation directe avec les clients.
Nous croyons en une stratégie à deux volets: le service bancaire haut de gamme où nous n'offrons qu'un produit qui peut répondre au marché, et un service grande surface où nous offrons plus de produits à une clientèle plus vaste.
Si vous préférez l'autre côté de la médaille, c'est-à-dire le projet de loi que nous étudions, celui sur les succursales, je crois que nous éviterons de devenir une institution de dépôt pour continuer à offrir ce que nous offrons déjà. Il s'agit donc de services à l'industrie, de la plus petite à la plus grande, toujours fondé sur la même philosophie, la seule différence étant que le climat serait plus amical parce qu'il y aurait moins de capital à assumer et donc une meilleure possibilité, pour nous, d'offrir des services à la clientèle parce que cela nous coûterait moins cher.
M. Paul Szabo: Si je vous comprends bien, vous pensez ajouter un nouvel élément de concurrence qu'on ne trouve pas à l'heure actuelle.
M. Gennaro Stammati: Oui, absolument. Nous créons aussi un marché plus averti, nous provoquons le marché en nous installant ici avec notre expérience.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.
Y a-t-il d'autres questions?
Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je tiens à vous remercier au nom du comité. J'aimerais aussi saisir l'occasion de vous remercier encore une fois pour tous ces renseignements que vous nous avez fournis auparavant alors que nous nous préparions à traverser le pays d'un océan à l'autre pour entendre ce qu'ont à dire les gens à propos de cette question très importante.
M. Gennaro Stammati: Grazie. Arrivederci.
Le président: La séance est levée.