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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 133 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 avril 2019

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

     Bonjour tout le monde. Merci de vous joindre à nous cet après-midi.
    Nous avons trois témoins. Nous allons poursuivre jusqu’à 17 heures. Je prévois deux séries de questions, après quoi nous passerons aux travaux du Comité.
    Nous accueillons M. Grant Sullivan, directeur exécutif du Gwich'in Council International. Merci de vous joindre à nous.
    Par vidéoconférence, nous accueillons Ellis Ross, membre de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. J’espère que vous pouvez nous voir et nous entendre.
    Nous accueillons également Nils Andreassen, directeur exécutif de l’Alaska Municipal League.
    Messieurs, chacun d’entre vous disposera de 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire. Si vous dépassez les 10 minutes, je devrai peut-être vous interrompre et passer à l’étape suivante. J’espère que je n’aurai pas à le faire. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Monsieur Sullivan, pourquoi ne pas commencer par vous puisque vous êtes dans la salle?
    Je m’appelle Grant Sullivan. Je suis directeur de l’énergie à la Nihtat Corporation. Dans le Nord, nous avons plusieurs casquettes, alors je fais également partie du Gwich’in Council International, mais aujourd'hui je vais représenter la Nihtat Corporation.
    J’aimerais remercier le Comité de m’avoir invité ici aujourd’hui.
     Je viens d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, une collectivité de 3 200 habitants située sur le delta du Mackenzie, à 200 kilomètres au nord du cercle arctique, où 30 jours par an le soleil ne se lève pas, mais où il brille sans discontinuer 2 mois d’affilée pendant l’été.
    Mes observations d’aujourd’hui porteront sur l’expérience des Nihtat Gwich’in en matière de projets énergétiques dans la région d’Inuvik.
    La Nihtat Corporation appartient entièrement au Nihtat Gwich'in Council situé à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans la région visée par le règlement avec les Gwich’in. Le Nihtat Gwich’in est l’une des quatre organisations gwich’in désignées, établies en vertu de l’entente sur les revendications territoriales globales des Gwich’in, l’une des ententes modernes sur les revendications territoriales qui échangent des droits ancestraux non définis contre des droits issus de traités définis.
    Les Nihtat Gwich’in sont des propriétaires fonciers qui détiennent des droits et prennent les décisions concernant leurs terres. Nous croyons que le développement économique durable se fera grâce à des solutions locales proposées par des gens qui connaissent nos collectivités et qui savent comment adapter les projets et les idées à la situation locale afin qu’ils soient réalisables et pérennes.
    Le mandat de la Nihtat Corporation est d’améliorer la qualité de vie des participants gwich’in en créant et en bénéficiant de débouchés économiques structurants dans un environnement durable et responsable.
    Mes remarques d’aujourd’hui seront axées sur des suggestions de pratiques exemplaires inspirées par mon expérience pratique d'entrepreneur autochtone et de dirigeant de projets dans ma collectivité au nom de laquelle je m'exprime.
    À mon avis, les approches existantes en matière de développement de projets doivent être élargies pour tenir compte de l’évolution des points de vue et des perspectives en matière de consultation, de mobilisation et d’investissement, mais aussi pour éliminer les obstacles actuels à la participation et à l’investissement des Autochtones.
    Il est de plus en plus admis qu'au-delà du simple engagement communautaire pendant la planification du projet, l’environnement pour faire des affaires avec les peuples autochtones doit évoluer pour inclure, premièrement, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause; et deuxièmement, les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.
    L’appel à l’action 92 exhorte les entreprises à s’engager « à tenir des consultations véritables, établir des relations respectueuses et obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones avant de lancer des projets de développement économique ».
    Je vais vous présenter aujourd’hui deux recommandations générales sur la voie à suivre, fondées sur mon expérience des projets énergétiques à Inuvik.
    Ma première recommandation est de délaisser les grands projets menés depuis l'extérieur pour donner aux collectivités autochtones les moyens d’élaborer des projets énergétiques qui reflètent les valeurs de la collectivité et procurent à celle-ci des avantages à long terme.
    À l’heure actuelle, aucun projet énergétique de grande envergure n’est prévu à Inuvik ou dans l’ensemble de la région visée par le règlement avec les Gwich’in. Toutefois, la collectivité a déjà tiré une grande expérience de l’échec du projet de pipeline de la vallée du Mackenzie. Cette expérience et celle du projet éolien de High Point à Inuvik soulignent la nécessité d’adopter une nouvelle approche, avec un développement mené depuis la collectivité plutôt que de l’extérieur.
    Après avoir discuté brièvement de chacun de ces éléments, j’aimerais vous parler d’une nouvelle approche adoptée par le Nihtat en matière de planification et de développement de la production d’énergie renouvelable dans notre collectivité.
    L’expérience du pipeline de la vallée du Mackenzie a permis de faire ressortir les lacunes inhérentes au fait de compter sur les grandes sociétés internationales pour stimuler le développement dans nos collectivités.
    Le pipeline a été proposé au début des années 1970, six ans avant ma naissance, mais il n’a toujours pas été construit.
    Les participants au projet comptaient parmi les plus grandes sociétés pétrolières et gazières au monde, comme ConocoPhillips, Shell, Imperial Oil et ExxonMobil. Lorsque le projet a été relancé dans les années 1990, il comprenait une disposition prévoyant que les Gwich’in, les Sahtu et les Inuvialuit en seraient propriétaires à hauteur de 33 %.
    Dans les années 1970 la décision d’autoriser le pipeline a été retardée par l’enquête Berger. Les efforts déployés par la suite pour ressusciter le pipeline ont également échoué.
    En décembre 2017, on a annoncé la dissolution prochaine du conglomérat qui devait construire le pipeline et que ce dernier, dont le coût était estimé à 16 milliards de dollars, ne serait pas construit. Après cette annonce, la collectivité locale a été laissée à elle-même pour trouver le moyen de déblayer les décombres et de continuer.
    Cette expérience m’a appris que, pour réussir, les projets énergétiques doivent être initiés et menés par la collectivité. Cela permet de s’assurer que les projets sont planifiés d’une manière qui correspond aux intérêts et aux besoins de la collectivité.
    Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et la Société d’énergie des Territoires du Nord-Ouest planifient et élaborent actuellement le projet éolien de High Point, à Inuvik, dans la région visée par le règlement avec les Gwich’in. Nous avons ici un petit projet local d’énergie renouvelable visant à remplacer le combustible fossile pour l'alimentation d'un réseau isolé et éloigné.
(1540)
     Deux étapes de l’évaluation de faisabilité ont été réalisées entre 2016 et 2018 dans le cadre de la planification de ce projet. Pour chaque évaluation de faisabilité, un appel d’offres concurrentiel a été lancé et, dans chaque cas, le Nihtat, en partenariat avec d’autres firmes d’experts-conseils, a soumissionné et a gagné. Cela a permis au Nihtat de participer activement à la planification et au développement du projet et, à mon avis, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et la Société d’énergie des Territoires du Nord-Ouest ont bénéficié de nos savoirs locaux et de notre connaissance du projet.
    Une telle participation à la planification du projet a été essentielle à notre compréhension de celui-ci et à la planification du réseau électrique local. Bien qu’un projet éolien de deux à quatre mégawatts soit petit selon la plupart des normes, il sera très important pour cette collectivité et pour notre réseau local. Cependant, bien que le Nihtat était vivement intéressé à faire avancer le projet, il n’y avait pas de stratégie à long terme du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ou de la SETNO pour assurer un rôle permanent pour le Nihtat ou pour la collectivité, au-delà du développement du projet et de sa construction.
    Comme cela a été annoncé le 13 novembre 2018, le Canada et les Territoires du Nord-Ouest se sont engagés à verser les 40 millions de dollars nécessaires à la réalisation de ce projet éolien. Le projet est actuellement prêt à être réalisé.
    Une possibilité d’investissement a été proposée par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest aux Gwich’in locaux; toutefois, les modalités offertes par le GTNO procuraient des avantages négligeables, voire nuls, à la collectivité et n’étaient pas raisonnables, attrayantes ni acceptables pour nous. La non-satisfaction de cette exigence clé est le seul obstacle qui empêche aujourd’hui la réalisation de ce projet local tout à fait valable.
    La Nihtat Corporation fait actuellement la promotion d’un certain nombre de petits projets d’énergie renouvelable qui sont motivés par les intérêts et les besoins locaux, qui renforceront la capacité locale et créeront des sources de revenus à long terme pour la collectivité grâce aux énergies renouvelables. J’aimerais prendre quelques minutes pour vous parler de certains de ces projets.
     Grâce au soutien financier du programme ARDEC Nord, des études initiales ont été menées pour comprendre le coût de la production d'électricité à partir de combustibles fossiles à Inuvik et dans les autres collectivités du delta de Beaufort. Grâce à un financement supplémentaire, une étude plus vaste a pu être menée; elle portait sur la compréhension des utilisations potentielles des combustibles fossiles, des coûts et des émissions de gaz à effet de serre par secteur pour les collectivités du delta de Beaufort, ainsi qu’une évaluation des possibilités pour réduire l’utilisation des combustibles fossiles.
    Le Nihtat a commencé à étudier sérieusement les possibilités de développement solaire à Inuvik. Grâce au financement du programme EPCRE et de CanNor, le Nihtat poursuit un certain nombre de petits projets d’énergie renouvelable axés sur la réduction du recours aux combustibles fossiles à Inuvik. Ils sont dirigés et possédés par des intérêts locaux et ils offriront des occasions d’affaires à long terme et une source de revenus pour le Nihtat.
    Les aménagements actuellement en cours de planification et qui devraient être achevés à l'été 2019 comprennent des installations solaires au sol pour 2 propriétés commerciales et l’installation de panneaux solaires sur les toits de 32 maisons résidentielles. Ce sont des occasions stimulantes pour le Nihtat et pour la collectivité.
    Ma deuxième recommandation, c’est que les investissements de longue durée devraient offrir des avantages liés aux projets et permettre la participation de la collectivité au-delà de la phase de planification du projet et de sa construction. Cela peut comprendre la propriété par actions, le partenariat et la présence de promoteurs autochtones.
    Les ententes sur les répercussions et les avantages, ainsi que les pratiques d’approvisionnement favorables jouent un rôle dans la création d’occasions d’affaires pour les Autochtones. Toutefois, il s’agit de mesures à court terme qui ont tendance à mettre l’accent sur la planification et la construction. Souvent, ces mesures n’offrent pas les possibilités ou la participation à long terme que recherchent les collectivités.
    Dans la région d’Inuvik, par exemple, la façon dont les investissements fédéraux sont acheminés par l’entremise du gouvernement territorial est devenue un obstacle majeur au développement autochtone. C’est ce qu’a vécu la Nihtat Corporation. Selon notre expérience, des conditions restrictives sont ajoutées au niveau territorial, de sorte que l’organisme autochtone a moins de latitude pour négocier des contrats favorables.
    Nous voyons des objectifs stratégiques pour les énergies renouvelables qui visent à remplacer le chauffage par les combustibles fossiles dans les édifices régionaux du GTNO, mais jusqu’à maintenant, aucune politique efficace du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n’a été établie qui permette, pour ces projets, d'aboutir à une collaboration fructueuse avec les investisseurs autochtones.
    La stratégie énergétique du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest prévoit deux modalités pour la participation des collectivités à la production d’électricité renouvelable.
(1545)
     La première, c’est que la collectivité investisse dans son propre projet d’électricité avec des paiements du service public d’électricité établis en fonction de la valeur du carburant diesel remplacé par l’énergie renouvelable. La deuxième est que la collectivité ou le gouvernement autochtone fournisse un financement par emprunt au gouvernement ou à la Société d’énergie des Territoires du Nord-Ouest avec des paiements à faible risque, conformément aux modalités d’investissement du GTNO. Toutefois, nous voyons des plafonds pour l’électricité renouvelable et d’autres conditions émises par le GTNO et la Société d’énergie des Territoires du Nord-Ouest limiter effectivement le développement futur des énergies renouvelables à Inuvik. Malgré un climat d’investissement de plus en plus favorable, les sociétés appartenant à des Autochtones n’ont pas accès au financement au même rythme que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
    Je vais devoir vous demander de conclure très rapidement, monsieur Sullivan.
    D’accord.
    En guise de conclusion, voici quelques suggestions.
    Les ministères fédéraux doivent être fortement encouragés à examiner les ententes bilatérales avec les partenaires territoriaux pour faire en sorte que les Premières Nations, les Métis et les Inuits locaux aient des chances égales de participer à un avenir durable. Les petites collectivités éloignées du Nord comme Inuvik ont des besoins énergétiques uniques qui constituent une base solide pour la mise en valeur de petites sources d’énergie renouvelable plus durables. Pour réussir, l’expertise locale doit être reconnue et mise à profit. Enfin, dans nos collectivités les petits projets énergétiques font une grande différence et sont importants.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ross, vous avez la parole.
    Nous avons parlé des pratiques exemplaires en matière de mobilisation des Autochtones. Je veux simplement vous dire que les pratiques exemplaires se trouvent ici en Colombie-Britannique. C’est ainsi que le projet de GNL a été approuvé pour LNG Canada. Il s’agissait d’un projet de 40 milliards de dollars dont la mise en place a duré 15 ans. Je sais que LNG Canada est en Colombie-Britannique depuis six ans, mais il y a 15 ans que le GNL est sur la table.
    Ce fut un exercice douloureux, parce qu’en 2004, lorsque l’affaire Haïda a été portée devant les tribunaux — l’obligation de consulter et d’accommoder —, personne ne comprenait vraiment ce que c’était, y compris les Premières Nations. Tout le monde essaie de comprendre.
    Au cours des trois années qui ont suivi la décision judiciaire, l’industrie et les gouvernements suivaient toujours la même vieille stratégie. Il s’agissait essentiellement de discuter avec les Premières Nations, mais il n’y avait aucune volonté sincère de faire quoi que ce soit. Il y a eu beaucoup de rencontres difficiles. Je vais simplement vous donner un exemple de certaines des choses qui ont été dites à notre table par l’industrie après la décision du tribunal. Les représentants de l’industrie nous ont dit: « Nous sommes ici pour écouter, mais nous ne sommes pas obligés de faire quoi que ce soit. Vous savez que le gouvernement fédéral appuie pleinement notre projet. » « Nos intérêts sont plus importants que les vôtres. »
    Regardez ce qui se passait dans mon territoire, Kitimat. À une certaine époque, il y avait là les salaires par habitant les plus élevés du Canada, mais si vous alliez dans ma collectivité, sept milles plus loin, nous n’avions rien. Nous n'avions pas d'argent. Nous étions en déficit. Le Canada nous menaçait toujours de gestion corrective et de gestion par un tiers, mais nous avons renversé la vapeur. Une fois que nous avons changé les choses pour en faire une organisation saine, nous avons orienté nos efforts vers le développement économique, en particulier la participation au développement de grands projets.
    J’ai commencé comme membre du conseil en 2003. J’y ai travaillé pendant huit ans avant de devenir chef. J’ai ensuite démissionné de mon poste de chef pour devenir membre d'une assemblée législative, afin de voir si je pouvais faire aboutir le GNL. Toutefois, à l’époque, en 2003, je croyais à la rhétorique selon laquelle l’industrie était mauvaise, le gouvernement était mauvais, l’homme blanc était mauvais et que nous devions tous les mettre à la porte. Ce n’est que lorsque mes collègues conseillers m’ont dit que je devais examiner d’autres questions, surtout celles de la pauvreté et du chômage, que j’ai réalisé que je me trompais.
    J’ai porté mon attention sur la façon de régler le problème de la pauvreté et du chômage. Les programmes que nous avons élaborés visaient principalement à réduire la liste des assistés sociaux, ce qui n’avait aucun sens, comme je l’ai compris un an plus tard. Il y avait aussi la question de l’éducation, qui après un an s'est avérée dépourvue de sens, parce que dans les deux cas, il n’y avait pas de possibilité d’emploi.
    En fait, quand je me suis rendu compte que je devais changer d’approche, j'ai voulu faire deux choses: aider les membres des Premières Nations de ma collectivité à prendre les choses en main et faire en sorte que mon conseil cesse de dépendre des fonds du programme fédéral.
    Lorsque nous parlons du GNL en Colombie-Britannique, nous parlons surtout de l’approche adoptée par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Comme tout le monde, il y est allé à contrecoeur. Dans la plupart des cas, j’ai constaté une nette différence entre la façon dont la province consultait et la façon dont le gouvernement fédéral consultait. Je l’ai compris. Ottawa est trop éloigné.
    Toutefois, la Colombie-Britannique menait des consultations sur le terrain tous les jours, chaque semaine et chaque mois. Les consultations se poursuivent aujourd’hui sur les permis qui doivent être mis en oeuvre dans le cadre des évaluations environnementales. Dans le même temps, j’ai dû changer la mentalité et l’approche de mon peuple à l’égard de notre structure, du développement économique et de l’engagement avec le gouvernement.
    En 2010, j’ai engagé mon premier lobbyiste pour le conseil. La directive qu’on lui a donnée, c’est qu’il devrait nous éclairer sur ce que le gouvernement essaie de faire. Lorsque mon conseil s’est rendu compte que nous tentions d’atteindre les mêmes objectifs, nous avons ouvert la voie au GNL, surtout en 2012, lorsque Christy Clark est venue nous aider à faire aboutir le GNL.
    À l’époque, en tant que conseiller en chef, j’ai demandé à mes membres de trouver une façon d’augmenter les prestations d’aide sociale. Un membre de la bande m’a même demandé d'être cosignataire pour l'achat d'un camion, même s’il n’avait pas d’emploi. Désormais, en raison des accords sur le GNL, la discussion est complètement différente, complètement renversée.
    Aujourd’hui, la jeune génération — je parle de ceux qui ont 30 ou 40 ans et moins — ne veut pas d’aide du conseil. Ils ne veulent pas de cadeaux. Ils obtiennent eux-mêmes des prêts hypothécaires, ils achètent leurs propres véhicules et ils partent en vacances. Le fait de partir en vacances peut sembler être un détail trivial quand on parle des Premières Nations, mais nous parlons de gens qui ne pouvaient même pas prendre l’avion pour Vancouver, sans parler des Philippines, de Las Vegas ou d’ailleurs.
(1550)
     Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps, mais à mon avis certaines des choses qui nous ont freinés et qui continuent de freiner les progrès des Premières Nations de la Colombie-Britannique se classent en trois catégories, soit la politique, les politiques malavisées et la manipulation.
    Pour ce qui est de la politique, on dit toujours qu'il faut « offrir » des programmes et des fonds aux Premières Nations. Il y a cette idée selon laquelle nous devons les rapatrier sur le territoire, alors que les Premières Nations conjuguent déjà ces deux éléments de leur propre initiative. Ils n'ont pas besoin qu'un palier de gouvernement quelconque fasse cela pour eux.
    En fait, s'agissant de bonnes pratiques pour mener à terme un projet, il faut mentionner l'application de la jurisprudence, principalement de l'arrêt Haïda et de l'article 35 de la Constitution, parce que ces principes sont en fait assez solides. Il n'y a pas de feuille de route distincte sous-jacente, mais tous auraient intérêt à suivre ces principes. C'est ce qui a assuré le succès du GNL en Colombie-Britannique.
    Je parle aussi de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je ne m'y oppose pas. Mais je ne comprends pas ses principes sous-jacents. Comment la définissons-nous? Comment légiférer, compte tenu des principes de la jurisprudence et du fait que les trois parties commencent à comprendre les règles du jeu quant au gaz naturel liquéfié, et que nous essayons tous d'atteindre un objectif commun?
    Je constate que cela se produit à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Le consentement par opposition au veto était l'un des plus importants problèmes en Colombie-Britannique. Je pouvais voir les intérêts politiques qui entouraient cet enjeu. En fait, dans son évaluation environnementale, le gouvernement de la Colombie-Britannique a catégorisé le consentement de telle sorte qu'il permettra à la Première Nation concernée de l'obtenir, mais seulement dans des domaines précis, et seulement si le gouvernement le lui permet.
    À mon avis, cela n'est pas ce qu'envisageaient les Premières Nations, et voilà le problème quant à la DNUDPA. Je crois que la DNUDPA a été adoptée 37 ans trop tard pour la Colombie-Britannique. Nous aurions pu nous en servir avant l'adoption de l'article 35 de la Constitution en 1982, mais à l'heure actuelle, le Canada et la Colombie-Britannique ont des droits et des titres définis dans le cadre d'une consultation de très haut niveau. Pourquoi voulons-nous défaire tout cela avec des principes vagues et imprécis qui ne sont pas fondés sur la jurisprudence?
    Cela est très déroutant pour le profane, mais très clair pour les dirigeants de la Colombie-Britannique, pour le gouvernement fédéral et les dirigeants progressistes des Premières Nations qui peuvent envisager une feuille de route vers la prospérité qui réduirait la pauvreté et le chômage.
    La manipulation dont je parle découle principalement de ce qui est un sujet important de nos jours, à savoir l'influence étrangère. Je l'ai constaté l'an dernier lorsque j'ai examiné les travaux de Vivian Krause. Soit dit en passant, je croyais qu'elle était aussi une théoricienne du complot. Toutefois, en examinant les faits qu'elle présente, j'ai commencé à comprendre que ses recherches portaient sur l'argent qui provient de l'étranger, les organismes qui l'utilisent et les fondations de bienfaisance qui abusent des lois canadiennes. J'ai pu constater que ce problème était plus sérieux que celui qui touche ma communauté.
    Malheureusement, les dirigeants autochtones en question ne voient pas cela. Soit ils sont ignorants de toute la question, soit ils sont apathiques. C'est la raison pour laquelle on permet essentiellement que cela se poursuive dans les communautés des Premières Nations.
    Mais 22 dirigeants élus des Premières Nations, de Prince George à Kitimat et le long du chenal, ont approuvé le GNL sans influence étrangère, sans influence de tiers, sans ONG, sans quoi que ce soit. La question est maintenant de savoir qui a l'autorité d'agir en Colombie-Britannique. S'agit-il de dirigeants élus ou de dirigeants héréditaires?
    Lorsque les gens parlent de cette influence étrangère et des ONG qui utilisent cet argent provenant d'outre frontière, ils croient qu'il s'agit d'une seule campagne ciblée alors qu'en réalité, ce n'est pas le cas. Cet argent et les organismes qui agissent ainsi répartissent leur influence de différentes façons, et ils ne se contentent pas de s'opposer directement aux projets. En fait, ils répartissent leur financement, leurs ressources et leurs effectifs entre différentes organisations et différentes personnes.
(1555)
     On peut les trouver de différentes façons. Il faut dire, et c'est tout à l'honneur des Premières Nations, qu'un grand nombre d'entre celles qui participent au projet de gaz naturel liquéfié ont commencé à s'en tenir loin. Elles ont dit: « Non, ce n'est pas notre mandat. Nous n'essayons pas de mettre fin à des projets. Nous essayons de relever le niveau des normes environnementales et d'incorporer des normes culturelles », ce qui s'est produit dans le cas du projet de gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique.
    Quant aux pratiques exemplaires, la dernière chose que je vais vous dire, c'est que le GNL est une bonne nouvelle pour la Colombie-Britannique. La feuille de route utilisée à cet égard illustre les pratiques exemplaires. Cependant, à mon avis, les Premières Nations de la Colombie-Britannique doivent aborder deux sérieux problèmes structurels si elles désirent continuer dans cette voie. Les Premières Nations manquent cruellement de mémoire institutionnelle et de continuité. Peu importe ce qui a été fait il y a deux ou trois ans, ou quelle que soit la direction choisie, cela peut être annulé en quelques années, parce que l'institution n'est tout simplement pas conçue pour assurer sa viabilité à long terme.
    Merci beaucoup, monsieur Ross.
    Monsieur Andreassen.
    Je m'appelle Nils Andreassen. Je suis directeur général de l'Alaska Municipal League. C'est à ce titre, et en tant qu'ancien directeur de l'Institut du Nord, que je m'adresse à vous aujourd'hui. Je tiens à préciser que je ne parle pas au nom des peuples autochtones. En fait, je désire faire un survol d'une dizaine d'années de travail auprès du Conseil de l'Arctique et des peuples du Nord. Mes commentaires porteront là-dessus.
    Il y a quelques années, j'ai animé un atelier en partenariat avec le Conseil de l'Arctique qui portait sur les bonnes pratiques et la participation significative. Je lirai quelques extraits des notes sommaires qui en ont découlé, puis je pourrai répondre plus en détail aux questions qui portent sur certains aspects de l'Alaska.
    La « bonne » pratique est difficile à définir. Pour un organisme gouvernemental, cela peut signifier que ses pratiques sont conformes au droit actuel et aux usages, et qu'il a la capacité d'être impartial, mais réceptif. Pour un promoteur de projet, l'efficience et l'efficacité peuvent être considérées comme bonnes, car elles concernent la rapidité d'exécution ainsi que les résultats d'une décision. En général, les décisions reflètent les bonnes pratiques lorsqu'elles fonctionnent le mieux pour la plupart des gens et englobent ou répondent à tous les points de vue. Une bonne pratique permettra à un organisme ou au gouvernement de comprendre les impacts et d'en faire une évaluation quantitative.
    À l'échelle communautaire et pour les peuples autochtones, les pratiques seront bonnes si la décision finale est fondée sur les valeurs et reflète la rétroaction locale. Les bonnes pratiques devraient inclure une coordination efficace entre les organismes, les promoteurs de projet, la communauté et les titulaires de droits dans la région. Les bonnes pratiques devraient inclure la mobilisation qui a lieu dès le début et fréquemment, et, en fin de compte, bien avant la prise de décisions. Cet engagement ne s'arrête pas à une décision; la décision devrait être communiquée à la communauté, avec une explication de la façon dont la participation locale et autochtone a été engagée. Les bonnes pratiques devraient comprendre une variété de groupes d'utilisateurs, de connaissances et de contextes culturels. Elles devraient aussi inclure la coproduction de connaissances, ce qui donnerait lieu à la recherche utilisée dans le cadre de ce processus, et faire participer les détenteurs de connaissances locales et autochtones à chaque volet de ce processus.
    Un engagement significatif reflétera ces pratiques et il devrait ressembler à un partenariat équitable entre les peuples autochtones, les détenteurs de droits locaux et les organismes gouvernementaux. Cela devrait être élaboré bien avant le début d'un projet, mais démontré dans le cadre d'un processus décisionnel avec une communication, une participation et un respect solides. Cependant, l'un des défis d'une participation significative consiste à déterminer la mesure dans laquelle les commentaires issus des collectivités et des communautés autochtones influent sur une décision associée à un projet. Comment ces données sont-elles pondérées? En fin de compte, qui décide si un projet doit aller de l'avant ou non?
    La participation significative des peuples autochtones va bien au-delà de la consultation et comprend l'examen des versions officielles et officieuses. Elle améliore un projet grâce à l'application des connaissances traditionnelles et à la participation des détenteurs de connaissances traditionnelles. L'idée d'établir des relations avec les collectivités va bien au-delà de la consultation ou de la plupart des processus d'examen. Elle s'étend à toutes les facettes du gouvernement, de l'industrie et des activités de recherche. Les objectifs de cette relation sont de comprendre les cultures et les savoirs autochtones et, en fin de compte, de susciter la confiance et le respect pour la région et les peuples.
    L'histoire des projets et de la recherche dans la région révèle que des erreurs ont été commises à maintes reprises lorsque les populations locales n'avaient pas été engagées, et que leur participation apportait une valeur ajoutée. Les projets, qu'ils soient motivés par la recherche ou l'industrie, sont plus fructueux lorsque les connaissances locales et autochtones sont intégrées à la conception, à la mise en œuvre et à la prise de décisions. La participation significative des peuples autochtones donne non seulement de meilleurs résultats et une meilleure compréhension, mais aussi une sécurité accrue liée aux activités dans la région.
    En qualité de gouvernements souverains, les gouvernements autochtones exigent un niveau d'engagement plus robuste et ils ont des attentes correspondantes. Les attentes peuvent aller du besoin d'être informés dès le début de l'évaluation d'un projet, ou même au préalable, au suivi tout au long d'un projet. De multiples réunions avec des organismes gouvernementaux exigent plusieurs suivis qui répondent aux questions ou fournissent des renseignements supplémentaires. Le processus décisionnel du gouvernement devrait refléter une approche équilibrée relative à la nécessité du développement économique — ce qui comprend des emplois pour les résidents de la région, des revenus pour les administrations locales et des mesures d'atténuation — ainsi qu'à la protection de l'environnement et à la sécurité alimentaire.
(1600)
     L'écart entre l'extraction des ressources d'une région éloignée et les revenus réinvestis crée un véritable sentiment de colère au sein d'une communauté qui lutte pour améliorer l'éducation et la sécurité publique, réduire les coûts énergétiques, etc. Les décisions devraient refléter les valeurs autochtones. C'est ainsi que les communautés sauront qu'elles ont été véritablement consultées et entendues. La prise de décisions axée sur les valeurs sera un résultat important d'une participation significative et, en fin de compte, ce seront les peuples autochtones qui détermineront si une participation a été significative ou si une pratique a été exemplaire.
    La diversité au sein d'une région exige une solide compréhension des relations, des rôles et des pouvoirs des titulaires de droits individuels. Ces différents détenteurs de droits ont des capacités distinctes de participer à un processus de mobilisation, et la réussite de l'engagement dépend souvent de la collaboration. Les partenaires ayant une plus grande capacité agissent souvent comme intermédiaires pour d'autres partenaires. L'avantage d'avoir une capacité au niveau régional est que la coordination est plus susceptible de se traduire par des titulaires de droits bien renseignés.
    Au-delà du rôle formel de certains détenteurs de droits, des approches innovantes ont été adoptées pour assurer la coopération et la communication régionales. Des organismes régionaux peuvent être mis sur pied pour servir d'intermédiaires entre les communautés et les organismes gouvernementaux ou les promoteurs de projets. Les objectifs ne sont pas de remplacer ou de déplacer les titulaires de droits locaux, mais d'assurer une participation efficace et de défendre les intérêts des peuples autochtones de la région.
    Le rôle des intermédiaires n'est pas de parler au nom des peuples ou des communautés autochtones, mais de faciliter une participation significative là où il n'y en avait pas. De plus, les intermédiaires peuvent aider à éduquer les organismes et les promoteurs de projets au sujet de la région. L'administration régionale, par exemple, dispose déjà de ressources qui peuvent être utiles à un processus décisionnel, y compris des plans communautaires et régionaux.
    Les organismes consultent souvent les chercheurs avant de poser des questions aux populations locales. La science occidentale est abordée et incluse en premier lieu, comme base de référence, après quoi les peuples autochtones entrent en jeu, avec leur savoir. Il serait préférable de les organiser conjointement. La consultation devrait éclairer un processus dès le début, avec une participation soutenue de sorte qu'elle ne soit pas utilisée uniquement pour commenter des recherches déjà établies, la conception de projets et les décisions.
    Les communautés en ont assez des engagements continus qui produisent peu d'avantages. En général, la consultation n'est pas remboursée, les promesses de suivi ne sont pas respectées et les décisions ne reflètent pas ce que les populations locales ont exprimé. Il y a peu d'incitation à participer, à part le tort considérable que pourrait avoir l'absence de participation.
    La gestion adaptative exige des institutions adaptatives plutôt que l'adaptation des peuples autochtones. Cette gestion peut et devrait inclure les peuples autochtones, et l'augmentation des possibilités de cogestion reflète une certaine évolution vers cet objectif. À bien des égards, les droits des peuples autochtones sont enchâssés dans leur rôle de cogestion de manière à ce qu'ils puissent assurer leur avenir et en avoir le contrôle.
    Souvent, la participation significative des peuples autochtones est difficile pour un organisme si elle entraîne une perte de contrôle ou de pouvoir décisionnel, mais la collaboration est essentielle à la réussite globale et les organismes doivent être réceptifs.
    En conclusion, les projets qui ont été couronnés de succès ont suscité une participation significative et rapporté des avantages aux communautés. C'est le résultat de partenariats qui ont été établis au fil du temps.
(1605)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Whalen, vous allez commencer.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Ross, j'aimerais commencer en vous posant quelques questions au sujet du projet de LNG Canada. Tout d'abord, vous pourriez peut-être nous rafraîchir la mémoire, à un très haut niveau, sur la portée et l'ampleur du projet. Vous pouvez peut-être aussi quantifier les avantages financiers que les divers groupes autochtones, la province et le Canada s'attendent à obtenir. Je passerai ensuite à d'autres questions.
    Je ne peux pas quantifier les avantages pour les Premières Nations, car elles sont confidentielles dans le cas de toutes les Premières Nations. Toutefois, en discutant avec certains de mes homologues parmi les conseillers en chef au fil des jours, j'ai entendu des commentaires à savoir qu'il s'agit essentiellement des premières étapes d'un processus qui nous affranchira de la Loi sur les Indiens. L'un des conseillers d'une Première Nation située au nord de la mienne a dit qu'il s'attendait à recueillir entre 50 et 60 millions de dollars au cours d'une période de 20 ans. Cela ne comprenait pas l'argent qu'on avait déjà accepté en matière de participation, de capacité et ce genre de choses.
    Il est intéressant de souligner, cependant, que LNG Canada a adopté une approche différente de celle de son prédécesseur, Chevron, quant au projet de gaz naturel liquéfié de KM, qui n'est pas encore tout à fait opérationnel. Dans ce cas, les Premières Nations se sont réunies pour rechercher des occasions d'affaires en tant que groupe.
    En fait, la société LNG Canada s'est adressée individuellement à chaque Première Nation et a signé des ERA individuelles. L'une ou l'autre des formules aurait pu fonctionner, à mon avis, mais je pense que les Premières Nations vont vraiment se tourner vers la formule individuelle que LNG Canada a adoptée.
    Les revenus, l'emploi et la formation dont bénéficieront les Premières Nations qui habitent le long du tracé du pipeline — et au-delà, soit dit en passant — sont assez importants.
    Que pensez-vous d'une démarche appropriée pour parvenir à un certain consensus si l'un de vos membres décide de se retirer?
    Que voulez-vous dire, un de mes membres?
    Nous sommes maintenant fermés, mais si, dans le cadre d'une négociation, 25 groupes autochtones de la communauté que vous représentez en votre qualité de député provincial appuient un consensus, l'un d'entre eux peut décider en cours de route qu'il n'est pas intéressé. Quel serait le bon processus pour arriver à un certain consensus parmi les groupes?
    Nous n'avons pas ce problème. Le problème que nous avons se situe au niveau des dirigeants élus des Premières Nations. Ils ont tous signé des ententes qui étaient essentiellement, à un niveau inférieur, soumises à la consultation de leur peuple. Au moyen de leurs propres mécanismes, ils se sont entendus sur la façon d'appuyer ces projets. En Colombie-Britannique, le problème est qu'on se demande qui représente les droits et les titres de ces communautés. On n'a jamais répondu à cette question en Colombie-Britannique. Je sais qu'on y a répondu dans le cadre de causes judiciaires particulières dans l'Est, mais cela n'a jamais porté sur de grands projets. Il s'agissait de savoir qui représentait une communauté dans certaines situations.
    Je ne sais pas ce qu'un juge dirait en l'occurrence. Dans ce cas-ci, je faisais partie des deux groupes: le groupe Chevron et le groupe LNG Canada. On m'a demandé si je pouvais vraiment parler aux Premières Nations concernées pour décrire les avantages et le processus, et pour voir si nous pouvions rallier la participation des autres communautés, en conjonction avec les interventions de LNG Canada et du gouvernement provincial auprès de la communauté.
    Je crois que peu de gens se rendent compte des avantages très significatifs que les sociétés apportent à ces communautés des Premières Nations. En même temps, le gouvernement de la Colombie-Britannique signait des ententes parallèles pour régler certains des problèmes que l'entreprise ne pouvait pas résoudre, comme la gérance environnementale. Les Premières Nations ont conclu des ententes avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et la société.
(1610)
    Je vais peut-être m'adresser à vous, monsieur Sullivan, parce qu'il semble que M. Ross ait participé à un processus où on a réussi à mettre tous les points sur les i, mais cela a pris beaucoup de temps. Vous parlez d'un projet énergétique dans le Nord qui était sur le point d'aboutir, mais vous n'avez pas pu obtenir les avantages permanents associés à l'électricité.
    Pensez-vous qu'il y a des points communs dans l'approche qui pourraient aider un projet comme le vôtre à avoir autant de succès que LNG Canada?
    La grande différence dans ce projet, à mon avis, est que les Premières Nations participantes avaient déjà un appui financier. À l'heure actuelle, notre projet d'éoliennes à Inuvik est entièrement financé par le GTNO et le gouvernement fédéral. Le système en place ne prévoit pas de place pour nous. Nous venons littéralement à la table les mains vides; un projet a été lancé dans notre cour, et nous ne pouvons même pas participer à ces discussions. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest s'est retiré des négociations avec les Gwich'in quant à l'élaboration de ce projet.
    Quel sera probablement le marché primaire de cette électricité?
    Le service public.
    Les utilisateurs finaux seront les Gwich’in. Nous serons les utilisateurs finaux de l'énergie ainsi produite.
    Elle n’est pas destinée à l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest, mais à la collectivité locale.
    Vous avez raison, Inuvik fait partie d'un microréseau. Les Gwich’in et les Inuvialuits forment la population principale d’Inuvik.
    Il semble que le problème soit le capital.
    De nombreux témoins en ont parlé au cours de notre étude. L’un d’entre vous a-t-il des moyens originaux à proposer pour que les groupes autochtones puissent prendre une participation financière ou ait des intérêts dans le capital des projets réalisés tout près de chez eux, à plus forte raison lorsqu’ils seront les consommateurs des produits finaux?
    Nous devons nous attaquer d'abord aux ententes bilatérales entre le gouvernement fédéral et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, car elles ne tiennent pas vraiment compte de la participation des Autochtones aux projets. Cette participation ne survient qu'après la signature des ententes, une fois le montant des fonds annoncé. C’est là une mesure très précise qu'on pourrait prendre et qui changerait la situation pour un grand nombre de collectivités et de projets en préparation.
    Intéressant. Dans le cas des infrastructures municipales, il y a une participation municipale, provinciale et fédérale. Il semble que, pour les infrastructures autochtones, il soit logique que participent le territoire, les Autochtones et le pouvoir fédéral.
    Monsieur Ross, êtes-vous d’accord? Voyez-vous une autre façon de faire en sorte que les groupes puissent avoir une participation importante et durable à des projets qui les avantagent ou qui les touchent?
     Je me heurte à ce problème depuis plus de 15 ans, et j’ai eu l'occasion de l'aborder à bien des niveaux. Le problème n’est pas le capital. Il y a des tonnes d’argent.
    En fait, à un moment donné, une institution financière à New York disposait de 2 milliards de dollars pour participer à de grands projets au Canada, mais elle ne pouvait pas le faire. Elle ne pouvait pas investir, parce que la plupart des grands projets sont proposés avec un financement déjà prévu. Il y a donc des partenaires privilégiés. Cette institution de New York a pensé pouvoir injecter des fonds par une voie détournée, en finançant la participation des Premières Nations. La Chinese Investment Corporation m'a même demandé si elle pouvait financer notre participation.
    À l’époque, cependant, nous n’avions jamais obtenu un droit de participation financière. Nous n’avions jamais été propriétaires d’une entreprise. Nous commencions tout juste à nous renseigner sur les droits et les titres, sur l'univers de la politique provinciale et de la politique fédérale. J’étais l'un de ceux qui disaient préférer ne pas avoir de participation, parce que nous n’avions pas la mémoire institutionnelle voulue, la pérennité, et que nous ne connaissions pas assez bien le risque associé à la participation financière. Il fallait apprendre à marcher avant d’apprendre à courir.
    Ma bande est en train de devenir propriétaire d’entreprises en utilisant ses propres fonds et ses propres liens avec des institutions financières, mais elle le fait à très petite échelle. C’est essentiellement ce qui se passe à Kitimat en ce moment.
    D’après mon expérience, les capitaux ne posent pas de problème.
    Merci beaucoup.
    Madame Stubbs.
    Merci à tous les témoins d’être parmi nous.
    La dernière partie des échanges est également liée à des préoccupations du même ordre. Nous avons tous entendu dire à maintes reprises que la capacité et les ressources sont suffisantes, même pour participer au processus d'examen réglementaire. Il est certain que la participation des collectivités autochtones auprès d'entreprises et de promoteurs du domaine des ressources est une difficulté de longue date dont les gouvernements de toutes les allégeances devront tenir compte. Il s'agit d'un élément essentiel si nous voulons continuer à améliorer la consultation des Autochtones sur les grands projets d’exploitation des ressources, ce qui, je le sais, nous préoccupe tous.
    Monsieur Ross, j’ai quelques questions à poser au sujet d'observations que vous avez faites dans votre exposé. Selon vous, il est important d’aider les Premières Nations à se prendre en main en veillant à ce qu’elles aient l’information nécessaire pour prendre des décisions éclairées au sujet des propositions d'exploitation de ressources, et la priorité est de faire reculer la pauvreté dans les collectivités autochtones et d'y faire augmenter le nombre d’emplois.
    Vous avez effleuré une question dont les Canadiens entendent de plus en plus parler, soit les désaccords qui peuvent exister entre les dirigeants élus des communautés autochtones et d’autres formes de leadership, comme les chefs héréditaires.
     Le maire John Helin, de la bande de Lax Kw’alaams, a comparu devant le Comité le 5 février. Il a parlé de l’autre point que vous avez soulevé, à savoir que les militants opposés à l'exploitation de l'énergie financés par des intérêts étrangers minaient les ambitions économiques des Premières Nations qui veulent exploiter leurs propres ressources. Ils sont venus dans sa collectivité et ont semé la division entre les membres de la collectivité et les dirigeants de la bande. Ils prétendaient être des chefs héréditaires et s’opposaient aux projets d'exploitation du gaz naturel liquéfié que les dirigeants élus appuyaient.
    Le conseil des chefs de Lax Kw’alaams a publié une lettre dans laquelle il dit: « [...] ils ne sont pas d'accord pour qu'on invite des manifestants professionnels venant d’organisations non gouvernementales et de membres des Premières Nations autres que des membres de la bande de Lax Kw’alaams à pénétrer sur leurs terres traditionnelles en violation d’anciens protocoles tribaux. [...] L’action non autorisée de ce groupe de rebelles a créé une confusion inutile, a nui à l’unité tribale et est insultante pour les membres de la tribu. »
    Dans le contexte des pratiques exemplaires en matière de participation autochtone, beaucoup de Canadiens, et peut-être même des élus, se demandent si ce genre d'intervention se produit et si c'est un problème avéré. Il est vrai que des dirigeants autochtones nous en ont parlé à maintes reprises.
    Avez-vous des idées de la façon dont un gouvernement pourrait s'y retrouver dans les structures de leadership et voir qui exprime vraiment la volonté des collectivités?
     De plus, avez-vous une idée des répercussions que cela peut avoir sur les collectivités des Premières Nations lorsque les gouvernements imposent des politiques et des lois qui ont été explicitement réclamées par des militants financés par l’étranger, comme l’interdiction des pétroliers et le projet de loi C-48, et qui vont à l'encontre des préférences des collectivités locales touchées?
(1615)
     D’accord, il y a là deux questions.
    Je ne pense pas que le gouvernement puisse faire quoi que ce soit en ce qui concerne les dirigeants élus et héréditaires. Chaque collectivité devra s’y retrouver, parce que chacune a suivi une certaine évolution pour ce qui est du leadership. Certains se sont entièrement tournés vers des dirigeants électifs alors que d'autres en sont restés à leur régime héréditaire. D'autres ont créé une sorte de processus de coopération parallèle à cet égard.
     Même les Autochtones ne comprennent pas la différence entre les dirigeants élus et les dirigeants héréditaires. J’ai visité des collectivités dont des membres me demandaient ce que je faisais. Ils ne comprenaient même pas les fondements de la Loi sur les Indiens. Ils ne comprennent pas que les conseils de bande n'ont tout simplement pas le pouvoir de dépenser l’argent venant d’Ottawa. Cela témoigne de l’ignorance et de l’apathie des membres de la bande.
    Dans cette confusion, il y a toujours un groupe d’opposition qui n’appuie pas le conseil, quoi qu’il arrive. Peu importe ce qu'on fait. On peut avoir signé le meilleur accord au monde, il s'en trouvera pour s'opposer. Voici un exemple. Lors du dernier vote sur l'exploitation du gaz naturel liquéfié dans ma collectivité, après de nombreux autres votes, notre dernière entente a été approuvée à 92 %, le taux le plus élevé que nous ayons jamais obtenu.
    Soit dit en passant, si vous voulez voir comment cela peut devenir incontrôlable, je vous invite à consulter une affaire qui a été portée devant les tribunaux il y a six ou sept ans, Wilson c. Switlo. C’était ma bande. Cela a déchiré notre collectivité. Si vous prenez connaissance de la preuve, vous ne croirez pas certaines des choses qui se sont produites et qui se sont dites dans ma collectivité. Il y a notamment une lettre disant que telle personne des États-Unis a reçu le mandat de faire venir 200 soldats gurkhas dans mon petit village pour maintenir la paix. Voilà la situation qu'il faut affronter. Les incidents de cette nature se multiplient partout en Colombie-Britannique, sinon dans l'ensemble du Canada, à cause de ces influenceurs étrangers. Ils viennent chez nous, repèrent des points de fracture et les exploitent. Ils ne se soucient ni de la collectivité ni de ses membres. Je ne pense pas que le gouvernement ait quoi que ce soit à faire à ce propos.
    Soit dit en passant, avant de répondre à votre deuxième question, à propos du capital, les gouvernements fédéral et provinciaux ont un moyen de s’en occuper, non pas directement en fournissant des fonds, mais en adaptant les droits et les titres, et ils peuvent faciliter la satisfaction de nos besoins en capital en offrant une garantie de prêt, pourvu que nous sachions que le risque est si faible qu’aucune des parties ne sera perdante. Le plan d’affaires est là. Dans le cadre de mes mesures d'adaptation pour les Premières Nations en tant que fiduciaire, ainsi que pour la Couronne, je renoncerai à la garantie de prêt. Cela peut régler beaucoup de problèmes chez les investisseurs qui craignent d’investir avec des Premières Nations.
    J’ai oublié la deuxième partie de votre question.
(1620)
    Elle concernait l’incidence de mesures législatives réclamées par des militants financés par l’étranger, comme l’interdiction des pétroliers prévue dans le projet de loi C-48, sur la capacité des Premières Nations de profiter de leurs propres occasions de développement économique.
    À propos de ce qui est arrivé à Kitimat, il s'agit au fond de ce qui s’est passé au cours des 12 dernières années. C'est une période vraiment brève et intense pour changer la mentalité et l’approche des Premières Nations à l’égard de la réalisation de grands projets. Nous avons évolué. Nous avons évolué très rapidement. Les nouveaux dirigeants sont plus instruits. Ils savent lire et écrire. Ils sont allés à l’école de commerce. Ils voient le monde sous un jour différent.
    Maintenant que nous avons rattrapé le reste de la Colombie-Britannique et du Canada, la Colombie-Britannique et le Canada semblent évoluer dans le sens contraire. Les membres des Premières Nations disent maintenant: « J'obtiens d'excellentes retombées grâce à ce projet. Je trouve un emploi. Je retire des revenus. Je reçois de la formation. Que puis-je faire ensuite? »
    Beaucoup de Premières Nations du Nord-Ouest de la Colombie-Britannique voient l’exportation de l’énergie comme la prochaine étape importante. En fait, il y a un groupe dans le Lower Mainland qui négocie une participation financière au projet de Kinder Morgan. Le traité nisga’a, le traité du Nord-Ouest, dans ma région... Ils ne veulent pas que les pétroliers soient interdits. La bande de Lax Kw’alaams est d'avis depuis longtemps qu’il ne faut pas interdire les pétroliers. Elle voit là la prochaine étape du développement.
    L’évolution a été très rapide. Les dirigeants des Premières nations attendent de leurs gouvernements plus de politiques et de lois favorables à la réalisation de leurs rêves de développement économique.
    Je vais devoir vous arrêter ici.
    Monsieur Cannings.
     Merci à tous d’être parmi nous aujourd’hui.
    Je vais m'adresser d'abord à M. Sullivan et aux Gwich’in.
    Vous avez parlé de l’histoire du pipeline de la vallée du Mackenzie et vous avez dit que c’était un projet qui avait échoué, ou du moins qui n’a jamais été réalisé.
    Que pensez-vous de l’évolution des pratiques exemplaires en ce qui concerne la participation des Autochtones à ces projets? Le processus suivi pour le pipeline de la vallée du Mackenzie a été perçu — et l'est toujours, je crois — comme révolutionnaire à l’époque en ce qui a trait à la participation, car on est allé dans chaque collectivité et on a tenu des audiences dans les langues autochtones dans chaque collectivité. La conclusion a été qu’il ne fallait pas aller de l’avant; il y a eu un moratoire de 10 ans pour régler les revendications territoriales.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur un sujet que vous avez abordé très rapidement? Dans les années 1990, il y a eu un nouveau processus. Nous avons commencé avec un vieux processus — les grandes sociétés internationales étrangères — et ensuite, dans les années 1990, il y a eu autre chose.
    Je vais vous donner un peu de temps pour parler de ce que vous envisagez pour l’avenir.
    Bien que le projet gazier du Mackenzie ait échoué, au bout du compte — il n’a pas abouti —, de nombreux facteurs différents ont joué un rôle.
    Cela dit, les Gwich’in ont acquis une capacité importante. Dans le cas du projet éolien d’Inuvik, par exemple, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a lancé deux appels d’offres pour étudier la faisabilité. Les Neet’aii étaient en mesure de soumissionner grâce à leur expérience du processus. Une partie du processus d’appel d’offres, l’étude de faisabilité, comprenait également la participation de la collectivité. Nous sommes maintenant des chefs de file dans ce domaine pour le gouvernement, non l'inverse. Nous avons tiré des leçons très utiles sur la façon dont les choses devraient et pourraient se faire.
    Ce que nous avons appris grâce à ce processus, se résume en une phrase: « Si vous êtes allé dans une collectivité autochtone donnée, vous êtes allé dans cette collectivité, et c’est tout. » En fin de compte, il s’agit de consacrer du temps, de l’argent et des efforts à ces collectivités, d’écouter les gens, d’entendre ce qu’ils ont à dire et d’apprendre à leur répondre — fondamentalement, il faut savoir ce qu’ils veulent tirer d'un projet donné.
(1625)
    Pour revenir au fait que chaque collectivité est différente et unique — ce dont M. Whelan a aussi parlé, je crois —, il y a des divergences d’opinions entre diverses collectivités au sujet d’un projet donné. Cela peut se produire, comme nous l’avons vu, dans le cas de projets linéaires comme les oléoducs. Les collectivités qui sont peut-être plus près des emplois dans le secteur pétrolier en verraient les avantages, et les collectivités de la côte en verraient les inconvénients.
    C’est peut-être le contraire pour le gaz, où il y a beaucoup de possibilités d’emploi sur la côte et beaucoup de problèmes écologiques qui surviennent davantage à l’intérieur des terres.
    Je pense aux Gwich’in et à Old Crow. J’ai passé un peu de temps à Old Crow, et je connais l’histoire et l’importance de la migration des caribous pour eux. Il y a le caribou qui se déplace d’une partie du monde à une autre, et il y a les Gwich’in du Yukon, si j’ai bien compris, qui s’opposent à l’ouverture de la Réserve faunique nationale de l’Arctique à l’exploration pétrolière et gazière. Les peuples autochtones de l’Alaska se sont prononcés en sa faveur. Je suppose qu’ils y voient des avantages.
    Comment prendre une décision lorsque les opinions sur un projet donné divergent?
    Prenons l’exemple du projet gazier de la vallée du Mackenzie. Au nord des Gwich’in, il y a les Inuvialuit. Ils auraient obtenu la majorité des emplois.
    Pour régler ce problème, nous avons examiné la participation financière. Dans mon exposé, j’ai parlé de l’attribution d'une part de 33 %. Même si la majorité des emplois se trouvaient au nord de chez nous, le pipeline lui-même aurait des avantages à long terme. C’est essentiellement ce que nous voulons faire. Il ne s’agit pas seulement des emplois immédiats de l'étape initiale; il s’agit aussi du développement à long terme de ces projets.
    C’est ce que nous souhaitons vraiment, et c’est ce que nos collectivités souhaitent également. Je suis sûr que, lorsque vous étiez à Inuvik, l'économie était probablement florissante, mais à l’heure actuelle... Il y a des hauts et des bas. Ce que nous voulons, c’est une source de revenus intéressante, constante et durable, afin que ces emplois soient bien là et que nous puissions développer la capacité dont nous avons besoin.
    C’est l’approche que nous voulons adopter.
     Qu’en est-il du caribou à Old Crow?
    Dans le cas du caribou, l'enjeu n'est pas exclusivement autochtone. La nation gwich’in dans son ensemble s’est opposée aux forages dans la Réserve faunique nationale de l’Arctique, mais il y a différents groupes autochtones en Alaska qui partagent ce point de vue. Cela dit, dans le cas du projet gazier du Mackenzie, nous serions l’un des promoteurs de ce projet, et nous pourrions alors aider à déterminer la façon dont le projet peut se réaliser et les zones critiques qu'il faut protéger.
    D’accord.
    Vous avez parlé des projets d'énergie éolienne et solaire. Nous avons beaucoup parlé, au Comité, de l’élimination du diesel dans les collectivités septentrionales et éloignées. Dans quelle mesure ces projets feraient-ils avancer Inuvik?
    À l’heure actuelle, nous examinons les deux propriétés commerciales.
    Inuvik a un petit microréseau de seulement 3,4 mégawatts environ. Ce n’est pas une grande ville; elle ne compte que 3 200 habitants. Cela dit, la quantité de gaz à effet de serre que nous émettons par habitant dépasse de loin ce qui est émis dans le reste du Canada parce que toute notre électricité est produite au moyen de combustibles fossiles. Le projet éolien, par exemple, visait à réduire la consommation totale de diesel de 80 % dans la ville. C’est énorme. Avec les projets solaires, nous envisageons d’économiser environ 25 % de la consommation annuelle des bâtiments commerciaux. Ce sont des chiffres importants pour une collectivité qui paie 76 ¢ le kilowatt.
     Merci.
    Monsieur Hehr.
    Je tiens à remercier les témoins de leur présence et de leurs témoignages très convaincants. Ils ont piqué mon intérêt à bien des égards, mais je voudrais m'adresser d'abord à M. Ross.
    Monsieur Ross, vous avez commencé par expliquer comment vous percevez l'interprétation judiciaire des accords — depuis la nation haïda jusqu’au point où nous en sommes maintenant — à la lumière de l’article 35. Vous essayez de comprendre où se situe le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause par rapport à la DNUDPA. J’ai tendance à voir le problème un peu plus comme vous et à penser que ces accords et l’obligation de consulter et de prendre des mesures d'adaptation seront examinés plutôt à la lumière de l’article 35.
    Je prends note du libellé des affaires les plus récentes et de la façon dont les tribunaux nous disent de nous attaquer aux questions soulevées par les peuples autochtones dans leurs négociations sur la nature d'un projet énergétique.
    À votre avis, LNG Canada a-t-il accepté les idées de la collectivité, puis modifié ses plans pour passer à la réalisation? Comment cela s'est-il présenté? Vous avez dit que c’était une réussite à votre avis, mais est-il arrivé qu'il faille se livrer à des tractations?
(1630)
    Oh oui, certainement. La différence entre ce que LNG Canada a fait et les projets antérieurs, c’est qu’avant même de passer par le processus d’évaluation environnementale pour présenter une demande de certificat, l'entreprise est venue nous voir et elle a discuté avec nous. Nous avons exposé nos préoccupations à un niveau très élevé, parce que c’est ce qu'on fait au stade de l'évaluation environnementale. L'entreprise a intégré notre point de vue à l'évaluation environnementale liée sa demande.
    Lorsque le gouvernement de la Colombie-Britannique nous a demandé si nous avions des préoccupations au sujet de la demande, nous lui avons répondu que nous les avions déjà exprimées et que nous pouvions passer à l’étape suivante. Ensuite, l'entreprise a fait ce qu'il faut aux termes des permis nécessaires pour examiner les problèmes sur le terrain et obtenir le certificat d’évaluation environnementale. Les représentants de l'entreprise sont venus nous voir.
    C’est ce qui fait l'intérêt d’un protocole avec le promoteur et d’un protocole distinct avec le gouvernement. Au lieu d’attendre que le permis arrive à notre bureau pour nous informer d'un renvoi, nous faisons en sorte que nos intérêts soient déjà pris en compte dans la demande elle-même. Cela a permis de gagner beaucoup de temps.
    Les entreprises consacrent beaucoup de temps et d’argent à ce travail, et le gouvernement provincial fait la même chose, mais cela nous a certainement permis de parvenir à la ligne d’arrivée beaucoup plus rapidement. Nous étions en fait la principale Première Nation avec laquelle il fallait traiter. Le transport maritime, le terminal et le pipeline se trouvent tous dans notre territoire. Tous les autres n'avaient que le pipeline ou le transport. Même le transport maritime était un élément important.
    Autre chose: dans la démarche de LNG Canada, on ne s'en est pas remis au gouvernement, dans notre cas. Dans certains cas, c'est nous, la Première Nation, qui avons dû communiquer avec d'autres Premières Nations opposées au projet et qui voulaient seulement obtenir des retombées. Nous leur avons permis d'avoir part à nos retombées dans le cadre de l'ERA que nous avons signée, pourvu qu'elles signent et qu'elles appuient le projet. Il faut recourir à cette méthode directe.
    Je sais que la Couronne a l’obligation de consulter et de prendre des mesures d’adaptation au bout du compte, mais il y a un certain nombre de protocoles différents qui peuvent favoriser ces projets, pour ce qui est des pratiques exemplaires.
     Vous recommandez une participation précoce; avant d'établir des plans, il faut consulter les groupes autochtones, ce qui guidera la démarche ultérieure.
    C’est exact, cela ne fait aucun doute. La seule solution, c'est que les dirigeants des Premières nations communiquent constamment avec leurs propres membres. Cela ne s'impose pas par voie législative, ni au moyen d'une politique, mais c'est une question que je pose tout le temps lorsque des membres des Premières Nations me demandent comment régler ce problème. Je leur demande: « Quel est votre plan de communication avec les membres? Est-ce en personne, par courriel ou sur Facebook? » Certaines de ces questions sont confidentielles. C’est très important.
    D’accord.
    La question que j'ai à poser à M. Sullivan porte sur des projets plus modestes. Je conçois qu'on puisse réunir des capitaux pour un grand projet, par exemple un pipeline, ou quelque chose du genre, parce que cela apporte des retombées à long terme. Pour certains projets plus modestes, est-il plus difficile de réunir des capitaux? Quelles pratiques les gouvernements ou les bandes autochtones devraient-ils envisager, si on veut faire des recommandations?
    Le problème, ce n’est pas de trouver des capitaux. L’analyse de rentabilité du projet éolien est fantastique. C’est une bonne analyse solide. C’est ainsi que le système est conçu et administré par les gouvernements territoriaux. Nous n’avons même pas l’occasion d’être à la table avec eux pour participer à ces discussions.
    Dans un monde idéal, la solution serait que le gouvernement territorial, le gouvernement fédéral et les Premières Nations collaborent à la réalisation de ces petits projets. Pour Inuvik, ce n’est pas un projet modeste. Ce sont 40 millions de dollars qui sont injectés à Inuvik. Cela représente beaucoup d’emplois pour nous. Le problème n’est pas le capital. Mais le GTNO nous exclut en disant: « Eh bien, nous allons vous offrir un programme de financement par emprunt à un taux identique à celui que nous obtenons, soit 3 %, en gros. » Il n’y a pas beaucoup de Premières Nations qui ont un bilan assez solide pour pouvoir se permettre un financement par emprunt de 3 %.
(1635)
    Le gouvernement devrait donc faire preuve d’une plus grande souplesse en collaborant directement avec les Premières Nations au financement par emprunt. Ne diriez-vous pas que c’est probablement le prix à payer?
    Oui.
    D’accord.
    En ce qui concerne le renforcement des capacités, monsieur Ross, vous avez dit que vous deviez apprendre à marcher avant de pouvoir courir. Je crois que c’est ce que vous avez dit dans votre témoignage. Est-ce que LNG Canada a contribué à renforcer la capacité? Y a-t-il eu des problèmes qu'elle a aidé à régler? Comment avez-vous développé la capacité de prendre une initiative comme celle-là pour pouvoir négocier vos ententes commerciales? Comment cela a-t-il pu permettre d'obtenir cette capacité?
    Nous avons procédé par essais et erreurs. Ce n’était pas la première proposition faite sur notre territoire. Il y a eu la modernisation de la fonderie. Au début, nous avions une usine de pâtes et papiers. À l’époque, nous commencions tout juste à comprendre les notions de risque et de titre. Nous faisions appel à nos bureaux d’avocats spécialisés en gestion des risques et des titres, et nous avions des consultants qui travaillaient en périphérie de ces industries. Lorsque les grands projets de GNL ont vu le jour, nous avons compris que nous ne connaissions pas la langue du pétrole et du gaz. Nous n’en avons aucune idée. Nous ne connaissons pas la langue de la haute finance. Même les gens d’affaires de Vancouver ne pouvaient pas communiquer avec les avocats et les financiers de haut niveau du Texas et de l’Alberta.
    À grands frais pour notre bande, nous avons fait venir des spécialistes des finances de San Diego. Nous avons fait appel à un avocat spécialisé en droit des affaires de Vancouver qui a travaillé à de grands projets. Nous avons fait venir un avocat de l’Alberta qui était actif dans l’industrie pétrolière et gazière. À ce moment-là, nous n'étions plus présents dans les discussions, mais représentés par des gens qui comprenaient exactement le discours de l'autre partie. C’est ainsi que nous avons conclu l’entente que nous avons aujourd’hui.
    Merci.
    Madame Stubbs, vous avez cinq minutes.
    Je voudrais poursuivre les échanges avec Ellis Ross. J’ai une question rapide et directe à vous poser, ce qui tient du miracle, penseront probablement mes collègues.
    Que pensez-vous de l’objectif précis des activités au Canada des militants étrangers ou financés par des Américains qui s'opposent aux projets énergétiques? À quoi veulent-ils en venir?
    Ils essaient de faire disparaître l’industrie énergétique, l’industrie forestière et l’industrie minière. S’il s’agissait de relever les normes et de s’attaquer aux changements climatiques, certaines des mesures qui ont été mises en place en Colombie-Britannique auraient dû suffire. Même si on s’est engagé à améliorer la situation, cela ne semble jamais suffisant. Il y a toujours de nouvelles contestations directes ou indirectes. La plus récente vise le projet de gaz naturel liquéfié de 40 milliards de dollars sur lequel la Colombie-Britannique, les Premières Nations et le Canada se sont entendus. Qu'est-ce qui viendra ensuite? Il y a une contestation portant sur les compétences, disant que le Canada a un certain pouvoir sur les pipelines, étant donné qu’une partie du GNL vient de l’Alberta.
    Qui imagine ce genre de choses? Dans le climat d’investissement d’aujourd’hui, les atermoiements équivalent à un arrêt de projet. L'objectif, c'est cela, d'après moi. J’ai discuté avec un certain nombre de ces groupes et je leur ai dit sans mâcher mes mots. Voilà, essentiellement, pourquoi ma bande refuse de se ranger du côté des ONGE.
     Voilà pourquoi vous êtes l’un des dirigeants élus les plus importants au Canada. La lutte que vous menez revêt une importance impérieuse pour chaque citoyen canadien dans chacune des collectivités de toutes les provinces.
    Dans le contexte des pratiques exemplaires favorisant la participation des Autochtones aux grands projets d’exploitation des ressources, vous avez soulevé un point intéressant tout à l’heure lorsque vous avez parlé des pratiques exemplaires et des réussites du gouvernement de la Colombie-Britannique dans vos négociations. Il s’agit en fait d’un sujet de préoccupation à propos du projet de loi C-69 des libéraux. Comme vous le savez probablement, tant que les détails ne seront pas réglés par voie réglementaire, ce qui pourrait n'arriver qu'en 2021, les définitions des grands et des petits projets, la possibilité que l’exploitation in situ soit visée par la loi et la possibilité — exactement comme vous venez de le dire — que les projets provinciaux et les compétences provinciales soient effectivement visés par cette loi ne seront pas vraiment établies. Le risque demeure donc réel.
    De nombreux dirigeants autochtones dénoncent également le projet de loi C-69, parce qu’en réalité, il ne fait rien de concret pour élargir ou accroître le droit des communautés autochtones à une consultation ou à des mesures d'adaptation. Il n’augmente pas non plus la portée des mesures, au fond, ni de l’obligation pour le gouvernement de respecter pleinement le devoir de la Couronne de mener des consultations. L’élimination du critère de la qualité pour agir aura pour conséquence que n’importe qui, n’importe où, pourra intervenir dans le processus d’examen du Canada pour les grands projets d’exploitation des ressources. On ne se limitera pas aux collectivités touchées localement, aux citoyens canadiens, aux collectivités autochtones touchées localement, aux experts en la matière ou aux techniciens.
    Dans le contexte de l’adoption de pratiques exemplaires pour la participation des collectivités autochtones aux projets d’exploitation des ressources, seriez-vous d’accord pour dire qu'on prend les choses complètement à l'envers? En effet, on entreprend une refonte majeure de la réglementation et de l’évaluation de l’impact des projets de recherche qui portent explicitement sur l’obligation de la Couronne de consulter les collectivités autochtones, refonte actuellement à l'étude au Sénat, à des semaines ou des mois de devenir loi, et ce n'est que maintenant que le comité sénatorial procède à un examen approfondi des pratiques exemplaires en matière de consultation des Autochtones sur les grands projets d’exploitation des ressources.
(1640)
    Je peux vous dire que cela ne cadre pas très bien avec ce qui se passe sur le terrain en Colombie-Britannique. Il est intéressant de voir comment les Premières Nations perçoivent la question, car tout le monde sait qu’en termes de droits et de titres, il y a un élément économique que la Couronne doit comprendre et dont elle doit prendre conscience.
    Dans ce cas-ci, je constate que la Couronne ne tient pas compte de l’aspect économique que les Premières Nations recherchent. Les choses ont probablement progressé en ce qui concerne les projets à venir, mais beaucoup de Premières Nations sont très différentes de ce qu'elles étaient il y a 10 ou 15 ans. Elles se battaient alors simplement pour avoir la chance de se faire entendre.
     Maintenant, elles se battent à la fois pour se faire entendre et pour participer à la création de l’avenir économique de la Colombie-Britannique au Canada. Elles ne semblent pas y arriver, puisqu'il y aura essentiellement des restrictions sur leurs exportations de tous les produits et pas seulement du pétrole et du gaz. Il y a une sorte de flou, un manque d’orientation en ce qui concerne les questions autochtones, surtout sur le plan économique.
    Merci.
    Monsieur Tan.
    J’invite mon collègue, M. Whalen, à poser la première question.
    Merci, monsieur Tan.
    Monsieur Andreassen, je vais vous faire participer aux échanges. L’une des questions qui ont retenu l'attention du Comité, au début de cette étude, concernait l’ouverture et la fermeture de nouveaux secteurs au développement. Il y a une obligation de consulter les peuples autochtones, et nous pouvons nous demander si nous avons fait un travail aussi bon que nous devions le faire lorsque nous avons fermé des secteurs au développement, aussi bon que celui que nous avons fait lorsque nous en avons ouvert d'autres.
     En Alaska, bien des questions surgissent aujourd'hui dans les émissions d'information au sujet de la capacité du président Trump de mettre fin au moratoire sur les forages dans l’Arctique, mais je voudrais que vous me donniez une idée de ce que vous pensez. Dans quelle mesure les Autochtones de l’Alaska ont-ils participé à l’établissement de l’interdiction ou du moratoire sur les forages dans l’Arctique? Comment ont-ils collaboré avec le président Trump pour annuler maintenant ce moratoire?
    Chose certaine, l’Alaska n’est pas différent de quelque autre région en ce qui concerne le conflit qui peut y exister. Le président Trump tente de lever le moratoire que le président Obama a imposé. Les deux ont reçu à des degrés différents les points de vue des peuples de la région, et ces points de vue se contredisaient.
    J’allais proposer tout à l’heure, en ce qui concerne les moyens d’accroître la participation des entreprises autochtones aux projets, que l’un des débats sur le développement extracôtier en Alaska... Les peuples autochtones ont des sociétés de village et de région qui font du développement économique. Ils sont devenus des partenaires actifs dans la mise en valeur des ressources extracôtières. C’est une façon, peut-être, d’aborder la question des partenaires passifs. Il n’y a pas de besoins en capital au départ, mais ils peuvent participer au processus et renforcer la capacité. Peut-être faudrait-il envisager de réduire ce pourcentage de partenariats passifs au fil du temps, à mesure que d’autres projets seront présentés.
    J’allais donner cette réponse à la question, mais encore une fois, lorsqu’il s’agit de limiter le développement dans une région, il faut se rappeler que la région en cause, du moins dans l’Arctique de l’Alaska, est aussi grande que trois ou quatre des autres États américains les plus grands. Un moratoire ou la suppression d’un moratoire pour une région aussi vaste n’a pas toujours de sens. Beaucoup de gens nous ont dit par le passé qu’il serait peut-être plus sensé d’examiner une région à un niveau plus local.
(1645)
    Merci.
    Monsieur Tan.
    Permettez-moi de vous poser, à vous tous, une question très générale. Le Comité a entendu de nombreux témoins dire que les collectivités autochtones ont adopté le projet de développement énergétique pour améliorer leur qualité de vie; toutefois, ce projet peut aussi avoir une incidence sur les droits culturels et l’identité des collectivités autochtones. Comment pouvons-nous tenir compte des deux aspects en même temps? Y a-t-il de bonnes ou de meilleures pratiques ou de mauvais exemples dont vous pourriez nous parler?
    M. Sullivan devrait probablement intervenir le premier, mais je pense que, si une communauté manifeste de l’intérêt pour un projet, c’est à elle de décider et de voir quelles seront les conséquences pour ses intérêts et son mode de vie. Cela fait partie de l’autonomisation d’une collectivité ou d’un groupe de peuples autochtones, qui peuvent faire leurs choix et voir les effets du développement énergétique ou du développement économique sur leur culture et leurs moyens de subsistance. Cela fait vraiment partie du processus décisionnel.
    J'ajouterais, pour prendre un exemple en Alaska, que nous avons la National Petroleum Reserve-Alaska, où l’exploitation pétrolière prend de l'ampleur. Un groupe de travail de la NPR-A fait participer directement les peuples autochtones à la prise de décisions relatives aux projets dans cette région. Il y a aussi des subventions pour atténuer les répercussions sur la NPR-A. À mesure que la production augmente dans la région — je crois que l’an prochain, 20 millions de dollars américains reviendront à ces collectivités —, ce sera à ces collectivités qu’il appartiendra de décider comment utiliser ces fonds et comment atténuer les répercussions négatives et de trouver des solutions constructives.
    Je peux vous accorder quelques minutes de plus, puis je vous donnerai du temps supplémentaire, si vous voulez, au lieu de faire un autre tour.
    Permettez-moi de poser une autre question à M. Sullivan.
    Vous avez dit qu’il y a des demandes portant sur l’énergie renouvelable dans votre collectivité et dans quelques autres. Vous avez une grande expérience de l’Indigenous Clean Energy Network. En général, prévoyez-vous dépendre moins du diesel et compter davantage sur les sources d’énergie renouvelable comme l’énergie éolienne, l’énergie solaire ou les PRM dans les régions éloignées du Nord canadien?
     J'entrevois une situation énergétique plus diversifiée dans le Nord. Je ne pense pas que nos collectivités puissent jamais s'affranchir totalement du diesel pour la production d’électricité. Ce produit présente de nombreux avantages. Il se transporte, il se transforme et c'est comme du butane de haute qualité. Il y a beaucoup de gigajoules par litre de carburant diesel. À ce point de vue, c’est un excellent carburant.
    Pourrions-nous l’utiliser beaucoup mieux? Absolument. Pouvons-nous tirer notre énergie d’autres sources? Bien sûr. Il faut tenir compte de l’ensemble des diverses formes d'énergie complémentaires que nous conjuguons. Ce n'est pas qu'une question d'énergie. Il faut aussi s'interroger sur l'offre. Il faut réfléchir à la situation de façon globale. Il faut se demander comment nous utilisons cette énergie et comment nous l’obtenons. Oui, le diesel fera toujours partie de la solution, mais il faut voir comment nous l'utiliserons et dans quelle quantité.
    Merci.
(1650)
    Monsieur Schmale.
    Merci beaucoup aux témoins d’avoir accepté de comparaître.
    Je ne sais pas par qui commencer, car vous avez tous les deux parlé de choses très intéressantes.
    Vous avez parlé en dernier, monsieur Sullivan. Nous allons commencer par vous. Vous avez parlé des priorités locales et de leur importance pour donner plus de pouvoir à vos collectivités et trouver des solutions qui répondent à vos besoins et qui peuvent aider les membres de la collectivité. Vous avez décrit la situation actuelle. Dans certains cas, vous n’avez pas voix au chapitre; il est très difficile de se faire entendre. Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage sur l’importance de la participation locale et sur la façon dont, lorsque vous avez un besoin, quelle qu’en soit la nature, la collectivité se mobilise. C'est la collectivité qui est le moteur et les solutions n'ont pas à venir d'en haut.
    Les Nihtat Gwich'in ont arrimé les deux études de faisabilité du projet d'énergie éolienne.
    Je vais vous donner un autre exemple de la contribution apportée par notre communauté. À mon avis, il s'agit d'un point crucial. Dans le cadre de l'étude de faisabilité, nous avions besoin d'ériger une tour météorologique pour mesurer la vitesse du vent sur le terrain. La tour est toujours là. C'est la troisième dans la région. Les Nihtat avaient fait ce type de travaux auparavant. Nous travaillons dans la région. Nous sommes conscients du réchauffement climatique et du gonflement du sol partout dans la toundra.
    Voici comment les tours météorologiques avaient été installées auparavant. Les tours mesuraient 200 mètres et étaient fixées à des câbles munis d'une ancre d'environ huit pouces. C'était dans le cahier des charges. Trois entreprises ont été appelées pour ériger les tours, mais celles-ci sont tombées chaque fois. Elles se trouvent dans des régions éloignées auxquelles on ne peut accéder que par hélicoptère.
    Nous avons parlé aux entrepreneurs locaux de notre façon de voir les choses et de la façon dont nous pourrions régler le problème. Notre solution a été d'opter pour des ancres à neige. Celles-ci mesuraient deux pieds sur six pieds et il y en avait 32 en tout. Notre tour tient toujours. Elle nous permet de recueillir les données dont nous avons besoin.
    Si seulement cette approche avait été adoptée dès le départ... On explore ce projet d'éoliennes depuis huit ans. L'une des raisons pour lesquelles il n'avait pas été mis en branle était qu'ils ne pouvaient pas obtenir les données. Ils ne pouvaient pas dire avec certitude quelle était la vitesse du vent et quelle serait la production d'énergie.
    S'ils nous avaient consultés en premier et avaient érigé les tours avec nos ancrages, la construction serait probablement déjà terminée. En fait, notre contribution a été énorme. Si la situation avait été différente pour ce projet d'éoliennes, un groupe autochtone aurait été chargé de l'étude de faisabilité et de l'élaboration du projet. Un groupe autochtone serait le promoteur du projet, et il y aurait des retombées pour la population autochtone. C'est vraiment dommage que tout ça n'ait pas eu lieu. À mon avis, ce projet aurait été une étude de cas parfaite, car je crois qu'on voulait tous qu'il aille de l'avant.
    Je pense que le savoir local joue un rôle primordial. Je suis certain que plusieurs d'entre vous ont vécu des situations similaires dans leurs collectivités, où le savoir local aurait permis de concrétiser un projet ou de le mener à bien de façon plus efficace.
    Vous parlez de l'exploitation de l'énergie éolienne. Vous avez parlé des données. Avez-vous envisagé d'autres options en matière de production d'énergie dans votre collectivité?
     Les Nihtat Gwich'in m'ont essentiellement chargé d'explorer les différentes options d'énergie renouvelable. Comme je l'ai dit plus tôt, à Inuvik, on a du soleil 24 heures par jour pendant deux mois et demi. Le soleil ne se couche pas et brille en continu.
     L'ensoleillement est comparable à celui de Victoria. Il est très concentré pendant l'été. Notre modèle de gestion consiste donc à chercher des clients qui consomment beaucoup d'électricité en été. Nous nous tournons vers des clients qui ont besoin de réfrigération — les épiceries locales, les hôtels — et de climatisation.
    Les nouveaux clients dans la région sont les stations-satellites canadiennes, ce qui devrait susciter de l'intérêt dans l'ensemble du Canada. Inuvik est l'un des lieux clés pour la réception satellite. C'est l'un des endroits où il y a une excellente réception en permanence. RNCan y a investi des sommes importantes. Nous travaillons actuellement avec ces clients puisque chaque fois qu'un satellite se déplace, il consomme beaucoup d'énergie. Et les ordinateurs dans ces satellites doivent être refroidis tout l'été.
     C'est un excellent modèle d'affaires pour nous. Le Canada possède une initiative visant à stimuler l'industrie des satellites. Et nous avons l'énergie solaire nécessaire pour garder les immeubles au frais. C'est une relation avantageuse, et ce n'est que le début.
(1655)
    De plus, je pense qu'en ce qui a trait à l'activité économique, le fait de disposer d'une source d'énergie fiable est l'une des premières étapes pour le développement d'autres projets. Il semble qu'en général, vous en possédiez suffisamment.
    Oui.
    Je m'éloigne un peu du sujet, mais quelles incidences le stockage de l'énergie a-t-il sur vos affaires?
    Le stockage de l'énergie changera la donne. À Inuvik, actuellement, si vous réglez votre horloge un dimanche et que vous la regardez le dimanche suivant — une semaine plus tard — il y aura une différence de huit minutes; c'est la variation du cycle par seconde, l'hertz, qui en est la cause. Ces baisses de tension causent des interruptions dans les services informatiques et l'électronique.
     L'une des raisons pour lesquelles les clients des stations-satellites souhaitent travailler avec nous est que nous pouvons fournir de l'énergie et atténuer ces baisses. Chaque fois qu'il y a une interruption de la réception de renseignements satellite, même si ce n'est qu'une interruption, toute la réception se retrouve au bout de la file. En fait, tout le monde se dispute le temps de réception satellite, à la minute près. S'il y a interruption, le temps de réception est perdu. À l'aide du stockage dans des batteries et de l'énergie solaire, nous pouvons rendre la courbe d'énergie plus stable et éviter que ces interruptions ne se produisent.
    Les batteries changent vraiment la donne. Je pense qu'elles devraient être installées dans toutes les collectivités, tout comme les services publics, parce qu'elles permettent un approvisionnement en énergie constant et uniforme.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Cannings, la parole est à vous avant de conclure.
    Je crois que je vais terminer avec vous, monsieur Andreassen. Vous avez parlé de la fatigue qu'éprouvent les communautés en ce qui a trait à la contribution aux projets. J'imagine qu'on ne leur offre aucun avantage en échange, que les gens sentent qu'on ne porte pas attention à leurs propositions et que les décisions ne tiennent pas compte de l'opinion de la communauté.
    Notre étude porte sur les pratiques exemplaires utilisées relativement à la participation de communautés autochtones au Canada, mais nous examinons également ce qui se passe dans d'autres pays, comme aux États-Unis. Quelles sont les lois en vigueur aux États-Unis?
     Ici, si une communauté estime qu'on ne l'a pas écoutée, que la décision n'a pas tenu compte du point de vue des gens localement, et que la consultation ne visait qu'à écouter et à prendre des notes... Le projet d'expansion du pipeline Trans Mountain a été porté devant la Cour d'appel fédérale et a été annulé, car le tribunal a conclu que les fonctionnaires qui menaient les consultations ne faisaient que prendre des notes. Ils n'écoutaient pas vraiment les gens. Ils ont pris des notes, mais ils n'ont pas tenu compte des points de vue recueillis dans la décision.
    Qu'est-ce qui pourrait différer aux États-Unis? Comment les tribunaux interpréteraient-ils ce type de consultation?
     D'après moi, le processus au Canada est plus officiel. Il est assorti de lignes directrices plus strictes et, pour plusieurs aspects, tient compte des pratiques exemplaires. En revanche, dans le cadre des consultations aux États-Unis, je pense que les organismes ont une plus grande marge de manœuvre pour agir dans l'intérêt du projet et des collectivités d'une façon moins officielle, mais plus novatrice et réceptive.
    Dans les deux cas, il existe un processus qui plairait davantage aux collectivités de sorte qu'elles n'aient pas l'impression qu'on coche des éléments sur une liste, mais qu'elles sentent qu'elles apportent une contribution réelle. Souvent, la participation a plus de valeur que les avantages obtenus en contrepartie.
    La fatigue vient du fait que, chaque mois, et parfois même chaque jour, l'on doive collaborer avec de nombreux partenaires de l'industrie et des organismes. Je pense qu'il y a de 14 à 20 ministères fédéraux américains qui travaillent sur les enjeux liés à l'Arctique. Le fait de simplifier autant que possible ces nombreuses demandes constituerait une pratique exemplaire. En fin de compte, il faut que la collectivité voie les avantages du processus.
    Je vous ai parlé du conflit et du moratoire possible. Les groupes qui sont souvent enclins à limiter le développement sont les plus susceptibles de ne pas voir les avantages d'un projet, et les groupes qui appuient le développement y verront des retombées pour leur collectivité.
    Les consultations doivent être effectuées de manière à ce que les collectivités perçoivent les avantages et se sentent respectées, et que les consultations soient efficientes et prennent en compte leur temps et leurs intérêts.
(1700)
    Si une collectivité a participé à ce type de processus et qu'à la fin, elle estime qu'il n'a pas été mené correctement, a-t-elle un recours juridique?
    D'après ce que je comprends, les recours ne sont pas aussi précis qu'au Canada. À mon avis, une collectivité pourrait certainement intenter des poursuites, mais les dispositions sont un peu plus incertaines, je crois.
    Merci.
    Messieurs, merci à vous tous d'être venus aujourd'hui. Vos témoignages seront très utiles pour l'étude que nous allons bientôt terminer. Je vous en remercie au nom de tous les membres du Comité.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes, puis nous reviendrons. Nous allons siéger à huis clos. Tout le monde a le droit d'être accompagné d'un membre de son personnel pendant cette partie.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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