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La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la 10
e séance du Comité permanent du commerce international.
La séance d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 24 novembre 2021.
Les mesures entourant le port du masque dans l'enceinte de la Chambre des communes ont été prolongées jusqu'au 23 juin 2022. Veuillez noter que le port du masque est obligatoire dans les salles de comité, sauf lorsque les membres sont à leur place pendant les délibérations. Il est toutefois fortement recommandé de le porter même dans ce cas.
Toutes les personnes qui se trouvent à l'intérieur de la salle de comité doivent suivre les pratiques exemplaires pour maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant à mains fourni sur place.
À titre de présidente, je veillerai au respect de ces mesures, et je vous remercie de votre collaboration.
Afin d'assurer le bon déroulement de la séance, je vous prie de noter que vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Si l'interprétation est interrompue, veuillez m'en informer immédiatement, et nous veillerons à ce qu'elle soit rétablie avant de poursuivre.
Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre micro doit être éteint.
Finalement, je vous rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la relation entre le Canada et les États-Unis et ses impacts sur les secteurs des véhicules électriques, du bois d'œuvre et autres.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier, le Comité poursuit son étude sur la relation et ses impacts. Aujourd'hui, la séance porte sur le secteur du bois d'œuvre.
Nous accueillons par vidéoconférence Mark Warner, avocat, à Pilot Law LLP, à titre personnel; Jason Krips, président-directeur général de l'Alberta Forest Products Association; Susan Yurkovich, présidente-directrice générale, de la British Columbia Council of Forest Industries; Derek Nighbor, président-directeur général, de l'Association des produits forestiers du Canada; Jean-François Samray, président-directeur général, et Michel Vincent, directeur, Économie et marchés, tous les deux du Conseil de l'industrie forestière du Québec, et Sylvain Labbé, président-directeur général, du Bureau de promotion des produits du bois du Québec.
Je vous souhaite tous la bienvenue, et je m'excuse du retard.
Nous allons commencer par la déclaration liminaire de M. Warner pour un maximum de cinq minutes.
Allez‑y, s'il vous plaît.
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Je vous remercie, madame la présidente, de l'invitation à venir témoigner aujourd'hui.
Comme vous le savez déjà, je m'appelle Mark Warner. Je suis avocat spécialisé en droit du commerce canadien et américain. La question du bois d'œuvre m'intéresse depuis longtemps, et c'était le cas avant même d'être étudiant en droit. J'ai travaillé à l'Université de Toronto pour le regretté professeur Alan Rugman. J'ai travaillé comme avocat aux États-Unis dans divers cabinets qui représentaient le Canada, puis comme directeur du service juridique au ministère du Développement économique, de la Création d'emplois et du Commerce de l'Ontario. J'ai examiné la question sous de multiples angles, comme professeur d'économie, comme avocat aux États-Unis et au Canada, et comme personne qui paie les factures des avocats aux États-Unis et qui est payé par les Canadiens aux États-Unis pour parler du bois d'œuvre.
Ce qui est intéressant à propos de ce dossier, c'est qu'on en parle depuis toujours. J'examine la question depuis de très nombreuses années et j'ai l'impression que ce n'est pas le genre de différend commercial qui se prête à un règlement permanent, car il s'agit au fond d'une bataille de conception de la politique commerciale et du droit commercial. Les Américains regardent du côté des pratiques du Canada concernant le bois d'œuvre, le bois de sciage et la gestion forestière et se disent qu'il s'agit d'une économie non marchande. On peut ne pas être d'accord avec cela. Les Canadiens, quant à eux, regardent du côté des accords commerciaux qu'ils ont négociés avec les Américains et se disent qu'ils disposent de divers mécanismes de règlement des différends, que ce soit sous l'ancien ALENA — maintenant l'ACEUM — ou l'OMC, et qu'ils peuvent remporter de petites victoires techniques, basées sur des questions juridiques ou comptables, et ensuite, recommencer à se battre.
Je ne vois pas vraiment de fin à cela, à moins que nous trouvions un moyen de faire en sorte que les producteurs américains s'avouent vaincus. Je ne crois pas qu'ils vont le faire, même si nous avons les meilleurs arguments du monde sur le coût des maisons, etc.
Le système commercial américain — qui n'est pas différent du nôtre, car nous avons essentiellement la même base — est un système qui repose beaucoup plus sur les intérêts des producteurs que sur ceux des consommateurs. Aux États-Unis, de plus, les producteurs ont divers processus à leur disposition. Au Canada, nous considérons toujours cela comme le début d'un processus politique. Du point de vue américain, il s'agit simplement pour les producteurs de suivre la loi. Leur règle de droit le veut ainsi.
Si on pense à la situation actuelle dans le dossier du bois d'œuvre, la question fondamentale pour le Canada semble être de savoir si cela nous convient. Voulons-nous continuer à avoir des différends que nous réglons par la voie des mécanismes internationaux dont nous disposons, ou voulons-nous trouver un moyen de négocier une sorte d'accès au marché ou de règles afin d'acheter un peu la paix? Je comprends qu'en raison de la récente situation économique des deux côtés de la frontière, ce n'est pas ce que nous voulons.
La question que je me pose est de savoir où le dossier du bois d'œuvre s'inscrit dans le cadre plus large des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis. Je pense que si nous voulons un règlement politique, plutôt que juridique, il faudra compter sur la bonne volonté, dans une certaine mesure, des différents acteurs gouvernementaux aux États-Unis. Je me demande si nous n'avons pas été un peu plus belliqueux dans notre politique commerciale. C'est une attitude en partie compréhensible, en raison du dernier occupant de la Maison Blanche, mais cela s'est poursuivi sous le nouveau président Biden. J'ai l'impression que nous aimons jouer des coudes. Du moins, je pense que c'est la perception à Washington.
La question est donc de savoir s'il est possible d'envisager une vaste entente, dans le cadre de laquelle nous pourrions dire aux Américains: « Si vous nous aidez avec le bois d'œuvre et Keystone », ou quoi que ce soit d'autre, « nous tenterons de régler des problèmes prioritaires pour vous concernant les chaînes d'approvisionnement mondiales et les minéraux critiques. »
Il faudra sans doute ne pas se contenter de parler de l'approvisionnement en matériaux critiques, mais en fait trouver des façons de faire comme les Australiens. Comment peut‑on amener les minéraux critiques sur le marché rapidement? C'est ce que je pense.
J'ajouterais que, bien que le différend entre le Canada et les États-Unis sur le bois d'œuvre remonte à très loin, l'autre élément qui, je crois, est moins bien compris au Canada est que nous faisons maintenant partie d'un débat beaucoup plus large entre les États-Unis et la Chine. Comme nous le montre tout ce qui se passe dans le monde actuellement, c'est un enjeu qui est au centre de la politique étrangère et de la politique économique étrangère des Américains.
Il se trouve que les questions au cœur du différend — le dumping, etc. — sont aussi au cœur du différend des États-Unis avec la Chine en ce qui concerne l'utilisation des droits antidumping et des droits compensateurs.
Ce sont des pistes de réflexion. Aussi difficile que cela ait été de traiter cette question au cours des 35 dernières années, il est encore plus difficile aujourd'hui pour les Américains de trouver une solution en droit commercial qui soit particulière au Canada sans impliquer leurs différends plus larges en droit commercial avec la Chine.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie, et je remercie aussi tous les membres du Comité, de votre invitation. Je suis heureux d'avoir la possibilité de témoigner.
Comme il a été mentionné, je m'appelle Jason Krips. Je suis le président-directeur général de l'Alberta Forest Products Association.
J'aimerais tout d'abord souligner que je m'adresse à vous depuis Edmonton, qui est située sur le territoire traditionnel des peuples du Traité no 6, ainsi que sur les terres ancestrales des Métis. De plus, notre industrie mène des activités sur les territoires traditionnels des peuples des traités no 7 et no 8. Il est important de souligner le partenariat solide et riche que nous avons avec les communautés autochtones, les Premières Nations et les Métis dans le secteur forestier.
En ce qui concerne le bois d'œuvre, nous avons pu constater que l'industrie des produits forestiers en Alberta contribue à la résilience de nos communautés. L'industrie est présente dans plus de 70 communautés dans la province. Nous avons une économie qui connaît des hauts et des bas — c'est bien connu au Canada en raison des prix de l'énergie —, mais dans les communautés où l'industrie forestière est aussi présente, la situation est nettement différente. Ces communautés sont mieux protégées grâce aux emplois bien rémunérés et stables que cette industrie leur offre. En fait, notre industrie génère plus de 40 000 emplois, dont un grand nombre dans les régions rurales, et des retombées économiques de 8 milliards de dollars dans la province.
Le problème avec les sanctions commerciales prises par le gouvernement des États-Unis, c'est qu'elles sapent cette stabilité économique. Elles créent de l'incertitude et drainent l'argent de nos communautés.
Il n'y a pas que l'Alberta ou le Canada qui souffre des répercussions de ces sanctions. C'est le cas également des communautés aux États-Unis. Des centaines de milliers d'emplois dans ce pays dépendent du transport et de la vente de nos produits et de leur utilisation dans la construction. Des millions d'Américains ont besoin que les prix des logements soient abordables pour pouvoir se loger.
Ironiquement, ce sont donc les citoyens américains qui subissent le plus les contrecoups des sanctions imposées par le département du Commerce des États-Unis. Nous vivons actuellement une période de forte inflation — que nous n'avons pas connue depuis des décennies. Les coûts, tant pour l'industrie que pour les ménages, augmentent à un rythme insoutenable.
Le conflit sur le bois d'œuvre exacerbe ce phénomène en étouffant la concurrence, en entravant les chaînes d'approvisionnement et en contribuant à des flambées massives du prix du bois.
Pour nos membres, les tarifs douaniers ajoutent des coûts importants qui sont transférés aux consommateurs lorsque les marchés sont dynamiques. Lorsque le marché s'affaiblit, ils contribuent notamment à la réduction des activités des usines et à des pertes d'emplois.
J'ai exposé le problème et nous voulons maintenant parler des solutions. Comme M. Warner l'a mentionné, il n'y a malheureusement pas de solution miracle ni d'argument que nous pouvons présenter au département du Commerce des États-Unis et à l'industrie américaine qui les amènerait à déposer les armes dans ce conflit.
C'est pourquoi nous croyons qu'il demeure utile pour le Canada de recourir aux mécanismes de contestations judiciaires comme les processus d'appel de l'OMC et de l'ACEUM, dont M. Warner a parlé, pour défendre nos droits.
Nous estimons également qu'il est utile d'informer les consommateurs américains de ce que ce différend leur coûte.
Enfin, nous croyons qu'il est important de continuer à parler de nos forêts. Notre héritage unique de terres publiques dans une grande partie du pays témoigne du fait que nos normes très élevées de gestion des forêts sont cohérentes. Notre industrie est en mesure de récolter d'une manière qui n'entraîne aucune déforestation, car la récolte sur les terres publiques s'accompagne d'une obligation de régénération par des activités comme le reboisement. En fait, en 2021, l'industrie forestière de l'Alberta a planté plus de 100 millions d'arbres. Cela représente trois arbres pour chaque arbre récolté, et nous en sommes très fiers.
Parler de nos méthodes contribuera à promouvoir l'accès aux marchés du monde entier et donnera aux consommateurs d'ici l'assurance que le produit qu'ils achètent est fabriqué conformément aux normes les plus rigoureuses au monde.
Comme M. Warner l'a mentionné, il n'y a pas de solution miracle. Nous devons poursuivre nos efforts juridiques et politiques. En fin de compte, tant qu'une coalition américaine ne viendra pas s'asseoir volontairement à la table, je crois que la bataille va durer un certain temps.
Madame la présidente, je vous remercie beaucoup de votre temps.
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Je vous remercie, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
En tant que présidente du British-Columbia Council of Forest Industries et du Lumber Trade Council, j'ai le plaisir de représenter la majorité des fabricants de produits forestiers de la Colombie-Britannique.
Ces entreprises, grandes et petites, représentent environ 50 % des exportations de bois d'œuvre et de pâte à papier de notre pays, y compris la moitié des exportations de bois d'œuvre aux États-Unis.
Je me joins à vous depuis les territoires traditionnels du peuple salish du littoral, et nous sommes ravis de votre intérêt pour notre industrie et cette question.
Tout comme M. Krips, j'aimerais vous parler un peu de l'industrie ici. En Colombie-Britannique, l'industrie forestière a des retombées économiques sans pareil dans l'économie provinciale. Elle contribue plus de 13 milliards de dollars au PIB et environ 4 milliards de dollars par année en taxes et en droits qui servent à financer les soins de santé, l'éducation et les services sociaux sur lesquels nous comptons tous. Il importe de mentionner également que l'industrie génère environ 100 000 emplois directs, indirects et induits en Colombie-Britannique, dans les centres urbains et ruraux.
Les produits forestiers représentent environ un tiers de nos exportations, 21 % de tout le trafic passant par le port de Vancouver et 11 % du trafic ferroviaire dans l'Ouest canadien.
Pour nous, en tant qu'industrie d'exportation dans une petite économie ouverte, des relations commerciales solides et des marchés diversifiés sont essentiels au succès de notre industrie. Bien que les États-Unis aient été la principale destination des produits forestiers de la Colombie-Britannique, au cours des 20 dernières années, en collaboration avec le gouvernement, nous avons étendu nos marchés à l'Asie et réduit notre dépendance à l'égard des États-Unis, où nous continuons de faire face à ces droits de douane injustifiés, ce qui est bien sûr l'objet de notre discussion aujourd'hui.
Comme il a été mentionné, il s'agit d'un différend qui ne date pas d'hier. Il dure depuis plus de 40 ans. Nous sommes au milieu de ce que nous appelons affectueusement le « cinquième différend ». Les « troisième » et « quatrième » différends se sont conclus en faveur du Canada, des tribunaux internationaux neutres ayant forcé le département du Commerce des États-Unis à annuler ses conclusions non fondées sur les subventions.
Nous sommes convaincus que nous l'emporterons à nouveau, car le bois d'œuvre canadien n'est pas subventionné, et les allégations des producteurs protectionnistes américains sont sans fondement, mais jusqu'à ce qu'elle soit résolue, cette bataille interminable continue d'exiger qu'on y consacre énormément de temps, d'énergie et de ressources humaines et financières. Ce qui est vraiment frustrant et difficile à comprendre pour moi, et pour beaucoup d'autres, c'est le fait que les États-Unis ont désespérément besoin du bois d'œuvre canadien.
En 2021, la demande américaine de bois d'œuvre était de 51,6 milliards de pieds-planche. Les producteurs américains ne pouvaient en fournir que 35,6 milliards, ce qui laissait un déficit de 16 milliards, dont 14 milliards étaient comblés par le Canada.
La demande américaine de bois d'œuvre, comme il a été mentionné, continue d'être forte, et ce, parce que les familles américaines veulent réparer et rénover leurs maisons et, dans certains cas, en construire de nouvelles. Nous avons assisté à une demande record au cours des dernières années, car les gens passent plus de temps à la maison en raison de la pandémie, et les mises en chantier augmentent après des années de ralentissement à la suite de l'effondrement du marché en 2008.
Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive, et ce, parce qu'un groupe démographique important entre maintenant dans la tranche d'âge de formation des ménages. Il s'agit d'un groupe qui, fait intéressant, est plus important que les baby-boomers, et qui cherche à acheter ou à construire sa première maison. Ce faisant, comme M. Krips l'a mentionné, ils vont être aux prises avec des pressions inflationnistes, en grande partie causées par les perturbations de la chaîne d'approvisionnement dues à la pandémie. Ces pressions sont exacerbées par les tarifs protectionnistes qui font grimper les prix et rendent le rêve de devenir propriétaire hors de portée pour certains.
Plus important encore, comme il a été mentionné, ce différend crée une volatilité et une incertitude énormes au Canada, ce qui se répercute sur nos travailleurs, nos familles et les communautés qui dépendent de l'exportation de bois d'œuvre.
À l'heure actuelle, nos marchés sont solides, mais il s'agit d'une activité cyclique. Nous devons être prêts pour le prochain cycle baissier et pour les occasions qui s'offriront à nous. Nous devons investir et innover, explorer de nouveaux marchés, former la prochaine génération de travailleurs, utiliser des technologies qui améliorent la gestion durable des forêts et investir dans des partenariats avec les nations autochtones de notre pays.
Cela nécessite des ressources et des capitaux très importants. Malheureusement, à l'heure actuelle, plus de 7 milliards de dollars des entreprises canadiennes dorment dans des dépôts en espèces. C'est de l'argent qui pourrait être utilisé pour investir dans les usines, l'équipement, les travailleurs et les communautés.
En regardant vers l'avenir, nous voyons une occasion incroyable de contribuer à répondre à la demande croissante de produits forestiers, qui sont des matériaux de choix, renouvelables et à faible teneur en carbone. Qu'il s'agisse de charpentes en bois massif ou d'emballages à base de fibres, ces produits contribuent à la lutte contre les changements climatiques tout en soutenant l'emploi ici, au pays. Nous pouvons contribuer à cet approvisionnement à partir de forêts gérées durablement. Nous pouvons aider à répondre à la demande, et nous pouvons même aider l'administration Biden à mettre en œuvre son programme d'infrastructure verte de 1 billion de dollars.
Comment pouvons-nous faire cela?
Nous pouvons procéder de quelques façons. Premièrement, nous devons régler ce problème. Il faut que l'industrie et le gouvernement américains s'assoient à la table pour négocier un règlement durable de ce différend.
Dans le contexte des tensions géopolitiques qui s'exercent et d'un protectionnisme américain qui continue de sévir, nous ne voyons pas encore cette ouverture, comme M. Krips vient de le mentionner, mais la vigueur de la demande et les problèmes constants d'approvisionnement, qui risquent d'être exacerbés par la guerre en Ukraine, nous permettent d'entrevoir des possibilités de dialogue au cours des semaines et des mois à venir. D'ici à ce qu'une entente intervienne, nous devrons néanmoins continuer à défendre énergiquement notre industrie.
Deuxièmement, une approche de type Équipe Canada est essentielle. C'est la manière dont nous procédons depuis des décennies. Peu importe le parti formant le gouvernement, les Canadiens ont toujours été bien servis par un front uni transcendant les allégeances politiques. Une telle étroite coopération, à la fois multipartite et intergouvernementale, est devenue possible parce que nous défendons une cause commune et parce que l'élimination des tarifs est bénéfique pour tout le monde. Nous nous réjouissons vraiment de voir la poursuivre avec son équipe les efforts déployés en ce sens par ses prédécesseurs.
Troisièmement, une nation commerçante comme la nôtre a besoin d'accords commerciaux solides, efficaces et efficients et d'instances qui vont contribuer à faire en sorte que ces accords soient mis en oeuvre et respectés. Il faut notamment à ce titre assurer le maintien du mécanisme de règlement des différends de l'OMC, pouvoir compter sur un organe d'appel efficace, et disposer de mécanismes permettant de régler rapidement les différends.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Derek Nighbor et je suis président-directeur général de l'Association des produits forestiers du Canada. Je vous parle aujourd'hui depuis notre administration centrale à Ottawa, sur les territoires non cédés des Algonquins-Anishinabe.
Le secteur canadien des produits forestiers, dont les revenus atteignent 76 milliards de dollars, exporte chaque année des produits canadiens issus de sources durables d'une valeur dépassant les 34 milliards de dollars. Nous sommes présents dans plus de 600 collectivités tributaires de la forêt et fournissons directement de l'emploi à un peu moins de 230 000 Canadiens.
Je connais déjà un certain nombre de membres de votre comité. J'aperçois ainsi les députés Sheehan, Martel, et qui savent très bien qui nous sommes, mais je dirais au bénéfice des autres que nous figurons parmi les chefs de file mondiaux grâce à notre approche de l'aménagement forestier durable qui nous permet de nous démarquer de bien des manières. J'ai eu le privilège d'être élu président du conseil regroupant nos homologues de 28 pays du monde, et je peux vous dire que notre utilisation des terres publiques est l'un des principaux éléments grâce auxquels nous nous distinguons. Plus de 90 % des terres faisant l'objet d'une exploitation forestière sont assujetties à des lois, des règlements et des politiques relevant des gouvernements provinciaux. L'exploitation de terres de la Couronne provinciale ne va pas sans son lot d'obligations et d'engagements d'importance. Il faut notamment s'en remettre à la science locale, consulter et mobiliser les communautés autochtones et allochtones, garantir l'intégration des valeurs locales et gérer des dizaines de valeurs cruciales allant de la conservation de la biodiversité jusqu'à l'atténuation des risques d'inondation et d'incendie, en passant par la protection des oiseaux, des mammifères et des poissons qui habitent la forêt. Les plans d'aménagement de l'assise territoriale sont établis suivant des horizons de 100 à 200 ans. C'est le genre de cycle de planification que l'on retrouve dans bien peu d'industries. Ces plans d'aménagement des terres publiques doivent être approuvés par les gouvernements provinciaux.
Notre secteur souscrit dans une large mesure aux priorités du gouvernement fédéral et propose des solutions clé en main, comme mes deux collègues l'ont mentionné, pour contribuer à la décarbonisation de notre économie, favoriser une conservation efficace des ressources, créer et maintenir des emplois bien rémunérés, tout particulièrement dans les régions rurales et nordiques du Canada, et faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones.
Parlons justement des Autochtones et du rôle qu'ils ont à jouer. Les communautés autochtones sont essentielles à la prospérité et à la survie de notre secteur. Non seulement les jeunes Autochtones représentent-ils pour nous un bassin important de talent pour l'avenir, mais les Autochtones contrôlent d'ores et déjà 10 % de l'approvisionnement en bois du Canada, une proportion qui s'accroît sans cesse. On voit par ailleurs se multiplier dans toutes les régions du pays les coentreprises, les ententes de congestion, les programmes d'emploi et les accords de partage des revenus avec les communautés autochtones, sans compter les quelque 12 000 travailleurs autochtones et 1 400 entreprises forestières appartenant à des Autochtones.
Mme Yurkovich a évoqué tout à l'heure les perspectives associées à une économie carboneutre. Comme se plaisait à le dire lorsqu'il était ministre, la carboneutralité de l'économie canadienne doit absolument passer par notre foresterie et nos produits forestiers. Nous offrons ainsi tout au long de la chaîne de valeur des solutions qui vont de l'atténuation des risques de feux de forêt générateurs de carbone jusqu'à la conception de produits du bois capables de piéger le carbone pour les générations à venir, en passant par l'utilisation de résidus comme la sciure de bois, l'écorce et les copeaux pour produire notamment du papier, des biocarburants et des bioplastiques, ou pour alimenter des réseaux électriques et des installations de chauffage centralisé.
Notre pays est particulièrement privilégié. Nous recensons plus de 9 000 arbres pour chaque Canadien, et notre engagement à replanter plus d'arbres que nous en récoltons — par exemple dans un ratio de 3:1 en Alberta, comme l'indiquait M. Krips — assure la pérennité des forêts canadiennes.
Il a beaucoup été question aujourd'hui de la problématique du bois d'œuvre. Je vais vous entretenir d'un autre enjeu commercial touchant nos secteurs du bois d'œuvre et des pâtes et papiers. J'estime important que votre comité et le gouvernement du Canada comprennent bien la nature de cet enjeu ainsi que ses répercussions possibles. Je parle ici de projets de loi discriminatoires à l'encontre du secteur forestier canadien dont sont actuellement saisies les législatures des États de la Californie et de New York. Ces projets de loi visent à limiter les exportations de produits canadiens via les mécanismes d'approvisionnement de ces États. Lorsque j'ai accédé à ce poste il y a quelques années, je ne m'attendais pas à devoir me rendre à Sacramento et à Albany pour défendre les intérêts de notre industrie, mais c'est exactement là où nous en sommes. Comme je l'ai indiqué, l'adoption de ces projets de loi serait catastrophique pour les familles et les communautés canadiennes tributaires de la forêt en raison du précédent ainsi créé et des efforts qui seraient déployés par certains militants pour influencer nos clients aux États-Unis de même que les gouvernements d'autres États.
Permettez-moi d'ajouter quelques précisions à ce sujet. Au cours de la dernière année, nous avons collaboré avec l'industrie, les syndicats et nos partenaires autochtones pour nous opposer à deux projets de loi américains. Le premier a été déposé en Californie par le député Kalra. Gavin Newsom, gouverneur de la Californie, a exercé son droit de veto, seulement pour voir le même projet de loi être présenté de nouveau il y a quelques semaines. Le second est une initiative de la sénatrice Liz Krueger de l'État de New York. Lorsque nous avons vu ces deux projets de loi se pointer l'un à la suite de l'autre avec à peu près le même libellé, nous savions qu'ils étaient le fruit d'un effort concerté, et il est devenu évident à nos yeux que le Natural Resources Defense Council, un organisme anti-canadien basé aux États-Unis, a largement contribué à leur rédaction.
Je tenais à vous mettre en garde contre ces projets de loi. Nous sommes vivement préoccupés par leurs répercussions possibles sur notre main-d'œuvre et notre capacité à exploiter nos ressources. Leur caractère discriminatoire a été vigoureusement dénoncé par nos partenaires de l'industrie et des milieux syndicaux, et nous avons absolument besoin de l'appui du gouvernement fédéral pour veiller à ce que nos échanges commerciaux avec nos voisins du Sud ne soient pas entravés par de nouveaux problèmes.
Merci, madame la présidente.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs les députés, je m'appelle Jean‑François Samray et je suis le président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec, ou CIFQ. Je suis accompagné aujourd'hui de notre économiste en chef, M. Michel Vincent.
Le CIFQ est le principal porte-parole de l'industrie forestière du Québec. Le CIFQ représente les intérêts des entreprises de sciage de résineux et de feuillus, de déroulage, de pâtes et papiers, de cartons et de panneaux ainsi que des fabricants de bois d'ingénierie du Québec.
Travaillant auprès des instances gouvernementales, des autres acteurs du secteur forestier et du grand public, le CIFQ met en valeur la contribution de ses membres au développement socioéconomique, à l'utilisation responsable des ressources naturelles, à l'aménagement durable des forêts et à la qualité écologique des produits.
En ce qui concerne le sujet à l'étude aujourd'hui, le CIFQ représente et appuie ses membres dans les différents litiges en cours et fournit au gouvernement des approches pour assurer l'équité du commerce du bois d'œuvre résineux avec les États‑Unis.
La contribution du bois à l'économie canadienne et québécoise est incroyable. Il est important de rappeler aux membres du Comité que les forêts et l'industrie canadienne jouent un rôle important dans l'économie. Le secteur forestier fournit des emplois directs à plus de 230 000 Canadiens provenant de 600 collectivités, et plus de 12 000 travailleurs de l'industrie sont des membres des Premières Nations. Le secteur forestier génère des revenus de près de 80 milliards de dollars par année. Au Québec, l'industrie forestière soutient plus de 140 000 emplois et génère des ventes de plus de 20 milliards de dollars.
Chef de file mondial dans la production de nombreux produits forestiers, le Canada a, en 2019, réalisé des exportations de produits forestiers d'une valeur de 33 milliards de dollars, dont environ 10 milliards de dollars provenaient du Québec. Ce chiffre est en forte progression depuis lors, compte tenu de la forte demande pour le bois dans le secteur de la construction et de la rénovation.
Au-delà de l'aspect économique, la forêt est aussi un puissant outil dans la lutte contre les changements climatiques. Agissant comme un gigantesque réservoir pour capter et séquestrer le CO2, elle nous permet de lutter contre le réchauffement climatique. Le gouvernement du Canada, par le truchement de ses politiques d'achat, a un rôle clé à jouer afin d'accélérer l'utilisation du bois comme matériau.
En ce qui a trait au dossier à l'étude aujourd'hui, les exportations de bois d'œuvre vers les États‑Unis sont extrêmement importantes pour le Canada et constituent une partie stratégique des activités de notre industrie. Les différends commerciaux remontent à 1981, soit bien avant l'accord de libre-échange de 1994.
Cédant aux demandes protectionnistes des propriétaires forestiers privés et des scieries américaines, le département américain du Commerce a méthodiquement déposé des plaintes contre le Canada lorsque les ententes commerciales sur le bois d'œuvre conclues au fil des décennies arrivaient à échéance. À ce jour, les tribunaux internationaux n'ont jamais conclu que le Canada versait des subventions à son industrie ni qu'il causait des dommages au marché américain. La récente et volumineuse décision unanime de l'Organisation mondiale du commerce d'août 2020 figure dans cette liste.
Toutefois, force est de constater que ces mesures commerciales unilatérales américaines font actuellement mal aux citoyens américains, car elles ont pour effet d'augmenter le prix des produits qu'ils achètent. Elles font également mal aux consommateurs canadiens, qui doivent également composer avec des hausses de prix, celui-ci étant fixé sur une base continentale. Ces taxes sévissent dans un marché où la demande pour le logement et pour le bois d'œuvre est en surchauffe et où les producteurs américains peinent à répondre à 70 % de la demande locale.
Alors, pourquoi ces mesures existent-elles? Selon ce que répond la coalition américaine dans les documents légaux, c'est pour permettre aux producteurs américains d'avoir un environnement économique propice aux investissements. Or, cette même coalition dit publiquement que ses membres n'ont pas l'intention de produire un pied de planche de plus pour répondre à la demande locale. Dans un tel contexte, comment une taxe peut-elle offrir un quelconque espoir aux consommateurs américains ou canadiens? La question se pose. La réalité est que ces droits imposés sur le bois d'œuvre canadien ne servent qu'à augmenter les profits réalisés par les producteurs de bois américains, point à la ligne. C'est ce que la National Association of Home Builders ne cesse de rappeler aux élus du Congrès.
Ces mesures commerciales injustifiées relatives au bois résineux gonflent artificiellement son prix, ce qui alimente l'inflation de nombreux produits. En imposant des droits de douane sur les exportations canadiennes, le département américain du Commerce augmente le prix d'un morceau de deux-par-quatre de 1,20 $ en devise américaine, à l'heure actuelle. Les producteurs américains, qui ne paient pas ces droits, se contentent d'empocher cette majoration.
L'administration américaine a beau parler de sa politique Made in America ou de son programme Build Back Better, sans le bois canadien, le secteur américain de la construction n'y arrivera pas. Sans la présence du bois canadien complètement exempt de mesures compensatoires, le président Biden ne pourra pas faire d'avancées en matière de lutte contre l'inflation.
Les mesures de représailles à l'égard de l'économie russe appliquées par les pays occidentaux en rajoutent et auront pour effet de réduire les volumes de bois européens en Amérique du Nord. Une réduction de l'offre combinée à une demande forte poussera le prix de ce matériau de construction stratégique à la hausse. En cédant aux producteurs nationaux des États‑Unis, l'administration Biden rend les maisons moins abordables pour les Américains, alimente la hausse de l'inflation et tue tranquillement le rêve américain. Ce n'est pas ce que nous voulons pour nos voisins américains.
Le CIFQ et les autres associations canadiennes, comme Mme Yurkovich l'a dit, croient à une approche comme celle d'Équipe Canada. C'est la meilleure façon de régler ce différend avec les États‑Unis. L'industrie forestière ainsi que les provinces et les intervenants pertinents doivent être consultés au sujet du meilleur plan d'action pour mettre fin au différend avec notre premier partenaire commercial, les États‑Unis.
Ensemble, nous devons dire à nos amis américains qu'il existe une meilleure approche pour le commerce du bois d'œuvre résineux. Nous devons aider l'administration américaine à repousser, petit à petit, le lobby du bois d'œuvre résineux, qui se retrouve dans quelques États...
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Je vous remercie, madame la présidente.
Bonjour. Je suis Sylvain Labbé, président-directeur général du Bureau de promotion des produits du bois du Québec, une association de manufacturiers qui s'occupe strictement du développement de l'exportation dans les secteurs du bois résineux et des feuillus, ainsi que dans trois autres secteurs de l'industrie.
Je vais vous parler aujourd'hui de deux éléments qui touchent le bois d'œuvre. Tout d'abord, je vais vous expliquer les répercussions actuelles sur nos marchés causées par la guerre et les sanctions, ainsi que les répercussions que cela engendrera sur le marché américain. Par la suite, je vais vous proposer des solutions pour ce dossier.
Vous avez tous lu les journaux: la Russie est en guerre contre l'Ukraine, et la Biélorussie est incluse avec la Russie. L'an dernier, la Russie et la Biélorussie représentaient ensemble un tiers des exportations mondiales de bois résineux, dont 50 % allaient vers la Chine et environ un tiers vers l'Europe. Tout cela s'est terminé lorsque les sanctions ont commencé. En fait, pour la Chine, il n'y a rien de changé. On a cependant analysé un peu les répercussions par groupes de marchés, par exemple l'Europe et l'Asie.
L'Europe ne recevra plus les quelque 8 millions de mètres cubes qu'elle recevait de la Russie. Elle va donc rapatrier ce qu'elle exporte normalement aux États‑Unis, soit environ 4 millions de mètres cubes, et il va quand même y avoir un déficit européen, puisque la demande va être plus grande que l'offre.
Quant à la Chine, on ne sait pas trop où en est son partenariat avec la Russie. En effet, la situation géopolitique est très floue. Cela dit, les Chinois vont probablement acheter le reste du bois russe. On ne sait pas à quel prix elle va l'acheter, mais il sera certainement beaucoup plus bas que la valeur marchande, et il va y avoir une période d'adaptation avant que cela arrive. Cela va réduire fortement notre compétitivité pour vendre notre bois en Chine. Nous allons donc rapatrier cela au Canada, où il y aura déjà un déficit, puisque nous allons perdre le bois de l'Europe, qui ne vendra plus de bois en Amérique du Nord.
En fin de compte, nous allons nous retrouver avec une offre réduite d'environ 1,25 million de mètres cubes en Amérique du Nord par rapport à aujourd'hui, ce qui va exercer une pression à la hausse sur les prix dans la prochaine année, voire dans les quelques prochaines années. Cette hausse des prix sera encore plus importante que celle que nous vivons actuellement. Cela s'ajoute à la hausse du prix du pétrole et des maisons. Le coût de la vie va changer radicalement.
L'autre question qu'on se pose pour l'avenir, c'est si la Russie va revenir dans le marché. Les Russes ont nationalisé les usines qui étaient possédées par des étrangers. Alors, je pense qu'il faudra attendre quelques dizaines d'années avant que quelqu'un réinvestisse dans les usines de bois de sciage en Russie.
Nous vivons une période de crise et, en temps de crise, il y a deux éléments importants pour la population: la nourriture et le logement. Pour ce qui est de la nourriture, ce n'est pas un problème. Le logement, par contre, constitue actuellement un gros problème au Canada et aux États‑Unis. Il manque de logements partout, notamment de logements sociaux.
Ma première recommandation est de rencontrer nos amis américains pour leur dire d'enlever immédiatement la taxe sur le bois d'œuvre. C'est le moment parfait pour le faire, étant donné la crise du prix des matières premières et du bois, qui va continuer à augmenter dans les prochains mois, et la crise du logement. Quand la maison est en feu, c'est le temps d'enlever la taxe sur l'eau et les pompiers, parce que cela n'aide personne. Alors, c'est le moment parfait pour négocier quelque chose, étant donné qu'il y aura un manque flagrant de bois dans les prochaines années.
Par ailleurs, puisque nous vivons ce problème depuis 40 ans, nous devons absolument diversifier nos marchés, de manière à nous assurer de ne pas dépendre seulement du marché américain. C'est ma deuxième recommandation. Cela rejoint ce que Mme Yurkovich a mentionné tantôt. Pour ce faire, nous avons deux options: ou bien nous vendons notre produit de commodité, les planches de deux-par-quatre, ailleurs qu'aux États‑Unis, ou bien nous le transformons pour créer de la valeur, qu'il s'agisse de produits de structure ou de construction industrialisée de maisons.
À court terme, c'est évident que l'exportation outre-mer, en Chine ou ailleurs, va être un peu difficile. Par contre, il faut absolument que nous gardions nos portes ouvertes, parce que cette situation de crise pourrait être complètement différente dans deux ans. Si Poutine partait, tout reprendrait et il faudrait reconstruire la Biélorussie. La situation pourrait avoir complètement changé. Le prix du baril de pétrole pourrait dépasser 150 $ et entraîner une récession qui changerait complètement la donne, aussi.
Alors, nous ne pouvons pas dépendre strictement du marché américain. Il faut garder nos portes ouvertes.
De plus, nous devons maintenir nos investissements actuels dans nos produits de deuxième transformation, faits à partir de nos deux-par-quatre, que nous vendrons certainement aux États‑Unis, à court terme, ou peut-être ailleurs. Lorsque nous transformons notre bois, nous en multiplions la valeur par quatre ou cinq, ce qui crée de la richesse au Canada.
Bien sûr, il faut aussi changer nos pratiques de construction, car notre système est un peu archaïque. La construction avec...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous nos témoins pour ces renseignements très précieux nous permettant de faire le point sur la situation.
Pour répondre à M. Martel, je peux informer le Comité que la a participé à une table ronde avec les membres de l'industrie du bois d'œuvre pas plus tard que le 13 janvier dernier.
J'ai une question pour Mme Yurkovich. Vous avez parlé de l'importance d'une approche de type Équipe Canada. C'est absolument nécessaire pour appuyer les efforts déployés par la , de concert avec le et le , pour soulever cette question sur autant de tribunes que possible.
C'est ce qu'a fait la ministre Ng à Washington en décembre alors qu'elle était accompagnée de certains députés de l'opposition faisant partie du Comité. Elle a également rencontré à cette occasion les représentants de la National Association of Homebuilders, cette association américaine des constructeurs d'habitation dont plusieurs témoins nous ont parlé.
Le a aussi eu des échanges à ce sujet avec ses homologues provinciaux et territoriaux. Lors du Sommet des leaders nord-américains tenu en novembre, le en a parlé directement avec Joe Biden.
Voici donc ma question pour vous, madame Yurkovich. Les États-Unis semblent faire montre d'une certaine intransigeance quant à la possibilité de rouvrir ce dossier. Auriez-vous des solutions créatives à nous proposer pour leur faire comprendre à quel point il est primordial que l'on reprenne les négociations? À l'instar de la , nous estimons tous qu'une solution négociée servirait au mieux les intérêts du Canada.
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L'attitude des Américains peut effectivement être qualifiée entre autres d'intransigeante.
Je me réjouis de voir le gouvernement soulever cet enjeu, comme l'ont fait ceux qui l'ont précédé, sans égard à leurs allégeances politiques. Je crois vraiment, comme certains collègues l'ont confirmé, qu'une approche de type Équipe Canada est la seule façon pour nous d'aller de l'avant. C'est actuellement ce que fait la ministre, et c'est vraiment crucial.
Il y a un élément qui rend les choses particulièrement difficiles dans ce dossier. Lorsque le gouvernement du Canada négocie, notre industrie peut se retrouver liée par les engagements pris. Les choses sont différentes aux États-Unis. M. Warner a parlé du recours aux lois commerciales, et elles sont effectivement mises à contribution. Aux États-Unis, l'industrie n'hésite pas à se prévaloir des lois commerciales américaines à l'encontre de ses compétiteurs.
Les choses se compliquent du fait que, même si l'on parvient à convaincre le gouvernement américain de négocier, il n'y a pas d'accord possible sans l'assentiment de l'industrie aux États-Unis, laquelle se caractérise par son protectionnisme. La situation est vraiment difficile parce que le régime en place exige que les entreprises concernées indiquent qu'elles ne subiront pas de préjudices. C'est ce qui est arrivé lorsque nous avons conclu le dernier accord en 2006. Il faut qu'une certaine proportion de ces entreprises affirment qu'elles ne seront pas lésées. L'industrie américaine ne jouit pas d'un droit de veto à proprement parler, mais elle peut bel et bien dans les faits imposer son veto, ce qui rend les choses très difficiles.
Je suis consciente des efforts déployés par le gouvernement, dans la foulée de ceux qui l'ont précédé, pour soulever cet enjeu, et je m'en réjouis. Il y a certains éléments qui sont vraiment importants. Nous avons parlé d'abordabilité. Nous avons aussi parlé d'écoconstruction. Ce sont des questions cruciales pour le gouvernement du Canada et, il faut bien le dire, pour les gouvernements de tout le pays. Ces questions sont également importantes pour l'administration Biden et représentent autant de leviers dont nous pourrions nous servir.
Les agissements des Américains font en sorte que certaines choses deviennent moins abordables, et leur industrie est laissée libre d'agir en ce sens.
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Je ne suis pas vraiment sûre des chiffres proprement dits. Chose certaine, nos voisins du Sud examinent la part de marché, et ils cherchent à savoir si la quantité de bois canadien qu'ils importent est en train d'augmenter ou non.
Je dirais que la demande américaine a augmenté de façon assez considérable au cours des dernières années. L'industrie américaine a produit cinq milliards de pieds-planche de plus. Le problème, c'est qu'elle n'arrive pas à rattraper son retard. Il y a toujours eu un écart d'environ 14 à 15 milliards de pieds-planche. L'année dernière, l'écart était de 16 milliards, car la demande de bois d'œuvre était très forte. En tout cas, nous suivons la situation.
Pour ce qui est des chiffres en prévision des prochaines négociations, je ne pense pas qu'il y en ait, mais il y a quelques éléments à prendre en considération. Je travaille dans ce secteur depuis environ 25 ans. Je n'en suis pas à mon tout premier rodéo. J'étais là lors des négociations d'autres accords. Nous comptons à notre actif un certain nombre de litiges, et nous avons généralement eu gain de cause. D'ailleurs, l'année dernière, nous avons remporté une victoire extraordinaire auprès de l'OMC. Le hic, c'est qu'on ne peut pas interjeter appel, car les États-Unis refusent de nommer des représentants à l'organe d'appel.
Par conséquent, en matière de litiges, il faut habituellement laisser couler un peu d'eau sous les ponts. En général, il y a une certaine somme d'argent qui est retenue en dépôt. La dernière fois, cela s'élevait à 5 milliards de dollars. Cette fois‑ci, on est déjà rendu à 7 milliards de dollars. Voilà donc une question qui, d'après mon expérience, nous ramène certainement à la table des négociations.
Ce n'est pas tout. Quelqu'un a dit que le bois d'œuvre n'était pas vraiment la priorité des États-Unis. C'est sûr qu'en ce moment, dans le monde de l'après-pandémie et en raison de l'instabilité géopolitique, ce dossier ne figurera pas en haut de leur liste, mais ils voudront autre chose, et cela devient donc matière à négociation.
Voilà, d'après mon expérience, les trois éléments qui doivent être présents. Au bout du compte, lorsque nous obtiendrons un accord — comme ce fut le cas dans le passé —, le premier ministre du Canada et le président des États-Unis se réuniront et s'engageront à résoudre ce problème. Nous n'en sommes tout simplement pas encore là.
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Je vous dirai ceci. J'ai porté plusieurs chapeaux au cours de ma vie dans le domaine des échanges commerciaux. J'ai travaillé entre autres à l'OCDE, à Paris, et j'ai suivi les négociations du Canada là‑bas et à l'OMC.
Je regrette de devoir le dire, mais voici la vérité: la plupart des partenaires commerciaux considèrent que le Canada est un pays avec lequel il est embêtant de négocier, car ils ont déjà assez de mal à négocier avec les provinces et le gouvernement fédéral. Chaque fois que quelqu'un s'assoit avec les représentants du gouvernement du Canada pour parler d'un projet, ces derniers commencent par dire que la question relève de la compétence provinciale. Voilà le problème. Si l'on ajoute les communautés autochtones, je pense bien franchement qu'on ne fera que compliquer les choses encore davantage. C'est déjà assez difficile comme c'est là.
Toutefois, je suis convaincu qu'il existe des solutions créatives pour prévoir plus de mécanismes de consultation. Sauf que je ne sais pas comment le tout se déroulerait, et j'ignore si cela rendrait les choses plus faciles ou non.
Le problème en l'occurrence s'explique, me semble‑t‑il, de deux façons: d'une part, la présence de grandes entreprises américaines qui ont intérêt à négocier, d'une certaine manière, des lois commerciales qui leur conviennent et, d'autre part, des membres du Congrès américain qui sont élus tous les deux ans et qui doivent rendre des comptes à leurs électeurs. Par conséquent, selon moi, la situation ne changera pas de sitôt.
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Merci, madame la présidente. Je remercie tous les témoins de leur présence.
Je veux poursuivre avec M. Nighbor et revenir sur certaines des observations qu'il a faites tout à l'heure lorsqu'il a dit que, quand il est entré en fonction, il ne pensait jamais qu'il serait dans une situation où il devrait exercer des pressions auprès d'assemblées législatives d'États comme la Californie et New York concernant des projets de loi.
Vous avez même indiqué que vous pensiez que c'était le fruit d'un effort concerté... et dans un sens, certains d'entre eux sont très similaires.
Un aspect me préoccupe, et peut-être pouvez-vous me répondre. Grâce au processus d'arbitrage, nous avons obtenu des résultats à l'OMC, dans le cadre de l'ALENA, etc., mais dans le cas de ces mesures prises par les États, le gouvernement fédéral est‑il capable d'agir contre ces projets de loi préjudiciables?
Par ailleurs, pensez-vous que d'autres États prendront de telles mesures? Si c'est le cas, envisagez-vous maintenant de faire une analyse quelconque de nos secteurs d'emploi et des répercussions que cette situation aurait sur les emplois et notre industrie dans son ensemble?
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Je vous remercie beaucoup de la question, car la situation est très frustrante. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, je préside un groupe composé de 28 pays. Je sais quelle est notre position au Canada.
Il s'agit de savoir avec quels types de produits ou de matériaux nous voulons construire et où nous voulons nous procurer ces matériaux. Veut‑on qu'ils proviennent de Thunder Bay, de Prince George ou de Whitecourt, ou bien de l'Amazonie ou d'un endroit situé à huit heures de Moscou? Voilà où nous en sommes... et ce sont les questions que nous posons aux législateurs.
Ce que nous aimerions voir, et ce qui devrait se produire, c'est qu'on reconnaisse que tout produit forestier provenant du Canada... Plus de 90 % des terres relèvent de la compétence provinciale; l'approbation est faite par les gouvernements provinciaux. De plus, nous avons ici au Canada 40 % des forêts certifiées par des tiers dans le monde. Il s'agit d'un autre seuil.
Pour ce qui est de la question de savoir comment le gouvernement fédéral peut nous aider, c'est par la voie diplomatique. Les bureaux commerciaux des provinces sont très actifs dans des provinces comme la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario et le Québec, qui sont les quatre provinces les plus à risque dans les deux États en question. Nos fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada sont actifs sur le terrain, mais nous aimerions voir deux ou trois autres initiatives. J'aimerais qu'Affaires mondiales Canada nous aide en effectuant un examen juridique des projets de loi. Jusqu'à présent, le ministère a refusé de faire un examen juridique des projets de loi pour en comprendre clairement les répercussions. Nous aimerions également qu'il y ait un engagement plus important sur le plan politique et diplomatique pour mettre fin à cette absurdité.
Pour ce qui est de l'effet domino, oui, très certainement lorsqu'on pense aux États de l'Oregon, de Washington... Cependant, le plus grand risque est qu'un État adopte un de ces projets de loi rhétoriques et sensationnels, et que les voix derrière ce projet de loi aillent voir ensuite Home Depot ou Procter & Gambles, certains de nos gros clients basés aux États-Unis, pour essayer de causer une sorte de dispersion. Les groupes qui sont à l'origine de ce projet de loi mènent des campagnes trompeuses très similaires ciblant certains de nos plus gros clients. Il s'agit assurément d'une menace existentielle et il est absolument essentiel que dans deux des plus grands États, le gouvernement du Canada et nos gouvernements provinciaux défendent les travailleurs forestiers canadiens.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous nos intervenants.
Nous sommes aux prises avec ce différend sur le bois d'œuvre depuis de nombreuses années. Je suis de Sault Ste. Marie. Le ministère provincial du Développement du Nord, des Mines, des Ressources naturelles et des Forêts a ses bureaux dans l'édifice Roberta Bondar, où j'ai travaillé au ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences, et au ministère du Développement du Nord et des Mines, donc j'ai pris pas mal de cafés avec des gens travaillant pour la province dans ce différend qui n'en finit plus. Ils m'ont expliqué, de façon simpliste, qu'en Ontario, et probablement ailleurs au Canada, certaines des grumes qui sont exploitées proviennent de propriétés de la Couronne, contrairement à celles des barons du bois américains, comme ils les appellent, qui représentent un petit groupe de personnes détenant un monopole. Ils semblent vraiment influencer les décisions politiques, quel que soit le gouvernement en place, grâce à leurs efforts.
Ce qui est vraiment injuste, c'est que tout cela ne fait... La demande semble être élevée, les Américains continuent à construire, ils ont besoin de grumes, de bois, et ils continuent d'en acheter aux tarifs américains, ce qui se traduit par une taxe. Ils se taxent eux-mêmes. Ils taxent la classe moyenne, comme on l'appelle, et les gens qui ont le plus de peine à joindre les deux bouts sont les plus durement touchés.
L'un d'entre vous aurait‑il des données sur le montant exact, en dollars, que ces tarifs douaniers représentent pour une maison construite aux États-Unis? Je ne sais pas si M. Nighbor ou quelqu'un d'autre aurait ce genre de données sous la main, mais sinon, peut-être pourriez-vous nous les communiquer ultérieurement?
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Le problème que je vois, c'est que nous devons décider comment aborder les États-Unis en général dans ce genre de différends commerciaux. D'après ce que je peux voir, le gouvernement actuel a opté pour une approche très conflictuelle dès le départ, sur tout. Le conflit dégénère et s'intensifie très rapidement.
Comme je l'ai déjà dit, je ne pense pas que le litige soit une bonne solution. Je ne suis même pas sûr que la plupart de ces victoires dont nous parlons dans le domaine du bois d'œuvre soient vraiment des victoires complètes comme on les présente au Canada. Ce sont des victoires juridiques à l'arraché, et c'est pour cela qu'elles ne tiennent pas et qu'elles sont difficiles à faire respecter.
Je crois, pour ma part, que si nous avions une approche plus cohérente dans nos négociations commerciales avec les États-Unis, nous serions en meilleure posture pour négocier sur une question comme celle du bois d'œuvre, mais si l'on va aux États-Unis pour faire du lobbying contre l'initiative d'un président américain et qu'on s'attend à ce que ce même président américain dise à sa secrétaire au Commerce de nous lâcher du lest sur le bois d'œuvre, c'est peine perdue.
À un moment ou à un autre, nous devons décider si nous voulons emprunter la voie du litige, si nous voulons monter aux barricades ou si nous voulons trouver le moyen de nous asseoir et de déterminer s'il y a des avantages qui dépasseront les limites de cette industrie pour s'étendre à d'autres secteurs et qui nous permettront... Je pense que Mme Yurkovich a parlé de la façon dont cela aurait pu nous aider à régler d'autres dossiers.
Je pense que c'est ce qui manque ici. Pour être très honnête avec vous, je ne pense pas que les Américains soient très sensibles au fait que les politiciens canadiens pensent que leur classe moyenne en souffre. Nous pourrions faire pression en ce sens. Vous avez raison, cela coûterait cher car ce serait difficile à vendre. Nous aurions probablement plutôt intérêt à nous asseoir à la table ensemble pour trouver un moyen de régler le problème, mais ce n'est pas possible tant qu'on montre les poings, à mon avis.