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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 123 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 28 octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bienvenue à la 123e réunion du Comité permanent du commerce international.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion que le Comité a adoptée le mercredi 21 août 2024, nous poursuivons notre étude sur la protection de certains secteurs manufacturiers du Canada, y compris ceux des véhicules électriques, de l'aluminium et de l'acier, contre les importations et les mesures chinoises.
    Nous recevons aujourd'hui M. Luke de Pulford, le directeur exécutif de l'Inter-Parliamentary Alliance on China, qui témoignera par vidéoconférence.
    Nous accueillons également M. Samuel Bickett, avocat et chargé de recherche, Défenseur des Droits de l'Homme à Hong Kong au sein du Committee for Freedom in Hong Kong Foundation.
    Bienvenue à vous deux.
    Nous allons tout d'abord entendre les déclarations liminaires et nous passerons ensuite aux séries de questions. Chaque témoin dispose de cinq minutes. Je vais garder le chronomètre à l'œil pour que chacun ait du temps de parole.
    Monsieur de Pulford, je vous invite à nous présenter votre déclaration liminaire. Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. C'est un grand plaisir de vous revoir.
    Comme vous l'avez déjà entendu, je suis le fondateur et le directeur exécutif de l'Inter-Parliamentary Alliance on China, un groupe international multipartite de parlementaires qui réfléchissent ensemble à des moyens de relever les défis posés par le Parti communiste chinois sous la direction de Xi Jinping. Je suis fier de pouvoir dire qu'une trentaine de parlementaires canadiens de toutes allégeances font partie de notre groupe, dont certains sont ici aujourd'hui.
    Depuis 2020, la Chine s'est imposée comme le plus important fabricant et exportateur de véhicules électriques, ou VE, à l'échelle mondiale, et le versement de subventions publiques massives et autres politiques contraires au marché ont assuré une croissance soutenue de sa capacité. De 2018 à 2023, ses exportations annuelles de VE ont fait un bond de 0,2 milliard de dollars à 47,2 milliards de dollars. Le port de Vancouver, le plus important au Canada, a enregistré une hausse de 460 % par année des importations d'automobiles de la Chine, qui ont atteint 44 356 en 2023.
    L'État chinois casse les marchés et la concurrence à coup de subventions massives qui ont totalisé 57 milliards de dollars de 2016 à 2022. Le contrôle exercé par la Chine sur la chaîne d'approvisionnement et les matières premières a entraîné un avantage de 20 % sur le plan des coûts. Ce contrôle permet de vendre les VE chinois de 20 à 30 % moins cher que ceux du reste du marché. Et il faut ajouter à cela l'avantage attribuable à l'absence relative de normes en matière d'environnement et de travail en Chine, qui recourt entre autres au travail forcé ou imposé par l'État pour alimenter les chaînes d'approvisionnement.
    Un autre facteur de cette domination, et non le moindre, tient à la capacité excédentaire structurelle, persistante et sans cesse plus importante de la Chine dans le secteur de l'aluminium. Les industries concernées sont hautement stratégiques et cruciales pour le développement et l'adoption d'innovations dans des secteurs comme la défense et la transition énergétique.
    Le déclin de la demande internationale n'a pas empêché la Chine, le plus grand producteur d'acier dans le monde, d'augmenter sa capacité de production de 18,6 millions de tonnes métriques depuis 2018. C'est plus que la capacité de production totale du Canada. La Chine a aussi accru sa capacité de production d'aluminium brut, qui est passée de 11 à 59 % de la capacité mondiale depuis une vingtaine d'années et dans laquelle le gouvernement a investi 70 milliards de dollars de 2013 à 2017.
    Le ralentissement de l'économie chinoise expose encore plus crûment cette capacité excédentaire. La hausse sans précédent des exportations qui s'est ensuivie perturbe les marchés et produit des réactions en chaîne dans d'autres secteurs et ailleurs dans le monde. Si rien n'est fait pour contrer ces réactions en chaîne, nos entreprises vont être fragilisées et n'auront plus la capacité financière d'investir dans la transition énergétique. Les acquisitions par des sociétés chinoises pourraient s'avérer la seule solution pour empêcher les fermetures et les pertes d'emplois qui en découleront dans l'ensemble de notre chaîne d'approvisionnement.
    Il est très important de souligner que Pékin ne cache aucunement son dessein d'ébranler la sécurité économique des démocraties libérales puisque, à ses yeux, nos valeurs représentent une menace existentielle pour la légitimité de son régime. Pékin n'a pas non plus de scrupules à utiliser ses avantages comme armes pour réaliser ses ambitions planétaires.
    Très succinctement, comment pouvons-nous obvier à cette menace? Que pouvons-nous faire? Nous ne pouvons pas nous borner à protéger nos marchés contre la surcapacité chinoise, sa concurrence déloyale et ses pratiques de distorsion. La solution réside dans la mise en œuvre des principes du commerce libre et équitable, le soutien à l'innovation dans nos entreprises et la prise de mesures pour qu'elles et leurs travailleurs tirent avantage d'une transition énergétique opérée d'une manière sûre et propre, conforme à nos valeurs fondamentales.
    Il faut pousser la réflexion hors du cadre des accords bilatéraux et de l'application de droits de douane. La diminution de la demande et la capacité excédentaire touchent beaucoup d'autres pays que la Chine, notamment en Asie du Sud-Est, au Moyen‑Orient et en Afrique du Nord.
    Nous recommandons l'adoption d'une stratégie commune pour nous attaquer à ce problème dans les économies émergentes. Je trouve important de souligner que peu importe l'avenue choisie, la concertation entre les alliés est primordiale. La raison en est que les droits de douane ne sont pas infaillibles, et la République populaire de Chine nous a donné la preuve de sa volonté et de sa capacité de les contourner. Il faut aussi insister sur le fait qu'un décalage par rapport aux alliés en matière de droits de douane risque d'avoir de très lourdes conséquences sur les accords de libre-échange et autres accords bilatéraux et multilatéraux.
    Le Canada pourrait et devrait tirer avantage de l'engagement pris par les dirigeants des pays du G7 d'agir « ensemble pour accroître la résilience économique, lutter contre les politiques et les pratiques contraires au marché qui compromettent l'égalité des chances et notre sécurité économique », et de renforcer la « coordination pour relever les défis mondiaux en matière de capacités excédentaires ».
    Le problème est mondial et les mesures prises pour y remédier devront être concertées.
    Madame la présidente, je serai très heureux de répondre aux questions et aux recommandations du Comité. Sur ce, je vous cède la parole.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Bickett. Vous avez cinq minutes. Allez‑y.
    Merci de votre invitation à témoigner devant le Comité permanent au nom du Committee for Freedom in Hong Kong Foundation, ou CFHK, afin de vous parler de notre travail sur la manière dont la Chine se sert de Hong Kong pour se soustraire aux sanctions du Canada. Il existe un lien entre cet enjeu et les enjeux liés à l'importation dont vous parlez aujourd'hui. Plus précisément, il est question ici de ce que le gouvernement chinois est prêt à faire pour se soustraire aux droits de douane et aux sanctions de manière générale.
(1110)
    Le CFHK est un organisme non gouvernemental dont les activités au Canada, aux États‑Unis, au Royaume‑Uni et dans l'Union européenne sont axées sur les droits de la personne et la libération des prisonniers politiques de Hong Kong.
    Je suis avocat spécialisé dans les droits de la personne et expert dans le domaine des sanctions internationales. J'ai rédigé le rapport du CFHK intitulé Beneath the Harbor: Hong Kong's Leading Role in Sanctions Evasion. Le rapport est fondé sur un examen exhaustif de diverses sources d'information, y compris des documents douaniers russes, des données de repérage de navires, ainsi que des registres et de la documentation de sociétés hongkongaises. La conclusion est sans appel: Hong Kong est sortie du droit chemin.
    Auparavant partenaire clé au sein de l'économie mondiale, le gouvernement de Hong Kong est aujourd'hui à la solde de régimes parmi les plus violents du monde et laisse passer sur son territoire des technologies militaires, de l'argent liquide et des marchandises de contrebande au mépris des sanctions canadiennes et internationales.
    Ce que nous avons découvert au sujet des envois de matériel militaire en Ukraine par Hong Kong donne particulièrement froid dans le dos. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022, les livraisons de Hong Kong à la Russie ont diminué pendant deux mois, puis elles ont augmenté rapidement à partir du printemps. À la fin de 2022, les envois avaient quasiment doublé par rapport à leurs niveaux d'avant la guerre. Et le contenu de ces envois n'avait rien d'anodin. Du mois d'août au mois de décembre 2023, la valeur des marchandises expédiées par Hong Kong à la Russie s'établissait à 2 milliards de dollars, dont 40 % — soit 750 millions de dollars américains — figuraient sur la liste commune des articles hautement prioritaires. Sur cette liste, on retrouve les articles que le Canada et ses alliés considèrent comme ayant une extrême importance pour l'effort de guerre russe.
    Outre ces statistiques, notre rapport dévoile la manière dont les gouvernements chinois et hongkongais laissent les coudées franches à des gens sans scrupules qui s'enrichissent grâce à des États comme la Russie, la Corée du Nord et l'Iran, qui comptent parmi les plus dangereux et les plus perturbateurs dans le monde.
    Je vais vous donner quelques-uns de nos constats. La société hongkongaise Piraclinos, sous couvert de vendre des engrais et du charbon, a envoyé des millions de dollars de semi-conducteurs militaires au fournisseur d'équipement militaire russe VMK, qui fait l'objet de sanctions. Nous avons découvert que les véritables propriétaires sont bien camouflés derrière un réseau-écran de dirigeants et d'actionnaires de Chypre, du Kirghizistan et de Bulgarie. Ni Piraclinos ni son réseau-écran de sociétés ou d'individus n'ont subi de sanctions.
    Le commerçant Li Jianwang dirigeait la société Arttronix International, qui expédiait des composants de drone et de missile à l'Iran et qui a régulièrement fourni ces armes aux milices de la Russie et du Moyen‑Orient. L'an dernier, quand les États‑Unis ont imposé des sanctions à Arttronix, Li Jianwang a dissous la société et en a créé une nouvelle qu'il a appelée ETS International. À ce jour, elle n'a fait l'objet d'aucune sanction.
    La société hongkongaise Align Trading a déclaré avoir envoyé deux cargaisons de circuits intégrés, qui avaient prétendument été produits par la société française Vectrawave, à la société AO Trek, soupçonnée par l'Ukraine d'être un fournisseur de l'armée russe. L'entrepreneur militaire Vectrawave produit des puces dispendieuses et hautement spécialisées pour les aéronefs et le matériel de communication militaires. Aucune sanction n'a été appliquée à ces sociétés ou à ces individus.
    Tout cela se passe actuellement, mais le gouvernement de Hong Kong, sur l'ordre de Pékin, a explicitement dit qu'il n'interviendrait pas pour faire appliquer les sanctions canadiennes et internationales. L'invitation est claire: bienvenue à tous les contrebandiers qui veulent installer leurs pénates chez nous.
    Que peut faire le Canada? Tout d'abord, le Canada devrait exercer son nouveau pouvoir d'imposer des sanctions secondaires aux contrevenants de Hong Kong, de Chine et d'autres pays tiers. Au milieu de 2023, le Canada a modifié la Loi sur les mesures économiques spéciales afin de permettre la prise de sanctions secondaires. Bien que cette mesure soit un pas essentiel dans la bonne direction, force est de constater qu'une année plus tard, le Canada ne s'est pas encore prévalu de ce pouvoir. À l'inverse, les États‑Unis et l'Union européenne ont à maintes reprises désigné des collaborateurs de pays tiers aux fins de l'application de sanctions depuis le début de la guerre menée par la Russie en Ukraine.
    Cela dit, sanctionner les entreprises commerciales n'est pas suffisant. Il est d'une facilité déconcertante de dissoudre une entreprise hongkongaise sanctionnée et de la remplacer par une nouvelle en quelques jours. Le Canada et ses alliés doivent prendre le taureau par les cornes et s'attaquer aux infrastructures derrière ces activités. Ils doivent imposer des sanctions aux entreprises qui offrent des services de logistique et des services généraux, et surtout aux établissements financiers. Ils doivent aussi se concentrer davantage sur les individus qui tirent les ficelles dans l'ombre, et surtout intervenir de manière concertée avec les États‑Unis, l'Union européenne et l'Australie.
    Deuxièmement, le Canada devrait renforcer les mesures d'exécution contre les Canadiens impliqués dans ces stratagèmes. En septembre 2023, le département du Trésor américain a publié un rapport sur les signalements d'activités suspectes de contournement de sanctions contre la Russie. Parmi les pays visés par le rapport, le Canada arrive au troisième rang, derrière les États‑Unis et le Royaume‑Uni, au chapitre des signalements d'activités suspectes visant leurs citoyens. Les noms des entreprises et des individus signalés ne sont pas publiés. Toutefois, il est permis de croire qu'il y aurait lieu d'accroître les activités d'enquête concernant les entreprises ou les individus qui contournent les sanctions canadiennes.
    Enfin, le Canada et ses alliés doivent accélérer le processus de désignation en vue de sanctions. Il faut généralement des mois pour mener une enquête et infliger une sanction à un individu. À cause de ces délais, les contrevenants ont eu beau jeu de déménager leurs actifs et de changer le nom de leurs entreprises avant que les sanctions les rattrapent, au nez et à la barbe des pays occidentaux. La bureaucratie et le processus d'enquête doivent être simplifiés, et les enquêteurs devraient pouvoir agir plus vite et plus efficacement en ayant les ressources suffisantes. Lentement mais sûrement, la Russie poursuit ses avancées en territoire ukrainien, et il devient urgent pour le Canada et ses alliés de prendre des mesures décisives. Nous encourageons vivement le Comité et le gouvernement à donner la priorité à cet enjeu.
    Merci de m'avoir accordé votre temps. Je répondrai volontiers à vos questions.
(1115)
    Merci beaucoup à nos deux témoins.
    Je cède la parole à M. Garnett Genuis, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être avec nous et de nous avoir livré des témoignages importants et très éloquents.
    Je vais m'adresser à M. de Pulford pour commencer.
    À votre avis, le gouvernement chinois s'emploie‑t‑il délibérément à asseoir son emprise sur la chaîne d'approvisionnement de véhicules électriques et à décimer nos industries stratégiques, ou s'est‑il engagé sur cette voie par hasard?
    La réponse courte est oui, mais je ne vous demande pas de me croire sur parole. Il suffit d'écouter les discours de cet homme. Lors de la 7e séance du comité financier et économique du Parti communiste en avril 2020, Xi Jinping a déclaré que la Chine allait contre-attaquer et prendre des moyens dissuasifs contre d'autres pays en encourageant les technologies phares et en renforçant la dépendance de la chaîne d'approvisionnement mondiale à la Chine.
    C'est une traduction très littérale, monsieur Genuis, mais c'est facile de comprendre qu'il s'agit d'une stratégie on ne peut plus explicite du Parti communiste chinois. L'entêtement des gouvernements des autres pays à faire la sourde oreille m'apparaît complètement aberrant.
    Monsieur de Pulford, cette citation a de quoi faire réfléchir. Vous nous rapportez les mots de Xi Jinping, qui emploie un vocabulaire militaire — il parle de contre-attaque et de moyens dissuasifs — pour décrire les efforts de la Chine pour assurer son emprise sur la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques. Apparemment, sa politique vise à dominer et à contrôler ces industries, et elle s'inscrit dans ce qu'il perçoit comme une compétition avec nous.
    J'imagine qu'en réponse, nous devons prendre des mesures pour affranchir ces industries essentielles de leur dépendance à l'économie chinoise. J'imagine aussi que nous devons trouver d'autres sources et des solutions de rechange qui ne nous rendront pas vulnérables à ce genre de contre-attaques et de moyens dissuasifs. Êtes-vous d'accord?
    Oui, je suis d'accord. Malheureusement, j'ai bien peur qu'il soit un peu trop tard pour certaines industries. Je pense entre autres aux matériaux à base de terres rares, un secteur dans lequel la capacité de transformation de la Chine dépasse tellement celle du reste du monde qu'il devient à peu près impossible de savoir vers quels autres moyens et endroits nous pourrions nous tourner pour cette transformation. C'est la même chose dans le secteur des énergies renouvelables, ou même de la production et de la transformation du lithium utilisé pour les batteries… Il y a tellement de secteurs liés aux énergies renouvelables dans lesquels la stratégie explicite de domination de la Chine a porté ses fruits.
    Cela dit, il est effectivement urgent pour nous tous d'évaluer notre dépendance et de la réduire.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais vous interroger au sujet du mouvement lié aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, ou ESG. Je vais faire une déclaration que je vous invite à commenter.
    Trop souvent, le mouvement ESG a été focalisé sur le « E », au détriment des conséquences sociales et pour la gouvernance, ainsi que des implications stratégiques de certaines décisions. Les pressions en faveur de la transition verte ont amené certains décideurs à ignorer les incidences sur les humains des processus d'approvisionnement de certaines matières. Pensons au travail forcé et aux conditions déplorables des travailleurs dans les mines de la République démocratique du Congo. Je sais que vous avez fait énormément de recherches sur le génocide des Ouïghours, qui en est un autre exemple.
    Êtes-vous d'accord que c'est un problème, qu'il est de la plus haute importance d'obliger les industries vertes à respecter des normes rigoureuses en matière de droits de la personne et que ces droits ne doivent jamais être ignorés au nom d'un objectif de transition verte?
(1120)
    Je vais m'abstenir de nommer des sociétés particulières par respect du privilège parlementaire en cette enceinte. Je dois dire néanmoins que j'ai été très étonné de voir qu'autant d'entreprises ont profité de l'occasion pour rehausser leur image pour ce qui est des composantes « S » et « G », mais qu'elles n'ont aucune honte à continuer de s'approvisionner à des endroits où le travail forcé des Ouïghours est notoirement répandu.
    Si vous me le permettez, je vais donner quelques exemples. Les quatre fabricants de polysilicium de la région ouïghoure recourent abondamment au travail forcé des Ouïghours — je dis bien les quatre — pour produire environ 40 % de l'approvisionnement mondial. Il faut savoir que sans le polysilicium, il est impossible de produire des panneaux solaires.
    Des intervenants clés de la chaîne d'approvisionnement des secteurs de la transformation et de la distribution du lithium sont très étroitement liés à des stratagèmes de transfert de travailleurs forcés qui sont financés par le gouvernement. Ces personnes, principalement issues de minorités ethniques, se retrouvent à travailler contre leur gré pour ces sociétés. C'est ce que nous révèlent des données du gouvernement chinois et des sources documentaires très crédibles. Il est très difficile de comprendre comment ces sociétés arrivent à fermer les yeux alors que le lien au travail forcé est si clair.
    J'ai tendance à être d'accord avec votre analyse.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sidhu, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins de participer à notre étude sur un sujet aussi important.
    Monsieur de Pulford, le secteur canadien des VE est en pleine croissance, et c'est clair qu'il va jouer un rôle de premier plan dans la transition verte. Dans quelle mesure est‑il primordial de protéger ces industries émergentes contre les pratiques de travail déloyales?
    C'est absolument primordial, et il est primordial de le faire de concert avec les alliés.
    Il faut trouver des façons de nous assurer que les droits de douane que le Canada impose actuellement — à la suite d'une décision qui a été très bien accueillie —, de même que ceux qui sont imposés par l'Union européenne ne seront pas contournés par la Chine grâce à un dispositif de transfert de ses activités de production de véhicules électriques vers la Slovaquie ou d'autres pays d'Europe de l'Est. Il faut aussi éliminer tous les maillons faibles dans la chaîne de résilience.
    C'est une question de survie pour nos industries de production de véhicules électriques. Vous avez entendu les chiffres que j'ai donnés tout à l'heure. L'État a versé des dizaines de milliards de dollars de subventions dans ce secteur et les niveaux alarmants des excédents de capacité mettent toutes nos industries nationales en péril.
    Certes, nous devons investir davantage dans les entreprises émergentes de notre propre chaîne d'approvisionnement du secteur de la fabrication de véhicules électriques, mais nous devons aussi renforcer notre résistance aux distorsions du marché que la Chine est passée maître à imposer à nos industries.
    Vous avez parlé de l'Europe, et j'aimerais vous entendre davantage à ce sujet. Que fait‑elle de différent par rapport à l'Amérique du Nord? J'aimerais avoir votre point de vue à cet égard.
    L'Union européenne vient de décider d'imposer des droits sur les véhicules fabriqués en Chine, en partie parce que l'an dernier, quelque chose comme 25 % de ceux qui ont été vendus sur son territoire ont été produits en Chine.
    Mais il y a un petit problème parce que les pays européens n'entretiennent pas tous la même relation avec la République populaire de Chine. Certains ont décidé de ne pas imposer de droits de douane bilatéraux, ni même unilatéraux, et pourraient être exploités comme marchés pour les véhicules électriques chinois.
    Par exemple, mon propre pays, le Royaume‑Uni, n'a pas encore pris de décision relativement aux droits de douane sur les véhicules électriques chinois. S'il y renonce, les consommateurs pourraient les payer beaucoup moins cher, mais le coup sera fatal pour le secteur britannique de l'automobile, ou ce qu'il en reste.
    Il y a une certaine disparité, pour répondre à votre question, monsieur Sidhu, mais je crois toutefois qu'il y a clairement une unité de vue entre l'Union européenne et le Canada sur la question des droits de douane. Il faut consolider cette unité si nous voulons développer une réelle résilience transatlantique.
(1125)
    Il faut effectivement unir nos forces pour résister à cela.
    Cette unité existe ici, en Amérique du Nord, comme vous le savez. En plus de cette étude sur le secteur des véhicules électriques, notre gouvernement prend des décisions importantes pour protéger l'industrie et ses travailleurs. Notre comité a notamment été chargé de se pencher sur l'examen de l'Accord Canada-États‑Unis-Mexique, l'ACEUM, une étude que nous avons amorcée au printemps et que nous reprendrons bientôt.
    À votre avis, la concertation entre les États signataires de l'ACEUM concernant l'application de droits de douane aux VE facilitera‑t‑elle les négociations sur ces enjeux au moment de son examen?
    Oui, absolument. Comme j'ai essayé de l'expliquer au début de mon exposé, il faudra aussi étoffer l'engagement des pays du G7 à cet égard. Je pense qu'il est possible d'en venir à une véritable harmonisation et de favoriser une véritable spécialisation transfrontalière dans les deux cas. Je souligne à grands traits qu'il ne faut pas commettre l'erreur de croire que l'action unilatérale sera efficace contre les effets de la capacité excédentaire et des subventions d'État de la Chine, qui sont en fait des pratiques de dumping, même si ce n'est pas du dumping à strictement parler. Il faut à tout prix encourager la coopération internationale.
    Merci.
    Je pense qu'il me reste moins de deux minutes, mais je tiens tout de même à revenir à vos recommandations. Si vous aviez trois recommandations à faire à notre comité ou à d'autres États membres pour protéger nos industries, quelles seraient-elles? Vous les avez peut-être données dans votre déclaration liminaire, mais je ne les ai pas entendues.
    Il est primordial d'évaluer la dépendance et de nous employer à la réduire dans toutes ces industries, et surtout de le faire en concertation avec les alliés. Je le répète, toutes les mesures qui seront prises devront l'être de façon concertée entre les alliés pour harmoniser nos régimes de droits de douane, par exemple, de même que nos accords de libre-échange. Nous ne pouvons pas prendre le risque de saper l'efficacité de ces mesures en raison d'un manque d'uniformité, ce qui est actuellement le cas. Il y a énormément de détails à peaufiner à cet égard.
    Je suis aussi d'avis qu'il faut intensifier les efforts déployés pour placer notre engagement en matière de droits de la personne au premier plan eu égard aux chaînes d'approvisionnement. Nous voulons une transition sans esclavage. Nous ne voulons pas que la transition se fasse sur le dos des esclaves ouïghours, ce qui est inévitable si nous maintenons notre dépendance à la Chine.
    Merci pour cette réponse.
    Madame la présidente, je crois qu'il me reste moins de 30 secondes. Comme c'est très peu, je vais céder la parole.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Savard‑Tremblay, vous avez six minutes. Allez‑y.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leurs présentations fort pertinentes.
    Ma première question s'adressera au représentant de l'Inter-Parliamentary Alliance on China, ou IPAC, dont je suis un fier membre, d'ailleurs, et qui compte des membres de plusieurs assemblées législatives un peu partout au monde.
    Monsieur de Pulford, le 15 mai, juste avant le sommet du G7, vous avez publié une déclaration qui ciblait quelques priorités que vous souhaitiez voir aborder au sommet. Une de ces recommandations était de coordonner des réponses aux cas de coercition économique de la part de n'importe quel acteur étatique, y compris la Chine.
    Craignez-vous que des mesures de coercition économique puissent être mises en place par la Chine en réponse aux tarifs qui ont été imposés? Quelle réponse recommandez-vous, le cas échéant?

[Traduction]

    Merci infiniment pour cette question. Il y a certains points à préciser au sujet de la coercition économique.
    Le premier, et sans doute le plus important, est que notre réponse manque encore de cohérence. Vous vous souvenez peut-être du cas de la Lituanie, à qui Pékin aurait imposé des mesures illégales de coercition selon d'aucuns. L'Union européenne a soulevé la question devant l'Organisation mondiale du commerce, qui a récemment abandonné les procédures dans des circonstances assez nébuleuses. Nous savons que l'Union européenne dispose d'un instrument de lutte à la coercition, mais nous attendons toujours des résultats. Nous savons aussi que les pays du G7 ont présenté un éventail de propositions visant à lutter contre la coercition économique, mais en vain. Tout cela pour dire qu'il y a beaucoup de beaux discours, mais peu de gestes concrets. La lutte contre la coercition économique est extrêmement ardue.
    Je suis assez d'accord avec ce qu'a dit l'ancien secrétaire général de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord au sujet d'un volet économique de l'article 5. Comme lui, je pense qu'il faut mettre en place des dispositifs pour faire front uni et tout mettre en œuvre pour venir en aide à nos alliés du monde démocratique qui sont intimidés ou visés par des mesures de coercition économique.
    Je pourrais, sans entrer dans le détail, citer l'exemple très intéressant des droits de douane sur les vins australiens. Après que l'Australie a réclamé une enquête sur les origines de la COVID, la Chine a imposé des droits de 220 % sur ses vins. Il y aurait pu y avoir des dommages économiques, mais le reste du monde a semblé se mobiliser pour faire face à l'affront et les ventes de vins australiens ont augmenté. C'est un exemple qui peut sembler assez ridicule, mais qui démontre ce que l'inclusion d'un volet économique à l'article 5 pourrait permettre d'accomplir.
    Bref, nous devons trouver un moyen de coordonner notre réponse à la coercition économique, et nous devons nous assurer que les engagements pris par les pays du G7 et de l'Union européenne donnent des résultats concrets.
(1130)

[Français]

     J'en profite pour vous demander de nous en dire plus sur une autre de vos recommandations. Il s'agit d'établir une approche coordonnée pour traiter le travail forcé induit par l'État et de promouvoir les règles de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, tout en s'engageant à mettre à jour, à améliorer et à coordonner les conseils en matière de risque aux entreprises qui opèrent dans des régions problématiques ou qui s'approvisionnent auprès d'elles.
    Croyez-vous que les lois en vigueur au Canada devraient aller plus loin et que l'on devrait probablement donner une meilleure fonction au fameux ombudsman de la responsabilité des entreprises?

[Traduction]

    Merci énormément de poser cette question.
    La diligence raisonnable en matière de droits de la personne est d'une importance capitale, surtout dans une économie mondiale de plus en plus interconnectée. Malheureusement, la Chine semble très réfractaire à tout ce qui a trait à la diligence raisonnable dans tous les domaines, et les droits de la personne ne font certainement pas exception. En fait, les spécialistes en la matière s'entendent pour dire qu'il est impossible de procéder à un examen de la diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans la région ouïghoure pour la simple raison qu'il est impossible de faire sortir une personne ouïghoure d'une usine et de l'interroger librement afin qu'elle réponde librement aux questions. De toute façon, cette personne subirait certainement des représailles si elle osait parler des conditions dans l'usine.
    Même s'il est littéralement impossible de faire respecter les principes fondamentaux de la diligence raisonnable en matière de droits de la personne dans la région ouïghoure, de grandes multinationales continuent de s'y approvisionner en toute connaissance de cause. Il faut en déduire, je pense, que nos protocoles de diligence raisonnable en matière de droits de la personne sont tout simplement défaillants. Ils sont inefficaces.
    Récemment, plusieurs sociétés ont quitté le Xinjiang, et on peut penser que c'est parce qu'elles ont compris que c'est de plus en plus difficile. L'emprisonnement récent de membres du personnel d'une société de vérification de la diligence raisonnable nous en donne un bon exemple. Il ne touche pas vraiment les droits de la personne, mais peu importe. La Chine les a écroués pour un motif d'espionnage, comme c'est souvent le cas. En réalité, la Chine ne voulait pas que la société creuse trop, ce qui est pourtant le travail des gens qui vérifient la diligence raisonnable. Si ces gens ne peuvent pas faire leur travail en Chine, nous devons nous demander sérieusement si nous pouvons continuer de nous approvisionner dans cette région.
    Il vous reste 40 secondes.

[Français]

     Vous parlez d'espionnage. Cela me permet de faire la transition vers ma question suivante.
    Le Comité a reçu M. Charles Burton, professeur et spécialiste des questions chinoises. Celui-ci a affirmé que les véhicules électriques chinois pouvaient favoriser l'ingérence étrangère de Pékin; on connaît la tendance de Pékin à collecter les données.
    Pour sa part, M. Daniel Breton, de Mobilité électrique Canada, disait savoir de source sûre que de l'espionnage industriel avait été fait dans des centres de recherche canadiens.
    Pouvez-vous nous en dire plus relativement à ces préoccupations?

[Traduction]

    Il est très important, entre autres, de faire en sorte de ne pas finir par stigmatiser tous les Chinois à cause du comportement de l'État chinois. Ce serait une erreur, et nous ne voulons pas sombrer dans le mccarthyisme.
    Cependant, il est vrai que, par l'intermédiaire du Département du travail du front uni et de bien d'autres organisations chinoises à l'étranger, il y a une pénétration et une infiltration de nombreuses couches de nos économies, économie canadienne comprise. Votre enquête sur l'ingérence l'a bien démontré. Fort malheureusement, je pense que nous en sommes à un moment où nous devons faire preuve d'une grande diligence et où il n'est malheureusement pas sécuritaire, à notre avis, d'autoriser certains ressortissants à participer à des projets de recherche sensibles.
    Je vous remercie.
    Monsieur Desjarlais, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Le travail que vous accomplissez est extrêmement important.
    Je pense qu'à l'heure actuelle en particulier, les Canadiens se débattent avec le fait que la gestion de notre chaîne d'approvisionnement est très vulnérable. Nous l'avons constaté pendant toute la COVID, mais nous le voyons maintenant se manifester dans le monde entier. Nous nous retrouvons à l'arrière-plan — peut-être même plus en arrière —, en particulier en ce qui concerne certaines des dépendances extrêmes mentionnées par M. de Pulford.
    Monsieur Bickett, nous avons examiné votre rapport, et à mon avis, il y a des cas graves et extrêmes que les Canadiens et le Comité feraient bien de mieux comprendre. Une de vos principales constatations, d'après votre rapport, concerne ce problème. Je simplifie peut-être trop, mais n'hésitez pas à me corriger si je me trompe. Supposons que la Russie veuille des produits canadiens. Disons qu'il s'agit de pièces d'armes et de composants essentiels. Hong Kong est utilisé comme un point d'entrée particulier pour ces marchés, même en dépit des sanctions qui interdisent la vente à ce type de régimes illicites de ces produits particuliers fabriqués par les Canadiens.
    Pouvez-vous nous expliquer comment cela peut se produire, étant donné le régime de sanctions actuel du Canada?
(1135)
    Cela peut se produire de plusieurs façons. Il est important de souligner que nous parlons ici de différents types de produits. Il est beaucoup question, par exemple, d'une entreprise comme Texas Instruments, qui fabrique des pièces de calculatrices très bon marché. Ces pièces sont importantes pour le matériel militaire, mais elles sont très difficiles à contrôler.
    Il existe une catégorie distincte, dont j'ai parlé dans mes observations préliminaires, avec des entreprises comme Vectrawave, qui fabrique des puces très spécialisées et très chères, ou plus au milieu, comme Nvidia, qui fabrique des puces relativement chères et relativement rares. Elles sont très importantes pour ces types de machines avancées. Ces catégories plus spécialisées sont celles sur lesquelles il vaut mieux se concentrer.
    Ce qui se passe, c'est que ces produits ne sont pas expédiés directement en Russie depuis le Canada, les États-Unis ou l'Europe. Ils sont expédiés ailleurs, et souvent, en fait, pas à Hong Kong. Hong Kong ne publie pas ses données douanières et il n'existe aucun moyen de les consulter, de sorte que nous ne savons pas exactement d'où viennent ces produits. Ils peuvent se trouver à différents endroits dans le monde. L'important, c'est que certaines entreprises ont fait clairement savoir qu'elles ne prendraient aucune mesure si les gouvernements ne sévissaient pas, ne prenaient pas de mesures de dissuasion et n'appliquaient pas la réglementation à leur égard.
    Dernièrement, la direction de Nvidia a pris l'exemple d'une limitation de vitesse à 75 et déclaré que si elle roulait à 65, elle n'enfreignait pas la loi et qu'elle continuerait. C'était à propos du fait que Nvidia envoie en Chine des unités centrales graphiques, des UCG, avancées que la Chine utilise ensuite pour progresser dans l'intelligence artificielle. Voilà l'attitude de nombreuses entreprises nord-américaines et européennes. Elles décident que, si on ne les en empêche pas, elles agiront ainsi dans la mesure du possible.
    À l'heure actuelle, les entreprises canadiennes et américaines peuvent envoyer des marchandises à différents endroits. Elles peuvent cocher quelques cases. Nous en présentons un excellent exemple dans notre rapport, celui d'une entreprise new-yorkaise qui a demandé, par courriel, à un citoyen russe basé à Hong Kong de confirmer qu'il n'avait pas l'intention d'envoyer sa technologie de pointe en Russie, ce qu'il a confirmé par courriel. L'entreprise lui a envoyé un lot de moniteurs DELO qui peuvent être utilisés dans des viseurs pour des armes.
    Il y a ce genre d'exemple. Elles feront le minimum. Il faut renforcer les exigences en matière de diligence raisonnable et sévir davantage contre celles qui mettent la tête dans le sable comme des autruches et ne font pas ce qu'elles sont censées faire pour ce qui est de s'assurer que leurs chaînes d'approvisionnement et leurs distributeurs font également ce qu'ils sont censés faire.
    C'est une partie du problème que vous décrivez ici. C'est ce réseau, qui est énorme et très complexe, je dirai, qui s'appuie sur l'infrastructure existante que Hong Kong et de nombreux États démocratiques occidentaux ont réellement incluse, soutenue ou créée. Est-ce que cette connaissance de l'infrastructure a peut-être créé une certaine vulnérabilité?
    Je pense que c'est le cas. Hong Kong n'est pas le seul endroit dans le monde où il en est ainsi, mais à Hong Kong, on peut créer une société en 24 à 48 heures. On peut la dissoudre presque aussi rapidement. C'est ce qui se passe en l'occurrence. Comme je l'ai souligné dans mes observations préliminaires, un des grands problèmes pour les sanctions occidentales, c'est la rapidité à laquelle les transactions se font. Lorsqu'il faut des mois pour enquêter sur une entreprise et la sanctionner, quand arrive la sanction — et nous l'avons vu nombre de fois —, elle n'existe plus, parce qu'elle est déjà passée à autre chose. Les sanctions sont beaucoup trop lentes.
    C'est comme essayer d'éviter un camion qui arrive en sens inverse à 160 kilomètres.
    Avant que Hong Kong décide de n'en faire qu'à sa tête et de s'éloigner de l'Occident... Hong Kong a toujours été un endroit où l'on pouvait faire cela, mais c'était beaucoup plus le fait d'organisations criminelles, par exemple. Cette infrastructure, qui était favorable à des organisations criminelles qui voulaient dissimuler leurs actifs, est maintenant utilisée à des fins plus politiques.
    Avez-vous envoyé ce rapport, en particulier, à des représentants du gouvernement canadien et comment ont-ils réagi?
    Je n'étais pas là, mais des membres de l'équipe du Committee for Freedom in Hong Kong Foundation sont venus parler à des représentants. C'est ce qui a conduit à cette audience. Nous croyons savoir qu'il a été très bien accueilli par tous les partis et par tous les participants au débat. Le Canada est préoccupé, et nous en sommes conscients. Nous sommes heureux de collaborer avec le gouvernement et le Parlement pour essayer de mettre en œuvre certaines de ces mesures.
(1140)
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Baldinelli pour cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, et je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je poursuivrai dans le même ordre d'idées que mon collègue avec M. Bickett.
    Monsieur Bickett, vous avez mentionné dans votre témoignage que l'administration de Hong Kong se comporte à présent en voyou en ce qui concerne l'utilisation du territoire pour contourner les sanctions. Vous avez préparé ce rapport. Avons-nous des chiffres sur le coût total pour le Canada, en dollars, du contournement de ces sanctions en passant essentiellement par des endroits comme Hong Kong?
    Voulez-vous dire en ce qui concerne les entreprises canadiennes qui exportent et dont les produits se retrouvent...? Nous n'avons pas de chiffres à ce sujet. Ce ne sont pas des données publiques parce que, si les produits passent par tous ces pays... Il est à noter que, si nous pouvons faire une grande partie de ce travail sur la Russie, c'est entre autres parce que ce pays publie beaucoup plus de données douanières que la plupart des autres pays. C'est pourquoi nous savons ce qui finit en Russie.
    Ce que nous savons à propos du Canada, c'est que le pays se situe assez haut sur la liste des signalements d'activités suspectes de sociétés financières en ce qui concerne le contournement des sanctions par la Russie, ce qui donne à penser qu'il est nécessaire de renforcer l'application des sanctions et d'enquêter plus pour avoir les chiffres qui nous manquent.
    J'allais revenir sur cet aspect. Vous parlez de sanctions secondaires et du fait que le Canada figure assez haut sur les listes relatives au contournement des sanctions, ce qui est inquiétant. Vous dites qu'il faut des méthodes d'investigation plus rapides et qu'à l'heure actuelle, les sanctions sont trop lentes. Comment pouvons-nous améliorer nos méthodes d'investigation pour parvenir à une résolution plus rapide? Vous dites que parfois, le temps que le gouvernement agisse, ces entreprises ont déjà fermé boutique. Est‑ce l'affaire de l'ASFC? De la GRC? Du CANAFE? Travaillent-ils ensemble?
    Comment arriver à une approche coordonnée pour lutter contre le contournement des sanctions?
    Ce que nous faisons, notamment depuis la publication de ce rapport, c'est, entre autres, de rencontrer les organismes d'enquête. Nous entendons régulièrement dire qu'il est nécessaire de se débarrasser des lourdeurs administratives. Il faut obtenir des approbations et respecter certaines normes en matière de preuves, mais il faut veiller à ce que ces enquêtes restent confiées à des personnes capables de les mener rapidement et de comprendre ce qui se passe. Il s'agit, au fond, de laisser ces organismes faire leur travail sans qu'il soit entravé par un tas d'examens et de choses de ce genre.
    Il faut aussi, à vrai dire, un plus gros budget et plus de personnes pour pouvoir enquêter sur ces affaires. Pour l'instant, nous avons fait plus de travail à ce propos avec le gouvernement américain qu'avec le gouvernement canadien, pour comprendre où le système pèche. Pour donner un exemple de contournement des sanctions contre la Russie qui concerne les États-Unis, le Bureau de l'industrie et de la sécurité, qui est chargé d'enquêter sur ces questions, ne dispose que d'un très petit nombre de personnes capables d'enquêter. Pour l'avoir fait nous-mêmes à titre privé, en dehors du gouvernement, nous savons qu'il faut des mois pour réunir ne serait‑ce que quelques noms et des preuves à leur sujet.
    Il ne devrait pas y avoir deux, trois ou quatre fonctionnaires qui enquêtent sur ces affaires, mais des dizaines, voire plus. Il y a des centaines d'entreprises rien qu'à Hong Kong, sans parler de la Chine ou du Moyen-Orient et de leurs autocraties, qui ont comblé le vide et réexpédient les marchandises.
    Je vais passer à M. de Pulford.
    Vous avez parlé d'une approche coordonnée pour répondre à la Chine. Quels sont les changements aux accords commerciaux ou aux politiques qui seraient le plus efficaces pour contrer les pratiques contraires à l'éthique de la Chine, comme le travail forcé et l'élimination des déchets dangereux pour l'environnement?
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Je pense que ce que nous pouvons faire, et ce que nous n'avons pas encore fait véritablement, c'est veiller à ce que les accords commerciaux plurilatéraux comportent des engagements très sérieux à l'égard de la diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
    Je vous donnerai un exemple. À l'heure actuelle, le Partenariat transpacifique global et progressiste, le PTPGP, contient des dispositions très détaillées sur le travail. Il prévoit des normes de travail très élevées, mais en pratique, elles ne signifient pas grand-chose parce qu'il est possible de rejoindre ce partenariat avec l'accord des membres. On a toujours pensé que la Chine ne pourrait jamais adhérer au PTPGP, car ses normes de travail sont beaucoup trop faibles, mais la realpolitik l'emporte. La Chine pourra en faire partie si les membres disent que c'est possible.
    J'estime que faire en sorte qu'il y ait des principes non négociables en ce qui concerne les valeurs communes, les droits de la personne et la diligence raisonnable dans les chaînes d'approvisionnement serait un très bon début.
    Nous pouvons faire beaucoup plus. Je pense qu'il devrait y avoir une réduction coordonnée, et pas seulement de manière unilatérale, de la dépendance envers la Chine. Il ne faut pas que le Canada soit le seul à dire qu'il est trop dépendant. Il faut que les pays démocratiques se réunissent et disent qu'ils ont un problème commun auquel ils doivent trouver une solution commune. S'il leur faut pour cela mettre leurs ressources en commun pour créer d'autres marchés, par exemple, qu'à cela ne tienne. Il sera beaucoup plus facile de régler le problème ensemble que chacun de son côté.
(1145)
    Je vous remercie.
    Madame Fortier, vous disposez de cinq minutes. Vous avez la parole.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence et de leur soutien dans le cadre de cette étude, qui est très importante, tant pour ce comité que pour le gouvernement.
    Ma première question s'adresse aux deux témoins.
    Vous y avez fait allusion dans votre mot d'ouverture, et j'aimerais que vous nous donniez votre avis de façon un peu plus explicite. Dans quelle mesure l'importation de véhicules électriques fabriqués en Chine et contenant une technologie en provenance de Chine présente-t-elle des risques pour la sécurité nationale du Canada et pour la vie privée et les données personnelles des Canadiens?

[Traduction]

    Je dirai de deux façons. La première serait par ce qu'on appelle les modules cellulaires ou modules d'interface de télécommunications, qui sont susceptibles d'être manipulés à distance parce qu'ils nécessitent des mises à jour logicielles par les fabricants. Malheureusement, on a signalé plusieurs cas d'accès et de manipulation à distance de modules cellulaires de fabrication chinoise dans des véhicules électriques, dont un au Royaume-Uni. Il s'agissait d'une voiture ministérielle, qui a ainsi été mise sur écoute. Il s'agit donc de conséquences très importantes pour la sécurité nationale.
    Il faut savoir, en outre, à propos du transfert de données, que nous avons, dans l'Union européenne, le Règlement général sur la protection des données, le RGPD, mais en réalité, il ne résout pas vraiment notre problème en matière de transfert de données vers la Chine, car il est toujours possible pour toute entreprise d'en transférer à une entreprise partenaire en Chine si elles sont liées par des contrats contenant certaines dispositions stipulant qu'elles protégeront, bien entendu, les données personnelles. Cependant, elles ne le font pas et ne peuvent pas le faire. La raison en est qu'en Chine, la loi sur le renseignement de sécurité de 2017 et plusieurs autres lois exigent de toute entreprise chinoise qu'elle remette des données sur demande et qu'elle nie qu'une telle demande ait été faite si on le lui demande. Cela signifie donc, du point de vue de la protection des données, que vos données peuvent être transférées légalement en Chine, que l'État peut y avoir accès, que vous ne le saurez jamais et que l'entreprise n'est pas autorisée à vous le dire en vertu de la loi.

[Français]

     Merci.
    Monsieur Bickett, voulez-vous ajouter quelque chose à ce que vous avez dit dans vos mots d'ouverture?

[Traduction]

    Certainement.
    J'insisterai vraiment sur le fait que des entreprises chinoises vous assureront — et nous le voyons même avec des entreprises comme TikTok, qui sont, en théorie, basées à Singapour — qu'elles ne veulent pas communiquer de renseignements sur les Canadiens, qu'elles ne veulent pas porter atteinte à leur vie privée, qu'elles veulent collaborer avec vous sur ces questions. À vrai dire, la plupart du temps, elles ne mentent pas. Vous avez affaire à des capitalistes qui veulent gagner de l'argent. Toutefois, ils ne vous diront pas qu'ils n'ont pas le choix en la matière. S'ils travaillent depuis la Chine, s'ils sont une entreprise chinoise ou s'ils ont des liens avec la Chine, même s'ils sont officiellement basés à l'étranger, si on leur demande des renseignements personnels, ils les fourniront. Si on leur demande, dans le cadre d'un litige, d'une guerre ou de toute autre chose de ce genre, d'utiliser leur technologie pour provoquer des problèmes dans le monde entier pour attaquer des infrastructures, ils devront le faire.
    Tout cela est très préoccupant du point de vue de la sécurité nationale. Il me semble que le Canada et l'Occident profitent depuis longtemps de la libéralisation des marchés, qui est très utile dans le monde. Ce ne doit cependant pas être au détriment de la sécurité nationale. Il faut avoir une vision beaucoup plus claire de ce qui se passe ici.
(1150)
    Je vous remercie, monsieur Bickett.

[Français]

     Vous avez parlé de sanctions, plus tôt. Dans le contexte actuel, mis à part ces sanctions et les tarifs qui sont déjà imposés par le Canada, celui-ci pourrait-il prendre d'autres mesures contre la Chine, en collaboration avec ses partenaires?

[Traduction]

    Tout à fait. Il y en a un certain nombre, mais celle sur laquelle j'insisterai vraiment aujourd'hui... En fait, j'insisterai sur deux. La première concerne les sanctions pour violation des droits de la personne. Les États-Unis ont sanctionné plusieurs dirigeants, à Hong Kong en particulier, qui ont réprimé le mouvement pour la démocratie. J'ai été prisonnier politique pendant quatre mois à Hong Kong, et beaucoup de mes amis et de nos camarades du mouvement sont encore là‑bas. Les derniers chiffres parlent d'environ 1 800 prisonniers politiques. Les États-Unis ont un programme pour sanctionner les dirigeants qui ont participé à l'élimination de l'autonomie de Hong Kong, ainsi qu'à la répression de la démocratie et à la violation des droits de la personne dans cette région. Nous aimerions beaucoup que le Canada, l'Union européenne et la Grande-Bretagne prennent les mêmes sanctions afin que ces dirigeants soient punis — c'est la première chose à faire.
    La deuxième mesure concerne plus le rapport. Comme je l'ai mentionné dans mes observations préliminaires, le Canada a, très récemment, c'est‑à‑dire l'an dernier, modifié ses lois pour permettre des sanctions secondaires. Avant, le Canada — en ce qui a trait, par exemple, aux sanctions contre la Russie — sanctionnait des entreprises et des ressortissants russes, et il fallait un régime de sanctions distinct pour, par exemple, sanctionner des Hongkongais pour ce qu'ils faisaient en Russie. Ce n'est plus le cas. La loi a changé et des sanctions secondaires peuvent donc être prises. Les États-Unis en ont pris quelques-unes — pas assez — et nous avons beaucoup fait pression sur eux à ce sujet, de même que sur l'Union européenne. Nous aimerions que le Canada — et ce serait très facile à faire — s'aligne au moins sur les sanctions américaines et européennes. Quand les enquêteurs ont déjà bouclé leurs enquêtes en vue de sanctions secondaires, le Canada pourrait très facilement leur emboîter le pas. Nous aimerions également que des pays comme le Canada prennent l'initiative de faire pression sur leurs alliés pour qu'ils en fassent plus sur ce front.
    Je vous remercie.
    Monsieur Savard-Tremblay, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    J'aimerais simplement reprendre la discussion avec M. de Pulford là où nous avions dû l'arrêter.
    Monsieur de Pulford, vous nous avez parlé de vos préoccupations quant à l'espionnage pouvant mener à une collecte de données dans les domaines de la recherche et de l'électrification des transports ainsi que des véhicules électriques eux-mêmes.
    Comment pourrions-nous nous protéger de ces tentatives d'ingérence dans les technologies?

[Traduction]

    Je voudrais souligner l'importance du travail effectué actuellement au Canada dans le cadre de votre enquête sur l'ingérence. Elle permet de dresser la carte des opérations et des activités du Département du travail du front uni, ce que d'autres pays n'ont, à vrai dire, pas fait de manière explicite.
    Je tiens à souligner un aspect du Département du travail du front uni: les agences de recrutement de talents. Ces agences opèrent dans le monde entier, y compris au Canada. Leur objectif est d'essayer de convaincre des ressortissants chinois de retourner travailler en Chine, parfois dans des industries d'État, mais de manière générale, pour y utiliser les compétences qu'ils ont acquises au Canada, parfois dans le cadre de recherches sensibles. Ces agences doivent faire l'objet d'enquêtes approfondies et leurs activités doivent cesser. Elles sévissent malheureusement dans de nombreux endroits. C'est un moyen parmi d'autres de lutter contre les opérations d'infiltration et d'influence du Département du travail du front uni.

[Français]

    Les membres de votre alliance se retrouvent dans beaucoup de législatures réparties un peu partout dans le monde.
    Ici, au Canada, aucune cargaison n'a été saisie en vertu de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement, tandis qu'aux États‑Unis, la valeur des marchandises illicites saisies, provenant de la région du peuple ouïghour seulement, atteint plus de 700 millions de dollars.
    Comment expliquez-vous une telle disparité?

[Traduction]

    Je pense qu'il s'agit d'une question de capacité et de volonté politique. En réalité, la loi en vigueur aux États-Unis impose ce qu'on appelle une « présomption réfutable », c'est‑à‑dire que l'on présume, jusqu'à preuve du contraire, que les produits en provenance du Xinjiang résultent du travail forcé. Ce renversement du fardeau de la preuve signifie qu'il est vraiment très facile pour le département américain de la Sécurité intérieure de faire beaucoup plus pour empêcher l'importation de ces produits.
    Je pense que tout dépend du sérieux avec lequel nous prenons ces questions, mais aussi de la rigueur des outils dont nous disposons. Grâce à la présomption réfutable, la loi américaine est beaucoup plus efficace que celles de tous les autres pays.
(1155)
    Je vous remercie.
    Monsieur Desjarlais, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je reviens vers M. Bickett afin de parler davantage d'un cas mentionné dans votre rapport:
Dans l'affaire U.S. v. Hossein Hatefi Ardakani & Gary Lam, soumise en décembre 2023, les prévenus étaient accusés d'infractions relatives à l'acquisition de microélectronique à double usage fabriquée aux États-Unis pour l'Iran. M. Ardakani, ressortissant iranien, et M. Lam, résident de Hong Kong et de la Chine, auraient comploté en vue d'acheter et d'exporter illégalement ces composants en appui au programme de drones (UAV) de l'Iran.
    En utilisant un « réseau complexe de sociétés-écrans », des composants d'UAV « ont été expédiés à Hong Kong avant d'être réexportés vers l'Iran. Plusieurs sociétés en France, au Canada et en Chine, dont certaines étaient au courant de l'acheteur final, mais d'autres pas, auraient fait partie de ce réseau.
    Monsieur Bickett, pouvez-vous nous en dire plus sur l'implication d'entreprises canadiennes dans cette affaire?
    Il s'agit d'une situation habituelle pour l'Iran, qui est probablement le plus au point de toute cette sorte d'États voyous sur ce front. L'Iran peaufine depuis longtemps sa capacité de dissimuler ses ventes de pétrole et ses acquisitions de produits pour ses programmes de drones et de missiles. Il le fait très efficacement. Des fuites de courriels, entre autres, nous ont permis d'en savoir un peu plus à ce sujet.
    L'Iran a dans le monde entier des sociétés-écrans, dans des pays où il peut en créer par l'intermédiaire de ressortissants locaux ou pas qui les mettent sur pied. C'est le cas au Canada, mais ce n'est pas le plus grand centre à cet égard. Les États-Unis sont également très utilisés. Il peut s'avérer très difficile de retracer ces sociétés dans des pays où les propriétaires effectifs sont protégés.
    L'opération n'était pas menée depuis le Canada, mais des sociétés-écrans y étaient établies et il y avait de multiples transferts de fonds entre différentes sociétés-écrans dans le monde entier. Si les Iraniens en perdent quelques-unes, ils en ont encore beaucoup d'autres à leur disposition. Je n'exagérerai pas l'importance du Canada dans ce genre d'opérations, mais c'est certainement quelque chose que le gouvernement canadien doit surveiller.
    Je vous remercie, monsieur Desjarlais.
    Monsieur Genuis, j'essaie de donner à tout le monde l'occasion d'intervenir. Nous avons donc quatre minutes pour vous, puis quatre minutes pour M. Sidhu.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur de Pulford, vous avez parlé, en réponse à la question de mon collègue, des différences entre le succès relatif du gouvernement américain pour ce qui est d'empêcher l'importation aux États-Unis de produits résultant du travail forcé et, parallèlement, de l'échec catastrophique du Canada dans ce domaine.
    Vous avez mentionné des différences législatives entre le Canada et les États-Unis, ainsi que de potentiels problèmes de capacité. Il m'a toujours semblé, cependant, que nous pouvions régler les problèmes de capacité par une harmonisation efficace entre les démocraties. Vous comprenez qu'il est difficile de retracer les origines et qu'il peut être compliqué de creuser dans les chaînes d'approvisionnement, mais si nous collaborions plus efficacement avec des alliés d'optique commune afin de pouvoir échanger des renseignements, les capacités seraient moins sollicitées et nous serions en mesure de réussir autant que nos alliés.
    J'aimerais, si une cargaison est refusée à Seattle parce qu'elle contient des produits résultant du travail forcé, que le navire ne vienne pas tout simplement accoster à Vancouver. Autrement dit, il serait bon de pouvoir bénéficier de l'expérience et du savoir-faire américains et, en fait, du travail bipartisan effectué aux États-Unis. Je me demande également si ce type de cadre de collaboration pourrait être étendu à d'autres alliés et si nous pourrions établir une sorte de partenariat entre les économies nord-américaines, avec aussi le Japon, le Royaume-Uni, l'Europe, etc.
    Que pensez-vous de la possibilité d'une harmonisation efficace pour empêcher que des produits résultant du travail forcé soient importés dans nos économies et pour faciliter par là même l'échange de renseignements?
(1200)
    Je pense que ce devrait être fait depuis longtemps, mais il ne faudrait pas sous-estimer la complexité de la tâche. Par exemple, dans n'importe quel téléphone, vous avez littéralement des centaines, voire des milliers de sources d'approvisionnement. Pour chacune de ces sources, vous avez une chaîne d'approvisionnement différente ou légèrement différente. Il est extrêmement difficile de déterminer la provenance exacte de chaque élément de ce produit, mais les entreprises savent le faire — sinon, où se les procureraient-elles? C'est tout à fait possible.
    Puis‑je intervenir au sujet de la complexité?
    Ce que je veux dire, c'est que si les Américains le font, est‑ce que nous ne pouvons pas simplement faire un meilleur usage des renseignements qu'ils recueillent déjà? C'est compliqué pour quelqu'un de le faire, mais il semblerait moins compliqué de faire profiter plusieurs pays des mêmes renseignements que de laisser chacun faire lui-même ce travail.
    Je pense que ce que je voulais dire, c'est que ce qui est si révolutionnaire dans le Uyghur Forced Labor Prevention Act, c'est qu'il prévoit qu'il est interdit d'importer quoi que ce soit venant cette région. Il ne s'agit pas seulement d'un téléphone complet, mais aussi de ses composants. Il s'agit des éléments constitutifs, et cela fait une énorme différence.
    J'allais répondre à votre question. Ce n'est pas parce que c'est complexe qu'il ne fait pas le faire, et nous disposons de nouveaux outils intéressants. Par exemple, en ce qui concerne les matières organiques, il existe des entreprises comme Oritain. Oritain n'est pas la seule entreprise. Il y a des entreprises comme Oritain qui ont des cartes isotopiques de différentes régions du monde et dont la technologie est tellement sensible qu'elles peuvent prendre un cheveu sur votre tête et vous dire où vous avez été au cours des six derniers mois. Elles peuvent analyser n'importe quelle matière organique et vous dire si elle provient ou non du Xinjiang.
    Nous n'avons pas besoin de pousser aussi loin les investigations. Nous pouvons soumettre les entreprises à des contrôles ponctuels, et certaines ont des contrats avec Oritain et d'autres organisations de ce type. Il existe des solutions. Je ne crois pas à l'argument de la capacité. C'est une question de volonté politique, mais il nous faut les outils législatifs et, en ce moment, je pense que seuls les États-Unis en disposent en ce qui concerne le travail forcé des Ouïghours.
    Je vous remercie.
    Monsieur Sidhu, vous disposez de quatre minutes. Vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    À propos des sanctions, je tiens à mentionner ce que dit le budget de 2024:
Depuis 2017, le gouvernement a entrepris un travail important pour sévir contre le crime financier:
Investir près de 320 millions de dollars depuis 2019 pour renforcer la conformité, les renseignements financiers, l'échange de renseignements et la capacité d'enquête afin de soutenir les enquêtes sur le recyclage des produits de la criminalité.
Créer de nouvelles équipes intégrées d'enquête sur le blanchiment d'argent en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, qui réunissent des spécialistes pour faire progresser les enquêtes sur le blanchiment d'argent, avec le soutien de personnes ayant une expertise en comptabilité judiciaire.
Lancer un registre fédéral de la propriété effective pour les sociétés fédérales, ce qui a eu lieu le 22 janvier 2024. Le gouvernement continue de demander aux provinces et aux territoires de promouvoir une approche pancanadienne en matière de transparence pour ce qui est de la propriété effective.
Moderniser le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, afin de l'adapter aux technologies émergentes, aux secteurs vulnérables et aux risques accrus comme le contournement des sanctions.
Établir des partenariats public-privé avec le secteur financier, qui permettent de mieux détecter et de juguler les crimes à but lucratif, y compris la traite de personnes, l'exploitation sexuelle des enfants en ligne et le trafic de fentanyl.
Dans le budget de 2024, d'autres mesures sont prises pour protéger la population canadienne contre les crimes financiers.
    J'aimerais poser aux témoins ici présents des questions sur la loi et les mesures de lutte contre le blanchiment d'argent que nous avons adoptées, et sur la manière dont elles remédient en partie aux lacunes dans les sanctions.
    Monsieur de Pulford, je commencerai par vous. Il me semble que vous parliez de sanctions.
    Je crois que, des deux témoins, M. Bickett est probablement plus qualifié pour répondre à cette question.
    Très bien.
    Je ne suis pas spécialiste du droit canadien, mais selon nous, modifier des dispositions de la loi pour permettre des sanctions contre des pays tiers est la mesure la plus importante qu'ait prise le Canada — mesure que j'approuve totalement —, et elle pourrait remédier à certaines lacunes du programme de sanctions. Encore une fois, les nouvelles dispositions n'ont pas encore été utilisées. En particulier, si nous voulons nous attaquer à un problème tel que la persistance de plusieurs pays à vouloir contourner les sanctions canadiennes en recourant à des entreprises commerciales, il ne suffira pas de sanctionner les bénéficiaires ultimes de ces manœuvres en Russie et en Iran. Il faudra sanctionner les fraudeurs. Même cela, comme nous le disions plus tôt, ne changera pas grand-chose, parce qu'ils peuvent simplement créer une autre entreprise. Ils peuvent toujours trouver de nouvelles personnes pour le faire.
    En fin de compte, ce que nous souhaitons vraiment — ce sur quoi nous insistons vraiment au Canada, aux États-Unis et dans l'Union européenne —, ce sont des sanctions contre certaines des entreprises d'infrastructure, en particulier, et surtout, contre les sociétés financières. Le nouveau pouvoir de sanction dont s'est doté le Canada lui permet de le faire lorsque nous savons que des banques régionales — en Asie, notamment — financent une bonne partie de ce commerce illicite. Pas besoin de sanctionner la Banque de Chine. En revanche, si vous sanctionnez une petite banque régionale, toutes les autres banques rentreront dans le rang.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, les entreprises et les sociétés financières combleront le vide et repousseront les limites aussi loin qu'elles le peuvent. En fait, le seul moyen de les amener à revoir leur façon d'agir est d'imposer des sanctions et de faire quelques exemples. Alors, elles reverront leurs programmes de diligence raisonnable. Elles cesseront très rapidement de faire ce qu'elles font.
    Bref, je dirai que l'on progresse dans la révision des lois — et c'est une bonne chose —, mais nous encourageons vraiment à utiliser davantage les nouveaux outils dont on dispose.
(1205)
    Je vous remercie.
    Je remercie les témoins. Nous vous sommes très reconnaissants de l'information utile que vous nous avez présentée aujourd'hui.
    Nous suspendons brièvement la séance, le temps que les témoins suivants s'installent.
    Je vous remercie.
(1205)

(1210)
    La séance reprend.
    Je suis désolée du retard, mais nous veillerons à ce que vous disposiez d'assez de temps pour présenter vos points de vue au Comité.
    Nous accueillons Keanin Loomis, président et chef de la direction de l'Institut canadien de la construction en acier, et Corey Parks, président de Kal Tire.
    Soyez les bienvenus. Nous commencerons par les observations préliminaires, puis nous passerons à une série de questions.
    Monsieur Loomis, vous disposez de cinq minutes au plus pour votre exposé.
     Je vous remercie de m'avoir invité à présenter mon mémoire au nom de l'Institut canadien de la construction en acier sur ce sujet très important.
     L'Institut canadien de la construction en acier, l'ICCA, qui a été fondé en 1930, est le porte-parole de l'industrie de la construction en acier au Canada. Il fait la promotion de l'utilisation et des avantages de l'acier dans la construction et répond aux besoins de ses membres et de l'industrie par des compétences techniques, par le transfert de connaissances, la recherche-développement, les codes et normes de l'industrie, la certification et la défense de leurs intérêts.
    Nous représentons les fabricants, les transformateurs, les fournisseurs, les constructeurs, les ingénieurs et les architectes qui construisent avec de l'acier au Canada. L'acier est un matériau solide et adaptable qui est durable, rentable et résilient, entre autres avantages, ce qui en fait un choix fiable pour la construction des infrastructures essentielles du Canada.
    Je tiens tout d'abord à féliciter le gouvernement fédéral des mesures qu'il a annoncées le 26 août, avec l'appui de tous les partis. L'ICCA est favorable à la surtaxe de 25 % sur les importations de produits de l'acier et de l'aluminium venant de Chine en vertu de l'article 53 du Tarif des douanes, mesure que nous avons demandé au gouvernement d'instaurer, conjointement avec l'Association canadienne des producteurs d'acier.
    Nos fabricants sont généralement favorables à la création d'une industrie sidérurgique nationale dynamique. Ils savent que la Chine est un acteur malveillant dans l'industrie de l'acier ouvré et, surtout, qu'il est dans notre intérêt de protéger l'accès à notre partenaire commercial le plus proche, les États-Unis, et d'harmoniser nos systèmes. Cependant, il faut reconnaître que le Canada ne produit pas lui-même tout l'acier brut dont nos membres ont besoin pour construire dans ce pays. Bien que l'ICCA encourage la production nationale, nous sommes conscients qu'à l'heure actuelle, nos membres doivent recourir à des marchés extérieurs pour construire les tours d'habitation, les hôpitaux, les écoles et les ponts dont notre pays a besoin.
    Comme une grande partie de l'acier que nous achetons vient des États-Unis et que nos fabricants font beaucoup de travail transfrontalier, le ministère des Finances et les autres ministères concernés doivent travailler en étroite collaboration avec leurs homologues américains pour soutenir l'harmonisation de notre réponse continue aux pratiques commerciales déloyales de la Chine.
    Par ailleurs, nous nous réjouissons des intentions du gouvernement avec les mesures annoncées dernièrement pour soutenir les intervenants qui font face à un choc de la chaîne d'approvisionnement à cause des droits de douane qui viennent d'être annoncés. Ces mesures soient bien intentionnées, mais nous conseillons au gouvernement de se montrer sélectif dans leur application afin que les objectifs des droits de douane soient atteints et que les matériaux canadiens demeurent prioritaires. Le processus de demande de remise devrait exiger que le fournisseur travaille selon les mêmes règles que nos fournisseurs nationaux pour bénéficier d'une remise. Si nous saluons les mesures prises jusqu'à présent en ce qui concerne l'acier brut chinois, il reste encore du travail à faire pour soutenir l'industrie sidérurgique nationale et l'économie canadienne dans son ensemble face à des pratiques commerciales déloyales.
    Le régime tarifaire actuel est ambigu en ce qui concerne l'acier qui a été fondu et coulé dans un autre pays ou les produits sidérurgiques en aval, c'est‑à‑dire l'acier qui a été fabriqué ou, par exemple, incorporé dans nos appareils ménagers. L'absence des produits en aval sur la liste permet aux acteurs malveillants de continuer d'exploiter les failles. La fabrication est la véritable valeur ajoutée de l'industrie sidérurgique. Nos membres prennent de l'acier brut, l'ouvragent et fabriquent pour nos besoins de construction, le tout en gardant à l'esprit la sécurité, la qualité, la durabilité et la rentabilité de projets d'infrastructure nationaux. Il s'agit d'une activité à forte intensité d'ingénierie et de haute technologie qui nécessite une main-d'œuvre qualifiée.
    Si nous ne protégeons pas le Canada face à l'importation de produits en acier ouvré, nous perdrons cette compétence essentielle de notre base de connaissances manufacturières nationales. Nous devons protéger la capacité du secteur manufacturier canadien de bien construire avec de l'acier, de répondre à nos besoins en infrastructures et de réagir rapidement et en toute sécurité aux crises environnementales telles que les inondations de la vallée du Fraser en 2021, au cours desquelles des ponts en acier ont été rapidement montés pour rétablir des corridors de transport après que plusieurs ponts ont été emportés par les eaux. Nos membres ont été parmi les tout premiers à intervenir lors de cette catastrophe naturelle, et comme nous aurons à faire face à de nombreuses autres, nous devons préserver cette capacité nationale importante.
    Les pressions exercées pour étendre les droits de douane aux produits en aval s'amplifient également aux États-Unis, où le caucus bipartisan de l'acier au Congrès a demandé le mois dernier au département du Commerce d'étendre les protections de l'article 232 à certains produits en aval, dont l'acier de charpente semi-ouvré. Dans l'intérêt de la poursuite de l'harmonisation avec les États-Unis et pour protéger cette industrie transfrontalière, nous devrions étendre les droits de douane de l'article 53 à ces mêmes produits.
    Afin de soutenir davantage l'industrie sidérurgique ainsi que les ingénieurs et gens de métier hautement qualifiés qui fabriquent et innovent dans l'infrastructure sidérurgique de notre pays, l'ICCA recommande que le gouvernement établisse des exigences de fabrication au Canada dans la construction de tous les projets manufacturiers financés et soutenus par les contribuables, y compris ceux qui appuient la transition vers une économie à faible émission de carbone, comme les usines de fabrication de véhicules électriques et de batteries.
    Quand nous faisons appel à des fabricants canadiens pour construire nos infrastructures, le rendement de l'investissement est multiplié par quatre pour nos collectivités. Le succès économique général de l'industrie sidérurgique, comme celui d'autres secteurs de la construction, est déterminé par le coup de pouce économique créé par les possibilités qui découlent des grands projets, en particulier des projets financés par l'État. Les projets financés par les fonds publics ne devraient pas être attribués à des entreprises qui achètent de l'acier ouvré étranger à des pays qui n'ont pas de politiques d'approvisionnement réciproque.
    Je remercie de nouveau le Comité de m'avoir invité à comparaître devant lui au nom de l'Institut canadien de la construction en acier.
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1215)
    Je vous remercie.
    Monsieur Corey Parks, vous disposez de cinq minutes au plus. Vous avez la parole.
     Mon nom est Corey Parks. Je suis le président de Kal Tire, une entreprise familiale canadienne basée en Colombie-Britannique. Nous employons plus de 4 800 personnes au Canada et sommes un des plus grands distributeurs de pneus indépendants au pays ainsi que le plus important producteur de pneus radiaux rechapés pour camions et autobus, aussi appelés pneus « TBR ».
    Notre industrie et les consommateurs canadiens sont menacés par le dumping et le subventionnement de pneus pour camions et autobus de faible qualité et à usage unique, provenant de Chine. Je suis ici aujourd’hui pour vous demander d’inclure l’industrie du rechapage dans les mesures de protection envisagées pour les véhicules électriques, l’aluminium et l’acier. Je vais vous présenter notre industrie, vous parler des implications économiques, financières et environnementales de ces pratiques commerciales déloyales, et pour vous demander d’agir sans tarder pour protéger les intérêts canadiens.
    En 2023, l’industrie canadienne du pneu a apporté une contribution d’environ 7,1 milliards de dollars à l’économie canadienne. Cette industrie est essentielle aux activités de transport et de marchandises, et soutient directement des dizaines de milliers d’emplois canadiens tout en soutenant indirectement de nombreux autres.
    Le marché des pneus radiaux pour camions et autobus et son industrie de rechapage jouent un rôle crucial dans l’économie canadienne, engendrant annuellement une contribution de 2,3 milliards de dollars. Le rechapage de pneu est une technique de restauration du pneu qui consiste à ajouter une nouvelle bande de roulement à une carcasse de pneu usagée, prolongeant sa durée de vie. Le rechapage est un processus bien établi et est fondamental à l’industrie du transport au Canada depuis maintenant plus de 70 ans. Aujourd’hui, environ 50 % de tous les pneus pour camions et autobus que l’on retrouve sur la route sont des pneus rechapés.
    Les pneus rechapés sont une alternative populaire, durable et économique aux pneus neufs, réduisant les déchets et les émissions de carbone de 70 % par pneu comparativement à la production d’un pneu neuf. De plus, notre expérience indique qu’un pneu de qualité peut être rechapé plus de trois fois et peut parcourir la même distance que 12 pneus de faible qualité à usage unique.
    L’industrie du rechapage de pneus pour camions et autobus est menacée par des vagues d’importations de pneus à usage unique de faible qualité provenant de Chine à des prix inférieurs aux coûts des matières premières nécessaires à leur fabrication. Ces pneus entrent au Canada grâce à des pratiques non commerciales, notamment grâce à des subventions gouvernementales et des normes plus faibles en matière de travail et d’environnement, rendant impossible la concurrence pour les producteurs de pneus canadiens et l’industrie du rechapage. Ces pneus à usage unique sont mal fabriqués et n’ont pas la structure nécessaire pour être rechapés de façon sécuritaire. Conséquemment, ces pneus ne peuvent être réutilisés et doivent être envoyés dans les dépotoirs canadiens.
    En résumé, cette concurrence déloyale menace notre industrie nationale en faisant baisser les prix, décourage les investissements locaux, augmente le nombre de déchets inutiles dans nos sites d’enfouissement, et met à risque la survie de milliers d’emplois canadiens.
    Si les importations déloyales de pneus pour camions et autobus continuent, l’industrie du rechapage sera appelée à disparaître rapidement et le secteur du transport canadien devra dépendre des importations de pneus chinois pour maintenir ses opérations. Assurer que l’industrie du rechapage reste concurrentielle sur le marché renforcera notre chaîne d’approvisionnement et aidera le Canada à maintenir une économie indépendante de l’influence étrangère.
    Nos alliés, notamment les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni, ont déjà mis en place des mesures pour protéger leur industrie de production et de rechapage de pneus pour camions et autobus contre l’importation à des prix inéquitables de ces pneus provenant de Chine. En 2019, les États-Unis ont imposé un droit de douane allant jusqu’à 90 % sur les pneus de camions et d’autobus fabriqués en Chine, arrêtant ainsi le dumping de ces pneus dans leur pays. Ce droit de douane a également été renouvelé cette année. Malheureusement, le Canada est maintenant un des seuls pays occidentaux où le dumping de pneus pour camions et autobus fabriqués en Chine est encore possible, et celui‑ci ne fait que prendre de l’ampleur.
    Afin de protéger l’industrie canadienne, notre économie, et notre environnement, nous vous demandons d’imposer un tarif de 109 % sur les pneus de camions et d’autobus fabriqués en Chine. Cette mesure favoriserait une concurrence juste et équitable, protégerait des milliers d’emplois canadiens, sécuriserait notre chaîne d’approvisionnement et soutiendrait les objectifs environnementaux du Canada. Contrer les pratiques déloyales de la Chine est essentiel pour le bien-être économique du pays ainsi que pour la survie de cette industrie.
    J’aimerais terminer avec trois éléments importants à retenir. Premièrement. Les pneus pour camions et autobus chinois sont subventionnés et sont déversés dans le marché canadien à des prix inférieurs aux coûts des matières premières nécessaires à leur fabrication. Deuxièmement, la croissance de ces pneus dans le marché canadien menace à court terme l’existence même de l’industrie du rechapage de pneus, en plus de menacer à moyen et long terme la stabilité du secteur des transports. Enfin, les pays occidentaux ayant mis en place des mesures pour freiner le subventionnement et le dumping de ces pneus dans leur pays ont pu rétablir la stabilité de leur marché et restaurer une concurrence équitable pour leurs industries nationales de pneus et de transport tout en assurant une économie plus équilibrée basée sur le marché.
    Pour conclure, j’aimerais vous remercier énormément de m’avoir invité à comparaître devant ce comité. En tant qu’entreprise indépendante en pleine croissance, il est intimidant de se retrouver ici. Cependant, il est important pour moi que chacun d’entre vous sache que cela signifie énormément pour des milliers de Canadiens que vous vous intéressiez à cette menace qui pèse sur notre industrie, nos emplois, l’industrie du pneu et des transports en général ainsi que sur l’économie canadienne dans son ensemble.
    Je reste disponible pour répondre à vos questions.
(1220)
    Merci beaucoup.
     Monsieur Williams, allez‑y pour six minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Monsieur Parks, merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Il est assez alarmant d'entendre qu'une industrie importante — une autre industrie — est à nouveau menacée par la Chine, son mercantilisme et ses pratiques déloyales.
     Dites-nous de nouveau quelle est l'importance de cette industrie. Combien d'emplois y a‑t‑il, et que se passe-t‑il en ce moment avec la Chine?
    L'industrie est très importante. Globalement, l'industrie du pneu représente environ 7,1 milliards de dollars au Canada. L'activité TBR ne représente qu'environ 2,3 milliards de dollars, mais ce sont des industries connexes. Il faut avoir l'une pour servir l'autre. Les entreprises comme la nôtre ont une activité de transport de passagers et de camionnettes et une activité commerciale, et le volet commercial est une activité à marge relativement faible par rapport au volet consommateur qui est plus dynamique.
     Lorsque l'on porte atteinte au volet camions et autobus, c'est l'ensemble du secteur qui en pâtit. Nous pensons que l'importation de ces pneus mène... Nous ne le pensons pas; nous savons qu'elle réduit notre capacité de rechapage presque au seuil de rentabilité, ce qui nous amène à fermer des usines ou à envisager d'en fermer d'autres.
     Nous savons que la grande majorité des personnes qui travaillent dans ce secteur — nous fabriquons environ 300 000 des 1,2 million de pneus fabriqués chaque année — sont des boutiques familiales qui vendent ces pneus contre des pneus qui sont, franchement, bien en dessous du coût de la matière première. Nous pensons que c'est une menace très réelle, non seulement pour notre entreprise, mais pour l'ensemble de l'industrie de la fabrication de pneus.
(1225)
    Ces pneus arrivent et sont moins chers. Est‑ce exact?
    Oui.
    Sont-ils aussi sûrs que les pneus que vous fabriquez actuellement?
    Sans données, nous ne pouvons pas vous dire qu'ils sont intrinsèquement moins sûrs. Je peux vous dire qu'ils sont fabriqués avec une ceinture plus petite. C'est ainsi que nous l'appelons. Lorsque nous démontons ces pneus pour essayer de les rechaper, il est impossible d'en faire un pneu rechapé en toute sécurité.
     Ce ne sont pas des pneus que l'on monte sur l'essieu directeur d'un véhicule, parce qu'ils sont légers et mal fabriqués. Les pneus plus lourds et de qualité supérieure sont montés sur l'essieu directeur. Ils sont donc montés sur des remorques où ils peuvent tomber en panne sans causer d'accident, mais ils tombent en panne à un rythme alarmant par rapport à un pneu de qualité supérieure. C'est un aspect que nous connaissons.
    Ils finissent probablement plus souvent dans les décharges. Est‑ce exact?
    En effet. Nous avons essayé à plusieurs reprises de rechaper ces pneus. Ils ne sont pas rechapables en toute sécurité, donc nous les considérons en grande partie comme des pneus jetables sur notre marché.
    Lorsque nous examinons les pneus moins chers... Nous avons étudié l'acier et l'aluminium chinois, puis, bien sûr, nous étudions les véhicules électriques et les batteries.
     Lorsque ces pneus sont déversés sur le marché, suppriment-ils des emplois canadiens? Menacent-ils les emplois dans l'industrie du pneu, qui vaut 7 milliards de dollars?
    Oui. Absolument. Nous avons constaté une augmentation spectaculaire du dumping de ces pneus en 2023, alors que nous sortions de la pandémie. Pendant la pandémie, nous n'avions pas beaucoup d'expéditions en provenance de Chine, car le coût d'un conteneur maritime était de l'ordre de 25 000 à 35 000 $. Maintenant que le prix est revenu à la normale, ces pneus font l'objet d'un dumping sur nos marchés. Nous ne sommes pas en mesure de les concurrencer.
     Nous ne tenons pas ces pneus en stock. Ils sont souvent confiés à des courtiers et vendus à l'arrière des camions. Ils sont vendus à la fois à l'industrie canadienne et à l'industrie américaine. Les transporteurs viennent au Canada, achètent ces pneus bon marché qu'ils ne peuvent pas acheter aux États-Unis et repartent. Nous le savons parce que lorsqu'ils se présentent dans nos ateliers pour faire réparer leurs pneus, ce sont des pneus que nous ne vendons pas et qui sont interdits aux États-Unis.
    Nous avons parlé d'une interdiction aux États-Unis. Les États-Unis et d'autres pays ont-ils interdit cela, imposé des droits de douane et veillé à ce qu'il y ait une mesure pour contrer le dumping des pneus?
    Oui, monsieur. Comme je l'ai dit, tout dépend de l'endroit où les pneus sont fabriqués. Lorsque les États-Unis ont suivi la procédure de la Commission américaine du commerce international, l'ITC, ils ont fini par imposer des droits de douane qui vont de... Je ne me souviens plus exactement du seuil, mais l'extrémité supérieure était un tarif de 90 % basé sur le dumping et les conclusions qu'ils avaient concernant le coût de ces pneus par rapport au prix de vente aux États-Unis.
    Avez-vous pris contact avec le gouvernement canadien? Si oui, quelle a été sa réponse jusqu'à présent?
    C'est la troisième fois que nous venons à Ottawa, après 70 ans d'absence, et je dirais donc que nous avons contacté divers députés pour essayer au moins de faire connaître notre position, de sorte que nous puissions nous exprimer officiellement et essayer de... C'est une question très chargée d'émotion pour notre entreprise. Nous avons des gens qui font de très bonnes carrières, à la fois dans le secteur du rechapage et dans celui de la réparation et de l'installation de pneus, et ils voient ce secteur se rétrécir au point qu'ils ne peuvent plus être compétitifs. Nous avons essayé de partager cela avec le gouvernement du mieux que nous pouvions pour essayer de le sensibiliser.
     En ce moment, nous essayons de nous intégrer à cette étude la plus récente pour que vous puissiez voir ce que les États-Unis ont vu et ce que l'Union européenne et d'autres ont constaté, à savoir que ces pneus sont absolument vendus en dumping au Canada.
    Vous aimeriez que le gouvernement impose un tarif douanier de 109 % sur ces pneus.
     Encore une fois, ce sont les mêmes questions que nous avons posées dans les études sur les véhicules électriques et l'acier chinois. Les pneus qui sont fabriqués dans ce pays le sont-ils dans un cadre de travail forcé? Sont-ils non compétitifs? Sont-ils entièrement subventionnés?
    Ils ne sont certainement pas compétitifs. Nous n'avons pas de renseignements particuliers sur la question du travail forcé. Nous sommes au courant d'une étude très particulière qui a été résumée dans un article du New York Times sur le travail forcé lié en particulier aux pneus venant de Chine. Nous sommes au courant. Nous n'avons pas de renseignements internes. Je laisse à d'autres le soin de les déterminer.
     Toutefois, il est impossible de fabriquer ces pneus à 141 $ l'unité, prix auquel ils sont actuellement vendus au Canada. Il est impossible d'atteindre ce prix avec le prix de base des produits de base que nous savons que tout le monde paie dans le monde. L'acier, le caoutchouc naturel, le noir de carbone et le pétrole sont autant de matières premières nécessaires à la fabrication d'un pneu. On ne peut pas le fabriquer pour 141 $.
(1230)
    Merci beaucoup.
     Allez‑y, monsieur Sheehan, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup pour votre témoignage et pour votre engagement envers vos industries. Ils sont tous deux remarquables.
     Je ne fais généralement pas de prédictions, mais dans huit jours, les États-Unis auront un nouveau président, quel qu'il soit. Dans quelle mesure était‑il important pour nous de travailler si étroitement avec les États-Unis, notre premier partenaire commercial, pour imposer une taxe de 100 % sur les véhicules électriques, et une taxe de 25 % sur l'acier et l'aluminium?
     Je commencerai par M. Loomis.
    C'est impératif. C'est tout pour nous en tant qu'industrie nationale. Nous ne fabriquons pas beaucoup en dehors de l'Amérique du Nord, donc, en dehors de notre propre marché intérieur, les États-Unis sont de loin notre plus grand marché, et nous voulons maintenir l'accès à ce marché. Nous voulons donc nous assurer que les Américains sont convaincus que nous sommes alignés sur eux en matière de commerce et que nous ne sommes pas une porte arrière pour l'acier chinois.
     Encore une fois, les droits de douane ont certainement entraîné une augmentation des prix pour nos membres. Nous achetons l'acier brut sur le marché mondial et, bien entendu, les droits de douane imposés par nos homologues américains ont fait augmenter le prix de l'acier. Les tarifs sur l'acier canadien l'ont également fait — pas autant, évidemment, parce que le marché n'est pas aussi important — mais nous le comprenons et nous l'acceptons, parce que nous sommes prêts à payer une prime pour continuer à avoir accès au marché américain.
    Merci.
    Je vais aller un peu plus loin avant de me tourner vers M. Parks. Travaillez-vous avec des associations sidérurgiques aux États-Unis? Quel genre de travail y faites-vous?
    Oui. Nous avons de bonnes relations avec nos homologues américains, l'AISC, l'American Institute of Steel Construction. Nous travaillons beaucoup à l'élaboration de normes dans les deux pays. C'est notre principal objectif. C'était notre raison d'être: créer des normes pour la construction en acier dans ce pays.
     En tant qu'organisation, nous prenons de l'ampleur dans le domaine de la défense des intérêts, bien sûr, et nous travaillons avec nos homologues américains. Comme vous pouvez l'imaginer, il est plus difficile d'attirer leur attention et il est plus difficile pour eux de comprendre l'importance du marché canadien, mais nous voulons certainement promouvoir ce genre de programme de « forteresse de l'Amérique du Nord » auprès de nos homologues américains, s'ils veulent bien écouter et prêter attention à ce que nous avons à dire ici, au Canada.
    Monsieur Parks, pouvez-vous répondre à cette question également, concernant l'intégration du marché, je suppose, entre les États-Unis et le Canada et votre industrie? Manifestement, vous proposez une approche nez à nez, si vous voulez, en matière de tarifs.
    Oui, c'est ce que nous proposons. Nous pensons que l'harmonisation des tarifs est essentielle.
     Je suis désolé; avez-vous autre chose à dire?
(1235)
    Non, je vous écoute attentivement.
    D'accord. Nous pensons que l'harmonisation des tarifs est assez importante.
     Il y a très peu de production nationale de pneus ici au Canada. Il y a quelques usines Michelin dans le Canada atlantique que nous connaissons bien. La majorité de leurs produits sont exportés vers les États-Unis. La plupart des pneus que nous fabriquons au Canada pour les camions et les autobus viennent des États-Unis ou des marchés asiatiques.
     Depuis 70 ans, nous avons vu beaucoup de discipline sur ce marché — du moins depuis que nous existons — où les prix montent et descendent en fonction de l'endroit où il est le plus logique de fabriquer des produits, mais nous n'avons jamais, jamais vu quelque chose qui est vendu tellement en dessous du coût des matières premières que nous ne pouvons même pas être compétitifs. Nous ne pouvons pas rééquiper nos usines. Nous ne pouvons pas investir. Nous n'investissons pas dans le réoutillage de nos lignes de production si nous ne pouvons même pas nous aligner sur les coûts des matières premières.
     Ce que je peux vous dire, c'est que les Américains ont un énorme avantage lorsqu'il s'agit d'imposer des droits de douane dans le cadre de la procédure normale de l'Organisation mondiale du commerce, et cet avantage, ce sont les Métallurgistes unis d'Amérique. Les fabricants de ces pneus ne sont pas du tout disposés à s'asseoir à la table des négociations et à réclamer ces droits de douane alors que leur production n'est pas subventionnée sur ces marchés, sur le marché chinois, où ils fabriquent d'autres produits que des pneus. Michelin et Goodyear fabriquent d'autres produits que des pneus.
     Aux États-Unis, ce sont les Métallurgistes unis qui ont présenté la pétition et qui ont pu s'insérer dans le processus. C'est une tâche presque impossible pour nous dans notre secteur, car il est constitué d'un ensemble de petites entreprises. Nous nous considérons comme une petite entreprise. Nous savons que nous ne sommes pas une petite entreprise — nous sommes le plus grand acteur, et de loin, au Canada, sur ce marché — et nous ne pouvons pas nous présenter devant un comité comme le vôtre sans faire beaucoup d'efforts pour essayer de trouver notre chemin, et c'est ce qui nous a conduits jusqu'à vous, ici, à cette audience.
    Merci beaucoup.
     Il y a une question que je ne cesse de poser. Nous avons beaucoup entendu parler des pratiques de travail, y compris du travail forcé, et des pratiques environnementales, ainsi que de la différence entre la fabrication de l'acier et celle des pneus en Chine. Je sais ce qu'il en est de l'acier, mais les pneus sont-ils aussi un processus sale — comme je l'appelle — en Chine?
    Si l'on compare l'impact environnemental d'un pneu neuf à celui d'un pneu rechapé, la différence est d'environ 70 %. Lorsque vous fabriquez un nouveau pneu, vous devez fabriquer la carcasse, puis la bande de roulement. Le processus de rechapage consiste à polir l'ancienne bande de roulement et à la remplacer par une nouvelle. L'impact sur l'environnement est de loin inférieur.
     Il faut ajouter à cela le pneu chinois qui est mis au rebut — parce que lorsqu'on essaie de le polir, il ne supporte pas le rechapage, ce qui en fait un pneu jetable. Nous voyons cela partout dans nos usines de rechapage: ces pneus arrivent et les clients demandent à ce qu'ils soient rechapés, et nous leur répondons: « Nous ne pouvons pas, vous avez acheté un pneu jetable. Il va à la décharge ».
     En plus de tout cela, j'ajouterais que parce qu'ils ne sont pas vendus par la chaîne commerciale normale, où le gouvernement perçoit une taxe de recyclage pour payer cela — ils sont vendus par des courtiers, à l'arrière de camions et sur les quais —, et lorsqu'ils sont jetés, ils vont simplement à la décharge. Ils ne comportent pas le coût du processus de recyclage.
    Merci beaucoup, monsieur Parks.
     Nous passons à M. Savard-Tremblay pour six minutes, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie l'ensemble des témoins de leurs présentations.
    L'Association de l'aluminium du Canada et l'Association canadienne des producteurs d'acier ont récemment publié un communiqué conjoint — il a été émis le 26 août — pour saluer l'annonce des tarifs canadiens et pour affirmer que le Canada refuse d'être « un point d'entrée pour les importations d'acier et d'aluminium à forte teneur en carbone et faisant l'objet d'un commerce déloyal ».
    Selon ces deux associations, au Canada, il y aurait 18 droits antidumping actifs contre la Chine pour ce qui est des formes primaires d'acier. De plus, 56 % de l'ensemble des dossiers commerciaux du Canada concernent la Chine. Toutefois, malgré le nombre important de constatations de dumping, l'acier en provenance de la Chine est en plein essor. u cours des dernières années, il a même doublé, sur le marché canadien.
    Monsieur Loomis, qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans le système de recours commerciaux?

[Traduction]

     Je pense que l'Association canadienne des producteurs d'acier vous a dit, lorsqu'elle a témoigné il n'y a pas très longtemps, que le système de recours commercial est défectueux. C'est certainement l'un des problèmes que nous constatons. Même si vous avez une affaire commerciale claire à présenter, vous devez réfléchir longuement avant de le faire en raison du temps et de l'argent nécessaires pour faire valoir vos droits à l'Organisation mondiale du commerce.
     L'essentiel ici est que, comme mon collègue l'indique sur... Il est très facile, bien sûr, d'aller au fond des choses et de parler de prix. Ce que nous essayons de faire comprendre, c'est qu'il y a là un risque énorme, également en ce qui concerne la qualité. Pour nous, le principal problème est que... Si ces droits de douane sont mis en place et que la question des prix est réglée, nous serons en mesure de prendre des décisions de bien meilleure qualité en ce qui concerne l'achat d'acier.
     Encore une fois, en me reportant à mon collègue, certains de mes collègues m'ont dit que lorsqu'ils soumissionnent pour un projet — nous ne parlons même pas de projets financés par l'État, mais d'un projet de sables bitumineux, par exemple, dans le Nord de l'Alberta — même s'ils éliminent le prix de la main-d'œuvre, ils ne sont pas en mesure d'être concurrentiels sur le plan des prix. Le problème, c'est que c'est beaucoup trop facile, et que le coût final contrôle beaucoup trop nos décisions dans ce secteur.
(1240)

[Français]

     On sait que, l'an prochain, aura lieu le réexamen de l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique, ou ACEUM. J'aurai d'ailleurs une question à poser là-dessus. On sait aussi que les Américains soulignent avec raison le fait que le Canada est la porte d'entrée de bien des produits qui ne devraient pas se retrouver sur le territoire nord-américain.
    Partagez-vous ce constat? Que pourrait-on faire de plus?

[Traduction]

    La preuve que nous sommes une porte arrière est circonstancielle et ne correspond pas nécessairement à ce qui est déclaré à nos points d'entrée. Si l'on craint que nous soyons utilisés comme une porte arrière, cela illustre l'importance de l'harmonisation sur tous les plans, depuis le contrôle des frontières jusqu'à l'insistance sur l'utilisation de l'acier et de la fabrication nationaux dans les grands projets d'infrastructure. Nous devons garantir aux Américains que nous ne sommes pas la porte arrière de l'acier chinois.
     Une des choses que le gouvernement devrait faire dans le cadre de l'ACEUM — et je dirais que nous devrions également nous pencher sur cette question —, c'est déterminer dans quelle mesure le Mexique est une destination ou une porte arrière pour l'acier chinois. Il nous incomberait d'effectuer une étude avec nos homologues américains afin de cerner ce problème particulier, car il est bien plus évident que le Mexique est utilisé comme lieu de dumping de l'acier chinois sur le marché américain. Nous devrions nous pencher sur cette question et, une fois de plus, nous renforcer et resserrer nos contrôles et nous assurer que nous sommes en parfaite harmonie avec nos homologues américains afin qu'ils nous fassent entièrement confiance.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Desjarlais, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je remercie les témoins d'être présents parmi nous.
    C'est une étude importante que nous entreprenons sur l'acier, bien sûr, car les Canadiens concernés par ce secteur sont nombreux. Qu'ils soient employeurs dans des ateliers ou qu'ils soient cadres, c'est une question pertinente pour les industries de tout le pays. En raison de l'immense problème posé par la Chine et son dumping extrême de l'acier et de l'aluminium, des actions ont été largement entreprises. C'est pourquoi vous êtes ici aujourd'hui. La ministre a décidé d'égaliser certains de ces droits de douane avec ceux de nos homologues américains afin de garantir la protection d'une grande partie de l'industrie sidérurgique du pays.
     Monsieur Loomis, vous avez mentionné qu'une partie de l'objectif de votre association est d'encourager la production nationale d'acier, ce qui est bien sûr une bonne chose. Nous voulons qu'il y en ait davantage. L'augmentation de la production nationale résoudrait probablement bon nombre des problèmes que vous expliquez aujourd'hui. En ce qui concerne le partenariat et l'harmonisation avec les États-Unis, je pense que c'est une voie encourageante, à la fois pour les Canadiens, qui dépendent énormément de ces marchés, et pour nos entrepreneurs, qui dépendent de ces prix stabilisés pour construire.
     La question des perturbations de la chaîne d'approvisionnement m'intéresse également. Je voudrais examiner avec vous comment la chaîne d'approvisionnement a été ébranlée par cette situation. Bien sûr, les producteurs — ceux qui utilisent l'acier — sont ébranlés. Une partie de mes questions porte sur la manière dont ceux qui achètent de l'acier à l'échelle nationale ou qui ont un ancien accord avec l'acier chinois, par exemple, sont touchés. Comment pouvons-nous créer plus de résilience pour ces personnes?
     Plus récemment, la ministre des Finances a mentionné qu'à la lumière de tout cela, le 15 octobre, elle pourrait envisager un allégement tarifaire pour certaines industries. Êtes-vous favorable à l'exemption de certaines industries?
    Il est certain que si la Chine est le seul endroit qui fabrique un certain type d'acier que nous devons utiliser au Canada — je ne peux pas vous dire de quoi il s'agirait — ce serait un cas où nous devrions procéder avec prudence. Pour l'essentiel, comme je doute que ce soit le cas, cela ne m'inquiète pas trop. Aucun de mes membres ne m'a dit qu'il y avait un type d'acier particulier dont nous devions nous préoccuper lorsque nous traitons avec la Chine, donc pour l'instant, je ne peux rien signaler.
     Il existe évidemment un très grand marché mondial pour la production d'acier — outre la Chine, il y a de nombreux marchés asiatiques et d'autres — et nos membres sont assez indifférents à la provenance de l'acier. Comme je l'ai dit, nous aimerions pouvoir acheter de l'acier national, mais nous ne fabriquons pas de poutres en I dans ce pays, par exemple, alors nous devons aller à l'étranger, et bien sûr...
(1245)
    Sur ce point, vous seriez donc largement favorable à des exemptions ciblées. Il doit y avoir un lien entre ce que vous dites et le fait que vos producteurs vous disent qu'ils subissent des chocs dans leur chaîne d'approvisionnement. Pour moi, il est probable, ou du moins je le suppose, que la ministre des Finances a pris en compte le fait qu'il y aurait des chocs dans la chaîne d'approvisionnement et qu'elle a peut-être essayé de stabiliser certains de ces secteurs en renforçant leur confiance, en suggérant que le 15, il y aurait des exemptions ciblées pour certains producteurs d'acier et d'aluminium.
     À mon avis, ces deux choses semblent logiques, ce que vous dites et ce que dit la ministre. Êtes-vous donc favorable à ces exemptions?
    Oui. Je ne peux pas vous dire exactement de quels types de produits nous parlons, mais oui.
    Il doit y avoir une certaine latitude dans notre économie commerciale pour examiner ces secteurs et leur apporter un certain secours.
     Quelle est donc la prochaine étape? Quelle est la prochaine étape pour réduire cette dépendance si nous devons avoir des exemptions ciblées qui, selon vous, ne nous rapprocheront pas de nos homologues américains? Y a‑t‑il un moment où vous recommanderiez que nous disions que personne n'obtient plus d'exemptions et qu'il y ait un processus pour aller de l'avant? Ou s'agit‑il d'un processus qui, pour vous et pour l'industrie, est vide et sans avenir, et vous vous contenterez de vous laisser porter en attendant de voir où le marché aboutit?
    Si d'autres marchés produisent de l'acier, tant mieux et nous pouvons certainement cibler la Chine — avant les raisons pour lesquelles nous devons le faire. Ce n'est pas...
    Les producteurs sont donc en mode exploratoire.
     M. Keanin Loomis: Tout à fait.
     M. Blake Desjarlais: C'est bon à savoir.
     Deuxièmement, étant donné que le Canada a décidé d'envisager des tarifs très bien intentionnés pour protéger notre industrie, prévoyez-vous que d'autres pays imposeront des tarifs de représailles malveillants?
    Je pense que nous l'avons déjà vu avec d'autres produits que nous produisons ici. De nombreux fabricants ont des relations étroites avec l'industrie du canola, par exemple. L'un de mes collègues de l'Alberta m'a informé que son frère, qui est agriculteur, lui a dit au repas de l'Action de grâce qu'il a été touché par des représailles tarifaires. Le point de vue est beaucoup plus nuancé dans l'Ouest, par exemple, que dans l'Est. Cela fait six mois que j'occupe cette fonction et je constate toutes sortes de différences régionales incroyables parmi les membres. Oui, les gens le ressentent, certainement dans l'Ouest, lorsque cela s'étend aux produits de base qui sont également produits dans leur province.
    Merci beaucoup.
     Chers collègues, je vais essayer de faire un deuxième tour de table, si possible. Comme nous avons été retardés au début, j'ai légèrement réduit le temps pour que tout le monde ait un autre tour, si c'est possible.
     Monsieur Martel, allez‑y, je vous en prie, pour quatre minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Monsieur Parks, quel est l'impact du dumping de pneus chinois sur la compétitivité de Kal Tire et du secteur du pneu au Canada?

[Traduction]

    La compétitivité de notre industrie repose sur la capacité à gagner suffisamment d'argent pour soutenir notre personnel et nos programmes connexes. Lorsque nous sommes confrontés à ces pneus et que nous ne pouvons pas aller dans un chantier forestier ou dans une installation de camionnage et être compétitifs, nous ne pouvons pas égaler à quelques centaines de dollars près le prix auquel ils achètent ces pneus chinois bon marché. Nous ne pouvons absolument pas être compétitifs.
     Nous essayons donc de mettre l'accent sur le service, parce que le produit est maintenant jetable. Nous demandons ce que nous pouvons faire pour réparer leur véhicule ou parfois installer les pneus pour eux ou réparer d'autres choses sur leur véhicule, au lieu de faire en sorte que le produit fasse partie du processus de vente.
(1250)

[Français]

     Pour le moment, vous réussissez à survivre même si l'actuel gouvernement n'a pas pris de mesures fermes à ce sujet.
    Que risque l'industrie canadienne à long terme si des mesures ne sont pas prises?
    Pourra-t-on continuer à fonctionner indéfiniment dans cette industrie sans que des mesures fermes soient appliquées?

[Traduction]

    Je dirais que nous ne pouvons pas survivre à long terme sans des mesures fortes dans ce secteur, et je citerais quelques raisons à cela.
     Votre observation selon laquelle nous survivons est probablement exacte. Nous survivons à peine. Nous exploitons bon nombre de ces usines de rechapage en dessous du prix de revient. Nous perdons de l'argent sur chaque pneu que nous vendons, parce que nous essayons de nous refaire sur le service. Ce n'est pas viable à long terme.
     Pour répondre à vos autres questions sur l'impact à long et moyen terme sur l'industrie, je pense qu'il est très important. Il se trouve que nous avons 290 magasins dans tout le Canada, d'un océan à l'autre. Nous sommes présents dans de nombreuses petites villes et localités où il n'y aurait normalement pas de commerce de pneus. Nous sommes en mesure de le faire parce que nous nous occupons des véhicules de tourisme et des camionnettes et qu'il y a un secteur des ressources naturelles en pleine effervescence, qu'il s'agisse de produits forestiers, d'exploitation minière, et j'en passe. Faute de pouvoir rivaliser, certains magasins risquent de fermer. Lorsqu'on commence à fermer ces magasins à long terme, c'est un impact matériel pour le secteur et, je pense, pour l'industrie du transport dans son ensemble.
     J'aimerais ajouter un dernier point, si vous le permettez. Chaque morceau d'acier dont nous parlons dans cette conversation est transporté de l'usine à sa destination sur ces mêmes pneus.

[Français]

     Monsieur Parks, quelle est la stratégie de Kal Tire pour garantir la durabilité et l'éthique dans ses chaînes d'approvisionnement, surtout devant la menace actuelle?

[Traduction]

    Nous essayons de mettre l'accent sur ce que nous faisons le mieux. D'une part, c'est le service. Nous insistons sur ce point dans notre stratégie. D'autre part, nous sommes le seul fabricant et rechapeur au Canada à prendre des pneus rechapés, à utiliser le polissage et à l'envoyer à la seule usine canadienne de polymères dérivés de pneus, qui recycle ce matériau et le réintègre dans la chaîne d'approvisionnement.
     Nous pensons que ce faisant, nous agissons en bons citoyens. Notre éthique consiste à être de bons citoyens corporatifs durables.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Miao, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Je remercie nos témoins de leur présence.
     Monsieur Parks, j'aimerais vous demander si vous pouvez nous en dire plus sur le rechapage de ces pneus, car vous avez dit que c'était plus durable que n'importe quel autre pneu, surtout que ceux qui sont importés de Chine.
    Bien sûr. Une entreprise achète un pneu tout neuf. Il peut s'agir d'un pneu d'entrée de gamme, de milieu de gamme ou haut de gamme, mais c'est un pneu doté d'une bonne carcasse et fabriqué selon les normes habituelles. Elle utilise ce pneu jusqu'à la fin de sa durée de vie, puis elle nous l'envoie. Nous le recevons. Un processus très complexe permet de l'inspecter pour garantir que la carcasse n'est pas endommagée. Ensuite, nous le plaçons dans une polisseuse et cette machine élimine l'ancienne bande de roulement. On l'entoure de gomme et on y colle une nouvelle bande de roulement. On le scelle et on le fait cuire pendant quelques heures pour en faire un nouveau pneu. Le pneu est ensuite soumis à un nouveau processus d'inspection.
     En théorie, il est possible de procéder ainsi à l'infini, mais nous rechapons généralement les pneus trois fois en moyenne. Il est possible de le rechaper jusqu'à cinq fois. Certaines entreprises le font un nombre illimité de fois, mais tout dépend de la qualité de la carcasse et des dommages qu'elle a subis au cours de sa vie.
    Cela s'applique-t‑il uniquement aux véhicules commerciaux ou également aux véhicules de tourisme et aux camionnettes?
(1255)
    En Amérique du Nord, à l'heure actuelle, cela ne s'applique qu'aux pneus commerciaux. Lorsque nous étions tous jeunes, les pneus rechapés sur les véhicules de tourisme étaient plus logiques et économiquement viables. Depuis la fin des années 1990 ou le début des années 2000, il y a eu très peu de rechapage de pneus pour véhicules de tourisme parce qu'il n'y a pas assez de matière dans le produit pour qu'il soit logique d'y ajouter de la main-d'oeuvre pour le rechaper, alors qu'un pneu de camion contient une énorme quantité d'acier, beaucoup de caoutchouc, beaucoup de technologie, franchement, et le talon du pneu. C'est pourquoi ils coûtent si cher, parce que beaucoup d'éléments entrent en jeu et qu'il est logique de les rechaper.
    Quelle serait la différence entre les pneus d'un véhicule électrique et ceux d'un véhicule à essence ordinaire, du point de vue commercial, si nous nous dirigeons vers cette transition?
    Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question.
    Si j'ai bien compris, les véhicules électriques utilisent un type de pneu différent, en raison de l'adhérence. Un véhicule à essence est équipé des pneus que nous utilisons jusqu'à présent.
    C'est exact. Ce n'est pas nécessairement un type de pneu différent; c'est peut-être une construction plus lourde. Le couple des véhicules électriques use le caoutchouc beaucoup plus rapidement. Avec un tel couple, il est en fait possible de décoller la bande de roulement de la carcasse; il faut donc équiper ces véhicules de pneus de très bonne qualité.
     Nous n'avons pas encore vu à quoi ressemblerait l'hypothétique nouveau pneu pour camion électrique. Du moins, je ne sais pas à quoi il ressemblerait explicitement. En général, les véhicules électriques nécessitent un pneu de meilleure qualité, de construction plus robuste et plus technologique. C'est ce à quoi les Michelin, Goodyear et Bridgestone de ce monde consacrent beaucoup de temps — à travailler sur la technologie.
    Tout à l'heure, vous avez parlé du dumping de pneus. Pouvez-vous nous dire quelle est l'approche adoptée par les États-Unis en ce qui concerne ce dumping de pneus jetables ou à usage unique?
    Contrairement au Canada, les États-Unis ne disposent pas d'un régime de recyclage aussi solide qu'au Canada. Ici, on paie un bon montant à l'achat d'un pneu pour financer le recyclage. Le recyclage est géré par des contrats passés par le gouvernement. Aux États-Unis, tout se fait dans le secteur privé. Le recyclage général est très peu développé.
     En raison des droits de douane, les États-Unis n'ont pas les mêmes pneus jetables qu'ici. J'ai passé une bonne partie de ma carrière aux États-Unis à travailler sur ce même problème pour une entreprise presque identique. Nous n'avions pas ce problème de dumping de pneus là‑bas après 2019.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Savard-Tremblay, vous disposez de deux minutes.

[Français]

     Monsieur Loomis, si vous le voulez bien, je vais vous poser la question que je voulais vous poser sur la révision de l'ACEUM, qui doit avoir lieu l'an prochain.
     Avez-vous des recommandations à faire à Ottawa? Dans quels dossiers devrait-on exercer davantage de pressions?

[Traduction]

    À dire vrai, nous avons été heureux de sortir à peu près indemnes des négociations de l'ACEUM. Cela aurait pu être bien pire. À cet égard, je pense que le gouvernement a fait du très bon travail et s'est montré très habile dans ses négociations avec un négociateur difficile.
     Nous verrons évidemment dans quelques semaines à qui nous aurons affaire. Je pense que, de manière générale, nous aimerions ne pas nuire et maintenir notre accès au marché américain. C'est la chose la plus importante pour moi. Par ailleurs, nous devons examiner l'autre partenaire de cet accord tripartite et voir si les choses ont changé. Le gouvernement canadien était très... Il y avait très peu d'écart entre nous et le Mexique en raison des aspects intéressants de la négociation de cet accord.
     Je pense que la situation sera différente cette fois‑ci. Je pense que nous devrions certainement travailler avec les États-Unis pour comprendre les impacts des investissements chinois au Mexique, qui ont miné une grande partie de l'ACEUM.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Desjarlais, vous disposez de deux minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Pour continuer sur cette lancée, vous avez mentionné à plusieurs reprises que le Canada n'est pas le méchant ici, que ce rôle doit revenir au Mexique. Cela se produit souvent dans divers comités, pas particulièrement ici, où nous sommes témoins d'une tentative d'embrouiller — je ne veux pas attribuer d'intention malveillante — le sujet de notre étude. Il y a des problèmes liés à la production nationale d'acier, comme le dumping d'entreprises étrangères au Canada. Nos mesures de protection sont plus faibles que celles de nos homologues américains. C'est un fait avéré.
     Vous citez également un fait très important, à savoir qu'en plus des vulnérabilités du Canada, le Mexique est hypervolatil dans ses interventions visant à perturber notre stabilité pour assurer la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des fabricants d'acier d'ici.
     Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par « investissements au Mexique »? Parlez-vous d'investissements dans des projets d'immobilisations, d'investissements dans l'innovation, la science et la technologie, ou d'investissements dans la résilience de la chaîne d'approvisionnement, par exemple? Où se situent ces investissements au Mexique et en quoi nuisent-ils aux utilisateurs, fabricants et producteurs d'acier canadiens?
(1300)
    D'après ce que je comprends, il y a beaucoup d'investissements chinois pour acheter des entreprises mexicaines et ainsi utiliser cette capacité pour contourner certaines règles ou être le genre de...
    Parlez-vous d'une société-écran? Au sein de ce comité, nous avons souvent entendu parler de sociétés, presque des sociétés-écrans dans un pays afin de simplement traiter le matériel. Ou bien parlez-vous d'investissements dans de véritables biens d'usine, comme des outils de fabrication et de production?
    Donnez une réponse brève, monsieur.
    Je suis probablement un peu en dehors de mon élément. J'aimerais poser la question aux intervenants précédents, parce qu'ils sont de bien meilleurs observateurs et analystes de la Chine que moi. Je devrais probablement m'en tenir là.
    Merci beaucoup.
     Nous allons donner la parole à M. Williams pour quatre minutes, si vous voulez bien, puis à M. Arya.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Parks, je dois dire que je suis très alarmé aujourd'hui par votre témoignage. Il semble que nous sommes devant un risque important pour l'industrie nationale du pneu, une industrie importante qui comporte des milliers d'emplois. Il semble que tous les autres pays du G7 maîtrisent la situation. Il semble que ce risque soit passé sous le radar.
     Je tiens à parler brièvement de la concurrence dans votre secteur. Celle‑ci a manifestement un effet majeur. Au cours des neuf dernières années, votre secteur a‑t‑il également connu d'autres augmentations de coûts qui menacent les emplois au Canada? Y a‑t‑il d'autres coûts qui ne vous aident pas à être compétitifs, sans parler de l'inondation du marché par des pneus chinois bon marché?
    Rien ne me vient à l'esprit qui soit suffisamment important pour être noté. Il y a l'augmentation des coûts que tout le monde subit, bien sûr, mais il n'y a rien... Nous achetons un produit fini. Il est certain que le coût de la gomme de la bande de roulement d'un pneu rechapé a considérablement augmenté au cours des neuf dernières années. Nous attribuons cela au pétrole. Nous l'attribuons à l'économie. Elle est fabriquée en grande partie aux États-Unis, mais nous n'avons jamais rien vu de tel.
    Pour ce qui est des camionneurs et des entreprises canadiennes qui achètent le produit le moins cher, ils savent qu'il n'est pas en vitrine. On ne le voit pas sous les projecteurs. Il semble qu'il s'agisse d'un sous-marché, et ils achètent ces pneus moins chers. Est‑ce parce que leurs coûts ont augmenté et qu'ils essaient d'économiser de l'argent? Pourquoi achètent-ils ces pneus moins chers?
    Je pense que c'est comme ce que nous vivons tous. Lorsque vous devez faire un choix économique intelligent entre un pneu de première qualité et un tas de pneus rechapés, vous pouvez faire le calcul et dire: « C'est logique, mais je dois payer plus aujourd'hui, au lieu de payer moins maintenant, alors que je suis là à regarder un pneu crevé ». Je pense que c'est presque aussi simple que cela. C'est en partie pour cela que j'ai dit que nous réoutillons notre personnel pour qu'il aille sur le terrain et essaie d'expliquer la proposition de valeur d'un pneu rechapé par rapport à un pneu bon marché et jetable. Nous parlons aux agriculteurs, aux bûcherons, aux éleveurs et aux gens qui sont parfois à court d'argent et qui ont besoin d'un pneu tout de suite, alors ils sont heureux d'acheter un pneu à un prix inférieur.
    Oui, c'est ce que nous disent les agriculteurs et les camionneurs, qui affirment que la taxe sur le carbone et d'autres coûts rendent les choses plus difficiles, et je suis donc certain qu'ils recherchent des options moins chères.
     Monsieur Loomis, je veux changer de sujet un instant et parler du besoin d'acier canadien. Quelle quantité d'acier utilise‑t‑on actuellement dans les méga-usines de véhicules électriques que le gouvernement a annoncé qu'il subventionnait? Connaissons-nous la quantité d'acier canadien? Cela figure‑t‑il dans le contrat, ou savez-vous si les travailleurs tirent des avantages de ces méga-usines?
    Ce n'est pas dans le contrat. Elles ne sont pas tenues d'utiliser de l'acier fabriqué au Canada ou de l'acier canadien, simplement. Nous espérons que des entreprises comme VW, par exemple... Nous comprenons qu'une décision est imminente quant à l'endroit où elles vont se procurer l'acier fabriqué et aux entreprises auxquelles elles vont faire appel pour la construction de l'usine. Nous les encourageons vivement à se tourner vers les fabricants canadiens.
     L'un des problèmes est qu'il existe une présomption selon laquelle nous n'avons pas la capacité de fabriquer de l'acier. Ce n'est pas le cas. En fait, nous avons une industrie très cohérente dans la mesure où un grand nombre de nos membres peuvent s'associer pour faire en sorte que nous avons cette capacité. Dorénavant, nous partons du principe que tout projet financé par le gouvernement devrait utiliser de l'acier fabriqué au Canada, car il s'agit de l'argent des contribuables — de l'argent des contribuables qui est investi dans nos collectivités avec un rendement quatre fois supérieur, et il s'agit là d'une estimation prudente. Nous obtenons un rendement quatre fois plus élevé en utilisant de l'acier fabriqué au Canada, sans compter que le risque est beaucoup plus faible et qu'il y a moins de perturbations dans la chaîne d'approvisionnement.
(1305)
    Oui, c'est alarmant pour moi, 50 milliards de dollars et pas d'acier canadien. C'est incroyable.
    Merci beaucoup, monsieur Williams.
     Monsieur Arya, la parole est à vous pour quatre minutes.
    Monsieur Parks, en vous voyant, cela me rappelle que je dois confirmer mon rendez-vous chez Kal Tire. Je dois dire que le service a été très bon. Je l'utilise depuis des années.
     J'ai écouté attentivement vos observations. Je comprends que nous ayons tous besoin de produits bon marché parce que tout est cher. Je comprends également votre point de vue selon lequel nous devons imposer des tarifs sur les produits importés dont le prix est inférieur au coût des matières premières, comme vous l'avez dit.
     En même temps, je ne veux pas être perçu comme soutenant un monopole ou un oligopole. Combien d'entreprises de rechapage de pneus y a‑t‑il au Canada?
    Je ne connais pas le chiffre exact. Je dirais qu'il y en a probablement entre 75 et 150.
    Je suis heureux de l'entendre, car lorsque j'ai vérifié avec mon ChatGPT, il a dit que Bridgestone, Michelin et une ou deux autres entreprises contrôlaient 70 % du marché, ou quelque chose comme cela, mais ce n'est pas le cas. Est‑ce exact?
    Ce qu'ils contrôlent est... Quelques entreprises seulement fabriquent la bande de roulement, mais les personnes qui peuvent faire le travail de rechapage... Il y a beaucoup de magasins de pneus familiaux, indépendants, qui ont ce qu'on appelle une « chambre » où ils peuvent cuire le pneu. Ils rechapent sur place, et c'était très courant...
    Je comprends le rechapage. Je suis né et j'ai grandi en Inde, où la plupart d'entre nous n'utilisent que des pneus rechapés, qu'il s'agisse de voitures ou de camions.
     Je reviendrai à vous.
     Monsieur Loomis, vous comptez également parmi vos membres des fabricants d'acier. Est‑ce exact?
    Pas tous, mais oui, certains d'entre eux.
    D'accord, je vais y venir. Vous avez mentionné que certains produits sidérurgiques ne sont pas fabriqués au Canada. Avez-vous dit que nous ne devrions pas leur imposer de tarifs?
    Non. Bien sûr, lorsqu'il s'agit de produits provenant de la Chine, une économie non marchande, oui, nous devrions le faire.
    En ce qui concerne les produits qui ne sont pas fabriqués au Canada, s'ils viennent de Chine, vous voulez que des tarifs soient imposés. C'est exact?
    C'est exact.
    Avez-vous dit que pour les contrats du gouvernement fédéral, nous devrions stipuler que l'acier local doit être utilisé?
    Nous devrions stipuler que le travail de fabrication est effectué au Canada par des fabricants canadiens certifiés.
    Si le gouvernement américain devait stipuler que les contrats du gouvernement fédéral américain ne doivent utiliser que de l'acier américain, qu'en penseriez-vous?
     C'est certainement une préoccupation pour nous. Encore une fois, si nous avions le commerce...
    Ne voyez-vous pas qu'il y a une grande différence entre ne pas vouloir que les États-Unis imposent la condition de l'utilisation de produits locaux et vouloir que ce soit nous, au Canada, qui l'imposions? Comment est‑ce possible alors que nous voulons le libre-échange, au moins entre alliés?
    Tout ce que nous demandons, c'est la réciprocité. La plus grande partie de notre travail sera effectuée aux États-Unis. C'est la nature même de nos activités.
    Vous savez, dans l'industrie sidérurgique, la capacité installée n'a pas augmenté au cours des 20 dernières années parce que toutes les entreprises sidérurgiques canadiennes appartiennent désormais à des intérêts étrangers. Elles ne veulent pas augmenter la capacité au Canada. Nous avons les matières premières. Nous avons le talent. Nous avons tout ce qu'il faut et elles ne veulent pas exporter ailleurs qu'aux États-Unis ou au Mexique, alors que nous concluons des accords de libre-échange dans le monde entier. Comment cela se fait‑il? Comment pouvons-nous laisser notre industrie sidérurgique être étranglée? C'est le mot que je veux utiliser, mais je l'utilise avec beaucoup de circonspection. Le nombre de travailleurs dans l'industrie sidérurgique est en baisse. La capacité installée n'augmente pas. Tout cela est dû à la propriété étrangère. Qu'en pensez-vous?
    Il est certain qu'il y a eu beaucoup d'innovation dans l'industrie, ce qui a entraîné une baisse de la main-d'oeuvre.
    L'élément fondamental est...
    Je suis désolée, monsieur Arya, mais votre temps est écoulé. M. Loomis peut peut-être ajouter quelques éléments en privé.
     Je remercie nos témoins pour les renseignements très utiles qu'ils nous ont fournis. Nous vous en sommes reconnaissants.
     La séance est levée.
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