Bienvenue à la 107 e réunion du Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 6 juin 2024, le Comité reprend son étude sur l'expansion du pipeline Trans Mountain.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais rappeler aux participants les points suivants.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Chers collègues, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou par Zoom. Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions. J'utilise ces deux cartes. La jaune est un avertissement de 30 secondes, et la rouge signifie que le temps est écoulé. J'essaierai de ne pas vous interrompre au milieu d'une phrase.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins pour l'étude d'aujourd'hui. Nous recevons, à titre personnel, David Detomasi, professeur à l'Université Queen's; David Gooderham, avocat, qui témoigne par vidéoconférence; et Trevor Tombe, professeur d'économie à l'Université de Calgary, également par vidéoconférence. De Project Reconciliation, nous accueillons Stephen Mason, chef de la direction et directeur général principal.
Vous disposerez d'un maximum de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Nous allons commencer par David Gooderham, qui se joint à nous par vidéoconférence.
Vous disposez de cinq minutes, monsieur.
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Je remercie le Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
L'objectif déclaré du Canada d'atteindre la carboneutralité d'ici 2050 a été inscrit dans la loi en juin 2021.
Monsieur le président, je considère que le cadre juridique actuel est tout à fait inadéquat pour faire face à l'extrême gravité des défis auxquels nous sommes confrontés. C'est le cadre de la structure juridique existante. Le plan de carboneutralité du Canada prévoit que d'ici 2050, les émissions annuelles restantes du Canada seront compensées par le captage et le stockage du carbone et par l'élimination du dioxyde de carbone, des technologies qui auront la capacité d'éliminer d'énormes quantités de CO 2 de l'atmosphère par des émissions négatives.
Il y a une donnée cruciale qu'on ignore, toutefois: le niveau des émissions restantes du Canada en 2050. Le plan se fonde sur l'hypothèse voulant que d'ici 2050, les émissions restantes, quelles qu'elles soient, seront entièrement compensées par le captage et le stockage du carbone et par l'élimination du dioxyde de carbone. La promesse politique, c'est que le déploiement à grande échelle du captage et du stockage du carbone, par exemple, nous permettra de retarder toute réduction importante à court terme de la production pétrolière et gazière du Canada.
Les développements survenus depuis 2021 nous obligent à réexaminer ce cadre stratégique et ses hypothèses. L'Agence internationale de l'énergie, ou AIE, a publié son scénario mondial intitulé « Net Zero by 2050 » en mai 2021. L'AIE a conclu que pour nous donner une chance réaliste de limiter l'augmentation du réchauffement à 1,5 degré Celsius, la production mondiale de pétrole doit diminuer de 50 % d'ici 2040 et de 73 % d'ici 2050.
Le scénario de 1,5 degré Celsius de la Régie de l'énergie du Canada, ou REC, publié en juin 2023, accepte l'exactitude de cette conclusion de l'AIE. La REC admet que pour respecter le scénario de 1,5 degré Celsius, la production de pétrole du Canada doit diminuer, passant de 5,5 millions de barils en 2030 à 2,8 millions de barils d'ici 2040.
De plus, à l'automne 2023, l'AIE et plusieurs autres organismes de recherche ont publié une série de nouvelles études où ils examinent en détail la faisabilité d'un déploiement à grande échelle, d'ici 2050, des technologies envisagées d'élimination du dioxyde de carbone. Ils concluent qu'à l'échelle mondiale, la capacité annuelle de captage et de stockage du carbone pourrait atteindre jusqu'à 3 milliards d'ici 2040 et jusqu'à 6 milliards d'ici 2050. En ce qui concerne les technologies envisagées d'élimination du dioxyde de carbone qui ont la capacité d'éliminer le CO 2 de l'atmosphère, l'AIE a fait une mise en garde selon laquelle l'élimination annuelle de 1,7 milliard de tonnes par année s'approche probablement de la limite supérieure de ce qui est possible d'atteindre d'ici 2050. D'autres sources acceptent que cette quantité puisse aller jusqu'à trois milliards de tonnes par année.
En revanche, le niveau annuel d'émissions provenant de l'utilisation du pétrole, du gaz et du charbon a atteint 37 milliards de tonnes de CO 2 en 2022. Selon le scénario des étapes de l'AIE, le niveau annuel projeté ne diminuera que légèrement d'ici 2050, pour atteindre 29,5 milliards de tonnes. Par rapport à ces chiffres, des émissions négatives de l'ordre de six à huit milliards de tonnes par année sont des broutilles.
Le caractère opaque du concept de carboneutralité nous a malheureusement permis d'éluder tout examen public détaillé de la dure réalité, c'est‑à‑dire que pour respecter les engagements en matière de carboneutralité d'ici 2050, en l'absence de réductions substantielles à court terme de la production de pétrole, de gaz et de charbon, il faudrait déployer les technologies d'élimination du dioxyde de carbone à une échelle extraordinaire d'ici 2050, une échelle que l'AIE a qualifiée d'« inconcevable ».
J'exhorte le Comité à entreprendre un réexamen complet de la question pour déterminer si le cadre juridique du Canada pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050 devrait maintenant être revu. L'objectif unique actuel, qui englobe à la fois les réductions et les éliminations futures, serait morcelé pour servir des objectifs distincts. Les objectifs et les échéanciers pour atteindre les émissions négatives seraient établis séparément et explicitement, ce qui nous laisserait un objectif de réduction des émissions distinct pour 2050.
En conclusion, les promesses selon lesquelles le déploiement du captage et du stockage et de l'élimination du dioxyde de carbone au Canada peut protéger nos enfants contre un réchauffement supérieur à 1,5 degré Celsius alors que nous continuons à augmenter notre production de pétrole en fonction de la hausse de la demande mondiale sont déconnectées de la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
L'impératif essentiel et immédiat pour que nous ayons la moindre chance de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius, c'est de réduire fortement la production mondiale de pétrole d'ici 2040. La production de gaz naturel doit diminuer d'autant.
En conclusion, si ces réductions n'ont pas lieu, aucune quantité possible de technologie de captage et de stockage du carbone et d'élimination du dioxyde de carbone ne pourra changer l'issue.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui de l'expansion du pipeline Trans Mountain.
Je traiterai aujourd'hui des répercussions financières et économiques du projet. Cet élargissement a été une entreprise d'envergure qui a durée environ 11 ans entre la demande initiale et l'achèvement, soit six ans de plus que prévu. Il y a également eu d'importants dépassements de coûts, la facture étant passée d'environ 5 milliards de dollars en 2013 à environ 34 milliards de dollars aujourd'hui.
Le coût est si élevé qu'il faut se demander si cela en valait la peine. À mon avis, la réponse est évidente: oui, c'est le cas, et cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Il y a deux raisons principales pour lesquelles je fais cette affirmation.
Premièrement, les contribuables ne paieront pas la note du pipeline comme beaucoup le craignent. Je vais clarifier mes propos dans un instant. Deuxièmement, les avantages économiques généraux du pipeline pour le Canada dépassent de loin ses coûts.
Permettez-moi de commencer par les répercussions sur les contribuables. Nombreux sont ceux qui craignent, en raison des dépassements de coûts, que les contribuables essuient des pertes importantes parce que le gouvernement est propriétaire du pipeline, mais les données financières récentes portent à croire que c'est le contraire. Les producteurs de pétrole assumeront une part importante des dépassements de coûts grâce à des droits plus élevés d'environ 11 $ le baril. Bien que ce soit beaucoup plus élevé que prévu initialement, c'est quand même mieux que de compter sur des options de transport ferroviaire plus coûteuses, qui étaient la solution de rechange.
De plus, une grande partie des dépassements de coûts du projet ont été financés par emprunt, et c'est important pour deux raisons. Premièrement, tout acheteur futur du pipeline n'aura pas à payer littéralement la totalité des 34 milliards de dollars pour éviter aux contribuables de perdre de l'argent. L'acheteur pourrait plutôt assumer cette dette. Deuxièmement, les intérêts sur cette dette sont gérables grâce aux recettes futures tirées du pipeline. On prévoit qu'il générera bientôt des revenus annuels d'environ 3 milliards de dollars, alors que les dépenses de fonctionnement seront bien inférieures à 500 millions de dollars. Même après avoir payé les intérêts de 1,6 milliard de dollars, il reste encore assez d'argent pour commencer à rembourser la dette. Au fil du temps, les taux d'intérêt baisseront, les revenus se bonifieront et la rentabilité du pipeline augmentera pendant de nombreuses années.
En évaluant le pipeline aujourd'hui, je pense que nous devons tenir compte de la valeur temporelle de l'argent. Si nous appliquons, disons, un taux d'actualisation de 8 % sur les gains futurs projetés en fonction des récentes données financières du pipeline présentées à la REC, cela donne à penser que — selon le scénario envisagé pour les 20 prochaines années avant l'amortissement et les intérêts — les gains sont évalués entre 26 et 38 milliards de dollars. Si l'on soustrait les dépenses, les paiements d'intérêts, le remboursement de la dette et d'autres sommes, il reste un solde approximatif d'au moins 4,2 milliards et d'au plus 8,6 milliards de dollars au bout de ces 20 ans. Ici encore, il s'agit de la valeur actuelle.
Il y a des risques dans toutes les prévisions, bien entendu, mais même avec les dépassements de coûts, le pipeline pourrait très facilement, selon le scénario, valoir plus que les 4,5 milliards de dollars que le gouvernement l'a payé en 2018.
Les avantages économiques généraux du pipeline pour le Canada sont également considérables. Comme il s'agit d'infrastructures essentielles, ces avantages économiques généraux ne peuvent pas être négligés. Pour les producteurs de pétrole, les avantages sont évidents. Le pipeline attendu peut maintenant transporter près de 900 000 barils par jour, ce qui équivaut à environ 1 300 wagons. Cela leur offre un accès à moindre coût aux marchés internationaux, ce qui tend à faire augmenter les prix pour les producteurs canadiens.
Même les producteurs qui n'utilisent pas directement le pipeline bénéficieront de la réduction de l'écart de prix entre le pétrole canadien et le pétrole étranger, mais il est difficile de dire exactement dans quelle mesure. Je ne fournirai pas mes propres estimations ici, mais dans une analyse récente, la REC a estimé qu'une capacité pipelinière adéquate pourrait réduire cet écart d'environ 9 $ le baril. Compte tenu de la production quotidienne de pétrole au Canada, les gains s'accumulent rapidement.
Si on se réfère au document intitulé Avenir énergétique du Canada en 2016 de la REC, par exemple, on peut estimer que, d'ici 2040, il en coûterait près de 240 milliards de dollars en dollars d'aujourd'hui à l'économie canadienne si les infrastructures de pipeline n'avaient pas été élargies. Ainsi, les projets comme Trans Mountain nous évitent des coûts importants. Ces gains économiques donnent à penser que le pipeline s'autofinancera en bonne partie en augmentant le PIB, et ces avantages s'étendront bien au‑delà de l'Alberta.
En terminant, monsieur le président, je tiens à souligner que rien de ce que j'ai dit ici ne justifie les importants dépassements de coûts, et qu'il est important de mener des enquêtes sur les causes pour éviter de répéter les mêmes erreurs. Malgré les retards et les coûts supplémentaires, le pipeline demeure un actif incroyablement précieux et un élément d'infrastructure crucial pour l'économie canadienne.
Merci. Je me ferai une joie de répondre à vos questions et de discuter avec vous.
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Je remercie de nouveau le Comité de m'avoir invité et de me permettre de prendre la parole.
Je m'appelle David Detomasi. Comme le président l'a indiqué, je suis professeur à la Smith School of Business de l'Université Queen's. J'ai récemment publié un livre intitulé Profits and Power: Navigating the Politics and Geopolitics of Oil.
C'est dans le contexte de ce livre que j'écris mon deuxième ouvrage, et c'est sur ce que j'écris maintenant que se fonderont mes propos d'aujourd'hui. J'aimerais commencer par expliquer pourquoi la richesse économique du Canada nous offre un choix abondant dont la plupart des autres pays du monde ne bénéficient tout simplement pas.
Il y a manifestement au Canada bien des gens, beaucoup de Canadiens, qui souhaiteraient peut-être que nous n'ayons pas ces choix ou que nous ne les exploitions pas. Je voudrais leur donner un aperçu du système mondial dont ils pourraient tenir compte lorsqu'ils font ces jugements. J'aimerais que ces arguments soient consignés au compte rendu pour notre examen de Trans Mountain.
Tout d'abord, il y a la réalité du système énergétique actuel, qui, à mon avis, signifie de plus en plus que les Canadiens doivent penser au monde qui les entoure. L'abondance d'énergie actuelle du Canada, ainsi que l'abondance de nourriture, de bois d'œuvre et d'autres ressources, est une rareté historique. L'idée de les réduire volontairement est aussi moderne que notre idée de limiter la consommation d'aliments pour réduire l'obésité. Presque personne d'autre dans le monde n'a ce problème.
Je dirais que le plus gros problème du système énergétique mondial aujourd'hui, c'est que beaucoup trop de gens ont trop peu d'énergie; ils n'en ont pas assez. Sur les huit milliards d'habitants de la planète, deux milliards vivent quotidiennement dans une grave pauvreté énergétique. Quatre milliards de personnes dans le monde ont accès à l'énergie, mais cet accès n'est pas régulier, n'est pas prévisible et ne leur permet pas de développer leur plein potentiel.
Si la réduction de la misère humaine est un objectif général primordial ou une valeur canadienne, alors tout progrès vers cet objectif doit tenir compte de la résolution du problème énergétique pour les pauvres de la planète, et de la demande énergétique croissante du monde qui s'industrialise rapidement.
Pour ce faire, nous devons admettre certains faits évidents. La consommation d'énergie va augmenter, et je crois que le volume d'énergie émettrice de carbone augmentera également. De nombreuses régions du monde — y compris le continent africain, qui compte deux milliards d'habitants — ne font que commencer leur croissance et leur industrialisation. Selon mes dernières données, l'ensemble du continent africain utilise moins d'énergie que l'État de la Californie.
Le profil énergétique actuel de l'Inde ressemble à celui de la Chine en 2000, et ce pays montre qu'il est déterminé à suivre la voie de la Chine. Dans 20 ans, la consommation d'énergie de l'Inde sera probablement très proche de celle de la Chine actuelle, et la Chine poursuivra sa croissance.
Le carbone représente aujourd'hui environ 83 % du choix énergétique mondial. Même si nous pouvions réduire ce pourcentage à, disons, 70 % ou 60 % d'ici 2050, ce serait quand même un pourcentage important d'un très gros gâteau. La consommation de carbone ne disparaîtra pas dans le monde. En fait, elle va augmenter considérablement.
Troisièmement, la production d'énergie est un élément essentiel de la concurrence géopolitique. L'incidence du Canada dans les affaires géopolitiques globales peut sembler modeste — notre pays ne compte que 40 millions d'habitants dans un monde de 8 milliards d'habitants —, mais nous excellons dans les domaines du hockey, du sirop d'érable et de l'exploitation pétrolière et gazière.
Les récents événements mondiaux, notamment en Ukraine, ainsi que d'autres développements indiquent que la sécurité de l'approvisionnement énergétique est primordiale à la fois pour les personnes que je viens de mentionner et pour nos alliés, qui nous ont demandé à maintes reprises de leur offrir cette sécurité. Les pays bien approvisionnés en énergie se préoccupent moins d'en acquérir davantage, se soucient moins de leurs voisins, dépensent moins d'argent pour la défense, mènent moins de guerres et ont moins de conflits civils. Je peux vous montrer les recherches qui appuient mes dires.
La production d'énergie est essentielle au bien-être économique de notre pays, qui montre actuellement des signes inquiétants. Je suis sûr que le Comité est parfaitement conscient du retard qu'accuse le Canada sur le plan de la productivité. La valeur de notre production par travailleur est en baisse. La actuelle admet le problème dans plusieurs documents budgétaires, et la sous-gouverneure de la Banque du Canada est récemment allée jusqu'à qualifier le problème de productivité de véritable crise nationale.
Pour être clair, il y a 20 ans, le niveau de productivité du Canada générait un revenu par habitant à peu près équivalent à celui des États américains les plus riches. Aujourd'hui, nous sommes légèrement en retard sur l'Alabama en ce qui concerne le PIB par habitant, alors qu'il s'agit d'un des États les plus pauvres des États-Unis. Je pense que le fait d'assurer des niveaux de vie élevés et croissants grâce au développement énergétique canadien est un élément clé de ce casse-tête.
Notre capacité de générer de la richesse et de la prospérité s'amenuise. À l'heure actuelle, l'Organisation de coopération et de développement économiques prévoit que le Canada sera l'économie la moins performante de ses États membres et qu'il en sera ainsi pour les trois prochaines décennies. Nos niveaux d'endettement continuent d'augmenter, nos frais de service de la dette croissent, et même l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, a attiré l'attention sur le fait que c'est au mieux inquiétant.
L'industrie exportatrice canadienne la plus productive et la plus rentable est celle du pétrole, du gaz et de l'exploitation minière. Ces produits génèrent le plus de richesse par heure de travail travaillée, et constituent aussi, et de loin, nos exportations les plus précieuses. Comme l'a récemment souligné Jock Finlayson dans le Globe and Mail, sans les exportations d'énergie, notre déficit commercial cumulatif au cours de la dernière décennie dépasserait largement le billion de dollars, mais avec le pétrole et le gaz, nous atteignons plus ou moins l'équilibre.
L'exportation de ressources génère les revenus dont nous avons besoin pour acheter des biens et services dans le monde entier et contribue à générer l'argent dont nous avons besoin pour financer les programmes sociaux sur lesquels les Canadiens comptent de plus en plus partout au pays. Si nous n'avons pas ces industries et que nous ne les développons pas efficacement, les résultats seront dévastateurs pour l'économie canadienne et nos programmes sociaux.
Je dirai enfin que l'exploitation responsable des ressources naturelles peut être une expression et une réaffirmation des valeurs canadiennes. C'est bien simple: les Canadiens veulent manifestement que l'activité économique se déroule de manière durable et respectueuse de l'environnement, en reconnaissant et en respectant les droits des peuples autochtones. Soyons clairs: ce n'est pas toujours le cas pour l'exploitation du pétrole et du gaz dans le monde. En fait, c'est rarement le cas. De plus en plus, à mesure que les gens s'enrichissent et que...
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Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui de l'avenir de Trans Mountain.
Comme le président l'a indiqué, je suis le fondateur et le directeur général d'une vision appelée Project Reconciliation dans le cadre de laquelle nous étudions, depuis sept ans, la nécessité de modifier la façon dont sont autorisés les grands projets d'infrastructure comme Trans Mountain en vertu de l'obligation constitutionnelle de consulter. Nous ne discutons pas du fait qu'on promet des emplois pendant la construction et que toutes ces promesses s'envolent une fois le projet achevé, mais de la participation financière substantielle.
Je suis également président et chef de la direction d'une entreprise appelée Reconciliation Energy Transition. Nous administrons un important carrefour de gestion du carbone dans la région de Calgary, dans lequel les Autochtones possèdent des parts importantes.
Project Reconciliation a une vision claire et audacieuse: nous sommes prêts sur les plans du financement, de la gouvernance et de la répartition de la propriété pour faciliter la propriété autochtone de Trans Mountain jusqu'à 100 %. L'objectif consiste à ouvrir la voie vers la réconciliation économique, dans le cadre de laquelle les communautés autochtones ne sont pas de simples participants, comme je viens de le souligner, mais des dirigeants dans de grands projets grâce à une participation financière substantielle.
Project Reconciliation ne sera pas propriétaire de Trans Mountain. Nous sommes prêts à faciliter son achat au Canada à sa valeur marchande — et j'insiste sur le mot « valeur marchande ». Nous ne demandons pas au gouvernement de donner le pipeline aux peuples autochtones. Ces derniers — et nous sommes prêts sur le plan financier — l'achèteront au gouvernement fédéral à sa valeur marchande, et plus de 120 nations touchées en profiteront. Cela jetterait les bases de la richesse générationnelle autochtone, en amalgamant la gouvernance autochtone et la gouvernance d'entreprise afin de favoriser l'indépendance économique et l'intendance.
Notre plan garantit que les communautés autochtones touchées par le pipeline en profiteront sur le plan économique. La vente de Trans Mountain à des propriétaires autochtones n'est pas seulement une transaction économique: c'est un pas important vers la souveraineté financière des nations autochtones. Cette propriété permettrait aux communautés de réinvestir dans le logement, l'éducation, les services sociaux et la formation et le perfectionnement des jeunes Autochtones, et d'investir dans d'autres projets d'infrastructure, tout en réglant des problèmes de longue date et en réinvestissant.
Au cœur de cette vision se trouve le fonds souverain autochtone. C'est une vision qui nous est venue selon laquelle la propriété permettrait de constituer les fondations de la richesse générationnelle. À l'instar de ce que la Norvège a fait en instaurant le fonds souverain norvégien, on créerait un fonds souverain autochtone générationnel grâce auquel les populations autochtones prospéreraient et dont tous les Canadiens bénéficieraient. Les communautés autochtones prospères renforcent les économies locales, contribuent à une main-d'œuvre plus solide et favorisent l'unité nationale. En permettant la participation autochtone dès le début des grands projets, nous faisons en sorte que le développement soit durable, inclusif et en adéquation avec les objectifs plus généraux du Canada en matière de croissance économique, de justice sociale et de responsabilité environnementale.
J'ai déposé la première offre d'achat de 51 % de Trans Mountain en juillet 2019 auprès de l'ancien ministre des Finances, Bill Morneau. Des représentants de la Banque Nationale du Canada et le président de Project Reconciliation étaient avec moi à la réunion. Le ministre Morneau a aimé la proposition qui prévoyait une transaction à valeur marchande, un modèle de propriété reposant sur une répartition de la propriété basée sur la proximité de chaque nation à l'emprise du pipeline et sur une pondération de la population, ainsi qu'une structure de gouvernance accordant le droit de parole. Le ministre Morneau a essentiellement déclaré que le gouvernement du Canada construirait d'abord le pipeline, puis envisagerait de s'en départir, et nous y voilà, sept ans plus tard. En fait, si je fais le calcul, c'est cinq ans plus tard — sept ans avant que nous ne soyons prêts à déposer l'offre. Le ministre a statué que la participation financière devait être la solution.
Le dessaisissement de Trans Mountain est une occasion non seulement de respecter un engagement en faveur de la réconciliation — et, en fait, de faire un verbe actif à partir du terme « promesse non tenue » —, mais aussi de créer un avenir dans lequel les communautés autochtones sont des partenaires économiques à part entière de la prospérité du Canada. Une véritable réconciliation économique nous obligera tous, Autochtones et non-Autochtones, à travailler ensemble pour constituer des capitaux autochtones destinés aux projets futurs. Ce faisant, nous pouvons modifier le modèle d'affaires existant, accroître les répartitions annuelles et soutenir les services communautaires pour les générations futures.
Comme l'indique le rapport de TheFutureEconomy.ca, l'élimination de l'écart au chapitre des occasions offertes aux communautés autochtones ferait augmenter le PIB du Canada de 27,7 milliards de dollars par année, pour une augmentation de 1,5 %.
Cette vente présente plus qu'un simple avantage économique; elle permet de créer une nouvelle table où les communautés autochtones dirigent le processus de prise de décisions. Voilà qui contribue à bâtir un Canada plus fort et plus inclusif.
Bien que Project Reconciliation soit en suspens en attendant l'achèvement du pipeline, nous sommes allés de l'avant avec Reconciliation Energy Transition, ou RETI, comme base pour faciliter les partenariats financiers avec les Autochtones et les projets de transition énergétique. RETI a obtenu le contrat du projet de captage et de stockage du carbone dans la région du Grand Calgary. Cette initiative comprend également un projet de carburant d'aviation durable qui fournira du carburant d'aviation durable à l'aéroport international de Calgary. RETI s'est associé à la Sumitomo Corporation of the Americas au sein du carrefour.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Je remercie en particulier les témoins qui ont parlé avec tant d'éloquence et de force de la façon dont le projet Trans Mountain, les pipelines en général et l'exploitation du pétrole et du gaz profitent à l'ensemble du Canada. Ces infrastructures essentielles sont cruciales pour l'intérêt national du Canada et peuvent également contribuer à soutenir des alliés dans le monde entier.
Je vous remercie d'avoir si bien expliqué en quoi le développement énergétique dans le secteur pétrolier et gazier est absolument essentiel à l'épanouissement humain dans le monde et d'avoir souligné les possibilités de réconciliation qu'offrent ces infrastructures essentielles.
Monsieur Tombe, je commencerai par vous et vous interrogerai sur les dépassements de coûts, puisque vous vous êtes attardé à cet aspect dans votre exposé.
Comme vous l'avez souligné, bien sûr, le gouvernement a constaté un dépassement de coûts stupéfiant et ridicule dans le cadre du projet d'expansion. Des 5,4 milliards de dollars estimés initialement par le secteur privé, comme vous l'avez expliqué, la facture a aujourd'hui grimpé à 34 milliards de dollars.
Pourriez-vous expliquer au Comité comment ces dépassements de coûts se sont produits et comment cette estimation a pu être à ce point erronée?
Si vous avez quelque chose à dire sur l'une ou l'autre des politiques gouvernementales contre l'exploitation des ressources qui ont contribué à ces dépassements de coûts, de quelles politiques s'agit‑il et comment ce dépassement de coût est‑il survenu?
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C'est une excellente question. Je ne pourrai pas fournir une réponse quantitative précise.
Je pense qu'il faut mener une enquête pour déterminer les facteurs précis qui ont donné lieu à ces dépassements de coûts, et ils sont nombreux. Je pense aux obstacles réglementaires qui ont augmenté ces dernières années. Je dis cela non seulement en raison des récents changements dans la politique fédérale, mais dès le début des efforts déployés par le pipeline pour être mis en chantier, il y a eu des problèmes avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, par exemple, pendant que Kinder Morgan essayait de faire aller de l'avant ce projet.
Il y avait également des obstacles non réglementaires. La construction simultanée de Site C et de Coastal GasLink, par exemple, représente une certaine concurrence pour les ressources et la main-d'œuvre qualifiée, si vous voulez, qui peut accroître les coûts de tous ces projets. Les conditions sur le terrain se sont également révélées très différentes de ces estimations initiales.
De plus, la COVID‑19 et les hausses rapides des prix de certains matériaux dans le secteur de la construction sont également des facteurs.
Je dirais que le projet a été confronté à des problèmes regrettables, mais les retards réglementaires sont certainement un problème de taille. Ces projets de très grande envergure entraînent des coûts considérables avant toute activité de construction. Le fardeau réglementaire que les promoteurs doivent surmonter mais aussi les changements rapides et incertains de l'environnement réglementaire compliquent la planification et la gestion de ces projets d'infrastructure d'envergure.
Bien entendu, l'un des principaux échecs est que le gouvernement aurait pu déclarer l'expansion de Trans Mountain à l'avantage général du Canada. Il y avait certainement des choses que le gouvernement fédéral aurait pu faire pour ouvrir la voie à ce pipeline, dont la construction avait été approuvée par le secteur privé initialement. Je vous remercie de votre point de vue et de vos observations à ce sujet.
J'ai également remarqué que vous avez fait une observation sur la capacité adéquate des pipelines. J'aimerais vous demander si vous pensez que le Canada dispose actuellement d'une capacité suffisante en matière de pipelines — et, bien entendu, en tant que conservateurs pleins de bon sens, nous sommes en faveur des pipelines et nous savons que les capacités sont insuffisantes à l'heure actuelle pour pouvoir continuer d'accroître la production et les exportations.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les droits de péage? On s'attend à ce que ces droits soient imposés pour récupérer les coûts. Pouvez-vous nous donner une idée de l'augmentation prévue de ces droits de péage? La Régie canadienne de l'énergie, ou REC, a déclaré que la décision finale ne sera pas prise avant 2025. Si on s'attend à ce qu'ils soient plus élevés, quels sont les facteurs et les répercussions qui entraîneront cette augmentation?
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Il y a quelques éléments qui sont essentiels à propos de cette question.
Vous avez tout à fait raison. La majeure partie de la croissance économique et énergétique mondiale proviendra de cette région, et ce sera le cas pour les prochaines décennies. Il y a de bonnes raisons d'acheminer du pétrole et du gaz canadiens jusqu'aux côtes. Le trajet est plus court et moins cher, et liquéfier le gaz naturel est moins coûteux. Il y a toutes sortes de raisons, sur le plan économique.
D'un point de vue géopolitique, je pense qu'il serait préférable d'élargir le bassin de fournisseurs. Ce que je constate en ce moment dans le cas de la Russie, c'est que son économie se rétablit vigoureusement, même après toutes les sanctions que les pays occidentaux lui ont imposées en raison de la guerre en Ukraine. Elle y parvient principalement en vendant du pétrole et du gaz à la région indo-pacifique, qui s'étend en gros de l'Inde jusqu'à la Chine. Ces pays mettent ainsi en place un réseau d'infrastructures qui les lie davantage à la Russie. D'un point de vue géopolitique, c'est une erreur.
On peut considérer l'exploitation du pétrole, du gaz et des ressources comme étant un pont vers une nouvelle région. Les Canadiens ont toujours été connus pour l'exploitation des ressources, et c'est ainsi qu'ils ont toujours été perçus. Depuis des décennies, nous nous efforçons de dire que nous faisons d'autres choses aussi, mais personne ne nous croit vraiment. Lorsque nous concevons des technologies plus sophistiquées dans le secteur pétrolier et gazier, nous pourrions notamment les vendre à cette région. Les technologies que nous mettons au point constitueront la pièce maîtresse pour les produits à plus forte valeur ajoutée, et nous espérons que nos technologies vertes pourront ensuite être utilisées pour vendre et exploiter le pétrole et le gaz d'une manière qui tienne compte des valeurs canadiennes.
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La principale répercussion économique de l'expansion de ce pipeline et des infrastructures d'exportation en général est de réduire l'écart entre les prix reçus par les producteurs de pétrole d'ici et les prix mondiaux à l'étranger. Ce sont des projets comme celui‑ci qui réduisent cet écart, ce qui augmente le montant perçu par baril par les producteurs d'ici.
L'économie canadienne en bénéficie par l'entremise de plusieurs filières. Premièrement, dans la mesure où le projet favorise l'augmentation des investissements et de la production dans le secteur, il y aura une augmentation des achats de biens et de services fournis au secteur par des entreprises situées dans tout le Canada. Il y a d'importantes répercussions sur le commerce interprovincial. Il y a aussi les recettes gouvernementales qui sont gagnées au niveau fédéral, principalement par l'entremise d'une imposition plus élevée sur le revenu des sociétés en Alberta, grâce à l'impôt sur le revenu et les redevances, ainsi qu'à l'impôt sur le revenu des particuliers avec les revenus plus élevés des propriétaires et des travailleurs dans le secteur.
Plusieurs recherches ont été menées sur la façon dont les différentes provinces bénéficient des prix du pétrole. Bien entendu, des provinces comme l'Alberta, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador en bénéficient plus, puisqu'il s'agit de secteurs plus importants dans leur économie, mais presque toutes les provinces bénéficient de prix du pétrole plus élevés. Il y a une exception digne de mention pour le Nouveau-Brunswick, en raison de la part beaucoup plus importante des activités de raffinage dans cette province. Elle achète du pétrole en tant qu'intrant, mais c'est assez unique. D'autres provinces, y compris l'Ontario, le Québec, le Manitoba et la Colombie-Britannique, bénéficient de la hausse des prix du pétrole.
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Merci, monsieur le président.
Dans les remarques préliminaires que j'aimerais faire au Comité, je ne peux pas passer sous silence l'aspect choquant de certains propos que j'ai entendus de la part des témoins et dans les réponses qu'ils ont données. C'est comme s'il y avait un aveuglement volontaire ou une ignorance flagrante de la science. J'ai l'impression que c'est comme s'il n'y avait jamais eu de réunion de la Conférence des Parties et comme s'il n'y avait jamais eu de rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Pendant que la planète brûle et que l'avenir de nos enfants est en jeu, des gens disent qu'on s'en va dans le mur et que, l'important, c'est d'y aller encore plus vite.
Je suis vraiment un peu déstabilisé. C'est comme s'il y avait une absence de prise de conscience du sérieux de la situation en ce qui concerne les changements climatiques et ce que la science nous apprend, année après année. En effet, ce n'est pas nouveau. Encore une fois, cette année sera l'année la plus chaude de l'histoire, avec des hausses de température plus marquées et toutes les répercussions que ça a sur nos forêts, des sécheresses, des inondations ou encore l'acidification des océans. Malgré tout, des gens se réjouissent de produire davantage de pétrole et d'utiliser davantage de combustibles fossiles. C'est assez choquant.
Monsieur Gooderham, vous avez posé des bases qui sont, ma foi, les plus raisonnables ici. Pour atteindre un plan de carboneutralité en 2050, une diminution considérable de la production des combustibles fossiles doit survenir. Vous dites qu'il doit y avoir une diminution de 50 % d'ici 2030, soit dans six ans, et de 80 % d'ici 2050, si nous sommes sérieux dans notre démarche. Sinon, nous ne sommes pas sérieux, et nous souhaitons bonne chance à nos enfants et à nos petits-enfants.
Par contre, comment ce plan est-il compatible avec l'achat d'un oléoduc qui va tripler sa capacité, laquelle va augmenter de 600 000 barils par jour?
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Très bien, je pense qu'une partie de la réponse est liée à la question générale de votre réunion.
Il y a un instant, je pense que M. Tombe a dit que les risques liés à l'utilisation du pipeline se présenteront dans le futur, et l'un d'entre eux serait en fait le niveau de la demande mondiale de pétrole. Si nous voyons une diminution de la demande mondiale de pétrole conformément au scénario de 1,5 °C de l'AIE ou au scénario de carboneutralité à l'échelle mondiale de la Régie canadienne de l'énergie, la demande mondiale diminuera considérablement entre 2030 et 2040. Je ne suis pas en mesure de répondre à la question de savoir quelle sera l'incidence sur l'utilisation du pipeline TMX et son évaluation, mais il me semble qu'il s'agit d'un changement de circonstances extrêmement radical.
Pour cette raison, au début de ma déclaration, j'ai mentionné que je ne pensais pas que le cadre juridique existant soit adéquat pour répondre à la gravité extrême des défis auxquels nous sommes confrontés. Je vois deux défis. L'un d'eux est le défi climatique et l'obligation de prendre des mesures très draconiennes à très court terme et l'autre est le défi économique, car si nous y répondons, cela aura une incidence marquée sur de nombreux aspects de l'économie canadienne et l'industrie pétrolière et gazière. Je ne nie pas la gravité de ces répercussions, si bien que je dis que nous devrions garder les yeux grand ouverts pour au moins envisager la possibilité que le monde réagisse à temps aux effets dévastateurs des changements climatiques qui approchent à grands pas.
Pour conclure ma réponse, le bilan carbone mondial pour l'objectif de 1,5 °C est d'environ 207 milliards à 270 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. C'est tout ce qui reste pour nous permettre de ne pas dépasser l'objectif de 1,5 °C, et ce bilan sera épuisé d'ici les sept prochaines années. Après cela, toutes les émissions provenant de la production mondiale de combustibles fossiles seront rejetées dans l'atmosphère. Je veux dire par là qu'elles se poursuivront à un certain rythme après 2030, à un certain niveau, ou elles diminueront. Toutes ces émissions seront rejetées dans l'atmosphère et nous dépasserons l'objectif de 1,5 °C, ce qui signifie que si nous voulons revenir à un niveau de réchauffement sûr dans le monde, nous devrons disposer d'énormes capacités pour éliminer le dioxyde de carbone de l'atmosphère. Ce que nous faisons essentiellement à l'heure actuelle, c'est reporter les coûts et les possibilités de cette action pour que nos enfants et nos petits-enfants les assument. Après 2050, ils en paieront le prix si c'est faisable.
Il me semble qu'une véritable analyse économique se pencherait sur ces deux problèmes ensemble pour véritablement comprendre ce que signifie le fait de continuer à produire plus de pétrole.
J'espère avoir répondu à votre question.
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Il y a deux ou trois réponses à cette question.
Ce que nous enseignons à nos étudiants en administration, c'est qu'il n'est jamais avisé d'avoir un seul client pour notre produit, parce que ce client exerce alors un pouvoir sur nous, ce que nous ne voulons pas.
Ce que je dis, aussi, dans mon cours, c'est que l'un des plus grands mythes de la pensée économique canadienne est que les Américains sont toujours nos amis. Parfois c'est le cas; parfois ce ne l'est pas. C'est à eux de décider quel rôle ils jouent.
Les élections américaines approchent, et on ne sait pas encore qui va gagner, mais il est faux de supposer automatiquement que les États-Unis prendront des décisions en pensant à nous. Je ne pense pas qu'il y ait de preuve en ce sens. En fait, lorsque nous avons négocié l'accord de libre-échange en 1989, 1990 et 1991, les Américains s'intéressaient à notre énergie; c'est ce qui les a amenés à la table. Maintenant, ils ne s'y intéressent plus parce qu'ils en ont en abondance.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie mon ami M. Falk. Je suis d'accord avec lui: j'aimerais bien qu'il y ait une élection qui se joue sur la tarification du carbone au Québec; ce serait amusant, d'autant que cette tarification ne s'applique pas chez nous. Peut-être que nous ne verrons pas son chef à ce moment-là, qui sait.
Monsieur Detomasi, vous avez parlé de la possibilité de vendre les nouvelles technologies. Il me reste toujours en tête la visite de l'entreprise Siemens, à Berlin, que j'ai faite en compagnie du ministre . Siemens avait dit clairement au ministre qu'on ne verrait jamais le jour où on produirait de l'hydrogène à partir de gaz et d'une stratégie de capture de carbone, le coût technologique en étant beaucoup trop élevé et personne ne voulant se lancer là-dedans. Ces paroles m'ont fait réfléchir. Relativement à ces nouvelles technologies, beaucoup de promesses ont été faites, mais j'ai l'impression que, finalement, ça ne donne pas grand-chose.
Pour ce qui est du mouvement des entreprises, le Québec est aux prises avec un joyeux problème: tout le monde veut s'y installer, mais il n'y a pas suffisamment de blocs énergétiques. Le Québec est très attirant pour les grandes entreprises énergivores, mais je ne vois pas la même chose pour certaines entreprises, par exemple pour celles qui iraient s'installer en Alberta pour y produire de l'aluminium ou de l'acier avec une stratégie de capture de carbone.
Ne vend-on pas un peu de rêve quand on parle de toutes les nouvelles technologies qui vont permettre de réduire l'empreinte carbone du secteur gazier et pétrolier?
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Merci, monsieur Boulerice.
Je suis moi-même diplômé en commerce. Je comprends que nous avons des professeurs de commerce dans la salle. Ce que j'ai appris à l'Université Laurier, dans le cadre de ma formation, c'est qu'il faut écouter les experts et qu'il faut penser à long terme.
J'aimerais vous lire la citation d'un expert du domaine de la climatologie, Jim Skea, qui est coprésident du groupe de travail III du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.La citation remonte à avril 2022. M. Skeay a dit: « Si nous voulons restreindre le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, c'est maintenant ou jamais. Sans une réduction immédiate et importante des émissions dans l'ensemble du secteur, ce sera impossible. »
Je crois que l'une des raisons pour lesquelles les climatologues comme Jim Skea évoquent une telle urgence — d'après ce que je comprends de la climatologie —, c'est que nous avons des boucles de rétroaction. L'année dernière, les émissions du Canada étaient de 702 mégatonnes. Les émissions des feux de forêt, qui sont de plus en plus fréquents et de plus en plus extrêmes en raison de la crise climatique, n'apparaissent pas sur notre bilan climatique, mais elles représentent 647 mégatonnes. C'était avant les feux de forêt de Jasper et toute la dévastation qui en a découlé.
Il y a aussi le coût social associé au carbone, et on veille à ce qu'il reflète la réalité des dommages causés par le carbone dans l'atmosphère à cette étape‑ci de la crise climatique. Ce coût est utilisé par plusieurs pays dans le monde, notamment le Canada et les États-Unis. Environnement et Changement climatique Canada estime que le coût social du carbone est de 294 $ la tonne.
Monsieur Trombe, ma question s'adresse à vous: selon votre évaluation voulant que le prix de l'oléoduc TMX soit justifié, avez-vous tenu compte du coût social du carbone, oui ou non?
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C'est une excellente question, et je devrais être accompagné de mes spécialistes des finances.
Je ne suis pas ici pour déterminer la valeur commerciale aujourd'hui. Cela revient essentiellement à la décision de la REC quant à la part des dépassements de coûts qui devra être assumée par les expéditeurs.
Je pense qu'une bonne partie de ces dépassements de coûts, comme j'avais commencé à l'expliquer avant d'être interrompu, était attribuable aux retards dans la délivrance des permis. Cette canalisation est restée au sol pendant plus de cinq ans. Les coûts liés à l'attente représentent une part considérable, abstraction faite des catastrophes naturelles, et lorsque des incendies surviennent dans des endroits comme Jasper, le contribuable intervient et aide à reconstruire. Il est sous-entendu que la partie des dépassements de coûts attribuable aux inondations, aux incendies et à la pandémie ne devrait pas nécessairement être entièrement assumée par les expéditeurs. Les contrats existants comportent une partie plafonnée et une partie non plafonnée, et il incombe à l'organisme de réglementation d'en déterminer la répartition dans chaque catégorie.
Concernant les droits initiaux, ils ont été établis à 3 $ pour la canalisation 1, qui a été construite il y a plus de 70 ans. Ces dépenses en immobilisations sont entièrement amorties, et l'élément clé était essentiellement lié aux coûts d'exploitation, et non au rendement du capital qui a été entièrement amorti.
J'aimerais faire un dernier commentaire. À l'étape de la préparation financière, nous avions les banques et une série d'obligations prévues. Je suis allé à New York trois ou quatre fois pour des discussions au comptoir des obligations. En guise d'appui, nous avons demandé à la Banque Nationale du Canada d'établir la valeur des obligations. Qu'est‑ce qui a mené à ce qui restait? Qu'est‑ce que cela représente pour un propriétaire autochtone? Cela représentait environ 430 millions de dollars par année de flux de trésorerie disponible pour la distribution.
J'étais assis avec la cheffe des Tk'emlúps — une Première Nation située très près de la circonscription de Mme Stubbs — et j'expliquais ce qu'être propriétaire représenterait pour la Nation Tk'emlúps. J'ai fait le calcul pour ce fonds souverain autochtone. Elle m'a dit: « Steve, je dois t'interrompre, parce que j'ai une question pour toi. As‑tu une idée des recettes annuelles que ma nation reçoit en vertu du bail de surface du pipeline existant? » Je lui ai répondu que je n'en avais aucune idée. Elle a dit: « C'est 1 200 $ par année. » Voilà le montant que cette nation recevait en loyers de baux de surface, alors que des centaines de millions, voire des milliards de dollars de pétrole passent par ce pipeline chaque année.
C'est un aspect essentiel. Je suis désolé de m'éloigner de la question. J'ignore à combien s'élèveront ces droits. L'organisme de réglementation décidera quel pourcentage de ces 35 milliards de dollars sera pris en compte pour l'établissement des droits.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins.
J'aimerais d'abord poser des questions à M. Detomasi.
Vous avez une expertise en commerce international, ce que nous avons lu plus tôt, je crois, dans votre mémoire. Vous avez parlé des problèmes mondiaux. Vous avez dit que deux milliards de personnes n'ont pas de véritable accès à l'énergie, que quatre milliards ont un accès limité et que nous, les autres, agissons comme si nous allions gérer le monde entier pour eux. Je pense que cela fait partie du problème. La solution aux problèmes d'énergie des plus démunis du monde est un aspect qu'il faut reconnaître et qui exige de la prudence.
On a aussi parlé des sanctions contre la Russie. J'ai passé du temps à l'OSCE; nous avons parlé de sécurité énergétique, de sécurité alimentaire et, évidemment, de sécurité en Europe. Dans la discussion sur les sanctions et leurs effets, on a conclu qu'elles ont réduit à néant la base industrielle européenne. Si le monde veut acheter quelque chose, il doit se tourner vers la Chine ou l'Inde. Nous avons donc appuyé l'effort de guerre de cette manière, et l'idée de sanctions n'était pas vraiment la solution pour régler de nombreux problèmes.
Vous avez aussi parlé de nos voisins américains qui, dès le premier jour de la récente administration, ont annulé le projet de Keystone XL et ainsi éliminé un autre accès à notre énergie.
Voilà certains des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Bien entendu, certains font valoir qu'il faut se débarrasser des sables bitumineux. M. Birol, de l'Agence internationale de l'énergie, a indiqué que la différence entre le pétrole lourd de Fort McMurray et le pétrole conventionnel, sur le plan des émissions de carbone, équivaut aux émissions quotidiennes en Chine. Par conséquent, est‑ce important si la Chine se prend en main le 1er ou le 2 janvier? Pourtant, on n'hésite pas à diaboliser une industrie d'une si grande importance, pas seulement pour le monde, comme je l'ai dit, mais aussi pour les Canadiens. J'aimerais avoir votre avis sur certains aspects mondiaux de l'énergie canadienne.
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Bien sûr. Vous avez mentionné deux ou trois éléments.
Premièrement, je pense que le développement énergétique doit être considéré dans le contexte de tout le reste, dont le climat, la sécurité, la croissance économique et les générations futures. Parfois, je pense aussi que l'accent que nous mettons sur le climat nous fait oublier d'autres enjeux — des situations auxquelles nous pourrions prêter attention, y compris celle de la précarité énergétique chez les pauvres.
Bien des intervenants à qui je parle n'y voient là qu'une autre forme de néo-colonialisme. Comme nous venons de célébrer la Journée de la réconciliation avec les Autochtones, je pense que nous devrions y réfléchir. On semble assister à une autre tentative de les empêcher de développer leurs activités comme ils le souhaitent, ce qui suscite beaucoup de ressentiment. C'est la croissance économique qui amène les gens à se soucier de politiques de plus en plus écologiques. Les riches se soucient de ces enjeux, contrairement aux pauvres, selon les données.
C'est un élément, mais il y a de nombreuses façons d'envisager la question à l'échelle mondiale. J'ai mentionné les Américains, qui sont au mieux imprévisibles, mais nous avions auparavant une très grande indépendance pour les affaires internationales. Le Canada était considéré comme une puissance moyenne. On nous a décerné le prix Nobel de la paix pour avoir créé le concept de maintien de la paix. Nous avions nos propres valeurs que nous défendions au vu et au su du reste du monde. L'une d'entre elles était l'approvisionnement en énergie propre et d'autres qui pourraient nous ramener à... Je ne dirais pas au bon vieux temps, mais je pense qu'il vaut la peine de se remémorer cette époque.
Ce sont là quelques commentaires. Vous avez lancé un très vaste sujet, mais je commencerais par ces éléments.
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Merci, monsieur le président.
Je vais m'adresser à M. Tombe; mes questions portent sur l'aspect économique de ce projet.
Monsieur Tombe, on vous a posé de nombreuses questions aujourd'hui sur les coûts en capital, le financement de la dette et l'incidence que cela aura sur le volet opérationnel du bilan. Vous n'avez pas parlé des coûts à long terme liés à la gestion de l'actif pour le cycle de vie, les réparations, l'entretien et, en fin de compte, le moment où le pipeline sera remplacé.
J'aimerais d'abord que vous nous en parliez un peu, surtout à la lumière des coûts de construction qui montent en flèche jusqu'à présent. De plus, en avez-vous tenu compte dans l'établissement des coûts globaux du projet dans 5, 10 et 15 ans?
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C'est une excellente question.
Il est important de garder à l'esprit que les différentes façons qui permettront à la population mondiale de réduire sa consommation de pétrole à l'avenir ont des répercussions très variées sur la production pétrolière canadienne et les prix reçus ici. S'il y a une réduction de la consommation de pétrole à l'échelle mondiale en raison de politiques axées sur l'offre qui restreignent la production ailleurs, la consommation de pétrole à l'échelle mondiale diminuera, mais les prix du pétrole seront plus élevés. Au Canada, il y aurait alors une augmentation potentielle de la production de pétrole, même si la demande mondiale baissait. Dans un tel scénario, le Canada figurerait parmi les derniers producteurs de pétrole dans le monde.
Par ailleurs, si on applique des politiques axées sur la demande, le monde pourrait voir une diminution des prix, associée à une consommation moindre de pétrole. Il est vraiment difficile de prédire lequel de ces deux scénarios se réaliserait.
Dans ses projections les plus récentes, la Régie de l'énergie du Canada prévoit que, même dans un monde carboneutre, la production de pétrole au Canada continuera d'augmenter jusqu'en 2030, et même jusqu'en 2050, et que le Canada produira encore un peu plus de quatre millions de barils par jour.
Je dirais que la politique climatique et les progrès réalisés pour réduire les émissions à l'échelle mondiale ne sont pas nécessairement incompatibles avec la viabilité, la durabilité et les rendements financiers associés à ce projet.
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Excellent. Je pense qu'il serait utile que le Comité prenne connaissance de cette analyse. Si vous êtes prêt à nous en faire part, n'hésitez pas à nous l'envoyer. Je pense qu'elle nous aiderait à connaître tous les coûts et toutes les répercussions de ce pipeline.
Il me reste environ une minute, alors je vais m'adresser à vous, monsieur Gooderham. Vous avez parlé des émissions en aval. Nous n'évoquons pas souvent le fait que nos émissions atteignent environ 700 mégatonnes, mais que les feux de forêt, comme je l'ai mentionné plus tôt, ont émis environ 647 mégatonnes l'an dernier. Les émissions exportées — le pétrole que nous envoyons ailleurs sous forme de bitume dilué, dans le cas du projet TMX, vers d'autres pays — s'élèvent à environ 954 millions de tonnes. Je pense que vous aviez commencé à en parler.
L'autre réalité dans notre pays, c'est que si nous voulons avoir une chance — ne serait‑ce qu'une chance de 50 % — de rester en deçà de 1,5 degré Celsius, nous devons laisser 86 % de nos réserves de combustibles fossiles dans le sol. Vous êtes l'une des rares personnes à bien vouloir parler de la production d'émissions plutôt que seulement des émissions elles-mêmes.
Mon temps est presque écoulé, mais vous pourriez peut-être nous parler brièvement des conséquences de conversations comme celle‑ci si nous n'abordons pas également la production.
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Merci, monsieur le président.
Merci encore à tous les témoins ici présents.
Je vous remercie de toutes vos excellentes explications ancrées dans la réalité au sujet des avantages de l'exploitation pétrolière et gazière dans cette infrastructure économique cruciale. Elle comporte des avantages pour les trois ordres de gouvernement, pour chaque collectivité au Canada, pour chaque province et pour chaque région. C'est avant tout une occasion pour les peuples autochtones de gérer la prospérité plutôt que la pauvreté. Je vous remercie également d'être ici pour dire la vérité. La réalité, c'est que la majorité des communautés autochtones au Canada appuient, d'une façon ou d'une autre, l'exploitation responsable du pétrole et du gaz et la mise en valeur des ressources.
Je suis également heureuse d'entendre une certaine reconnaissance du fait que, bien entendu, c'est le secteur pétrolier et gazier du Canada — de loin, et bien plus que toutes les autres industries du secteur privé — qui investit le plus dans les technologies propres et l'innovation dans l'économie canadienne.
Merci à tous d'avoir soulevé ces points.
J'aimerais présenter ma motion rapidement. J'espère que notre comité y donnera suite immédiatement, puis je céderai le temps qu'il restera pour d'autres questions.
Cette motion — mes collègues remarqueront que je l'ai distribuée — dit:
Étant donné que le Comité entend les témoignages d'acheteurs potentiels de l'oléoduc Trans Mountain dans le cadre de cette étude et qu'il entend aujourd'hui les acheteurs potentiels...
et nous en sommes reconnaissants
... il invite les représentants du Western Indigenous Pipeline Group, de Natural Law et de l'Iron Coalition à présenter leur témoignage le plus tôt possible.
Bien entendu, j'espère, si j'ai oublié d'autres intervenants, que les analystes les ajouteront au texte. Je suppose que tous les membres du Comité verront la nécessité d'entendre tous les acheteurs potentiels dans ce dossier. Je m'attends à ce que nous appuyions tous cette motion immédiatement afin que mon collègue puisse continuer à poser des questions.