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Je tiens à vous remercier de m'offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui du Programme du travail au nom de RHDCC.
Le Programme du travail administre Ie Code canadien du travail, qui traite des relations de travail à la Partie I, de la santé et de la sécurité au travail à la Partie II, et des normes du travail à la Partie III, pour les employeurs du secteur privé qui relèvent de la compétence fédérale. II faut noter que la Partie II a un champ de compétence élargi et s'applique également au secteur public fédéral, ce qui n'est pas Ie cas des Parties I et III.
Mes propos porteront aujourd'hui sur la façon dont la réglementation en matière de santé et sécurité au travail et les obligations en matière de normes du travail s'appliquent aux préoccupations relatives au harcèlement sexuel en milieu de travail. Les obligations en matière de santé et sécurité au travail et en matière de normes du travail constituent une responsabilité partagée entre le Programme du travail et les employeurs. C'est là un élément important.
Le Programme du travail établit Ie cadre législatif et réglementaire des politiques des employeurs, éduque les parties en milieu de travail et applique les exigences du Code canadien du travail au moyen des inspections et du traitement des plaintes. II incombe aux employeurs de se conformer aux exigences du code et de gérer les politiques du milieu de travail. Dans Ie cas présent, il s'agit des politiques qui traitent de la violence et du harcèlement sexuel en milieu de travail. Cela comprend la responsabilité de faire enquête sur les cas de violence au travail et les allégations de harcèlement sexuel, et d'y donner suite.
En ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, Ie Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, adopté en 2008, établit un cadre réglementaire pour la prévention de la violence dans Ie lieu de travail. Ce cadre s'applique aux lieux de travail de compétence fédérale, y compris au secteur public fédéral. Dans Ie cas de la fonction publique fédérale, la Politique sur la prévention et Ie règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor du Canada incorpore ce règlement par renvoi. Je crois que les témoins du Conseil du Trésor ont comparu devant le comité la semaine dernière; vous les avez donc entendus à ce sujet.
La violence dans le lieu de travail est définie comme « tout agissement, comportement, menace ou geste d'une personne à l’égard d'un employé à son lieu de travail et qui pourrait vraisemblablement lui causer un dommage, un préjudice ou une maladie ». Bien que cette exigence de la politique s’applique plus largement à l’intimidation et aux autres types de comportement agressif dans Ie milieu de travail, elle peut également être appliquée au harcèlement sexuel envers un employé.
Lorsqu'il établit un programme de prévention de la violence, l'employeur doit consulter son comité de santé et sécurité en milieu de travail, formé de représentants des employés, et effectuer une évaluation du milieu de travail afin d'en déterminer les problèmes potentiels en matière de violence. Le programme sur la violence en milieu de travail n'a pas à aborder expressément la question du harcèlement sexuel et doit porter plus largement sur toutes les formes de violence en milieu de travail.
Chaque employeur doit en outre préparer et afficher une politique sur la prévention de la violence en milieu de travail. Cette politique devrait inclure un engagement à offrir un milieu de travail exempt de violence et une déclaration selon laquelle l'intimidation, les moqueries, les abus et autres comportements agressifs ne seront pas tolérés; une mention indiquant que l'employeur communiquera aux employés tous les renseignements concernant les facteurs qui contribuent à la violence dans le milieu de travail; de l'aide pour les employés qui ont été exposés à la violence dans le milieu de travail; et enfin, la procédure à suivre si un employé est victime de violence en milieu de travail.
Les employés ont aussi la responsabilité de créer et de maintenir un milieu de travail exempt de violence. Ils doivent signaler les cas de violence au travail à l'employeur, qui a la responsabilité de les noter et de faire enquête. Il devrait également être clair que les employés doivent s'abstenir de se livrer à des actes de violence, sous peine de mesures disciplinaires.
II est important de noter que la Partie II du code n’exige pas des employeurs qu’ils informent Ie Programme du travail des plaintes pour violence en milieu de travail déposées par les employés, y compris Ie harcèlement sexuel. II incombe aux employeurs de traiter ces plaintes; si les employés ne sont pas satisfaits des résultats de l’enquête menée par l’employeur, ils peuvent déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, dont les représentants ont aussi comparu la semaine dernière devant le comité, je crois.
Je vais maintenant traiter de la Partie III du code, qui établit Ie droit d'un employé à un emploi exempt de harcèlement sexuel et oblige les employeurs à prévenir Ie harcèlement sexuel en milieu de travail. Ces dispositions s'appliquent aux lieux de travail sous réglementation fédérale, mais excluent Ie secteur public fédéral.
En comparaison avec la fonction publique fédérale, les lieux de travail sous réglementation fédérale sont tenus de se doter d’une politique qui traite expressément du harcèlement sexuel, alors que la Politique sur la prévention et Ie règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor concerne tous les types de harcèlement.
Au sens du Code canadien du travail, « harcèlement sexuel » s'entend de:
tout comportement, propos, geste ou contact qui, sur le plan sexuel:
a) soit est de nature à offenser ou humilier un employé;
b) soit peut, pour des motifs raisonnables, être interprété par celui-ci comme subordonnant son emploi ou une possibilité de formation ou d'avancement à des conditions à caractère sexuel.
Chaque employeur, après consultation des employés ou de leurs représentants, doit adopter et afficher une politique en matière de harcèlement sexuel. La politique doit inclure une définition de « harcèlement sexuel »; une déclaration affirmant Ie droit des employés à un emploi exempt de harcèlement sexuel; une déclaration établissant que l’employeur prendra toutes les mesures raisonnables pour prévenir Ie harcèlement sexuel; une déclaration confirmant que l’employeur prendra les mesures disciplinaires appropriées à l’encontre de toute personne qui assujettira un employé à du harcèlement sexuel; une déclaration expliquant comment les plaintes pour harcèlement sexuel peuvent être portées à l’attention de l’employeur; une déclaration de confidentialité; et une déclaration informant les employés de leur droit d’obtenir réparation en vertu des dispositions sur les pratiques discriminatoires de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Les activités de conformité prévues par Ie code en matière de harcèlement sexuel et de prévention de la violence en milieu de travail vont de la consultation proactive et des inspections jusqu’aux enquêtes menées à la suite des plaintes des employés, et en dernier recours, aux poursuites.
Le Programme du travail a recours aux inspections, dans le cadre de ses activités de programme, pour assurer la conformité des employeurs. Lorsque les inspecteurs relèvent des infractions, les employeurs sont encouragés à se conformer volontairement par des mesures d’éducation et de consultation.
En vertu de la Partie II du code, un agent du Programme du travail peut émettre une directive à l'employeur l’enjoignant de se conformer aux exigences réglementaires pour un programme de prévention de la violence. Conformément aux dispositions de la Partie II du code, un employé peut déposer une plainte auprès de son employeur en utilisant Ie processus de règlement interne des plaintes, qui favorise le règlement interne des plaintes par les parties du lieu de travail. Seules les questions non résolues touchant la mise en oeuvre du programme de prévention de la violence seront déclarées au Programme du travail pour enquête.
En vertu de la Partie III du code, un employé peut déposer une plainte auprès du Programme du travail pour signaler que l’employeur n’a pas élaboré ni affiché de politique sur le harcèlement sexuel dans Ie lieu de travail. La plainte fera l’objet d’une enquête, et toutes les mesures seront prises afin d’éduquer et de conseiller l’employeur, dans Ie but d’obtenir une conformité volontaire.
Selon la Partie II et la Partie III du code, les plaintes individuelles de harcèlement sexuel sont renvoyées à la Commission canadienne des droits de la personne afin qu'elles soient traitées en vertu des dispositions sur les pratiques discriminatoires de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la commission étant l’autorité compétente pour traiter de la discrimination en milieu de travail.
Le Programme du travail a reçu quelques plaintes selon lesquelles des employeurs ne se conformaient pas à la réglementation sur la prévention de la violence et aux dispositions du code relatives au harcèlement sexuel en milieu de travail. Les plaintes étaient majoritairement liées à l’absence de politiques. Dans tous les cas, les employeurs ont corrigé la situation et se sont conformés au code.
Au cours des cinq dernières années, soit de 2007 à 2012, Ie Programme du travail n'a reçu que deux plaintes en vertu des dispositions sur Ie harcèlement sexuel de la Partie III du code. Dans les deux cas, les plaintes n’étaient pas fondées.
En conclusion, le Programme du travail s'efforce de créer des milieux de travail canadiens dans lesquels la confiance et Ie respect de chacun sont la norme. Nous sommes déterminés à protéger Ie droit fondamental des employés et des employeurs à travailler dans un environnement sécuritaire et exempt de violence et de harcèlement sexuel.
Je tiens d'abord à remercier le comité de me permettre de comparaître par vidéoconférence. Je vous en suis reconnaissante.
Je suis présidente du Conseil canadien des relations industrielles, qui est chargé d'administrer, d'interpréter et d'appliquer la Partie I du Code canadien du travail. La Partie I régit les relations entre les syndicats et les employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale.
Mme Cyr vous a déjà indiqué ce qu'englobe ce secteur privé sous réglementation fédérale.
En vertu de la Partie I du code, le conseil entend les demandes liées à l'acquisition et à l'extinction des droits de négociation, aux plaintes de pratique déloyale de travail et au maintien des activités qui sont essentielles à la santé et à la sécurité publiques en cas d'arrêt de travail.
Nous entendons très rarement des cas directement liés au harcèlement sous toutes ses formes, et encore moins des cas de harcèlement sexuel. Ces cas tendent à être soumis au conseil uniquement en vertu de l'obligation qu'ont les syndicats, selon le code, de représenter équitablement tous les employés d'une unité de négociation. Il est interdit au syndicat d'agir de mauvaise foi ou de manière discriminatoire ou arbitraire.
J'ai fait recenser les cas signalés depuis les modifications apportées au Code canadien du travail...
Encore une fois, je tiens à remercier le comité de me permettre de comparaître par vidéoconférence, mais je suis désolée que le comité éprouve des difficultés.
Comme je l'ai dit, je suis présidente du Conseil canadien des relations industrielles, qui est l'organisme chargé d'interpréter et d'appliquer la Partie I du Code canadien du travail. La Partie I porte notamment sur l'acquisition et l'extinction des droits de négociation, les plaintes de pratique déloyale de travail et le maintien des activités qui sont essentielles à la santé et à la sécurité publiques en cas d'arrêt de travail.
Nos fonctions ont principalement trait aux relations entre les syndicats et les employeurs. Il est très rare que le conseil soit saisi d'un cas de harcèlement ou de harcèlement sexuel. Ce genre de plainte peut, même si c'est très rare, nous être présenté indirectement, dans le cadre d'une plainte à l'encontre d'un syndicat déposée en vertu de la disposition du code prévoyant l'obligation d'une représentation équitable. Cette disposition interdit aux syndicats d'agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire en ce qui concerne la représentation des employés dans l'exercice de leurs droits reconnus par la convention collective.
J'ai demandé l'examen de la jurisprudence du conseil pour les 12 dernières années. Nous n'avons recensé qu'une trentaine de cas où une personne s'était plainte de la manière dont son syndicat s'était conduit à son égard relativement à des allégations de harcèlement sexuel. Fait intéressant, la quasi-totalité de ces plaintes provenaient du harceleur, qui se plaignait du fait que le syndicat ne l'avait pas suffisamment défendu contre les allégations de harcèlement.
Dans quelques cas, une personne ayant été victime de harcèlement s'est plainte que le syndicat ne l'avait pas bien représentée. C'est sur ce genre de cas que le conseil se pencherait et se prononcerait.
Comme je l'ai dit, toutefois, nous entendons rarement des cas liés à l'objet de votre enquête.
Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
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L’employeur est chargé de renseigner ses employés sur les comportements acceptables en milieu de travail. Ses responsabilités en vertu de la Partie II et de la Partie III varient légèrement. Par conséquent, je vais les présenter séparément.
Selon la Partie II, qui traite de la santé et de la sécurité au travail, et les règlements relatifs à la prévention de la violence en milieu de travail, tous les employés d’une unité de travail doivent suivre une formation offerte par l’employeur concernant toute compétence leur permettant de repérer, de prévenir ou d’éviter la violence en milieu de travail. Comme je l’ai mentionné plus tôt, cette formation peut aborder la question du harcèlement sexuel.
L’employeur doit fournir à ses employés des renseignements, des lignes directrices et de la formation à ce sujet, au moins tous les trois ans. C’est ce que la loi indique.
Il est essentiel d’offrir de la formation et d’éduquer les employés lorsqu’on s’efforce de créer des milieux de travail où la violence et le harcèlement sexuel n’ont pas leur place.
Selon la Partie III, l’employeur est tenu de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement sexuel. J’ai défini ce que cela comprenait au cours de mon exposé. L’employeur doit déployer tous les efforts nécessaires pour maintenir un milieu de travail dépourvu de harcèlement sexuel et, pour ce faire, il doit souvent s’assurer que ses politiques lui permettent de donner à ses employés les renseignements et la formation qui conviennent.
En ce qui concerne les responsabilités du Programme du travail, nous éduquons et conseillons les employeurs sous réglementation fédérale soit à la demande d’un employé, soit dans le cadre de notre devoir d’inspecter les milieux de travail. Au cours de nos inspections, nos agents expliquent les exigences de la réglementation et distribuent les outils disponibles, comme les brochures, qui peuvent donner une vue d’ensemble des dispositions en question. Dans certains cas, nous leur offrons ce que nous appelons les IPG, c’est-à-dire les interprétations, les politiques et les guides. S’ils sont disponibles, nous attirons l’attention des employeurs sur eux afin qu’ils respectent leur contenu.
Par exemple, dans le cadre de la prévention de la violence, les employés du Programme du travail ont créé un guide qui est affiché sur notre site Web — c’est avec plaisir que je vous fournirai un lien vers celui-ci — et qui vise à aider les employeurs, les membres d’un comité des politiques ou d’un comité en milieu de travail et les représentants en matière de santé et de sécurité au travail à prévenir la violence dans les milieux de travail. Le guide présente des procédures très pratiques, pratiquement comme des approches étape par étape sur la façon de se conformer aux exigences du code, afin que les employeurs puissent suivre ces instructions et mettre en oeuvre les mesures de prévention de la violence prescrites. Le guide décrit l’étape qui consiste à éduquer les employés et à leur offrir de la formation.
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Oui, parce que c'est difficile de savoir comment les gens peuvent percevoir l'association entre la violence au travail et le harcèlement sexuel.
Il me semble qu'il faut faire une importante mise à jour de votre mandat pour mieux refléter certains changements auxquels nous sommes confrontés de nos jours, surtout concernant les femmes, et les questions relatives à l'intimidation, qui n'est pas de la violence au travail selon vos termes, mais de l'intimidation, etc. Je pense que le comité pourrait vous recommander d'effectuer une mise à jour. Votre témoignage ne cadre pas avec les chiffres fournis par le Conseil du Trésor sur ce qui se passe dans les divers ministères et organismes.
On nous a dit qu'un petit organisme présentait un taux de plaintes de 51 p. 100, mais aucune plainte ne vous est parvenue. J'imagine que ce n'est pas votre rôle, sauf si les employeurs prennent contact avec vous. Je trouve alarmant que vous n'ayez reçu que deux plaintes. Ce n'est pas que je veux que vous receviez beaucoup de plaintes. J'aime penser que la fonction publique fédérale est un excellent milieu de travail, ce qu'elle est, mais tous les grands employeurs sont aux prises avec nombre de défis, comme les plaintes non fondées. Nous sommes tous au courant des défis, mais bien des plaintes sont clairement fondées. Je pense que, s'il y a 5 p. 100 de plaintes, il pourrait sans doute y en avoir 8 ou 9 p. 100 de plus. Toutefois, les gens sont réticents à porter plainte contre leurs employeurs. Je pense que le problème doit être majeur, parce que la personne sait en partant que son emploi est compromis, malgré tout ce que nous faisons pour le protéger.
Vos politiques semblent très bien et rassurantes. Tous les bons termes sont utilisés. Les représentants du Conseil du Trésor ont choisi les bons termes la semaine dernière, mais le nombre de plaintes reste alarmant. Il y a 29 p. 100 de plaintes, mais bien des gens gardent le silence. C'est un peu préoccupant pour ce qui est de créer une culture qui permet aux gens d'être à l'aise en milieu de travail pour mieux réussir. La violence au travail n'englobe pas vraiment le harcèlement sexuel.
Je me présente. Je m'appelle Christopher Rootham et j'exerce le droit du travail et de l'emploi dans le secteur privé depuis une dizaine d'années. Je suis également conférencier et professeur en droit du travail à l'Université Queen's et à l'Université d'Ottawa. J'ai beaucoup écrit sur les droits de la personne, le droit du travail et de l'emploi, en particulier dans la fonction publique fédérale. J'aimerais limiter ma déclaration préliminaire à la question des recours dont disposent les victimes de harcèlement sexuel dans la fonction publique.
Selon moi, un système de recours efficace doit présenter cinq caractéristiques essentielles. Il doit être rapide, parce que justice différée est justice refusée. Il doit être équitable sur le plan de la procédure, ce qui inclut la possibilité d'être entendu par un décideur impartial. Le décideur doit avoir une expertise. Le décideur doit être généralement accepté par la communauté. Il doit y avoir une réparation appropriée à la fin du recours, c'est-à-dire que le système peut réparer le préjudice causé.
Dans la fonction publique fédérale, on compte au moins cinq systèmes de recours que peut utiliser une victime de harcèlement sexuel, selon les circonstances. La victime peut déposer une plainte pour harcèlement sexuel en vertu d'une politique, que ce soit la politique du Conseil du Trésor ou une politique adoptée par un organisme ou un employeur distinct. La victime peut déposer un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Elle peut aussi porter plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique ou auprès de la Commission de la fonction publique, si le harcèlement sexuel a été exercé dans le cadre d'un processus de nomination à l'administration publique centrale. Elle peut aussi porter plainte auprès du commissaire à l'intégrité du secteur public ou de la Commission canadienne des droits de la personne.
Le premier problème lié à ce système vient tout simplement du nombre de mécanismes de recours disponibles. Cette situation entraîne de la confusion, un chevauchement des fonctions et des inefficacités en raison du double emploi ou du fait que les victimes passent d'une instance à l'autre pour essayer de trouver quelqu'un qui prendra l'affaire en main et qui se déclarera compétent à cet égard.
Chaque système particulier comporte aussi des difficultés. Il y en a trois sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention, pour ce qui est des plaintes en matière de harcèlement sexuel. Premièrement, les victimes de harcèlement ne peuvent porter plainte pour harcèlement sexuel si elles ont déjà déposé un grief ou tenté de se prévaloir d'un autre recours. Deuxièmement, la politique n'exige pas que la victime obtienne réparation. Elle propose des mesures correctives à l'égard des responsables du harcèlement, sans toutefois parler de ce qu'il faut faire pour les victimes. En troisième et dernier lieu, l'administrateur général ou le sous-ministre n'est pas tenu d'accepter ou de mettre en oeuvre les recommandations de l'enquêteur.
En ce qui a trait au système de griefs, il existe deux catégories de griefs dans la fonction publique fédérale: les griefs pouvant être renvoyés à l'arbitrage, qui sont réglés par un tiers indépendant, et les griefs ne pouvant être renvoyés à l'arbitrage, qui sont réglés par l'administrateur général ou son délégué.
Les griefs peuvent être renvoyés à l'arbitrage lorsqu'ils portent sur une question de discipline ou sur la violation d'une convention collective. Pour les employés représentés par un agent de négociation qui a réussi à faire intégrer une clause sur le harcèlement sexuel dans la convention collective, le grief peut être renvoyé à l'arbitrage. Dans le cas des employés non représentés ou des employés dont l'agent négociateur n'a pas négocié de clause sur le harcèlement sexuel, les griefs sont réglés par le sous-ministre seulement.
Parce que l'affaire n'est pas renvoyée à l'arbitrage, on ne peut parler d'une audience vraiment impartiale pour les employés non représentés ou pour certains employés représentés, en particulier pour ce qui est du redressement. S'attend-on à ce qu'un administrateur général accorde des dommages-intérêts aux victimes de harcèlement sexuel ou encore une aide professionnelle qui coûte de l'argent, ou d'autres redressements qui ont une conséquence financière, alors que son budget sera imputé de cet argent au détriment d'autres priorités? En outre, les administrateurs généraux n'ont aucune expertise dans l'évaluation des dommages. Ils n'ont aucune expertise en arbitrage. Leur compétence est du domaine de la gestion, de l'administration de programmes, et non dans la réparation des effets du harcèlement sexuel.
Un autre type de recours peut être exercé auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique ou de la Commission de la fonction publique. Ce n'est toutefois que dans des circonstances bien particulières, lorsque le harcèlement a eu lieu dans le cadre d'un processus de nomination à l'administration publique centrale, au Conseil du Trésor. Il y a des redressements limités dans ce cas, puisque la plainte ne porte que cette mesure de dotation.
Une victime peut porter plainte auprès du commissaire à l'intégrité du secteur public. Toutefois, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles permet au commissaire de refuser de mener une enquête à la suite d'une plainte de harcèlement sexuel au motif qu'il existe un autre recours. Pour dire vrai, le poste de commissaire à l'intégrité du secteur public existe depuis peu, et il nous reste à apprendre comment les plaintes de harcèlement sexuel seront traitées à ce niveau. Nous ne savons tout simplement pas si ce recours sera efficace.
Enfin, un fonctionnaire fédéral peut déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Comme vous le savez, cette commission est une porte d'entrée pour accéder à un tribunal. Elle ne rend pas de décision. La commission fait le tri des plaintes reçues. Seulement environ 9 p. 100 des cas ou des plaintes déposées auprès de la commission sont renvoyés à un tribunal.
La commission peut refuser de renvoyer une plainte de harcèlement sexuel au tribunal pour diverses raisons. Il y a notamment l'alinéa 41(1)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui permet à la commission de refuser d'enquêter à propos d'une plainte au motif que cette plainte devrait être traitée par un autre mécanisme de recours. De par la loi et de par mon expérience, je peux vous dire que la commission refuse habituellement d'entendre les plaintes de harcèlement sexuel dans la fonction publique fédérale parce que les victimes devraient déposer un grief ou suivre la procédure prévue dans la politique sur le harcèlement du Conseil du Trésor.
En outre, la commission peut refuser de renvoyer une plainte au tribunal si elle est d'avis qu'une offre de règlement a été présentée à la victime et que celle-ci aurait dû l'accepter. Il s'agit d'une plainte valide, dont la commission reconnaît le bien-fondé, mais qu'elle refuse de renvoyer au tribunal, ce qui force le plaignant à accepter un règlement.
Le processus de la Commission canadienne des droits de la personne peut être lent dans de nombreux cas. Il faut en moyenne neuf mois pour que la commission enquête sur une plainte. C'est sans compter les plaintes qui sont rejetées rapidement parce qu'elles ne relèvent pas de sa compétence ou parce qu'elles doivent être traitées dans une autre tribune. Il faut souvent plus de neuf mois avant que les plaintes valides ne soient traitées. Or, si à l'issue de l'enquête menée par la Commission canadienne des droits de la personne, on conclut que l'affaire doit être renvoyée à un tribunal, il faut attendre encore neuf à dix mois pour que l'affaire soit entendue par ce tribunal.
Enfin, le système de protection des droits de la personne peut consentir des redressements importants en faveur des victimes de harcèlement, mais la loi comporte une lacune, à savoir que le Tribunal canadien des droits de la personne n'a pas le pouvoir d'accorder des dépens à une victime de harcèlement. C'est ce qu'a établi la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Mowat, qui concernait une employée victime de harcèlement sexuel en milieu de travail. Le tribunal lui a accordé 4 000 $ en dommages-intérêts, ce qui était loin de couvrir les frais juridiques qu'elle avait engagés puisqu'elle avait retenu les services d'un avocat privé.
On déplore le fait que les victimes ne choisissent pas ces formes particulières de recours en raison des lacunes qu'elles comportent, puisqu'il n'y a pas de vrai redressement au bout du compte et parce que les frais juridiques encourus dépassent toute somme qu'on pourrait recouvrer.
En conclusion, pour protéger les victimes de harcèlement sexuel, il faudrait notamment examiner attentivement les systèmes de recours pour s'assurer que ces victimes disposent d'un mécanisme de recours rapide, efficace et équitable.
Compte tenu du temps imparti, mes observations se limiteront à trois points généraux. Premièrement, j'aimerais vous dire où je me situe dans le processus de prévention et de règlement en matière de harcèlement sexuel. Deuxièmement, j'aimerais vous parler très brièvement de la nouvelle politique en matière de harcèlement du Conseil du Trésor du Canada et souligner quelques-unes des différences que je vois par rapport à l'ancienne politique. Troisièmement, j'ai une certaine expérience pratique et j'aimerais porter certains enjeux à votre attention et peut-être vous donner quelques conseils pour l'avenir, en guise de conclusion.
Tout d'abord, j'aimerais me présenter et vous dire brièvement où je me situe. Je suis un avocat de formation et d'expérience. J'ai été admis au Barreau de l'Ontario en 1989. J'ai pratiqué le droit de façon traditionnelle par le passé, mais je ne le fais plus. Aujourd'hui, je m'occupe presque exclusivement de modes alternatifs de résolution des conflits, c'est-à-dire de services de médiation, d'arbitrage, de résolution de conflits en milieu de travail et d'enquête.
On me demande régulièrement de mener des enquêtes sur des plaintes de harcèlement dans des ministères, des organismes, des offices et des tribunaux fédéraux. J'ai mené des enquêtes sur des actes répréhensibles, y compris des cas de harcèlement sexuel, commis tant par des employés subalternes que par des cadres de très haut niveau de la fonction publique et de ses organisations connexes. En d'autres termes, j'interviens presque à la toute fin du processus. Mon travail commence une fois que la plainte a été déposée et reçue par les représentants des ressources humaines, que les parties ont été avisées, qu'un niveau de dysfonctionnement a été établi dans le milieu de travail et que les mécanismes de règlement non officiels ont échoué. Mon point de vue est plutôt étroit. Ce n'est ni celui d'un théoricien, ni celui d'un universitaire; c'est celui d'un praticien.
Mon travail d'enquête est habituellement mené conformément à des politiques sur le harcèlement en milieu de travail, la plupart du temps la politique du Conseil du Trésor. Comme le comité le sait maintenant, pour avoir entendu les porte-parole du Conseil du Trésor, cet organisme vient de publier sa nouvelle politique en matière de harcèlement, la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2012. Elle remplace l'ancienne politique, qui n'avait pas été révisée depuis 2001. Les deux politiques sont semblables, mais elles comportent des différences notables. Comme vous le verrez, le changement de nom reflète l'une des principales caractéristiques de la nouvelle politique.
L'élaboration de cette nouvelle politique était sans aucun doute une entreprise majeure et une mesure positive, à mon avis, pour traiter du harcèlement en milieu de travail. Je crois comprendre qu'un certain nombre de documents et de guides sont toujours en cours d'élaboration. Je crois que nous devons tous attendre de voir comment la politique sera appliquée de façon pratique avant de juger de son efficacité.
Commençons par regarder les différences entre la nouvelle et l'ancienne politiques. Comme la plupart d'entre vous, je n'ai pas eu la chance d'examiner la politique en profondeur, mais je l'ai regardée aussi attentivement que possible au cours des derniers jours. Comme je l'ai dit précédemment, un certain nombre de documents connexes n'ont pas encore été publiés. Je vais souligner quelques-unes de ses principales caractéristiques.
Parlons d'abord de la portée. La nouvelle politique inclut précisément le harcèlement en dehors du lieu de travail, y compris pendant les déplacements, les conférences, les séances de formation et d'information. Tant que ces endroits extérieurs sont liés au travail, une plainte en matière de harcèlement peut être déposée.
Il y a aussi la définition de harcèlement. La différence entre l'ancienne et la nouvelle définitions, c'est que le harcèlement peut être exercé à l'extérieur du lieu de travail traditionnel. Dernier élément mais non le moindre, l'ancienne définition comportait en elle-même certaines indications sur ce qui pouvait constituer ou non du harcèlement. Ces indications ont disparu. Elles pourraient se retrouver dans les guides et les autres documents que prépare le Conseil du Trésor, mais je ne les vois pas dans la définition actuelle de harcèlement. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un problème grave. Toutefois, ces indications étaient certes utiles aux enquêteurs et aux parties concernées et les aidaient à mieux comprendre ce qui cadrait ou non avec la définition de harcèlement.
Les obligations du gestionnaire est la troisième grande différence que je vois entre l'ancienne et la nouvelle politiques. Encore une fois, cet aspect sera peut-être traité dans les autres documents que prépare actuellement le Conseil du Trésor.
L'ancienne politique comportait une section qui traitait des attentes. On précisait ce qu'on attendait des employés, des parties en cause et des gestionnaires. Comme je l'ai dit, il semble que ces précisions aient disparu. Un des principaux aspects de cela, sur lequel je m'en suis remis à quelques reprises, était une obligation de la part du gestionnaire d'autoriser de lui-même la tenue d'une enquête lorsqu'il était informé d'un harcèlement allégué, même en l'absence d'une plainte officielle.
Par exemple, j'ai traité une affaire de harcèlement sexuel dans laquelle le gestionnaire a été accusé d'avoir omis d'intervenir même si aucune plainte n'avait été déposée. J'ai établi en l'espèce que le gestionnaire avait omis de prendre des mesures suffisantes à l'égard des allégations. J'espère et j'imagine qu'il sera possible d'autoriser, de façon indépendante, la tenue d'une enquête en l'absence de plainte de harcèlement, et que le gestionnaire ou le gestionnaire délégué aura cette obligation ou cette capacité.
Selon mon analyse, la nouvelle politique semble se concentrer davantage sur les responsabilités de l’administrateur général que sur celles du gestionnaire. Encore une fois, il faudra attendre la publication des autres documents dont je parlais plus tôt avant de le confirmer.
J’aimerais attirer votre attention sur des préoccupations et des problèmes d’ordre pratique. Je le répète, je ne suis ni théoricien, ni universitaire. J’ai fait passablement d’enseignement et prononcé plusieurs discours sur le harcèlement. Je ne suis pas ici pour vous fournir des statistiques, mais bien pour vous apporter une expérience pratique. La grande majorité de mes enquêtes ont porté sur des cas d’inconduites ou d’abus de pouvoir, non sur des cas de harcèlement sexuel. Le nombre de plaintes de harcèlement sexuel est limité. Mais, pourquoi? Est-ce simplement parce qu’il y en a moins qu’on le croit? Les gens comprennent-ils mieux ce qu’est le harcèlement sexuel? Ont-ils une meilleure compréhension de la façon dont ils doivent se comporter en milieu de travail? Les cas de harcèlement sexuel sont-ils sous déclarés? Un peu de tout cela est vrai.
Comme je l’ai dit, je n’ai pas de statistiques à vous fournir, mais selon mon expérience, les cas de harcèlement sexuel sont sous déclarés. Deux enquêtes importantes m’ont permis de comprendre un peu mieux pourquoi.
Le premier cas concernait une plainte formulée contre un cadre supérieur qui aurait failli à sa responsabilité d’agir après avoir pris connaissance d’un possible cas de harcèlement en milieu de travail — j’en ai parlé plus tôt. Plusieurs femmes auraient été victimes de harcèlement sexuel de la part d’un employé relevant du cadre en question. Aucune d’elles n’a porté plainte. Ce qui m’a surpris, c’est que la relation étroite entre l’employé et le cadre les effrayait. C’était évident. À mon avis, elles ne voulaient pas provoquer de polémiques, être ostracisées ou nuire à leur carrière.
Le deuxième cas concernait un haut fonctionnaire qui aurait fait des remarques sexuelles inappropriées et des attouchements à une collègue occupant essentiellement un poste de même niveau. Comme dans le cas précédent, la victime n’a pas porté plainte. Elle a plutôt fait part de la situation à son gestionnaire qui a ensuite autorisé, avec justesse, la tenue d’une enquête, laquelle m’a été confiée. À ma grande surprise, la victime s’opposait farouchement à la tenue d’une enquête, même si elle occupait essentiellement un poste de même niveau que le présumé fautif. J’ai également été surpris d’apprendre dans le cadre de mes entrevues, y compris avec d’autres cadres féminins dans le même service, et aussi par ouï-dire, que ce même individu avait fait des avances sexuelles non désirées et des attouchements à d’autres. Elles étaient toutes réticentes à porter plainte, donc aucune ne l’a fait.
J’ai dit plus tôt que j’interviens à la fin du processus. Cela me fait dire que, selon les informations anecdotiques, les cas de harcèlement sexuel sont souvent non signalés et non vérifiés, et ce malgré une bonne politique et de bons gestionnaires. À la fin du processus, si la plainte s’avère fondée, le gestionnaire doit décider des mesures à adopter. Comme je l’ai déjà souligné, certains prennent des mesures inadéquates. À mon avis, le suivi après enquête est trop souvent inefficace.
Je sais que le comité est préoccupé par de récentes allégations de harcèlement sexuel au sein de la GRC. J’ai examiné la politique de l’organisme. J’ai mené une enquête, non pas sur un cas de harcèlement sexuel, mais sur une plainte de harcèlement contre des agents. La politique de la GRC date de 2008. J’en ai une copie avec moi et je crois qu’il s’agit d’une bonne politique. En fait, elle est beaucoup plus précise et complète que celle du Conseil du Trésor. Elle oblige les gestionnaires et les employés à se soumettre à une enquête, et pourtant, il y a encore des problèmes. Comme je le disais, vous pouvez avoir une bonne politique et de bons gestionnaires, mais ça ne règle pas tout.
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J’arrive à la fin de mon exposé.
J’aimerais terminer en faisant valoir trois principaux points.
Premièrement, les fonctionnaires fédéraux doivent être mieux éduqués et mieux formés sur le harcèlement en milieu de travail, en général, et le harcèlement sexuel, en particulier. De façon générale, ils doivent comprendre que les avances sexuelles non sollicitées et non désirées sont inacceptables. Ils doivent aussi avoir confiance de pouvoir porter plainte sans crainte de représailles et sans que cela nuise à leur carrière.
Deuxièmement, nous devons nous assurer que les gestionnaires peuvent, de leur propre chef, autoriser la tenue d’une enquête, même en l’absence de plaintes, si la situation le justifie.
Troisièmement, lorsque des allégations sérieuses de harcèlement sexuel s’avèrent fondées, des mesures de suivi efficaces doivent être adoptées afin de rétablir la confiance dans le milieu de travail et punir les coupables.
Monsieur Gaon, monsieur Rootham, merci beaucoup des renseignements que vous nous fournissez aujourd'hui. De recueillir les témoignages de personnes de l'extérieur qui travaillent dans le domaine nous aide à saisir la situation. Nous pouvons recevoir des représentants de plein de ministères, mais vous nous parlez tous les deux du vrai travail que vous faites et de ce que vous avez vu sur le terrain.
Je dois dire que j'ai une grande foi dans notre pays et dans tous les paliers de la fonction publique, parce que je crois que nous avons une bonne longueur d'avance sur bien des pays. Malgré tout, nous avons encore des questions importantes à régler.
C'est impossible de réussir sans changer la culture du milieu de travail, peu importe le nombre de règles. La politique de 2008 de la GRC, dont vous avez parlé, était une très bonne politique. L'organisation, comme beaucoup d'autres, a d'énormes difficultés liées au fait que les actes sont peu signalés. Beaucoup de raisons expliquent ce fait, et je ne suis pas convaincue que les politiques auront une incidence là-dessus. C'est lié davantage à la culture et à la formation.
Je pense que la fonction publique fédérale est un exemple d'un cas dans lequel on a mis plein de choses en place, mais les problèmes persistent. Je ne crois pas que nous arriverons à améliorer la situation sans modifier la culture des organisations. J'aimerais vous entendre là-dessus.