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Si vous me le permettez, nous allons commencer.
Tout d'abord, je voudrais souhaiter une très bonne année à tous et à toutes.
Nous continuons notre étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux. C'est la 55e séance du Comité permanent de la condition féminine.
Une nouvelle députée est maintenant membre de notre comité. Mme Joan Crockatt remplace M. Aspin. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
Si vous me le permettez, nous allons commencer dès maintenant. Aujourd'hui, nous recevons beaucoup de personnes qui représentent un seul groupe, soit l'Alliance de la fonction publique du Canada. Nous avons Mme Robyn Benson, Mme Andrée Côté, Mme Mary Chamberlain, M. Bob Kingston, Mme Janet Hauck, M. Robin Kers, Mme Anne-Marie Beauchemin et Mme Francine Boudreau.
Je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Vos témoignages nous seront très utiles.
Je m'excuse, mais je dois apporter une correction à ce que je viens de dire. Nous avons deux témoins, soit Mme Beauchemin et Mme Boudreau, qui font partie du Syndicat des agents correctionnels du Canada. J'ai commis une petite erreur.
Sans plus tarder, nous allons commencer.
Madame Benson, vous disposez de dix minutes.
Bonjour, madame la présidente, mesdames les membres du comité. Je suis fière de témoigner au nom de l’Alliance de la fonction publique du Canada. Je suis ravie de comparaître en compagnie de représentants de nos divers éléments, qui jouent un rôle clé au sein de notre syndicat en représentant nos membres sur le terrain dans les milieux de travail.
Comme vous l’avez mentionné, je suis accompagnée par Mary Chamberlain, vice-présidente exécutive de l’Union des employés de la Défense nationale; Bob Kingston, président du Syndicat de l'agriculture; Jan Hauck, vice-présidente nationale du Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général; Robin Kers, l’un de ses représentants nationaux; et bien entendu Andrée Côté, agente au Programme des femmes et des droits de la personne de l’AFPC.
L’AFPC est le plus grand syndicat de fonctionnaires fédéraux. Nous représentons plus de 180 000 personnes dans l’ensemble du pays. La majorité de nos membres sont des fonctionnaires fédéraux et des employés des organismes fédéraux, et environ deux membres sur trois qui travaillent dans la fonction publique fédérale sont des femmes.
L’AFPC veille depuis longtemps à ce que ses membres travaillent dans des milieux libres de tout harcèlement sexuel. Nos propres statuts mentionnent que chaque membre a le droit d’être protégé contre tout harcèlement de la part d’un autre membre, dans les rangs du syndicat et dans le lieu de travail. Notre première politique en matière de harcèlement sexuel remonte à 1984. En 1986, nous avons négocié pour la première fois une disposition relative au harcèlement sexuel dans une convention collective.
Il est juste de dire que le leadership de l’AFPC en matière de harcèlement sexuel tire son origine des efforts et du courage de l’une de nos membres, Bonnie Robichaud. Bonnie a poussé son syndicat et son employeur à aller dans la bonne direction, et nous devrions tous l’en remercier.
Un membre de l’AFPC qui est victime de harcèlement sexuel se tournera généralement pour avoir de l’aide vers le délégué syndical de sa section locale ou un représentant d’un autre élément.
Bien que la très grande majorité des cas de harcèlement sexuel qui nous sont rapportés concernent des femmes, nous sommes conscients que des hommes en sont aussi parfois victimes.
L’AFCP soutient les plaignantes dans un dossier de harcèlement sexuel par l’entremise de diverses options mises à la disposition des membres: une plainte conformément à la politique du Conseil du Trésor en matière de harcèlement; un grief en vertu de la convention collective; une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne; et une enquête sur la santé et la sécurité.
Tous ces mécanismes jouent des rôles différents. Ensemble, ils servent à s’assurer que le harcèlement sexuel et les autres formes de harcèlement en milieu de travail font l’objet d’enquêtes adéquates et que des sanctions appropriées sont imposées aux auteurs. Nous espérons que ces mesures permettront de créer un milieu de travail sécuritaire.
Étant donné qu’il s’agit d’un sujet délicat ou de nature privée, la majorité des plaintes et des griefs en matière de harcèlement sont examinés par l’entremise de la médiation. Cette pratique permet un processus moins contradictoire et plus confidentiel, ce qui donne l’occasion aux parties de trouver une solution mutuellement acceptable.
Dans un monde idéal, le processus de grief vise à trouver une solution dans le milieu de travail dès le premier palier. Cependant, le processus peut s’étirer et devenir conflictuel, ce qui peut accroître l’épreuve et le stress vécus par les victimes dont les litiges se prolongent. Dans notre mémoire, nous avons décrit des exemples de cas difficiles. Mes collègues pourront également vous donner des exemples.
La sensibilisation et la formation sont aussi des éléments clés en vue de changer le milieu de travail et de prévenir le harcèlement sexuel. Par exemple, dans le cadre du Programme d’apprentissage mixte que l’AFPC a négocié avec le Conseil du Trésor, l’atelier visant à lutter contre le harcèlement est le plus populaire. Plus de 800 ateliers ont été donnés dans les divers ministères depuis 2007.
En dépit de tout cela, le harcèlement sexuel et les autres formes de harcèlement demeurent omniprésents en milieu de travail. Le sondage auprès des employés de la fonction publique révèle qu’environ une femme sur trois affirme avoir été victime de harcèlement au travail. Cette proportion augmente de façon très importante pour ce qui est des femmes de couleur et des femmes appartenant aux autres groupes visés par l’équité.
Il est évident que le Conseil du Trésor ne respecte pas les normes attendues, à savoir d’offrir un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination. Voilà pourquoi notre première recommandation dans notre mémoire est d’exiger que le Conseil du Trésor étudie le déroulement et l’issue de toutes les affaires relatives au harcèlement sexuel, soit les procédures de règlement, les enquêtes internes, les arbitrages et les plaintes pour atteinte aux droits de la personne, et fasse rapport au comité permanent d’ici un an.
Le Canada a exprimé sa volonté de promouvoir l’égalité des femmes et d’éliminer la discrimination et le harcèlement en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et de la Plateforme d’action de Beijing.
Nous demandons au Canada de réaffirmer sa volonté d’éliminer le harcèlement sexuel et les autres formes de discrimination et de violence contre les femmes. Nous pourrions le faire à l’occasion de la prochaine séance de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies qui s’amorcera le 4 mars.
Nous vous demandons également de recommander au gouvernement fédéral de donner suite à l’appel des organisations féminines nationales et des syndicats pour un plan d’action national de lutte contre la violence envers les femmes. Comme vous le voyez dans notre mémoire, nous avons d’autres recommandations importantes, et nous serons ravis d’en discuter avec vous pendant les périodes de questions.
Je vais m’arrêter là, mais je vous invite bien entendu à poser des questions à mes collègues Mary Chamberlain, Jan Hauck et Robin Kers. Ils traitent des plaintes en matière de harcèlement sexuel au sein de la GRC et du ministère de la Défense nationale, et je suis certaine que leurs propos sauront vous intéresser. Quant à Bob Kingston, il est coprésident du Comité d’orientation en matière de santé et de sécurité à la fonction publique; il connaît très bien les règlements du Code canadien du travail en matière de prévention de la violence en milieu de travail. Nous espérons que ces règlements joueront un rôle important dans la prévention du harcèlement sexuel dans nos milieux de travail.
Merci de votre attention.
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Je m’appelle Anne-Marie Beauchemin; je suis coordonnatrice régionale de l’Ontario en matière de condition féminine pour l’UCCO-SACC-CSN. Je suis agente correctionnelle depuis 12 ans, et je travaille actuellement au pénitencier de Kingston, un établissement à sécurité maximum pour hommes.
Je vais parler des politiques et des lois qui régissent le SCC et qui rendent le travail des agentes correctionnelles plus difficile que celui de nos collègues de sexe masculin.
En mai 2012, le , Vic Toews, a été informé que les détenus fédéraux avaient accès à de la pornographie à la télévision. Il a annoncé qu'il mettrait fin à cette pratique inacceptable. Jusqu'à maintenant, rien n'a été fait. La télévision par satellite et par câble à laquelle les détenus ont accès pour quelques sous par jour comprend toujours des canaux et des films sexuellement explicites.
Les détenus sont également autorisés à garder des magazines et des photographies sexuellement suggestives et explicites et continuent de soumettre les agentes à des attentions inopportunes, à des commentaires gênants et à des manifestations intentionnelles de gratification sexuelle. Comment se fait-il que les détenus ne soient pas autorisés à avoir en leur possession du matériel qui comporte des logos évoquant des gangs ou de l'alcool, parce qu'ils sont considérés comme antisociaux, mais que la pornographie soit considérée comme acceptable?
Les agentes rapportent des incidents où des détenus se masturbent et s'exposent délibérément. Dans un cas, une agente effectuait une ronde de routine pendant un quart de nuit dans un établissement à sécurité moyenne. Elle a vu un détenu qui se masturbait dans sa cellule. Lors de chaque ronde subséquente, le détenu semblait se placer de manière à ce qu'elle le voie se masturber. Plus tard cette nuit-là, il lui a tendu un message dans lequel il lui offrait de faire un spectacle pour elle et lui demandait de n'en parler à personne. Lorsqu'elle est repassée devant sa cellule, il lui a demandé sa réponse et lui a demandé si cela lui attirerait des ennuis.
L'agente a rapporté l'incident au gestionnaire correctionnel en fonction. Pourtant, malgré la situation, elle n'a pas été redéployée à un autre poste. Elle a présenté un rapport d'observation à la fin de son quart, mais l'incident n'a pas été signalé au gestionnaire correctionnel du quart de jour. La direction a refusé de placer le détenu en isolement, en raison du manque de lits disponibles dans l'unité. Le détenu a éventuellement été placé en isolement, et il a été accusé d’infraction disciplinaire par l’agente. Lorsque l'agente s'est adressée aux policiers pour que des accusations externes soient formellement portées contre le détenu, ils l'ont informée qu'il n'y avait pas de motifs d'accusation.
L'agente a pris congé pour le quart suivant et a pris 200 heures de congé de maladie. Après une longue lutte avec la direction de l'administration régionale, le détenu a été transféré au pénitencier de Kingston, où il a été réévalué et considéré comme déviant sexuel.
L'agente a depuis repris le travail, mais elle n’a pas repris toutes ses tâches régulières, en raison de son expérience traumatisante.
La politique du SCC prévoit que les détenus doivent être respectueux envers les agents. La LSCMLC, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, aborde également la question. Malheureusement, la masturbation intentionnelle devant une agente correctionnelle n'est pas clairement mentionnée, et cela doit changer. Les agentes doivent pouvoir disposer d'une option viable prévoyant l'application uniforme de mesures correctives.
Même si les agentes ont la possibilité de porter plainte contre un détenu dans de telles circonstances au moyen du système disciplinaire interne des détenus, elles doivent prouver que l'acte commis par le détenu avait pour but de les insulter, de les offenser, de leur manquer de respect ou de les harceler. Dans notre région, une étude des plaintes déposées en 2011 au cours d’une période de neuf mois a révélé que neuf plaintes avaient été déposées contre des détenus qui s'étaient masturbés devant une agente. Ces plaintes ont été classées comme mineures et dans un cas, même si le détenu a reconnu sa culpabilité, il ne semble pas y avoir eu de règlement final.
Les accusations criminelles pourraient aussi être une avenue pour les agentes, mais encore une fois il est difficile de prouver que le détenu est coupable hors de tout doute raisonnable et, en outre, que l'infraction est punissable par procédure sommaire.
Ce qui est permis dans nos prisons fédérales et les répercussions que cela entraîne pour nos agentes sont contraires à l'énoncé de mission du SCC, qui vise à aider les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois. L’exposition continue à de la pornographie et à de tels types de comportement de la part de détenus, qui semblent être sans conséquence, met en danger le bien-être émotionnel des agentes correctionnelles, soit des agentes de la paix assermentées, et leur font en fin de compte perdre leur dignité.
Les agentes correctionnelles sont aux prises avec des difficultés différentes de celles de leurs collègues masculins. Plusieurs difficultés peuvent être abordées par l’entremise de modifications au Code criminel, à la LSCMLC et aux politiques, ce qui donnerait une orientation claire au sein du Service correctionnel du Canada. Nous ne sommes pas le problème.
Merci de l'intérêt que vous portez à ce problème. Francine et moi sommes prêtes à répondre à vos questions.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de me donner la chance de m'exprimer à votre tribune. Mon nom est Francine Boudreau. Je travaille présentement au pénitencier fédéral de Cowansville. C'est un établissement à sécurité moyenne. Je suis agente correctionnelle au sein du Service correctionnel du Canada depuis maintenant 26 ans. Pendant toutes ces années, j'ai eu à travailler dans cinq établissements pour hommes ayant des cotes de sécurité différentes, à savoir des établissements à sécurité maximale, à sécurité moyenne et à sécurité minimale. Je suis aussi coordonnatrice de la condition féminine de la délégation de la province de Québec pour le syndicat UCCO-SACC-CSN.
Le milieu carcéral était autrefois un domaine de travail réservé presque exclusivement aux hommes. Toutefois, au cours des dernières années, les femmes ont su y prendre leur place en occupant différents postes. Ce n'est pas sans difficulté que les premières femmes embauchées ont relevé le défi de légitimer la place de l'intervenante féminine au sein des pénitenciers et qu'elles ont pu gravir les échelons jusqu'à atteindre l'équité en emploi et la reconnaissance de l'apport d'une femme au monde particulier de l'intervention en milieu correctionnel. Elles ont su faire admettre que le milieu correctionnel n'était plus désormais un milieu où seule la force physique devait être le facteur d'embauche prédominant.
Bien que l'on salue toutes les démarches entreprises par les autorités gouvernementales pour arriver à cette représentativité importante de la femme en tant que membre à part entière du système de justice pénale et que nous témoignons d'une nette amélioration sur le plan de la condition féminine, un phénomène bien particulier demeure. Il est peu commun, voire très rare dans les autres domaines de travail. Je parle du harcèlement sexuel par la clientèle, en l'occurrence les détenus.
La femme a eu à prouver, au cours des dernières décennies, qu'elle avait les capacités physiques et psychologiques nécessaires pour travailler dans ce milieu difficile, majoritairement destiné à la gente masculine. En démontrant qu'elle a les habiletés, les capacités et la force pour intervenir auprès des délinquants, elle a su se faire une place dans ce monde.
Par contre, il demeure toujours qu'elle peut faire face à du harcèlement sexuel de la part des délinquants, ce que ses collègues masculins n'ont pas à vivre. Il est donc faux de penser qu'une femme vit sa carrière au même diapason que ses collègues masculins, et ce, justement en raison du fait qu'elle est une femme.
Lorsqu'une femme est victime de harcèlement sexuel par un détenu, elle peut vivre différentes émotions. Elle peut être très préoccupée et stressée, notamment parce qu'elle peut sentir qu'elle doit se justifier et prouver qu'elle n'a pas provoqué cette situation par sa féminité. Cette réaction vient du fait que la femme aura probablement à vivre avec des jugements de valeurs, la remise en question de ses propres gestes et paroles et le manque de confiance de la part de ses collègues de travail et de ses supérieurs. Elle peut donc en arriver à se poser plusieurs questions. Comment ses collègues et ses supérieurs vont-ils réagir? Qu'est-ce qu'elle a fait pour que cela arrive?
Si elle s'isole à la suite de ce type de harcèlement et du questionnement que cela entraîne, cela peut éventuellement miner sa carrière, la pénalisant alors doublement. Trop souvent, la femme se remet en question et se sent coupable, alors qu'elle n'a aucun contrôle sur les réactions des autres. Le fait d'être une femme ne devrait pas constituer une difficulté en soi. Pourtant, on lui attribue souvent des torts ou on questionne ses agissements. En engageant des femmes, il ne faut pas s'attendre à ce qu'elles se masculinisent. La femme a le droit d'évoluer dans son travail sans que les détenus la harcèlent. Elle ne devrait jamais se sentir impuissante face à ce type de situation.
L'employeur maintient une tolérance zéro à l'égard du harcèlement, principalement celui qui peut survenir entre collègues. Cependant, lorsque le harcèlement sexuel provient de détenus, les ressources sont plus limitées. Dans les faits, ce type de situation est peu connu parce que la personne qui le vit n'en fait pas état dès les premiers signes. Pour les raisons énumérées plus tôt, la victime ne se confiera pas facilement à ses collègues de travail ni à ses supérieurs, ce qui ne fait que complexifier la problématique en ne favorisant pas l'élaboration de pistes de solution.
De plus, puisque ces situations sont souvent méconnues, il est plus difficile de sensibiliser le milieu de travail et, ainsi, démystifier le phénomène. Sans compter que, au niveau disciplinaire, il est beaucoup plus facile de prouver des infractions lorsqu'il est question de paroles et de comportements injurieux de la part des délinquants. Lorsqu'on fait face à du harcèlement sexuel, l'interprétation et les zones grises rendent les recours plus limités. Pourtant, la situation est bien présente et il est important que tous sachent que, en 2013, si la femme prend sa place dans le milieu correctionnel, elle doit cependant continuer de militer à plusieurs niveaux pour faire respecter ses droits et sa personne afin d'avoir une vraie place égale à celle de l'homme.
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Je peux répondre à cette question.
On a un peu tort de parler de règlement informel, parce qu’on peut arriver à ce résultat sans employer les divers mécanismes de règlement ou à la suite de leur emploi. Par exemple, dans l’un des dossiers dans lesquels je suis intervenu, après avoir longuement tenté de régler la plainte qui a donné lieu à la formulation de griefs et à la tenue d’une enquête, une offre de règlement a été proposée et acceptée par la suite.
On parle de règlements informels en ce sens qu’habituellement, certaines des ententes sont jugées confidentielles. Par conséquent, elles ne créent pas de précédents, ne sont pas rendues publiques et n’indiquent pas à l’ensemble des travailleurs qu’une plainte de harcèlement sexuel a été réglée de telle ou telle manière. En ce sens, la plainte est réglée de manière informelle.
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Bien sûr, dans le mémoire, nous mentionnons que, dans le cadre du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, 54 p. 100 des répondants se sont dits satisfaits du mécanisme informel de règlement des plaintes. C’est ce qu’indique le sondage en tant que tel.
Nous offrons, par exemple, un mode alternatif de règlement des conflits dans le cadre duquel les intervenants participent à un processus de médiation d’une sorte ou d’une autre. Aucun grief n’est formulé. Ils font appel à un agent de règlement alternatif des conflits, même s’il se peut qu’aucune plainte n’ait été déposée. La question est réglée de cette manière.
Certains des règlements auxquels M. Kers fait allusion comportent des indemnités. Toutefois, il arrive aussi que le problème soit réglé en transférant les personnes dans d’autres milieux de travail. Certes, selon nos observations, cette solution, qui permet à l’employeur d’offrir à ses employés un milieu de travail sécuritaire, n’est pas utilisée assez souvent.
Le premier cas concernait un harceleur récidiviste. Il semble que tous savaient que cette personne pratiquait le harcèlement, à tel point qu’aucune mesure n’était vraiment prise. Lorsque de nouvelles employées étaient embauchées, on les mettait au courant de son comportement.
Je m’interroge, parce que je ne comprends pas comment les choses se déroulent dans ces cas-là. Je n’ai jamais été dans cette situation. Je présume que vous représentez les deux employés. Je suppose que, dans le cas en question — puisque rien n’indique que le harceleur est un gestionnaire —, les deux employés sont au même échelon, auquel cas le syndicat doit, selon moi, les représenter tous les deux. Dans le cas présent, la direction n’a pas licencié le harceleur, et l’employée a été forcée de continuer à travailler dans le même lieu que lui. Par conséquent, il a été nécessaire de mettre les nouvelles employées au courant de la situation avant leur arrivée.
Des mesures, quelles qu’elles soient, peuvent-elles être prises? Il va de soi que le syndicat doit représenter les deux employés. Par conséquent, la situation doit être difficile à gérer. Comment vous y prenez-vous? Comment pouvez-vous les représenter tous les deux? Vous représentez ce type qui continue à harceler des femmes, mais vous représentez également les femmes qui l’accusent de harcèlement. Comment cela fonctionne-t-il? Cela doit vous compliquer la vie.
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Je m’assurerais, premièrement, qu’elle est conforme à la loi. D’abord, la politique donne au gestionnaire le pouvoir unilatéral de définir la façon de procéder. La loi ne donne pas ce pouvoir et elle est très claire au sujet de la procédure. D’ailleurs, RHDCC a donné des directives à bon nombre d’employeurs afin d’encadrer les gestionnaires qui décident d’exercer ce pouvoir. Mais, lors de l’élaboration de sa politique, le Conseil du Trésor n’a consulté personne ayant une bonne compréhension du Code canadien du travail. C’est là qu’il a fait erreur.
En ce qui a trait au respect des procédures définies dans le Code canadien du travail, notamment la section sur la violence, l’avantage c’est qu’il n’est pas nécessaire d’attendre qu’une plainte soit déposée pour entamer les procédures. Le processus s’enclenche dès que la situation est connue. Donc, même si la victime est trop intimidée pour porter plainte, un tiers peut signaler le cas et amorcer le processus.
L’enquête elle-même doit être impartiale; aux yeux des parties concernées, l’enquêteur doit être impartial.
L’enquête permet de découvrir la cause profonde du problème. La seule façon de prévenir à long terme le harcèlement sexuel, c’est d’identifier ce qui ne va pas dans le système, ce qui fait qu’aux niveaux inférieurs de gestion et de supervision, ces situations se développent. Habituellement, l’élimination de la source du problème ne suffit pas. Quiconque a déjà été fonctionnaire peut vous dire que des gestionnaires des deux ou trois premiers niveaux de gestion laissent le problème dégénérer, pas nécessairement à dessein, mais simplement en raison de leur style ou de leur système de gestion.
L’enquête menée conformément aux dispositions du code doit déterminer la cause profonde du problème et recommander ensuite des mesures préventives. Les enquêtes menées selon d’autres formats n’ont pas cette obligation. Elles doivent recommander des mesures préventives même si la plainte a été résolue grâce à un processus de résolution informel.
Ce sont tous des points positifs. L’autre grande différence, c’est que les enquêtes menées en fonction des dispositions du code sont assujetties à certaines limites; elles ne peuvent retourner plus d’un an en arrière et il est très difficile de compiler un dossier d’antécédents. Les lettres disciplinaires sont retirées des dossiers après deux ans. On ne peut pas enquêter sur des cas de harcèlement sexuel qui datent de plus d’un an.
Le Code canadien du travail n’impose aucune limite du genre. Vous allez là où vous mène l’enquête. D’ailleurs, vous êtes tenu d’analyser les événements passés pour déterminer ce qui ne va pas.
Le monde a changé. Il y a maintenant toutes sortes de possibilités très positives. La politique n'est en vigueur que depuis quelques années. Il y aura une période d’adaptation, mais je crois que plus tôt nous nous serons ajustés, mieux se sera pour tout le monde.
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Si vous me permettez, j’aimerais intervenir.
Nous avons un exemple bien précis, soit celui de Donald Ray. Je vous signale que ce dossier relève du domaine public et a fait l’objet de beaucoup de publicité dans Internet et les médias, notamment le rapport disciplinaire. Dans ce dossier, le conseil d’arbitrage, ou l’enquête sur des infractions au code de conduite, a prouvé que M. Ray était coupable de toute une série d’accusations d’abus de pouvoir et de harcèlement sexuel à l’endroit de plusieurs fonctionnaires.
Je pourrais vous donner des détails aussi graphiques que ceux qu’a donnés ma collègue du SACC, mais ça ne servirait à rien. Dans le cadre de notre analyse de suivi, nous avons déterminé que la GRC s’était concentrée sur le code de conduite pour traiter le cas de l’employé récalcitrant, mais qu’elle n’avait pas de processus en place pour traiter les éléments corollaires du dossier, soit le harcèlement sexuel et les souffrances des victimes. Le syndicat a fait un suivi auprès des victimes pour savoir exactement ce que l’employeur avait fait pour elles, car c'était secret. La plupart ne voulaient même pas parler au syndicat de leur situation craignant de perdre leur emploi, de nuire à leur carrière ou de faire l’objet de représailles, entre autres. Je parle ici de sept fonctionnaires touchées par ce dossier.
Dans un autre dossier où j'ai représenté la victime, en Colombie-Britannique, et auquel nous faisons référence dans notre mémoire, la victime a fait l’objet de représailles de toutes sortes pendant la procédure de plainte. C’est moi qui l’ai représentée.
Le problème, c’est que l'information ne se répand pas seulement dans les médias, elle se répand aussi au sein de l'organisation. Les gens se confient à leurs amis proches. Le processus est tenu relativement secret, mais le mot se passe lorsque quelqu’un porte plainte pour harcèlement, surtout s’il s’agit de harcèlement sexuel. La victime s’expose à un grand danger, car dans le réseau des anciens, et je ne parle pas uniquement de la GRC, du MDN ou d'autres organisations quasi militaires, mais aussi d’autres ministères fédéraux, on ne sait pas comment traiter les cas de harcèlement sexuel. Par conséquent, les femmes ont peur de porter plainte.
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Monsieur Kers, madame Hauck, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Comme vous le savez, nous avons amorcé notre étude en réaction aux problèmes soulevés par plusieurs agents de la GRC. Le cas de Donald Ray est certainement un de ceux que j’ai soulignés à la Chambre et dont bon nombre d’entre nous avons parlé.
J’aimerais, moi aussi, faire part de ma frustration. Peu importe les politiques que nous adoptons ou l’efficacité des syndicats, il y aura toujours des gens qui se sentent intimidés. Il faut opérer un changement de culture et de mentalité.
Que faut-il faire dans un cas comme celui de Donald Ray, où la sanction est le transfert dans une autre section, un autre ministère ou une autre région où il peut continuer d’agresser les gens? Quel genre de politique doit-on adopter? La personne reconnue coupable d’avoir enfreint le code de conduite ne devrait-elle pas être automatiquement congédiée? Pourquoi M. Ray n’a-t-il pas été congédié?
J’aimerais vous entendre à ce sujet, dans la mesure où vous pouvez commenter le dossier. Comme vous l’avez dit, ce cas a fait l’objet de beaucoup de publicité.
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Bien des problèmes ont été cernés concernant le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux. Une partie du problème, c'est le manque de données précises. À ce propos, un mémoire de l'AFPC suggère de poser une question claire sur le harcèlement sexuel dans notre prochain sondage auprès des fonctionnaires.
Lorsque Mme Truppe a soulevé une question sur les règlements informels plus tôt, j'ai dit qu'une partie du problème, c'est que les prétendues solutions sont pour ainsi dire cachées. Dans les ministères, à la GRC, etc., la résolution est trop souvent noyée dans le jargon juridique, et la plaignante est au fond obligée d'accepter une entente de confidentialité pour obtenir une forme de réparation. Par conséquent, aucune donnée sur les ministères ne permet de dire à la fin de l'année combien il y a eu de cas de harcèlement sexuel. De plus, la méthodologie ne donne aucune garantie aux collègues qui peuvent rencontrer des problèmes semblables en matière de traitement des cas de harcèlement sexuel dans les ministères ou au gouvernement. Par exemple, rien ne permet de promouvoir les réussites dans la gestion du harcèlement sexuel.
Dans l'affaire Donald Ray... Je siège au groupe de travail de la GRC qui va se prononcer sur les changements qui feront suite au projet de loi C-42. Récemment, j'ai parlé au président, un membre régulier de la GRC, de deux questions qu'il faut étudier selon moi. Au lieu de toujours examiner la question du point de vue des hommes, il faut appliquer une norme raisonnable établie par des femmes non seulement à la GRC, mais partout au gouvernement fédéral pour évaluer les preuves concernant le harcèlement sexuel et les cas de discrimination fondée sur les sexes.
Nous ne pouvons pas toujours nous concentrer sur la façon dont nous allons modifier la gestion des membres réguliers de la GRC. Un processus corollaire doit tenir compte des victimes et de la victimisation. Ces deux questions ont été portées à l'attention du comité.
Au bout du compte, les gens comme Donald Ray doivent être mis à pied. Je pense que le renvoi du harceleur et un message clair envoyé dans les médias et au ministère fourniraient un soutien aux femmes victimes de harcèlement et les encourageraient à dénoncer la situation. Tant que le gouvernement et ses diverses ramifications ne seront pas prêts à prendre des mesures concrètes, le changement sera très, très lent.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins de leur présence.
Ma question s'adresse à Mme Chamberlain. Je crois que vous avez fait certains commentaires en réponse à une question de ma collègue, Mme O'Neill Gordon, sur la politique actuelle et la tolérance zéro qu'elle prévoit.
Si j'ai bien compris, vous avez dit que le problème de la politique actuelle, c'est qu'elle permet à l'employeur d'établir si le cas répond à la définition courante du harcèlement sexuel ou autre. D'habitude, je pose une question là-dessus. Je suis contente que vous en ayez parlé, car on a dit que ma question valait un million de dollars.
J'ai participé à de multiples élections en tant que politicienne. Vous êtes sans doute conscients que bon nombre d'entre nous ont reçu des commentaires ou ont été victimes de harcèlement ici, à Ottawa. Je dirais que ce qui peut offenser une personne ne va pas nécessairement en offenser une autre. D'après nos discussions avec d'autres témoins, la définition du harcèlement exige que le harceleur soit conscient qu'il offense la victime.
Voici ce qui est sans doute la question à un million de dollars. Comment l'employeur peut-il établir que le harceleur était au courant, car nous sommes tous différents? Ce qui ne dérange pas certaines personnes peut en enrager d'autres. J'imagine que c'est la question à un million de dollars liée à votre commentaire. Comment l'employeur est-il censé le savoir? En fin de compte, il est tenu de trancher.
Je suis d'accord avec vous. Je dis toujours que le harcèlement, c'est ce que perçoit la personne qui dépose une plainte. Ce qui l'offense doit faire l'objet d'une enquête. S'il est établi à la fin du processus que ce n'est pas du harcèlement selon la loi, il faut expliquer pourquoi.
Dernièrement, j'ai travaillé à trois cas qui concernent le même milieu de travail et le même employeur. Une plainte a été déposée en vertu de la politique de ce dernier, alors que les deux autres cas étaient des griefs. Ces trois recours ont été rejetés, même s'il y avait 69 allégations contre l'employé dans un des cas. Les mêmes représentants de l'employeur ont indiqué chaque fois que ça ne répondait pas à la définition du harcèlement. Lorsque nous avons exprimé notre préoccupation au commandement supérieur, on nous a dit que nous avions au moins reçu une réponse, même si elle ne nous plaisait pas.
Si la Défense nationale veut promouvoir la tolérance zéro, il faut examiner les plaintes comme il se doit. Dans un des incidents en question, le commandant de la base a refusé qu'une enquête impartiale soit menée, malgré la recommandation d'un tiers.
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Ce n'est pas que les suppressions d'emploi causent du harcèlement sexuel. La question portait sur les raisons pour lesquelles les gens ne dénoncent pas le harcèlement sexuel.
Ce que j'essayais de dire, c'est que les femmes ont peur de dire qu'elles sont victimes de harcèlement sexuel à cause de ce qui se passe dans leur milieu de travail. Va-t-on me croire si je le dénonce? La plainte m'empêchera-t-elle d'avancer dans ma carrière? Lorsque nous parlons des suppressions d'emplois et de la crainte réelle, je pense qu'on peut probablement multiplier cela par quatre. Si elles sont harcelées sexuellement, les femmes ne le dénoncent pas. J'ai dit que, lors d'une réunion à laquelle je participais, une jeune femme enceinte de trois mois racontait qu'elle avait peur de dire à son employeur qu'elle était enceinte, par crainte de perdre son emploi. Peut-être que la femme qui était assise à côté d'elle est victime de harcèlement sexuel, mais qu'elle n'a pas levé la main pour le dire, parce que tout ce qu'elle souhaite, c'est de garder son emploi.
Je pense qu'il faut tenir compte du climat de travail dans lequel nous vivons actuellement: des emplois sont supprimés, le processus n'est vraiment pas juste, et j'en ai parlé à M. Clement. Parce qu'il n'y a pas d'ancienneté dans notre milieu de travail, les gens n'ont d'autres choix que de rivaliser avec leurs collègues. Comme M. Kingston l'a dit, on n'élimine pas du travail; on met des gens à la porte et le travail existe toujours.
Ce que je voulais dire, c'est que dans le climat actuel où des emplois sont supprimés, si des femmes sont victimes de harcèlement sexuel au travail — et il y en a —, elles ne le diront pas et ne porteront pas plainte.
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En prévision de ma comparution devant votre comité, j'ai sondé mon personnel, car je ne représente pas les membres de façon directe. Je dois dire que je n'ai pas été témoin de harcèlement sexuel et je n'en ai pas été victime. Le MDN n'est peut-être pas le meilleur milieu de travail, mais j'ai aimé mon expérience dans ce ministère.
J'ai demandé aux membres de mon personnel de me donner des exemples et je leur ai demandé si nous avions des cas à l'heure actuelle. J'ai été étonnée d'apprendre qu'il y en a quatre.
Dans l'un des cas, il s'agit d'allégations de la part d'un homme concernant un autre homme. Je ne sais ce qui se passera à ce sujet.
Dans un autre cas qu'on m'a signalé, une de nos membres a déposé des accusations de harcèlement sexuel. Elle occupe un emploi non traditionnel pour les femmes et travaille dans un groupe d'hommes. On a conclu que sa plainte était non fondée. Elle fait maintenant face à des allégations selon lesquelles elle aurait porté des accusations non fondées et elle fait l'objet d'une enquête.
Dans un autre dossier, l'employeur a donné son soutien à une plainte concernant des allégations selon lesquelles un collègue masculin s'est exhibé devant une collègue. Le défendeur a écopé d'une suspension de cinq jours. La raison pour laquelle nous sommes maintenant saisis de cette plainte, c'est que la plaignante n'était pas satisfaite des répercussions, soit la suspension de cinq jours. Elle est d'avis que la peine n'est pas assez sévère.
Concernant le quatrième exemple qu'on m'a donné, une personne a été accusée d'attouchements sur des collègues de sexe féminin. L'employeur envisage un réaménagement des effectifs qui mènera au départ de cette personne et au versement d'un paiement forfaitaire.
C'est de cette façon que le MDN gère les cas de harcèlement en milieu de travail.
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Parce que je sais qu'il nous reste peu de temps, je vais m'exprimer brièvement au nom des membres qui travaillent au sein de la GRC.
Contrairement à Mary, je suis sur le terrain. Je travaille avec la GRC depuis plusieurs décennies. Comme mon collègue, M. Kers, l'a clairement expliqué, le problème peut toucher tout le monde. Que vous soyez un membre régulier, un membre civil ou un fonctionnaire — au sein de la GRC, il existe trois catégories d'employés — ce problème peut vous toucher.
Je pourrais vous donner de nombreux exemples si nous avions le temps, mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est que les agents de la GRC ont pour mandat de nous protéger. Nous nous attendons à ce qu'ils assurent notre sécurité. En tant qu'employé, on ne s'attend pas du tout à ce qu'ils commettent un tel acte. C'est la dernière chose que nous pourrions croire.
Ils sont aussi en position d'autorité. Ce sont nos superviseurs, la plupart du temps, et ce sont des agents de police. Ils ont le pouvoir d'exercer de l'autorité et ils peuvent abuser de ce pouvoir. Ils sont censés protéger la société et ils doivent veiller à répondre aux attentes.
Ils devraient faire preuve d'une très grande tolérance à l'égard des différences. Qu'il s'agisse de l'orientation sexuelle ou de l'origine ethnique, ils devraient faire preuve d'une grande tolérance. Il ne semble pas que ce soit le cas.
Dans le cadre de mes fonctions de représentante des employés et des membres de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, je suis souvent confrontée à des difficultés, car ils exercent un contrôle sur ces situations.