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J'aimerais souhaiter la bienvenue à tout le monde. C'est la 75
e séance du Comité permanent de la condition féminine. Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude du projet de loi .
Aujourd'hui, nous recevons des représentants du Iroquois Caucus, soit le chef William K. Montour, le chef R. Donald Maracle et le chef Joel Abram. Je vous souhaite la bienvenue.
Vous disposez de dix minutes, que vous pourrez vous partager, pour une déclaration d'ouverture. Par la suite, nous entendrons, par l'entremise de la vidéoconférence,
[Traduction]
les représentants de la Nation Nishnawbe Aski: le vice-grand chef Alvin Fiddler, et Mme Jackie Fletcher, qui est représentante du Conseil des femmes.
Vous disposerez de 10 minutes pour votre déclaration préliminaire. Ensuite, nous passerons aux questions de députés.
Monsieur Montour, soyez le bienvenu; vous pouvez faire votre exposé.
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Merci, madame la présidente.
She:koh sewakwe:koh. Je suis le chef élu des Six Nations de la rivière Grand. J'ai fait parvenir à la greffière un mémoire écrit le 25 avril; vous devriez donc le trouver dans votre documentation. En général, mes propos représenteront le Caucus des Iroquois.
Le Caucus des Iroquois est un organisme indépendant qui représente 70 000 membres des Six Nations au Canada. Ce qui nous préoccupe, c'est que ce projet de loi est une atteinte à notre peuple. Je pourrais dire une atteinte continue à notre peuple, parce qu'en 1867, votre Loi sur les Indiens a retiré le droit de vote aux femmes autochtones. À mon avis, il est inacceptable que cela se perpétue aujourd'hui.
Comme je l'ai indiqué, nous avons adopté nos propres lois par l'intermédiaire du conseil des Six Nations, mais le caucus est préoccupé par le processus. Il aurait dû y avoir une consultation exhaustive. Or, nous ne savons pas avec qui elle a eu lieu, parce que personne ne nous a consultés, nous qui représentons les 70 000 membres des Six Nations.
À l'instar de mes collègues, je crois que notre relation est inscrite dans le
Guswenta,
Tekeni Teiohate, ou le « Wampum à deux rangs ». Je vais répéter ce qu'on y indique:
Nous ne serons pas comme un père et son fils, mais comme des frères. [Nos traités] symbolisent les deux voies ou les deux bateaux qui naviguent ensemble sur les mêmes eaux.
L’un d’entre eux, un canot d’écorce de bouleau, représente les Premières Nations, leurs lois, leurs coutumes et leur mode de vie. L’autre, un navire, représente les Européens, leurs lois, leurs coutumes et leur mode de vie. Nous devons parcourir le fleuve ensemble, côte à côte, mais dans notre [propre] bateau. Aucun de nous n’édictera de lois obligatoires ni ne s’ingérera dans les affaires internes de l’autre. Aucun de nous ne tentera de diriger le navire de l’autre.
Ce que nous avons ici, à mon avis, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est quelqu'un qui tente de diriger notre canot.
Comme je l'ai souligné, je parle au nom du caucus. Nous sommes préoccupés, comme je l'ai dit, par le processus de consultation mené auprès de l'Assemblée des Premières Nations et de l'Association des femmes autochtones, qui ne représentent pas les gens qui seront touchés par le projet de loi: les gens des collectivités.
Cela dit, je vais demander à mes collègues de faire leur exposé, parce qu'ils n'en ont pas encore eu l'occasion. Ensuite, c'est avec plaisir que je répondrai aux questions.
Merci beaucoup.
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Seken sewahkwekenh. Bonjour à tous. Je m'appelle chef Don Maracle. Je suis le chef des Mohawks de la baie de Quinte. Je suis d'accord avec les propos de mon collègue, le chef Montour.
La nation Mohawk fait partie de la Confédération iroquoise. Nous faisons partie du Caucus des Iroquois et de l'Association des Iroquois et des Indiens alliés. Nous habitons près de Belleville, en Ontario. Actuellement, nous avons une population de 9 053 membres. Des représentants de notre peuple vivent sur presque tous les continents du monde.
Depuis l'adoption du projet de loi McIvor, nous avons constaté une augmentation de 819 membres et il y a d'autres demandes en attente d'un enregistrement auprès du ministère des Affaires autochtones. Près de 2 200 membres vivent dans notre collectivité et on estime à 1 200 le nombre de non-Autochtones et d'Indiens non inscrits qui habitent avec des familles de notre collectivité.
Avec la mise en oeuvre du projet de loi C-31, notre population a augmenté d'environ 10 % ces deux dernières années. Beaucoup de formules de financement sont fondées sur le nombre de membres vivant sur le territoire. Certaines formules de financement s'appliquent à l'ensemble des membres. Les nouveaux inscrits ajoutent au fardeau financier de notre collectivité et du conseil. Or, nous ne recevons aucun financement supplémentaire pour compenser l'augmentation du nombre de membres. Cela entraîne une pression en ce qui a trait au logement et l'éducation.
Notre collectivité est la troisième collectivité autochtone en importance en Ontario, et la neuvième au Canada.
Nos ancêtres étaient des alliés militaires de la Grande-Bretagne et ont participé à presque toutes les guerres des 300 dernières années. Après la Révolution américaine et la signature du traité de Paris de 1783, nos ancêtres ont été obligés de choisir un territoire sur la rive nord du lac Ontario, qui était le territoire de chasse traditionnel de la Confédération iroquoise.
Encore une fois, nous avons été déçus de voir cette mesure législative être présentée à la Chambre des communes sans consultation préalable. Les recommandations de Mme Wendy Grant-John, à laquelle le Canada avait confié le mandat de parcourir le Canada pour obtenir le point de vue des peuples des Premières Nations, ont en grande partie été ignorées dans le projet de loi.
Le gouvernement a l'obligation de consulter et aussi de respecter ses propres lois. Or, à ce jour, le gouvernement n'a pas suivi sa propre jurisprudence en ce qui concerne les décisions transmises par la Cour suprême du Canada au sujet de l'obligation de consulter. L'obligation de consulter, d'accueillir et d'obtenir le consentement lorsque le gouvernement envisage des actions susceptibles d'avoir une incidence sur les droits ancestraux et issus des traités a été réaffirmée par la Cour suprême.
Ce projet de loi a certainement une incidence sur le Traité 3 1/2, en vertu duquel est fondée l'assise territoriale des Mohawks de la baie de Quinte. Le traité a été publié par la Couronne sous le nom de Traité 3 1/2, le 1er avril 1793.
Nous sommes aussi d'avis que ce comité n'est pas le comité adéquat pour l'examen de ce projet de loi qui, en réalité, ne porte pas uniquement sur les droits des femmes autochtones. Dans nos collectivités, il y a des hommes qui se retrouvent dans la même situation, qui ont subi de la violence, car dans certains cas, le partenaire violent n'est pas l'homme. Nous croyons que le projet de loi devrait protéger la famille dans son ensemble, devrait être fondé sur une vision plus globale et ne devrait pas être sexospécifique.
Dans ce projet de loi, on met beaucoup l'accent sur la violence familiale. Beaucoup de facteurs contribuent à la dégradation de la cellule familiale. Se concentrer autant sur la violence familiale porte le public à croire que chez les Premières Nations, tous les mariages échouent en raison de la violence familiale. Ce n'est pas le cas. On fait aussi croire au public que tous les hommes des Premières Nations sont violents. Ce n'est pas le cas.
Cette présentation ne constitue pas une consultation. Le projet de loi est paternaliste. Il ne reconnaît pas que le droit de décider qui peut habiter sur notre territoire relève des Premières Nations et non du gouvernement du Canada. Le gouvernement ne fait que prétendre comprendre que le droit de la famille relève de la compétence d'une Première Nation. En réalité, ce que fait le gouvernement, ce n'est pas une reconnaissance de ce droit: il délègue à la Première Nation l'autorité de gérer ce droit. Le gouvernement a dépensé des millions de dollars pour l'étude de la Proclamation royale du Canada, un document qui reconnaît que le droit de la famille relève de la compétence des Premières Nations.
Il y a une exigence selon laquelle un référendum est nécessaire pour l'adoption d'une loi. Au Canada, aucun gouvernement ne doit tenir un référendum pour adopter une loi. Il est très difficile d'atteindre le taux de participation de 25 %, car beaucoup de nos membres — dont l'ajout sur la liste découle du projet de loi C-31, en 1985, et du projet de loi McIvor — vivent dans diverses parties du monde. Il ne leur est pas toujours possible de participer aux décisions de la collectivité et beaucoup d'entre eux considèrent qu'ils ne devraient pas participer.
Nos membres ne réclament pas une participation à ce genre de décision. Dans certaines collectivités, l'atteinte du taux de participation au vote pourrait poser problème. De plus, cette forme de consultation est très coûteuse et le gouvernement ne la finance pas. Donc, tenir ce genre de processus ajoute un fardeau financier supplémentaire aux collectivités des Premières Nations.
Nos terres et notre peuple sont indissociables. Notre peuple entretient un lien très fort avec le territoire. Notre identité découle de cette relation avec le territoire, qui revêt une grande importance pour notre peuple sur les plans culturel et spirituel.
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Merci, madame la présidente.
Merci de nous donner l'occasion de témoigner au comité pour parler de cet enjeu très important.
Je m'appelle Alvin Fiddler. Je suis l'un des grands chefs adjoints de la Nation Nishnawbe Aski. Je suis accompagné de Mme Jackie Fletcher, qui est membre du Conseil des femmes de la Nation Nishnawbe Aski.
Brièvement, pour vous faire connaître qui nous sommes, la Nation Nishnawbe Aski représente 49 collectivités des Premières Nations situées dans le nord, le nord-ouest et le nord-est de l'Ontario. Le territoire couvre près des deux tiers de la province de l'Ontario et ce sont les collectivités qui ont signé le Traité no 9 en 1905-1906 et qui ont signé l'adhésion au traité en 1929 et 1930.
D'entrée de jeu, j'aimerais dire que nous reconnaissons le fait que nous avons un intérêt commun quant à la protection des familles, à la protection des femmes et des enfants en cas d'éclatement de la famille, lorsqu'il y a un divorce au sein de nos collectivités. Nous devons nous assurer que chaque personne est traitée avec respect et que ses intérêts sont protégés dans une telle situation.
J'aimerais aussi reprendre les propos que mes collègues, le chef Montour et le chef Maracle, ont présentés au comité. Nous avons toujours eu des préoccupations en ce qui concerne le processus, la façon dont ce projet de loi a été présenté et le processus actuel.
L'une de nos préoccupations, bien qu'un financement ait été offert pour les consultations dans l'ensemble de la Nation Nishnawbe Aski, c'est que nous croyons simplement que les efforts pour mener une consultation adéquate auprès de nos membres ou pour leur rendre justice n'ont pas été adéquats. Je pense que c'est l'un des points que nous voulons faire valoir aujourd'hui. Il faut fournir les ressources adéquates — au Conseil des femmes de la Nation Nishnawbe Aski, peut-être, qui en assurera la direction — et le temps nécessaire pour nous assurer de bien faire les choses.
L'une des choses que je veux que ce comité reconnaisse, c'est que si vous allez de l'avant et que vous imposez ce projet de loi, que vous imposez ces règlements à nos collectivités, nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire pour mettre en oeuvre ces règlements. Actuellement, nous participons à deux processus qui ne sont liés qu'à l'appareil judiciaire: le rapport Iacobucci et les tribunaux itinérants. Il y a un arriéré considérable. Il y a tant de choses à faire pour essayer d'améliorer la prestation et l'administration de l'appareil judiciaire, surtout dans les régions éloignées du Nord. Trente-deux de nos 49 collectivités sont considérées comme des collectivités éloignées accessibles par voie aérienne.
L'autre aspect est l'application de la réglementation. Je ne sais pas ce que le comité prévoit en ce qui a trait à l'application de ces règlements. Certains d'entre vous savent peut-être que l'application de la loi est un problème réel dans nos collectivités. En fait, nous avons des problèmes avec le SPNA, le service de police Nishnawbe-Aski. Nos problèmes découlent du manque considérable de ressources et de financement. Nous ne pouvons garantir la sécurité du public au sein de nos collectivités, ni garantir la sécurité de nos agents.
Je le souligne parce que je ne sais pas dans quelle mesure vous connaissez le Nord. Parmi les choses que nous voulons faire, nous voulons inviter les membres de ce comité à nous rendre visite pour rencontrer nos dirigeants et les gens du Conseil des femmes de la Nation Nishnawbe Aski. Si nous allons de l'avant, je pense que nous devons le faire ensemble. Nous devons travailler ensemble pour nous assurer de bien faire les choses.
Nous en avons assez de nous faire imposer des projets de loi et des règlements parce que cela ne fonctionne jamais. Ils ne conviennent pas à nos collectivités. Je pense que le message que nous voulons transmettre aujourd'hui, c'est que vous devez venir ici.
Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous n'avions tout simplement pas le sentiment qu'il valait la peine de dépenser 2 ou 3 milliers de dollars pour nous rendre à Ottawa pour faire un exposé de 10 minutes devant ce comité. Je pense que vous devez aussi investir votre temps et vos ressources pour travailler avec nous.
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Bonjour. Je m'appelle Jackie Fletcher et je suis membre du Nishnawbe Aski Nation Women’s Council.
Je suis fière de dire que le conseil compte neuf membres, et qu'il n'y a aucune hiérarchie. Il n'y a pas de président ni de vice-président, et cela nous convient très bien. Nous sommes tous égaux, comme l'étaient les Autochtones avant le contact.
Ce que j'ai à dire au sujet des biens immobiliers matrimoniaux a déjà été dit par les trois hommes qui m'ont précédée, et je suis très heureuse de voir des hommes à la table. Je ne sais pas qui fait partie du comité, mais je comprends qu'il compte 12 femmes, ce qui n'est pas une très bonne représentation, puisque la question ne touche pas seulement les femmes, mais toute la collectivité. Elle n'est pas fondée sur le sexe; il faut tenir compte du mariage homosexuel, des hommes et des femmes. On ne peut adopter une approche universelle pour traiter de la question.
Je voudrais aussi parler de l'effet de damier. Par exemple, si une femme non autochtone épouse un Autochtone puis se sépare, en vertu le cette loi, la maison revient à la femme. Ce serait donc une personne non autochtone qui resterait dans la réserve; c'est illogique et cela m'inquiète beaucoup.
Nous sommes reconnaissants des efforts déployés pour régler cette question. C'est un enjeu extrême dans nos collectivités. Comme l'a fait valoir le grand chef adjoint Alvin Fiddler, nous avons besoin de ressources; de spécialistes du domaine juridique. J'ai moi-même du mal à comprendre bon nombre des renseignements qui nous ont été présentés. Il faut éduquer les membres des collectivités, et chacune d'entre elles est différente. On ne peut pas trouver de solution unique. Je sais que certaines collectivités ont recours à leurs politiques sur le logement pour traiter des biens immobiliers matrimoniaux. La décision revient donc à chacune d'entre elles.
Je vous inviterais également à vous joindre à nous pour que nous trouvions ensemble une solution. Nous en avons assez de la condescendance.
J'ai quatre fils; ils sont tous indépendants maintenant. Chez eux, je ne leur dis pas comment s'occuper de la maison ni quoi faire. Ils font leur vie; mais ils me laissent faire des suggestions. C'est ce que j'aimerais que le gouvernement fasse, qu'il écoute ce que nous avons à dire. Qu'il vienne voir dans les collectivités pour mieux comprendre ce qui s'y passe. C'est facile d'établir les règles à partir d'un bureau à Ottawa, sans savoir ce qui se passe sur le terrain.
Comme je l'ai dit, je suis heureuse de voir qu'on aborde la question. J'aimerais bénéficier de plus de ressources. Les membres de nos collectivités parlent trois langues: l'oji-cri, l'ojibway et le cri. Il faut que les textes soient traduits. Il faut les consulter.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur Fiddler, messieurs les chefs et madame Fletcher de vous joindre à nous aujourd'hui.
Les Premières Nations s'opposent massivement au processus et manifestent diverses inquiétudes: manque de consultation, manque d'écoute de leurs préoccupations, manque de mesures non législatives et de soutien, que ce soit pour le logement, les services policiers et les refuges pour femmes, mesures que prendront les tribunaux provinciaux et autres questions restées sans réponse.
Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de nous parler au nom des personnes que vous représentez. La ministre de la Condition féminine, , a dit que l'enjeu était plutôt associé à certaines parties prenantes, à savoir certains chefs, qui ne voulaient pas partager leurs avoirs. Selon elle, ils font tout ce qu'ils peuvent en coulisse pour obtenir certains appuis, et c'est pour cette raison qu'on ne les entend pas.
Bien entendu, la ministre n'est pas ici aujourd'hui pour vous voir à l'occasion d'une réunion télévisée à l'échelle du pays, et vous entendre faire part de votre opposition, comme les leaders l'ont fait la semaine dernière. Nous en entendrons d'autres demain également.
Cette déclaration a été faite par un ministre fédéral, qui doit avoir une certaine crédibilité. Qu'avez-vous à répondre à cela?
Monsieur Montour, vous pourriez répondre en premier?
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Merci, madame la présidente.
Je sais que dans son mot d'ouverture, le chef Maracle a souligné le fait que l'étude de ce projet de loi avait été confiée au mauvais comité, et j'appuie sans réserve la motion de Mme Bennett.
Au Comité sur les affaires autochtones, nous venons tout juste de terminer l'étude d'un projet de loi d’initiative parlementaire comprenant un article sur les testaments et les successions. Or, comme il fallait tenir compte des très complexes codes fonciers des collectivités autochtones, il est devenu évident — et cela a directement à voir avec les biens immobiliers matrimoniaux — que la question des testaments et des successions méritait une étude plus approfondie. En ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux, il est très clair qu'il ne s'agit pas de terres en fief simple, mais bien d'attribution selon la coutume et de certificats de possession. Les terres sont en fait régies par une variété de mécanismes qui font en sorte qu'en cas de séparation, la solution n'est pas tout simplement de laisser A garder la maison pendant que B s'en va ailleurs.
Lorsqu'il s'agit des biens immobiliers matrimoniaux, c'est un aspect qu'il ne faut pas perdre de vue.
Madame la présidente, lorsque le président par intérim de la Commission canadienne des droits de la personne, M. David Langtry, est venu témoigner devant ce comité, il a indiqué que ce dernier devait examiner trois choses, soit offrir un accès équitable à la justice, avoir la possibilité de faire valoir ses droits en toute sécurité et établir si les collectivités ont les capacités voulues pour élaborer et mettre en oeuvre leurs propres systèmes pour gérer les biens immobiliers matrimoniaux. Je soutiens que ces trois questions doivent être examinées par le Comité des affaires autochtones, car ce dernier a une connaissance beaucoup plus vaste des complexités propres aux collectivités des Premières Nations.
Lorsque nous examinions le projet de loi , l'un des sujets soulevés était celui des adoptions selon les coutumes. Or, je n'ai entendu personne dire quoi que ce soit à ce sujet. Lorsque les provinces devront décider de ceux qui peuvent rester dans la maison après une rupture, comment vont-elles se débrouiller avec les adoptions en fonction des coutumes? Plusieurs provinces ne reconnaissent pas cette tradition des Premières Nations, alors, qu'arrivera-t-il dans ces cas-là?
Le chef Montour, le grand chef adjoint Fiddler, le chef Maracle, le chef Abram ont tous parlé du manque de ressources. Au Comité des affaires autochtones, nous avons entendu plus d'un témoignage décriant le manque de ressources en matière de logement, d'éducation, d'eau et de services de police.
Grand chef adjoint Fiddler, je sais que vos collectivités ont depuis longtemps des problèmes liés au manque de ressources pour les services policiers, mais que la question n'est à l'avant-plan des médias que depuis quelques semaines.
Nous entendons le gouvernement affirmer que la seule adoption du projet de loi réglera ce problème comme par magie et que les personnes de ces collectivités se retrouveront dès lors protégées. Mais, qui verra à ce que ces ordonnances de protection soient appliquées? Où la collectivité trouvera-t-elle les ressources pour offrir de la médiation et des solutions de rechange pour le règlement des différends? Où la collectivité trouvera-t-elle les ressources pour offrir de l'aide juridique? À qui les familles peuvent-elles demander conseil lorsqu'elles ont besoin d'aide? Un counselling approprié pourrait peut-être les aider à régler des problèmes. D'où viendront les dollars pour financer ces services de counselling? Comment le chef et le conseil vont-ils se débrouiller avec des pénuries de logements d'une telle gravité?
Comme l'ont souligné le grand chef adjoint Fiddler et Mme Fletcher, il y a parfois 13 ou 14 personnes qui vivent dans la même maison. Qu'arrivera-t-il si le parent qui se voit accorder la garde — la femme — vit sous le même toit que le mari et toute la famille de ce dernier? Nous allons trancher: d'accord, maintenant, la maison appartient à la femme. Cela veut-il dire, étant donné qu'ils sont les parents du jeune homme, que les grands-parents devront déménager eux aussi?
Cette loi a été vantée par l'opposition... Je veux dire, par le gouvernement — par l'opposition, ce serait trop beau. Le gouvernement a indiqué que cette loi remédiera à la violence à l'endroit des femmes autochtones. Je tiens à remercier le chef Maracle et le chef Montour et d'autres d'avoir souligné à juste titre que les hommes autochtones, les hommes des Premières Nations, ne sont pas violents de nature. Lorsque l'on parle des ruptures de mariage, il faut parler des facteurs de stress tels que la pauvreté et le manque d'accès aux ressources, qui compliquent la vie des familles d'une façon que nombre de Canadiens ne peuvent même pas imaginer.
En ce qui concerne la violence, le projet de loi aborde à huit reprises le sujet de la violence familiale — pas la violence à l'endroit des femmes autochtones, mais bien la violence familiale — et il ne prévoit rien — absolument rien — pour remédier aux facteurs qui nourrissent la violence en milieu familial.
Nous avons vu par le passé, pendant que le financement de la Fondation autochtone de guérison était graduellement éliminé — ce financement pouvait entre autres servir à traiter les traumatismes intergénérationnels causés par les pensionnats — que l'argent avait disparu.
Alors lorsque vous voulez parler de ce qui se passe et des personnes à qui ce projet de loi devrait vraiment être soumis, il devrait absolument être soumis à l'examen du Comité des affaires autochtones. Je suis favorable aux demandes que certains chefs nous ont présentées aujourd'hui, et bien d'autres chefs et membres des collectivités, concernant l'obligation de consulter et de faire des accommodements.
Ce n'est pas qu'une simple question de choisir soi-même un certain nombre de collectivités; cela se rapporte plutôt à l'obligation de consulter, à ce consentement libre, préalable et informé qui est décrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Alors j'encouragerais tout le monde à voter en faveur de la motion de Mme Bennett pour faire en sorte que ce projet de loi soit traité comme il se doit par le comité approprié.
Merci, madame la présidente.
:
[ Le témoin s'exprime dans sa langue. ]
Bonjour tout le monde.
Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier le comité de cette occasion qui nous est offerte de lui faire part de nos préoccupations concernant le projet de loi .
Femmes autochtones du Québec a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes à ce sujet. Nous tenons à vous faire part de nos commentaires et recommandations sur cette dernière version du projet de loi.
Le projet de loi est censé combler un vide juridique qui existe pour les couples des Premières Nations vivant sur une réserve lors d'une rupture ou d'un décès de l'un des conjoints. Cela concerne la division des foyers et des droits ou des intérêts matrimoniaux. Toutefois, sous sa forme actuelle, le projet de loi ne réglera pas complètement la question des biens immobiliers matrimoniaux et ne protégera pas pleinement celles qui sont les plus vulnérables.
Je voudrais mettre en évidence certains facteurs qui contribuent à la complexité de ce projet de loi qui, au pire, créera plus de problèmes qu'il n'en résoudra pour les femmes autochtones et les enfants, et, au mieux, ne constituera qu'un ensemble de voeux pieux et n'apportera que des solutions temporaires aux femmes se trouvant en situation vulnérable.
Premièrement, bien que nous saluons la tentative du gouvernement de permettre aux Premières Nations de développer leur propre code régissant des biens matrimoniaux selon leurs us et coutumes, le projet de loi ne tient pas compte de la compétence des Premières Nations sur la propriété sur les réserves et leur droit à l'autodétermination puisqu'il octroie le pouvoir d'appliquer la loi aux tribunaux des provinces. Par conséquent, une cour provinciale imposera aux communautés l'utilisation de leurs terres. En outre, à défaut d'établir leur propre code, la législation proposée établit des lois fédérales qui seront imposées aux Premières Nations. Même si celles-ci auront l'occasion de créer leurs propres lois, cela ne constituera qu'une forme d'autorité déléguée.
Deuxièmement, les groupes de femmes autochtones demandent, depuis le début, que des ressources supplémentaires soient allouées pour que les communautés des Premières Nations puissent non seulement mettre en place leur législation, mais aussi qu'elles puissent la mettre en oeuvre. Or, aucun financement et aucune ressource ne sera accordé aux membres des Premières Nations pour accéder aux tribunaux provinciaux, une option qui sera trop coûteuse ou trop complexe pour qu'elle soit utilisée dans plusieurs cas. Nous regardons avec attention l'intention du gouvernement de mettre en place un centre d'excellence sur les biens matrimoniaux, qui pourrait aider les communautés désoeuvrées à s'inspirer des meilleures pratiques établies, mais ne les obligera pas à s'en inspirer, ni ne pourra fournir de l'aide à toutes les communautés du Canada.
Selon le site du ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien, un montant maximal d'un peu moins de 5 millions de dollars pour cinq ans sera accordé au centre. Cela correspond à six personnes à temps plein pendant cinq ans pour aider 500 communautés autochtones de partout au Canada à développer leur propre législation. Non seulement cela semble être une tâche impossible considérant l'éloignement géographique des communautés et le manque de ressources humaines et financières au sein de nombreux conseils, mais cela signifie le report à moyen terme de problèmes de mise en oeuvre détectés. Un appui au développement de ces nouveaux codes de la famille est une bonne idée s'il est accompagné de ressources remises directement aux communautés afin qu'elles puissent développer elles-mêmes leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux.
Troisièmement, nous souhaitons nous assurer que des normes minimales de protection pour les femmes autochtones sont respectées et que les facteurs suivants ne pénalisent pas les femmes et leurs familles violentées ou touchées par le deuil ou la séparation: les codes d'appartenance exclusifs, le manque de logement, l'absence de ressources juridiques et d'aide à l'intérieur des communautés et un système légal différent.
De par mon expérience comme intervenante de première ligne, les meilleures ressources pour aider les femmes autochtones sont celles qui sont adaptées culturellement et facilement accessibles dans les communautés. Les groupes de femmes autochtones et leurs communautés doivent travailler de concert afin d'élaborer un régime qui est juste, équitable et basé sur les traditions culturelles et le droit coutumier. Il faudrait aussi envisager de mettre en place des systèmes de médiation autochtones constitués d'étapes multiples et d'autres pratiques ou systèmes juridiques ou décisionnels autochtones en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux, et de reconnaître de tels systèmes déjà en place.
Le projet de loi propose une solution issue de la common law du système fédéral sans tenir compte des diversités juridiques provinciales. En effet, ce projet de loi demande aux cours provinciales de mettre en oeuvre un régime de common law pour gérer les conflits en droit de la famille et donc, de s'adapter à plusieurs systèmes de droit, incluant le système mis en place par les différentes nations et communautés, le cas échéant. En effet, le Code civil du Québec n'accorde pas les mêmes droits aux époux et aux conjoints de fait. Toutefois, ce serait le cas inverse avec les lois provisoires.
S'ajoute à cette équation la nécessité, pour le juge tranchant la question, de connaître également la Loi sur les Indiens. Cela devient une situation très complexe. Également, le projet de loi ne protégerait pas les femmes autochtones vivant dans les communautés régies par des traités particuliers comme la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que la Convention du Nord-Est québécois qui apportent certaines particularités aux territoires cris et naskapis. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'aura probablement aucun effet juridique sur les communautés cries et naskapies et elles devront légiférer afin que les questions concernant les biens immobiliers matrimoniaux puissent être également intégrés à l'intérieur de leur propre régime juridique particulier. C'est un autre cadre juridique à considérer dans la province de Québec.
Puisque les droits et recours garantis par les règles fédérales provisoires seront soumis à différents systèmes juridiques provinciaux, fédéraux et autochtones, le gouvernement fédéral devrait mener une étude plus poussée pour déterminer si cette situation aura une incidence sur les communautés autochtones du Québec et, si tel est le cas, établir quelles en seraient les conséquences. Car enfin, ce qui rend les femmes autochtones vulnérables actuellement dans les cas de séparation ou de violence conjugale est le manque de logements et la non-résolution des revendications territoriales de toutes les nations autochtones du Canada. Une telle résolution permettrait aux communautés de répondre à la pression démographique de leur population et à leurs besoins de développement économique. En cela, le gouvernement Harper doit faire sa part s'il veut aider les femmes autochtones à sortir de la violence.
Le projet de loi , tel que proposé, ne répond pas à cette préoccupation principale. Par ailleurs, en refusant de la prendre en considération, il ne fait que renvoyer le problème aux cours provinciales et aux conseils de bande. L'approche unilatérale prise par le gouvernement pour résoudre ce problème uniquement par voie législative ne tiendra pas compte des problèmes systémiques évoqués. Le manque de ressources, notamment la pénurie de logements dans les communautés, sera difficile de même que l'application de certaines dispositions concernant l'expulsion d'un conjoint qui ne trouvera pas facilement un autre logement dans la communauté.
De plus, il y a aussi la problématique liée à la sécurité publique dans les communautés. Le manque de ressources humaines et financières des corps policiers rendra difficile l'application efficace des ordonnances de protection d'urgence. Nous apprécions les changements pour améliorer le projet de loi, notamment la période de transition de 12 mois, mais nous notons que c'est une courte période de transition étant donné que c'est un mauvais cadre juridique à mettre en place au sein des communautés.
Parlons du cadre de droits de la famille. Les communautés ne sont pas toutes au même point. Elles n'ont pas les mêmes ressources humaines et financières pour établir ce cadre réglementaire et le mettre en oeuvre par la suite.
:
[
Le témoin s'exprime en kanien'kéha.]
Madame la présidente, honorables membres du Parlement, estimés collègues de l’Association des femmes autochtones du Québec, bonjour. Il s’agit au moins de la quatrième ou de la cinquième présentation que j’offre depuis 2004 à titre de présidente de l’Association des femmes autochtones du Québec devant un comité parlementaire sur cette question, alors c'est vraiment pour moi un très grand honneur.
À l’instar de ses précédentes versions, le projet de loi actuel omet plusieurs éléments essentiels qui doivent être pris en compte pour trouver des solutions concrètes et durables à ce problème. Ils doivent d’abord être mis en contexte pour comprendre les causes de cette injustice, laquelle trouve son origine dans la Loi sur les Indiens et l’imposition de valeurs coloniales et patriarcales.
Il m’apparaît important de souligner que ce projet de loi a pour objectif d’assurer une répartition juste et équitable des BIM pour les Indiennes des réserves après la rupture de relations conjugales.
Ce projet de loi ne devrait pas aspirer à résoudre la question de la violence faite aux femmes autochtones. La meilleure façon de la traiter est par l'intermédiaire d'un plan d’action national mis sur pied par le Canada et les provinces et de séances de sensibilité culturelle pour les juges, les avocats, les membres du Parlement et les politiciens (de tous les échelons) sur le passé colonialiste du pays. Ce plan devrait comprendre un processus sincère de réconciliation reconnaissant les répercussions négatives du colonialisme, de la Loi sur les Indiens et du système des pensionnats indiens sur l’identité, la culture, la langue et les modèles de gouvernance traditionnels des peuples autochtones ainsi que leur incidence sur le rôle et l’autorité des femmes autochtones au sein des nations et des collectivités.
Pour que la question des BIM puisse être adéquatement traitée par tous les ordres de gouvernement et, surtout, au sein des systèmes de gouvernance des peuples autochtones, il est essentiel d’adopter une perspective globale.
Ainsi, des taux de chômage élevés, la pénurie de logements, une population croissante, la dilapidation des terres et des ressources, l’imposition de valeurs et de processus paternalistes, des modes de financement désuets, la pauvreté et d’autres troubles sociaux causés par le colonialisme ont limité la capacité de plusieurs générations de femmes autochtones de jouir de leurs droits fondamentaux.
Le présent projet de loi suscite plusieurs préoccupations, dont les suivantes : 1) la croyance erronée selon laquelle il s’appuierait sur des consultations; 2) la non-inclusion de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et protège les droits inhérents des peuples autochtones ainsi que ceux qui leur ont été conférés par traités; 3) le manque de ressources des collectivités pour appliquer le projet de loi et d’éventuelles ordonnances de tribunaux, jumelé à un processus d’implantation inadéquat compte tenu des difficultés relatives au maintien de l’ordre dans les réserves; et 4) les mesures non législatives et un accès limité au système judiciaire, particulièrement pour les femmes vivant dans des collectivités éloignées; et le fardeau financier imposé aux femmes qui dépendent de leur époux sur le plan économique.
En ce qui concerne la consultation, j’affirme en toute sincérité qu’il n’y en a pas eu. Il est vrai que la question des biens immobiliers matrimoniaux et les solutions potentielles s’y rattachant ont été abordées durant les séances de mobilisation offertes par Wendy Grant-John — son rapport a été publié en mars 2007. Cependant, la représentante ministérielle elle-même a affirmé dans son rapport que le temps avait manqué pour obtenir un consensus.
Le gouvernement a la ferme conviction que des consultations ont été tenues; je me dois de lui rappeler son obligation juridique de consultation ainsi que le devoir qui lui incombe de défendre l’honneur de la Couronne. Il est à noter qu’aucune consultation n’a été menée sur la nature et les détails du projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux.
Il importe de souligner que toute entreprise de consultation doit intégrer un processus de réconciliation, lequel doit toujours guider les relations entre le Canada et les peuples autochtones. Conformément à la politique du gouvernement du Canada concernant l'obligation de consulter, la Couronne procède aussi à des consultations parce qu'elle est légalement tenue de le faire. Elle doit honorer l’obligation de consultation qui permet de traduire en pratique le principe de réconciliation et de défendre l’honneur de la Couronne — la capacité du gouvernement à modifier de façon négative les droits inhérents des Autochtones et ceux qui leur ont été conférés par traités est limitée dans cette réalité — et les mesures prises par la Couronne doivent respecter les droits inhérents des Autochtones et ceux qui leur ont été conférés par traités.
Dans les collectivités éloignées, les femmes autochtones doivent compter sur les tribunaux itinérants et sont souvent tenues de prendre place dans le véhicule de leur ex-conjoint pour s’y rendre. De plus, l’accès à l’aide juridique y est difficile, voire impossible. Le fardeau financier imposé aux femmes qui souhaitent obtenir un règlement juste et équitable est lourd.
L’accès au système de justice est difficile. Pour ce qui est de la compensation financière à verser à leur ex-conjoint, si elles essaient de négocier un règlement juste concernant leurs BIM, la mesure de leur valeur, de leur contribution comme femmes au foyer, n'est pas prise en compte. Cela a pour effet d'accroître leur vulnérabilité et la discrimination dont elles sont victimes, puisque les femmes à faible revenu seraient incapables de verser à leur ex-conjoint la valeur de leur partie des biens immobiliers matrimoniaux.
Le maintien de l’ordre dans les réserves représente également un grave problème. Les tribunaux ne peuvent émettre que des ordonnances d’occupation temporaire pour les résidences, et dans bien des cas, les policiers, qui sont des policiers de la réserve, pourraient avoir du mal à les appliquer s'ils ont un lien de parenté avec les personnes visées. Au Québec, comme Mme Michel l'a mentionné, les unions de fait ne sont pas reconnues.
Si le projet de loi avait comme objectif de s’harmoniser aux lois provinciales et territoriales, il aurait fallu considérer l’établissement d’un processus de consultation portant, notamment, sur le droit coutumier autochtone et auquel les peuples autochtones auraient préalablement consenti en toute liberté et en toute connaissance de cause. La tendance depuis plus d'un siècle est de tout confier aux tribunaux canadiens. Les peuples autochtones ne devraient pas avoir à recourir à ces tribunaux pour protéger leurs droits inhérents et ceux qui leur ont été conférés par traités.
Les codes d’appartenance représentent un autre enjeu important. Leurs critères s’inspirent des critères de la Loi sur les Indiens, et ils s'appuient souvent sur les règles relatives au degré de sang indien. Les femmes qui ne sont pas membres d’une collectivité donnée n’auront jamais le droit de posséder une maison ni l’équipement qui s’y rattache, ce qui crée un autre écart.
Finalement, nous nous opposons à la création d’un Centre d’excellence, puisqu’il n’en a jamais été question durant nos conversations avec Mme Grant-John. Ce centre constitue un nouvel exemple de l’attitude paternaliste qu’adopte le gouvernement envers les peuples autochtones. Il fait fi du droit coutumier autochtone tout comme des droits inhérents des Autochtones et ceux qui leur ont été conférés par traités. Ce centre s’ajoute aux rouages déjà nombreux de l’industrie autochtone. Les fonds, trop rares, iront ainsi à un organisme isolé des collectivités plutôt qu’aux institutions mises à mal par la Loi sur les Indiens, comme les langues, les cultures, les traditions et les modèles de gouvernance autochtones. Des abris d’urgence supplémentaires seraient notamment bienvenus dans les collectivités durant le processus de réconciliation et de décolonisation.
Si ce centre est créé, sa direction ne devrait pas être assurée par une organisation autochtone en particulier. Son administration devrait plutôt être confiée à des femmes universitaires autochtones, des aînés possédant des connaissances traditionnelles et des travailleurs de première ligne ayant l’expérience du racisme et des mauvais traitements en milieu familial et institutionnel.
À l’instar de nombreuses lois antérieures, le projet de loi ne tient pas compte de la réalité des collectivités et des membres de Premières Nations, qui n’ont pas les ressources humaines et financières requises pour l’appliquer. Des modes de financement désuets poussent déjà les bandes aux limites de leurs capacités, comme l'a déclaré l’ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser, dans son rapport Le Point de juin 2011, au chapitre 4, « Les programmes pour les Premières Nations dans les réserves ». Elle affirmait que « des obstacles structurels nuisent aux progrès dans les réserves ». Elle faisait aussi état de méthodes de construction ou de l’utilisation de matériaux qui ne respectaient pas les normes, d’un mauvais entretien et du surpeuplement. Le projet de loi ne propose pas de solution pour combler le besoin en terres ni pour traiter le fait qu’une bande doive posséder des terres ou être en négociations relativement à celles qu’elle possède pour pouvoir élaborer ses propres codes en matière de BIM.
Les lois qui ne tiennent pas compte des effets du colonialisme et des politiques d’assimilation, comme le système des pensionnats indiens et la Loi sur les Indiens, limitent la promotion et la protection des droits des femmes autochtones. D’importants progrès ont été accomplis dans les dernières années en matière de droits de la personne, notamment en ce qui concerne les droits individuels et collectifs des peuples autochtones. Des instruments de protection des droits de la personne ont été mis sur pied, comme la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ces outils doivent être inclus aux solutions mises de l’avant pour contrer les injustices commises envers les femmes autochtones et leurs familles.
Plusieurs organismes ont été créés au sein de l’ONU, notamment l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones et le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, afin de remédier aux injustices vécues par les peuples autochtones au nom de doctrines de supériorité et de colonialisme, lesquelles ont malheureusement toujours cours au Canada. Il existe toutefois un mouvement destiné à mettre fin aux pratiques discriminatoires perpétuées en vertu des politiques et des lois canadiennes. Il incombe au gouvernement canadien de s’engager sans réserve dans les processus de réconciliation et dans les négociations qu’il entreprend avec les peuples autochtones. Le Canada doit modifier le projet de loi , et tendre l’oreille aux femmes autochtones et à leurs collectivités afin d’embrasser les progrès récemment accomplis en matière de droits de la personne, et d'abroger le projet de loi .
Je crois que je vais attendre pour formuler mes recommandations. Merci beaucoup de votre attention.
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L'un des problèmes découle des codes d'appartenance. Même si vous avez le statut d'Indien à Ottawa, les communautés mêmes ont le droit de créer leurs propres codes d'appartenance et d'offrir des services à leurs membres. Alors cela devient problématique, surtout dans certaines communautés où la question du degré de sang indien est extrêmement importante, si bien qu'une femme qui n'est pas membre de la communauté ou qui n'a que le statut partiel ne pourrait pas devenir membre et donc pas posséder de terres. Elle pourrait probablement y rester pendant une certaine période.
Mais la question globale ne devrait pas être envisagée seulement du point de vue du financement. Je vous ai cité bien des choses qui sont survenues. Le Canada a appliqué la Loi sur les Indiens. Il y a eu un système de pensionnats indiens, pour lequel nous avons reçu des excuses, mais il n'y a pas eu de réconciliation pour réparer les torts qui ont été causés.
Alors, génial, vous avez un système de bande découlant de la Loi sur les Indiens qui appliquera les politiques du gouvernement du Canada, mais il ne reconnaît ni ne suit les systèmes de gouvernance traditionnels et ne reconnaît même pas notre souveraineté sur nos terres. Le Canada présume qu'il en a la souveraineté, et cette souveraineté se fonde sur des fictions juridiques, comme la doctrine de la découverte et les bulles pontificales.
Vous pouvez apporter toutes les modifications que vous voulez, mais il reste des problèmes à régler au sein de la communauté. Maintenant que vous avez causé du tort à toutes nos institutions et qu'il est plus facile d'embrasser le colonialisme et l'assimilation et d'adopter chaque élément que visait à nous faire adopter le système de pensionnats indiens, vous voulez que nous acceptions votre vision des biens immobiliers matrimoniaux comme solution au lieu de prendre en compte les solutions qui vous ont été suggérées.
Nous avons des droits chaque fois que nous allons sur nos territoires traditionnels. Ils ne devraient pas s'appliquer qu'aux réserves. Oui, nous devrions jouir des mêmes droits que tout le monde, mais au sein de nos propres nations, en vertu des lois que nous avions avant l'arrivée des Européens. Il ne s'agit pas que d'une simple question de financement: elle est beaucoup plus complexe. C'est une question de droits de la personne, de respect des droits issus des traités, de mise en oeuvre et de réconciliation, la réconciliation qui était nécessaire après les excuses présentées aux victimes des pensionnats indiens.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du comité. Je vous remercie de vous être déplacées. Je suis toujours heureuse de rencontrer les témoins.
Je dois vous dire, d'entrée de jeu, qu'on a entendu des choses ici ce matin qui m'ont fait dresser les cheveux. J'ai dû garder le silence. J'ai entendu des gens demander un par un aux grands chefs qui vous ont précédées s'ils avaient lu le projet de loi . J'ai trouvé qu'il s'agissait là d'un manque de respect incroyable. C'est comme si je demandais à Mme Bateman, à Mme Young, à Mme Crockatt, à Mme Ambler et ainsi de suite si elles avaient lu le projet de loi S-2. Je m'excuse pour ceux qui vous ont manqué de respect.
En ce qui a trait aux consultations, les Six nations de la rivière Grant ont toutes dit qu'elles n'ont pas été consultées. La consultation des grandes nations est enchâssée et réclamée. Je pense que le droit familial — vous pouvez me corriger — est aussi prévu dans la Loi sur les Indiens, c'est-à-dire que vous avez le plein droit sur la façon dont vous allez vous y prendre avec vos gens, ce qui est normal. C'est comme on le fait chez nous. C'est votre population et votre nation.
Ma première question s'adresse à Mme Viviane Michel.
Votre organisation a émis récemment un communiqué qui mentionnait les inquiétudes de Femmes Autochtones du Québec concernant la mise en oeuvre du projet de loi S-2 compte tenu des dispositions du Code civil du Québec. Selon vous, il y a des différences qui seraient particulièrement préoccupantes pour les femmes autochtones du Québec puisque le Code civil du Québec n'offre pas les mêmes droits aux conjoints de fait qu'aux personnes mariées légalement. On dit que 40 % des femmes au Québec vivent en union libre. La mise en oeuvre de ce projet de loi pourrait créer plus de problèmes. Pouvez-vous nous en dire davantage sur vos préoccupations relatives au Code civil du Québec?
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Je remercie les témoins d'être venus comparaître.
Je sais que cela demande beaucoup de préparation, et je vous suis donc très reconnaissante d'avoir examiné la question avec nous. Je pense que nous nous entendons tous pour dire qu'elle est importante, même si nos points de vue diffèrent.
Madame Gabriel, vous avez fait allusion à certains points auxquels j'aimerais donner suite. Il y a entre autres la question du respect des droits inhérents issus de traités. Je me demande ce que vous pensez de la disposition du projet de loi qui permet au gouvernement fédéral de s'immiscer dans ce domaine, mais aussi aux conseils de bande d'adopter leurs propres lois, comme beaucoup l'ont fait.
Selon nous, le projet de loi fournit une occasion de s'occuper de cette question urgente. On nous a indiqué qu'il fallait agir sans tarder étant donné que des femmes perdent la vie. En effet, certains nous ont dit: « Si de telles mesures législatives avaient été en place, cette femme ne serait pas morte ».
Je me demande ce que vous pensez de cette disposition, qui, nous l'espérons, va réellement remédier à la situation. Certaines bandes sont en très bonne position, et il y en a même qui ont réglé le problème des droits fonciers matrimoniaux. Il s'agit donc d'une mesure provisoire.