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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 080 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 mai 2013

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Français]

    Mesdames, je déclare ouverte la 80e séance du Comité permanent de la condition féminine.
     Nous continuons notre étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux.

[Traduction]

    Je fais un rappel au Règlement.

[Français]

    Madame Sgro, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup et je présente toutes mes excuses à notre témoin. Je n'en aurai que pour deux ou trois minutes et nous pourrons peut-être vous remettre ce temps à la fin, puisque nous avons réservé une heure pour la deuxième partie de la séance.
    J'invoque le Règlement au sujet d'une motion que j'ai soumise au comité lors de notre dernière réunion. C'était la confusion la plus totale après que la secrétaire parlementaire a proposé de lever la séance, et j'estime qu'il convient de préciser ce qu'il en est.
    Je remercie nos témoins, mais c'est une affaire qui, selon moi, est de la plus haute importance, puisqu'elle porte atteinte à l'impartialité et au sérieux de cette étude et, par voie de conséquence, à nos responsabilités et devoirs constitutionnels de députées. En qualité de membre de ce comité et de porte-parole de mon parti en matière de condition féminine, j'ai déposé une motion qui vise simplement à inviter la sergente d'état-major de la GRC, Caroline O'Farrell, à venir témoigner devant le comité dans le cadre de notre étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux.
    À l'intention de ceux qui ne sont peut-être pas au courant, sachez que la sergente d'état-major Caroline O'Farrell a été l'une des premières femmes à devenir membre du Carrousel. Malheureusement, à 100 reprises au moins après avoir intégré cette formation, la sergente d'état-major O'Farrell a été sujette à du harcèlement, à des agressions et à de l'intimidation en milieu de travail. Beaucoup de ces événements ont été constatés de visu, documentés et même enregistrés par ses camarades gendarmes et par des gradés de la GRC.
    Cela est en partie consigné dans le document que j'ai remis à la greffière aux fins de circulation aujourd'hui et lors de notre dernière réunion. Le commissaire de la GRC a déclaré que, malheureusement, cette affaire date. Je trouve très décevant, pour ne pas dire choquant, que le grand patron de notre police nationale fasse une telle déclaration au sujet d'une affaire caractérisée par une multitude de violations. Cela en dit malheureusement long sur le triste état de ce qui fut jadis une icône de la culture et des valeurs canadiennes.
(1105)
    Madame Sgro, excusez-moi de vous interrompre. Je veux être certaine de bien comprendre l'objet de votre rappel au Règlement. Comme ce n'est pas sujet à débat, je me demande quelle règle, selon vous, a été enfreinte. Alors, répondez-moi à ce sujet et vous pourrez poursuivre ensuite. Jusqu'ici, je ne vois pas ce que vous cherchez à tirer au clair, comme vous l'avez déclaré. Donc, je voudrais simplement…
    Eh bien, j'en arrive à cet aspect de mon rappel au Règlement…
    J'espère que vous y viendrez vite, après quoi vous pourrez poursuivre.
    Merci.
    Quand j'ai soulevé cette question, la secrétaire parlementaire a immédiatement déposé une motion de suspension des débats qui a eu pour effet de reléguer la mienne au second plan. J'ai dit cependant que j'allais la resoumettre. Je juge particulièrement important de le faire aujourd'hui étant donné que la séance du Sous-comité sur le programme et la procédure qui devait avoir lieu aujourd'hui vient d'être annulée. Je n'aurai donc pas la possibilité de parler de cette affaire au sous-comité et je me dois de déposer ma motion en comité plénier.
    Avant de le faire, je voulais donner plus de renseignements aux membres du comité afin d'amener la secrétaire parlementaire et les membres du côté gouvernemental à se rendre compte à quel point cette affaire est grave. Cela étant, j'aimerais déposer des photocopies du hansard, que j'ai remises à la greffière, pour les journées des 14 et 27 juillet. Ce sont les dates auxquelles le député libéral de Hamilton a réclamé une première enquête indépendante dans l'affaire de la sergente d'état-major O'Farrell. Comme je m'attends que mes collègues du côté gouvernemental souhaitent en traiter à huis clos, je dois dire que ce n'est pas simplement une question qui concerne les affaires du comité et qu'il n'y a pas lieu d'en traiter derrière des portes closes. C'est pour cela que je fais ce rappel au Règlement.
    J'exhorte les membres du comité à réfléchir à cela et à se comporter en conséquence. Cette affaire traîne depuis 25 ans, mais nous avons aujourd'hui la chance de nous y attaquer. Ce n'est pas ce qui se dit devant le tribunal civil qui nous intéresse, c'est l'activité criminelle qui a eu lieu à l'époque et qui, malheureusement, se poursuit. J'estime impératif que les membres du comité de la condition féminine et les députées que nous sommes aient la possibilité d'entendre ce que pourrait nous dire la sergente d'état-major O'Farrell, dans le cadre de notre étude. Il est important que nous puissions nous prévaloir de cette possibilité. Comment pourrions-nous mener une étude d'une telle importance sans avoir la chance d'entendre le récit d'une personne qui, il y a 25 ans, a cherché, en vain, à obtenir justice, parce que contrairement à ce qu'elle a demandé, aucun gouvernement ne l'a aidée en ce sens. Ce n'est pas une question d'argent, ce n'est pas une affaire au civil. Il s'agit d'une activité criminelle qui remonte à cette époque et qui n'a jamais été jugée devant une cour pénale, ce qui aurait sans doute dû être le cas.
    Je demande que nous traitions de cette affaire maintenant, puisque nous avons le temps, et que nous redonnions à nos témoins actuels, à la fin de la séance, le temps que nous allons leur retirer maintenant, étant donné que nous avons réservé une heure complète pour la deuxième partie.
    Nous avons un témoin…
    Bien sûr qu'on en a un. Qu'est-il advenu de notre sous-comité?

[Français]

     Je vais répondre à la question de Mme Sgro. Elle veut savoir ce qui était arrivé au sous-comité.
    À la dernière séance, nous devions recevoir un témoin, mais cette personne n'a pas pu se présenter. Nous l'avons donc invitée à comparaître lors de la deuxième heure de cette réunion-ci du comité.
    La séance du sous-comité n'a pas été complètement annulée, elle a simplement été reportée. Nous l'aurons à la première heure de la prochaine séance, jeudi de cette semaine.
(1110)

[Traduction]

    Très bien, merci.

[Français]

    Madame Sgro, je vois que vous n'avez plus rien à dire. Je ne vous ai pas entendue invoquer le Règlement.

[Traduction]

    Une motion a été déposée et j'aimerais qu'on en traite avant de passer aux témoins.

[Français]

    Vous voulez que nous reprenions votre motion, et c'est votre droit.

[Traduction]

    En dépit de la décision du comité du 5 mars, j'aimerais que la sergente d'état-major Caroline O'Farrell, comme le précisait ma motion de la semaine dernière, soit invitée à témoigner devant le comité.

[Français]

    Mme Sgro propose que nous revenions à sa motion. La greffière m'informe que pour ce faire, il faut que le comité accepte, au moyen d'un vote, de reprendre le débat sur la motion, puisque celui-ci a été ajourné. C'est donc la question qui sera débattue et mise aux voix, à savoir si le comité accepte, oui ou non, de reprendre le débat sur cette motion maintenant.
    En fait, excusez-moi, mais la greffière m'informe que nous ne pouvons pas en débattre. Nous allons donc décider par vote si, oui ou non, nous reprenons le débat sur la motion de Mme Sgro maintenant.

[Traduction]

    Pourrait-on tenir un vote par appel nominal, s'il vous plaît?

[Français]

    Mme Sgro demande un vote par appel nominal. Je laisse donc Mme la greffière procéder au vote.
    (La motion est rejetée par 7 voix contre 4.)
    Comme la motion a été rejetée, nous ne reprendrons pas le débat sur la motion maintenant.
     Je passe donc au prochain sujet à l'ordre du jour.
     Madame Truppe, vous avez demandé la parole. J'ignore si vous souhaitez invoquer le Règlement ou si vous désirez simplement intervenir.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente. J'allais intervenir sur la motion pour qu'on exclue le judiciaire, conformément à ce que nous avions décidé antérieurement, et j'allais proposer que nous passions aux voix. Comme vous l'avez déjà fait, c'est bien. Je vous remercie.

[Français]

    Merci, madame Truppe.
    Nous retournons donc à notre ordre jour. Nous recevons aujourd'hui cinq témoins.
    Mesdames, merci de prendre part à notre séance d'aujourd'hui.
    Nous recevons tout d'abord, du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, Mme Kim Stanton, directrice juridique, Mme Ainslie Benedict, associée chez Nelligan O'Brien Payne s.r.l., et Mme Alison McEwen.
    Je vous remercie d'être parmi nous.
    Par ailleurs, nous entendrons par vidéoconférence deux représentantes du Barreau du Haut-Canada: Mme Josée Bouchard, conseillère principale, équité, ainsi que Mme Ekua Quansah, avocate adjointe, toutes deux du Service de l'équité.
    Chaque groupe de témoins disposera donc d'un maximum de 10 minutes pour faire ses remarques d'ouverture. Quand les deux groupes auront terminé, nous passerons à la période des questions et réponses.
     Nous commençons par les représentantes du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes.
    Mesdames, vous disposez d'un total de 10 minutes. La parole est à vous.

[Traduction]

    Bonjour, madame la présidente, et bonjour aux membres du comité. Le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes se réjouit d'avoir la possibilité de paraître devant votre comité ce matin.
    Le FAEJ est un organisme national qui se consacre à la promotion de l'égalité réelle des femmes par des actions en justice, des recherches et des activités d'éducation populaire. Il est intervenu dans plus de 150 affaires portant sur l'égalité réelle depuis sa fondation en 1985, en tant que spécialiste reconnu des questions relatives à l'inégalité et à la discrimination subies par les femmes. Son engagement envers l'égalité réelle vise à aplanir les inégalités subies par les femmes qui font l'objet de discrimination pour de multiples motifs qui se recoupent, notamment la pauvreté, l'identité autochtone, l'invalidité, la race, l'orientation sexuelle et la religion.
    Le FAEJ est intervenu dans la cause Janzen c. Platy Enterprises qui fait jurisprudence et dans laquelle le juge en chef Dickson cite un passage du mémoire du FAEJ où il est dit que le harcèlement sexuel est une forme de discrimination fondée sur le sexe, car il prive les femmes de l'égalité des chances en matière d'emploi en raison de leur sexe. Le FAEJ continue de défendre les intérêts des femmes victimes de harcèlement sexuel en milieu de travail.
    Le harcèlement au travail est un grave problème pour les Canadiennes. Parmi les quelque 200 000 participants au Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2011 — je sais que d'autres témoins ont aussi parlé de cette enquête — 33 000 répondants, soit 17 p. 100, ont indiqué avoir été victimes de harcèlement au travail une fois au cours des deux dernières années et 12 p. 100 disent l'avoir été plus de deux fois pendant la même période. Seulement 31 p. 100 croyaient fermement que leur ministère ou organisme mettait tout en oeuvre pour créer un milieu de travail exempt de harcèlement.
    Malheureusement, le sondage n'offre aucune donnée distincte sur le harcèlement sexuel, mais le FAEJ soutient que le harcèlement en milieu de travail comporte souvent un élément de discrimination fondée sur le sexe.
    Le harcèlement a des répercussions négatives directes sur les employés qui en sont victimes, mais aussi sur leurs employeurs. Les employés victimes de harcèlement peuvent souffrir de problèmes physiques et psychologiques, comme de maux de tête, de toutes sortes de problèmes dus au stress, d'anxiété, du syndrome de stress post-traumatique et d'autres encore, autant de maladies qui les obligent à s'absenter du travail fréquemment et éventuellement à démissionner. Cette situation est évidemment lourde de conséquences sur le plan financier pour les particuliers dont la vie professionnelle peut être bouleversée.
    Pour l'employeur, les conséquences sont une baisse de moral de l'ensemble de l'effectif, un roulement de personnel élevé et des pertes de temps énormes quand les employés doivent témoigner dans le cadre d'enquêtes.
    Les gens ont du mal à se retrouver dans les actuelles formules de dépôt de plainte parce qu'ils ne savent pas vraiment où s'adresser. Il y a bien la Loi canadienne sur les droits de la personne qui confère à tout employé le droit à un milieu de travail exempt de harcèlement. Les employeurs sont tenus, par le Code canadien du travail, de se doter de mesures de lutte contre le harcèlement et ils doivent offrir une formation à cet égard. Les nouvelles lignes directrices du Conseil du Trésor en matière de harcèlement ont pris effet en octobre 2012. Cela s'est fait en consultation avec tous les syndicats de la fonction publique. En théorie, la politique semble efficace. Malheureusement, elle finira par poser les mêmes problèmes que ceux qu'on a toujours constatés, et je vais vous en parler.
    L'application de la politique est préoccupante. Aux termes de la nouvelle politique, il appartient encore aux victimes de harcèlement de déposer une plainte. Comme le comité l'a entendu, dans beaucoup de milieux de travail fédéraux, les choses sont encore difficiles, car il existe une culture organisationnelle qui décourage fortement les femmes de porter plainte. C'est cette même absence de désir ou de possibilité de porter plainte qu'on retrouve dans bien des lieux de travail et pas seulement les plus notoires.
    Peu importe la qualité de rédaction des politiques, elles demeureront inefficaces tant que leur application reposera sur la présentation des plaintes à l'interne auprès d'un superviseur qui a peut-être contribué au climat de harcèlement — et qui a peut-être un lien, éventuellement d'amitié, avec le harceleur — et il sera toujours très délicat pour une plaignante de porter plainte pour harcèlement, surtout si elle s'attend à ce qu'elle ne soit pas traitée de façon équitable.
(1115)
    Même lorsqu'un processus interne de règlement de plaintes est enclenché, les plaignantes reçoivent rarement le soutien et l'information dont elles ont besoin, car on ne les informe pas des mesures prises ou des résultats de l'enquête.
    Il n'existe pas de recours pour les plaignantes, pas de solution parfaite. Le meilleur scénario est celui où la plainte est retenue et où le harceleur se voit infliger des mesures disciplinaires. Selon le niveau de harcèlement, il arrive souvent que le harceleur reste dans le milieu de travail laissant la plaignante intimidée et vulnérable. Justice n'est pas faite et, en règle générale, la plainte n'améliore pas la situation.
    Et l'on voit réapparaître le même schéma pour la plaignante — le harcèlement du passé et le harcèlement actuel donnent souvent lieu à des symptômes persistants qui forcent l'employée à démissionner, voire à mettre un terme à sa vie professionnelle. C'est donc dire que, même dans les milieux de travail considérés comme « toxiques », les processus existants ne garantissent pas qu'on cherche à enrayer le harcèlement. Ainsi se perpétuent les inégalités.
    À l'heure actuelle, le seul processus faisant appel à un tiers, qui semble être une solution mais qui ne l'est pas, est celui du Tribunal canadien des droits de la personne. Malheureusement, les procédures sont lourdes et fastidieuses. Il s'agit d'une procédure en deux temps. D'abord, les plaignants doivent se présenter devant la commission qui manque cruellement de ressources. En 2011, elle n'était constituée que de deux commissaires à temps plein et de trois autres à temps partiel. Cette année-là, elle a été saisie de 1 914 plaintes potentielles dont 129 ont été renvoyées au tribunal. La commission fait donc office de filtre qui ne laisse passer qu'un très petit nombre d'affaires.
    La commission étudie également les autres recours possibles pour le plaignant. S'il y en a, le plaignant n'a pas d'autre choix que de s'en prévaloir. La commission n'est donc pas une véritable solution de recours pour les employés fédéraux. Le tribunal n'est, pour l'instant, pas mieux loti. À l’heure actuelle, le tribunal est formé d’un président par intérim, d’un membre à temps plein et de sept autres à temps partiel. En 2012, le tribunal n'a rendu que 30 décisions.
    Comment améliorer le système? Le plus grand problème tient au fait que la personne doit s'adresser à sa propre hiérarchie, même après des décennies de harcèlement. Il conviendrait de mettre en place un mécanisme qui permettrait aux femmes de parler de leurs griefs, de découvrir les correctifs possibles et même les recours s'offrant à elles, ainsi que les écueils, les délais à envisager et les répercussions éventuelles. Il faudrait aussi la rassurer que sa vie professionnelle ne prendra pas fin si elle porte plainte. Ce sont les vrais obstacles à l'heure actuelle.
    Les plaignantes devraient pouvoir recourir à un tiers. Je crois savoir que les prochains témoins, ceux du Barreau du Haut-Canada, vous parleront d'un nouveau modèle, celui de l'accès direct, qui est appliqué dans le milieu juridique. Il ne sera pas forcément applicable dans ce cas de figure, mais il n'en est pas moins un concept intéressant. Il confère un degré de liberté qui n'existe actuellement pas, même après la refonte de la politique du Conseil du Trésor.
(1120)
    Il vous reste encore une minute, madame Benedict.
    J'ai bientôt fini.
    Il y a autre chose dont le FAEJ veut parler. Bien que, depuis des années, il existe au gouvernement fédéral une politique visant à embaucher et à promouvoir en son sein les représentants des minorités, et de mettre en place un milieu de travail qui soit le reflet de la société canadienne, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Il faudrait ne pas se contenter d'agir superficiellement en matière d'embauche et de promotion de représentants des minorités, dont les femmes font partie, mais bien de faire en sorte que les milieux de travail soient le reflet de la société et que tout le monde travaille dans le sens de la réalisation de cet objectif consistant à instaurer un milieu de travail où le harcèlement n'est pas toléré.
    Je pense que je vais pouvoir m'arrêter ici, car je suis sûre que vous allez nous poser des questions après avoir entendu le Barreau du Haut-Canada, et nous serons très heureuses, Mme Stanton et moi, de répondre aux questions du comité.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Benedict.
    Nous allons passer aux représentantes du Barreau du Haut-Canada.
    Madame Bouchard et madame Quansah, vous avez 10 minutes en tout et vous avez la parole.
(1125)

[Français]

    Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie de nous avoir invitées à participer à votre rencontre.
    Je veux aussi remercier les représentantes du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes d'avoir présenté de l'information importante sur les répercussions du harcèlement sexuel, surtout sur les femmes. Je ne répéterai pas leur présentation. Je veux ajouter, en fait, à ce qu'elles ont dit.

[Traduction]

    Je vais passer à l'anglais, mais je me ferai un plaisir de répondre à vos questions en français ou en anglais.
    Permettez-moi de vous parler un peu du Barreau du Haut-Canada, de ce que nous faisons et de ce que fait notre service d'équité. Je vous entretiendrai d'un guide que nous avons élaboré et qui traite de la prévention du harcèlement, de la discrimination et de la violence en milieu de travail, et plus important encore, je vous parlerai de notre modèle que les représentantes du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes vous ont mentionné, c'est-à-dire notre Programme de conseil juridique en matière de discrimination et de harcèlement qui est plutôt innovant. Même s'il existe depuis 1999, il demeure très efficace.
    Le Barreau du Haut-Canada est l'organisme qui réglemente les juristes de la province, c'est-à-dire les avocats et les parajuristes. Nous comptons 44 400 avocats en Ontario et environ 5 000 parajuristes. Notre Service d'équité a été créé en 1997, ou peu après, en vue de promouvoir l'équité et la diversité au sein de la profession juridique. Une partie de notre travail consiste à élaborer des politiques modèles à l'intention du personnel du milieu et de produire des documents de recherche pour nos membres afin qu'ils puissent, à leur tour, promouvoir l'équité et la diversité.
    En janvier 2012, dans le cadre de notre mandat, nous avons publié un guide sur le thème de la prévention du harcèlement, de la discrimination et de la violence en milieu de travail. Ce guide fournit aux employeurs du milieu juridique des exemples de politiques pour la profession. Les cabinets peuvent se servir de ce guide et des politiques modèles pour élaborer leurs propres outils. Nous savons que c'est ce qu'ils ont fait. Le guide propose aussi des procédures à mettre en place dans les cabinets d'avocats pour traiter des problèmes de harcèlement et de discrimination.
    Nous constatons maintenant que le Conseil du Trésor vient d'adopter une politique et des procédures en matière de harcèlement sexuel, ce qui constitue un excellent premier pas. Notre guide propose d'autres pratiques pouvant être mises en œuvre pour régler les problèmes de harcèlement en milieu de travail ou pour les éviter. Nous estimons que ces politiques devraient s'appliquer non seulement à l'ensemble des employés, mais aussi aux clients ou consommateurs dans leurs relations avec des employés. Comme les employeurs ont pour responsabilité de veiller à ce que le milieu de travail soit respectueux, il convient également de veiller au bon comportement des personnes extérieures.
    Nous insistons, par ailleurs, sur le fait que tous les superviseurs ou toutes les personnes en situation d'autorité ont la responsabilité de régler les situations de harcèlement ou de harcèlement sexuel en milieu de travail, que ce soit de façon officieuse ou officielle. Nous estimons qu'il faut inclure des procédures permettant de traiter les plaintes, formelles et informelles, dans le cas de harcèlement sexuel. Les processus formels devraient prévoir la possibilité de nommer une partie neutre ou un médiateur.
    Nous estimons aussi que les plaignants devraient être mis au courant des autres recours s'offrant à eux, y compris la possibilité de déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Je sais que le FAEJ vous a parlé des difficultés concernant la commission et, même si nous ne contredisons pas ces deux témoins, nous croyons que les plaignants devraient pouvoir porter plainte de multiples façons. La responsabilité de l'employeur, qui est de se pencher sur les problèmes de harcèlement sexuel, n'est pas affaiblie si le plaignant suit une avenue de recours externe.
    Il est de bonne pratique de communiquer les politiques à tous les employés, mais aussi de veiller à leur offrir des programmes de formation en matière de harcèlement et de discrimination.
    Je veux vous parler maintenant de notre programme de conseil juridique en matière de discrimination et de harcèlement qui a été adopté en 1999, et qui s'avère extrêmement efficace pour la profession légale. Dans le cas des procédures concernant le harcèlement sexuel, le mieux est de veiller à ce que les plaignants disposent de plusieurs voies de recours. On peut nommer des conseillers internes chargés de prodiguer des conseils confidentiels aux employés.
(1130)
    Le Service de conseil juridique en matière de discrimination et de harcèlement est un programme indépendant, mis sur pied pour conseiller les membres du public, les avocats et les parajuristes qui ont été la cible de harcèlement et de discrimination de la part d'avocats ou de parajuristes.
    En réalité, ce programme joue un rôle qui s'apparente à celui de protecteur du citoyen. Par conséquent, le CJDH, car c'est le sigle qui désigne le Service de conseil juridique en matière de discrimination et de harcèlement, aide confidentiellement quiconque a ressenti de la discrimination ou du harcèlement de la part d'un avocat ou d'un parajuriste. Et ce service est offert gratuitement à toute personne de l'Ontario qui peut avoir été victime de harcèlement ou de discrimination de la part d'un avocat ou d'un parajuriste.
    Le programme est financé par le Barreau. Il coûte environ 150 000 $ par année et il fonctionne séparément et indépendamment du Barreau. C'est donc vraiment un programme sans lien de dépendance, car nous croyons que dans le cas contraire, il ne serait pas aussi efficace.
    La conseillère actuelle est Cynthia Petersen, une avocate très chevronnée de l'Ontario, qui jouit d'une excellente réputation et qui possède une très grande expérience des questions d'égalité et de harcèlement sexuel. Par ailleurs, elle est bilingue et fournit ses services en français et en anglais. Nous avons également deux conseillers substituts, Lynn Bevan et David Bennett, qui assurent les services en l'absence de Cynthia. Ils travaillent à temps partiel. Ils travaillent à partir de leurs bureaux et facturent le Barreau mensuellement.
    Que font-ils? Généralement, les conseillers en matière de discrimination et de harcèlement déterminent quel est le problème. Si quelqu'un vient les consulter, ils établissent la nature du problème. Ils clarifient les faits avec l'intéressé et proposent des solutions, que ce soit le dépôt d'une plainte auprès du Barreau pour manquement aux règles de déontologie ou le recours au Tribunal des droits de la personne, dans le cas de l'Ontario.
    Le CJDH n'enquête pas sur les plaintes. Il est néanmoins mandaté pour mener une médiation ou résoudre les problèmes informellement. Nous constatons que c'est un des rôles dans lesquels il a le plus de succès. Il règle un certain nombre de problèmes de façon confidentielle et informelle. Le CJDH offre également des programmes éducatifs et aide les cabinets d'avocats à établir leurs propres procédures et politiques si nécessaire.
    Pour conclure, je vais vous fournir quelques renseignements statistiques émanant de la conseillère en matière de discrimination et de harcèlement. Elle présente un rapport au Barreau tous les six mois. Ce rapport contient des données statistiques sur le nombre et la nature des cas qui lui ont été soumis. En 2012, elle a produit un rapport portant sur une période de neuf ans allant de janvier 2003 à décembre 2011. Au cours de cette période, elle a reçu environ 515 plaintes contre des avocats, trois plaintes contre des stagiaires en droit et depuis 2008 — l'année où le Barreau a commencé à réglementer les parajuristes —, elle a reçu environ six plaintes contre des parajuristes.
    Ce qu'il y a d'intéressant à signaler au sujet de ces plaintes, c'est qu'à peu près la moitié, ou plus de la moitié, émanaient de femmes. Nous savons donc que ce service est particulièrement important pour les femmes. Environ la moitié des plaintes concernaient la discrimination sexuelle et la moitié de ces plaintes concernaient le harcèlement sexuel.
    La discrimination sexuelle est, en fait, le sujet le plus fréquent des plaintes que reçoit le CJDH et environ 87 p. 100 des plaintes pour harcèlement sexuel ou discrimination sexuelle que reçoit la conseillère émanent de femmes. Un certain nombre de plaintes qui n'émanent pas de femmes…

[Français]

    Madame Bouchard, il vous reste 30 secondes.

[Traduction]

    … sont portées par des hommes qui se plaignent d'autres hommes qui harcèlent sexuellement des femmes.
    Cela vous donne une idée du genre de plaintes que reçoit la conseillère. Elle reçoit aussi un certain nombre de plaintes relatives à un handicap, à la race, à l'orientation sexuelle et à d'autres motifs visés par le Code des droits de la personne
    Nous incitons les organisations à renforcer leurs politiques à l'égard du harcèlement sexuel pour qu'elles tiennent compte de ces motifs. Je vous remercie de votre attention.
(1135)
    Merci beaucoup, madame Bouchard.
    Nous allons maintenant entamer notre premier tour de questions en commençant par Mme O'Neill Gordon. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et je remercie particulièrement nos témoins d'aujourd'hui.
    Nous avons certainement accompli beaucoup de travail dans ce domaine et je suis convaincue que les gens doivent avoir l'assurance qu'ils peuvent aller travailler, chaque jour, en étant respectés et à l'abri de tout harcèlement sexuel.
    Ma question s'adresse d'abord au FAEJ. Votre organisme intervient dans les causes portées devant les tribunaux, mais il donne également accès à des outils éducatifs et à des programmes de formation pour les adolescents dont certains portent sur le harcèlement sexuel en milieu de travail. Quand Postes Canada a comparu devant nous au début de notre étude, on nous a dit qu'après une grande campagne de sensibilisation, on avait constaté une augmentation du nombre de plaintes pour harcèlement au travail, mais pas du nombre d'incidents de harcèlement. Ce phénomène a été suivi d'une diminution graduelle et constante du nombre de plaintes.
    Nous avons tiré deux enseignements de cet exemple. Premièrement, les campagnes de sensibilisation peuvent avoir un effet important sur la dénonciation du harcèlement sexuel au travail et, deuxièmement, il ne faut pas se fier entièrement aux chiffres, car des chiffres plus élevés peuvent révéler le désir de résoudre ces questions par les voies existantes.
    Pourriez-vous parler des répercussions des campagnes de sensibilisation sur la déclaration des incidents de harcèlement en milieu de travail?
    Je n'ai pas de données statistiques à ce sujet. Je peux vous dire que d'après notre expérience, les campagnes de sensibilisation ont tendance à mieux informer les gens, surtout sur les mécanismes à leur disposition.
    Nous mentionnons quelque chose à ce sujet dans notre mémoire. Quand les gens savent par quels moyens ils peuvent dénoncer les incidents et quand ils se rendent compte que ces moyens existent, ils ont également l'impression que leur plainte sera prise au sérieux et qu'il vaut la peine de la loger. Avec le temps, cela finit par se répercuter sur la culture de l'organisation, par faire comprendre que le harcèlement est inacceptable. Lorsque la direction d'une organisation met en place ce genre de modèle de formation, je pense que c'est vraiment utile. Cela montre, à tous les niveaux de la hiérarchie, que le harcèlement ne sera pas toléré et que s'il existe, la culture de l'organisation va devoir changer.
    Merci.
    Nous avons vu, en entendant beaucoup d'autres témoins, que la formation est très importante. J'aimerais savoir quelles sont les répercussions de la formation. Avez-vous pu établir un lien entre la formation et une diminution des incidents au travail? Si c'est le cas, quelle est la meilleure façon de mesurer ce lien?
    C'est là que réside la difficulté. Comme vous l'aurez sans doute remarqué dans notre mémoire, et peut-être en entendant des témoins précédents, nous n'avons plus de chiffres sur lesquels nous pouvons nous fier quant à l'incidence du harcèlement sexuel dans les divers milieux de travail.
    Nous avons l'étude de Corrections Canada, que nous avons citée, je crois, qui a demandé aux gens s'ils avaient été victimes de harcèlement sexuel et cela a fourni certains chiffres. Le Barreau… a pu établir le nombre de plaintes pour harcèlement sexuel. Néanmoins, en général, nous n'avons pas de données quantitatives sur le nombre d'incidents de harcèlement sexuel, au départ, et les changements qui se produisent dans les milieux de travail où une formation a été dispensée.
    Je regrette de ne pas pouvoir vous fournir ces chiffres. Je peux vous dire, par contre, que nous invitons certainement les organisations à offrir une formation, car nous croyons que dans l'ensemble, elle contribue à réduire, avec le temps, la culture du harcèlement en milieu de travail.
    Comme vous l'avez dit tout à l'heure, la formation permet de savoir à qui s'adresser et qui contacter, et en sachant que ces moyens sont à leur disposition, les intéressés ont beaucoup d'assurance.
(1140)
    Cela permet aussi de savoir que les actes en question sont jugés inacceptables par la direction ce qui est, je pense, très important. Dans un certain nombre des organisations dont vous avez entendu parler jusqu'ici, comme aucun incident n'est signalé, les gens s'imaginent qu'il n'y a pas de harcèlement sexuel alors qu'en fait, c'est peut-être le contraire parce que les gens ont peur de porter plainte. Les femmes ont particulièrement peur de porter plainte à cause des conséquences que cela aura probablement sur leur carrière. Elles ne portent pas plainte.
    Telle est la problématique.
    Ma prochaine question s'adresse au Barreau du Haut-Canada. J'aimerais savoir si vous tenez des statistiques au sujet du nombre de plaintes pour harcèlement sexuel dans votre milieu de travail.
    Voulez-vous dire dans notre milieu de travail interne?
    Nous le faisons. Nous avons environ 500 employés et nous recevons peut-être une ou deux plaintes par an.
    C'est un bon résultat. À quoi l'attribuez-vous?
    Je vais répéter un peu ce qu'a dit le FAEJ, car nous avons des programmes de sensibilisation obligatoires pour tous les nouveaux employés et pour tous les cadres. Nous veillons à ce que ces derniers sachent qu'ils ont la responsabilité de résoudre immédiatement les cas de harcèlement ou de discrimination dès qu'ils en sont informés, de façon formelle ou informelle. Nos cadres ont donc tendance à régler ces questions très rapidement et de façon informelle, ce qui est, selon nous, la meilleure façon de faire face à la situation.
    Un élément de notre politique que je crois également important — et j'invite les organisations à l'adopter — est une clause prévoyant qu'un employé qui a été victime de harcèlement ou de discrimination peut bénéficier de certains accommodements pendant l'enquête, s'il y en a une. Cela démontre un engagement à protéger l'employé contre les représailles ou contre un environnement de travail toxique. C'est, je pense, un élément important de notre politique et également un important message à envoyer aux employés.
    Merci, madame Bouchard.
    Je pense qu'ils sont convaincus qu'ils…
    Désolée de vous interrompre une fois de plus, mais votre temps est écoulé.
    Merci, madame O'Neill Gordon.
    Madame Mathyssen, c'est à vous pour sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup à tous nos témoins d'aujourd'hui. Vous nous apportez des renseignements importants. En dépit des meilleures intentions, il m'apparaît évident que le harcèlement en milieu de travail est encore une réalité. Cela fait partie d'une culture qui semble vouloir persister.
    Ma première question s'adresse au FAEJ. Vous avez parlé de promesses non concrétisées sur le plan de l'équité en matière d'emploi. À bien des égards, le gouvernement fédéral semble avoir renoncé à l'équité en matière d'emploi, à l'idée de rendre le milieu de travail plus diversifié et plus accessible pour un certain nombre de groupes différents. Je me demande dans quelle mesure ce genre de politique d'action positive sur le plan du recrutement aiderait à s'attaquer au harcèlement. De quelle façon cela pourrait-il changer la situation actuelle?
    En théorie, le système est en place. Les formulaires sont là. Nous les avons tous vus, avec les cases que l'on peut cocher pour déclarer faire partie d'un groupe ou d'un autre. Encore une fois, il ne suffit pas d'avoir un système en place. Il faut s'engager à agir et veiller à ce que les gens aient la possibilité d'avancer une fois qu'ils franchissent la porte.
    Je pense que si nous avions eu cette conversation 10 ans plus tôt, la situation aurait été assez différente. Il y a certainement plus de femmes, maintenant, dans les rangs des sous-ministres et sous-ministres adjoints que ce n'était le cas par le passé. Certaines femmes accèdent donc à ces niveaux, mais nous en parlons dans une perspective plus large. Cela concerne non seulement les femmes, mais tous les autres groupes minoritaires. Il faut permettre aux gens d'entrer dans la fonction publique, d'arriver par la grande porte, mais ce n'est pas suffisant. C'est pourquoi je dis que si des groupes minoritaires ne peuvent pas dépasser un certain niveau ou n'obtiennent pas des occasions d'avancer, la discrimination se fait de façon presque systémique.
    Mme Stanton en a parlé. Je ne crois pas que le FEAJ propose un contingentement. Il s'agit de réexaminer le concept qui a été avancé, il y a de nombreuses années, pour voir quelles sont les difficultés auxquelles les minorités sont confrontées, car elles existent toujours.
(1145)
    Vous avez demandé en quoi cette politique changerait la culture du harcèlement sexuel si elle était bien appliquée. En général, lorsqu'on voit plus de femmes accéder à des postes de direction dans des organisations qui adoptent aussi les modèles de formation dont nous avons parlé, et le genre de politiques dont parlent nos deux organismes aujourd'hui, les cas de harcèlement diminuent progressivement, simplement parce qu'ils ne sont plus tolérés. Bien sûr, c'est aussi parce que le rapport de forces est modifié dans une organisation lorsqu'il devient plus représentatif de l'ensemble de l'effectif que d'un certain groupe au sein de la direction et d'un certain groupe au niveau des employés.
    Merci.
    Très bien, merci beaucoup.
    Cette question s'adresse au FAEJ et au Barreau. Elle concerne un programme de l'Ontario. Je crois qu'on s'efforce de l'élargir. Il s'intitule Voisins, amis et familles. Il offre un programme complet d'éducation et de formation aux employeurs et aux employés d'une organisation. Il vise à aider les employés à comprendre que le harcèlement et la violence existent dans un milieu de travail et que cela oblige les employeurs à fournir des services de counseling, des directives pour le counseling et une formation sur le plan de la sécurité. Cela part du principe que si un employé est victime de violence à l'extérieur de son milieu de travail, cette violence pourrait très facilement venir se manifester au travail.
    Êtes-vous au courant de cette directive? Doit-elle logiquement s'inscrire dans une politique contre le harcèlement? Le harcèlement est une forme de violence et est-il logique d'assurer une formation à toutes sortes de niveaux sur la façon d'y remédier en tant qu'employeur ou employés? Est-ce une politique que vous aimeriez voir adopter par le gouvernement fédéral, au-delà de l'Ontario?
    Je vais d'abord répondre et Mme Bouchard voudra peut-être ajouter quelque chose.
    Au cours de l'été 2010, le gouvernement ontarien a mis en place ses mesures contre la violence et le harcèlement au travail dans le cadre de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Cela a suscité énormément de réactions et il y a eu une augmentation énorme de la sensibilisation du public au harcèlement dans le milieu de travail. Cette mesure législative a été adoptée à cause de la violence, car c'était la troisième fois qu'un conjoint tuait un ex-conjoint dans son milieu de travail, dans un hôpital — trois cas similaires sont survenus dans des hôpitaux sur une période d'environ 14 ans. Le gouvernement a donc estimé qu'il devait faire quelque chose.
    La loi visait à répondre à ce genre de situation. Elle dit que les gens ne peuvent pas rester indifférents lorsqu'ils ont connaissance d'un problème. Nous savions que ces personnes étaient très perturbées. Nous savions que la femme était en danger et qu'il ne s'agissait pas d'un environnement sûr pour elle. Personne n'a fait quoi que ce soit, au nom de la confidentialité et du respect de la vie privée. Comme les gens ne savaient pas quoi faire, ils n'ont rien fait et des personnes sont mortes. La loi a donc été adoptée pour qu'un employeur prenne conscience de son obligation de fournir un milieu de travail sûr et à l'abri du harcèlement. Il s'agit du harcèlement selon la définition de la Loi sur les droits de la personne. Maintenant, la législation fédérale tient compte également cette définition plus large. Elle comprend toute forme d'intimidation, puisque c'est le mot qu'on utilise aujourd'hui, et elle englobe tous les comportements de ce genre. La gamme des comportements inacceptables visés par cette politique est très large. Les gens en sont conscients. Les employeurs en sont conscients.
    Désolée de vous interrompre. Il ne reste plus de temps.
    C'est maintenant au tour de Mme James.
    Mme Irene Mathyssen: Désolée, cela passe très vite.
    La présidente: Madame James, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et bienvenue à nos invitées.
    J'espère pouvoir m'adresser aux autres témoins, mais je vais d'abord poser mes premières questions au Barreau.
    Dans votre déclaration, vous parlez d'un rapport de 2012 qui couvre une période de neuf ans. Vous avez mentionné qu'il y avait eu 550 plaintes contre des avocats, trois contre des stagiaires en droit et six contre des parajuristes. Vous avez ajouté que plus de la moitié des plaintes avaient été portées par des femmes et que la moitié d'entre elles concernaient la discrimination sexuelle.
    Pourriez-vous me dire si les incidents de harcèlement sexuel étaient également inclus dans la discrimination sexuelle et peut-être me donner un exemple de ce que serait une plainte pour discrimination sexuelle par opposition à une plainte pour harcèlement sexuel?
(1150)
    Oui, vous avez raison, la discrimination sexuelle incluait le harcèlement sexuel. Environ la moitié des plaintes pour discrimination sexuelle étaient des plaintes pour harcèlement sexuel. Une plainte pour discrimination sexuelle pourrait émaner, par exemple, d'une femme enceinte à qui on n'offre pas les mêmes possibilités de perfectionnement professionnel qu'aux autres employés à cause de sa grossesse parce qu'elle va devoir prendre un congé de maternité ou parental.
    Les plaintes pour harcèlement sexuel que reçoit la conseillère en matière de discrimination et de harcèlement pourraient être, par exemple, à l'endroit d'un avocat qui demande à une cliente de sortir avec lui en échange de services gratuits ou à une assistante de sortir avec lui en échange de certains avantages au travail. Par conséquent, le harcèlement sexuel va des avances insistantes à l'agression sexuelle en passant par les attouchements sexuels inappropriés.
    Merci.
    Si vous avez ce renseignement, sur les 550 incidents signalés, sans parler des autres cas, combien de ces plaintes ont été étayées ou jugées valides?
    La conseillère en discrimination et en harcèlement ne mène pas d'enquête. Elle peut résoudre les problèmes de façon informelle ou jouer le rôle de médiateur, mais elle ne mène pas d'enquêtes. Je ne peux donc pas vous dire combien de plaintes ont été jugées valides.
    Merci.
    La conseillère propose des solutions.
    Merci.
     Vous avez mentionné l'exemple d'une personne qui pourrait offrir des services juridiques en échange de services sexuels et je viens de voir un article publié dans la revue Canadian Lawyer dont le titre disait que les services juridiques ne doivent pas être échangés contre des faveurs sexuelles.
    Je voudrais simplement vous poser une question. Que faites-vous, que fait le Barreau du Haut-Canada lorsque des avocats, des parajuristes ou autres membres de la profession sont reconnus coupables de harcèlement sexuel? Quel est votre rôle à cet égard et quel genre de mesures prenez-vous?
    Les règles de déontologie interdisent le harcèlement sexuel. Une personne peut porter plainte auprès du Barreau pour conduite contraire aux règles de déontologie et en pareil cas, nous enquêtons et l'affaire peut être portée devant le comité de discipline. Une fois que l'allégation est devant le comité de discipline, si elle est étayée, cela peut avoir diverses conséquences ou répercussions sur la carrière de l'avocat. L'avocat peut être suspendu pendant quelques mois ou radié du Barreau, par exemple.
    À propos du cas rapporté dans ce magazine, on citait des paroles selon lesquelles: « Nous pensons que le harcèlement sexuel devrait rarement ou jamais entraîner une réprimande plutôt qu'une période de suspension ».
    Dans le cas dont je parle, je crois que le coupable a seulement fait l'objet d'une réprimande. Il a peut-être eu également une amende. Néanmoins, cet incident me semble assez… Je ne sais pas. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on a imposé une simple réprimande à un avocat qui a proposé ce genre de marché.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je ne peux pas vraiment parler d'un cas sur lequel un comité de discipline a rendu une décision. Je dois vous dire qu'un comité de discipline est composé de trois arbitres. Un comité d'appel peut réexaminer la décision du comité de discipline et la décision est alors prise par cinq arbitres.
    Quand quelqu'un qui a été reconnu coupable de ce genre d'agissement, comme le client, par exemple, moi-même ou qui que ce soit dans cette salle qui aurait besoin d'un conseil…? J'espère ne pas avoir besoin des conseils d'un avocat ou de services juridiques. Mais comment le public peut-il savoir si quelqu'un a été accusé ou reconnu coupable de ce genre d'infraction? Personnellement, je ne voudrais pas aller voir un avocat qui a été accusé de ce genre de choses.
    Existe-t-il un moyen de le découvrir?
(1155)
    Oui. Le Barreau du Haut-Canada a un registre des avocats et des parajuristes. Si vous recherchez le nom d'une personne, il figure dans notre site Web. C'est à la disposition du public. Cela vous dira si la personne en question a fait l'objet ou non de sanctions disciplinaires et quelles en étaient les raisons.
    Merci.
    Pendant combien de temps ce renseignement figure-t-il dans votre site Web ou dans le registre? Je voudrais savoir si on finit par l'effacer. Est-ce au bout de 3 ans, 5 ans, 10 ans? Ou est-ce là pour l'éternité?
    Je ne connais pas la réponse, mais je peux vous l'obtenir, si vous le désirez.
    Si vous pouviez transmettre ce renseignement au comité, je l'apprécierais.
    Puis-je savoir combien de temps il me reste?
    Il vous reste une minute.
    Très rapidement, je voudrais seulement adresser ma question aux témoins présents.
    Ma collègue, Mme O'Neill Gordon, a mentionné la formation des adolescents. Si j'ai bien compris, vous offrez des ateliers pour les jeunes, n'est-ce pas?
    Nous l'avons fait par le passé. Nous n'avons pas le financement voulu pour le faire actuellement. C'est certainement une chose que nous aimerions beaucoup faire de nouveau, mais ce n'est pas possible pour le moment.
    Merci.
    J'ai une question de plus. Pour revenir au Barreau, vous avez mentionné que vous faites de la médiation de façon informelle et je voulais seulement dire un mot à ce sujet. Je sais que mon temps touche à sa fin.
    Un certain nombre de témoins nous ont dit que plus on règle rapidement un problème comme celui du harcèlement sexuel, s'il est possible de le faire de façon informelle, cela vaut mieux que de laisser le problème s'aggraver et d'avoir à faire appel à des recours officiels. Êtes-vous d'accord?
    Je suis d'accord. Je dois dire, toutefois, que le CJDH joue le rôle de médiateur uniquement si les deux parties y consentent. Je suis donc d'accord.
    Merci.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Sgro, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bienvenue à tous nos témoins.
    C'est un grand plaisir de revoir les représentantes du FAEJ. J'appuie depuis longtemps le travail que vous avez accompli, au cours de mes nombreuses années en politique. J'ai entendu vos opinions sur différents sujets.
    Je me suis intéressée de près aux préoccupations concernant le harcèlement sexuel et l'intimidation à la GRC qui, malheureusement, ternissent sans aucun doute la réputation d'une institution emblématique que tous les Canadiens admirent et respectent. Nous avons essayé de régler certains problèmes afin que des changements puissent être apportés et que les personnes qui choisissent ce genre de carrière — surtout les femmes — puissent le faire sans être intimidées et sans être considérées comme des fauteurs de troubles, etc.
    La GRC a mis en place les meilleures politiques qui soient, en théorie, comme la majeure partie de la fonction publique fédérale, mais il ne semble pas que la plupart des plaintes soient portées devant les autorités compétentes. Ce n'est pas fait, parce que les victimes ne veulent pas être étiquetées ou mutées ailleurs. Pour ce qui est de s'adresser au Tribunal des droits de la personne, je ne pense pas que ce soit le bon endroit pour régler ce genre de questions, surtout dans le milieu de travail fédéral.
    Dans votre mémoire, vous parlez d'un processus de plaintes faisant appel à des tiers, ce qui m'intéresse. Pourriez-vous nous expliquer comment cela pourrait fonctionner de façon positive? Quelles en seraient les conséquences négatives? Je peux seulement voir les effets positifs, mais je suis sûre que cela doit poser certains autres problèmes. Pourriez-vous nous en parler un peu plus?
    Le FAEJ ne propose évidemment pas un modèle particulier. Nous nous contentons de mettre en lumière les problèmes existants. Néanmoins, l'effet positif que cela pourrait avoir serait que dès que vous supprimez l'obstacle qui empêche la dénonciation et qui est le risque de voir sa carrière détruite… De nombreuses personnes portent plainte en toute connaissance de cause. Elles se disent: « Comme je n'en peux plus et que cela ruine ma santé, je vais tout divulguer ».
    Par conséquent, si l'on a un mécanisme, un modèle neutre faisant appel à un tiers — peut-être pas un modèle d'arbitrage, même si cela se termine généralement par un arbitrage, en tout cas dans les procédures officielles — un mécanisme auquel on pourra avoir accès rapidement, avant que la santé et la carrière d'une personne ne soient trop dévastées, la situation s'améliorera. Si ce mécanisme existe, le public en général sera mieux sensibilisé. Il sera éduqué. Le climat changera et il doit changer. Bien entendu, la GRC est le meilleur exemple qui soit. Si vous êtes régulièrement en première page des journaux, le climat changera.
    J'ai trouvé encourageant ce que le Barreau a dit, à propos des statistiques, si vous lisez son mémoire, au sujet des avocats du sexe masculin qui dénoncent l'inconduite d'autres avocats du sexe masculin. Cela correspond à ce que j'ai dit au sujet des exigences sur le plan de la santé et de la sécurité au travail selon lesquelles l'obligation d'avoir un milieu de travail sûr et exempt de harcèlement incombe à tous. Si les femmes sont libres de parler, de se plaindre du harcèlement et si leurs collègues du sexe masculin se plaignent du harcèlement auquel se livrent d'autres collègues du sexe masculin, tous ces éléments, auxquels s'ajoute une tierce partie indépendante à laquelle les femmes peuvent d'abord s'adresser pour parler de leurs problèmes, renforceront le message. On ne tolérera plus que ces milieux de travail restent toxiques année après année.
    Pour revenir sur ce que la personne dont vous avez parlé a vécu pendant 25 ans, beaucoup de gens étaient au courant du problème, mais n'ont rien dit. Plus il sera possible d'en parler, plus tout le monde comprendra que c'est inacceptable, les choses pourront changer.
(1200)
    C'est en grande partie un problème de culture. Au cours d'une table ronde avec certains hommes de la GRC à qui j'ai demandé où ils étaient lorsque leurs collègues du sexe féminin étaient victimes de ce genre de comportements, leur réponse a été: « Nous savons ce qui se passe, mais nous ne disons rien, car autrement, on va s'en prendre à nous aussi ».
    Il est plutôt incroyable que des hommes bien bâtis qui ne devraient pas se laisser intimider facilement se contentent de regarder de l'autre côté. Cela me ramène à ce que vous avez dit. Il faut que ce soit inacceptable aux yeux de tous, que vous soyez un concierge ou un commissaire de haut niveau, si vous entendez ou voyez ce qui se passe. Il est encourageant de voir que le Barreau a pris certaines mesures.
    Nous disons à tous ceux qui travaillent, où que ce soit, dans la fonction publique fédérale, que s'ils voient ou entendent ce genre de choses, ils ont l'obligation de le signaler, mais il ne semble pas que cette règle soit suivie. Comment donner aux gens le courage de défendre ceux qui n'ont pas la force de se défendre eux-mêmes?
    Étant donné l'intérêt porté à ce problème, les ministères et organismes se disent que leur attitude doit changer, même si leur mentalité n'a pas vraiment changé.
    S'il devient acceptable que les personnes qui observent une situation aient le courage d'intervenir pour demander au coupable d'arrêter au lieu d'aller rapporter ce qu'il a fait quelque part, cela modifie toute l'atmosphère au travail. Cela donne aux femmes le courage de dire également ce qu'elles pensent. Les hommes sont aussi victimes de harcèlement sexuel — les cas sont nombreux. Il faut étaler le problème au grand jour. Il faut que certains agissements soient considérés comme fautifs et inacceptables, et pas seulement en théorie.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Encore une fois, au nom du Comité permanent de la condition féminine, nous tenons à remercier nos cinq témoins de leur comparution devant le comité. Je vais maintenant suspendre la séance pour que nous puissions accueillir les témoins suivants.
    Merci beaucoup. La séance est suspendue.
(1200)

(1205)

[Français]

    Nous reprenons la 80e séance du Comité permanent de la condition féminine.
    Aujourd'hui, nous recevons Mme Lynn Bowes-Sperry, qui témoigne devant le comité à titre personnel. Elle est professeure agrégée de gestion au Western New England University College of Business.

[Traduction]

    Madame Bowes-Sperry, merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
    Je vais vous accorder 10 minutes pour votre déclaration préliminaire. Je vais devoir vous arrêter au bout de 10 minutes et nous passerons alors à notre période de questions et réponses.
    Sans plus attendre, je vous donne la parole, madame Bowes-Sperry.
    Merci de m'inviter à contribuer à votre étude du harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux.
    Je voudrais commencer mon témoignage en me faisant l'écho d'une déclaration d'un témoin précédent, M. David Langtry, de la Commission canadienne des droits de la personne: « On n'aura donc jamais un portrait complet du problème à partir du nombre de plaintes déposées. »
    Il ressort des recherches sur la dénonciation du harcèlement sexuel que les cibles de ce harcèlement réagissent de diverses façons, notamment par l'évitement et le déni, par exemple en interprétant ce comportement comme une plaisanterie; par l'adaptation sociale, par exemple en discutant du comportement en question avec des amis; par la confrontation et la négociation, par exemple en demandant au harceleur d'arrêter et enfin, par la recherche d'une protection, par exemple en déposant une plainte officielle.
    Les résultats de ces recherches indiquent que de nombreuses cibles ont une réaction d'évitement et que rares sont celles qui portent plainte. Ces stratégies d'adaptation passive peuvent sembler étranges étant donné les conséquences négatives que subissent les cibles du harcèlement, par exemple un viol physique, des torts psychologiques, un manque de satisfaction au travail et un manque d'engagement envers l'organisation ainsi que la dégradation des relations de travail.
    La recherche laisse entendre qu'à la suite d'un incident de harcèlement, les cibles jonglent avec des objectifs concurrents, à savoir leur désir de mettre fin au harcèlement et celui d'éviter des représailles de la part du harceleur et de préserver leur réputation et leur statut au sein du groupe de travail. De plus, les employés qui croient que leur organisation est très tolérante à l'égard du harcèlement sexuel croient qu'il est risqué de dénoncer ce genre d'incidents, que les plaintes ne seront probablement pas prises au sérieux et que les coupables n'auront pas à craindre de lourdes conséquences si leur harcèlement est dénoncé.
    Même si les cibles de harcèlement ont tendance à s'abstenir de porter plainte, certaines d'entre elles le font. Il ressort des recherches que divers facteurs influencent la décision des cibles de harcèlement de chercher ou non une protection, par exemple en déposant une plainte.
    Pour ce qui est des facteurs personnels, les cibles qui ont un haut niveau d'instruction, une expérience antérieure du harcèlement sexuel et un statut professionnel peu élevé sont davantage portées à défendre leurs droits. Pour ce qui est du harcèlement sexuel comme tel, les cibles ont davantage tendance à le signaler lorsque le harceleur est un superviseur, lorsqu'il y a des harceleurs multiples ou lorsque le harcèlement est coercitif, autrement dit, lorsque les conditions d'emploi dépendent de l'acceptation des avances sexuelles.
    Compte tenu de ce qui précède, les efforts visant à mettre fin au harcèlement sexuel qui misent principalement sur les plaintes portées par les cibles ont peu de chance de réussir, car la plupart des cibles ne déclarent pas les incidents. Par conséquent, nous devons chercher d'autres moyens ou méthodes pour mettre fin au harcèlement sexuel.
    Une méthode que j'ai étudiée est l'intervention des observateurs. Les observateurs sont les personnes qui constatent le harcèlement, mais qui ne prennent pas directement part à l'incident. Lorsque l'atmosphère de travail devient toxique, il arrive souvent que les personnes qui sont témoins du harcèlement pourraient prendre des mesures pour le faire cesser ou prévenir de futurs incidents.
    Au cours de mes recherches, mon coauteur et moi avons conceptualisé des façons dont les observateurs de harcèlement sexuel pourraient intervenir, sous la forme d'une typologie incluant deux dimensions. L'une d'elles est l'intervention immédiate. Les observateurs peuvent réagir, soit pendant que l'incident de harcèlement sexuel se déroule, soit ultérieurement. La deuxième est le niveau d'intervention. Les observateurs peuvent réagir en préservant leur anonymat ou publiquement. Le croisement de ces deux dimensions donne quatre catégories d'interventions. Pour gagner du temps, je vais seulement mentionner quelques exemples d'interventions possibles de la part d'un observateur.
(1210)
    Les réactions qui pourraient être utiles de la part des observateurs de harcèlement sexuel consistent notamment à dire au harceleur de cesser son comportement, à dénoncer le harceleur à la direction, à interrompre l'incident — par exemple, en soustrayant la cible au début de harcèlement — ou à simplement soutenir la cible du harcèlement après qu'il a eu lieu.
    En plus d'établir une typologie des interventions des observateurs, nous avons également élaboré un modèle d'intervention des observateurs dans des incidents de harcèlement sexuel à partir de recherches antérieures sur l'intervention des spectateurs. Avant d'intervenir, les observateurs doivent d'abord prendre conscience que la situation exige une intervention, déterminer s'ils ont la responsabilité d'intervenir, déterminer s'ils doivent agir immédiatement ou plus tard et déterminer le niveau d'intervention requis en fonction du coût net de leur intervention, tel qu'ils le perçoivent.
    J'ai été très satisfaite d'apprendre que votre ministère de la Défense nationale incite ses employés à intervenir. Selon un témoin qui a comparu devant votre comité, Mme Jacqueline Rigg, du ministère de la Défense nationale, la politique et les lignes directrices du ministère indiquent que c'est non seulement la responsabilité de la personne qui se sent victimisée, mais aussi celle de quiconque observe le comportement en question. Les employés ont également la responsabilité de déclarer l'incident, de parler à la victime et de l'inciter à rapporter l'incident.
    Dans le cadre de ma recherche, j'ai constaté que les observateurs sont davantage portés à reconnaître qu'une conduite est du harcèlement sexuel et à exprimer leur intention d'intervenir lorsqu'ils perçoivent un consensus social quant au fait que la conduite en question est du harcèlement sexuel et croient que le harcèlement sexuel est un problème d'éthique. Cela laisse entendre que la culture de l'organisation joue un rôle important dans le phénomène du harcèlement sexuel. Dans les organisations qui sensibilisent tous les employés, et pas seulement les cadres, au problème du harcèlement sexuel, la probabilité d'un consensus social quant au genre d'actes qui constituent du harcèlement sexuel est plus importante et les employés ont davantage tendance à considérer le harcèlement sexuel comme un problème d'éthique plutôt qu'un problème social ou personnel. Des études laissent entendre que les politiques et les actes de l'organisation influencent la prise de conscience du harcèlement sexuel chez l'observateur. Par exemple, les observateurs — surtout les hommes — qui travaillent dans des organisations où l'on dispense un programme de sensibilisation et de formation à l'égard du harcèlement sexuel ont plus tendance à considérer un comportement à connotation sexuelle comme du harcèlement sexuel que ceux qui travaillent dans les organisations où cette formation n'est pas donnée.
    Une autre personne qui a témoigné devant le comité, M. Ross MacLeod, du Secrétariat du Conseil du Trésor, a mentionné qu'à son avis, c'est avant tout une question de culture. Il a dit que le respect à l'égard d'autrui découle de la culture. Le harcèlement découle du manque de respect. Si vous modifiez la culture et si vous créez un environnement de travail respectueux, vous constaterez des changements. Tel est le thème que nous poursuivons auprès des ministères sur cette question.
    Les recherches sur le harcèlement sexuel appuient ce témoignage. Une méta-analyse de 41 études révèle une relation très solide entre le climat de l'organisation et le harcèlement sexuel. Les résultats de deux études sur les femmes dans le système judiciaire des États-Unis montrent que le harcèlement sexuel et l'incivilité au travail vont de pair en ce sens que presque toutes les femmes qui ont été victimes de harcèlement sexuel ont également été la cible d'incivilités. Ces études soulignent que le harcèlement sexuel se produit dans un contexte plus large d'abus et de manque de respect. Ce contexte est en partie le harcèlement sexuel ambiant qui s'apparente au concept de fumée secondaire en ce sens que les membres du groupe dans lequel travaille une cible, qui sont exposés indirectement au harcèlement sexuel, subissent des conséquences psychologiques négatives reliées à leur emploi qui sont similaires à celles que subit la cible du harcèlement sexuel.
    C'est tout ce que j'avais à dire. Encore une fois, je tiens à vous remercier de me permettre de témoigner devant le comité.
(1215)
    Merci beaucoup, madame Bowes-Sperry, vous êtes parfaitement dans les temps.
    Nous allons commencer notre tour de questions par Mme Ambler. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup madame, de vous joindre à nous et de nous avoir fait un exposé très détaillé.
    Je voudrais vous poser une question au sujet de la dénonciation en général et j'ai beaucoup apprécié vos propos au sujet de la culture et du fait qu'il s'agit d'un problème social en milieu de travail. Si vous le permettez, je voudrais poser une question concernant les hommes. Vous avez mentionné, je crois, que les hommes qui bénéficient d'une formation ont davantage tendance à observer et signaler les incidents de harcèlement sexuel. Les hommes qui n'ont pas reçu de formation ne remarquent-ils même pas le harcèlement sexuel lorsqu'il a lieu sous leurs yeux?
    L'étude que j'ai mentionnée disait que les hommes qui travaillent dans des organisations qui dispensent un programme de sensibilisation et de formation sur le harcèlement sexuel ont davantage tendance à considérer un comportement à connotation sexuelle comme du harcèlement sexuel. L'étude ne cherchait pas à établir s'ils avaient davantage tendance à dénoncer ces comportements, mais simplement qu'ils considéraient qu'un comportement constituait du harcèlement sexuel. En l'absence de formation, ils pourraient penser que c'est un simple jeu ou quelque chose de privé entre deux personnes.
(1220)
    Vous avez également évoqué la maltraitance et l'incivilité. Pensez-vous qu'il existe, sur le lieu de travail, le risque de ce que j'appellerai la pente glissante du harcèlement sexuel? Lorsqu'il s'agit simplement d'un manque de bonnes manières, ou d'une taquinerie un peu appuyée, « histoire de blaguer un peu »… Et si la cible est une personne un peu timide, qui ressent un malaise mais ne sait pas trop quoi en penser, il est peu probable qu'elle signalera une manifestation de simple mauvaise éducation de la part d'un collègue.
    Est-ce bien cela que vous avez à l'esprit, lorsque vous dites qu'il faut changer le contexte culturel afin que même l'incident le plus minime soit considéré comme inacceptable étant donné que cela risque de déboucher sur du harcèlement sexuel?
    Disons que cela en fait partie. Bien souvent, on présente cela comme un simple badinage, si bien que lorsque la cible fait l'objet du premier harcèlement, elle se demande: « Qu'est-ce que ça veut dire, est-ce qu'il m'a simplement lâché ça en passant? », elle n'y prête pas vraiment attention, et surtout il lui faut un moment pour décrypter le message. En général, la victime en parle à ses amis, leur raconte ce qui s'est passé pour savoir ce qu'ils — ou elles — en pensent. La première fois, elle n'y prête pas grande attention, elle est juste curieuse de comprendre, et puis, lorsque cela se reproduit, c'est là que la cible commence à percevoir des conséquences négatives, plutôt que se demander tout simplement: « Non mais qu'est-ce qu'il a voulu dire? »
    En effet, je dirai que c'est bel et bien une pente glissante, car, ce qui est en cause, c'est aussi le contexte culturel qui accepte que l'on parle « des salopes », si vous me passez l'expression, je veux dire les situations où l'on tolère que soient employés des termes qui rabaissent la femme. À cela s'ajoute un autre volet culturel, à savoir le fait que, lorsqu'un harcèlement est signalé, on le prend à la légère au lieu de lui accorder l'attention qu'il mérite, si bien que la cible renonce à exprimer sa plainte. Si le fait de signaler un incident expose la cible à des conséquences négatives, je crois que cela révèle un contexte culturel négatif.
    Comment faire en sorte que les témoins en arrivent à être convaincus qu'il leur incombe de signaler un incident?
    Vous posez une question très pertinente et à laquelle il n'est guère facile de répondre. En premier lieu, il est important de mettre l'accent sur la formation, afin que les intéressés comprennent bien qu'il ne s'agit pas d'une mise en cause personnelle mais d'un problème d'ordre social ou concernant le lieu de travail. Si vous réussissez à faire en sorte qu'ils y réfléchissent en termes d'éthique, à savoir qu'une personne est lésée moralement ou physiquement, c'est encore mieux.
    Mais comment y parvenir? La formation risque de ne pas suffire, car elle ne fait que les sensibiliser. C'est pourquoi il faut mettre en place une politique. Je crois bien avoir lu que le ministère de la Défense nationale a prescrit que les témoins devront signaler ce qu'ils observent, voire s'impliquer. Je pense que ce genre de mesure, qui vient s'ajouter à la formation ou à la sensibilisation, est également de nature à favoriser le mouvement.
    Selon vous, dans quelle mesure l'anonymat contribue-t-il à encourager les témoins à dénoncer un incident?
    Là encore, question fort pertinente. Lorsqu'il est possible de respecter l'anonymat du témoin, les choses sont plus faciles pour ce dernier car il n'a pas à craindre d'éventuelles mesures de rétorsion. C'est pourquoi je pense que c'est un élément important. Aux États-Unis, par exemple, il est très souvent impossible de préserver l'anonymat, et le fait de devoir révéler l'identité du témoin risque de rendre les choses difficiles.
    D'accord.
    Pour revenir à votre déclaration liminaire, pensez-vous qu'en règle générale, les résultats obtenus au moyen de mécanismes formalisés de règlement des différends sont inférieurs à ceux des interventions informelles mais précoces, dans le cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail?
(1225)
    Madame Bowes-Sperry, je crains qu'il ne vous reste qu'une vingtaine de secondes pour répondre.
    En effet, car bon nombre de…
    Est-ce que le temps de parole est expiré?
    Non, pardonnez-moi, il vous reste quelques secondes pour répondre, de façon très brève, s'il vous plaît.
    En effet, disais-je, car bon nombre de personnes répugnent à recourir aux mécanismes officiels de signalement des incidents, et, sauf quelques exceptions, cela les décourage.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Ambler.
    Je cède maintenant la parole à Mme Day, qui dispose de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, madame Bowes-Sperry.
    Nous avons entendu beaucoup de témoins jusqu'à présent. Nous sommes particulièrement sidérés d'entendre encore les mêmes choses. La situation est pathétique. Les données sur le harcèlement sexuel sont noyées et intégrées aux données portant sur le harcèlement. Nous avons donc très peu de données sur le harcèlement sexuel.
    Des groupes majoritairement composés d'employés masculins ont comparu devant nous et ont nié la situation, alors qu'ils faisaient l'objet de trois à six plaintes de harcèlement dans une année. Souvent, les plaintes sont réglées de façon « secrète »; c'est la loi du silence. On reçoit les plaintes à l'interne et elles sont étouffées par le système lui-même. C'est la conclusion à laquelle j'arrive.
    Avez-vous eu vent de ce genre de situation?

[Traduction]

    Je n'en ai pas de preuve directe, mais cela ne m'étonnerait pas.
    D'après ce que j'ai entendu, il arrive que les signalements d'incidents ne soient pas pris au sérieux et qu'il n'y soit pas donné suite, ce qui produit un effet dissuasif sur les autres personnes dans des situations analogues.

[Français]

    Par contre, vous avez eu connaissance du fait que des personnes ayant subi du harcèlement ont par la suite vécu des problèmes d'anxiété, ce qui a augmenté leur recours à des congés de maladie et diminué leur rendement. Souvent, ce sont ces personnes qui quittent le milieu de travail, et non le harceleur.

[Traduction]

    Vous avez raison, lorsque quelqu'un est la cible d'un harcèlement sexuel, cette personne subit tout un faisceau de pressions d'ordre psychologique et même physique.
    Elle va commencer par éviter le harceleur. Or, si ce dernier est une personne avec laquelle il lui faut interagir pour s'acquitter efficacement de sa tâche, son rendement en sera affecté. Bien souvent, c'est la femme prise pour cible du harcèlement qui doit quitter l'entreprise ou l'organisation et en subir les conséquences.

[Français]

    Dans les ouvrages que vous avez publiés en 2006, vous recommandez que les milieux de travail tiennent compte des facteurs organisationnels tels que les politiques, les procédures et les pratiques quotidiennes pour créer un climat où la discrimination ne serait pas tolérée.
    En collaboration avec le Conseil du Trésor, on a entre autres mis en place une série d'actions et de politiques à cet égard. Par contre, on dirait qu'il y a un fossé entre l'application souhaitée des politiques et leur application réelle.
    Avez-vous constaté ce genre de chose?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Pouvez-vous nous en parler?

[Traduction]

    Je n'ai pas grand-chose à ajouter, sinon pour dire que, bien souvent, des politiques ont été mises en place mais que, pour des raisons qui m'échappent, elles ne sont pas observées. Je ne sais pas si cela tient à la réticence des personnes chargées de recevoir les plaintes, lesquelles risquent de mettre en cause une personne de leurs amis, ou encore s'il y a des ramifications d'ordre politique.
    Je ne peux vraiment pas aller plus loin, car c'est un domaine que j'ignore.

[Français]

    D'accord. Pourquoi ne pas mettre en avant une politique de tolérance zéro, en resserrant le système? Après un ou deux avertissements, ce serait la porte. Cela ferait peut-être diminuer les cas de harcèlement sexuel.
    Selon vous, est-il nécessaire d'adopter des approches différentes dans un milieu de travail comme la GRC, où les collègues sont en quelque sorte des gardiens de la justice et des protecteurs du citoyen?

[Traduction]

    Je ne suis pas sûre de vous comprendre. Voulez-vous dire que, parfois, cela tient au fait que ce sont les citoyens qui les harcèlent?

[Français]

    Je parle de situations où ce sont les membres mêmes de la GRC qui sont responsables du harcèlement.
    Ne croyez-vous pas qu'on devrait agir différemment dans de tels cas?
(1230)

[Traduction]

    J'avoue avoir un peu de mal à saisir la portée de votre question.

[Français]

    D'accord. Je vais vous poser une autre question.
    Vous avez fait des recherches sur le rôle des témoins et de la prise de décisions éthiques. Que pouvez-vous nous dire sur la prise de décisions éthiques dans le contexte d'un environnement de travail comme la GRC?

[Traduction]

    Cela tient à la façon dont le témoin appréhende l'incident auquel il a assisté, et notamment s'il y perçoit une dimension éthique, c'est-à-dire quelque chose qu'il considère comme répréhensible au sens moral plutôt que simplement contraire à la réglementation en vigueur. Lorsque les gens parlent de dimension éthique, c'est en général parce qu'ils ont l'impression qu'un comportement est nuisible, contraire à ce qui est acceptable et qu'il est de nature à léser l'autre personne. En d'autres termes, si le témoin pense que le comportement cause un préjudice, alors il le classe comme comportement contraire à la morale.

[Français]

    Vous avez aussi affirmé que les mesures principalement fondées sur le signalement pour mettre fin au harcèlement sexuel risquaient fort d'échouer, parce que la plupart des victimes ne le signalaient pas. Vous proposez plutôt d'établir un mécanisme d'intervention des témoins. Or, tout comme les victimes, les témoins ont souvent peur de dénoncer un collègue, entre autres par peur de subir des représailles de la part de leur employeur.
    Dans le cas de la GRC, plusieurs victimes ont affirmé avoir été victimes de représailles de la part de collègues ou de supérieurs. Selon vous, quelle serait la solution pour éviter des représailles dans ce genre de milieu?
    N'avez-vous pas parlé tout à l'heure d'un observateur externe?

[Traduction]

    Madame Bowes-Sperry, vous disposez de 10 secondes pour répondre. Je vous en prie.
    Je ne sais pas si cela sera possible. En théorie, si l'on confie à un organisme externe la responsabilité d'enquêter sur les plaintes plutôt que de s'en remettre à des personnes appartenant à l'organisation, peut-être cet intervenant externe sera-t-il pris plus au sérieux, étant donné que l'on écarte ainsi les liens personnels avec les responsables du harcèlement.
    Merci. Votre temps de parole est expiré.
    Madame Young, vous disposez de sept minutes.
    Permettez-moi de vous remercier de votre brillant témoignage. Les informations que vous nous avez communiquées sont d'autant plus utiles que les témoins précédents nous ont laissés avec un grand nombre de points d'interrogation. Merci, donc, de nous avoir apporté un certain nombre de réponses.
    Je crains que notre comité ne soit victime d'une certaine désinformation quant aux précédents. On entend beaucoup parler, ces jours-ci, d'incidents appartenant au passé et qui sont remis sur le devant de la scène. Ces histoires sont rapportées par le public, ou encore par différents ministères fédéraux — étant donné, bien sûr, que notre étude traite du harcèlement sexuel dans les lieux de travail relevant du fédéral. Certes, nous nous en réjouissons car nous sommes opposés au harcèlement sexuel dans les lieux de travail fédéraux; il est donc bon qu'on en parle; cependant, je voudrais rappeler que certaines de ces affaires sont vieilles de 10 ou 15 ans et que les choses ont beaucoup évolué depuis, notamment pour ce qui est des processus mis en place dans le contexte fédéral.
    Je tenais à faire cette distinction car cela risque de créer une certaine confusion lorsque vous répondez à nos questions.
    Je tenais à vous dire que j'ai la plus grande estime pour votre travail et pour les études que vous menez dans ce domaine, et j'enchaîne en vous demandant si vous pensez que le gouvernement fédéral est dans la bonne voie.
    Depuis que nous sommes au gouvernement, nous nous sommes fixé pour objectif à atteindre de façon déterminée, celui de la tolérance zéro dans les lieux de travail fédéraux. Donc, nous ne voulons pas que quiconque se sente harcelé sur des lieux de travail ou doive être le témoin d'un harcèlement. Vous avez dit clairement, je crois, que ce genre de comportement crée un environnement toxique, qu'il est très décourageant et qu'il induit toutes sortes de phénomènes de stress et d'autres risques en milieu de travail.
    En deuxième lieu, nous devons élaborer et mettre en œuvre des politiques et des normes, et c'est là, selon moi, qu'intervient la notion de tolérance zéro au niveau fédéral. En troisième lieu, nous devons nous fixer des objectifs précis, et certains de vos travaux ont à ce propos une grande pertinence, notamment en ce qui a trait à la sensibilisation obligatoire, que vous avez évoquée.
    Je vais donc décrire brièvement certaines des mesures prises par notre gouvernement et vous demander si vous avez des suggestions de mesures complémentaires qui pourraient être prises, puisque tel est l'objet de notre examen. Nous sommes à l'écoute de toute proposition nouvelle que vous pourriez faire à notre comité, car nous prenons cette question tout à fait au sérieux.
    Donc, nous avons pris plusieurs mesures: le Conseil du Trésor a élaboré une politique applicable à tous les ministères fédéraux et à toutes les sociétés d'État; en deuxième lieu, nous avons prescrit une formation en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et de comportement respectueux sur le lieu de travail, et je pense d'ailleurs que vous avez souligné l'importance de ce volet; en troisième lieu, nous avons instauré des actions impulsées par la direction des organismes afin d'en modifier la culture; à ce propos, nous avons reçu des échos de la part de très grands ministères fédéraux confirmant que, lorsque la direction s'implique, cela entraîne un changement effectif de la culture du lieu de travail, puisque les dirigeants se font les champions de l'évolution dans ce milieu; en quatrième lieu, différentes démarches sont proposées pour le signalement des incidents, dont certaines officielles et d'autres officieuses; ainsi, certains ministères ont désigné de façon spécifique des conseillers en harcèlement sexuel, voire constitué des unités chargées des plaintes et de leur traitement. Toutes sortes de régimes de soutien ont été mis en place afin d'aider les employés et de les orienter, sans parler évidemment de l'assistance dans le domaine juridique.
    J'ajoute que j'ai beaucoup apprécié votre insistance pour que l'on dépersonnalise la question, car je pense que nous devons vraiment faire passer l'idée qu'il s'agit d'un problème d'ordre social, ou encore lié au lieu de travail. Il est hors de doute que les harceleurs sont des personnes qui ont des problèmes du côté des femmes ou du pouvoir, et peut-être pourrions-nous approfondir ces aspects. Je suis également très favorable à votre idée selon laquelle les témoins ont la responsabilité de signaler un incident.
    Par ailleurs, nous avons imposé des sanctions pour les responsables de harcèlement sexuel. Ainsi, la chose peut être mentionnée dans le dossier personnel de l'employé; en outre, nous essayons d'obtenir que l'on aille jusqu'au licenciement, mais là, nous nous heurtons à la résistance des syndicats, qui appuient généralement le harceleur; ceci, selon moi, est source de tensions dans le milieu de travail.
    Puis-je savoir quel est votre sentiment sur les questions que je viens d'évoquer?
(1235)
    D'accord, mais cela fait beaucoup.
    Je crois qu'il faut avant tout mettre en place un régime prévoyant des sanctions disciplinaires à l'encontre des harceleurs, comme vous l'avez dit, qu'il s'agisse d'un avertissement sous forme verbale ou d'un licenciement.
    Une fois que la formation a été reçue, il n'y a plus la moindre excuse. S'ils n'ont pas bénéficié de la campagne de sensibilisation, ils peuvent toujours dire qu'ils n'étaient pas au courant, qu'ils n'avaient pas compris que cela pouvait faire du tort à autrui. Mais une fois la formation reçue, il n'y a plus d'échappatoire. Par conséquent, si vous étendez la campagne de sensibilisation à toutes les personnes qui pourraient un jour se livrer à du harcèlement, cela peut être une bonne chose car, lorsqu'on se contente de sensibiliser la catégorie des dirigeants, il se peut que les bienfaits ne filtrent pas jusqu'à la base. À mon avis, il faut dispenser la formation à toutes les catégories de personnel, car nous devons arriver à la tolérance zéro.
    S'agissant des interventions officieuses et…
    Étant donné que le gouvernement fédéral est le plus gros employeur de tout le Canada, je crois que l'on peut dire que nous avons bien fait d'avoir prescrit la campagne de sensibilisation ainsi que l'attitude de tolérance zéro, n'est-ce pas?
    C'est ce que je pense, car sans de telles mesures… Il n'est pas facile de changer un contexte culturel, et, à ce propos, vous dites qu'il faut faire embarquer les dirigeants des organismes concernés: rien n'est plus vrai. Cependant, il faut également se préoccuper d'atteindre le gros des troupes, et, pour ce faire, pouvoir s'appuyer sur des politiques et sur une formation… De la sorte, les aspirants harceleurs sont avertis des ennuis et des sanctions qu'ils encourent, et il est plus probable qu'ils y réfléchiront à deux fois.
    Tout à fait d'accord.
    Malheureusement, si le syndicat se porte à l'appui du harceleur, la situation devient vraiment difficile, et les négociations aussi, car j'imagine que ces choses-là se règlent par voie de négociation, un peu à la manière dont cela se fait avec les syndicats aux États-Unis.
    Vous qui avez effectué des études sur la question et qui êtes experte du domaine, quelles mesures complémentaires recommanderiez-vous au gouvernement du Canada?
    Merci de répondre très brièvement, madame Bowes-Sperry.
    Je crois sincèrement que vous avez fait tout ce qu'il convenait de faire. La seule chose qui me vienne à l'esprit, c'est le recours à un organisme extérieur pour le signalement des incidents, afin d'éviter les influences politiques et de garantir l'objectivité. Je ne sais pas si c'est réalisable, mais c'est la seule chose à laquelle je pense.
(1240)
    Merci, madame Bowes-Sperry.
    C'est à présent le tour de Mme Sgro, pour sept minutes.
    Un grand merci pour les informations que vous nous avez communiquées et qui présentent un grand intérêt. Vous avez repris un grand nombre des choses que j'avais entendues à l'occasion de tables rondes à travers le pays, lorsqu'il était question du harcèlement sexuel en général mais aussi plus particulièrement sur le lieu de travail. Je vous suis d'autant plus reconnaissante de vos observations que, selon moi, quelles que soient les politiques mises en place, tant que l'on continuera de fermer les yeux sur ce phénomène, il est voué à perdurer.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de ce que j'appellerai l'adaptation passive. Ces derniers temps, un certain nombre des problèmes qui ont attiré l'attention au Canada, sous forme de procès entre autres, nous ont signalé le cas de femmes qui, après avoir subi pendant des années une situation difficile sur le lieu de travail, ont fini par lâcher prise et renoncer à leur emploi, mais non sans entreprendre des poursuites judiciaires. J'aimerais donc savoir si vous pensez que le phénomène d'adaptation passive est très répandu dans la population active. Je veux parler de personnes qui subissent de façon passive ce genre de traitement absolument inacceptable, et qui évitent de déposer une plainte pour ne pas risquer de perdre leur emploi.
    Je pense que c'est en effet le cas.
    J'ajoute que certaines personnes préfèrent ne pas devoir parler de ce qui leur arrive, car ça les plonge dans l'embarras, et à la gêne que cela provoque se mêle parfois de la culpabilité. C'est pourquoi la victime ou la cible du harcèlement préfère, précisément à cause de cette gêne, essayer de s'adapter en en parlant seulement à des amis, ou en feignant d'ignorer le problème, afin d'échapper à une situation gênante.
    Permettez-moi de revenir sur un élément que j'ai oublié de mentionner, s'agissant de la personne à qui l'incident doit être signalé. Je crois qu'il vaut toujours mieux prévoir une préposée plutôt qu'un préposé, parce que si elles doivent s'adresser à un homme, cela fait une barrière de plus pour certaines personnes, car il leur est plus difficile d'en parler à un homme qu'à une femme.
    La deuxième question qui m'intéresse est celle de l'organisme extérieur. À l'heure actuelle, la plainte doit être acheminée à travers le supérieur direct et remonter ensuite la filière. Donc, en dehors du Tribunal des droits de la personne, il n'y a pas beaucoup d'options au Canada. Pourriez-vous me dire à quoi pourrait ressembler un organisme externe chargé d'accueillir les plaintes, une instance à qui ces personnes pourraient s'adresser sans devoir craindre d'être intimidées ou de subir d'autres conséquences?
    J'avoue que je parlais de façon plutôt théorique et que je n'ai pas vraiment pensé aux solutions pratiques, qui ne sont sans doute pas simples à mettre sur pied. Je pensais à quelque chose comme… Puisque vous avez parlé de la Commission des droits de la personne, j'imagine que cela pourrait ressembler à la Commission sur l'égalité des chances en matière d'emploi que nous avons aux États-Unis. Voilà une option.
    Je ne sais pas trop, mais si l'on pouvait désigner des personnes ou des comités… Par exemple, un fonctionnaire fédéral, mais n'appartenant pas à la division au sein de laquelle le harcèlement s'est produit.
    Je suis d'accord avec vous, je crois qu'il faut s'adresser à des personnes ne travaillant pas dans le même cadre, donc avec une certaine distance par rapport à l'ensemble de l'organisation concernée.
    Voici plus d'une vingtaine d'années, lorsque les incidents se sont multipliés au sein des forces armées, il y a eu un mouvement analogue à celui que l'on a observé dans la GRC; de plus en plus de membres des forces armées ont commencé à présenter des plaintes pour harcèlement sexuel; je crois d'ailleurs que vous êtes vous-mêmes confrontés à ce genre de problème aux États-Unis.
    C'est exact.
    Suite à ces affaires, le ministère de la Défense a mis en place la politique d'intervention du témoin que vous avez évoquée. C'est peut-être là un bon exemple de ce qu'il faudrait instaurer dans l'ensemble de l'appareil fédéral, mais à l'intention de tous les employés afin que la personne qui observe ce genre d'incident soit tenue de le signaler.
    Est-ce que la politique d'intervention du témoin adoptée par le ministère de la Défense nationale fait, ailleurs, l'objet des mêmes prescriptions juridiques?
    C'est possible, mais en toute honnêteté, je ne sais pas quelles sont les politiques adoptées par la plupart des organisations.
    Avez-vous d'autres suggestions à faire et dont nous n'aurions pas traité, je veux parler des mesures ou des politiques visant à garantir un milieu de travail respectueux, notamment à l'intention des femmes?
(1245)
    Non, rien à ajouter, les quatre ou cinq points contenus dans l'exposé qui a précédé correspondent très exactement à ce que j'aurais prescrit.
    Ces questions restent vraiment de première importance pour nous tous, et je sais qu'elles occupent une place importante dans le travail que vous accomplissez. Est-ce que vous avez entrepris des travaux spécifiques au Canada ou est-ce que vous avez surtout oeuvré aux États-Unis?
    Exclusivement aux États-Unis.
    Est-ce que vous avez pu faire profiter les forces armées de votre bagage de connaissances, compte tenu des difficultés que traversent actuellement les militaires aux États-Unis?
    Non, on n'a pas fait appel à moi pour ça.
    Eh bien, je crois qu'ils ne s'en repentiraient pas.
    C'est très aimable à vous.
    Sans aucun doute, lorsque vous avez rappelé le très faible nombre de personnes qui présentent des plaintes…
    Il vous reste une minute.
    … si l'on essaie de faire une estimation, j'imagine que pour chaque personne qui présente une plainte, il y en a sans doute une dizaine d'autres qui subissent passivement sans protester. C'est bien triste, mais il faut que l'on sache que telle est la réalité.
    Merci infiniment de votre témoignage.
    Merci, madame Bowes-Sperry.
    Merci, madame Sgro.
    Madame Mathyssen.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais, avant que Mme Bowes-Sperry ne nous quitte, inscrire quelque chose au procès-verbal car il ne faudrait pas qu'elle soit induite en erreur.
    Madame Bowes-Sperry, dans la quasi-totalité des lieux de travail…
    Madame la présidente…
    Madame Mathyssen, Mme Bateman souhaite poser une question.

[Français]

    Madame la présidente, j'aimerais obtenir une clarification. Mme Mathyssen a-t-elle encore du temps pour questionner notre témoin?
    Merci de votre question, madame Bateman. En effet, je croyais que Mme Mathyssen invoquait le Règlement.
    Madame Mathyssen, voulez-vous invoquer le Règlement?

[Traduction]

    Je tiens à souligner, madame, que dans la quasi-totalité des cas, les syndicats ont présenté et appuyé des politiques anti-harcèlement, afin de protéger leurs adhérents, et je ne voudrais pas que vous pensiez que tel n'est pas le cas ici, au Canada.
    Désolée, madame Mathyssen, ceci n'est pas un rappel au Règlement.
    Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous aujourd'hui, madame Bowes-Sperry. Nous allons à présent vous libérer.
    Passons maintenant, si vous le voulez bien, à la dernière partie de notre ordre du jour, à savoir les affaires du comité. Je souhaitais expliquer la raison pour laquelle j'ai inscrit les affaires du comité sur notre liste.

[Français]

    La semaine dernière, Mme Sgro a proposé une motion afin d'inviter Caroline O'Farrell à comparaître devant nous dans le contexte de l'étude que nous menons actuellement. Le gouvernement a alors proposé d'ajourner le débat sur cette motion, en disant qu'il était prêt à peut-être reprendre le débat le mardi suivant.
    Puisque nous sommes aujourd'hui mardi, le comité peut reprendre le débat sur la motion, s'il le souhaite. Je cherche actuellement à savoir si on veut ou non reprendre le débat.
    Y a-t-il consentement unanime pour reprendre le débat sur cette motion?

[Traduction]

    N'avons-nous pas voté sur cette question, il y a peu?
    C'est exact.
    Dans ce cas...
    Nous n'avons pas voté sur la motion. Nous avons décidé, par mise aux voix, de ne pas entreprendre le débat à ce moment-là. Nous passons à présent à l'ordre du jour et nous en sommes à la rubrique des affaires du comité, c'est pourquoi je voudrais savoir si nous souhaitons ou non tenir un débat sur cette motion, qui nous est toujours soumise. Étant donné que nous en sommes à la rubrique des affaires du comité, je souhaite savoir si le comité est disposé à débattre de cette motion.
    Jusqu'ici, le vote indique que nous ne souhaitons pas en débattre, et je voudrais savoir si le comité est disposé à débattre de la motion.
    J'ai Mme Truppe sur ma liste.
    Merci.
    Je voudrais proposer que nous siégions à huis clos, ce qui n'est pas le cas actuellement, pour traiter des affaires du comité.
    Il n'est pas nécessaire que nous soyons à huis clos pour traiter des affaires du comité, mais cette motion ne donne pas lieu à débat. Si vous voulez vraiment que nous passions au huis clos, c'est la motion…
    Oui, je le souhaite, c'est ce que nous avons toujours fait ces deux dernières années.
    Si vous le souhaitez, nous allons voter pour savoir si nous devons siéger à huis clos.
(1250)
    Une voix: Je demande un vote enregistré.
    Une voix: Oui, un vote enregistré.

[Français]

    Madame la greffière, on demande que la motion voulant que les travaux du comité se poursuivent à huis clos fasse l'objet d'un vote par appel nominal.

[Traduction]

    Madame la présidente, puis-je simplement souligner que, selon moi…
    Désolée, mais nous sommes en train de voter.
    Je crois qu'elle doit d'abord poser la question à la secrétaire parlementaire. J'apprécie que vous suiviez la liste alphabétique, et je suis toujours prête à voter, mais je crois…
    Nous allons poursuivre.

[Français]

    Le vote porte sur la motion voulant que la séance se poursuive à huis clos.
    (La motion est adoptée par 7 voix contre 4.)
     Nous allons donc poursuivre à huis clos. Si quelqu'un doit quitter la salle à ce moment-ci, je le prierais de le faire.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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