Je remercie le comité de m'avoir fait confiance pour le poste de présidente du comité. Ce sera un plaisir pour moi de travailler avec vous pour que le comité mène à bien toutes ses études et que tout se passe dans un climat de respect mutuel.
Avant de passer à l'ordre du jour, s'il n'y a pas d'objection de la part de mes collègues, j'aimerais que l'on modifie un peu l'ordre du jour et qu'on se garde 15 minutes à la fin de la séance pour parler de nos travaux futurs.
Je sais que le comité a déjà proposé d'ajouter des séances. Nous avons reçu des réponses de la part de témoins que nous avons a invités. À moins qu'il y ait une objection, nous allons garder 15 minutes à la fin de la séance pour étudier à huis clos les travaux futurs du comité.
Nous passons maintenant à l'ordre du jour. Nous recevons aujourd'hui M. Ron Swain, vice-chef du Congrès des peuples autochtones. M. Swain disposera de 10 minutes pour faire sa déclaration d'ouverture. Nous passerons par la suite à la période de questions et commentaires. Nous terminerons donc la première partie des travaux du comité à 11 h 50.
Nous suspendrons ensuite les travaux pour permettre aux prochains témoins de s'asseoir à la table. Ceux-ci seront Mme Courchene et Mme Manitowabi, qui feront une déclaration d'ouverture de 10 minutes. Nous pourrons par la suite leur poser des questions.
Monsieur Swain, je vous remercie beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Je vous laisse donc 10 minutes pour faire votre présentation et avant de passer à la période de questions.
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Merci, madame la présidente. Je suis ici avec mon collègue, Julian Morelli. C'est notre directeur des communications au Congrès des Peuples Autochtones.
Bonjour, madame la présidente et membres du comité. C'est un plaisir pour moi d'être ici dans le territoire traditionnel du peuple algonquin pour vous parler des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Je suis le vice-chef national du Congrès des Peuples Autochtones. Comme vous le savez, le chef national, Betty Anne Lavallée, devait prendre la parole ce matin, mais elle est malheureusement tombée malade et elle m'a demandé de faire cet exposé à sa place. Elle regrette de ne pas avoir pu venir.
Depuis 1971, le Congrès des Peuples Autochtones, anciennement connu sous le nom de Conseil des Autochtones du Canada, est le représentant des Indiens inscrits et non inscrits vivant hors réserve, des Inuits du sud et des Métis de tout le pays. À l'heure actuelle, plus de 60 % de la population autochtone vit à l'extérieur des réserves et ce nombre continue de croître. Le congrès est également le porte-parole national de ses organismes affiliés et il défend les intérêts des Autochtones vivant hors réserve dans l'ensemble du pays.
La question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves n'a certainement rien de nouveau. L'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones du Manitoba s'est penchée sur la question dès 1988. À l'époque, la commission d'enquête a reconnu que la Loi sur les Indiens devait prévoir un partage équitable des biens en cas de divorce. De plus, la Commission royale sur les peuples autochtones a formulé des recommandations à ce sujet. Au cours des 10 dernières années, la Chambre des communes et le Sénat ont publié un grand nombre d'études et de rapports. Il y a eu aussi un certain nombre de lois qui ont été présentées par les conservateurs et par les libéraux.
Le Congrès des Peuples Autochtones appuie la mesure concernant les biens immobiliers matrimoniaux et estime qu'il est temps d'agir. Cette loi ne devrait étonner personne. Les organismes autochtones, y compris le congrès, ainsi que les peuples autochtones avaient été consultés au sujet des biens immobiliers matrimoniaux en 2002, par l'entremise du Comité consultatif ministériel conjoint. Nous avons d'ailleurs, dans le cadre de ce comité, aidé à rédiger le texte de la Loi sur la gouvernance des premières nations.
En 2003, le Comité permanent des droits de la personne a publié un rapport provisoire intitulé Un toit précaire: les biens fonciers matrimoniaux situés dans les réserves. Ce rapport est encore pertinent aujourd'hui. Il souligne l'importance que les biens immobiliers matrimoniaux revêtent, pour diverses raisons, en insistant sur les nombreux obstacles auxquels les femmes autochtones sont confrontées, y compris les facteurs qui intensifient les inégalités et la discrimination supplémentaires dont les femmes dans cette situation sont victimes.
Une histoire relatée dans ce rapport était particulièrement frappante. Une femme autochtone et ses cinq enfants ont été obligés de quitter leur réserve. Ils ont perdu leur soutien social et ont dû chercher un logement en disposant de moyens financiers limités. La femme en question a demandé de l'aide pour obtenir un logement abordable, mais sans succès, et elle a dû se loger dans une pension miteuse. Les services à l'enfant et à la famille sont intervenus et lui ont enlevé ses enfants. Incapable de supporter davantage cette situation, elle a fini par se suicider de désespoir. Ce n'est qu'un exemple tragique parmi d'autres, car il y en a certainement des milliers. Pourtant, ces difficultés existent encore aujourd'hui. Par exemple, de nombreuses femmes sont obligées de quitter leur réserve après leur divorce. Celles qui quittent la réserve en quête d'un logement abordable risquent de se retrouver dans une situation difficile.
Permettez-moi de vous donner un exemple. En 2006, le gouvernement fédéral s'est lancé dans le secteur du logement pour les Autochtones vivant hors réserve. Il a accordé aux provinces 300 millions de dollars sur trois ans pour créer des logements abordables à l'extérieur des réserves. Aucun de nos organismes affiliés n'a reçu le plein montant de ce financement. Quand le gouvernement fédéral a donné de l'argent pour le logement hors réserve, cet argent n'est pas arrivé à destination. Une province qui a reçu 38,2 millions de dollars dans le cadre de ce programme a refusé de consacrer cette somme au logement hors réserve. La province en question a refusé de financer les initiatives de logement hors réserve parce que, et je cite « elle avait d'autres priorités ». Ma question est simple. Où ces personnes sont-elles censées aller?
C'est pourquoi notre organisme s'est battu aussi énergiquement pour que tous les Autochtones soient inclus dans le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Les gens qui quittent la réserve pour une raison quelconque devraient conserver leurs droits. Ce sont des partenaires à part entière de la Confédération. Ils représentent un champ de compétence fédérale. Lorsqu'une personne quitte la réserve, elle n'a plus droit au même niveau de services ou d'aide. Elle n'obtient tout simplement pas l'aide dont elle a besoin.
Bien entendu, la situation varie d'une région à l'autre et chacune de ces personnes doit faire face à des difficultés particulières. Néanmoins, je trouve scandaleux qu'à notre époque, les femmes autochtones continuent d'être victimes de discrimination et d'inégalité et qu'elles soient littéralement privées de leurs droits.
Le paragraphe 35(4) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que:
Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits — ancestraux ou issus de traités — visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.
Ce n'est pas ce qui se passe réellement pour les femmes autochtones.
Au Congrès des Peuples Autochtones, nous comprenons la complexité de la loi, mais ce n'est pas une excuse. Cette loi aurait dû être appliquée depuis des années. La façon dont les terres sont gérées et réparties dans les réserves joue un rôle important dans la façon dont les droits sur les biens immobiliers matrimoniaux sont exercés. Il peut y avoir des catégories de terres différentes dans une même réserve: par exemple, une réserve est régie par la Loi sur les Indiens ou adhère volontairement à la Loi sur la cession des terres des premières nations ou à une entente d'autonomie gouvernementale.
La Loi sur les Indiens pose des problèmes sur plusieurs plans. Elle n'englobe pas les relations découlant des traités et, dans bien des cas, elle les sape ou cherche à les remplacer. Elle a été adoptée et modifiée par des gouvernements qui avaient une attitude paternaliste vis-à-vis des peuples autochtones. Elle cherche davantage à limiter la vie quotidienne des Indiens inscrits et des communautés des réserves qu'à mettre en oeuvre et à construire des relations avec le peuple souverain qui lui a été assujetti sans son consentement. L'absence de dispositions à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux est sans doute l'exemple le plus flagrant de ce qui ne va pas dans la Loi sur les Indiens.
Certaines communautés ont adhéré volontairement à la Loi sur la gestion des terres des premières nations pour s'éloigner de la Loi sur les Indiens. Un petit nombre de ces communautés ont pris les mesures nécessaires pour assurer le partage des biens de la famille, mais les femmes ont encore des difficultés à exercer leurs droits.
Dans son rapport provisoire, le Comité permanent des droits de la personne note que « la politique fédérale en matière d'autonomie gouvernementale requiert, de la part des gouvernements autochtones, la reconnaissance qu'ils sont liés par la Charte ».
Le gouvernement tient au respect du principe selon lequel tous les gouvernements du Canada sont liés par la Charte canadienne des droits et libertés, de façon que l'ensemble des Canadiens, tant les Autochtones que les non-Autochtones, puissent continuer de jouir également des droits et libertés garantis par la Charte. En conséquence, les ententes en matière d'autonomie gouvernementale, y compris les traités, devront prévoir des dispositions mentionnant que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique aux gouvernements et institutions autochtones relativement à toutes les questions relevant de leurs compétences et pouvoirs respectifs.
La loi se prête aux différents régimes de gestion des terres des réserves. Elle permet aux communautés d'établir des lois correspondant à leur culture et à leurs traditions.
On a fait valoir que le projet de loi pourrait porter atteinte à la clause de non-dérogation qui figure à l'article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés. Notre organisme appuie énergiquement la clause de non-dérogation en ce sens que rien ne devrait abroger ou limiter les droits ancestraux, issus de traités ou autres droits et libertés des peuples autochtones du Canada.
Je crois honnêtement qu'on ne nuit pas aux droits ancestraux ou issus de traités en accordant des droits égaux aux hommes et aux femmes. Au contraire, je dirais que ne pas appuyer ce projet de loi reviendrait à s'opposer à l'égalité pour tous les Autochtones.
Le Congrès des Peuples Autochtones appuie énergiquement les dispositions concernant les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Nous reconnaissons que la mise en oeuvre de cette loi alourdira les responsabilités d'un grand nombre de communautés. Pour cette raison, il est important de leur donner les outils et les ressources financières nécessaires pour les aider à appliquer cette mesure importante. C'est un projet de loi instrumental. Il est important de ne pas imposer de lois aux Autochtones et à leurs communautés, mais plutôt d'aider les Autochtones en établissant des relations réciproques, en travaillant ensemble et en soutenant les communautés autochtones pour qu'elles puissent instaurer l'égalité tout en préservant leurs valeurs culturelles et leurs traditions.
Merci de votre attention.
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Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Swain, d'être venu ici. C'est un grand plaisir de vous entendre vous prononcer en faveur des mesures à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux.
Je trouve, moi aussi, scandaleux que les femmes qui vivent dans les réserves n'aient pas les mêmes droits que moi et les autres femmes assises autour de cette table. Je me réjouis que vous partagiez cet avis, car elles devraient avoir les mêmes droits que nous et la même protection que nous.
J'ai quelques questions à vous poser.
Pensez-vous que les personnes qui vivent actuellement dans les communautés des Premières Nations jouissent d'une protection et de droits suffisants relativement aux biens matrimoniaux et comment pensez-vous que cela pourrait être amélioré?
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Je vais vous parler un peu de moi. Je suis un homme autochtone, un Indien inscrit, et j'ai cinq enfants.
Malheureusement, j'ai connu deux divorces. Pour le moment, je suis père célibataire et je connais donc personnellement certaines des réalités de la séparation, des difficultés émotionnelles et de certains des problèmes qui peuvent se poser.
J'ai également été un officier de la Police provinciale de l'Ontario pendant 32 ans. J'ai travaillé dans des communautés des Premières Nations de toute la province, à la fois dans les réserves et hors réserve, et je sais donc de quoi je parle.
Malheureusement, à cause de la nature des relations de fiduciaire à l'égard des réserves — je vais employer ce mot, car tout le monde semble comprendre mieux le concept de « réserve » que de « première nation » — les lois provinciales ne s'appliquent pas pour ce qui est du tribunal des divorces et des ententes de séparation. Cela complique les choses et rend la situation très problématique.
J'ai vu des cas où un Autochtone vivait avec une femme autochtone qui ne faisait pas partie de la même communauté. En cas de rupture, la femme est jetée dehors. La loi ne lui accorde aucune protection. Je suis allé là-bas en tant que policier. Nous ramenons l'ordre, mais comme le conseil de bande a adopté une résolution ordonnant à la femme de partir, elle est escortée en dehors de la première nation ou de la réserve.
Je sais personnellement qu'aucune protection n'est offerte à l'heure actuelle. Rares sont les communautés qui ont créé leurs propres lois, principalement des lois sur le divorce ou le partage du patrimoine familial…
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Je peux toujours me reporter à mon expérience personnelle dans une petite communauté, la Première Nation Thessalon, qui se trouve à proximité de Sault Ste. Marie, dans le nord de l'Ontario. J'ai également connu des cas de ce genre à Grassy Narrows, une communauté d'environ 700 personnes au nord de Kenora. J'ai connu ce genre de situation dans ces deux communautés.
Malheureusement, la plupart du temps, dans les cas où je suis intervenu, lorsqu'un couple divorce, il y a de la violence et malheureusement on nous appelle lorsqu'il y a une grosse bagarre. C'est ce qui s'est passé à Thessalon et Grassy Narrows. Je ne citerai pas de noms. Je vais seulement décrire le scénario. En général, il y a une grosse bagarre, on appelle la police, la police arrive sur les lieux et le coupable est arrêté et emmené par la police.
Je peux vous citer un cas qui a eu lieu à Grassy Narrows. C'était il y a quelques années. L'homme en question faisait partie de la communauté et il vivait avec une métisse qui n'était pas membre de la bande. Quand l'homme a été libéré de prison, il est allé voir le chef et le conseil. Très rapidement, le conseil a adopté une résolution qui lui a permis de garder la maison, le foyer matrimonial.
Le couple vivait en union de fait. La femme avait des enfants, mais qui n'étaient pas ceux de son conjoint. Elle a été obligée de quitter la communauté. Il n'y a pas eu de partage des biens. Elle n'avait aucun droit. Le couple ne vivait pas ensemble depuis longtemps — c'était, je crois, depuis deux ans et demi — mais c'était quand même une relation d'une assez longue durée. La femme a été escortée en dehors de la communauté avec seulement les vêtements qu'elle avait sur le dos et ses enfants. Voilà ce qui s'est passé pour cette personne qui n'était pas membre de la bande.
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Merci beaucoup, monsieur Swain. Je vous remercie pour votre description du champ de compétence du Congrès des Peuples Autochtones.
Comme vous le savez, une des préoccupations que l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations ont émises est le manque de… Le gouvernement nous dit qu'il y a eu des consultations, mais en réalité, les Premières Nations n'ont pas été consultées suffisamment et réellement, comme il aurait fallu le faire. En outre, les recommandations des personnes qui ont été consultées n'ont pas été entendues.
Je voudrais que vous nous disiez, en tant que représentant du Congrès des Peuples Autochtones, ce que les organisations pensent du manque de consultation.
Nous sommes tous d'accord, je pense, mais j'en reviens à ma question de départ. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il n'y a pas eu de consultation?
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Merci, madame la présidente.
Merci de vous joindre à nous ce matin. Nous reconnaissons tous, j'en suis sûre, que vous pouvez nous faire bénéficier de l'expérience que vous avez acquise dans l'exercice de vos fonctions et aussi parce que vous avez connu deux ruptures. Vous pouvez comprendre l'importance de ce projet de loi et je suis contente que vous ayez parlé de l'importance du projet de loi .
Vous savez, comme moi, que notre gouvernement a toujours fait clairement entendre que nous ne pourrions pas tolérer la violence faite aux femmes, quel que soit l'endroit où elle a lieu. Néanmoins, les femmes vivant dans les réserves sont maltraitées et traitées injustement sans bénéficier de la protection dont elles ont besoin et surtout sans les droits et les protections qu'obtiennent tous les Canadiens. Notre gouvernement travaille fort pour y remédier afin qu'il y ait moins de violence et que les femmes obtiennent les droits qui sont les leurs.
Mme Ashton a mentionné qu'il n'y avait eu aucune consultation, mais nous savons que 103 consultations ont eu lieu dans 76 communautés et qu'elles ont coûté 8 millions de dollars au gouvernement. Cela montre bien que notre gouvernement est sincère et désire vraiment que cette mesure soit mise en place.
Êtes-vous d'accord pour dire que le projet de loi S-2 assurerait aux femmes des Premières Nations des protections sur le plan des biens matrimoniaux et leur conférerait, dans les réserves, des droits semblables à ceux dont jouissent toutes les autres femmes au Canada? Tel est notre objectif, car il faut que ces femmes bénéficient de la même protection que les autres femmes de tout le pays.
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Merci infiniment de me permettre de témoigner. Je vais résumer brièvement mon histoire et mon point de vue.
En 2001, j'ai commencé à vivre avec quelqu'un et peu de temps après, nous avons décidé de construire une maison. La maison a été construite sur son terrain. Pour essayer de protéger mes intérêts, j'ai demandé que le terrain soit enregistré à mon nom. Mon ancien conjoint a fait établir un document de cession du terrain en janvier 2002 et il me l'a remis.
J'ai commencé à financer la construction de la maison. Nous y avons emménagé en juin 2002 et nous avons continué les travaux. En 2003, j'ai demandé que mon nom soit ajouté au titre de propriété de la maison. Il fallait, et j'étais d'accord, que j'assume la responsabilité du prêt en souffrance, en plus des dettes que j'avais contractées personnellement pour construire la maison.
En 2005, mes relations avec mon conjoint sont devenues très tendues et très difficiles. Il y avait beaucoup de conflits et de stress. Mon ex-conjoint procédait à des cérémonies culturelles, aidait d'autres personnes et je l'ai toujours soutenu. Néanmoins, à compter de 2001, il n'est pas retourné au travail après la fin de son contrat et c'est moi qui ai payé toutes les factures et qui l'ai aidé financièrement pour continuer à aider les autres et soutenir les personnes qui cherchaient de l'aide. En 2005, il a signé une renonciation et m'a cédé le titre de propriété de la maison et le prêt, mais cela n'a jamais été enregistré.
En 2006, après beaucoup de souffrance, d'isolement, de violence émotionnelle et psychologique, de maladie, de dettes et de stress, j'ai mis un terme à notre relation. J'ai voulu rester dans la maison et j'ai soutenu mon conjoint pendant qu'il a été malade. J'ai essayé de négocier, de le raisonner, d'obtenir un compromis, mais il n'a pas cessé d'affirmer que la maison était à lui.
Le 1er janvier 2007, j'ai été expulsée de ma maison avec mon fils. Je n'avais pas d'endroit où aller. J'étais désespérée. Je suis allée dans une ville voisine, dans un refuge où j'avais déjà siégé au conseil d'administration. La communauté n'a pas dit un mot. Seulement quelques personnes ont demandé ce qui s'était passé. Quand je suis allée chercher mes affaires, des gens sont venus pour prendre des appareils électroménagers ou offrir de m'acheter des choses. J'étais en colère et humiliée et j'ai déménagé seulement ce que je pouvais prendre. Je suis allée m'installer dans la maison de ma soeur.
J'ai continué de travailler, d'assumer mes fonctions au conseil, de payer les dettes et j'ai demandé de l'aide. Personne n'a semblé vouloir m'aider ou me parler. J'ai été longtemps en proie à une crise silencieuse.
J'ai appris, en mai 2008, que la cession du terrain que j'avais obtenue, en 2002, avait été modifiée le même jour et que mon conjoint était parti avec une copie du document de cession qui portait seulement mon nom. J'ai également appris plus tard qu'il avait annulé sa renonciation et que c'est la raison pour laquelle elle n'avait jamais été enregistrée.
De toute évidence, non seulement j'ai été trompée, mais je crois que c'était calculé depuis 2002. En décembre 2008, j'ai déposé une poursuite au civil. Je ne voulais pas parler des problèmes familiaux, des questions de culture et de tradition, des répercussions sur mon fils, car j'avais encore toute cette situation à résoudre. Je voulais seulement récupérer une partie de l'argent que j'avais dépensé pour construire la maison et pour laquelle j'avais des reçus.
Il m'a fallu un certain temps pour trouver un avocat. Tous les avocats des Premières Nations étaient en conflit d'intérêts. J'ai commencé par me défendre moi-même et j'ai trouvé plus tard quelqu'un pour m'aider. Après de nombreux délais, retards délibérés et refus de participer à la médiation, le procès a eu lieu en juillet 2012, quatre ans plus tard.
J'ai cherché à obtenir de l'aide pour faire face aux conséquences, pour aider mon fils et je suis maintenant mieux en mesure de l'aider depuis que j'ai pu résoudre certaines de mes propres difficultés.
La demande d'indemnisation financière a été présentée lors du procès. Chacun de mes reçus était accompagné d'un témoignage. J'ai justifié tous mes reçus. De son côté, cela a été un vrai fiasco. Il a fait comparaître des témoins de moralité pour expliquer les coutumes et le juge a dû le rappeler à l'ordre à de nombreuses reprises. Ses deux jeunes nièces le représentaient. Tout ce que j'attendais du tribunal, c'était le remboursement d'une partie de mon argent.
Il n'y a pas eu d'instance compétente, de garantie de paiement, même si le tribunal a rendu une ordonnance. Le procès a eu lieu tous les deux jours, ici et là, de juillet à octobre 2012 et c'était très décourageant. J'ai eu des hauts et des bas sur le plan émotionnel et mental. J'ai dû finalement m'absenter de mon travail.
En octobre 2012, j'ai accepté un règlement d'un montant inférieur, pour mettre un terme à tout cela. Je ne voulais plus entendre parler de culture, de tradition ou de respect pendant que j'étais assise dans une salle de tribunal. Je suis consciente de mes responsabilités et des erreurs que j'ai commises dans cette relation. Je ne voulais pas me retrouver dans un tribunal avec des témoignages de moralité ou ce genre de choses. Le procès était censé porter sur l'argent dépensé pour construire une maison et la somme qui m'était due s'il gardait la maison.
Avec le recul, je vois qu'il nous a jetés dehors, mon fils et moi, après que je me suis endettée pour construire la maison. Maintenant, je comprends que c'était prémédité depuis 2002, quand il m'a donné le document de cession du terrain en sachant qu'il l'avait modifié le même jour. Je n'ai pas vu la pertinence des enseignements traditionnels pendant tout ce procès.
Cette loi aurait aidé à faire le partage et à décider qui devait occuper la maison, et les conséquences pour mon fils seraient entrées en ligne de compte. J'espère qu'elle pourra aider d'autres femmes et enfants dans les réserves. J'avais seulement ma famille vers qui me tourner et je lui en suis reconnaissante.
Merci.
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Je suis ici aujourd'hui pour raconter notre histoire. C'est non seulement mon histoire, mais aussi celle de mes enfants. Je suis ici aujourd'hui avec le soutien et l'approbation de mes enfants. Je suis seulement ici pour représenter mes enfants et personne d'autre.
Nous vivons actuellement à Winnipeg parce que nous ne pouvons pas vivre dans notre logement de Sagkeeng. Mes enfants sont âgés de 18, 11 et 8 ans. Mes enfants de 18 ans sont des jumeaux. Ce sont maintenant des adultes. Ils vont avoir 19 ans cette année. Quand nous avons été chassés de notre maison, ils avaient 7 ans. Je vivais avec un conjoint de fait depuis plus de 10 ans.
Après la naissance de nos jumeaux, mon conjoint de fait et moi nous sommes fiancés. Les jumeaux sont nés en 1994. Avant 1994, j'ai demandé un logement à Sagkeeng et on nous en a accordé un en 1995. Les jumeaux et moi avons déménagé à Winnipeg en 1996 parce que l'endroit où nous vivions, à Sagkeeng, était un appartement d'une chambre à coucher. Nous avons donc déménagé à Winnipeg parce que l'appartement devenait trop petit. Les jumeaux avaient deux ans. Ils grandissaient. Nous vivions tous les quatre dans l'appartement.
En fait, ce sont seulement les jumeaux et moi qui sommes allés à Winnipeg, mais j'ai entretenu une relation à distance avec mon ex-fiancé, car il est resté à Sagkeeng. Une fois que nous avons obtenu la maison, en 2006, nous avons pu retourner à Sagkeeng, parce que notre maison était terminée. Ma deuxième fille est née en 2001. En 2002, on nous a chassés de notre maison, les jumeaux, ma deuxième fille et moi. Mon ex-fiancé était toxicomane. Il était aussi alcoolique et pendant plus de 10 ans, nous avons subi, mes enfants et moi, de la violence émotionnelle et physique, toutes sortes de violences.
Quand nous avons été expulsés pour la première fois, nous nous sommes retrouvés sans abri. Quand nous avons été chassés de chez nous, mon ex-fiancé a appelé la GRC pendant que je récupérais nos affaires. On est venu nous dire que nous ne pouvions rien emporter —rien. Les seules choses que nous avons été autorisés à déménager étaient nos lits et nos vêtements. Nous sommes partis. Nous étions sans abri. Nous n'avions nulle part où aller.
Je ne voulais pas faire appel à mes parents, à ma famille. J'ai essayé de les protéger contre cela, contre les difficultés que nous traversions. J'ai téléphoné à mes parents ce jour-là. Ils nous ont accueillis chez eux. Nous sommes allés chez eux et nous avons vécu dans la maison d'à côté. Mon frère avait une maison et il m'a dit que nous pouvions nous installer là, les jumeaux, moi-même et mon bébé, car ma fille était encore bébé à l'époque. Nous avons vécu là pendant quelques années. J'ai réussi à trouver un logement à Powerview où nous avons vécu pendant plus de six ans. Je travaillais pour la bande Sagkeeng. J'ai conservé mon emploi. J'ai fait tout ce que je pouvais pour assurer notre subsistance.
Puis, en 2011, mon propriétaire a dit qu'il retournait à Powerview et que je devais donc partir. Nous nous sommes retrouvés, une fois de plus, sans abri. Nous n'avions nulle part où aller. J'ai demandé à mon ex-fiancé s'il pouvait nous laisser venir dans notre maison et il m'a dit: « Oui, vous pouvez vous y installer, à la condition que ce soit seulement temporaire, car c'est toujours ma maison. Elle m'appartient toujours. » J'ai dit d'accord. Peu m'importait, du moment que mes enfants et moi avions un endroit où aller, du moment que nous avions un toit sur la tête. Il m'a dit de ne pas oublier que c'était seulement temporaire et j'ai dit d'accord. Nous avons déménagé là en septembre 2011 et nous y sommes restés jusqu'en juillet 2012.
Pendant que nous étions là-bas, pour pouvoir vivre dans cette maison, nous avons dû la rénover. Nous avons dépensé des milliers de dollars pour rénover la maison, car elle était vide depuis plus de neuf ans. Elle n'avait pas été entretenue et nous avons donc dépensé des milliers de dollars pour la réparer. Pendant tout ce temps, mon ex-fiancé nous a harcelés, nous a demandé constamment quand nous allions partir, en disant que nous devions nous en aller, que nous devions partir parce que la maison était située sur son terrain. J'ai dit que nous faisions tout notre possible pour pouvoir partir.
Nous sommes finalement partis en juillet de l'année dernière et nous avons déménagé à Winnipeg. J'ai trouvé un logement à Winnipeg. Pendant tout ce temps, nous avons payé un loyer, nous avons payé le prêt hypothécaire de quelqu'un d'autre. J'ai payé près de 80 000 $ en loyer depuis que nous n'avons plus de maison, depuis que nous ne pouvons plus vivre dans notre maison. Je ne m'en plains pas. Je ferais n'importe quoi pour trouver un logement. Je ferais n'importe quoi pour mes enfants. Nous vivons maintenant à Winnipeg. La maison est toujours située sur leur terre. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour essayer de la récupérer.
Nous avons essayé de récupérer la maison avec l'aide de nos dirigeants, de notre chef et de notre conseil. Nos dirigeants nous ont dit — c'était au milieu des années 2000 — que la seule façon de récupérer notre maison était d'aller devant les tribunaux. Je suis donc allée devant les tribunaux. Cela a pris un peu moins de deux ans. À la fin de la procédure judiciaire, le juge a dit que tout ce qu'il pouvait faire, c'était de m'accorder le droit d'occuper la maison. Il a dit qu'il ne pouvait pas me donner la maison, parce qu'elle se trouvait sur des terres de la Couronne. J'ai dit d'accord, mais c'était plutôt décevant, car nos dirigeants comptaient sur lui pour nous donner notre maison. C'est la seule façon dont ils pouvaient le faire.
Après cela, j'ai renoncé. Je me suis battue pendant tellement d'années, mais nous avons simplement renoncé. Nous nous sommes dit que finalement nous ne pourrions jamais récupérer notre maison. Nous allons sans doute payer un loyer jusqu'à ce que nous puissions nous permettre d'acheter notre propre maison dans la réserve, car il ne semble pas que nous obtiendrons de l'aide un jour. Les choses ne s'annoncent pas ainsi. Ma famille et moi en sommes devenues plus fortes.
C'est tout. Je suis désolée…
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Je tiens vraiment à vous remercier d'être aussi brave, d'être venue aujourd'hui nous faire part de votre témoignage. Il est vraiment bouleversant d'entendre votre histoire, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
J'aimerais beaucoup que nous passions plus de temps à partager nos histoires, car un grand nombre d'entre nous ont, de nombreuses façons, travaillé avec les Premières Nations et nous les avons accompagnées. Nous avons travaillé à la construction de refuges et de foyers dans le quartier centre-est de Vancouver. Un grand nombre d'entre nous, au Manitoba, à Calgary, et partout… ont travaillé dans les refuges et auprès d'écoliers qui ont également été chassés de chez eux et de leur communauté, comme dans l'histoire que vous nous avez racontée. Bien entendu, nous n'avons jamais vécu ce que vous avez vécu, mais nous voulons vraiment vous soutenir et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui pour parler du projet de loi .
Nous avons entendu, tout à l'heure, le témoignage du Congrès des peuples autochtones, qui appuie cette nouvelle loi. Le vice-chef Swain a mentionné qu'il représente maintenant la troisième génération. Sa grand-mère a été chassée de sa communauté et de sa maison et sa famille a dû vivre en dehors de sa communauté.
Nous vous entendons raconter votre histoire alors que cela fait plus de 25 ans que nous sommes conscients de cette lacune législative — nous savons qu'elle existe — et c'est pourquoi nous présentons le projet de loi , une loi visant à combler cette lacune pour vous conférer les mêmes droits qu'aux autres femmes canadiennes.
Si ce qui vous est arrivé m'arrivait, j'obtiendrais un résultat différent devant les tribunaux, n'est-ce pas? Vous avez persisté malgré toutes ces souffrances et vous avez été chassée de votre maison et de votre communauté alors que dans votre cas, madame Courchene, la maison était vide, n'est-ce pas?
Merci beaucoup, madame Manitowabi et madame Courchene, de partager avec nous un moment très difficile de votre vie, surtout en public.
Je tiens à préciser que pour le NPD, il ne fait aucun doute qu'une lacune existe dans les services auxquels les femmes autochtones ont accès dans les réserves — car c'est ce dont nous parlons. Vous avez, je pense, évoqué toutes les deux la nécessité de se pencher sur des questions comme l'accès au logement, l'accès à des refuges, l'accès à la police pour faire appliquer une ordonnance de protection. C'est particulièrement nécessaire pour les femmes, vos enfants et leurs enfants.
Nous sommes ici pour faire de notre mieux. Ce n'est pas seulement pour présenter une loi sans examiner les diverses options.
Une des préoccupations émises est que les Premières Nations n'ont pas été écoutées.
Madame Courchene, j'ai eu l'occasion de communiquer avec le chef de Sagkeeng, quelqu'un avec qui j'ai travaillé sur d'autres dossiers. Je me demande si, d'après vous, lui-même ou un des membres du conseil se sont plaints que Sagkeeng ou les autres Premières Nations n'avaient pas été consultées directement au sujet de ce projet de loi.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie toutes les deux, Rolanda et Jennifer, d'être venues ici aujourd'hui.
Nous pouvons tous voir combien il vous est difficile de nous raconter votre histoire. Je vous admire beaucoup d'avoir eu la force et le courage de venir ici. Je sais que c'est un endroit public.
Jennifer, vous avez dit que vous n'aviez jamais raconté votre histoire à autant de gens réunis au même endroit et je parie que c'est vrai aussi pour Rolanda. Nous l'apprécions vraiment. Nous savons que c'est difficile et nous vous en remercions infiniment.
La raison pour laquelle cela nous aide et nous vous remercions d'être venues aujourd'hui, c'est que cela nous permet, en tant que membres de la classe politique et parlementaires, de reconnaître que nous pouvons parler de ce que nous faisons ici, de tous les aspects de la loi de façon impersonnelle, mais que, lorsque nous vous voyons et nous entendons votre histoire… nous voulons tous que cette loi soit adoptée, car nous savons que nous ne verrons plus d'autres femmes avoir les mêmes problèmes que vous à l'avenir. Il s'agit des femmes et des enfants, car non seulement vous avez souffert pendant de nombreuses années à cause de la loi actuelle ou plutôt de l'absence de loi, mais vos enfants ont souffert également. C'est évident.
Au cours de la dernière heure, le vice-président du Congrès des peuples autochtones nous a dit que son organisme voyait cela comme une question d'égalité. Il ne croit pas qu'en apportant l'égalité aux femmes qui vivent dans les réserves, en leur accordant ce droit, on empiète sur les autres droits de l'ensemble des Autochtones.
Compte tenu de ce que vous savez de ce projet de loi, je voudrais savoir si vous souhaitez qu'il soit adopté à la Chambre des communes du Canada parce que vous croyez qu'il aidera d'autres femmes qui n'auront pas à vivre ce que vous avez vécu, à l'avenir.
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Mesdames, je voudrais, moi aussi, dire que je vous admire énormément d'être venues ici, car je sais que ce n'est pas facile. Ma mère a participé à la mise sur pied d'un des premiers refuges d'accueil en Alberta et c'est parce qu'elle avait rencontré dans la rue quelqu'un comme vous qui n'avait nulle part où aller. Elle a simplement jugé qu'il était nécessaire…
Nous sommes surtout ici pour entendre vos histoires personnelles. D'autres personnes ont parlé des avantages et des inconvénients de la loi, mais c'est vous que nous essayons vraiment d'aider.
Je voudrais conclure en revenant sur certaines questions qu'on vous a posées, mais sur lesquelles vous avez peut-être quelque chose à ajouter. Vous avez dit, toutes les deux, que vous vous sentiez vulnérables et que vous ne vous sentiez pas en sécurité et j'ai vu monter vos larmes. Je sais qu'il est difficile d'en parler, mais vous êtes ici maintenant et je voudrais seulement savoir si vous voyez les choses différemment, sachant que si ce projet de loi est adopté, vous auriez le droit de rester chez vous si vous étiez maltraitées physiquement, un droit qui serait garanti par la police et les tribunaux, un droit d'obtenir une ordonnance de protection d'urgence contre la personne qui vous a maltraitée.
Je vais vous poser cette question en premier, Rolanda, s'il vous plaît.