FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 23 avril 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui la ministre Rona Ambrose et le ministre Bernard Valcourt. Nous vous sommes certainement reconnaissants de prendre le temps de comparaître devant le comité. Nous savons que vous êtes très occupés, et nous sommes privilégiés que vous nous accordiez du temps aujourd'hui.
Chaque témoin a 10 minutes pour livrer son exposé. L'un ou l'autre peut prendre la parole en premier.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant ce comité, qui est chargé d'examiner le projet de loi S-2, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.
Je suis fier de comparaître aujourd'hui en compagnie de ma collègue l'honorable Rona Ambrose, ministre de la Condition féminine, pour parler des mesures que le gouvernement est en train de prendre pour améliorer les droits des familles vivant dans les réserves.
[Traduction]
Madame la présidente, collègues parlementaires, permettez-moi d'abord d'exprimer ma consternation et mon incrédulité en ce qui concerne les arguments que j'ai entendus à l'encontre du projet de loi S-2.
Permettez-moi de caractériser l'opposition dont il a fait l'objet. Le porte-parole de l'opposition, lors de la deuxième lecture à la Chambre, a exprimé à l'égard du projet de loi un grand nombre des préoccupations communes à tous les députés en ce qui a trait à la situation d'un trop grand nombre de Premières Nations au pays. Le logement, l'eau, l'accès aux routes, à l'électricité et aux services juridiques, la santé des membres des Premières Nations, le taux de suicide dans les réserves ou l'accès à l'éducation et à l'emploi sont toutes des préoccupations que nous partageons, mais pendant le débat, on les a invoquées pour s'opposer à l'adoption du projet de loi S-2.
Pourquoi s'opposer à un projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et sur les droits ou intérêts matrimoniaux, et aux dispositions rectificatives qu'il contient, simplement parce qu'il ne s'attaque pas à toutes les autres sources de préoccupation? Le projet de loi S-2 ne vise ni le logement, ni l'eau, ni l'accès aux routes, à l'électricité, à l'eau ou aux services juridiques, ni les problèmes de santé publique propres aux Premières Nations.
Le projet de loi porte sur les droits des couples mariés ou des conjoints de fait qui vivent dans une réserve en cas de rupture de relation ou de décès de l'un des conjoints. Il s'agit de la division équitable des biens familiaux et, dans le cas des relations marquées par la violence ou les mauvais traitements, de protéger un conjoint et les enfants, s'il y a lieu, en permettant aux tribunaux d'accorder à une personne des droits exclusifs d'occupation du foyer familial.
Si l'on ramène le projet de loi à sa nature et à son objectif essentiels, on obtient une question d'égalité pure et simple si la situation des couples et des familles vivant dans la réserve en cas de rupture de la relation conjugale est celle du reste des Canadiens qui ne vivent pas dans des réserves.
Un grand nombre de Canadiens ne savent pas, par exemple, que sans un texte législatif comme le projet de loi S-2, un conjoint qui détient les intérêts dans le foyer familial dans une réserve peut vendre la maison sans le consentement de l'autre conjoint et garder tous les profits. Pareillement, un conjoint qui détient les intérêts dans le foyer familial peut empêcher l'autre conjoint d'entrer dans leur maison située dans une réserve, sans tenir compte du bien-être du conjoint ou des enfants, s'il y a lieu. Ou encore, dans les cas de violence ou de maltraitance familiales, un tribunal ne peut pas ordonner au conjoint qui détient les intérêts dans le foyer familial dans une réserve de quitter le foyer, même de façon temporaire.
Tous les Canadiens qui ne vivent pas dans une réserve, qu'ils soient Autochtones ou non, ont accès à ces droits. Il est tout simplement inacceptable que, de nos jours, les gens qui vivent dans les réserves n'aient pas les mêmes droits et la même protection que les gens qui habitent ailleurs. Les personnes qui vivent dans les réserves ne devraient pas être pénalisées à cause de l'endroit où elles habitent.
Pourtant, plus de 25 ans après la décision prise par la Cour suprême du Canada en 1986 dans les affaires Paul c. Paul et Derrickson c. Derrickson, les femmes et les enfants autochtones qui vivent dans une réserve n'ont toujours pas de droits à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux. Pour eux, l'échec d'une relation ou le décès d'un époux ou d'un conjoint de fait peut être une source d'insécurité, de difficultés financières ou d'itinérance.
[Français]
Lorsque les membres du Comité permanent des droits de la personne du Sénat ont étudié le projet de loi S-2, ils ont personnellement entendu des personnes courageuses venues témoigner des conséquences terribles qu'avait eues pour elles l'absence de lois régissant les droits à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.
Le projet de loi S-2 répond aux appels à l'action non seulement des femmes autochtones, mais aussi des organisations internationales et des comités parlementaires. Même les membres du Nouveau Parti démocratique de l'Assemblée législative du Manitoba, qui sont au pouvoir, sont conscients de l'urgence de la situation. De fait, à la demande de l'Assemblée législative du Manitoba, le greffier de l'assemblée m'a fait parvenir la résolution unanime de cette assemblée législative exhortant le gouvernement et le Parlement canadiens à adopter le projet de loi S-2.
Le projet de loi — je l'ai entendu à la Chambre — n'est ni paternaliste ni dictatorial envers les Premières Nations. Toutefois, je vous soumets que, en revanche, ne pas l'adopter le serait.
Aux termes de la loi proposée, pour régir les droits et les intérêts à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux, les Premières Nations peuvent adopter soit leur propre réglementation, laquelle sera conçue pour répondre aux besoins de leurs coutumes et de leur culture spécifiques et pour les respecter, soit la réglementation fédérale.
En habilitant les Premières Nations à créer leur propre réglementation dans ce domaine, le projet de loi S-2 respecte la diversité qui existe au sein des Premières Nations. Elles peuvent adopter leurs propres lois communautaires qui pourraient offrir des moyens différents, selon les Premières Nations, mais quand même efficaces pour régler les problèmes liés aux biens immobiliers matrimoniaux dans leurs réserves respectives.
Aux termes de la loi proposée, en attendant qu'une Première Nation crée sa propre loi, la réglementation fédérale donnerait aux familles les droits et la protection qu'elles recherchent et méritent, tout comme les citoyens qui ne sont pas Autochtones et les Autochtones qui ne vivent pas dans les réserves.
Par conséquent, tous les hommes, femmes et enfants vivant dans des réserves auront des droits égaux en ce qui a trait à l'occupation, à la cession ou à la vente du foyer matrimonial, droits qui jusqu'alors n'étaient pas garantis pour les membres des Premières Nations qui vivaient dans les réserves.
[Traduction]
Mais surtout, dans les cas de violence conjugale, un conjoint pourra demander une ordonnance d'urgence pour rester dans le foyer familial, avec exclusion de l'autre conjoint, pendant une période maximale de 90 jours, avec possibilité de prolongation. En vertu de ces dispositions, les conjoints ou conjoints de fait victimes de relations violentes pourront demander l'occupation exclusive du domicile familial pendant une durée précise, ce qui donnera ainsi aux victimes et à leurs personnes à charge un endroit où vivre.
En outre, nous nous sommes engagés, comme vous le savez tous, à créer un centre d'excellence en matière de biens immobiliers matrimoniaux autonome qui aidera les Premières Nations à élaborer leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux dans la réserve ou à mettre en oeuvre les règles fédérales provisoires.
Madame la présidente, le gouvernement a entrepris une vaste consultation qui a duré deux ans et qui s'est concrétisée par plus de 100 réunions dans 76 endroits au Canada. Nous avons largement eu l'occasion d'examiner le projet de loi, d'en discuter et d'en débattre depuis qu'il a été présenté pour la première fois en 2008.
Le temps file, et je vais donc laisser la parole à ma collègue, madame la ministre Ambrose, pour 10 minutes.
Merci.
Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du comité du travail qu'ils accomplissent dans ce dossier et de m'avoir donné l'occasion de participer à l'étude du comité sur le projet de loi S-2.
À titre de ministre de la Condition féminine, je suis fermement convaincue que cette loi offrira des choix réels aux femmes et aux enfants qui vivent dans une réserve et qui sont victimes de violence familiale. La loi ne protège pas les droits et intérêts immobiliers matrimoniaux des époux et des conjoints de fait qui vivent dans les réserves en cas de séparation, de divorce ou de décès. Ils doivent vivre avec cette réalité.
Comme le ministre Valcourt l'a indiqué, la Cour suprême du Canada a reconnu ce vide juridique il y a plus de 25 ans. C'est la quatrième fois que notre gouvernement tente d'adopter le projet de loi.
Notre gouvernement s'est engagé à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles dans les collectivités de partout au Canada, et le projet de loi fait partie de ce processus. Nous prenons des mesures pour protéger les personnes les plus vulnérables de la société canadienne — les femmes dans les communautés d'immigrants, les femmes qui vivent dans la pauvreté, et les femmes et les filles autochtones — par l'entremise de projets essentiels sur la condition féminine, mais aussi par l'entremise de textes législatifs tel le projet de loi S-2.
Le projet de loi S-2, qui porte le nom de Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, garantira les droits et intérêts immobiliers matrimoniaux des femmes qui vivent dans les réserves et assurera la protection des conjointes dans les situations de violence conjugale.
La plupart des Canadiens ignorent que les personnes qui vivent dans les réserves ne bénéficient pas des mêmes droits immobiliers fondamentaux que celles qui vivent à l'extérieur des réserves. Ce vide juridique a causé des torts à d'innombrables femmes autochtones. Leurs souffrances sont un éloquent plaidoyer en faveur de l'adoption du projet de loi ce printemps. Ces femmes ont attendu assez longtemps. Je recommande vivement à tous les partis de voter pour l'adoption du projet de loi.
Selon les statistiques, les femmes autochtones courent presque trois fois plus de risques que les femmes non autochtones d'être victimes de crimes violents, y compris de violence conjugale. En 2009, près des deux tiers des femmes autochtones victimes étaient âgées de 15 à 34 ans. Ce groupe d'âge représente presque la moitié du nombre total de femmes autochtones de plus de 15 ans qui vivent dans 10 provinces. Parmi les victimes de violence conjugale, 6 femmes autochtones sur 10 ont signalé avoir été blessées. En comparaison, cette proportion était de 4 femmes sur 10 parmi les femmes non autochtones.
Selon le rapport Femmes au Canada de Statistique Canada publié en 2009, 15 % de toutes les femmes autochtones qui étaient mariées ou conjointes de fait avaient vécu de la violence familiale au cours des cinq années précédentes. Dans le même rapport, ce taux était de 6 % chez les femmes non autochtones.
Notre gouvernement a pris plusieurs mesures pour éliminer la violence faite aux femmes et aux filles. Depuis 2007, nous avons investi plus de 11 millions de dollars dans des projets qui visent précisément à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, et 19 millions de dollars pendant la même période dans des projets qui permettent de protéger les femmes et les filles autochtones et de les rendre autonomes.
Notre gouvernement propose de combler les écarts législatifs relatifs aux droits sur les biens matrimoniaux une fois pour toutes, grâce à l'adoption de ce projet de loi. Le projet de loi vise à éliminer une injustice en donnant aux femmes qui vivent dans les réserves, y compris les victimes de violence, l'accès aux droits dont bénéficient toutes les autres Canadiennes.
Ce que j'aime particulièrement, et je sais que cela vous intéressera, c'est que le projet de loi prévoit des ordonnances de protection d'urgence pour les femmes et les enfants autochtones qui sont victimes de violence. Les ordonnances de protection d'urgence sauvent des vies. Selon les personnes qui défendent les droits des familles et des enfants, il s'agit de l'un des moyens les plus efficaces de prévenir la violence familiale.
Malheureusement, comme je l'ai mentionné, nous savons que les femmes autochtones sont plus susceptibles d'être victimes de violence conjugale que les femmes non autochtones. Les femmes autochtones qui vivent dans les réserves et qui ne peuvent pas rester dans le foyer familial sont souvent forcées de quitter la réserve avec leurs enfants sans autre chose que les vêtements qu'elles portent.
À l'heure actuelle, une femme victime de violence qui vit dans une réserve n'a pas d'autre choix que de porter des accusations criminelles. Aucun mécanisme ne permet à un parent et aux enfants d'avoir l'accès exclusif au foyer familial. Je le répète, les ordonnances de protection d'urgence sauvent des vies.
Dans les cas de violence familiale et de violence physique, un tribunal ne peut pas ordonner au conjoint qui détient des intérêts dans la maison située dans la réserve — souvent le partenaire masculin — de quitter le foyer, même temporairement. Lorsqu'une conjointe et ses enfants sont expulsés du foyer familial dans une réserve, aucun juge n'a le pouvoir d'intervenir.
En accordant aux femmes autochtones qui vivent dans une réserve les mêmes droits dont bénéficient les femmes vivant à l'extérieur des réserves, nous mettrons fin à cette situation déplorable. La situation des femmes du reste du Canada est très différente lorsqu'elles sont victimes de violence familiale.
Lorsqu'une ordonnance de protection d'urgence est exécutée, comme vous le savez très bien, l'agresseur peut être expulsé, ce qui permet à la femme et à ses enfants de vivre en sécurité dans le confort du foyer familial. Si les femmes autochtones obtiennent le droit de demeurer dans le foyer familial à l'intérieur de la réserve, elles pourront échapper à la violence familiale tout en continuant de s'occuper de leurs enfants et en conservant l'accès essentiel aux soutiens communautaires. Encore une fois, il est important de se rappeler que les ordonnances de protection d'urgence sauvent des vies.
Outre les protections offertes par les ordonnances de protection d'urgence, le projet de loi S-2 permet aussi l'octroi de l'occupation exclusive temporaire du foyer familial. Cette protection comporte deux volets. Premièrement, dans les situations de violence familiale, les femmes peuvent bénéficier de l'occupation exclusive temporaire du foyer pendant une période qui se prolonge au-delà de l'occupation d'urgence. Deuxièmement, la personne dont l'époux ou le conjoint de fait décède est automatiquement autorisée à demeurer dans le foyer familial pendant 180 jours. Pendant ce temps, elle peut demander l'occupation exclusive du foyer familial pendant une période qu'il reviendra aux tribunaux de déterminer.
On a besoin de ce projet de loi depuis 25 ans. Notre gouvernement a soulevé la question au Parlement quatre fois jusqu'à maintenant, et elle a fait l'objet de débats dans les deux chambres et en comité pendant plus de 50 heures. Plus de 15 heures ont été consacrées au seul projet de loi S-2. Pourtant, après des dépenses de 8 millions de dollars pour 103 séances de consultation sur cette question dans 76 différentes localités partout au Canada, comme monsieur le ministre Valcourt l'a dit, et après d'innombrables rapports et études remontant à un quart de siècle, l'opposition propose de tenir d'autres discussions. Nous affirmons cependant qu'il est temps d'agir.
Nous affirmons qu'il est grand temps que les femmes autochtones qui vivent dans les réserves aient les mêmes droits que toutes les autres Canadiennes, et le comité a le pouvoir de faire cela. Les membres du comité connaissent intimement la nature et l'ampleur de cet enjeu, puisqu'ils ont récemment étudié le problème de la violence faite aux femmes autochtones. Vous avez entendu les témoignages de femmes autochtones et vous connaissez les facteurs qui contribuent à la violence contre les femmes et les filles autochtones. Les membres du comité ont une compréhension particulière de ce qui est en jeu.
À titre de ministre de la Condition féminine, j'ai cherché à éliminer la violence faite aux femmes autochtones en appuyant des projets qui luttent contre la violence de façon globale, renforcent la sécurité économique et développent les compétences de chef de file qui permettront aux femmes d'échapper à la violence familiale.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, depuis 2007, par l'entremise du Programme de la promotion de la femme, notre gouvernement a consacré plus de 90 millions de dollars au soutien de projets qui contribuent à renforcer l'autonomie des femmes et des filles autochtones et à les protéger. Par exemple, au Yukon, la Liard Aboriginal Women's Society aide des femmes autochtones à faire la transition vers une vie sans violence en établissant des liens entre les femmes autochtones, les forces de l'ordre et les prestataires de services locaux. Ces relations souvent négligées entre les femmes autochtones et les prestataires de services peuvent faire toute la différence entre des prestataires de services ou des agents de la paix qui reconnaissent une situation de violence familiale ou qui ferment les yeux.
De façon similaire, on prépare les membres des forces de l'ordre à l'échelon communautaire par l'élaboration de protocoles, de documents d'orientation sur l'application de la loi et de plans d'action communautaires.
Notre gouvernement soutient aussi les femmes qui ont été victimes de violence par l'entremise de projets tels celui de la Creating Hope Society en Alberta. Ces projets soutiennent précisément les femmes et les filles des Premières Nations qui vivent dans les réserves situées dans les limites de la ville d'Edmonton et qui ont été victimes de violence en mobilisant les groupes, les prestataires de services et les femmes et les filles des Premières Nations.
Les mesures prises par le gouvernement pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles comprennent l'augmentation du financement du programme pour les femmes, qui atteint son niveau le plus élevé dans l'histoire du Canada, le financement de plus de 600 projets au Canada depuis 2007, et le lancement d'un plan d'action national complet pour lutter contre la traite de personnes, afin d'assurer la sécurité des femmes et des filles de partout au Canada qui sont ciblées par les activités d'exploitation sexuelle menées par des trafiquants violents. Nous avons aussi élaboré une stratégie nationale de cinq ans qui vise à améliorer la réponse des forces de l'ordre et du système judiciaire dans les cas de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées en appuyant les services aux victimes appropriés sur le plan culturel et, évidemment, le projet de loi S-2, qui donnera aux femmes autochtones des droits égaux et l'accès aux droits matrimoniaux, ainsi que des ordonnances de protection d'urgence dans les cas de violence familiale.
En conclusion, madame la présidente, permettez-moi de répéter que le projet de loi vise à éliminer une injustice. Il s'agit de combler une lacune juridique qui crée des inégalités et qui rend les femmes autochtones vulnérables. Il s'agit de veiller à ce que tous les Canadiens, qu'ils vivent dans une réserve ou non, aient accès à des protections et à des droits similaires lorsqu'il s'agit des foyers familiaux, des intérêts matrimoniaux et de la sécurité.
Pendant les délibérations du comité sur le projet de loi, je recommande aux députés de tenir compte de témoignages précédents — parmi lesquels on trouve un grand nombre fait par des femmes et des chefs de file autochtones de partout au Canada — et plus particulièrement celui de Betty Ann Lavallée, chef nationale du Congrès des peuples autochtones. Elle a déclaré, au sujet du projet de loi S-2:
Le projet de loi s'attache à la dimension véritablement humaine d'une personne autochtone, notion que tous les autres Canadiens [...] tiennent pour acquise. L'échec d'un mariage ne devrait pas avoir pour résultat qu'une épouse au sein d'une relation autochtone se retrouve à la rue, seule, sans le moindre recours.
Je suis entièrement d'accord avec sa déclaration. Ses mots sont éclairés par sa connaissance de la réalité quotidienne souvent difficile de nombreuses femmes qui vivent dans les collectivités des Premières Nations.
Au bout du compte, le projet de loi S-2 vise aussi la prise de mesures concrètes. Il y a plus de 25 ans que la Cour suprême du Canada a reconnu ce vide juridique, et notre gouvernement le comble avec ce projet de loi. En effet, le projet de loi S-2 propose une solution efficace à cette injustice et nous espérons que les députés de tous les partis appuieront cette initiative.
Merci, madame la présidente.
Merci de votre excellent exposé.
Nous allons commencer nos séries de questions. La parole est à Mme Truppe et elle a sept minutes.
Merci, madame la présidente. J'aimerais également remercier M. Valcourt et Mme Ambrose d'être ici aujourd'hui pour parler de cette importante question.
La question du manque de droits aux biens matrimoniaux dans les réserves a été soulevée à plusieurs reprises au cours des 25 dernières années, et nous avons pris connaissance de quatre rapports indépendants et de trois études effectuées par des comités parlementaires sur la question, et tous proposent une mesure législative qui comblerait ce vide juridique.
Monsieur le ministre Valcourt, pouvez-vous expliquer l'écart entre les lois provinciales et territoriales en vigueur et la situation actuelle dans les réserves en ce qui concerne les droits aux biens matrimoniaux?
Comme on l'a dit plus tôt, dans ces arrêts rendus il y a 25 ans, la Cour suprême a précisé que les lois provinciales et territoriales sur les biens matrimoniaux que les conjoints ou conjointes autochtones vivant dans les réserves ont invoquées dans le passé, avec succès dans certains cas, ne s'appliquent pas aux Autochtones qui vivent dans les réserves. Les communautés des Premières Nations qui sont des réserves en vertu de la Loi sur les Indiens n'ont pas cet avantage, et c'est la lacune que le projet de loi S-2 cherche à combler.
Notre gouvernement y travaille depuis plusieurs années, et nous croyons qu'il est temps de combler ce vide.
Merci.
Je ne peux pas croire que la Cour suprême ait fait cela aux femmes autochtones. Qu'est-ce que le projet de loi fera?
La Cour suprême est liée par les lois du pays, et la Loi constitutionnelle énonce clairement la répartition des compétences entre le fédéral et le provincial.
Le projet de loi comporte deux aspects, et il est important que le comité en tienne compte. Premièrement, des règles provisoires s'appliqueront à toute Première Nation, jusqu'à ce qu'elle adopte ses propres lois, chose qu'elle peut faire. La réalité, au Canada, c'est que les Premières Nations sont diverses: elles ont des cultures et des coutumes différentes. Avec ce projet de loi, celles qui choisissent de le faire pourront rédiger et adopter, avec l'appui et l'approbation de la communauté, des lois qui seront applicables dans la réserve.
C'est la raison pour laquelle j'ai dit, plus tôt, que cela n'a rien de paternaliste. Il s'agit de donner aux communautés des Premières Nations les pouvoirs d'adopter des lois qui traiteront des questions au coeur du projet de loi S-2. Les règles fédérales s'appliqueront aux Premières Nations qui ne le font pas. Nous savons que les choses ne se produiront pas du jour au lendemain. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons une période d'un an, à compter de la date où le projet de loi aura reçu la sanction royale. Pendant un an, il ne se produira rien. Les Premières Nations qui veulent adopter des lois pendant cette année pourront le faire. Les lois entreront en vigueur un an après la sanction royale, tout comme les règles fédérales provisoires. À ce moment, les lois qui s'appliqueront seront celles du gouvernement fédéral, ou bien celles de la communauté.
J'estime que c'est une manière pratique d'aborder un problème complexe, sur le plan de la mise en oeuvre. Sachez aussi que le centre d'excellence qui sera mis sur pied, une fois la sanction royale obtenue, aidera les Premières Nations à rédiger leurs lois.
Merci.
Quatre projets de loi visant les droits relatifs aux biens matrimoniaux ont été présentés à la Chambre, sous diverses formes, et ont fait l'objet de plus de 40 heures de débats à la Chambre des communes, au Sénat et au comité. Au total, 103 consultations ont été menées en 76 endroits différents du pays, pendant la période de rédaction de ce projet de loi. J'espérais que vous pourriez nous parler du besoin pressant auquel il répond, ainsi que de l'importance de résoudre ce problème dès que possible.
Je serai bref. Chaque jour qui passe est un jour de plus où des femmes et des enfants vivant dans des réserves n'ont pas accès à la même protection qu'à l'extérieur des réserves. Nous ne devrions pas compter, dans la population canadienne, des citoyens de deuxième classe.
Merci, messieurs les ministres, d'être ici avec nous aujourd'hui.
Nous reconnaissons le vide juridique qu'il est important de combler — cela ne fait aucun doute. Mais nous avons de sérieuses réserves concernant le manque de consultation, le manque de respect envers les autorités des Premières Nations. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, lesquelles se sont dites très préoccupées par ce projet de loi, ainsi qu'avec les Premières Nations de toutes les régions du pays, qui s'y opposent également.
Monsieur le ministre Valcourt, madame la ministre Ambrose, avez-vous consulté toutes les Premières Nations du Canada au sujet du projet de loi S-2?
Je vais parler brièvement de certains des problèmes liés à la lutte contre la violence faite aux femmes, puis je laisserai monsieur le ministre Valcourt parler de la consultation qui a été faite.
D'accord, mais je veux vous faire part d'une chose. Michèle Audette, qui est en ce moment la présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, faisait partie des témoins. Voici ce qu'elle a dit:
... on accueille favorablement ce projet de loi parce qu’il va mettre fin à un vide juridique. Il va protéger les femmes en matière de violence familiale et conjugale.
Pour le comité, je pense que c'est un facteur très important.
Quand le ministre Valcourt et moi-même avons parlé de l'accès aux ordonnances de protection d'urgence et au droit exclusif au foyer familial, comme je l'ai dit, les défenseurs des droits de la famille ont dit que les ordonnances de protection d'urgence sauvent des vies, ce que nous savons toutes, en tant que femmes cherchant à mettre un terme à la violence familiale. Ces ordonnances comptent parmi les outils les plus importants que nous puissions utiliser pour prévenir la violence familiale.
Je m'arrête ici et je vais laisser...
En ce qui concerne la consultation, vous vous souviendrez peut-être que c'est notre gouvernement qui a lancé une vaste consultation en quatre étapes, laquelle s'est amorcée en 2006 pour se terminer en octobre 2007. L'étape de la consultation nationale a eu lieu du 29 septembre 2006 au 31 janvier 2007. C'est à cette étape que nous avons tenu 103 séances en 76 endroits différents.
Plus de 8 millions de dollars ont été consacrés au processus mené par l'Association des femmes autochtones du Canada, l'Assemblée des Premières Nations et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. La consultation n'a pas été menée que par le ministère. L'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations ont reçu chacune 2,7 millions de dollars pour leur participation aux consultations.
Monsieur le ministre, sauf le respect que je vous dois, je comprends les chiffres et les échéanciers, mais il est question ici de l'existence de plus de 600 Premières Nations au Canada. Est-ce qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et vous, en tant que ministre, ou vos prédécesseurs, ont consulté chacune de ces Premières Nations? Oui ou non?
Avons-nous consulté chaque femme avant de donner aux femmes le droit de voter? Sérieusement! Est-ce une question? Pensez-vous que nous devrions continuer de mener des consultations sur les droits à l'égalité des femmes et sur les ordonnances de protection d'urgence? Voulez-vous que nous poursuivions les consultations? Nous consultons depuis 25 ans.
Je ne pense pas que vous êtes censé m'adresser ces questions. C'est à nous de vous poser des questions. Ma question est très simple et porte sur le respect de l'autorité des Premières Nations.
Les femmes des Premières Nations ont des droits issus de traités et des droits ancestraux, et ces droits doivent être respectés. Le gouvernement — votre gouvernement — a signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, laquelle déclaration comporte l'obligation de consulter. Nous trouvons choquante l'absence d'une consultation convenable.
Je vais passer à un autre sujet, parce que je comprends, madame Ambrose, que vous voulez véritablement résoudre le problème de la violence faite aux femmes. Ma question s'adresse, peut-être, aux deux ministres. Si votre gouvernement tient tant à résoudre le problème de la violence faite aux femmes autochtones, pourquoi ne pas écouter les familles des femmes disparues ou assassinées et exiger une enquête nationale sur ces disparitions et ces meurtres?
En ce qui concerne la consultation — et vous êtes de cette province —, vous devriez peut-être écouter votre père.
Ils nous ont clairement dit...
L'Assemblée législative du Manitoba nous a exhortés d'adopter le projet de loi S-2. S'il est une province où une importante communauté autochtone connaît de graves problèmes, c'est bien le Manitoba. Vous parlez de consultation.
Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Le paternalisme peut prendre bien des formes. Me demander à qui je parle ou à qui je ne parle pas au sein de ma famille n'a rien à voir avec ce que nous faisons dans ce comité.
Une voix: J'aimerais des éclaircissements, madame la présidente.
Mme Niki Ashton: Je demande aux témoins de manifester à mon égard le même respect que je manifeste à leur égard.
Je pense qu'il est important de préciser qu'il ne s'agissait pas d'un commentaire paternaliste. La personne qui a été mentionnée est un député du gouvernement du Manitoba qui a demandé le soutien du gouvernement fédéral sur cette question.
Écoutez. Je tiens à être clair. Je ne voulais pas paraître paternaliste. Si j'ai offensé le membre du comité, je m'en excuse sincèrement.
Ce que je cherche à dire, c'est simplement que la province du Manitoba et d'autres gens à l'échelle du Canada nous ont exhortés de donner aux conjoints et conjointes vivant dans les réserves les mêmes droits qu'aux autres Canadiens. Comme vous l'avez reconnu dans votre première question, ce vide existe depuis 25 ans. Je me demande pourquoi nous voudrions attendre encore. Vous savez mieux que moi que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale n'est pas la réponse. En ce moment, selon les dispositions de la Loi constitutionnelle et celles de la Loi sur les Indiens, dont nous avons hérité, il est impossible pour les Premières Nations d'adopter des lois, à moins d'être soumises au régime de gestion des terres. Nous essayons de combler un vide de la façon la plus raisonnable possible et de donner aux couples qui vivent dans les réserves les mêmes droits que vous et moi.
Monsieur le ministre, pour nous, c'est un problème au sujet duquel votre gouvernement a décidé de faire de la politicaillerie. Nous croyons qu'il faut une consultation convenable des Premières Nations. Nous croyons aussi qu'il faut des mesures pour remédier à la situation. Il nous faut une enquête nationale sur les femmes disparues et assassinées. Il nous faut réagir à la pénurie criante de logements qui crée des tensions au sein des familles, à la pauvreté extrême qui sévit dans les communautés, à l'insuffisance des fonds consacrés à l'éducation, et j'en passe. C'est le genre de mesures que nous aimerions que le gouvernement prenne.
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous les deux, madame la ministre Ambrose et monsieur le ministre Valcourt, d'être venus nous parler du projet de loi S-2. Je sais que vous avez tous deux très à coeur ce projet de loi particulier, tout comme moi, d'ailleurs.
La fin de semaine dernière, j'ai discuté de ce projet de loi avec mon mari. Je lui ai parlé de la situation actuelle des femmes autochtones dans les réserves et de ce que ce projet de loi signifie pour chacune de ces femmes.
Monsieur le ministre Valcourt, je sais que, dans votre exposé, vous avez parlé de ce qui se passe de nos jours, et mon mari a dit exactement la même chose. Il m'a regardée comme si je parlais une langue étrangère. Il ne pouvait pas croire que, de nos jours, au Canada, les femmes autochtones dans les réserves n'ont pas les mêmes intérêts et le même accès aux biens matrimoniaux que nous tous, ici, dans cette pièce. Ça l'a choqué. En toute honnêteté — et vous m'excuserez d'être émotive à ce sujet —, en tant que membre du Comité permanent de la condition féminine, j'estime que c'est prioritaire. Nous devons adopter cette loi.
Madame la ministre Ambrose, je sais que vous avez dit, entre autres, que pour vous, les ordonnances de protection d'urgence et les ordonnances d'occupation exclusive temporaire sont les aspects les plus importants du projet de loi. Je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est primordial. Je pense que nous devons protéger les femmes et que nous devons le faire maintenant — pas dans un an, ou dans deux ans. Nous devons adopter cette loi maintenant.
Honnêtement, avant de devenir députée, avant de lire ce projet de loi, et avant de comprendre tout ce que cela représentait pour les femmes autochtones, je n'avais aucune idée de ce problème d'inégalité dans les réserves et de ce vide juridique. Ça m'a choquée. Je pense que la plupart des Canadiens qui suivent ce comité aujourd'hui sont surpris et choqués d'apprendre l'existence de ce vide juridique. Je pense qu'ils s'attendent à ce que notre gouvernement veille à l'adoption de cette loi.
Madame la ministre Ambrose, ma question porte sur la protection relative à un conjoint violent dans son propre foyer, dont les femmes autochtones ne bénéficient pas en ce moment dans les réserves.
Si une personne entrait par effraction dans son propre foyer — je ne souhaite pas que cela se produise dans ma circonscription de Scarborough, ou dans quelque autre circonscription du pays — et qu'elle devenait violente, la police serait appelée à intervenir et l'arrêterait. Cela va de soi, et personne ne met cela en doute.
Quand un conjoint devient violent, c'est lui qui devrait être retiré du foyer familial, et non la victime de la violence. Cependant, dans les réserves, ce n'est pas ce qui se produit. Je pense qu'il faut que les Canadiens comprennent cela et sachent que le projet de loi va protéger ces femmes. Quand il faut une protection et qu'il y a des enfants, l'accès au foyer familial est essentiel.
Le projet de loi S-2 prévoit des ordonnances de protection d'urgence, mais il permet aussi aux tribunaux de tenir compte de ces facteurs et de garantir le droit exclusif d'occuper le foyer familial. C'est primordial. Nous avons besoin de cette loi.
Madame la ministre Ambrose, pourriez-vous nous donner plus de détails sur la nécessité des ordonnances de protection d'urgence dans les réserves et sur la nécessité des ordonnances donnant le droit exclusif d'occuper le foyer familial? Je sais que vous l'avez fait dans votre exposé.
Merci.
Je vous remercie de vos commentaires.
Je sais que je me répète, mais les ordonnances de protection d'urgence sauvent des vies. Les fournisseurs de services de premières lignes dans les refuges, les policiers, tous ceux qui travaillent dans un domaine qui les met en présence de la violence faite aux femmes vous diront que c'est l'un des outils les plus importants de prévention de la violence familiale.
Bien entendu, comme vous l'avez dit, les femmes canadiennes ont accès à diverses mesures de protection légales, en ce moment, qui ne sont pas offertes aux hommes et aux femmes vivant dans les réserves. Comme je l'ai dit précédemment, les femmes autochtones risquent trois fois plus que les autres femmes canadiennes d'être victimes d'un crime violent, notamment, la violence conjugale.
Les dispositions relatives aux ordonnances de protection d'urgence du projet de loi S-2 sont très importantes, car elles étendent la portée de ces protections aux femmes et aux enfants qui vivent dans les réserves.
Le projet de loi S-2 donne aussi aux conseils de bande des Premières Nations la capacité de créer des lois liées aux droits matrimoniaux et d'appliquer les ordonnances dans les réserves. S'ils ne le font pas, ce sont les règlements fédéraux qui s'appliquent.
Je voulais vous parler un peu du processus, car tout cela a été mûrement réfléchi. Cela fait 25 ans. Nous avons essayé quatre fois d'adopter ces mesures législatives, et il y a eu beaucoup de consultation avec les Premières Nations et l'Association des femmes autochtones du Canada, comme le ministre Valcourt l'a indiqué.
Quand il est question d'ordonnances de protection d'urgence, tout époux ou épouse, conjoint ou conjointe de fait, membre ou non d'une réserve, pourra demander à un juge ou un juge de paix d'émettre une ordonnance de protection d'urgence. C'est incroyablement important, comme vous l'avez dit. La personne qui demande une protection n'a pas à occuper le foyer familial au moment où elle présente la demande, et ça aussi, c'est important.
Un agent de la paix ou quelqu'un d'autre sera en mesure de faire la demande au nom de la personne qui demande une protection — ce qui est aussi très important —, et ce, bien sûr, avec son consentement. La demande peut aussi être présentée sans le consentement de cette personne, avec la permission du juge ou du juge de paix. Encore là, ceux d'entre vous qui interviennent en prévention de la violence faite aux femmes savent pourquoi c'est aussi très important.
La demande pourra être faite ex parte, c'est à dire dans le cadre d'une procédure qui ne touche que la personne demandant protection, sans que l'époux, l'épouse, le conjoint ou la conjointe de fait soit représenté ou avisé. Encore là, c'est très important pour une femme qui vit des problèmes de violence familiale.
Si le juge désigné est convaincu qu'il y a eu violence familiale et que la victime court des risques et a besoin de protection, il ou elle pourra émettre une ordonnance excluant l'autre époux, épouse, conjoint ou conjointe de fait du foyer familial pour une période ne dépassant pas 90 jours, et comportant d'autres mesures que le juge estime nécessaires pour la protection immédiate de la victime ou de la propriété qui risque de subir des dommages.
Encore là, partout ailleurs au pays, ce sont des mesures habituelles en cas de violence familiale, alors que ce n'est pas le cas dans les réserves.
Avant d'émettre l'ordonnance, le juge désigné devra examiner les détails et les circonstances entourant la violence familiale, y compris, par exemple, l'histoire et la nature de la violence, ainsi que l'intérêt supérieur des enfants.
Un agent de la paix pourra signifier l'ordonnance à toute personne qui y est nommée. La personne en question sera liée par l'ordonnance dès qu'elle lui est délivrée. L'agent de la paix fera également savoir à la partie demanderesse que l'ordonnance a été délivrée à l'époux, l'épouse, le conjoint ou la conjointe de fait. L'ordonnance pourrait, par exemple, exiger de l'agent de la paix qu'il fasse sortir du foyer familial l'époux, l'épouse, le conjoint ou la conjointe de fait.
L'ordonnance de protection d'urgence est souvent la première étape d'une séparation et peut donc être suivie d'une demande d'occupation exclusive des lieux et d'une évaluation.
Entre autres difficultés que subissent les femmes qui s'enfuient d'un foyer où sévit la violence, elles doivent souvent partir sans autre chose que les vêtements qu'elles portent pour se rendre dans un refuge et se retrouvent sans logement à long terme.
Le projet de loi S-2 garantira aux femmes qui demandent d'être protégées d'un conjoint violent qu'elles ne souffriront pas encore une fois parce qu'elles doivent s'enfuir au village le plus près, ou à des kilomètres de chez elles.
De toute évidence, vous savez ce que je pense des ordonnances de protection d'urgence. Avec chaque jour qui passe sans cette loi, ces femmes sont moins protégées.
Merci beaucoup.
En 2006, le ministre Prentice, qui comprenait, je pense, la complexité de ce problème, avait confié à Wendy Grant-John la responsabilité de mener l'étude. Dans son rapport, elle recommandait une loi fédérale distincte, mais dans son rapport final, elle a dit:
La viabilité et l'efficacité du cadre législatif, quel qu'il soit, dépendront aussi de la disponibilité des ressources financières nécessaires à la mise en oeuvre de mesures non législatives... Sans ces mesures de soutien du gouvernement fédéral, les protections en matière de biens immobiliers matrimoniaux demeureront tout simplement inaccessibles à la grande majorité des peuples des Premières nations.
Je pense, comme ma collègue l'a dit et comme les gens de ce côté-ci le pensent, que le vide juridique doit être comblé sans faire ce que le représentant ministériel a recommandé. Je me rappelle qu'au moment du dépôt de ce rapport, on a, à l'échelle du pays, servi haut et fort une mise en garde contre la tentation de choisir parmi les recommandations du rapport. Il fallait tout faire, et pas seulement choisir quelques mesures.
Je vous pose donc ma première question. Étant donné qu'il semble bien que Wendy Grant-John ait été malheureusement muselée, allez-vous lui permettre de comparaître devant le comité?
J'invoque le Règlement. Je ne pense pas qu'un membre de l'opposition puisse demander à un témoin s'il va permettre à quelqu'un de comparaître devant le comité. C'est le comité qui en décide.
Il faudrait bien comprendre le problème. Je ne me suis peut-être pas bien expliquée.
Wendy Grant-John ne peut parler publiquement sans la permission du ministre. Aura-t-elle la permission de venir témoigner devant le comité?
Je serai très candide: je ne suis pas au fait du statut de Mme Wendy Grant-John. Je n'ai pas le privilège de la connaître, mais je pourrais me pencher là-dessus.
C'est très bien.
En 2006, le ministère a commandé le rapport Johnson, qui devait porter sur la méthode de financement des centres d'hébergement dans les réserves. Il était question de hisser les centres d'hébergement des réserves au niveau de ceux du reste du Canada. Malheureusement, selon un rapport commandé par l'Alberta Council of Women's Shelters, les six centres d'hébergement de l'Alberta qui étaient situés dans des réserves étaient sous-financés, et il manquait environ 2,2 millions de dollars, en 2010-2011.
Je souhaite un engagement de la part du ministre. Pouvez-vous faire en sorte que les centres d'hébergement des réserves soient au moins à la hauteur des autres centres d'hébergement?
Je ne me suis pas préparé à discuter des centres d'hébergement, aujourd'hui.
Je peux noter votre question et vous donner une réponse plus tard, madame Bennett.
Comme vous le savez, la raison pour laquelle nous refusons d'appuyer ce projet de loi, c'est que les femmes autochtones de partout au Canada estiment qu'il ne réglera pas le problème à lui seul. Il faut toute la gamme des initiatives pour que nous donnions notre appui.
Monsieur le ministre, vous avez dit que les gens ne jouissent pas des mêmes droits, mais ce que les femmes autochtones nous disent, partout au Canada, c'est qu'elles ne peuvent se prévaloir des droits qui seraient prévus dans cette loi.
Cela signifie que, si vous faites passer ça au provincial et qu'il n'y a pas, au sein des Premières Nations, la capacité de recourir à un mode alternatif de résolution des conflits — de garder les femmes dans la réserve, là où elles préfèrent être — et, encore là, de leur donner la capacité, Première Nation par Première Nation, elles ne seront pas en mesure d'accéder aux cours provinciales. Elles n'auront pas accès aux compétences qu'il faut pour traiter ces questions juridiques et culturelles uniques, dans les Premières Nations.
Je vais vous répondre en trois volets.
Premièrement, comme vous le savez, il y aura un centre d'excellence, créé pour ne faire que cela — s'occuper de la capacité et donner...
Une fois que la loi aura reçu la sanction royale.
Quand ce sera fait, nous créerons ce centre d'excellence qui...
... aidera les collectivités, les Premières Nations, à adopter les lois.
Pour en revenir à votre autre argument sur l'accès, permettez-moi de parler de cette question sous l'angle de l'aide juridique. Lorsque la première loi sur les biens matrimoniaux a été adoptée, j'étais membre du barreau du Nouveau-Brunswick. Nous avions entendu le même argument de la part de plusieurs hommes, qui s'opposaient au projet de loi parce que de nombreuses femmes n'auraient pas les ressources juridiques ou financières pour accéder aux avantages prévus par cette loi. Si l'on examine la situation dans toutes les provinces, et pas seulement au Nouveau-Brunswick, on constate que tous les couples mariés, et surtout les femmes, en ont largement profité, même s'ils n'avaient pas les ressources financières pour engager des avocats grassement payés. Je ne partage donc pas votre avis à ce sujet.
Je trouve intéressant que vous ayez exprimé votre opposition au projet de loi. Je ne veux pas m'engager dans une discussion politique, mais le deuxième jour de sa nomination, votre nouveau chef avait pris la parole à la Chambre pour parler de la Charte des droits et libertés, et voilà qu'il demande aux députés de son parti de voter contre le projet de loi. C'est, à mon avis, un peu fort.
Je ne rejette pas les préoccupations que vous avez soulevées à propos de questions parallèles qui influent sur ce dossier, mais la question fondamentale est l'égalité des droits pour les femmes et les enfants dans les réserves.
[Français]
J'accepte mon rôle comme porte-parole.
[Traduction]
Monsieur le ministre, je parle au nom des femmes autochtones partout au pays. Elles n'ont pas l'impression que ce projet de loi les protège si on ne règle pas les autres questions.
Alors, vous pourriez peut-être répondre à une question toute simple. Qu'en est-il du risque de créer des intérêts illimités pour des non-Autochtones vivant dans les réserves?
Le projet de loi répond à cette préoccupation. Comme vous le savez, le projet de loi permet aux conseils des Premières Nations d'intervenir dans les processus judiciaires en vue de prendre ces décisions. Il s'agit de questions qui sont prévues dans le projet de loi et dont la cour tiendra compte, justement pour éviter le problème que vous avez soulevé.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Madame la ministre Ambrose et monsieur le ministre Valcourt, je vous remercie de participer à l'examen fait par notre comité du projet de loi S-2. C'est un projet de loi très important.
[Traduction]
Monsieur le ministre, je partage votre incrédulité incommensurable à l'égard du fait que ce vide juridique existe depuis 25 ans. Si le mari de ma collègue est incrédule, je ne puis même pas décrire le choc qu'a éprouvé ma fille de 15 ans lorsqu'elle a appris que c'est la loi en vigueur au Canada. Alors, je suis ravie que vous nous aidiez tous à changer cette situation.
Cette mesure législative est assez particulière puisqu'elle établit des liens avec les lois provinciales et territoriales; elle doit tenir compte des lois des Premières Nations et de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations. Bien entendu, certaines Premières Nations ont pris des mesures proactives pour remédier à cette situation dans leur collectivité, mais la vaste majorité d'entre elles ne sont pas protégées. Il y a encore un vide juridique.
J'ai quelques questions à poser aux deux ministres.
Tout d'abord, j'aimerais obtenir un peu plus de précisions quant à la façon dont le projet de loi S-2 permet aux Premières Nations d'adopter leurs propres lois en ce qui concerne les droits relatifs aux biens matrimoniaux dans les réserves. Je voudrais ajouter que, contrairement à ce qu'a affirmé la députée libérale, je ne crois pas que les centres d'hébergement soient préférables, et je le dis en tant que mère. Selon moi, en cas de rupture conjugale ou familiale, il est toujours préférable que l'enfant reste avec l'un ou l'autre des parents.
Ensuite, pourriez-vous décrire comment le projet de loi s'applique aux Premières Nations, notamment à celles qui adhèrent déjà au régime de gestion des terres des Premières Nations et à celles qui sont parvenues à l'autonomie gouvernementale?
Brièvement, vous avez souligné à juste titre que certaines Premières Nations seront soustraites à l'application de cette mesure législative. En effet, celles qui ont conclu des ententes sur l'autonomie gouvernementale ont déjà le pouvoir d'adopter des lois concernant les biens immobiliers matrimoniaux. Nous avons examiné ces lois, et il s'avère qu'elles fonctionnent parfaitement bien. Elles sont conformes aux droits dont jouissent d'autres femmes et d'autres couples au Canada en cas de séparation ou de décès.
Quant à la capacité des Premières Nations d'adopter ces lois, le projet de loi comporte des dispositions claires à ce sujet. Cependant, ce que je trouve plus important, c'est que les dispositions sont adaptées à la réalité culturelle. Nous savons que les Premières Nations ont différentes coutumes, différentes traditions culturelles qui se manifestent au quotidien. Aux termes du projet de loi, elles auront le pouvoir de proposer aux membres de leur collectivité une loi qui respecte leurs coutumes, leur culture. C'est, selon nous, un des aspects importants du projet de loi.
Je partage les inquiétudes exprimées par les membres de l'opposition, et certains membres de notre caucus m'ont également fait part des préoccupations liées au délai dont disposent les Premières Nations pour adopter leurs propres lois. C'est là que le centre d'excellence entre en jeu. À notre avis, le centre pourra être d'un grand secours pour aider les Premières Nations à élaborer ces lois, afin qu'elles puissent les appliquer dès la date qu'elles auront fixée.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
J'aimerais tout simplement insister sur l'urgence de mettre en oeuvre des ordonnances de protection familiale et de régler tout problème découlant d'un vide juridique en matière de violence contre les femmes et les filles dans les réserves. Je l'ai répété à maintes reprises, mais toutes les autres femmes canadiennes, c'est-à-dire celles qui ne vivent pas dans des réserves, ont accès à une protection juridique, ce qui n'est pas le cas des femmes et des filles autochtones qui vivent dans des réserves. Quand nous examinons les statistiques relatives à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, il est très inquiétant de voir qu'elles ne jouissent pas de mesures de protection. Ce qui compte, c'est la prévention, l'intervention et la poursuite devant les tribunaux. C'est ainsi que nous mettrons fin à la violence faite aux femmes; pourtant, à l'heure actuelle, ces mesures font défaut dans les réserves. J'exhorte donc tous les partis non seulement à étudier le projet de loi, mais aussi à l'adopter le plus vite possible.
Merci, madame la présidente.
Nous sommes heureux que les ministres soient des nôtres pour parler d'une question aussi importante. À mon avis, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est plus que temps de régler les questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux. Là où nous divergeons d'opinion, c'est quant à la méthodologie.
J'aimerais tout simplement ajouter une observation à ce que la ministre a dit au sujet du témoignage de Michèle Audette, de l'Association des femmes autochtones du Canada.
Voici ce que Mme Audette avait dit lors de son témoignage au Sénat:
Encore une fois, tout ce que notre soeur ici présente a vécu, oui, c'est un baume, mais si nos communautés n'ont pas les ressources financières, humaines et matérielles, cela va être un échec. Quand on reste loin des centres urbains et qu'on attend longtemps avant d’avoir une sentence, une décision ou une protection, on va juste lâcher prise et dire: « Ça me donne quoi de porter plainte ou de dénoncer? »
Alors, je tiens à ce qu'il soit clair que Mme Audette n'a pas donné un appui sans réserve au projet de loi. Elle a soulevé de graves préoccupations quant à la capacité des collectivités des Premières Nations de mettre en oeuvre le projet de loi.
Je sais que vous connaissez bien ce processus; je vous serais donc reconnaissante de bien vouloir répondre par oui ou un non à ma prochaine question. L'un ou l'autre de vos ministères a-t-il mené une analyse aux termes de l'article 35 de la Constitution, pour déterminer si le projet de loi est susceptible de porter atteinte aux droits et aux titres autochtones? Un simple oui ou non suffirait.
Madame la ministre, est-ce que Condition féminine a mené une telle analyse?
Volontiers. Chaque mesure législative qui est présentée au Parlement du Canada est assujettie à une évaluation aux termes de l'article 35.
Très bien. Pourriez-vous nous faire parvenir ce document pour que nous puissions examiner l'analyse menée aux termes de l'article 35?
Examinons le rapport de la représentante ministérielle sur les questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux, publié en 2007 — et cela rejoint un peu les préoccupations soulevées par Mme Audette relativement à la différence en matière de ressources. Voici ce qu'elle dit à la page 75 de son rapport:
Si on fait appel aux gouvernements des Premières nations pour fournir des droits et des recours comparables à ceux qui sont disponibles en vertu des lois provinciales et territoriales, tout en tenant compte de la nature distincte du régime foncier dans les collectivités des Premières nations, l’étendue des compétences reconnues, des ressources et du renforcement des capacités et des institutions doit être la même. Si cela n'est pas le cas, les Premières nations pourraient se retrouver dans une impasse, car elles seraient tenues d'offrir les mêmes normes que les gouvernements provinciaux sans avoir à leur disposition les mêmes ressources ni les mêmes capacités pour exécuter leur mandat.
L'un ou l'autre de vos ministères a-t-il effectué une analyse des écarts entre ce qui est mis à la disposition des Premières Nations dans les réserves et ce qui serait disponible en matière d'aide juridique, d'accès à la police et de capacité d'application des lois? Avez-vous analysé le projet de loi sous cet angle?
Le ministère s'est certainement penché sur cette question et, bien sûr, nous évaluons toujours la capacité. Certaines collectivités n'ont pas de problème de capacité, alors que d'autres en ont. C'est pourquoi nous sommes convaincus que le centre d'excellence sera un outil utile pour aider à régler...
Le centre d'excellence, nous en sommes convaincus, sera en mesure d'aider les collectivités qui ont plus de mal à mettre en oeuvre ce genre de mesures législatives. Toutefois, il ne faut pas oublier que si une Première Nation n'a pas cette capacité, les règles fédérales s'appliqueront. Au bout du compte, les femmes, les enfants, les couples qui vivent dans les réserves recevront la même protection que d'autres Canadiens.
Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais la question n'était pas de savoir si les Premières Nations ont besoin de soutien pour élaborer des codes coutumiers. Ma question consistait à savoir si votre ministère a mené une analyse pour déterminer si les Premières Nations auront la capacité d'appliquer le projet de loi S-2, une fois qu'il sera adopté, et si elles auront la capacité de fournir un soutien aux maisons d'accueil. Nous savons que, bien souvent, lorsqu'il y a un différend entre des conjoints, ils font face à une question difficile, celle de savoir s'ils auront accès à de l'aide juridique.
Voilà donc les questions que je vous ai posées; je ne cherchais pas à savoir si les Premières Nations ont la capacité d'appuyer l'élaboration de codes coutumiers.
Écoutez, je vais admettre en toute franchise que je ne suis pas en mesure de répondre à cette question parce que j'occupe ce poste depuis peu. Je fais de mon mieux, mais je m'engage à répondre à la question par écrit, si cela vous convient.
Merci, madame la présidente.
Je remercie les ministres d'être des nôtres aujourd'hui pour parler de ce projet de loi de grande importance.
Nous avons beaucoup parlé de consultation aujourd'hui.
À vrai dire, j'aimerais obtenir des réponses plus étoffées, monsieur Valcourt, ne vous en déplaise, parce que je pense que les Canadiens doivent savoir qu'il y a eu une consultation en bonne et due forme. Pouvez-vous nous parler du processus de consultation et de la façon dont le projet de loi S-2 a été modifié pour tenir compte des renseignements recueillis dans le cadre de ce processus?
Au risque de me répéter, le projet de loi donne suite aux appels à l'action lancés au cours des 25 dernières années par des femmes autochtones, des organismes internationaux comme Amnistie internationale et des comités parlementaires. De plus, comme je l'ai dit, l'Assemblée législative du Manitoba nous a exhortés à adopter cette mesure législative.
Encore une fois, cette situation existe, du moins sous notre gouverne, depuis 2006. Comme la ministre Ambrose l'a indiqué, il s'agit de la quatrième tentative pour faire adopter un projet de loi qui viendrait combler cette lacune. En 2006, nous avons lancé un vaste processus de consultation dans le cadre duquel nous avons mené — je le répète — plus d'une centaine de réunions dans 76 emplacements partout au Canada. C'est ce qui nous a aidés à en arriver au projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Très bien.
Pourriez-vous en dire plus sur les modifications qui ont été apportées à la suite de ces consultations?
Oui, et vous soulevez là un point important, parce que le projet de loi a bel et bien été amélioré à la suite de ces consultations.
Par exemple, certains de vous se souviennent peut-être du processus de vérification qui était prévu dans le projet de loi initial. On l'a supprimé. Le conseil d'une Première Nation est maintenant chargé de rendre compte, par écrit, du résultat de la consultation communautaire au ministre, si la loi de la Première Nation est approuvée. En supprimant le processus de vérification, on élimine la confusion et le malentendu quant au rôle de l'agent de vérification et on répond aux préoccupations exprimées par les Premières Nations et les groupes autochtones selon lesquels ce processus était paternaliste.
Le deuxième changement est la réduction du seuil de ratification. Une double majorité était requise pour l'adoption des lois des Premières Nations, c'est-à-dire que la majorité des électeurs admissibles devaient participer, et la majorité d'entre eux — ou 50 % plus un — devaient voter en faveur de la loi. On a abaissé ce seuil. Il ne faut maintenant qu'une majorité simple, avec une participation d'au moins 25 % des électeurs admissibles.
Le troisième changement est l'ajout d'une période de transition. Avant cette modification, la mesure législative entrait en vigueur dès l'obtention de la sanction royale. On a ajouté une période de transition de 12 mois avant l'entrée en vigueur des règles provisoires fédérales. Le gouvernement a reconnu que certaines Premières Nations disposent d'un processus d'élaboration de lois très avancé et que la période de transition leur donne le temps de promulguer leurs lois aux termes de l'actuel projet de loi, avant que les règles fédérales provisoires n'entrent en vigueur. Les Premières Nations, comme je l'ai dit tout à l'heure, ne sont pas tenues d'attendre 12 mois avant de promulguer des lois propres à leurs collectivités, mais leurs lois commenceront à s'appliquer à la date d'entrée en vigueur des règles fédérales.
Merci.
Quand vous avez parlé, dans votre déclaration préliminaire, de votre incrédulité à l'égard du fait que certains s'opposent au projet de loi — et Mme Bateman en a également fait mention —, j'ai l'impression que vous faisiez allusion à certaines des faussetés ou à certains des mythes qui circulent au sujet de l'objet visé par le projet de loi. Pourriez-vous clarifier la participation de la représentante ministérielle? Parce que certains disent que les suggestions dont elle a fait part n'ont pas été intégrées au projet de loi.
Quand je parle de mon incrédulité et de ma consternation...
[Français]
On a une expression en français. Je ne sais pas comment nos interprètes voudront la rendre, mais l'expression française dit qu'on essaie de noyer le poisson.
[Traduction]
Vous essayez de noyer le poisson ou d'esquiver la question. Je ne dis pas que ces autres questions ne sont pas importantes.
En fait, je vais partager mon temps avec ma collègue, Mme Day.
J'ai remarqué qu'on a mentionné ma province, le Manitoba, à maintes reprises, et j'aurais voulu qu'on démontre autant d'admiration et, surtout, autant d'engagement envers les Premières Nations du Manitoba.
Je voudrais lire, aux fins du compte rendu, le premier paragraphe d'un discours donné par le procureur général du Manitoba. Voici ce qu'il dit:
Nous sommes donc préoccupés par le processus, par certaines dispositions et, surtout, par les mesures de soutien destinées à faire fonctionner le projet de loi S-2. Or, nous voulons combler une lacune législative. Réclamons des améliorations au projet de loi S-2. Faisons-le aujourd'hui, monsieur le président.
Merci beaucoup.
J'ai certainement eu l'occasion de parler avec des collègues qui ont dit appuyer en principe le projet de loi, mais qui ont fait état de leurs inquiétudes à l'égard de diverses dispositions, notamment les types de mesures de soutien que les provinces devraient présenter, si le projet de loi était mis en oeuvre.
Voici ma question — et encore une fois, il serait préférable d'y répondre par oui ou non: a-t-on consulté chacune des provinces?
En réponse à la question, j'aimerais lire un extrait d'un document qui a été envoyé au ministre par mon bon ami, l'honorable Eric Robinson, le ministre des Affaires autochtones et du Nord du Manitoba. Voici qu'on peut lire:
QU'IL SOIT PAR CONSÉQUENT RÉSOLU que l'Assemblée législative du Manitoba exhorte le gouvernement fédéral à adopter le projet de loi S-2, Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux.
[...]
QU'IL SOIT PAR CONSÉQUENT RÉSOLU qu'une copie de cette résolution soit envoyée par le Président au ministre fédéral des Affaires autochtones et du développement du Nord.
Rien dans l'appel lancé par l'Assemblée législative du Manitoba ne fait état d'une réserve quant à l'adoption du projet de loi S-2.
C'était un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le chef du Parti progressiste-conservateur; donc, en réalité, le libellé de la résolution était celui du Parti progressiste-conservateur du Manitoba.
Mais ma question, à laquelle vous n'avez pas répondu, était de savoir si on avait consulté chacune des 10 provinces.
On a consulté les provinces, et elles ont pu donner leur avis sur la version provisoire du projet de loi au moment de son élaboration.
Évidemment, ce point me paraît crucial, en raison de l'impact du projet de loi sur les provinces. Y a-t-il eu une analyse des coûts que devront assumer les systèmes judiciaires provinciaux?
Je pourrais probablement vous fournir le coût de la violence faite aux femmes des Premières Nations, et c'est l'une des raisons pour lesquelles le projet de loi doit aller de l'avant.
En fait, ma question portait sur les coûts juridiques.
Madame la ministre, je comprends qu'on se répète comme un vieux disque qui saute, mais la réalité est que les gens...
Une voix: Ce n'est pas le cas.
Mme Niki Ashton: Je suis désolée. C'est mon temps de parole et c'est à mon tour de parler du fait...
Excusez-moi, madame la présidente, mais je m'en tiens à la question. L'argument que je veux faire valoir et qui doit être consigné au compte rendu, c'est que si les systèmes judiciaires n'ont pas les ressources nécessaires, que ce soit en matière d'aide juridique ou de capacité des tribunaux d'accéder aux collectivités éloignées, il n'y aura pas d'accès à la justice. C'est, à mon avis, un point que nous n'avons clairement pas soulevé au comité.
Ma dernière question est la suivante: seriez-vous disposé à ce qu'on apporte des amendements au projet de loi S-2?
Vous savez, le projet de loi a été amendé à plusieurs reprises. Le comité est maître de ses travaux, alors il ne m'incombe pas de dire si le comité serait favorable ou non à des amendements.
Écoutez, je suis quelqu'un de pragmatique. Si des amendements peuvent bonifier le projet de loi sans nuire à sa mise en oeuvre ou à ses principes, nous les examinerons. Cela dit, je pense qu'il peut être adopté dans sa forme actuelle après toutes ces années pendant lesquelles un grand nombre de personnes et de groupes l'ont étudié, en ont discuté et en ont débattu. Mais qui suis-je pour dire que vous ne pouvez pas proposer un bel amendement qui réglera tous les problèmes du monde? Cependant, l'aide juridique n'entre pas dans le champ d'application du projet de loi.
Vous savez, nous parlons de droits fondamentaux, et je ne vois pas ce qui devrait être ajouté.
Merci beaucoup, madame la présidente, et merci beaucoup aux deux ministres d'être venus témoigner. J'aimerais vous féliciter pour ce projet de loi dont nous avons grandement besoin et que nous attendons depuis très longtemps.
Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous croyons qu'il est tout à fait inacceptable que les femmes autochtones ne soient pas les égales des autres femmes du pays, et je pense qu'il est important de faire valoir cette cause. Je trouve particulièrement choquant que les femmes en face de nous, du NPD et du Parti libéral, retardent une étape très importante pour les droits des femmes autochtones.
J'ai une expérience particulière dans ce domaine, car ma mère a ouvert un des premiers refuges pour femmes en Alberta, et la grande majorité de celles qui se retrouvaient sans ressources ni logement à la suite de violence conjugale était autochtone. Il est scandaleux au point où nous en sommes, après 25 années, 8 millions de dollars de dépenses et la consultation de 103 collectivités, de retarder l'adoption du projet de loi pour des questions de méthodologie et parce que vous dites vouloir consulter chaque réserve du pays.
J'aimerais que la ministre, et toute personne qui peut le faire correctement, réponde à ce qui suit. L'une des choses les plus importantes que nous avons entendues aujourd'hui est que les ordonnances de protection d'urgence sauvent des vies. Je crois qu'il s'agit bien de vies. Un voyage de mille lieues commence par un pas. À mon avis, le projet de loi constitue un très bon pas en avant, mais nous devons tirer les choses au clair. J'aimerais savoir de quelle façon il sauvera des vies.
Ce que vous venez de dire à propos des refuges est intéressant parce que certains témoins qui ont étudié le projet de loi S-2 se sont entre autres penchés sur cette question, notamment Jojo Marie Sutherland, du Centre de transition pour femmes autochtones. Elle a comparu en janvier 2011 et a dit:
Dans les années 1970, la violence familiale était un phénomène quotidien. Une fois mariées, les femmes devaient rester avec leur conjoint. La bande nous donne un logement, mais ce dernier appartient à l'homme et non à la femme. Si cette dernière veut partir, elle doit laisser la maison derrière elle. C'est ce qui m'est arrivé.
Elle parle des problèmes réels et concrets auxquels sont confrontées les femmes dont le conjoint détient le titre de propriété, comme c'est généralement le cas. On ne peut qu'imaginer leur situation alors que leur conjoint peut vendre la maison familiale sans leur consentement et garder tout l'argent ou bien leur en interdire l'accès, et alors qu'aucun juge ne peut délivrer une ordonnance de protection d'urgence pour le forcer à quitter la résidence en cas de violence conjugale.
Il est bel et bien question de rendre justice aux femmes et aux enfants qui n'ont droit à aucune protection dans ce genre de situation, qu'il s'agisse d'un cas de violence familiale ou d'une dissolution de mariage. Sans les mesures législatives proposées, les femmes autochtones des réserves ne peuvent pas s'adresser aux tribunaux pour demander l'occupation exclusive temporaire du foyer familial ou une ordonnance de protection d'urgence pendant qu'elles vivent dans leur domicile familial.
Le projet de loi ne propose rien de nouveau ou de différent. Il vise plutôt à donner à ces femmes les mêmes droits et protections juridiques dont bénéficient déjà toutes les autres femmes du pays.
La législation actuelle n'offre aucune certitude légale en ce qui concerne la dissolution du mariage, mais, bien entendu, le projet de loi S-2 permettra aux résidents des réserves de demander aux tribunaux de négocier le partage de leurs biens immobiliers matrimoniaux.
Nous savons que les femmes autochtones vivent souvent dans des régions éloignées et que leur accès aux tribunaux et aux moyens de transport est limité. Il est donc important d'agir rapidement pour que soient exécutées sans tarder les ordonnances de protection d'urgence.
Le projet de loi propose quelque chose d'unique. Il permet de délivrer une ordonnance de protection d'urgence par téléphone ou par courriel quand la distance est trop importante. Un agent de la paix ou toute autre personne compétente peut procéder ainsi pour le compte d'une épouse ou d'une conjointe de fait qui habite dans une région éloignée. Dans les cas d'abus ou de violence où il est souvent dangereux de demander la protection de la police ou de faire connaître son intention de rompre une relation, une victime peut ainsi éviter de faire face à son conjoint violent et de se retrouver dans une situation encore plus dangereuse. C'est une autre mesure très importante pour la protection des femmes. Le ministre Valcourt vous donnera peut-être davantage de détails à ce sujet.
Le projet de loi S-2 prévoit également la création d'un centre d'excellence, auquel M. Valcourt a fait allusion à quelques reprises. Je sais qu'il faut du soutien pour mettre en place des mesures législatives là où la capacité est limitée. C'est pourquoi notre ministère et celui de M. Valcourt s'engagent tous les deux à appuyer les femmes et les collectivités qui ont besoin de renforcer cette capacité. Après tout, ce qui compte, c'est d'aller de l'avant.
J'aimerais remercier encore une fois les ministres d'être venus nous donner un aperçu aussi détaillé du projet de loi S-2.
Quand j'étais jeune Autochtone, j'ai travaillé comme intervenante auprès des familles dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, et j'ai vu quelle était la situation sans le projet de loi S-2. Des femmes et des enfants se retrouvaient fréquemment dans la rue parce qu'ils ne pouvaient pas rester dans leur résidence familiale. Je pense donc moi aussi que c'est un projet de loi très important et que c'est le moment de l'adopter. On a dit aujourd'hui qu'il sauvera des vies, et je pense en effet qu'il créera des milieux sécuritaires pour les femmes et les enfants en plus de donner des droits égaux à ces femmes.
Je veux poser des questions à M. Valcourt au sujet du centre d'excellence, parce que dans mon milieu de travail à Vancouver, ainsi qu'au cours des nombreuses années où j'ai travaillé à l'élaboration de politiques et de programmes pour différents ordres de gouvernement, nous avons compris que le renforcement des capacités est vraiment très important.
J'ai donc été frappée par l'ajout du centre d'excellence, qui est selon moi une idée brillante. Ce n'est pas une formule toute faite, et le centre est là pour aider les diverses collectivités et les Premières Nations à adopter leurs propres lois. Si j'ai bien compris, les règles fédérales s'appliqueront si cela ne se produit pas dans un délai donné.
J'aimerais donc demander au ministre comment le centre d'excellence informera et éduquera par rapport aux droits les diverses collectivités du Canada, comment seront fournis les liens et offerts le soutien et l'expertise en matière de programmes, c'est d'ailleurs de cela dont parlent les membres de l'opposition, comment les spécialistes y auront accès, et comment les femmes et les enfants qui ont tant besoin du projet de loi S-2 pourront accéder aux services du programme.
Merci.
Merci.
J'aimerais tirer une chose au clair à propos d'une question précédente concernant l'aide juridique. Comme vous le savez, l'aide juridique est actuellement offerte dans toutes les provinces, et des transferts fédéraux soutiennent les systèmes en place. Par exemple, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, les services aux familles sont offerts à toutes les femmes sans discrimination, et ils sont les mêmes qu'elles vivent ou non dans une réserve. Le seul problème est qu'elles n'y ont pas de droits.
Pour revenir à votre question, le centre d'excellence sera, espérons-le, à proximité d'un établissement ou d'un organisme national existant des Premières Nations. Il ne dépendra pas du gouvernement du Canada ni des Premières Nations qui recourront à ses services. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il les aidera à élaborer leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux, à mettre en oeuvre les règles fédérales provisoires et à créer d'autres mécanismes de règlement des différends.
Je demande aux membres du comité de ne pas sous-estimer le génie des Premières Nations du Canada. Tout le monde suppose que le travail sera fait par des avocats coûteux, mais de nombreuses Premières Nations ont des conseils des aînés qui peuvent résoudre beaucoup de ces problèmes, dans la mesure où nous leur donnons le droit de le faire. Ne sous-estimez donc pas le potentiel et le génie des Premières Nations du Canada.
Le plan de mise en oeuvre de ces mesures législatives fera appel à mon ministère, à la Gendarmerie royale du Canada et à Sécurité publique Canada. En plus de la création du centre d'excellence, nous lancerons une campagne d'éducation et de sensibilisation du public. Nous offrirons également de la formation et de l'éducation aux principaux intervenants des provinces, y compris des agents de police qui travaillent dans les réserves et des juges des cours supérieures provinciales. Nous n'allons pas simplement adopter le projet de loi pour ensuite nous en laver les mains de manière irresponsable; nous avons un plan de mise en oeuvre pour garantir que les femmes, les épouses et les couples autochtones dans les réserves jouissent enfin des mêmes droits qu'un trop grand nombre d'entre nous tiennent pour acquis.
Alors, je vais en profiter pour dire que le centre d'excellence m'apparaît comme un moyen flexible d'orienter le projet de loi S-2 et de l'appliquer dans les diverses collectivités pour donner aux femmes et aux enfants qui y vivent les droits dont nous avons discuté.
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