Nous allons débuter la 74e séance du Comité permanent de la condition féminine.
Avant de commencer, je veux vérifier si les membres du comité sont d'accord pour prolonger la réunion de 15 minutes, soit jusqu'à 13 h 15, et répartir le temps moitié-moitié entre les deux panels que nous recevons aujourd'hui.
Je constate que j'ai le consentement unanime. Merci beaucoup.
Je me tourne donc vers nos premiers témoins. Je tiens d'abord à m'excuser, de la part du comité, de vous avoir fait attendre. La réalité de la Chambre étant ce qu'elle est, nous avons été retenus à cause des votes. Nous allons donc changer un peu notre horaire et accorder 45 minutes à ce panel qui comparaît devant nous.
Nous accueillons l'Assemblée des Premières nations, représentée par Mme Jody Wilson-Raybould, qui est chef régionale pour la Colombie-britannique, et Mme Karen Campbell, qui est directrice de la recherche et de la coordination des politiques. Nous recevons également le Conseil consultatif des terres des Premières Nations, représenté par M. Robert Louie, qui est président chef de la Première Nation Westbank, M. Austin Bear, qui est directeur de la Région des Prairies et président du First Nations Resource Centre, et Mme Leah Georges-Wilson, qui est directrice pour la Colombie Britannique et coprésidente du Sommet des Premières Nations de la Colombie Britannique.
Je vous remercie d'être parmi nous. Chaque groupe va disposer d'un maximum de 10 minutes pour sa présentation. Nous passerons ensuite à la période de questions.
Je cède donc la parole à Mme Wilson-Raybould, de l'Assemblée des Premières Nations.
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Gilakasla. Bonjour, membres du comité. Merci de m'avoir invitée ici.
Je m'appelle Jody Wilson-Raybould. Je suis la chef régionale de la Colombie-Britannique. Je comparais aujourd'hui avec Karen Campbell, de l'Assemblée des Premières Nations, en tant que titulaire du portefeuille de la gouvernance des premières nations.
Je voudrais aussi mentionner le chef Louie et mes collègues du Conseil consultatif des terres des Premières Nations qui sont également présents.
Permettez-moi d'aborder le projet de loi .
L'intention du Canada de légiférer dans le domaine des biens immobiliers matrimoniaux n'a évidemment rien de nouveau. J'ai témoigné à deux reprises devant le comité des droits de la personne du Sénat, une fois au sujet du projet de loi et maintenant au sujet du projet de loi . Le projet de loi S-2 contient des changements positifs par rapport à ses versions antérieures, mais les principales objections que j'ai déjà émises restent valides.
Avant de discuter de ces préoccupations avec le comité, je dirais d'abord que le projet de loi ne devrait pas être décrit comme un projet de loi sur des enjeux concernant les femmes et ne devraient probablement pas être étudiée par votre comité, sans vouloir vous offenser. C'est parce que ces questions n'intéressent pas seulement les femmes. Elles concernent aussi mon mari, qui se trouve dans la salle et qui vit dans notre réserve.
On a également laissé entendre que certaines des personnes qui se sont prononcées contre le projet de loi ou qui sont derrière l'opposition contre cette mesure essaient de promouvoir un système qui est injuste et qui profite à certains aux dépens des autres. Il y a peut-être des gens qui sont satisfaits de la situation actuelle, mais ce n'est certainement pas mon cas ou celui des organisations ou des chefs que je représente. Nous savons tous que la Loi sur les Indiens contient une lacune juridique qu'il faut combler. Nous savons tous que de nombreux citoyens ou leurs conjoints peuvent être désavantagés lors d'un divorce, lorsque le conjoint décède ou lorsqu'ils veulent avoir accès au foyer familial.
Nos critiques à l'égard de l'approche adoptée par le gouvernement fédéral dans le projet de , comme dans d'autres projets de loi fédéraux, porte non pas sur le désir de résoudre le problème, mais sur le fait que le gouvernement juge acceptable de concevoir un modèle de gouvernance postcoloniale à notre place. Nos objections au sujet du projet de loi S-2 portent non pas sur la nécessité de combler une lacune dans la loi, mais sur la question de savoir qui doit combler cette lacune et avec quelles règles.
Le droit de la famille et du divorce, le droit testamentaire et successoral ainsi que le droit foncier sont généralement complexes. Lorsqu'ils s'appliquent dans les réserves et sont régis par la Loi sur les Indiens, ils le deviennent encore plus. Lorsqu'on les examine dans le contexte des traditions juridiques autochtones et des défis que la décolonisation représente pour nous, ces questions deviennent encore plus compliquées. Idéalement, les questions comme les droits et intérêts immobiliers matrimoniaux ne devraient pas être examinées isolément, mais plutôt globalement, dans le contexte des autres domaines du droit, au moment où nos nations sont en train d'entreprendre une réforme complète de la gouvernance et de s'éloigner de la Loi sur les Indiens.
Cela dit, je comprends que le gouvernement fédéral veuille faire quelque chose pour combler les lacunes à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux. Ce n'est pas sans risque, car le gouvernement marche sur la corde raide en légiférant dans des domaines que bien des gens, y compris les juristes et nos dirigeants, considèrent comme faisant partie du droit inhérent d'une nation à l'autonomie gouvernementale et qui sont protégés dans la Constitution du Canada. D'autre part, il le fait sans notre consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause tel que stipulé à l'article 19 de la déclaration des Nations Unies.
Par le passé, aussi bien intentionnée soit-elle, j'ai qualifié de néocoloniale l'approche législative actuelle du gouvernement. Je sais que d'autres ne voient pas les choses ainsi. Quand j'ai témoigné au sujet de ce projet de loi au comité sénatorial, un certain nombre de sénateurs semblaient être dans le doute, car d'une part ils voulaient combler la lacune, mais d'autre part, ils craignaient d'être paternalistes. La tâche n'est pas facile.
En ce qui nous concerne, depuis 2006, l'APN a coordonné un certain nombre de sessions de dialogue avec les citoyens des premières nations sur la façon d'aborder le partage des biens matrimoniaux. Trois grandes questions ont été soulevées : premièrement, la reconnaissance de la compétence des premières nations; deuxièmement, l'accès à la justice, au règlement des différends et à des recours, et troisièmement, le règlement de problèmes sous-jacents tels que la pénurie de logements et le manque d'accès à des refuges d'accueil temporaires. Ces questions ont été réitérées depuis dans des résolutions soumises par nos chefs à l'assemblée.
Pour ce qui est de la compétence, la promesse d'une reconnaissance et d'une réconciliation de nos droits faite au paragraphe 35(1) de la Constitution devrait exiger, pour offrir une certitude juridique, la reconnaissance explicite du droit inhérent des premières nations à l'autonomie gouvernementale dans le cadre de toute solution législative dans laquelle ces pouvoirs ne sont pas délégués. Cela devrait inclure la reconnaissance de la gamme complète des pouvoirs nécessaires pour régir efficacement les biens immobiliers matrimoniaux. Le projet de loi va partiellement dans cette direction en reconnaissant que les premières nations sont compétentes pour légiférer dans le domaine des biens immobiliers matrimoniaux. Néanmoins, le projet de loi n'est pas facultatif et tant que les premières nations n'exerceront par leur compétence, les règles provisoires conçues par le Canada s'appliqueront.
Une des principales différences entre le projet de loi et le projet de loi et ce que nous avons demandé est que les règles provisoires n'entreront pas en vigueur avant un an pour conférer à nos nations l'occasion d'établir nos propres lois avant que les règles provisoires ne s'appliquent. Nous avions demandé un délai plus long.
Si le projet de loi est adopté, nous avons l'intention de faire tout en notre pouvoir pour aider les nations qui voudront adopter leurs propres lois avant que les règles provisoires ne s'appliquent et si ce n'est pas d'ici là, le plus rapidement possible. Malheureusement, en l'absence d'options complètes d'autonomie gouvernementale, nos nations auront des difficultés semblables à celles que le Canada a eues pour établir les règles provisoires en essayant d'intégrer une loi sur les biens immobiliers matrimoniaux dans la Loi sur les Indiens. La difficulté sera notamment d'harmoniser le régime foncier que prévoit la Loi sur les Indiens avec les règles informelles, extrajuridiques à l'égard des intérêts coutumiers sur la terre qui existent en dehors de la Loi sur les Indiens, les difficultés que posent les testaments et les successions et d'essayer d'harmoniser la loi d'une nation avec le droit de la famille qui s'applique dans la province et qui peut intervenir en même temps.
Pour ce qui est de la reconnaissance de la compétence et de la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, nous allons continuer d'élaborer et de promouvoir nos propres solutions de gouvernance qui aident nos nations à sortir de la Loi sur les Indiens, au lieu de l'approche ponctuelle ou cloisonnée que le gouvernement suit actuellement. Nos nations qui ont adopté des lois au sujet des biens immobiliers matrimoniaux, l'ont fait dans le cadre d'un code foncier établi conformément à l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations ou en vertu des ententes d'autonomie gouvernementale qui permettent de tenir compte des divers aspects de la loi dans le contexte de l'autonomie gouvernementale.
Pour ce qui est du deuxième enjeu, l'accès à la justice, au règlement des différends et aux recours, il est certain qu'un grand nombre de nos citoyens auront de la difficulté à savoir quelles sont les règles provisoires, à demander une ordonnance et à faire appliquer cette ordonnance. Nous croyons qu'il sera plus coûteux d'avoir recours aux tribunaux dans le cadre du projet de loi que pour les personnes vivant hors de réserve. Étant donné que le niveau de revenu est nettement plus bas dans les réserves, de nombreux couples auront donc plus de difficulté à se prévaloir des nouveaux recours. Les systèmes d'aide juridique sont sous-financés de façon chronique dans l'ensemble du pays et comme ils ne répondent déjà pas aux besoins actuels, ils répondront encore moins à la demande future que créera l'adoption éventuelle de cette loi.
Les recours à l'égard des règles provisoires se fondent sur l'accès aux tribunaux de la province. La supposition générale concernant cet accès n'est malheureusement pas réaliste dans de nombreuses régions du pays. De plus, en ce qui concerne l'application de la loi, nos recherches préliminaires montrent une corrélation entre l'augmentation du harcèlement et de la menace de violence à l'endroit des femmes qui demandent une ordonnance de protection lorsque l'application de ces ordonnances est problématique. Nous doutons que ces ordonnances puissent être appliquées efficacement, surtout dans les communautés éloignées ayant un accès limité aux services de police. Une loi — toute loi — n'est bonne que dans la mesure où elle est applicable.
La difficulté que posent l'accès aux tribunaux, le règlement des différends et l'application en général, est un des facteurs qui ont incité les premières nations à établir leur propre système de justice. Il est important d'habiliter nos nations à faire ce travail elles-mêmes, d'autant plus qu'elles peuvent réussir à appliquer leurs propres lois. Le projet de loi est explicite quant au pouvoir des tribunaux provinciaux de juger les conflits à l'égard des règles provisoires, mais il n'est pas aussi clair en ce qui concerne l'accès à la justice pour les premières nations en vertu de leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux, tant en ce qui concerne l'étendue de leur compétence que la possibilité de recourir aux tribunaux provinciaux ou fédéraux pour faire appliquer leurs lois si elles le désirent.
Le projet de loi aurait été plus solide si on avait tenu compte de ces préoccupations, que nous avions soulevées. Il faudra s'attaquer à ce problème un jour ou l'autre. Lorsqu'on cherche à faire adopter cette loi en l'absence d'une approche plus globale…
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Merci, madame la présidente.
Honorables membres du comité, merci de me donner l'occasion, en tant que président du Conseil consultatif des terres des Premières nations, de répondre au projet de loi .
Le Conseil consultatif des terres des Premières nations soutient énergiquement les communautés autochtones qui règlent la question des biens immobiliers matrimoniaux dans leurs réserves. Ce sujet était un élément crucial de l'Accord-cadre sur la gestion des terres des premières nations, depuis le départ. En fait, pour que tout le monde soit informé de la possibilité de légiférer à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux, nous avons ajouté les clauses 5.4a) à 5.4f) dans notre accord-cadre.
Le Conseil consultatif des terres des Premières nations s'occupe activement de l'établissement des lois relatives aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves depuis plus de 10 ans. Par exemple, depuis 2001, le conseil a aidé 23 premières nations opérationnelles à achever leurs lois sur les biens immobiliers matrimoniaux, 14 autres premières nations opérationnelles à rédiger le texte de leurs lois sur les biens immobiliers matrimoniaux et 30 premières nations en phase de développement à planifier l'élaboration de lois sur les biens immobiliers matrimoniaux une fois qu'elles auront ratifié leurs codes fonciers.
Les signataires de l'accord-cadre sont seulement les premières nations du Canada qui ont actuellement des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves pouvant être appliquées par les tribunaux. De plus, l'accord-cadre est actuellement le seul mécanisme permettant aux premières nations signataires d'aborder la question des droits immobiliers matrimoniaux de façon conforme à leurs propres politiques et traditions. Je peux citer comme exemple les communautés qui choisissent de ne pas utiliser le système de certificat de possession que prévoit la Loi sur les Indiens. Elles doivent tenir compte de leurs propres traditions et non pas de l'opinion de quelqu'un d'autre quant à ce que devraient être leurs traditions et leurs coutumes.
Je m'attends à ce que les signataires de l'accord-cadre ne soit pas touchés par le projet de loi étant donné que la majorité, et je l'espère, la totalité, de nos premières nations auront mis en place leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les trois ans suivant la sanction royale du projet de loi .
Le Conseil consultatif des terres des Premières nations s'inquiète toutefois des répercussions potentielles du projet de loi sur les 68 premières nations qui attendent actuellement de signer l'accord-cadre ainsi que sur les autres communautés des quatre coins du pays. Elles seront très probablement touchées par le projet de loi avant d'avoir eu l'occasion de signer l'accord-cadre.
Compte tenu de l'expérience du conseil et de son succès sur le plan des lois concernant les biens immobiliers matrimoniaux adoptées conformément à l'accord-cadre, nous formulons les observations ci-après au sujet du projet de loi .
Les lois fédérales provisoires s'appliqueront, par défaut, à la plupart des premières nations parce qu'elles auront des difficultés à établir leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux. Lorsque les signataires de l'accord-cadre ont réussi à adopter ces lois, c'était toujours l'aboutissement de plusieurs années d'effort pour rallier la communauté, établir un consensus en tenant compte des valeurs, des principes, des pratiques et des procédures reliées à la gouvernance et à la gestion des droits et intérêts sur les terres de réserve.
L'adoption de ces lois par les premières nations signataires de l'accord-cadre a toujours été une priorité pour les communautés et a exigé un important soutien extérieur sur le plan juridique et technique. Il n'est pas réaliste de supposer que les premières nations qui n'ont pas donné la priorité à la gouvernance et à la gestion des terres seront capables d'établir leurs propres lois coutumières sur les biens immobiliers matrimoniaux à temps pour pouvoir être exemptées des dispositions fédérales provisoires. Les dirigeants de la communauté auront de sérieuses difficultés à créer un consensus pour l'harmonisation de leurs lois sur les biens fonciers matrimoniaux et de leurs coutumes avec les lois provinciales d'application générale qui entrent également en jeu en cas de séparation et de divorce. Nous savons que c'est possible, mais cela prend du temps.
Les défis que posent ces lois dans les réserves englobent une foule d'autres questions à résoudre sur le plan de la gouvernance locale, par exemple, en ce qui concerne le juste équilibre à établir entre les droits individuels et collectifs, le droit de résider dans la réserve, la politique de logement et la distinction entre les terres individuelles et communes et les terres transmises par succession. Le projet de loi ne prévoit aucune disposition pour dédommager les premières nations qui doivent assumer des frais juridiques et administratifs importants et inévitables pour l'élaboration, l'adoption et l'administration de leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux. Ce manque de ressources réduira à néant les efforts déployés par de nombreuses communautés pour adopter leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux. Le projet de loi S-2 n'a rien à voir avec la gouvernance des communautés étant donné qu'on nous l'impose.
Les provinces hésiteront peut-être à participer à l'arbitrage en vertu des règles fédérales provisoires. À l'occasion de leurs rapports avec le conseil consultatif et l'accord-cadre, les premières nations ont constaté que les gouvernements provinciaux n'étaient pas intéressés à jouer un rôle à l'égard de la surveillance, du règlement des différends ou de l'application des lois relatives aux terres des premières nations en général. Les gouvernements provinciaux mentionnent des problèmes relatifs au manque de capacité pour assumer la charge actuelle de leurs systèmes judiciaires, aux coûts qu'ils assumeraient sans être dédommagés et au risque d'engager leur responsabilité. Le projet de loi n'aborde pas et ne règle pas ces questions.
Les répercussions du projet de loi seront peut-être beaucoup plus importantes que prévu. Le Canada semble être parti du principe que la loi visera principalement un petit nombre des 100 000 logements des réserves qui ont un régime foncier établi en vertu des articles 20, 28(2), 53 ou 58 de la Loi sur les Indiens.
Néanmoins, les règles fédérales provisoires proposées dans le projet de loi permettront aux juges provinciaux d'interpréter la définition du foyer familial et la jurisprudence que cela créera risque de donner une interprétation de cette loi très différente et beaucoup plus large que prévu. La définition d'un droit ou d'un intérêt sur un foyer familial dans une réserve pourrait très bien, suite à la jurisprudence, inclure le droit d'occuper un logement appartenant à la bande, ce qui aurait des répercussions sur les politiques de logement et peut peut-être entraîner des coûts financiers pour les premières nations.
Si cela arrivait, il faut s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup d'autres cas. Un tribunal provincial pourrait accorder une valeur monétaire au droit d'occuper jusqu'à la fin de ses jours, un logement appartenant à la bande, sans avoir à payer de loyer ou d'autres charges. La valeur actualisée nette de cet avantage calculée comme la valeur actualisée nette d'une rente pourrait s'élever à plusieurs centaines de milliers de dollars par foyer familial, une somme qu'il faudrait verser au conjoint qui quitterait le logement. Dans bien des cas, la vente ou la sous-location du logement ne générerait pas les fonds nécessaires pour le paiement de cette somme. Ce genre de précédents créeraient un passif important qui devrait être assumé soit par le conjoint membre de la première nation qui garderait le foyer familial ou plus probablement, en pratique, par la première nation.
Compte tenu de l'expérience du conseil consultatif et de son succès à l'égard de l'accord-cadre, nous suggérons respectueusement au comité d'examiner les recommandations ci-après à l'égard du projet de loi .
J'ai six recommandations. Étant donné le temps dont je dispose, je vais en donner la liste et je suis prêt à entrer davantage dans les détails pendant la période de questions, madame la présidente, si vous le permettez.
La première recommandation est de supprimer le délai obligatoire et de rendre le projet de loi facultatif. La deuxième recommandation est de tenir compte des préoccupations des premières nations sur le plan de la compétence. La troisième recommandation est de trouver des ressources pour les premières nations. La quatrième recommandation est de prévoir un organisme de transition mandaté par les premières nations pour soutenir les communautés. La cinquième recommandation est d'appliquer le principe de proportionnalité et de raisonnabilité. La sixième recommandation est de respecter la liberté contractuelle.
Merci beaucoup, madame la présidente. J'aurais aimé avoir plus de temps pour entrer dans les détails, mais je pourrai peut-être le faire au cours de la période de questions. Je vais certainement être assisté par mes collègues très expérimentés qui sont ici.
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Je sais que vous vous inquiétez au sujet du délai et qu'un an ne sera peut-être pas une période assez longue. Vous savez sans doute qu'il y a eu quatre versions de ce projet de loi. La planification a commencé en 2000 ou 2001, mais il y a eu des consultations aux quatre coins du pays à compter de 2006. Je crois qu'il y a eu plus de 100 consultations dans plus de 76 endroits différents.
Je me demande simplement si la raison pour laquelle le délai n'est pas suffisamment long, même avec une période supplémentaire de 12 mois après que la loi sera adoptée ou recevra la sanction royale, n'est pas que certaines de ces premières nations n'ont peut-être pas participé aux consultations initiales ou n'ont jamais entendu parler de cette loi. J'essaie seulement de comprendre, car certaines personnes ici… En fait, M. Langtry, de la Commission des droits de la personne était ici hier et il a décrit la question des biens immobiliers matrimoniaux comme une question urgente touchant les droits de la personne.
Il a déclaré :
Les normes en matière de droits de la personne, tant internationales que nationales, exigent un traitement égal des femmes devant la loi. Ces mêmes normes préconisent aussi que les femmes et les enfants soient protégés contre la violence.
Quand j'entends le mot « urgent », quand je pense que cette lacune législative existe depuis 25 ans et qu'elle s'élargit, quand je pense au processus de consultation et à la planification et à l'année supplémentaire qu'on parle accorder pour que vous mettiez en oeuvre votre propre législation… J'ai du mal à comprendre pourquoi cela ne laisse pas suffisamment de temps.
Mais je voudrais passer maintenant à un autre sujet. C'est à propos d'une chose que vous avez mentionnée, je crois, chef Louie. Vous vous préoccupiez des biens loués dans les réserves. Je ne sais pas exactement ce que vous avez dit, mais vous craignez que le bien loué ne serait pas entretenu ou que cela pourrait poser un problème. Je me demande si vous êtes au courant des dispositions du projet de loi concernant les baux.
Je voudrais seulement vous lire quelque chose et je tiens à bien préciser que lorsqu'un époux ou conjoint de fait ou conjoint survivant obtient des droits exclusifs sur un logement loué alors qu'il n'est pas nommé dans le bail, les dispositions du bail s'appliquent à la personne qui devient alors le locataire. Je sais que vous avez dit quelque chose et que des craintes ont été exprimées à propos de quelqu'un qui n'entretiendrait pas le bien et je veux seulement bien préciser que ce projet de loi, le projet de loi , couvre cette situation et que ce ne devrait pas être une des principales préoccupations dont vous avez parlé aujourd'hui.
Madame la présidente, combien de temps me reste-t-il?
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Merci. Je vais essayer d'être le plus bref possible afin que tout le monde ait suffisamment de temps.
Chers collègues de la vidéoconférence, madame la présidente, membres du Comité permanent de la condition féminine, merci de nous inviter à prendre la parole au sujet d'une question que nous jugeons très importante.
Je tiens aussi à reconnaître que nous sommes réunis aujourd'hui sur le territoire traditionnel de la nation algonquine.
Je m'appelle Jeff Cyr. Je suis un Métis du Manitoba et le directeur général de l'Association nationale des centres d'amitié. C'est ma première comparution devant votre comité. Je vais donc expliquer un peu ce qu'est notre organisation, ce que nous faisons et pourquoi c'est relié au sujet de votre étude.
L'Association nationale des centres d'amitié est un organisme autochtone national composé de 119 centres d'amitié répartis dans l'ensemble du pays. Cela comprend sept organismes provinciaux et territoriaux.
L'histoire du mouvement des centres d'amitié a débuté, au Canada, dans les villes de Toronto, Winnipeg et Vancouver. Le mouvement a été lancé dans les années 1950, par des Autochtones, pour les Autochtones. L'histoire et l'évolution du mouvement des centres d'amitié reflète l'histoire moderne des peuples autochtones au Canada. Nous n'avons pas cessé de croître et de prendre de l'expansion dans le but de répondre aux besoins sanitaires, sociaux et économiques ainsi qu'aux besoins sur le plan de la sécurité, de l'éducation et de la transition des populations des premières nations, métisses et inuites vivant dans les centres urbains du pays.
Depuis plus de 60 ans, nous sommes en première ligne pour aider les Autochtones à se familiariser pleinement avec la vie urbaine, à conserver leur culture comme point d'ancrage et utiliser les services à leur disposition pour s'adapter à la vie en ville.
Les centres d'amitié fournissent non seulement de précieux services aux Autochtones qui vivent en ville et qui utilisent ces programmes, mais ils fournissent également des emplois. À l'heure actuelle, 2 600 personnes ont un emploi grâce aux centres d'amitié et 72 p. 100 d'entre elles sont des femmes. Nous sommes aussi des points d'ancrage pour la communauté et des pôles d'innovation sociale dans les centres urbains.
J'ai, dans mes notes, une liste de programmes et de services que nous offrons. Je vais les mentionner très brièvement: services prénatals, Bébés en santé, programme d'aide préscolaire, services aux jeunes, logement, santé mentale et bien-être, diabète, drogues et alcoolisme, programmes pour les adolescents, services d'emploi et bien d'autres encore. Le problème de la violence et des jeunes exposés à l'exploitation sexuelle et à la criminalité sont également des priorités importantes pour notre mouvement, de même que la protection des femmes et des enfants contre les abus et la violence familiale.
Les centres d'amitié offrent et assurent ces services essentiels avec succès depuis longtemps, mais ils sont confrontés à de nombreux défis. Certaines difficultés découlent des réalités démographiques tandis que d'autres sont attribuables à la capacité organisationnelle. Comme vous le savez, la population autochtone qui vit en milieu urbain au Canada continue de croître. En 1996, elle se chiffrait à 47 p. 100. En 2006, elle atteignait 54 p. 100. Aujourd'hui, elle dépasse 60 p. 100. Dans certaines régions métropolitaines, plus de 80 p. 100 de la population vit en milieu urbain. Bien entendu, cette population est majoritairement jeune, de moins de 25 ans.
Ces réalités démographiques exercent de fortes pressions sur les capacités humaines et financières de nos centres. Nous pourrons parler plus tard du financement de nos centres, si des questions sont posées à ce sujet. Je vais poursuivre afin que nous puissions arriver à l'essentiel. Tout au long de notre histoire, les centres d'amitié ont été des lieux que les Autochtones recherchaient lorsqu'ils déménageaient dans des régions urbaines pour diverses raisons.
J'en arrive à la question à l'étude : les biens immobiliers matrimoniaux et leurs effets. Il est clair que les BIM constituent un enjeu important, une importante question qui touche les droits de la personne et qu'il faut résoudre. Quand les femmes et les enfants quittent leur communauté à la suite de ce genre de problèmes, où vont-ils? Où pensez-vous qu'ils vont? Dans l'ensemble, ils se retrouvent dans les villes. Ils recherchent des services et ils finissent pas arriver à la porte du centre d'amitié.
L'Association nationale des centres d'amitié juge nécessaire que l'on prenne conscience de la complexité sociale des problèmes qui sont créés hors réserve. Le témoignage d'aujourd'hui de l'APN et de l'autre témoin portait sur certains de ces problèmes sociaux.
Je voudrais d'abord féliciter la section de la modernisation des terres du ministère des Affaire autochtones qui nous a contactés pour discuter de cette question, il y a plus d'un an — non pas pour le plan juridique, mais sur le plan des services, car ce dont nous parlons, c'est de la vie des gens — quant à savoir qui peut aider les personnes touchées pendant que l'on cherche à régler les aspects juridiques.
Avec un financement très limité, notre organisme a créé une base de données consultable en ligne qui fournit des renseignements à plus de 6 000 agences de service, autochtones et non autochtones, dans les villes où sont situés nos centres d'amitié. Cela comprend des renseignements sur les programmes et services reliés à la santé, au logement, à l'éducation, à la justice, à la culture, aux services de garde d'enfants, au soutien communautaire et à l'aide gouvernementale.
Nous avons créé cette base de données pour pouvoir fournir des renseignements directement aux Autochtones, surtout aux femmes des premières nations qui en ont besoin pour faire la transition de la réserve à la ville. Ce site Web, qui sera lancé plus tard au cours du mois, s'intitule New Journeys, et en plus des milliers d'organismes d'agences de service dont il donne la liste, le site contient également des guides de planification de la transition à l'intention des femmes, des étudiants et des familles. Le site comporte des dispositifs de sécurité, notamment un historique de recherche effaçable pour protéger les femmes qui sont victimes de violence conjugale et qui se préparent à aller vivre dans une ville.
Nous avons entrepris ce projet en 2011 quand nous avons fait une analyse conjoncturelle et certaines recherches. Nous avons appris certaines choses au cours de ce processus. Les Autochtones risquent d'être confrontés à de nombreux obstacles lorsqu'ils arrivent en ville, notamment la pauvreté, le manque d'éducation, le chômage, le manque de logement adéquat, le racisme et un sentiment d'exclusion sociale.
Un grand nombre d'entre eux ont de la difficulté à se tailler un chemin à travers les nombreux systèmes des différents champs de compétence pour essayer de trouver des programmes et des services. Il est indispensable que les Autochtones puissent accéder facilement aux services lorsqu'ils arrivent en ville pour pouvoir faire une bonne transition, mais certains d'entre eux ne sont pas informés des programmes et services à leur disposition. De plus, les organismes sont souvent mal informés, eux aussi, des services existants.
Il était nécessaire d'avoir un système pour résoudre les problèmes immédiats de transition des nouveaux arrivants afin qu'ils puissent bien s'adapter à la vie en ville. Il y a seulement quelques organismes qui offrent des services spécialement destinés à aider les Autochtones qui viennent s'établir en ville. Il était nécessaire qu'il y ait une collaboration entre les premières nations et les organisations autochtones urbaines pour la prestation des programmes et cette coopération permettra de faciliter la transition à la vie urbaine.
Je tiens à attirer l'attention des membres du comité sur la réalité concrète des problèmes sociaux complexes comme les BIM et de ceux qui soutiennent les personnes qui ont besoin d'aide. Je crois qu'il faut faire participer et soutenir les organismes comme le nôtre, et les centres d'amitiés, de façon plus énergique pour faire le pont entre les problèmes qui se présentent et les solutions novatrices. C'est dans l'intérêt du Canada.
Pour le moment, nous avons créé une série d'outils. Nous avons étiré une pièce de cinq sous pour en faire un dollar, car c'est notre spécialité. Mais il va falloir regarder plus loin et se demander comment nous allons soutenir les femmes autochtones, au Canada, à long terme.
À mon avis, les changements au régime des biens immobiliers matrimoniaux et à l'infrastructure juridique se sont fait trop longtemps attendre au Canada. Le mouvement des centres d'amitié, qui est l'infrastructure des services aux Autochtones la plus importante du pays, continuera de jouer un rôle de premier plan dans la résolution des problèmes relatifs aux BIM et de constituer une ressource essentielle pour les femmes et les enfants qui partent vivre dans les régions urbaines.
Mais cela ne s'arrête pas à la loi. Nous avons besoin de votre aide, nous avons besoin de votre profond engagement, nous avons besoin que vous reconnaissiez nos services et nos partenariats et nous avons besoin d'aller plus loin qu'un financement projet par projet pour doter nos organisations d'une vraie capacité d'action.
J'ai quelque chose à ajouter. C'est extrêmement important. Lorsqu'on présente des projets de loi, ils ont des répercussions très étendues. Cela ne se fera pas en un an. Quand les gens demanderont des services, ils le feront dans l'environnement urbain, et ils seront à notre porte, mais nous n'aurons peut-être pas les ressources voulues pour répondre à tous ces besoins. Nous ne pouvons pas le faire avec un financement projet par projet. C'est trop difficile.
Je vais m'arrêter là.
Merci, meegwetch, à vous tous, de m'avoir écouté. J'ai hâte de dialoguer davantage avec vous au sujet des questions concernant la vie des Autochtones en milieu urbain.
Je veux vous remercier, madame la présidente ainsi que les autres membres du comité permanent, de nous avoir invité à témoigner au sujet du projet de loi . Deborah Campbell vous transmet ses excuses, elle ne pourra pas être parmi nous ce matin. Je veux également remercier la nation algonquine, que vous rencontrez aujourd'hui, de vous accueillir sur ses territoires.
Je m'appelle Kim van der Woerd. Je suis membre de la Première nation 'Namgis d'Alert Bay, en Colombie-Britannique. Mon nom traditionnel est T,lalisam, ce qui vient du Clan de l'Orque. Je fais également partie du conseil d'administration de YWCA dans le Grand Vancouver, que je représente aujourd'hui.
Je discutais du projet de loi avec ma grand-mère à Alert Bay, et je lui ai demandé si elle le connaissait, elle m'a répondu que oui. Elle m'a parlé des nombreux cas dans notre collectivité de femmes contraintes à quitter leur domicile avec leurs enfants et n'ayant nulle part où aller. Elle m'a expliqué qu'elles arrivaient parfois à s'en sortir lorsqu'elles avaient de la famille qui pouvait les accueillir et les soutenir physiquement, mentalement, émotionnellement, spirituellement et financièrement.
Je l'ai interrogée sur les conditions de vie dans notre collectivité avant l'existence de règles et de lois concernant la propriété et l'habitat. Elle m'a parlé des conditions de vie de sa jeunesse, et elle m'a raconté des histoires que son père lui racontait. Elle m'a dit que les enfants grandissaient en sachant qu'ils construiraient leurs propres maisons un peu plus tard et qu'ils ne comptaient pas sur le gouvernement pour le logement. Elle m'a dit qu'ils étaient tous indépendants avant la Loi sur les Indiens, et qu'il en était ainsi grâce au soutien de leurs communautés et qu'il y avait les dispositions nécessaires pour qu'ils soient indépendants.
Je tiens tout d'abord à préciser que les changements proposés dans ce projet de loi témoignent d'une bonne intention, celle d'améliorer les conditions de vie des femmes autochtones. Nous apprécions, nous applaudissons et nous respectons les efforts à cet égard, et ce que nous voudrions vous transmettre aujourd'hui, c'est le point de vue de YWCA sur des dispositions qui permettraient au projet de loi d'être une réussite.
Nous avons conscience que l'objet du projet de loi est de donner le pouvoir d'établir des lois relatives à l'utilisation, à l'occupation et à la possession de foyers familiaux dans les collectivités. Le projet de loi et toute législation que en découlerait s'appliquerait à toutes les Premières nations et serait mis en œuvre dans les 12 mois suivant sa promulgation. Bien que des changements positifs aient été apportés au projet de loi lors de ce quatrième examen, nous pensons qu'il y a encore des facteurs qui doivent être pris en compte.
Nous avons cru comprendre que des oppositions se sont manifestées sur des sujets qui ont déjà été mentionnés. Tout d'abord, il y a le manque de consultation des Premières nations. Nous reconnaissons être consultés en ce moment, mais pour l'avenir nous recommandons un engagement ouvert et significatif dans ce processus. Nous sommes conscients qu'il y a eu des oppositions concernant la compétence des gouvernements des Premières nations, et des difficultés relatives aux tribunaux provinciaux et aux dispositions de la Loi sur les Indiens. Nous savons que la capacité des communautés à mettre le régime en œuvre fait problème, ce dont mes collègues ont débattu. Nous reconnaissons aussi qu'il y a des fardeaux qui pèsent sur les citoyens et des questions de sécurité. L'opposition au projet de loi souligne la complexité de la violence dans les collectivités des Premières nations et la nécessité d'apporter des réponses globales.
Concernant les fardeaux qui pèsent sur les femmes autochtones et leurs familles, le projet de loi passe outre certaines considérations. L'accès aux refuges, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des réserves, est défaillant. L'accès à des services légaux de proximité, à un coût approprié, est limité. Il manque de logements appropriés dans les collectivités. L'accès aux conseils et aux autres services d'aide est limité et il faut des investissements dans les infrastructures et le personnel dont bénéficieraient les femmes autochtones.
Je vais maintenant rapidement parler de ce que nous savons sur l'expérience qu'ont les femmes autochtones au Canada de la violence, du logement, des migrations hors réserves, et de l'accès au services juridiques et aux services d'urgence. En 2011, YWCA Canada a commandé un rapport, Aboriginal Women's Initiative, dont voici quelques chiffres clé. Concernant la violence, les femmes autochtones ont trois fois plus de chance d'être victimes de violences familiales que leurs consœurs non-autochtones. Concernant le logement, les femmes autochtones ont plus de chances de se retrouver sans-abri que les hommes autochtones, et cela est souvent lié à la violence dont elles sont victimes et qu'elles sont contraintes de fuir.
Nous savons que beaucoup de femmes autochtones quittent les collectivités et nos recherches nous apprennent qu'elles partent parce qu'elles ont subi des violences, et parce qu'elles ont des difficultés d'accès aux services et aux aides, à cause du déficit de logements et de la discrimination qui existe dans la législation au sujet des droits des femmes autochtones dans les réserves. Beaucoup de communautés dans les réserves sont éloignées des services juridiques ou des services d'aide d'urgence, et ce rapport fait la synthèse des besoins: des services ouverts jour et nuit, une prise de conscience accrue des communautés, des aides d'urgence, et des services de transition et de soutien pour les femmes autochtones et les mères célibataires.
Le YWCA est déterminé à garantir que les femmes et les enfants puissent vivre en sécurité. Le YWCA est le plus grand fournisseur de refuges pour les femmes et les enfants fuyant la violence, et il propose des programmes complets qui touchent plus d'un million de femmes et d'enfants au Canada.
Le YWCA Canada reconnaît le droit des collectivités autochtones à l'autonomie gouvernementale. Le YWCA du Grand d Vancouver a une longue histoire de soutien aux femmes et aux enfants autochtones et propose des programmes sur mesure tels que le développement de la petite enfance, la prévention de la violence, l'éducation juridique, l'éducation financière, sensibilisation à l'ETCAF, le logement et le mentorat. Nous avons aidé des dizaines de milliers de femmes grâce à ces programmes.
Le YWCA Canada travaille actuellement avec 10 associations membres sur un projet d'accès à la justice pour les femmes autochtones qui subissent des violences. Cela représente un peu moins d'un tiers de nos membres. Chacune de ces 10 associations membres sert des populations composées pour au moins 65 p. 100 de femmes autochtones.
Le YWCA Canada a recensé un écheveau de priorités au titre de la défense des femmes qui s'inscrit en complément de l'examen du projet de loi , puisqu'il s'applique à des femmes autochtones qui ont subi des violences familiales dans les réserves, ces priorités comprennent la fin des violences faites aux femmes et aux jeunes filles, l'accès à des logements abordables et la sécurité économique des femmes.
En se basant sur ses services, l'assistance juridique qu'il offre et ses recherches, le YWCA a abouti à une série de conclusions et de recommandations pour garantir la mise en œuvre efficace du projet de loi et d'un véritable soutien aux femmes et aux enfants autochtones. YWCA Canada estime qu'il faut apporter une réponse globale au projet de loi afin d'aller au-delà des enjeux juridiques et tenir compte les fardeaux qui pèsent sur les femmes et les familles autochtones. YWCA Canada souligne le droit des femmes autochtones, dans les réserves et hors réserve, d'avoir accès à des refuges et à des logements sûrs, et milite pour l'adoption d'une stratégie nationale pour le logement afin de mobiliser l'attention et le soutien pour la construction de logements abordables.
Le YWCA reconnaît que le projet de loi renferme certaines dispositions sur l'occupation. Ainsi, en cas de décès d'un des conjoints ou partenaires, l'occupation peut être accordée pour une durée de 180 jours à compter de la date du décès et, en cas de violence familiale, la personne qui en fait la demande peut obtenir 90 jours d'occupation sans que le délinquant soit présent dans le logement. D'après nos recherches et notre expérience sur le terrain, nous estimons que 90 jours ne suffisent pas pour permettre à une femme de concevoir et de mettre en œuvre un projet de vie indépendant. Il s'agit bien entendu des cas dans lesquels les femmes ne détiennent pas de certificat de possession. Nous recommandons une révision de cette durée afin qu'elle corresponde aux besoins complexes des femmes qui fuient les situations de violence familiale. Cependant, nous estimons que cette disposition peut-être modifiée au cas par cas. Nous soulignons la charge supplémentaire potentielle qui pèse sur les femmes qui font la demande d'une prolongation.
Les recommandations globales proposées par l'Assemblée des Premières Nations et par l'Association des femmes autochtones du Canada correspondent aux positions officielles du YWCA sur les violences faites aux femmes et sur la sécurité économique. Les réponses doivent être globales et englober les services d'aide aux familles, l'aide d'urgence, les refuges, un travail de police efficace et pangouvernemental, les services de prévention en aval de toute intervention de l'aide à l'enfance et une sensibilisation ainsi qu'un soutien en matière de création de logements abordables.
Enfin, nous notons que l'accent est mis sur les mesures de réparation juridiques...
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La liste est longue mais je vais essayer de dire les choses simplement.
Cela fait 50 ou 60 ans que les gens migrent des zones rurales et des communautés vers les villes à un rythme relativement rapide. Cette tendance ne concerne pas que le Canada. C'est le cas partout dans le monde. Les gens migrent pour deux raisons principales, mais surtout pour des raisons économiques. Ils veulent avoir un certain niveau d'éducation ou accès à l'emploi, mais comme vous le savez, dans certaines réserves et communautés rurales, pour les Métis ou les Inuits, les possibilités sont inexistantes. Alors vous devez vous déplacer. Peut-être retournerez-vous dans votre communauté mais, il vous faut vous déplacer pour avoir ces possibilités.
L'autre raison touche à la santé. Où a-t-on accès aux soins de santé et aux services de santé en général? Cela renvoie directement au projet de loi parce que les gens qui sortent d'un divorce ou d'une séparation, pour toutes sortes de raisons, ont besoin de services. Je le sais, j'ai divorcé il y a six ans. Je suis passé par les procédures et ce n'est pas une partie de plaisir. On n'est pas vraiment orienté, même quand on n'est pas Autochtone et qu'on n'est pas confronté aux complexités des lois régissant les Premières nations ou de la Loi sur les Indiens dans les réserves, et qu'on n'est pas aux prises avec la complexité que représente l'interaction de ces lois avec la loi provinciale.
Pour ce comité se pose le problème de l'accès aux services pour les gens concernés par le projet de loi ou concernés par ce qui s'est fait avant et se fera après l'adoption éventuelle du projet de loi S-2. On n'est pas près d'en voir la fin, surtout parce que les conflits maritaux sont longs à résoudre, dans les réserves et hors réserves. Cela prend des années et pendant ce temps vous avez besoin de services. Les 90 jours prévus ne sont rien et 180 jours, ce n'est rien non plus dans une telle situation.
Alors que font ces gens? Leur communauté d'origine, qu'elle soit ou non dans une réserve, ne sera peut-être pas l'endroit le plus accueillant pour passer ces 180 jours.
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Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui, monsieur Cyr.
À titre d'ancienne commissaire d'école, je peux parler en toute connaissance de cause de l'importance de votre organisation au Manitoba. Nous avons servi une grande partie des mêmes enfants et des mêmes familles. Vous étiez la référence, vous étiez le modèle. Vous avez souvent aiguillé des jeunes femmes en détresse et des jeunes enfants vers la division scolaire de Winnipeg, et je vous en remercie beaucoup.
La question du logement a été prise en charge. Depuis 2006, nous avons investi plus d'un milliard de dollars dans les logements pour les Autochtones par le biais d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. De 2009 à 2011, nous y avons ajouté 400 millions de dollars supplémentaires. Affaires autochtones a alloué 150 millions de dollars de plus. La SCHL, qui a alloué 150 millions de dollars pendant cette période, dépense environ 143 millions de dollars par an pour répondre aux besoins spécifiques des foyers autochtones en dehors des réserves. Le Plan d'action économique du Canada a, quant à lui, apporté 200 millions de dollars. Il y a donc de l'argent pour financer les logements.
Mais dans vos remarques, monsieur, vous avez dit que les gens fuient la violence familiale. Quelle que soit la maison, si vous n'avez pas le droit d’y rester avec vos enfants, si vous êtes jeté dehors à la suite d'un différend, des organisations comme la vôtre sont cruciales dans le contexte urbain.
Vous avez parlé de l’aide que vous apportez à ces personnes, et un autre témoin, qui est maintenant parti, a parlé tout à l’heure du fait que les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles d’être victimes de violence familiale. C'est ce à quoi nous essayons de remédier. C'est ce que nous essayons de faire, et il me semble que c’est ce que vous faites aussi. Vous soutenez ces personnes.
Comment pouvons-nous collaborer au mieux à ce sujet?
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Madame la présidente, comme je n’ai pas pu demander à l'APN... Comme vous le savez, je ne crois que ce projet de loi ait été envoyé au mauvais comité. Sans l'expertise voulue, sans la connaissance sur la communauté des Premières nations, et sachant que ce projet de loi émane du ministre des Affaires autochtones et compte tenu de ce que nous avons vu aujourd'hui, même dans la façon dont les groupes de discussion sont structurés qui ne nous permet pas d’avoir une heure complète pour l’APN, il me semble que nous allons avoir de gros problèmes quant à la façon dont nous devons procéder.
J’aimerais demander à la présidente si la greffière peut demander à l'APN de déposer les résultats de la recherche, ce qui aurait fait l’objet de ma question, montrant que sans une application adéquate, les ordonnances de protection d'urgence peuvent en fait aggraver la violence et diminuer la sécurité des femmes, qui doivent fuir et s’adresser à des organisations comme celle dont s’occupe M. Cyr dans les villes parce qu'elles ne sont pas en sécurité dans leur propre maison. J’aimerais que la greffière demande d'abord au chef régional de déposer l’ensemble des remarques et de nous remettre les résultats de la recherche qui montre que les ordonnances de protection d'urgence, sans application adéquate, ne sauvent pas réellement des vies et peuvent même aggraver la situation.
Deuxièmement, parce que je n'ai pas pu poser la question au chef Robert Louie, j'aimerais connaître l'impact financier sur les maisons appartenant aux bandes des Premières nations lorsqu’un tribunal provincial décide que la bande doit payer le conjoint qui va quitter le foyer; quel pourrait-être l’impact sur la stabilité et la responsabilité financières des Premières nations et sera-t-il possible de s’acquitter de la preuve devant un tribunal, dans le cas d’une application. Je voudrais savoir quelles seraient les conséquences pour les logements appartenant aux bandes des Premières nations.
Je crois que nous poursuivons ce débat, monsieur Cyr, sur la façon de répondre à cette préoccupation. Il me semble que de ce côté-ci, nous pensons qu’il est irresponsable d’adopter ce projet de loi avant que les autres aspects ne soient réglés. Les femmes des Premières nations de tout le pays nous disent qu’il n’améliore pas leur sécurité, à moins de disposer des ressources nécessaires pour répondre aux besoins et à moins que les Premières nations dans les réserves aient la capacité de répondre aux besoins.
Seriez-vous d’accord pour que ce projet de loi soit adopté, sans que soient mis en place les éléments que Wendy Grant-John a estimé être nécessaires?