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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 077 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mai 2013

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Français]

    Je déclare ouverte cette 77e séance du Comité permanent de la condition féminine.
    Je vois Mme Ashton lever la main. Je lui cède donc la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais présenter une motion pour que nous réexaminions ce qui s'est passé à la réunion d'hier, au cours de laquelle on a fini par faire taire des femmes autochtones importantes qui ont leur mot à dire concernant ce projet de loi.
    Nous avons vu leur frustration lorsqu'elles sont parties. Elles estimaient qu'on leur avait manqué de respect, et j'aimerais demander au comité — et je demande instamment aux membres du gouvernement qui ont bien montré qu'ils voulaient entendre ces témoins — d'envisager une motion pour les faire revenir afin qu'elles puissent finir de témoigner et répondre à nos questions. Je fais en particulier allusion à la présidente de l'Association des femmes autochtones, Michèle Audette, à Mme Teresa Edwards, à Mme Phillips, à Mme Janice Makokis et à d'autres qui n'ont pas eu la chance d'être entendues.
    Je le demande instamment aux gens de l'autre côté parce que ces comportements ont été très irrespectueux à l'égard des témoins, dont les organismes autochtones nationaux, auxquels j'ajoute l'Assemblée des Premières Nations, qui estimait aussi avoir été muselée.
    Madame la présidente, je crois que si nous ne le faisons pas, nous n'honorerons pas notre obligation de faire preuve de diligence raisonnable à l'égard d'importants projets de loi, mais aussi de montrer, en tant que parlementaires, le plus grand respect à l'égard des détenteurs de droits dans ce débat, en l'occurrence les représentants des Premières Nations, les personnes même que le comité a muselées pour respecter le souhait du gouvernement de limiter le débat.
    Il est clair que les députés du NPD ne toléreront pas cet irrespect flagrant, ce musellement des témoins, et nous demandons instamment à tous les membres du comité de ne pas poursuivre l'étude de ce projet de loi avant d'avoir entendu ces témoins essentiels, qui ont une multitude de choses à dire à son sujet.

[Français]

    Vous présentez donc une motion, madame Ashton. S'agit-il d'une motion officielle? Si oui, je vais me tourner vers la greffière pour savoir si elle a le libellé de la motion.

[Traduction]

    Oui, c'est une motion officielle.

[Français]

    Mme la greffière a le libellé de la motion. Je vais donc la lire. Madame Ashton, vous pourrez confirmer le tout.
    La motion se lit comme suit:

[Traduction]

    Que le comité invite les personnes devant témoigner à la réunion du 8 mai 2013 à revenir avant cette date pour répondre à des questions...
    C'est avant que nous entamions l'étude article par article.
    ... avant que le comité entame l'étude article par article.
    Est-ce maintenant clair pour tout le monde?
    La motion est maintenant devant nous. Nous en débattrons immédiatement. J'ai une liste d'intervenants.
    Madame Crowder.
    Merci, madame la présidente.
    Bien sûr, je regarde comment les médias ont couvert la réunion d'hier, et voici un grand titre:

Le Comité de la condition féminine met fin aux témoignages dans le cadre d'un projet de loi controversé concernant les Premières nations.
    C'est sur iPolitics.
    Je ne suis pas certaine, madame la présidente, que ce soit le type de réputation que le Comité de la condition féminine veut avoir.
    Nous avons devant nous un projet de loi qui aura des conséquences à grande échelle sur les hommes, les femmes et les enfants autochtones, et en tant que parlementaires, nous sommes en partie responsables de faire preuve de diligence raisonnable, comme l'a mentionné Mme Ashton. Il est de notre devoir d'étudier à fond un projet de loi.
    Je ferais remarquer aux membres du comité que c'est la première fois que la question des biens immobiliers matrimoniaux est soumise à l'examen d'un comité parlementaire. Elle a été étudiée au Sénat, absolument, mais jamais en comité parlementaire. Il est de notre devoir d'étudier à fond le projet de loi et d'entendre suffisamment de témoignages pour vérifier que le projet de loi atteint les buts visés.
    Il s'est produit hier quelque chose de fâcheux que je n'avais jamais vu de toute ma carrière au Parlement. Nous avons reçu des témoins importants et nous ne leur avons pas accordé le temps habituel pour présenter leur point de vue. Nous avons aussi manqué de temps pour leur poser des questions.
    Je suis d'avis qu'il est de notre devoir, à titre de parlementaires responsables, de reporter l'étude article par article pour faire le tour de la question. Alors j'appuie la motion de Mme Ashton et je conseille vivement à tous les membres d'en faire autant pour que nous puissions montrer que nous sommes conscients de nos responsabilités et que nous respectons les personnes qui ont fait l'effort de venir témoigner devant nous.
(1105)

[Français]

    Merci, madame Crowder.

[Traduction]

    Madame Truppe, la parole est à vous.
    Merci, madame la présidente. Pourrions-nous passer au huis clos?
    Il s'agit d'une motion qui ne peut faire l'objet d'un débat, alors nous allons procéder à un vote.
    Une voix: Un vote par appel nominal.
    La présidente: Désolée, un vote par appel nominal. Madame la greffière...
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])

[Français]

    Comme la motion a été adoptée, nous allons poursuivre la séance à huis clos. Je vais demander à tous ceux et celles qui ne peuvent pas rester dans la salle de sortir.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
(1105)

(1120)
    [La séance publique reprend.]
    Avant de passer à notre sujet à l'ordre du jour, j'aimerais simplement vous présenter trois personnes que j'ai pris la liberté d'inviter afin qu'elles répondent à nos questions si nous en avons.
    Je vous demanderais de nous indiquer très brièvement votre nom et votre fonction, pour que nous sachions qui vous êtes et quel genre de réponses vous pourrez apporter au comité aujourd'hui.
    Je suis Karl Jacques, des services juridiques.

[Traduction]

    Je suis Andrew Beynon, du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord.

[Français]

    Merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation et d'être avec nous.
    Je répète que ces gens sont avec nous pour répondre aux questions que nous pourrions avoir, en vue de faciliter le travail de notre comité aujourd'hui.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 17 avril 2013, nous étudierons article par article le projet de loi S-2, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.
    Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'étude du préambule et de l'article 1, soit le titre abrégé, est reportée. Nous allons les traiter à la fin de l'étude de ce projet de loi.
    (Article 2—Définitions)
    La présidente: Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je veux soulever deux ou trois points à l'article 2.
    Lorsque nous avons entendu le président intérimaire de la Commission canadienne des droits de la personne, il a soulevé à la fin de son témoignage trois questions que le comité devrait prendre en compte. Il a dit:

Premièrement, le projet de loi assure-t-il aux femmes un accès équitable à la justice? Deuxièmement, le projet de loi permet-il aux femmes de faire valoir leurs droits en toute sécurité? Troisièmement, les Premières Nations ont-elles la capacité nécessaire pour créer et mettre en place leur propre régime de partage des biens immobiliers matrimoniaux? Si elles ne l’ont pas, que peut-on faire pour régler ce problème?
    Je vais commencer par le dernier point. Les témoins nous ont constamment répété que les communautés des Premières Nations n'ont pas la capacité parce qu'elles n'ont tout simplement pas les ressources. Il faut une quantité importante de ressources pour créer son propre régime de partage des biens immobiliers matrimoniaux. Un certain nombre d'entre nous avons reçu des courriels du chef Shining Turtle, qui essaie de collaborer avec le gouvernement depuis un certain nombre d'années à l'adoption du code immobilier matrimonial de sa nation. Ce code n'a toujours pas été adopté après sept ou huit ans.
    Cela se rapporte non seulement à la capacité des Premières Nations, mais douteusement... Nous n'avons pas entendu de témoignage à cet égard, mais il aurait été intéressant de parler au ministère de sa capacité de travailler avec les Premières Nations qui élaboraient un code immobilier matrimonial.
    Il y a deux autres points que je veux aborder concernant la Commission canadienne des droits de la personne. L'accès équitable à la justice, encore une fois, est une question qui concerne les ressources. Lorsque je regarde les définitions et l'interprétation à l'article 2, il est question d'un foyer familial. Bien entendu, les témoins nous ont notamment parlé de la pénurie de logements dans bien des nations.
    Lorsque vous parlez de solutions, il ne semble pas possible qu'une communauté des Premières Nations soit capable de loger la famille. Si le but est de faire en sorte qu'en cas de séparation, l'un des membres du couple garde le foyer conjugal, l'on présume que l'autre membre pourrait rester dans la communauté pour que les parents puissent continuer à s'occuper tous les deux de leurs enfants.
    L'autre question au chapitre du logement est que, bien sûr, de multiples générations vivent parfois sous un même toit. On entend dire que 10, 15 ou parfois même 20 personnes vivent dans une maison. Il arrive que des grands-parents, des frères et soeurs, et des oncles et des tantes vivent sous un même toit. Alors, si une ordonnance judiciaire est délivrée et qu'un seul membre du couple finit par vivre dans la maison, qu'arrive-t-il si les beaux-parents y habitent aussi? C'est une question que nous ne sommes jamais arrivés à régler. Les grands-parents devront-ils déménager parce qu'ils auraient peut-être accès au domicile alors que l'autre membre de la famille souhaiterait garder ses droits de visite? Nous n'avons traité aucune de ces questions.
    Madame la présidente, je pense qu'il est troublant qu'on nous demande d'étudier un projet de loi alors que nous n'avons pas réalisé l'analyse complète de son incidence éventuelle sur le terrain.
    Merci.
(1125)
    Merci, madame Crowder.
    Madame Crockatt.
    Merci, madame la présidente.
    Je voulais seulement faire remarquer que nous avons aussi entendu le témoignage des Haïdas. Ils nous ont dit qu'ils avaient leur propre loi sur les biens matrimoniaux et qu'ils étaient heureux de la partager avec d'autres réserves. Je pense qu'il est intéressant de rappeler au comité qu'ils nous en ont parlé.
    Merci.
    Merci, madame Crockatt.
    Monsieur Jean.
    Je ne fais pas partie du comité, mais je m'intéresse beaucoup à cette question et c'est en partie la raison pour laquelle je suis ici.
    Je suis simplement curieux de savoir pourquoi Mme Crowder dit cela. Avec l'application de la loi sur les biens matrimoniaux dans les réserves, cela voudrait dire que la communauté judiciaire aurait le droit de décider du sort des autres personnes qui vivent dans cette maison. Elle applique au fond les lois du Canada des 200 dernières années et avant cela, celles de la Grande-Bretagne pendant de nombreuses années. Elle applique les expressions de la common law à la décision que rend le juge en ce qui touche les biens matrimoniaux. Le juge jouit d'une très grande latitude pour décider de ce qui se passerait dans un foyer donné en fonction des circonstances particulières de l'affaire. C'est ce que je crois comprendre du droit matrimonial.
    Au fond, il infirmerait la décision rendue dans l'affaire Derrickson c. Derrickson, ou du moins il l'infirmerait par le truchement d'une loi pour maintenir la décision de 1986, afin de permettre aux tribunaux d'avoir ensuite compétence dans les réserves. Ils le font déjà tous les jours dans les tribunaux de divorce et les tribunaux provinciaux s'agissant des lois sur les biens matrimoniaux dans tout le pays, et ce, depuis longtemps. Alors leur capacité de le faire serait guidée par les principes qu'ils suivent déjà depuis des centaines d'années.
    Je ne comprends pas ce que Mme Crowder laisse entendre en ce sens qu'il faudrait qu'il y ait de nouvelles situations factuelles ou quelque chose de spécial à cet égard. Il s'agit d'une loi canadienne qui s'applique depuis des siècles et qui continuera d'être appliquée par des juges. C'est simplement que maintenant, les tribunaux pourront avoir compétence dans les réserves et les traiter exactement comme les autres Canadiennes ont le droit d'être traitées depuis de nombreuses années. Il semble tout à fait ridicule de laisser entendre que ce serait différent.
    Merci, monsieur Jean.
    Madame Crowder, il vous reste un peu plus d'une minute.
    Merci, madame la présidente.
    Par votre entremise, madame la présidente, je dirais que nous n'en sommes plus au stade du débat évidemment, mais que la situation dans les réserves est très différente de ce qu'elle est dans la plupart des collectivités à l'extérieur des réserves. Nous avons consulté un certain nombre de rapports présentés au Comité des affaires autochtones, et à la Chambre en fait, qui continuent de faire état d'une grave pénurie de logements.
    La plupart des collectivités à l'extérieur des réserves n'habitent pas dans des logements surpeuplés ou dans des maisons où vivent de multiples générations. Il y a des circonstances dans lesquelles cela se produit, mais ce n'est pas la norme. Alors lorsqu'il est question de situations dans les réserves, je suis certaine que les juges provinciaux sont très bien informés, mais que leur connaissance des différents codes fonciers dans les réserves est limitée. C'est une situation très différente, alors il est impossible d'imposer unilatéralement la loi provinciale aux terres des réserves sans tenir compte des différents facteurs.
    Merci, madame la présidente.
(1130)
    Merci, madame Crowder.

[Français]

    Comme je ne vois pas d'autres intervenants, je vais mettre aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)
    (L'article 3 est adopté.)
    (Article 4—Objet)
    La présidente: Nous passons maintenant à l'article 4.
    Madame Ashton, vous avez la parole.

[Traduction]

    J'aimerais parler de l'article 4, à la rubrique « Objet et application ». Manifestement, c'est l'un des articles problématiques qui prétend que ce que l'on fait ici est acceptable. Ce n'est clairement pas le cas, comme nous l'ont dit de nombreux témoins. Il est clair que le gouvernement n'écoute pas les Premières Nations dans le cadre de relations de nation à nation. L'Assemblée des Premières Nations et l'Association des femmes autochtones du Canada, et bien des nations de tout le pays qui s'opposent au projet de loi, ont parlé précisément du manque de consultation nation à nation. Certaines Premières Nations ont été entendues par la représentante ministérielle, mais comme par le passé, leurs préoccupations n'ont pas été prises en compte dans cette itération du projet de loi, et il s'agit certainement de préoccupations importantes.
    Je veux lire, pour le compte rendu, un communiqué publié par l'Association des femmes autochtones du Canada lorsque le projet de loi S-2 a été déposé.
L’Association des femmes autochtones du Canada... exprime ses inquiétudes face au projet de loi S-2... L’AFAC n’est pas convaincue que cette législation résoudra les problèmes associés aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves; et le projet de loi actuel n’aborde toujours pas les maintes recommandations fréquemment soulevées chaque fois que cette législation fut mise de l’avant.
    De toute évidence, l'une des véritables préoccupations dans ce cas est qu'il s'agit d'une imposition du gouvernement fédéral sur les Premières Nations. Hier, Janice Makokis aurait dit: « Je veux m'attacher à la façon dont ce projet de loi contrevient à nos traités et à la relation en découlant. Ce projet de loi mine les lois autochtones et les droits inhérents que nous avons. Finalement, le projet de loi diminue davantage le rôle des femmes autochtones au sein de nos nations ».
    Ce projet de loi ne règle pas les problèmes qu'il cherche à traiter et un certain nombre de problèmes que le gouvernement a soulevés. C'est ce que nous ont dit les femmes, les communautés et les familles qui seront touchées. Le gouvernement a dit que le projet de loi visait à mettre fin à la violence à l'égard des femmes autochtones. Ce projet de loi n'a rien à voir avec cette question puisqu'il n'offre aucun accès efficace et rapide à des solutions. Il ne compte aucun plan d'action national. Il n'aborde pas la question de la crise du logement dans les réserves. Il ne fait aucune allusion au financement des maisons d'hébergement pour femmes. Comme nous le savons, il n'y a que 40 maisons d'hébergement pour 663 Premières Nations. Il ne prévoit pas un meilleur accès à la justice, ni de hausse du financement de l'aide juridique, surtout dans les collectivités éloignées. Il ne prévoit aucune ressource financière pour aider les gouvernements des Premières Nations à vraiment appliquer la loi. Il ne prévoit pas d'accès à d'autres mécanismes de règlement des différends qui, comme nous l'ont dit certains témoins, sont souvent cruciaux pour régler la situation en cas de rupture du mariage.
    Comme elle partage, selon moi, le point de vue de l'opposition en ce qui concerne l'article 4, j'aimerais aussi lire, pour le compte rendu, la déclaration de

[Français]

l'organisme Femmes autochtones du Québec:
Femmes autochtones du Québec (FAQ) tient à réitérer son opposition au projet de loi S-2 [...]

[...] dans sa forme actuelle, le projet de loi ne tient pas compte de la compétence des Premières nations sur la propriété sur réserve en octroyant la compétence aux tribunaux des provinces pour l'application de la loi et aucun financement et aucune ressource ne seront accordés aux Premières nations pour accéder à ces tribunaux provinciaux, une option qui sera trop coûteuse ou trop complexe pour qu'elle soit utilisée. L'approche unilatérale prise par le gouvernement pour résoudre ce problème par voie législative échouera également dans sa tentative d'aborder les problèmes systémiques tels que le manque de logements et la violence contre les femmes dans les communautés.
(1135)

[Traduction]

    Enfin, j'aimerais dire que l'article 4 donne le ton et clarifie l'objectif de ce projet de loi et, évidemment, celui du gouvernement, d'imposer une loi aux Premières Nations malgré leur opposition, sans tenir compte du fait que les Premières Nations doivent être consultées en application de l'article 35 et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dont le Canada est signataire.
    En conséquence, nous nous joignons aux nombreuses Premières Nations, organisations des Premières Nations et femmes autochtones qui se sont opposées au projet de loi S-2, y compris à l'article 4.

[Français]

    Merci, madame Ashton.
    Madame Sgro, vous avez la parole.

[Traduction]

    J'ai les mêmes réserves en ce qui concerne l'article 4. Je ne pense pas que le gouvernement soit conscient du fait que s'il suivait simplement les suggestions de Wendy Grant-John, la représentante ministérielle, nous serions probablement tous favorables à ce projet de loi.
    Le fait que le gouvernement ne s'attache qu'à une partie de la question concernant l'appui à l'égard de la médiation et de l'aide porte les gens à croire, à tort, qu'ils jouissent d'un soutien qu'ils n'ont manifestement pas. Il ne vérifie pas que les gens ont accès à des services de médiation, et qu'ils disposent de financement pour le centre d'excellence et les autres questions qui importent.
    Les libéraux n'appuieront pas l'article 4.

[Français]

    Merci, madame Sgro.
    Comme il n'y a pas d'autres intervenants, je vais mettre aux voix l'article 4.
    (L'article 4 est adopté.)
    (L'article 5 est adopté.)
    Avant de passer à l'article 6, nous avons l'amendement LIB-1, qui propose l'ajout de l'article 5.1.
    Madame Sgro, voulez-vous proposer cet amendement?

[Traduction]

    Oui, j'aimerais proposer cet amendement.

[Français]

    Un instant, madame Sgro. Des membres du comité demandent si les amendements sont disponibles en version papier. Vous avez reçu le courriel vous demandant d'imprimer des copies. Cependant, on peut vérifier si c'est possible de le faire.
    Une voix: On a des copies additionnelles.
    La présidente: Nous avons des copies additionnelles. Alors, si vous voulez une copie des amendements proposés, veuillez lever la main et quelqu'un vous en donnera une dans la langue de votre choix.
    Madame Sgro, je vous redonne la parole. Vous pouvez parler de l'amendement LIB-1.

[Traduction]

    Il y a actuellement beaucoup de méfiance — je crois que tout le monde en convient — parmi les Premières Nations en ce qui concerne le programme du gouvernement et son incidence sur les droits des Premières Nations.
    De plus, un certain nombre de préoccupations ont été soulevées, lors des témoignages que nous avons entendus, à propos des consultations sur le projet de loi, et l'amendement vise maintenant à rassurer les Premières Nations en leur disant que ce projet de loi ne portera pas atteinte à leurs droits ancestraux garantis par la Constitution.

[Français]

    Merci, madame Sgro.
    Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Le NPD va appuyer cette motion.
    Je voudrais citer un extrait du Rapport de la représentante ministérielle sur les questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Il dit:

J'ai pris note de la déclaration suivante du juge en chef de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Adams et qui a été citée par la suite par la Cour suprême dans les arrêts Haida et Mitchell.
Compte tenu des obligations uniques de fiduciaire qu'a la Couronne envers les peuples autochtones, le Parlement ne peut pas se contenter d'établir un régime administratif fondé sur l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire non structuré et qui, en l'absence d'indications explicites, risque de porter atteinte aux droits ancestraux dans un nombre considérable de cas.
    Il dit ensuite qu'il faut tenir compte « de l'existence des droits ancestraux ».
    Il est très important que cet amendement soit inclus à la mesure législative.
(1140)

[Français]

    Merci, madame Crowder.
    Monsieur Jean, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je me demandais si cet amendement est valable. Est-il recevable? Il semble dépasser la portée du projet de loi.
    Selon la présidence, l'amendement est recevable.

[Français]

    Je ne vois personne d'autre qui voudrait ajouter quelque chose à propos de l'amendement.
    (L'amendement LIB-1 est rejeté.)
    La présidente: Nous avons un autre amendement proposé par les libéraux, soit l'amendement LIB-2.
    Madame Sgro, désirez-vous proposer cet amendement?

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Encore une fois, il s'agit d'une tentative pour clarifier la question de la compétence inhérente des Premières Nations sur ces questions. Nous avons encore entendu divers témoins qui souhaitent qu'il soit précisé dans la mesure législative que les Premières Nations ont compétence sur ces questions, et qu'il ne s'agit pas simplement de déléguer le pouvoir du gouvernement fédéral.

[Français]

    Merci, madame Sgro.
    Selon la décision de la présidence, cet amendement est irrecevable, car il va au-delà de la portée du projet de loi. Il vise à préciser le droit de l'autonomie gouvernementale, alors que le préambule du projet de loi prévoit que « la présente loi n'a pas pour but de définir la nature et l'étendue de tout droit à l'autonomie gouvernementale ». Ainsi, la présidence décide de rejeter cet amendement, puisqu'il est irrecevable.
    Nous passons donc à l'article 6.
    (L'article 6 est adopté.)
    (Article 7—Pouvoir d'adopter des textes législatifs)
    La présidente: Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Nous avons rejeté l'amendement, mais avons-nous voté sur l'article 5?
    Oui, avant de passer à l'amendement.
    Avant l'amendement?
    Oui, l'amendement proposait un nouvel article, l'article 5.1; nous avons voté sur l'article 5, puis nous sommes passés à l'amendement. D'accord?

[Français]

    Nous sommes donc rendus à l'article 7, auquel un amendement est suggéré.
    Je vais laisser la parole à Mme Sgro.

[Traduction]

    On tente de préciser que lorsqu'une Première Nation aura adopté ses propres lois sur les biens matrimoniaux en vertu du processus établi dans le projet de loi S-2, elle aura la possibilité, et non l'obligation, de se servir du système judiciaire provincial comme d'un mécanisme d'exécution pour ces lois.

[Français]

    Merci, madame Sgro.
    La présidence considère que cet amendement est conforme.
    Comme il n'y a pas d'autres intervenants, je vais mettre aux voix l'amendement.

[Traduction]

    Pour l'article 5, nous avons voté, puis nous sommes passés aux amendements, mais nous n'avons pas encore mis au voix l'article 7. Le ferons-nous quand nous en aurons terminé avec l'amendement?
    Oui.
    D'accord. Je voulais simplement m'assurer que je n'avais rien manqué. Merci.
    Aucun problème.
    Que toutes les personnes qui sont en faveur de l'amendement LIB-3 veuillent bien l'indiquer.

[Français]

    (L'amendement LIB-3 est rejeté.)
    Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Madame la présidente, je pense que le pouvoir d'adopter des lois est important pour les Premières Nations. Toutefois, certains témoins nous ont dit que le gouvernement ne peut conférer ce pouvoir aux Premières Nations, car dans une relation de nation à nation, les Premières Nations occupent déjà ce territoire. La raison pour laquelle je voulais parler de cet article en particulier, cependant, c'est qu'il s'agit d'une question de ressources. Quand le commissaire par intérim des droits de la personne a comparu devant le comité, il a parlé d'une trousse d'outils qui a été élaborée par la Commission canadienne des droits de la personne. Des ressources y ont été affectées, et un certain nombre de pays ont participé à son élaboration.
    Les Premières Nations ne reçoivent pas ce genre de soutien. Je sais que les membres de l'opposition vont parler du centre d'excellence en matière de biens immobiliers matrimoniaux, mais si cette mesure législative demeure inchangée, il sera créé dans un an. Les nations qui souhaitent actuellement mettre en place des codes en matière de biens immobiliers matrimoniaux avant cette période de transition d'un an ne peuvent le faire sans ressources additionnelles. Il est bien d'inscrire dans la loi qu'il y a un pouvoir d'adopter des lois, mais il n'y a pas de soutien à ce chapitre, et il faut du temps. Il faut du temps pour effectuer un processus collectif adéquat. Il faut du temps pour élaborer ces lois. Il faut du temps pour que la collectivité les approuve. Cela ne semble pas très réaliste sans ces ressources.
(1145)

[Français]

    Merci, madame Crowder.
    (L'article 7 est adopté.)
    Avant de poursuivre, j'aimerais faire une proposition au comité, qui pourra l'accepter ou la refuser.
    Comme je n'ai pas reçu d'amendement pour les articles suivants, jusqu'à l'article 55, je propose de regrouper les articles 8 à 54 pour les traiter en bloc.
    Une voix: Non.
    La présidente: Je vois qu'il y a une opposition.

[Traduction]

    Mais c'est une excellente idée, madame la présidente.

[Français]

    Comme c'est la volonté du comité, nous allons poursuivre l'étude article par article du projet de loi.
    (Article 8—Approbation des membres)
     La présidente: Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Madame la présidente, avec votre permission, j'aimerais clarifier un point auprès de nos témoins. À l'article 8, on indique que tout membre de la Première Nation âgé d'au moins 18 ans, qu'il réside ou non dans une réserve de celle-ci, est habile à voter. Plus loin, on dit qu'il faut que 25 % ou plus des personnes habiles à voter se soient exprimées. Cela m'amène à dire que si le seuil de 25 % de personnes habiles à voter qui résident ou non dans une réserve n'est pas atteint, les Premières Nations ne pourront pas adopter leurs codes en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Est-ce bien cela?
    Oui, je crois que vous avez bien compris. Toute la partie à laquelle s'applique l'article 8 doit être lue dans son ensemble; c'est donc 25 % des personnes habiles à voter, puis on revient au paragraphe 8(2) pour ce qui est de l'âge requis. On peut tenir un seul vote, et si le projet est rejeté, la Première Nation peut aussi, plus tard, proposer une loi sur les biens immobiliers matrimoniaux légèrement différente et procéder à un autre vote.
    J'aimerais obtenir une autre précision, madame la présidente.
    S'agit-il d'une disposition courante lorsqu'une première nation adopte un règlement administratif ou un code?
    Habituellement, il existe de telles dispositions en ce qui a trait aux bandes visées par la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Elles doivent également procéder à un scrutin communautaire avec les membres qui résident ou non dans une réserve. Dans ce cas, le seuil est de 50 %, alors selon le type de... Si c'est un accord, un accord supplémentaire, le seuil pourrait varier, selon les circonstances. C'est en fait un processus normalisé, mais le pourcentage peut varier, selon le type de...
    Le seuil de 25 % a donc été jugé approprié dans ce cas-ci.
    Merci, madame la présidente.
    La raison pour laquelle j'ai soulevé ce point, c'est que le Caucus iroquois nous a fait part de certaines préoccupations qui ont été exprimées, parce que cela concerne les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Il a indiqué qu'il pourrait y avoir des difficultés relativement aux membres résidant hors réserve qui n'ont pas d'intérêt à l'égard des biens immobiliers, même s'ils détiennent encore parfois des certificats de possession. En raison de la complexité des revendications territoriales, ils n'occupent peut-être pas les terres, mais possèdent tout de même ce certificat. On a exprimé certaines préoccupations à l'égard de ce seuil d'admissibilité; je voulais donc clarifier ce point.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Merci, madame Crowder.

[Traduction]

    (L'article 8 est adopté.)
    (Les articles 9 à 11 inclusivement sont adoptés.)
    (Article 12 —Premières nations ayant des terres de réserve)
    La présidente: Madame Crowder.
(1150)
    J'ai une observation à formuler au sujet de la Loi sur la gestion des terres des premières nations.
    On reconnaît dans la mesure législative que la LGTPN se trouve dans une catégorie distincte, mais encore une fois, nous avons entendu certaines choses de la part de témoins qui étaient régis par la LGTPN. Ils nous ont dit notamment qu'il y a beaucoup de nations qui souhaitent participer à la LGTPN, ce qui les placerait alors dans une catégorie différente en ce qui a trait aux biens immobiliers matrimoniaux. Il y a une constante dans ce texte législatif: il n'y a tout simplement pas suffisamment de ressources pour faire le travail.
    Je crois que c'est important, car d'un côté on dit aux gens que ce projet de loi en soi va assurer une protection et des droits, ce que bien d'autres témoins ont contesté en disant que sans les ressources adéquates, cela ne va tout simplement pas fonctionner.
    Je voulais soulever la question et je vais y revenir plus tard, mais il est important de souligner que la période de transition est différente pour la LGTPN. D'après ce qu'ont dit les témoins au sujet de la période de transition de trois ans pour la LGTPN, en leur allouant cette période de trois ans pour mettre en place leurs codes, on reconnaît le fait qu'il faut du temps pour élaborer ces codes.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Merci, madame Crowder.
    (L'article 12 est adopté.)
    (Les articles 13 et 14 sont adoptés.)

[Traduction]

    (Article 15 —Consentement de l'époux ou conjoint de fait)
    La présidente: Nous avons une intervention au sujet de l'article 15.
    Madame Day.

[Français]

    Merci de me donner la parole, madame la présidente.
    On sait que les particularités du Québec sont laissées pour compte dans ce projet de loi. Un avocat de Dionne Schulze a mentionné qu'en vertu du Code civil, les conjoints de fait n'avaient pas le droit à la propriété au Québec; c'est connu.
    J'ai des préoccupations importantes par rapport à cet article. Durant la période des témoignages, j'ai demandé notamment aux gens de l'organisme Femmes autochtones du Québec de nous expliquer davantage quels seraient les flous juridiques et les lacunes qu'entraînerait l'application du projet de loi S-2 au Québec. On sait que le Québec applique le droit civil, et non la common law. Leur témoignage est pourtant clair et devrait se refléter dans ce projet de loi. Mme Viviane Michel, entre autres, a dit ceci:
Plusieurs femmes autochtones sont aussi en union libre avec des conjoints non autochtones. Si on applique cette loi et qu'on arrive à un verdict, surtout à cause de tous les problèmes que vivent nos communautés, à savoir les taux élevés d'alcoolisme, de consommation de drogues et ainsi de suite, dans le cas d'une femme qui vit de tels problèmes et que le conjoint est Québécois, ce dernier aurait le droit d'habiter la maison.
     Ce serait donc l'homme en question, le Québécois, qui habiterait la maison avec les enfants. La femme perdrait ses enfants et vivrait dans une communauté. Voyez-vous comment cela pourrait être un danger pour les communautés autochtones? Ce sont des réalités.
    Et je ne parle pas seulement du peuple québécois. Cela peut concerner des gens d'autres origines. En effet, les femmes sont de plus en plus en union libre avec des conjoints d'origine différente.
    Cela peut donc entraîner des lacunes dans la communauté. Des femmes peuvent perdre jusqu'à leur maison et même leurs enfants. Ces distinctions à faire entre le Code civil et la common law sont particulièrement préoccupantes pour les femmes autochtones au Québec, puisque le Code civil du Québec n'offre pas aux conjoints de fait les mêmes droits qu'aux personnes mariées légalement.
    On dit que le projet de loi ne sera pas conforme aux normes établies dans le Code civil du Québec pour les conjoints concernant le partage des biens matrimoniaux en cas de séparation ou de décès. Comme 40 % des femmes sont en union libre au Québec, la mise en oeuvre de ce projet de loi pourrait créer beaucoup de problèmes.
(1155)
    Merci, madame Day.
    Comme je ne vois personne d'autre qui désire prendre la parole, je vais mettre aux voix l'article 15.
    (L'article 15 est adopté.)
    (Article 16—Ordonnance du juge désigné)
    La présidente: Madame Ashton, vous avez la parole.

[Traduction]

    J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'article 16, qui porte sur les ordonnances de protection d'urgence. Il s'agit de toute évidence d'une question très importante, mais malheureusement, les députés ministériels l'ont utilisée pour induire la population en erreur en ce qui concerne ce projet de loi.
    Bien des témoins, dont ceux qui ont pris la parole ailleurs qu'au comité, ont exprimé de réelles préoccupations quant à l'application générale du projet de loi, mais en particulier au sujet des ordonnances de protection d'urgence. Nous avons souvent entendu parler du manque de policiers et de services de police dans les réserves des Premières Nations, ainsi que de corps de police qui peuvent desservir les Premières Nations même s'ils ne sont pas situés dans les réserves.
    Nous savons également que les refuges d'urgence jouent un rôle en ce qui concerne les ordonnances de protection d'urgence, car ils permettent aux femmes et aux hommes qui fuient la violence d'avoir accès à ces ordonnances. Toutefois, comme nous le savons, seulement 40 réserves des Premières Nations sur 663 sont dotées d'un refuge qui peut donner accès à ce service. Je tiens à mentionner que les paragraphes 16(3), 16(5), 16(7) et 16(8) parlent d'un agent de la paix et du travail de l'agent de la paix.
    Comme nous le savons, dans bien des réserves des Premières Nations, il y a non seulement un manque d'agents de police, mais le gouvernement fédéral a aussi éliminé les programmes des agents de police des bandes. Les partenariats entre les Premières Nations et les provinces relativement à la capacité policière dans les réserves ont été réduits par le gouvernement fédéral, ce qui signifie qu'il est difficile et souvent impossible d'avoir accès aux agents de la paix qui pourraient faire appliquer toutes ces dispositions.
    Je voudrais vous lire un extrait d'une analyse de l'Ontario Women's Justice Network, qui a fait un excellent travail sur la question des ordonnances de protection d'urgence. On y indique:

Les ordonnances à court terme sont des ordonnances d'urgence pouvant être obtenues à toute heure du jour, sur appel ou sur rendez-vous, d'un juge de paix spécialement formé. Dans la plupart des cas, ce sont les policiers ou les intervenants des services d'aide aux victimes qui demandent ces ordonnances au nom de la victime.
    De plus, dans les collectivités des Premières Nations:

Les agents communautaires chargés des cas, par exemple, peuvent demander des ordonnances de protection en appelant la police au nom d'une personne survivante.
    Madame la présidente, de nombreux témoins nous ont dit très clairement que dans bien des cas, dans la réserve, il n'y a pas de juge de paix spécialement formé, pas d'intervenants des services d'aide aux victimes et pas de policiers, et on peut se demander qui sont au juste les agents des Premières Nations chargés des cas, alors que nous savons que presque toutes les collectivités n'ont personne pour s'occuper des cas existants, et encore moins pour composer avec les effets du projet de loi S-2.
    Cela ne veut pas dire que les ordonnances de protection d'urgence ne sont pas importantes. Elles le sont, évidemment. Mais pourquoi le gouvernement élude-t-il la question de l'exécution? Tout est bien sur papier, mais comme nous l'avons entendu, si on n'exécute pas les ordonnances de protection d'urgence et qu'il n'y a pas d'agent de police, de juge de paix, d'intervenant des services d'aide aux victimes ni d'agent communautaire chargé des cas, comme il y en a dans le reste du pays — sauf pour l'agent communautaire chargé des cas, hors réserve — alors ce ne sont que des mots qui resteront des mots.
    Je veux aussi mentionner que l'Ontario Women's Justice Network indique, dans le contexte des discussions avec les provinces:

Il est également essentiel que la nouvelle loi soit suivie d'une formation poussée à l'intention des organismes d'application de la loi, des avocats et des juges, ainsi que d'une augmentation des ressources et d'un meilleur accès à un avocat et aux services sociaux.
    Madame la présidente, je tiens à être claire. Nous ne parlons pas ici du projet de loi S-2, mais de nombreux témoins nous ont dit que le projet de loi S-2 ne prévoit aucune mesure non législative. Il ne prévoit pas de ressources pour les organismes provinciaux ni pour l'aide juridique; les provinces pourraient certainement recevoir quelque chose, qu'elles pourraient alors donner à l'aide juridique ou aux Premières Nations, afin qu'elles puissent mettre en oeuvre ces mesures.
    Les ordonnances de protection qui ne sont pas exécutées adéquatement ont pour effet de procurer un faux sentiment de sécurité plutôt qu'une mesure nécessaire de prévention et de protection contre la violence. Il y aurait probablement davantage de femmes qui demanderaient des ordonnances de protection si elles pouvaient le faire par l'intermédiaire de services communautaires comme les refuges pour femmes, et pas seulement par l'intermédiaire de la police.
    Encore une fois, madame la présidente, nous parlons ici des lois provinciales, mais il va sans dire que si nous appliquons cela au projet de loi S-2 sans en prévoir l'exécution ni les ressources, les ordonnances de protection d'urgence resteront trois mots inscrits dans un document, et le gouvernement continuera de tenir des propos trompeurs en disant qu'ils vont protéger les femmes contre la violence.
(1200)
    Merci.

[Français]

    Merci, madame Ashton.
    Je vois que M. Jean veut prendre la parole.
    C'est à vous.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais simplement dire, en tant qu'avocat ayant pratiqué dans ce domaine dans l'une des villes les plus dures du Canada — Fort McMurray, dans les années 1990 —, que je l'ai moi-même constaté. Il y a plusieurs Autochtones de ma famille qui vivent là-bas — beaucoup vivent dans une réserve, beaucoup sont touchés par un traité — et je me suis occupé de ces membres de ma famille, ainsi que de bien d'autres personnes.
    Ce qui m'a carrément consterné, c'est de voir qu'on pouvait envoyer un Autochtone en prison, mais qu'on ne pouvait pas protéger les gens dans la réserve. Les femmes fuyaient les réserves avec leurs enfants, en laissant derrière elles tout ce qu'elles possédaient. Elles avaient besoin de protection, mais ne pouvaient l'obtenir des tribunaux. J'ai vu cela régulièrement.
    Je trouve choquant et renversant qu'il y ait tant de groupes qui s'avancent et déclarent qu'il existe un problème, mais qu'aucune solution ne soit proposée par l'opposition — ni n'ait été proposée par l'ancien gouvernement libéral en 13 ans, lorsqu'il était au pouvoir.
    En fait, les Autochtones ont le taux d'incarcération le plus élevé parmi tous les Canadiens et sont surreprésentés dans les prisons. Il se trouve que ces personnes vivent des échecs matrimoniaux et diverses formes d'abus dans les réserves et pourtant, nous sommes ici, en train de parler de...
    Tout le monde sait qu'il y a un problème, mais seul le gouvernement conservateur propose une solution concrète qui, à mon sens et selon mon expérience, sera efficace.
    Ils semblent ne rien faire d'autre que de s'opposer. Je suggère à Mme Ashton et aux autres de présenter des suggestions positives au lieu d'essayer de tout bloquer et de défendre leurs propres intérêts. Ils devraient plutôt défendre les intérêts des gens les plus vulnérables de ce pays, les femmes et les enfants autochtones, qui ont besoin de la protection du pays et du gouvernement.

[Français]

    Merci, monsieur Jean.
    J'imagine que les membres de l'opposition aimeraient bien répondre à ce que vous avez dit, mais malheureusement, conformément à la motion devant nous qui gère l'ordre d'intervention, ils n'ont pas la possibilité de reprendre la parole.
    Madame Sgro, vous avez la parole.

[Traduction]

    Pour répondre aux observations de M. Jean, nous aimerions tous que le projet de loi soit adopté. Nous aimerions que des changements soient mis en oeuvre pour les gens dans les réserves. Je pense qu'il aurait toutefois été utile si le comité s'était rendu dans quelques-unes des réserves pour discuter avec les gens et examiné leur situation.
    Je pense que les remarques de Mme Ashton étaient très valables. Si je comprends bien, le projet de loi serait convenable dans la ville de Toronto de même que dans nos municipalités car il y a beaucoup de ressources. Certaines de ces réserves sont toutefois très éloignées et ne reçoivent nullement cette aide. Je ne veux pas induire les femmes en erreur en leur faisant croire qu'il existe des mécanismes d'application ni leur donner un faux sentiment de sécurité, alors qu'il n'y a personne pour les aider.
    Le projet de loi S-2 sera utile, mais seulement de façon modeste. Il fallait qu'il aille jusqu'au bout. C'est exactement ce que Wendy Grant-John a dit: nous ne pouvons pas choisir uniquement les éléments qui nous plaisent. Voilà le problème. Autrement, vous savez quoi? On l'appuierait tous volontiers et le ferait adopter. Il doit contenir les autres éléments cependant. Il doit prévoir l'accès à des refuges et des ressources. C'est ce qui fait défaut dans le projet de loi.
    Dans son rapport, Wendy Grant-John a indiqué que des ressources financières doivent être disponibles pour la mise en oeuvre de mesures non législatives telles que des programmes relatifs aux registres fonciers, des programmes de médiation et d'autres programmes de nature judiciaire, etc. Vous savez tous ce que le rapport renferme.
    Ce que votre gouvernement a fait, c'est qu'il a choisi seulement certains éléments qui paraissent vraiment bons, mais qui ne font pas ce qui doit être fait. Aucune ressource n'est prévue. J'estime que vous induisez les gens en erreur en leur donnant un faux sentiment de sécurité.
    Je vais appuyer l'article 16, d'accord? Nous allons appuyer cette disposition. Mais encore une fois, vous réglez à moitié un problème et induisez les gens en erreur. J'aurais aimé que le gouvernement aille plus loin — et je pense c'est ce que nous aurions tous aimé — et que des ressources soient en place pour soutenir le projet de loi S-2.
    Injectez les fonds voulus, faites du projet de loi une réalité dans les 36 prochains mois et offrez le genre de soutien auquel ces femmes s'attendent de nous.
    Merci.

[Français]

    Merci, madame Sgro.
    Je me tourne maintenant vers Mme Crockatt.
    Vous disposez d'un maximum de trois minutes et demie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je voulais simplement signaler l'argument que nous avons entendu, que j'ai trouvé très convaincant, selon lequel les femmes et les enfants veulent être à la maison — ils ne veulent pas se retrouver dans des refuges et devoir quitter leur collectivité — et que ce projet de loi leur offrirait l'occasion de rester chez eux. C'est le meilleur endroit pour ces femmes et ces enfants... auprès des membres de leur famille, qui peuvent leur offrir du soutien, et de leur collectivité autochtone, dont les membres partagent leur culture.
    La construction de nouveaux refuges n'est pas la solution optimale pour ces femmes.
    Merci.
(1205)
    Madame Crockatt, merci.
    Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?
    (L'article 16 est adopté.)
    (Les articles 17 à 19 inclusivement sont adoptés.)
    (Article 20 — Ordonnance du tribunal)
    La présidente: Madame Ashton, la parole est à vous.
    Oui, j'aimerais discuter de l'article 20, qui porte sur l'ordonnance d'occupation exclusive. Nous aimerions signaler que le gouvernement a fait de nombreuses déclarations trompeuses pendant l'étude du projet de loi, indiquant qu'on en viendrait à ce que l'un des conjoints prenne possession du domicile. Comme nous pouvons le voir dans cet article, ce n'est pas le cas, puisqu'il est question d'une ordonnance d'occupation exclusive. Cette ordonnance est très problématique pour nous. À la lumière du témoignage que nous avons entendu, elle laisse de nombreuses questions sans réponse. Elle touche à l'essence même du projet de loi.
    Je tiens à signaler aux fins du compte rendu que le chef Maracle du Conseil mohawk de Tyendinaga a écrit ceci:
Le projet de loi S-2 est paternaliste. Il confie à la Première Nation le pouvoir d'élaborer une loi relative à l'utilisation, à l'occupation et à la possession des foyers familiaux et des terres dans les réserves en cas d'échec d'une relation ou de décès de l'époux. Il ne [reconnaît] pas que le droit de la famille relève et devrait relever de la compétence des Premières Nations.
    Je voudrais signaler que plusieurs questions se posent pour ce qui est de conclure une entente relative aux remboursements ou des arrangements financiers entre les partenaires. De toute évidence, la question à poser sera la suivante: La femme — si c'est elle qui obtient le droit d'occupation du foyer — pourra-t-elle être partie à une entente financière avec son partenaire pour diviser ce qu'ils possèdent en vertu du projet de loi et de rembourser au partenaire la part de la propriété qui a été convenue devant les tribunaux?
    Il faut aussi définir la valeur de la maison et de la propriété. Il y a de vraies questions à aborder pour évaluer la valeur d'une propriété dans une réserve. C'est particulièrement problématique. Comme vous le savez, différentes Premières Nations...
    Madame Ashton, je dois vous interrompre. Je vais arrêter le chronomètre.
    Je vois que M. Jean souhaite invoquer le Règlement. On vous écoute.
    Oui, désolé d'interrompre Mme Ashton, mais examinons-nous l'article 20?
    Une voix: Oui.
    M. Brian Jean: Je n'ai rien vu de ce dont elle a parlé. Je ne suis pas certain qu'elle ait dit quoi que ce soit en lien avec l'article. L'alinéa 20(3)a) dispose que l'intérêt de l'enfant est le facteur premier à considérer, ce qui comprend « tout enfant qui réside habituellement dans le foyer familial », et à l'alinéa 20(3)b) porte sur « la teneur de tout accord conclu entre les époux ou conjoints de fait ».
    La disposition se rapporte à une ordonnance d'occupation exclusive. Je ne suis pas certain si elle porte sur la valeur de la propriété. Je n'étais pas sûr si elle examinait la bonne disposition. Je voulais simplement le signaler. Elle pourrait peut-être nous éclairer là-dessus.

[Français]

    Merci. En effet, c'est un rappel au Règlement valide. Le débat doit être lié à l'article.
    Madame Ashton, vous avez encore deux minutes et demie. Ainsi, vous pourrez probablement arriver bientôt à faire le lien entre ce que vous dites et l'article 20.

[Traduction]

    Je veux ajouter qu'on nous a parlé à maintes reprises de la disponibilité de logements adéquats supplémentaires dans les réserves, du manque de logements.
    Un témoin a signalé que dans la Première Nation Sagkeeng au Manitoba, par exemple, il y a une pénurie d'environ 500 logements — on ne parle pas de gens qui sont sur une liste d'attente, mais de logements dont des familles ont besoin. Nous avons entendu le témoignage du grand chef adjoint Fiddler au sujet du manque de logements dans le territoire de la nation Nishnawbe-Aski, qui se chiffre en milliers au total.
    Si ces ordonnances d'occupation sont imposées, où les gens iront-ils?
    Ma collègue a mentionné que plusieurs générations vivent souvent sous le même toit — parfois par choix, parfois parce que les gens n'ont nulle part où aller en raison des pénuries de logements.
    Je tiens également à ajouter qu'on a invoqué à maintes reprises le manque d'accès aux tribunaux et aux services juridiques, qui ont évidemment un rôle à jouer dans l'application des ordonnances d'occupation. C'est un élément que l'article 20 n'aborde pas, et le gouvernement n'en a jamais parlé dans les discussions sur le projet de loi S-2.
(1210)

[Français]

    Merci, madame Ashton. Vous aviez en effet un argument à soulever relativement à l'article 20.
    Je ne vois personne d'autre qui souhaite intervenir.
    (L'article 20 est adopté.)
    (Article 21—Ordonnance en cas de décès)
    Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je veux faire une ou deux remarques à ce sujet et, pour la gouverne de M. Jean, je parlerai plus particulièrement des alinéas 21(3)b) et 21(3)g). L'une des difficultés, c'est que nous allons demander aux cours provinciales de se pencher sur l'ordonnance d'occupation exclusive en cas de décès. Le Comité des affaires autochtones étudiait récemment un projet de loi dans lequel l'article portant sur les testaments et les successions a été abrogé en raison de la complexité de la situation et du fait qu'on ne peut pas simplement demander aux cours provinciales d'interpréter les testaments et les successions. Ces documents engloberaient des ordonnances d'occupation exclusive, en raison de la complexité des codes fonciers. J'aimerais simplement en mentionner quelques-uns.
    Premièrement, le foyer familial pourrait être tout un éventail de choses. Ce pourrait être un logement dans le cadre d'un projet d'immobilisation, ce qui est subventionné par les membres de la bande. Ce pourrait être un logement social, qui appartient à la bande. Ce pourrait être un logement locatif appartenant à la bande. Ce pourrait être aussi un certificat de possession ou une attribution selon les coutumes. Donc, quand on parle de l'occupation exclusive et de l'interprétation du libellé des testaments, il convient de déterminer si l'on dispose des capacités pour l'interpréter au non.
    Je voulais aborder également l'alinéa 21(3)g), le fait que le foyer familial est le seul bien de la succession qui ait une valeur importante. Dans cette disposition particulière, il pourrait y avoir des problèmes pour déterminer la valeur du foyer familial car les conditions d'évaluation sont très différentes dans les réserves de ce qu'elles sont à l'extérieur des réserves. Là encore, les cours provinciales devront interpréter ces dispositions particulières et déterminer si elles ont ou non les ressources, les capacités et les outils voulus.
    L'autre point qui a été soulevé entourant les testaments et les successions — car il est question des droits collectifs et de l'intérêt de l'enfant —, c'est que certaines provinces ne reconnaissent pas l'adoption selon les coutumes. Si nous avons une ordonnance d'occupation exclusive dans une province qui ne reconnaît pas l'adoption selon les coutumes, il est à se demander comment la province veillera à l'intérêt de l'enfant. Encore une fois, quel genre de ressources seront fournies aux cours provinciales pour interpréter ces coutumes différentes? Je veux revenir brièvement au commissaire aux droits de la personne par intérim. Dans la trousse d'outils qu'il a mentionné, on a intégré une disposition — c'est l'article 34 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones —, qui stipule:
        Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu’ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.
    La question de l'adoption selon les coutumes serait un champ de compétence que les Premières Nations reconnaissent, mais que les provinces pourraient ne pas reconnaître.
    Merci, madame la présidente.
(1215)
    Merci, madame Crowder.
    Monsieur Jean.
    Je parcourais ma liste d'amendements et j'allais invoquer le Règlement. Mais je ne vois aucun amendement ni aucune proposition positive pratique de la part des libéraux ou du NPD sur cette disposition particulière. Je me demande, puisqu'ils vont manifestement voté contre, s'ils pourraient, la prochaine fois qu'ils auront sept ans pour le faire, présenter une proposition sur une mesure législative différente.
    J'aimerais dire très brièvement, en réponse à l'argument de Mme Crowder, que les cours reconnaissent les personnes qui tiennent lieu de parents, qui assument le rôle de parents. Donc, en ce qui concerne l'adoption selon les coutumes, elles examinent les preuves et vérifient si une personne a tenu lieu de parent. Je sais que les testaments et les successions posent problème car ils peuvent être modifiés unilatéralement par une personne, et c'est l'une des raisons pour lesquelles ils devraient être inclus. Je tenais simplement à le souligner.
    Ce sont là tous les amendements qui ont été proposés par les autres partis? Il n'y en a aucun concernant l'article 21?

[Français]

    Pour l'instant, il n'y a pas d'amendement à cet article. Les députés ont le droit de commenter et débattre chaque article, si c'est leur désir.

[Traduction]

    C'est exact. J'aurais cru qu'étant donné qu'ils ont eu sept ans...

[Français]

    Non, il n'y a pas d'amendement à l'article 21.
    Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste encore une minute.
    Merci,
    Je comprends ce que M. Jean a indiqué au sujet des amendements. Toutefois, un amendement à ce projet de loi pour tenir compte de ce que les témoins nous ont dit aurait été jugé irrecevable par notre distinguée présidente car le gouvernement aurait été contraint de dépenser de l'argent.
    Je peux vous assurer que tous les amendements que j'aurais proposés auraient été jugés comme débordant du cadre du projet de loi. Ces amendements auraient inclus notamment du financement pour des services d'aide juridique, pour de nouveaux logements dans les réserves, pour du counselling, pour le traitement de la toxicomanie, pour l'élaboration d'un processus de règlement extrajudiciaire des différends, ainsi que du financement pour permettre aux Premières Nations de rédiger leurs propres codes en matière de biens immobiliers matrimoniaux.
    Il y a un certain nombre d'amendements que j'aurais bien aimé... mais je suis persuadée que le gouvernement se serait opposé à chacun d'eux.
    Merci, madame Crowder.

[Français]

    (L'article 21 est adopté.)

[Traduction]

    (Article 22 — Violence familiale)
    La présidente: Madame Day.

[Français]

    Madame la présidente, nous avons des réserves sur cet article, qui concerne les questions de violence familiale.
    M. Jean a parlé plus tôt comme un Blanc, père de deux ou trois enfants qui ont peut-être chacun leur chambre, dans une grande maison. Je comprends, étant donné que M. Jean n'est pas un habitué de ce comité, mais ici, on parle de familles qui incluent les grands-parents, d'un côté et de l'autre, les beaux-parents et les enfants. Dans certains cas, 14, 15 ou 16 personnes habitent ensemble dans une toute petite maison comprenant une ou deux chambres. La situation n'est pas du tout la même. De nombreux témoins ont indiqué à plusieurs reprises à ce comité que le projet de loi ne s'attaquait pas à la violence conjugale, qui est le sujet de cet article. On parle ici du problème de violence familiale dans les communautés autochtones.
    Ce projet de loi n'empêchera pas nécessairement la violence familiale, particulièrement dans les cas où les gens sont aussi nombreux à vivre sous le même toit.
    Comme l'ont mentionné l'organisme Femmes autochtones du Québec et l'Association des femmes autochtones du Canada, le renforcement de cette loi ne peut s'appliquer de façon appropriée si les mesures législatives ne sont pas accompagnées de mesures non législatives. C'est ce que réclament presque tous les témoins.
    Hier, les Premières Nations ont affirmé, comme l'avaient fait d'autres témoins auparavant, que ce projet de loi devrait inclure des ressources financières pour que la loi puisse être appliquée correctement et qu'on puisse prétendre avoir un véritable impact sur la sécurité des familles autochtones. Le simple fait qu'il n'y ait pas assez de maisons de transition pour assurer la sécurité des femmes en est un exemple. C'est aussi une question que plusieurs témoins ont soulevée.
    On peut aussi se demander, lorsqu'il y a urgence, où sont les juges, les avocats et les autres personnes pouvant venir en aide aux populations autochtones.
    Merci, madame Day.
    Madame James, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je ne sais pas si j'ai simplement besoin d'une précision ou s'il y a un problème avec l'interprétation, mais ce que j'ai entendu, c'est que Mme Anne-Marie Day aurait dit à mon collègue, M. Jean, qu'il a « parlé comme un Blanc ». Même si cette remarque ne m'était pas adressée, je la trouve très insultante, et je ne sais pas trop ce qu'elle entend par là exactement.
    Je ne sais pas s'il y a eu un problème à l'interprétation ou si c'est vraiment ce qui a été dit, mais j'aimerais savoir ce que « parler comme un Blanc » signifie. Je trouve très offensant que l'on tienne de tels propos au comité.
    Merci.
(1220)

[Français]

    Merci, madame James.

[Traduction]

    Madame James, était-ce une question directe à Mme Day, ou juste une observation?
    Je demande une précision. Est-ce exactement ce qui a été dit? C'est ce que j'ai entendu à l'interprétation, et je juge cette remarque inacceptable. Je ne peux même pas imaginer ce qui se serait passé au comité si la remarque avait porté sur une autre couleur de peau. À mon avis, c'est très offensant et inexcusable.
    Merci.
    Il n'y a pas de précision à fournir, mais si vous posez une question directe, je peux demander à Mme Day d'y répondre.
    Oui, madame la présidente, j'aimerais obtenir une réponse à la question, s'il vous plaît.
    Elle veut donc savoir si c'est ce qui a été dit?
    Mme Roxanne James: Oui.
    La présidente: Madame Day.

[Français]

    Si ça a choqué M. Jean, je le prierais de m'excuser.
    Par contre, je maintiens que nous vivons dans de grandes maisons très confortables, avec un ou deux enfants, peut-être trois, alors que les populations autochtones, dont je ne mentionnerai pas la couleur, vivent à 12, 13 ou 15 dans la même petite maison. On parle ici de conditions vraiment plus difficiles.
    Merci d'avoir clarifié votre propos, madame Day.
    Monsieur Jean, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je ne suis pas du tout insulté. Je suis très fier de ma famille autochtone.
    Elle ne le sait peut-être pas, mais 20 % de la population est autochtone dans ma circonscription, où il y a sept ou huit bandes et réserves. En fait, je suis très fier de dire que j'ai été témoin de résultats formidables dans le nord de l'Alberta avec les Autochtones dont le revenu dépend du secteur des ressources naturelles.
    Pour la gouverne de la députée, je lui signalerai qu'on a très souvent dit à mon égard que je faisais les choses à l'envers. J'ai une ligne de piégeage dans le nord de l'Alberta et je suis très fier de ma famille autochtone. J'ai vu plusieurs Autochtones dans les réserves et j'ai été témoin du triste sort qui les afflige. C'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui: pour défendre les intérêts des Autochtones qui ne peuvent se défendre eux-mêmes.
    Mais le gouvernement conservateur est ici pour la même raison. Nous nous battons pour les femmes et les enfants autochtones dans les réserves qui n'ont pas les droits que vous avez et que bien d'autres Blancs au pays ont. Ce n'est pas juste. Cette situation est inacceptable et doit cesser.
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    M. Brian Jean: Nous avons obtenu les ressources.
    Merci.
    Il n'y a pas d'autres intervenants.

[Français]

    (L'article 22 est adopté.)
    Avant de poursuivre, j'aimerais juste rappeler une chose à tous les membres du comité. Si vous avez des choses à dire, adressez-les à moi et non pas directement à un autre membre du comité, afin d'éviter que...
    Il y a encore des problèmes d'interprétation? Laissez-moi vérifier. Les interprètes ne semblent pas entendre ce que je dis.

[Traduction]

    Désolée...
    Une voix: Nous pouvons entendre, mais je pense que c'est son...
    Mme Roxanne James: ... je vais brancher le câble ici, en avant, parce qu'il y a parfois des interruptions.
    Merci.

[Français]

    D'accord. S'il y a d'autres problèmes, n'hésitez pas à le dire.
    Je voulais juste rappeler à tous les membres du comité de s'adresser à la présidence pour éviter des échanges qui pourraient être vexants.
    (Article 23—Aucun effet sur le droit ou intérêt)
    La présidente: Madame Ashton, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais parler de l'article 23, qui laisse bien des questions sans réponse. Évidemment, nous parlons encore une fois des décisions que le système judiciaire devra prendre, notamment le fait d’imposer cette mesure législative aux Premières Nations. Étant donné que le système judiciaire, ou l'organisme qui appliquera cet article précis, est en cause ici, il y a lieu de se poser la question suivante: le système provincial a-t-il la capacité de s'occuper non seulement du projet de loi en général, mais aussi de la question concernant l'occupation du foyer familial?
    Je me contenterai de lire, aux fins du compte rendu, les réponses que nous ont fournies, par écrit, les fonctionnaires du ministère de la Justice et des Affaires autochtones. Nous leur avons demandé ceci: « A-t-on effectué une analyse des coûts qui seront engagés par les gouvernements provinciaux? »
    Voici la réponse: « On ne dispose d’aucune analyse des coûts liés à la mise en oeuvre pour les provinces et les territoires. » On ajoute ceci: « Le projet de loi S-2 permet aux tribunaux provinciaux d'entendre des cas relatifs aux biens matrimoniaux parallèlement à d'autres procédures judiciaires, telles que le divorce ou la garde d'enfant. »
    Au fond, il s’agit ici d’une question de capacité, car les tribunaux devront s'occuper de codes fonciers complexes. Comme nous le savons, les Premières Nations partout au pays disposent de différentes ententes de codes fonciers. C’est ce que nous ont dit l'ancien chef Baird et la conseillère Joan Jack. Certaines Premières Nations ont signé des traités seulement au cours des dernières années. D'autres ont des traités qui remontent à la fin des années 1800.
    Soyons clairs. Les systèmes judiciaires des divers territoires et provinces doivent non seulement avoir les moyens d'appliquer le projet de loi, mais ils doivent aussi comprendre ces codes financiers. Nous sommes très inquiets d’apprendre qu'aucune analyse n'a été effectuée relativement aux coûts de mise en oeuvre pour déterminer si les provinces ont la capacité d'administrer la justice aux termes du projet de loi. C’est, selon nous, très problématique.
    J'ajouterai, une fois de plus, qu'il s’agit d’évaluer correctement la valeur des maisons dans les réserves. Bien entendu, cette disposition prévoit la possibilité de nommer les bénéficiaires de la succession et de transférer la propriété à d’autres personnes. À notre avis, il y a là une lacune. Malheureusement, même si des témoins nous ont déjà fait valoir ce point, le gouvernement tient fermement à limiter le débat et à ne pas entendre les personnes qui seront les plus touchées. Voilà pourquoi nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner en détail les lacunes réelles concernant l'évaluation exacte de la valeur des maisons dans les réserves, ni de comprendre les défis qui se posent à cet égard.
    J'aimerais réitérer notre préoccupation quant à la capacité des provinces d’assumer la responsabilité dont il est question à l'article 23 — et dans le projet de loi  S-2 au complet —, sans disposer du temps et des ressources nécessaires pour bien appliquer cette mesure législative et pour réellement servir la justice.
(1225)

[Français]

    Merci, madame Ashton.

[Traduction]

    (L'article 23 est adopté.)
    (Les articles 24 à 27 inclusivement sont adoptés.)
    (Article 28 —Partage de la valeur)
    La présidente: Madame Crowder, voulez-vous parler de l'article 28?
    Oui, madame la présidente.
    L'article en question porte sur le partage de la valeur des intérêts ou des droits matrimoniaux. Il y a plusieurs points que j'aimerais aborder relativement à cette disposition.
    Tout d’abord, d’après les notes d'information technique, cette mesure législative a fait l’objet d’une analyse comparative entre les sexes. L'analyse a révélé, entre autres, que les femmes pourraient subir des effets différents par rapport aux hommes. Ainsi, on apprend dans les notes que, selon le recensement de 2006, 74 % des familles monoparentales dans les réserves étaient dirigées par des femmes; de plus, comme les femmes sont souvent celles qui prennent soin des personnes à leur charge, elles ont plus souvent le droit d’occupation du foyer familial. Par conséquent, plus de femmes que d'hommes pourraient être amenées à compenser financièrement leur époux ou conjoint de fait pour leur part de la maison familiale.
    Nous avons entendu d'autres témoignages — et c'était dans le rapport de Wendy Grant-John — sur l’idée de mettre des fonds à la disposition des femmes pour qu'elles puissent emprunter de l'argent ou de créer une sorte de fonds de compensation, parce que de nombreuses femmes sont sous-employées ou elles sont des mères au foyer; elles n'auront donc pas nécessairement la capacité financière de compenser leur époux. C'est un facteur important à prendre en considération au moment de déterminer le partage de la valeur des droits et des intérêts matrimoniaux.
    L’autre point que j’aimerais aborder en est un que nous avons soulevé à plusieurs reprises: il faut tenir compte de l’application des lois provinciales aux réserves, où les conditions de logement sont très différentes. D’après le document d’information technique, les politiques, règles et coutumes liées aux logements dans les réserves varient d’une Première Nation à l’autre. On peut diviser les logements en deux grandes catégories: les logements appartenant à la bande, qui représentent environ les deux tiers ou les trois quarts de tous les logements dans les réserves. Ces logements appartiennent à la bande. La question est donc de savoir comment on effectue l’évaluation. Le reste des logements appartient à des particuliers.
    Le document d’information technique précise également que de nombreuses familles autochtones louent des logements dans les réserves, logements qui appartiennent à un membre de la même Première Nation ou à un membre d’une autre Première Nation. Les intérêts ou les droits des personnes qui louent des maisons dans les réserves ne sont pas aussi clairs que ceux des locataires qui vivent à l’extérieur des réserves. Il en va de même pour les pouvoirs de réglementation des conseils de bande qui louent des logements, puisque les règlements provinciaux sur la location ne s’appliquent pas.
    Nous voici donc aux prises avec une situation complexe: une fois de plus, nous allons demander aux tribunaux provinciaux de s’aventurer dans un domaine qu'ils ne connaissent pas bien, faute d'expérience et de savoir-faire. Nous tenons à souligner ces points pour mettre en évidence les défis qui pourraient se présenter au moment de partager la valeur des biens matrimoniaux et d’évaluer les intérêts.
    Merci.
(1230)
    Merci, madame Crowder.

[Français]

    (L'article 28 est adopté.)
    (Article 29—Modification de la somme)

[Traduction]

     Mme Day souhaite intervenir à ce sujet.

[Français]

    Madame la présidente, encore une fois, l'application de cet article est problématique, en raison du Code civil du Québec. En effet, on n'octroie pas aux femmes vivant en union libre les mêmes droits qu'aux femmes mariées. À ce sujet, l'organisme Femmes autochtones du Québec dit ce qui suit:
Le projet de loi ne sera pas conforme aux normes établies dans le Code civil du Québec concernant le partage des biens matrimoniaux en cas de séparation ou de décès pour les conjoints.
     J'aimerais demander aux témoins s'ils ont étudié cet aspect du projet de loi.
    Madame la présidente, je peux répondre à cette question.
    Comme on l'a mentionné déjà, le projet de loi représente en quelque sorte une médiane entre tous les régimes qui existent au Canada. En effet, l'incorporation par renvoi avait été rejetée par plusieurs provinces. Dès lors qu'on s'éloigne du droit provincial des 13 provinces et territoires, on applique des règles qui seront conflictuelles.
    Le Québec n'est pas le seul endroit où les unions libres ne sont pas reconnues. C'est le cas en Nouvelle-Écosse également. Ça peut effectivement créer des distinctions. En ce qui a trait à la propriété, aux droits concernant la maison et les biens matrimoniaux, le projet de loi accorde néanmoins plus de droits aux femmes autochtones vivant dans les réserves qu'à celles vivant à l'extérieur des réserves.
    Merci, monsieur Jacques et madame Day.
    Monsieur Jean, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je suis curieux.
    Puis-je demander au fonctionnaire si la loi sur l'équité s'applique au Code civil du Québec?
    Non, pas en tant que...
    Pas strictement parlant.
    Merci. C'était ma seule question.
    Merci, monsieur Jean.

[Français]

    Je ne vois personne d'autre voulant intervenir.
    (L'article 29 est adopté.)
    (Les articles 30 à 32 sont adoptés.)

[Traduction]

    (Article 33 —Exécution des accords)
    La présidente: Madame Ashton, vous vouliez parler de l'article 33; je vous cède donc la parole.
    Parfait.
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
(1235)
    Monsieur Jean.
    Voilà plusieurs fois que cela arrive. Dès que vous mettez la question aux voix, d'après ce que je crois comprendre, on doit passer au vote. Je sais qu'en l'occurrence, il y a beaucoup de latitude, parce que la députée tient à faire valoir son argument. Toutefois, je crois bon de rappeler que d'après les règles de la procédure, à ma connaissance, lorsque vous mettez la question aux voix, les députés répondent en votant, puis on passe à autre chose.
    Cette fois-ci — et vous l'avez fait plusieurs fois —, vous avez mis la question aux voix, mais les députés ont demandé à se prononcer après le vote. Je voulais simplement rappeler la procédure à ce sujet. Une fois que la présidence met la question aux voix, si je comprends bien, il faut passer au vote.
    Assurons-nous d'être sur la même longueur d'onde.
    Nous avons mis aux voix l'article 32. Ensuite, nous avons voté.
    Nous étions rendus à l'article 33. Nous n'avions pas commencé le vote. Mme Ashton a demandé à intervenir.
    Je peux procéder très lentement et dire où nous sommes rendus...
    Si vous me le permettez, madame la présidente, je voulais seulement vous le faire remarquer.
    Je sais qu'il y a beaucoup de latitude ici, parce que tout le monde a le droit de s'exprimer, et je pense que c'est important. Toutefois, cela prête à confusion, car j'ai parfois l'impression que vous avez déjà mis la question aux voix. Je passe au vote, et voici que les députés commencent à parler d'un article sur lequel j'ai décidé de voter.
    Je veux simplement...
    Oui. Merci de soulever ce rappel au Règlement.
    Vous avez raison: il y a un peu de confusion. Mettons les choses au clair. J'indiquerai à quel l'article nous sommes rendus. Je verrai s'il y a des députés qui veulent intervenir, après quoi je demanderai: « L'article est-il adopté? » Ensuite, nous passerons au vote.
    Si vous levez la main pendant que je suis en train de dire à quel l'article nous sommes rendus, vous ne levez pas la main au bon moment. Si tout est clair, le rappel au Règlement est tranché.
    Nous sommes rendus à l'article 33. J'ai une liste d'intervenants.
    Madame Ashton.
    Mme Day invoque le Règlement.

[Français]

    Madame Day, je vous écoute.
    S'il vous plaît, pourriez-vous nous demander systématiquement si nous voulons intervenir, avant que les gens ne lèvent la main? Ainsi, nous pourrions manifester notre intention d'intervenir à propos de l'article.
    Oui. Comme je viens de le dire, je nomme l'article auquel nous sommes rendus, puis je regarde si quelqu'un lève la main pour indiquer qu'il souhaite intervenir. Si personne ne lève la main, je demande si l'article est adopté, et c'est à ce moment que nous procédons au vote.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Sauf erreur, madame la présidente, si quatre personnes lèvent la main de l'autre côté, vous allez quand même considérer qu'elles ont levé la main non pas pour voter, mais pour intervenir.
    Quand je nomme l'article, si quelqu'un lève la main, je lui donne la parole.
    Merci.
    Madame Ashton, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Encore une fois, l'article 33, dans sa forme actuelle, stipule ceci:
Dans le cas où, après la cessation de la cohabitation, les époux ou conjoints de fait conviennent par écrit de la somme à laquelle chacun a droit et du règlement de la somme due...
     De toute évidence, comme nous l'avons souligné aujourd'hui et comme nous l'ont dit des témoins, la question d'évaluer la valeur des maisons demeure en suspens. Nous savons que les femmes des Premières Nations sont souvent plus marginalisées que les hommes, comme en témoignent certains indicateurs de pauvreté. La question est de savoir comment on peut évaluer la valeur et comment l’épouse pourrait participer au règlement de la somme due.
    Je veux simplement parler du point de vue logistique. Les gens adorent parler des collectivités des Premières Nations qu’ils ont visitées et auxquelles ils ont consacré du temps, et ce genre de choses. Je suppose qu'ils savent que de nombreux membres des Premières Nations n'ont pas de biens affectés en garantie. Il n’ont pas accès à des institutions bancaires. Dans bien des collectivités des Premières Nations — certainement celles que je représente —, toute transaction financière se produit, en fait, au magasin où l'on fait son épicerie. On ne pas qualifier cela de service bancaire. Même si j’aime bien l’idée de créer une mesure législative qui semble suggérer que toutes les personnes jouissent d'un accès égal aux services, ce n'est tout simplement pas le cas pour de nombreuses Premières Nations sur le plan de leur statut socio-économique et des types de services auxquels ils ont accès, sans compter le manque d'accès à des services juridiques, à de l'aide juridique et aux conseils juridiques.
    Cela montre, une fois de plus, que ce ne sont que des mots sur un bout de papier. On semble croire que les mêmes règles du jeu s'appliquent à tous. Il est déloyal de la part du gouvernement de dire que c'est bel et bien le cas quand il sait bien que ce n’est pas vrai. Les indicateurs qui mesurent la qualité de vie dans les réserves montrent clairement le contraire. Nous avons du mal à accepter que ces vraies questions soient négligées et que le gouvernement veuille accélérer l’adoption du projet de loi sans vraiment se pencher sur ces enjeux importants.
    J’aimerais également dire, à l’instar de plusieurs témoins, dont la conseillère Joan Jack, qu'en cas de rupture de la relation conjugale, les gens veulent accéder à des services de consultation et de guérison. En fait, nous avons même entendu M. David Langtry parler de l'importance d'autres mécanismes de règlement des différends, qui n'existent souvent pas pour les Premières Nations.
    Nous avons affaire à un article qui traite d'accords que les conjoints de fait doivent conclure, alors qu'en réalité, les services de résolution de conflit et de consultation pour pouvoir prendre ces décisions ne sont pas disponibles. Il s’agit là de services essentiels auxquels peuvent accéder les gens qui vivent à l’extérieur des réserves et qui se trouvent dans la même situation. Il est très injuste et tout à fait trompeur de la part du gouvernement d'affirmer que les Premières Nations ont maintenant le même accès que toutes les personnes vivant à l’extérieur des réserves, quand il sait que ce n'est tout simplement pas le cas.
(1240)
    Merci, madame Ashton.

[Français]

    (L'article 33 est adopté.)
    (Article 34—Droit du survivant)
    Est-ce que quelqu'un veut intervenir au sujet de cet article?
    Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je ne m'étendrai pas sur le sujet, madame la présidente. On en revient à la même question: celle de demander aux provinces d'examiner des situations auxquelles elles n'ont pas été exposées dans le passé. L'Assemblée des Premières Nations a offert une séance d'information lorsque la représentante ministérielle, Wendy Grant-John, était en train de préparer un rapport. À cette occasion, les représentants de l'Assemblée des Premières Nations ont informé qu'en réalité, les lois provinciales et territoriales régissant le partage des biens immobiliers ne s'appliquent pas dans les réserves. Ils ont ensuite parlé des pouvoirs des tribunaux provinciaux. Ils ont ajouté que ce n'est pas pour rien que les lois provinciales ne s'appliquent pas.
    En vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, la Couronne fédérale a compétence exclusive sur les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Bien entendu, nous savons que la cour a récemment rendu une décision, aux termes du paragraphe 91(24), qui a permis d'élargir la portée de cette compétence pour y inclure les Métis et les Indiens non inscrits.
    Je le répète: il semble déraisonnable de demander aux tribunaux provinciaux d'interpréter des codes fonciers complexes dans les réserves.

[Français]

    Merci, madame Crowder.
    Je constate que personne d'autre ne veut intervenir au sujet de l'article 34.
    (L'article 34 est adopté.)
    (Article 35—Modification de la somme)
    La présidente: Est-ce que quelqu'un veut intervenir au sujet de l'article 35?
    Madame Day, vous avez la parole.
    Merci.
     Madame la présidente, le même problème que pour les articles 15, 4 et 29 se pose ici. Il y a un flou juridique entre l'application du projet de loi S-2 et celle du Code civil du Québec. On dit ceci à l'article 35:
    35. Sur demande de l’exécuteur testamentaire ou de l’administrateur de la succession, le tribunal peut, par ordonnance, modifier la somme qui est due au survivant en vertu de l’article 34 si, avant le décès de l’époux ou conjoint de fait, les conséquences de l’échec de la relation conjugale ont déjà été réglées aux termes d’un accord ou d’une décision judiciaire ou si cette somme serait injuste compte tenu notamment du fait qu’il ne serait pas suffisamment pourvu aux besoins de tout enfant de l’époux ou conjoint de fait décédé.
    Comme l'ont indiqué plusieurs témoins, au Québec notamment, les conjoints de fait n'ont pas les mêmes droits que les personnes mariées. Qu'en est-il de ces 40 % de femmes qui vivent en union libre au Québec?
    Compte tenu de la façon dont est appliqué le Code civil du Québec, la différence entre le statut d'une femme mariée et celui d'une personne vivant en union libre est flagrante. Les droits et obligations sont fréquemment différents, notamment en ce qui a trait aux charges du ménage, à la solidarité des dettes, à la résidence familiale, au patrimoine familial, aux prestations compensatoires, au droit des enfants, etc. Comme l'a indiqué un des témoins, une femme autochtone vivant en union libre pourrait se voir refuser l'accès à la résidence familiale.
    L'harmonisation entre le projet de loi S-2 et le Code civil du Québec doit être améliorée.
     Merci.
(1245)
    Merci, madame Day.
    Personne d'autre ne semble vouloir intervenir.
    (L'article 35 est adopté.)
    (Les articles 36 à 39 sont adoptés.)
    (Article 40—Exécution des accords)
    La présidente: Madame Ashton, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais parler de l'article 40. Là encore, le projet de loi est complètement à côté de la plaque. Cette disposition en dit long sur la lacune du projet de loi: on ajoute des articles comme celui-ci sans prendre l'engagement d'adopter des mesures non législatives qui, nous le savons, sont absolument cruciales quand vient le temps d'examiner les décisions à prendre après une rupture conjugale.
    J'aimerais lire, aux fins du compte rendu, le message de Mme Ellen Gabriel, qui a indiqué ceci:
Les taux de chômage élevés, le manque de logements adéquats, la croissance démographique, la dépossession de nos terres et de nos ressources, l'imposition de valeurs et de processus paternalistes, des formules de financement désuètes, la pauvreté et les maux sociaux découlant du colonialisme — voilà autant de facteurs qui nuisent, depuis des générations, à la capacité des femmes autochtones de se prévaloir de leurs droits fondamentaux.
    Le gouvernement affirme que le projet de loi vise le bien-être des femmes autochtones. Il s'agit là d'une affirmation tout à fait paternaliste, en partie, parce que le gouvernement passe complètement à côté de tous les points soulevés par Mme Gabriel, à savoir les conditions socio-économiques dans lesquelles vivent les Premières Nations et la pauvreté écrasante qu'elles subissent. D'ailleurs, les Premières Nations affirment régulièrement que cette pauvreté est comparable à celle des pays du tiers monde.
    J'ai été dans le nord du Manitoba et j'ai vu des maisons dont les murs étaient tapissés de moisissure noire, mais les gens n'ont nulle part où aller. J'ai été dans des maisons où il n'y a pas d'évier dans la cuisine, parce qu'il n'y a pas d'eau courante. Les gens doivent sortir de chez eux, à -35 degrés, avec un seau à la main, pour aller puiser de l'eau dans un puits. J'ai été dans des maisons où il n'y a pas de salle de bains intérieure. Je me souviens d'une personne âgée diabétique, à St. Theresa Point, qui devait braver la neige pour aller utiliser une salle de bains située à l'extérieur de sa maison. J'ai été dans des collectivités où le gouvernement fédéral avait fait parvenir des seaux hygiéniques parce qu'après l'épidémie de grippe H1N1, il a clairement été établi que les services d'aqueduc et d'égouts là-bas étaient inacceptables. Pour ajouter l'insulte à l'injure, le gouvernement fédéral actuel a envoyé des seaux hygiéniques à la collectivité.
    Madame la présidente, les députés d'en face, et certainement leur gouvernement, font fi des conditions de vie qu'endurent les Premières Nations. Pourquoi? Parce que ces personnes sont des Autochtones. L'approche paternaliste et colonialiste adoptée jusqu'ici n'a clairement pas fonctionné, si on tient compte de la qualité de vie de ces gens.
    Malheureusement, au lieu de changer de cap, le gouvernement a choisi, par l'entremise de l'article 40 et du projet de loi S-2 dans son intégralité, d'imposer une mesure législative qui fait complètement abstraction de ces conditions de vie — des conditions de vie comparables à celles des pays du tiers monde, comme de nombreuses Premières Nations l'affirment — et il prétend qu'un tel projet de loi permettra, en quelque sorte, de mettre fin à la violence et de régler les situations problématiques auxquelles font face les femmes dans les réserves.
    J'aimerais donc renvoyer les députés ministériels aux propos de Mme Gabriel et montrer comment, dans le cadre du projet de loi  S-2, le gouvernement ne tient pas compte des indicateurs mêmes qui entraînent ce genre de difficultés, de tensions sociales et de violence. Sachez que le gouvernement continue d'adopter une approche paternaliste et coloniale à l'égard des membres des Premières Nations.
(1250)

[Français]

    Merci, madame Ashton.
    Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?
    Madame Crockatt, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je veux juste répondre en disant que l'objectif du projet de loi est de sauver des vies. Il permettra de sauver des vies, et il mérite d'être adopté même si une seule vie est sauvée. Le NPD et les libéraux appuient le projet de loi.

[Français]

    Merci, madame Crockatt.
    (L'article 40 est adopté.)
    (Article 41—Avis des demandes)
    Madame Crowder, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Cet article particulier porte sur l'avis au conseil et les observations du conseil. Il est important de souligner qu'il permettra au demandeur d'envoyer une copie d'une demande faite en vertu de la loi au conseil de toute Première Nation dans la réserve de laquelle sont situés le foyer familial et les droits et intérêts matrimoniaux, sauf dans le cas d'ordonnances de protection d'urgence, et que le conseil aura la possibilité de présenter des observations. La disposition exige que, pour rendre des ordonnances, le tribunal tienne compte des observations sur le contexte culturel, social et juridique ainsi que des observations du conseil sur l'octroi de l'ordonnance.
    Voilà les quelques points relatifs à cet article. La question qui se pose est de savoir si les conseils disposeront des ressources nécessaires pour intervenir au tribunal. Encore une fois, c'est une question qui revient continuellement tout au long du projet de loi.
    Je fais de nouveau référence au rapport de Wendy Grant-John. L'un des paragraphes porte sur ce qui suit:
Garantir la mise en place des ressources nécessaires au renforcement des capacités et des institutions qui constituent des préalables pour un régime des biens immobiliers matrimoniaux fonctionnel et exhaustif (pour le processus législatif, la gestion des terres, l'enregistrement foncier, le registre des logements disponibles et les mécanismes et processus de règlement des différends).
    Le rapport, dans les conclusions et les recommandations qu'il formule, souligne également qu'en promulguant le projet de loi sans disposer de ce genre de ressources, « Les Premières Nations pourraient se retrouver dans une impasse, car elles seraient tenues d'offrir les mêmes normes que les gouvernements provinciaux sans avoir à leur disposition les mêmes ressources ni les mêmes capacités pour exécuter leur mandat. »
    En outre, madame la présidente, il est important de noter qu'il sera demandé au tribunal de tenir compte du contexte culturel, social et juridique. J'ai fait référence plus tôt à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui souligne que « Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes particulières ». La déclaration mentionne aussi les systèmes ou coutumes juridiques.
    Il est intéressant de noter que les quatre étapes constituent l'une des choses importantes, sur le plan du règlement des différends, de la trousse d'outils qui été préparée par la Commission canadienne des droits de la personne en collaboration avec des Premières Nations. Manifestement, le projet de loi ne traite pas de ces quatre étapes. La trousse d'outils souligne que les quatre étapes dans l'élaboration d'un processus sont les valeurs et les principes du leadership; le renforcement des capacités pour le développement et la mobilisation de la communauté; l'élaboration d'un modèle de règlement des différends dans la communauté; et la mise en oeuvre, le contrôle et l'amélioration permanente.
    Les chefs et les conseils auront la possibilité de présenter des observations au tribunal si les ressources dont ils disposent le leur permettent. Il serait intéressant qu'ils puissent présenter au tribunal un modèle de règlement des différends élaboré de concert avec la communauté et le présenter comme une possibilité que le tribunal pourrait examiner dans le cas de rupture conjugale et de la répartition des biens ou de tout autre éventuel actif.
    Encore une fois, ce qui est préoccupant, c'est la possibilité que les Premières Nations ne disposent tout simplement pas des ressources, les chefs et les conseils peuvent ne pas avoir les ressources pour entreprendre ce genre d'action ou élaborer d'autres mécanismes de règlement des différends.
    Je vous remercie, madame la présidente.
(1255)
    Merci, madame Crowder.
    Je vois que M. Jean veut intervenir.
    Je veux juste savoir si Mme Crowder et le NPD s'opposent à ce que les chefs et les conseils soient avisés de quelque chose qui pourrait se passer dans leurs bandes. Est-ce cela qu'elle veut dire? Je comprends le problème lié aux ressources, mais je me demande si elle est pour ou contre l'article en question. Elle pourrait peut-être éclaircir sa position.
    Est-ce une question que vous posez?
    Madame Crowder, il vous reste encore une minute.
    Merci.
    Oui. Je suis désolée. Je n'ai pas été claire. Nous appuierons l'article. Je pense qu'il est très important que les conseils des bandes soient avisés. Encore une fois, l'article indique avec justesse que cela ne se produira pas dans le cas d'ordonnances de protection d'urgence en raison des questions de confidentialité et autres.
    Mais, nous appuierons cet article. Mon unique espoir est que les Premières Nations disposent des ressources nécessaires à ce genre d'intervention afin qu'elles aient l'occasion d'éclairer le tribunal sur les différentes situations qui existent dans les réserves. Aucune autre disposition ne le permet.
    Merci, madame Crowder.
    Madame Sgro, la parole est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais demander des éclaircissements aux fonctionnaires.
    À l'article 41, on lit « sans délai ». Que se passe-t-il s'ils ne l'envoient pas rapidement. Où se trouve la démarche qu'il faut alors suivre? J'hésite à croire que le mot « exécution » soit le bon. Où peut-on trouver la démarche à suivre s'ils ne le font pas rapidement? On lit « sans délai ». Et si ce n'est pas le cas, que se passe-t-il?
    Je dirais simplement que cette expression est une sorte d'ordre à l'intention du demandeur afin qu'il envoie sans tarder la copie. Le tribunal doit examiner et trouver une solution au cas qui lui est présenté et on ne peut pas envoyer un avis six ou douze mois après les événements qui font l'objet de la demande. C'est simplement une directive demandant d'envoyer la demande sans délai et que l'on s'attend à ce que ce soit fait rapidement.
    Quiconque ne fait pas cela ne se sera pas conformé à l'article et placera le tribunal dans une position difficile pour examiner l'ensemble des circonstances.
    En revanche, ce qui risque probablement de se passer est que le tribunal demandera, dans la demande, si un avis a été présenté au conseil. C'est donc l'une des démarches que doit entreprendre un demandeur au tribunal.
    Merci.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, madame Sgro.
    Y a-t-il d'autres observations au sujet de cet article?
    (L'article 41 est adopté.)

[Français]

    La présidente: C'est ce qui met fin à notre rencontre. Nous allons reprendre l'étude article par article du projet de loi S-2 lors de la prochaine séance.
     Je remercie le comité pour le travail qu'il a accompli aujourd'hui.
    Au nom du comité, je remercie encore une fois les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Nous leur transmettrons certainement une invitation à participer à la prochaine rencontre également.
    La séance est levée.
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