Bonjour. Je m'appelle Karol Wenek. À titre de directeur général du personnel militaire, je suis responsable entre autres choses des politiques en matière de personnel visant à prévenir la discrimination et à assurer l'égalité d'accès à l'emploi dans les Forces canadiennes.
Je suis accompagné aujourd'hui par le commandant Tony Crewe, directeur des droits de la personne et de la diversité des Forces canadiennes, qui m'aidera à répondre à vos questions sur le harcèlement sexuel et les problèmes connexes. Le lieutenant-colonel Mark Gendron, directeur juridique du personnel militaire au cabinet du juge-avocat général, s'est également joint à nous. Il pourra fournir des renseignements sur les processus et les procédures judiciaires qui sont possibles à l'égard des allégations de harcèlement sexuel.
Je vais présenter brièvement notre cadre stratégique, notre définition du harcèlement, l'instruction et l'éducation des militaires et des initiatives récentes portant sur cette question.
Les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale ont une politique commune de prévention et de règlement des problèmes de harcèlement qui s'applique à tous les membres du personnel militaire et civil. Le directeur des droits de la personne et de la diversité, qui relève de moi, est responsable de l'application de cette politique à l'égard des militaires.
La politique des Forces canadiennes en matière de harcèlement a été mise en place dans les années 1980, et elle a fait l'objet de plusieurs mises à jour depuis. La version la plus récente, qui remonte à décembre 2000, privilégie davantage la prévention et le règlement rapide des problèmes grâce au mode alternatif de règlement, et elle regroupe les personnels civil et militaire dans le cadre d'une même politique. Son objectif global consiste à établir et à assurer un milieu de travail respectueux en favorisant la prévention du harcèlement et le règlement rapide des plaintes.
Je comparais ce matin pour parler expressément du harcèlement sexuel, mais il est utile de considérer notre politique comme un élément de toute une série de politiques des Forces canadiennes qui portent sur le comportement sexuel en milieu de travail. Nous avons par exemple une politique régissant les relations personnelles et la fraternisation qui vise à préserver la confiance dans l'intégrité du commandement tout en prévenant l'exploitation des militaires subalternes et des autres membres vulnérables du personnel.
De plus, notre politique relative à l'inconduite sexuelle porte sur les comportements à caractère sexuel ou adoptés dans l'intention de commettre un ou des actes à caractère sexuel qui constituent une infraction aux termes du Code criminel ou du Code de discipline militaire. Ce sont par exemple l'agression sexuelle, l'outrage à la pudeur, le voyeurisme et les actes liés à la pornographie juvénile. Notre politique sur le harcèlement et le harcèlement sexuel se situe quelque part au centre de ce train de politiques.
Le harcèlement se définit ainsi:
tout comportement inopportun et injurieux, d'une personne envers une ou d'autres personnes en milieu de travail, et dont l'auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu'un tel comportement pouvait offenser ou causer préjudice. Il comprend tout acte, propos ou exhibition qui diminue, rabaisse, humilie ou embarrasse une personne, ou tout acte d'intimidation ou de menace. Il comprend également le harcèlement au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Il n'existe pas de définition ni de politique propres au harcèlement sexuel.
L'information systématique sur le harcèlement sexuel dans les Forces canadiennes provient, à des degrés variables, de quatre sources: le mécanisme de suivi des plaintes de harcèlement déposées à l'interne, notre base de données sur le mode alternatif de règlement des différends, les statistiques sur les plaintes externes relatives aux droits de la personne déposées auprès de la Commission canadienne des droits de la personne et des enquêtes périodiques auprès des militaires.
Le mécanisme de suivi des plaintes de harcèlement vise à consigner toutes les plaintes de cette nature dans les Forces canadiennes et au ministère. De 2002 à octobre 2012, 513 plaintes ont été enregistrées grâce à ce mécanisme, dont 30, soit 6 p. 100, portaient sur du harcèlement sexuel. De ces 31 plaintes en 10 ans, 11 ont été jugées fondées ou partiellement fondées.
Cela correspond à un taux d'incidence d'environ un cas par année dans une population d'environ 100 000 personnes. Quant aux 20 autres plaintes, certaines sont toujours en instance tandis que d'autres se sont avérées non fondées, ont été retirées ou ont été renvoyées à la police militaire. Si des soupçons d'agression sexuelle apparaissent au cours d'une enquête, le dossier est automatiquement confié à la police militaire, conformément à la politique relative à l'inconduite sexuelle dont j'ai parlé tout à l'heure.
Sur les plaintes fondées, 10 ont été présentées par des militaires de sexe féminin, et la plainte déposée par un militaire de sexe masculin visait un défendeur du même sexe.
Le processus d'enquête sur les plaintes de harcèlement sexuel fondées et le règlement ont pris 90 jours en moyenne. Selon la politique, les agents responsables ont 180 jours pour régler un dossier de plainte.
Conformément à la politique en vigueur, les personnes reconnues coupables subissent les conséquences de leurs gestes. La mesure administrative la plus fréquente, suivie de l'avertissement écrit, consiste à envoyer la personne fautive suivre une formation de sensibilisation au harcèlement. Dans certains cas, des excuses ont été exigées, et, dans des cas rares, le contrevenant a été suspendu de ses fonctions. Dans un seul cas, une amende a été imposée et il y a eu deux cas où la personne a dû suivre une formation en communication et en leadership.
Le directeur général des modes alternatifs de résolution tient également des statistiques sur le harcèlement. Par contre, il faut souligner que les statistiques accessibles portent sur tous les cas de harcèlement, puisque la base de données ne comprend pas de catégories de harcèlement, comme le harcèlement sexuel. À la lumière des rapports annuels passés, le nombre combiné des cas de harcèlement, militaires et civils, entre 2002 et 2010 a varié entre 153 et 382.
Les statistiques tirées de la base de données de la Commission des droits de la personne pour la période allant de 2002 à 2012 révèlent que 196 plaintes ont été portées contre les Forces canadiennes, dont 13 pour harcèlement sexuel, soit 6,6 p. 100 de toutes les plaintes. De ces 13 plaintes, deux portaient sur un motif de distinction illicite, soit le sexe et l'orientation sexuelle. Huit des 13 plaintes ont été réglées par médiation, deux plaintes ont été rejetées et une a été retirée par suite de la procédure de règlement des griefs, et deux sont encore en instance.
En 1992, puis en 1998, les Forces canadiennes ont réalisé une étude sur le harcèlement. On demandait aux participants s'ils avaient été victimes de harcèlement au cours des 12 mois précédents. En 1992, 26 p. 100 des femmes et 2 p. 100 des hommes étaient d'avis qu'ils avaient été victimes de harcèlement sexuel. En 1998, les résultats ont révélé une diminution du taux de harcèlement sexuel, qui était de 14 p. 100 pour les femmes.
Les résultats d'un sondage sur le harcèlement réalisé en 2012 dans les forces régulières sont en préparation et ils seront disponibles dans les mois à venir. La prochaine étude visera les réservistes et les recrues; elle devrait se faire en 2013.
Tous les membres des Forces canadiennes reçoivent une instruction sur la prévention et le règlement des problèmes de harcèlement à différents niveaux de perfectionnement professionnel, tout au long de leur carrière. Au moment de leur enrôlement dans les Forces canadiennes, les membres du rang et les officiers reçoivent une instruction sur les politiques régissant la conduite personnelle. L'objectif est qu'ils mettent en application les normes professionnelles obligatoires. Dans le cadre de ce module, on enseigne aux militaires que le harcèlement, quelle qu'en soit la forme, n'est pas conforme à l'éthique de la Défense nationale, qu'il constitue une conduite inacceptable qui ne sera pas tolérée.
Comme il est précisé dans le document de politique, la mise en oeuvre de la politique de prévention et de règlement est la responsabilité des chefs et des commandants. Par conséquent, tous les nouveaux commandants doivent attester qu'ils ont lu et compris les directives du chef d'état-major de la Défense aux commandants. Entre autres choses, ces directives expliquent leurs fonctions en matière de prévention et de règlement des problèmes de harcèlement, notamment leur rôle d'officiers responsables des membres des Forces canadiennes sous leur commandement.
Dans le cadre de nos efforts continus de rappel de notre politique sur le harcèlement, nous avons publié cette année de nouvelles affiches sur la prévention, et nous les avons distribuées à toutes les unités des Forces canadiennes pour qu'elles soient installées dans les zones de travail communes. Les messages sont simples et directs, et les affiches ont été conçues de façon qu'on puisse y faire figurer les coordonnées de la personne-ressource locale.
Pour conclure, je dirai que les faits avérés donnent une image rassurante du harcèlement sexuel dans les Forces canadiennes, étant donné que l'incidence des plaintes officielles, tant à l'interne qu'à l'externe, est relativement faible. Les statistiques sur les modes alternatifs de règlement donnent à penser qu'il y a un taux plus élevé d'incidents de harcèlement, mais si la plupart des plaintes sont résolues grâce à l'auto-assistance, à l'intervention d'un superviseur ou à la médiation plutôt que par des méthodes non consensuelles, celles des enquêtes officielles, la situation est encourageante.
La diminution au fil du temps du nombre des cas de harcèlement sexuel signalés à l'occasion des sondages est également une bonne nouvelle, mais je m'empresse d'ajouter que deux points de données ne constituent pas une tendance. Nous avons donc hâte de connaître les résultats du prochain sondage.
Voilà qui met fin à mes observations liminaires. Merci de votre attention.
Ma collègue va maintenant faire sa déclaration d'ouverture.
:
Bonjour, et merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Je m'appelle Jacqueline Rigg et je suis directrice générale des opérations de gestion des ressources humaines civiles au ministère de la Défense nationale. Je supervise les activités de six centres de services des ressources humaines civiles dans tout le Canada. Je travaille en partenariat avec les gestionnaires civils et militaires dans le domaine de la gestion stratégique et opérationnelle des ressources humaines.
Je suis accompagnée de Susan Harrison, directrice des relations de travail du personnel civil. Elle est également la directrice de la politique sur le harcèlement pour le personnel civil.
Afin de mettre mes propos en contexte, je propose une description de l'effectif civil du ministère de la Défense nationale.
Au cours des 10 dernières années, l'effectif civil du ministère a varié entre 20 000 et 29 000 employés. L'effectif du MDN est syndiqué. Il est représenté par 10 agents négociateurs et visé par 18 conventions collectives; les femmes représentent 40 p. 100 de l'effectif civil, et elles sont présentes dans tous les groupes professionnels, depuis les cadres supérieurs jusqu'aux cols bleus. Environ 70 p. 100 de l'effectif est géré par des membres des Forces canadiennes. Le ministère est présent dans toutes les régions du Canada, y compris dans le Nord, et il est déterminé à offrir un milieu de travail respectueux en préconisant la prévention, alliée à un règlement rapide des problèmes de harcèlement.
Nous estimons que tous les civils ont le droit d'être traités avec équité, respect et dignité dans un milieu de travail exempt de harcèlement. Nous avons une position très ferme sur le harcèlement, notamment sexuel, ce dont témoignent notre propre politique à cet égard et les outils qui l'appuient.
La politique du ministère remonte à 1982. En 2000, le ministère et les Forces canadiennes ont harmonisé leurs politiques respectives et mis en place leur politique commune de prévention et règlement des problèmes de harcèlement, avant même que le Conseil du Trésor du Canada n'adopte une politique similaire. Le contexte de la politique est le suivant: la confiance mutuelle, le soutien et le respect de la dignité et des droits de toute personne sont des éléments essentiels dans ce milieu. L'énoncé de la politique dit ceci:
Les FC et le MDN s'engagent à offrir un milieu de travail où règne le respect en favorisant la prévention du harcèlement et une résolution rapide des cas de harcèlement. Tous les membres des FC et les employés du MDN ont le droit d'être traités avec équité, respect et dignité dans un milieu de travail exempt de harcèlement; ils ont par ailleurs la responsabilité de traiter les autres de la même façon.
Le harcèlement, peu importe sa forme, est une conduite inacceptable et ne sera pas toléré. Aucun membre des FC ou employé du MDN ne doit harceler autrui dans le milieu de travail. Quiconque soumet une autre personne à du harcèlement est passible de mesures disciplinaires et administratives.
Notre politique est conforme aux exigences de la politique du Conseil du Trésor du Canada publiée en 2001, et elle est harmonisée avec la nouvelle politique de 2012 sur la prévention et la résolution du harcèlement publiée en octobre. Toutes ces politiques exigent la mise en place d'une procédure relative aux plaintes, de méthodes de règlement des plaintes et de mesures correctives et de redressement. Le MDN s'y conforme complètement.
Cela dit, nous travaillons actuellement avec les Forces canadiennes à la révision et à la mise à jour de notre politique harmonisée et de tous les outils qui s'y rattachent. Pour soutenir davantage la prévention du harcèlement en milieu de travail, la politique s'accompagne de directives exhaustives sur la prévention, les rôles et responsabilités, l'étude des plaintes, les modes alternatifs de règlement des différends et le rétablissement du milieu de travail. Les autres outils en place comprennent des lignes directrices au sujet des pouvoirs délégués des gestionnaires en lien avec la politique ainsi qu'un guide destiné à tous les employés qui présente une description de l'ensemble de la politique et du programme.
De plus, tous les employés doivent suivre un cours du ministère de la Défense nationale sur la sensibilisation et la prévention en matière de harcèlement à l'intention des employés ou sur la sensibilisation et la prévention en matière de harcèlement à l'intention des superviseurs. Un cours semblable est également offert par l'École de la fonction publique du Canada, ou bien les employés peuvent suivre un autre cours offert par le Programme d'apprentissage mixte du Secrétariat du Conseil du Trésor et de l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Même si notre politique et la formation que nous offrons s'appliquent à l'ensemble des employés civils du ministère de la Défense nationale, il importe de signaler que l'interdiction du harcèlement sexuel est renforcée par le fait qu'elle figure dans la majorité des conventions collectives des employés. Les griefs formulés aux termes de leurs dispositions peuvent être soumis à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, qui peut rendre des décisions en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Plusieurs formes de recours sont à la disposition de ceux qui estiment être victimes de harcèlement. Ils peuvent soumettre une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ils peuvent présenter une plainte au gestionnaire doté des pouvoirs délégués voulus, conformément au cadre stratégique que nous avons établi. Ils peuvent aussi formuler un grief aux termes de leur convention collective.
Pour ce qui est des statistiques, nous avons des données, dans le cas des plaintes formulées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de 2007 à aujourd'hui. Il y a eu en tout trois plaintes pour harcèlement sexuel, dont une seule est toujours en instance. Les deux autres ont été réglées.
Quant aux plaintes pour harcèlement formulées aux termes de nos politiques, nous possédons de données allant de 2000 à aujourd'hui. Pendant cette période, il y a eu 14 plaintes pour harcèlement sexuel, dont neuf ont été jugées fondées. Il y a eu en tout, pendant la même période, 316 plaintes pour harcèlement pour des raisons diverses.
Quant aux griefs relatifs aux relations de travail, nos statistiques couvrent la période qui va de 2008 à aujourd'hui. Il y a eu quatre griefs pour harcèlement sexuel, dont deux étaient partiellement fondés, un a été rejeté et un reste en instance.
Nous reconnaissons que toutes ces statistiques ont été produites par des systèmes de suivi différents et qu'elles n'autorisent pas une analyse plus poussée. L'actuel système de gestion des ressources humaines du gouvernement du Canada a ses limites, mais une version améliorée sera mise en place en 2013, et elle permettra une meilleure saisie et une meilleure analyse des données, dans le cadre du programme de modernisation de la gestion des ressources humaines. Bien entendu, nous collaborons avec le centre des programmes, qui est formé de représentants d'organismes centraux et de plusieurs ministères, dont celui de la Défense nationale.
En terminant, je voudrais vous communiquer certains faits au sujet de la présence des femmes au ministère de la Défense nationale. On note plus particulièrement une surreprésentation des femmes dans le groupe de gestion, qui est essentiellement composé de cadres supérieurs. Ce point est particulièrement positif, compte tenu de la nature de notre organisation et des difficultés que les femmes doivent surmonter pour obtenir de tels postes dans le secteur privé.
Le ministère de la Défense nationale compte également un important effectif de cols bleus qui exercent des fonctions liées aux métiers industriels et à l'exploitation de l'équipement. Les femmes sont bien représentées parmi les cols bleus. De même, elles sont bien représentées dans la haute administration et dans les secteurs scientifique et professionnel. Elles sont toutefois sous-représentées dans les groupes techniques, composés notamment de travailleurs affectés aux munitions et au soutien technique, et des technologues en électronique. Combler cet écart de longue date est l'une des priorités de notre plan d'équité en matière d'emploi, qui est sur le point d'être publié.
Nous sommes actuellement en train de renouveler la politique harmonisée sur le harcèlement du MDN et des FC. Cette question restera à l'avant-plan de notre gestion du personnel. Il convient de noter que le sondage effectué auprès des fonctionnaires fédéraux révèle que 73 p. 100 du personnel civil du MDN croit que le ministère « met tout en oeuvre pour créer un milieu de travail qui prévient le harcèlement ».
Le MDN considère que le harcèlement, peu importe la forme qu'il prend, est un problème grave. De nombreux mécanismes sont en place pour soutenir les employés, les gestionnaires et l'organisation en ce qui a trait aux problèmes de harcèlement. Nous avons confiance en nos politiques, programmes et initiatives qui ont fait en sorte que peu d'incidents de harcèlement sexuel surviennent, mais nous sommes très conscients du fait que même un seul incident est un incident de trop.
Voilà qui met fin à mes observations.
:
Madame la présidente, je souhaite d'abord remercier le comité d'avoir invité le Bureau de l'ombudsman à témoigner aujourd'hui dans le cadre de son étude sur le harcèlement sexuel en milieu de travail au gouvernement fédéral.
L'ombudsman, M. Pierre Daigle, m'a demandé, à titre de directeur général des opérations par intérim, de vous fournir un aperçu de notre mandat, de nos politiques et de nos pratiques quant au traitement des plaintes de harcèlement sexuel qui ont été reçues par notre bureau.
[Traduction]
Le Bureau de l'ombudsman a été créé en 1998 pour assurer un traitement équitable des problèmes soulevés par des membres des Forces canadiennes actifs ou à la retraite de la Force régulière et de la réserve, des membres de la famille du personnel militaire et civil ainsi que des Canadiens qui ont présenté une demande d'enrôlement dans les Forces canadiennes.
L'ombudsman a pour mandat de mener des enquêtes et de formuler des recommandations afin d'améliorer le bien-être et la qualité de vie des membres de la communauté de la Défense. Bien que ses enquêteurs tentent toujours de régler les plaintes à l'amiable et au niveau le plus bas possible, certaines plaintes doivent faire l'objet d'enquêtes approfondies, ce qui donne lieu à un rapport officiel dont les conclusions et les recommandations sont rendues publiques.
L'an dernier, nous avons reçu plus de 1 400 nouvelles plaintes provenant de ceux qui peuvent avoir recours à nos services. Au total, nos enquêteurs et nos préposés à l'accueil ont fermé 1 471 dossiers, dont des dossiers nouveaux, des dossiers reportés des années précédentes et des dossiers rouverts. Parmi ces dossiers, 65 portaient sur des cas de harcèlement et trois portaient précisément sur le harcèlement sexuel.
Le Bureau de l'ombudsman est aussi une source directe d'information, d'orientation et d'éducation. C'est à ce titre que nous traitons les plaintes de harcèlement sexuel. Nous n'enquêtons pas sur les allégations de harcèlement sexuel. Dans ces cas, le personnel du bureau travaille étroitement avec la personne pour l'orienter vers les divers mécanismes d'aide qui sont à sa disposition.
Quand une personne estime avoir été traitée de façon injuste dans le cadre d'un mécanisme existant des Forces canadiennes ou de la fonction publique, l'ombudsman peut, pour cette personne, mener une enquête pour déterminer s'il y a bel et bien des questions ou des préoccupations portant sur l'équité qui doivent être présentées au ministère.
Conformément à notre politique, nous demandons aux plaignants dont les plaintes ne sont pas réglées ou sont en cours de rester en contact avec le bureau de l'ombudsman afin qu'il puisse assurer le suivi d'autres questions et préoccupations qui surviennent.
[Français]
En conclusion, bien que les plaintes de harcèlement sexuel constituent une très petite fraction des 16 000 plaintes que nous avons reçues depuis 1998, nous sommes tout à fait conscients qu'elles doivent être traitées avec sensibilité et compassion. Dans cette optique, nous faisons tout notre possible pour nous assurer que les personnes obtiennent l'aide dont elles ont besoin et à laquelle elles ont droit.
J'ai fourni à la greffière du comité les détails sur la répartition des cas de harcèlement qui ont été traités par le Bureau de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes au cours des six dernières années. L'information se trouve à l'annexe A de mes notes d'allocution.
Je suis maintenant prêt à répondre aux questions des membres du comité.
En matière de rapports, nous avons des problèmes semblables à ceux de la fonction publique: nous essayons de consulter différentes bases de données pour obtenir de l'information. À moins d'étudier chaque dossier, nous ignorons s'il y a ou non des doublons.
Il y a environ un an, le vice-chef d'état-major de la Défense a donc mis sur pied un groupe de travail pour étudier la possibilité d'une gestion intégrée des différends pour le personnel des Forces canadiennes. Il ne s'agit pas uniquement du suivi des données, mais cet élément est certainement l'un des facteurs qui ont fait apparaître la nécessité d'étudier la question.
Nous avons affaire à un système plutôt complexe, aux mécanismes multiples, et il devient un peu difficile pour celui qui est au bas de l'échelle et n'est pas comblement au fait de toutes les politiques de savoir à qui s'adresser.
Le groupe de travail a examiné les mécanismes en place et les problèmes qu'ils suscitent. Nous utilisons la méthodologie de réingénierie pour situer tous ces processus et concevoir ensuite un processus intégré qui, dans l'état actuel des choses, regrouperait les cas de harcèlement, les griefs et les modes alternatifs de règlement des différends. Les trois processus seraient regroupés en un seul, ce qui, on peut l'espérer, donnerait à l'employé un point d'accès unique. Il s'adresserait à une seule personne qui l'orienterait vers le mécanisme qui convient le mieux, l'option privilégiée au départ étant celle des modes alternatifs de règlement.
:
Permettez-moi d'aborder la question dans une perspective plutôt large pour commencer. Ces 20 dernières années, un profond changement de culture dans les Forces canadiennes a été renforcé par un certain nombre d'initiatives qui gravitent autour de la question suivante: quelle est la conduite acceptable et professionnelle pour les militaires?
Cela remonte au milieu des années 1990, après des incidents horribles concernant le traitement de prisonniers de guerre. Nous avons eu des incidents déplorables de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle qui ont provoqué une réforme institutionnelle. Tous ces problèmes ont été examinés et nous avons essayé de déceler les lacunes de nos programmes qui nous empêchaient d'obtenir la conduite professionnelle souhaitée chez certains de nos membres, et j'insiste: seulement certains d'entre eux.
Tout commence par l'élaboration du Programme d'éthique de la défense, lancé il y a un peu plus d'une douzaine d'années, il y a peut-être 15 ans. Son premier principe est la dignité de tous. Dans son énoncé élaboré, il insiste sur des questions comme le traitement équitable d'autrui et le refus de la discrimination et du harcèlement.
Le programme est renouvelé chaque année dans toute l'organisation, et il a été considéré comme un modèle pour nous par des organismes indépendants. Ce programme vise aussi bien les membres des Forces canadiennes que les employés civils du ministère.
Nous avons complètement revu nos principes de leadership. Cela remonte à 8 ou 10 ans. Un élément central de notre approche du leadership est qu'il faut et qu'il faudra toujours insister fortement sur l'exécution des missions, mais que nous devons faire attention tout autant à la façon de mener les missions: nous ne pouvons pas enfreindre les droits de la guerre ni violer les principes essentiels à ce qui nous est cher dans notre société et notre culture.
C'est grâce à des programmes comme ceux-là, à l'assimilation de l'idée de ce que c'est, être un militaire de profession. Nous avons documenté cette démarche en rédigeant un guide sur la question, Servir avec honneur. Ce sont les principes de conduite à suivre pour ne discréditer ni l'organisation, ni soi-même.
Tous les programmes sont parcourus par ce même thème, et ils sont offerts à diverses étapes, par des moyens divers, et dans des cours axés sur la carrière et le leadership.
Comme je l'ai dit, tous ceux qui suivent la formation de base, ce que tout le monde fait à moins de l'avoir suivie antérieurement, sont mis au contact de ces normes et attentes en matière de comportement qui s'appliquent à eux à l'égard du harcèlement, notamment sexuel. Ils peuvent comprendre ce que cela veut dire, respecter la Charte et la Loi canadienne sur les droits de la personne et être un militaire de profession, comprendre ce qu'on attend d'eux lorsqu'ils amorcent leur formation en leadership — elle débute très tôt pour les militaires —, et ce en quoi consiste un leadership fondé sur des valeurs.
Dans tous ces programmes, ils se font rappeler la nécessité de respecter autrui et de traiter tout le monde également et équitablement.
Il y a également des cours qui portent expressément sur le harcèlement.
Comme la plupart des membres reçoivent les éléments de base, qui font partie intégrante de la formation militaire normale, les cours spécialisés sont plutôt destinés aux conseillers en matière de lutte contre le harcèlement, à ceux qui conseillent et guident les officiers responsables, et à ceux qui enquêtent sur les incidents de harcèlement.
Quelque chose à ajouter, Tony?
:
Dans les Forces canadiennes, ce n'est pas le cas. La représentation féminine y est d'environ 15 p. 100 dans les forces régulières et chez les réservistes. Au-dessus du grade de lieutenant-colonel, elle est plus faible, soit 9 ou 8 p. 100, et plus faible encore quand on arrive au grade de général. Cela dépend en grande partie du choix du domaine de travail que font les femmes dans les Forces canadiennes.
Je vais revenir un peu en arrière et essayer de vous décrire la situation. Voyons dans quels secteurs les femmes travaillent au Canada. Les données sont celles de Statistique Canada. Le secteur de la production de biens est fortement dominé par les hommes: ressources naturelles, fabrication, agriculture, etc.
Dans les services, quelques secteurs sont dominés par les femmes, qui ont tendance à travailler dans la santé, l'éducation et quelques autres secteurs. Dans un certain nombre de secteurs, la représentation des deux sexes est plus ou moins équilibrée. Dans les affaires, par exemple, il existe une relative égalité.
Chez les militaires, l'équivalent du secteur de la production de biens, ce sont les métiers de combat. Les femmes y sont peu représentées. La plupart du temps, 5 p. 100 ou moins. Par contre, elles ont une forte présence dans les métiers de services.
Pour comprendre ce que cela veut dire pour les promotions et l'accession aux plus hauts grades, il faut savoir que, chez les militaires, l'accent est mis sur les forces capables de combattre et la préparation au commandement. Si ces postes sont occupés surtout par des hommes, ce sont aussi des hommes qu'on retrouvera aux échelons supérieurs, bien que nous fassions des efforts pour que les femmes aient accès à ces postes et aux grades les plus élevés dans toute la mesure du possible.
:
Merci, madame la présidente.
D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier de votre présence. Rappelons que notre comité se penche sur cette question pour s'informer. Quelles que soient les questions que je vous pose, leur but est d'obtenir de l'information. Je ne cherche pas la confrontation. Je vous le rappelle parce que j'ai quelques questions un peu pointues à vous poser.
Je regardais les chiffres cités lors de chaque présentation. M. Gauthier dit qu'il y a eu 375 plaintes de harcèlement sur 16 000, depuis 2006. On a aussi parlé de 65 dossiers de harcèlement sur 1 471. En ce qui concerne le personnel militaire — je crois que c'est M. Wenek qui en a parlé —, en 10 ans, il y a eu 513 plaintes de harcèlement, dont 6 p. 100 dans un autre dossier.
J'ai donc fortement réagi. Ce sont quand même des chiffres intéressants. Je m'interroge sur une chose mentionnée par M. Gauthier. En effet, il dit ceci dans son mémoire: « Bien que nos enquêteurs tentent toujours de résoudre les plaintes à l'amiable et au niveau le plus bas possible [...] » Le niveau le plus bas possible correspond peut-être aux syndicats, au supérieur immédiat ou à la police militaire.
Sans vous attaquer, je dois vous dire que la population n'a pas la sensation que cela fonctionne si bien, en ce qui a trait au harcèlement et au harcèlement sexuel dans les Forces canadiennes. Ce n'est pas l'image que l'on voit. Je me demande si plusieurs dossiers seraient réglés avant d'arriver à l'étape en question, et dans quel ordre. Je ne vous demande pas des chiffres, puisque, évidemment, vous ne les aurez pas avec vous. S'agit-il de 80 % des dossiers, de la plupart des dossiers ou des plaintes? Avez-vous reçu des réactions? Avez-vous de l'information à ce sujet?