Nous attendons tous le début de l'étude, mais en fait, j'aimerais aussi commencer la réunion en proposant une motion pour pouvoir mieux clarifier le point central de cette étude qui touche le harcèlement sexuel, mais aussi le rôle que doit jouer Condition féminine Canada dans cette étude.
Bien sûr, nous avons fait de la recherche pour nous assurer que la motion était recevable.
[Traduction]
Par conséquent, j'aimerais présenter une motion.
Attendu que le Comité permanent de la condition féminine s'est engagé à entreprendre une étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux,
Attendu que le comité a le mandat de guider Condition féminine Canada,
Attendu que le mandat légal de Condition féminine Canada est « de coordonner les politiques relatives à la situation de la femme et de gérer les programmes qui s'y rapportent »,
Il est résolu que, compte tenu de la gravité des allégations de harcèlement sexuel au sein de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Comité permanent de la condition féminine demande à Condition féminine Canada de s'occuper de la coordination des politiques en matière de harcèlement sexuel dans tous les ministères fédéraux, y compris la GRC.
Si nous présentons cette motion — et, comme je l'ai mentionné, nous avons fait nos recherches pour veiller à ce que cette motion soit recevable —, c'est que nous voulions nous assurer que le travail que nous faisons ici tous les jours est utile, que nous ne nous contentons pas d'étudier quelque chose juste pour faire une étude, mais que nous en profitons aussi pour fournir quelques pistes à Condition féminine Canada dans le dossier sérieux du harcèlement sexuel, pas seulement au sein de la GRC, mais à l'échelle de toute la fonction publique fédérale.
Nous savons qu'aujourd'hui nous allons avoir le Conseil du Trésor devant nous. Il ne s'agit pas de s'approprier le travail du Conseil du Trésor, mais plutôt de reconnaître le fait que Condition féminine Canada a un rôle à jouer.
Il est également très important de préciser et de reconnaître que Condition féminine Canada, de par son propre mandat, peut coordonner les politiques relatives à la situation de la femme et gérer les programmes qui s'y rapportent. Le ministère peut collaborer avec d'autres ministères et cela a d'ailleurs déjà soulevé certaines questions par le passé. J'estime qu'il est primordial que nous examinions ce mandat et que nous l'appliquions au ministère ainsi qu'au rôle que nous pouvons jouer.
En tant que membre de l'opposition, nous aimerions voir tous les membres du comité donner des pistes et faire en sorte que les témoignages des témoins, tels que ceux que nous allons entendre ici aujourd'hui, mais aussi ceux des personnes qui se joindront à nous au cours des prochaines semaines, puissent être utilisés pour façonner les politiques. C'est sans aucun doute ce que les femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel souhaitent voir. Elles ne veulent pas voir d'autres études; elles veulent voir des actions concrètes découlant de ces études. En tant que membres de ce comité, nous sommes dans le devoir de veiller à ce que le travail que nous faisons ici, au moyen des ressources parlementaires, aboutisse à quelque chose de concret; il faut prendre au sérieux la rétroaction des témoins que nous invitons à comparaître ici et pousser les choses plus loin, orienter Condition féminine Canada, de manière à suivre son mandat, lequel consiste à travailler avec d'autres ministères.
Je me fais une joie à l'idée d'examiner la nouvelle politique proposée par le Conseil du Trésor, mais je sais également qu'une des politiques proposées par le gouvernement plus récemment est le projet de loi , lequel porte sur la GRC. J'ai eu la chance de siéger au Comité de la sécurité publique depuis les deux dernières semaines et il apparaît clairement qu'il reste du travail à faire pour définir une politique sur le harcèlement sexuel. Quel ministère est mieux placé que Condition féminine Canada? Quel ministère est mieux placé que Condition féminine Canada pour assumer un rôle prépondérant pour les femmes dans la fonction publique et dans les milieux de travail fédéraux?
Je le répète: nous ne nous concentrons pas uniquement sur la GRC, même si nous reconnaissons que certaines des plus graves accusations proviennent de la GRC. Nous remarquons également qu'un leadership est requis ici, mais aussi dans toute la fonction publique fédérale, au sens large. Nous espérons certainement que les députés, autour de cette table, voteront en faveur de cette motion, reconnaîtront la nécessité pour notre comité de donner des pistes et d'appuyer le mandat de Condition féminine Canada qui consiste à travailler avec d'autres ministères pour fournir un leadership et prendre les devants en jouant un rôle dont nous pouvons toutes et tous être fiers pour influencer les politiques relatives à quelque chose d'aussi grave que le harcèlement sexuel dans tous les ministères fédéraux, y compris la GRC.
Madame la présidente, le but ici est de fournir un cadre, un objectif noble et louable à atteindre pour ce comité, à savoir utiliser les témoignages et les études que nous recevons à bon escient et vraiment montrer la voie pour les femmes et tous les employés de la fonction publique fédérale et des ministères fédéraux, y compris la GRC.
Là-dessus, j'aimerais déposer ma motion. Je serais très heureuse de poursuivre la discussion et d'entendre des commentaires sur l'importance de définir exactement ce que nous faisons ici.
:
Merci beaucoup, madame la présidente. Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour aider le comité dans le cadre de cette importante étude.
Le harcèlement en milieu de travail est inacceptable et il ne sera pas toléré, indépendamment de sa source. Nous savons qu'il est important que la fonction publique fédérale maintienne un milieu de travail productif, sain et respectueux, où des relations de travail et des pratiques positives sont encouragées. En effet, le fondement des valeurs du secteur public consiste expressément à se traiter mutuellement avec respect et équité.
Malheureusement, nous savons que des situations de harcèlement se produisent et c'est pourquoi, afin de prévenir et de répondre à ces situations, nous avons élaboré une politique sur la prévention et la résolution du harcèlement, une directive sur le processus de traitement des plaintes de harcèlement et divers guides pour les ministères, et nous offrons en plus des séances d'information et des programmes de formation. Nous offrons également des mécanismes formels et informels pour soulever les enjeux en matière de harcèlement.
Le succès dans la mise en pratique de ces valeurs favorisera un milieu de travail sûr et sain et qui est exempt de harcèlement. Si aucune mesure n'est prise pour y mettre fin, le harcèlement a des effets néfastes sur la santé mentale et la mobilisation des employés, ainsi que sur la qualité de leur travail.
Dans un environnement de travail complexe et exigeant qui réunit une diversité de personnes et où la collaboration est essentielle à la réussite, les malentendus et les conflits interpersonnels sont inévitables. La culture organisationnelle influence la façon dont les collègues interagissent les uns avec les autres; c'est pourquoi elle doit favoriser la sensibilisation aux bonnes pratiques de communication et aux relations interpersonnelles efficaces et en promouvoir la mise en oeuvre. Il en va de la responsabilité personnelle de chacun de s'efforcer systématiquement de faire preuve de respect.
[Français]
La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que tout individu dans le milieu de travail a le droit d'être protégé contre le harcèlement fondé sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l'état de personne graciée. Il s'agit de ce qu'il est convenu d'appeler les motifs de distinction illicites. La loi précise également que le harcèlement sexuel est réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite.
Le gouvernement du Canada a été un chef de file en matière de politiques sur le harcèlement dans le milieu de travail, car il a été le premier employeur à adopter une politique officielle en 1982. Depuis, cette politique a été révisée trois fois. Le 1er octobre 2012, une politique renouvelée et une nouvelle directive ont vu le jour. Les nouveaux instruments de politique donnent aux administrateurs généraux la marge de manoeuvre nécessaire pour adapter des mécanismes et pratiques de prévention et de résolution du harcèlement à leurs besoins opérationnels. Les nouveaux instruments de politique mettent l'accent sur la nécessité que l'employeur rétablisse le milieu de travail après une allégation de harcèlement. Ils encouragent une plus grande utilisation des processus informels de résolution et mettent davantage l'accent sur la nécessité que l'employeur mette en oeuvre des activités de prévention et atteigne des résultats d'une manière qui est respectueuse des employés, tout en favorisant une approche davantage axée sur la collaboration entre les administrateurs généraux, les employés et les agents négociateurs en matière de prévention et de résolution du harcèlement.
La nouvelle politique et la nouvelle directive continuent de refléter la responsabilité des administrateurs généraux, c'est-à-dire établir et maintenir un milieu de travail respectueux et exempt de harcèlement, régler rapidement les plaintes de harcèlement et surveiller la conformité au sein des organismes.
La prévention du harcèlement est reliée à l'une des valeurs du secteur public, soit le respect envers les personnes. Le nouveau Code de valeurs et d'éthique du secteur public, qui est une condition d'emploi et qui est entré en vigueur en avril 2012, donne aux gestionnaires l'occasion de renforcer la valeur des relations respectueuses, ce qui revêt une importance particulière en période de rationalisation. Au moyen des outils de communication qu'il élabore et des dialogues qu'il tient avec des organismes, le Secrétariat du Conseil du Trésor encourage une approche systémique axée sur l'éducation et l'incitation à des comportements respectueux chez les employés, en plus d'offrir des séances de sensibilisation au harcèlement.
Le nouveau Code de valeurs et d'éthique du secteur public est une occasion de promouvoir le respect et l'acquisition de compétences connexes, notamment en ce qui concerne l'écoute empathique, les conversations difficiles, l'intelligence émotionnelle, pour tous les employés, et en particulier pour les gestionnaires.
[Traduction]
La politique du Conseil du Trésor s'applique à l'administration publique centrale. La politique sur la prévention et la résolution du harcèlement inclut le harcèlement sexuel dans la définition du harcèlement.
Les fonctionnaires fédéraux qui souhaitent porter une allégation de harcèlement sexuel disposent de plusieurs mécanismes. Parmi les mécanismes formels, ils peuvent déposer une plainte de harcèlement, conformément à la politique sur la prévention et la résolution du harcèlement; présenter un grief; ou déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Pour les mécanismes informels, ils peuvent discuter avec un praticien du processus informel de résolution de conflit ou avec un conseiller du Programme d'aide aux employés.
Sur le site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor, plusieurs guides et outils en matière de harcèlement sont disponibles pour les fonctionnaires fédéraux, à savoir les gestionnaires, les employés et les personnes responsables du processus de plainte de harcèlement. Il y a aussi plusieurs cours offerts par le biais du Programme d'apprentissage mixte et par l'École de la fonction publique du Canada.
En plus de la politique sur la prévention et la résolution du harcèlement du Secrétariat du Conseil du Trésor, certains ministères ont élaboré leurs propres politiques, outils et offrent des séances de sensibilisation ainsi que de la formation en matière de harcèlement ils vont donc au-delà de ce qu'exige la politique.
Je vais parler brièvement de statistiques sur le harcèlement. Les données sur le harcèlement tirées du sondage de 2011 auprès des fonctionnaires fédéraux montrent que les fonctionnaires continuent de signaler un nombre élevé de cas de harcèlement perçu; 29 p. 100 des 201 430 répondants croient avoir expérimenté du harcèlement (de tous genres) dans un milieu de travail fédéral dans les deux dernières années. Le nombre réel de plaintes formelles est relativement faible par rapport au nombre total de fonctionnaires fédéraux. Les résultats du sondage ne font pas de distinction entre le harcèlement sexuel et le harcèlement de nature générale.
En 2009-2010, le Secrétariat du Conseil du Trésor a recueilli des statistiques limitées sur le harcèlement de tous genres dans le contexte du Cadre de responsabilisation de gestion. Les 40 plus grands ministères et organismes participants ont signalé en tout 314 plaintes de harcèlement et/ou griefs pour harcèlement entre novembre 2009 et octobre 2010. De ces 314 cas, 77 ont été jugés fondés par les gestionnaires délégués des organisations. Les chiffres recueillis par l'entremise du CRG comprenaient les griefs pour harcèlement et les plaintes de harcèlement, qui suivent deux processus différents. Encore une fois, les résultats ne font pas de distinction entre le harcèlement sexuel et le harcèlement de nature générale.
Merci pour votre attention. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
:
Madame la présidente, honorables membres du comité,
[Français]
je vous remercie d’avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à contribuer à votre étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail sous réglementation fédérale. J'exposerai trois grands arguments.
[Traduction]
Premièrement, le harcèlement sexuel existe encore malgré tous les efforts déployés pour l'éliminer; deuxièmement, les organisations doivent être proactives parce que les politiques ne peuvent suffire à régler le problème; et finalement, on ne peut pas mettre fin au harcèlement sans un changement de culture.
Les plaintes de harcèlement sexuel sont plus nombreuses dans les organisations hiérarchiques composées majoritairement d'hommes. Une répartition équitable du pouvoir au travail favorise l'inclusion des femmes et une culture de travail respectueuse.
[Français]
Il faut préciser que nous faisons partie de la génération qui a assisté à des progrès dans la lutte menée par le Canada contre le harcèlement sexuel en milieu de travail. Remontons dans le temps: quand nos mères se sont mises à travailler à l'extérieur, la situation était différente.
[Traduction]
À 15 ans, ma mère est devenue conductrice de camion de gravier à Stony Mountain, au Manitoba. C'était son premier emploi. Comme beaucoup d'enfants qui ont connu la grande crise de 1929, elle n'avait pas d'autre choix que de travailler pour aider sa famille.
Les femmes qui se sont mises à travailler à l'extérieur à cette époque ont subi de mauvais traitements au quotidien sans vraiment avoir les moyens de se défendre. Les commentaires inappropriés, les attouchements forcés et les avances sexuelles non désirées faisaient partie des conditions de travail, c'était le prix à payer si vous étiez une femme. Cela faisait simplement partie du travail. Souvent les femmes devaient se résigner à endurer ces comportements. C'était une question de survie.
De nos jours, toute personne a le droit de vivre et de travailler dans un environnement sans être harcelée sexuellement. Ce droit est protégé par la Loi canadienne sur les droits de la personne, les lois provinciales et territoriales sur les droits de la personne et le Code canadien du travail.
[Français]
Toutes ces lois donnent des recours aux victimes de harcèlement sexuel. Aujourd'hui, on peut se défendre en cas de problème. Pourtant, personne ne devrait avoir à le faire.
[Traduction]
Dès qu'un acte de harcèlement sexuel est commis, le mal est fait. L'humiliation, la stigmatisation et la gêne génèrent une douleur et une souffrance morales. Nous savons que la souffrance morale se compare à la maladie physique par les séquelles que garde la personne touchée. Sans parler des lourdes pertes de productivité subies par les organisations et la société dans son ensemble. Il vaut mieux, et même beaucoup mieux, empêcher le harcèlement de se produire.
Le Parlement a conçu la Loi canadienne sur les droits de la personne pour en faire un outil de lutte contre la discrimination. Le Parlement voulait ainsi donner à chacun et à chacune l'égalité des chances au Canada. La Commission canadienne des droits de la personne est chargée d'appliquer la loi et de promouvoir l'égalité. Nous recevons des plaintes de discrimination concernant l'emploi et les services offerts par les organisations sous réglementation fédérale. Il s'agit du secteur public fédéral et des entreprises privées dans les domaines du transport, des télécommunications et des services bancaires. La commission évalue toutes les plaintes de discrimination qu'elle reçoit. Bon nombre sont réglées par la médiation ou un processus de règlement des différends. Dans certains cas, nous renvoyons des plaintes au Tribunal canadien des droits de la personne pour qu'il rende une décision. Le tribunal agit indépendamment de la commission.
Il a fallu du temps pour le Canada interdise le harcèlement sexuel en milieu de travail. En fait, le harcèlement sexuel n'était pas reconnu comme une forme de discrimination lorsque le Parlement a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977. Ce n'est que six ans plus tard, en 1983, qu'il a été inscrit dans la loi en tant que forme de discrimination fondée sur le sexe, une définition confirmée par la Cour suprême en 1989.
Autrement dit, au moment où le droit de vivre et de travailler dans un environnement sans harcèlement sexuel a été garanti par la loi, les femmes de la génération de ma mère avaient déjà pris leur retraite, après avoir passé toute leur vie professionnelle sans les avantages de ces protections. Les générations suivantes ont malheureusement découvert que les lois protègent nos droits, mais qu'elles n'empêchent pas les agressions. Le harcèlement sexuel existe donc encore aujourd'hui dans des milieux de travail au Canada.
Depuis cinq ans, la commission a reçu 332 plaintes de harcèlement sexuel. Plus de 85 p. 100 d'entre elles ont été déposées par des femmes. Avant de tirer des conclusions à partir de ce nombre, il faut savoir que, normalement, la commission traite seulement les plaintes les plus difficiles à régler. La plupart des plaintes de harcèlement sexuel provenant des milieux de travail sous réglementation fédérale ne parviennent pas jusqu'à la commission. Elles sont traitées au moyen de processus internes de règlement des différends, de procédures internes de griefs ou par l'entremise de la Commission des relations du travail dans la fonction publique, qui peut appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne.
On n'aura donc jamais un portrait complet du problème à partir du nombre de plaintes déposées. En fait, la commission est convaincue que de nombreux cas de harcèlement sexuel en milieu de travail ne sont malheureusement pas déclarés. Il faut du courage pour porter plainte. Dans certaines organisations, les victimes peuvent avoir peur d'être stigmatisées ou de subir des représailles. De nombreuses victimes voient la plainte comme un dernier recours. Il est souvent plus facile de démissionner ou de subir en silence.
Par ailleurs, le fait est que nous ne comprenons pas tout. Il n'existe tout simplement aucune donnée récente sur le nombre de cas de harcèlement sexuel au Canada. La seule grande étude sur le sujet au Canada a été menée en 1994. En tant qu'honorables membres du comité, vous connaissez certainement l'étude intitulée « Le harcèlement sexuel et le travail » qui a permis d'analyser des données d'enquête recueillies par Statistique Canada en 1993. L'étude a révélé que près de 400 000 femmes (soit 6 p. 100 des travailleuses) ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel dans les 12 mois précédents. Selon la même étude, 2,4 millions de femmes ont été victimes de harcèlement sexuel au travail pendant leur vie professionnelle.
Nous ne pouvons pas vous dire si la situation s'est améliorée ou aggravée sur le plan quantitatif parce que nous n'avons pas les données nécessaires. Il faudrait bien sûr combler cette lacune.
Nos lois et nos mécanismes de redressement peuvent être efficaces en tant que recours pour les personnes qui décident de s'en servir. Cependant, ces outils influencent peu le comportement humain ou la culture interne d'une organisation. Autrement dit, ils ne permettent pas d'empêcher le harcèlement sexuel. Par conséquent, ils n'offrent pas vraiment de protection aux victimes qui, pour une raison ou une autre, ne veulent pas porter plainte.
[Français]
En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code canadien du travail, les employeurs sont responsables de fournir à leurs employés un milieu de travail sans harcèlement sexuel.
[Traduction]
Selon l'enquête sur les milieux de travail de compétence fédérale de 2008, 87 p. 100 des employés relevant de la compétence fédérale travaillent dans une organisation qui a mis en place un programme de prévention du harcèlement; 77 p. 100 des employés relevant de la compétence fédérale travaillent dans une organisation qui a instauré un processus d'appel des décisions prises dans des cas de harcèlement; et 76 p. 100 des employés relevant de la compétence fédérale travaillent dans une organisation qui dispose d'un processus d'examen des différends et des griefs.
[Français]
Plus les organisations sont petites, plus faible est la possibilité qu’elles aient mis en oeuvre de tels processus.
[Traduction]
À mon avis, nous ne pouvons pas nous limiter à faire en sorte que les victimes de harcèlement sexuel aient accès à un mécanisme de recours efficace. Comme je l'ai déjà dit, au moment où une victime demande justice ou réparation, le mal est déjà fait. Nous devons trouver de meilleurs moyens de faire ce qu'il faut avant qu'une personne soit victime d'une atteinte à sa dignité et au respect de soi.
[Français]
D'après ce que la commission a pu constater, le harcèlement sexuel se produit le plus souvent dans les cultures hiérarchiques composées majoritairement d'hommes.
[Traduction]
Pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, il faut un changement fondamental dans la culture des organisations. On doit obtenir un engagement généralisé visant à respecter les droits de la personne, un engagement qui s'appliquera à l'ensemble de l'organisation, dans ses moindres recoins.
La commission est d'avis qu'une répartition équitable du pouvoir dans le milieu de travail, sans oublier une représentation équitable des femmes dans les postes de responsabilité, favorise le respect des droits de la personne, l'inclusion et la diversité. Pourtant, le Conference Board du Canada a constaté que la proportion de femmes qui occupent un poste de cadre supérieur au Canada n'a pas vraiment changé depuis 20 ans. Dans son rapport publié en 2011, l'organisme a aussi déclaré que les hommes avaient deux ou trois fois plus de chances d'occuper un poste de cadre supérieur tant dans le secteur privé que public, comparativement aux femmes.
Selon les dernières données sur l'équité en matière d'emploi, les femmes détenaient 42 p. 100 des emplois dans le secteur privé sous réglementation fédérale, mais seulement 22 p. 100 des postes de cadre supérieur. Dans la fonction publique fédérale, les femmes occupaient 55 p. 100 des emplois, mais seulement 45 p. 100 des postes de cadre supérieur.
[Français]
Voilà une autre lacune, un autre trou à combler dans le grand casse-tête. Presque 30 ans après que le Parlement a ajouté le harcèlement sexuel à la Loi canadienne sur les droits de la personne, nous voici aujourd'hui...
:
Bonjour. Merci, madame la présidente et honorables députés, de l'invitation à comparaître devant votre comité aujourd'hui, au moment où vous entamez votre très importante étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux. Je suis accompagné de deux collègues de mon bureau: Rachel Boyer, directrice exécutive et greffière du Tribunal des droits de la personne, et Greg Miller, avocat.
Après avoir lu les questions que le comité désire étudier dans le cadre de son examen, j'ai décidé de commencer par parler du mandat du Tribunal canadien des droits de la personne pour vous faire une mise en contexte. Je vais ensuite vous donner un aperçu des principes juridiques qui sous-tendent le tribunal lorsqu'il est saisi d'une plainte de harcèlement sexuel. En conclusion, je vais vous présenter des données statistiques qui pourraient vous intéresser.
Le Tribunal canadien des droits de la personne est une de deux agences administratives créées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Vous avez déjà entendu l'exposé de mon collègue de la Commission canadienne des droits de la personne. Il est à noter que les deux organisations travaillent ensemble pour régler les plaintes d'harcèlement faites en vertu de la LCDP. Mais on doit aussi établir des distinctions importantes: tandis que le mandat de la commission est polyvalent et comprend plusieurs pouvoirs, obligations et fonctions, le tribunal, lui, en vertu de la loi, n'a qu'une seule fonction, soit de régler des plaintes. Dans le contexte de la Loi canadienne des droits de la personne, ce processus de règlement est désigné comme étant une enquête.
Une personne qui croit être victime de harcèlement sexuel en vertu de la Loi canadienne des droits de la personne peut déposer une plainte auprès de la commission. Si celle-ci est d'avis qu'une enquête doit être faite, cela déclenche le processus de règlement, qui commence avec une demande déposée au tribunal pour mener une enquête.
Ces enquêtes, telles que mandatées par la Loi canadienne des droits de la personne, peuvent être qualifiées de quasi-judiciaires, donc, comme si elles étaient traduites devant une cour. Alors, le tribunal détient certains pouvoirs et caractéristiques d'une cour. Le tribunal a le droit de découvrir les faits, d'interpréter et d'appliquer la loi à ces faits, et d'imposer les recours qui s'imposent. Les audiences ressemblent aussi à celles d'une cour. Les parties à une cause présentent la preuve, appellent et contre-interrogent des témoins, et font des soumissions sur la façon dont la loi devrait s'appliquer aux faits. Les parties ayant le droit de comparaître devant le tribunal incluent la personne qui a déposé la plainte, soit le requérant; la personne accusée de pratique discriminatoire, soit le répondant; et la commission elle-même, soit l'agence qui a initié le processus d'enquête.
Puisque le Parlement a assigné au tribunal seulement le mandat de régler des différends, celui-ci n'a aucun rôle à jouer en matière de politique. Il n'a pas de rôle en matière de réglementation concernant les pratiques d'emploi dans la fonction publique fédérale, et il n'a pas le droit de défendre les intérêts de quiconque. Ces rôles sont assignés à d'autres organisations.
Certaines conséquences découlent de la structure — qui ressemble à celle d'une cour — et du mandat très ciblé du tribunal. Ses membres doivent être très indépendants vis-à-vis le volet exécutif du gouvernement, tels le Conseil du Trésor, le ministère de la Justice ou RHDCC. De plus, afin de conserver son impartialité, les membres du tribunal doivent être et demeurer neutres vis-à-vis les cas qui seront débattus ou les cas où ils auront à trancher.
Dans le contexte de cette séance d'information et du travail de ce comité, ces principes empêchent les membres du tribunal, y compris moi-même, de donner des opinions sur beaucoup de questions qui seront discutées au cours de votre étude sur le harcèlement sexuel dans la fonction publique fédérale, ce qui ne veut pas dire que les membres du tribunal ne seront jamais saisis du genre d'affaires dont vous traiterez. Au contraire, ils ont souvent tranché dans de tels cas, et le feront assurément à l'avenir. Par contre, ils doivent trancher dans le contexte de leur mandat, en se basant sur les faits présentés par les parties, ainsi que sur les preuves et les principes juridiques pertinents, ce qui me mène à mon prochain sujet.
Quels sont les principes juridiques que le tribunal applique aux plaintes d'harcèlement sexuel? Comment définit-on ce qu'est le harcèlement sexuel? Les réponses à ces questions se trouvent dans notre loi habilitante, la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La loi identifie 11 motifs de distinction illicite, telle celle basée sur le genre. De plus, la loi prohibe environ 11 actes discriminatoires, y compris l'acte discriminatoire contenu à l'alinéa c) du paragraphe 14(1), qui dit: constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu en matière d'emploi. J'ajouterais que le Parlement veut vraiment éliminer le harcèlement sexuel, car cela est mentionné expressément au paragraphe 14(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
De façon générale, le sens juridique de harcèlement, et de harcèlement sexuel en particulier, aux fins de l'article 14, a été défini dans la jurisprudence des cours supérieures, et a été explicité dans des décisions du tribunal dans certains cas précis.
Quand le tribunal est saisi d'une plainte de harcèlement sexuel, le membre du tribunal entend tous les arguments et les témoignages pour déterminer si la conduite en question était importune, de nature sexuelle, suffisamment persistante, répétitive ou suffisamment grave pour empoisonner le milieu de travail et, dans certaines circonstances, si l'employé avait informé l'employeur de la conduite importune. Si le tribunal juge que la conduite dénoncée répond à ces critères, il peut rendre des ordonnances de redressement visant l'auteur du harcèlement sexuel.
À cet égard, il importe de noter que les défendeurs dans les cas de harcèlement sexuel font généralement partie de l'une de deux catégories: le harceleur présumé — généralement, le collègue ou le supérieur de la victime qui l'aurait harcelée sexuellement — et l'employeur, à qui la loi impose le devoir d'exercer toute la diligence raisonnable pour prévenir le harcèlement et en atténuer les effets et qui, s'il ne le fait pas, est tenu responsable du harcèlement.
Quand la plainte de harcèlement est jugée fondée, des ordonnances peuvent être rendues à l'endroit du harceleur et de l'employeur.
Enfin, je me dois d'ajouter qu'un nombre important de plaintes renvoyées au tribunal sont réglées par les membres du tribunal dans le cadre de séances de médiation, les membres du tribunal faisant de la médiation dans les cas de plaintes en matière de droits de la personne depuis plus d'une décennie.
Toutefois, notons que nous avons adopté des mesures spéciales pour atténuer les effets de tout déséquilibre de pouvoir qui pourrait exister dans les négociations entre plaignants et défendeurs et qui sont particulièrement préoccupants dans les cas de harcèlement.
Je vous donne maintenant une idée du nombre de cas de harcèlement sexuel dont le tribunal est saisi et de la promotion de la charge de travail totale du tribunal qu'il représente. Mais auparavant, je soulignerais des facteurs qui doivent être pris en compte.
Comme on l'a indiqué plus tôt, les allégations de discrimination au fédéral ne deviennent pas toutes des plaintes dont est saisie la commission. Et de toutes les plaintes déposées à la commission, il faut savoir qu'un très petit nombre est renvoyé au tribunal pour enquête. En outre, de toutes les plaintes pour discrimination dont est saisi le tribunal, seul un petit nombre sont des plaintes de harcèlement sexuel en milieu de travail. Enfin, toutes les allégations de harcèlement ne sont pas jugées fondées par le tribunal. Certaines sont rejetées à l'issue de l'enquête, l'arbitre ayant jugé que la preuve de harcèlement ne satisfaisait pas aux exigences de la loi.
Cela dit, les statistiques qui suivent pourraient vous être utiles.
Depuis 2008, la commission a saisi le tribunal de 600 plaintes de discrimination. De ces 600 plaintes, 36 reçues depuis avril 2008 sont des plaintes de harcèlement présumé en milieu de travail. et de nature sexuelle non sollicitée. Elles représentent 6 p. 100 de tous les renvois au tribunal.
Pour la poursuite des travaux du comité la ventilation par défendeur pourrait être intéressante.
Des 36 plaintes de harcèlement dont je viens de parler, 20 ont été faites à l'endroit de sociétés assujetties à la réglementation fédérale, c'est-à-dire des entités non gouvernementales, ou de personnes y travaillant. Cela représente 3 p. 100 de tous les cas renvoyés aux tribunaux.
Neuf de ces plaintes ont été faites contre le gouvernement fédéral ou une personne y travaillant. Cela représente 1,5 p. 100 de toutes les plaintes dont est saisi le tribunal.
Enfin, sept plaintes visent des Premières nations ou des personnes travaillant pour des Premières nations.
En conclusion, j'espère que mon exposé aura été utile à votre comité et je serais heureux de vous donner plus d'information et de répondre à vos questions.
Merci, madame la présidente.