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Bonjour à tous. Comme nous avons quorum, nous allons commencer.
Je vous souhaite la bienvenue à la 49e séance du Comité permanent de la condition féminine. Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux.
Ce matin, nous recevons des représentants de la Gendarmerie royale du Canada, dont la commissaire adjointe, Mme Sharon Woodburn, qui est directrice générale des Programmes et services relatifs à l'effectif des ressources humaines. Nous recevons également le surintendant, M. Michael O'Rielly, qui est directeur du Projet de réforme législative.
Bonjour et bienvenue. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Votre comparution va nous aider beaucoup à approfondir notre étude.
Sans plus tarder, je vais vous laisser prendre la parole. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, on va passer à la période de questions.
Vous pouvez commencer.
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Madame la présidente, membres distingués du comité, mesdames et messieurs, bonjour. Nous accueillons avec gratitude cette occasion de prendre la parole devant vous et de contribuer ainsi à votre étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail qui relèvent du gouvernement fédéral.
Je suis accompagnée par le surintendant Michael O'Rielly, chef de l'Initiative de réforme législative de la GRC. Il pourra répondre à toutes vos questions sur le projet de loi .
De par son travail, la GRC a un impact profond sur toute la population canadienne. Chaque employé contribue par son savoir-faire et son expertise à des services policiers de qualité en vue de remplir le mandat complexe de la GRC. Chaque employé est responsable de la santé et de la solidité de l'organisation. Le commissaire et la haute direction ont adopté une approche appelant l'implication directe de tous les employés. Ainsi, chaque employé de la GRC doit discuter des attentes relativement à la conduite qui reposent sur les valeurs fondamentales de la gendarmerie et doit s'engager à répondre à ces attentes.
[Français]
La GRC embauche des hommes et des femmes avec l'idée qu'ils seront à la hauteur d'un corps policier de toute première classe. Inversement, ces hommes et ces femmes s'attendent à ce que leurs collègues, peu importe leur poste ou leur rôle, fassent de leur mieux pour honorer la réputation de la GRC, dans leurs relations entre eux comme avec le public.
[Traduction]
La GRC a l'honneur de bénéficier de l'approbation et du soutien du public, et la vaste majorité des hommes et femmes qui accomplissent leurs fonctions tous les jours le font d'une façon professionnelle et diligente. Depuis quelques années toutefois, des préoccupations ont été soulevées concernant le harcèlement, la responsabilisation et nos pratiques de gestion des ressources humaines, comme quoi nous décevons les Canadiens dans leurs attentes élevées.
[Français]
J'en profite pour vous décrire certains des efforts que nous déployons pour nous responsabiliser en instaurant un milieu de travail où les comportements déplacés comme le harcèlement soient hors de question.
[Traduction]
La GRC entreprend des changements organisationnels sur deux fronts: l'inégalité des chiffres, c'est-à-dire que les hommes sont plus nombreux sur les lieux de travail, et les critères normatifs, à savoir les aspects de la culture organisationnelle qui peuvent contribuer au harcèlement.
Ainsi, d'après Statistique Canada, le pourcentage de femmes dans les corps policiers canadiens est passé de 17,3 p. 100 en 2005 à 19,6 p. 100 en 2011. La GRC a tenu le rythme, son pourcentage de membres réguliers féminins passant de 18,1 p. 100 à 20,1 p. 100 sur la même période. Cela reste néanmoins inférieur à l'offre sur le marché du travail, soit environ 27 p. 100 de femmes qui aspirent à une carrière policière d'après le recensement de 2006. Il y a donc lieu de dépasser les taux actuels quant à la présence des femmes dans la police.
Le commissaire a fait passer de 30 à 35 p. 100 l'objectif-repère quant au recrutement des femmes, afin d'obtenir une représentation plus équitable à tous les échelons. Nous sommes déterminés à rétablir l'équilibre entre les sexes. C'est le gage d'un milieu de travail meilleur, plus respectueux.
Parlons maintenant des critères normatifs. La GRC doit se donner les moyens de changer les comportements, de fixer de nouvelles normes et attentes et de responsabiliser tous les employés face à leurs comportements.
[Français]
Regardons le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux. En 2008 comme en 2011, plus ou moins 30 p. 100 des répondants de la GRC ont dit s'être fait harceler dans les deux dernières années. Les chiffres pour l'ensemble de l'administration publique centrale sont pratiquement les mêmes.
[Traduction]
Il y a eu 1 102 plaintes de harcèlement déposées au sein de la GRC depuis 2005, soit une moyenne de 150 plaintes par année. Sur celles-ci, 57 p. 100 se rapportent à la conduite entre les employés, 36 p. 100 à des abus de pouvoir, 4 p. 100 à la discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et 3 p. 100 au harcèlement sexuel.
Ces chiffres nous indiquent que le harcèlement continue de faire l'objet de plaintes régulières au sein de la GRC, ce qui est inacceptable. Nous prenons des mesures afin d'éradiquer ce problème en mettant l'accent sur un milieu de travail plus respectueux, en améliorant les pratiques de formation et en établissant des processus afin d'empêcher et de résoudre les plaintes visant le harcèlement ainsi que d'enquêter sur celles-ci.
[Français]
Changer de culture signifie, entre autres, savoir reconnaître le harcèlement et s'en occuper dès le départ. Certains comportements inacceptables sautent aux yeux, mais d'autres sont plus insidieux.
Définir le harcèlement, sexuel ou autre, impliquera toujours une certaine dose de subjectivité. L'important est de tracer clairement les limites de l'acceptable et de savoir quand intervenir.
[Traduction]
Une fois que de tels comportements ont été définis, il est possible d'établir les mesures à prendre afin de signaler et d'arrêter immédiatement la conduite inappropriée. La GRC est en train d'identifier et de définir un ensemble de comportements qu'elle considère être une conduite de harcèlement et de manque de respect afin que les employés, notamment les superviseurs et les gestionnaires, soient tenus d'agir.
Il n'est pas moins vital de responsabiliser les gestionnaires et les superviseurs. Le commissaire et les cadres supérieurs, tels que les commandants divisionnaires, ne peuvent surveiller tous les employés dans leurs activités quotidiennes. Pour ce faire, ils se fient aux nombreux gestionnaires et superviseurs. Nous devons fournir à ces gestionnaires et à ces superviseurs la formation et les outils nécessaires afin d'empêcher et de traiter efficacement les conflits en milieu de travail ainsi que tout comportement inapproprié observé au stade naissant.
Depuis 2005, la GRC impose à tout son personnel un cours en ligne de prévention du harcèlement et de sensibilisation en la matière. C'était un pas dans la bonne direction pour sensibiliser les employés, mais nous reconnaissons qu'il faut en faire plus.
Nous remettons aussi l'accent sur le développement du leadership, en nous concentrant sur les éléments essentiels, tels que la gestion des relations en milieu de travail, la façon de détecter et de régler les conflits et le harcèlement, et l'instauration et le maintien du respect sur les lieux de travail.
La GRC met en oeuvre un programme pour le respect en milieu de travail qui explique aux employés comment ils doivent contribuer à un milieu de travail empreint de respect et exempt de harcèlement. Le programme explique aussi comment reconnaître les comportements problématiques, réussir une intervention précoce et rebâtir les relations. Le programme repose sur la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement du Conseil du Trésor et la Loi sur la GRC. Or, ces deux textes ne concordent pas sur le plan de l'intention, des processus et des résultats.
[Français]
S'il est adopté, le projet de loi , rendra possibles plusieurs agissements internes dans les domaines de la déontologie, des griefs et de la discipline.
Les dispositions du projet de loi C-42 permettraient au commissaire de s'attaquer au harcèlement directement, en adoptant des procédures simplifiées pour les enquêtes et les règlements consécutifs aux plaintes.
[Traduction]
Je remercie le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui et d'avoir entrepris son étude. Nous avons l'intention de poursuivre le changement par les mesures que je vous ai énumérées. La GRC veut devenir chef de file pour ce qui est d'instaurer des milieux de travail sains, sécuritaires et emprunts de respect dans la fonction publique fédérale.
Merci encore.
Nous nous ferons un plaisir, mon collègue et moi, de répondre à vos questions.
Merci à nos invités.
[Traduction]
Je vais vous parler franchement. Cette étude a vu le jour en raison des expériences terribles décrites par des femmes qui travaillaient au sein de la GRC. Ensuite, la portée de l'étude a été étendue pour englober le harcèlement sexuel au sein de la fonction publique fédérale. Cependant, nous savons tous que les histoires des agentes de la GRC ont touché les Canadiens et ont eu une incidence générale sur la perception du public quant à notre police nationale.
Nous avons eu peu d'occasions pour discuter de ce qui se passe et malheureusement aujourd'hui nous ne recueillons pas les témoignages des agentes qui pourraient nous parler de leurs expériences de harcèlement et de discrimination. Pour nous, les membres du NPD, c'est certainement une omission, surtout lorsque le rôle du comité est de proposer des recommandations en vue d'améliorer la situation au sein de la GRC et, de façon plus étendue, de la fonction publique fédérale.
En tant que membre du Comité de la sécurité publique, j'ai eu l'occasion de travailler sur le projet de loi . J'aimerais dire que j'ai été sidérée d'apprendre que le projet de loi C-42 ne contient pas le mot « harcèlement », ce qui, à mon avis, est une indication de... Si l'on ne nomme pas le problème, devient-il la chose dont on n'ose pas parler? Je sais que l'on fait référence à des « incidents », mais les notions, surtout « harcèlement sexuel », qui préoccupent tant de Canadiens ne sont même pas mentionnées dans le projet de loi C-42.
Au départ, le NPD avait indiqué qu'il allait appuyer le projet de loi, car nous croyions qu'il servirait véritablement à moderniser la GRC et à résoudre des problèmes d'intérêt critique comme le harcèlement sexuel. Malheureusement, nous nous sommes rendu compte que le projet de loi était lacunaire et les amendements que nous avons proposés n'ont pas été retenues. Aucun des amendements n'a été adopté, que ce soit l'ajout d'une disposition dans la Loi sur la GRC rendant obligatoire la formation sur le harcèlement pour les agents de la GRC, la création d'un conseil civil réellement indépendant qui enquêterait sur les plaintes déposées contre la GRC, l'ajout d'une disposition visant à créer un organisme civil national d'enquête qui permettrait d'empêcher les situations où des policiers enquêtent sur des policiers, la création d'une politique en matière de ressources humaines plus équilibrée qui retirerait au commissaire de la GRC certains des pouvoirs plutôt draconiens proposés, ou le renforcement des pouvoirs du Comité externe d'examen dans les cas de renvoi possible. Nous sommes donc d'avis que le projet de loi comporte toutes sortes de lacunes, notamment l'absence de dispositions sur le harcèlement sexuel au sein de la GRC.
On nous a indiqué qu'il existait une volonté d'éliminer le harcèlement sexuel, ce qui est encourageant mais insuffisant. Ce n'est pas comme si les allégations remontaient à quelques années seulement. Elles remontent à beaucoup plus loin et il ne suffit pas d'en parler. Nous avons également appris que les allégations concernant le harcèlement constituent un facteur dissuasif pour les femmes ainsi que les hommes qui songeraient à devenir membres de la GRC.
On nous parle de volonté, et bien sûr la formation constitue un élément important, mais on nous parle souvent aussi de la culture du milieu de travail. Le commissaire Paulson l'a mentionnée également lorsqu'il est venu témoigner il y a quelques mois. D'autres témoins nous ont indiqué que lorsque l'organisation est fortement hiérarchisée, comme la GRC, et qu'il n'y a pas de femmes aux plus hauts échelons ou que les femmes ne sont pas représentées de façon équitable, on crée alors une culture beaucoup plus propice au harcèlement.
On nous a dit que la GRC espérait que 35 p. 100 des candidats seraient des femmes, et vous nous avez décrit vos démarches pour réaliser cet objectif. Quels sont les délais prévus et dans quelle mesure l'objectif est-il réalisable? Nous aimerions que 50 p. 100 des candidats soient des femmes afin que la GRC soit représentative de la population.
Quels sont les délais et les objectifs réalistes, afin que nous puissions les suivre?
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La meilleure démarche, que nous avons adoptée depuis 2008-2009, probablement, est systémique. Comme la commissaire adjointe Woodburn le dit, il n'y a pas de solution miracle. Le projet de loi C-42 sera vraiment utile, parce qu'il donnera l'occasion de vaincre, comme je l'ai décrit, notre problème structurel actuel. La politique du Conseil du Trésor pour la prévention du harcèlement en milieu de travail vise à rétablir les liens en milieu de travail et à aider à ce rétablissement. On s'attend aussi à ce que le harcèlement constaté soit sanctionné, et, souvent, ce sera par des mesures disciplinaires.
Cependant, sous le régime de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, il n'y a qu'une façon de déterminer s'il y a eu inconduite, et c'est par sa partie IV, sur la discipline. Le processus, l'objectif, l'intention sont très différents. Ils visent vraiment à déterminer la culpabilité. C'est très accusatoire, tandis que la politique du Conseil du Trésor vise beaucoup plus à résoudre tôt le problème et à responsabiliser les gestionnaires et les superviseurs. Elle vise également les spectateurs, si vous me permettez l'expression, qui interviennent et font cesser un comportement inapproprié, déplacé, dès qu'il se manifeste, plutôt que de laisser la situation empirer.
L'approche systémique se résume vraiment à la nécessité de s'assurer que nous avons des attentes qui sont fixées, des responsabilités qui sont établies et à responsabiliser les gens pour les mesures qu'ils prennent en réaction à ce que nous qualifions de comportement inapproprié.
Dans sa déclaration préliminaire, la commissaire adjointe Woodburn a fait allusion à un continuum de comportements respectueux. Ce que nous observons et ce que vous trouverez aussi dans les publications, c'est l'hésitation, chez certains, à agir dans l'incertitude de ce qui est approprié ou ne l'est pas. Cette hésitation peut différer l'intervention. Au bout du compte, cela peut frustrer les gens qui voudraient signaler le problème et qui estiment d'abord qu'on ne les prendra pas au sérieux, comme c'est arrivé à d'autres, avant; qu'ensuite, on ne sait pas vraiment si on en fera un cas disciplinaire ou un cas de harcèlement.
La voie n'est pas tracée d'avance. Nous devons la trouver à mesure que nous avançons. Le projet de loi C-42 nous permettra de régler une pièce du problème, l'enquête. Mais la politique du Conseil du Trésor, particulièrement la nouvelle, nous aidera à trouver la solution.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame, avant la mise en marche du chronomètre, est-ce que je peux demander à la greffière, vu ma longue absence, si vous avez reçu le rapport sommaire du 17 avril 2012 sur la consultation menée sur le harcèlement sexuel et un milieu de travail respectueux? Le comité l'a-t-il reçu? Pas encore? D'accord. J'en ferai parvenir un exemplaire pour qu'il soit distribué aux membres du comité. Je pense qu'il sera très instructif.
Nous pouvons maintenant y aller. Merci beaucoup. Ici, le temps n'a pas de prix.
Merci beaucoup d'être ici. Les belles intentions et les bons mots me touchent, mais je dois vous avouer mon incrédulité profonde devant les promesses de changement. Sachez que beaucoup de membres du comité vont exercer toute la surveillance dont ils sont capables pour faire adopter la bonne loi et faire faire tout ce qui est possible pour attirer les femmes dans le service et, une fois qu'elles sont en poste, pour qu'elles s'y sentent tout à fait à l'aise. Actuellement, la situation est loin de répondre aux exigences.
Madame Woodburn, conseilleriez-vous à votre fille d'entrer dans la GRC actuelle?
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Comme j'ai dit, j'ai lu le rapport, et, comme vous, certains commentaires m'ont découragée. Il n'est pas agréable d'imaginer que quelqu'un éprouve ces sentiments sur son lieu de travail.
J'ignore le nombre total de ce genre de commentaires et combien de commentaires positifs ne se sont pas retrouvés dans le rapport, mais, j'en conviens, une seule mesure ne suffira pour résoudre ce problème. La GRC pense à une démarche plus holiste. Quand je dis que nous actualisons notre politique, ce n'est qu'un exemple des mesures prises. À ça, il faut ajouter le leadership dont a fait preuve le commissaire et chaque cadre de la haute direction; l'autre formation: la nouvelle et l'ancienne, qu'on renforce. Il y a aussi la masse critique de femmes. C'est seulement ma façon à moi de le décrire.
Vous avez fait allusion à un club de femmes. Je ne me rappelle pas exactement l'expression que vous avez utilisée, mais il faut une masse critique pour nous amener à ce point. J'ignore sa valeur exacte, mais je sais que ce serait une assemblée où chacun se sentirait à l'aise et que le pouvoir et le rapport de force ne seraient pas nécessairement détenus par le plus vieux, parce que, dans l'avenir, ça ne se passera pas comme ça, je pense. D'après tout ce que nous faisons actuellement, je pense que le milieu de travail sera plus équilibré et, par conséquent, plus respectueux.
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La meilleure façon de l'expliquer brièvement, sans trop entrer dans les détails, serait la suivante. Si on ne réagit pas immédiatement quand un incident se produit et qu'on laisse les choses aller, la personne qui est la cible du comportement inapproprié va tenter de trouver quelqu'un à qui signaler la situation en vue d'une résolution.
Selon la politique du Conseil du Trésor, on s'attend à ce qu'un processus de résolution soit amorcé rapidement. Si la situation s'y prête, on s'efforcera de trouver un terrain d'entente avec les deux parties. Différents processus de résolution existent pour remédier, par exemple, aux abus de pouvoir. Mais on s'attend à pouvoir mener à bien la totalité du processus axé sur le comportement harcelant, et déterminer s'il y a oui ou non eu du harcèlement, ainsi que les mesures à prendre pour rebâtir les relations en milieu de travail et rétablir les rapports entre les parties, si c'est possible.
La politique du Conseil du Trésor permet d'intervenir de façon efficace à l'égard du harcèlement, et si le gestionnaire de l'administration publique centrale juge au final que des mesures disciplinaires sont justifiées, il peut en imposer à la partie fautive.
À la GRC, on ne peut pas vraiment procéder de cette façon. On peut tenter d'entreprendre un processus de résolution quand une plainte de harcèlement est formulée. Toutefois, dès que la personne responsable de l'intimé, ou quelqu'un de la chaîne de commandement concernée, juge qu'il y a eu contravention au code de conduite — et selon la loi, il faut qu'il y ait eu apparence de contravention —, on entreprend une enquête. On pourrait s'en remettre à l'enquête menée conformément à la politique du Conseil du Trésor, mais le problème est que les déclarations n'ont peut-être pas été obtenues de telle façon à permettre leur utilisation dans un processus accusatoire, qui ressemble beaucoup à un processus judiciaire. C'est l'une des issues de notre système de mesures disciplinaires. Quand on tombe dans le monde disciplinaire, il n'est plus question de relations. Il ne s'agit pas de régler les problèmes qui minent le milieu de travail. Le but n'est pas de trouver une façon d'aider le plaignant et de composer avec le comportement inapproprié de l'intimé. Il s'agit surtout désormais de recueillir les preuves nécessaires pour prouver qu'il y a eu une infraction ou une contravention au code de conduite.
Dès qu'on en arrive là, presque tout se joue devant les tribunaux. Un membre de la GRC faisant l'objet de mesures disciplinaires a accès à certaines ressources. Il y a des limites à ce qu'on peut faire dans le cadre du processus prévu par le code de conduite. Il n'est plus possible de revenir à un processus de résolution préventive une fois que ces procédures ont été entamées.
La politique du Conseil du Trésor prévoit aussi de fournir au plaignant une copie du rapport préliminaire pour qu'il s'assure que tout ce qui devait être fait a été fait à ses yeux. Mais avec le processus relatif au code de conduite, nous n'avons pas le droit de procéder ainsi, parce qu'il est conçu pour déterminer s'il y a eu ou non contravention au code de conduite.
Ces deux processus ne cadrent donc pas l'un avec l'autre et interviennent à des moments différents. Le processus de plainte de harcèlement est interrompu en cours de route par les dispositions de la partie IV, avec lesquelles il faut continuer la résolution du dossier. Dès que cela arrive, la situation n'est plus la même. Il ne s'agit plus de harcèlement, mais d'entrave au code de conduite.
Il faut aussi savoir que les résultats sont très différents dans les deux cas. Le plaignant ne peut plus vraiment influer sur l'issue du processus, étant limité au rôle de témoin. Ce sont deux processus très différents aux objectifs tout aussi différents.
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Merci, madame la présidente.
Comme vous venez de le dire, je m'appelle Catherine Ebbs. Je suis la présidente du Comité externe d'examen depuis 2005, et j'ai le plaisir d'être accompagnée aujourd'hui de M. David Paradiso, notre directeur exécutif et avocat principal.
J'ai un court exposé d'environ cinq minutes à vous présenter.
[Français]
Madame la présidente et membres distingués du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je me réjouis d'avoir la possibilité d'expliquer le mandat du Comité externe d'examen de la GRC, l'étendue de ses pouvoirs et les raisons justifiant sa création et ses fonctions.
[Traduction]
Le Comité externe d'examen de la GRC, ou CEE, a été créé en 1986 pour offrir à la direction de la GRC, ainsi qu'à nos membres réguliers et civils, un tribunal des relations de travail indépendant. Depuis près de 25 ans, le CEE fournit à la GRC des services objectifs et impartiaux. Il offre aussi au grand public une fenêtre unique sur les mécanismes de résolution des différends de la GRC. La GRC étant la seule force policière du Canada à ne pas être syndiquée, il est essentiel que le CEE soit indépendant des processus internes pour veiller à ce que les décisions à l'égard des griefs et des mesures disciplinaires soient examinés de façon tout à fait juste et impartiale.
[Français]
Notre comité joue un rôle important dans le maintien de la confiance du public à l'égard de la GRC et veille à ce que celle-ci respecte la loi et les droits de la personne dans les relations de travail.
Notre comité a pour mandat d'examiner les griefs, les mesures disciplinaires et les cas de renvoi et de rétrogradation qui sont portés à son attention par la GRC, et de présenter ensuite des recommandations au commissaire de la GRC.
[Traduction]
Nous procédons à un examen complet et impartial. Pour tous les cas de grief, de mesures disciplinaires, de renvoi et de démotion qui lui sont soumis, le CEE fonde son examen sur les faits qui sont devant lui. Cela comprend tous les documents originaux, les témoignages des parties et la décision rendue. À cet égard, nous jouons en quelque sorte le rôle d'une cour d'appel, étant donné que nous fondons notre examen sur les preuves au dossier. Toutefois, contrairement à une cour d'appel, nos rapports ne sont pas exécutoires; il s'agit uniquement de recommandations. Notre mandat n'est pas de nature juridique. Nous formulons des recommandations, et nos constatations sont transmises aux parties, de même qu'au commissaire de la GRC. La loi oblige le commissaire à prendre connaissance de nos recommandations, mais il n'est pas tenu de les appliquer. C'est le commissaire de la GRC qui a le dernier mot dans tous les dossiers. D'après les données antérieures, le taux d'acceptation des recommandations du CEE par le commissaire de la GRC est d'environ 85 p. 100. Si le commissaire décide de ne pas les appliquer, il doit justifier sa décision par écrit.
[Français]
Je crois comprendre que le Comité permanent de la condition féminine a pour intérêt principal de recueillir les points de vue de divers experts sur le rôle et les défis des femmes qui travaillent à la GRC et dans l'ensemble de la fonction publique.
Les cas de harcèlement en milieu de travail, qu'il s'agisse de harcèlement sexuel ou autre, constituent une préoccupation importante pour chacun d'entre nous.
[Traduction]
En 25 ans, 99 cas de harcèlement ont été renvoyés au CEE à des fins d'examen. Ces 99 dossiers avaient entre autres rapport à des cas présumés d'abus de pouvoir, de mauvaises plaisanteries au travail, d'intimidation entre pairs, ainsi que de harcèlement sexuel. Je tiens à souligner que le CEE est d'avis que tout type de harcèlement en milieu de travail doit faire l'objet d'une intervention immédiate et équitable. Les personnes responsables de traiter les plaintes doivent être bien formées à cet égard, et il faut que la gestion des plaintes soit uniforme à l'échelle du pays.
Nous pensons que l'accent doit être mis sur la prévention, la détection rapide et l'intervention immédiate, de façon à éviter les cas de harcèlement.
[Français]
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant disposée à répondre à vos questions.
Bienvenue à nos deux témoins. Merci du travail que vous tentez d'accomplir. Il est clair qu'un grand nombre de personnes n'ont pas la confiance nécessaire pour se lever et partir, et ils ne se donnent même pas la peine de porter l'affaire en appel.
J'aimerais vous lire quelques citations de trois agents différents; elles sont tirées du rapport auquel j'ai fait référence plus tôt. J'espère que vous recevrez bientôt un exemplaire.
La première vient de l'un des agents de la GRC qu'on a interviewés:
Je ne signalerais jamais un cas de harcèlement. J'ai vu ce qui est arrivé à celles qui l'ont fait. Les gestionnaires ont fait de leurs vies de vrais enfers, et ils ont utilisé leur position pour les intimider.
Voici le deuxième extrait:
Nous portons une veste pare-balles pour nous protéger des mauvaises personnes lorsque nous sommes en fonction, mais nous devrions plutôt porter une veste qui nous protégerait de celles qui se trouvent au sein de notre organisme.
Voici le troisième extrait — je répète qu'il s'agit de trois personnes différentes:
Les femmes que je connais et qui ont eu à faire face à des difficultés étaient fortes, indépendantes et avaient confiance en elles. Ces femmes ont été forcées de quitter des emplois pour lesquels elles avaient de l'expertise et un intérêt et ont dû tout recommencer à un point avancé de leur carrière en acceptant des emplois qu'elles n'avaient pas choisis. Il s'agit d'un problème très grave et très réel [au sein de la GRC], et qui va bien au-delà des blagues de mauvais goût. La situation est pire que ce que s'imaginent la plupart des gens.
Vous avez sans doute lu les journaux et entendu une multitude de commentaires, etc., surtout en ce qui concerne le harcèlement, et surtout le harcèlement sexuel envers les femmes, ce qui explique pourquoi nous examinons la question du point de vue de la condition de la femme.
Dans le travail que vous faites au niveau supérieur d'appel, quelle était votre impression lorsque vous avez entendu ces commentaires, en tenant compte de la nature des dossiers dont vous vous occupez à votre niveau et du petit nombre qui vous sont envoyés? Vous êtes-vous demandé pourquoi vous receviez si peu de plaintes, même au niveau de l'appel?