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Merci beaucoup. C'est avec grand plaisir que je témoigne cet après-midi.
La Société John Howard du Canada souligne son 50e anniversaire à titre d'organisme caritatif communautaire, dont la mission au Canada consiste à soutenir les réactions efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences de la criminalité. La société compte plus de 60 bureaux de première ligne au pays, lesquels dispensent de nombreux programmes et services pour appuyer la réinsertion sécuritaire des délinquants au sein des communauté et pour prévenir la criminalité. Notre travail contribue à rendre les collectivités sécuritaires, et nous nous en réjouissons. Nous savons que l'emploi constitue un facteur clé quand on veut réussir à réintégrer les délinquants dans la société. Voilà pourquoi je suis heureuse de traiter aujourd'hui du projet de loi .
Ce projet de loi comprend, d'après ce que je comprends, des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi afin d'abroger les dispositions permettant la prolongation des périodes de référence et de prestations en raison de temps que le demandeur a passé dans une prison, un pénitencier ou une institution du même type. Ces modifications empêcheraient certaines personnes de se prévaloir d'un régime d'assurance auquel elles ont cotisé avec leurs employeurs alors que la loi autorisait ces prolongations. Nous nous inquiétons au sujet de l'équité et de l'efficacité de la mesure, et j'aimerais attirer votre attention sur cinq points.
Tout d'abord, les participants au régime d'assurance devraient recevoir des prestations, conformément aux modalités en vigueur quand les cotisations ont été versées. Les employeurs et les employés ayant tous deux cotisé au régime quand le cadre législatif permettait les prolongations, ils devraient donc pouvoir bénéficier des prestations en place quand ils ont versé les cotisations. Ce n'est pas un programme gouvernemental, mais un régime d'assurance, dont ces gens sont bénéficiaires, puisqu'ils y ont contribué.
Nous faisons également valoir que le concept de « personnes détenues dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature » est bien trop vaste. Plus de la moitié des détenus au Canada n'ont pas été reconnus coupables ou condamnés relativement à une infraction, et sont donc réputés innocents devant la loi. Cela signifie que plus de la moitié de ceux qui perdent le droit à une prolongation que leur confère actuellement la loi ne sont pas fautifs. En outre, le terme « autre institution de même nature » est très large et pourrait englober des camps d'internement, des établissements de détention préventive ou d'autres installations où le cotisant ne se trouve pas nécessairement parce qu'il a mal agi. Je crois comprendre que l'auteur du présent projet de loi est disposé à y apporter certains amendements afin d'accorder la prolongation seulement aux personnes détenues en attente de leur procès.
Nous nous interrogeons également sur la légitimité d'ajouter des sanctions civiles aux condamnations criminelles. Si l'amendement bienveillant est apporté, il serait très clair que l'abrogation ne vise pas ceux qui sont simplement incapables de travailler à cause de leurs démêlés avec le système de justice, mais ceux qui ont été reconnus coupables d'un crime. Ce serait là une peine civile qui s'ajouterait à la peine que les tribunaux criminels ont jugée juste et proportionnelle en l'espèce. Cette sanction supplémentaire va à l'encontre de l'évolution du droit commun et du principe selon lequel les détenus sont des citoyens prisonniers. Les personnes condamnées conservent tous les droits et responsabilités que prévoit la loi, sauf ceux touchés par l'exécution de la peine imposée par les tribunaux criminels. On assiste à un retour en douce du concept archaïque de hors-la-loi ou de personne échappant à la portée et à la protection de la loi en raison d'une condamnation criminelle. Les infractions criminelles devraient être punies par la peine imposée par les tribunaux criminels pour qu'elle soit juste et entièrement proportionnelle à l'acte commis.
Le projet de loi aura également des répercussions sur le système de justice. S'il était amendé pour limiter l'abrogation de la prolongation des périodes de prestations et de référence aux personnes détenues après leur condamnation, cela serait lourd de conséquences pour le système de justice criminelle. Les personnes détenues avant de recevoir une condamnation et une peine ont généralement droit à un crédit pour la durée de cette détention. Si la période passée en prison avant le procès, pendant laquelle le détenu est présumé innocent, ne limite pas la prolongation des périodes de prestations et de référence, mais que le temps passé en prison après la condamnation le fait, cela pourrait engendrer des retards dans le traitement des procès.
Le projet de loi , une fois amendé, pourrait inciter l'accusé à retarder le procès pour accumuler du temps de détention avant la tenue du procès, ce qui aurait une incidence sur la peine imposée. Ces délais, même s'ils permettraient de protéger le droit du demandeur aux prestations, aggraveraient la crise qui sévit au pays dans les établissements où les gens sont détenus avant leur procès.
Le dernier point que j'aimerais souligner concerne la perte d'un soutien important à la réinsertion. L'un des groupes de la société qui éprouvent le plus de difficultés à trouver du travail est celui des personnes incriminées. L'accès à l'assurance-emploi aide considérablement ce groupe très désavantagé à trouver du travail. La mesure proposée nuira à l'objectif stratégique consistant à favoriser la sécurité des communautés en menaçant les perspectives d'emploi et en compromettant les efforts déployés pour réduire les cas de récidive.
En conclusion, le projet de loi aurait pour effet de dépouiller les gens des prestations d'assurance-emploi, alors qu'ils ont cotisé au régime avec leurs employeurs. Ce serait injuste envers les demandeurs, particulièrement les détenus innocents. Quant à ceux qui sont reconnus coupables et condamnés, cette mesure équivaudrait à ajouter à la peine criminelle une peine ex post facto supplémentaire, dont la légitimité serait douteuse et qui pourrait mener à une peine disproportionnée. Les efforts visant à circonscrire l'effet du projet de loi à l'abrogation de la prolongation des périodes de référence et de prestations après la détermination de la sentence provoqueraient des retards dans un système de justice criminelle déjà en crise. Cette mesure ébranlerait également la sécurité publique en menaçant les perspectives d'emploi et en privant de prestations d'assurance-emploi un groupe vulnérable qui cherche à réintégrer la société. Voilà pourquoi la Société John Howard du Canada vous demande instamment de vous opposer au projet de loi C-316.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Kim Pate et je représente l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner au nom des membres du conseil et de la clientèle que nous servons. Je me réjouis d'avoir l'occasion de traiter du projet de loi, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi.
J'ignore si vous le savez, mais notre organisation comprend 26 organismes communautaires locaux, qui sont tous dirigés par des conseils d'administration constitués de bénévoles. Un grand nombre de ces sociétés locales offrent des services bénévoles et concluent des contrats avec des services correctionnels ou d'autres intervenants. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que notre organisation travaille non seulement avec ceux qui sont dans le système de justice criminelle par suite de crimes ou d'emprisonnement, mais également avec les victimes les plus marginalisées: les femmes et les filles. Ceux d'entre vous qui venez de l'Ouest du pays savent que dans certaines régions, les sociétés Elizabeth Fry sont les seules à offrir des services aux victimes. C'est dans ce contexte que nous nous adressons à vous.
Nous partageons les préoccupations de la Société John Howard du Canada; je ne reprendrai donc pas ses propos. Ce qui nous préoccupe le plus, toutefois, c'est le fait que la Loi sur l'assurance-emploi prévoit un régime d'assurance destiné à ceux qui y ont cotisé et qui y ont investi. Seuls ceux qui ont cotisé à ce régime géré par le gouvernement fédéral peuvent s'en prévaloir.
Le fait est que certaines personnes sont désavantagées, marginalisées ou incarcérées pour toutes sortes de raisons, qu'elles maîtrisent plus ou moins. Il ne fait aucun doute que les changements qui s'opèrent actuellement font qu'il est de plus en plus difficile de survivre dans la communauté, particulièrement pour plusieurs des femmes avec lesquelles nous travaillons. Ce n'est pas étonnant que certaines d'entre elles en arrivent à commettre des crimes, parfois assez mineurs. Celles qui ont travaillé dur et été des membres productifs de nos collectivités avant leur incarcération ne devraient pas perdre le droit de se prévaloir d'une assurance à laquelle elles ont cotisé avec leur employeur quand elles sont remises en liberté, pour autant qu'elles soient jugées admissibles.
Mais en retardant la période d'admissibilité, on ne fait que retarder l'accès à un droit dont elles jouissent pourtant déjà.
Comme Mme Latimer l'a souligné, le fait d'ajouter une sanction civile à une peine criminelle viole la Charte canadienne des droits et libertés et va totalement à l'encontre de tous les principes sur lesquels se base notre système de justice criminelle, c'est-à-dire que la peine imposée constitue la punition, et qu'il ne convient pas d'en rajouter.
L'amendement bienveillant corrige certainement une partie du problème. Le fait que nous sachions que 70 à 90 p. 100 des femmes détenues dans des établissements provinciaux et territoriaux, où le projet de loi aura le plus de répercussions, attendent la tenue de leur procès et pourraient ne jamais être condamnées, rend cette peine civile encore plus navrante, d'autant plus qu'elle s'ajoute aux sanctions non criminelles qui pourraient suivre. Cette situation nous préoccupe.
Nous craignons également qu'en privant les intéressés des prestations auxquelles ils ont droit parce qu'ils ont cotisé au régime, on contribue à transférer davantage de coût aux provinces et aux territoires. En effet, ces personnes, qui pourraient autrement être admissibles à l'assurance-emploi pendant qu'elles cherchent du travail après leur libération, pourraient être incapables d'en trouver et devoir recourir à l'aide sociale, qui est de compétence provinciale et territoriale. Les coûts seront donc plus élevés pour les provinces et territoires.
En résumé, nous tenons absolument à ce que ce projet de loi ne soit pas adopté. Nous considérons qu'il existe déjà des mesures pour tenir les gens responsables de leurs actes et que cette initiative n'est qu'une tentative de punir encore plus ceux qui, pour diverses raisons, prennent le chemin de la criminalité et de la prison. Nous vous demandons instamment de recommander le rejet du projet de loi.
Merci.
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J'insisterais là-dessus. L'une des difficultés auxquelles nous nous heurtons, avec les ex-détenus, c'est de les encourager à persévérer et à croire en leur réussite. C'est certainement le cas avec les femmes, particulièrement si elles sont mères célibataires, inquiètes de leur avenir. La réadaptation est beaucoup plus difficile quand il faut affronter de plus en plus d'obstacles.
Nous voulons également que les gens respectent la loi. On suppose que ceux qui ont enfreint la loi ne la respectent pas, ce qui, de notre point de vue, est absolument faux. Pourtant, si les mesures de cet acabit se multiplient, si un cotisant se voit refuser le droit aux prestations après avoir remboursé sa dette à la société, cela discréditera la justice du système et la croyance qu'il est de l'intérêt des gens de pouvoir s'en sortir et de refaire leur vie.
D'après moi, le public a de nombreuses raisons de s'inquiéter au plus haut point de ces mesures. Nous voulons que les jeunes qui apprennent leur existence et que nous tous nous nous attendions à ce que le système soit juste. Je sais qu'on a laissé entendre que ces mesures aideront peut-être les victimes. Très peu d'entre elles diront que c'est le cas.
Il est sûr que, souvent, la réaction à chaud à une infraction est une terrible colère, comme beaucoup d'entre nous le savent — la nature de notre travail ne signifie pas que notre expérience est limitée. Le législateur, par modération, ne cherche pas à se venger. Or, les mesures dont il est question ressemblent à de la vengeance, et je pense que la plupart des gens le pensent aussi.
Certains pourraient les appuyer pour toutes sortes de raisons, mais ce n'est certainement pas le socle de notre droit criminel.
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Nous savons que les personnes qui sortent de prison, particulièrement les femmes... Mais des hommes sont aussi issus de certains groupes marginalisés. Les personnes qui sont incarcérées ne sont généralement pas les mieux nanties. À leur sortie de prison, la première chose que nous tentons de faire est souvent... Comme l'ont constaté nos services correctionnels provinciaux, fédéraux et territoriaux, pour réussir, ces personnes ont besoin de trois choses fondamentales: des moyens pour subvenir à leurs besoins, un toit et un soutien communautaire.
Un emploi peut souvent permettre à quelqu'un d'obtenir tout cela. Évidemment, quand on a un emploi, on a les ressources pour se loger, en principe. Quand on est sans famille, le travail nous offre un groupe de soutien ou au moins l'appui de nos collègues. La plupart des intervenants du système savent donc qu'une des choses les plus importantes à faire est de trouver un emploi à ces personnes. L'emploi est un facteur important.
Nous avons demandé des statistiques concernant les personnes qui seront libérées de prison; et je crois que le comité en a fait autant. Le seul chiffre que j'ai pu obtenir me vient d'une demande d'accès à l'information déposée par un journaliste. On y indique que quelque 1 500 personnes libérées au cours d'une année — en 2006-2007, il me semble — auraient pu être touchées par cette disposition.
Quand on pense que 1 500 personnes auraient pu bénéficier de l'assurance-emploi, à laquelle elles ont contribué, pendant leur recherche d'emploi, ce sont des coûts qui auraient pu être évités ailleurs. Ce sont sans doute les services sociaux qui ont écopé de la facture. Ou peut-être encore le système de santé. Comme vous l'avez indiqué, on voit de plus en plus de personnes sortir de prison sans trop de débouchés. Le système de santé, notamment le réseau de soins de santé mentale, est surchargé. Le système carcéral devient de plus en plus l'issue de secours de tous ces autres systèmes déficients. Des toxicomanes, parfois devenus criminels en raison de leur dépendance, sans le sou...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos témoins.
Je trouve intéressant d'entendre ces deux points de vue aujourd'hui. Les témoins nous ont parlé de la réadaptation. Nous croyons évidemment tous aux bienfaits de la réadaptation. Nous voulons tous que les criminels retrouvent le droit chemin. Mais avant, nous voulons aussi qu'ils paient pour les crimes qu'ils ont commis. C'est pour cette raison qu'ils sont incarcérés.
Nous savons une chose: de nombreux programmes fédéraux de réadaptation leur sont offerts pendant leur détention, et après leur sortie de prison. Mais je pense que les victimes de ces crimes doivent elles aussi s'arrêter parfois. Leurs familles doivent prendre une pause pour gérer les longues démarches juridiques que cela implique ou pour traiter des troubles émotionnels.
Quand le projet de loi a été déposé, j'ai constaté que l'intention derrière tout cela était d'agir avec équité. Nous parlons tous d'équité. Une personne qui contribue à l'assurance-emploi devrait être admissible aux prestations, même si elle fait parfois des choix qu'un honnête citoyen ne devrait pas faire. C'est vers cela qu'on se dirige, d'après moi.
Personnellement, et c'est pourquoi j'appuie ce projet de loi, je crois qu'il n'y a aucune raison pour qu'un détenu bénéficie de meilleures conditions à l'égard de l'assurance-emploi. Tout d'abord, je dois admettre qu'avant le dépôt de ce projet de loi, je ne savais pas du tout que notre régime d'assurance-emploi prévoyait une telle exception. J'en ai ensuite parlé avec mes concitoyens. Croyez-moi, la réponse que j'obtiens est invariablement: « Ce doit être une blague. » C'est la réaction qu'ont mes concitoyens.
Comment la population perçoit-elle le régime actuel, selon vous? Si vous deviez poser la question aux gens du public, comment réagiraient-ils d'apprendre que les détenus ont plus facilement accès à l'assurance-emploi selon les règles actuelles? Qu'en penseront-ils, à votre avis?
La question s'adresse à vous deux, parce que vous travaillez tous les deux pour des organismes venant en aide aux victimes et aux femmes marginalisées, et à d'autres criminels également.
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Notre site Web renferme divers feuillets d'information que je vous invite à consulter. Ces feuillets sont revus chaque année par nos merveilleux bénévoles et étudiants. Catherine et moi enseignons toutes les deux à l'école de droit et, malgré nos ressources limitées, nous avons la chance de pouvoir compter sur l'aide des étudiants en droit dans cette démarche.
Chez les femmes, nous traitons principalement avec des femmes défavorisées. Selon les dernières statistiques, 80 p. 100 des femmes détenues vivaient dans la pauvreté et avaient pris des mesures pour s'en sortir. La majorité sont des mères, dont bon nombre sont sous-employées ou occupent un emploi saisonnier ou peu rémunéré. Une grande proportion des femmes emprisonnées étaient le seul soutien de leur famille au moment de leur incarcération. Dans les établissements fédéraux, environ le tiers des femmes sont autochtones. On parle même de 75 à 80 p. 100 dans certaines provinces. Près de la moitié d'entre elles sont issues de minorités raciales. D'ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, je discutais avec des gens de l'Association des femmes autochtones au sujet de l'incidence des pensionnats indiens sur les problèmes sociaux à long terme des femmes et jeunes filles autochtones qui finissent derrière les barreaux.
Beaucoup de ces femmes souffrent de problèmes de santé mentale. En raison des compressions dans les programmes sociaux et les programmes de santé, non seulement pour les femmes, mais aussi pour les hommes et les jeunes, le nombre de personnes aux prises avec des troubles mentaux augmente. En outre, la dernière fois que le gouvernement fédéral s'est penché sur la question, 91 p. 100 des femmes autochtones et 82 p. 100 des femmes en général avaient subi des abus, durant l'enfance, mais aussi à l'âge adulte. La plupart du temps, ces femmes avaient recours à l'automédication pour tenter d'oublier leurs problèmes. Par conséquent, la question des dépendances qui a été soulevée plus tôt se reflète également chez de nombreuses détenues. Mon expérience avec les hommes est très semblable, mais je vais laisser Mme Latimer vous en parler.
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Merci de prendre le temps de comparaître devant le comité.
Je pense que je peux dire que tout le monde est reconnaissant du travail que vous faites, de même que du travail de vos organisations.
Tout d'abord, sachez que c'est une question de définition. Il ne s'agit pas d'une prestation d'emploi, mais plutôt d'une assurance-emploi. Les gens s'assurent parce qu'il y a un risque qu'ils perdent leur emploi ou que leur maison soit rasée par un incendie. Toutefois, si vous mettez volontairement le feu à votre maison, vous ne toucherez pas le montant de votre assurance, n'est-ce pas? Il en va de même pour l'assurance-emploi. Les détenus ne sont donc pas admissibles. Ils ont droit aux prestations, mais ils doivent satisfaire à certaines conditions prévues dans la loi. Ils doivent notamment être disponibles pour travailler et, malheureusement, ils ne le sont pas.
Il y a des gens qui touchent des prestations d'assurance-emploi alors qu'ils sont en vacances au Mexique. Ils fraudent le système; ils ne sont pas disponibles pour travailler. Les personnes incarcérées, malheureusement, ont pris une mauvaise décision, et cette décision a fait en sorte qu'ils ne sont plus disponibles pour travailler.
Je comprends votre point de vue. Vous faites preuve d'une grande compassion à l'égard de ces gens. Vous voulez vous assurer qu'ils disposent d'un peu d'argent, au moment de leur libération, pour reprendre leur vie en main, et je comprends cela. N'empêche, il est ici question d'un régime d'« assurance », et nous devons respecter cela.
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Bonjour, monsieur le président et distingués membres de ce comité.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi , parrainé par le député , et de vous fournir des renseignements sur les modifications proposées que le gouvernement prévoit déposer lors de l'analyse article par article.
Mais permettez-moi d'abord de présenter le programme d'assurance-emploi de façon générale.
Le programme d'assurance-emploi est conçu pour fournir un revenu de soutien temporaire aux personnes qui perdent leur emploi ou qui s'absentent temporairement de leur travail en raison d'une grossesse, d'une naissance, d'un congé parental, d'une maladie, ou pour prendre soin d'un membre de leur famille qui est gravement malade.
[Traduction]
Pour qu'une demande soit établie, une personne doit avoir payé des cotisations d'AE et satisfaire aux exigences d'admissibilité dans la région où elle habite. Le nombre d'heures dont une personne a besoin pour être admissible aux prestations ordinaires est déterminé par la norme variable d'admissibilité et est égal à 600 heures pour les prestations spéciales. En règle générale, ces heures de travail doivent avoir été accumulées au cours des 52 semaines précédant l'interruption de la rémunération, une période que nous appelons la période de référence.
Si la personne satisfait à la norme d'admissibilité, une période de prestations de 52 semaines est déterminée au cours de laquelle cette personne peut recevoir les prestations auxquelles elle a droit. Ces deux périodes de 52 semaines, la période de référence et la période de prestations, peuvent être prolongées dans le cas de circonstances spéciales, mais jamais au-delà d'un maximum de 104 semaines.
La Loi sur l'AE contient des dispositions qui définissent les circonstances dans lesquelles les prolongations sont accordées. Toutes ces circonstances ont une justification commune: elles concernent des situations où le prestataire n'est pas disponible pour travailler ou a droit à des prestations « en raison de circonstances externes qui ne dépendent pas de sa volonté ». Par conséquent, les prolongations sont accordées à une personne qui, par exemple, est incapable de travailler en raison d'une maladie, d'une blessure ou d'une grossesse; qui reçoit de l'aide dans le cadre de prestations de l'AE; qui touche des indemnités en vertu d'une loi provinciale parce que de continuer de travailler la mettrait en danger ou serait un risque pour l'enfant dont elle est enceinte ou qu'elle allaite; ou qui touche des indemnités en raison d'un accident de travail ou d'une blessure.
[Français]
En vertu de la loi en vigueur, on peut prolonger la période de référence ou de prestations des prestataires au-delà de la période habituelle de 52 semaines pour chaque semaine où ils sont détenus en prison, dans un pénitencier ou un établissement de même nature. Cette prolongation de la période de référence en faveur des détenus est en vigueur depuis 1959, tandis que la prolongation de la période de prestations existe depuis 1977, et les deux s'appliquent aux prestations ordinaires et spéciales.
Dans le projet de loi C-316, parrainé par M. Harris, on propose de supprimer les prolongations de la période de référence et de prestations pour les détenus, peu importe la raison de leur incarcération. Le projet de loi proposé signifierait qu'une personne détenue, qu'elle soit en détention provisoire, en attente de son procès ou de sa sentence, ou qu'elle ait été reconnue coupable d'une infraction, ne pourrait plus être admissible à la prolongation de la période de référence ou de prestations.
Afin de s'assurer que les personnes qui ne sont pas reconnues coupables d'une infraction dont elles ont été accusées pourront toujours bénéficier de la prolongation prévue par la Loi sur l'assurance-emploi présentement en vigueur, des modifications seront proposées lors de l'étude article par article. Ces modifications cherchent à assurer que l'abrogation des périodes de prolongation vise uniquement les personnes qui ont été condamnées. En d'autres mots, les modifications proposées limitent les dispositions sur la prolongation pour les détenus aux prestataires qui ont été détenus et qui ne sont pas reconnus coupables de tous les chefs d'accusation contre eux, y compris tous les autres chefs d'accusation pouvant découler de l'incident pour lequel ils ont été détenus.
[Traduction]
Cela signifie que, par défaut, toute personne détenue en prison ou dans un établissement semblable ne recevrait aucune prolongation. La prolongation de la période de référence ou de prestations d'un prestataire qui est détenu en prison ne serait accordée que lorsque cette personne présente une demande à Service Canada, avec la preuve qu'elle a été détenue ou incarcérée et reconnue non coupable par la suite.
Deux autres articles sont également proposés. L'inclusion d'un article d'entrée en vigueur permettra de s'assurer que les modifications à la Loi sur l'AE entreront en vigueur le premier dimanche suivant la sanction royale, tandis qu'un article transitoire fournira une plus grande certitude quant à la façon dont les modifications seront appliquées.
Permettez-moi de décrire concrètement comment ces articles seront appliqués. Les modifications s'appliqueront à toute période de référence ou de prestations qui est déterminée à la date d'entrée en vigueur de la loi ou après cette date. Cela signifie que seulement les prestataires dont la demande a été établie après l'entrée en vigueur et qui ne sont pas reconnus coupables d'une ou des infractions pour lesquelles ils ont été détenus seront admissibles à une prolongation de leur période de référence et/ou de prestations.
[Français]
Si une demande est établie avant la date d'entrée en vigueur, les dispositions actuelles s'appliqueront. Par conséquent, les prestataires, peu importe qu'ils soient reconnus coupables ou non, continueraient d'être admissibles à une prolongation de leur période de référence ou de prestations. Toutefois, pour les prestataires qui ont été reconnus coupables, les prolongations ne seraient accordées que pour les semaines antérieures à la date d'entrée en vigueur de la loi, mais non pour les semaines postérieures à cette date.
Étant donné que les périodes de référence et de prestations ne peuvent être prolongées que pour un maximum de 104 semaines, seules les personnes qui ont été incarcérées pendant moins de deux ans peuvent actuellement bénéficier de ces prolongations. Les prestataires qui ont été incarcérés pendant plus d'une année ne peuvent pas obtenir une prolongation équivalente à leur période de détention complète.
Les statistiques recueillies par Statistique Canada sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes indiquent qu'en 2008-2009, 66 p. 100 des personnes accusées ont été reconnues coupables, un pourcentage qui est demeuré stable au cours des dernières années. Les personnes accusées, et possiblement détenues, qui constituent l'autre tiers n'ont pas été reconnues coupables parce qu'elles ont été acquittées (3 p. 100) ou encore parce que leur cas a été réglé au moyen d'un sursis, retiré ou rejeté (30 p. 100).
[Traduction]
Parmi les 260 000 personnes qui ont été reconnues coupables, près de 90 000 d'entre elles ont reçu une certaine forme de peine d'emprisonnement, ce qui signifie que les peines d'emprisonnement ont été imposées dans 34 p. 100 des verdicts de culpabilité. Environ 96 p. 100 des peines d'emprisonnement ont été imposées pour des périodes de moins de deux ans: 55 p. 100 étaient des emprisonnements d'un mois ou moins, 31 p. 100 étaient pour un à six mois, 6 p. 100 étaient des peines de 6 mois à un an, et 4 p. 100 étaient des emprisonnements de 1 à 2 ans.
En ce qui concerne le nombre de détenus qui pourraient être touchés par cette nouvelle mesure, il est important de noter que ce n'est pas toutes les personnes admissibles à une prolongation de leur période de référence ou de prestations qui en bénéficient. Par exemple, un détenu qui a perdu son emploi au moment de son arrestation et qui a été incarcéré pendant 30 semaines pourrait, en vertu de la législation actuelle, faire prolonger sa période de prestations jusqu'à 82 semaines. Toutefois, cette personne pourrait trouver un emploi 10 semaines après sa libération et être en mesure de toucher les prestations de l'AE à l'intérieur de la période habituelle de 52 semaines.
Le ministère ne recueille pas de renseignements sur le nombre de personnes qui bénéficient de ces prolongations. Afin d'évaluer l'incidence de ce projet de loi et des modifications, un long examen manuel des demandes de prestations d'AE antérieures et une analyse des prolongations des périodes de référence et/ou de prestations d'AE accordées aux personnes qui ont été incarcérées ont été effectués.
Selon cet examen, on évalue qu'environ 1 500 prestataires d'AE ont bénéficié d'une prolongation de leur période de référence et/ou de prestations à la suite de leur incarcération, ce qui signifie que ces prestataires sont admissibles à des prestations d'AE supplémentaires pour lesquelles ils ne le seraient pas autrement. On a également estimé que l'abrogation des dispositions actuelles pour toute personne détenue aurait eu une incidence sur environ 700 de ces prestataires, dont 10 p. 100 auraient été considérablement touchés, car ils n'auraient plus été en mesure d'établir une demande.
Selon cette estimation de 700 prestataires qui auraient été touchés, les modifications proposées dans le projet de loi se traduiraient par des économies annuelles estimées à environ 3 millions de dollars dans le compte des opérations de l'AE.
[Français]
Permettez-moi de conclure en vous remerciant de nouveau de l'occasion qu'il m'a été donné de contribuer à votre étude. Le projet de loi éliminerait les prolongations des périodes de référence et de prestations accordées aux détenus, mais auxquelles n'ont pas droit la plupart des prestataires. Il permettrait également de s'assurer que ceux qui sont détenus sans avoir commis aucun acte répréhensible ne seront pas pénalisés, car il s'agirait de circonstances indépendantes de leur volonté.
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J'ai une autre question, monsieur Beauséjour.
On dit qu'on peut reculer de 104 semaines. Pour nous, c'est important.
Il faut faire la différence entre deux choses. Quelqu'un qui est dans un pénitencier fédéral, où les peines sont de deux ans plus un jour, n'a pas droit à ça. Par contre, on y tient pour quelqu'un qui est dans une institution provinciale pendant une période de deux ans moins un jour. On y tient parce qu'il n'y a pas de programme provincial pour ramener ces gens dans la société, pour aller les chercher et les aider à surmonter leurs problèmes de toxicomanie. Pour nous, il est important que ces gens aient au moins accès à l'assurance-emploi et qu'ils soient à la recherche d'un emploi.
Vous savez, il n'y a pas là de criminels endurcis. Un peu plus tôt, les gens de l'autre côté ont dit qu'être criminel était un choix. Cela n'est pas nécessairement vrai. Certaines personnes n'ont pas les moyens de payer leurs contraventions. Des gens peuvent avoir eu une malchance et avoir pris une bière de trop, s'en être allé chez eux et s'être fait prendre à un barrage routier. Sans argent, ils se font incarcérer.
Pour nous, cet argent et ces 104 semaines, ou au moins le fait d'être à la recherche d'un emploi, c'est déjà très important. Quand quelqu'un est incarcéré, après cinq jours, on met fin à son service continu. C'est comme ça en vertu de la plupart des conventions collectives. Pour la plupart qui n'ont pas de syndicat, c'est encore plus sévère que ça.
J'aimerais que nous nous entendions là-dessus, parce que la période de 104 semaines est importante pour nous et pour la réhabilitation des gens.
Merci de votre exposé.
Tout au long de la journée, nous avons entendu parler de citoyens respectueux de la loi, de victimes, de détenus. Les témoins précédents nous ont dit que si le système actuel n'est pas équitable, alors pourquoi ne pas le corriger pour venir en aide aux gens, au lieu de réduire l'accès à l'assurance-emploi, ce qui pourrait créer une sanction au civil. J'abonde dans le même sens.
Ce qui m'inquiète, d'après ce que j'entends aujourd'hui... J'essaie juste de démêler tout cela. Si quelqu'un est en détention provisoire — et vous pourriez peut-être me donner des précisions à ce sujet — et qu'il est condamné et reconnu coupable, il ne pourra pas demander une prolongation pour la période de sa détention. Par ailleurs, si une personne attend sa date d'audience, sans toutefois être détenue, et qu'elle est ensuite condamnée, elle ne pourra pas demander une prolongation. Malgré tout, il y aura certaines pratiques discriminatoires parce que cela dépend de la durée. Vous avez dit que si ces gens retournent travailler pendant une certaine période, ils pourront faire une demande de prestations d'assurance-emploi après leur mise en liberté. Alors, s'ils travaillent un peu plus d'heures par la suite, ils pourront faire une demande.
Je m'intéresse aux dispositions concernant la détention provisoire, parce qu'il y aura des gens qui seront en détention et d'autres qui ne le seront pas. Au bout du compte, dans les deux cas, ils pourraient être reconnus coupables ou non coupables. Cependant, si les gens en détention sont reconnus coupables, ils se verront imposer une plus longue période de sanction au civil, si on peut l'appeler ainsi.
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Mais c'est la philosophie générale du programme.
M. Louis Beauséjour: Oui, tout à fait.
M. Brad Butt: Alors, si quelqu'un est incarcéré, comment est-il disponible pour travailler? Si on est en prison, comment peut-on être disponible pour travailler dans le cadre de ce programme? Je sais bien qu'un détenu ne reçoit pas de prestations d'assurance-emploi pendant sa période d'incarcération, mais une des dispositions actuelles de la loi lui permet de faire une demande de prolongation de la période de prestations une fois qu'il est mis en liberté.
Là où je veux en venir — et c'est, selon moi, une des raisons pour lesquelles M. Harris a porté cette question à l'attention du Parlement —, c'est qu'il s'agit d'une échappatoire très importante. Les gens qui sont incarcérés reçoivent des prestations auxquelles d'autres Canadiens n'ont pas droit. Pourquoi? Parce qu'on a dit: « Eh bien, d'accord. Vous ne serez pas disponibles pour travailler si vous êtes en prison pendant deux mois, mais dès votre mise en liberté, vous pourrez demander une prolongation à laquelle n'ont pas accès toutes les autres personnes qui étaient en train de chercher du travail et de déployer tous les efforts possibles pour décrocher un emploi durant la même période de deux mois. »
N'est-ce pas là une façon injuste et incohérente de faire fonctionner le système?