HUMA Réunion de comité
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Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 mai 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Je vous remercie d'être ici. Rodger Cuzner n'est pas encore arrivé, mais il ne devrait pas tarder.
Je tiens à remercier les témoins de s'être libérés dans un délai plutôt court.
Nous étudions aujourd'hui les articles 161 à 166 du projet de loi C-60, qui traitent principalement des modifications apportées au Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Nous sommes heureux d'accueillir Joyce Reynolds, première vice-présidente des affaires gouvernementales de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires.
Je souhaite tout particulièrement la bienvenue à Dan Davidson, propriétaire de Red Barn à Moosomin, en Saskatchewan; une petite entreprise. Nous voulons vous entendre, et nous vous remercions d'être ici.
Nous accueillons également le capitaine Craig Blandford, président de l'Association des pilotes d'Air Canada. Nous sommes heureux de vous voir — je constate que vous n'êtes pas seul — et nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire au sujet du projet de loi.
Vous disposerez chacun de cinq à sept minutes pour faire votre exposé. Chacun des partis posera ensuite ses questions, en alternance. Nous tenons une première table ronde d'une heure. Nous suspendrons ensuite la séance brièvement, puis nous tiendrons la deuxième table ronde.
Vous serez avec nous jusqu'à midi, environ. Madame Reynolds, la parole est à vous.
Je suis heureuse de pouvoir vous parler des mesures de mise en oeuvre du budget qui ont une incidence sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Ce programme est très important pour nos membres, surtout dans les collectivités de l'Ouest canadien et dans certaines autres régions du pays qui connaissent de graves pénuries de main-d'oeuvre.
Je tiens à préciser que 98 p. 100 du 1,1 million de travailleurs dans le secteur de la restauration sont des Canadiens ou des résidents permanents. Parmi les 2 p. 100 de notre effectif qui sont des travailleurs étrangers temporaires, près de 90 p. 100 se trouvent en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.
Je veux vous donner une idée des défis auxquels sont confrontés nos membres pour trouver de la main-d'oeuvre. En 2012, il y avait 64 restaurants de plus qu'en 2011 en Saskatchewan. En raison d'une croissance des ventes de 8 p. 100, on prévoyait une augmentation de la demande d'employés dans le secteur de la restauration de 2 000 personnes. Dans les faits, on a connu une baisse de 400 emplois. Le taux de chômage est de 3,8 p. 100. Les restaurants retardent leurs plans d'expansion et réduisent leurs services parce qu'ils ne trouvent tout simplement pas de travailleurs.
Les données démographiques montrent que les pénuries de main-d'oeuvre que connaissent nos membres de l'Ouest canadien s'étendront dans l'ensemble du pays et deviendront de plus en plus importantes au fil du vieillissement de la population active, puisque notre effectif est principalement composé de jeunes.
Quarante-quatre pour cent des travailleurs du domaine de la restauration sont âgés de 15 à 24 ans. Or, ce groupe a atteint son sommet démographique et est maintenant en déclin. D'ici 2021, le nombre de personnes dans ce groupe d'âge diminuera de 340 000 tandis que l'industrie aura besoin de 200 000 personnes de plus.
Nos membres ont répondu aux pénuries de main-d'oeuvre en améliorant leurs stratégies de recrutement et de conservation du personnel, en augmentant les salaires et les avantages sociaux et en misant davantage sur des stratégies pour attirer les groupes sous-représentés, comme les Autochtones et les personnes handicapées, et pour les accommoder.
Un récent sondage réalisé auprès des membres de l'association a montré les mesures prises par les employeurs pour engager des personnes des groupes sous-représentés sur le marché du travail canadien. Par exemple, près de 76 p. 100 des répondants ont engagé des membres des Premières Nations; 84 p. 100 ont engagé des nouveaux immigrants; 79 p. 100 ont engagé des personnes handicapées ou ayant une incapacité; et 60 p. 100 ont engagé des bénéficiaires de l'aide sociale.
Puisqu'ils préfèrent embaucher des gens au pays, nos membres sont allés bien au-delà du simple affichage des postes pour attirer de nouveaux employés, et ont notamment participé aux foires de l'emploi et fait appel aux groupes communautaires et aux organismes sociaux.
Malgré leurs efforts, les propriétaires des restaurants de certaines régions n'ont pas d'autre choix que d'avoir recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Le programme est déjà très encombrant et coûteux. Nous craignons que les modifications proposées ne fassent qu'empirer les choses. Nous reconnaissons toutefois la nécessité de protéger l'intégrité du programme et de veiller à ce que son objectif, c'est-à-dire préconiser l'embauche des Canadiens, soit respecté par tous les utilisateurs. Nous appuyons les mesures qui permettront d'assurer la surveillance et la conformité, et de refuser l'accès aux personnes qui abusent du programme.
Nous comprenons que les modifications de l'article 161 visent à donner au gouvernement le pouvoir de refuser d'octroyer un avis concernant l'impact sur le marché du travail, ou de le révoquer, si une entreprise abuse du programme. Il est toutefois difficile de commenter les modifications proposées sans comprendre les paramètres des directives ministérielles.
Le fait de donner aux représentants du ministère l'autorisation générale de rejeter une demande sans exiger des motifs valables ou le respect des principes de justice naturelle nous inquiète. Quel est le processus d'évaluation de la capacité des représentants de rejeter une demande? Y a-t-il possibilité d'appel? Comment un tel processus fonctionnerait-il? Qu'arrivera-t-il au travailleur éventuel s'il est déjà au point d'entrée ou au Canada? S'il doit retourner dans son pays d'origine, qui sera responsable des coûts? Qu'arrivera-t-il si un Canadien dit vouloir faire le travail du travailleur étranger temporaire après que l'avis concernant l'impact sur le marché du travail et le permis de travail ont été approuvés?
Nous aimerions que les principes suivants soient associés à l'article 161:
Les considérations d'intérêt public doivent être exprimées de façon claire et précise dans les directives ministérielles relatives au refus ou à la révocation d'un avis. La révocation d'un permis de travail ne doit être envisagée que dans les cas extrêmes, et un processus d'appel doit être mis en place.
Nos membres sont prêts à assumer une partie des frais du programme par l'entremise des frais d'administration relatifs aux demandes d'avis concernant l'impact sur le marché du travail, surtout s'ils donnent lieu à des améliorations qui accéléreront le processus de demande et d'approbation. La mise en place d'un système d'administration efficace et économique est dans l'intérêt de tous.
Selon un document d'information sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires, seulement 40 p. 100 des postes visés par un avis donnent lieu à l'octroi d'un permis à un travailleur étranger temporaire. Il est clair que les employeurs ne veulent pas payer pour un avis si aucun permis n'est octroyé par la suite.
Le délai entre la demande et l'approbation des avis est souvent trop long. Lorsqu'un avis est approuvé, les travailleurs étrangers temporaires désignés dans la demande ne sont plus disponibles. Souvent, ils présentent de nombreuses demandes de permis et acceptent de travailler pour le premier employeur dont l'avis est approuvé, ou alors leur demande est rejetée à la suite d'un examen médical ou d'un examen des antécédents. Dans tous les cas, l'employeur doit recommencer le processus de demande.
Nous aimerions que les principes suivants soient intégrés au processus d'établissement des frais d'utilisateurs. L'avis concernant l'impact sur le marché du travail devrait s'appliquer à une demande, sans égard au nombre de travailleurs étrangers temporaires qui y figurent. Des vérifications devraient être faites afin de veiller à ce que les documents soient à jour. Il faudrait aussi veiller à ce que les documents requis pour la vérification des activités de recrutement soient les mêmes, peu importe le nombre de travailleurs visés par la demande. Il faudrait pouvoir accélérer l'octroi d'un avis ou le remplacer si le travailleur étranger temporaire désigné dans la demande n'est plus disponible ou si sa demande de permis a été refusée. Les frais associés à une demande de permis de travail devraient être suffisamment élevés pour décourager les travailleurs étrangers de demander un permis auprès de plusieurs employeurs.
L'association recommande également au gouvernement de mettre sur pied un processus de vérification du numéro d'assurance sociale de sorte que les employeurs puissent vérifier la légalité des travailleurs qu'ils embauchent. Ainsi, si le permis d'un travailleur étranger temporaire est échu et qu'il travaille illégalement, son employeur — et non le gouvernement du Canada — devrait assumer les frais d'expulsion. Cette mesure fonctionnerait uniquement si un système de vérification du numéro d'assurance sociale était en place.
En terminant, monsieur le président, le Programme des travailleurs étrangers temporaires est essentiel à l'exploitation viable du secteur de la restauration, en particulier dans les régions qui connaissent de graves pénuries de main-d'oeuvre. Nous voulons travailler avec vous pour établir des politiques qui amélioreront l'efficacité, l'intégrité et la réputation de ce précieux programme.
Merci beaucoup, madame Reynolds. Je suis certain qu'on vous posera des questions.
La parole est maintenant à Dan Davidson. Dan, allez-y.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous de m'avoir invité.
C'est toute une chance pour un garçon de la Saskatchewan qui ne s'est jamais adressé à autant de personnes, de pouvoir venir à Ottawa, dans les édifices du Parlement, pour vous parler.
Je ne suis qu'un petit propriétaire d'un restaurant que nous avons construit au sud-est de la Saskatchewan au début du boom économique il y a cinq ans. Au cours de cette période, notre entreprise a connu une croissance de 325 p. 100, et son taux d'emploi a augmenté de 225 p. 100. Et nous ne sommes qu'une entreprise familiale.
J'ai toujours été heureux de voir que le gouvernement encourageait la croissance des entreprises. J'ai toujours senti l'appui du gouvernement dans le cadre du processus d'avis concernant l'impact sur le marché du travail, pour m'aider à trouver des travailleurs.
Le marché actuel est difficile.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est la plus importante initiative gouvernementale pour aider les entreprises de la Saskatchewan à surmonter le problème de la pénurie de main-d'oeuvre dans l'ensemble de la province. Les effets de cette pénurie se font surtout sentir dans les régions rurales en périphérie des villes.
La Saskatchewan est composée de quelques villes et d'un grand nombre de collectivités rurales. Notre ville est assez grande, et compte 2 700 personnes. Nous sommes situés aux abords de la Transcanadienne.
La récente controverse entourant la sous-traitance à la RBC et les mineurs chinois semble avoir déclenché un examen du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Des mesures peuvent certainement être prises pour améliorer le système et éviter le recours à de telles pratiques controversées. Nous espérons toutefois que ces mesures ne décourageront pas la grande majorité d'entrepreneurs qui ont recours au programme pour les bonnes raisons.
Ce programme fonctionne. Il fonctionne pour nous, et pour nombre d'entreprises du sud-est de la Saskatchewan qui ont connu une croissance rapide et pour qui l'esprit d'entreprise est important. Notre vision n'a pas changé; nous voulons grandir.
En février 2013, la Saskatchewan affichait le plus bas taux de chômage au pays, à 3,8 p. 100, par rapport au taux national de 7 p. 100. Le taux de chômage de Regina, notre capitale, est de 3,7 p. 100, le plus bas de toutes les villes canadiennes. Celui de Saskatoon est de 4,7 p. 100; elle est la quatrième ville dont le taux de chômage est le plus bas. La plupart des villes de la Saskatchewan sont en plein essor, et nous avons besoin du gouvernement pour répondre aux pénuries de main-d'oeuvre.
Nous n'avons pas suffisamment de main-d'oeuvre locale pour pourvoir les postes au sein de nos entreprises. La pénurie est beaucoup plus grave dans les régions rurales en périphérie des villes, qui comptent de petites populations, mais où l'on construit à un rythme effarant.
Comme vous le savez, nous avons beaucoup de ressources naturelles. Nous avons la potasse et le pétrole. Nous avons maintenant l'énergie éolienne. Ces ressources ont donné lieu à de nombreuses constructions le long de la route Transcanadienne au sein de très petites collectivités, qui doivent faire face à une croissance qu'elles peuvent à peine gérer.
Les employeurs continuent d'afficher les postes à pourvoir, mais ils ont du mal ne serait-ce qu'à obtenir une réponse de la part des travailleurs canadiens. Nous faisons beaucoup de publicité, mais cela ne donne pas grand-chose. On affiche les postes partout dans la région. Ces démarches sont coûteuses en argent mais surtout en temps, puisqu'elles ne donnent pas de résultats.
Je vais vous donner un exemple. Le 11 décembre 2011, un restaurant Tim Hortons a ouvert ses portes sur la Transcanadienne, à Moosomin. Trente jours plus tard, les propriétaires — un policier et une infirmière à la retraite — ont dû rendre les clés à l'entreprise. Il leur manquait 25 employés. Ils ont affiché des annonces pendant deux mois et n'ont pas réussi à embaucher. Si le programme ne permet pas d'obtenir des travailleurs rapidement, et s'il accuse du retard, les entreprises ne pourront tout simplement pas survivre.
C'est la même chose pour moi. Il y a deux ans, j'ai connu une période de découragement. Je venais de construire mon entreprise, un restaurant de 9 000 pieds carrés. J'avais beaucoup de dettes. J'avais tout mis en jeu dans cette entreprise, et je me demandais pourquoi. C'est moi qui devais faire cuire les oeufs. J'avais besoin de 60 employés, et je n'en avais que 23. Je ne pouvais pas exploiter pleinement mon entreprise parce que je n'arrivais pas à trouver d'employés. Ils ne voulaient pas travailler chez moi. D'autres les attiraient. La restauration et l'hébergement sont les secteurs les moins populaires auprès des travailleurs.
Un autre facteur qui complique la situation de l'industrie des services alimentaires et de l'accueil est le manque d'intérêt qu'elle suscite auprès de la main-d’oeuvre locale disponible, ce qui est d'autant plus vrai quand il est question d'y faire carrière, comme je viens tout juste de le dire.
Pour bien des gens, nous ne sommes qu'un tremplin. Notre industrie demande beaucoup d'efforts pour un salaire modeste, et les travailleurs locaux sont plus enclins à occuper des postes mieux rémunérés dans les secteurs du pétrole, de la potasse ou de la construction. Cela dit, la restauration et l'hébergement connaissent la hausse la plus marquée du nombre d'entreprises durant les périodes d'essor, mais les autres industries prennent également de l'expansion, et c'est d'ailleurs pourquoi on appelle à notre restaurant pour demander à nos employés de passer une entrevue: « Voulez-vous un emploi? » On vient recruter des gens directement dans nos commerces. Nous faisons office de tremplin, et il nous manque donc toujours 10, 15 ou 20 employés.
À l'heure actuelle, un jeune entrepreneur qui veut se rendre à la banque pour bâtir quelque chose de nouveau ne peut pas. « Je n'ai plus le coeur à ça; je ne veux plus me lancer parce que je suis trop stressé et que je ne peux pas faire mon travail convenablement. » Il s'agit presque de gestion de catastrophe; c'est comme ça. Cela dit, quand le processus d'impact sur le marché du travail a vu le jour et que j'ai été en mesure de subventionner le marché, qui présente un taux de chômage de 3,8 p. 100, ma fibre d'entrepreneur a repris vie. Il y a un an, j'ai fait construire un petit centre commercial et j'ai ouvert un Subway.
Je fais de mon mieux pour engager des travailleurs canadiens de ma région. Je peux compter sur mon gouvernement, qui s'assurera par tous les moyens possibles de la croissance de mon entreprise parce qu'il me permet d'engager un travailleur étranger pour rétablir la situation. Nous ne profitons pas du programme. Nous nous en servons plutôt parce que nous n'avons pas le choix.
Ce sont des gens fantastiques, et, s'ils le désirent, nous essayons d'en faire des résidents par l'entremise du programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan. Compte tenu de notre faible population, nous voulons garder nos employés pour nous assurer de faire croître nos entreprises.
Cela résume ce que je voulais dire. Je voulais témoigner — merci de l'invitation, monsieur le président — pour vous parler un peu des difficultés auxquelles font face les propriétaires de petites entreprises en Saskatchewan et dans les petites villes lorsqu'aucune possibilité ne s'offre à eux dans le marché du travail très restreint de l'industrie tremplin des services alimentaires et de l'accueil. C'est très important.
Merci beaucoup, monsieur Davidson.
Si l'un de vous emprunte l'autoroute 1 à hauteur de Moosomin, en Saskatchewan, et qu'il désire de la bonne nourriture et un accueil chaleureux, assurez-vous d'arrêter à la Red Barn.
Merci de votre présentation. Vous nous avez donné une idée de la situation des petites entreprises exploitées dans les régions les plus éloignées du pays où l'économie fonctionne à plein régime. Il est sans aucun doute très important d'entendre l'opinion de personnes comme vous.
Nous allons maintenant écouter le commandant Craig Blandford, qui représente les pilotes.
Vous avez la parole au nom des pilotes.
[Français]
Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à me présenter devant vous aujourd'hui. Comme je ne dispose que de 10 minutes, je pense qu'il est préférable pour vous et pour tout le monde que je continue en anglais. Ce sera plus rapide.
[Traduction]
Je suis né et j'ai été élevé dans le petit village côtier de Springdale, à Terre-Neuve, qui est essentiellement un petit centre de services — aussi étonnant que cela puisse paraître — pour les plus petites collectivités des alentours. Comme la plupart des jeunes qui peuvent le faire depuis l'entrée de la province dans la Confédération, ce qui fait maintenant partie de notre histoire, j'ai quitté le village pour trouver du travail ailleurs au Canada.
Je ne suis pas ici pour protéger les emplois des Terre-Neuviens ou pour proposer que ce soit fait. Je voulais plutôt vous donner une idée de ce qui m'a en partie défini sur le plan moral et éthique. Les pilotes sont également appelés à se déplacer. C'est essentiel et propre à leur profession.
Je ne suis pas différent de la majorité des Terre-Neuviens. Je suis parti de la maison à l'âge de 18 ans pour m'inscrire au Collège militaire royal du Canada. Après y avoir obtenu mon diplôme, j'ai passé 20 ans dans l'Aviation, j'ai rencontré une jolie jeune femme de Winnipeg, j'ai eu des enfants et j'ai décidé de quitter l'Aviation pour devenir pilote professionnel chez Air Canada, ce que je fais depuis 15 ans. J'habite à Winnipeg.
L'Association des pilotes d'Air Canada est le plus grand groupe de pilotes professionnels au pays. Elle représente plus de 3 000 pilotes aux commandes de la flotte principale d'Air Canada, et j'en ai été élu président. Depuis un certain temps déjà, nous sommes préoccupés par ce qui, à notre avis, constitue un abus de la part de certains transporteurs du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Je dois souligner d'entrée de jeu que nos membres n'ont aucun intérêt économique à défendre dans ce débat. En effet, nous n'avons rien à gagner ni à perdre dans la décision qui sera prise par votre comité étant donné qu'Air Canada n'a pas recours au Programme pour recruter ses pilotes. Toutefois, notre association est fière d'être un chef de file de notre profession au Canada, et nous pensons qu'il est de notre devoir d'intervenir quand des pilotes titulaires d'une licence étrangère sont recrutés alors qu'il y a encore un bassin de pilotes canadiens compétents.
Nous comprenons que ce programme peut être utile dans d'autres secteurs, comme Dan l'a mentionné avec éloquence, mais nous croyons qu'il y a eu des abus dans le secteur du transport aérien.
Le transport aérien est une industrie mondiale hautement compétitive qui est et qui continuera d'être soumise à des fluctuations économiques prononcées et à une restructuration presque ininterrompue. Le Canada n'est pas à l'abri de cette volatilité, et de nombreux pilotes très qualifiés doivent quitter le pays pour trouver du travail pendant ces périodes de restructuration.
Un des exemples les plus récents a eu lieu en 2010 à la suite de la mise sous séquestre et de la débâcle de Skyservice Airlines. Environ 200 pilotes canadiens brevetés et hautement qualifiés ont perdu leur emploi. Pourtant, au même moment où ils se cherchaient du travail — beaucoup d'entre eux ont quitté le pays à cette fin —, d'autres compagnies canadiennes avaient recours au Programme de travailleurs étrangers temporaires pour assurer leurs vols.
Nous tentons d'attirer l'attention sur cet enjeu depuis quelque temps déjà, plusieurs années maintenant, et pourtant, très peu de mesures ont été prises. Les récentes déclarations publiques du premier ministre Harper selon lesquelles certains problèmes liés au programme ont été cernés et des correctifs seront apportés nous ont rassurés. Nous croyons que tout gouvernement soucieux de sa situation financière devrait remettre en question un tel soutien aux entreprises alors qu'il doit verser des prestations d'assurance-emploi à des pilotes qui pourraient occuper un emploi rémunéré au pays.
Quoi qu'il en soit, le recours abusif au programme a entraîné une décapitalisation du transport aérien au Canada en raison de cette perte d'investissement et du départ à l'étranger de pilotes qui comptent de nombreuses années de formation et d'expérience. Cette situation entraîne un exode de cerveaux, et il faudra peut-être des années pour remplacer ces pilotes expérimentés et qualifiés, si c'est possible. Des Canadiens doivent quitter leur pays pour trouver du travail, ce qui est différent d'un résident de Terre-Neuve qui s'installe en Alberta.
La situation freine aussi la progression de la carrière de jeunes pilotes du pays. Ils travaillent normalement pour plus d'un employeur, ce qui leur permet de prendre de l'expérience et d'améliorer leurs compétences pour ensuite passer aux commandes d'aéronefs de plus en plus gros et complexes. Des compagnies aériennes telles qu'Air Canada et ses concurrents sont au sommet de cette progression. Leur permettre de faire venir des étrangers et de les payer à des taux inférieurs nuit à la carrière de jeunes pilotes ainsi qu'à l'ensemble du marché.
Bref, cette façon de faire va à l'encontre des intérêts économiques des Canadiens. Nous ne pouvons certainement pas rester inactifs.
Beaucoup croient qu'il y a ou qu'il y aura bientôt une importante pénurie de pilotes. Je ne suis pas de cet avis. Je pense plutôt que des salaires insatisfaisants et le manque de possibilités d'emploi font en sorte que les jeunes au pays ne sont pas attirés par la profession. Pourquoi envisager une carrière pour laquelle il faut investir beaucoup d'argent et de temps dans une formation quand notre mère, notre père, notre oncle ou notre tante — des pilotes qualifiés — ne trouvent pas de travail?
Une des façons d'obtenir l'aval des autorités pour embaucher des pilotes titulaires d'une licence étrangère est d'obtenir un avis relatif au marché du travail, ce qui permet d'expliquer et de prouver qu'aucun Canadien n'est convenablement qualifié pour occuper un poste donné. Selon un tel scénario, je ne serais pas qualifié pour occuper un emploi chez, par exemple, Sunwing Airlines, dont les avions sont des 737. Je n'ai pas suivi de cours de conversion ni obtenu la qualification de type pour piloter ce genre d'appareil. Pourtant, j'ai effectué des milliers d'heures de vol, j'ai reçu une formation de pilote dans l'armée, j'ai été aux commandes de petits, de moyens et de grands aéronefs partout dans le monde, j'ai effectué des ravitaillements en vol dans des avions AWACS de l'OTAN en Bosnie et j'ai été premier officier et commandant de bord pendant 15 ans dans des avions de ligne d'Air Canada, mais selon l'avis relatif au marché du travail, je n'aurais pas les compétences nécessaires pour être employé par Sunwing.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires ne devrait pas être utilisé par les transporteurs comme une source continue de subventions gouvernementales qui leur permet d'obtenir un avantage commercial sur leurs concurrents en évitant les coûts liés à la formation relative aux qualifications de type, qui est normalement offerte aux pilotes.
Air Canada investit constamment dans les compétences de ses pilotes alors qu'ils progressent dans leur carrière et qu'ils sont appelés à prendre les commandes d'appareils toujours plus imposants et complexes. Conformément aux pratiques en matière d'emploi d'Air Canada, la formation relative aux qualifications de type fait partie du développement professionnel des pilotes. Cet investissement favorise non seulement la création d'une main-d'oeuvre talentueuse, mais elle permet aussi à notre transporteur d'être l'une des compagnies aériennes les plus sécuritaires et respectées au monde.
Certains mécanismes fondés sur la réciprocité apportent un avantage net aux transporteurs canadiens en favorisant l'embauche de nos pilotes. En effet, des modèles d'affaires consistent à profiter de la période de pointe hivernale pour employer des pilotes étrangers en renfort, et les nôtres se rendent ensuite au Royaume-Uni, par exemple, pendant la période de pointe dans ce pays. Il y a donc des modèles fondés sur la réciprocité.
On devrait encourager les entreprises canadiennes à investir davantage dans le développement des compétences et la formation des pilotes d'ici avant de leur permettre de recruter à l'étranger. Nous félicitions le gouvernement pour les changements annoncés au Programme des travailleurs étrangers temporaires, et nous l'incitons à les adopter rapidement dans la mesure où ils s'attaquent à ces problèmes.
Je devrais mentionner que d'autres mesures ont été prises au sein du gouvernement relativement à différents aspects de la question. Notre association collabore également avec Transports Canada à l'examen de ce qui est appelé la « location avec équipage ». C'est une pratique adoptée par certains transporteurs qui consiste à louer un avion avec les pilotes et à s'en servir en grande partie pour des vols nolisés vers des destinations vacances dans les Antilles et en Europe.
Comme je l'ai noté, nous ne nous opposons pas à la mobilité des pilotes professionnels ni à la négociation d'accords de réciprocité entre le Canada et d'autres pays, qui permettraient le va-et-vient de pilotes pour répondre aux besoins saisonniers des différentes régions du monde. Ce serait avantageux pour les pilotes, les exploitants et les voyageurs. L'Association des pilotes d'Air Canada a offert son aide, ses conseils et son expertise dans l'éventualité où le gouvernement déciderait de lancer une telle initiative.
Enfin, le Canada s'est développé et relie ses diverses régions grâce à l'aviation. Nous avons une longue tradition d'excellence en matière de formation des pilotes, comme en témoigne la création du Programme d'entraînement aérien du Commonwealth. Notre force aérienne, dans laquelle j'ai servi avec fierté, se distingue manifestement par sa sécurité et son professionnalisme. Tout au long de son histoire, elle a servi de lieu de formation pour de nombreux pilotes d'ici et d'ailleurs.
Au Canada, nous appliquons des normes très élevées en matière d'exploitation et de maintenance compte tenu des conditions imprévisibles et très difficiles dans lesquelles nous travaillons. Air Canada et ses pilotes sont la preuve que de telles normes, quand elles sont maintenues, permettent d'être l'un des transporteurs les plus sécuritaires et respectés au monde.
Transports Canada a établi, encouragé et maintenu ces normes très élevées de sécurité à titre d'administrateur du gouvernement. Les certificats d'exploitation aérienne et les licences de pilote du Canada sont reconnus et témoignent du respect de ces normes.
J'admets volontiers que nous n'avons pas le monopole de la sécurité et du professionnalisme, mais en aucun cas nos normes ne doivent être abaissées, qu'il s'agisse de louer un appareil avec ou sans l'équipage. Les Canadiens tiennent dorénavant ces normes pour acquises quand ils voyagent avec un transporteur du pays. Leur confiance à l'égard de la sécurité et de la fiabilité de nos transporteurs aériens doit être maintenue, et je vous encourage respectueusement à en tenir compte dans le cadre de toutes vos décisions et recommandations.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître. Je vous en suis très reconnaissant.
Merci beaucoup de nous avoir donné le point de vue des pilotes d'Air Canada à ce sujet. Nous savons qu'une médaille a toujours deux côtés, ce qui explique pourquoi nous sommes contents de connaître votre version des choses.
Nous entamerons maintenant les rondes de questions, en commençant avec M. Sullivan, pour cinq minutes.
Merci d'avoir partagé cela avec nous.
Je vais commencer avec Air Canada et M. Blandford.
Au NPD, nous avons entendu les mêmes histoires d'abus relativement au programme des travailleurs étrangers temporaires. J'ai parlé à des pilotes qui ne peuvent trouver d'emploi, qui sont en chômage depuis plusieurs années, alors qu'au même moment, malgré ces gens sans emploi, ce gouvernement permet à certaines compagnies aériennes — Sunwing et Canjet, je crois — d'embaucher des non-Canadiens, des travailleurs étrangers temporaires que l'on renvoie au bout de deux ans, en théorie. Et l'on justifie cela en alléguant qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre.
Comment cela est-il possible? Comment peut-on justifier une telle dynamique par les temps qui courent?
D'après ce que j'en comprends, il y a au moins deux facteurs qui entrent en ligne de compte pour expliquer cela.
Premièrement, aucun de nous ne craint une saine compétition « à la canadienne », et nous acceptons que les compagnies aériennes puissent se faire concurrence de manière équitable. Nous aimerions que toutes les compagnies aient le même avantage concurrentiel. Cela dépend du fait que nos règlements en matière de temps de vol et de temps de service en vol diffèrent d'une ligne à l'autre ou qu'il y ait ou non une norme de sécurité pour ce pays.
La même chose s'applique à la formation. Nous avons appris comment, s'il est bien rédigé, l'avis concernant l'impact sur le marché du travail peut être utilisé dans certains cas, comme le dit Dan, pour faciliter le repérage des pénuries de main-d'oeuvre. Cependant, ce qui est un incontournable dans notre industrie c'est le coût normal de la formation d'un pilote pour tel ou tel type d'avion. Cette formation peut coûter de 25 000 à 40 000 $. WestJet le fait, nous le faisons et Air Transat aussi. Tous ceux qui exploitent des entreprises dans le domaine doivent former leurs pilotes en fonction des avions dont ils disposent.
La façon dont l'avis concernant l'impact sur le marché du travail a été rédigé pour expliquer la pénurie de pilotes consistait à indiquer qu'il n'y avait pas de pilotes dûment formés et ayant la qualification de type nécessaire pour piloter ces avions particuliers. Si WestJet avait mis à pied tous leurs pilotes en fonction de cet avis, aucun d'eux n'aurait eu la compétence voulue pour être embauché par Air Canada. C'est selon moi tout simplement insensé, mais je crois que c'est la rationalisation qu'il faut y voir.
On dirait que ces deux compagnies aériennes ont trouvé une faille dans le système. Nous avons vu ce qui est arrivé avec Air Canada et ses mécaniciens. Les pressions de la concurrence avec les autres lignes a forcé Air Canada à fermer ses bases de maintenance en dépit de ses promesses de les garder ouvertes.
Avez-vous l'impression que ces pressions concurrentielles exercées par les compagnies plus petites forceront Air Canada, WestJet et Air Transat à recourir à ces règles étranges et peu conformes aux façons de faire canadiennes d'employer des travailleurs étrangers temporaires afin de réduire leurs coûts pour essayer d'être sur un pied d'égalité avec Sunwing et CanJet? Craignez-vous que ce soit ce qui nous attend?
Oui, nous sommes franchement inquiets à l'idée que des compagnies aériennes puissent être créées au Canada pour servir de façade à des opérateurs étrangers, compagnies dont le gros des vols serait assuré par un opérateur qui n'aurait même pas de certificat canadien ou dont les avions ne seraient pas pilotés par des pilotes d'ici.
Encore une fois, je vous prie de comprendre que je ne suis pas naïf au point de penser que les autres pays n'ont pas d'excellentes normes et d'excellents antécédents en matière de sécurité, ainsi que de bons régimes de formation, mais le fait demeure que tout cela ne sera pas comme ce qui se fait au Canada.
Le nivellement par le bas nous préoccupe. L'Association des pilotes d'Air Canada et nos pilotes ont récemment conclu une entente avec notre compagnie pour la création d'un transporteur économique appelé Rouge. Ce transporteur doit être concurrentiel. Il devra se mesurer aux transporteurs qui profitent d'une structure à coût réduit par le biais d'une compagnie de location apte à leur fournir différents appareils et différents pilotes. J'espère qu'ils donnent de bons salaires canadiens aux pilotes dont ils louent les services.
Ce sur quoi nous nous sommes entendus avec Air Canada, c'est de garder ces emplois au pays. Nous avons ces emplois; les pilotes d'Air Canada piloteront ces aéronefs. Cependant, pour être concurrentiels, nous avons été contraints de modifier et de réduire ce que nous considérions comme étant le salaire acceptable pour l'exécution de ce travail. Mais nous sommes loyaux à notre employeur. Air Canada s'efforce d'être concurrentielle dans ce marché que vous venez de décrire, et nous voulons l'aider à y arriver. Il y aura des pilotes canadiens pour piloter ces appareils d'Air Canada.
Cela est en partie attribuable à votre convention collective avec Air Canada. Je ne crois pas qu'il y ait de syndicat pour les pilotes de Sunwing ou CanJet.
Une voix: Oui.
M. Mike Sullivan: Ah bon? Est-ce le cas?
Oui. La fin de semaine dernière, j'ai parlé à l'un de mes bons amis, qui est président de l'ALPA. Bien entendu, il savait que j'allais venir ici. Lui et moi voyons cette question exactement de la même façon. Bien que nos pilotes ne soient pas touchés, ils ont au sein de leur syndicat certains pilotes qui sont actuellement sans emploi.
Merci beaucoup. C'est tout le temps que vous aviez, monsieur Sullivan. Nous vous avons laissé aller pendant un certain temps.
Passons maintenant à M. Butt.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier nos trois témoins d'être venus ici aujourd'hui.
Je crois que je vais axer certaines de mes questions sur l'industrie de la restauration et des services alimentaires, afin d'essayer de mieux comprendre d'où vous vient cet intérêt de recourir au programme des travailleurs étrangers temporaires.
Madame Reynolds, je crois que vous avez dit tantôt qu'environ 2 p. 100 de tous les travailleurs employés par cette industrie à la grandeur du pays — les nombreuses petites entreprises que je connais — sont membres de votre association. Il ne s'agit pas d'un très grand pourcentage. La majorité des travailleurs sont des Canadiens ou des immigrants reçus, et je présume que la plupart travaillent à plein temps dans ces restaurants, et que cela est leur principal gagne-pain.
Pouvez-vous me donner une meilleure idée de ce que représente ce 2 p. 100 et de sa répartition dans les différentes régions du pays? Je crois que M. Davidson a très bien campé ses enjeux particuliers dans le sud-est de la Saskatchewan, et je suis convaincu que la situation y est probablement très différente de celle qui prévaut dans mon patelin, à Mississauga, en Ontario.
Quel usage fait-on du programme et dans quelle mesure vos membres des différentes régions en ont-ils besoin? Pouvez-vous donner plus de détails de la répartition selon les régions plutôt que de dire simplement que la participation est à 2 p. 100 à l'échelle du pays?
Oui, 90 p. 100 des travailleurs étrangers temporaires de notre industrie sont au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta.
La majorité se retrouve en Alberta. Comme cela a été signalé, au milieu des années 2000, lorsque l'économie albertaine était en pleine croissance, notre industrie était en crise dans ce marché. Les franchisés rendaient leurs clés aux franchiseurs en leur disant que l'absence de main-d'oeuvre était trop grande pour continuer à rester ouvert. Les restaurants devaient renoncer à une partie de leurs activités et les heures de service devaient être réduites. Les files d'attente s'étiraient sans fin devant les portes des établissements, et les gens du secteur pétrolier recrutaient directement les employés de première ligne des restaurants.
La situation était très grave. Le programme des travailleurs étrangers temporaires est devenu... Disons, que je ne sais pas ce que serait devenue l'industrie dans ce marché, à ce moment-là.
Le programme a aussi permis autre chose. Vous devez savoir que certains restaurants sont ouverts 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, et qu'il faut donc couvrir trois quarts de travail par jour. Or, si l'on arrivait à recruter de 30 à 40 p. 100 des travailleurs requis, il fallait quand même trouver des employés pour couvrir les autres heures. Les heures tardives étaient souvent les plus difficiles à pourvoir — certains avaient besoin de faire garder leurs enfants et il y avait des problèmes de transport — et le programme des travailleurs étrangers temporaires nous a permis de combler les 60 ou 70 p. 100 manquants.
Le programme a permis de vraiment stabiliser les opérations. Les directeurs des établissements devaient faire tout, travaillant 16 heures par jour, nettoyant les toilettes. Ils ne faisaient plus de formation. Ils ne dirigeaient plus. Ils faisaient tout le travail qu'auraient dû faire les employés qui manquaient. Les diplômés de collèges communautaires qu'ils embauchaient pour diriger les restaurants démissionnaient rapidement, arguant qu'ils n'avaient pas été engagés pour exercer toutes les fonctions, mais bien pour diriger l'établissement. Quand les restaurateurs ont pu employer des travailleurs étrangers temporaires, ils ont été en mesure de stabiliser grandement leurs opérations.
La demande en Alberta s'est étendue à la Saskatchewan et atteint maintenant le Manitoba. Aussi, dans toutes les provinces, l'industrie de la restauration de certaines régions nordiques connaît de graves pénuries de travailleurs.
Souhaitez-vous faire un commentaire à ce sujet, ou préférez-vous que je vous pose ma question supplémentaire, qui devrait être plus précise?
Monsieur Davidson, vous avez eu à travailler directement avec ce programme durant plusieurs années. Je crois que vous reconnaissez le fait que nous avons mis au jour certains défauts du programme actuel, qui, fortuitement, ont peut-être été la cause de certains des abus constatés. C'est en fait le gouvernement précédant qui l'avait instauré, et ce, pour la bonne raison que l'économie avait besoin de ce type de main-d'oeuvre. Les besoins étaient criants dans certaines régions du pays, et l'on a jugé qu'il serait bon d'ajouter ce complément à la population active régulière du Canada.
Nous tentons d'examiner les modifications qui pourraient être apportées à ce projet de loi pour rendre le programme plus fort et plus efficace, sans toutefois en réduire l'accès pour des industries comme la vôtre qui est une bonne participante et qui sait utiliser le programme pour ce qu'il est prévu de faire. Nos efforts visent à resserrer ce programme, alors j'aimerais vous demander votre opinion sur certains des aspects qui méritent notre attention.
Tout d'abord, il y aura assurément une plus grande part de responsabilité pour les employeurs en ce qui concerne les personnes qui seront embauchées par l'intermédiaire du programme et leurs activités spécifiques. On veillera ainsi à s'assurer que les employeurs ne cherchent pas à remplacer des travailleurs canadiens.
Si cela vous convient, je vous demanderais de commencer avec cet aspect.
Deuxièmement...
Je suis désolé.
Deuxièmement, nous allons ajouter... euh, disons qu'il est proposé d'instaurer un processus payant en vertu duquel l'employeur devra lui aussi avoir un certain engagement financier dans la démarche — pour payer pour l'obtention de l'avis concernant l'impact sur le marché du travail, et ainsi de suite — pour être en mesure d'embaucher ces travailleurs étrangers temporaires.
Pouvez-vous commenter rapidement l'un de ces deux aspects et nous dire si vous croyez que ces modifications sont bien fondées?
J'ai terminé. Merci.
En ce qui concerne le resserrement du processus entourant l'avis concernant l'impact sur le marché du travail et le fait de veiller à ce que les entreprises soient un peu plus transparentes afin d'assurer qu'elles embauchent d'abord des travailleurs canadiens, je ne vois rien de mal à cela, et je fais d'ailleurs moi-même tout le travail pour l'avis concernant l'impact sur le marché du travail et tout le reste, lorsque cela concerne mon entreprise. Nous avons parfois recours à un agent externe, mais nous nous occupons nous-mêmes de tous les documents. Si je suis obligé de faire un petit effort additionnel pour veiller à ce que nous ayons suffisamment de gens pour faire fonctionner l'entreprise, je suis prêt à le faire.
Le processus accéléré de l'avis concernant l'impact sur le marché du travail m'inquiète un peu. Je constate qu'il arrive que la main-d'oeuvre change. Je peux perdre trois ou quatre employés du jour au lendemain, lorsque l'avis arrive à terme, mais ensuite, le processus est trop long. Il faut 90 jours. Je me mets donc à prendre du retard tout d'un coup, et toute l'organisation du travail change, ce qui n'est pas une bonne chose.
Pour ce qui est de dire ce qui, selon moi, fonctionnerait le mieux... S'il y a encore des régions qui ont conservé le processus accéléré, dans les régions qui affichent un taux de chômage de moins de 4 p. 100, par exemple... J'admets qu'il y a des questions et des problèmes, et que nous n'allons pas imposer le même traitement à la grandeur du pays, parce que certaines régions ne devraient pas... Et peut-être qu'il faudrait rendre ce processus plus difficile et mieux respecter les délais. Mais pour certaines autres régions, comme la nôtre, et pour tous les autres endroits où le besoin de main-d'oeuvre est criant, le processus ne peut pas prendre trop de temps.
Il ne reste plus de temps, mais il y avait aussi une question sur l'ajout de frais, si vous voulez y répondre très rapidement.
Très rapidement, au sujet des frais, je ne vous dirai pas que l'imposition de frais me dérangerait. Je ne sais pas quelle est l'intention exacte ou s'il s'agit d'inciter les demandeurs à y penser à deux fois avant d'aller de l'avant avec l'avis concernant l'impact sur le marché du travail, à cause du coût.
Parfois, j'y pense dans ces termes-là: mon entreprise en est une de bonne taille, mais je pense au plus petit qui se bat pour joindre les deux bouts et qui n'arrive pas à trouver des employés pour son restaurant, ou à ce petit hôtel qui n'a pas beaucoup de recours. Ce sont des contribuables. Ils paient de l'impôt au gouvernement. Le paiement d'un frais additionnel équivaut à diminuer le soutien gouvernemental... ce ne sont que de petites entreprises qui ont déjà suffisamment de difficulté à fonctionner.
Les grandes sociétés auront sûrement plus de facilité à émettre un chèque pour tous les avis concernant l'impact sur le marché du travail dont elles auront besoin. Mais vraiment, si les petites entreprises ont recours aux avis concernant l'impact sur le marché du travail et que cela finit par leur nuire, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée. Quand cette question vient sur le tapis, je suis un peu assis entre deux chaises .
Je vais parler en français. Avez-vous tous un dispositif d'interprétation qui fonctionne?
Ça va bien, monsieur Davidson? D'accord.
[Français]
Il y a un équilibre à atteindre. D'une part, il y a un besoin urgent de ressources humaines dans les entreprises de services. Nous voulons faire en sorte qu'un restaurant ou une auberge soit en mesure de dispenser ses services et de réaliser son chiffre d'affaires cette année. D'autre part, nous ne voulons pas nous retrouver avec des programmes — et c'est ce que nous craignons — qui incitent à recourir à de la main-d'oeuvre à bon marché, partout au pays. En ce sens, nous ne sommes pas certains que l'équilibre est atteint dans tous les cas.
Vous avez dit, madame Reynolds, que dans plusieurs régions, certaines difficultés en matière de ressources humaines étaient à long terme. Autrement dit, le problème existera toujours dans 5, 10 ou 15 ans. C'est un bon exemple.
Dans ces conditions, ne devrait-on pas s'assurer que l'immigration est normalisée, que les gens pourront devenir citoyens canadiens et jouir des mêmes droits et avantages que nous tous autour de cette table?
[Traduction]
Absolument. L’un des aspects du processus d’AMTA, avis positifs relatifs au marché du travail accéléré, qui a fait l’objet de critiques tient au fait qu’il a été utilisé pour accélérer le recrutement de gestionnaires. Le malentendu est lié à ce qui se passait dans ces restaurants. Encore une fois, il s’agissait de collectivités éloignées où personne ne posait sa candidature pour ces postes de gestionnaire. Nos membres n’étaient pas en mesure de former qui que ce soit pour occuper ces postes, alors certains d’entre eux ont recruté des travailleurs étrangers temporaires.
Si ces travailleurs étaient en mesure de prouver qu’ils avaient le potentiel nécessaire et qu’ils souhaitaient grimper dans la hiérarchie, ils pouvaient être promus à un poste de gestionnaire, se voir confier des responsabilités supplémentaires et toucher un salaire supérieur mais, pour ce faire, nos membres devaient présenter une nouvelle demande. Ils présentaient donc une demande d’AMTA. Une fois promus à un poste de gestionnaire, ces travailleurs pourraient être autorisés à demeurer au Canada en vertu du Programme des candidats des provinces.
Nos membres souhaitent aider ces gens à rester au Canada, s’ils le souhaitent.
[Français]
C'est parfait. Donc, on pourrait faire mieux à cet égard. Je vous remercie.
Monsieur Davidson, nous comprenons tout à fait votre situation. Vous avez un besoin urgent de ressources humaines. Cependant, vous avez entendu M. Blandford dire que dans certains cas, dans certains métiers spécialisés, certains programmes étaient mal administrés. Cela incite des gens qui devraient être bien payés, comme des pilotes d'avion, à rester chez eux. Conséquemment, un pilote d'avion sans emploi n'invitera pas sa famille de quatre enfants à aller au restaurant chez vous. Il y a donc des répercussions directes sur l'économie réelle du Canada.
Nous pensons qu'il devrait y avoir un examen indépendant pour arriver à cet équilibre, c'est-à-dire à s'assurer qu'on peut soutenir des urgences comme celles qui surviennent chez vous sans arriver à des scénarios qui sont absolument nocifs pour tout un corps de métier et, donc, pour l'économie canadienne, comme M. Blandford l'a mentionné.
Seriez-vous à l'aise face à l'idée qu'il faut s'assurer de mener une étude indépendante pour arriver à trouver un équilibre dans cette situation?
[Traduction]
Assurément. Lorsque je m’exprime, je le fais dans le contexte des services alimentaires et d’accueil, domaines dans lesquels je possède de l’expérience. Je comprends également la situation de Craig et des pilotes. Je compatis complètement avec eux.
Je n’ai pas l’impression que nous voulons que des Canadiens se tournent les pouces à la maison pendant que des travailleurs étrangers prennent leur emploi. Je suis complètement d’accord avec cela. Nous ne souhaitons pas que cela se produise. Un Canadien qui veut travailler pour moi, qui est disposé à se présenter au travail et à accomplir les tâches que je lui confie, travaillera pour moi.
[Français]
Une autre chose m'inquiète. Si cela continue à être très mal fait, il pourrait un jour y avoir un ressac, une crise de confiance des Canadiens à l'égard de ces programmes. À ce moment-là, les gens qui en ont réellement besoin et qui veulent faire les choses de façon convenable vont être touchés par cette espèce de crise de confiance. C'est ce qui arrivera si les choses ne sont pas mieux faites que ce qu'on vit en ce moment avec les banques, les pilotes, etc.
J'aimerais vous entendre réagir sur un autre volet, soit les besoins en compétences de base. Il y a 20 % de nos concitoyens qui ont d'énormes difficultés au chapitre des compétences de base, c'est-à-dire en littératie, ce qui implique la capacité de lire. Le plus souvent, ce sont des gens qui ne font plus partie du système, qui ne sont plus des prestataires de l'assurance-emploi, etc. Certaines mesures législatives s'assurent que les programmes, par exemple les surplus de l'assurance-emploi, vont aider ces gens à acquérir ces compétences. Souvent, ces programmes et ces mesures ont fait en sorte d'aider les compagnies de services. Grâce à ces mesures, quelqu'un qui était prêt à travailler, mais qui ne savait pas écrire ou calculer, et ce, pas même sur une caisse enregistreuse, pouvait enfin avoir accès au marché du travail.
Dans une perspective plus grande, ne serait-il pas important de s'occuper aussi de ces gens?
[Traduction]
J’invoque le Règlement, monsieur le président.
J’aimerais simplement demander quelle est la pertinence de cette conversation concernant l’assurance-emploi et la formation professionnelle, alors que nous discutons des travailleurs étrangers temporaires et, plus précisément, des articles relatifs au budget.
Je pense que l’intervenant veut en venir au fait que, si nous avions pris certaines mesures, comme celle d’offrir des cours d’alphabétisation et d’amélioration des compétences, plus de Canadiens postuleraient pour ces emplois.
M. François Lapointe: Oui.
Le président: Peut-être pourriez-vous conclure. Votre temps est écoulé. Par conséquent, la réponse à votre question devra être brève.
Mes propos ont exactement le sens que le président leur a prêté. Donc, êtes-vous d’accord pour dire que c’est une tâche que nous devrions entreprendre collectivement?
Je pense que ce sont des services que nous offrons déjà à l’heure actuelle. Je crois que de nombreux cours de formation sont offerts aux travailleurs non qualifiés ou aux personnes qui, comme vous le dites, doivent acquérir certaines compétences pour passer au prochain échelon. À mon avis, ces programmes sont offerts.
Si la question s’adresse à moi, ma réponse et mon expérience sont liées à la Saskatchewan. Encore une fois, nous pouvons former les gens. Nous pouvons les former à Winnipeg ou à Ottawa, mais ils ne déménageront pas pour autant à Moosomin, Grenfell, Broadview ou n’importe quel autre endroit de ce genre. Nous ne voyons pas comment nous pourrions bénéficier de ces programmes de formation à Moosomin. Le taux de chômage là-bas s’élève à 3,7 p. 100, et cela comprend tous les habitants, qu’ils lisent bien ou non.
Je conviens toutefois qu’au Canada en général, ces programmes sont assurément profitables.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, mesdames et messieurs, d’appuyer le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il semble être très pratique pour favoriser la croissance économique, etc.
Capitaine Blandford, pourriez-vous nous aider à mieux comprendre en quoi consiste la location avec équipage?
Par définition, on parle de location avec équipage lorsqu’une ligne aérienne loue des appareils et les services des pilotes qui les commandent auprès d’une autre partie.
Disons que le gouvernement demande à Air Canada de transporter des centaines de troupes d’un endroit au Canada à un autre à la dernière minute. Même si Air Canada ne dispose pas des appareils nécessaires parce qu’ils font l’objet d’un entretien, ses dirigeants peuvent dire qu’ils s’en procureront d’autres pour accomplir ce travail. Air Canada aura alors recours à des locations avec équipage. Ses dirigeants obtiendront des appareils et des pilotes auprès d’autres transporteurs aériens et utiliseront les systèmes d’Air Canada pour appuyer ces vols.
Pour louer des appareils et leur équipage, les lignes aériennes doivent-elles avoir recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires?
Non, c’est l’une des failles du programme. Si vous souhaitez embaucher des travailleurs étrangers pour piloter vos appareils, vous devez présenter des demandes d’AMT ou des demandes au titre du Programme des travailleurs étrangers temporaires afin que l’on puisse justifier l’embauche de ces pilotes étrangers. Cependant, si vous voulez louer des appareils et les services des pilotes qui les commandent auprès d’une autre ligne aérienne, vous pourrez le faire sans faire appel au Programme des travailleurs étrangers temporaires. C’est la raison pour laquelle nous attirons également l’attention des Canadiens sur la question de la location avec équipage.
Nous venons juste de présenter un rapport à Transports Canada dans lequel nous communiquons nos points de vue sur la façon dont ce programme devrait être utilisé, de concert avec celui que vous étudiez. Toutefois, si vous rectifiez le programme ou si vous lui apportez des changements, il faut que vous soyez conscients de cette faille qui existe dans le système et qui permet à l’industrie de l’aviation de louer des appareils avec leur équipage. Je pense que Transports Canada est en train d’utiliser une voie appropriée pour éliminer cette faille.
Étant donné que vous avez vraiment mentionné qu’il y avait un nombre important de pilotes sans emploi, pouvez-vous nous donner une idée du nombre de pilotes temporaires que vous embauchez, par exemple, à Air Canada?
Nous n’en embauchons aucun. Comme je l’ai dit, Air Canada n’a pas recours à eux pour deux raisons. Premièrement, Air Canada est fière d’appuyer l’économie et l’industrie canadiennes. Deuxièmement, les conventions collectives que l’association des pilotes a négociées avec la compagnie indiquent que celle-ci doit embaucher des pilotes canadiens, et nous nous efforçons de faire respecter cette clause.
Je suis presque légèrement embarrassé par l’ampleur de problème. Au Canada, vous gérez 350 000 ou 400 000 travailleurs étrangers temporaires alors que notre pays compte au total six ou sept mille pilotes. Donc, nos situations et l’étendue de nos problèmes sont un peu différents. Cependant, je suis inquiet au sujet de notre industrie.
Dans notre industrie, lorsque 200 pilotes sont sans emploi, cela a un effet considérable sur l’économie et sur la vie de ces gens. Sunwing, par exemple, emploie peut-être 130, 140 ou 150 pilotes canadiens permanents mais, pendant sa haute saison, ses gestionnaires peuvent embaucher 200 pilotes étrangers supplémentaires ou plus, alors que 150 ou 200 pilotes canadiens qualifiés sont sans emploi.
En fait, la semaine dernière, j’ai parlé au propriétaire d’une ligne aérienne établie à Lethbridge. Il n’arrive pas à convaincre qui que ce soit de postuler pour un emploi de pilote. Pouvez-vous m’aider à concilier cela avec le fait que tous ces pilotes se tournent les pouces?
Encore une fois, il faudrait que je connaisse la taille de l’exploitation et le genre d’appareils qu’elle emploie. Est-ce une petite ligne aérienne? Exploite-t-elle des hydravions ou des appareils de ce genre?
Au cours de ma déclaration préliminaire, j’ai fait allusion au fait que nous allons être aux prises avec une pénurie de pilotes, parce que les salaires et les perspectives d’emploi ne sont plus ce qu’ils étaient, et tant que cette situation ne sera pas corrigée… Cette profession exige un investissement substantiel. Soit vous vous engagez dans la force aérienne et consacrer 15 ou 20 années de votre vie à cette carrière, soit vous passez de longues années à piloter des avions de brousse. Vous devez verser beaucoup d’argent vous-même pour suivre une formation. Cela représente un énorme investissement et, à moins que vous soyez certain que vos efforts aboutiront à une carrière… Un grand nombre de pilotes exercent ce métier parce qu’il les passionne, mais un grand nombre de pilotes l’exercent parce que c’est la carrière qu’ils ont choisie. Vous pouvez vous compter chanceux si, tout comme moi, vous exercez ce métier pour ces deux raisons. Cependant, l’investissement requis est substantiel et, de nos jours, les raisons d’apprendre à piloter ne sont pas suffisantes pour inciter de jeunes Canadiens à se lancer dans cette carrière, en particulier lorsqu’ils constatent les pressions à la baisse qui sont exercées sur les salaires, les régimes de retraite et les autres avantages d’être employés par, disons, un transporteur traditionnel.
Le régime de pension à prestations déterminées des pilotes a disparu. Il n’existe plus. C’est un signe. Pourquoi choisiriez-vous cette profession, sachant que vous ne bénéficierez pas des avantages dont les générations passées ont profité? Cela nous préoccupe vraiment. Je pense sérieusement que, tant que les salaires et les avantages ne seront pas bonifiés pour inciter les jeunes Canadiens à embrasser cette carrière, les passionnés de l’air répondront toujours à l’appel mais, ceci mis à part, nous serons dans le pétrin — et le vieux principe de l’offre et la demande prévaudra.
Merci, monsieur Daniel. Votre temps est écoulé.
Nous allons passer à M. Cuzner et terminer avec lui.
Formidable. Merci, monsieur le président.
Je remercie également les trois témoins. Ils ont apporté d’excellents témoignages aujourd’hui.
Je vais simplement répéter ce que mon collègue, M. Daniel, a dit. Je ne voudrais pas parler au nom du NPD, mais le Parti libéral comprend aussi que ce programme est important, et ce qui lui est arrivé au cours des six dernières années nous préoccupe énormément. Il faut que ce programme serve les intérêts de Mme Reynolds et de M. Davidson, sans mettre en péril des emplois canadiens.
Nous tentons de découvrir… et, comme M. Lapointe l’a indiqué, je ne pense pas que cette étude des problèmes qui se rattachent au programme sera suffisamment détaillée.
Les arguments que vous avez fait valoir, madame Reynolds, sont valides. Les questions que vous avez posées sont réelles, sincères et perspicaces, et elles méritent une réponse. Avez-vous posé au gouvernement ou au ministère les questions que vous avez mentionnées à la fin de votre témoignage, afin de tenter d’obtenir des renseignements?
Nous avons participé à un processus de consultation relativement au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Par conséquent, nous avons exposé nos observations dans un mémoire assez détaillé, destiné au gouvernement.
Je ne suis pas certaine d’avoir présenté toutes les questions que j’ai soulevées ici, aujourd’hui, mais nous avons certainement communiqué clairement notre position et nos craintes que les changements apportés au programme le rendent plus coûteux et moins accessible à nos membres. Nous avons certainement exprimé ces inquiétudes.
Encore une fois, je pense que les besoins de la population active du Canada ont probablement changé substantiellement depuis l’élaboration initiale du programme. Il faut donc que le programme soit complètement repensé ou, du moins, que les éléments qui fonctionnent bien et ceux qui laissent à désirer soient réexaminés. Je ne pense pas que l’étude que le Comité des finances nous a chargés de mener nous permettra d’accomplir cela.
Cela étant dit, si vous me le permettez, je tiens à poser la question suivante au capitaine, parce que le problème des pilotes étrangers n’a rien de nouveau. Ce n’est pas un problème qui vient juste de survenir à la suite de l’incident qui s’est produit à la société HD Mining, en Colombie-Britannique. Depuis combien de temps sonnez-vous l’alarme à propos de ce problème?
J’ai des documents devant moi qui remontent à de nombreuses années; je peux dire que cela fait au moins quatre ans. Chaque fois que nous rencontrons des personnages influents comme vous, nous soulevons la question. Je vais rencontrer plusieurs députés cette semaine. Cela figure sur la liste des enjeux que je dois vous rappeler. Cela fait trois ou quatre ans…
Comme je l’ai mentionné dans mes observations, cela me rassure beaucoup de savoir qu’on vous a confié cette tâche et que le gouvernement reconnaît que des problèmes existent. Que le problème soit lié à des frais ou à un AMT, je suis très rassuré de savoir qu’on est en train de s’en occuper. J’espère maintenant observer des résultats qui auront, sur notre industrie, une incidence aussi importante que celle qu’ils auront sur d’autres industries. Mais le problème existe depuis pas mal de temps.
Vous vous sentez rassuré? Les fonctionnaires vous ont-ils assuré qu’ils allaient régler le problème? Sur quoi fondez-vous votre assurance?
Eh bien, ma compréhension des rouages de notre pays est aussi rudimentaire que celle de la plupart des gens. Lorsqu’à la télévision nationale, je vois le premier ministre reconnaître que le programme comporte des problèmes, qui seront examinés d’une manière ou d’une autre, cela me rassure de savoir que vous m’avez invité ici, afin que je formule des observations. Avec un peu de chance, ces observations seront prises en considération et entraîneront la prise de quelques mesures légitimes.
Parce que je pense que l’annonce qui a été faite l’année dernière et qui a été en quelque sorte invalidée cette année… Je me serais attendu à ce que vous et votre organisation soyez particulièrement préoccupés par l’annonce concernant les avis positifs relatifs au marché du travail accéléré et la réduction de 15 p. 100 qu’a subie la moyenne régionale des salaires.
Nous le sommes, monsieur. Tout ce que je peux dire, c’est que j’espère vraiment que les travaux de votre comité contribueront à régler certains de ces problèmes. Nous pouvons les observer en tant qu’employés ou travailleurs, que nous pilotions des avions ou que nous travaillions dans un restaurant. Avec un peu de chance, nous remarquerons certains changements constructifs et réalistes qui répondront aux préoccupations que nous avons tous les trois.
D’accord.
Nous avons entendu dire que bon nombre des AMTA étaient émis précipitamment ou que les demandes d’AMTA n’étaient pas vraiment examinées à fond. Vos membres communiquent-ils fréquemment avec les fonctionnaires qui effectuent le traitement? Ces derniers visitent-ils les employeurs? Dans l’affirmative, quelle est la fréquence de ces visites? Envoient-ils des courriels, ou passent-ils des appels? Vos membres communiquent-ils souvent avec les fonctionnaires à propos de ces problèmes?
Je crois comprendre que les AMTA ont maintenant disparu, ce qui, selon nous, est malheureux, mais les personnes qui présentaient des demandes d’AMTA étaient des employeurs qui avaient déjà eu recours aux AMT et qui connaissaient bien ce processus. Les fonctionnaires avec lesquels ils traitaient étaient parfaitement au courant de leurs activités et de la situation du marché du travail dans ces collectivités. Les fonctionnaires et les employeurs entretenaient des rapports très étroits et communiquaient souvent les uns avec les autres.
Je vous remercie de votre réponse.
Je devrais mentionner que la mesure législative qui nous occupe porte sur des problèmes très précis et qu’en ce qui concerne les futurs changements à apporter au processus d’AMTA, des tables rondes seront organisées pour en discuter dans les semaines ou les mois à venir. Les AMTA ont été suspendus temporairement. Donc, ils n’ont pas été éliminés.
Je veux vous en assurer. L'objectif est de régler les aspects très restrictifs et pointus maintenant, mais il est entendu qu'il y aura ultérieurement des modifications et des discussions visant à améliorer le tout.
Merci beaucoup à vous tous d'être venus comparaître et de nous avoir fait part de vos idées.
Nous allons nous arrêter brièvement pour laisser au deuxième groupe de témoins le temps de s'installer.
Puisque nous devons discuter des affaires du comité, nous allons nous arrêter un peu plus tôt, aujourd'hui. Je veux entendre tous les membres et recevoir les questions, alors nous allons commencer bientôt.
Nous accueillons Paula Turtle, conseillère juridique du Syndicat des Métallos. Nous entendrons aussi David Sinclair, vice-président, Ressources humaines, Blue Mountain Resorts Limited, ainsi que Chris Roberts, recherchiste en chef, Services des politiques sociales et économiques du Congrès du travail du Canada.
Nous nous penchons sur des modifications très précises au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous essayons d'obtenir la perspective des divers secteurs et industries, alors nous sommes impatients de vous entendre.
Vous aurez de cinq à sept minutes pour faire votre exposé, puis les membres du comité poseront des questions à chacun des témoins.
Sur ce, nous allons donner la parole à Mme Turtle.
Merci. Je suis ici au nom de Ken Neumann, le directeur national canadien du Syndicat des Métallos. Je remercie le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
Comme vous le savez peut-être, le Syndicat des Métallos est le plus important syndicat professionnel du secteur privé au Canada. Nous comptons 225 000 membres qui se trouvent dans pratiquement tous les secteurs géographiques et économiques du Canada. Depuis fort longtemps, nous négocions des conventions collectives au nom des travailleurs, nous veillons à leur mise en oeuvre et nous participons à de nombreux aspects du processus démocratique au Canada.
Nous représentons des lieux de travail où sont employés des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons syndiqué des lieux de travail où sont employés des travailleurs étrangers temporaires. Nous sommes l'un des premiers syndicats à avoir exprimé des préoccupations au sujet de l'application de la politique visant les employés étrangers temporaires, et nous comptons parmi ceux qui continuent de le faire.
Nous sommes particulièrement préoccupés par les changements apportés à cette politique au cours des dernières années, surtout ceux qui ont mené à une impressionnante augmentation du nombre de travailleurs peu spécialisés qui viennent au Canada dans le cadre de ce programme. Quand le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été créé, il y a bien des années, son objectif était de remédier à des pénuries de main-d'oeuvre précises et limitées en amenant au Canada des travailleurs pour de courtes périodes. Le programme a été conçu pour cibler des groupes particuliers de travailleurs dont les compétences n'existaient pas au Canada.
Depuis 2002, la portée du programme a été étendue au point d'inclure des travailleurs se trouvant en particulier dans des domaines inclus dans la Classification nationale des professions, aux niveaux de compétence C ou D — des emplois qui, généralement, exigent un diplôme d'études secondaires ou de la formation en cours d'emploi. Depuis, des centaines de milliers de travailleurs sont venus au Canada pour habituellement occuper à court terme des emplois à bas salaires dans des beigneries, des hôtels, des magasins, des restaurants et des banques. La plupart des travailleurs temporaires étrangers sont venus ici selon ces modalités du programme et ont très peu de chances de rester au Canada, si ce n'est aucune chance. La politique actuelle crée en réalité une sous-classe permanente de travailleurs à faible salaire.
En bref, cette politique crée un bassin de travailleurs vulnérables mis à la disposition d'employeurs qui ne sont pas prêts à choisir parmi le 1,4 million de chômeurs canadiens.
Nous soutenons, et ce, publiquement depuis un certain temps, qu'il faut modifier le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il y a trois aspects du programme qui doivent être modifiés, d'après nous, pour fonctionner efficacement.
Premièrement, les emplois peu spécialisés — que j'ai mentionnés il y a quelques minutes, de niveaux de compétence C ou D dans la CNP — devraient être entièrement exclus de la portée du Programme des travailleurs étrangers temporaires et, à cette fin, devraient en être retirés graduellement.
Deuxièmement, pour les autres catégories d'employeurs étrangers temporaires, nous disons qu'il faut obliger les employeurs à prouver — en fonction de critères rigoureux — qu'il y a véritablement une pénurie de main-d'oeuvre avant l'émission d'un avis relatif au marché du travail, ou AMT. Dans le cadre de cette réforme, nous disons que le gouvernement doit concevoir des politiques qui encourageront les employeurs à établir, mettre en oeuvre et maintenir des programmes de formation à l'emploi et d'apprentissage qui permettraient au Canada de posséder une main-d'oeuvre qualifiée et convenablement formée.
En ce moment, le Programme des travailleurs étrangers temporaires n'encourage pas les employeurs à concevoir les programmes de formation que nous aimerions voir apparaître.
Enfin, notre troisième préoccupation, concernant le Programme des travailleurs étrangers temporaires actuel, c'est que les travailleurs risquent fort d'être victimes d'exploitation. Il faut modifier la politique pour veiller à ce que les travailleurs qui viennent au Canada ne soient pas systématiquement vulnérables et qu'ils ne se trouvent pas dans une situation où ils ne pensent pas pouvoir dénoncer les abus. Quand les travailleurs étrangers temporaires sont vulnérables et exploités, cela n'est pas dommageable que pour les travailleurs étrangers temporaires, mais ce l'est pour tous les membres du marché du travail canadien. Autrement dit, si les travailleurs étrangers temporaires ne sont pas bien traités et qu'on permet qu'ils soient payés 15 p. 100 de moins que les travailleurs canadiens, cela exerce une pression à la baisse sur les salaires de tous les travailleurs, et c'est mal.
Selon nous, pour répondre aux besoins en main-d'oeuvre du Canada, la meilleure solution, c'est d'avoir un système d'immigration juste qui garantit aux gens de pouvoir venir au Canada, travailler et contribuer au tissu social et économique du Canada, de pouvoir rester au Canada et en devenir des citoyens, et de pouvoir continuer à participer à l'avenir économique du pays.
C'est le genre de solution à long terme qu'il faut au Canada, et nous vous pressons de réformer le programme. Il est possible de modifier le système actuel, qui est propice à l'exploitation et à la vulnérabilité, et il faut le faire, de sorte que les travailleurs qui viennent au Canada en soient des citoyens, et non des travailleurs migrants temporaires que nous invitons pour une courte période et à qui nous disons, à la fin de cette période: « Voilà la sortie. Retournez chez vous. »
De plus, pour les travailleurs qui sont actuellement ici et pour les travailleurs étrangers temporaires qui viendront ultérieurement dans le cadre d'un programme réformé, un cheminement accéléré et plus fiable vers la citoyenneté en ferait beaucoup pour réduire les risques d'exploitation et la vulnérabilité.
Merci.
Je vous remercie de cet exposé. Je sais que ce que vous suggérez, d'en faire des citoyens ou de les faire participer au tissu social, est important. Un témoin précédent, M. Davidson, a mentionné qu'en Saskatchewan, le programme des candidats comporte des dispositions à ce sujet.
Monsieur Sinclair, c'est à vous.
Bonjour, mesdames et messieurs.
Nous nous inquiétons d'un changement particulier que vous envisagez, concernant la façon dont le Programme des travailleurs étrangers temporaires est administré, et qui pourrait faire en sorte que mon entreprise n'y soit plus admissible. De façon générale, étant donné que d'autres changements pourraient être envisagés, maintenant ou à l'avenir, j'espère qu'en vous décrivant notre situation, vous pourrez mieux comprendre toute l'utilité du Programme des travailleurs étrangers temporaires depuis quelques années.
Pour que vous compreniez notre point de vue, je dois vous décrire nos activités et certains de nos enjeux. Blue Mountain est un centre de villégiature qui fonctionne à l'année et où se trouvent une station de ski, un terrain de golf, des attractions estivales, de l'hébergement et un centre de conférence. Le centre se trouve sur la rive sud de la baie Georgienne. Il est à deux heures de route de Toronto et à 15 minutes de Collingwood, une agglomération de 18 000 habitants.
Le centre fonctionne à l'année, mais la majorité de nos activités se déroulent sur trois mois, des vacances de Noël au congé de mars. Nous prévoyons la venue de 700 000 skieurs, chiffre que nous dépassons parfois, et nous savons qu'il en vient des milliers d'autres qui ne skient pas, pendant ces trois mois. Pour arriver à servir cette clientèle pendant cette période de trois mois, nous recrutons 1 300 employés saisonniers, qui viennent s'ajouter à notre effectif permanent de 500 employés. Cela donne un total de 1 800 personnes pour une période de trois mois. À la fin de la saison de ski, nous mettons à pied les 1 300 employés.
De toute évidence, le processus de recrutement des employés saisonniers dans une entreprise hivernale comme la nôtre fait partie des processus stratégiques de l'entreprise. Les conditions de ski forment notre principale priorité, mais vient ensuite l'expérience formidable que nos clients peuvent vivre grâce aux employés que nous recrutons.
Je gère les ressources humaines à Blue Mountain depuis 1991. J'ai vu bien des hauts et des bas, dans l'économie. J'ai connu des périodes de recrutement très difficiles, et des périodes de recrutement faciles.
Je pense que nous avons essayé à peu près tout ce qui existe en techniques de recrutement et de maintien en poste des employés saisonniers. Nous avons haussé les salaires de sorte qu'ils soient supérieurs à ceux des employés du coin. Nous avons offert le transport gratuit pour les résidents des villages voisins. Nous avons offert des services de garde à prix réduit pour les enfants des employés. Nous avons offert de l'argent pour encourager les gens à nous envoyer des parents et amis qui seraient des employés potentiels. Nous avons travaillé avec des consultants à embaucher des bénéficiaires de l'aide sociale. Nous avons donné des primes aux employés qui occupent nos postes les plus difficiles à doter, et nous avons recruté à l'étranger pour faire venir ici des travailleurs possédant des autorisations d'emploi.
Chaque année, nous consacrons beaucoup de temps à analyser ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné la saison précédente. Cependant, sauf pour la récession des années 1990 et, plus récemment, de 2008-2010, il est toujours difficile pour certains services de trouver des employés. Chaque hiver, quelques services fonctionnent avec moins d'employés qu'il leur en faut. Nous ne pouvons pas trouver assez d'employés intéressés et qualifiés pour occuper les postes les moins intéressants pour la période hivernale de trois mois.
Rappelez-vous que certains de ces emplois les moins intéressants existent sur une base annuelle aussi. Nous ajoutons les employés saisonniers à l'effectif qui fait ce même travail toute l'année. Par exemple, nous avons 80 préposés aux chambres — des personnes qui font le ménage — et nous ajoutons à ce groupe 30 employés saisonniers.
C'est parce que l'emploi est saisonnier que c'est un problème. Nous savons d'expérience qu'un poste qui n'est pas intéressant, et qui est saisonnier, de surcroît, risque fort de ne pas être doté, surtout là où l'emploi est supérieur à la moyenne ou inférieur à la moyenne. C'est là l'essentiel.
Dans notre région, en chemin vers le travail, nous longeons des dizaines de vergers. Chacun de ces pomiculteurs recourt aux services de travailleurs étrangers parce qu'ils ne peuvent exploiter leur entreprise en payant les salaires qui attireraient les Canadiens, pour faire l'émondage et la cueillette. Blue Mountain comprend ce qu'ils vivent et se demande pourquoi le tourisme devrait être traité différemment.
Avant la récession de 2008-2010, nous pouvions avoir 60 employés étrangers temporaires dans nos postes les plus difficiles à doter. Ces employés venaient de la Barbade. Ils avaient tous fait des études secondaires et bon nombre d'entre eux avaient des diplômes postsecondaires en tourisme d'accueil, l'accent étant mis sur l'entretien ou le travail de cuisine. Nous les embauchions dans ces deux domaines. Ils étaient d'excellents travailleurs et étaient fiers de ce qu'ils faisaient. Et ils recevaient le même salaire que les employés canadiens.
Pendant la récession de 2008-2010, nous n'avons pas eu de travailleurs étrangers temporaires. Nous préférons embaucher des Canadiens.
Pour les Canadiens, nous n'avons pas à payer les billets d'avion, l'hébergement, le transport par autobus, l'assurance-maladie ou la formation sur le système canadien. Cependant, maintenant que la récession est finie et que les entreprises se sont remises à embaucher des travailleurs, les difficultés relatives au recrutement saisonnier sont de retour. L'hiver passé, nous avions 20 employés étrangers temporaires dans notre service d'entretien ménager et nous regrettons de ne pas avoir demandé des travailleurs étrangers pour nos cuisines saisonnières, car nous avons manqué de personnel tout l'hiver. Les heures supplémentaires ont été très nombreuses.
Le gouverneur sortant de la Banque du Canada, M. Mark Carney, a dit que le Programme des travailleurs étrangers temporaires ne devait pas servir à doter les postes peu spécialisés. Il prétend que nous devrions hausser les salaires et améliorer la productivité. Soyez assurés que nous avons travaillé à ces deux options et que nous continuons de le faire, mais il y a des limites à ce qu'on peut faire. Nous avons embauché des ingénieurs industriels, il y a quelques années, pour qu'ils nous aident à trouver la façon la plus efficace et la plus sûre de nettoyer une chambre d'hôtel. Pour ce qui est des salaires, nous offrons déjà les salaires les plus élevés de tous les hôtels et motels de la région.
En réalité, il y a quelques semaines, notre président-directeur général m'a demandé si nous arriverions à attirer assez de personnes pour ces postes difficiles à doter si nous haussions les salaires de 30 p. 100. J'ai dû m'arrêter avant de dire « J'en doute fort ». J'ai dit qu'il faudrait peut-être une augmentation de 50 p. 100 pour intéresser assez de personnes à ces postes saisonniers. Mais même une augmentation de salaire de 30 p. 100 cause des problèmes. L'effet se fait ressentir dans les autres services. Il est permis de croire que quelques centaines d'autres employés voudraient la même chose.
Cela ferait éclater nos modèles de fonctionnement des volets hébergement et restauration, ce qui nous obligerait à faire grimper les prix et nous causerait des pertes. Une augmentation de 30 p. 100 nous coûterait 600 000 $ en salaires, pour les employés d'entretien ménager. On peut facilement imaginer l'effet d'entraînement, qui pourrait nous coûter encore 600 000 $ à cause des pressions de la part des autres travailleurs. Une augmentation de 50 p. 100 nous coûterait 2 millions de dollars. Dans un cas comme dans l'autre, le secteur de l'hébergement serait déficitaire.
Selon plusieurs études indépendantes, la pénurie de main-d'oeuvre va empirer, en partie à court terme, et en partie à long terme. Une étude du Conference Board du Canada indique qu'elle sera particulièrement grave dans le secteur du tourisme. Dans cette étude, on déconseille particulièrement aux exploitants d'entreprises touristiques de hausser les salaires, car cela ferait grimper les prix, ce qui constituerait une menace à la viabilité.
Une étude de l'institut Urban Futures indique que, selon l'évolution démographique du Canada, nous nous dirigeons vers une période difficile sur le plan de la main-d'oeuvre. Toujours selon cette étude, ni l'augmentation radicale de la participation au marché du travail — comme si vous et moi continuions de travailler après avoir atteint l'âge de 70 ou 80 ans —, ni l'augmentation radicale des naissances, ni l'augmentation de la productivité, ni l'augmentation de l'immigration ne nous donneront la main-d'oeuvre qu'il nous faut pour soutenir le PIB prévu. Je parle de ces deux études dans mon mémoire.
D'après ce que je comprends, le Programme des travailleurs étrangers temporaires actuel exige de l'employeur qu'il soumette un plan montrant comment les travailleurs temporaires étrangers qui sont employés seront rapidement remplacés par des employés canadiens. Cette disposition se trouve dans la loi et n'a pas été mise en application très souvent dans le passé, mais elle le sera à l'avenir. Franchement, nous ne savons absolument pas de quoi un tel plan aurait l'air pour les emplois de Blue Mountain qui sont en ce moment occupés par des travailleurs étrangers temporaires.
Nous comprenons aussi que des frais seront imposés.
Oui.
Nous vous demandons respectueusement de faire en sorte que le programme demeure aussi accessible. Nous comprenons qu'il faut des frais d'utilisation raisonnables. Nous nous attendons à ce que vous souhaitiez obtenir de la part des entreprises des données solides sur leurs besoins et que vous exigiez des entreprises qu'elles traitent les travailleurs étrangers avec le même professionnalisme qu'elles traitent les travailleurs canadiens, car en période de pénurie de main-d'oeuvre, nous savons que peu de Canadiens vont accepter des emplois qui ne sont que saisonniers.
Merci.
Je remercie les membres du comité. Au nom du Congrès du travail du Canada et de son président, M. Ken Georgetti, je vous remercie de cette occasion que vous nous donnez de comparaître.
Le CTC représente 3,3 millions de travailleurs à l'échelle du pays, ainsi que des dizaines de syndicats professionnels nationaux et internationaux affiliés. Le CTC préconise des changements au Programme des travailleurs étrangers temporaires depuis de nombreuses années.
Dans son Plan d'action économique de 2013, le gouvernement du Canada s'est engagé à réformer le PTET de manière à donner aux Canadiens la chance d'obtenir en premier les emplois disponibles. Le gouvernement cherche à modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin de donner aux autorités les moyens de révoquer les permis de travail émis par Citoyenneté et Immigration Canada et de suspendre ou révoquer les avis relatifs au marché du travail émis par RHDCC si l'on constate qu'un employeur abuse du programme.
De plus, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il imposerait des frais d'utilisation aux employeurs qui recourent au processus des avis relatifs au marché du travail, ou AMT, pour pouvoir embaucher des travailleurs étrangers temporaires. Le gouvernement utilisera l'autorité réglementaire de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour mettre en place des frais d'utilisation à imposer aux employeurs qui demandent un AMT, ainsi que le pouvoir de facturer les avantages octroyés par un permis de travail. Ainsi, les contribuables n'auront plus à subventionner le coût du traitement de ces demandes.
Certains aspects de ces propositions nous préoccupent particulièrement. La proposition visant à autoriser la révocation des permis de travail aura des effets négatifs sur le travailleur migrant dont le statut au pays dépend du permis. La révocation se produira très vraisemblablement une fois que le travailleur sera rendu au Canada, et ce, parce que l'enquête réalisée au début n'est pas suffisante.
En avril dernier, le gouvernement a pris la décision d'accélérer les demandes d'AMT dans le volet des professions spécialisées et il a exprimé son intention d'étendre ce modèle à tous les volets du PTET, comme l'indique le document d'information, mais ce faisant, il ne laisse pas suffisamment de temps pour l'examen de l'intégrité des demandes d'AMT.
Les mesures punitives doivent se concentrer sur le particulier, l'employeur, le pourvoyeur de main-d'oeuvre ou le consultant en immigration qui a violé les règles du PTET. La suspension du permis de travail pénalise le travailleur. Il faut au moins un mécanisme qui permettrait au travailleur se trouvant dans une telle situation de trouver un autre employeur, grâce à un permis de travail ouvert qui pourrait se limiter à un secteur.
En ce qui concerne les frais d'utilisation, le document d'information sur le PTET qui a été distribué à l'occasion des consultations de février et mars indique que le contribuable canadien subventionne les frais de traitement des demandes d'AMT à hauteur de 35,5 millions de dollars par année.
On devrait depuis bien longtemps imposer des frais d'utilisation, d'après nous. Le CTC prétend aussi depuis longtemps que les employeurs qui vont chercher des travailleurs à l'étranger doivent aussi payer un droit additionnel parce qu'ils profitent de la formation, des compétences et des capacités que ces travailleurs ont acquises dans d'autres pays avant de venir travailler temporairement au Canada. C'est ce que nous appelons le coût de la reconstitution des ressources humaines.
Nous soutenons qu'en plus des frais d'utilisation, qui devraient au moins couvrir les frais de traitement, la facturation des avantages octroyés par les permis de travail devrait englober les coûts comme ceux de la reconstitution des ressources humaines — les travailleurs que les pays étrangers ont instruits et formés —, et que cela devrait servir à financer les mesures de mise en oeuvre et d'intégration des travailleurs migrants qui viennent au Canada.
De plus, tous les frais d'utilisation et les avantages facturés doivent s'accompagner de mesures efficaces qui empêcheraient les employeurs, les pourvoyeurs et les consultants en immigration de faire assumer ces coûts par les travailleurs migrants.
Nous croyons comprendre que le comité HUMA ne peut apporter les modifications essentielles qui, d'après nous, réformeraient véritablement le Programme des travailleurs étrangers temporaires et le cheminement qui permet aux employeurs d'obtenir des permis de travail temporaires. C'est une grave lacune, d'après nous, ainsi qu'une occasion manquée d'améliorer la situation des travailleurs, peu importe leur provenance.
Quoi qu'il en soit, le CTC s'est récemment réuni avec près de 40 affiliés et alliés et recommande, à la suite de cela, que trois aspects clés de la politique soient modifiés.
Premièrement, il faut immédiatement réduire la portée de l'ensemble du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il ne faut plus permettre aux employeurs d'avoir accès aux niveaux C et D de la CNP, soit le volet des professions peu spécialisées, exception faite du Programme des aides familiaux résidents et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Il faut établir de nouvelles exigences d'admissibilité sévères pour les employeurs qui demandent des permis de travail temporaires, et resserrer la reddition de comptes et les mesures punitives en réponse aux infractions. Il faut établir un processus de consultation valable qui mènerait à la mise en oeuvre des vastes réformes qui sont requises.
Deuxièmement, il faut des investissements importants dans la formation à l'emploi et les programmes d'apprentissage.
Troisièmement, nous devons revenir à une solide politique nationale d'immigration permanente qui contribue à bâtir la nation.
J'ai apporté un énoncé détaillé de ces modifications à la politique, à l'intention des membres du comité, et je pense que la greffière l'a distribué.
Sur ce, je m'arrête et je vais répondre avec plaisir à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos trois témoins pour leurs exposés.
Madame Turtle, monsieur Roberts, j'imagine que vous n'êtes pas souvent du même avis que Mark Carney, mais dans ce cas-ci, vous l'êtes, concernant le Programme des travailleurs étrangers temporaires et les pénuries de main-d'oeuvre peu spécialisée.
Monsieur Roberts, vous avez soutenu — et vous avez raison — que malheureusement le comité HUMA n'a pas le pouvoir d'apporter les changements profonds que vous recommandez et que nous aimerions faire pour réparer pour de bon le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Je le regrette beaucoup, mais j'espère que, grâce à vos témoignages et au travail que nous accomplissons ici, nous allons continuer de sensibiliser les gens et de motiver la réalisation d'autres études détaillées. Je vous remercie beaucoup d'être venus nous présenter vos exposés.
Même si en apparence, vous n'êtes pas tous les trois d'accord, vous semblez tous affirmer que ce qui retient les Canadiens d'accepter certains des emplois, qu'ils soient temporaires, saisonniers ou autres, ce sont les salaires, la mobilité de la main-d'oeuvre et l'acquisition des compétences. Je pense que ces trois aspects mériteraient probablement qu'on s'y attarde davantage aussi dans le contexte du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Je vais demander à chacun de vous de réfléchir un petit moment. On nous a largement annoncé que le Programme des travailleurs étrangers temporaires serait au moins temporairement réparé. J'ai l'impression que le gouvernement attribuait une part de la responsabilité aux employeurs, comme si les employeurs étaient ceux qui avaient mal géré le programme et qu'ils étaient à blâmer pour certaines des histoires que nous avons lues dans les journaux, que ce soit à propos de HD Mining, de iGate ou des nombreux autres cas. Je dirais que c'est peut-être le gouvernement qui l'a mal géré, parce qu'en fin de compte, ce ne sont pas les employeurs qui émettent les AMT, ou les AMT accélérés. C'est au gouvernement qu'il incombe de revoir ce processus et d'octroyer ces permis. Pourriez-vous nous dire si, d'après vous, le problème se situe du côté des employeurs, ou si les employeurs profitent tout simplement d'un programme que le gouvernement a mal conçu?
Bien sûr. Je vais répondre en premier.
Je vous remercie de cette question.
Je pense bien avoir dit, dans mon exposé, que l'une des préoccupations des Métallos et d'autres éléments du mouvement syndical, c'est que la politique actuelle visant les travailleurs étrangers temporaires décourage les employeurs d'envisager la formation et l'apprentissage et d'y investir. Ce que nous avons, c'est une façon très facile pour les employeurs de faire venir des travailleurs étrangers temporaires. Ils demandent un permis et l'obtiennent. Ils n'ont pas à se soucier de formation.
D'après nous, les employeurs viennent dire qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre, entre autres — et ce n'est pas ce qui explique tout —, parce qu'ils n'ont pas prévu leurs besoins en main-d'oeuvre et qu'il n'y a pas assez d'investissement dans la formation et l'apprentissage. La solution facile est donc d'obtenir un AMT.
Dans ce contexte, j'aimerais parler de l'une des observations de M. Sinclair, quand il a dit que, d'après lui, Blue Mountain ne peut pas fonctionner — ce sont, je pense, les mots qu'il a utilisés —, qu'il est impossible de fonctionner s'ils paient des salaires qui pourraient attirer des Canadiens. Eh bien, encore une fois, comme Mme Charlton l'a dit, nous pensons comme Mark Carney, sur ce point.
M. Carney a dit, il y a quelques semaines, que si vous avez de la difficulté à attirer des travailleurs, le marché peut régler ça, et ce, en garantissant des salaires et des conditions de travail qui attirent les Canadiens, car pour ne pas devoir faire venir des travailleurs étrangers temporaires, il s'agit de payer aux travailleurs d'ici des salaires qui les attireront. Si nous ne le faisons pas... Et M. Carney n'est pas le seul à le dire. Selon Analyse de Politiques, dans un document publié l'année passée, continuer de miser sur les travailleurs étrangers temporaires aura pour effet d'affaiblir encore les salaires et de maintenir le chômage.
Si, entre offrir aux travailleurs d'ici des salaires qui les attirent et continuer de miser sur les travailleurs étrangers temporaires, nous optons pour cette dernière solution et sur la politique actuelle, ce sont les salaires déprimés et le chômage constant que nous subissons. Dans ce que nous recommandons, les bienfaits sont nettement supérieurs aux inconvénients que représente le recours aux travailleurs étrangers temporaires.
Vous demandiez si le gouvernement était à blâmer, ou si les employeurs étaient à blâmer, ou quelque chose comme ça... Je ne peux qu'avancer des hypothèses, malheureusement, et...
Je pense que nous connaissons tous le principe selon lequel c'est une infime minorité qui gâche tout pour la majorité qui respecte les règles. Je soupçonne que c'est une minorité d'employeurs qui ne suivent pas les règles du programme comme il se doit. Malheureusement, c'est la majorité qui risque d'écoper.
Qu'est-ce que le gouvernement peut faire? Je trouve entre autres frustrant d'exposer notre point de vue sans avoir les détails du taux de chômage ou du taux d'emploi dans notre région en particulier, d'où les gens partiraient normalement pour aller travailler. Sur le plan géographique, nous faisons partie de Grey County. Sur le plan économique, nous sommes probablement plus étroitement liés à Simcoe County. Ce que j'en comprends, parce que je n'en suis pas sûr...
... c'est que nous enregistrons probablement trois points de moins que la moyenne provinciale, en matière de chômage, ce qui semble indiquer une pénurie de main-d'oeuvre. Si le gouvernement pouvait nous aider à quantifier cela de sorte que nous ayons des données solides, ce serait très utile, mais les données ne sont pas si précises.
Très rapidement, j'acquiesce à ce que Paula a dit. Je pense que c'est une question de politique publique que des réformes gouvernementales peuvent résoudre. Je pense qu'on est généralement passé, en matière d'immigration et de travailleurs migrants, à une stratégie menée par les employeurs; on a donné à ceux-ci la capacité et le pouvoir, en réalité, de déterminer la composition future du tissu de notre pays, tant sur le plan de l'économie que du marché du travail.
Je pense que les employeurs font assurément ce qu'ils sont invités à faire, selon les divers changements qui ont été apportés au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous en avons vu les résultats, avec une explosion du nombre de travailleurs venus en application du programme, et donc...
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Madame Turtle, monsieur Roberts, je crois que vous étiez d'accord sur ce point. J'aimerais que vous répondiez par oui ou non. Préconisez-vous tous les deux, dans vos trois points, l'exclusion complète des travailleurs peu spécialisés, dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires? Est-ce juste? Je crois que c'était votre troisième point, et je pense que c'était le premier de Mme Turtle.
C'est bien cela, oui ou non?
Je dirais, pour éclaircir les choses, qu'il faut retirer graduellement ces classifications du Programme des travailleurs étrangers temporaires, oui.
D'accord. Merci.
Plus tôt aujourd'hui, le propriétaire d'une petite entreprise de Saskatchewan — où le taux de chômage est de 3,8 p. 100 — est venu témoigner. Statistiquement, ça n'existe pas en ce moment. Il est propriétaire d'une entreprise qui compte 50 ou 60 employés. Nous avons traversé le pays et sommes allés à Vancouver, Whitehorse, Estevan, etc. Nous avons parlé à des entreprises, des employeurs, des travailleurs et des syndicats des problèmes liés à la pénurie de main-d'oeuvre dans leurs régions, et l'histoire était la même. En réalité, je me souviens du propriétaire d'une quincaillerie d'Estevan qui disait qu'il ne pourrait rester en affaire parce qu'il ne trouvait pas les travailleurs qu'il lui fallait.
Madame Turtle, quand vous disiez être d'accord avec les suggestions de Mark Carney concernant le marché libre, parlez-vous de marché libre ou de faillite?
Les faits et le recours aux travailleurs temporaires étrangers ne soutiennent pas les anecdotes au sujet des pénuries de main-d'oeuvre. Entre 2008 et 2012, la plus forte croissance qu'a connue le recours aux travailleurs étrangers temporaires a eu lieu dans les régions du pays où le taux de chômage était le plus élevé. En réalité, nous entendons tous parler de temps en temps d'employeurs qui prétendent à une pénurie de main-d'oeuvre et à la nécessité de faire venir des travailleurs étrangers temporaires, mais les données empiriques démontrent très clairement que le recours aux travailleurs étrangers temporaires augmente dans les régions du pays où le taux de chômage est le plus élevé. Selon notre expérience en tant que syndicat de travailleurs, quand vous traitez les travailleurs équitablement, ils viennent travailler.
Permettez-moi de continuer de parler de cela avec vous. Vous dites le contraire, en réalité, de ce que l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a dit ce matin. La dirigeante de cette association a parlé d'une participation d'environ 2,8 p. 100 concernant les travailleurs étrangers temporaires, principalement en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan, lesquels représentent 90 p. 100 des travailleurs étrangers temporaires. Je pense qu'il vous faudrait concilier ça avec d'autres associations et ne pas vous limiter à vos propres chiffres.
Je vais poursuivre sur la question de ce que vous diriez au sujet de mon coin de pays, le Sud-Ouest de l'Ontario. C'est une région surtout agricole et, depuis des décennies, on y mise sur des travailleurs peu spécialisés parce que les Canadiens ne veulent pas des emplois liés aux récoltes. Ils ne veulent pas des emplois dans la récolte du tabac et des aliments, dans mon coin de pays. Ce besoin a toujours été là. En réalité, ça remonte à des générations. Depuis des générations, des familles viennent des Caraïbes pour les récoltes.
Que dites-vous aux fermiers de mon coin de pays, quand vous dites qu'un jour, il ne sera pas possible d'obtenir ces travailleurs peu spécialisés?
Merci. Je vais répondre à votre dernière question, mais je vais d'abord répondre à ce que vous avez dit, je pense — que je contredis le témoignage de l'ACRSA. Je ne crois pas que j'étais ici à ce moment. Tout ce que je peux dire, c'est que les données empiriques sur lesquelles je m'appuie — les statistiques sur le chômage — viennent de Statistique Canada. Je préfère me fier à cela qu'à des anecdotes qui me viennent de particuliers.
En réponse à votre deuxième...
Bien sûr.
En réponse à votre question sur le travail agricole, je tiens à être clair: notre position est la même que celle du CTC. Nous ne disons pas que le Programme des travailleurs agricoles saisonniers qui, comme vous le dites, existe depuis de nombreuses années, doit être retiré graduellement. Nous parlons des niveaux C et D de la CNP, à l'exception du PTAS et du Programme des aides familiaux résidants.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Concernant les quelques modifications proposées par le gouvernement dans le cadre de ce projet de loi budgétaire, j'aimerais savoir ceci. Comment, dans l'industrie de la restauration ou de l'hôtellerie, un programme de travailleurs étrangers peut-il aider à résoudre un problème permanent? M. Davidson, qui est propriétaire d'un restaurant en Saskatchewan, nous a dit plus tôt qu'il avait de la difficulté à trouver des employés. Ce problème, contrairement à celui de M. Sinclair, est présent tout au cours de l'année.
Premièrement, comment un programme de travailleurs temporaires peut-il contribuer à régler ce problème?
Deuxièmement, avez-vous noté que les modifications proposées impliquaient un appui concret aux employeurs afin de les aider à développer une main-d'oeuvre canadienne?
Troisièmement, y a-t-il des méthodes efficaces qui permettent de vérifier auprès des employeurs si des abus sont commis? Par exemple, demande-t-on aux employeurs, en vertu de cette loi, de prouver qu'il y a une vraie pénurie?
Voyez-vous ces aspects dans les modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-60?
[Traduction]
Je vous remercie de vos questions. Je peux répondre à certaines d'entre elles.
Vous posez une excellente question, au sujet de l'utilisation croissante du Programme des travailleurs étrangers temporaires pour répondre aux besoins à long terme du marché du travail, et je pense que c'est là où nous en sommes aujourd'hui. Je n'ai vu aucune prévision de pénuries de main-d'oeuvre à long terme dans les catégories des travailleurs peu spécialisés. En réalité, c'est le contraire. Il semble qu'il y aura plutôt un surplus de main-d'oeuvre pour bon nombre de ces emplois peu spécialisés en raison de la nature changeante du travail et des emplois axés sur le savoir au Canada. Si l'objectif est de doter des postes au bas de l'échelle au moyen de travailleurs étrangers, nous devrions préconiser de laisser tomber le programme de travailleurs étrangers temporaires — avec tous les défauts qu'il comporte — pour plutôt opter pour un statut permanent et accroître les occasions d'immigration économique pour les travailleurs qui ont une formation aux emplois peu spécialisés.
Si des gens sont assez bons pour travailler au Canada, ils sont assez bons pour vivre au Canada. Nous devrions donner aux travailleurs peu spécialisés bien plus d'occasions de devenir des résidents permanents. Le Programme des candidats des provinces ne le fait pas convenablement, surtout en Ontario, où les travailleurs non qualifiés et semi-qualifiés n'ont pas accès à la résidence permanente dans le cadre de ce programme. Ces cheminements sont réservés aux travailleurs hautement spécialisés.
Très rapidement, en ce qui concerne le rôle du gouvernement dans le suivi et la surveillance du respect du processus, le CTC préconise la création d'une commission des travailleurs migrants, un organisme de réglementation indépendant qui ferait exactement cela, de concert avec les employeurs et toutes les parties prenantes. Cela garantirait aux travailleurs migrants que leurs droits sont protégés et que le programme répond aux objectifs établis à l'origine.
Merci.
Le Syndicat des métallos appuie les commentaires du CTC. J'ajouterais simplement qu'un élément qui nous inquiète et pour lequel nous avons des réserves est l'utilisation très vaste que l'on fait des directives ministérielles dans le cadre de la loi actuelle. Les inquiétudes qui ont été soulevées au sujet de l'émission des permis de travail et des avis relatifs au marché du travail ont des répercussions sérieuses sur la main-d'oeuvre canadienne et sur la société canadienne tout entière. Il serait donc important à notre avis que les conditions préalables à l'émission des permis et des avis soient établies dans la loi et les règlements, afin qu'elles puissent faire l'objet d'un débat démocratique en bonne et due forme par les parlementaires et que le gouvernement soit appelé à rendre compte de ses initiatives politiques. Les conditions ne devraient pas être établies par voie de directives ministérielles.
Merci.
Il reste environ 30 secondes. Voulez-vous les utiliser?
Je cède la parole à monsieur Sinclair pendant 30 secondes, puis nous passerons au prochain intervenant.
Je peux vous parler seulement des effets saisonniers du programme. Je ne saurais prétendre que cela règle un problème à l'année. La saison est de courte durée pour nous, tout comme pour les agriculteurs — bienvenue, au revoir, merci beaucoup — parce que notre main-d'oeuvre croît de manière exponentielle en début de saison et chute d'autant à la fin.
Pour ce qui est de savoir si les vérifications sont suffisantes, je serai mieux placé pour répondre à la question dans une semaine ou deux, car on nous a informés vers la fin de la semaine dernière que nous serions soumis à une vérification, ce n'est pas encore fait, mais je suis heureux qu'elle ait lieu et je suis convaincu que nous passerons le test haut la main.
Merci à tous d'être ici.
En réponse à un commentaire de M. Roberts, j'aimerais simplement préciser que des consultations sont en cours à l'heure actuelle partout au pays dans ce dossier. Je suis allée à Regina, Toronto, Calgary et Vancouver la semaine dernière, et j'irai à St. John's et à Halifax cette semaine.
Nous avons invité les représentants des syndicats. Un seul s'est présenté à ces rencontres. Je vous encourage donc à y participer si vous avez des points à soulever, car vous dites qu'on ne vous a pas invités. On vous invite à venir.
Nous avons été très déçus de voir qu'il n'y avait qu'un de vos collègues à ces consultations, une personne formidable qui travaille dans le milieu du cinéma. Nous étions très heureux de sa présence et il a fait d'excellents commentaires, très réfléchis.
Le point que j'aimerais soulever... C'est peut-être une question à laquelle vous pourriez tous les deux répondre pour informer M. Sinclair, de même que les gens dans la salle qui faisaient partie du dernier groupe de témoins. Selon Statistique Canada — je cite mes sources et j'invite ceux qui vont présenter des données empiriques à en faire autant —, le taux de chômage au Manitoba est de 5,8 p. 100, et il est même plus bas à Winnipeg. Il est de 4,0 p. 100 en Saskatchewan, ce qui revient à dire essentiellement qu'il n'y a pas de chômage, car nous savons tous, je pense, comment ces chiffres fonctionnent. En Alberta, il est de 4,4 p. 100. La semaine dernière, il était de 4,2 p. 100. Ces données proviennent de Statistique Canada. Ce sont des données empiriques. Ces données proviennent d'une institution — je pense que nous serons tous d'accord sur ce point — dont la réputation n'est plus à faire.
Si c'est le cas, et qu'il n'y a vraiment personne à embaucher, M. Sinclair dit alors que cela ferait grimper les coûts pour son entreprise, le forçant essentiellement à mettre des Canadiens à pied... Le commentaire que j'ai entendu partout dans l'Ouest canadien la semaine dernière et que j'entendrai probablement, comme cela a été le cas après le dépôt du budget, à St. John's est le suivant: « Nous embauchons cinq ou dix travailleurs temporaires, mais cela nous permet de maintenir 50 ou 60 emplois pour les Canadiens ». La semaine dernière, le propriétaire d'une entreprise de transformation de viande à Calgary m'a dit qu'il emploie entre 100 et 200 travailleurs étrangers pour assurer des emplois à 1 800 Canadiens.
Comment assurer un équilibre? Jusqu'où M. Sinclair devrait-il augmenter ses salaires pour garder ses employés avant de faire faillite? Comment peut-il en arriver à un équilibre sans faire faillite pour s'assurer que des Canadiens...? Je peux vous dire qu'il emploie des centaines de Canadiens, tout comme les gens à qui nous avons parlé ce matin. Ils font vivre des centaines de Canadiens et leur donnent de la formation tous les jours.
À votre avis, quel est le seuil critique en matière salariale pour que des employeurs comme M. Sinclair puissent continuer à offrir des emplois aux Canadiens?
Merci de poser la question.
Une des sources de confusion dans ce débat concerne la façon de remédier à de vraies pénuries de main-d'oeuvre. Les arguments en faveur d'une politique pour contrer les présumées pénuries de main-d'oeuvre sont très subjectifs. Ce sont les propriétaires d'entreprise, les employeurs qui disent avoir de la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre.
Les données de Statistique Canada, à ma connaissance, sont des données empiriques, et le taux de chômage en Saskatchewan est de 4 p. 100. Dites-vous que ce n'est pas exact?
Ce que je dis, c'est que le taux de chômage n'indique pas en soi qu'il y a des pénuries de main-d'oeuvre. Ce qui est ironique, c'est qu'une mesure indiquant une pénurie de main-d'oeuvre est la pression sur les salaires, et que l'élargissement du programme des travailleurs temporaires a contribué à comprimer et à éliminer cette pression.
Si on veut une mesure objective, prenons-en une qui est utilisée pour mesurer les vraies pénuries de main-d'oeuvre. Le Bureau of Labor Statistics aux États-Unis en utilise une. RHDCC l'utilise aussi. Elle porte sur une croissance de l'emploi plus élevée que la moyenne, sur une croissance des salaires plus élevée que la moyenne...
Jusqu'où devrait-il faire grimper ses salaires? Quels changements devrait-il apporter, lui ou les autres que nous avons rencontrés aujourd'hui? C'était ma question.
Eh, bien, si j'ai bien compris ce qu'a dit M. Sinclair, il leur est impossible d'augmenter les salaires pour attirer des travailleurs canadiens vers ces emplois, parce que leur modèle d'affaires ne leur permettrait pas d'offrir les services qu'il offre, mais...
Mais vous avez aussi dit qu'on ne devrait pas permettre à des travailleurs peu qualifiés de venir travailler au pays pour occuper ces emplois.
M. Chris Roberts: Non, je n'ai pas dit...
Mme Kellie Leitch: Comment peut-on résoudre ce problème?
... devraient continuer de venir travailler au Canada, mais qu'ils devraient avoir le même accès au statut de résident permanent que les travailleurs qualifiés. Pourquoi avons-nous une norme à deux vitesses?
Merci. Nous allons conclure ce débat.
Monsieur Sinclair, un bref commentaire, si possible; sinon, nous allons passer à M. Cuzner.
J'invoque le Règlement, monsieur le président. La secrétaire parlementaire de la ministre a mentionné que les organisations syndicales avaient été invitées à participer aux consultations. Je me demande si elle pourrait faire parvenir au comité la liste des organisations qui ont été invitées.
Je ne sais pas s'il s'agit d'un rappel au Règlement, mais vous pouvez assurément faire parvenir le tout au comité.
Monsieur Cuzner, allez-y.
Monsieur le président, si on ne fait pas attention, on pourrait avoir une vraie discussion.
Des voix: Oh, oh!
J'ai bien peur qu'on soit en train d'avoir un vrai débat pour faire changement.
J'aimerais tout d'abord mentionner quelque chose. Il y a deux semaines, j'ai eu l'occasion de prendre la parole au congrès national des métiers de la construction. Avant que je prenne la parole, les membres avaient été saisis d'une résolution au sujet des travailleurs étrangers temporaires.
Je tiens à souligner que les interventions à ce sujet ne portaient pas tant sur la question des Canadiens qui sont remplacés que sur celle du bien-être de ces travailleurs, de leurs conditions de travail, des salaires qui leur sont versés, etc. J'ai pensé que c'était aimable de leur part de faire ces interventions.
Nous parlons ici d'un programme qui a été utile à bien des gens pendant de nombreuses années. Comme Mme Leitch l'a mentionné, il a permis à de nombreux Canadiens, dans certains secteurs, de conserver leurs emplois. Il a permis de plus à des travailleurs étrangers de gagner plus d'argent que dans leur pays, en travaillant dans un domaine où ils sont à l'aise. Ses avantages ont donc été nombreux.
La question qu'il faut continuer à se poser, je crois, est où se situe le seuil critique?Je ne dis pas qu'il n'y a pas de pénuries dans certains secteurs. Il ne s'agit pas tant de pénuries que de disponibilité de la main-d'oeuvre. On ne voit personne plier bagage au Cap Breton pour aller travailler à Moosomin dans un Subway.
M. Davidson a parlé du problème un peu plus tôt. Il a investi toutes ses économies dans son entreprise, et lui et toute sa famille arrivent difficilement à la maintenir à flot dans cet environnement. Il a besoin de ces travailleurs.
Vous voulez en quelque sorte qu'il soit éliminé progressivement, alors dites-moi comment faire pour régler son problème? Les profits qu'on peut réaliser sur un sous-marin à la dinde sont limités. À un certain moment, on choisit plutôt une pizza congélér McCain. C'est le seuil critique dont on a déjà parlé.
Que peut faire une personne dans une petite collectivité rurale qui n'arrive pas à trouver des employés pour faire fonctionner son entreprise?
À notre point de vue, on en revient à la question posée un peu plus tôt, à savoir comment remédier aux problèmes démographiques et de main-d'oeuvre à long terme que l'on voit venir depuis longtemps?
Continue-t-on de les régler par un programme de travailleurs migrants temporaires ayant toute une gamme de dispositions très restrictives sur ce que ces travailleurs migrants peuvent faire, et qui mène à toutes sortes de situations d'exploitation et de vulnérabilité comme nous l'avons vu, ou règle-t-on les problèmes et répond-on aux besoins par un programme d'immigration économique permanente? Selon nous, c'est cette dernière solution qui doit primer.
J'aimerais ajouter quelque chose aux propos de M. Roberts.
Vous avez parlé des métiers de la construction. Si je ne me trompe pas, le syndicat des métiers de la construction a déclaré dans les médias au cours des derniers jours qu'il appuyait dans une certaine mesure certains aspects du programme de travailleurs étrangers temporaires. Ce qui est intéressant, c'est qu'on parlait aussi dans ces articles d'une étude réalisée à l'Université de Calgary. Des membres du comité de l'autre côté disaient vouloir des données empiriques. Il est donc bon de signaler que l'étude de l'Université de Calgary confirme de nombreux points soulevés par M. Roberts et moi, à savoir que le fait de continuer à s'en remettre au programme de travailleurs étrangers temporaires pour remédier aux présumées pénuries de main-d'oeuvre plutôt que de se pencher sur les questions liées à la mobilité de la main-d'oeuvre, à la formation, aura de graves conséquences à long terme pour l'économie canadienne.
L'étude conclut en disant que nous avons besoin d'une politique de l'immigration plus robuste qui incite les gens à venir travailler au Canada et ensuite à y demeurer comme résidents permanents et citoyens.
Merci.
Merci beaucoup de vos commentaires.
Je sais que le comité avait des questions à discuter, mais j'ai donné à chacun la chance de vous poser des questions sur ce sujet très important, et nous avons dépassé le temps prévu. J'aimerais donc proposer aux membres de reporter la discussion sur les affaires du comité au début de la prochaine réunion, soit jeudi.
J'aimerais remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui.
Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Je n'ai pas eu l'occasion de discuter de cela avec la secrétaire parlementaire, mais compte tenu de la situation dans laquelle se trouve la ministre... Elle doit témoigner jeudi. Je me demande s'il ne serait pas mieux pour tout le monde de reporter cela à la semaine prochaine.
La ministre Finley ne comparaîtra pas.
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