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Honorable président du comité, honorables membres du comité, distingués invités, le CAMO-PI vous remercie de l'invitation que vous avez bien voulu lui adresser.
Notre organisation existe depuis 18 ans. Elle a comme mandat, sur l'ensemble du territoire québécois, de participer à des actions de partenariat pour observer les différentes pratiques qui conduisent à l'intégration et, à partir de cela, formuler des observations et des avis sur la stratégie québécoise d'intégration des immigrants. Cette organisation a été souhaitée par des acteurs gouvernementaux, privés, syndicaux et communautaires. C'est à ce titre que nous exerçons notre mandat.
Nos observations d'aujourd'hui portent sur quatre points: l'accès des jeunes immigrants à l'information sur les programmes d'apprentissage, l'accès de ces jeunes aux programmes, ce qui se passe lors du processus d'apprentissage et ce qui se passe au moment où ils tentent d'accéder à un emploi après l'apprentissage. Je vais commencer par le premier point, soit l'information sur les programmes d'apprentissage.
Les jeunes immigrants, qui arrivent au terme d'un long processus traumatisant, font souvent face à des problèmes de pauvreté et de retard scolaire. Cela a comme conséquence que le milieu de vie où ils sont est souvent différent des circuits dans lesquels circule l'information qui fait la promotion des programmes d'apprentissage. Il n'est pas toujours facile pour ces jeunes d'avoir l'heure juste quand il y a une occasion de formation.
Ils vivaient aussi dans des familles qui ont des traditions différentes avec ce qu'on sait et ce qu'on fait actuellement au Canada. Dans les pays d'où ils viennent, les traditions accordent beaucoup de valeur aux personnes qui font de longues études, considérées comme le seul modèle de réussite sociale. Par conséquent, toute possibilité pour un jeune de s'orienter vers des formations de courte durée est vue par les parents, qui souvent dictent leurs choix à leurs enfants, comme étant des contre-valeurs. Cela désoriente souvent les jeunes immigrants lorsqu'il y a une possibilité d'apprentissage.
C'est pourquoi, en ce qui concerne les circuits d'information, la promotion des programmes et des occasions d'apprentissage, le CAMO-PI propose à votre comité d'envisager des stratégies de communication qui ciblent les milieux où vivent les immigrants. Autrement dit, les programmes de financement et les actions d'apprentissage pourraient avoir un volet de promotion auprès des jeunes de milieux marginalisés.
En plus de l'information en milieu défavorisé, nous proposons aussi qu'on puisse prévoir du financement pour les différents programmes pour faire en sorte d'organiser ce que l'on appelle des actions de proactivité afin que les intervenants rencontrent ces jeunes dans leur milieu et les ramènent vers les occasions de formation.
Le deuxième point concerne l'accès des jeunes aux programmes comme tels. En ce qui a trait à l'accès des jeunes aux programmes, nous avons constaté qu'il existe des difficultés liées à la sous-représentation importante des groupes ethniques, aussi bien dans un métier que parmi les formateurs.
L'absence de personnes appartenant à leur ethnie dans un métier fait que, dans ce milieu, les jeunes n'ont pas de modèle. De plus, ils craignent de faire un saut vers l'inconnu, vers un métier qui n'est pas connu dans leur milieu, surtout que c'est un métier qu'ils vont obtenir après une brève formation, ce qui est un contre-modèle pour les traditions d'origine.
Le problème de la sous-représentation de groupes entiers dans certains milieux et certains métiers est un facteur qui limite l'intérêt de jeunes immigrants vers les programmes d'apprentissage. Je prends ici l'exemple des communautés maghrébines qui sont rares et difficilement acceptées dans les métiers relevant du secteur des technologies de l'information et de la communication. Cela constitue une sorte de monde inconnu pour les jeunes venant de ces communautés.
Il y a toujours dans ces domaines l'absence d'un minimum de compétences de base dans les programmes d'apprentissage. Lorsque des jeunes arrivent au terme d'un processus d'immigration, ils ont connu beaucoup de difficultés et ils n'ont peut-être pas la maîtrise d'une langue de travail au Canada. On leur demande d'aller faire de l'apprentissage de passer directement par la suite à un emploi. Ils se sentent mal équipés, n'ayant pas les compétences de base. Pourtant, les programmes d'apprentissage sont censés leur donner seulement la maîtrise du savoir-faire. On oublie les compétences de base.
Ce phénomène participe à l'élaboration d'une perception négative qu'ont les jeunes et les communautés vis-à-vis des métiers découlant de l'apprentissage.
Par conséquent, le CAMO-PI propose que votre comité puisse envisager la possibilité de sensibiliser les milieux concernés, c'est-à-dire les employeurs, sur le fait que l'apprentissage constitue une source d'avenir pour la main-d'oeuvre qualifiée. Pour cela, lorsqu'il y a des lacunes au chapitre des compétences de base, il faut absolument chercher comment former plutôt que de voir à la dispensation de ces compétences de base. Il y a des coûts et des pertes de temps. C'est donc un facteur qui peut affecter la productivité de l'entreprise.
Nous suggérons qu'il faut faire le contraire. Au regard des perspectives démographiques, l'immigration étant de plus en plus considérée comme une source d'avenir pour la main-d'oeuvre qualifiée, il va falloir investir et considérer les dépenses d'apprentissage comme des dépenses devant garantir la productivité à moyen et à long terme.
Nous suggérons aussi que votre comité envisage la possibilité d'intégrer un minimum de compétences de base dans les formules des programmes d'apprentissage.
Cela pourrait contribuer à atténuer la perception négative qu'ont certains milieux à l'égard des métiers qui découlent de cette voie de formation. Nous pensons aussi qu'un effort en vue d'élargir la liste de métiers admis par le Sceau rouge à un certain nombre de métiers considérés comme des secteurs émergents serait aussi une façon de répondre aux préoccupations des jeunes, qui ont tendance à penser que l'apprentissage au Canada ne concerne généralement que les métiers traditionnels.
Le troisième point concerne la situation des jeunes immigrants, en tant qu'apprentis, durant le processus d'apprentissage. Ces jeunes arrivent au Canada au terme d'un long processus qui, comme nous l'avons déjà mentionné, est souvent traumatisant. Les familles, lorsqu'elles arrivent ici, vivent d'abord des moments difficiles et vivent dans la marginalité. Elles n'ont pas assez d'argent. Or le fait que le soutien de la collectivité soit très modeste alors même que ces jeunes vivent des moments difficiles est un facteur qui les dissuade de s'engager sur la voie de l'apprentissage. L'apprentissage implique des coûts et ces personnes vivent dans la marge, en termes de revenus.
Le processus qui conduit à l'achèvement de l'apprentissage est long. On ne peut pas faire autrement parce qu'il faut permettre au jeune ou à l'apprenti de maîtriser le savoir-faire. Or les conditions ne sont pas très souples face à la situation d'un jeune qui est pauvre. Le jeune a alors tendance à chercher de petits travaux de façon à pouvoir subvenir à ses besoins. Étant donné la durée assez longue du processus d'apprentissage, le jeune se sent coincé et il abandonne souvent son cycle de formation.
Nous pensons qu'il va peut-être falloir rendre ces conditions un peu plus flexibles. Pour un jeune dépourvu de revenus, le fait qu'il y ait un seul bloc et que cela représente plusieurs semaines est très exigeant. Cela donne lieu à des taux d'abandon élevés. En fait, on en revient encore à l'incidence de tout cela sur la perception selon laquelle cette voie est un mode d'accès aux métiers. Autrement dit, cela génère une perception négative.
Vous avez apporté plusieurs éléments rafraîchissants et intéressants. Je vais en faire le tour pour m'assurer que j'ai bien compris et approfondir la question.
Au tout début de votre témoignage, vous avez dit qu'il y avait une difficulté de base. J'ai perçu, lors de votre témoignage, une espèce de tiraillement. Il y a un problème de compétences de base chez beaucoup de nouveaux immigrants parce qu'ils viennent d'une zone de guerre. L'école primaire avait peut-être été brûlée et fermée pendant huit ans. On comprend le contexte.
Il y a une difficulté avec des problèmes de compétences de base, mais il y a aussi la perception que, pour réussir dans la vie, il faut aller à l'université. Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y a un tiraillement complet entre la perception et le réel.
Les programmes de métiers, qui sont un peu au milieu, pourraient répondre à certains besoins. Si je comprends bien, la perception des métiers, pour beaucoup de gens dans les communautés immigrantes, est assez négative. Pourtant, si on a été dans une famille canadienne depuis les années 1930, 1940, 1950, 1960 ou 1970, on a tous ces modèles. Un de mes oncles était électricien et il a pris une très belle retraite à 60 ans. Il était électricien de formation et avait eu, si je ne me trompe pas, deux ans de formation. C'est tout.
Quand vous disiez que l'une de vos propositions était de cibler les milieux immigrants pour faire une promotion adaptée des programmes, l'idée était parfaite, mais comment faire? Est-ce en traduisant tout en 22 langues? Doit-on essayer d'expliquer le cas de mon oncle à des Maliens? Par exemple, doit-on dire à des Maliens: « Voyez, cette famille a été constituée en 1950. L'homme était un électricien et, à 60 ans, sa maison était payée. Il a eu une très belle vie »? On ne peut pas attendre 25 ans avant d'avoir un modèle compréhensible pour les Maliens ou les Sénégalais de Montréal.
Comment arrive-t-on à faire cela?
Vous avez proposé une idée qui me semble intéressante. Si j'ai bien compris, il s'agit d'ouvrir le Sceau rouge à des métiers de nouvelles technologies, ce qui pourrait donner être plus attirant pour les communautés.
Pourriez-vous nous fournir plus de détails en ce qui a trait aux métiers. Vous pourriez faire parvenir au greffier vos suggestions à cet égard? Je trouve cela fort intéressant.
Vous avez souligné un autre élément et il y a deux autres sujets sur lesquels j'aimerais vous entendre. On constate la sous-représentation du milieu ethnique chez les formateurs. C'est un peu le mystère de l'oeuf et de la poule. Pensez-vous que, malgré le fait qu'il n'y ait pas encore eu de grand succès chez certains groupes immigrants dans les métiers — le bassin de gens à qui on pourrait demander d'être formateurs doit être un peu limité —, il y aurait suffisamment, si on faisait l'effort, de formateurs de souche africaine, maghrébine et autres qui pourraient enseigner les métiers?
Si on parle d'intégration, avez-vous des chiffres par rapport à la difficulté d'intégration dans les milieux ruraux? J'ai les chiffres de certaines MRC de ma région et il y a des efforts qui sont faits pour recruter des immigrants qui ont une formation dans un métier, mais le taux de rétention est épouvantablement bas. Une MRC a fait venir en région 12 immigrants qui habitaient à Montréal pour répondre à des besoins très concrets dans les emplois manufacturiers. Tout 10 d'entre eux ont quitté la région sur un période de trois ans.
Avez-vous des chiffres là-dessus et peut-être des débuts de solutions à formuler?
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Parlons d'abord des formateurs. Le formateur lui-même est un moyen d'information. Le fait qu'il soit là permet aux jeunes autour de lui d'apprendre qu'il y a quelque chose.
De par le monde, on constate que, lorsque des personnes d'autres origines ethnoculturelles investissent un métier, le taux de fréquentation des immigrants augmente. Je pense que c'est l'une des voies de solution.
En ce qui a trait aux milieux ruraux, je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis. Néanmoins, je sais que le taux de rétention est très faible, comme vous venez de le dire. Ce problème est dû au fait que, au début, lorsqu'on a commencé la régionalisation de l'immigration, on n'a pas pensé à établir un lien entre le profil économique de la région, c'est-à-dire les besoins réels des employeurs de la région, et celui des immigrants à recruter.
Le CAMO-PI propose plutôt de promouvoir un modèle de microgestion. Il consiste à connaître les besoins réels et à aller recruter les personnes dont il est question. Le phénomène que vous avez constaté s'explique aussi par la présence de ce qu'on appelle les immigrants en regroupement familial. Les personnes recrutées dans le cadre des efforts de regroupement familial n'ont pas été évaluées et, parfois, n'ont pas les caractéristiques qu'il faut pour les besoins de la région. C'est pour cela qu'il y a des écarts. Quoi qu'il en soit, il faut savoir qu'on doit composer avec cela.
Le CAMO-PI a lancé plusieurs initiatives menant à la reconnaissance des diplômes obtenus à l'étranger. Nous avons étudié une expérience qui a conduit à une formule d'intégration pour les infirmières, les infirmiers, les infirmières et les infirmiers auxiliaires ayant obtenu leur diplôme à l'étranger. Or cette formule a été couronnée de beaucoup de succès et a contribué à résoudre le problème du manque de personnel en soins de santé au Québec.
Nous avons aussi mis sur pied une formule d'encadrement pour les ingénieurs ayant obtenu leur diplôme à l'étranger. Cette formule a été étudiée de concert avec la Faculté Polytechnique de l'Université de Lubumbashi et l'organisme AMPE-CITI. L'objectif était de dispenser des cours à ces ingénieurs pour qu'ils augmentent leurs chances de réussir l'examen permettant d'accéder à l'Ordre des ingénieurs. Ce projet a été un succès en ce qui concerne l'accompagnement et la réussite à l'examen.
Cependant, après que ces gens aient obtenu la reconnaissance de leur diplôme, il y a encore beaucoup d'efforts à faire avant qu'ils trouvent un emploi. Ici encore, je pense qu'il faut recourir à une campagne de sensibilisation pour faire accepter aux employeurs l'idée que dans peu de temps, l'immigration va devenir un moyen incontournable d'assurer le maintien de la productivité.
Nous travaillons à d'autres formules. Nous avons remarqué, notamment en Ontario, qu'au moment où le CAMO lançait les trois formules, c'est-à-dire pour les ingénieurs, les infirmiers et les infirmières et les infirmiers et infirmières auxiliaires, la province n'avait pas encore commencé à bâtir des passerelles pour ces gens. Depuis ce temps, par contre, l'Ontario a réalisé 11 passerelles, alors que nous n'en sommes qu'à trois.
Bref, je pense qu'il serait avantageux d'encourager toutes les provinces et territoires à accroître les formules d'accompagnement pour des catégories précises de professionnels afin que ceux-ci obtiennent la reconnaissance de leurs compétences.
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J'ai deux questions à poser, et vous pouvez consacrer à chacune le temps que vous voulez.
Certaines des préoccupations que vous avez soulevées ne sont pas différentes de celles des Canadiens à l'échelle du pays, entre autres, le taux d'attrition des programmes d'apprentissage, parce qu'ils doivent partir, gagner leur vie et faire plus d'argent pour répondre à leurs propres besoins et à ceux de leur famille. D'autres témoins qui ne sont pas nécessairement de nouveaux arrivants nous en ont aussi parlé.
Cependant, d'autres difficultés s'ajoutent en ce qui vous concerne, et je remercie mon collègue, M. Lapointe, des questions qu'il vous a posées au sujet de ce qu'il est possible de faire en particulier sur ce plan.
On suggère que la formation des formateurs comporte un volet culturel. C'est une idée fort sensée, mais j'aimerais pousser cela plus loin. Parfois, cerner les problèmes, c'est ouvrir la voie aux solutions. Comment voyez-vous le rôle du gouvernement fédéral à cet égard?
Mon autre question est tout aussi bonne. Elle a été soulevée hier, la dernière fois où nous avons reçu des témoins. Selon les Manufacturiers et exportateurs du Canada, certaines des grosses sociétés connaissent un réel succès — Bombardier, par exemple. La formation en apprentissage fonctionne très bien. Votre groupe travaille-t-il de concert avec des grandes sociétés de ce genre, qui semblent comprendre l'importance d'une formation soutenue? Assurez-vous une liaison constante avec certaines des grandes sociétés qui le font bien?
Je vous laisse répondre. Merci.
Je vais d'abord parler de ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour contribuer à trouver une solution à ces problèmes.
Le gouvernement fédéral pourrait encourager les efforts qui sont faits par les provinces. Il pourrait s'agir d'un genre de maillage de programmes. En effet, plutôt que de réaliser des programmes dans le cadre desquels le fédéral propose des subventions à des organismes pour que ceux-ci interviennent, il y aurait moyen d'établir un système pour que ces intervenants aient d'abord à obtenir du financement provincial avant qu'une subvention fédérale leur soit accordée à titre complémentaire. En passant, ce système est une façon de résoudre le problème de visibilité des programmes fédéraux et de diffuser dans l'opinion publique l'idée que le fédéral applique une formule pour résoudre des problèmes précis. Je pense que l'idée du maillage est à développer.
Comme vous l'avez remarqué, l'idée de l'Association des manufacturiers du Canada est réelle. Bombardier fait beaucoup d'efforts dans ce domaine, mais lorsque nous décrivons ce problème, nous ne parlons pas des cas exceptionnels que sont les grandes entreprises. Contrairement aux petites et moyennes entreprises, les grandes entreprises n'ont pas de difficulté à trouver de la main-d'oeuvre qualifiée. Elles ont tendance à travailler en vase clos tandis que les petites et moyennes entreprises, n'ayant pas les moyens de résoudre le problème, suivent les efforts que la collectivité est en train de faire.
C'est pourquoi nos propositions concernent essentiellement la majeure partie des employeurs, donc les petites et moyennes entreprises. Nous n'oublions pas ce qui se passe dans les grandes entreprises. Toutefois, quand elles font face à une difficulté, elles n'hésitent pas à trouver des solutions en Asie, en Iran ou ailleurs et à faire venir des travailleurs étrangers, ce que les petites et moyennes entreprises ne peuvent pas faire seules.
Nous pensons qu'il est important de prendre des mesures qui facilitent l'accès des employés aux petites et moyennes entreprises et de trouver des solutions à ces problèmes.
Il y a trois ans, j'ai mené une étude sur le processus de recrutement de la main-d'oeuvre qualifiée à l'étranger. Cette étude portait essentiellement sur le secteur aérospatial.
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Je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez de vous faire part de notre expérience et de nos points de vue sur l'important sujet de la formation en apprentissage. Nous sommes heureux de l'intérêt que le comité permanent manifeste pour cette question et nous attendrons avec impatience la publication de votre rapport.
Je suis John Grimshaw. Je suis le secrétaire-trésorier exécutif de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, au sein du Construction Council of Ontario. Les sections locales affiliées au conseil comptent environ 14 000 compagnons d'apprentissage et apprentis dans le domaine de l'électricité. Les compagnons possèdent pour la plupart un certificat portant le Sceau rouge, lequel garantit la reconnaissance des compétences dans le domaine à l'échelle du Canada. Nous représentons aussi 750 monteurs de lignes à haute tension, ainsi que quelque 400 travailleurs en communication.
Permettez-moi d'abord de vous faire part de la stratégie que nous utilisons pour garantir que pratiquement tous les apprentis de notre syndicat terminent leur formation en apprentissage.
Nous estimons qu'environ 90 p. 100 de nos apprentis terminent leur formation. Je vous parle uniquement de l'Ontario, et non de l'ensemble du pays. D'après ce que nous en savons, le taux de réussite des autres apprentis se situe entre 50 et 60 p. 100.
Premièrement, il faut comprendre la principale raison pour laquelle des apprentis décrochent: ils sont mis à pied par leur employeur et ne peuvent trouver un emploi auprès d'un autre entrepreneur prêt à engager un apprenti qui en est à leur degré de formation. Au sein de notre syndicat, nous avons un système qui sert à surmonter ce problème. Chacune de nos 11 sections locales a un comité mixte de formation en apprentissage qui travaille avec les employeurs. C'est ce comité, et non les employeurs individuellement, qui parraine officiellement chaque apprenti. Le syndicat peut envoyer un apprenti à n'importe lequel des 800 employeurs qui ont signé une convention collective avec notre syndicat. Ainsi, quand un apprenti est mis à pied par un employeur, il peut être affecté à un autre employeur, à condition, bien sûr, qu'il y ait du travail à faire.
Dans le secteur de la construction, ce système de parrainage fondé sur un comité mixte est nettement plus efficace que le parrainage assuré par un employeur individuel. Avec le comité mixte, l'apprenti ne risque presque plus d'être interrompu par une longue période de chômage. En plus, l'apprenti peut obtenir une carte de voyageur qui lui permet d'obtenir du travail dans n'importe laquelle de nos sections locales à l'échelle du Canada. De nombreux apprentis et compagnons le font.
Le deuxième aspect important à comprendre, c'est que la plupart des jeunes travailleurs n'entreprennent pas une formation en apprentissage dès qu'ils sortent du secondaire. Selon l'Ordre des métiers de l'Ontario, l'âge moyen de l'apprenti électricien est de 28 ans dans la province. Il y a donc tout un écart entre la fin du secondaire et le début de la formation en apprentissage. Les connaissances acquises au secondaire en maths et en sciences se sont émoussées, tout comme les compétences d'apprentissage en classe. Il s'agit pourtant de compétences essentielles dans notre métier. Un électricien, pour être compétent, doit posséder une base solide en maths pour comprendre les formules qui sont au coeur d'une grande partie du travail.
Notre syndicat offre beaucoup de soutien additionnel à nos apprentis. Par exemple, le soutien offert par la section locale de Toronto comporte 13 semaines de cours obligatoires donnés les samedis et couvrant les aspects essentiels du métier, de sorte que les apprentis aient de meilleures chances de réussir à l'école de métiers d'un collège communautaire. À cela s'ajoutent 34 heures de formation obligatoire sur les mesures de sécurité au travail. Enfin, des réunions régulières entre l'apprenti et les représentants du comité mixte garantissent à l'apprenti qu'il obtient le soutien qu'il lui faut, ainsi que l'expérience pratique qu'il est censé obtenir.
La plupart de nos autres sections locales — la mienne, à Hamilton, par exemple — offrent un soutien semblable aux apprentis. Ce soutien est absolument essentiel à l'obtention d'un taux de succès élevé. L'absence de soutien fait partie des raisons pour lesquelles le taux de réussite est si faible dans certains segments du secteur des entrepreneurs-électriciens.
Dans le nord-ouest de l'Ontario, notre section locale offre un programme qui sert à hausser le niveau d'éducation des jeunes travailleurs des Premières Nations de sorte qu'ils puissent réussir un de nos programmes d'apprentissage. Au cours des cinq dernières années, notre section locale de Thunder Bay a diplômé 30 jeunes travailleurs des Premières Nations ayant participé à ce programme. Ils ont ensuite entrepris avec succès leur formation en apprentissage et bon nombre d'entre eux ont terminé leur formation. Sans ce soutien initial, puis le soutien que notre syndicat donne à tous nos apprentis, de nombreux jeunes travailleurs des Premières Nations n'auraient pas terminé leur formation avec succès.
La troisième chose à comprendre, au sujet des taux de réussite, c'est que réussir exige un investissement conjoint: l'apprenti et l'employeur doivent être résolus à faire de la formation en apprentissage une réussite.
À l'intérieur du système que notre syndicat a établi avec nos employeurs, cet investissement conjoint est automatique. Le comité mixte choisit et parraine les apprentis, et les rencontre pour veiller à ce qu'ils suivent les deux cours que nous exigeons, en plus de leurs cours à l'école des métiers. Le comité mixte rencontre aussi les apprentis pour confirmer avec eux qu'ils sont bien exposés à toutes les facettes du métier quand ils sont au travail.
Ce qui est vrai pour notre syndicat et nos employeurs ne l'est pas toujours pour d'autres employeurs. Il y en a beaucoup qui voient les apprentis comme une source de main-d'oeuvre à bon marché. Ces employeurs n'ont absolument pas l'intention d'engager l'apprenti, une fois sa formation terminée, et ils se fichent que la formation soit achevée avec succès ou non: tant qu'elle n'est pas terminée, ça leur coûte moins cher. Souvent, les employeurs de ce genre ne font aucun effort pour exposer l'apprenti à toutes les facettes du métier. Pas étonnant que tant d'apprentis décrochent ou échouent aux examens de l'école des métiers, dans un tel contexte.
Tout cela m'amène aux programmes fédéraux à l'appui de la formation en apprentissage.
Les subventions, notamment les subventions à caractère fiscal, sont utiles. Nous les appuyons. Cependant — et c'est important —, les subventions doivent être reportées: l'employeur ne doit obtenir une subvention qu'une fois que l'apprenti a terminé avec succès les différentes étapes de la formation en apprentissage, et le montant de l'aide doit augmenter aux dernières étapes de la formation en apprentissage.
Les programmes actuels de subvention donnent aux employeurs opportunistes la possibilité d'intégrer des apprentis qui en sont à leur première ou deuxième année sans rien investir dans leur formation ou sans s'engager à les soutenir jusqu'à la fin. Les arguments économiques fonctionnent toujours. Quand vous subventionnez un mauvais comportement, il se répétera, et c'est précisément ce qui se produit.
C'est facile à corriger: reconfigurez le soutien que vous donnez aux employeurs de sorte qu'ils reçoivent des montants croissants de soutien à la fin de chaque étape de la formation de l'apprenti.
Le quatrième aspect dont je veux parler est lié aux effets négatifs des changements apportés aux politiques. Je vais vous donner deux exemples.
Le premier remonte au milieu des années 1990. À l'époque, quand les apprentis laissaient leur emploi pour aller à l'école des métiers, ils recevaient huit semaines d'assurance-emploi. Comme vous le savez, les choses ont changé et les apprentis, comme tout autre travailleur au chômage, doivent maintenant subir une attente de deux semaines avant de recevoir leurs prestations. Ils reçoivent donc des prestations pendant six semaines, au lieu de huit. Je vous prie de vous pencher de nouveau sur cela. Les jeunes travailleurs ne mettent pas d'argent de côté. La perspective de devoir se passer de revenu pendant deux semaines suffit à décourager certains jeunes travailleurs de fréquenter l'école des métiers. Ils finissent par abandonner leur formation en apprentissage, et la subvention versée à l'employeur est gaspillée.
Le deuxième changement — et je sais que cela ne relève pas du gouvernement fédéral — c'est qu'en Ontario, le gouvernement provincial a permis aux collèges d'exiger des droits de scolarité pour les formations en apprentissage. En ce moment, il en coûte 400 $ pour chaque session de huit semaines à l'école des métiers. L'élimination des deux semaines de prestations d'assurance-emploi et l'ajout de frais de scolarité se conjuguent pour faire grimper le coût de la formation que doit assumer l'apprenti. Encore une fois, les arguments économiques se tiennent. Quand vous augmentez le prix de quelque chose, il y en a moins. S'il faut payer plus cher pour fréquenter l'école des métiers, inévitablement, moins d'apprentis vont finir leur formation.
Vous devez reconnaître qu'il y a une tension — une contradiction, même — entre nos aspirations et nos politiques. D'un côté, nous nous préoccupons tous du nombre élevé d'apprentis qui ne finissent pas leur formation. De l'autre, les subventions encouragent les employeurs à utiliser les apprentis qui sont en première ou deuxième année de formation, mais ne les encouragent pas à investir dans le succès des apprentis. En parallèle, les comités mixtes, qui investissent d'importantes ressources dans le soutien des apprentis, reçoivent peu de soutien pour leur travail, ou n'en reçoivent pas du tout. Et le comble, c'est que d'autres changements dans les politiques se traduisent par une forte augmentation du coût de la formation en apprentissage.
Nos aspirations et nos politiques doivent être harmonisées. Nous espérons sincèrement que vous réussirez à résoudre ce problème.
Merci encore. Si vous avez des questions, je serai heureux d'y répondre.
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Merci. C'est un plaisir pour moi de m'entretenir avec le comité aujourd'hui.
Je m'appelle James St. John. Je suis le directeur commercial du Central Ontario Building Trades, ainsi que le directeur de Hammer Heads. Je suis accompagné aujourd'hui par Peter Reed, l'un des agents commerciaux du Central Ontario Building Trades et le représentant régional de Hammer Heads. Nous avons également un de nos directeurs affiliés, Steve Martin, qui est le directeur commercial de la section locale 353 de la FIOE.
Le Central Ontario Building Trades représente 80 000 hommes et femmes qui travaillent dans le secteur de la construction. Nous avons mis sur pied un programme qu'on appelle Hammer Heads, afin d'interagir avec les jeunes de la région du Grand Toronto. Nous sommes situés à Toronto, essentiellement dans la région du Grand Toronto. Le territoire que nous couvrons va de Trenton à Oakville à Parry Sound. Il s'agit donc d'une très vaste région qui représente, comme je l'ai déjà dit, 80 000 hommes et femmes du secteur de la construction.
Nous avons 26 sections locales syndicales qui nous donnent accès à des centres de formation de pointe où nous pouvons engager des jeunes de notre région. C'était l'un des principaux objectifs de notre programme, qui a été lancé grâce au Youth Challenge Fund. Ce fonds a injecté 51 millions de dollars pour nous aider à mobiliser les jeunes de manière significative afin qu'ils entreprennent une carrière, et non seulement des emplois temporaires. C'est de cette initiative que le programme Hammer Heads est né.
Nous ne sommes pas ici pour demander de l'argent au gouvernement, contrairement à bien d'autres témoins qui, j'en suis certain, se font entendre ici. Nous ne demandons pas d'argent aujourd'hui. Nous demandons plutôt au gouvernement de nous aider.
Avant de venir ici, j'avais une réunion ce matin sur la Colline. J'ai remarqué tous les travaux de construction. Je me suis demandé si l'entrepreneur chargé de tous ces travaux offrait des occasions d'apprentissage. Je ne sais pas si le comité le sait ou non, mais je crois que c'est une question impérative. Nous voulons que le gouvernement établisse un lien entre les projets d'infrastructure qu'il finance et les possibilités d'apprentissage offertes aux jeunes de nos communautés. Il ne lui en coûterait rien. Il n'en coûte rien aux employeurs, qui auront besoin de main-d'oeuvre pour effectuer les rénovations ou construire les nouveaux bâtiments prévus dans le cadre de vos projets d'infrastructure. Nous avons créé un programme qui nous permet d'offrir la formation et le mentorat dont ces jeunes ont besoin pour obtenir un plein emploi à la fin de notre programme.
Le témoin précédent a parlé du maintien de l'effectif et de la façon de mobiliser les jeunes. Les jeunes qui se sont engagés dans notre programme vivent dans 13 quartiers prioritaires de Toronto. Je crois que nous avons beaucoup plus de quartiers difficiles mais, pour une raison quelconque, nous n'avons que ces 13 quartiers soi-disant prioritaires. Notre programme ciblait d'abord les jeunes de ces quartiers prioritaires, et nous l'avons ensuite étendu aux quartiers de nos communautés qui sont en manque de ressources.
Nous accueillons des jeunes qui ont probablement été impliqués dans des activités de gangs, qui n'ont pas nécessairement terminé leurs études secondaires et qui ont eu des difficultés et des ennuis tout au cours de leur vie. Nous avons réussi à mobiliser ces jeunes et à transformer leur vie.
L'un des objectifs de Hammer Heads était de produire un impact immédiat. Un grand nombre des jeunes que nous ciblons ont déjà été prestataires du programme Ontario au travail. Au cours de la courte période d'existence de notre programme — il existe depuis près de trois ans maintenant —, nous avons retiré 21 jeunes du programme Ontario au travail pour en faire des apprentis du secteur de la construction, ce qui a permis de réaliser des économies de 184 000 $. Je le répète, il n'en coûte rien au gouvernement, tandis que nous avons allégé le fardeau que représentaient les jeunes prestataires du programme Ontario au travail, qui sont aujourd'hui des contribuables.
Je crois que ce modèle peut être reproduit ailleurs. Évidemment, nous oeuvrons à Toronto et dans la région du Grand Toronto, mais un programme semblable au nôtre peut être instauré partout au Canada. Il faut établir un pont entre les jeunes et les emplois spécialisés grâce à des possibilités d'apprentissage, ce que nous ne faisons pas suffisamment. Au bout du compte, lorsque nous investissons dans des projets d'infrastructure, il faut s'assurer que ces projets créent des possibilités d'apprentissage pour nos jeunes.
Nous engageons 45 jeunes par année dans notre programme de 12 à 14 semaines. Ce programme fonctionne comme un camp d'entraînement. Il faut comprendre que les jeunes avec lesquels nous travaillons n'ont pas été des élèves modèles, ni forcément des citoyens modèles, alors nous dirigeons notre programme sans ménagement.
Voici une journée typique des jeunes inscrits dans notre programme: les jeunes se lèvent probablement à 5 heures; ils prennent le transport en commun pour se rendre à deux endroits — ils doivent se rendre d'eux-mêmes jusqu'à nos autobus —, où nous les attendons pour les conduire à nos centres de formation. Toute la journée, ils apprennent les technologies vertes, ils reçoivent une formation pratique dans nos centres de formation de pointe et ils ont la possibilité de toucher à chacun des métiers. Nous représentons 26 sections locales différentes et chacune offre la possibilité d'apprendre un métier différent. Au lieu de dire simplement aux jeunes ce qu'ils vont devenir, nous les mettons dans des situations réelles. Ils ont la chance de toucher aux métiers, de s'en imprégner, avant d'être évalués par des professionnels, par des instructeurs spécialisés.
Les syndicats investissent collectivement entre 20 et 60 millions de dollars dans la formation, dans différentes régions du Canada. Nous avons des centres de formation à la fine pointe où nous formons nos membres. Rien ne nous empêche de former aussi quelques-uns de ces jeunes à risque pour leur permettre d'avoir une carrière intéressante. Hammer Heads, qui se trouve au coeur des métiers de la construction, peut s'adresser à tous les différents centres de formation pour trouver le métier qui convient à une personne qui n'a peut-être pas compris le métier d'électricien, de plombier, de calorifugeur, de monteur de charpentes métalliques ou de structures d'acier, de poseur de marbre et de tuiles ou de manoeuvre. Nous intégrons les jeunes dans ces environnements pour qu'ils puissent en faire l'expérience en temps réel et comprendre ce que serait leur vie dans ces métiers précis. Selon nous, c'est la meilleure façon d'évaluer les jeunes. Ils ne graviteront pas tous vers un métier particulier. Nous les laissons donc essayer toute la panoplie de métiers que nous représentons; c'est un aspect très important de ce que nous faisons.
De plus, nous suivons les jeunes de très près. Dans un court laps de temps, nous avons eu 107 participants et 98 diplômés. Ce qui nous impressionne le plus et ce dont nous sommes le plus fiers, c'est qu'après avoir terminé notre programme, cinq de nos jeunes ont décidé de poursuivre des études postsecondaires. Ce sont des jeunes issus de certains milieux difficiles qui avaient abandonné l'école; une fois qu'ils ont développé des intérêts et se sont donné une orientation, nous les avons incités à retourner à l'école.
Parmi nos 98 diplômés, 91 ont entrepris un apprentissage. Ce sont 91 jeunes dont nous avons transformé la vie. Le maintien en poste est essentiel. Comme John en a fait allusion, c'est fantastique d'entreprendre un apprentissage, mais encore faut-il le terminer. Nous suivons donc les jeunes pendant leur première année avec nous. Nous les accompagnons à leur première journée de travail pour les présenter aux employeurs; puis nous les évaluons à la fin de chacune des quatre premières semaines, et ensuite tous les mois pendant la première année, pour nous assurer qu'ils sont bien intégrés au système.
Nous offrons différentes façons d'interagir avec nos employeurs, mais ce n'est pas facile de traiter avec les jeunes auxquels nous avons affaire. Lorsque nous avons lancé le programme, nous avions affaire plus particulièrement aux jeunes de la diaspora africaine. C'était notre groupe cible, et il reste encore dans notre mire. Nous avons élargi le programme pour inclure les jeunes Autochtones; nous avons inscrit sept Autochtones dans notre programme et ils ont très bien réussi. Deux ont terminé leur formation générale et un autre a obtenu un diplôme d'études secondaires; comme John l'a mentionné également, nous croyons que l'éducation occupe une place importante dans ce que nous faisons.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la journée des jeunes inscrits au programme Hammer Heads se déroule de la façon suivante: ils se lèvent à 5 heures, ils prennent un autobus pour se rendre au centre de formation à 6 h 30, ils y arrivent à 7 h 30, ils reçoivent une formation toute la journée et ils quittent le centre de formation à 16 heures. Deux soirs par semaine, nous les amenons en autobus au Collège Frontière où ils suivent des cours de rattrapage, puisqu'un grand nombre de nos métiers comportent des exigences minimales. Le métier d'électricien en est un bon exemple: vous devez avoir terminé le cours de mathématiques, d'anglais et de physique de 12e année. Bon nombre des jeunes avec lesquels nous travaillons n'ont évidemment pas ces crédits. Nous travaillons donc avec eux pendant qu'ils font partie de notre programme pour nous assurer qu'ils obtiennent des mises à niveau dans ces matières afin de satisfaire aux exigences minimales et intégrer ainsi ces métiers. Les choses se passent assez bien.
Nous pourrions en faire davantage avec votre aide. Il faut s'assurer d'établir un lien entre les projets d'infrastructure et les apprentissages. Nous avons la possibilité de former ces jeunes, mais après qu'ils ont terminé notre programme, nous devons prolonger les emplois. Nous changeons leur mode de vie, mais il est essentiel qu'après les 12 semaines de notre programme et au moment où ils obtiennent leur diplôme, nous les rattachons immédiatement à une possibilité d'emploi pour que nous puissions continuer à imprimer un changement dans leur vie.
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Très bien. Ce n'est pas beaucoup.
Ce que je vais faire, si vous le voulez bien, c'est vous poser, à tous les deux, toutes mes questions en même temps, et vous pourrez ensuite prendre le temps qui reste pour y répondre.
Tout d'abord, monsieur St. John, quel programme vous avez! Quelle occasion extraordinaire de prendre un jeune à risque et de l'amener au seuil de la réussite, et vous le faites avec un seul jeune à la fois grâce à un programme de mentorat incroyable. Il me semble que ce programme devrait être reproduit d'un océan à l'autre.
J'aimerais que vous nous disiez comment nous pouvons nous y prendre, et je comprends qu'il faut créer des occasions d'apprentissage en en faisant une exigence contractuelle. Je crois que c'est absolument essentiel. Y a-t-il d'autres domaines où le gouvernement fédéral pourrait apporter une aide afin que ce programme prenne de l'expansion et se répande dans d'autres communautés?
Je voulais aussi vous poser une question au sujet des occasions à créer. J'utilise l'expression « exigence contractuelle ». Ce ne sont pas vos mots, mais il s'agit de faire en sorte que, grâce aux dépenses en infrastructure, nous créons des possibilités pour les jeunes qui participent à votre programme. Pensez-vous, comme M. Grimshaw, que si nous offrons un incitatif, il doit être accordé à la fin du projet? Les entrepreneurs ne peuvent pas soumissionner pour des contrats en disant simplement qu'ils vont créer x nombre d'occasions d'emploi, que 10 p. 100 des emplois seront réservés à des jeunes. Comment savoir s'ils vont tenir parole? Avez-vous réfléchi à cela? Comment pouvons-nous nous assurer que nous atteignons les objectifs que nous visons?
Monsieur Grimshaw, vos commentaires sur le maintien des apprentis ont retenu mon attention. Vous avez parlé un peu de l'assurance-emploi et des six semaines par rapport aux huit semaines. Un certain nombre de témoins nous ont dit également que l'une des principales préoccupations et l'un des principaux obstacles au maintien en poste, c'est que le traitement des demandes d'assurance-emploi est incroyablement lent, si bien que les jeunes, en particulier, ne reçoivent pas leur argent à temps, ne peuvent survivre dans l'intervalle et doivent abandonner leur programme d'apprentissage pour gagner leur vie autrement. Est-ce aussi ce que vous avez observé?
Nous avons travaillé ensemble dans une vie antérieure, lorsque vous étiez à Hamilton. Vous vous rappellerez que j'insistais beaucoup pour que des allocations de déplacement et de logement soient offertes aux gens de métier pour qu'ils puissent accepter des emplois loin de chez eux. À mon avis, c'est essentiel pour les apprentis également, et je crois vous avoir entendu dire que certains apprentis acceptent effectivement des emplois dans d'autres régions du pays. Pensez-vous que ce programme doit être offert aux apprentis également?
Je vais m'arrêter ici, mais j'aimerais bien poursuivre.
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Je peux dire très rapidement que je n'ai heureusement pas eu à demander de prestations d'assurance-emploi depuis un certain temps, mais je me rappelle l'époque où je fréquentais l'école de métiers. Vous avez tout à fait raison. La moitié du temps, on était là pendant huit semaines — et dans notre cas, c'était parfois 10 semaines —, et on obtenait enfin nos prestations d'assurance-emploi à la neuvième semaine. C'était une attente de deux mois et demi, et on parle ici d'une personne qui ne faisait pas beaucoup d'argent pour commencer. Il faut se rappeler qu'un apprenti touche 40, 50 et 60 p. 100, 80 p. 100 au moment de sa diplomation, depuis le premier jusqu'au cinquième niveau. Pour un apprenti de deuxième année qui ne fait pas beaucoup d'argent, qui a peut-être maintenant une famille et qui subit toutes sortes de pressions de l'extérieur, le fait de recevoir des prestations d'assurance-emploi en temps opportun serait très important.
À l'époque où je faisais partie d'un comité mixte chargé de l'apprentissage, je ne sais pas combien de fois j'ai entendu un apprenti dire: « Écoutez, je n'ai pas les moyens de fréquenter l'école ». Ce sont nos apprentis; leur salaire est pratiquement le double de celui d'un apprenti non syndiqué, et ils n'ont pas assez d'argent pour aller à l'école. Alors je peux imaginer ce que c'est pour les autres. Très souvent, il est plus facile, je crois, d'aller conduire un camion ou de trouver un emploi qui rapporte plus et qui est moins compliqué à obtenir. Comme je l'ai dit, un apprentissage est un investissement.
Lorsque j'ai accepté un emploi, il rapportait peu d'argent, mais je savais qu'au bout du compte, j'aurais une belle carrière. À la même époque, j'avais des amis qui balayaient les planchers à la Stelco pour un salaire deux fois plus élevé que le mien, et c'était bien plus difficile à faire.
Je ne prendrai pas plus de temps, mais oui et, soit dit en passant, nous aimons aussi les allègements fiscaux.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie infiniment d'être avec nous. Monsieur St. John, votre équipe et vous semblez faire de l'excellent travail pour encourager les jeunes à songer aux métiers de la construction.
Avant d'être élu, j'ai beaucoup travaillé dans le secteur puisque j'ai présidé la Greater Toronto Apartment Association pendant 12 ans. Je connais bien votre milieu, et je reconnais les mérites des partenariats fructueux, il me semble, qui ont été établis entre les employeurs et les syndicats dans certains de ces programmes.
À l'époque, nous proposions un programme d'apprentissage de gérants d'immeubles particulièrement réussi. Lancé en partenariat avec la Ville de Toronto et ses services sociaux, le programme s'adressait aux prestataires de l'assurance-emploi ontarienne. L'objectif était de les recycler pour qu'ils deviennent gérants de nos immeubles. C'était une réussite. Il s'agissait d'un véritable partenariat; je suis donc heureux d'apprendre que vous partagez cet objectif.
Monsieur Grimshaw, vous avez dit que le taux de rétention, de réussite et de placement de votre programme atteint 90 p. 100 alors qu'il n'est que de 50 p. 100 ou moins dans d'autres domaines. Pourriez-vous nous donner encore deux ou trois raisons précises pour lesquelles le taux d'achèvement de votre programme est aussi élevé comparativement aux autres?
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C'est une question d'aide. En fait, de nombreux éléments entrent en ligne de compte.
Lorsqu'un étudiant commence l'apprentissage du métier, tout le monde lui dit que les apprentis électriciens syndiqués qui terminent leur formation sont très bien rémunérés, sans compter les avantages sociaux, le régime de retraite et une certaine sécurité. C'est ce qui les attire dès le départ.
Les étudiants savent qu'ils auront de l'aide tout au long du processus. Prenons l'exemple des frais de scolarité dont nous avons parlé. La plupart de nos sections syndicales remboursent les frais de scolarité de l'apprenti à condition qu'il obtienne des résultats scolaires suffisants.
Les livres aussi coûtent cher. Nous avons parlé du retard des prestations d'assurance-emploi et du reste. Par-dessus le marché, l'Ontario demande 400 $ à tous ceux qui fréquentent l'école, une somme qui s'ajoute aux 300 ou 400 $ de livres nécessaires à la formation d'électricien. L'étudiant assiste alors aux cours les poches vides et avec un salaire minable. C'est là que nous intervenons: nous veillons à ce que les étudiants aient leurs livres et se fassent rembourser leurs frais de scolarité.
Les étudiants qui ont des problèmes en mathématiques peuvent recevoir l'aide d'un tuteur — dans notre milieu, ce sont généralement les mathématiques et les sciences qui posent problème. Nous avons des centres de formation et des responsables de formation. Nous disons à tous les étudiants de nous consulter sans tarder s'ils commencent à avoir des problèmes et à prendre du retard. N'oublions pas que les étudiants ont souvent 28 ans lorsqu'ils commencent leur formation; ils ne vont donc pas à l'école de métiers avant 30 ans.
À cet âge, la plupart d'entre eux ont déjà des familles ou de mauvaises habitudes en matière d'apprentissage, mais on les place malgré tout dans un milieu scolaire où ils ont huit semaines pour se mettre à jour. Il s'agit d'un véritable bourrage de crâne en accéléré. Compte tenu de la quantité incroyable d'information à intégrer en huit semaines, ceux qui prennent du retard dans la première ou la deuxième semaine n'y arriveront tout simplement pas.
Sans l'aide du syndicat, la plupart des apprentis doivent se débrouiller seuls pour rattraper leur retard, tandis que nous leur offrons des ressources faciles à obtenir. Il ne leur reste qu'à nous passer un coup de fil afin de parler à quelqu'un qui puisse les aider à rattraper leur retard ou à se remettre sur la bonne voie.
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J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que le député précédant a dit, et dont j'ai pris note.
Il affirme qu'une des difficultés du programme, c'est de réussir à donner toute la matière en huit semaines. Indépendamment des problèmes d'assurance-emploi, sur lesquels le comité se penchera assurément dans le but d'émettre des recommandations, serait-il possible de répartir la formation en segments pour les étudiants qui le souhaitent? L'apprenti pourrait ainsi alterner les études et le travail, que celui-ci soit lié au métier ou non. Il pourrait gagner de l'argent avant de revenir étudier un autre segment, puis un autre. La formation durerait peut-être plus longtemps, mais l'étudiant toucherait au moins un revenu pendant son programme d'apprentissage jusqu'à ce qu'il soit autorisé à exercer sa profession.
Est-ce faisable? Pour être efficaces, ces programmes d'apprentissage doivent-ils à tout prix être suivis intensivement de 9 heures à 17 heures du lundi au vendredi? Sinon, pourraient-ils être divisés en segments? Ainsi, l'étudiant pourrait étudier deux ou trois semaines avant de retourner gagner de l'argent pendant un mois, et il continuerait d'alterner les périodes d'études et de travail.
Est-ce faisable? Pourriez-vous organiser le programme de cette façon? Je suis persuadé qu'être un électricien qualifié est un travail considérable, et qu'il faut de solides connaissances, des formations en cours d'emploi, des formations en matière de sécurité, et ainsi de suite. Est-ce tout simplement irréalisable compte tenu de la nature de ce métier en particulier?
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Je peux vous donner des exemples concrets.
Lorsque je siégeais au comité mixte de formation par l'apprentissage — j'ai déjà été gestionnaire de la section syndicale des électriciens de Hamilton —, nous comptions environ 280 apprentis. Or, nous avions du mal à les garder sur les bancs d'école pour des raisons d'argent et je ne sais quoi encore. Nous avons donc rencontré les représentants du Collège Mohawk et du ministère de la Formation et des Collèges et Universités pour voir s'il était possible d'offrir des cours du soir deux fois par semaine, disons. Les apprentis pourraient alors travailler le jour et assister aux cours en soirée. Nous avons aussi demandé d'offrir la formation une semaine sur deux, exactement comme vous le proposez.
Ce format a été mis à l'essai dans deux ou trois programmes, mais s'est avéré un échec lamentable puisqu'on n'arrivait pas à retenir l'attention des jeunes, surtout de ceux qui travaillaient.
Les étudiants travaillent toute la journée, et parfois dehors. Vous qui avez évolué dans le milieu des immeubles résidentiels, vous savez assurément que ceux-ci sont construits à l'extérieur. Les étudiants passent donc la journée dehors et au froid, surtout en hiver. Ils doivent ensuite rentrer à la maison et manger en vitesse avant de se rendre au collège communautaire local pour apprendre une nouvelle matière pendant trois ou quatre heures. Que retiennent-ils? De manière générale, nous avons constaté qu'ils ne réussissent pas très bien.
Certains arrivent à concilier les deux et à travailler dans ces conditions. Or, la majorité des gens de métiers ne sont pas des intellectuels. Ils n'ont rien à voir avec les universitaires qui ne cessent de se bourrer le crâne. Ils sont habitués à leur mode de vie et réfléchissent différemment, pour la plupart. Compte tenu du taux de réussite alarmant, nous avons finalement dû mettre fin au programme et obliger les étudiants à suivre la formation en bloc.
En passant, je tiens à préciser que la formation ne dure pas 8 semaines seulement. Le premier bloc de 8 semaines est suivi de deux autres blocs de 10 semaines, pour un total de 28 semaines de formation.
Comme je l'ai dit, l'expérience m'a appris que cette solution ne convient pas vraiment à ce groupe particulier.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Les témoignages d'aujourd'hui sont très utiles.
Lorsqu'une personne de métier atteint le niveau du Sceau rouge, le degré de mobilité au pays est excellent. Les métiers ont beaucoup progressé ces dernières années. Mais c'est très frustrant. Des employeurs et des apprentis nous ont dit que la formation entraînait beaucoup de frustration.
Il y a un cas en Nouvelle-Écosse dont vous êtes sans doute au courant. Il n'est pas rare pour les gens de la Nouvelle-Écosse d'aller en Alberta; nous sommes comme des travailleurs étrangers, au Cap-Breton. Donc, les heures de travail accomplies par cet homme en Alberta n'étaient pas reconnues lorsqu'il est revenu en Nouvelle-Écosse; c'est très frustrant.
Monsieur Grimshaw, l'approche du comité mixte pour les apprentis est sensée. Je pense qu'elle est très équitable. Les employeurs et les apprentis en voient le bien-fondé. Le travailleur du Sceau rouge qui forme un apprenti est content de savoir que ce dernier a un certain niveau de connaissance avant d'arriver au chantier.
Pourquoi n'appliquons-nous pas ce modèle à un genre de programme national? Nous devons adopter une approche nationale pour aider à former les apprentis, selon chaque métier ou autrement. Vous faites du bon travail. Pouvons-nous élargir la portée de ce plan?
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Bonne question. Par expérience, je dirais que l'argent est le moteur d'à peu près tout. Si vous commencez par le haut...
La semaine dernière, j'ai participé à une réunion avec des gens de l'Alberta, de Suncor, de Shell et d'une autre société. Je ne pense pas que c'est la CNRL, mais c'est un autre grand exploitant des sables bitumineux. Les gens posaient le même type de questions. Comment pouvons-nous aider les apprentis à terminer leur formation et à devenir des compagnons d'apprentissage?
C'est inutile de faire entrer des apprentis s'il n'y a pas de compagnons d'apprentissage. Ça ne va pas régler le problème au bout du compte, mais seulement pour un jour ou pour une ou deux semaines. L'entrepreneur qui obtient du travail doit maintenant embaucher un certain nombre d'apprentis.
En passant, le taux en Alberta est d'un compagnon pour deux apprentis. Pour tous les métiers liés aux sables bitumineux, le taux de saturation est d'environ 30 p. 100 d'apprentis. Donc, même s'il peut y avoir deux apprentis pour un compagnon, le taux réel est d'environ trois compagnons pour un apprenti. Je parle des grands secteurs industriels, des sables bitumineux, des raffineries de pétrole, des usines de valorisation, etc. Ces secteurs n'utilisent pas seulement nos services; ils font aussi appel aux travailleurs non syndiqués, à d'autres syndicats et à d'autres gens pour faire le boulot. Tous les employeurs doivent désormais appliquer les programmes adéquats pour faire entrer des apprentis. L'entrepreneur va se conformer et prendre les mesures nécessaires pour obtenir le contrat.